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!!!Renommer les choses
!!!!1.
Les comédiens marchent. Ils doivent pointer du doigt autant de détails que possible de cet espace pendant une minute. Chaque fois qu'ils désignent quelque chose ils doivent dire à haute voix ''quoi''.
:? //Aller vite et trouver autant de détails que possible//
!!!!2.
Les comédiens marchent. Ils doivent pointer du doigt autant de détails que possible de l'espace pendant trente secondes. Mais cette fois, lorsqu'ils désignent quelque chose, ils doivent dire à haute voix le nom de la chose qu'ils ont désignée juste avant.
:Pour débuter le jeu, ils doivent donc désigner une première chose, mais ne rien dire.
:Par exemple une comédienne commence par pointer du doigt une table, puis elle désigne une lampe et dit « //table// »; ensuite elle désigne un livre et dit « //lampe// »,
!!!!3.
Les comédiens déambulent dans l'espace pendant vingt secondes. Pendant ces vingt secondes ils doivent désigner autant de détails de |'espace que possible.
À chaque fois qu'ils désignent quelque chose ils peuvent dire à haute voix n'importe quel mot, dans leur langue, autre que le nom de ce qu'ils désignent.
;Deux questions après :
:- Quelle était la séquence la plus facile ?
:- La plus difficile ?
!!!^^//Échec//
^^1,2,3, Planté !
!!!!1.
Les comédiens se mettent par deux, face à face. Ils vont sans cesse compter jusqu'à trois, et recommencer en alternant à chaque chiffre.
:Exemple : A dit « 1 ››, B dit « 2 ››, A dit « 3 ››, B dit « 1 ››, A dit « 2 ››, etc.
Ils doivent aller vite. À la moindre erreur ou la plus légère hésitation, ils doivent mettre leurs mains en l'air, et dire : « ''//Je me suis planté !//'' ››, puis chacun s'en va et trouve un nouveau partenaire avec qui reommencer le jeu.
Si, alors qu'ils cherchent un nouveau partenaire, les autres sont en train de jouer sans se tromper, ils doivent s'approcher d'une paire et faire tout ce qu'ils peuvent pour qu'ils se plantent.
!!!!2.
Une consigne supplémentaire : chaque fois que votre partenaire dira un chiffre vous devez taper dans vos mains.
> Célébrer l'échec donne une énergie positive.
>2 : faire la fête !
!!!^^//Jouer//
^^Attention à la balle
Les comédiens tout en se déplaçant se lancent une balle.
*Ils ne doivent jamais la garder, dès qu'ils l'ont attrapée ils doivent immédiatement la relancer.
*Si jamais la balle tombe, tout le monde s'arrête et pointe du doigt la personne jugée responsable de la chute.
*La personne désignée par le plus grand nombre de joueurs est éliminée.
*Les joueurs éliminés restent sur le côté MAIS doivent continuer à regarder et continuer à voter en désignant quelqu'un à chaque fois que la balle tombe.
Continuer à jouer jusqu'à ce qu'i| ne reste plus qu'un comédien.
>// Les votes doivent être instantannés et instinctifs, peut importe qu'ils soient toujours justes ! Tous doivent voter !//
:''= Jouer pour jouer, pas pour gagner.''
!!!^^//Compétition//
^^Les samurais
!!!!1
Les comédiens se répartissent dans l'espace. Ils vont jouer des guerriers samurais engagés dans un combat àmort. Un seul samurai restera en vie.
À la fin de ce combat et il ou elle sera déclaré vainqueur.
Les comédiens vont se battre au ralenti. Ils tiennent leurs avant-bras devant eux et font comme si c'était des lames empoisonnées.
* S'ils touchent l'avant-bras d'un autre samurai avec un de leurs avant~bras il ne se passe rien, les lames se bloquent l'une l'autre.
* Mais si leur avant-bras touche une autre partie du corps d'un opposant, l'opposant meurt immédiatement.
Les samurais morts doivent tomber au sol et y rester, créant un amoncellement de cadavres.
!!!!2
Le jeu est le même que dans la version 1, à l'exception de deux nouvelles
règles :
1. ''Chaque samurai décide du moment ou il va mourir''. Un samurai ne peut donc pas décider de tuer quelqu'un sans sa permission.
:Cela signifie que tout en combattant, chaque samurai doit à un certain moment décider de mourir et laisser ses opposants le toucher.
:Bien sûr, cela veut dire qu'un samurai ne peut pas frapper quelqu'un dans le dos sans que cette personne ait vu venir l'attaque, puisque cela voudrait dire qu'il aurait decidé le moment de la mort d'un autre samurai;
2. Quand vous mourrez, ''vous devez prendre un plaisir immense à mourir de la façon la plus spectaculaire possible''.
:Vous pouvez faire autant de bruit que vous voulez, mimer le jaillissement des organes hors de votre corps, chuchoter vos derniers mots, etc.
:N'oubliez pas que tout ça se passe au ralenti.
:''= 2 supprime toute compétition et est bien plus captivante.''
!!!^^//Vouloir être bon//
^^Association de mots
!!!!1
Le groupe est en cercle.
*Un comédien commence par dire un mot au comédien ou à la comédienne à sa droite dans le cercle.
*Cette nouvelle personne doit alors dire un mot associé au mot qui vient d'être dit à la personne suivante dans le cercle.
*Les mots continuent à circuler, chaque comédien associant avec le mot dit juste avant.
//Laissez-les faire le tour du cercle de nombreuses fois.//
!!!!2
Maintenant, quand arrive le tour de dire un mot, on peut dire n'importe quel mot, associé ou non au mot précédent.
On doit aussi se regarder dans les yeux en échangeant, cela les aide à mieux entendre les mots.
> Dans la version 2 on est libéré de vouloir faire une bonne association : on improvise bien mieux.
!!!^^//Risque, spontanéité, compétition//
^^La fusillade des mots
*Faites une ligne de cinq à dix joueurs, debouts.
*Les autres joueurs s'assoient en face et sont le public.
*Le coach s'agenouil|e devant le public, face à la ligne.
*Le public choisit une catégorie ou un thème : les animaux, les sports, les capitales, les films de Truffeau, etc.
?Le coach désigne les comédiens, un à la fois, dans un ordre aléatoire.
?Chaque fois qu'un comédien est désigné, il ou elle doit immédiatement dire un mot en lien avec la catégorie choisie.
!!!!Le public joue un rôle important dans ce jeu :
* Si, lorsqu'un comédien est désigné, il a la moindre ''hésitation'' et qu'il ou elle ne dit pas immédiatement un mot, le public doit crier « ''FUSILLÉ !'' » et le comédien est éliminé dujeu.
* Si un comédien ''répète'' un mot qui a déjà été dit, le public crie « ''FUSILLÉ !'' » et le comédien est éliminé.
* Si un comédien dit un mot mais que le public considère que le mot n'a ''aucun rapport'' avec la catégorie choisie, le public crie « ''FUSILLÉ !'' » et le comédien est éliminé.
Le public doit être très attentif, et sans merci. À la plus petite erreur les spectateurs crient « ''FUSILLÉ !'' ». Quand un Comédien est éliminé, il quitte la ligne et rejoint le public et peut maintenant crier lui aussi « ''FUSILLÉ !'' » avec le reste du public.
:Une nouvelle catégorie est choisie par le public après chaque élimination.
:Continuer à jouer jusqu'à ce qu'il ne reste qu'un comdien sur scène; il ou elle sera le vainqueur.
!!!Une histoire trois mots à la fois avec des piranhas
Cinq ou six comédiens en ligne.
*Asseyez-vous en face d'eux sur un siège confortable.
*Dites~leur que vous êtes un méchant dans un James Bond : vous êtes étranger (les méchants dis James Bond le sont toujours). Donc vous ne com-prenez pas la langue dans laquelle les comédiens vont jouer. Pourtant, on vous a dit que ce sont les meilleurs conteurs du monde, et vous voulez donc les entendre, même si vous ne comprendrez pas les mots.
*Ils vont raconter l'histoire « trois mots à la fois », c'est-à-dire que lorsque chaque comédien parle il ou elle ne peut ajouter que trois mots — noms ou verbes — à l'histoire (articles, pronoms, auxiliaires, adjectifs, adverbes non comptés).
*Quand le comédien de fin de ligne a dit trois mots, la narration reprend avec le comedien de début de ligne.
*Enfin, dites aux comediens qu'ils se tiennent sur une trappe et que vous pouvez ouvrir par un levier à n'importe quel moment, si vous pensez qu'i| y a un problè me avec la narration, vous tirerez sur le levier et tous les comédiens tomberont dans une fosse o? ils seront dévorés vivants par des piranhas.
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* Ne faites pas attention aux problèmes, de grammaire ou aux incohérences verbales puisque vous ne comprenez pas les mots.
* En revanche, vous chercherez les problèmes exprimés par le langage corporel et l'attitude des comédiens.
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Demandez au public le nom d'un conte connu : Ce sera l'histoire que les comédiens devront vous raconter. Pour plus de fun, mimez le fait de caresser un chat pendant qu'iI vous racontent l'histoire. ?
> Le groupe gagne ou échoue ensemble.
> Quelques soient les incidents, le groupe fait comme s'il pouvait gérer : les comédiens restent l'air heureux et dynamique.
!!!^^//Être compétent//
^^La voix off publicitaire
Le groupe se divise en paires.
| À la fin des publicités à la télé ou à la radio il y a souvent quelques lignes dites en voix off extràmement rapidement. Ces phrases donnent les mentions légales ou des recommandations médicales. Elles ne durent en général qu quelques secondes, mais elles sont impeccablement prononcées et articulées, sans hésitation ni confusion. |
*Dans chaque paire, un comédien proposera un produit à son ou sa partenaire.
*Dès que le produit est proposé son partenaire doit improviser une phrase de mentions légales pour une publicité de ce produit.
//Il n'y a besoin que de deux ou trois phrases à dire vite tout en articulant clairement, sans hésitations ni « heu ».//
*Les comédiens échangent ensuite les rôles.
Faites faire deux ou trois phrases finales à chacun.
> Prendre le risque d'échouer.
!!!^^//Être compétent//
^^L'audioguide
!!!!1
Le groupe se divise en paires.
- B sera en train de visiter quelque chose, par exemple une exposition, un musée, un monument, ou n'importe quel autre lieu que vous pouvez visiter avec un audioguide. Le choix du lieu n'est pas établi avant que le jeu commence. B commencera à marcher et mimera le fait d'approcher un de son oreille et d'écouter.
- Dès que B a l'audioguide à l'oreille, A commencera immédiatement à improviser la voix de l'audioguide, enregistrée par un comédien professionnel qui dit le texte avec précision, sans hésiter ni bafouiller pour donner des informations détaillées quant à ce que B est en train de visiter.
!!!!Il y a deux boutons sur l'audioguide :
* Si B touche un bouton et fait ''BIP'', A doit passer au chapitre suivant de la visite.
* Si B touche un bouton et lait ''ZOUIP'', A doit revenir en arriàre et répéter son discours.
B est libre d'appuyer sur les boutons quand il ou elle veut pendant la visite.
!!!!2
!!!!Il y a un troisième bouton maintenant pour changer de langue.
* B pour presser un bouton doit dire à haute voix la langue choisie (russe, anglais, chinois, hongrois, etc), ou revenir à tout moment en disant « //FRANÇAIS// ».
* A, à chaque nouvelle langue, doit instantanément improviser en gromelot une version de la langue qui soit crédible.
://Les boutons permettent en fait à B d'aider A à sortir d'une difficulté.//
> Le locuteur compétent paraît calme, régulier et sûr de soi, sans chercher "à jouer".
!!!^^//Être compétent//
^^Le gros titre
En paires.
Chaque paire décide qui est A et qui est B.
Les comédiens jouent ''deux amis au petit-déjeuner. ''
* A est asis sur une chaise et mime le fait de lire un journal.
* B est debout et mime le fait de faire la vaisselle.
Quand la scène commence B se retourne, regarde le journal et dit « //Hé, tu as vu... ?//» et termine sa phrase en improvisant le gros titre de la première page. Ça peut àtre n'importe quoi : « //Des cochons trouvés sur Mars// », « //La Reine d'Angleterre a disparu// ».
* A tourne les pages du journal et répète le titre donné par B. Il commence alors à lire à haute voix l'article lié au gros titre. Il doit le lire de façon claire et neutre, sans s'arrêter ni hésiter. L'articie apporte de nombreuses précisions : noms,lieux, dates, statistiques, etc.).
* B écoute, en s'interessant plus ou moins.
Laisser jouer un moment, puis inverser les rôles pour un nouvel article.
://Interdire tout commentaire verbal ou gestuel de la part du lecteur.//
> Ne pas craindre d'être jugé
> S'autoriser à être vulnérable, sortir de son périmètre de sécurité.
| SPONTANÉITÉ <=> INSTABILITÉ + VULNÉRABILITÉ |h
{{homeTitle center{Jean Antolinos}}}{{small{
|adresse| |
|TEL| 01 43 37 66 80 |
}}}
prenom:Le choix de Jean Antolinos
ArtDeDire3: Se voir le plus possible, de Alfred de Musset
!!!!Dernières vidéos
|<<forEachTiddler where 'tiddler.text.contains("VIDÉO|") && tiddler.tags.contains ("Jean")' sortBy 'tiddler.title'>> |
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@@<<storyViewer 'CÉCILE OU L’ÉCOLE DES PÈRES'>>@@
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//Un jardin de caisses d’orangers. La maison à gauche, à droite un petit pavillon chinois.
En scène, M. Orlas assis dans le pavillon et Araminthe debout près de lui. Costumes Louis XV bourgeois ou Louis XVI peut-être - mais aussi faux que possible.//
<<<
;MONSIEUR ORLAS
:Araminthe, je suis très inquiet. J’ai toujours pensé que vous étiez trop jeune et trop charmante pour vous occuper de ma fille.
;ARAMINTHE
:Nous étions quatre candidates à ce poste de gouvernante. Les trois autres étaient vieilles ou laides à souhait. Pourquoi m’avoir choisie, monsieur ?
;MONSIEUR ORLAS
:Parce que vous étiez jeune et belle précisément. Mais j’ai peur quelquefois de ne vous avoir choisie que pour moi-même. Avoir un pou chaque jour à ma table m’a paru au-dessus de mes forces. Je crains cependant d’avoir été un mauvais père. J’aurais dû confier Cécile à un vieux dragon et le subir moi-même stoïquement. J’aurais pu prendre mes repas à part ou bien lire les gazettes à table.
;ARAMINTHE
:Entre autres choses, vous m’avez demandé d’apprendre à Mlle Cécile que rien n’était plus déplacé que de lire en mangeant.
;MONSIEUR ORLAS
:J’ai été un fou ! D’abord vous avez le même âge.
;ARAMINTHE
:Mlle Cécile a dix-sept ans et j’en ai bientôt vingt-trois.
;MONSIEUR ORLAS
:C’est la même chose.
;ARAMINTHE
:Permettez-moi de vous contredire, monsieur. J’ai le sentiment d’avoir appris beaucoup de choses en cinq ans. Et d’abord à me méfier des hommes.
;MONSIEUR ORLAS
://soudain// - Pourquoi me dites-vous cela?
;ARAMINTHE
:Pour répondre à ce qui semble vous inquiéter. Je suis très capable de protéger Mlle Cécile dont la jeunesse et l’inexpérience pourraient se laisser abuser, en effet, par de belles paroles. Vous devez me rendre cette justice, monsieur, je ne m’en laisse pas conter.
;MONSIEUR ORLAS
:Je me demande pourquoi vous vous ingéniez à être désagréable avec moi, Araminthe ?
;ARAMINTHE
:Qu’ai-je dit de désagréable?
;MONSIEUR ORLAS
:«Je ne m’en laisse pas conter.» Qu’est-ce que cela veut dire? Que je vous en conte? Cette rhétorique de jeunes oiselles a toujours été de l’hébreu pour moi. Je vous ai fait quelques compliments ? La belle affaire ! Vous n’êtes plus une enfant, vous avez vingt-trois ans. Je suis un homme pour qui l’amour a toujours été le grand souci et quoique père de Cécile je n’ai pas passé l’âge d’aimer, Dieu merci! Croyez-vous que cela soit facile de vivre dans l’intimité d’une fille ravissante? Je vous ai chaque jour en face de moi à table, me souriant pendant que Cécile rêve à je ne sais quoi... Le soir nous montons tous les trois aux étages et votre chambre est à deux pas de la mienne. Je suis un fou ! J’aurais dû choisir un dragon.
;ARAMINTHE
:Il est encore temps.
;MONSIEUR ORLAS
:Il est toujours temps de se rendre malheureux pour rien. Je ne parle pas de la peine qu’aurait Cécile qui s’est beaucoup attachée à vous. Ma propre vie en sera tout assombrie. J’expédierai mes repas pour abréger le supplice et j’aurai des maux d’estomac - ce qui aigrit toujours le caractère. D’ailleurs je ne supporterais pas de vous savoir dans une autre maison en proie à la convoitise des hommes. Vous êtes une enfant. Vous avez vingt-trois ans, ne l’oubliez pas ! Que savez-vous de la vie, ma chère? Vous êtes tombée ici sur un homme bien éduqué, qui vous respecte. Allez vous placer chez le baron pour élever sa fille, comme je sais qu’on vous l’a proposé récemment. Je ne vous donne pas deux jours pour qu’il vienne gratter à la porte de votre chambre !
;ARAMINTHE
:Il faut vous rendre cette justice à votre tour, monsieur; vous avez attendu toute une longue semaine pour le faire.
;MONSIEUR ORLAS
:Je suis un homme bien éduqué. D’ailleurs vous ne m’avez pas ouvert.
;ARAMINTHE
:Comme je n’ouvrirais pas au baron si j’avais le malheur de perdre votre confiance et que je dusse un jour aller me placer chez lui.
;MONSIEUR ORLAS
:Vous n’allez tout de même pas me comparer à ce barbon ?
;ARAMINTHE
:Je crois avoir entendu dire que vous étiez condisciples chez les P.ères et qu’à un an près, vous avez le même âge.
;MONSIEUR ORLAS
:Oui, mais lui, il le porte. D’ailleurs, laissons cette question. Si je ne vous avais pas remarquée d’une façon ou d’une autre, j’ai l’expérience des contradictions féminines, vous auriez été la première à vous en offenser.
://Il se lève, soucieux.//
:Je suis très inquiet Araminthe, ce petit chevalier est beaucoup trop à la maison.
;ARAMINTHE
:Il aime Mlle Cécile et Mlle Cécile l’aime.
;MONSIEUR ORLAS
:Qu’en savent-ils à leur âge? D’abord c’est un garçon qui n’a pas d’état. Son père est un peu serré et il a déjà les deux aînés sur les bras et, même s’il faisait les trois filles religieuses, il ne l’établirait pas. Il en fera peut-être un Chevalier de Malte, si le grand-oncle décède à temps. C’est tout ce qu’il peut espérer. Donc, de toute façon, le mariage est exclu pour lui. Il faut que leur intimité cesse !
;ARAMINTHE
:Ils se verront en cachette.
;MONSIEUR ORLAS
:Mille diables, mademoiselle, est-ce à vous de me dire cela ? Vous serez là pour l’empêcher.
;ARAMINTHE
:Le voudrais-je que ce serait au-dessus de mes forces. Leur passion vaincra tous les obstacles. Et je ne le voudrais pas, monsieur. Je ne puis pas voir souffrir d’amour.
;MONSIEUR ORLAS
:Ah vraiment? Les souffrances de ce blanc-bec si je lui interdisais de voir Cécile vous seraient insupportables - et les miennes depuis six mois que je me dessèche à votre porte, vous les supportez fort bien?
;ARAMINTHE
:Si je vous avais ouvert, monsieur, croyez-vous que j’aurais pu continuer à mériter votre confiance auprès de Mlle Cécile ?
;MONSIEUR ORLAS
:N’embrouillez pas la question. Je vous demande certes d’être très stricte pour Cécile qui est encore une enfant, mais...
;ARAMINTHE
:Nous avons le même âge.
;MONSIEUR ORLAS
:Vous avez vingt-trois ans que diable ! et elle en a dix-sept. En cinq ans une fille a le temps d’apprendre à connaître le monde, à juger de la qualité d’un homme et de la sincérité d’un sentiment. Je ne vous comprends pas, Araminthe. Vous ne pouvez pas pourtant ne pas voir que je suis amoureux de vous.
;ARAMINTHE
:Je crois, en effet, qu’on ne peut pas ne pas le voir, monsieur. Vous y mettez toute l’indiscrétion possible. Je dois faire des prodiges d’habileté pour que Mlle Cécile ne s’en aperçoive pas. Si vous ne cessez pas d’essayer d’atteindre mon genou sous la table, un jour vous atteindrez le sien.
;MONSIEUR ORLAS
:Une caresse amicale de son père ne peut en rien étonner cette enfant. Je la baise cent fois par jour.
;ARAMINTHE
:S’il lui venait le soupçon que cette caresse amicale de son père était destinée à un autre genou, je craindrais que cela ne la blesse, monsieur. Et plus gravement que votre légèreté ne peut l’imaginer.
;MONSIEUR ORLAS
:// bougonne, un peu rêveur//
:Ma légèreté... ma légèreté...
://Il demande soudain d’un autre ton ://
:Je suis donc un mauvais père, Araminthe, selon vous ? Je ne m’en consolerais pas.
;ARAMINTHE.
:Vous avez le désir d’être le meilleur père du monde, monsieur; mais je pense que c’est à moi de veiller à ce que celui-là, au moins, de vos désirs se trouve réalisé. C’est pourquoi je range mes genoux sous ma chaise dans une position très incommode je vous l’assure, et je ne vous entends jamais gratter à ma porte le soir.
;MONSIEUR ORLAS
://se rapproche, un peu ignoble//
:Et si je mettais Cécile au couvent (un couvent très gai, des vacances en quelque sorte) - ou si je l’envoyais passer quelque temps chez sa tante la chanoinesse? Elle aurait là-bas une quantité de petits cousins pour l’amuser...
;ARAMINTHE
:Vous ne voudriez pas lui faire cette peine et la séparer de son petit chevalier? Et d’ailleurs Mlle Cécile absente, ma place ne serait plus dans cette maison. Je la garde, monsieur, mais elle me garde aussi. Nous ne saurions nous passer l’une de l’autre au milieu des dangers que nous courons.
;MONSIEUR ORLAS
://soupire// La vie est un abîme de contradictions, Araminthe! Je passe dans mon cabinet pour réfléchir à tout cela. Je ne peux pas croire qu’il n’existe pas une solution où le devoir et le bonheur se concilient.
;ARAMINTHE
:Je crois que c’est la grande recherche des hommes, monsieur, depuis qu’ils sont sortis de leurs cavernes pour essayer de vivre en société. Ils n’ont inventé que le mariage pour essayer de concilier, pour un temps, ces deux notions.
;MONSIEUR ORLAS
:Pour un temps très court, Araminthe. Croyez-en un homme qui a tenté l’aventure. Après, c’est comme dans ces expériences de chimie où se complaît notre voisin M. de Voltaire. Le mélange pétille au début ; puis le bonheur qui est volatil s’évapore et il ne reste dans la cornue que le gros caillou gris du devoir.
://Il demande, soucieux ://
:Le chevalier vient encore aujourd’hui ?
;ARAMINTHE
:Ainsi que chaque après-midi.
;MONSIEUR ORLAS
:Ne les laissez pas seuls une minute! Ces enfants se caressent et s’embrassent dès que vous avez le dos tourné.
;ARAMINTHE
:C’est de leur âge.
;MONSIEUR ORLAS
://un peu sec//
:C’est aussi du mien et je m’en passe pourtant.
://Il va sortir, il se ravise, va à elle.//
:Araminthe, c’est trop cruel. Laissez-moi vous prendre une fois dans mes bras ?
;ARAMINTHE
:// le repousse, ferme et souriante.//
:Non, monsieur. Pas la plus petite fois.
;MONSIEUR ORLAS
://sortant dépité//
:Soyez impitoyable avec eux ! Que leurs chaises même ne se touchent pas ! Et s’ils collationnent, surveillez la nappe. C’est trop facile d’étendre la jambe par-dessous. Tenez ! Apprenez donc à ma fille comment il faut se tenir sur sa chaise pour qu’un genou ne vous atteigne pas !
;ARAMINTHE
://sourit// J’ai peur que cet exercice de gymnastique lui paraisse moins nécessaire qu’à moi, monsieur.
;MONSIEUR ORLAS
://sort, soupirant// - Je suis un homme bien malheureux Araminthe !
<<storyViewer 'CÉCILE OU L’ÉCOLE DES PÈRES'>>
<<storyViewer 'CÉCILE OU L’ÉCOLE DES PÈRES'>>
://Une toute petite musique peut-être, puis entrent M. Orlas et Cécile, se promenant.//
;MONSIEUR ORLAS
:Cécile, il faut que je vous parle. Voilà longtemps que je le désire - nous ne faisons pas grand-chose ni l’un ni l’autre de nos journées et je n’en ai positivement pas trouvé le temps. Les petits soucis de cette maison m’accablent. Vous êtes très jeune Cécile, vous apprendrez en grandissant que c’est toute une affaire de vivre. En fait, me direz-vous, il suffit de se lever le matin et de se coucher le soir et, avec un peu de patience, le jour passe... Pour peu qu’on prenne goût aux plaisirs de la table et qu’un ami ou deux vienne bavarder avec vous l’après-midi, le tour est joué. Il est l’heure de retourner au lit et d’oublier. Malheureusement la tête travaille.
;CÉCILE
:Oui, papa.
;MONSIEUR ORLAS
:Oui, papa ! cela ne veut rien dire. Je ne vous demande pas de m’écouter bien poliment en pensant à autre chose, Cécile. Je vous demande de faire un effort pour comprendre ce que je vous dis. C’est trop facile d’être une enfant, de penser : « Les pères sont bêtes, bornés par définition ; ils vivent avec leurs préjugés d’un autre âge, ils ne savent rien de ce qui est bon. Écou-tons-les bien respectueusement, puisque c’est l’usage. - Oui papa. Je vous le promets papa, - et n’en faisons qu’à notre tête, une fois qu’ils ont le dos tourné. »
;CÉCILE
:Non, papa.
;MONSIEUR ORLAS
:Non, papa ! c’est la même chose. Je vous demande un peu moins de respect, Cécile, et une petite lumière dans vos yeux qui me montre que vous m’écoutez. Si je vous parle comme un père et vous comme une petite fille, nous nous quitterons tout à l’heure, vous avec une révérence, moi une petite tape amicale sur votre joue, et nous n’aurons pas avancé d’un pas. J’aimerais que vous renonciez aux privilèges de votre âge et que vous m’accordiez, pour un moment, l’attention et la considération que vous auriez pour un autre enfant.
;CÉCILE
:Vous savez que je vous obéis toujours respectueusement en tout, papa.
;MONSIEUR ORLAS
:Bon ! vous faites la sotte maintenant. Ce n’est pas là ce que je vous demande, vous le savez fort bien. Mais enfin quelque chose dans votre regard vous a trahie et je pense que vous m’avez compris. Vous êtes un petit être vif, rusé, sage comme un vieux Chinois avec vos airs de folie, mais des conventions millénaires ont dressé une barrière infranchissable entre nous. Parce que je suis votre père et que vous êtes ma fille, nous nous croyons obligés l’un et l’autre de jouer des rôles tout faits. Ce que je vais vous dire est d’avance marqué dans votre esprit de banalité, de conformisme, d’ennui. Vous êtes injuste, Cécile... Imaginez un instant que je ne suis pas votre père, je vous assure que je suis un homme drôle et charmant.
;CÉCILE
:Oui, papa.
;MONSIEUR ORLAS
://amer// - Oui, papa ! Ne me répondez rien du tout, je crois que nous avancerons plus vite. Je vais d’abord vous faire un aveu Cécile, j’ai à peu de chose près le même âge que vous.
://Il la regarde, satisfait.//
:Ah! j’ai réussi à vous étonner, tout de même ! Mais vous vous méfiez encore, je le vois bien. Vous vous dites que c’est un début inhabituel; mais restons tout de même sur nos gardes. Tout cela va se transformer en interdictions et en morale comme d’habitude. Rien d’autre ne peut sortir de la bouche d’un père, c’est connu. Vous savez de quoi vous avez l’air en ce moment, Cécile? D’un petit prisonnier que l’état-major ennemi interroge... Pourtant vous êtes grande et belle; dans un an, dans un mois, qui sait, demain peut-être, vous serez passée dans l’autre camp, vous aussi: vous serez une femme. Nous pourrons nous comprendre alors, mais il sera peut-être trop tard. J’aurais voulu trouver le chemin de votre cœur avant.
;CÉCILE
:Mais mon cœur est à vous, papa.
;MONSIEUR ORLAS
:Comme une petite boîte fermée dont on a égaré la clef. Je ne saurai jamais ce qu’il y a dedans.
:CÉCILE
://après un temps.// - Je ne sais pas ce que vous voulez dire, monsieur.
;MONSIEUR ORLAS
:Ah ! vous n’avez pas dit papa, cette fois. C’est un progrès. Je vais vous faire un second aveu, Cécile; non seulement nous avons le même âge, mais encore vous me plaisez beaucoup. C’est une chance que nous avons tous deux de nous dépêtrer des conventions. Vous eussiez été un vilain petit pou, une bigote ou une sotte, tout simplement, il ne me serait même pas venu à l’idée d’essayer de me faire remarquer de vous. Voilà dix bonnes minutes que je fais de l’esprit pour vous plaire et je ne suis même pas sûr de vous avoir un peu étonnée. C’est bien triste, Cécile ! Vous verrez en vieillissant un peu qu’il n’y a pas tant d’hommes intéressants dans ce monde. Vous en aviez un sous la main. Il est navrant, sous prétexte qu’il était votre père, que vous ne lui eussiez pas accordé d’attention.
:CÉCILE
://après un temps.// - Vous me forcez peut-être un peu vite, monsieur. C’est notre première rencontre. Il faudra que nous nous revoyions.
;MONSIEUR ORLAS
:Merci, Cécile ! Vous êtes une fille d’esprit, Dieu merci je ne m’étais pas trompé. Et vous êtes la sagesse même. J’ai un peu brusqué les choses en effet. Il faut être resté un bien petit jeune homme pour croire qu’on force les cœurs... Nous y mettrons tout le temps qu’il faudra. (Vous voyez, pour certaines choses, vous en savez plus long que moi.) Laissez-moi vous baiser la main comme à une dame. Je note que vous m’avez promis un autre rendez-vous. Voulez-vous que nous disions ce soir, après dîner, dans le jardin? Nous ferons semblant tous deux de monter dans nos chambres et quand tout le monde dormira nous nous retrouverons ici. Il vaut mieux que personne ne soit au courant de nos rencontres.
:CÉCILE
://balbutie, désemparée.// - Ce soir, monsieur?
;MONSIEUR ORLAS
:Oui. Cela vous paraît trop vite? Vous voulez réfléchir un peu ?
://Cécile ne dit rien.//
:Hé bien ! répondez, qu’est-ce qui vous embarrasse ?
:CÉCILE
://soudain. //- Puisque vous voulez que nous parlions franchement : monsieur, ce soir, je serai prise.
:MONSIEUR ORLAS
://sursaute//. - Vous serez prise ? Après le dîner? Que voulez-vous dire par là? J’ai peur de mal vous entendre.
;CÉCILE
:Je serai prise. Je ne peux pas vous en dire davantage, monsieur.
:MONSIEUR ORLAS
://soudain, hors de lui//. - Vous ne pouvez pas m’en dire davantage, mademoiselle? Savez-vous bien que vous êtes en train de vous moquer de moi en ce moment ? Et que je ne le tolérerai pas ! Vous avez un autre rendez-vous peut-être ? Répondez !
://Cécile se tait.//
:Cécile, je suis votre père et j’exige que vous me répondiez ! Voilà qui est un peu fort par exemple ! « Monsieur, ce soir je serai prise. » Avoir le front de venir me dire cela, à moi, à son propre père, à dix-scpt ans ! Pensez-vous me faire le complice de vos dévergondages, malheureuse enfant ? Que faites-vous du respect que vous me devez en tout état de cause ? Oubliez-vous donc qui je suis et faudra-t-il que je vous le rappelle ? Ah ! je regrette, je vous l’assure, ma crédulité et ma confiance; mais je saurai vous traiter comme vous le méritez dorénavant. Montez dans votre chambre, mademoiselle.
://Cécile va parler.//
:Et sans un mot ! Je vous y consigne jusqu’à nouvel ordre et je vous jure bien que je ferai en sorte que vous n’en bougiez pas ce soir ! Allez !
://Cécile lui fait une révérence et rentre dans la maison.//
://Sur le seuil elle se retourne et lui dit simplement, navrée.//
;CÉCILE
:Vous voyez comme c’est difficile, monsieur.
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;MONSIEUR ORLAS
://quand Cécile est sortie//.
:- « Vous voyez comme c’est difficile, monsieur ! » Quelle impudence ! À un père ! Mais il n’y a donc plus rien de sacré !
://A Araminthe qui entre://
:Araminthe, je suis hors de moi !
;ARAMINTHE
:Que se passe-t-il donc, monsieur?
;MONSIEUR ORLAS
:J’avais formé le dessein de parler de cœur à cœur à Cécile. Je m’étais ingénié à la mettre en confiance, à lui faire comprendre que ce n’était pas le père, mais l’ami qui lui parlait. Je croyais percer ce petit mystère et m’en faire entendre encore une fois : je lui propose un rendez-vous dans le jardin la nuit tombée, pensant qu’un peu de romanesque faciliterait notre conversation, je lui avais demandé d’être franche avec moi et d’oublier qui j’étais et vous savez ce qu’elle me répond ?
;ARAMINTHE
://riant//. - Qu’elle ne pouvait pas ce soir, qu’elle était prise ?
;MONSIEUR ORLAS
://sursaute//. - Mille diables, mademoiselle ! On se moque donc de moi dans cette maison ! Vous étiez déjà au courant ?
;ARAMINTHE
:Monsieur, vous avez voulu que Cécile vous parle en amie et je trouve infiniment touchante la marque de confiance qu’elle vous a donnée en vous disant aussi simplement la vérité. C’est exact, ce soir elle est prise.
;MONSIEUR ORLAS
:Ma fille est prise ce soir! Et sa gouvernante elle-même me le confirme avec le plus grand sérieux ! Nous sommes dans un asile de déments. Est-ce qu’il ne serait pas indiscret de vous demander, mademoiselle, par qui ma fille est prise ce soir ?
;ARAMINTHE
:Si, monsieur. Ce serait l’indiscrétion même. C’est un secret entre nous deux.
;MONSIEUR ORLAS
:C’est un secret entre vous deux! Voilà qui est admirable... Araminthe, je suis peiné. Cécile n’est qu’une petite tête sans cervelle, mais j’espérais que vous, du moins, vous ne vous moqueriez pas de moi. Je suis un homme très seul, Araminthe. J’ai l’air gai, je suis la plupart du temps au désespoir. Quand je m’enferme dans mon cabinet, vous croyez tous que je travaille ? (A quoi mon Dieu, je n’ai jamais rien fait de ma vie!) La maison entière marche sur la pointe des pieds pour ne pas me déranger. En fait, vous savez ce que j’y fais dans ce sanctuaire, je reste assis des heures à ma table et je regarde le mur en face de moi.
;ARAMINTHE
:Il faut venir parler avec nous, monsieur. Nous serions, votre fille et moi, trop heureuses de vous distraire.
;MONSIEUR ORLAS
:Je ne me sens pas en confiance avec vous. Je devine que vous avez toujours quelque petit secret qui n’appartient qu’à vous. Vous riez comme deux folles au-dessus de vos tapisseries en vous chuchotant Dieu sait quoi à l’oreille ; j’arrive et vous cessez aussitôt. On dirait positivement que je vous glace.
;ARAMINTHE
:C’est le respect que nous vous devons toutes deux, monsieur, qui nous arrête. Vous êtes le maître, vous avez de graves soucis; nous pensons que vous devez avoir bien autre chose en tête que nos bêtises.
;MONSIEUR ORLAS
:C’est une erreur. Je n’ai rien en tête, apprenez-le, Araminthe, que mon ennui. Mon bien est modeste, mais il s’administre tout seul, et je n’ai jamais eu le bonheur, comme la plupart des hommes de mon âge, de prendre au sérieux la politique. Quand j’avais vingt ans, je vivais de bêtises comme vous et le temps me filait entre les doigts. J’ai cru qu’il fallait prendre une attitude pour me donner de l’importance en mûrissant. Chaque jour qui passe m’enferme un peu plus dans cette prison ridicule où je suis mon seul geôlier. Pourquoi ne voulez-vous pas m’en sortir en m’aimant, Araminthe ? Ce serait un acte de charité.
;ARAMINTHE
:Je crois qu’on n’a jamais aimé personne pour autre chose que pour son plaisir, monsieur. Mais vous êtes jeune encore et séduisant. Pourquoi ne prenez-vous pas une maîtresse? Cela occuperait vos journées.
;MONSIEUR ORLAS
://s’exclame//. - Par exemple! La belle question ! C’est à moi de vous la poser.
;ARAMINTHE
:Je connais, au moins, dans cette ville, deux ou trois femmes jeunes et belles qui seraient enchantées de le devenir.
;MONSIEUR ORLAS
:Je les connais aussi. Je me soucie d’elles comme d’une guigne.
;ARAMINTHE
:Pourtant, s’il faut vous guérir?
;MONSIEUR ORLAS
:L’amour n’est pas une médecine ! Le plaisir passé et cela passe vite, vous l’apprendrez un jour mon enfant, je ne saurais pas leur dire deux mots, je périrais d’ennui à leurs genoux. J’aime autant être seul en face de mon mur. Au moins, moi, je ne m’oblige pas à me parler.
;ARAMINTHE
:Croyez-vous en toute franchise que vous en auriez beaucoup plus long à me dire, monsieur, si je vous entrouvrais ma porte? Le plaisir passé et cela passe vite comme vous venez de me l’apprendre, ce serait exactement pareil.
;MONSIEUR ORLAS
:Avec vous?
;ARAMINTHE
:Avec moi, monsieur, car vous ne m’aimez pas comme je veux qu’on m’aime un jour. Vous vous ennuyez: je suis jeune et fraîche, j’habite chez vous, voilà tout le mystère expliqué. Vous me parliez du baron tantôt; dites-moi honnêtement quel homme, se trouvant dans votre situation, n’essayerait pas, à tout hasard, de gratter un peu à ma porte, le soir, en montant se coucher? Vous vous conformez tout simplement au plus banal ordre des choses et moi de même, en ne vous ouvrant pas. Croyez bien, que lorsque je saurai que j’aime et qu’on m’aime - j’ai l’oreille fine j’entendrai gratter.
;MONSIEUR ORLAS
://sévèrement//. - Et le garçon qui vous baisait les mains tout à l’heure, mademoiselle, s’il grattait, l’entendriez-vous ? Je ne suis pas né d’hier, Araminthe : vous étiez encore une petite fille que d’autres femmes, qui l’avaient appris avant vous, me jouaient déjà le petit jeu. Ne me contez pas plus longtemps de sornettes ! C’est indigne de vous - et de moi. Mes yeux se dessillent enfin, petite masque. Cécile n’est qu’un paravent, ce qui explique toutes vos complaisances, c’est vous que ce garçon vient voir ici !
;ARAMINTHE
:Et si cela était monsieur? Je suis fille, je suis libre. Qui pourrait trouver à redire à cela?
;MONSIEUR ORLAS
:Moi, pardieu !
;ARAMINTHE
:Vous, vraiment? Et à quel titre?
;MONSIEUR ORLAS
:Au titre... Ne me mettez pas hors de moi ! Votre père vous a confiée à moi, Araminthe. Je suis garant par-devers lui de votre honneur. Je suis confiant, peut-être même suis-je faible à force d’être débonnaire, mais je n’ai jamais badiné sur ce point-là. Si vous êtes assez folle pour entrouvrir votre porte à ce godelureau un jour ou l’autre, mon devoir sera d’avertir votre père. Et je le ferai, sachez-le bien.
;ARAMINTHE
:Et si c’est à vous que je l’avais ouverte, qui donc se serait chargé de l’avertir, monsieur?
;MONSIEUR ORLAS
://un peu embarrassé//. — Mais dans ce cas... Cessez de plaisanter, Araminthe! Vos plaisanteries ne font rire que vous.
;ARAMINTHE
:Et vous, cessez de rêver tout haut, monsieur! Ce n’est pas pour moi que le petit chevalier vient ici. C’est pour Cécile; tout le monde le sait et vous tout le premier. Je vais même vous confier un secret si vous me jurez de ne le répéter à personne. Jurez d’abord. Je n’ai pas grande confiance en vous. Vous êtes un homme loyal, mais vous avez deux ou trois personnalités et vous vous embrouillez vous-même quelquefois.
;MONSIEUR ORLAS
:Bon. Je jure. Mais du diable si je comprends !
;ARAMINTHE
:Sur ce que vous avez de plus cher et que vous ne le redirez à personne. Allons ! Et crachez, il faut que cela soit dans les formes.
;MONSIEUR ORLAS
:Araminthe, vous vous jouez de moi. Là, j’étends la main, je crache.
;ARAMINTHE
:Hé ! bien ! le chevalier songe si peu à moi, monsieur, qu’il enlève votre fille ce soir.
;MONSIEUR ORLAS
://d’abord ahuri, éclate de rire//
:Ah ! Ah ! la plaisanterie est drôle ! Vous me prenez donc pour un benêt ? Pour un père de comédie ? Vous imaginez que je vais mettre un manteau sombre et prendre un rhume dans le jardin pour voir si je n’y trouve point d’échelle? À d’autres, mademoiselle !
;ARAMINTHE
:Il me semble que ce serait prudent. Si Cécile vous a dit elle-même qu’elle était prise ce soir, ce ne doit pas être sans raison.
;MONSIEUR ORLAS
:J’enfermerai Cécile à clef dans sa chambre, pour éviter à cette malheureuse enfant de venir jouer je ne sais trop quel pauvre rôle entre vous et votre amant, mademoiselle ! Et je dormirai sur mes deux oreilles, sachez-le. Après tout, cela ne me regarde pas si vous avez décidé de vous perdre !
;ARAMINTHE
:Sans doute. Mais à votre place, moi, je ferais tout de même une petite ronde, pour voir si l’on n’enlève pas quelqu’un.
;MONSIEUR ORLAS
:C’est bien, moquez-vous. Je vois maintenant que vous ne m’aimez point et que vous ne m’aimerez jamais. Je rentre dans mon cabinet y réfléchir aux moyens de ne pas souffrir davantage. Je suis trop vieux maintenant pour me désespérer. Je vous dirai demain ce que j’aurai décidé. Adieu Araminthe! Je suis un homme profondément blessé.
://Il fait un pas et se retourne.//
:Parce que je veux vous dire quelque chose. Je grattais à votre porte, c’est vrai ; mais je n’y mettais pas d’insistance. Et - Dieu sait pourtant si j’aime les plaisirs de l’amour - j’étais presque heureux que vous n’ouvriez point.
;ARAMINTHE
://balbutie, désemparée à son tour.//
:Que dites-vous, monsieur?
;MONSIEUR ORLAS
://continue.// Oui. Vous êtes peut-être déjà la maîtresse de ce garçon et je me couvre de ridicule en vous parlant ainsi. Je n’ai pas le respect facile, Araminthe; il y a dans une jupe flottant sur une taille souple quelque chose qui enlève de mon esprit jusqu’à la notion du respect - et pourtant, devant votre porte muette (le cœur a de ces contradictions inexplicables) il m’était presque doux, dans mon amertume d’homme, d’apprendre à vous respecter. Voilà. Demandez ce soir à ce petit jeune homme s’il comprend quelque chose à cela.
://Il est sorti. Araminthe restée seule sourit, heureuse, et murmure.//
;ARAMINTHE
:Il n’était que de le dire, monsieur... Et vous qui vous donniez tant de mal !... Voilà que vous avez trouvé sans le vouloir, les mots qui ouvrent les portes des filles... Pauvres petits hommes, pauvres petits coqs! Depuis qu’ils ont l’âge, ils gonflent leurs plumes pour être vainqueurs... S’ils savaient qu’il suffit d’être un tout petit peu blessé et triste pour obtenir tout sans combat... Mais ce n’est pourtant pas à nous à le leur apprendre !... Pour celui-là je suis tranquille, il sera dans le jardin dès la nuit : manteau couleur muraille, pistolets en poche et le goût du sang dans la bouche. Il se peut qu’il y prenne un rhume, il se peut qu’il y trouve l’amour... Ou bien les deux. On verra bien ! L’auteur ne le sait pas lui-même.
://Elle sort, après une petite révérence. //
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{{homeTitle center{40 exercices d'improvisation}}}
!!!!!!//[[Source|http://theatreinstantpresent.org/theatre-social/formation-exercices-improvisation/]]//
!!!!Mise en mouvement et cohésion du groupe
+++*[Compter de 20 à 0 en groupe]
{{groupbox {
!!!Compter de 20 à 0 en groupe
''Catégorie d’exercice :'' Écoute en groupe, cohésion du groupe.
''Intérêt :'' Exercice puissant pour augmenter la cohésion de groupe ou pour recentrer ; le groupe. Il développe la concentration et l’écoute de chaque participant envers le groupe.
''L’exercice :'' Le groupe marche dans l’espace et doit compter de 20 à 0 sans que plusieurs personnes disent le même chiffre en même temps, ou que quelqu’un se trompe, sinon on repart à 20.
''Autres consignes :'' Parler fort et distinctement, marcher en occupant tout l’espace.
''A quoi prêter attention :'' Les participants ne doivent pas marcher en rond. Leur demander de ne pas se précipiter, de se regarder, s’écouter, de laisser de la place à tout le monde.
''A noter :'' L’exercice représente un défi motivant pour le groupe. Il peut durer un long moment. Il amène les participants à se concentrer, à expérimenter une écoute sensorielle ouverte, à « sentir » le groupe, à prendre conscience de la place qu’ils prennent dans le groupe.
''Développements, variantes, suites :'' Marcher plus vite. Compter dans un ordre croissant. Donner un premier nombre égal au nombre de participants, chacun ne parlera qu’une fois. Ou dire son prénom jusqu’à ce que chacun ait dit le sien.
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!!!!!!x
%/}}}
=== +++*[Les prénoms]
{{groupbox {
!!!Les prénoms
''Catégorie d’exercice :'' Écoute, mise en présence, groupe.
''Intérêt :'' Être à l’écoute du groupe, placer sa voix, favoriser la dynamique.
''L’exercice :'' Tous les participants sont placés en ligne, sans se voir chacun donne son prénom sans aucun ordre prédéfinit mais juste en écoutant le groupe et en respectant les intonations, l’énergie et la dynamique du groupe.
''Développements, variantes, suites :'' Faire le même exercice avec des chiffres, partir du nombre de participants et chacun dit un chiffre dans l’ordre décroissant.
Autre variante sur le dispositif, possibilité d’être en cercle afin que tous les participants se voient. Cette disposition favorise le contact par le regard et l’assimilation du prénom sur un visage mais porte moins sur le ressentit et l’écoute.
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!!!!!!x
%/}}}
=== +++*[La balle aux prénoms]
{{groupbox {
!!!La balle aux prénoms
''Type d’exercice :'' Cohésion de groupe / mémoire.
''Quand :'' Lors des premières séances, pour apprendre à connaître les prénoms de chacun.
''Nombre de participants :'' De 8 à 20.
''L’exercice :'' Les participants sont debout, en cercle. Aurélie lance une balle imaginaire à Bernard en disant « Aurélie », puis Bernard récupère et relance la balle à Coralie en disant « Bernard ».
''Quelles consignes donner aux participants :'' Être bien centré. Regarder et lancer précisément la balle dans la direction de celui à qui on donne son prénom.
''A quoi l’animateur doit-il faire attention :'' Cercle parfait et participants bien centrés.
''Que vivent les participants :'' Ils apprennent à retenir les prénoms de façon ludique.
''Intérêt et limites :'' Le jeu doit se compliquer à l’aide de nouvelles consignes sinon il devient vite ennuyeux.
''Quels développements, quelles variantes, quelles suites : Donner le prénom de l’autre :'' Aurélie lance la balle à Bernard en disant le prénom de Bernard et non plus le sien.
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!!!!!!x
%/}}}
=== +++*[Je te regarde, tu m’appelles]
{{groupbox {
!!!Je te regarde, tu m’appelles
''Type d’exercice :'' De groupe / écoute / regard.
''Quand :'' En début de séance et lors des premières séances.
''Nombre de participants :'' De 8 à 20.
''L’exercice :'' En cercle, une personne « Frédérique » part en marchant lentement vers une autre personne « Nathalie ». « Nathalie » elle regarde « Pierre » qui doit l’appeler par son prénom. Alors et seulement lorsque « Pierre » l’a appelé, « Nathalie » part et se dirige lentement à son tour vers « Pierre » qui se met à regarder « Stéphane » qui doit l’appeler et donc partir vers « Stéphane, avant que « Nathalie soit arrivée...
''Quelles consignes donner aux participants :'' Marcher doucement mais régulièrement, les changements de place doivent se faire de façon continue. Se centrer, être réceptif.
''A quoi l’animateur doit-il faire attention :'' Les participants doivent se regarder et être attentifs au déroulement de l’exercice.
''Que vivent les participants :'' Ils rencontrent plusieurs difficultés (appeler la personne qui me regarde, et immédiatement en regarder une autre qui doit m’appeler à mon tour avant que la 1ère n’ait pris ma place).
''Intérêt et limites :'' Amène une vraie concentration. Cependant si les participants rencontrent trop de difficultés, l’exercice s’arrêtent plusieurs fois de suite, ils décrochent et l’exercice se termine rapidement. A refaire la séance suivante pour les faire progresser dans un exercice qui peut leur paraître infaisable.
''Quels développements, quelles variantes, quelles suites :'' On peut commencer simplement sans dire les prénoms, seuls les regards suffisent.
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!!!!!!x
%/}}}
=== +++*[Un ami, un ennemi]
{{groupbox {
!!!Un ami, un ennemi
''Type d’exercice :'' Cohésion de groupe / travail corporel.
''Quand :'' Pour fédérer les groupes.
''Nombre de participants :'' De 8 à 20.
''L’exercice :'' Chaque participant choisi dans le groupe deux personnes : un « ami » qu’il faut protéger de son « ennemi » (on doit pouvoir faire une droite entre l’ami, la personne au centre et l’ennemi). Le groupe se met en mouvement, le participant doit toujours se situer spatialement entre son ami et son ennemi. Au stop du formateur les participants s’arrêtent et l’on vérifie si chaque participant protège son ami de son ennemi.
''A quoi l’animateur doit-il faire attention :'' Que les gens ne se bousculent pas.
''Que vivent les participants :'' C’est un exercice très ludique où les gens sont en contact corporel.
''Intérêt et limites :'' Encourage les participants à ne pas abandonner.
''Quels développements, quelles variantes, quelles suites :'' On doit ensuite protéger son ennemi qui devient son ami, d’un nouvel ennemi.
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!!!!!!x
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=== +++*[L’un promène l’autre / L’aveugle]
{{groupbox {
!!!L’un promène l’autre / L’aveugle
''Type d’exercice :'' Cohésion de groupe / écoute / confiance en soi et en l’autre.
''Quand :'' 2ème ou 3ème séance quand les participants se connaissent un minimum.
''Nombre de participants :'' A partir de 10.
''L’exercice :'' Deux par deux. L'un ferme les yeux (l’aveugle) et le second (le guide) le promène dans l’espace. Puis on échange de rôle.
''Quelles consignes donner aux participants :'' Faire bien attention à son partenaire qui a les yeux fermés. Il ne doit pas se faire mal, ne pas entrer en collision avec un autre et avoir assez confiance pour garder les yeux fermés durant tout l’exercice. Ne pas parler, sauf variante où l’on promène l’autre en lui décrivant un environnement imaginaire dans lequel ils évoluent.
''A quoi l’animateur doit-il faire attention :'' Que le guide soit bienveillant et attentif pour ne pas que l’aveugle se blesse. Ce dernier doit être détendu et bien respirer.
''Que vivent les participants :'' Un moment de partage et d’écoute de soi / de l’autre, de découverte. On accorde sa confiance.
''Intérêt et limites :'' Se faire et faire confiance.
''Quels développements, quelles variantes, quelles suites :'' Marcher de plus en plus vite. S’échanger les aveugles sans qu’ils s’arrêtent de marcher. Promener son aveugle en lui parlant de l’environnement autour d’eux pour le faire « voyager », ou uniquement à l’aide de bruits (jungle, bruits d’animaux, vent...). Le guide parle à l’aveugle pour le faire marcher sur des cailloux, dans l’eau, éviter des obstacles... L’espace n’est pas forcément dégagé.
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!!!!!!x
%/}}}
=== +++*[Les chaises musicales]
{{groupbox {
!!!Les chaises musicale
''On dispose les chaises autour de la pièce à intervalles réguliers de manière à ce qu'il en manque une. Au top de l'animateur, chacun va s'asseoir :'' il en reste un celui qui reste debout a perdu, et cherchera une chaise au prochain top. On est obligé de changer de chaise à chaque top. Les chaises, une de moins que de participants, sont disposées contre les quatre murs, ; lorsque l'animateur tape des mains, on change de chaise.
''Consignes possibles pour celui qui se retrouve sans chaise :'' Être au centre etc.
- il doit donner son prénom à une personne de son choix en le regardant sans le quitter des yeux,
- parler le plus vite possible pendant quinze secondes,
- chanter une chanson pendant quinze secondes, au top tenter d'évaluer le temps,
- recevoir des retours des participants assis sur ses gestes de dispersion.
''Variantes de l'exercice :''
- chercher une chaise sans courir,
- dire bonjour pendant le trajet à une, deux, trois personnes (au choix),
- trouver plusieurs manières de dire bonjour,
- émettre un son lors du déplacement.
''Avantage : Pour les jeunes, on ne parle pas, tout de suite dans une dynamique de groupe qui est ludique et qui défoule, où il y a 11 gagnants et un perdant, donc on gagne presque toujours. Donc on accepte de perdre de temps en temps. La consigne est une manière de commencer à explorer d'autres choses. Celui qui a "perdu" finalement, est le grand gagnant car c'est lui qui explore déjà ce que les autres exploreront plus tard. Il devient un pionnier, et c'est sans douleur, on reste dans le monde du zapping, et donc de ce qu'il connaît. On n'est pas encore dans l'étrange, l'étranger à eux. L'exercice met en action : une fois qu'on l'a fait, on ne peut plus revenir en arrière :'' on a commencer à jouer le jeu. Le théâtre n'est pas intellectuel, est encore "pour eux". Ils ne s'y sentent pas étrangers.
Utiliser l'espace, du plus petit au plus grand, figures et tableaux, lead
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=== +++*[Exercice d'urgence]
{{groupbox {
!!!Exercice d'urgence
''Marcher en occupant l'espace et réagir instantanément au top donné par l'animateur :''
- l'animateur propose par exemple "mer, montagne !" Il faut que les participants se rallient instantanément autour de celui qui a repris l'un des deux mots d'ordre, et que seulement deux personnes parlent et deux groupes se forment,
- ou s'aligner suivant un ordre demandé (du plus petit au plus grand, par année de naissance, par jour de naissance, par ordre de numéro de rue, par ordre de pointure, etc.),
- ou enfin se placer en figure géométrique (carré, rond, triangle),
- ou former un tableau (match de tennis, orchestre, piscine...).
Exercice ludique et dynamisant, déjà plus complexe, c'est déjà un exercice d'écoute.
''il demande :''
- de se décider instantanément, soit pour prendre de lead soit pour s'adapter,
- de s'inscrire rapidement dans le groupe.
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=== +++*[Un geste un prénom]
{{groupbox {
!!!Un geste un prénom
Chacun passe face au groupe. Le premier doit dire son prénom en proposant d'y associer un geste précis. Le deuxième reprend le prénom et le geste du premier et y ajoute les siens et ainsi de suite.
Cohésion du groupe, à travers l'attention que reçoit chacun de tous, puisqu'on dit son prénom. Il s'inscrit dans le groupe en tant que personne.
Travail sur la précision corporelle, et sur la voix.
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=== +++*[Le briquet]
{{groupbox {
!!!Le briquet
Deux personnes assises face à face, les mains posées sur les genoux. Un briquet est posé entre elles. L'animateur tape deux fois dans ses mains sur le même rythme. Lorsqu'il ne tape qu'une fois, chacun essaye de saisir le briquet. Celui qui n'y arrive pas cède sa chaise à un autre participant. Celui qui décolle sa main du genou sans que l'animateur n'ait tapé qu'une fois a également perdu.
Exercice ludique qui fait travailler la concentration, l'engagement et la combativité. On s'en sert surtout quand on constate une baisse d'énergie et de concentration chez participants. On peut mettre plusieurs briquet en jeu à la fois.
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===
!!!!Confiance en soi
+++*[Traverser la salle en aveugle]
{{groupbox {
!!!Traverser la salle en aveugle
''Type d’exercice :'' Confiance en soi.
''Nombre de participants :'' 1 par 1.
''L’exercice :'' Chacun à son tour traverser la pièce en marchant les yeux fermés sur le même rythme. Il faut être relâché corporellement et ne pas montrer de peur ni de stress. L'intervenant arrête le participant juste avant le mur.
''A quoi l’animateur doit-il faire attention :'' Que les participants soient relâchés et respirent correctement.
''Intérêt et limites :'' A refaire lors de différentes séances afin que les participants soient de plus en plus à l’aise.
''Quels développements, quelles variantes, quelles suites :'' Faire l’exercice en courant. L'intervenant fait un bruit de distraction pour tester le degré de relâchement de celui qui passe. Le participant s’arrête le plus près possible du groupe sans toucher personne.
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!!!!!!x
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===
+++*[Déambuler à l’aveugle]
{{groupbox {
!!!!Déambuler à l’aveugle
''Type d’exercice :'' Confiance, écoute.
''L’exercice :'' Tous les participants sont debout et forme un grand cercle, assez grand pour qu’il y aie un espace de circulation confortable au centre du cercle. Selon le nombre de participants, quelques personnes vont marcher à l’aveugle à l’intérieur du cercle et les autres restent à leur place, ils délimitent le cercle. Si l’espace et le nombre de participants est conséquent, environs 15, alors il peut y avoir 4 à 5 aveugles. Les aveugles se placent devant une personne du cercle qui va la diriger, lui donner une impulsion légère. L’aveugle déambule seul dans le cercle selon sa trajectoire donnée et va être rattrapé et redirigé dans une autre direction par le réceptionneur.
''A quoi l’animateur doit-il faire attention :'' Cet exercice nécessite une grande vigilance et écoute du groupe afin que les aveugles ne se rentrent pas dedans à l’intérieur du cercle. S’il peut y avoir un contact entre les aveugles, les « lanceurs » disent stop.
''Intérêt et limites :'' Développer la confiance, l’écoute du groupe, la vigilance, la bienveillance.
''Quels développements, quelles variantes, quelles suites :'' Faire l’exercice en courant. L'intervenant fait un bruit de distraction pour tester le degré de relâchement de celui qui passe. Le participant s’arrête le plus près possible du groupe sans toucher personne.
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===
+++*[Parler le plus vite possible]
{{groupbox {
!!!Parler le plus vite possible
''Catégorie d’exercice :'' imaginaire verbal, articulation, confiance en soi
''Intérêt :'' Développe l’écoute, l’imagination et l’aisance verbale en situation de stress. Convient à des participants avec un minimum d’aisance verbale au théâtre.
''L’exercice :'' Les participants se mettent en file face à l’animateur. Le 1er raconte une histoire très vite, puis, au signal, le 1er passe derrière la file et le 2ème continue immédiatement l’histoire en reprenant la dernière phrase pour se relancer.
''Autres consignes :'' Être très attentif aux histoires afin d’être capables de revenir sur les différents éléments proposés par les autres pour faire avancer l’histoire. Accepter toutes les situations proposées par les participants précédents. Faire plusieurs tours.
''A quoi prêter attention :'' Veiller au rythme qui doit rester soutenu en passant suffisamment vite au suivant dès que l’on sent que le narrateur s’essouffle.
''Développements, variantes, suites :'' Une version plus calme, en cercle, chacun dit un mot à la suite afin de former des phrases et donc une histoire. Ou chacun dit quelques phrases, dès que le narrateur décide de s’arrêter, le suivant prend le relais.
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!!!!!!x
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===
+++*[La définition]
{{groupbox {
!!!La définition
''Catégorie d’exercice :'' Imaginaire verbal, confiance en soi.
''Intérêt :'' Amener à assumer jusqu’au bout sa créativité, son imaginaire. Développer sa répartie et son assurance face au public.
''L’exercice :'' Les participants se mettent en file face à l’animateur. Le premier dit une syllabe, puis le 2e et le 3e également. Le 4e doit répéter les syllabes à la suite de façon à former un mot. Puis, il doit en donner immédiatement la définition.
''Autres consignes :'' la définition peut s’inspirer d’un son que forment les syllabes, d’une racine de mot...
''A quoi prêter attention :'' Au rythme, les syllabes doivent être lancées très rapidement.
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!!!!!!x
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+++*[Le chanteur applaudi]
{{groupbox {
!!!Le chanteur applaudi
''Catégorie d’exercice :'' Confiance en soi.
''Intérêt :'' Accepter des compliments, confiance en soi, parvenir à donner et à féliciter de la part des spectateurs.
''L’exercice :'' Un participant, de préférence à l’aise avec le fait de chanter, va en scène. Il fait une entrée de scène neutre face aux spectateurs et se place au milieu de la scène sans rien faire. Les spectateurs l’applaudissent intensément pendant 30 secondes. Le chanteur doit juste recevoir les applaudissements, comme une « rock star ». Le chanteur chante pendant 1 minute ou un peu moins. A la fin de sa chanson, il reste immobile au centre et le public l’applaudit une deuxième fois, puis il sort.
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+++*[Les métiers imaginaires]
{{groupbox {
!!!Les métiers imaginaires
''Catégorie d’exercice :'' Développer l’imaginaire, la confiance en soi.
''Intérêt :'' imagination, collectif, acceptation.
''Exercice :'' Par groupe de 2 ou 3, les participants ont quelques minutes pour trouver plusieurs métiers imaginaires. Par exemple le conteur de gouttes d’eau, le cacheur de lune, l’épuratrice de mauvaise pensée…
Une fois ce temps d’échange, chaque participant choisit individuellement un métier.
Tout le monde se rassoit dans l’espace spectateur et une personne vient en scène expliquer son métier. Les spectateurs lui posent des questions auxquelles l’inventeur répond mais auxquelles il ne peut pas répondre par non. Il doit accepter toutes les propositions des spectateurs et improviser. Lors que la personne refuse, par un non ou en essayant de contourner la question, il a perdu et retourne à sa place. Un autre va improviser et ainsi de suite.
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+++*[L’énergie positive]
{{groupbox {
!!!L’énergie positive
''Catégorie d’exercice :'' Dynamique, rythme, groupe, confiance en soi.
''Intérêt :'' Exercice qui permet de développer une énergie groupale positive, une affirmation de soi et de l’existence du groupe.
''L’exercice :'' L’intervenant lance une phrase et un geste positif, dynamisant et énergique. Les participants sont en ligne face à lui et chacun à leur tour refait le geste en gardant l’énergie ainsi que le rythme. Ce son accompagné du geste doit s’effectuer rapidement.
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!!!!Écoute de soi et des autres
+++*[Les prénoms]
{{groupbox {
!!!Les prénoms
''Catégorie d’exercice :'' Écoute, mise en présence, groupe.
''Intérêt :'' Être à l’écoute du groupe, placer sa voix, favoriser la dynamique.
''L’exercice :'' Tous les participants sont placés en ligne, sans se voir chacun donne son prénom sans aucun ordre prédéfinit mais juste en écoutant le groupe et en respectant les intonations, l’énergie et la dynamique du groupe.
''Développements, variantes, suites :'' Faire le même exercice avec des chiffres, partir du nombre de participants et chacun dit un chiffre dans l’ordre décroissant.
Autre variante sur le dispositif, possibilité d’être en cercle afin que tous les participants se voient. Cette disposition favorise le contact par le regard et l’assimilation du prénom sur un visage mais porte moins sur le ressentit et l’écoute.
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+++*[+Je m’assieds, tu te lèves]
{{groupbox {
!!!Je m’assieds, tu te lèves
''Catégorie d’exercice :'' Écoute/corporel
Intérêt: Difficile à réaliser du premier coup, l’exercice pourra être proposé lors des séances suivantes jusqu’à sa réussite. On obtient alors une superbe écoute du groupe.
''L’exercice :'' Une personne se lève puis s’assied. Au moment où elle s’assied une seule autre personne doit se lever. Si deux personnes se lèvent en même temps on recommence.
''Autres consignes :'' Ne pas se précipiter, se regarder.
''A quoi prêter attention :'' Au rythme. Tout le monde doit se lever et pas toujours les mêmes...
''Développements, variantes, suites :'' On complique le jeu en faisant se lever 2 personnes à la fois et, au moment où elles se rasseyent 2 autres doivent se lever et ainsi de suite...
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+++*[Déambuler à l’aveugle]
{{groupbox {
!!!Déambuler à l’aveugle
''Type d’exercice :'' Confiance, écoute.
''L’exercice :'' Tous les participants sont debout et forme un grand cercle, assez grand pour qu’il y est un espace de circulation confortable au centre du cercle. Selon le nombre de participants, quelques personnes vont marcher à l’aveugle à l’intérieur du cercle et les autres restent à leur place, ils délimitent le cercle. Si l’espace et le nombre de participants est conséquent, environs 15, alors il peut y avoir 4 à 5 aveugles. Les aveugles se placent devant une personne du cercle qui va la diriger, lui donner une impulsion légère. L’aveugle déambule seul dans le cercle selon sa trajectoire donnée et va être rattrapé et redirigé dans une autre direction par le réceptionneur.
''A quoi l’animateur doit-il faire attention :'' Cet exercice nécessite une grande vigilance et écoute du groupe afin que les aveugles ne se rentrent pas dedans à l’intérieur du cercle. S’il peut y avoir un contact entre les aveugles, les « lanceurs » disent stop.
''Intérêt et limites :'' Développer la confiance, l’écoute du groupe, la vigilance, la bienveillance.
''Quels développements, quelles variantes, quelles suites :'' Faire l’exercice en courant. L'intervenant fait un bruit de distraction pour tester le degré de relâchement de celui qui passe. Le participant s’arrête le plus près possible du groupe sans toucher personne.
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+++*[Dissociations musicales]
{{groupbox {
!!!Dissociations musicales
''Catégorie d’exercice :'' Écoute/corporel
''Intérêt :'' Amener les participants à dissocier les parties de leurs corps, et à les diriger. Développer ainsi chez eux la conscience et la maîtrise des parties de leur corps, le sens du rythme.
''L’exercice :'' L’animateur a préparé une musique à utiliser. Trois participants sont assis face public et neutres. Lorsque la musique démarre, l’animateur indique une partie du corps que ces derniers doivent animer en suivant la musique. Au fur et à mesure, de l’exercice, l’animateur rajoute des parties du corps, en retire…
''Autres consignes :'' Ne pas répéter le même geste en boucle. Bouger uniquement la partie demandée. Par exemple, les participants ont tendance, s’ils doivent bouger le cou, à remuer également les épaules, etc.
''A quoi prêter attention :'' Proposer l’exercice à un moment où les participants sont en forme car l’exercice demande de l’énergie. Être attentif à la fatigue des participants. Pour les reposer, on peut demander de bouger uniquement la bouche.
''Développements, variantes, suites :'' Même exercice debout dans l’espace, en se déplaçant.
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+++*[Compter de 20 à 0 en groupe]
{{groupbox {
!!!Compter de 20 à 0 en groupe
''Catégorie d’exercice :'' Écoute en groupe, cohésion du groupe.
''Intérêt :'' Exercice puissant pour augmenter la cohésion de groupe ou pour recentrer ; le groupe. Il développe la concentration et l’écoute de chaque participant envers le groupe.
''L’exercice :'' Le groupe marche dans l’espace et doit compter de 20 à 0sans que plusieurs personnes disent le même chiffre en même temps, ou que quelqu’un se trompe, sinon on repart à 20.
''Autres consignes :'' parler fort et distinctement, marcher en remplissant l’espace ;
''A quoi prêter attention :'' Les participants ne doivent pas marcher en rond. Leur demander de ne pas se précipiter, de se regarder, s’écouter, de laisser de la place à tout le monde.
''A noter :'' L’exercice représente un défi motivant pour le groupe. Il peut durer un long moment. Il amène les participants à se concentrer, à expérimenter une écoute sensorielle ouverte, à « sentir » le groupe, à prendre conscience de la place qu’ils prennent dans le groupe.
''Développements, variantes, suites :'' Marcher plus vite. Compter dans un ordre croissant. Donner un premier nombre égal au nombre de participants, chacun ne parlera qu’une fois. Ou dire son prénom jusqu’à ce que chacun ait dit le sien.
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!!!!Imaginaire verbal
+++*[Associations d’idées (et associations phonétiques)]
{{groupbox {
!!!Associations d’idées (et associations phonétiques)
''Catégorie d’exercice :'' Imaginaire verbal.
''Intérêt :'' Exercice de base pour stimuler la créativité verbale, prendre confiance dans son imaginaire. Prépare à l’exercice dissociations d’idées. Peut encourager à développer son vocabulaire. Exercice dynamisant.
''L’exercice :'' Le groupe est assis en cercle. Un participant lance un mot, son voisin doit en lancer un autre en rapport avec celui-ci, de quelque manière que ce soit...
''Autres consignes :'' Ne pas préparer son mot à l’avance. Ne pas rester dans un même champ lexical. Être détendu.
''A quoi prêter attention :'' L’enchaînement des mots doit rester rythmé. Ne pas laisser tomber ceux qui se découragent ou résistent.
''Développements, variantes, suites :'' Le voisin associe phonétiquement un mot à celui qui a été lancé.
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+++*[Dissociations d’idées]
{{groupbox {
!!!Dissociations d’idées
''Catégorie d’exercice :'' Imaginaire verbal.
''Intérêt :'' Mobiliser son imaginaire dans l’urgence. Accepter de se tromper. Exercice dynamisant.
''L’exercice :'' Le groupe est assis en cercle. Un participant lance un mot et son voisin doit en donner un autre qui n’a aucun rapport avec le premier.
''Autres consignes :'' Ne pas préparer son mot à l’avance. Ne pas rester dans un même champ lexical. Être détendu.
''A quoi prêter attention :'' Chacun doit parler fort et bien articuler. L’enchaînement des mots doit rester rythmé. Ne pas laisser tomber ceux qui se découragent ou résistent. Si une personne n’y arrive vraiment pas, l’animateur peut la prendre en renfort pour ne pas laisser passer deux mots en relation quelconque.
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+++*[Moi et ma conscience]
{{groupbox {
!!!Moi et ma conscience
''Catégorie d’exercice :'' Imaginaire verbal.
''Intérêt :'' Faire expérimenter aux participants le plaisir de construire à deux une histoire. Développer l’écoute.
''L’exercice :'' A est assis et raconte une histoire. B debout derrière lui joue sa « conscience » et rectifie l’histoire. A doit donc se réajuster en fonction des remarques. Pas sur des points formels. Puis échanger.
''Quelles consignes donner aux participants :'' Le narrateur doit parler calmement pour laisser des espaces de parole à la conscience. La conscience ne doit pas systématiquement contredire le narrateur mais apporter des précisions au récit.
''A quoi prêter attention :'' Les deux participants doivent être à l’écoute l’un de l’autre. Ne pas faire trop durer l’exercice, pour éviter une perte d’énergie.
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+++*[Parler le plus vite possible]
{{groupbox {
!!!Parler le plus vite possible
''Catégorie d’exercice :'' Imaginaire verbal, articulation, confiance en soi.
''Intérêt :'' Développe l’écoute, l’imagination et l’aisance verbale en situation de stress. Convient à des participants avec un minimum d’aisance verbale au théâtre.
''L’exercice :'' Les participants se mettent en file face à l’animateur. Le 1er raconte une histoire très vite, puis, au signal, le 1er passe derrière la file et le 2ème continue immédiatement l’histoire en reprenant la dernière phrase pour se relancer.
''Autres consignes :'' Être très attentif aux histoires afin d’être capables de revenir sur les différents éléments proposés par les autres pour faire avancer l’histoire. Accepter toutes les situations proposées par les participants précédents. Faire plusieurs tours.
''A quoi prêter attention :'' Veiller au rythme qui doit rester soutenu en passant suffisamment vite au suivant dès que l’on sent que le narrateur s’essouffle.
''Développements, variantes, suites : Une version plus calme :'' En cercle, chacun dit un mot à la suite afin de former des phrases et donc une histoire. Ou chacun dit quelques phrases, dès que le narrateur décide de s’arrêter, le suivant prend le relais.
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+++*[La définition]
{{groupbox {
!!!La définition
''Catégorie d’exercice :'' Imaginaire verbal, confiance en soi.
''Intérêt :'' Amener à assumer jusqu’au bout sa créativité, son imaginaire. Développer sa répartie et son assurance face au public.
''L’exercice :'' Les participants se mettent en file face à l’animateur. Le premier dit une syllabe, puis le 2e et le 3e également. Le 4e doit répéter les syllabes à la suite de façon à former un mot. Puis, il doit en donner immédiatement la définition.
''Autres consignes :'' La définition peut s’inspirer d’un son que forment les syllabes, d’une racine de mot…
''A quoi prêter attention :'' Au rythme, les syllabes doivent être lancées très rapidement.
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+++*[Les métiers imaginaires]
{{groupbox {
!!!Les métiers imaginaires
''Catégorie d’exercice :'' Développer l’imaginaire, la confiance en soi.
''Intérêt :'' imagination, collectif, acceptation.
''Exercice :'' Par groupe de 2 ou 3, les participants ont quelques minutes pour trouver plusieurs métiers imaginaires. Par exemple le conteur de gouttes d’eau, le cacheur de lune, l’épuratrice de mauvaise pensée…
Une fois ce temps d’échange, chaque participant choisit individuellement un métier.
Tout le monde se rassoit dans l’espace spectateur et une personne vient en scène expliquer son métier. Les spectateurs lui posent des questions auxquelles l’inventeur répond mais auxquelles il ne peut pas répondre par non. Il doit accepter toutes les propositions des spectateurs et improviser. Lors que la personne refuse, par un non ou en essayant de contourner la question, il a perdu et retourne à sa place. Un autre va improviser et ainsi de suite.
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+++*[Insertions de mots]
{{groupbox {
!!!Insertions de mots
''Catégorie d’exercice :'' Imaginaire verbal.
''Intérêt :'' Développe la réactivité, le sens de la cohérence, la concentration.
''L’exercice :'' L’animateur dispose d’une liste de mots. Les participants se mettent en file face à lui. Le premier de la file raconte une histoire. Dès que l’animateur prononce un mot à voix haute, le narrateur doit le reprendre tel quel dans son récit. Au signal de l’animateur, le narrateur part en bout de file et le suivant commence une histoire.
''Autres consignes :'' Recevez les mots « en radio », ne soyez pas être perturbés ni déconcentrés.
''A quoi prêter attention :'' Au rythme auquel les participants racontent leur histoire. Ne pas préparer son histoire. Intervenir et changer de participant à un rythme suffisamment rapide pour éviter que l’énergie baisse.
''Développements, variantes, suites :'' Le participant ne reprend pas le mot tel quel mais garde son thème. Par exemple si l’animateur dit « la pluie », le participant utilise le champ lexical de l’eau.
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!!!!Imaginaire corporel
+++*[Mime de chansons]
{{groupbox {
!!!Mime de chansons
''L’exercice :'' Par groupes de 3 ou 4 se concerter et imaginer un mime d’après une chanson (d'une fable, etc.). Les participants ont 5 minutes de préparation. Puis les groupes chacun à leur tour miment la chanson au public qui doit en trouver le titre.
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!!!!Le regard
+++*[Seul face aux autres]
{{groupbox {
!!!Seul face aux autres
''Catégorie d’exercice :'' Le regard et la "présence".
''Intérêt :'' Accepter le regard des autres et regarder vraiment et individuellement chaque personne du groupe.
''L’exercice :'' Un participant se met debout, relâché et détendu seul face au groupe. Il doit regarder l’assemblée en plongeant son regard dans celui de chacun des membres de cette assemblée pendant trois secondes. Il a un temps donné pour effectuer sa tâche, une minute par exemple. C’est à lui d’estimer le temps qui s’est écoulé. Il donne le top du début et celui de la fin.
''Autres consignes :'' Commencer l’exercice neutre puis se laisser aller à ses émotions, si on a envie de sourire par exemple, ou de rire, mais ne pas fuir et continuer à soutenir le regard du public.
''A quoi prêter attention :'' Au respect des consignes, que le participant regarde bien tout le monde et dans le temps imparti.
''Développements, variantes, suites :'' Cet exercice peut se faire avec un perturbateur qui teste le relâchement du participant.
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+++*[Les yeux dans les yeux]
{{groupbox {
!!!Les yeux dans les yeux
''L’exercice :'' En face à face, genoux contre genoux, regarder son partenaire dans les yeux pendant trente secondes sans s'échapper de la relation à l'autre.
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!!!!La prise de l'espace
+++*[Déambulation consciente]
{{groupbox {
!!!Déambulation consciente
''Catégorie d’exercice :'' Prendre possession de l’espace, conscience du groupe et de l’espace.
''Intérêt :'' Être à l’écoute de son corps et de celui des autres ainsi que de la dynamique rythmique.
''L’exercice :'' Tous les participants marchent dans l’espace en veillant à ce que l’ensemble de la scène soit utilisée et équilibrée. Lorsqu’une personne s’arrête tous doivent s’arrêter. Pareil pour reprendre la marche.
''Développements, variantes, suites :'' Durant la marche, l’intervenant donne des indications qui interrompent la marche précédente, afin de réagir dans l’urgence et de ne pas laisser les participants se complaire dans un rythme de marche. Cette indication doit être exécutée en quelque seconde et immédiatement.
''Exemple d’indication :'' classez-vous par ordre croissant en taille, classez-vous par ordre de votre mois de naissance, effectuez tous ensemble un carré, un triangle...
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+++*[« Exercice des bulles » la proxémie]
{{groupbox {
!!!« Exercice des bulles » la proxémie
''Catégorie d’exercice :'' L'espace.
''Intérêt :'' Prendre conscience de son espace vital, le visualiser et visualiser celui de son partenaire.
''L’exercice :'' Le groupe des participants se divise en deux rangées qui vont s’aligner l’une en face de l’autre à une distance de 20 pas environ. Une première rangée s’avance lentement vers l’autre, chacun doit avancer lentement vers la personne qui est en face de lui. Cela en vivant chaque pas et en observant ce que le fait de se rapprocher évoque chez lui, à quelle expérience vécue cela le renvoie. Puis le participant doit s’arrêter une fois qu’il est arrivé à sa distance de confort par rapport à l’autre. C’est à dire que s’il avance plus loin il se sentirait mal à l’aise. Il revient à sa place et on inverse les rôles.
Chacun rejoint son partenaire, s’assied avec lui et échange lui sur l’expérience.
''Autres consignes :'' Ne pas couper le regard, rester toujours en connexion avec la personne en face de soi.
''A quoi prêter attention :'' Aucune parole ne doit être échangée pendant l’exercice.
''Développements, variantes, suites :'' Cet exercice peut se faire avec un perturbateur qui teste le relâchement du participant.
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!!!!La conscience du temps
+++*[La minute]
{{groupbox {
!!!La minute
''L’exercice :'' Demander à un comédien de venir improviser pendant une minute, pendant que l'animateur chronomètre à la seconde prés le temps. Puis lui demander le temps précis pendant lequel il pense avoir été sur scène et comparer avec le temps réel.
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!!!!Le regard et la "présence"
+++*[Seul face aux autres]
{{groupbox {
!!!Seul face aux autres
''Catégorie d’exercice :'' Le regard et la "présence".
''Intérêt :'' Accepter le regard des autres et regarder vraiment et individuellement chaque personne du groupe.
''L’exercice :'' Un participant se met debout, relâché et détendu seul face au groupe. Il doit regarder l’assemblée en plongeant son regard dans celui de chacun des membres de cette assemblée pendant trois secondes. Il a un temps donné pour effectuer sa tâche, une minute par exemple. C’est à lui d’estimer le temps qui s’est écoulé. Il donne le top du début et celui de la fin.
''Autres consignes :'' Commencer l’exercice neutre puis se laisser aller à ses émotions, si on a envie de sourire par exemple, ou de rire, mais ne pas fuir et continuer à soutenir le regard du public.
''A quoi prêter attention :'' Au respect des consignes, que le participant regarde bien tout le monde et dans le temps imparti.
''Développements, variantes, suites :'' Cet exercice peut se faire avec un perturbateur qui teste le relâchement du participant.
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!!!!L'expressivité du visage et du corps
+++*[Le sculpteur]
{{groupbox {
!!!Le sculpteur
''Catégorie d’exercice :'' L’expressivité du visage et du corps.
''Intérêt :'' Amener les participants à dissocier les parties de leurs corps, et à les diriger. Développer ainsi chez eux la conscience et la maîtrise des parties de leur corps, le sens du rythme.
''L’exercice :'' Dans un groupe est désigné un sculpteur ou une sculptrice qui va devoir représenter une scène, une émotion ou un tableau avec le corps de ses camarades qui deviennent la matière première de l’artiste. Le sculpteur s’attache à travailler les expressions du visage de ses camarades. Le sculpteur ne peut pas parler mais peut mimer pour guider les participants.
''Autres consignes :'' Ne pas anticiper les propositions du sculpteur, se laisser faire...
''A quoi prêter attention :'' La séance ne doit pas durer trop longtemps afin que ceux qui ont une position difficile à tenir puisse rester en place jusqu’à la fin de la sculpture totale.
''Développements, variantes, suites :'' Donner des thèmes précis au sculpteur.
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+++*[Dissociations musicales]
{{groupbox {
!!!Dissociations musicales
''Catégorie d’exercice :'' Écoute/corporel.
''Intérêt:'' Amener les participants à dissocier les parties de leurs corps, et à les diriger. Développer ainsi chez eux la conscience et la maîtrise des parties de leur corps, le sens du rythme.
''L’exercice :'' L’animateur a préparé une musique à utiliser. Trois participants sont assis face public et neutres. Lorsque la musique démarre, l’animateur indique une partie du corps que ces derniers doivent animer en suivant la musique. Au fur et à mesure, de l’exercice, l’animateur rajoute des parties du corps, en retire…
''Autres consignes :'' Ne pas répéter le même geste en boucle. Bouger uniquement la partie demandée. Par exemple, les participants ont tendance, s’ils doivent bouger le cou, à remuer également les épaules, etc.
''A quoi prêter attention :'' Proposer l’exercice à un moment où les participants sont en forme car l’exercice demande de l’énergie. Être attentif à la fatigue des participants. Pour les reposer, on peut demander de bouger uniquement la bouche.
''Développements, variantes, suites :'' Même exercice debout dans l’espace, en se déplaçant.
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!!!!Thèmes d'improvisation
+++*[Seul sur scène]
{{groupbox {
!!!Seul sur scène
;Les métiers imaginaires
''Catégorie d’exercice :'' Développer l’imaginaire, la confiance en soi.
''Intérêt :'' imagination, collectif, acceptation.
''Exercice :'' Par groupe de 2 ou 3, les participants ont quelques minutes pour trouver plusieurs métiers imaginaires. Par exemple le conteur de gouttes d’eau, le cacheur de lune, l’épuratrice de mauvaise pensée…
Une fois ce temps d’échange, chaque participant choisit individuellement un métier.
Tout le monde se rassoit dans l’espace spectateur et une personne vient en scène expliquer son métier. Les spectateurs lui posent des questions auxquelles l’inventeur répond mais auxquelles il ne peut pas répondre par non. Il doit accepter toutes les propositions des spectateurs et improviser. Lors que la personne refuse, par un non ou en essayant de contourner la question, il a perdu et retourne à sa place. Un autre va improviser et ainsi de suite.
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+++*[Par trois]
{{groupbox {
!!!Par trois
;L’entretien d’embauche
''Catégorie d’exercice :'' Improvisation, confiance en soi.
''Intérêt :'' L’écoute, développer l’imagination, maîtriser une émotion et son évolution, l’amplification.
''Exercice :'' Par groupe de trois, les participants doivent effectuer une improvisation de 3 à 5 minutes sur le thème de l’entretient d’embauche. Deux personnes incarnent les deux recruteurs, et la troisième personne le candidat, le demandeur d’emploi. A cette situation, s’ajoute le conflit qui se matérialise par deux humeurs opposées : désagréable et irrespectueuse contre la bienveillance. Les participants ont le choix d’attribuer l’humeur qu’il souhaite au candidat et aux recruteurs.
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![[COLLECTION THEATRE|http://theatregratuit.com/]]
{{center small red{Liste de téléchargements internet}}}
!!!!Alexandre Dumas fils
[[Denise, d’ Alexandre Dumas fils|http://www.archive-host.com/count-1712782-DENISE.pdf]] -
!!!!Alexandre Hardy
[[SCEDASE ou l’hospitalité violée, d’Alexandre Hardy|http://www.archive-host.com/count-1049227-SCEDASE.pdf]] -
!!!!Alfred de Musset
[[Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée, d’Alfred de Musset|http://www.archive-host.com/count-1915841-Il_faut_quune_porte_soit_ouverte_ou_fermee.pdf]] - [[Un Caprice, d’Alfred de Musset|http://www.archive-host.com/count-1921180-Un_Caprice.pdf]] - [[Il ne faut jurer de rien, d’Alfred de Musset|http://www.archive-host.com/count-1966459-Il_ne_faut_jurer_de_rien.pdf]] - [[On ne saurait penser à tout, d’Alfred de Musset|http://www.archive-host.com/count-1966474-On_ne_saurait_penser_a_tout.pdf]] - [[Bettine, d’Alfred de Musset|http://www.archive-host.com/count-2328456-BETTINE.pdf]] - [[Carmosine, d’Alfred de Musset|http://www.archive-host.com/count-2383877-CARMOSINE.pdf]] - [[Le songe d’Auguste, d’Alfred de Musset|http://www.archive-host.com/count-2388393-Le_songe_dAuguste.pdf]] -
!!!!Alfred de Vigny
[[Quitte pour la peur, d’Alfred de Vigny|http://www.archive-host.com/count-1971162-Quitte_pour_la_peur.pdf]] - [[La Maréchale d’Ancre, d’Alfred de Vigny|http://www.archive-host.com/count-1978334-La_Marechale_dAncre.pdf]] - [[Chatterton, d’Alfred de Vigny|http://www.archive-host.com/count-1982557-CHATTERTON.pdf]] -
!!!!Alfred Jarry
[[Guignol, d’Alfred Jarry|http://www.archive-host.com/count-1610040-GUIGNOL.pdf]] - [[Haldernablou, d’Alfred Jarry|http://www.archive-host.com/count-1610043-HALDERNABLOU.pdf]] - [[Ubu Roi, d’Alfred Jarry|http://www.archive-host.com/count-1750666-UBU_ROI.rtf]] - [[Ubu Cocu, d’Alfred Jarry|http://www.archive-host.com/count-1764009-UBU_COCU.rtf]] - [[Ubu enchaîné, d’Alfred Jarry|http://www.archive-host.com/count-1764027-UBU_ENCHAINE.rtf]] -
!!!!Alphonse Allais
[[Eh ! Placide. Eh ! Généreux, d’Albert René et Alphonse Allais|http://www.archive-host.com/count-2212630-Eh__Placide_Eh__Genereux.pdf]] - [[Innocent, d’Alphonse Allais et Alfred Capus|http://www.archive-host.com/count-2282835-Innocent.pdf]] - [[Aux consignés ! d’Alphonse Allais et Henri Darsay|http://www.archive-host.com/count-2212624-Aux_consignes.pdf]] - [[Chat-Mauve Revue, d’Alphonse Allais, Albert René, Paul Bonhomme|http://www.archive-host.com/count-2212627-Chat-Mauve_Revue.pdf]] - [[Le pauvre bougre et le bon génie, d’Alphonse Allais|http://www.archive-host.com/count-2053155-LE_PAUVRE_BOUGRE_et_LE_BON_GENIE.pdf]] - [[Silvérie ou Les fonds hollandais, d’Alphonse Allais|http://www.archive-host.com/count-2053158-SILVERIE.pdf]] - [[A la gare comme à la gare, de Alphonse Allais|http://www.archive-host.com/count-2153429-A_la_gare_comme_a_la_gare.pdf]] - [[Clara, de Alphonse Allais|http://www.archive-host.com/count-2153433-Clara.pdf]] - [[Congé amiable, de Alphonse Allais|http://www.archive-host.com/count-2153441-Conge_amiable.pdf]] - [[L’Astiqueur, de Alphonse Allais|http://www.archive-host.com/count-2153446-LAstiqueur.pdf]] - [[Monsieur la Pudeur, d’Alphonse Allais|http://www.archive-host.com/count-2267331-Monsieur_La_Pudeur.pdf]] -
!!!!Anatole France
[[La Comédie de celui qui épousa une femme muette, d’Anatole France|http://www.archive-host.com/count-1956555-LA_COMEDIE_DE_CELUI_QUI_EPOUSA_UNE_FEMME_MUETTE.pdf]] - [[Au petit bonheur, d’Anatole France|http://www.archive-host.com/count-1957748-AU_PETIT_BONHEUR.pdf]] - [[Crainquebille, d’Anatole France|http://www.archive-host.com/count-1957751-CRAINQUEBILLE.pdf]] -
!!!!Anton Tchékhov
[[Une demande en mariage, d’Anton Tchékhov|http://www.archive-host.com/count-1812337-Une_Demande_en_mariage.pdf]] - [[Le Chant du cygne, d’Anton Tchekhov|http://www.archive-host.com/count-2255898-Le_Chant_du_cygne.pdf]] - [[Un Jubilé, d’Anton Tchekhov|http://www.archive-host.com/count-2316505-Un_jubile.pdf]] - [[Tragédien malgré lui, d’Anton Tchekhov|http://www.archive-host.com/count-2366725-Tragedien_malgre_lui.pdf]] - [[Oncle Vania, d’Anton Tchekhov|http://www.archive-host.com/count-959039-tchoncva.pdf]] - [[L’Ours, d’Anton Tchekhov|http://www.archive-host.com/count-959047-tchours.pdf]] -
!!!!Aristophane
[[L’Assemblée des femmes, d’Aristophane|http://www.archive-host.com/count-1788235-LASSEMBLEE_DES_FEMMES.pdf]] -
!!!!August Strindberg
[[La plus forte, d’August Strindberg|http://www.archive-host.com/count-2022170-LA_PLUS_FORTE.pdf]] - [[Premier avertissement, d’August Strindberg|http://www.archive-host.com/count-2022173-PREMIER_AVERTISSEMENT.pdf]] - [[Amour maternel, d’August Strindberg|http://www.archive-host.com/count-2037606-AMOUR_MATERNEL.pdf]] - [[Devant la mort, d’August Strindberg|http://www.archive-host.com/count-2042085-DEVANT_LA_MORT.pdf]] - [[Doit et avoir, d’August Strindberg|http://www.archive-host.com/count-2042091-DOIT_ET_AVOIR.pdf]] -
!!!!Blaise Cendrars
[[Le divin Arétin, de Blaise Cendrars|http://www.archive-host.com/count-2338206-Le_divin_Aretin.pdf]] -
!!!!Carlo Goldoni
[[Les Rustres, de Carlo Goldoni|http://www.archive-host.com/count-2166591-Les_Rustres.pdf]] - [[L’Amant militaire, de Carlo Goldoni|http://www.archive-host.com/count-2217555-LAmant_militaire.pdf]] - [[L’Eventail, de Carlo Goldoni|http://www.archive-host.com/count-2224896-LEventail.pdf]] - [[Les Amoureux,de Carlo Goldoni|http://www.archive-host.com/count-2267327-Les_Amoureux.pdf]] - [[Grabuge à Chiggia, de Carlo Goldoni|http://www.archive-host.com/count-2338196-Grabuge_a_Chioggia.pdf]] -
!!!!Charles Cros
[[L’ami de la maison, de Charles Cros (« Monologues »)|http://www.archive-host.com/count-1982566-LAmi_de_la_maison.pdf]] - [[Le Violon, de Charles Cros (« Monologues »)|http://www.archive-host.com/count-1982575-LE_VIOLON.pdf]] - [[L’homme qui a trouvé, de Charles Cros (« Monologues »)|http://www.archive-host.com/count-1982580-Lhomme_qui_a_trouve.pdf]] - [[L’homme propre, de Charles Cros (« Monologues »)|http://www.archive-host.com/count-1045915-Crospro.pdf]] - [[Le pendu, de Charles Cros (« Monologues »)|http://www.archive-host.com/count-1045929-LE___PENDU.pdf]] - [[Autrefois, de Charles Cros (« Monologues »)|http://www.archive-host.com/count-1738361-AUTREFOIS.pdf]] - [[Le Capitaliste, de Charles Cros (« Monologues »)|http://www.archive-host.com/count-1738365-LE_CAPITALISTE.pdf]] - [[Le Maître d’armes, de Charles Cros (« Monologues »)|http://www.archive-host.com/count-1738372-LE_MAITRE_DARMES.pdf]] - [[L’Homme raisonnable, de Charles Cros (« Monologues »)|http://www.archive-host.com/count-1738374-LHOMME_RAISONNABLE.pdf]] - [[L’Obsession, de Charles Cros (« Monologues »)|http://www.archive-host.com/count-1838749-LOBSESSION.pdf]] - [[L’Homme qui a voyagé, de Charles Cros (« Monologues »)|http://www.archive-host.com/count-1838752-LHOMME_QUI_A_VOYAGE.pdf]] - [[L’Homme qui a réussi, de Charles Cros (« Monologues »)|http://www.archive-host.com/count-1838757-LHOMME_QUI_A_REUSSI.pdf]] - [[La journée verte, de Charles Cros (« Monologues »)|http://www.archive-host.com/count-1921161-LA_JOURNEE_VERTE.pdf]] - [[L’homme aux pieds retournés, de Charles Cros (« Monologues »)|http://www.archive-host.com/count-1921172-LHOMME_AUX_PEDS_RETOURNES.pdf]] - [[L’homme perdu, de Charles Cros (« Monologues »)|http://www.archive-host.com/count-1921175-LHOMME_PERDU.pdf]] - [[La Propriété, de Charles Cros (in « Monologues »)|http://www.archive-host.com/count-958896-crospr.pdf]] - [[La Famille Dubois, de Charles Cros|http://www.archive-host.com/count-1537929-LA__FAMILLE_DUBOIS.pdf]] - [[L’Affaire de la rue Beaubourg, de Charles Cros|http://www.archive-host.com/count-1537939-Laffaire_de_la_rue_Beaubourg.pdf]] - [[Le Voyage à Trois-Etoiles, de Charles Cros|http://www.archive-host.com/count-1537949-LE_VOYAGE_A_TROIS-ETOILES.pdf]] - [[Le Bilboquet, de Charles Cros|http://www.archive-host.com/count-1537952-LE_BILBOQUET.pdf]] - [[La Bonne, de Charles Cros|http://www.archive-host.com/count-1537959-LA_BONNE.pdf]] -
!!!!Denis Diderot
[[Est-il bon ? Est-il méchant ? , de Denis Diderot|http://www.archive-host.com/count-1733942-EST-IL_BON_EST-IL_MECHANT.pdf]] - [[Le Fils naturel, de Denis Diderot|http://www.archive-host.com/count-1761538-LE_FILS_NATUREL.rtf]] - [[Le Père de famille, de Denis Diderot|http://www.archive-host.com/count-1761545-LE_PERE_DE_FAMILLE.rtf]] -
!!!!Edouard Pailleron
[[Le monde où l’on s’ennuie, de Edouard Pailleron|http://www.archive-host.com/count-1182652-LE_MONDE_OU_L.pdf]] - [[La Souris, de Edouard Pailleron|http://www.archive-host.com/count-1712799-La_Souris.pdf]] -
!!!!Emile Augier
[[Ceinture dorée, de Emile Augier|http://www.archive-host.com/count-1396173-CEINTURE_DOREE.pdf]] - [[Le Mariage d’Olympe, d’Emile Augier|http://www.archive-host.com/count-1712852-LE_MARIAGE_DOLYMPE.pdf]] - [[La Pierre de touche, d’Emile Augier|http://www.archive-host.com/count-1953684-LA_PIERRE_DE_TOUCHE.pdf]] - [[Le Gendre de Monsieur Poirier, d’Emile Augier|http://www.archive-host.com/count-958879-augpoir.pdf]] -
!!!!Emile Verhaeren
[[Le Cloître, d’Emile Verhaeren|http://www.archive-host.com/count-2366720-Le_Cloitre.pdf]] -
!!!!Eugène Labiche
[[L’affaire de la rue de Lourcine, d’Eugène Labiche|http://www.archive-host.com/count-1004235-Lablour.pdf]] - [[Le Major Cravachon, de Eugène Labiche|http://www.archive-host.com/count-1300080-LE_MAJOR_CRAVACHON.pdf]] - [[Les Chemins de fer, de Eugène Labiche|http://www.archive-host.com/count-1300089-LES_CHEMINS_DE_FER.pdf]] - [[Embrassons-nous Folleville, de Eugène Labiche|http://www.archive-host.com/count-1396161-Embrassons.pdf]] - [[Le plus heureux des trois, de Eugène Labiche|http://www.archive-host.com/count-1396197-LE_PLUS_HEUREUX_DES_TROIS.pdf]] - [[Mon Isménie, de Eugène Labiche|http://www.archive-host.com/count-1396210-MON_ISMENIE.pdf]] - [[29 degrés à l’ombre, de Eugène Labiche|http://www.archive-host.com/count-1503574-29_degres_a_lombre.pdf]] - [[Voyage autour de ma marmite, de Eugène Labiche|http://www.archive-host.com/count-1503588-Voyage_autour_de_ma_marmite.pdf]] - [[Brûlons Voltaire ! de Eugène Labiche|http://www.archive-host.com/count-1583892-Brulons_Voltaire.pdf]] - [[Les Précieux, de Eugène Labiche|http://www.archive-host.com/count-1583919-Les_Precieux.pdf]] - [[Je croque ma tante, de Eugène Labiche|http://www.archive-host.com/count-1712791-JE_CROQUE_MA_TANTE.pdf]] - [[Les trente millions de Gladiator, d’Eugène Labiche|http://www.archive-host.com/count-1712810-LES_TRENTE_MILLIONS_DE_GLADIATOR.pdf]] - [[Madame est trop belle, de Eugène Labiche|http://www.archive-host.com/count-1712817-Madame_est_trop_belle.pdf]] - [[Maman Sabouleux, de Eugène Labiche|http://www.archive-host.com/count-1712828-MAMAN_SABOULEUX.pdf]] - [[Un mouton à l’entresol, d’Eugène Labiche|http://www.archive-host.com/count-1712834-UN_MOUTON_A_LENTRESOL.pdf]] - [[La Cagnotte, de Eugène Labiche|http://www.archive-host.com/count-1712847-LA_CAGNOTTE.pdf]] - [[Le Voyage de Monsieur Perrichon, d’Eugène Labiche|http://www.archive-host.com/count-1751935-Le_Voyage_de_Monsieur_Perrichon.rtf]] - [[Agénor le dangereux, d’Eugène Labiche|http://www.archive-host.com/count-1812302-AGENOR_LE_DANGEREUX.pdf]] - [[Célimare le bien-aimé, d’Eugène Labiche|http://www.archive-host.com/count-1812305-CELIMARE_LE_BIEN-AIME.pdf]] - [[Un bal en robe de chambre, d’Eugène Labiche|http://www.archive-host.com/count-1812325-UN_BAL_EN_ROBE_DE_CHAMBRE.pdf]] - [[Une Chaîne anglaise, d’Eugène Labiche|http://www.archive-host.com/count-1812334-UNE_CHAINE_ANGLAISE.pdf]] - [[Garanti dix ans, d’Eugène Labiche|http://www.archive-host.com/count-1812343-Garanti_dix_ans.pdf]] - [[La Dame au petit chien, de Eugène Labiche|http://www.archive-host.com/count-1883814-La_Dame_au_petit_chien.pdf]] - [[La Grammaire, d’Eugène Labiche|http://www.archive-host.com/count-1883816-La_Grammaire.pdf]] - [[Les 37 sous de M. Montaudoin, de Eugène Labiche|http://www.archive-host.com/count-1883820-Les_37_sous_de_M_Montaudoin.pdf]] - [[Premier prix de piano, de Eugène Labiche|http://www.archive-host.com/count-1883831-Premier_prix_de_piano.pdf]] - [[Un Pied dans le crime, d’Eugène Labiche|http://www.archive-host.com/count-1883833-Un_Pied_dans_le_crime.pdf]] - [[La Station Champbaudet, de Eugène Labiche|http://www.archive-host.com/count-1883835-La_Station_Champbaudet.pdf]] - [[Doit-on le dire ? de Eugène Labiche|http://www.archive-host.com/count-1953677-Doit-on_le_dire.pdf]] - [[La Chasse aux Jobards, d’Eugène Labiche|http://www.archive-host.com/count-1953682-La_chasse_aux_jobards.pdf]] - [[Le dossier de Rosafol, d’Eugène Labiche|http://www.archive-host.com/count-1953692-Le_Dossier_de_Rosafol.pdf]] - [[Permettez, Madame ! de Eugène Labiche|http://www.archive-host.com/count-1953694-Permettez_Madame_.pdf]] - [[Deux papas très bien, d’Eugène Labiche|http://www.archive-host.com/count-2019182-DEUX_PAPAS_TRES_BIEN.pdf]] - [[L’avocat pédicure, d’Eugène Labiche|http://www.archive-host.com/count-2019199-Lavocat_pedicure.pdf]] - [[Le prix Martin, d’Eugène Labiche|http://www.archive-host.com/count-2019201-Le_Prix_Martin.pdf]] - [[La cigale chez les fourmis, d’Eugène Labiche|http://www.archive-host.com/count-2019212-La_Cigale_chez_les_Fourmis.pdf]] - [[L’homme de paille, d’Eugène Labiche|http://www.archive-host.com/count-2019268-Lhomme_de_paille.pdf]] - [[La Poudre aux yeux, d’Eugène Labiche|http://www.archive-host.com/count-2138511-La_poudre_aux_yeux.pdf]] - [[Le papa du prix d’honneur, d’Eugène Labiche|http://www.archive-host.com/count-2138550-Le_papa_du_prix_dhonneur.pdf]] - [[Mademoiselle ma femme, d’Eugène Labiche|http://www.archive-host.com/count-2138568-Mademoiselle_ma_femme.pdf]] - [[Moi, d’Eugène Labiche|http://www.archive-host.com/count-2138573-Moi.pdf]] - [[Un Ami acharné, d’Eugène Labiche|http://www.archive-host.com/count-2138583-Un_ami_acharne.pdf]] - [[Un Homme sanguin, d’Eugène Labiche|http://www.archive-host.com/count-2138595-Un_Homme_sanguin.pdf]] - [[La Chasse aux corbeaux, d’Eugène Labiche|http://www.archive-host.com/count-2199180-La_Chasse_aux_corbeaux.pdf]] - [[La Dame aux jambes d’azur, d’Eugène Labiche|http://www.archive-host.com/count-2199182-La_Dame_aux_jambes_dazur.pdf]] - [[La Main leste, d’Eugène Labiche|http://www.archive-host.com/count-2199184-La_Main_leste.pdf]] - [[Le Cachemire X.B.T., d’Eugène Labiche|http://www.archive-host.com/count-2199196-Le_Cachemire_XBT.pdf]] - [[Les Vivacités du capitaine Tic, d’Eugène Labiche|http://www.archive-host.com/count-2199219-Les_Vivacites_du_capitaine_Tic.pdf]] - [[Un Monsieur qui a brûlé une Dame, d’Eugène Labiche|http://www.archive-host.com/count-2199223-Un_Monsieur_qui_a_brule_une_dame.pdf]] - [[L’Amour, un fort volume, prix 3 F 50 C, d’Eugène Labiche|http://www.archive-host.com/count-2255894-LAmour_un_fort_volume_prix_3_f_50_c.pdf]] - [[Le Club champenois, d’Eugène Labiche|http://www.archive-host.com/count-2255905-Le_Club_champenois.pdf]] - [[Les petits oiseaux, d’Eugène Labiche|http://www.archive-host.com/count-2255911-Les_petits_oiseaux.pdf]] - [[Un Garçon de chez Véry, d’Eugène Labiche|http://www.archive-host.com/count-2255935-Un_Garcon_de_chez_Very.pdf]] - [[Un jeune homme pressé, d’Eugène Labiche|http://www.archive-host.com/count-2255937-Un_jeune_homme_presse.pdf]] - [[En manches de chemise, d’Eugène Labiche|http://www.archive-host.com/count-2316476-En_manches_de_chemise.pdf]] - [[Frisette, d’Eugène Labiche|http://www.archive-host.com/count-2316478-Frisette.pdf]] - [[La femme qui perd ses jarretières, d’Eugène Labiche|http://www.archive-host.com/count-2316484-La_Femme_qui_perd_ses_jarretieres.pdf]] - [[L’Avare en gants jaunes, d’Eugène Labiche|http://www.archive-host.com/count-2316489-LAvare_en_gants_jaunes.pdf]] - [[La Fille bien gardée, d’Eugène Labiche|http://www.archive-host.com/count-2366697-La_Fille_bien_gardee.pdf]] - [[La sensitive, d’Eugène Labiche|http://www.archive-host.com/count-2366699-La_Sensitive.pdf]] - [[Les petits moyens, d’Eugène Labiche|http://www.archive-host.com/count-2366710-Les_petits_moyens.pdf]] - [[Les Prétendus de Gimblette, d’Eugène Labiche|http://www.archive-host.com/count-2366714-Les_Pretendus_de_Gimblette.pdf]] - [[Un chapeau de paille d’Italie, d’Eugène Labiche|http://www.archive-host.com/count-958969-Labchap.pdf]] - [[Edgar et sa bonne, d’Eugène Labiche|http://www.archive-host.com/count-958971-Labedg.pdf]] -
!!!!Eugène Scribe
[[Une Nuit de la Garde Nationale, d’Eugène Scribe|http://www.archive-host.com/count-1712839-UNE_NUIT_DE_LA_GARDE_NATIONALE.pdf]] - [[Le nouveau Pourceaugnac, d’Eugène Scribe|http://www.archive-host.com/count-1712871-LE_NOUVEAU_POURCEAUGNAC.pdf]] - [[La Haine d’une femme, d’Eugène Scribe|http://www.archive-host.com/count-2138506-La_Haine_dune_femme.pdf]] - [[Le baiser au porteur, d’Eugène Scribe|http://www.archive-host.com/count-2138610-Le_baiser_au_porteur.pdf]] - [[La Demoiselle à marier, d’Eugène Scribe|http://www.archive-host.com/count-2199186-La_Demoiselle_a_marier.pdf]] - [[Le coiffeur et le perruquier, d’Eugène Scribe|http://www.archive-host.com/count-2199200-Le_coiffeur_et_le_perruquier.pdf]] - [[Le plus jour de la vie, d’Eugène Scribe|http://www.archive-host.com/count-2199208-Le_plus_beau_jour_de_la_vie.pdf]] - [[La Quarantaine, d’Eugène Scribe|http://www.archive-host.com/count-2255892-La_Quarantaine.pdf]] - [[L’écarté, d’Eugène Scribe|http://www.archive-host.com/count-2316491-Lecarte.pdf]] - [[Les Grisettes, d’Eugène Scribe|http://www.archive-host.com/count-2316493-Les_Grisettes.pdf]] - [[Les deux précepteurs, d’Eugène Scribe|http://www.archive-host.com/count-2366705-Les_deux_precepteurs.pdf]] - [[Le Solliciteur, d’Eugène Scribe|http://www.archive-host.com/count-994068-LE_SOLLICITEUR.pdf]] -
!!!!Flers
[[L’Habit vert, de Flers et Caillavet|http://www.archive-host.com/count-2037608-LHabit_vert.pdf]] - [[Les Vignes du Seigneur, de Flers et Croisset|http://www.archive-host.com/count-1904447-Les_Vignes_du_Seigneur.pdf]] - [[Le Roi, de Flers, Caillavet, Arène|http://www.archive-host.com/count-2047893-LE_ROI.pdf]] -
!!!!Georges Courteline
[[Les Boulingrin, de Georges Courteline|http://www.archive-host.com/count-958884-courbou.pdf]] - [[L’ARTICLE 330, de Georges Courteline|http://www.archive-host.com/count-1004248-LARTICLE_330_-_Georges_Courteline.epub>epub <http://www.archive-host.com/count-1004250-Courtart.pdf]] - [[Monsieur Badin, de Georges Courteline|http://www.archive-host.com/count-1004265-Monsieur_Badin_-_Georges_Courteline.epub>epub <http://www.archive-host.com/count-1004266-MONSIEUR_BADIN.pdf]] - [[Boubouroche, de Georges Courteline|http://www.archive-host.com/count-1300020-BOUBOUROCHE.pdf]] - [[La peur des coups, de Georges Courteline|http://www.archive-host.com/count-1300073-LA_PEUR_DES_COUPS.pdf]] - [[Le gendarme est sans pitié, de Georges Courteline|http://www.archive-host.com/count-1300122-LE__GENDARME.pdf]] - [[La Paix chez soi, de Georges Courteline|http://www.archive-host.com/count-1396192-LA_PAIX_CHEZ__SOI.pdf]] - [[Les Balances, de Georges Courteline|http://www.archive-host.com/count-1396202-LES_BALANCES.pdf]] - [[La Cruche, de Georges Courteline|http://www.archive-host.com/count-1503577-LA_CRUCHE.pdf]] - [[La conversion d’Alceste, de Georges Courteline|http://www.archive-host.com/count-1583905-LA_CONVERSION_DALCESTE.pdf]] - [[Le commissaire est bon enfant, de Georges Courteline|http://www.archive-host.com/count-958890-Courcom.pdf]] -
!!!!Georges de Scudéry
[[L’Amour tyrannique, de Georges de Scudéry|http://www.archive-host.com/count-1072588-SCUam.pdf]] -
!!!!Georges Feydeau
[[Hortense a dit : « Je m’en fous ! », de Georges Feydeau|http://www.archive-host.com/count-1004229-HORTENSE_A_DIT____JE_MEN_FOUS___-_Georges_Feydeau.epub>epub <http://www.archive-host.com/count-1004226-HORTENSE_A_DIT.pdf]] - [[Gibier de potence, de Georges Feydeau|http://www.archive-host.com/count-1300034-Gibier_de_potence.pdf]] - [[Occupe-toi d’Amélie, de Georges Feydeau|http://www.archive-host.com/count-1300103-Occupe.pdf]] - [[Un bain de ménage, de Georges Feydeau|http://www.archive-host.com/count-1300111-Un_bain_de_menage.pdf]] - [[L’hôtel du libre échange, de Georges Feydeau|http://www.archive-host.com/count-1503584-LHOTEL_DU_LIBRE_ECHANGE.pdf]] - [[Feu la mère de Madame, de Georges Feydeau|http://www.archive-host.com/count-1712785-FEU__LA_MERE_DE_MADAME.pdf]] - [[La Duchesse des Folies-Bergère, de Georges Feydeau|http://www.archive-host.com/count-1712794-LA_DUCHESSE_DES_FOLIES-BERGERE.pdf]] - [[« Mais n’te promène donc pas toute nue ! » de Georges Feydeau|http://www.archive-host.com/count-1712821-MAIS_NTE_PROMENE_DONC_PAS_TOUTE_NUE.pdf]] - [[C’est une femme du monde, de Georges Feydeau|http://www.archive-host.com/count-1812307-Cest_une_femme_du_monde.pdf]] - [[Dormez, je le veux ! de Georges Feydeau|http://www.archive-host.com/count-1883808-Dormez_je_le_veux_.pdf]] - [[Le Bourgeon, de Georges Feydeau|http://www.archive-host.com/count-1883837-Le_Bourgeon.pdf]] - [[La Main passe, de Georges Feydeau|http://www.archive-host.com/count-1953680-La_main_passe_.pdf]] - [[Chat en poche, de Georges Feydeau|http://www.archive-host.com/count-2019175-Chat_en_poche.pdf]] - [[Le système Ribadier, de Georges Feydeau|http://www.archive-host.com/count-2019216-LE_SYSTEME_RIBADIER.pdf]] - [[Notre futur, de Georges Feydeau|http://www.archive-host.com/count-2019218-Notre_futur.pdf]] - [[Séance de nuit, de Georges Feydeau|http://www.archive-host.com/count-2019228-Seance_de_nuit.pdf]] - [[La Dame de chez Maxim, de Georges Feydeau|http://www.archive-host.com/count-2138500-La_Dame_de_chez_Maxim.pdf]] - [[Le Circuit, de Georges Feydeau|http://www.archive-host.com/count-2138531-Le_Circuit.pdf]] - [[Amour et piano, de Georges Feydeau|http://www.archive-host.com/count-2199171-Amour_et_piano.pdf]] - [[Fiancés en herbe, de Georges Feydeau|http://www.archive-host.com/count-2199173-Fiances_en_herbe.pdf]] - [[L’Affaire Edouard, de Georges Feydeau|http://www.archive-host.com/count-2199192-LAffaire_Edouard.pdf]] - [[Les Pavés de l’ours, de Georges Feydeau|http://www.archive-host.com/count-2199215-Les_Paves_de_lours.pdf]] - [[Le Dindon, de Georges Feydeau|http://www.archive-host.com/count-2255901-Le_dindon.pdf]] - [[On va faire la cocotte, de Georges Feydeau|http://www.archive-host.com/count-2316497-On_va_faire_la_cocotte.pdf]] - [[Un fil à la patte, de Georges Feydeau|http://www.archive-host.com/count-2316508-Un_fil_a_la_patte.pdf]] - [[Cent millions qui tombent, de Georges Feydeau|http://www.archive-host.com/count-2366694-Cent_millions_qui_tombent.pdf]] - [[La Puce à l’oreille, de Georges Feydeau|http://www.archive-host.com/count-2366701-La_Puce_a_loreille.pdf]] - [[Léonie est en avance, de Georges Feydeau|http://www.archive-host.com/count-958922-feyleo2.pdf]] - [[On purge bébé, de Georges Feydeau|http://www.archive-host.com/count-958929-feypb2.pdf]] -
!!!!Guillaume Apollinaire
[[Les mamelles de Tirésias, de Guillaume Apollinaire|http://www.archive-host.com/count-1037218-LES_MAMELLES_DE_TIRESIAS.pdf]] -
!!!!Guy de Maupassant
[[Histoire du vieux temps, de Guy de Maupassant|http://www.archive-host.com/count-1954784-HISTOIRE_DU_VIEUX_TEMPS.pdf]] - [[Une Répétition, de Guy de Maupassant|http://www.archive-host.com/count-1954786-UNE_REPETITION.pdf]] - [[La paix du ménage, de Guy de Maupassant|http://www.archive-host.com/count-1966464-LA_PAIX_DU_MENAGE.pdf]] - [[Musotte, de Guy de Maupassant|http://www.archive-host.com/count-1966469-Musotte.pdf]] -
!!!!Hennry Monnier
[[Le dîner bourgeois, de Hennry Monnier|http://www.archive-host.com/count-2292013-Le_diner_bourgeois.pdf]] -
!!!! Henri Becque
[[Les Corbeaux, de Henri Becque|http://www.archive-host.com/count-1834898-Les_Corbeaux.pdf]] -
[[La Parisienne, de Henri Becque|http://www.archive-host.com/count-1837206-La_Parisienne.pdf]] -
!!!! Henri de Régnier
[[Les Scrupules de Sganarelle, de Henri de Régnier|http://www.archive-host.com/count-2138540-Les_Scrupules_de_Sganarelle.pdf]] -
!!!!Henrick Ibsen
[[Le Canard sauvage, de Henrick Ibsen|http://www.archive-host.com/count-1953688-Le_Canard_sauvage.pdf]] - [[Une Maison de poupée, de Henrik Ibsen|http://www.archive-host.com/count-1812339-Une_maison_de_poupee.pdf]] - [[Hedda Gabler, de Henrik Ibsen|http://www.archive-host.com/count-1883810-HEDDA_GABLER.pdf]] - [[Solness le constructeur, de Henrik Ibsen|http://www.archive-host.com/count-2019234-Solness_le_constructeur.pdf]] - [[Le Petit Eyolf, de Henrik Ibsen|http://www.archive-host.com/count-2138554-Le_Petit_Eyolf.pdf]] - [[John Gabriel Borkman, de Henrik Ibsen|http://www.archive-host.com/count-2138589-John_Gabriel_Borkman.pdf]] - [[Un Ennemi du peuple, de Henrik Ibsen|http://www.archive-host.com/count-2255930-Un_Ennemi_du_peuple.pdf]] -
!!!!Henry Bernstein
[[Samson, de Henry Bernstein|http://www.archive-host.com/count-2366722-Samson.pdf]] -
!!!!Henry Monnier
[[La Cour d’Assises, de Henry Monnier|http://www.archive-host.com/count-2273193-LA_COUR_DASSISES.pdf]] - [[Le roman chez la portière, de Henry Monnier|http://www.archive-host.com/count-2273200-LE_ROMAN_CHEZ_LA_PORTIERE.pdf]] - [[Le Correspondant dramatique, de Henry Monnier|http://www.archive-host.com/count-2292010-Le_Correspondant_dramatique.pdf]] - [[Les Girouettes, de Henry Monnier|http://www.archive-host.com/count-2328459-LES_GIROUETTES.pdf]] - [[Un café militaire, de Henry Monnier|http://www.archive-host.com/count-2328464-UN_CAFE_MILITAIRE.pdf]] - [[L’Enterrement, de Henry Monnier|http://www.archive-host.com/count-2374988-LEnterrement.pdf]] - [[Précis historique, de Henry Monnier|http://www.archive-host.com/count-2374998-Precis_historique.pdf]] - [[Un Voyage en diligence, de Henry Monnier|http://www.archive-host.com/count-2375002-Un_Voyage_en_diligence.pdf]] -
!!!!Honoré de Balzac
[[Le Faiseur, d’Honoré de Balzac|http://www.archive-host.com/count-2388390-Le_Faiseur.pdf]] -
!!!!Jacques Audiberti
[[La logeuse, de Jacques Audiberti|http://www.archive-host.com/count-958848-Audlog.pdf]] -
!!!!Jean de Rotrou
[[Venceslas, de Jean de Rotrou|http://www.archive-host.com/count-1712843-VENCESLAS.pdf]] -
[[Le Véritable Saint Genest, de Jean de Rotrou|http://www.archive-host.com/count-1712855-LE_VERITABLE_SAINT_GENEST.pdf]] -
!!!!Jean Giraudoux
[[Intermezzo, de Jean Giraudoux|http://www.archive-host.com/count-2281139-Intermezzo.pdf]] - [[Supplément au Voyage de Cook, de Jean Giraudoux|http://www.archive-host.com/count-2338212-Supplement_au_Voyage_de_Cook.pdf]] - [[L’Apollon de Bellac, de Jean Giraudoux|http://www.archive-host.com/count-2383879-LApollon_de_Bellac.pdf]] - [[Fin de Siegfried, de Jean Giraudoux|http://www.archive-host.com/count-958944-girfins.pdf]] - [[Siegfried, de Jean Giraudoux|http://www.archive-host.com/count-958949-girsieg.pdf]] -
!!!!Jean Racine
[[Les Plaideurs, de Jean Racine|http://www.archive-host.com/count-1812322-Les_Plaideurs.pdf]] - [[Esther, de Jean Racine|http://www.archive-host.com/count-2138557-ESTHER.pdf]] -
!!!!Jean Sibil
[[Magda est là et n’est pas là, de Jean Sibil|http://www.archive-host.com/count-1004280-MAGDA_EST_LA_ET_N.pdf]] - [[L’hôtel du libre échange II, de Jean Sibil|http://www.archive-host.com/count-1029781-HDLBII.pdf]] - [[Arrêt 36 de l’autobus 40, de Jean Sibil|http://www.archive-host.com/count-1049202-Arret_36_de_l.pdf]] - [[La guerre des dodus, de Jean Sibil|http://www.archive-host.com/count-1072555-dodutt.pdf]] - [[Joël est malade, de Jean Sibil|http://www.archive-host.com/count-1300049-Joel_est_malade.pdf]] - [[La Femme et son ombre, de Jean Sibil|http://www.archive-host.com/count-1300060-La_femme_et_son_ombre.pdf]] - [[Roberto Succo, de Jean Sibil|http://www.archive-host.com/count-1396215-Roberto_Succo.pdf]] - [[L’Electeur, de Jean Sibil|http://www.archive-host.com/count-1470249-LElecteur.pdf]] - [[Suzanne et les Vénérables, de Jean Sibil|http://www.archive-host.com/count-1470254-SUZANNE_ET_LES_VENERABLES.pdf]] - [[L’Enfer des « Hommes », de Jean Sibil|http://www.archive-host.com/count-1537911-LEnfer_des_Hommes.pdf]] - [[Anne-Sophie (maire, députée, sénatrice), de Jean Sibil|http://www.archive-host.com/count-1541231-Anne-Sophie_maire_depute_senateur.pdf]] - [[Bollywood France, de Jean Sibil|http://www.archive-host.com/count-1541235-Bollywood_France.pdf]] - [[Chat qui passe, de Jean Sibil|http://www.archive-host.com/count-1541237-Chat_qui_passe.pdf]] - [[Chérie au travail, de Jean Sibil|http://www.archive-host.com/count-1541239-Cherie_au_travail.pdf]] - [[En passant par la salle de bains, de Jean Sibil|http://www.archive-host.com/count-1541244-En_passant_par_la_salle_de_bains.pdf]] - [[Force reste à la loi, de Jean Sibil|http://www.archive-host.com/count-1541246-FORCE_RESTE_A_LA_LOI.pdf]] - [[La Fuite éperdue de Charles-Marie Ange, de Jean Sibil|http://www.archive-host.com/count-1541256-La_Fuite_eperdue_de_Charles-Marie_Ange.pdf]] - [[La Juliette au fouet, de Jean Sibil|http://www.archive-host.com/count-1541259-La_Juliette_au_fouet.pdf]] - [[La Morale sans peine, de Jean Sibil|http://www.archive-host.com/count-1541261-LA_MORALE_SANS_PEINE.pdf]] - [[Le nouveau mâle-a-de la science, de Jean Sibil|http://www.archive-host.com/count-1541275-Le_nouveau_male-a-de_la_science.pdf]] - [[Le Papillon à tête de mort, de Jean Sibil|http://www.archive-host.com/count-1541277-LE_PAPILLON_A_TETE_DE_MORT.pdf]] - [[Les Etres hantés, de Jean Sibil|http://www.archive-host.com/count-1541282-Les_etres_hantes.pdf]] - [[Olaf, l’original, de Jean Sibil|http://www.archive-host.com/count-1541297-Olaf_loriginal_l.pdf]] - [[Risette cannibale, de Jean Sibil|http://www.archive-host.com/count-1541308-RISETTE_CANNIBALE.pdf]] - [[Pute en solde, de Jean Sibil|http://www.archive-host.com/count-1741249-Putesold.RTF]] - [[Honte à toi, Lola ! de Jean Sibil|http://www.archive-host.com/count-1982561-Honte__a__toi__Lola_.pdf]] - [[Nouoeuf, de Jean Sibil|http://www.archive-host.com/count-2241024-Nouoeuf.pdf]] - [[Eve au corsage fleuri, de Jean Sibil|http://www.archive-host.com/count-958904-ECF.pdf]] - [[Le Wols, de Jean Sibil|http://www.archive-host.com/count-958996-lewols2.pdf]] -
!!!!Jean-François Regnard
[[Attendez-moi sous l’orme, de Jean-François Regnard|http://www.archive-host.com/count-1712773-ATTENDEZ-MOI_SOUS_LORME.pdf]] - [[Le Distrait, de Jean-François Regnard|http://www.archive-host.com/count-1712806-LE_DISTRAIT.pdf]] - [[La Critique du Légataire, de Jean-François Regnard|http://www.archive-host.com/count-1812312-LA_CRITIQUE_DU_LEGATAIRE.pdf]] - [[Le Légataire universel, de Jean-François Regnard|http://www.archive-host.com/count-1812319-Le_Legataire_universel.pdf]] - [[Le Bal, de Jean-François Regnard|http://www.archive-host.com/count-1883822-Le_Bal.pdf]] - [[Les Souhaits, de Jean-François Regnard|http://www.archive-host.com/count-1883825-Les_Souhaits.pdf]] - [[Les Vendanges, de Jean-François Regnard|http://www.archive-host.com/count-1883827-LES_VENDANGES.pdf]] - [[Les Ménechmes, de Jean-François Regnard|http://www.archive-host.com/count-1953690-LES_MENECHMES.pdf]] - [[Prologue des « Ménechmes », de Jean-François Regnard|http://www.archive-host.com/count-1953696-PROLOGUE_des_MENECHMES.pdf]] - [[Le retour imprévu, de Jean-François Regnard|http://www.archive-host.com/count-2019206-Le_retour_imprevu.pdf]] - [[Sapor, de Jean-François Regnard|http://www.archive-host.com/count-2019222-SAPOR.pdf]] - [[La Sérénade, de Jean-François Regnard|http://www.archive-host.com/count-2138518-LA_SERENADE.pdf]] - [[Le Carnaval de Venise, de Jean-François Regnard|http://www.archive-host.com/count-2138607-Le_Carnaval_de_Venise.pdf]] - [[Le Mariage de la Folie, de Jean-François Regnard|http://www.archive-host.com/count-2199204-LE_MARIAGE_DE_LA_FOLIE.pdf]] - [[Les Folies amoureuses, de Jean-François Regnard|http://www.archive-host.com/count-2199211-LES_FOLIES_AMOUREUSES.pdf]] - [[Prologue des Folies amoureuses, de Jean-François Regnard|http://www.archive-host.com/count-2199221-Prologue_des_Folies_amoureuses.pdf]] - [[Démocrite, de Jean-François Regnard|http://www.archive-host.com/count-2255886-DEMOCRITE.pdf]] - [[Le Joueur, de Jean-François Regnard|http://www.archive-host.com/count-994080-LE__JOUEUR.pdf]] -
!!!!Jules Renard
[[Le Cousin de Rose, de Jules Renard|http://www.archive-host.com/count-1830006-Le_Cousin_de_Rose.pdf]] - [[Le Plaisir de rompre, de Jules Renard|http://www.archive-host.com/count-1830011-Le_Plaisir_de_rompre.pdf]] - [[Poil de Carotte, de Jules Renard|http://www.archive-host.com/count-1830016-POIL_DE_CAROTTE.pdf]] - [[La Demande, de Jules Renard|http://www.archive-host.com/count-1838732-La_Demande.pdf]] - [[Le pain de ménage, de Jules Renard|http://www.archive-host.com/count-1838737-Le_pain_de_menage.pdf]] - [[L’Invité, de Jules Renard - 3F1H|http://www.archive-host.com/count-1838744-LINVITE.pdf]] - [[La Bigote, de Jules Renard|http://www.archive-host.com/count-1893436-La_Bigote.pdf]] - [[Monsieur Vernet, de Jules Renard|http://www.archive-host.com/count-1893440-Monsieur_Vernet.pdf]] -
!!!!Lesage
[[Crispin rival de son maître, de Lesage|http://www.archive-host.com/count-1348380-CRISPIN_RIVAL_DE_SON_MAITRE.pdf]] - [[Turcaret, de Lesage|http://www.archive-host.com/count-1348400-TURCARET.pdf]] -
!!!!Luigi Pirandello
[[Liola, de Luigi Pirandello|http://www.archive-host.com/count-1004240-LIOLA.pdf]] - [[La Raison des autres, de Luigi Pirandello|http://www.archive-host.com/count-1812430-La_Raison_des_autres.pdf]] - [[L’Amie des épouses, de Luigi Pirandello|http://www.archive-host.com/count-1883818-LAMIE_DES_EPOUSES.pdf]] - [[La Volupté de l’honneur, de Luigi Pirandello|http://www.archive-host.com/count-2138527-La_Volupte_de_lhonneur.pdf]] - [[Quand on est quelqu’un, de Luigi Pirandello|http://www.archive-host.com/count-2138578-Quand_on_est_quelquun.pdf]] - [[L’Etau, de Luigi Pirandello - 2H2F|http://www.archive-host.com/count-2255920-LEtau.pdf]] - [[Se trouver, de Luigi Pirandello|http://www.archive-host.com/count-2316503-Se_trouver.pdf]] - [[Le Brevet, de Luigi Pirandello - 2H1F3hf|http://www.archive-host.com/count-2366703-Le_Brevet.pdf]] - [[La Jarre, de Luigi Pirandello|http://www.archive-host.com/count-959019-Pirjar.pdf]] - [[Cédrats de Sicile, de Luigi Pirandello - 2H3F.xhf|http://www.archive-host.com/count-994071-CEDRATS_DE_SICILE.pdf]] -
!!!!Maître Pathelin
[[La Farce de Maître Pathelin|http://www.archive-host.com/count-1727609-La_farce_de_Maitre_Pathelin.pdf]] -
!!!!Marivaux
[[L’île des esclaves, de Marivaux|http://www.archive-host.com/count-1045952-Maride.pdf]] - [[Les Acteurs de bonne foi, de Marivaux 3H6F.1hf|http://www.archive-host.com/count-1753285-LES_ACTEURS_DE_BONNE_FOI.rtf]] - [[L’Epreuve, de Marivaux - 3H3F|http://www.archive-host.com/count-1757640-LEPREUVE.rtf]] - [[La Dispute, de Marivaux|http://www.archive-host.com/count-1905724-La_Dispute.pdf]] - [[La Surprise de l’amour, de Marivaux|http://www.archive-host.com/count-2167493-La_Surprise_de_lamour.pdf]] - [[La seconde Surprise de l’amour, de Marivaux|http://www.archive-host.com/count-2224892-La_seconde_Surprise_de_lamour.pdf]] - [[Les Fausses confidences, de Marivaux|http://www.archive-host.com/count-2281142-Les_Fausses_confidences.pdf]] -
!!!!Maurice Maeterlinck
[[Intérieur, de Maurice Maeterlinck 2H2F.4hf|http://www.archive-host.com/count-2290203-Interieur.pdf]] - [[La Mort de Tintagiles, de Maurice Maeterlinck|http://www.archive-host.com/count-2290208-La_Mort_de_Tintagiles.pdf]] - [[Alladine et Palomides, de Maurice Maeterlinck|http://www.archive-host.com/count-2328453-Alladine_et_Palomides.pdf]] -
!!!!Meilhac et Halévy
[[Le Roi Candaule, de Meilhac et Halévy|http://www.archive-host.com/count-1583915-Le_Roi_Candaule.pdf]] - [[Lolotte, de Meilhac et Halévy|http://www.archive-host.com/count-1712812-LOLOTTE.pdf]] - [[Le passage de Vénus, de Meilhac et Halévy|http://www.archive-host.com/count-1712866-LE_PASSAGE_DE_VENUS.pdf]] - [[L’Eté de la Saint-Martin, de Meilhac et Halévy|http://www.archive-host.com/count-1883829-LETE_DE_LA_SAINT-MARTIN.pdf]] - [[La mi-carême, de Meilhac et Halévy|http://www.archive-host.com/count-2019191-LA_MI-CAREME.pdf]] - [[Les Sonnettes, de Meilhac et Halévy|http://www.archive-host.com/count-2138546-Les_Sonnettes.pdf]] - [[L’Ingénue, de Meilhac et Halévy|http://www.archive-host.com/count-2138564-LINGENUE.pdf]] - [[La Veuve, de Meilhac et Halévy|http://www.archive-host.com/count-2199176-La__Veuve.pdf]] - [[La petite marquise, de Meilhac et Halévy|http://www.archive-host.com/count-2199189-La_petite_marquise.pdf]] - [[La Cigale, de Meilhac et Halévy|http://www.archive-host.com/count-2255889-LA_CIGALE.pdf]] - [[Froufrou, de Meilhac et Halévy|http://www.archive-host.com/count-2316480-Froufrou.pdf]] -
!!!!Molière
[[Psyché, de Molière, Pierre Corneille, Quinault|http://www.archive-host.com/count-2027103-PSYCHE.pdf]] - [[L’Impromptu de Versailles, de Molière|http://www.archive-host.com/count-1004268-Molimp.pdf]] - [[Amphitryon, de Molière|http://www.archive-host.com/count-2166583-Amphitryon.pdf]] - [[La Princesse d’Elide, de Molière|http://www.archive-host.com/count-2217553-La_Princesse_dElide.pdf]] - [[L’Amour médecin, de Molière|http://www.archive-host.com/count-2267308-LAmour_medecin.pdf]] - [[Le Mariage forcé, de Molière|http://www.archive-host.com/count-2267315-Le_Mariage_force.pdf]] - [[La Critique de l’Ecole des femmes, de Molière|http://www.archive-host.com/count-2338199-La_Critique_de_LEcole_des_femmes.pdf]] - [[Pastorale comique, de Molière|http://www.archive-host.com/count-2374994-Pastorale_comique.pdf]] - [[Mélicerte, de Molière|http://www.archive-host.com/count-2383882-MELICERTE.pdf]] -
!!!!Octave Mirbeau
[[Les affaires sont les affaires, d’Octave Mirbeau|http://www.archive-host.com/count-1909560-LES_AFFAIRES_SONT_LES_AFFAIRES.pdf]] - [[Les mauvais bergers, d’Octave Mirbeau|http://www.archive-host.com/count-1921169-Les_mauvais_bergers.pdf]] - [[Le Foyer, d’Octave Mirbeau|http://www.archive-host.com/count-1969706-LE_FOYER.pdf]] - [[L’Epidémie, d’Octave Mirbeau|http://www.archive-host.com/count-1975040-LEPIDEMIE.pdf]] - [[Vieux ménages, d’Octave Mirbeau|http://www.archive-host.com/count-1982584-VIEUX_MENAGES.pdf]] - [[Le Portefeuille, d’Octave Mirbeau|http://www.archive-host.com/count-2030826-LE_PORTEFEUILLE.pdf]] - [[Les Amants, d’Octave Mirbeau|http://www.archive-host.com/count-2030830-LES_AMANTS.pdf]] - [[Scrupules, d’Octave Mirbeau|http://www.archive-host.com/count-2037611-SCRUPULES.pdf]] - [[Interview, d’Octave Mirbeau|http://www.archive-host.com/count-2042095-INTERVIEW.pdf]] - [[Chez les fous, d’Octave Mirbeau|http://www.archive-host.com/count-2166586-CHEZ_LES_FOUS.pdf]] - [[Consultation, d’Octave Mirbeau|http://www.archive-host.com/count-2217550-CONSULTATION.pdf]] - [[Le Mal moderne, d’Octave Mirbeau|http://www.archive-host.com/count-2267319-LE_MAL_MODERNE.pdf]] - [[Dans la luzerne, d’Octave Mirbeau|http://www.archive-host.com/count-2338193-DANS_LA_LUZERNE.pdf]] -
!!!!Pierre Corneille
[[La Place royale, de Corneille|http://www.archive-host.com/count-1072548-CornPR.pdf]] - [[La suite du « Menteur », de Pierre Corneille|http://www.archive-host.com/count-1037205-SUITE_DU_MENTEUR.pdf]] - [[Théodore vierge et martyre, de Pierre Corneille|http://www.archive-host.com/count-1244288-THEODORE.pdf]] - [[Mélite, de Pierre Corneille|http://www.archive-host.com/count-1611154-MELITE.pdf]] - [[La Veuve, de Pierre Corneille|http://www.archive-host.com/count-1736299-La_Veuve.pdf]] - [[La Galerie du Palais, de Pierre Corneille|http://www.archive-host.com/count-1819810-La_Galerie_du_Palais.pdf]] - [[L’Illusion comique, de Pierre Corneille|http://www.archive-host.com/count-1899133-LILLUSION_COMIQUE.pdf]] - [[La Suivante, de Pierre Corneille|http://www.archive-host.com/count-1915847-La_Suivante.pdf]] - [[Le Menteur, de Pierre Corneille|http://www.archive-host.com/count-1915853-Le_Menteur.pdf]] - [[Andromède, de Pierre Corneille|http://www.archive-host.com/count-2158364-ANDROMEDE.pdf]] - [[La Toison d’or, de Pierre Corneille|http://www.archive-host.com/count-2229387-La_Toison_dor.pdf]] - [[Prologue de La Toison d’or, de Pierre Corneille|http://www.archive-host.com/count-2229389-Prologue_de_La_Toison_dor.pdf]] - [[Héraclius empereur d’Orient, de Pierre Corneille|http://www.archive-host.com/count-2273187-HERACLIUS_EMPEREUR_DORIENT.pdf]] -
!!!!Prosper Mérimée
[[L’amour africain, de Prosper Mérimée|http://www.archive-host.com/count-1049213-MeriAaf.pdf]] - [[Inès Mendo ou Le préjugé vaincu, de Prosper Mérimée|http://www.archive-host.com/count-1072571-MerMEN1.pdf]] - [[Inès Mendo ou Le triomphe du préjugé, de Prosper Mérimée|http://www.archive-host.com/count-1072577-MERIMLTP.pdf]] - [[Le Carrosse du Saint-Sacrement, de Prosper Mérimée|http://www.archive-host.com/count-1355607-LE_CARROSSE_DU_SAINT.pdf]] - [[Une femme est un diable, de Prosper Mérimée|http://www.archive-host.com/count-1355614-UNE_FEMME_EST_UN_DIABLE.pdf]] - [[Le Ciel et l’enfer, de Prosper Mérimée|http://www.archive-host.com/count-1445519-LE_CIEL_ET_L.pdf]] - [[L’Occasion, de Prosper Mérimée|http://www.archive-host.com/count-1445524-LOCCASION.pdf]] - [[Les Espagnols en Danemark, de Prosper Mérimée|http://www.archive-host.com/count-1537914-LES_ESPAGNOLS_EN_DANEMARK.pdf]] -
!!!!Térence
[[La Fille qui venait d’Andros, de Térence|http://www.archive-host.com/count-1852555-La_Fille_qui_venait_dAndros.pdf]] -
!!!!Tristan Bernard
[[Jules, Juliette et Julien, de Tristan Bernard|http://www.archive-host.com/count-2316482-Jules_Juliette_et_Julien.pdf]] - [[Monsieur Codomat, de Tristan Bernard|http://www.archive-host.com/count-994086-MONSIEUR_CODOMAT.pdf]] -
!!!!Victor Hugo
[[Mangeront-ils ? , de Victor Hugo|http://www.archive-host.com/count-1049222-MANGERONT.pdf]] - [[L’Epée, de Victor Hugo|http://www.archive-host.com/count-1072563-HUGEP.pdf]] - [[Les deux trouvailles de Gallus II ESCA, de Victor Hugo|http://www.archive-host.com/count-1594858-ESCA.pdf]] - [[Les deux trouvailles de Gallus I MARGARITA, de Victor Hugo|http://www.archive-host.com/count-1594865-Margarita.pdf]] - [[La Forêt mouillée, de Victor Hugo|http://www.archive-host.com/count-1732630-LA_FORET_MOUILLEE.pdf]] - [[La Grand-mère, de Victor Hugo|http://www.archive-host.com/count-1732634-LA_GRAND-MERE.pdf]] - [[Hernani, de Victor Hugo|http://www.archive-host.com/count-1757627-HERNANI.rtf]] - [[Mille francs de récompense, de Victor Hugo|http://www.archive-host.com/count-1826572-MILLE_FRANCS_DE_RECOMPENSE.pdf]] - [[Les Gueux, de Victor Hugo|http://www.archive-host.com/count-1833122-LES_GUEUX.pdf]] - [[L’Intervention, de Victor Hugo|http://www.archive-host.com/count-1833128-LINTERVENTION.pdf]] - [[Sur la lisière d’un bois, de Victor Hugo|http://www.archive-host.com/count-1833133-SUR_LA_LISIERE_DUN_BOIS.pdf]] - [[Torquemada, de Victor Hugo|http://www.archive-host.com/count-1899140-TORQUEMADA.pdf]] - [[Lucrèce Borgia, de Victor Hugo|http://www.archive-host.com/count-2285330-Lucrece_Borgia.pdf]] - [[Angelo, tyran de Padoue, de Victor Hugo|http://www.archive-host.com/count-2288991-Angelo_tyran_de_Padoue.pdf]] - [[Marion de Lorme, de Victor Hugo|http://www.archive-host.com/count-2328462-Marion_de_Lorme.pdf]] - [[Amy Robsart, de Victor Hugo|http://www.archive-host.com/count-2374985-Amy_Robsart.pdf]] - [[Ruy Blas, de Victor Hugo|http://www.archive-host.com/count-958955-Hugorb.pdf]] -
!!!!Victorien Sardou
[[Monsieur Garat, de Victorien Sardou|http://www.archive-host.com/count-1975044-MONSIEUR_GARAT.pdf]] - [[La Famille Benoîton, de Victorien Sardou|http://www.archive-host.com/count-1994088-La_Famille_Benoiton.pdf]] - [[Piccolino, de Victorien Sardou|http://www.archive-host.com/count-2147987-PICCOLINO.pdf]] -
!!!!Villiers de l’Isle-Adam
[[La Révolte, de Villiers de l’Isle-Adam|http://www.archive-host.com/count-1045926-LA_REVOLTE.pdf]] - [[Axël, de Villiers de l’Isle-Adam|http://www.archive-host.com/count-2234711-Axel.pdf]] -
!!!!Voltaire
[[L’Orphelin de la Chine, de Voltaire|http://www.archive-host.com/count-959000-Lorphelilndela.pdf]]
{{center{<<storyViewer amour >>}}}
!Poèmes d'amour
((Ce choix(^
La majeure partie de ces textes sont repris de //Cent poèmes d'amour pour un siècle nouveau// de Albine Novarino et Béatrice Mandopoulos
//[Éditions Omnibus]//)))
<<tiddler ListeModifier with: "amour" "80">>
<<tiddler 'Don Juan et Elvire'>>
<<tiddler 'L’OURS - Tchékov'>>
{{center big{
<<tag Ronsard>>
}}}
!!!SEPTEMBRE - DÉCEMBRE 2018//
Programmation prévue à ce jour//
<<tiddler 'Programmation des textes##Programmation prévue à ce jour'>>
!!!!Sélections présentes dans cette édition du Cahier :
? 114 <<tag poésies>> ?? 14 <<tag 'Poèmes humoristiques'>> ?? 6 <<tag PoésieChinoise>> ?? 13 <<tag chansons>> ?
^^Voir aussi la [[Sélection de textes sur la Jalousie|La jalousie dans la littérature]]^^
!!!!!Pour choisir des fables :
*Site à visiter : ''[[Rue des fables|http://www.ruedesfables.net/tous-les-fabulistes/]]''
!!!!!Pour mieux farfouiller dans ce cahier :
*<<tiddler Accueil##tags%/>>
<<tiddler 'LA CHUTE DE L'ANGE'>>
<<tiddler 'LE DÉLIT DE LILI'>>
<<tiddler 'LE PÈRE DU DÉSERT'>>
<<tiddler 'LE SOUCI DE BACH'>>
!Animation Anniversaires Mouffetard
*Courts monologues
*Sketchs
*Chansons
!Animation Fête des Mères//
//à Mouffetard
!Le 12 décembre au Club des TERNES
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'"| Textes | !durée | !distribution |h"'
>>
!Le21 mars à Mouffetard
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'"| Textes | !durée | !distribution |h"'
>>
!!!Ressources pour faire vos choix du jour :
{{center big{
*Une page de prose
*Un poème
*Une fable
}}}
<<tiddler 886_dire>>
!^^//Jeudi 13/6/19
//•
^^Poésie à Mouffetard
|!?ATTENTION : Caler le même programme que pour le 4 avril !|
!^^//Jeudi 11 avril
//•
^^Représentation à Malraux
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'"| Les textes programmables //(liste au 16/1/19)// | !auteur | !durée |h"'
>>
!Représentation à ~Port-Royal le 12 mars
!!!!Programme envisagé
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'"| !Programme envisagé<br>à {{big{~Port-Royal}}} | !auteur | !distribution | !durée |"'>>
:? À compléter par un dernier texte permettant d'inclure Yvonne et Nic, et pouvant être joué le 12/3.
!!!!Liste des textes actuellement programmables à ~Port-Royal :
* jamais joués à Mouffetard<br>^^exit "Deux Couverts"^^
* sans Denise dans la distribution (absente le 12/3)<br>^^exit "Figaro"^^
{{small{
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'"\n| ![["+tiddler.title+"]]| <<tiddler [["+tiddler.title+"::auteur]]$)) | <<tiddler [["+tiddler.title+"::distribution]]$)) | <<tiddler [["+tiddler.title+"::temps]]$)) |" '
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'"| !Textes des Septuas ++ programmables<br>à {{big{~Port-Royal}}} | !auteur | !distribution | !durée |h"'
>>
}}}On peut programmer les cinq premiers, et soit ''Knock'' soit ''Jeux de scène''. Michèle et moi préférons ce dernier, mais //Éveline// s'en trouverait insuffisamment distribuée...
D'autre part //Gérard, Yvonne, Nic// ne sont pas ou peu distribués :
? Est-ce que //Yvonne// ou //Nic// auraient un texte déjà joué par l'une qui pourrait être répété et représenté le 12 mars ?
? Est-ce que //Gérard// pourrait donner la réplique à //Brigitte// à ma place dans Coup de Foudre ?
Avez-vous les uns ou les autres d'autres suggestions ?
!^^//Jeudi 4 avril
//•
^^Représentation à ~Saint-Éloi
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'"| Les textes programmables //(liste au 16/1/19)// | !auteur | !durée |h"'
>>
4 juin
Club des Epinettes
CONSALVI Fabrice
51, rue des Epinettes 75017 PARIS
Tel : 01 42 29 29 13
!Mairie du 17ème^^
//Mardi 17 décembre//^^
*[[Figaro 2019 • actes II et III ]]
+++[Consalvi Fabrice • 19 févr. 2019]
;Théâtre
:Mme MAURICE la secrétaire de la maire me confirme bien le représentation pour le mardi 17 décembre 2019 la représentation dure 1h30 ? (maximum)
:Une représentation est prévue le matin même sinon on peut essayer de négocier mais c’est un peu difficile , on peut vous accueillir aussi un peu avant au club j’ai la salle à dispo si vous voulez, au mois de juin lors de votre venu que ferez vous ?
===
|>| !Club Claude Bernard |h
|email| dominique.leonil@paris.fr |
|TEL| 01 45 35 01 95 |
|adresse| 51, rue Claude Bernard |
|codes| Porte rue : 1617<br>Porte entrée : 0751 |
|faire|Programme et affichette avant le 6 septembre |h
!!!!Représentation lundi 5 octobre • 15h00 à 16h30
//(Programme à déterminer)//
!Théâtre à LAURISTON^^
//Jeudi 21 novembre//^^
{{small{
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'tiddler.tags.contains(["programmable"]) && ! tiddler.text.contains("Lauriston")'
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'store.getTiddlerSlice(tiddler.title,"temps")'
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'"\n| ![["+tiddler.title+"]]| <<tiddler [["+tiddler.title+"::auteur]]$)) | <<tiddler [["+tiddler.title+"::distribution]]$)) | <<tiddler [["+tiddler.title+"::temps]]$)) |" '
begin
'"| !Textes des Septuas ++ programmables<br>au Club {{big{Lauriston}}} | !auteur | !distribution | !durée |h"'
>>
}}}
!//^^17/10/19
^^•
//Théâtre à Mouffetard
92a
!Théâtre à la Mairie du 5ème^^
Dimanche 10 février 2019^^
(programme à convenir avec MC VP)
Les textes programmables (liste au 8/10/18) auteur durée
Dans la salle d’attente du psychanalyste Didier Von Cauwelaert 08 mn
Les Zébrides Feydeau 11 mn
Coup de soleil Marcel Mithois 12 mn
Le temps des cerises J-C Martinez 12 mn
Les transes de Mademoiselle Supo Jean Anouilh 15 mn
~Assurance-Vie André Lhomme 15 mn
Le noir te va si bien Jean Marsan 15 mn
Deux couverts - Guitry Sacha Guitry 22 mn
Jeux de scène Victor Haïm 22 mn
Knock – Les consultations Jules Romains 22 mn
L’OURS - Tchékov Anton Tchékov 25 mn
Antigone face à Créon Jean Anouilh 40 mn
Un amour de Célimène Molière 55 mn
Figaro 2018 Beaumarchais 80 mn
!//^^12/12/19
^^•
//Théâtre-2 à Mouffetard
!A Bicyclette^^
//par Bourvil//
Paroles de la chanson^^
| !? [[sur Youtube|https://youtu.be/VDt1poFpWmM]] |
Je m'en allais chercher des oies
Du côté de Fouilly-les-oies
A bicyclette.
Soudain qui vois-je devant moi ?
Un' belle fille au frais minois
A bicyclette.
En arrivant à sa hauteur,
J'y fais' un sourire enchanteur
A bicyclette.
Ell' rit aussi, on parle alors
Et ell' me dit dans nos transports
A bicyclette.
Est-c'que vous êt's coureur !
Non j'ne suis pas coureur.
Ah ! c'que vous êt's menteur !
Moi je suis balayeur.
Avez-vous fait le tour ?
Non, mais j'ai des tours,
Des détours des contours
Et même d'autres tours...
Des tours de quoi qu'em' dit.
Des tours d'vélo, pardi !
Vous êtes un blagueur.
Ah ! c'que vous êt's coureur !
Dans les champs chantaient les grillons,
Le soleil dardait ses rayons
De bicyclette.
Ell' voulait que je chante un brin,
Mais à cela j'ai mis un frein
De bicyclette.
Près d'un tournant y'avait un bois
Où l'on se dirigea, ma foi
A bicyclette.
Mais comme ell' roulait près de moi
Voilà qu'èm' dit presqu'à mi-voix
A bicyclette.
Ah ! c'que vous êt's coureur !
Moi... j'ne suis pas coureur.
Ah ! c'que vous êt's menteur !
Moi je suis balayeur.
Vous savez fair' la cour !
Oui, j'y réponds, car pour
Ce qui est de fair' la cour.
Je la fais chaque jour.
La cour à qui ? qu'em dit.
La cour d'la ferm' pardi !
Vous êtes un blagueur.
Ah ! c'que vous êt's coureur !
//(Parlé :)// Vous parlez d'un raisonnement.
Dans l'bois, j'y disais "Voyez donc,
Sans boussole nous nous guidons,
De bicyclette.
Mais ell' répétait, plein d'ardeur,
Que j'étais un coureur, coureur
A bicyclette.
Je l'étais pas, ça c'est couru,
Mais alors, je l'suis devenu
A bicyclette.
Et comm' je courais vers le but
Voilà qu'èm' fait, comme au début
A bicyclette.
Ah ! c'que vous êt's coureur !
Mais j'ne suis pas coureur.
Ah ! c'que vous êt's menteur !
Moi je suis balayeur,
J'y redis en courant,
Car j'continuais d'courir
Vers l'but à conquérir
(Vous êtes au courant)
Moi à forc' de courir,
Parcourir, discourir,
L'vélo s'est dégonflé
Et j'suis pas arrivé.
Moralité : Rien ne sert de courir
Il faut partir à point...
Comme l'a si bien dit La F.. La F.. la tortue.
!A qui dira-t-elle sa peine
!!!!!//Christine de Pisan//
[img[http://www.ethesis.net/pizan/pizan_afb_1.jpg]]
A qui dira-t-elle sa peine
La fille qui n’a pas d’ami
La fille qui n’a pas d’ami comment vit-elle
Elle ne dort ni le jour ni la nuit mais toujours veille
Car c’est l’Amour qui la réveille
Et l’empêche de dormir
Il y en a bien qui en ont trois ou quatre
Moi je n’en ai pas un seul pour moi toute seule pour mon ébattre
Hélas mon joli temps se passe
Mon téton commence à mollir
J’ai tant vouloir et tel courage
Qu’aujourd’hui plus que demain en mon jeune âge
J’aimerais mieux mourir de rage
Que de vivre en un tel ennui
!A une passante
!!!!!Charles BAUDELAIRE
La rue assourdissante autour de moi hurlait.
Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse,
Une femme passa, d'une main fastueuse
Soulevant, balançant le feston et l'ourlet ;
Agile et noble, avec sa jambe de statue.
Moi, je buvais, crispé comme un t,
Dans son oeil, ciel livide où germe l'ouragan
La douceur qui fascine et le plaisir qui tue.
Un éclair... puis la nuit ! - Fugitive beauté
Dont le regard m'a fait soudainement renaître,
Ne te verrai-je plus que dans l'éternité ?
Ailleurs, bien loin d'ici ! trop tard ! JAMAIS peut-être !
Car j'ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais,
Ô toi que j'eusse aimée, ô toi qui le savais !
{{center{^^//<<storyViewer amour previous>><<storyViewer amour list>><<storyViewer amour next>>//^^
[img(33%,)[https://s-media-cache-ak0.pinimg.com/736x/0b/0f/20/0b0f201b6d9a39de9e18e68f10b1b03f.jpg][https://www.pinterest.com/pin/481674122624235593/]]
!A une robe rose
!!!!!!//Théophile GAUTIER (1811-1872)//
Que tu me plais dans cette robe
Qui te déshabille si bien,
Faisant jaillir ta gorge en globe,
Montrant tout nu ton bras païen !
Frêle comme une aile d'abeille,
Frais comme un coeur de rose-thé,
Son tissu, caresse vermeille,
Voltige autour de ta beauté.
De l'épiderme sur la soie
Glissent des frissons argentés,
Et l'étoffe à la chair renvoie
Ses éclairs roses reflétés.
D'où te vient cette robe étrange
Qui semble faite de ta chair,
Trame vivante qui mélange
Avec ta peau son rose clair ?
Est-ce à la rougeur de l'aurore,
A la coquille de Vénus,
Au bouton de sein près d'éclore,
Que sont pris ces tons inconnus ?
Ou bien l'étoffe est-elle teinte
Dans les roses de ta pudeur ?
Non ; vingt fois modelée et peinte,
Ta forme connaît sa splendeur.
Jetant le voile qui te pèse,
Réalité que l'art rêva,
Comme la princesse Borghèse
Tu poserais pour Canova.
Et ces plis roses sont les lèvres
De mes désirs inapaisés,
Mettant au corps dont tu les sèvres
Une tunique de baisers.
}}}
{{center huge red{
LA<br>FOLLE JOURNÉE<br><br>OU<br><br>//LE MARIAGE DE FIGARO//
}}}
!!ACTE PREMIER.<br>{{small italic{Le château d'~Aguas-Frescas - La chambre de Suzanne, le matin }}}
>//Le théâtre représente une chambre à demi démeublée: un grand fauteuil de malade est au milieu. Figaro, avec une toise mesure le plancher. Suzanne attache à sa tête, devant une glace, le petit bouquet de fleur d'orange, appelé chapeau de la mariée.//
<<storyViewer LeMariageDeFigaro>>
<<storyViewer 'Scènes du Misanthrope'>>
{{center{[img[http://p4.storage.canalblog.com/48/15/109386/6993540.jpg]]}}}
;PHILINTE
:Qu’est-ce donc ? Qu’avez-vous ?
;ALCESTE
:Laissez-moi, je vous prie.
;PHILINTE
:Mais, encor, dites-moi, quelle bizarrerie...
;ALCESTE
:Laissez-moi là, vous dis-je, et courez vous cacher.
;PHILINTE
:Mais on entend les gens, au moins, sans se fâcher.
;ALCESTE
:Moi, je veux me fâcher, et ne veux point entendre.
;PHILINTE
:Dans vos brusques chagrins, je ne puis vous comprendre ;
:Et quoique amis, enfin, je suis tous des premiers...
;ALCESTE
:Moi, votre ami ? Rayez cela de vos papiers.
:J’ai fait jusques ici, profession de l’être ;
:Mais après ce qu’en vous, je viens de voir paraître,
:Je vous déclare net, que je ne le suis plus,
:Et ne veux nulle place en des cœurs corrompus.
;PHILINTE
:Je suis, donc, bien coupable, Alceste, à votre compte ?
;ALCESTE
:Allez, vous devriez mourir de pure honte,
:Une telle action ne saurait s’excuser,
:Et tout homme d’honneur s’en doit scandaliser.
:Je vous vois accabler un homme de caresses,
:Et témoigner, pour lui, les dernières tendresses ;
:De protestations, d’offres, et de serments,
:Vous chargez la fureur de vos embrassements :
:Et quand je vous demande après, quel est cet homme,
:À peine pouvez-vous dire comme il se nomme,
:Votre chaleur, pour lui, tombe en vous séparant,
:Et vous me le traitez, à moi, d’indifférent.
:Morbleu, c’est une chose indigne, lâche, infâme,
:De s’abaisser ainsi, jusqu’à trahir son âme :
:Et si, par un malheur, j’en avais fait autant,
:Je m’irais, de regret, pendre tout à l’instant.
;PHILINTE
:Je ne vois pas, pour moi, que le cas soit pendable ;
:Et je vous supplierai d’avoir pour agréable,
:Que je me fasse un peu, grâce sur votre arrêt,
:Et ne me pende pas, pour cela, s’il vous plaît.
;ALCESTE
:Que la plaisanterie est de mauvaise grâce !
;PHILINTE
:Mais, sérieusement, que voulez-vous qu’on fasse ?
;ALCESTE
:Je veux qu’on soit sincère, et qu’en homme d’honneur,
:On ne lâche aucun mot qui ne parte du cœur.
;PHILINTE
:Lorsqu’un homme vous vient embrasser avec joie,
:Il faut bien le payer de la même monnoie [1] ,
:Répondre, comme on peut, à ses empressements,
:Et rendre offre pour offre, et serments pour serments.
;ALCESTE
:Non, je ne puis souffrir cette lâche méthode
:Qu’affectent la plupart de vos gens à la mode ;
:Et je ne hais rien tant, que les contorsions
:De tous ces grands faiseurs de protestations,
:Ces affables donneurs d’embrassades frivoles,
:Ces obligeants diseurs d’inutiles paroles,
:Qui de civilités, avec tous, font combat,
:Et traitent du même air, l’honnête homme, et le fat.
:Quel avantage a-t-on qu’un homme vous caresse,
:Vous jure amitié, foi, zèle, estime, tendresse,
:Et vous fasse de vous, un éloge éclatant,
:Lorsque au premier faquin, il court en faire autant ?
:Non, non, il n’est point d’âme un peu bien située,
:Qui veuille d’une estime, ainsi, prostituée ;
:Et la plus glorieuse a des régals peu chers [2] ,
:Dès qu’on voit qu’on nous mêle avec tout l’univers :
:Sur quelque préférence, une estime se fonde,
:Et c’est n’estimer rien, qu’estimer tout le monde.
:Puisque vous y donnez, dans ces vices du temps,
:Morbleu, vous n’êtes pas pour être de mes gens [3] ;
:Je refuse d’un cœur la vaste complaisance,
:Qui ne fait de mérite aucune différence :
:Je veux qu’on me distingue, et pour le trancher net,
:L’ami du genre humain n’est point du tout mon fait [4] .
;PHILINTE
:Mais quand on est du monde, il faut bien que l’on rende
:Quelques dehors civils [5] , que l’usage demande.
;ALCESTE
:Non, vous dis-je, on devrait châtier, sans pitié,
:Ce commerce honteux de semblants d’amitié :
:Je veux que l’on soit homme, et qu’en toute rencontre,
:Le fond de notre cœur, dans nos discours, se montre ;
:Que ce soit lui qui parle, et que nos sentiments
:Ne se masquent jamais, sous de vains compliments.
;PHILINTE
:Il est bien des endroits, où la pleine franchise
:Deviendrait ridicule, et serait peu permise ;
:Et, parfois, n’en déplaise à votre austère honneur,
:Il est bon de cacher ce qu’on a dans le cœur.
:Serait-il à propos, et de la bienséance,
:De dire à mille gens tout ce que d’eux, on pense ?
:Et quand on a quelqu’un qu’on hait, ou qui déplaît,
:Lui doit-on déclarer la chose comme elle est ?
;ALCESTE
:Ouy..
;PHILINTE
:Quoi ! vous iriez dire à la vieille Émilie,
:Qu’à son âge, il sied mal de faire la jolie ?
:Et que le blanc qu’elle a, scandalise chacun ?
;ALCESTE
:Sans doute [6] .
;PHILINTE
:À Dorilas, qu’il est trop importun :
:Et qu’il n’est à la cour, oreille qu’il ne lasse,
:À conter sa bravoure, et l’éclat de sa race ?
;ALCESTE
:Fort bien.
;PHILINTE
:Vous vous moquez.
;ALCESTE
:Je ne me moque point,
:Et je vais n’épargner personne sur ce point.
:Mes yeux sont trop blessés ; et la cour, et la ville,
:Ne m’offrent rien qu’objets à m’échauffer la bile :
:J’entre en une humeur noire, en un chagrin profond,
:Quand je vois vivre entre eux, les hommes comme ils font ;
:Je ne trouve, partout, que lâche flatterie,
:Qu’injustice, intérêt, trahison, fourberie ;
:Je n’y puis plus tenir, j’enrage, et mon dessein
:Est de rompre en visière [7] à tout le genre humain.
;PHILINTE
:Ce chagrin philosophe [8] est un peu trop sauvage,
:Je ris des noirs accès où je vous envisage ;
:Et crois voir, en nous deux, sous mêmes soins nourris,
:Ces deux frères que peint l’Ecole des maris,
:Dont [9] ...
;ALCESTE
:Mon Dieu, laissons là, vos comparaisons fades.
;PHILINTE
:Non, tout de bon, quittez toutes ces incartades,
:Le monde, par vos soins, ne se changera pas ;
:Et puisque la franchise a, pour vous, tant d’appas,
:Je vous dirai tout franc, que cette maladie,
:Partout où vous allez, donne la comédie,
:Et qu’un si grand courroux contre les mœurs du temps,
:Vous tourne en ridicule auprès de bien des gens.
;ALCESTE
:Tant mieux, morbleu, tant mieux, c’est ce que je demande,
:Ce m’est un fort bon signe, et ma joie en est grande :
:Tous les hommes me sont, à tel point, odieux,
:Que je serais fâché d’être sage à leurs yeux.
;PHILINTE
:Vous voulez un grand mal à la nature humaine !
;ALCESTE
:Oui ! j’ai conçu pour elle, une effroyable haine.
;PHILINTE
:Tous les pauvres mortels, sans nulle exception,
:Seront enveloppés dans cette aversion ?
:Encor, en est-il bien, dans le siècle où nous sommes...
;ALCESTE
:Non, elle est générale, et je hais tous les hommes :
:Les uns, parce qu’ils sont méchants, et malfaisants ;
:Et les autres, pour être aux méchants, complaisants,
:Et n’avoir pas, pour eux, ces haines vigoureuses
:Que doit donner le vice aux âmes vertueuses [10] .
:De cette complaisance, on voit l’injuste excès,
:Pour le franc scélérat avec qui j’ai procès ;
:Au travers de son masque, on voit à plein le traître,
:Partout, il est connu pour tout ce qu’il peut être ;
:Et ses roulements d’yeux, et son ton radouci,
:N’imposent qu’à des gens qui ne sont point d’ici.
:On sait que ce pied plat, digne qu’on le confonde,
:Par de sales emplois, s’est poussé dans le monde :
:Et, que, par eux, son sort, de splendeur revêtu,
:Fait gronder le mérite, et rougir la vertu.
:Quelques titres honteux qu’en tous lieux on lui donne,
:Son misérable honneur ne voit, pour lui, personne [11] :
:Nommez-le fourbe, infâme, et scélérat maudit,
:Tout le monde en convient, et nul n’y contredit.
:Cependant, sa grimace est, partout, bienvenue,
:On l’accueille, on lui rit ; partout, il s’insinue ;
:Et s’il est, par la brigue, un rang à disputer,
:Sur le plus honnête homme, on le voit l’emporter.
:Têtebleu, ce me sont de mortelles blessures,
:De voir qu’avec le vice on garde des mesures ;
:Et, parfois, il me prend des mouvements soudains,
:De fuir, dans un désert, l’approche des humains.
;PHILINTE
:Mon Dieu, des mœurs du temps, mettons-nous moins en peine,
:Et faisons un peu grâce à la nature humaine ;
:Ne l’examinons point dans la grande rigueur,
:Et voyons ses défauts, avec quelque douceur.
:Il faut, parmi le monde, une vertu traitable,
:À force de sagesse on peut être blâmable,
:La parfaite raison fuit toute extrémité,
:Et veut que l’on soit sage avec sobriété [12] .
:Cette grande raideur des vertus des vieux âges,
:Heurte trop notre siècle, et les communs usages,
:Elle veut aux mortels, trop de perfection,
:Il faut fléchir au temps, sans obstination ;
:Et c’est une folie, à nulle autre, seconde,
:De vouloir se mêler de corriger le monde.
:J’observe, comme vous, cent choses, tous les jours,
:Qui pourraient mieux aller, prenant un autre cours :
:Mais quoi qu’à chaque pas, je puisse voir paraître,
:En courroux, comme vous, on ne me voit point être ;
:Je prends, tout doucement, les hommes comme ils sont,
:J’accoutume mon âme à souffrir ce qu’ils font ;
:Et je crois qu’à la cour, de même qu’à la ville,
:Mon flegme [13] est philosophe, autant que votre bile.
;ALCESTE
:Mais ce flegme, Monsieur, qui raisonnez si bien [14] ,
:Ce flegme, pourra-t-il ne s’échauffer de rien ?
:Et s’il faut, par hasard, qu’un ami vous trahisse,
:Que pour avoir vos biens, on dresse un artifice,
:Ou qu’on tâche à semer de méchants bruits de vous,
:Verrez-vous tout cela, sans vous mettre en courroux ?
;PHILINTE
:Oui, je vois ces défauts dont votre âme murmure,
:Comme vices unis à l’humaine nature ;
:Et mon esprit, enfin, n’est pas plus offensé,
:De voir un homme fourbe, injuste, intéressé,
:Que de voir des vautours affamés de carnage,
:Des singes malfaisants, et des loups pleins de rage.
;ALCESTE
:Je me verrai trahir, mettre en pièces, voler,
:Sans que je sois... Morbleu, je ne veux point parler,
:Tant ce raisonnement est plein d’impertinence.
;PHILINTE
:Ma foi, vous ferez bien de garder le silence ;
:Contre votre partie, éclatez un peu moins,
:Et, donnez au procès, une part de vos soins.
;ALCESTE
:Je n’en donnerai point, c’est une chose dite.
;PHILINTE
:Mais qui voulez-vous, donc, qui, pour vous, sollicite [15] ?
;ALCESTE
:Qui je veux ! la raison, mon bon droit, l’équité.
;PHILINTE
:Aucun juge, par vous, ne sera visité ?
;ALCESTE
:Non, est-ce que ma cause est injuste, ou douteuse ?
;PHILINTE
:J’en demeure d’accord, mais la brigue est fâcheuse,
:Et...
;ALCESTE
:Non, j’ai résolu de n’en pas faire un pas ;
:J’ai tort, ou j’ai raison.
;PHILINTE
:Ne vous y fiez pas.
;ALCESTE
:Je ne remuerai point.
;PHILINTE
:Votre partie est forte,
:Et peut, par sa cabale, entraîner...
;ALCESTE
:Il n’importe.
;PHILINTE
:Vous vous tromperez.
;ALCESTE
:Soit, j’en veux voir le succès [16] .
;PHILINTE
:Mais...
;ALCESTE
:J’aurai le plaisir de perdre mon procès.
;PHILINTE
:Mais, enfin...
;ALCESTE
:Je verrai dans cette plaiderie [17] ,
:Si les hommes auront assez d’effronterie,
:Seront assez méchants, scélérats, et pervers,
:Pour me faire injustice aux yeux de l’univers.
;PHILINTE
:Quel homme !
;ALCESTE
:Je voudrais, m’en coutât-il grand’chose,
:Pour la beauté du fait, avoir perdu ma cause.
;PHILINTE
:On se rirait de vous, Alceste, tout de bon,
:Si l’on vous entendait parler de la façon.
;ALCESTE
:Tant pis pour qui rirait.
;PHILINTE
:Mais cette rectitude
:Que vous voulez, en tout, avec exactitude,
:Cette pleine droiture où vous vous renfermez,
:La trouvez-vous ici, dans ce [18] que vous aimez ?
:Je m’étonne, pour moi, qu’étant, comme il le semble,
:Vous, et le genre humain, si fort brouillés ensemble,
:Malgré tout ce qui peut vous le rendre odieux,
:Vous ayez pris, chez lui, ce qui charme vos yeux :
:Et ce qui me surprend, encore, davantage,
:C’est cet étrange choix où votre cœur s’engage.
:La sincère Éliante a du penchant pour vous,
:La prude Arsinoé vous voit d’un œil fort doux :
:Cependant, à leurs vœux, votre âme se refuse,
:Tandis qu’en ses liens Célimène l’amuse,
:De qui l’humeur coquette, et l’esprit médisant,
:Semblent [19] si fort donner dans les mœurs d’à présent.
:D’où vient que leur portant une haine mortelle,
:Vous pouvez bien souffrir ce qu’en tient cette belle ?
:Ne sont-ce plus défauts dans un objet si doux ?
:Ne les voyez-vous pas ? ou les excusez-vous ?
;ALCESTE
:Non, l’amour que je sens pour cette jeune veuve,
:Ne ferme point mes yeux aux défauts qu’on lui treuve [i] ;
:Et je suis, quelque ardeur qu’elle m’ait pu donner,
:Le premier à les voir, comme à les condamner.
:Mais, avec tout cela, quoi que je puisse faire,
:Je confesse mon faible, elle a l’art de me plaire :
:J’ai beau voir ses défauts et j’ai beau l’en blâmer,
:En dépit qu’on en ait, elle se fait aimer ;
:Sa grâce est la plus forte, et, sans doute [20] , ma flamme,
:De ces vices du temps pourra purger son âme.
;PHILINTE
:Si vous faites cela, vous ne ferez pas peu.
:Vous croyez être, donc, aimé d’elle ?
;ALCESTE
:Oui, parbleu ;
:Je ne l’aimerais pas, si je ne croyais l’être.
;PHILINTE
:Mais si son amitié, pour vous, se fait paraître,
:D’où vient que vos rivaux vous causent de l’ennui ?
;ALCESTE
:C’est qu’un cœur bien atteint veut qu’on soit tout à lui ;
:Et je ne viens ici, qu’à dessein de lui dire
:Tout ce que là-dessus, ma passion m’inspire.
;PHILINTE
:Pour moi, si je n’avais qu’à former des désirs,
:La cousine Éliante aurait tous mes soupirs,
:Son cœur, qui vous estime, est solide, et sincère ;
:Et ce choix plus conforme, était mieux votre affaire.
;ALCESTE
:Il est vrai, ma raison me le dit chaque jour ;
:Mais la raison n’est pas ce qui règle l’amour.
;PHILINTE
:Je crains fort pour vos feux ; et l’espoir où vous êtes,
:Pourrait...
//Arrivée d'Oronte//
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67c: vidéo [[Figaro : lecture acte 2 - Michèle Claudine Jacques|https://giga.gg/l/5788d390dde5df8c458b4574]]
{{small italic{La chambre de la Comtesse, le matin }}}
//
:Le théâtre représente une chambre à coucher superbe, un grand lit en alcove, une estrade au-devant.
:*La porte pour entrer s'ouvre et se ferme à la troisième coulisse à droite,
:*celle d'un cabinet à la première coulisse à gauche.
:*Une porte dans le fond va chez les femmes.
:*Une fenêtre s'ouvre de l'autre côté.
//
!!ACTE III.<br>{{small italic{Salle d'audience, l'après-midi }}}
:{{italic{Le théâtre représente une salle du château, appelée salle du trône, et servant de salle d'audience, ayant sur le côté une impériale en dais, et dessous, le portrait du roi.}}}
<<storyViewer 'LE MARIAGE DE FIGARO'>>
!!ACTE IV.<br>{{small italic{Une galerie préparée pour la fête, l'après-midi }}}
:{{italic{Le théâtre représente une galerie ornée de candélabres, de lustres allumés, de fleurs, de guirlandes; en un mot, préparée pour donner une fête.
Sur le devant à droite est une table avec une écritoire, un fauteuil derrière.}}}
<<storyViewer 'LE MARIAGE DE FIGARO'>>
<<storyViewer 'LE MARIAGE DE FIGARO'>>
{{small italic{Le parc du château, sous les marronniers, la nuit.}}}
//
:Le théâtre représente une salle de maronniers, dans un parc;
:*deux pavillons, kiosques, ou temples de jardins, sont à droite et à gauche;
:*le fond est une clarière ornée,
:*un siège de gazon sur le devant.
:Le théâtre est obscur.
//
<<storyViewer 'LE MARIAGE DE FIGARO'>>
!!!!!!//inventeur de la carabine Eurêka//
://Dans son cabinet de travail, le reporter se repose.
Soudain, entre un homme, élégamment vêtu d’une chlamyde, traînant une baignoire au bout d'une ficelle, d’une main, et tenant une carabine Eurêka de l’autre.//
;REPORTER //(s'éveillant en sursaut).//
:Tiens, tiens!... Mais, vous ne seriez pas?....
;L’HOMME À LA CHLAMYDE.
:Oui. Vous avez trouvé, Eurêka ! C’est moi, Archimède. Voulez-vous des bains ? Je suis le roi du bain : bain à l’amidon, bain sulfureux, bain aromatique, bain de siège... bain assis, bain debout, bain à la limonade, à la bière, à la nouille, etc.
;REPORTER.
:Expliquez-vous, monsieur Archimède.
;ARCHIMÈDE.
:Eh ! bien, voilà, Monsieur, vous connaissez tous mon immortel principe, qui dit que tout corps plongé dans un liquide ou dans un gaz subit une poussée verticale qui, dirigée au poids du volume, déplacée au centre... de... du fluide... de gravité. .. de enfin... vous voyez ce que je veux dire... quoi.
;REPORTER.
:Oui, oui, bien sûr, nous le savons par cœur votre principe...
;ARCHIMÈDE.
:Je vous en félicite, Monsieur. Alors, comment ai-je trouvé mon principe ? Dans mon bain. Ce qui vous démontre bien que le bain est indispensable à l’éclosion de l’idée. Donc, définition: pour trouver une idée, que faut-il ? Un bon bain.
;REPORTER.
:Très curieux...
;ARCHIMÈDE.
:C’est pourtant très simple. Tenez, des exemples: vous êtes fabricant de meubles, vous vous creusez la tête pour inventer un nouveau et confortable fauteuil, ça ne vient pas. Eh bien, vous prenez un bain de siège et vous trouvez tout de suite.
;REPORTER.
:Oui, oui, je vois ce que c’est.
;ARCHIMÈDE.
:Oui, Monsieur, un bain pour chaque chose, et chaque chose dans son bain. Tenez, un cuisinier qui veut inventer un nouveau plat, qu’est-ce qu’il prend ? Un bain-marie.
;REPORTER
:Ordinaire !
;ARCHIMÈDE.
:Non, avec des câpres.
;REPORTER
:Ah! alors... Et pour un ingénieur qui veut inventer une locomotive, qu’est-ce qu’il prend ?
;ARCHIMÈDE.
:Un bain de vapeur.
;REPORTER
:Et un musicien ?
;ARCHIMÈDE.
:Un bain de son.
;REPORTER
:Un orientaliste ?
;ARCHIMÈDE.
:Un bain turc.
;REPORTER
:Un employé de métro ?
;ARCHIMÈDE.
:Un bain de soleil.
;REPORTER
:Un employé des pompes funèbres ?
;ARCHIMÈDE.
:Un bain maure.
;REPORTER
:Un photographe ?
;ARCHIMÈDE.
:Un bain révélateur.
;REPORTER
:Un électricien ?
;ARCHIMÈDE.
:Des bains de lumière.
;REPORTER
:Un métallurgiste ?
;ARCHIMÈDE.
:Un bain ferrugineux.
;REPORTER
:Un facteur ?
;ARCHIMÈDE.
:Un bain de pieds !
;REPORTER
:Ah ! il a réponse à tout !
;ARCHIMÈDE.
:Oui, Monsieur, tout par le bain, tous dans le bain, et on sort de là bien trempé.
;REPORTER.
:Mais vous avez une bien belle décoration, monsieur Archimède.
;ARCHIMÈDE.
:Oui, c’est l’ordre du Bain. Tous dans le bain.
;REPORTER.
:Eh ! ben.
;ARCHIMÈDE.
:Je ne vous le fais pas dire, et à l’appui de mon principe, je vais vous chanter : « Tout le monde dans le bain ».
;REPORTER.
:Oh ! l’eau m’en vient à la bouche.
;ARCHIMÈDE //{il chante : air Rip)//
://J’aime la caresse //
://De l'onde traîtresse//
://Il faut fréquemment //
://Prendre des bains,//
://c’est excellent. //
://Qu'on soit en campagne,//
://En plaine, en montagne,//
://Pourvu qu’il y ait d’l’eau,//
://C’est tout c' qu’il faut.//
://Dans un’ baignoir’ vide//
://Je m’élanc' rapide//
://Du haut du buffet, //
://je plonge intrépide ! //
:^^''REFRAIN''^^
://C'est un bain, un tout p’tit bain //
://Y a rien d’mieux qu'un bain //
://Pour rendre l’âm' légère.//
://C’est un bain, un tout p’tit bain,//
://Faut avoir chaqu’mois notre bain quotidien !//
;REPORTER.
:Merci, cher monsieur Archimède, de vos précieuses indications, et où allez-vous maintenant?
;ARCHIMÈDE.
:Faire ma cure, à Bains-les-Bains. Oui, j’ai loué une corde làbas.
;REPORTER.
:Une corde ?
;ARCHIMÈDE.
:Oui, une corde pour me faire sécher ; je fais une heure de bain, une heure de corde, etc...
;REPORTER.
:Oui, oui. Parfaitement. //(Il sonne et l'huissier paraît.)// Huissier, veuillez, je vous prie, avoir l’extrême bonne obligeance de vouloir bien reconduire M. Archimède.
;L'HUISSIER //(qui n’a pas obtenu l’augmentation qu’il avait demandée la semaine dernière. Avec humeur.)//
:Vous ne pourriez pas dire : s’il vous plaît ?
://(Et Archimède, traînant sa baignoire d’une main et brandissant sa carabine Eurêka de l’autre, sort avec dignité et précipitation.)//
!!!!!!//Jacques ALLAHUNE.//
!AU DÉBUT, J’AI VOULU N’ÉCRIRE QU’UNE SEULE LIGNE...
//LI BO//
(Du cycle « Envoyé au loin »)
Au début, j’ai voulu n’écrire
qu’une seule ligne
et, avec force, y dire
que je t’aime,
puis j’en ai ajouté une autre
et encore une,
jusqu’à ce que j’aie noirci
tout le papier
en essayant d’exprimer
ce qui est au plus profond
de mon cœur.
Une grue jaune est descendue
sur la tour de jade
pour murmurer à celle
qui demeure au Pavillon Vert
que l’éclat juvénile de mes joues
commence à s’estomper
et que sur mes tempes
sont apparus
des cheveux gris.
Je sais que pour l’instant
je ne puis revenir.
Bien que trois printemps, déjà,
nous séparent,
dis-moi, les pêchers et les pruniers
sous tes fenêtres
gardent-ils encore
leurs couleurs fraîches ?
Ne te laisse pas tromper
par le chuchotement
des brises menteuses,
afin que, l’attente terminée,
le manteau rouge
et le fin parfum
puissent ensemble se réjouir.
!CLUB SENIOR AVE MARIA
4 Rue de l'Ave Maria, 75004 Paris-4E-Arrondissement, France
Tél : 01 48 87 67 39 (Liliane Mireille)
!!!!29/3/18
(Gérard indisponible)
*L’en vie (Da, Ja)
*Les Femmes Savantes (Ch,Év)
*Knock- La Dame en Noir (De, Ja)
*Les transes de Mademoiselle Supo (Christel, Ja, Év)
*Antigone face à Créon (Mi, Ja, De)
!Absences d'été
-----
André
-----
Christel
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Christiane B
-----
Claudine
-----
Dominique
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Éveline
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Geneviève
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Gérard
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Isaac
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Jacques
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Mady
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~Marie-France
-----
~Marie-Thérèse
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Michèle
-----
{{center{
!!!//Notes, brouillons, idées ...//
}}}{{homeTitle center{{{tiny{
Signature des éditions : }}}<<option txtUserName>>}}}
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[[Télécharger cette édition du Cahier sur votre appareil (ordinateur, tablette ou smartphone)|http://ateliertheatre.tiddlyspot.com/download]]
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[[Figaro 2018]]
[[Les Zébrides]]
[[L’OURS - Tchékov]]
[[Jeux de scène]]
[[Assurance-Vie]]
[[Le temps des cerises]]
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!Air vif
!!!!!{{center{Paul Eluard}}}
{{center{
J'ai regardé devant moi
Dans la foule je t'ai vue
Parmi les blés je t'ai vue
Sous un arbre je t'ai vue
Au bout de tous mes voyages
Au fond de tous mes tourments
Au tournant de tous les rires
Sortant de l'eau et du feu
L'été l'hiver je t'ai vue
Dans ma maison je t'ai vue
Entre mes bras je t'ai vue
Dans mes rêves je t'ai vue
Je ne te quitterai plus.
}}}
;Alceste
:Madame, voulez-vous que je vous parle net ?
:De vos façons d’agir, je suis mal satisfait :
:contre elles, dans mon cœur, trop de bile s’assemble, et je sens qu’il faudra que nous rompions ensemble.
:Oui, je vous tromperais, de parler autrement, tôt, ou tard, nous romprons, indubitablement ;
:et je vous promettrais, mille fois, le contraire, que je ne serais pas en pouvoir de le faire.
;Célimène
:C’est pour me quereller, donc, à ce que je voi, que vous avez voulu me ramener chez moi ?
;Alceste
:Je ne querelle point ;
:mais votre humeur, madame, ouvre, au premier venu, trop d’accès dans votre âme ;
:vous avez trop d’amants, qu’on voit vous obséder, et mon cœur, de cela, ne peut s’accommoder.
;Célimène
:Des amants que je fais, me rendez-vous coupable ?
:Puis-je empêcher les gens, de me trouver aimable ?
:Et lorsque, pour me voir, ils font de doux efforts, dois-je prendre un bâton, pour les mettre dehors ?
;Alceste
:Non, ce n’est pas, madame, un bâton qu’il faut prendre, mais un cœur, à leurs vœux, moins facile, et moins tendre.
:Je sais que vos appas vous suivent en tous lieux, mais votre accueil retient ceux qu’attirent vos yeux ;
:et sa douceur offerte à qui vous rend les armes, achève, sur les cœurs, l’ouvrage de vos charmes.
:Le trop riant espoir que vous leur présentez, attache, autour de vous, leurs assiduités ;
:et votre complaisance, un peu moins étendue, de tant de soupirants chasserait la cohue.
:Mais, au moins, dites-moi, madame, par quel sort, votre Clitandre a l’heur de vous plaire si fort ?
:Sur quel fonds de mérite, et de vertu sublime, appuyez-vous, en lui, l’honneur de votre estime ?
:Est-ce par l’ongle long, qu’il porte au petit doigt, qu’il s’est acquis, chez vous, l’estime où l’on le voit ?
:Vous êtes-vous rendue, avec tout le beau monde, au mérite éclatant de sa perruque blonde ?
:Sont-ce ses grands canons, qui vous le font aimer ?
:L’amas de ses rubans a-t-il su vous charmer ?
:Est-ce par les appas de sa vaste rhingrave, qu’il a gagné votre âme, en faisant votre esclave ?
:Ou sa façon de rire, et son ton de fausset, ont-ils, de vous toucher, su trouver le secret ?
;Célimène
:Qu’injustement, de lui, vous prenez de l’ombrage ! Ne savez-vous pas bien, pourquoi je le ménage ?
:Et que, dans mon procès, ainsi qu’il m’a promis, il peut intéresser tout ce qu’il a d’amis ?
;Alceste
:Perdez votre procès, madame, avec constance, et ne ménagez point un rival qui m’offense.
;Célimène
:Mais, de tout l’univers, vous devenez jaloux.
;Alceste
:C’est que tout l’univers est bien reçu de vous.
;Célimène
:C’est ce qui doit rasseoir votre âme effarouchée, puisque ma complaisance est sur tous épanchée :
:et vous auriez plus lieu de vous en offenser, si vous me la voyiez, sur un seul, ramasser.
;Alceste
:Mais, moi, que vous blâmez de trop de jalousie, qu’ai-je de plus qu’eux tous, madame, je vous prie ?
;Célimène
:Le bonheur de savoir que vous êtes aimé.
;Alceste
:Et quel lieu de le croire, a mon cœur enflammé ?
;Célimène
:Je pense qu’ayant pris le soin de vous le dire, un aveu de la sorte, a de quoi vous suffire.
;Alceste
:Mais qui m’assurera que, dans le même instant, vous n’en disiez, peut-être, aux autres tout autant ?
;Célimène
:Certes, pour un amant, la fleurette est mignonne, et vous me traitez, là, de gentille personne.
:Hé bien, pour vous ôter d’un semblable souci, de tout ce que j’ai dit, je me dédis ici :
:et rien ne saurait plus vous tromper, que vous-même ;
:soyez content.
;Alceste
:Morbleu, faut-il que je vous aime ?
:Ah ! Que si, de vos mains, je rattrape mon cœur, je bénirai le ciel, de ce rare bonheur ! Je ne le cèle pas, je fais tout mon possible à rompre, de ce cœur, l’attachement terrible ;
:mais mes plus grands efforts n’ont rien fait, jusqu’ici, et c’est, pour mes péchés, que je vous aime ainsi.
;Célimène
:Il est vrai, votre ardeur est, pour moi, sans seconde.
;Alceste
:Oui, je puis, là-dessus, défier tout le monde, mon amour ne se peut concevoir, et jamais, personne n’a, madame, aimé comme je fais.
;Célimène
:En effet, la méthode en est toute nouvelle, car vous aimez les gens, pour leur faire querelle ;
:ce n’est qu’en mots fâcheux, qu’éclate votre ardeur, et l’on n’a vu jamais, un amour si grondeur.
;Alceste
:Mais il ne tient qu’à vous, que son chagrin ne passe ;
:à tous nos démêlés, coupons chemin, de grâce, parlons à cœur ouvert, et voyons d’arrêter...
/%
|exercice|volontaires émotion impro|
|niveau|460 Plutôt difficile|
%/
!!!Aller-retour sur scène
Tois actions à enchainer et habiter :
Rentrer sur scène :
#aller à la chaise et faire quelque chose avec //(s'asseoir, s'appuyer, s'agenouiller, enfourcher, déplacer...) //
#puis aller voir quelque chose à une fenêtre imaginaire,
#enfin ressortir par où on est entré.
;A chacune des étapes, associer une émotion différente.
:__Conseil :__ inventer une histoire qui va avec (exemple : on attend, on se désespère, puis on voit que celui qu’on attendait arrive, on ressort joyeux à sa rencontre).
!!!!8 juillet 2009
"Alors que ton rejet me pourfend le cœur
Aucun mot ne peut décrire la douleur
Que je ressens à cet instant
Aucun mot n'est assez puissant.
Ni la rage ni la colère,
Ne pourront m'anéantir.
La force qui est en moi,
Me ferait accepter n'importe quoi."
Un autre, du 30 novembre 2010 :
"Cette passion qui me dévore,
Me torture encore et encore,
Tu sais, jamais je ne m'en sors,
À part peut-être quand je dors.
Je me demande si j'ai tord,
Car éprouver tant de remords,
Torture mon esprit, mon corps,
J'irai mieux quand viendra la mort."
!Amande
{{small{
|nom|Cojean|
|prénom|Amande|
|TEL| |
|email|amande cojean <mamandecojean@gmail.com>|
|adresse| |
}}}
[[Deux couverts - Guitry]]
/%
|exercice|groupe émotion 2 lignes|
|niveau|280 Moins facile|
%/
!Amour-Haine
? Agir en fonction d’un sentiment
2 groupes en ligne, debout et face à face; chacun regarde son vis-à-vis
#comme la personne qui pourrait lui être la plus chère au monde;
#comme la personne qui pourrait lui être ce qu’il y a de plus nuisible au monde; cette recherche doit être active et non pas empreinte de sensiblerie; pour ce faire il faut appliquer à l’autre l'existence d’un conflit même pour l’amour.
>On remarque que la haine est presque toujours mieux rendue que l'amour : il est plus facile d'inscrire le partenaire dans un conflit. Dans l'amour la liberté de l'autre est un indêcidable qu'il faut que je perçoive et c'est à celà que doit s'attacher l'attention de l'acteur (et donc l’attention du public).
!Amourette//
Pierre de Ronsard//
{{center{
Or que l’hiver roidit la glace épaisse,
Réchauffons-nous, ma gentille maîtresse,
Non accroupis près le foyer cendreux,
Mais aux plaisirs des combats amoureux.
Assisons-nous sur cette molle couche.
Sus ! baisez-moi, tendez-moi votre bouche,
Pressez mon col de vos bras dépliés,
Et maintenant votre mère oubliez.
Que de la dent votre tétin je morde,
Que vos cheveux fil à fil je détorde.
Il ne faut point, en si folâtres jeux,
Comme au dimanche arranger ses cheveux.
Approchez donc, tournez-moi votre joue.
Vous rougissez ? il faut que je me joue.
Vous souriez : avez-vous . point ouï
Quelque doux mot qui vous ait réjoui ?
Je vous disais que la main j’allais mettre
Sur votre sein : le voulez-vous permettre ?
Ne fuyez pas sans parler : je vois bien
A vos regards que vous le voulez bien.
Je vous connais en voyant votre mine.
Je jure Amour que vous êtes si fine,
Que pour mourir, de bouche ne diriez
Qu’on vous baisât, bien que le désiriez ;
Car toute fille, encor’ qu’elle ait envie
Du jeu d’aimer, désire être ravie.
Témoin en est Hélène, qui suivit
D’un franc vouloir Pâris, qui la ravit.
Je veux user d’une douce main-forte.
Hà ! vous tombez, vous faites jà la morte.
Hà ! quel plaisir dans le coeur je reçois !
Sans vous baiser, vous moqueriez de moi
En votre lit, quand vous seriez seulette.
Or sus ! c’est fait, ma gentille brunette.
Recommençons afin que nos beaux ans
Soient réchauffés de combats si plaisants.
PIERRE DE RONSARD (1565)
}}}
!Amélie
|prénom|Amélie|
|nom|Le Bourse|
|TEL|06 66 38 62 98 ou 01 45 72 06 84|
|HommageJean|[[Mon oiseau de passage]] //Françoise Dorin @@(communiquer le texte)@@//|
!Anaïs Powell
/%
|Description|Non comédienne, mais souhaite être destinataire des courriers|
|nom|Powell|
|prénom|Anaïs|
|T EL||
|email|Anaïs <powellana@yahoo.fr>|
|a dresse||
|a bsence||
|t elecharger||
|f aire||
%/
|description|Vient de l'atelier d'Isaac, participe aux séances Art de Dire|
|nom|Bazzo|
|prénom|Anita|
|email|Anita <bazzoanita@gmail.com>|
/%|a dresse|| |a bsence|| |t elecharger|| |f aire|| %/
!~Anne-Marie
!!!!//La Farandole//
|HommageJean|[[Bouquet d'espoir]] //Noël Talégrand @@(communiquer le texte)@@//|
!Antigone
;//Jean Anouilh //
<<<
;Personnages
ANTIGONE, FILLE D'OEDIPE CREON, ROI DE THEBES HEMON, FILS DE CREON ISMENE, FILLE D'OEDIPE LE CHOEUR LA NOURRICE LE MESSAGER LE GARDE LES GARDES LE PROLOGUE
;Décor
://Un décor neutre. Trois portes semblables. Au lever du rideau, tous les personnages sont en scène. Ils bavardent, tricotent, jouent aux cartes. Le Prologue se détache et s’avance. //
<<<
!!!!LE PROLOGUE
:Voilà. Ces personnages vont vous jouer l'histoire d'Antigone. Antigone, c'est la petite maigre qui est assise là-bas, et qui ne dit rien. Elle regarde droit devant elle. Elle pense. Elle pense qu'elle va être Antigone tout à l'heure, quelle va surgir soudain de la maigre jeune fille noiraude et renfermée que personne ne prenait au sérieux dans la famille et se dresser seule en face du monde, seule en face de Créon, son oncle, qui est le roi. Elle pense qu'elle va mourir, qu'elle est jeune et qu'elle aussi, elle aurait bien aimé vivre. Mais il n'y a rien à faire. Elle s'appelle Antigone et il va falloir qu'elle joue son rôle jusqu'au bout... Et, depuis que ce rideau s'est levé, elle sent qu'elle s'éloigne à une vitesse vertigineuse de sa soeur Ismène, qui bavarde et rit avec un jeune homme, de nous tous, qui sommes là bien tranquilles à la regarder, de nous qui n'avons pas à mourir ce soir. Le jeune homme avec qui parle la blonde, la belle, l'heureuse Ismène, c'est Hémon, le fils de Créon. Il est le fiancé d'Antigone. Tout le portait vers Ismène : son goût de la danse et des jeux, son goût du bonheur et de la réussite, sa sensualité aussi, car Ismène est bien plus belle qu'Antigone ; et puis un soir, un soir de bal où il n'avait dansé qu'avec Ismène, un soir où Ismène avait été éblouissante dans sa nouvelle robe, il a été trouver Antigone qui rêvait dans un coin, comme en ce moment, ses bras entourant ses genoux, et il lui a demandé d'être sa femme. Personne n'a jamais compris pourquoi. Antigone a levé sans étonnement ses yeux graves sur lui et elle lui a dit « oui » avec un petit sourire triste... L'orchestre attaquait une nouvelle danse, Ismène riait aux éclats, là-bas, au milieu des autres garçons, et voilà, maintenant, lui, il allait être le mari d'Antigone. Il ne savait pas qu'il ne devait jamais exister de mari d'Antigone sur cette terre et que ce titre princier lui donnait seulement le droit de mourir. Cet nomme robuste, aux cheveux blancs, qui médite là, près de son page, c'est Créon. C'est le roi. Il a des rides, il est fatigué. Il joue au jeu difficile de conduire les hommes. Avant, du temps d'Oedipe, quand il n'était que le premier personnage de la cour, il aimait la musique, les belles reliures, les longues flâneries chez les petits antiquaires de Thèbes. Mais Oedipe et ses fils sont morts. Il a laissé ses livres, ses objets, il a retroussé ses manches, et il a pris leur place. Quelquefois, le soir, il est fatigué, et il se demande s'il n'est pas vain de conduire les hommes. Si cela n'est pas un office sordide qu'on doit laisser à d'autres, plus frustes... Et puis, au matin, des problèmes précis se posent, qu'il faut résoudre, et il se lève, tranquille, comme un ouvrier au seuil de sa journée. La vieille dame qui tricote, à côté de la nourrice qui a élevé les deux petites, c'est Eurydice, la femme de Créon. Elle tricotera pendant toute la tragédie jusqu'à ce que son tour vienne de se lever et de mourir. Elle est bonne, digne, aimante. Elle ne lui est d'aucun secours. Créon est seul. Seul avec son petit page qui est trop petit et qui ne peut rien non plus pour lui. Ce garçon pâle, là-bas, au fond, qui rêve adossé au mur, solitaire, c'est le Messager.C'est lui qui viendra annoncer la mort d'Hémon tout à l'heure. C'est pour cela qu'il n'a pas envie de bavarder ni de se mêler aux autres. Il sait déjà... Enfin les trois hommes rougeauds qui jouent aux cartes, leurs chapeaux sur la nuque, ce sont les gardes. Ce ne sont pas de mauvais bougres, ils ont des femmes, des enfants, et des petits ennuis comme tout le monde, mais ils vous empoigneront les accusés le plus tranquillement du monde tout à l'heure. Ils sentent l'ail, le cuir et le vin rouge et ils sont dépourvus de toute imagination. Ce sont les auxiliaires toujours innocents et toujours satisfaits d'eux-mêmes, de la justice. Pour le moment, jusqu'à ce qu'un nouveau chef de Thèbes dûment mandaté leur ordonne de l'arrêter à son tour, ce sont les auxiliaires de la justice de Créon. Et maintenant que vous les connaissez tous, ils vont pouvoir vous jouer leur histoire. Elle commence au moment où les deux fils d'Oedipe, Etéocle et Polynice, qui devaient régner sur Thèbes un an chacun à tour de rôle, se sont battus et entre-tués sous les murs de la ville, Etéocle l'aîné, au terme de la première année de pouvoir, ayant refusé de céder la place à son frère. Sept grands princes étrangers que Polynice avait gagnés à sa cause ont été défaits devant les sept portes de Thèbes. Maintenant la ville est sauvée, les deux frères ennemis sont morts et Créon, le roi, a ordonné qu'à Etéocle, le bon frère, il serait fait d'imposantes funérailles, mais que Polynice, le vaurien, le révolté, le voyou, serait laissé sans pleurs et sans sépulture, la proie des corbeaux et des chacals... Quiconque osera lui rendre les devoirs funèbres sera impitoyablement puni de mort.
//Pendant que le Prologue parlait, les personnages sont sortis un à un. Le Prologue disparaît aussi. L'éclairage
scène. C'est maintenant une aube, une maison qui dort. Antigone entr'ouvre la porte et rentre de l'extérieur sur la pointe de ses pieds nus, ses souliers à la main. Elle reste un instant immobile à écouter. La nourrice surgit.//
!!!!LA NOURRICE ANTIGONE
;LA NOURRICE
:D'où viens-tu ?
;ANTIGONE
:De me promener, nourrice. C'était beau. Tout était gris. Maintenant, tu ne peux pas savoir, tout est déjà rose, jaune, vert. C'est devenu une carte postale. Il faut te lever plus tôt, nourrice, si tu veux voir un monde sans couleurs. Elle va passer.
;LA NOURRICE
:Je me lève quand il fait encore noir, je vais à ta chambre, pour voir si tu ne t'es pas découverte en dormant et je ne te trouve plus dans ton lit !
;ANTIGONE
:Le jardin dormait encore. Je l'ai surpris, nourrice. Je l'ai vu sans qu'il s'en doute. C'est beau un jardin qui ne pense pas encore aux hommes.
;LA NOURRICE
:Tu es sortie. J'ai été à la porte du fond, tu l'avais laissée entrebâillée.
;ANTIGONE
:Dans les champs, c'était tout mouillée, et cela attendait. Tout attendait. Je faisais un bruit énorme toute seule sur la route et j'étais gênée parce que je savais bien que ce n'était pas moi qu'on attendait. Alors j'ai enlevé mes sandales et je me suis glissée dans la campagne sans qu'elle s'en aperçoive...
;LA NOURRICE
:Il va falloir te laver les pieds avant de te remettre au lit.
;ANTIGONE
:Je ne me recoucherai pas ce matin
;LA NOURRICE
:A quatre heures ! Il n'était pas quatre
:heures ! Je me lève pour voir si elle n'était pas découverte. Je trouve son lit froid et personne dedans.
;ANTIGONE
:Tu crois que si on se levait comme ça tous les matins, ce serait tous les matins aussi beau, nourrice, d'être la première fille dehors ?
;LA NOURRICE
:La nuit ! C'était la nuit ! Et tu veux me faire croire que tu as été te promener, menteuse ! D'où viens-tu ?
;ANTIGONE, a un étrange sourire.
:C'est vrai, c'était encore la nuit. Et il n'y avait que moi dans toute la campagne à penser que c'était le matin. C'est merveilleux, nourrice. J'ai cru au jour la première aujourd'hui.
;LA NOURRICE
:Fais la folle ! Fais la folle ! Je la connais, la chanson. J'ai été fille avant toi. Et pas commode non plus, mais dure tête comme toi, non. D'où viens-tu, mauvaise ?
;ANTIGONE, soudain grave.
:Non. Pas mauvaise.
;LA NOURRICE
:Tu avais un rendez-vous, hein ? Dis non, peut-être.
;ANTIGONE, doucement.
:Oui. J'avais un rendez-vous.
;LA NOURRICE
:Tu as un amoureux ?
;ANTIGONE, étrangement, après un silence.
:Oui, nourrice, oui, le pauvre. J'ai un amoureux.
;LA NOURRICE, éclate.
:Ah ! c'est du joli ! c'est du propre ! Toi, la fille d'un roi ! Donnez-vous du mal ; donnez-vous du mal pour les élever ! Elles sont toutes les mêmes ! Tu n'étais pourtant pas comme les autres, toi, à t'attifer toujours devant la glace, à te mettre du rouge aux lèvres, à chercher à ce qu'on te remarque. Combien de fois je me suis dit : « Mon Dieu, cette petite, elle n'est pas assez coquette ! Toujours avec la même robe, et mal peignée. Les garçons ne verront qu'Ismène avec ses bouclettes et ses rubans et ils me la laisseront sur les bras. » Hé bien, tu vois, tu étais comme ta soeur, et pire encore, hypocrite ! Qui est-ce ? Un voyou, hein, peut-être? Un garçon que tu ne peux pas dire à ta famille : « Voilà, c'est lui que j'aime, je veux l'épouser. » C'est ça, hein, c'est ça ? Réponds donc, fanfaronne !
;ANTIGONE, a encore un sourire imperceptible.
:Oui, nourrice.
;LA NOURRICE
:Et elle dit oui ! Miséricorde ! Je l'ai eue toute gamine ; j'ai promis à sa pauvre mère que j'en ferais une honnête fille, et voilà ! Mais ça ne va pas se passer comme ça, ma petite. Je ne suis que ta nourrice, et tu me traites comme une vieille bête ; bon ! mais ton oncle, ton oncle Créon saura. je te le promets !
;ANTIGONE, soudain un peu lasse
:Oui, nourrice, mon oncle Créon saura. Laisse-moi, maintenant.
;LA NOURRICE
:Et tu verras ce qu'il dira quand il apprendra que tu te lèves la nuit. Et Hémon ? Et ton fiancé? Car elle est fiancée ! Elle est fiancée et à quatre heures du matin elle quitte son lit pour aller courir avec un autre. Et ça vous répond qu'on la laisse, ça voudrait qu'on ne dise rien. Tu sais ce que je devrais faire ? Te battre comme lorsque tu étais petite.
;ANTIGONE
:Nounou, tu ne devrais pas trop crier. Tu ne devrais pas être trop méchante ce matin.
;LA NOURRICE
:Pas crier ! Je ne dois pas crier par dessus le marché ! Moi qui avais promis à ta mère... Qu'est-ce qu'elle me dirait, si elle était là ? « Vieille bête, oui, vieille bête, qui n'as pas su me la garder pure, ma petite. Toujours à crier, à faire le chien de garde, à leur tourner autour avec des lainages pour qu'elles ne prennent pas froid ou des laits de poule pour les rendre fortes ; mais à quatre heures du matin tu dors, vieille bête, tu dors, toi qui ne peux pas fermer l'oeil, et tu les laisses filer, marmotte, et quand tu arrives, le lit est froid ! » Voilà ce qu'elle me dira ta mère, là-haut, quand j'y monterai, et moi j'aurai honte, honte à en mourir si je n'étais pas déjà morte, et je ne pourrai que baisser la tête et répondre : «Madame Jocaste, c'est vrai. »
;ANTIGONE
:Non, nourrice. Ne pleure plus. Tu pourras regarder maman bien en face, quand tu iras la retrouver. Et elle te dira : « Bonjour, nounou, merci pour la petite Antigone. Tu as bien pris soin d'elle. » Elle sait pourquoi je suis sorti ce matin.
;LA NOURRICE
:Tu n'as pas d'amoureux ?
;ANTIGONE
:Non, nounou.
;LA NOURRICE
:Tu te moques de moi, alors ? Tu vois, je suis trop vieille. Tu étais ma préférée, malgré ton sale caractère. Ta soeur était plus douce, mais je croyais que c'était toi qui m'aimais. Si tu m'aimais, tu m'aurais dit la vérité. Pourquoi ton lit était-il froid quand je suis venu te border ?
;ANTIGONE
:Ne pleure plus, s'il te plaît, nounou. //(Elle l'embrasse)// Allons, ma vieille bonne pomme rouge. Tu sais quand je te frottais pour que tu brilles ? Ma vieille pomme toute ridée. Ne laisse pas couler tes larmes dans toutes les petites rigoles, pour des bêtises comme cela -pour rien. Je suis pure, je n'ai pas d'autre amoureux qu'Hémon, mon fiancé, je te le jure. Je peux même te jurer, si tu veux, que je n'aurai jamais d'autre amoureux... Garde tes larmes, garde tes larmes ; tu en auras peut-être besoin encore, nounou. Quand tu pleures comme cela, je redeviens petite... Et il ne faut pas que je sois petite ce matin.
//Entre Ismène.//
!!!!LA NOURRICE ANTIGONE ISMENE
;ISMENE
:Tu es déjà levée ? Je viens de ta chambre.
;ANTIGONE
:Oui, je suis déjà levée.
;LA NOURRICE
:Toutes les deux alors ! ... Toutes les deux vous allez devenir folles et vous lever avant les servantes ? Vous croyez que c'est bon d'être debout le matin à jeun, que c'est convenable pour des princesses ? Vous n'êtes seulement pas couvertes. Vous allez voir que vous allez encore me prendre mal.
;ANTIGONE
:Laisse-nous, nourrice. Il ne fait pas froid, je t'assure ; c'est déjà l'été. Va nous faire du café. //(Elle s'est assise, soudain fatiguée)// Je voudrais bien un peu de café, s'il te plaît, nounou. Cela me ferait du bien.
;LA NOURRICE
:Ma colombe ! La tête lui tourne d'être sans rien et je suis là comme une idiote au lieu de lui donner quelque chose de chaud. //Elle sort vite.//
!!!!ANTIGONE ISMENE
;ISMENE
:Tu es malade ?
;ANTIGONE
:Ce n'est rien. Un peu de fatigue. //(Elle sourit)// C'est parce que je me suis levée tôt.
;ISMENE
:Moi non plus, je n'ai pas dormi.
;ANTIGONE, sourit encore.
:Il faut que tu dormes. Tu serais moins belle demain.
;ISMENE
:Ne te moque pas.
;ANTIGONE
:Je ne me moque pas. Cela me rassure ce matin, que tu sois belle. Quand j'étais petite, j'étais si malheureuse, tu te souviens ? Je te barbouillais de terre, je te mettais des vers dans le cou. Une fois, je t'ai attachée à un arbre et je t'ai coupé tes cheveux, tes beaux cheveux... //(Elle caresse les cheveux d'Ismène)// Comme cela doit être facile de ne pas penser de bêtises avec toutes ces belles mèches lisses et bien ordonnées autour de la tête !
;ISMENE, soudain.
:Pourquoi parles-tu d'autre chose ?
;ANTIGONE, doucement, sans cesser de lui caresser les cheveux
:Je ne parle pas d'autre chose...
;ISMENE
:Tu sais, j'ai bien pensé, Antigone.
;ANTIGONE
:Oui.
;ISMENE
:J'ai bien pensé toute la nuit. Tu es folle.
;ANTIGONE
:Oui.
;ISMENE
:Nous ne pouvons pas.
;ANTIGONE, après un silence, de sa petite voix.
:Pourquoi ?
;ISMENE
:Il nous ferait mourir.
;ANTIGONE
:Bien sûr. A chacun son rôle. Lui, il doit nous faire mourir, et nous, nous devons aller enterrer notre frère. C'est comme ça que ç'a été distribué. Qu'est-ce que tu veux que nous y fassions ?
;ISMENE
:Je ne veux pas mourir.
;ANTIGONE, doucement.
:Moi aussi j'aurais bien voulu ne pas mourir.
;ISMENE
:Ecoute, j'ai bien réfléchi toute la nuit. Je suis l'aînée. Je réfléchis plus que toi. Toi, c'est ce qui te passe par la tête tout de suite, et tant pis si c'est une bêtise. Moi, je suis plus pondérée. Je réfléchis.
;ANTIGONE
:Il y a des fois où il ne faut pas trop réfléchir.
;ISMENE
:Si, Antigone. D'abord c'est horrible, bien sûr, et j'ai pitié moi aussi de mon frère, mais je comprends un peu notre oncle.
;ANTIGONE
:Moi je ne veux pas comprendre un peu. ISMENE
:Il est le roi, il faut qu'il donne l'exemple.
;ANTIGONE
:Moi, je ne suis pas le roi. Il ne faut pas
:que je donne l'exemple, moi... Ce qui lui passe par la tête, la petite Antigone, la sale bête, l'entêtée, la mauvaise, et puis on la met dans un coin ou dans un trou. Et c'est bien fait pour elle. Elle n'avait qu'à ne pas désobéir.
;ISMENE
:Allez ! Allez ! ... Tes sourcils joints, ton regard droit devant toi et te voilà lancée sans écouter personne. Ecoute-moi. J'ai raison plus souvent que toi.
;ANTIGONE
:Je ne veux pas avoir raison.
;ISMENE
:Essaie de comprendre au moins !
;ANTIGONE
:Comprendre... Vous n'avez que ce mot-là dans la bouche, tous, depuis que je suis toute petite. Il fallait comprendre qu'on ne peut pas toucher à l'eau, à la belle et fuyante eau froide parce que cela mouille les dalles, à la terre parce que cela tache les robes. Il fallait comprendre qu'on ne doit pas manger tout à la fois, donner tout ce qu'on a dans ses poches au mendiant qu'on rencontre, courir, courir dans le vent jusqu'à ce qu'on tombe par terre et boire quand on a chaud et se baigner quand il est trop tôt ou trop tard, mais pas juste quand on en a envie ! Comprendre. Toujours comprendre. Moi, je ne veux pas comprendre. Je comprendrai quand je serai vieille. //(Elle achève doucement.)// Si je deviens vieille. Pas maintenant.
;ISMENE
:Il est plus fort que nous, Antigone. Il est le roi. Et ils pensent tous comme lui dans la ville. Ils sont des milliers et des milliers autour de nous, grouillant dans toutes les rues de Thèbes.
;ISMENE
:Ils nous hueront. Ils nous prendront avec leurs mille bars, leurs mille visages et leur unique regard. Ils nous cracheront à la figure. Et il faudra avancer dans leur haine sur la charrette avec leur odeur et leurs rires jusqu'au supplice. Et là, il y aura les gardes avec leurs têtes d'imbéciles, congestionnés sur leurs cols raides, leurs grosses mains lavées, leur regard de boeuf -qu'on sent qu'on pourra toujours crier, essayer de leur faire comprendre, qu'ils vont comme des nègres et qu'ils feront tout ce qu'on leur a dit scrupuleusement, sans savoir si c'est bien ou mal... Et souffrir ? Il faudra souffrir, sentir que la douleur monte, qu'elle est arrivée au point où l'on ne peut plus la supporter ; qu'il faudrait qu'elle s'arrête, mais qu'elle continue pourtant et monte encore, comme une voix aiguëë... Oh ! je ne peux pas, je ne peux pas...
;ANTIGONE
:Comme tu as bien tout pensé !
;ISMENE
:Toute la nuit. Pas toi ?
;ANTIGONE
:Si, bien sûr.
;ISMENE
:Moi, tu sais, je ne suis pas très courageuse.
;ANTIGONE, doucement.
:Moi non plus. Mais qu'est-ce que cela fait ?
://Il y a un silence, Ismène demande soudain ://
;ISMENE
:Tu n'as donc pas envie de vivre, toi ?
;ANTIGONE, //murmure//.
:Pas envie de vivre... //(Et plus doucement encore, si c'est possible.)// Qui se levait la première, le matin, rien que pour sentir l'air froid sur sa peau nue ? Qui se couchait la dernière, seulement quand elle n'en pouvait plus de fatigue, pour vivre encore un peu plus la nuit ? Qui pleurait déjà toute petite, en pensant qu'il y avait tant de petites bêtes, tant de brins d'herbe dans le près et qu'on ne pouvait pas tous les prendre ?
;ISMENE//, a un élan soudain vers elle.//
:Ma petite soeur...
;ANTIGONE//, se redresse et crie.//
:Ah, non ! Laisse-moi! Ne me caresse pas ! Ne nous mettons pas à pleurnicher ensemble, maintenant. Tu as bien réfléchi, tu dis ? Tu penses que toute la ville hurlante contre toi, tu penses que la douleur et la peur de mourir c'est assez ?
;ISMENE, baisse la tête.
:Oui
;ANTIGONE
:Sers-toi de ces prétextes.
;ISMENE, se jette contre elle.
:Antigone ! Je t'en supplie! C'est bon pour les hommes de croire aux idées et de mourir pour elles. Toi, tu es une fille.
;ANTIGONE//, les dents serrées.//
:Une fille, oui. Ai-je assez pleuré d'être une fille !
;ISMENE
:Ton bonheur est là devant toi et tu n'as qu'à le prendre. Tu es fiancée, tu es jeune, tu es belle...
;ANTIGONE, sourdement.
:Non, je ne suis pas belle.
;ISMENE
:Pas belle comme nous, mais autrement. Tu sais bien que c'est sur toi que se retournent les petits voyous dans la rue ; que c'est toi que les petites filles regardent passer, soudain muettes, sans pouvoir te quitter des yeux jusqu'à ce que tu aies tourné le coin.
;ANTIGONE//, a un imperceptible sourire.//
:Des voyous, des petites filles...
;ISMENE//, après un temps.//
:Et Hémon, Antigone ?
;ANTIGONE//, fermée//
:Je parlerai tout à l'heure à Hémon: Hémon sera tout à l'heure une affaire réglée.
;ISMENE
:Tu es folle.
;ANTIGONE, sourit.
:Tu m'as toujours dit que j'étais folle, pour tout, depuis toujours. Va te recoucher, Ismène... Il fait jour maintenant, tu vois, et, de toute façon, je ne pourrai rien faire. Mon frère mort est maintenant entouré d'une garde exactement comme s'il avait réussi à se faire roi. Va te recoucher. Tu es toute pâle de fatigue.
;ISMENE
:Et toi ?
;ANTIGONE
:Je n'ai pas envie de dormir... Mais je te promets que je ne bougerai pas d'ici avant ton réveil. Nourrice va m'apporter à manger. Va dormir encore. Le soleil se lève seulement. Tu as les yeux tout petits de sommeil. Va...
;ISMENE
:Je te convaincrai, n'est-ce pas ? Je te convaincrai ? Tu me laisseras te parler encore ?
;ANTIGONE//, un peu lasse.//
:Je te laisserai me parler, oui. Je vous laisserai tous me parler. Va dormir maintenant, je t'en prie. Tu serais moins belle demain. //(Elle la regarde sortir avec un petit sourire triste, puis elle tombe soudain lasse sur une chaise.)// Pauvre Ismène
!!!!ANTIGONE LA NOURRICE
;LA NOURRICE// entre//
:Tiens, te voilà un bon café et des tartines, mon pigeon. Mange.
;ANTIGONE
:Je n'ai pas très faim, nourrice.
;LA NOURRICE
:Je te les ai grillées moi-même et beurrées comme tu les aimes.
;ANTIGONE
:Tu es gentille, nounou. Je vais seulement boire un peu.
;LA NOURRICE
:Où as-tu mal ?
;ANTIGONE
:Nulle part, nounou. Mais fais-moi tout de même bien chaud comme lorsque j'étais malade... Nounou plus forte que la fièvre, nounou plus forte que le cauchemar, plus forte que l'ombre de l'armoire qui ricane et se transforme d'heure en heure sur le mur, plus forte que les mille insectes du silence qui rongent quelque chose, quelque part dans la nuit, plus forte que la nuit elle-même avec son hululement de folle qu'on n'entend pas ; nounou plus forte que la mort. Donne-moi ta main comme lorsque tu restais à côté de mon lit.
;LA NOURRICE
:Qu'est-ce que tu as, ma petite colombe ?
;ANTIGONE
:Rien, nounou. Je suis seulement encore un peu petite pour tout cela. Mais il n'y a que toi qui dois le savoir.
;LA NOURRICE
:Trop petite pourquoi, ma mésange ?
;ANTIGONE
:Pour rien, nounou. Et puis, tu es là. Je tiens ta bonne main rugueuse qui sauve de tout, toujours, je le sais bien. Peut-être qu'elle va me sauver encore. Tu es si puissante, nounou.
;LA NOURRICE
:Qu'est-ce tu veux que je fasse, ma tourterelle ?
;ANTIGONE
:Rien, nounou. Seulement ta main comme cela sur ma joue. //(Elle reste un moment les yeux fermés.)// Voilà, je n'ai plus peur. Ni du méchant ogre, ni du marchand de sable, ni de Taoutaou qui passe et emmène les enfants... //(Un silence encore, elle continue d'un autre ton.)// Nounou, tu sais, Douce, ma chienne...
;LA NOURRICE
:Oui.
;ANTIGONE
:Tu vas me promettre que tu ne la gronderas plus jamais.
;LA NOURRICE
:Une bête qui salit tout avec ses pattes! Ça ne devrait pas entrer dans les maisons !
;ANTIGONE
:Même si elle salit tout. Promets, nourrice.
;LA NOURRICE
:Alors il faudra que je la laisse tout abîmer sans rien dire ?
;ANTIGONE
:Oui, nounou.
;LA NOURRICE
:Ah ! ça serait un peu fort !
;ANTIGONE
:S'il te plaît, nounou. Tu l'aimes bien, Douce, avec sa bonne grosse tête. Et puis, au fond, tu aimes bien frotter aussi. Tu serais très malheureuse si tout restait propre toujours. Alors je te le demande : ne la gronde pas.
;LA NOURRICE
:Et si elle pisse sur mes tapis ?
;ANTIGONE
:Promets que tu ne la gronderas tout de même pas. Je t'en prie, dis, je t'en prie, nounou...
;LA NOURRICE
:Tu profites de ce que tu câlines... C'est bon. C'est bon. On essuiera sans rien dire. Tu me fais tourner en bourrique.
;ANTIGONE
:Et puis, promets-moi aussi que tu lui parleras, que tu lui parleras souvent.
;LA NOURRICE, hausse les épaules.
:A-t-on vu ça ? Parler aux bêtes !
;ANTIGONE
:Et justement pas comme à une bête. Comme à une vraie personne, comme tu m'entends faire...
;LA NOURRICE
:Ah, ça non ! A mon âge, faire l'idiote! Mais pourquoi veux-tu que toute la maison lui parle comme toi, à cette bête ?
;ANTIGONE, doucement.
:Si moi, pour une raison ou pour une autre, je ne pouvais plus lui parler...
;LA NOURRICE, qui ne comprendpas.
:Plus lui parler, plus lui parler ? Pourquoi ?
;ANTIGONE, détourne un peu la tête et puis elle ajoute, la voix dure.
:Et puis, si elle était trop triste, si elle avait trop l'air d'attendre tout de même, le nez sous la porte comme lorsque je suis sortie, il vaudrait peut-être mieux la faire tuer, nounou, sans qu'elle ait mal.
;LA NOURRICE
:La faire tuer, ma mignonne ? Faire tuer ta chienne ? Mais tu es folle ce matin !
;ANTIGONE
:Non, nounou. //(Hémon paraît)//. Voilà Hémon. Laisse-nous, nourrice. Et n'oublie pas ce que tu m'as juré.
://(La nourrice sort.)//
!!!!ANTIGONE HEMON
;ANTIGONE, court à Hémon.
:Pardon, Hémon, pour notre dispute d'hier soir et pour tout. C'est moi qui avais tort. Je te prie de me pardonner.
;HEMON
:Tu sais bien que je t'avais pardonné, à peine avais-tu claqué la porte. Ton parfum était encore là et je t'avais déjà pardonné. //(Il la tient dans ses bras, il sourit, il la regarde.)// A qui l'avais-tu volé, ce parfum ?
;ANTIGONE
:A Ismène.
;HEMON
:Et le rouge à lèvres, la poudre, la belle robe ?
;ANTIGONE
:Aussi.
;HEMON
:En quel honneur t'étais-tu faite si belle ?
;ANTIGONE
:Je te le dirai. //(Elle se serre contre lui un peu plus fort)// Oh ! mon chéri, comme j'ai été bête ! Tout un soir gaspillé. Un beau soir.
;HEMON
:Nous aurons d'autres soirs, Antigone.
;ANTIGONE
:Peut-être pas.
;HEMON
:Et d'autres disputes aussi. C'est plein de disputes, un bonheur.
;ANTIGONE
:Un bonheur, oui... Ecoute, Hémon.
;HEMON
:Oui.
;ANTIGONE
:Ne ris pas ce matin. Sois grave.
;HEMON
:Je suis grave.
;ANTIGONE
:Et serre-moi. Plus fort que tu ne m'as jamais serrée. Que toute ta force s'imprime dans moi.
;HEMON
:Là. De toute ma force.
;ANTIGONE, dans un souffle.
:C'est bon. //(Ils restent un instant sans rien dire, puis elle commence doucement.)// Ecoute, Hémon.
;HEMON
:Oui.
;ANTIGONE
:Je voulais te dire ce matin... Le petit garçon que nous aurions eu tous les deux...
;HEMON
:Oui.
;ANTIGONE
:Tu sais, je l'aurais bien défendu contre tout.
;HEMON
:Oui, Antigone.
;ANTIGONE
:Oh ! Je l'aurais serré si fort qu'il n'aurait jamais eu peur, je te le jure. Ni du soir qui vient, ni de l'angoisse du plein soleil immobile, ni des ombres... Notre petit garçon, Hémon ! Il aurait eu une maman toute petite et mal peignée -mais plus sûre que toutes les vraies mères du monde avec leurs vraies poitrines et leurs grands tabliers. Tu le crois, n'est-ce pas ?
;HEMON
:Oui, mon amour.
;ANTIGONE
:Et tu crois aussi, n'est-ce pas, que toi, tu aurais eu une vraie femme ?
;HEMON//, la tient.//
:J'ai une vraie femme.
;ANTIGONE//, crie soudain, blottie contre lui.//
:Oh ! tu m'aimais, Hémon, tu m'aimais, tu en es bien sûr, ce soir-là?
;HEMON//, la berce doucement.//
:Quel soir ?
;ANTIGONE
:Tu es bien sûr qu'à ce bal où tu es venu me chercher dans mon coin, tu ne t'es pas trompé de jeune fille ? Tu es sûr que tu n'as jamais regretté depuis, jamais pensé, même tout au fond de toi, même une fois, que tu aurais plutôt dû demander Ismène ?
;HEMON
:Idiote !
;ANTIGONE
:Tu m'aimes, n'est-ce pas ? Tu m'aimes comme une femme ? Tes bras qui me serrent ne mentent pas ? Tes grandes mains posées sur mon dos ne mentent pas, ni ton odeur, ni ce bon chaud, ni cette grande confiance qui m'inonde quand j'ai la tête au creux de ton cou ?
;HEMON
:Oui, Antigone, je t'aime comme une femme.
;ANTIGONE
:Je suis noire et maigre. Ismène est rose et dorée comme un fruit.
;HEMON, murmure.
:Antigone...
;ANTIGONE
:Oh ! Je suis toute rouge de honte. Mais il faut que je sache ce matin. Dis la vérité. je t'en prie. Quand tu penses que je serai à toi, est-ce que tu sens au milieu de toi comme un grand trou qui se creuse, comme quelque chose qui meurt ?
;HEMON
:Oui, Antigone.
;ANTIGONE, dans un souffle, après un temps.
:Moi, je sens comme cela. Et je voulais te dire que j'aurais été très fière d'être ta femme, ta vraie femme, sur qui tu aurais posé ta main, le soir, en t'asseyant, sans penser, comme sur une chose bien à toi. //(Elle s'est détachée de lui, elle a pris un autre ton.)// Voilà. Maintenant, je vais te dire encore deux choses. Et quand je les aurais dites, il faudra que tu sortes sans me questionner. Même si elles te paraissent extraordinaires, même si elles te font de la peine. Jure-le- moi.
;HEMON
:Qu'est-ce que tu vas me dire encore ?
;ANTIGONE
:Jure-moi d'abord que tu sortiras sans rien me dire. Sans même me regarder. Si tu m'aimes, jure-le-moi. //(Elle le regarde avec son pauvre visage bouleversé.)// Tu vois comme je te le demande, jure-le-moi, s'il te plaît, Hémon... C'est la dernière folie que tu auras à me passer.
;HEMON
:Je te le jure.
;ANTIGONE
:Merci. Alors, voilà. Hier. d'abord. Tu me demandais tout à l'heure pourquoi j'étais venue avec une robe d'Ismène, ce parfum et ce rouge à lèvres. J'étais bête. Je n'étais pas très sûre que tu me désires vraiment et j'avais fait tout cela pour être un peu plus comme les autres filles, pour te donner envie de moi.
;HEMON
:C'était pour cela ?
;ANTIGONE
:Oui. Et tu as ri, et nous nous sommes disputés et mon mauvais caractère a été le plus fort, je me suis sauvée. //(Elle ajoute plus bas.)// Mais j'étais venue chez toi pour que tu me prennes hier soir, pour que je sois ta femme avant. //(Il recule, il va parler, elle crie.)// Tu m'as juré de ne pas me demander pourquoi. Tu m'as juré, Hémon ! //(Elle dit plus bas, humblement.)// Je t'en supplie... //(Et elle ajoute, se détournant, dure.)// D'ailleurs, je vais te dire. Je voulais être ta femme quand même parce que je t'aime comme cela, moi, très fort, et que je vais te faire de la peine, ô mon chéri, pardon ! que jamais, jamais, je ne pourrai t'épouser. //(Il est resté muet de stupeur, elle court à la fenêtre, elle crie.)// Hémon, tu me l'as juré ! Sors. Sors tout de suite sans rien dire. Si tu parles, si tu fais un seul pas vers moi, je me jette par cette fenêtre. Je te le jure, Hémon. Je te le jure sur la tête du petit garçon que nous avons eu tous les deux en rêve, du seul petit garçon que j'aurai jamais. Pars maintenant, pars vite. Tu sauras demain. Tu sauras tout à l'heure. //(Elle achève avec un tel désespoir qu'Hémon obéit et s'éloigne.)// S'il te plaît, pars, Hémon. C'est tout ce que tu peux faire encore pour moi, si tu m'aimes. //(Il est sorti. Elle reste sans bouger, le dos à la salle, puis elle referme la fenêtre, elle vient s'asseoir sur une petite chaise au milieu de la scène, et dit doucement, comme étrangement apaisée.)// Voilà. C'est fini pour Hémon, Antigone.
!!!!ANTIGONE ISMENE
;ISMENE, est entrée, appelant.
:Antigone ! ... Ah !, tu es là !
;ANTIGONE, sans bouger.
:Oui, je suis là.
;ISMENE
:Je ne peux pas dormir. J'avais peur que tu sortes, et que tu tentes de l'enterrer malgré le jour. Antigone, ma petite soeur, nous sommes tous là, autour de toi, Hémon, nounou et moi, et Douce, ta chienne Nous t'aimons et nous sommes vivants, nous, nous avons besoin de toi. Polynice est mort et il ne t'aimait pas. Il a toujours été un étranger pour nous, un mauvais frère. Oublie-le, Antigone, comme il nous avait oubliées. Laisse son ombre dure errer éternellement sans sépulture, puisque c'est la loi de Créon. Ne tente pas ce qui est au-dessus de tes forces. Tu braves tout toujours, mais tu es toute petite, Antigone. Reste avec nous, ne va pas là-bas cette nuit, je t'en supplie.
;ANTIGONE//, s'est levée, un étrange petit sourire sur les lèvres, elle va vers la porte et du seuil, doucement, elle dit...//
:C'est trop tard. Ce matin, quand tu m'as rencontrée, j'en venais.
://Elle est sortie. Ismène la suit avec un cri ://
;ISMENE
:Antigone !
://Dès qu’Ismène est sortie, Créon entre par une autre porte avec son page.//
!!!!CREON LE GARDE
;CREON
:Un garde, dis-tu ? Un de ceux qui gardent le cadavre ? Fais-le entrer.
://Le garde entre. C'est une brute. Pour le moment, il est vert de peur.//
;LE GARDE// se présente, au garde à vous.//
:Garde Jonas, de la Deuxième Compagnie.
;CREON
:Qu'est-ce que tu veux ?
;LE GARDE
:Voilà, chef. On a tiré au sort pour savoir celui qui viendrait. Et le sort est tombé sur moi. Alors, voilà, chef. Je suis venu parce qu'on a pensé qu'il valait mieux qu'il n'y en ait qu'un qui explique, et puis parce qu'on ne pouvait pas abandonner le poste tous les trois. On est les trois du piquet de garde, chef, autour du cadavre.
;CREON
:Qu'as-tu à me dire ?
;LE GARDE
:On est trois. chef. Je ne suis pas tout seul. Les autres, c'est Durand et le garde de première classe Boudousse.
;CREON
:Pourquoi n'est-ce pas le première classe qui est venu ?
;LE GARDE
:N'est-ce pas, chef ? Je l'ai dit tout de suite, moi. C'est le première classe qui doit y aller. Quand il n'y a pas de gradé, c'est le première classe qui est responsable.
:Mais les autres, ils ont dit non et ils ont voulu tirer au sort. Faut-il que j'aille chercher le première classe, chef ?
;CREON
:Non. Parle, toi, puisque tu es là.
;LE GARDE
:J'ai dix-sept ans de service. Je suis engagé volontaire, la médaille, deux citations. Je suis bien noté, chef. Moi, je suis "service". Je ne connais que ce qui est commandé. Mes supérieurs, ils disent toujours : « Avec Jonas, on est tranquille. »
;CREON
:C'est bon. Parle. De quoi as-tu peur ?
;LE GARDE
:Régulièrement, ça aurait dû être le première classe. Moi je suis proposé première classe, mais je ne suis pas encore promu. Je devais être promu en juin.
;CREON
:Vas-tu parler, enfin ? S'il est arrivé quelque chose, vous êtes tous les trois responsables. Ne cherche plus qui devrait être là.
;LE GARDE
:Hé bien, voilà, chef : le cadavre... On a veillé, pourtant ! On avait la relève de deux heures, la plus dure. Vous savez ce que c'est, au moment où la nuit va finir. Ce plomb entre les yeux, la nuque qui tire, et puis toutes ces ombres qui bougent et le brouillard du petit matin qui se lève... Ah ! ils ont bien choisi leur heure ! ... On était là, on parlait, on battait la semelle... On ne dormait pas, chef, ça, on peut vous le jurer tous les trois qu'on ne dormait pas ! D'ailleurs, avec le froid qu'il faisait... Tout d'un coup, moi je regarde le cadavre... On était à deux pas, mais moi je le regardais de temps en temps tout de même... Je suis comme ça, moi, chef, je suis méticuleux. C'est pour ça que mes supérieurs, ils disent : « Avec Jonas... » //(Un geste de Créon l'arrête, il crie soudain.)// C'est moi qui l'ai vu le premier, chef ! Les autres vous le diront, c'est moi qui ai donné le premier l'alarme.
;CREON
:L'alarme ? Pourquoi ?
;LE GARDE
:Le cadavre, chef. Quelqu'un l'avait recouvert. Oh ! pas grand-chose. Ils n'avaient pas eu le temps, avec nous à côté. Seulement un peu de terre... Mais assez tout de même pour le cacher aux vautours.
;CREON, va à lui.
:Tu es sûr que ce n'est pas une bête en grattant ?
;LE GARDE
:Non, chef. On a d'abord espéré ça, nous aussi. Mais la terre était jetée sur lui. Selon les rites. C'est quelqu'un qui savait ce qu'il faisait.
;CREON
:Qui a osé ? Qui a été assez fou pour braver ma loi ? As-tu relevé des traces ?
;LE GARDE
:Rien, chef. Rien qu'un pas plus léger qu'un passage d'oiseau. Après, en cherchant mieux, le garde Durand a trouvé plus loin une pelle, une petite pelle d'enfant toute vieille, toute rouillée. On a pensé que ça ne pouvait pas être un enfant qui avait fait le coup. Le première classe l'a gardée tout de même pour l'enquête.
;CREON, rêve un peu.
:Un enfant... L'opposition brisée qui sourd et mine déjà partout. Les amis de Polynice avec leur or bloqué dans Thèbes, les chefs de la plèbe puant l'ail, soudainement alliés aux princes, et les prêtres essayant de pêcher quelque chose au milieu de tout cela... Un enfant ! Ils ont dû penser que ce serait plus touchant. Je le vois d'ici, leur enfant, avec sa gueule de tueur appointé et la petite pelle soigneusement enveloppée dans du papier sous sa veste. A moins qu'ils n'aient dressé un vrai enfant, avec des phrases... Une innocence inestimable pour le parti. Un vrai petit garçon pâle qui crachera devant mes fusils. Un précieux sang bien frais sur mes mains, double aubaine. //(Il va à l’homme.)// Mais ils ont des complices, et dans ma garde, peut-être. Ecoute bien, toi...
;LE GARDE
:Chef, on a fait tout ce qu'on devait faire ! Durand s'est assis une demie-heure parce qu'il avait mal aux pieds, mais moi, chef, je suis resté tout le temps debout. Le première classe vous le dira.
;CREON
:A qui avez-vous déjà parlé de cette affaire ?
;LE GARDE
:A personne, chef. On a tout de suite tiré au sort, et je suis venu.
;CREON
:Ecoute bien. Votre garde est doublée. Renvoyez la relève. Voilà l'ordre. Je ne veux que vous près du cadavre. Et pas un mot. Vous êtes tous coupables d'une négligence, vous serez punis de toute façon, mais si tu parles, si le bruit court dans la ville qu'on a recouvert le cadavre de Polynice, vous mourrez tous les trois.
;LE GARDE// gueule.//
:On n'a pas parlé, chef, je vous le jure ! Mais, moi, j'étais ici, et peut-être que les autres, ils l'ont déjà dit à la relève... //(Il sue à grosses gouttes, il bafouille.)// Chef, j'ai deux enfants, . Il y en a un qui est tout petit. Vous témoignerez pour moi que j'étais ici, chef, devant le conseil de guerre. J'étais ici, moi, avec vous ! J'ai un témoin ! Si on a parlé, ça sera les autres, ça ne sera pas moi ! J'ai un témoin, moi !
;CREON
:Va vite. Si personne ne sait, tu vivras.
://(Le garde sort en courant. Créon reste un instant muet.//
://Soudain, il murmure.)//
;CREON
:Un enfant... //(Il a pris le petit page par l’épaule.)// Viens, petit. Il faut que nous allions raconter tout cela maintenant... Et puis, la jolie besogne commencera. Tu mourrais, toi, pour moi ? Tu crois que tu irais avec ta petite pelle ? //(Le petit le regarde. Il sort avec lui, lui caressant la tête.)// Oui, bien sûr, tu irais tout de suite, toi aussi... //(On l'entend soupirer encore en sortant.)// Un enfant...
://Ils sont sortis. Le choeur entre.//
!!!!LE CHOEUR
;LE CHOEUR
:Et voilà. Maintenant, le ressort est bandé. Cela n'a plus qu'à se dérouler tout seul. C'est cela qui est commode dans la tragédie. On donne le petit coup de pouce pour que cela démarre, rien, un regard pendant une seconde à une fille qui passe et lève les bras dans la rue, une envie d'honneur un beau matin, au réveil, comme de quelque chose qui se mange, une question de trop que l'on se pose un soir... C'est tout. Après, on n'a plus qu'à laisser faire. On est tranquille. Cela roule tout seul. Cest minutieux, bien huilé depuis toujours. La mort, la trahison, le désespoir sont là, tout prêts, et les éclats, et les orages, et les silences, tous les silences : le silence quand le bras du bourreau se lève à la fin, le silence au commencement quand les deux amants sont nus l'un en face de l'autre pour la première fois, sans oser bouger tout de suite, dans la chambre sombre, le silence quand les cris de la foule éclatent autour du vainqueur et on dirait un film dont le son s'est enrayé, toutes ces bouches ouvertes dont il ne sort rien, toute cette clameur qui n'est qu'une image, et le vainqueur, déjà vaincu, seul au milieu de son silence... C'est propre, la tragédie. C'est reposant, c'est sûr... Dans le drame, avec ces traîtres, avec ces méchants acharnés, cette innocence persécutée, ces vengeurs, ces terre-neuve, ces lueurs d'espoir, cela devient épouvantable de mourir, comme un accident. On aurait peut-être pu se sauver, le bon jeune homme aurait peut-être pu arriver à temps avec les gendarmes. Dans la tragédie, on est tranquille. D'abord, on est entre soi. On est tous innocents, en somme ! Ce n'est pas parce qu'il y en a un qui tue et l'autre qui est tué. C'est une question de distribution. Et puis, surtout, c'est reposant, la tragédie, parce qu'on sait qu'il n'y a plus d'espoir, le sale espoir ; qu'on est pris, qu'on est enfin pris comme un rat, avec tout le ciel sur son dos, et qu'on n'a plus qu'à crier, pas à gémir, non, pas à se plaindre, à gueuler à pleine voix ce qu'on avait à dire, qu'on n'avait jamais dit et qu'on ne savait peut-être même pas encore. Et pour rien : pour se le dire à soi, pour l'apprendre, soi. Dans le drame, on se débat parce qu'on espère en sortir. C'est ignoble, c'est utilitaire. Là, c'est gratuit. C'est pour les rois. Et il n'y a plus rien à tenter, enfin !
!!!!LE CHOEUR ANTIGONE LES GARDES
://Antigone est entrée, poussée par les gardes.//
;LE CHOEUR
:Alors, voilà, cela commence. La petite Antigone est prise. La petite Antigone va pouvoir être elle- même pour la première fois.
:Le choeur disparaît, tandis que les gardes poussent Antigone en scène.
;LE GARDE qui a repris tout son aplomb.
:Allez, allez, pas d'histoires ! Vous vous expliquerez devant le chef. Moi, je ne connais que la consigne. Ce que vous aviez à faire là, je ne veux pas le savoir. Tout le monde a des excuses, tout le monde a quelque chose à objecter. S'il fallait écouter les gens, s'il fallait essayer de comprendre, on serait propres. Allez, allez ! Tenez-la, vous autres, et pas d'histoires ! Moi, ce qu'elle a à dire, je ne veux pas le savoir !
;ANTIGONE
:Dis-leur de me lâcher, avec leurs sales mains, ils me font mal.
;LE GARDE
:Leurs sales mains ? Vous pourriez être polie, Mademoiselle... Moi, je suis poli.
;ANTIGONE
:Dis-leur de me lâcher. Je suis la fille d'Oedipe, je suis Antigone. Je ne me sauverai pas.
;LE GARDE
:La fille d'Oedipe, oui ! Les putains qu'on ramasse à la garde de nuit, elles disent aussi de se méfier, qu'elles sont la bonne amie du préfet de police !
:Ils rigolent.
;ANTIGONE
:Je veux bien mourir, mais pas qu'ils me touchent !
;LE GARDE
:Et les cadavres, dis, et la terre, ça ne te fait pas peur à toucher ? Tu dis « leurs sales mains » ! Regarde un peu les tiennes.
:Antigone regarde ses mains tenues par les menottes avec un petit sourire. Elles sont pleines de terre.
;LE GARDE
:On te l'avait prise, ta pelle ? Il a fallu que tu refasses ça avec tes ongles, la deuxième fois ? Ah ! cette audace. Je tourne le dos une seconde, je te demande une chique, et allez, le temps de me la caler dans la joue, le temps de dire merci, elle était là, à gratter comme une petite hyène. Et en plein jour ! Et c'est qu'elle se débattait, cette garce, quand j'ai voulu la prendre ! C'est qu'elle voulait me sauter aux yeux ! Elle criait qu'il fallait qu'elle finisse... C'est une folle, oui !
;LE DEUXIEME GARDE
:J'en ai arrêté une autre, de folle, l'autre jour. Elle montrait son cul aux gens
;LE GARDE
:Dis, Boudousse, qu'est-ce qu'on va se payer comme gueuleton tous les trois, pour fêter ça !
;LE DEUXIEME GARDE
:Chez la Tordue. Il est bon, son rouge.
;LE TROISIEME GARDE
:On a quartier libre, dimanche. Si on emmenait les femmes ?
;LE GARDE
:Non, entre nous qu'on rigole... Avec les femmes, il y a toujours des histoires, et puis les moutards qui veulent pisser. Ah ! dis, Boudousse, tout à l'heure, on ne croyait pas qu'on aurait envie de rigoler comme ça, nous autres !
;LE DEUXIEME GARDE
:Ils vont peut-être nous donner une récompense.
;LE GARDE
:Ça se peut, si c'est important.
;LE DEUXIEME GARDE
:Flanchard, de la Troisième, quand il a mis la main sur l'incendiaire, le mois dernier, il a eu le mois double.
;LE TROISIEME GARDE
:Ah, dis donc ! Si on a le mois double, je propose : au lieu d'aller chez la Tordue, on va au Palais arabe.
;LE GARDE
:Pour boire ? T'es pas fou ? Ils te vendent la bouteille le double au Palais. Pour monter, d'accord. Ecoutez-moi, je vais vous dire : on va d'abord chez la Tordue, on se les cale comme il faut et après on va au Palais. Dis, Boudousse, tu te rappelles la grosse, du palais?
;LE DEUXIEME GARDE
:Ah ! ce que t'étais saoul, toi, ce jour-là !
;LE TROISIEME GARDE
:Mais nos femmes, si on a le mois double, elles le sauront. Si ça se trouve, on sera peut-être publiquement félicités.
;LE GARDE
:Alors, on verra. La rigolade c'est autre chose. S'il y a une cérémonie dans la cour de la caserne, comme pour les décorations, les femmes viendront aussi, et les gosses. Et alors on ira tous chez la Tordue.
;LE DEUXIEME GARDE
:Oui, mais il faudra lui commander le menu d'avance.
;ANTIGONE, demande d'une petite voix.
:Je voudrais m'asseoir un peu, s'il vous plaît.
;LE GARDE après un temps de réflexion.
:C'est bon, qu'elle s'asseye. Mais ne la lâchez pas, vous autres.
//Créon entre, le garde gueule aussitôt.//
!!!!CRÉON LE CHOEUR ANTIGONE LES GARDES
;LE GARDE
:Garde à vous !
;CREON, s'est arrêté, surpris.
:Lâchez cette jeune fille. Qu'est-ce que c'est ?
;LE GARDE
:C'est le piquet de garde, chef. On est venu avec les camarades.
;CREON
:Qui garde le corps ?
;LE GARDE
:On a appelé la relève, chef.
;CREON
:Je t'avais dit de la renvoyer ! Je t'avais dit de ne rien dire.
;LE GARDE
:On n'a rien dit, chef. Mais comme on a arrêté celle-là, on a pensé qu'il fallait qu'on vienne. Et cette fois on n'a pas tiré au sort. On a préféré venir tous les trois.
;CREON
:Imbéciles ! //(A Antigone.)// Où t'ont-ils arrêtée?
;LE GARDE
:Près du cadavre, chef.
;CREON
:Qu'allais-tu faire près du cadavre de ton frère? Tu savais que j'avais interdit de l'approcher.
;LE GARDE
:Ce qu'elle faisait, chef ? C'est pour ça qu'on vous l'amène. Elle grattait la terre avec ses mains. Elle était en train de le recouvrir encore une fois.
;CREON
:Sais-tu bien ce que tu es en train de dire, toi ?
;LE GARDE
:Chef, vous pouvez demander aux autres. On avait dégagé le corps à mon retour ; mais avec le soleil qui chauffait, comme il commençait à sentir, on s'est mis sur une petite hauteur, pas loin, pour être dans le vent. On se disait qu'en plein jour on ne risquait rien. Pourtant, on avait décidé, pour être plus sûrs, qu'il y en aurait toujours un de nous trois qui le regarderait. Mais à midi, en plein soleil, et puis avec l'odeur qui montait depuis que le vent était tombé, c'était comme un coup de massue. J'avais beau écarquiller les yeux, ça tremblait comme de la gélatine, je voyais plus. Je vais au camarade lui demander une chique, pour passer ça... Le temps que je me la cale à la joue, chef, le temps que je lui dise merci, je me retourne : elle était là à gratter avec ses mains. En plein jour ! Elle devait bien penser qu'on ne pouvait pas ne pas la voir. Et quand elle a vu que je lui courais dessus, vous croyez qu'elle s'est arrêtée, qu'elle a essayé de se sauver, peut-être ? Non. Elle a continué de toutes ses forces aussi vite qu'elle pouvait, comme si elle ne me voyait pas arriver. Et quand je l'ai empoignée, elle se débattait comme une diablesse, elle voulait continuer encore, elle me criait de la laisser, que le corps n'était pas encore tout à fait recouvert
;CREON, à Antigone.
:C'est vrai ?
;ANTIGONE
:Oui, c'est vrai.
;LE GARDE
:On a découvert le corps, comme de juste, et puis on a passé la relève, sans parler de rien, et on est venu vous l'amener, chef. Voilà.
;CREON
:Et cette nuit, la première fois, c'était toi aussi?
;ANTIGONE
:Oui. C'était moi. Avec une petite pelle de fer qui nous servait à faire des châteaux de sable sur la plage, pendant les vacances. C'était justement la pelle de Polynice. Il avait gravé son nom au couteau sur le manche. C'est pour cela que je l'ai laissée près de lui. Mais ils l'ont prise. Alors la seconde fois, j'ai dû recommencer avec mes mains.
;LE GARDE
:On aurait dit une petite bête qui grattait. Même qu'au premier coup d'|il, avec l'air chaud qui tremblait, le camarade dit : « Mais non, c'est une bête. » « Penses-tu, je lui dis, c'est trop fin pour une bête. C'est une fille.»
;CREON
:C'est bien. On vous demandera peut-être un rapport tout à l'heure. Pour le moment, laissez-moi seul avec elle. Conduis ces hommes à côté, petit. Et qu'ils restent au secret jusqu'à ce que je revienne les voir.
;LE GARDE
:Faut-il lui remettre les menottes, chef ?
;CREON
:Non.
//Les gardes sont sortis, précédés par le petit page. //
!!!!CREON ANTIGONE
//Créon et Antigone sont seuls l'un en face de l'autre.//
;CREON
:Avais-tu parlé de ton projet à quelqu'un ?
;ANTIGONE
:Non.
;CREON
:As-tu rencontré quelqu'un sur ta route ?
;ANTIGONE
:Non, personne.
;CREON
:Tu es bien sûre ?
;ANTIGONE
:Oui.
;CREON
:Alors, écoute : tu vas rentrer chez toi, te coucher, dire que tu es malade, que tu n'es pas sortie depuis hier. Ta nourrice dira comme toi. Je ferai disparaître ces trois hommes.
;ANTIGONE
:Pourquoi ? Puisque vous savez bien que je recommencerai.
:Un silence. Ils se regardent.
;CREON
:Pourquoi as-tu tenté d'enterrer ton frère ?
;ANTIGONE
:Je le devais.
;CREON
:Je l'avais interdit.
;ANTIGONE, doucement.
:Je le devais tout de même. Ceux qu'on n'enterre pas errent éternellement sans jamais trouver de repos. Si mon frère vivant était rentré harassé d'une longue chasse, je lui aurais enlevé ses chaussures, je lui aurais fait à manger, je lui aurais préparé son lit... Polynice aujourd'hui a achevé sa chasse. Il rentre à la maison où mon père et ma mère, et Etéocle aussi, l'attendent. Il a droit au repos.
;CREON
:C'était un révolté et un traître, tu le savais.
;ANTIGONE
:C'était mon frère.
;CREON
:Tu avais entendu proclamer l'édit aux carrefours, tu avais lu l'affiche sur tous les murs de la ville?
;ANTIGONE
:Oui.
;CREON
:Tu savais le sort qui était promis à celui, quel qu'il soit, qui oserait lui rendre les honneurs funèbres ?
;ANTIGONE
:Oui, je le savais.
;CREON-Tu as peut-être cru que d'être la fille d'Oedipe, la fille de l'orgueil d'Oedipe, c'était assez pour être au-dessus de la loi.
;ANTIGONE
:Non. Je n'ai pas cru cela.
;CREON
:La loi est d'abord faite pour toi, Antigone, la loi est d'abord faite pour les filles des rois !
;ANTIGONE
:Si j'avais été une servante en train de faire sa vaisselle, quand j'ai entendu lire l'édit, j'aurais essuyé l'eau grasse de mes bras et je serais sortie avec mon tablier pour aller enterrer mon frère.
;CREON
:Ce n'est pas vrai. Si tu avais été une servante, tu n'aurais pas douté que tu allais mourir et tu serais restée à pleurer ton frère chez toi. Seulement tu as pensé que tu étais de race royale, ma nièce et la fiancée de mon fils, et que, quoi qu'il arrive, je n'oserais pas te faire mourir.
;ANTIGONE
:Vous vous trompez. J'étais certaine que vous me feriez mourir au contraire.
;CREON, la regarde et murmure soudain.
:L'orgueil d'Oedipe. Tu es forgueil d'Oedipe. Oui, maintenant que je l'ai trouvé au fond de tes yeux, je te crois. Tu as dû penser que je te ferais mourir. Et cela te paraissait un dénouement tout naturel pour toi, orgueilleuse ! Pour ton père non plus je ne dis pas le bonheur, il n'en était pas question le malheur humain, c'était trop peu. L'humain vous gêne aux entournures de la famille. Il vous faut un tête à tête avec le destin et la mort. Et tuer votre père et coucher avec votre mère et apprendre tout cela après, avidement, mot par mot. Quel breuvage, hein, les mots qui vous condamnent ? Et comme on les boit goulûment quand on s'appelle Oedipe, ou Antigone. Et le plus simple, après, c'est encore de se crever les yeux et d'aller mendier avec ses enfants sur les routes... Hé bien, non. Ces temps sont révolus pour Thèbes. Thèbes a droit maintenant à un prince sans histoire. Moi, je m'appelle seulement Créon, Dieu merci. J'ai mes deux pieds par terre, mes deux mains enfoncées dans mes poches, et, puisque je suis roi, j'ai résolu, avec moins d'ambition que ton père, de m'employer tout simplement à rendre l'ordre de ce monde un peu moins absurde, si c'est possible. Ce n'est même pas une aventure, c'est un métier pour tous les jours et pas toujours drôle, comme tous les métiers. Mais puisque je suis là pour le faire, je vais le faire... Et si demain un messager crasseux dévale du fond des montagnes pour m'annoncer qu'il n'est pas très sûr non plus de ma naissance, je le prierai tout simplement de s'en retourner d'où il vient et je ne m'en irai pas pour si peu regarder ta tante sous le nez et me mettre à confronter les dates. Les rois ont autre chose à faire que du pathétique personnel, ma petite fille. //(Il a été à elle, il lui prend le bras.)// Alors, écoute-moi bien. Tu es Antigone, tu es la fille d'Oedipe, soit, mais tu as vingt ans et il n'y a pas longtemps encore tout cela se serait réglé par du pain sec et une paire de gifles. //(Il la regarde, souriant.)// Te faire mourir ! Tu ne t'es pas regardée, moineau ! Tu es trop maigre. Grossis un peu, plutôt, pour faire un gros garçon à Hémon. Thèbes en a besoin plus que de ta mort, je te l'assure. Tu vas rentrer chez toi tout de suite, faire ce que je t'ai dit et te taire. Je me charge du silence des autres. Allez, va ! Et ne me foudroie pas comme cela du regard. Tu me prends pour une brute, c'est entendu, et tu dois penser que je suis décidément bien prosaïïque. Mais je t'aime bien tout de même, avec ton sale caractère. N'oublie pas que c'est moi qui t'ai fait cadeau de ta première poupée, il n'y a pas si longtemps.
:Antigone ne répond pas. Elle va sortir. Il l'arrête.
;CREON
:Antigone ! C'est par cette porte qu'on regagne ta chambre. Où t'en vas-tu par là ?
;ANTIGONE, s'est arrêtée, elle lui répond doucement, sans forfanterie.
:Vous le savez bien...
:Un silence. Ils se regardent encore debout l'un en face de l'autre.
;CREON, murmure, comme pour lui.
:Quel jeu joues-tu?
;ANTIGONE
:Je ne joue pas.
;CREON
:Tu ne comprends donc pas que si quelqu'un d'autre que ces trois brutes sait tout a l'heure ce que tu as tenté de faire, je serai obligé de te faire mourir ? Si tu te tais maintenant, si tu renonces à cette folie, j'ai une chance de te sauver, mais je ne l'aurai plus dans cinq minutes. Le comprends-tu ?
;ANTIGONE
:Il faut que j'aille enterrer mon frère que ces hommes ont découvert.
;CREON
:Tu irais refaire ce geste absurde ? Il y a une autre garde autour du corps de Polynice et, même si tu parviens à le recouvrir encore, on dégagera son cadavre, tu le sais bien. Que peux-tu donc sinon t'ensanglanter encore les ongles et te faire prendre ?
;ANTIGONE
:Rien d'autre que cela, je le sais. Mais cela, du moins, je le peux. Et il faut faire ce que l'on peut.
;CREON
:Tu y crois donc vraiment , toi, à cet enterrement dans les règles ? A cette ombre de ton frère condamnée à errer toujours si on ne jette pas sur le cadavre un petit peu de terre avec la formule du prêtre ? Tu leur a déjà entendu la réciter, aux prêtres de Thèbes, la formule ? Tu as vu ces pauvres têtes d'employés fatigués écourtant les gestes, avalant les mots, bâclant ce mort pour en prendre un autre avant le repas de midi ?
;ANTIGONE
:Oui, je les ai vus.
;CREON
:Est-ce que tu n'as jamais pensé alors que si c'était un être que tu aimais vraiment, qui était là, couché dans cette boîte, tu te mettrais à hurler tout d'un coup ? A leur crier de se taire, de s'en aller ?
;ANTIGONE
:Si, je l'ai pensé.
;CREON
:Et tu risques la mort maintenant parce que j'ai refusé à ton frère ce passeport dérisoire, ce bredouillage en série sur sa dépouille, cette pantomime dont tu aurais été la première à avoir honte et mal si on l'avait jouée. C'est absurde !
;ANTIGONE
:Oui, c'est absurde.
;CREON
:Pourquoi fais-tu ce geste, alors ? Pour les autres, pour ceux qui y croient ? Pour les dresser contre moi ?
;ANTIGONE
:Non.
;CREON
:Ni pour les autres, ni pour ton frère ? Pour qui alors ?
;ANTIGONE
:Pour personne. Pour moi.
;CREON, la regarde en silence.
:Tu as donc bien envie de mourir ? Tu as l'air d'un petit gibier pris.
;ANTIGONE
:Ne vous attendrissez pas sur moi. Faites comme moi. Faites ce que vous avez à faire. Mais si vous êtes un être humain, faites-le vite. Voilà tout ce que je vous demande. Je n'aurai pas du courage éternellement, c'est vrai.
;CREON, se rapproche.
:Je veux te sauver, Antigone.
;ANTIGONE
:Vous êtes le roi, vous pouvez tout, mais cela, vous ne le pouvez pas.
;CREON
:Tu crois ?
;ANTIGONE
:Ni me sauver, ni me contraindre.
;CREON
:Orgueilleuse ! Petite Oedipe !
;ANTIGONE
:Vous pouvez seulement me faire mourir.
;CREON
:Et si je te fais torturer ?
;ANTIGONE
:Pourquoi ? Pour que je pleure, que je demande grâce, pour que je jure tout ce qu'on voudra, et que je recommence après, quand je n'aurai plus mal ?
;CREON, lui serre le bras.
:Ecoute-moi bien. J'ai le mauvais rôle, c'est entendu, et tu as le bon. Et tu le sens. Mais n'en profite tout de même pas trop, petite peste... Si j'étais une bonne brute ordinaire de tyran, il y aurait déjà longtemps qu'on t'aurait arraché la langue, tiré les membres aux tenailles, ou jeté dans un trou. Mais tu vois dans mes yeux quelque chose qui hésite, tu vois que je te laisse parler au lieu d'appeler mes soldats ; alors, tu nargues, tu attaques tant que tu peux. Où veux-tu en venir, petite furie ?
;ANTIGONE
:Lâchez-moi. Vous me faites mal au bras avec votre main.
;CREON, qui serre plus fort.
:Non. Moi, je suis le plus fort comme cela, j'en profite aussi.
;ANTIGONE, pousse un petit cri.
:Aïïe !
;CREON, dont les yeux rient.
:C'est peut-être ce que je devrais faire après tout, tout simplement, te tordre le poignet, te tirer les cheveux comme on fait aux filles dans les jeux. //(Il la regarde encore. Il redevient grave. Il lui dit tout près.)// Je suis ton oncle, c'est entendu, mais nous ne sommes pas tendres les uns pour les autres, dans la famille. Cela ne te semble pas drôle, tout de même, ce roi bafoué qui t'écoute, ce vieil homme qui peut tout et qui en a vu tuer d'autres, je t'assure, et d'aussi attendrissants que toi, et qui est là, à se donner toute cette peine pour essayer de t'empêcher de mourir ?
;ANTIGONE, après un temps.
:Vous serrez trop, maintenant. Cela ne me fait même plus mal. Je n'ai plus de bras.
;CREON, la regarde et la lâche avec un petit sourire. Il murmure.
:Dieu sait pourtant si j'ai autre chose à faire aujourd'hui, mais je vais tout de même perdre le temps qu'il faudra et te sauver, petite peste. //(Il la fait asseoir sur une chaise au milieu de la pièce. Il enlève sa veste, il s'avance vers elle, lourd, puissant, en bras de chemise.)// Au lendemain d'une révolution ratée, il y a du pain sur la planche, je te l'assure. Mais les affaires urgentes attendront. Je ne veux pas te laisser mourir dans une histoire de politique. Tu vaux mieux que cela. Parce que ton Polynice, cette ombre éplorée et ce corps qui se décompose entre ses gardes et tout ce pathétique qui t'enflamme, ce n'est qu'une histoire de politique. D'abord, je ne suis pas tendre, mais je suis délicat ; j'aime ce qui est propre, net, bien lavé. Tu crois que cela ne me dégoûte pas autant que toi, cette viande qui pourrit au soleil ? Le soir, quand le vent vient de la mer, on la sent déjà du palais. Cela me soulève le coeur. Pourtant, je ne vais même pas fermer ma fenêtre. C'est ignoble, et je peux même le dire à toi, c'est bête, monstrueusement bête, mais il faut que tout Thèbes sente cela pendant quelque temps. Tu penses bien que je l'aurais fait enterrer, ton frère, ne fût-ce que pour l'hygiène ! Mais pour que les brutes que je gouverne comprennent, il faut que cela pue le cadavre de Polynice dans toute la ville, pendant un mois.
;ANTIGONE
:Vous êtes odieux !
;CREON
:Oui mon petit. C'est le métier qui le veut. Ce qu'on peut discuter c'est s'il faut le faire ou ne pas le faire. Mais si on le fait, il faut le faire comme cela.
;ANTIGONE
:Pourquoi le faites-vous ?
;CREON
:Un matin, je me suis réveillé roi de Thèbes. Et Dieu sait si j'aimais autre chose dans la vie que d'être puissant...
;ANTIGONE
:Il fallait dire non, alors !
;CREON
:Je le pouvais. Seulement, je me suis senti tout d'un coup comme un ouvrier qui refusait un ouvrage. Cela ne m'a pas paru honnête. J'ai dit oui.
;ANTIGONE
:Hé bien, tant pis pour vous. Moi, je n'ai pas dit « oui » ! Qu'est-ce que vous voulez que cela me fasse, à moi, votre politique, vos nécessités, vos pauvres histoires ? Moi, je peux dire « non » encore à tout ce que je n'aime pas et je suis seul juge. Et vous, avec votre couronne, avec vos gardes, avec votre attirail, vous pouvez seulement me faire mourir parce que vous avez dit « oui ».
;CREON
:Ecoute-moi.
;ANTIGONE
:Si je veux, moi, je peux ne pas vous écouter. Vous avez dit « oui ». Je n'ai plus rien à apprendre de vous. Pas vous. Vous êtes là, à boire mes paroles. Et si vous n'appelez pas vos gardes, c'est pour m'écouter jusqu'au bout.
;CREON
:Tu m'amuses.
;ANTIGONE
:Non. Je vous fais peur. C'est pour cela que vous essayez de me sauver. Ce serait tout de même plus commode de garder une petite Antigone vivante et muette dans ce palais. Vous êtes trop sensible pour faire un bon tyran, voilà tout. Mais vous allez tout de même me faire mourir tout à l'heure, vous le savez, et c'est pour cela que vous avez peur. C'est laid un homme qui a peur.
;CREON, sourdement.
:Eh bien, oui, j'ai peur d'être obligé de te faire tuer si tu t'obstines. Et je ne le voudrais pas.
;ANTIGONE
:Moi, je ne suis pas obligée de faire ce que je ne voudrais pas ! Vous n'auriez pas voulu non plus, peut- être, refuser une tombe à mon frère ? Dites-le donc, que vous ne l'auriez pas voulu ?
;CREON
:Je te l'ai dit.
;ANTIGONE
:Et vous l'avez fait tout de même. Et maintenant, vous allez me faire tuer sans le vouloir. Et c'est cela, être roi !
;CREON
:Oui, c'est cela !
;ANTIGONE
:Pauvre Créon ! Avec mes ongles cassés et pleins de terre et les bleus que tes gardes m'ont fait aux bras, avec ma peur qui me tord le ventre, moi je suis reine.
;CREON
:Alors, aie pitié de moi, vis. Le cadavre de ton frère qui pourrit sous mes fenêtres, c'est assez payé pour que l'ordre règne dans Thèbes. Mon fils t'aime. Ne m'oblige pas à payer avec toi encore. J'ai assez payé.
;ANTIGONE
:Non. Vous avez dit « oui ». Vous ne vous arrêterez jamais de payer maintenant !
;CREON, la secoue soudain, hors de lui.
:Mais, bon Dieu ! Essaie de comprendre une minute, toi aussi, petite idiote ! J'ai bien essayé de te comprendre, moi. Il faut pourtant qu'il y en ait qui disent oui. Il faut pourtant qu'il y en ait qui mènent la barque. Cela prend l'eau de toutes parts, c'est plein de crimes, de bêtise, de misère... Et le gouvernail est là qui ballotte. L'équipage ne veut plus rien faire, il ne pense qu'à piller la cale et les officiers sont déjà en train de se construire un petit radeau confortable, rien que pour eux, avec toute la provision d'eau douce, pour tirer au moins leurs os de là. Et le mât craque, et le vent siffle, et les voiles vont se déchirer, et toutes ces brutes vont crever toutes ensemble, parce qu'elles ne pensent qu'à leur peau, à leur précieuse peau et à leurs petites affaires. Crois-tu, alors, qu'on a le temps de faire le raffiné, de savoir s'il faut dire « oui » ou « non », de se demander s'il ne faudra pas payer trop cher un jour, et si on pourra encore être un homme après ? On prend le bout de bois, on redresse devant la montagne d'eau, on gueule un ordre et on tire dans le tas, sur le premier qui s'avance. Dans le tas ! Cela n'a pas de nom. C'est comme la vague qui vient de s'abattre sur le pont devant vous ; le vent qui vous gifle, et la chose qui tombe devant le groupe n'a pas de nom. C'était peut-être celui qui t'avait donné du feu en souriant la veille. Il n'a plus de nom. Et toi non plus tu n'as plus de nom, cramponné à la barre. Il n'y a plus que le bateau qui ait un nom et la tempête. Est-ce que tu le comprends, cela ?
;ANTIGONE, secoue la tête.
:Je ne veux pas comprendre. C'est bon pour vous. Moi, je suis là pour autre chose que pour comprendre. Je suis là pour vous dire non et pour mourir.
;CREON
:C'est facile de dire non !
;ANTIGONE
:Pas toujours.
;CREON
:Pour dire oui, il faut suer et retrousser ses manches, empoigner la vie à pleines mains et s'en mettre jusqu'aux coudes. C'est facile de dire non, même si on doit mourir. Il n'y a qu'à ne pas bouger et attendre. Attendre pour vivre, attendre même pour qu'on vous tue. C'est trop lâche. C'est une invention des hommes. Tu imagines un monde où les arbres aussi auraient dit non contre la sève, où les bêtes auraient dit non contre l'instinct de la chasse ou de l'amour ? Les bêtes, elles au moins, elle sont bonnes et simples et dures. Elles vont, se poussant les unes après les autres, courageusement, sur le même chemin. Et si elles tombent, les autres passent et il peut s'en perdre autant que l'on veut, il en restera toujours une de chaque espèce prête à refaire des petits et à reprendre le même chemin avec le même courage, toute pareille à celles qui sont passées avant.
;ANTIGONE
:Quel rêve, hein, pour un roi, des bêtes ! Ce serait si simple.
:Un silence, Créon la regarde.
;CREON
:Tu me méprises, n'est-ce pas ? //(Elle ne répond pas, il continue comme pour lui.)// C'est drôle : Je l'ai souvent imaginé, ce dialogue avec un petit jeune homme pâle qui aurait essayé de me tuer et dont je ne pourrais rien tirer après que du mépris. Mais je ne pensais pas que ce serait avec toi et pour quelque chose aaussi bête... //(Il a pris sa tête dans ses mains. On sent qu'il est à bout de forces.)// Ecoute-moi tout de même pour la dernière fois. Mon rôle n'est pas bon, mais c'est mon rôle, et je vais te faire tuer. Seulement, avant, je veux que toi aussi tu sois bien sûre du tien. Tu sais pourquoi tu vas mourir, Antigone ? Tu sais au bas de quelle histoire sordide tu vas signer pour toujours ton petit nom sanglant ?
;ANTIGONE
:Quelle histoire ?
;CREON
:Celle d'Etéocle et de Polynice, celle de tes frères. Non, tu crois la savoir, tu ne la sais pas. Personne ne la sait dans Thèbes, que moi. Mais il me semble que toi, ce matin, tu as aussi le droit de l'apprendre. //(Il rêve un temps, la tête dans ses mains, accoudé sur ses genoux. On l'entend murmurer.)// Ce n'est pas bien beau, tu vas voir. //(Et il commence sourdement sans regarder Antigone.)// Que te rappelles-tu de tes frères, d'abord ? Deux compagnons de jeux qui te méprisaient sans doute, qui te cassaient tes poupées, se chuchotant éternellement des mystères à l'oreille l'un de l'autre pour te faire enrager ?
;ANTIGONE
:C'étaient des grands...
;CREON
:Après, tu as dû les admirer avec leurs premières cigarettes, leurs premiers pantalons longs ; et puis ils ont commencé à sortir le soir, à sentir l'homme, et ils ne t'ont plus regardée du tout.
;ANTIGONE
:J'étais une fille...
;CREON
:Tu voyais bien ta mère pleurer, ton père se mettre en colère, tu entendais claquer les portes à leur retour et leurs ricanements dans les couloirs. Et ils passaient devant toi, goguenards et veules, sentant le vin.
;ANTIGONE
:Une fois, je m'étais cachée derrière une porte, c'était le matin, nous venions de nous lever, et eux, ils rentraient. Polynice m'a vue, il était tout pâle, les yeux brillants et si beau dans son vêtement du soir ! Il m'a dit : « Tiens, tu es là, toi ? » Et il m'a donné une grande fleur de papier qu'il avait rapportée de sa nuit.
;CREON
:Et tu l'as conservée, n'est-ce pas, cette fleur ? Et hier, avant de t'en aller, tu as ouvert ton tiroir et tu l'as regardée, longtemps, pour te donner du courage ?
;ANTIGONE, tressaille.
:Qui vous a dit cela ?
;CREON
:Pauvre Antigone, avec ta fleur de cotillon ! Sais-tu qui était ton frère ?
;ANTIGONE
:Je savais que vous me diriez du mal de lui en tout cas !
;CREON
:Un petit fêtard imbécile, un petit carnassier dur et sans âme, une petite brute tout juste bonne à aller plus vite que les autres avec ses voitures, à dépenser plus d'argent dans les bars. Une fois, j'étais là, ton père venait de lui refuser une grosse somme qu'il avait perdue au jeu; il est devenu tout pâle et il a levé le poing en criant un mot ignoble !
;ANTIGONE
:Ce n'est pas vrai !
;CREON
:Son poing de brute à toute volée dans le visage de ton père ! C'était pitoyable. Ton père était assis à sa table, la tête dans ses mains. Il saignait du nez. Il pleurait. Et, dans un coin du bureau, Polynice, ricanant, qui allumait une cigarette.
;ANTIGONE, supplie presque maintenant.
:Ce n'est pas vrai !
;CREON
:Rappelle-toi, tu avais douze ans. Vous ne l'avez pas revu pendant longtemps. C'est vrai, cela ?
;ANTIGONE, sourdement.
:Oui, c'est vrai.
;CREON
:C'était après cette dispute. Ton père n'a pas voulu le faire juger. Il s'est engagé dans l'armée argienne. Et, dès qu'il a été chez les Argiens, la chasse à l'homme a commencé contre ton père, contre ce vieil homme qui ne se décidait pas à mourir, à lâcher son royaume. Les attentats se succédaient et les tueurs que nous prenions finissaient toujours par avouer qu'ils avaient reçu de l'argent de lui. Pas seulement de lui, d'ailleurs. Car c'est cela que je veux que tu saches, les coulisses de ce drame où tu brûles de jouer un rôle, la cuisine. J'ai fait faire hier des funérailles grandioses à Etéocle. Etéocle est un héros et un saint pour Thèbes maintenant. Tout le peuple était là. Les enfants des écoles ont donné tous les sous de leur tirelire pour la couronne ; des vieillards, faussement émus, ont magnifié, avec des trémolos dans la voix, le bon frère, le fils d'Oedipe, le prince royal. Moi aussi, j'ai fait un discours. Et tous les prêtres de Thèbes au grand complet, avec la tête de circonstance. Et les honneurs militaires... Il fallait bien. Tu penses que je ne pouvais tout de même pas m'offrir le luxe d'une crapule dans les deux camps. Mais je vais te dire quelque chose, à toi, quelque chose que je sais seul, quelque chose d'effroyable : Etéocle, ce prix de vertu, ne valait pas plus cher que Polynice. Le bon fils avait essayé, lui aussi, de faire assassiner son père, le prince loyal avait décidé, lui aussi, de vendre Thèbes au plus offrant. Oui, crois-tu que c'est drôle ? Cette trahison pour laquelle le corps de Polynice est en train de pourrir au soleil, j'ai la preuve maintenant qu'Etéocle, qui dort dans son tombeau de marbre, se préparait, lui aussi, à la commettre. C'est un hasard si Polynice a réussi son coup avant lui. Nous avions affaire à deux larrons en foire qui se trompaient l'un l'autre en nous trompant et qui se sont égorgés comme deux petits voyous qu'ils étaient, pour un règlement de comptes... Seulement, il s'est trouvé que j'ai eu besoin de faire un héros de l'un d'eux. Alors, j'ai fait rechercher leurs cadavres au milieu des autres. On les a retrouvés embrassés pour la première fois de leur vie sans doute. Ils s'étaient embrochés mutuellement, et puis la charge de la cavalerie argienne leur avait passé dessus. Ils étaient en bouillie, Antigone, méconnaissables. J'ai fait ramasser un des corps, le moins abîmé des deux, pour mes funérailles nationales, et j'ai donné l'ordre de laisser pourrir l'autre où il était. Je ne sais même pas lequel. Et je t'assure que cela m'est bien égal.
:Il y a un long silence, ils ne bougent pas, sans se regarder, puis Antigone dit doucement :
;ANTIGONE
:Pourquoi m'avez-vous raconté cela ? Créon se lève, remet sa veste.
;CREON
:Valait-il mieux te laisser mourir dans cette pauvre histoire ?
;ANTIGONE
:Peut-être. Moi, je croyais.
:Il y a un silence encore. Créon s'approche d'elle.
;CREON
:Qu'est-ce que tu vas faire maintenant ?
;ANTIGONE, se lève comme une somnambule.
:Je vais remonter dans ma chambre.
;CREON
:Ne reste pas trop seule. Va voir Hémon, ce matin. Marie-toi vite.
;ANTIGONE, dans un souffle.
:Oui.
;CREON
:Tu as toute ta vie devant toi. Notre discussion était bien oiseuse, je t'assure. Tu as ce trésor, toi, encore.
;ANTIGONE
:Oui.
;CREON
:Rien d'autre ne compte. Et tu allais le gaspiller! Je te comprends, j'aurais fait comme toi à vingt ans. C'est pour cela que je buvais tes paroles. J'écoutais du fond du temps un petit Créon maigre et pâle comme toi et qui ne pensait qu'à tout donner lui aussi... Marie-toi vite, Antigone, sois heureuse. La vie n'est pas ce que tu crois. C'est une eau que les jeunes gens laissent couler sans le savoir, entre leurs doigts ouverts. Ferme tes mains, ferme tes mains, vite. Retiens-la. Tu verras, cela deviendra une petite chose dure et simple qu'on grignote, assis au soleil. Ils te diront tout le contraire parce qu'ils ont besoin de ta force et de ton élan. Ne les écoute pas. Ne m'écoute pas quand je ferai mon prochain discours devant le tombeau d'Etéocle. Ce ne sera pas vrai. Rien n'est vrai que ce qu'on ne dit pas... Tu l'apprendras, toi aussi, trop tard, la vie c'est un livre qu'on aime, c'est un enfant qui joue à vos pieds, un outil qu'on tient bien dans sa main, un banc pour se reposer le soir devant sa maison. Tu vas me mépriser encore, mais de découvrir cela, tu verras, c'est la consolation dérisoire de vieillir ; la vie, ce n'est peut-être tout de même que le bonheur.
;ANTIGONE, murmure, le regardperdu.
:Le bonheur...
;CREON, a un peu honte soudain.
:Un pauvre mot, hein?
;ANTIGONE
:Quel sera-t-il, mon bonheur ? Quelle femme heureuse deviendra-t-elle, la petite Antigone ? Quelles pauvretés faudra-t-il qu'elle fasse elle aussi, jour par jour, pour arracher avec ses dents son petit lambeau de bonheur ? Dites, à qui devra-t-elle mentir, à qui sourire, à qui se vendre ? Qui devra-t-elle laisser mourir en détournant le regard ?
;CREON, hausse les épaules.
:Tu es folle, tais-toi.
;ANTIGONE
:Non, je ne me tairai pas ! Je veux savoir comment je m'y prendrais, moi aussi, pour être heureuse. Tout de suite, puisque c'est tout de suite qu'il faut choisir. Vous dites que c'est si beau, la vie. Je veux savoir comment je m'y prendrai pour vivre.
;CREON
:Tu aimes Hémon ?
;ANTIGONE
:Oui, j'aime Hémon. J'aime un Hémon dur et jeune ; un Hémon exigeant et fidèle, comme moi. Mais si votre vie, votre bonheur doivent passer sur lui avec leur usure, si Hémon ne doit plus pâlir quand je pâlis, s'il ne doit plus me croire morte quand je suis en retard de cinq minutes, s'il ne doit plus se sentir seul au monde et me détester quand je ris sans qu'il sache pourquoi, s'il doit devenir près de moi le monsieur Hémon, s'il doit appendre à dire « oui », lui aussi, alors je n'aime plus Hémon.
;CREON
:Tu ne sais plus ce que tu dis. Tais-toi.
;ANTIGONE
:Si, je sais ce que je dis, mais c'est vous qui ne m'entendez plus. Je vous parle de trop loin maintenant, d'un royaume où vous ne pouvez plus entrer avec vos rides, votre sagesse, votre ventre. //(Elle rit.)// Ah ! je ris, Créon, je ris parce que je te vois à quinze ans, tout d'un coup ! C'est le même air d'impuissance et de croire qu'on peut tout. La vie t'a seulement ajouté ces petits plis sur le visage et cette graisse autour de toi.
;CREON, la secoue.
:Te tairas-tu, enfin ?
;ANTIGONE
:Pourquoi veux-tu me faire taire ? Parce que tu sais que j'ai raison ? Tu crois que je ne lis pas dans tes yeux que tu le sais ? Tu sais que j'ai raison, mais tu ne l'avoueras jamais parce que tu es en train de défendre ton bonheur en ce moment comme un os.
;CREON
:Le tien et le mien, oui, imbécile !
;ANTIGONE
:Vous me dégoûtez tous, avec votre bonheur ! Avec votre vie qu'il faut aimer coûte que coûte. On dirait des chiens qui lèchent tout ce qu'ils trouvent. Et cette petite chance pour tous les jours, si on n'est pas trop exigeant. Moi, je veux tout, tout de suite, -et que ce soit entier- ou alors je refuse ! Je ne veux pas être modeste, moi, et me contenter d'un petit morceau si j'ai été bien sage. Je veux être sûre de tout aujourd'hui et que cela soit aussi beau que quand j'étais petite -ou mourir.
;CREON
:Allez, commence, commence, comme ton père!
;ANTIGONE
:Comme mon père, oui ! Nous sommes de ceux qui posent les questions jusqu'au bout. Jusqu'à ce qu'il ne reste vraiment plus la plus petite chance d'espoir vivante, la plus petite chance d'espoir à étrangler. Nous sommes de ceux qui lui sautent dessus quand ils le rencontrent, votre espoir, votre cher espoir, votre sale espoir !
;CREON
:Tais-toi ! Si tu te voyais en criant ces mots, tu es laide.
;ANTIGONE
:Oui, je suis laide ! C'est ignoble, n'est-ce pas, ces cris, ces sursauts, cette lutte de chiffonniers. Papa n'est devenu beau qu'après, quand il a été bien sûr, enfin, qu'il avait tué son père, que c'était bien avec sa mère qu'il avait couché, et que rien, plus rien ne pouvait le sauver. Alors, il s'est calmé tout d'un coup, il a eu comme un sourire, et il est devenu beau. C'était fini. Il n'a plus eu qu'à fermer les yeux pour ne plus vous voir. Ah ! vos têtes, vos pauvres têtes de candidats au bonheur ! C'est vous qui êtes laids, même les plus beaux. Vous avez tous quelque chose de laid au coin de l'oeil ou de la bouche. Tu l'as bien dit tout à l'heure, Créon, la cuisine. Vous avez des têtes de cuisiniers !
;CREON, lui broie le bras.
:Je t'ordonne de te taire maintenant, tu entends ?
;ANTIGONE
:Tu m'ordonnes, cuisinier ? Tu crois que tu peux m'ordonner quelque chose ?
;CREON
:L'antichambre est pleine de monde. Tu veux donc te perdre ? On va t'entendre.
;ANTIGONE
:Eh bien, ouvre les portes. Justement, ils vont m'entendre !
;CREON//, qui essaie de lui fermer la bouche de force.//
:Vas-tu te faire, enfin, bon Dieu ?
;ANTIGONE//, se débat.//
:Allons vite, cuisinier ! Appelle tes gardes !
://La porte s'ouvre. Entre Ismène.//
!!!!Entre ISMÈNE
;ISMENE, dans un cri.
:Antigone !
;ANTIGONE
:Qu'est-ce que tu veux, toi aussi ?
;ISMENE
:Antigone, pardon ! Antigone, tu vois, je viens, j'ai du courage. J'irai maintenant avec toi.
;ANTIGONE
:Où iras-tu avec moi ?
;ISMENE
:Si vous la faites mourir, il faudra me faire mourir avec elle !
;ANTIGONE
:Ah ! non. Pas maintenant. Pas toi ! C'est moi, c'est moi seule. Tu ne te figures pas que tu vas venir mourir avec moi maintenant. Ce serait trop facile !
;ISMENE
:Je ne veux pas vivre si tu meurs, je ne veux pas rester sans toi !
;ANTIGONE
:Tu as choisi la vie et moi la mort. Laisse-moi maintenant avec tes jérémiades. Il fallait y aller ce matin, à quatre pattes, dans la nuit. Il fallait aller gratter la terre avec tes ongles pendant qu'ils étaient tout près et te faire empoigner par eux comme une voleuse !
;ISMENE
:He bien, j'irai demain !
;ANTIGONE
:Tu l'entends, Créon ? Elle aussi. Qui sait si cela ne va pas prendre à d'autres encore, en m'écoutant? Qu'est-ce que tu attends pour me faire taire, qu'est-ce que tu attends pour appeler tes gardes ? Allons, Créon, un peu de courage, ce n'est qu'un mauvais moment à passer. Allons, cuisinier, puisqu'il le faut !
;CREON//, crie soudain.//
:Gardes !
://Les gardes apparaissent aussitôt.//
;CREON
:Emmenez-la.
;ANTIGONE//, dans un grand cri soulagé.//
:Enfin, Créon!
://Les gardes se jettent sur elle et l'emmènent. Ismène sort en criant derrière elle.//
;ISMENE
:Antigone ! Antigone !
!!!!CREON LE CHOEUR
://Créon est resté seul, le choeur entre et va à lui.//
;LE CHOEUR
:Tu es fou, Créon. Qu'as-tu fait ?
;CREON//, qui regarde au loin devant lui.//
:Il fallait qu'elle meure.
;LE CHOEUR
:Ne laisse pas mourir Antigone, Créon ! Nous allons tous porter cette plaie au côté, pendant des siècles.
;CREON
:C'est elle qui voulait mourir. Aucun de nous n'était assez fort pour la décider à vivre. Je le comprends, maintenant, Antigone était faite pour être morte. Elle-même ne le savait peut-être pas, mais Polynice n'était qu'un prétexte. Quand elle a dû y renoncer, elle a trouvé autre chose tout de suite. Ce qui importait pour elle, c'était de refuser et de mourir.
;LE CHOEUR
:C'est une enfant, Créon.
;CREON
:Que veux-tu que je fasse pour elle ? La condamner à vivre ?
!!!!HEMON entre
;HEMON, entre en criant.
:Père !
;CREON//, court à lui, l'embrasse.//
:Oublie-la, Hémon ; oublie-la, mon petit.
;HEMON
:Tu es fou, père. Lâche-moi.
;CREON//, le tient plus fort.//
:J'ai tout essayé pour la sauver, Hémon. J'ai tout essayé, je te le jure. Elle ne t'aime pas. Elle aurait pu vivre. Elle a préféré sa folie et la mort.
;HEMON//, crie, tentant de s'arracher à son étreinte.//
:Mais, père, tu vois bien qu'ils l'emmènent ! Père, ne laisse pas ces hommes l'emmener !
;CREON
:Elle a parlé maintenant. Tout Thèbes sait ce qu'elle a fait. Je suis obligé de la faire mourir.
;HEMON//, s'arrache de ses bras.//
:Lâche-moi !
://Un silence. Ils sont l'un en face de l'autre. Ils se regardent.//
;LE CHOEUR//, s'approche.//
:Est-ce qu'on ne peut pas imaginer quelque chose, dire qu'elle est folle, l'enfermer ?
;CREON
:Ils diront que ce n'est pas vrai. Que je la sauve parce qu'elle allait être la femme de mon fils. Je ne peux pas.
;LE CHOEUR
:Est-ce qu'on ne peut pas gagner du temps, la faire fuir demain ?
;CREON
:La foule sait déjà, elle hurle autour du palais. je ne peux pas.
;HEMON
:Père, la foule n'est rien. Tu es le maître.
;CREON
:Je suis le maître avant la loi. Plus après.
;HEMON
:Père, je suis ton fils, tu ne peux pas me la laisser prendre.
;CREON
:Si, Hémon. Si, mon petit. Du courage. Antigone ne peut plus vivre. Antigone nous a déjà quittés tous.
;HEMON
:Crois-tu que je pourrai vivre, moi, sans elle ? Crois-tu que je l'accepterai, votre vie ? Et tous les jours, depuis le matin jusqu'au soir, sans elle. Et votre agitation, votre bavardage, votre vide, sans elle.
;CREON
:Il faudra bien que tu acceptes, Hémon. Chacun de nous a un jour, plus ou moins triste, plus ou moins lointain, où il doit enfin accepter d'être un homme. Pour toi, c'est aujourd'hui... Et te voilà devant moi avec ces larmes au bord de tes yeux et ton coeur qui te fait mal mon petit garçon, pour la dernière fois... Quand tu te seras détourné, quand tu auras franchi ce seuil tout à l'heure, ce sera fini.
;HEMON, recule un peu, et dit doucement.
:C'est déjà fini.
;CREON
:Ne me juge pas, Hémon. Ne me juge pas, toi aussi.
;HEMON, le regarde, et dit soudain.
:Cette grande force et ce courage, ce dieu géant qui m'enlevait dans ses bras et me sauvait des monstres et des ombres, c'était toi ? Cette odeur défendue et ce bon pain du soir sous la lampe, quand tu me montrais des livres dans ton bureau, c'était toi, tu crois ?
;CREON, humblement.
:Oui, Hémon.
;HEMON.
:Tous ces soins, tout cet orgueil, tous ces livres pleins de héros, c'était donc pour en arriver là ? Etre un homme, comme tu dis, et trop heureux de vivre ?
;CREON
:Oui, Hémon.
;HEMON //crie soudain comme un enfant, se jetant dans ses bras.//
:Père, ce n'est pas vrai ! Ce n'est pas toi, ce n'est pas aujourd'hui ! Nous ne sommes pas tous les deux au pied de ce mur où il faut seulement dire oui. Tu es encore puissant, toi, comme lorsque j'étais petit. Ah ! je t'en supplie, père, que je t'admire, que je t'admire encore ! Je suis trop seul et le monde est trop nu si je ne peux plus t'admirer.
;CREON//, le détache de lui.//
:On est tout seul, Hémon. Le monde est nu. Et tu m'as admiré trop longtemps. Regarde-moi, c'est cela devenir un homme, voir le visage de son père en face, un jour.
;HEMON//, le regarde, puis recule en criant.//
:Antigone ! Antigone ! Au secours !
://Il est sorti en courant.//
!!!!CREON LE CHOEUR
;LE CHOEUR//, va à Créon.//
:Créon, il est sorti comme un fou.
;CREON, qui regarde au loin, droit devant lui, immobile.
:Oui. Pauvre petit, il l'aime.
;LE CHOEUR
:Créon, il faut faire quelque chose.
;CREON
:Je ne peux plus rien.
;LE CHOEUR
:Il est parti, touché à mort.
;CREON//, sourdement.//
:Oui, nous sommes tous touchés à mort.
!!!!ANTIGONE CREON LE CHOEUR
://Antigone entre dans la pièce, poussée par les gardes qui s'arc-boutent contre la porte, derrière laquelle on devine la foule hurlante.//
;LE GARDE
:Chef, ils envahissent le palais !
;ANTIGONE
:Créon, je ne veux plus voir leurs visages, je ne veux plus entendre leurs cris, je ne veux plus voir personne ! Tu as ma mort maintenant, c'est assez. Fais que je ne voie plus personne jusqu'à ce que ce soit fini.
;CREON, sort en criant aux gardes.
:La garde aux portes! Qu'on vide le palais ! Reste ici avec elle, toi.
:Les deux autres gardes sortent, suivis par le choeur. Antigone reste seule avec le premier garde. Antigone le regarde.
;ANTIGONE, dit soudain.
:Alors, c'est toi ?
;LE GARDE
:Qui, moi ?
;ANTIGONE
:Mon dernier visage d'homme.
;LE GARDE
:Faut croire.
;ANTIGONE
:Que je te regarde...
;LE GARDE s'éloigne, gêné.
:Ça va.
;ANTIGONE
:C'est toi qui m'as arrêtée, tout à l'heure ? LE GARDE
:Oui, c'est moi.
;ANTIGONE
:Tu m'as fait mal. Tu n'avais pas besoin de me faire mal. Est-ce que j'avais l'air de vouloir me sauver?
;LE GARDE
:Allez. allez, pas d'histoires ! Si ce n'était pas vous, c'était moi qui y passais.
;ANTIGONE
:Quel âge as-tu ?
;LE GARDE
:Trente-neuf ans.
;ANTIGONE
:Tu as des enfants ?
;LE GARDE
:Oui, deux.
;ANTIGONE
:Tu les aimes ?
;LE GARDE
:Cela ne vous regarde pas.
:Il commence à faire les cent pas dans la pièce : pendant un moment on n'entend plus que le bruit de ses pas.
;ANTIGONE//, demande tout humble.//
:Il y a longtemps que vous êtes garde ?
;LE GARDE
:Après la guerre. J'étais sergent. J'ai rengagé.
;ANTIGONE
:Il faut être sergent pour être garde ?
;LE GARDE
:En principe, oui. Sergent ou avoir suivi le peloton spécial. Devenu garde, le sergent perd son grade. Un exemple : je rencontre une recrue de l'armée, elle ne peut pas me saluer.
;LE GARDE
:Oui. Remarquez que, généralement, elle le fait. La recrue sait que le garde est un gradé. Question solde : on a la solde ordinaire du garde, comme ceux du peloton spécial, et, pendant six mois, à titre de gratification, un rappel de supplément de la solde de sergent. Seulement, comme gardes, on a d'autres avantages. Logement, chauffage, allocations. Finalement, le garde marié avec deux enfants arrive à se faire plus que le sergent de l'active.
;ANTIGONE
:Ah oui ?
;LE GARDE
:Oui. C'est ce qui vous explique la rivalité entre le garde et le sergent. Vous avez peut-être pu remarquer que le sergent affecte de mépriser le garde. Leur grand argument, c'est l'avancement. D'un sens, c'est juste. L'avancement du garde est plus lent et plus difficile que dans l'armée. Mais vous ne devez pas oublier qu'un brigadier des gardes, c'est autre chose qu'un sergent chef.
;ANTIGONE//, lui dit soudain.//
:Ecoute...
;LE GARDE
:Oui.
;ANTIGONE
:Je vais mourir tout à l'heure.
://Le garde ne répond pas. Un silence. Il fait les cent pas. Au bout d'un moment, il reprend.//
;LE GARDE
:D'un autre côté, on a plus de considération pour le garde que pour le sergent de l'active. Le garde, c'est un soldat, mais c'est presque un fonctionnaire.
;ANTIGONE
:Tu crois qu'on a mal pour mourir ?
;LE GARDE
:Je ne peux pas vous dire. Pendant la guerre, ceux qui étaient touchés au ventre, ils avaient mal. Moi, je n'ai pas été blessé. Et, d'un sens, ça m'a nui pour l'avancement.
;ANTIGONE
:Comment vont-ils me faire mourir ?
;LE GARDE
:Je ne sais pas. Je crois que j'ai entendu dire que pour ne pas souiller la ville de votre sang, ils allaient vous murer dans un trou.
;ANTIGONE
:Vivante ?
;LE GARDE
:Oui, d'abord.
:Un silence. Le garde se fait une chique.
;ANTIGONE
:O tombeau ! O lit nuptial ! O ma demeure souterraine ! ... //(Elle est toute petite au milieu de la grande pièce nue. On dirait qu'elle a un peu froid. Elle s'entoure de ses bras. Elle murmure.)// Toute seule...
;LE GARDE// qui a fini sa chique.//
:Aux cavernes de Hadès, aux portes de la ville. En plein soleil. Une drôle de corvée encore pour ceux qui seront de faction. Il avait d'abord été question d'y mettre l'armée. Mais, aux dernières nouvelles, il paraît que c'est encore la garde qui fournira les piquets. Elle a bon dos, la garde ! Etonnez-vous après qu'il existe une jalousie entre le garde et le sergent d'active...
;ANTIGONE//, murmure, soudain lasse.//
:Deux bêtes...
;LE GARDE
:Quoi, deux bêtes ?
;ANTIGONE
:Des bêtes se serreraient l'une contre l'autre pour se faire chaud. Je suis toute seule.
;LE GARDE
:Si vous avez besoin de quelque chose, c'est différent. Je peux appeler.
;ANTIGONE
:Non. Je voudrais seulement que tu remettes une lettre à quelqu'un quand je serai morte.
;LE GARDE
:Comment ça, une lettre ?
;ANTIGONE
:Une lettre que j'écrirai.
;LE GARDE
:Ah ! ça non ! Pas d'histoires ! Une lettre ! Comme vous y allez, vous ! Je risquerais gros, moi, à ce petit jeu-là !
;ANTIGONE
:Je te donnerai cet anneau si tu acceptes.
;LE GARDE
:C'est de l'or ?
;ANTIGONE
:Oui. C'est de l'or.
;LE GARDE
:Vous comprenez, si on me fouille, moi, c'est le conseil de guerre. Cela vous est égal, à vous ? //(Il regarde encore la bague.)// Ce que je peux, si vous voulez, c'est écrire sur mon carnet ce que vous auriez voulu dire. Après, j'arracherai la page. De mon écriture, ce n'est pas pareil.
;ANTIGONE//, a les yeux fermés : elle murmure avec un pauvre rictus.//
:Ton écriture... //(Elle a un petit frisson.)// C'est trop laid, tout cela, tout est trop laid.
;LE GARDE// vexé, fait mine de rendre la bague.//
:Vous savez, si vous ne voulez pas, moi...
;ANTIGONE
:Si. Garde la bague et écris. Mais fais vite... J'ai peur que nous n'ayons plus le temps... Ecris : « Mon chéri... »
;LE GARDE qui a pris son carnet et suce sa mine.
:C'est pour votre bon ami ?
;ANTIGONE
:Mon chéri, j'ai voulu mourir et tu ne vas peut-être plus m'aimer...
;LE GARDE répète lentement de sa grosse voix en écrivant.
:« Mon chéri, j'ai voulu mourir et tu ne vas peut-être plus m'aimer... »
;ANTIGONE
:Et Créon avait raison, c'est terrible, maintenant, à côté de cet homme, je ne sais plus pourquoi je meurs. J'ai peur...
;LE GARDE qui p eine sur sa dictée.
:« Créon avait raison, c'est terrible... »
;ANTIGONE
:Oh ! Hémon, notre petit garçon. Je le comprends seulement maintenant combien c'était simple de vivre...
;LE GARDE// s'arrête.//
:Eh ! Dites, vous allez trop vite. Comment voulez-vous que j'écrive ? Il faut le temps tout de même...
;LE GARDE// se relit.//
:« C'est terrible maintenant à côté de cet homme... »
;ANTIGONE
:Je ne sais plus pourquoi je meurs.
;LE GARDE écrit, suçant sa mine.
:« Je ne sais plus pourquoi je meurs... » On ne sait jamais pourquoi on meurt.
;ANTIGONE, continue.
:J'ai peur... //(Elle s'arrête. Elle se dresse soudain.)// Non. Raye tout cela. Il vaut mieux que jamais personne ne le sache. C'est comme s'ils devaient me voir nue et me toucher quand je serais morte. Mets seulement : « Pardon. »
;LE GARDE
:Alors, je raye la fin et je mets pardon à la place ?
;ANTIGONE
:Oui. Pardon, mon chéri. Sans la petite Antigone, vous auriez tous été bien tranquilles. Je t'aime...
;LE GARDE
:« Sans la petite Antigone, vous auriez tous été bien tranquilles. Je t'aime... » C'est tout ?
;ANTIGONE
:Oui, c'est tout.
;LE GARDE
:C'est une drôle de lettre.
;ANTIGONE
:Oui, c'est une drôle de lettre.
;LE GARDE
:Et c'est à qui qu'elle est adressée ?
:A ce moment, la porte s'ouvre. Les autres gardes paraissent. Antigone se lève, les regarde, regarde le premier garde qui s'est dressé derrière elle ; il empoche la bague et range le carnet, l'air important... Il voit le regard d'Antigone. Il gueule pour se donner une contenance.
;LE GARDE
:Allez ! Pas d'histoires !
://Antigone a un pauvre sourire. Elle baisse la tête. Elle s'en va sans un mot vers les autres gardes. Ils sortent tous.//
!!!!LE CHOEUR entre, LE MESSAGER
;LE CHOEUR//, entre soudain.//
:Là ! C'est fini pour Antigone. Maintenant, le tour de Créon approche. Il va falloir qu'ils y passent tous.
;LE MESSAGER// fait irruption, criant.//
:La reine ? où est la reine ?
;LE CHOEUR
:Que lui veux-tu ? Qu'as-tu à lui apprendre ?
;LE MESSAGER
:Une terrible nouvelle. On venait de jeter Antigone dans son trou. On n'avait pas encore fini de rouler les derniers blocs de pierre lorsque Créon et tous ceux qui l'entourent entendent des plaintes qui sortent soudain du tombeau. Chacun se tait et écoute, car ce n'est pas la voix d'Antigone. C'est une plainte nouvelle qui sort des profondeurs du trou... Tous regardent Créon, et lui, qui a deviné le premier, lui qui sait déjà avant tous les autres, hurle soudain comme un fou : « Enlevez les pierres ! Enlevez les pierres ! » Les esclaves se jettent sur les blocs entassés et, parmi eux, le roi suant, dont les mains saignent. Les pierres bougent enfin et le plus mince se glisse dans l'ouverture. Antigone est au fond de la tombe pendue aux fils de sa ceinture, des fils bleus, des fils verts, des fils rouges qui lui font comme un collier d'enfant, et Hémon à genoux qui la tient dans ses bras et gémit, le visage enfoui dans sa robe. On bouge un bloc encore et Créon peut enfin descendre. On voit ses cheveux blancs dans l'ombre, au fond du trou. Il essaie de relever Hémon, il le supplie. Hémon ne l'entend pas. Puis soudain il se dresse, les yeux noirs, et il n'a jamais tant ressemblé au petit garçon d'autrefois, il regarde son père sans rien dire, une minute, et, tout à coup, il lui crache au visage, et tire son épée. Créon a bondi hors de portée. Alors Hémon le regarde avec ses yeux d'enfant, lourds de mépris, et Créon ne peut pas éviter ce regard comme la lame. Hémon regarde ce vieil homme tremblant à l'autre bout de la caverne, et, sans rien dire, il se plonge l'épée dans le ventre et il s'étend contre Antigone, l'embrassant dans une immense flaque rouge.
!!!!CREON entre
;CREON, entre avec son page.
:Je les ai fait coucher l'un près de l'autre, enfin ! Ils sont lavés, maintenant, reposés. Ils sont seulement un peu pâles, mais si calmes. Deux amants au lendemain de la première nuit. Ils ont fini, eux.
;LE CHOEUR
:Pas toi, Créon. Il te reste encore quelque chose à apprendre. Eurydice, la reine, ta femme...
;CREON
:Une bonne femme parlant toujours de son jardin, de ses confitures, de ses tricots, de ses éternels tricots pour les pauvres. C'est drôle comme les pauvres ont éternellement besoin de tricots. On dirait qu'ils n'ont besoin que de tricots...
;LE CHOEUR
:Les pauvres de Thèbes auront froid, cet hiver, Créon. En apprenant la mort de son fils, la reine a posé ses aiguilles, sagement, après avoir terminé son rang, posément, comme tout ce qu'elle fait, un peu plus tranquillement peut-être que d'habitude. Et puis elle est passée dans sa chambre, sa chambre à l'odeur de lavande, aux petits napperons brodés et aux cadres de peluche, pour s'y couper la gorge, Créon. Elle est étendue maintenant sur un des petits lits jumeaux démodés, à la même place où tu l'as vue jeune fille un soir, et avec le même sourire, à peine un peu plus triste. Et s'il n'y avait pas cette large tache rouge sur les linges autour de son cou, on pourrait croire qu'elle dort.
;CREON
:Elle aussi. Ils dorment tous. C'est bien. La journée a été rude. //(Un temps. Il dit sourdement)// Cela doit être bon de dormir.
;LE CHOEUR
:Et tu es tout seul maintenant, Créon
;CREON
:Tout seul, oui. //(Un silence. Il pose sa main sur l'épaule de son page.)// Petit...
;LE PAGE
:Monsieur ?
;CREON
:Je vais te dire, à toi. Ils ne savent pas, les autres ; on est là, devant l'ouvrage, on ne peut pourtant pas se croiser les bras. Ils disent que oest une sale besogne, mais si on ne la fait pas, qui la fera ?
;LE PAGE
:Je ne sais pas, monsieur.
;CREON
:Bien sûr, tu ne sais pas. Tu en as de la chance! Ce qu'il faudrait, c'est ne jamais savoir. Il te tarde d'être grand, toi ?
;LE PAGE
:Oh oui, monsieur !
;CREON
:Tu es fou, petit. Il faudrait ne jamais devenir grand.
://(L'heure sonne au loin, il murmure.)// Cinq heures. Qu'est-ce que nous avons aujourd'hui, à cinq heures ?
;LE PAGE
:Conseil, monsieur.
;CREON
:Eh bien, si nous avons conseil, petit, nous allons y aller.
://Ils sortent, Créon s'appuyant sur le page.//
!!!!LE CHOEUR
;LE CHOEUR//, s'avance.//
:Et voilà. Sans la petite Antigone, c'est vrai, ils auraient tous été bien tranquilles. Mais maintenant, c'est fini. Ils sont tout de même tranquilles. Tous ceux qui avaient à mourir sont morts. Ceux qui croyaient une chose, et puis ceux qui croyaient le contraire même ceux qui ne croyaient rien et qui se sont trouvés pris dans l'histoire sans y rien comprendre. Morts pareils, tous, bien raides, bien inutiles, bien pourris. Et ceux qui vivent encore vont commencer tout doucement à les oublier et à confondre leurs noms. C'est fini. Antigone est calmée, maintenant, nous ne saurons jamais de quelle fièvre. Son devoir lui est remis. Un grand apaisement triste tombe sur Thèbes et sur le palais vide où Créon va commencer à attendre la mort.
://Pendant qu'il parlait, les gardes sont entrés. Ils se sont installés sur un banc, leur litre de rouge à côté d'eux, leur chapeau sur la nuque, et ils ont commencé une partie de cartes.//
;LE CHOEUR
:Il ne reste plus que les gardes. Eux, tout ça, cela leur est égal ; c'est pas leurs oignons. Ils continuent à jouer aux cartes...
//:Le rideau tombe rapidement pendant que les gardes abattent leurs atouts//
!!!!!FIN DE «ANTIGONE»
<<foldHeadings closed>>
!Antigone et sa Nourrice
;ISMENE
:Tu es folle.
;ANTIGONE, sourit
:Tu m'as toujours dit que j'étais folle, pour tout, depuis toujours. Va te recoucher, Ismène… Il fait jour maintenant, tu vois, et, de toute façon, je ne pourrai rien faire. Mon frère mort est maintenant entouré dune garde exactement comme sil avait réussi à se faire roi. Va te recoucher. Tu es toute pâle de fatigue.
;ISMENE
:Et toi?
;ANTIGONE
:Je nai pas envie de dormir… Mais je te promets que je ne bougerai pas dici avant ton réveil. Nourrice va mapporter à manger. Va dormir encore. Le soleil se lève seulement. Tu as les yeux tout petits de sommeil. Va…
;ISMENE
:Je te convaincrai, n’est-ce pas? Je te convaincrai? Tu me laisseras te parler encore?
;ANTIGONE, un peu lasse.
:Je te laisserai me parler, oui. Je vous laisserai tous me parler. Va dormir maintenant, je ten prie. Tu serais moins belle demain. (Elle la regarde sortir avec un petit sourire triste, puis elle tombe soudain lasse sur une chaise.) Pauvre Ismène!
!!!!la nourrice, entre.
;LA NOURRICE
:Tiens, te voilà un bon café et des tartines, mon pigeon. Mange.
;ANTIGONE
:Je nai pas très faim, nourrice.
;LA NOURRICE
:Je te les ai grillées moi-même et beurrées comme tu les aimes.
;ANTIGONE
:Tu es gentille, nounou. Je vais seulement boire un peu.
;LA NOURRICE
:Où as-tu mal?
;ANTIGONE
:Nulle part, nounou. Mais fais-moi tout de même bien chaud comme lorsque jétais malade… Nounou plus forte que la fièvre, nounou plus forte que le cauchemar, plus forte que lombre de larmoire qui ricane et se transforme dheure en heure sur le mur, plus forte que les mille insectes du silence qui rongent quelque chose, quelque part dans la nuit, plus forte que la nuit elle-même avec son hululement de folle qu’on nentend pas; nounou plus forte que la mort. Donne-moi ta main comme lorsque tu restais à côté de mon lit.
;LA NOURRICE
:Qu’est-ce que tu as, ma petite colombe?
;ANTIGONE
:Rien, nounou. Je suis seulement encore un peu petite pour tout cela. Mais il n’y a que toi qui dois le savoir.
;LA NOURRICE
:Trop petite pourquoi, ma mésange?
;ANTIGONE
:Pour rien, nounou. Et puis, tu es là. Je tiens ta bonne main rugueuse qui sauve de tout, toujours, je le sais bien. Peut-être quelle va me sauver encore. Tu es si puissante, nounou.
;LA NOURRICE
:Qu’est-ce tu veux que je fasse, ma tourterelle?
;ANTIGONE
:Rien, nounou. Seulement ta main comme cela sur ma joue. (Elle reste un moment les yeux fermés.) Voilà, je nai plus peur. Ni du méchant ogre, ni du marchand de sable, ni de Taoutaou qui passe et emmène les enfants… (Un silence encore, elle continue d’un autre ton.) Nounou, tu sais, Douce, ma chienne…
;LA NOURRICE
:Oui.
;ANTIGONE
:Tu vas me promettre que tu ne la gronderas plus jamais.
;LA NOURRICE
:Une bête qui salit tout avec ses pattes! Ça ne devrait pas entrer dans les maisons!
;ANTIGONE
:Même si elle salit tout. Promets, nourrice.
;LA NOURRICE
:Alors il faudra que je la laisse tout abîmer sans rien dire?
;ANTIGONE
:Oui, nounou.
;LA NOURRICE
:Ah! ça serait un peu fort!
;ANTIGONE
:Sil te plaît, nounou. Tu laimes bien, Douce, avec sa bonne grosse tête. Et puis, au fond, tu aimes bien frotter aussi. Tu serais très malheureuse si tout restait propre toujours. Alors je te le demande: ne la gronde pas.
;LA NOURRICE
:Et si elle pisse sur mes tapis?
;ANTIGONE
:Promets que tu ne la gronderas tout de même pas. Je ten prie, dis, je ten prie, nounou…
;LA NOURRICE
:Tu profites de ce que tu câlines… C’est bon. C’est bon. On essuiera sans rien dire. Tu me fais tourner en bourrique.
;ANTIGONE
:Et puis, promets-moi aussi que tu lui parleras, que tu lui parleras souvent.
;LA NOURRICE, hausse les épaules
:A-t-on vu ça? Parler aux bêtes!
;ANTIGONE
:Et justement pas comme à une bête. Comme à une vraie personne, comme tu mentends faire…
;LA NOURRICE
:Ah, ça non! A mon âge, faire lidiote! Mais pourquoi veux-tu que toute la maison lui parle comme toi, à cette bête?
:ANTIGONE, doucement
:Si moi, pour une raison ou pour une autre, je ne pouvais plus lui parler…
;LA NOURRICE, qui ne comprend pas.
:Plus lui parler, plus lui parler? Pourquoi?
;ANTIGONE,
://détourne un peu la tête et puis elle ajoute, la voix dure.. //
:Et puis, si elle était trop triste, si elle avait trop lair dattendre tout de même, le nez sous la porte comme lorsque je suis sortie, il vaudrait peut-être mieux la faire tuer, nounou, sans quelle ait mal.
;LA NOURRICE
:La faire tuer, ma mignonne? Faire tuer ta chienne? Mais tu es folle ce matin!
;ANTIGONE
:Non, nounou. (Hémon paraît). Voilà Hémon. Laisse-nous, nourrice. Et noublie pas ce que tu mas juré.
//La nourrice sort. //
!^^Anhouil<br>//Antigone//^^<br><br>CREON ANTIGONE
!!!!!!//27/8/17 - Découpage pour la diction (à mon sens)//
{{center{[img(80%,)[Représentation du 14/12/2017 au Club Saint-Éloi|http://image.ibb.co/c9O6YS/Snapshot_67.jpg][https://photos.app.goo.gl/sjfCEudldrBi0pB12]]}}}
@@Antigone est assise, soumise au destin qui l'attend.@@
/%
|Representations|Mouffetard;Éloi;22/3/18_Lauriston;|
%/
+++!!!!*[»» Prologue ««]
{{menubox BGSecondaryPale{
Içi : assise, c'est Antigone, la fille d'Œdipe.
Elle ne dit rien. Elle regarde droit devant elle. Elle va montrer qui est Antigone, celle que personne n'avait encore pris au sérieux.
Elle va se dresser seule face au monde, seule face à son oncle Créon, maintenant Roi, dont elle vient d'enfreindre le décret qui la punit de mort.
Elle sait qu'elle va mourir,
elle qui aime le fils de Créon, Hémon, son fiancé,
elle qui est jeune,
qui aurait bien aimé vivre !
Là-bas, cet homme qui médite, c'est Créon.
Du temps d'Œdipe, il se consacrait à la musique, aux belles reliures, aux flâneries chez les antiquaires de Thèbes.
Mais Œdipe et ses fils sont morts. Il a dû prendre leur place. Il est Roi, et a à cœur de bien tenir son rôle de roi.
L'histoire commence au moment où Étéocle et Polynice, les deux fils d'Œdipe, les frères d'Antigone, se sont entre-tués en se disputant le pouvoir.
Créon a fait faire d'imposantes funérailles à Etéocle, mais a ordonné que Polynice, le vaurien, soit laissé sans sépulture.
|''« Quiconque osera lui rendre les devoirs funèbres sera impitoyablement puni de mort. »''|
Chez les grecs, ceux qu'on n'enterre pas sont condamnés à errer éternellement, sans jamais trouver de repos.
C'est pour éviter cela à son frère Polynice qu'Antigone est allée cette nuit enterrer sa dépouille, défiant le décret de Créon.
Trois soldats l'ont vue.
Ils viennent de la jeter dans cette salle.
Elle sait qu'elle doit mourir.
}}}
===
@@Créon vient s'asseoir près d'elle@@
;CREON
:Avais-tu parlé de ton projet à quelqu'un ?
;ANTIGONE
:Non
;CREON
:As-tu rencontré quelqu'un sur ta route ?
;ANTIGONE
:Non,
:personne.
;CREON
:Tu es bien sûre ?
;ANTIGONE
:Oui.
((!!(//2. Rassuré, il lui déroule son plan pour la sauver..//)))
;CREON
:Alors, écoute :
::tu vas rentrer chez toi,
::te coucher,
::dire que tu es malade,
::que tu n'es pas sortie depuis hier.
::Ta nourrice dira comme toi.
::Je ferai disparaître ces trois hommes.
;ANTIGONE
:Pourquoi !? Puisque vous savez bien que je recommencerai.
://Un silence. Ils se regardent.//
;CREON
:Pourquoi as-tu tenté d'enterrer ton frère ?
;ANTIGONE
:Je le devais.
;CREON
:Je l'avais interdit.
;ANTIGONE, //doucement//.
:Je le devais tout de même.
:Ceux qu'on n'enterre pas errent éternellement sans jamais trouver de repos.
::Si mon frère vivant était rentré harassé d'une longue chasse,
:::je lui aurais enlevé ses chaussures,
:::je lui aurais fait à manger,
:::je lui aurais préparé son lit...
:Polynice aujourd'hui a achevé sa chasse.
:Il rentre à la maison où mon père et ma mère, et Etéocle aussi, l'attendent.
:Il a droit au repos.
;CREON
:C'était un révolté et un traître, tu le savais.
;ANTIGONE
:C'était mon frère.
;CREON
:Tu avais entendu proclamer l'édit aux carrefours,
:tu avais lu l'affiche sur tous les murs de la ville?
;ANTIGONE
:Oui.
;CREON
:Tu savais le sort qui était promis à celui,
::quel qu'il soit,
:qui oserait lui rendre les honneurs funèbres ?
;ANTIGONE
:Oui,
:je le savais.
@@Créon s'approche et se penche au-dessus d'elle@@
;CREON
:Tu as peut-être cru que d'être la fille d'Oedipe,
:la fille de l'orgueil d'Oedipe,
:c'était assez pour être au-dessus de la loi.
;ANTIGONE
:Non. Je n'ai pas cru cela.
;CREON
:La loi est d'abord faite pour toi, Antigone,
:la loi est d'abord faite pour les filles des rois !
;ANTIGONE
:Si j'avais été une servante en train de faire sa vaisselle,
:quand j'ai entendu lire l'édit,
::j'aurais essuyé l'eau grasse de mes bras
::et je serais sortie avec mon tablier pour aller enterrer mon frère.
@@//En prenant du champ, il va se planter sur le côté opposé face à elle//@@
;CREON
:Ce n'est pas vrai.
:Si tu avais été une servante,
::tu n'aurais pas douté que tu allais mourir
::et tu serais restée à pleurer ton frère chez toi.
:Seulement, tu as pensé que tu étais de race royale,
::ma nièce et la fiancée de mon fils,
:et que, quoi qu'il arrive, je n'oserais pas te faire mourir.
;ANTIGONE
:Vous vous trompez.
:J'étais certaine que vous me feriez mourir
:au contraire.
((!!(//C n'arrive pas à ébranler A. Il cherche à lui montrer que le temps n'est plus celui des héros (avec leur pathétique émouvant), mais celui de la bonne gouvernance de la cité (un métier pas toujours drôle).//)))
;CREON
:Tu es forgueil d'Oedipe.
:Oui, maintenant que je l'ai trouvé au fond de tes yeux, je te crois.
@@Il s'assied, toujours sur le côté opposé@@
:Tu as dû penser que je te ferais mourir.
:Et cela te paraissait un dénouement tout naturel pour toi,
:orgueilleuse !
:Pour ton père non plus
::je ne dis pas le bonheur,
::il n'en était pas question
:le malheur humain, c'était trop peu.
:L'humain vous gêne aux entournures de la famille. Il vous faut un tête à tête avec le destin et la mort.
::Et tuer votre père et coucher avec votre mère
::et apprendre tout cela après, avidement, mot par mot.
::Quel breuvage, hein, les mots qui vous condamnent ?
::Et comme on les boit goulûment quand on s'appelle Oedipe, ou Antigone.
::Et le plus simple, après, c'est encore de se crever les yeux et d'aller mendier avec ses enfants sur les routes...
:Hé bien, non.
@@Il se lève et se plante au milieu, fond de scène,jambes écartées, mains dans les poches@@
:Ces temps sont révolus pour Thèbes.
:Thèbes a droit maintenant à un prince sans histoire.
:Moi, je m'appelle seulement Créon, Dieu merci.
::J'ai mes deux pieds par terre, mes deux mains enfoncées dans mes poches,
@@En marchant lentement vers l'avant scène jardin@@
::et, puisque je suis roi,
::j'ai résolu, avec moins d'ambition que ton père, de m'employer tout simplement à rendre l'ordre de ce monde un peu moins absurde,
::si c'est possible.
:Ce n'est même pas une aventure,
:c'est un métier pour tous les jours
::et pas toujours drôle, comme tous les métiers.
:Mais puisque je suis là pour le faire, je vais le faire...
::Et si demain un messager crasseux dévale du fond des montagnes pour m'annoncer qu'il n'est pas très sûr non plus de ma naissance,
::je le prierai tout simplement de s'en retourner d'où il vient
::et je ne m'en irai pas pour si peu regarder ta tante sous le nez et me mettre à confronter les dates.
:Les rois ont autre chose à faire que du pathétique personnel, ma petite fille.
((!!(//C: Croyant avoir été convainquant, il se figure qu'elle va accepter gentiment son plan, que sa résistance n'était qu'un gros caprice de petite fille//)))
@@Il va à elle, lui prend la main, elle se lève. Face à face, tout proches@@
Alors, écoute-moi bien.
:Tu es Antigone, tu es la fille d'Oedipe, soit,
::mais tu as vingt ans
::et il n'y a pas longtemps encore tout cela se serait réglé par du pain sec et une paire de gifles.
://(@@Il la regarde, souriant.@@)// Te faire mourir !
@@Il prend un peu de recul@@
::Tu ne t'es pas regardée, moineau !
::Tu es trop maigre.
@@Il lui fait une tape amicale, elle s'éloigne aussitôt à jardin.@@
::Grossis un peu, plutôt, pour faire un gros garçon à Hémon.
::Thèbes en a besoin plus que de ta mort, je te l'assure.
:Tu vas rentrer chez toi tout de suite, faire ce que je t'ai dit et te taire.
:Je me charge du silence des autres.
@@Silence. Elle le regarde sans bouger@@
:Allez, va !
@@Elle ne bouge pas, puis se détourne pour sortir@@
:Et ne me foudroie pas comme cela du regard.
@@Il se détend, et va vers elle@@
:Tu me prends pour une brute, c'est entendu, et tu dois penser que je suis décidément bien prosaïque. Mais je t'aime bien tout de même,
:avec ton sale caractère.
::N'oublie pas que c'est moi qui t'ai fait cadeau de ta première poupée,
::il n'y a pas si longtemps.
://Antigone ne répond pas. Elle va sortir. Il l'arrête.//
;CREON
:Antigone ! C'est par cette porte qu'on regagne ta chambre.
@@Elle s'immobilise à Cour, il va à Jardin sans se retourner, Dos à dos : @@
:Où t'en vas-tu par là ?
;ANTIGONE, //s'est arrêtée, elle lui répond doucement, sans forfanterie//.
:Vous le savez bien...
://Un silence. Ils se regardent encore debout l'un en face de l'autre.//
((!!(//C est attéré par son obstination. Il ne la comprend pas, Mais il veut qu'elle, elle le comprenne.//)))
@@Il va s'asseoir en contrebas. Elle le regarde, debout en fond de scène@@
;CREON, //murmure, comme pour lui.//
:Quel jeu joues-tu?
;ANTIGONE
:Je ne joue pas.
;CREON
:Tu ne comprends donc pas que si quelqu'un d'autre que ces trois brutes sait tout a l'heure ce que tu as tenté de faire,
:je serai obligé de te faire mourir ?
:Si tu te tais maintenant,
:si tu renonces à cette folie,
:j'ai une chance de te sauver,
:mais je ne l'aurai plus dans cinq minutes.
:Le comprends-tu ?
@@Un long silence avant qu'elle prenne la parole@@
;ANTIGONE
:Il faut que j'aille enterrer mon frère que ces hommes ont découvert.
;CREON
:Tu irais refaire ce geste absurde ?
:Il y a une autre garde autour du corps de Polynice et,
::même si tu parviens à le recouvrir encore,
::on dégagera son cadavre,
::tu le sais bien.
:Que peux-tu donc sinon t'ensanglanter encore les ongles et te faire prendre ?
@@Elle descend se placer devant lui@@
;ANTIGONE
:Rien d'autre que cela, je le sais.
:Mais cela, du moins, je le peux.
:Et il faut faire ce que l'on peut.
;CREON
:Tu y crois donc vraiment , toi,
::à cet enterrement dans les règles ?
::A cette ombre de ton frère
::condamnée à errer toujours
:::si on ne jette pas sur le cadavre un petit peu de terre avec la formule du prêtre ?
::Tu leur a déjà entendu la réciter, aux prêtres de Thèbes, la formule ?
::Tu as vu ces pauvres têtes d'employés fatigués écourtant les gestes, avalant les mots, bâclant ce mort pour en prendre un autre avant le repas de midi ?
;ANTIGONE
:Oui, je les ai vus.
;CREON
:Est-ce que tu n'as jamais pensé alors
:que si c'était un être que tu aimais vraiment,
::qui était là,
::couché dans cette boîte,
:tu te mettrais à hurler tout d'un coup ?
:A leur crier de se taire, de s'en aller ?
;ANTIGONE
:Si, je l'ai pensé.
;CREON
:Et tu risques la mort maintenant parce que j'ai refusé à ton frère ce passeport dérisoire,
:ce bredouillage en série sur sa dépouille,
:cette pantomime dont tu aurais été la première à avoir honte et mal si on l'avait jouée.
:C'est absurde !
;ANTIGONE
:Oui, c'est absurde.
@@Il se lève et va à elle, puis passant lentement derrière elle, s'approche tout près.@@
;CREON
:Pourquoi fais-tu ce geste, alors ?
:Pour les autres, pour ceux qui y croient ?
:Pour les dresser contre moi ?
;ANTIGONE
:Non.
;CREON
:Ni pour les autres, ni pour ton frère ?
:Pour qui alors ?
;ANTIGONE
:Pour personne.
:Pour moi.
;CREON, //la regarde en silence.//
:Tu as donc bien envie de mourir ?
::Tu as l'air d'un petit gibier pris.
((!!(//A n'en peut plus. Elle se lâche enfin. Elle oppose sa volonté à son pouvoir (mais évite toute parole de mépris ou de haine).//)))
;ANTIGONE
:Ne vous attendrissez pas sur moi.
:Faites comme moi.
:Faites ce que vous avez à faire.
::Mais si vous êtes un être humain, faites-le vite.
:Voilà tout ce que je vous demande.
:Je n'aurai pas du courage éternellement, c'est vrai.
;CREON, se rapproche.
@@Tout près maintenant, il prend son visage entre ses mains@@
:Je veux te sauver, Antigone.
;ANTIGONE
:Vous êtes le roi,
:vous pouvez tout,
:mais cela, vous ne le pouvez pas.
;CREON
@@Il lui secoue la tête@@
:Tu crois ?
;ANTIGONE
:Ni me sauver, ni me contraindre.
;CREON
:Orgueilleuse ! Petite Oedipe !
@@Il la lache et prend un peu de champ@@
;ANTIGONE
:Vous pouvez seulement me faire mourir.
;CREON
:Et si je te fais torturer ?
;ANTIGONE
:Pourquoi ?
:Pour que je pleure,
:que je demande grâce,
:pour que je jure tout ce qu'on voudra,
::et que je recommence après, quand je n'aurai plus mal ?
;CREON, //lui serre le bras.//
:Ecoute-moi bien.
:J'ai le mauvais rôle, c'est entendu, et tu as le bon.
:Et tu le sens.
:Mais n'en profite tout de même pas trop, petite peste...
:Si j'étais une bonne brute ordinaire de tyran,
:il y aurait déjà longtemps qu'on t'aurait arraché la langue,
:tiré les membres aux tenailles,
:ou jeté dans un trou.
:Mais tu vois dans mes yeux quelque chose qui hésite,
:tu vois que je te laisse parler au lieu d'appeler mes soldats ;
::alors, tu nargues,
:tu attaques tant que tu peux.
@@Il la secoue@@
:Où veux-tu en venir, petite furie ?
;ANTIGONE
:Lâchez-moi. Vous me faites mal au bras avec votre main.
;CREON, //qui serre plus fort.//
@@Derrière elle, lui tordant le poignet@@
:Non.
:Moi, je suis le plus fort comme cela,
:j'en profite aussi.
;ANTIGONE,// pousse un petit cri.//
:Aïïe !
;CREON, //dont les yeux rient.//
:C'est peut-être ce que je devrais faire après tout,
:tout simplement, te tordre le poignet,
:te tirer les cheveux
::comme on fait aux filles dans les jeux.
((!!(//Créon Ne pouvant la convaincre, cherche à obtenir sa compréhension et un minimum d'empathie.<br>A. a peur, a mal, est révulsée par le personnage, et se cabre" de tout son être.//)))
//(@@Il la regarde encore. Il redevient grave. Il lui dit tout près.@@)// Je suis ton oncle, c'est entendu, mais nous ne sommes pas tendres les uns pour les autres, dans la famille.
@@Il la secoue@@
:Cela ne te semble pas drôle, tout de même,
::ce roi bafoué qui t'écoute,
::ce vieil homme qui peut tout
:::et qui en a vu tuer d'autres, je t'assure,
:::et d'aussi attendrissants que toi,
::et qui est là,
::à se donner toute cette peine pour essayer de t'empêcher de mourir ?
;ANTIGONE, //après un temps.//
:Vous serrez trop, maintenant. Cela ne me fait même plus mal. Je n'ai plus de bras.
;CREON, //la regarde et la lâche avec un petit sourire. Il murmure.//
@@Il la lâche brutalement, la faisant tomber. Il parle en marchant.@@
:Dieu sait pourtant si j'ai autre chose à faire aujourd'hui,
:mais je vais tout de même perdre le temps qu'il faudra et te sauver,
:petite peste. //(@@Il la fait asseoir sur une chaise au milieu de la pièce. Il enlève sa veste, il s'avance vers elle, lourd, puissant, en bras de chemise.@@)//
:Au lendemain d'une révolution ratée, il y a du pain sur la planche, je te l'assure.
:Mais les affaires urgentes attendront.
:Je ne veux pas te laisser mourir dans une histoire de politique.
:Tu vaux mieux que cela.
@@Elle le regarde et se relève. Il s'arrête.@@
:Parce que ton Polynice,
::cette ombre éplorée
::et ce corps qui se décompose entre ses gardes
::et tout ce pathétique qui t'enflamme,
:ce n'est qu'une histoire de politique.
@@Il reprend sa marche@@
:D'abord, je ne suis pas tendre, mais je suis délicat ; j'aime ce qui est propre, net, bien lavé.
:Tu crois que cela ne me dégoûte pas autant que toi, cette viande qui pourrit au soleil ?
:Le soir, quand le vent vient de la mer, on la sent déjà du palais.
:Cela me soulève le coeur.
:Pourtant, je ne vais même pas fermer ma fenêtre.
::C'est ignoble,
::et je peux même le dire à toi, c'est bête,
::monstrueusement bête,
:mais il faut que tout Thèbes sente cela pendant quelque temps.
:Tu penses bien que je l'aurais fait enterrer, ton frère,
::ne fût-ce que pour l'hygiène !
@@Il va à la fenêtre sur Thèbes, et hurle:@@
:Mais pour que les brutes que je gouverne comprennent,
:il faut que cela pue le cadavre de Polynice dans toute la ville,
:pendant un mois.
;ANTIGONE
:Vous êtes odieux !
@@Silence prolongé. Ils se regardent. @@
;CREON
:Oui mon petit.
:C'est le métier qui le veut.
@@Il marche s'asseoir, face public.@@
:Ce qu'on peut discuter c'est s'il faut le faire ou ne pas le faire.
:Mais si on le fait, il faut le faire comme cela.
@@En fond de scène, c'est elle qui mène le jeu.@@
;ANTIGONE
:Pourquoi le faites-vous ?
;CREON
:Un matin, je me suis réveillé roi de Thèbes.
:Et Dieu sait si j'aimais autre chose dans la vie que d'être puissant...
;ANTIGONE
:Il fallait dire non, alors !
;CREON
:Je le pouvais.
:Seulement, je me suis senti tout d'un coup comme un ouvrier qui refusait un ouvrage.
:Cela ne m'a pas paru honnête.
:J'ai dit oui.
;ANTIGONE
:Hé bien, tant pis pour vous.
:Moi, je n'ai pas dit « oui » !
::Qu'est-ce que vous voulez que cela me fasse, à moi, votre politique,
::vos nécessités,
::vos pauvres histoires ?
:Moi, je peux dire « non » encore à tout ce que je n'aime pas
:et je suis seul juge.
:Et vous,
::avec votre couronne, avec vos gardes, avec votre attirail,
:vous pouvez seulement me faire mourir
:parce que vous avez dit « oui ».
;CREON
@@Il se tourne vivement vers elle@@
:Ecoute-moi.
;ANTIGONE
:Si je veux,
::moi, je peux ne pas vous écouter.
:Vous avez dit « oui ».
::Je n'ai plus rien à apprendre de vous.
:Pas vous.
::Vous êtes là, à boire mes paroles.
::Et si vous n'appelez pas vos gardes, c'est pour m'écouter
:jusqu'au bout.
;CREON
:Tu m'amuses.
@@Il se lève et traverse la scène, dos au public@@
;ANTIGONE
:Non.
:Je vous fais peur.
::C'est pour cela que vous essayez de me sauver.
:Ce serait tout de même plus commode de garder une petite Antigone vivante et muette dans ce palais.
::Vous êtes trop sensible pour faire un bon tyran, voilà tout.
:Mais vous allez tout de même me faire mourir tout à l'heure,
::vous le savez,
:et c'est pour cela que vous avez peur.
:C'est laid un homme qui a peur.
;CREON, //sourdement.//
@@Se retournant vers elle@@
:Eh bien, oui,
:j'ai peur d'être obligé de te faire tuer si tu t'obstines.
:Et je ne le voudrais pas.
;ANTIGONE
:Moi, je ne suis pas obligée de faire ce que je ne voudrais pas !
:Vous n'auriez pas voulu non plus, peut- être, refuser une tombe à mon frère ?
:Dites-le donc, que vous ne l'auriez pas voulu ?
;CREON
:Je te l'ai dit.
;ANTIGONE
:Et vous l'avez fait tout de même.
:Et maintenant, vous allez me faire tuer
:sans le vouloir.
:Et c'est cela, être roi !
;CREON
:Oui, c'est cela !
;ANTIGONE
@@Silence. Elle le considère, et, doucement :@@
:Pauvre Créon !
::Avec mes ongles cassés et pleins de terre et les bleus que tes gardes m'ont fait aux bras,
::avec ma peur qui me tord le ventre,
:moi
:je suis reine.
;CREON
@@Il se lève, et l'adjure :@@
:Alors, aie pitié de moi,
:__vis. __
:Le cadavre de ton frère qui pourrit sous mes fenêtres,
::c'est assez payé pour que l'ordre règne dans Thèbes.
:Mon fils t'aime.
:Ne m'oblige pas à payer avec toi encore.
:J'ai assez payé.
@@Face à face, de profil comme deux adversaires :@@
;ANTIGONE
:Non.
:Vous avez dit « oui ».
:Vous ne vous arrêterez jamais de payer maintenant !
;CREON, //la secoue soudain, hors de lui.//
:Mais, bon Dieu !
:Essaie de comprendre une minute, toi aussi, petite idiote !
:J'ai bien essayé de te comprendre, moi.
@@Elle va s'asseoir à Cour, lui tournant presque le dos, se tassant comme celle qui ne veut pas entendre@@
:Il faut pourtant qu'il y en ait qui disent oui.
:Il faut pourtant qu'il y en ait qui mènent la barque.
::Cela prend l'eau de toutes parts,
::c'est plein de crimes, de bêtise, de misère...
::Et le gouvernail est là qui ballotte.
::L'équipage ne veut plus rien faire,
::il ne pense qu'à piller la cale
::et les officiers sont déjà en train de se construire un petit radeau confortable,
:::rien que pour eux,
:::avec toute la provision d'eau douce,
::pour tirer au moins leurs os de là.
::Et le mât craque,
::et le vent siffle,
::et les voiles vont se déchirer,
::et toutes ces brutes vont crever
::toutes ensemble,
::parce qu'elles ne pensent qu'à leur peau,
::à leur précieuse peau et à leurs petites affaires.
:Crois-tu, alors, qu'on a le temps de faire le raffiné,
:de savoir s'il faut dire « oui » ou « non »,
:de se demander s'il ne faudra pas payer trop cher un jour,
::et si on pourra encore être un homme après ?
:On prend le bout de bois,
:on redresse devant la montagne d'eau,
:on gueule un ordre
:et on tire dans le tas,
:sur le premier qui s'avance.
:Dans le tas !
:Cela n'a pas de nom.
::C'est comme la vague qui vient de s'abattre sur le pont devant vous ;
::le vent qui vous gifle,
:et la chose qui tombe devant le groupe n'a pas de nom.
::C'était peut-être celui qui t'avait donné du feu en souriant la veille.
::Il n'a plus de nom.
:Et toi non plus tu n'as plus de nom, cramponné à la barre.
:Il n'y a plus que le bateau qui ait un nom et la tempête.
:Est-ce que tu le comprends, cela ?
;ANTIGONE, secoue la tête.
:Je ne veux pas comprendre.
:C'est bon pour vous.
:Moi, je suis là pour autre chose que pour comprendre.
:Je suis là pour vous dire non
:et pour mourir.
;CREON
:C'est facile de dire non !
;ANTIGONE
:Pas toujours.
;CREON
@@Il va à elle lui faire la leçon@@
:Pour dire oui,
::il faut suer et retrousser ses manches,
::empoigner la vie à pleines mains
::et s'en mettre jusqu'aux coudes.
:C'est facile de dire non,
:même si on doit mourir.
::Il n'y a qu'à ne pas bouger et attendre.
::Attendre pour vivre,
::attendre même pour qu'on vous tue.
:C'est trop lâche.
:C'est une invention des hommes.
@@Il s'assied à côté d'elle@@
:Tu imagines un monde où les arbres aussi auraient dit non
::contre la sève,
:où les bêtes auraient dit non
::contre l'instinct de la chasse ou de l'amour ?
:Les bêtes, elles au moins, elle sont bonnes et simples et dures.
:Elles vont,
::se poussant les unes après les autres, courageusement, sur le même chemin.
::Et si elles tombent, les autres passent
::et il peut s'en perdre autant que l'on veut,
::il en restera toujours une de chaque espèce
::prête à refaire des petits et à reprendre le même chemin
::avec le même courage,
::toute pareille à celles qui sont passées avant.
;ANTIGONE
:Quel rêve, hein, pour un roi, des bêtes !
:Ce serait si simple.
://Un silence, Créon la regarde.//
;CREON
:Tu me méprises, n'est-ce pas ?
://(@@Elle ne répond pas, il continue comme pour lui.@@)//
:C'est drôle :
:Je l'ai souvent imaginé, ce dialogue
::avec un petit jeune homme pâle qui aurait essayé de me tuer
::et dont je ne pourrais rien tirer après que du mépris.
:Mais je ne pensais pas que ce serait avec toi
::et pour quelque chose d'aussi bête...
//(@@Il a pris sa tête dans ses mains. On sent qu'il est à bout de forces.@@)//
:Ecoute-moi tout de même
::pour la dernière fois.
:Mon rôle n'est pas bon, mais c'est mon rôle,
:et je vais te faire tuer.
:Seulement, avant, je veux que toi aussi tu sois bien sûre du tien.
:Tu sais pourquoi tu vas mourir, Antigone ?
:Tu sais au bas de quelle histoire sordide tu vas signer pour toujours ton petit nom sanglant ?
;ANTIGONE
:Quelle histoire ?
;CREON
:Celle d'Etéocle et de Polynice,
:celle de tes frères.
::Non, tu crois la savoir, tu ne la sais pas.
::Personne ne la sait dans Thèbes, que moi.
:Mais il me semble que toi, ce matin, tu as aussi le droit de l'apprendre.
://(@@Il rêve un temps, la tête dans ses mains, accoudé sur ses genoux. On l'entend murmurer.@@)//
:Ce n'est pas bien beau, tu vas voir.
://(@@Et il commence sourdement sans regarder Antigone.@@)//
:Que te rappelles-tu de tes frères, d'abord ?
:Deux compagnons de jeux qui te méprisaient sans doute,
::qui te cassaient tes poupées,
::se chuchotant éternellement des mystères à l'oreille l'un de l'autre pour te faire enrager ?
;ANTIGONE
:C'étaient des grands...
;CREON
:Après, tu as dû les admirer
::avec leurs premières cigarettes,
::leurs premiers pantalons longs ;
:et puis ils ont commencé
::à sortir le soir,
::à sentir l'homme,
:et ils ne t'ont plus regardée du tout.
;ANTIGONE
:J'étais une fille...
@@Pendant qu'il parle, le visage d'Antigone s'illumine progressivement@@
;CREON
:Tu voyais bien ta mère pleurer,
:ton père se mettre en colère,
:tu entendais claquer les portes à leur retour
:et leurs ricanements dans les couloirs.
:Et ils passaient devant toi,
::goguenards et veules,
::sentant le vin.
;ANTIGONE @@//Ne veut pas cette image de ses frères que lui présente Créon, et s'accroche à un beau souvenir//@@
:Une fois, je m'étais cachée derrière une porte,
::c'était le matin,
::nous venions de nous lever,
::et eux, ils rentraient.
:Polynice m'a vue,
::il était tout pâle, les yeux brillants
::et si beau dans son vêtement du soir !
:Il m'a dit : « Tiens, tu es là, toi ? »
:Et il m'a donné une grande fleur de papier qu'il avait rapportée de sa nuit.
;CREON
:Et tu l'as conservée, n'est-ce pas, cette fleur ?
:Et hier, avant de t'en aller, tu as ouvert ton tiroir
:et tu l'as regardée, longtemps,
:pour te donner du courage ?
;ANTIGONE, //tressaille.//
@@Elle se lève, se place en milieu de scène, le regarde, puis :@@
:Qui vous a dit cela ?
;CREON
:Pauvre Antigone, avec ta fleur de cotillon !
:Sais-tu qui était ton frère ?
;ANTIGONE
:Je savais que vous me diriez du mal de lui en tout cas !
;CREON
:Un petit fêtard imbécile,
:un petit carnassier dur et sans âme,
:une petite brute
::tout juste bonne à aller plus vite que les autres avec ses voitures,
::à dépenser plus d'argent dans les bars.
@@Il se lève et marche à elle@@
:Une fois,
::j'étais là,
:ton père venait de lui refuser une grosse somme qu'il avait perdue au jeu;
:il est devenu tout pâle
:et il a levé le poing en criant un mot
:__ignoble !__
;ANTIGONE
:Ce n'est pas vrai !
;CREON
:Son poing de brute
::à toute volée
::dans le visage de ton père !
:C'était pitoyable.
:Ton père était assis à sa table,
::la tête dans ses mains.
:Il saignait du nez.
:Il pleurait.
:Et,
::dans un coin du bureau,
::Polynice, ricanant,
:::qui allumait une cigarette.
;ANTIGONE, //supplie presque maintenant.//
:Ce n'est pas vrai !
;CREON
:Rappelle-toi,
::tu avais douze ans.
:Vous ne l'avez pas revu pendant longtemps.
:C'est vrai, cela ?
;ANTIGONE, //sourdement.//
:Oui, c'est vrai.
;CREON
:C'était après cette dispute.
:Ton père n'a pas voulu le faire juger.
@@Il marche se placer sur le bord opposé, face à elle@@
: Il s'est engagé dans l'armée argienne.
: Et, dès qu'il a été chez les Argiens,
::la chasse à l'homme a commencé
::contre ton père,
::contre ce vieil homme qui ne se décidait pas à mourir,
::à lâcher son royaume.
:: Les attentats se succédaient et les tueurs que nous prenions finissaient toujours par avouer qu'ils avaient reçu de l'argent de lui.
: Pas seulement de lui, d'ailleurs.
:: Car c'est cela que je veux que tu saches,
::les coulisses de ce drame où tu brûles de jouer un rôle,
:la cuisine.
@@Il parle en arpentant la scène, tandis qu'Antigone, debout, regard sur le sol, laisse passer l'avalanche verbale@@
: J'ai fait faire hier des funérailles grandioses à Etéocle.
: Etéocle est un héros et un saint pour Thèbes maintenant.
:Tout le peuple était là.
:: Les enfants des écoles ont donné tous les sous de leur tirelire pour la couronne ;
::des vieillards, faussement émus, ont magnifié, avec des trémolos dans la voix,
:::le bon frère,
:::le fils fidèle d'Oedipe,
:::le prince royal.
:: Moi aussi, j'ai fait un discours.
:: Et tous les prêtres de Thèbes au grand complet,
::avec la tête de circonstance.
:: Et les honneurs militaires...
: Il fallait bien.
: Tu penses que je ne pouvais tout de même pas m'offrir le luxe d'une crapule dans les deux camps.
: Mais je vais te dire quelque chose, à toi,
:quelque chose que je sais seul, quelque chose d'effroyable :
@@Il s'avance près d'elle@@
:Etéocle, ce prix de vertu,
::ne valait pas plus cher que Polynice.
: Le bon fils
::avait essayé, lui aussi, de faire assassiner son père,
:le prince loyal
::avait décidé, lui aussi, de vendre Thèbes au plus offrant.
: Oui,
:crois-tu que c'est drôle ?
::Cette trahison pour laquelle le corps de Polynice est en train de pourrir au soleil,
:j'ai la preuve maintenant qu'Etéocle,
::qui dort dans son tombeau de marbre,
:se préparait, lui aussi, à la commettre.
: C'est un hasard si Polynice a réussi son coup avant lui.
: Nous avions affaire à deux larrons en foire
::qui se trompaient l'un l'autre en nous trompant
::et qui se sont égorgés comme deux petits voyous qu'ils étaient,
::pour un règlement de comptes...
@@Il va s'asseoir@@
: Seulement, il s'est trouvé que j'ai eu besoin de faire un héros de l'un d'eux.
: Alors, j'ai fait rechercher leurs cadavres au milieu des autres.
: On les a retrouvés embrassés
::pour la première fois de leur vie sans doute.
: Ils s'étaient embrochés mutuellement,
:et puis la charge de la cavalerie argienne leur avait passé dessus.
: Ils étaient en bouillie, Antigone,
::méconnaissables.
: J'ai fait ramasser un des corps,
::le moins abîmé des deux,
::pour mes funérailles nationales,
:et j'ai donné l'ordre de laisser pourrir l'autre où il était.
: Je ne sais même pas lequel.
: Et je t'assure que cela m'est bien égal.
://Il y a un long silence, ils ne bougent pas, sans se regarder, puis Antigone dit doucement ://
;ANTIGONE
:Pourquoi m'avez-vous raconté cela ?
://Créon se lève, remet sa veste//
;CREON
:Valait-il mieux te laisser mourir dans cette pauvre histoire ?
;ANTIGONE
:Peut-être.
: Moi, je croyais.
://Il y a un silence encore.//
: //Créon s'approche d'elle//
;CREON
:Qu'est-ce que tu vas faire maintenant ?
;ANTIGONE, //se lève comme une somnambule.//
:Je vais remonter dans ma chambre
;CREON
@@Toujours assis, sans la regarder@@
:Ne reste pas trop seule.
: Va voir Hémon, ce matin.
: Marie-toi vite
;ANTIGONE, dans un souffle.
:Oui
;CREON
:Tu as __toute ta vie__ devant toi.
: Notre discussion était bien oiseuse, je t'assure.
: Tu as __ce trésor__, toi, encore
;ANTIGONE
:Oui
@@Elle prend appui au mur du fond, dos tourné@@
;CREON
:Rien d'autre ne compte.
: Et tu allais le gaspiller!
: Je te comprends, j'aurais fait comme toi à vingt ans.
: C'est pour cela que je buvais tes paroles.
: J'écoutais du fond du temps un petit Créon
::maigre et pâle comme toi
::et qui ne pensait qu'à tout donner lui aussi...
: Marie-toi vite, Antigone,
:sois heureuse.
: __La vie__ n'est pas ce que tu crois.
:: C'est une eau que les jeunes gens laissent couler sans le savoir, entre leurs doigts ouverts.
: Ferme tes mains, ferme tes mains, vite.
: Retiens-la.
: Tu verras,
::cela deviendra une petite chose dure et simple
::qu'on grignote,
::assis au soleil.
: Ils te diront tout le contraire parce qu'ils ont besoin de ta force et de ton élan.
: Ne les écoute pas.
: Ne m'écoute pas quand je ferai mon prochain discours devant le tombeau d'Etéocle.
: Ce ne sera pas vrai.
: Rien n'est vrai que ce qu'on ne dit pas...
: Tu l'apprendras, toi aussi,
::trop tard,
:__la vie__
::c'est un livre qu'on aime,
::c'est un enfant qui joue à vos pieds,
::un outil qu'on tient bien dans sa main,
::un banc pour se reposer le soir devant sa maison.
: Tu vas me mépriser encore,
::mais de découvrir cela, tu verras, c'est la consolation dérisoire de vieillir ;
:__la vie__, ce n'est peut-être tout de même que le bonheur
;ANTIGONE, //murmure, le regardperdu.//
@@Elle tourne lentement la tête, profil au public, et prend un temps@@
:Le bonheur ?
;CREON, //a un peu honte soudain.//
@@Un temps@@
:Un pauvre mot, hein?
{{right italic{[[Répliques finales de Créon]]}}}
;ANTIGONE
@@Un temps@@
:Quel sera-t-il, mon bonheur ?
@@Se tournant vers lui@@
:Quelle femme heureuse deviendra-t-elle, la petite Antigone ?
:Quelles pauvretés faudra-t-il qu'elle fasse elle aussi,
:jour par jour,
::pour arracher
::avec ses dents
::son petit lambeau de bonheur ?
:Dites,
::à qui devra-t-elle mentir,
::à qui sourire,
::à qui se vendre ?
:Qui devra-t-elle laisser mourir en détournant le regard ?
;CREON, //hausse les épaules.//
:Tu es folle, tais-toi
;ANTIGONE
@@Elle courre se planter devant lui@@
:Non, je ne me tairai pas !
:Je veux savoir comment je m'y prendrais, moi aussi, pour être heureuse.
: __Tout de suite__,
::puisque c'est __tout de suite__ qu'il faut choisir.
:: Vous dites que c'est si beau,
::la vie.
: Je veux savoir comment je m'y prendrai pour vivre
;CREON
:Tu aimes Hémon ?
;ANTIGONE
@@Regard dardé sur Créon, elle laisse éclater sa révolte@@
:Oui, j'aime Hémon.
:: J'aime un Hémon dur et jeune ;
::un Hémon exigeant et fidèle, comme moi.
: Mais si votre vie,
:votre bonheur
:doivent passer sur lui avec leur usure,
::si Hémon ne doit plus pâlir quand je pâlis,
::s'il ne doit plus me croire morte quand je suis en retard de cinq minutes,
::s'il ne doit plus se sentir seul au monde et me détester quand je ris sans qu'il sache pourquoi,
::s'il doit devenir près de moi le monsieur Hémon,
::s'il doit appendre à dire « oui », lui aussi,
:alors je n'aime plus Hémon
;CREON
@@Se lève et va à l'opposé@@
:Tu ne sais plus ce que tu dis.
: Tais-toi
;ANTIGONE
@@Elle lui crache sa commisération@@
:Si,
:je sais ce que je dis,
:mais c'est vous qui ne m'entendez plus.
: Je vous parle de trop loin maintenant,
::d'un royaume où vous ne pouvez plus entrer avec vos rides,
::votre sagesse,
::votre ventre.
: //(@@Elle rit.@@)//
:Ah ! je ris, Créon,
:je ris parce que je te vois à quinze ans, tout d'un coup !
::C'est le même air d'impuissance
::et de croire qu'on peut tout.
: La vie t'a seulement ajouté ces petits plis sur le visage
:et cette graisse autour de toi
;CREON, //la secoue.//
:Te tairas-tu, enfin ?
;ANTIGONE
@@Elle bondit dans sa direction@@
:Pourquoi veux-tu me faire taire ?
:Parce que tu sais que j'ai raison ?
::Tu crois que je ne lis pas dans tes yeux que tu le sais ?
:__Tu sais__ que j'ai raison,
::mais tu ne l'avoueras jamais
::parce que tu es en train de défendre ton bonheur en ce moment
::comme un os !
;CREON
@@Il subit, en avant-Jardin@@
:Le tien et le mien, oui, imbécile !
;ANTIGONE
:Vous me dégoûtez tous, avec votre bonheur !
:Avec votre __vie__
::qu'il faut aimer coûte que coûte.
: On dirait des chiens
::qui lèchent tout ce qu'ils trouvent.
: Et cette __petite chance__
::pour tous les jours,
:::si on n'est pas trop exigeant.
: Moi,
:je veux tout,
:tout de suite,
::-et que ce soit entier-
::ou alors je refuse !
:Je ne veux pas être modeste, moi,
::et me contenter d'un petit morceau si j'ai été bien sage.
: Je veux être sûre de tout
:aujourd'hui
:et que cela soit aussi beau que quand j'étais petite
:-ou mourir
;CREON
@@S'avance brusquement vers elle@@
:Allez, commence,
:commence,
:comme ton père!
;ANTIGONE
@@Elle lui barre le chemin@@
:Comme mon père, oui !
::Nous sommes de ceux qui posent les questions __jusqu'au bout__.
::Jusqu'à ce qu'il ne reste vraiment plus la plus petite chance d'espoir vivante,
::la plus petite chance d'espoir à étrangler.
@@Elle s'avance sur lui, il recule@@
: Nous sommes de ceux qui lui sautent dessus quand ils le rencontrent,
::votre __espoir__,
::votre __cher espoir__,
::votre __sale espoir__ !
;CREON
:Tais-toi !
@@Il la bloque@@
:Si tu te voyais en criant ces mots,
:tu es laide
;ANTIGONE
:Oui, je suis laide !
: C'est ignoble, n'est-ce pas,
::ces cris, ces sursauts, cette lutte de chiffonniers.
: Papa n'est devenu beau qu'après,
::quand il a été bien sûr, enfin, qu'il avait tué son père,
::que c'était bien avec sa mère qu'il avait couché,
::et que rien,
::__plus rien__
::ne pouvait le sauver.
: Alors,
::il s'est calmé tout d'un coup,
::il a eu comme un sourire,
:et il est devenu beau.
:: C'était fini.
:: Il n'a plus eu qu'à fermer les yeux
:pour ne plus vous voir.
@@Elle reprend son souffle et se moque@@
: Ah ! vos têtes,
::vos pauvres têtes de candidats au bonheur !
:C'est vous qui êtes laids,
::même les plus beaux.
: Vous avez tous quelque chose de laid
::au coin de l'oeil
::ou de la bouche.
: Tu l'as bien dit tout à l'heure, Créon,
:__la cuisine__.
: Vous avez des têtes de cuisiniers !
;CREON, //lui broie le bras.//
:Je t'ordonne de te taire maintenant,
:tu entends ?
;ANTIGONE
:Tu m'ordonnes, cuisinier ?
:Tu crois que tu peux m'ordonner quelque chose ?
;CREON
:L'antichambre est pleine de monde.
: Tu veux donc te perdre ?
:On va t'entendre
;ANTIGONE
:Eh bien, ouvre les portes.
: Justement,
:ils vont m'entendre !
;CREON//, qui essaie de lui fermer la bouche de force.//
:Vas-tu te faire, enfin, bon Dieu ?
;ANTIGONE, //se débat.//
:Allons vite, cuisinier !
@@Elle offre sa personne au public@@
:Appelle tes gardes !
{{center{// R I D E A U //
}}}
<<top>>
!Antigone face à Ismène^^
//Exercice d'interprétation//^^
? ((Contexte(^
Antigone est la fille d'Œdipe et de Jocaste. Les deux frères d'Antigone, Étéocle et Polynice, se sont entre-tués pour le trône (rendu vacant) de Thèbes. Créon, son oncle maternel, est le nouveau roi et a décidé de n'offrir de sépulture qu'à Étéocle et non à Polynice, qualifié de voyou et de traître. Il a averti que quiconque oserait enterrer le corps du renégat serait puni de mort. Personne n'ose braver l'interdit et le cadavre de Polynice est abandonné au soleil et aux charognards.
Seule Antigone refuse cette situation. Elle brave l'interdiction de son oncle au risque d'être condamnée à mort. Elle se rend plusieurs fois auprès du corps de son frère pour recouvrir sa dépouille avec de la terre. Ismène, sa sœur, ne veut pas l'accompagner car elle craint la punition promise par Créon.
''Antigone :'' On lui reproche de n'être « //pas assez coquette// ». Elle est gourmande de la vie, sensuelle, instinctive et passionnée. Elle exprime volontier sur un registre lyrique des sensations concrètes, faisant appel aux sens :
*le __toucher__ : toucher à l'eau, l'eau fuyante et froide, se baigner ;
*le __goût__ : manger, boire ;
*la __vue__ : la belle eau, cela tache les robes.
Cela ne l'empêche pas d'avoir une volonté de fer :
* Ses négations répétées : il ne faut pas, je ne veux pas, je ne suis pas, la litanie du verbe comprendre, montrent qu'elle ne se résigne plus, et est déterminée à assumer son acte, fût-ce au prix de sa mort.
''Ismène :'' sœur d'Antigone qu'elle aime beaucoup, elle reste une belle jeune fille « coquette » et raisonnable (« J'ai raison plus souvent que toi ! »).)))
;ISMENE
:Nous ne pouvons pas [enterrer Polynice].
;ANTIGONE
://(Après un silence, de sa petite voix.)// Pourquoi ?
;ISMENE
:[Créon] nous ferait mourir.
;ANTIGONE
:Bien sûr. A chacun son rôle. Lui, il doit nous faire mourir, et nous, nous devons aller enterrer notre frère. C'est comme ça que ç'a été distribué. Qu'est-ce que tu veux que nous y fassions ?
;ISMENE
:Je ne veux pas mourir.
;ANTIGONE
://(Doucement.)// Moi aussi j'aurais bien voulu ne pas mourir.
;ISMENE
:Ecoute, j'ai bien réfléchi toute la nuit. Je suis l'aînée. Je réfléchis plus que toi. Toi, c'est ce qui te passe par la tête tout de suite, et tant pis si c'est une bêtise. Moi, je suis plus pondérée. Je réfléchis.
;ANTIGONE
:Il y a des fois où il ne faut pas trop réfléchir.
;ISMENE
:Si, Antigone. D'abord c'est horrible, bien sûr, et j'ai pitié moi aussi de mon frère, mais je comprends un peu notre oncle.
;ANTIGONE
:Moi je ne veux pas comprendre un peu.
;ISMENE
:Il est le roi, il faut qu'il donne l'exemple.
;ANTIGONE
:Moi, je ne suis pas le roi. Il ne faut pas que je donne l'exemple, moi...
:"Ce qui lui passe par la tête", la petite Antigone, la sale bête, l'entêtée, la mauvaise, et puis on la met dans un coin ou dans un trou. Et c'est bien fait pour elle. Elle n'avait qu'à ne pas désobéir.
;ISMENE
:Allez ! Allez ! ... Tes sourcils joints, ton regard droit devant toi et te voilà lancée sans écouter personne. Ecoute-moi. J'ai raison plus souvent que toi.
;ANTIGONE
:Je ne veux pas avoir raison.
;ISMENE
:Essaie de comprendre au moins !
;ANTIGONE
:Comprendre... Vous n'avez que ce mot-là dans la bouche, tous, depuis que je suis toute petite. Il fallait comprendre qu'on ne peut pas toucher à l'eau, à la belle et fuyante eau froide parce que cela mouille les dalles, à la terre parce que cela tache les robes. Il fallait comprendre qu'on ne doit pas manger tout à la fois, donner tout ce qu'on a dans ses poches au mendiant qu'on rencontre, courir, courir dans le vent jusqu'à ce qu'on tombe par terre et boire quand on a chaud et se baigner quand il est trop tôt ou trop tard, mais pas juste quand on en a envie ! Comprendre. Toujours comprendre. Moi, je ne veux pas comprendre. Je comprendrai quand je serai vieille. //(Elle achève doucement.)// Si je deviens vieille. Pas maintenant.
;ISMENE
:Il est plus fort que nous, Antigone. Il est le roi.
!!!!!//Suggestions pour la diction de cette tirade ://
Comprendre....
:Vous n'avez que ce mot là à la bouche,
tous,
depuis que je suis toute petite.
:Il fallait comprendre qu'//on ne peut pas toucher à l'eau, //
::à la belle eau fuyante et froide
:parce que //cela mouille les dalles//,
::à la terre
:parce que //cela tache les robes//.
:Il fallait comprendre, ? qu'on ne doit //pas manger tout à la fois//,
::? //donner tout ce qu'on a dans ses poches// au mendiant qu'on rencontre,
::? courir,
:::courir dans le vent jusqu'à ce qu'on tombe par terre
::et boire quand on a chaud
::et se baigner quand il est trop tôt ou trop tard,
:mais pas
::juste quand on a envie!
:Comprendre.
:Toujours comprendre.
Moi je ne veux __pas__ comprendre.
Je comprendrai __quand je serai vieille__.
//(Elle achève doucement.)//
Si
je deviens vieille.
Pas maintenant.
!!!!!!Jean Anouilh //(Antigone)//
!Antonio
+++[Tout le texte du rôle]
<<forEachTiddler
where
' tiddler.tags.contains ("Antonio")'
sortBy 'tiddler.title'
write
'"----\n<<tiddler [["+tiddler.title+"]]$))\n"'
>>
===
//Toutes ses scèn
{{homeTitle center{Apollinaire}}}
!Apprendre un texte
Le plus important dans l’apprentissage d’un texte … ce n’est pas le texte mais bien la compréhension de ce qui se passe dans la tête de votre personnage.
:Il n’y pas que vos répliques en jeu, il y a aussi celles des autres. Vous n’arrêtez pas de jouer quand vous n’avez rien à dire. Vous devez habiter votre personnage tout le long du spectacle – quand bien même vous auriez peu à dire. Un comédien ne fait pas que parler, il écoute aussi et son personnage doit réagir à ce que les autres disent, les répliques des autres permettent aussi de comprendre pourquoi le personnage dit quelque chose et même s’il ne dit rien, il continue de penser.
:Apprendre un texte de théâtre est un travail personnel, de fond :
{{menubox{
!!!JOUVET:
L’acteur doit maintenir en marche sa machine créatrice, même quand il attend “que le téléphone sonne”, sinon il “clichéfie” son jeu, il se répète, il se “mécanise”.
:*Pour être incarné, l’acteur doit être __ancré dans le moment présent__. L’acteur doit arriver à une forme de sympathie intime.
:*On ne prétend pas devenir un autre mais on se place en tension avec un __objectif de jeu__ : la réalité du travail de comédien.
:*Construire un personnage et lui donner vie sur un plateau est un processus de création qui demande de la clarté, de la maîtrise, de la curiosité et de la patience.
}}}
//Michel Bouquet//
!Après la bataille
{{center{
!!!!!//Victor HUGO (1802-1885)//
[img[http://www.snut.fr/wp-content/uploads/2015/11/illustration-de-apres-la-bataille-de-victor-hugo-2.jpg]]
Mon père, ce héros au sourire si doux,
Suivi d'un seul housard qu'il aimait entre tous
Pour sa grande bravoure et pour sa haute taille,
Parcourait à cheval, le soir d'une bataille,
Le champ couvert de morts sur qui tombait la nuit.
Il lui sembla dans l'ombre entendre un faible bruit.
C'était un Espagnol de l'armée en déroute
Qui se traînait sanglant sur le bord de la route,
Râlant, brisé, livide, et mort plus qu'à moitié.
Et qui disait: " A boire! à boire par pitié ! "
Mon père, ému, tendit à son housard fidèle
Une gourde de rhum qui pendait à sa selle,
Et dit: "Tiens, donne à boire à ce pauvre blessé. "
Tout à coup, au moment où le housard baissé
Se penchait vers lui, l'homme, une espèce de maure,
Saisit un pistolet qu'il étreignait encore,
Et vise au front mon père en criant: "Caramba! "
Le coup passa si près que le chapeau tomba
Et que le cheval fit un écart en arrière.
" Donne-lui tout de même à boire ", dit mon père.}}}
!Artémis
!!!!!!//Gérard de NERVAL (1808-1855)//
La Treizième revient... C'est encor la première ;
Et c'est toujours la Seule, - ou c'est le seul moment :
Car es-tu Reine, ô Toi! la première ou dernière ?
Es-tu Roi, toi le seul ou le dernier amant ? ...
Aimez qui vous aima du berceau dans la bière ;
Celle que j'aimai seul m'aime encor tendrement :
C'est la Mort - ou la Morte... Ô délice ! ô tourment !
La rose qu'elle tient, c'est la Rose trémière.
Sainte napolitaine aux mains pleines de feux,
Rose au coeur violet, fleur de sainte Gudule,
As-tu trouvé ta Croix dans le désert des cieux ?
Roses blanches, tombez ! vous insultez nos Dieux,
Tombez, fantômes blancs, de votre ciel qui brûle :
- La sainte de l'abîme est plus sainte à mes yeux !
!L'~Assurance-Vie
!!!!!{{center{Scène extraite de ...
de
André LHOMME}}}
/%
|Description|J’ai frappé et je n’ai pas entendu de réponse. Comme la porte était ouverte, je me suis permis d’entrer... |
|auteur|André Lhomme|
|anciennes|24/5/18_Éloi;18/9/18_Épinettes; 20/11/18_Château des Rentiers;12/12/18_Ternes; |
|prochaines|93c|
|temps|15 mn|
|distribution|Nicole - André|
%/
://La scène s'éclaire très vite.//
{{did{ Le salon de Véra. Elle entre et s'arrête comme pour reprendre son souffle et déstresser. Elle s'assied et commence à visiter les poches de la veste. Elle trouve l'agenda et l'ouvre fébrilement à la page du jour. Elle voit “rendez-vous assurance vie”. Elle lève les yeux vers la pendule : c'est dans quelques mn. Elle réfléchit quelques instants. Signe d'inquiétude : tête dans la salle de bain, puis tête dans la porte d'entrée. Une idée lui vient, fin sourire malin. Elle va prestement mettre la veste hors de vue, puis traverse pour entrouvrir la porte, et retourne s'asseoir. }}}
{{did{ On frappe. Elle tourne légèrement son siège dos à l'entrée, dérange comme négligemment sa tenue, et prend l'air très absorbé par exemple dans le soin de ses ongles.
On refrappe. Elle ne bouge pas, l'air encore plus absorbé. }}}
://Il entre .//
;CENSIER.
:J’ai frappé et je n’ai pas entendu de réponse. Comme la porte était ouverte, je me suis permis d’entrer... {{did{ Vera surjoue l'ahurissement de quelqu'un qui a eu peur }}} J’avais rendez-vous, n’est-ce pas ?
;VERA NORMAND
:Rendez-vous {{did{ Regard méfiant : }}}avec qui ?
;CENSIER
:Avec M. Normand. Je suis bien chez M. Normand ?
;VERA. {{did{ Passant d'un seul coup à un air et un ton engageants. }}}
:Affirmatif !
;CENSIER
:Et, où est-il ?
;VERA.
:Il est indisponible.
;CENSIER.
:Indisponible. Comme c’est fâcheux ! Il faudra que je prenne un autre rendez-vous.
;VERA.
:Ce ne sera pas possible.
;CENSIER.
:Comment, pas possible ?
;VERA.
:M. Normand est définitivement indisponible. {{did{ Air incrédule de Censier. Elle explique gentiment : }}} Il est mort !
;CENSIER
:Ah, mon Dieu ! Et depuis quand ?
;VERA.
:Depuis une heure.
;CENSIER
:Ca a dû être brutal. Ce matin au téléphone, il paraissait en bonne santé...
;VERA.
:Ce matin, il était en pleine forme .
;CENSIER.
:Ah, on est peu de choses tout de même ! Et moi qui venais pour un contrat d’assurance vie...
;VERA.
:Vous seriez arrivé il y a une heure, c’était tout bon. {{did{ Grand soupir, surjoué :}}} Décidément, ce n’est pas mon jour de chance.
;CENSIER.
:Vous êtes une parente du défunt ?
;VERA
:Je suis sa veuve.
;CENSIER
:Enchanté. Enfin je veux dire, recevez mes condoléances...
;VERA.
:Je vous remercie.
;CENSIER.
:Je me présente : Jules Censier, assurances en tout genre, //(il lui donne sa carte de visite)//. Elle peut vous être utile. On ne sait jamais. A présent, permettez-moi de prendre congé. Je vous laisse à votre deuil. Vous devez vous consacrer au défunt.
;VERA.
:Oh, rien ne presse. {{did{ Comme affectueusement, en touchant son poignet }}} A présent, il a tout son temps ! Restez un peu. On n’a même pas eu le temps de faire connaissance ! {{did{ Elle lui prend la main pour l'inviter à s'asseoir sur l'autre siège. Elle s'assit à son tour, assez près, pour pouvoir lire les papiers, mais avec l'air de celle qui dans un tel moment a besoin d'un peu d'affection. }}} J’aimerais bavarder un moment avec vous.
;CENSIER.
:A votre disposition.
;VERA.
:Merci. Dans un moment pareil, on a besoin de se sentir entourée.
://(un léger temps).//
{{did{ ''Le grand jeu'' : Ton d'intimité, proximité des visages, Posture abandonnée, Empathie du discours, Proposition explicite, Véra fait tout pour faire craquer son voisin. }}}
:Parlez-moi un peu de cette assurance vie : vous pensez qu’il n’y a rien à faire pour... comment dire ... la valider... ? Parce qu’entre nous, une heure de plus, une heure de moins...Et puis, le mal que vous vous êtes donné pour préparer ce contrat, en pure perte... d’autant que, si on trouvait un arrangement, je saurais me montrer reconnaissante...
;CENSIER.
{{did{ Déjà pas insensible, mais mal à l'aise.}}}
:Madame, je suis un homme intègre...
;VERA, //découvrant généreusement sa jambe//
{{did{ Elle guette le moment où il va oser poser les yeux ...}}}
:Il y a plusieurs façons de prouver sa reconnaissance...
;CENSIER
:{{did{ On sent qu'une partie de lui commence à fléchir.}}} Il y a tout de même un détail qu’il faut que je vous révèle. En principe, je suis tenu au secret professionnel, mais puisque mon client est mort...
;VERA.
:{{did{ Câlinement, pour l'encourager }}} Ca, je vous le garantis !
;CENSIER
:{{did{ Il sort le contrat, et lui montre.}}} L’assurance vie. elle était sur votre tête.
;VERA.
:{{did{ Elle se rapproche encore davantage pour lire, et tient d'une main un bord du document.}}} Oh le salaud !
;CENSIER
:Alors, vous comprenez, il n’y a rien à faire...
;VERA
{{did{ Elle tient le document des deux mains et l'examine. }}}
:Pas si vite. Voyons, de quoi s’agit-il ? De remplacer un mot, même pas, quelques lettres. {{did{ Avec un regard ensorceleur }}} A la rubrique « bénéficiaire », vous mettez Madame, au lieu de Monsieur, et l’affaire est dans le sac. {{did{ Elle joue de son corps, pour encore mieux l'aguicher. }}} Et comme je vous l’ai dit, j’ai mille façons de me montrer généreuse.
;CENSIER.
:{{did{ Perdant pied.}}} C’est très délicat. Je ne sais rien des circonstances de son décès... S’il s’avérait que les causes de sa mort soient douteuses...
;VERA.
:Mais il n’y a pas le moindre doute !
;CENSIER
:Ah non ?
;VERA.
:{{did{ Comme on expliquerait à un enfant pour le rassurer. }}} Il est mort empoisonné !
;CENSIER
:Ah, une intoxication alimentaire. Il a mangé quelque chose qui ne lui a pas réussi ?
;VERA.
:Pas mangé.
:Bu.
:Un apéritif.
;CENSIER.
:Un seul ?
;VERA.
:{{did{ Avec son sourire le plus maternel. }}}Affirmatif.
;CENSIER.
:Tiens, c’est curieux ! En vingt ans de métier, c’est la première fois que je rencontre un cas de décès accidentel après un seul apéritif.
;VERA
:Mais ce n’était pas un accident. Il y avait du poison dans son verre.
;CENSIER.
:Alors, c’est un meurtre !
;VERA {{did{ Simplement et légèrement, dans les échanges qui suivent, comme si c'était tout naturel.}}}
:Moi, je dirais plutôt que c’est un règlement de comptes.
;CENSIER.
:Il avait des ennemis ?
;VERA
:Comme tout le monde...
;CENSIER
:Naturellement, on ne sait pas qui est l’auteur de ce meur...
;VERA.
:Règlement de comptes.
;CENSIER.
:C’est ce que je voulais dire.Ca va prendre un temps fou pour régler un dossier pareil. Avant qu’on retrouve l’auteur ...
;VERA.
:Mais pas du tout. C’est moi qui l’ai empoisonné.
;CENSIER.
:Vous. Mais pourquoi avez-vous fait ça ?
;VERA,
://avec une grande désinvolture//
{{did{ Elle se lève, et arpente le devant de la scène. À chaque arrêt, elle se remémore à haute voix, comme pour elle-même, regard dans le vague au-dessus du public, un moment de son histoire. }}}
:Oh, c’est tout une histoire... Vous savez, c’est le coup classique : on se rencontre, on se plaît ; au début, c’est le paradis, et puis on déchante, la mésentente s’installe... {{did{Se tournant vers Censier :}}} C’est comme ça dans la plupart des couples...
;CENSIER.
:Oui mais tous les couples ne se séparent pas de manière aussi... définitive !
;VERA
:C’est vrai, les gens manquent de courage, d’esprit d’entreprise. Ils n’ont aucune volonté. Ils subissent. {{did{ Se rasseyant près de lui :}}} Ce qui est terrible, à notre époque, c’est l’absence d’idéal !
;CENSIER.
:Mais enfin, pour commettre un meurtre, il faut de sérieux motifs. On ne tue pas les gens par désenchantement.
;VERA.
:Ecoutez, vous venez de me placer une assurance, {{did{ Toute proche :}}} vous ne voulez pas qu’en plus, je vous raconte ma vie !
;CENSIER.
:Pour l’assurance, ce n’est pas encore fait. Et d’abord, où est le corps ?
;VERA.
:{{did{ Toute à son manège, elle en oubliait la situation.}}} Le corps ? Quel corps ? Ah, oui. Il est dans la baignoire.
;CENSIER
:Dans la baignoire ? Enfin, vous l’avez empoisonné ou noyé ?
;VERA.
:{{did{d'un ton réjoui }}} Les deux : je l’ai empoisonné et noyé. {{did{ Clin d'œil.}}} Mais officiellement, il se sera endormi dans son bain.
;CENSIER
:Et vouz croyez que la police gobera ça. S’il y a autopsie...
;VERA.
:Pourquoi voulez-vous qu’il y ait autopsie ? Vous avez l’esprit tordu, vous. Ma parole, vous regardez trop de polars à la télé !
;CENSIER.
:Voyons, aucun médecin ne délivrera le permis d’inhumer !
;VERA
:Si, notre médecin de famille !
{{did{ Elle s'amuse de l'air incrédule de Censier.
Comme en confidence : }}} C’est mon amant.
:D’ailleurs, tout le monde sait que mon mari avait l’habitude de passer de longues heures dans son bain, en sirotant un vermouth.
:{{did{avec un soupir }}} Ce que ça pouvait m’horripiler !
;CENSIER
:Vous ne craignez pas qu’un voisin malveillant...
://Elle pousse un cri//
;VERA.
:Ah mon Dieu ! {{did{Bond en direction de la salle de bain. }}} Mais c’est épouvantable ! C’est une catastrophe !
;CENSIER.
:Qu’est-ce qu’il y a ?
;VERA. {{did{depuis la porte }}}
:J’ai oublié de fermer les robinets. S’il y a une fuite, la vieille chouette du dessous va gueuler comme un putois ! Excusez-moi, mais il faut que j’aille arrêter ça tout de suite. Décidément, je ne sais pas ce qui se passe aujourd’hui, je ne sais pas oùj’ai la tête...
://Elle sort... //
{{did{Censier se lève complètement perdu. En pleine hésitation, n'osant croire à sa bonne fortune,lui qui n'a jamais su draguer, ni n'a jamais été dragué.}}}
//...et revient.//
;VERA.
:{{did{Toute alerte.}}} Voilà ! Le malheur est réparé. Tout baigne !
;CENSIER
:{{did{Se forçant àrire pour évacuer son stress.}}} Si l’on peut dire !
;VERA.
:Il suffît de passer un bon coup de serpillière sur le carrelage... Mais ça je le ferai quand j’aurai découvert le corps,... officiellement je veux dire. J’expliquerai que je l’ai trouvé en rentrant, les robinets étaient ouverts, la baignoire débordait... Avec l’eau sur le sol, ce sera plus crédible !
;CENSIER,
://admiratif.//
:Vous pensez à tout ! Vous êtes une femme de tête.
;VERA.
{{did{Elle se dispose avantageusement}}}
:Le corps n’est pas mal non plus.
{{did{"//Il n'ose pas me regarder, ce Con !//"}}}
:Je veux dire le mien.
;CENSIER.
:{{did{Il se rend.}}} C’est vrai que vous êtes très séduisante.
;VERA
:Flatteur, va !
://Un léger temps//
{{did{Comme complices dans les échanges qui suivent. Lui deplus en plus soumis, elle deplus en plus taquine.}}}
;VERA
:Alors, cette police,-on la signe ? Vous savez, j’imitais très bien sa signature.
;CENSIER
:C’est à dire, il faudrait l’antidater...
;VERA.
:Antidatons !
;CENSIER.
:De trois mois. Ou plutôt deux mois et demi. J’envoie le double de mes contrats au siège tous les trimestres.
;VERA.
:Dites donc, vous n’allez pas m’assassiner, au moins ?
;CENSIER.
:Vous assassiner ?
;VERA.
:Pour la prime. Vous n’allez pas profiter des circonstances. Je sais ce que c’est. On se dit qu’on a affaire à une pauvre veuve, sans défense, et hop, on taxe un max.
;CENSIER
:On quoi ?
;VERA
:On se laisse aller sur les taux. On majore les risques. On les connaît, les assureurs. Tous des requins !
;CENSIER .
:Madame, je vous le répète, je suis un homme intègre. Enfin je l’étais, jusqu’à présent !
;VERA.
:Parce que n’oubliez pas une chose : à la date où il est censé avoir signé la police, mon mari était en parfaite santé. D’ailleurs, mon médecin fera un certificat
;CENSIER .
:Ce ne sera pas inutile.
;VERA.
:Il y a trois mois, mon mari représentait le client rêvé pour un assureur : il offrait le risque zéro ! Vos employeurs devraient vous féliciter d’avoir négocié un pareil contrat. Alors, vous n’allez pas vous montrer gourmand ?
;CENSIER.
:Soyez rassurée : je serai raisonnable pour la prime.
;VERA.
:Vous savez que vous me plaisez, vous ! Ah si je vous avais connu plus tôt...
;CENSEER.
:Mieux vaut tard que jamais, comme on dit. Mais pour l’indemnité, ce sera fifty-fifty ?
;VERA.
:Vous avez ma parole. 'fifty-fifty‘
://Il lui tend un contrat//
;CENSIER .
:Tenez, si vous voulez signer ici.
://Elle signe.//
;CENSIER.
:{{did{Complètement érotisé, il ouvre grand les bras}}}Et pour le reste ?
;VERA.
:Le reste ?
;CENSIER.
:Oui, l’autre récompense.
;VERA.
:Vous ne perdez pas de temps, hein, crapule ! Mais vous ne voulez tout de même pas qu’on fasse ça ici, avec l’autre à côté ?
;CENSIER.
:{{did{Laissant retonber ses bras.}}} Non, bien sûr que non.
;VERA.
:On trouvera un endroit romantique. A présent qu’on est riches, on va pouvoir s’offrir des voyages...
:{{did{Elle lui souffle dans l'oreille :}}} Que penses-tu de Venise ?
;CENSIER.
:{{did{Fondu.}}} Oh ce serait merveilleux.
;VERA.
:Mais tu ne vas pas craquer, au moins ?
;CENSIER.
:Pensez-vous. Vous êtes si belle !
;VERA.
:Lui aussi me disait que j’étais belle... les premiers temps.
;CENSIER.
:Est-ce qu’on pourrait éviter de parler de lui ? Ca me gène.
;VERA.
:D’accord, oublions-le et ne pensons qu’à nous. En attendant, voici un acompte. //(Elle lui offre ses lèvres.)//
:Eh bien, il faut arroser ça. //(elle prend une bouteille et des verres)//
;CENSIER.
:Non merci, je ne bois jamais dans la journée.
;VERA.
:Allons, ça ne va pas te faire mourir, //(elle lui tend un verre)//
;CENSIER.
:Ma foi, j’en ai besoin, après toutes ces émotions.
://(Il avale le verre d’un trait)//
:Tu as raison : un verre de vermouth, ça n’a jamais tué personne !
://Et soudain il réalise le sens de sa phrase : il laisse tomber son verre et se fige.//
!!!!!!{{center{Noir}}}
Au printemps au printemps
Et mon coeur et ton coeur
Sont repeints au vin blanc
Au printemps au printemps
Les amants vont prier
~Notre-Dame du bon temps
Au printemps
Pour une fleur un sourire un serment
Pour l'ombre d'un regard en riant
Toutes les filles
Vous donneront leurs baisers
Puis tous leurs espoirs
Vois tous ces coeurs
Comme des artichauts
Qui s'effeuillent en battant
Pour s'offrir aux badauds
Vois tous ces coeurs
Comme de gentils mégots
Qui s'enflamment en riant
Pour les filles du métro
Au printemps au printemps
Et mon coeur et ton coeur
Sont repeints au vin blanc
Au printemps au printemps
Les amants vont prier
Notre-Dame du bon temps
Au printemps
Pour une fleur un sourire un serment
Pour l'ombre d'un regard en riant
Tout Paris
Se changera en baisers
Parfois même en grand soir
Vois tout Paris
Se change en pâturage
Pour troupeaux d'amoureux
Aux bergères peu sages
Vois tout Paris
Joue la fête au village
Pour bénir au soleil
Ces nouveaux mariages
Au printemps au printemps
Et mon coeur et ton coeur
Sont repeints au vin blanc
Au printemps au printemps
Les amants vont prier
Notre-Dame du bon temps
Au printemps
Pour une fleur un sourire un serment
Pour l'ombre d'un regard en riant
Toute la Terre
Se changera en baisers
Qui parleront d'espoir
Vois ce miracle
Car c'est bien le dernier
Qui s'offre encore à nous
Sans avoir à l'appeler
Vois ce miracle
Qui devait arriver
C'est la première chance
La seule de l'année
Au printemps au printemps
Et mon coeur et ton coeur
Sont repeints au vin blanc
Au printemps au printemps
Les amants vont prier
~Notre-Dame du bon temps
Au printemps
Au printemps
Au printemps
{{center{[img(33%,)[http://idata.over-blog.com/3/87/06/87/images---1--/images---3--/eclipse-solaire.jpg]]}}}
!Au bout de l'amour
!!!!!{{center{Liliane Wouters}}}
{{center{
Au bout de l’amour il y a l’amour.
Au bout du désir il n’y a rien.
L’amour n’a ni commencement ni fin.
Il ne naît pas, il ressuscite.
Il ne rencontre pas. Il reconnaît.
Il se réveille comme après un songe
Dont la mémoire aurait perdu les clefs.
Il se réveille les yeux clairs
Et prêt à vivre sa journée.
Mais le désir insomniaque meurt à l’aube
Après avoir lutté toute la nuit.
Parfois l’amour et le désir dorment ensemble.
Et ces nuits-là on voit la lune et le soleil.
}}}
{{homeTitle center{
Au gendarme, au voleur
!!!!!!//Raymond Devos<br>^^Sens Dessus Dessous^^//
}}}
|widetable borderless|k
| !//Un agent est en faction. Un quidam entre rapidement, bouscule l'agent, s'excuse auprès de lui... puis sort.// |
;L'agent
: //(après avoir jeté un coup d'œil sur son poignet :)// Ma montre ! Ma montre ! On m'a volé ma montre ! Au voleur ! Au voleur ! Au voleur ! Police, ma montre.
;Quidam
: //(entrant précipitamment :)// Monsieur l'agent, je viens d'entendre quelqu'un crier au voleur, au voleur !
;L'agent
:Je sais, c'est moi ! On vient de me voler ma montre.
;Quidam
:Est-ce que je peux faire quelque chose pour vous ?
;L'agent
:Eh bien, appelez un agent !
;Quidam
:Oui !... //(Il va pour sortir, se ravise :)// Je vous demande pardon, monsieur l'agent, mais vous êtes un agent, vous !
;L'agent
:Eh bien, appelez-moi !
;Quidam
:Monsieur l'agent...
;L'agent
:Monsieur ?
;Quidam
:Je viens d'entendre quelqu'un qui criait au voleur, au voleur !
;L'agent
:On avait dû lui voler quelque chose sans doute.
;Quidam
:Oui ! Sa montre !
;L'agent
:Parfait ! Je vais faire un rapport. Le nom de la victime ?
;Quidam
:Ah ben, je n'en sais rien, c'est... //(Il montre l'agent.)//
;L'agent
:Demandez-lui ses papiers.
://(Le quidam passe derrière l'agent et vient se placer à sa droite. Il s'adresse à l'agent pris en tant que victime.)//
;Quidam
:Donnez-moi vos papiers ! //(L'agent les lui donne.)//
://(Le quidam refait le mouvement en sens inverse et vient se placer à la gauche de l'agent.)//
;Quidam
: //(lui « rendant » ses papiers :)// Voilà, monsieur l'agent !
|widetable borderless|k
| !//Pendant tout ce qui va suivre, le quidam passera de la gauche à la droite de l'agent et vice versa, donnant l'impression de passer de la « victime » à « l'agent».// |
;L'agent
:Dites donc, cette carte d'identité n'est plus valable...
;Quidam
: //(même jeu que plus haut :)// Dites donc, votre carte d'identité n'est plus valable !
;L'agent
:J'ai fait ma demande de renouvellement.
;Quidam
:II a fait sa demande de renouvellement, monsieur l'agent !
;L'agent
:Qui me le prouve ? Vous avez de la chance que je sois bien disposé, hein ?
;Quidam
:Vous me dites ça, vous savez... moi...
;L'agent
:Dites-le-lui à lui.
;Quidam
:Ah bon ! Ah oui ! //(Même jeu.)// Vous avez de la chance que monsieur l'agent soit bien disposé, vous savez.
;L'agent
:Remerciez-le !
;Quidam
:Heu oui ! Il vous remercie, il vous remercie !
;L'agent
:Et que ça ne se renouvelle pas, hein ? Dites-moi...
;Quidam
:Oui...
;L'agent
:Quand vous êtes arrivé sur les lieux, où était la victime ?
;Quidam
:La victime ? La victime, elle était là ! //(Il désigne l'endroit.)//
;L'agent
:Là?
;Quidam
:Oui.
;L'agent
:Et quand vous avez appelé, moi, j'étais ici ?
;Quidam
:C'est ça ! C'est ça, monsieur l'agent.
;L'agent
:Mais dites donc, il y a une contradiction dans ce que vous dites. Si j'étais ici...
;Quidam
:Oui.
;L'agent
:Et la victime, là...
;Quidam
:Oui.
;L'agent
:J'aurais dû entendre ses appels !
;Quidam
:Vous n'avez rien entendu?
;L'agent
:Rien !
;Quidam
:La victime n'a peut-être pas crié assez fort!
;L'agent
:Voyons ! Voyons ! Quand la victime a crié, elle était là !
;Quidam
:Là !
;L'agent
:Bon ! Vous qui étiez de l'autre côté, vous l'avez bien entendue ?
;Quidam
:Ah oui ! oui !
;L'agent
:A plus forte raison, moi qui me trouvais ici, j'aurais dû l'entendre.
;Quidam
:Ah oui ! Mais, dites-moi, monsieur l'agent, il y a quand même quelque chose qui me semble bizarre.
;L'agent
:Ah ?
;Quidam
:C'est que, en supposant que vous n'ayez rien entendu, d'où vous étiez, vous auriez dû le voir.
;L'agent
:Qui ?
;Quidam
:Le voleur!
;L'agent
:Ah ! mais je l'ai vu !
;Quidam
:Ah bon !
;L'agent
:J'ai son signalement.
;Quidam
:Ah bon !
;L'agent
: //(il écrit sur son carnet :)// Veste claire... pantalon noir... chapeau... ah ça, le chapeau...
;Quidam
:Mou !
;L'agent
:Je ne pourrais pas l'affirmer...
;Quidam
:Si, si, il était mou le chapeau, je vous le dis, moi, il était mou.
;L'agent
:Mettez-le sur votre... //(Le quidam se couvre d'un chapeau mou.)// Ah ! c'est ça ! //(Il inscrit sur son carnet :)// Chapeau...
;Quidam
:Mou !...
;L'agent
:Mou...
;Quidam
:Voilà.
;L'agent
: //(il lui prend le poignet :)// Police !
;Quidam
:Je suis refait.
;L'agent
:Allez, suivez-moi ! //(Il l'entraîne.)//
;Quidam
:Une seconde, monsieur l'agent. //(Ils s'arrêtent.)// Vous n'avez pas de témoins.
;L'agent
:Si. Vous ! D'où vous étiez, vous avez tout entendu !
;Quidam
:Oui. Mais je n'ai rien vu !
;L'agent
:Ah oui, mais moi, j'ai vu !
;Quidam
:Oui, mais d'où vous étiez, vous n'avez rien entendu.
;L'agent
:Ah ! je suis refait !
;Quidam
:Ah oui ! D'une montre, monsieur l'agent !
://(En sortant :)// D'une montre !
;L'agent
:Au voleur! Au voleur!
{{center{[img(33%,)[http://img.over-blog.com/300x226/2/95/97/20/photos-poesies/rimbaud.jpeg]]}}}
!Aube
!!!!!{{center{Arthur Rimbaud
//Illuminations//}}}
J’ai embrassé l’aube d’été.
:Rien ne bougeait encore au front des palais. L’eau était morte. Les camps d’ombres ne quittaient pas la route du bois. J’ai marché, réveillant les haleines vives et tièdes, et les pierreries regardèrent, et les ailes se levèrent sans bruit.
:La première entreprise fut, dans le sentier déjà empli de frais et blêmes éclats, une fleur qui me dit son nom.
:Je ris au wasserfall blond qui s’échevela à travers les sapins : à la cime argentée je reconnus la déesse.
:Alors je levai un à un les voiles. Dans l’allée, en agitant les bras. Par la plaine, où je l’ai dénoncée au coq.
:A la grand’ville elle fuyait parmi les clochers et les dômes, et courant comme un mendiant sur les quais de marbre, je la chassais.
:En haut de la route, près d’un bois de lauriers, je l’ai entourée avec ses voiles amassés, et j’ai senti un peu son immense corps. L’aube et l’enfant tombèrent au bas du bois.
Au réveil il était midi.
{{center{
!Audition
!!!!//~Jean-Claude Carrière//
}}}
{{groupbox small{
Quelques hommes et quelques femmes attendent. Ils se disent acteurs. Et ils viennent voir si, aujourd’hui, il y aurait un rôle pour eux.
Un directeur, une secrétaire : tout ce qu’il faut pour qu’on y croie.
Et là, entre eux, sans qu’ils s’en rendent compte, se glissent toutes les vies possibles, réelles ou rêvées, qu’ils espèrent en vain sur une scène de théâtre.
Enfin, sur une autre scène.
}}}
<<slider chksliderAudition AuditionJeanClaudeCarrière##Figaro 'Avis sur la pièce'>>
;PERSONNAGES
:Homme 1, Homme 2, plus âgé Une femme Une secrétaire blonde Directeur Diable
//Un décor anonyme, une sorte de pièce vide avec sept ou huit chaises, deux portes au fond.//
//Deux HOMMES, l'un plus âgé que l’autre, sont assis sur deux chaises. Pendant quelques secondes, ils ne bougent pas, puis le premier- le plus jeune - demande à l’autre ://
;HOMME 1
:Ça commence quand ?
;HOMME 2
:Bientôt.
://Cette réponse est suivie d’un silence. Puis le plus jeune demande : //
;HOMME 1
:Ça veut dire quoi, bientôt ?
;HOMME 2
:Ça veut dire dans peu de temps.
://Autre silence, plus court que le précédent.//
;HOMME 1
:Oui, mais le temps c’est relatif.
;HOMME 2
:Admettons.
;HOMME 1
:Pour certaines personnes, “peu de temps”, c’est une heure ou deux.
;HOMME 2
:Exact.
;HOMME 1
:Et ici, maintenant, si nous devons attendre une heure ou deux, ce n’est pas ce que j’appellerais “peu de temps”.
;HOMME 2
:Tout à fait exact.
;HOMME 1
:Donc, “peu de temps”, pardonnez-moi, au fond ça ne veut pas dire grand-chose.
;HOMME 2
:Non. Mais bientôt, c’est bientôt.
://Encore un silence. Les deux hom mes bougent peu. Le plus jeune reprend ://
;HOMME 1
:Parce que moi, vous comprenez, je n’ai pas que ça à faire.
;HOMME 2
:Mais moi non plus.
;HOMME 1
:J’ai d’autres possibilités.
;HOMME 2
:Mais moi aussi. Que croyez-vous ? Je vais même vous dire, cher monsieur... Quel est votre nom, à propos ?
;HOMME 1
:Il est difficile à retenir.
;HOMME 2
:Et pourquoi ? C’est un nom d’origine étrangère ?
;HOMME 1
:Il y a discussion là-dessus.
;HOMME 2
:Entre qui et qui ?
;HOMME 1
:Dans la famille.
;HOMME 2
:Je ne vous ai pas fâché en vous demandant l’origine de votre nom ?
;HOMME 1
:Absolument pas.
;HOMME 2
:Vous avez l’air si agacé tout à coup.
;HOMME 1
:Moi ?
;HOMME 2
:Assez souvent les gens s’irritent quand on leur demande leur origine. C’est un peu bête, franchement. Si votre nom vous gêne, vous pouvez toujours en changer. Surtout ici.
;HOMME 1
:Il ne me gêne pas.
;HOMME 2
:Alors tant mieux.
://Un silence, plus court encore que le précédent, puis ://
;HOMME 1
:Vous alliez me dire quelque chose.
;HOMME 2
:Moi ?
;HOMME 1
:Oui. Vous aviez commencé une phrase du genre : je vais même vous dire, cher monsieur...
;HOMME 2
:Vous dire quoi ?
;HOMME 1
:Comment le saurais-je ?
;HOMME 2
:Qu’est-ce que je pouvais bien m’apprêter à vous dire ? Putain de nom de Dieu de mémoire. Toujours absente quand on a besoin d’elle.
;HOMME 1
:La mienne est assez bonne.
;HOMME 2
:Nous parlions de quoi ?
;HOMME 1
:A quel moment ?
;HOMME 2
:Au moment où je vous ai dit que j’allais vous dire quelque chose. Vous devez vous en souvenir, vous qui vous vantez de votre mémoire.
;HOMME 1
:Je ne m’en vante pas.
;HOMME 2
:Ah, mais si.
;HOMME 1
:Je constatais un fait, tout simplement. Sans me vanter. J’enregistre facilement les choses et je m’en souviens. Je vous disais, j’y suis, je vous disais que je n’ai pas que ça à faire et vous me disiez : Moi non plus.
;HOMME 2
:Ah oui ! Bien sûr ! Bien sûr !
;HOMME 1
:Et je vais même vous dire, cher monsieur...
;HOMME 2
:Je vais même vous dire que nous sommes tous dans le même cas. Nous tous, ici, nous n’avons pas que ça à faire. Première vérité de la soirée.
;HOMME 1
:Il y en aura d’autres ?
;HOMME 2
:Forcément.
://Dans le silence qui suit, arrive une femme d'une trentaine d’années, assez élégante, discrète, qui porte une chaise et un sac.//
://Elle cherche une place et pose sa chaise en disant ://
;FEMME
:Je préfère apporter une chaise. Je n’aime pas celles qu’ils ont ici. Et puis, certains jours, elles sont toutes prises. Alors j’apporte la mienne et je m’assieds.
://Elle s’assied. Un instant plus tard, elle demande aux deux HOMMEs : //
;FEMME
:Vous avez vu quelqu’un ?
;HOMME 2
:Pas encore.
://Puis elle regarde brièvement le plus jeune en lui disant ://
;FEMME
:Bonjour monsieur.
;HOMME 1
:Madame.
;FEMME
:Vous permettez ?
://Elle ouvre son sac, y prend deux pages de texte et commence à lire en silence.//
://L’homme jeune demande à l’autre ://
;HOMME 1
:Je peux vous poser une autre question ?
;HOMME 2
:Je vous en prie.
;HOMME 1
:Quand ça commencera, qu’est-ce qui va se passer ?
;HOMME 2
:On ne vous l’a pas dit ?
;HOMME 1
:On ne m’a rien dit.
;HOMME 2
:Comment ça se fait ?
;HOMME 1
:Mais je ne sais pas.
;HOMME 2
:Vous avez reçu une convocation ?
;HOMME 1
:Oui. Avant-hier.
;HOMME 2
:Et on ne vous a rien dit de plus ?
;HOMME 1
:Absolument rien.
://Un court silence. La femme, qui s’était mise à lire ses deux pages, relève la tête et demande au plus jeune ://
;FEMME
:On vous a convoqué avant-hier pour aujourd’hui ?
;HOMME 1
:Oui.
://Elle s'adresse alors au plus âgé ://
;FEMME
:C’est curieux, tu ne trouves pas ?
:FEMME //(au plus jeune)//. Vous venez pour la première fois ?
;HOMME 1
:Oui.
;FEMME
:C’est peut-être ça, la raison.
;HOMME 1 //(à l’autre HOMME)//
:Et vous ?
;HOMME 2
:Moi ? Oh, non. Non, non. Je suis un habitué, ici. Le processus, je le connais par cœur. C’est même moi, quelquefois, qui les reprends sur des détails.
;HOMME 1
:Alors vous devez pouvoir me répondre !
;HOMME 2
:Répondre à quoi ?
;HOMME 1
:A ma question ! Qu’est-ce qui va se passer ? Vous devez pouvoir me le dire.
;HOMME 2
:Ça dépend des fois.
;HOMME 1
:Ce n’est pas chaque jour la même chose ?
;HOMME 2
:Ah non.
;HOMME 1
:Et pourquoi ?
;HOMME 2
:Parce que c’est comme ça. Ce n’est pas moi qui ai fixé les règles.
;HOMME 1
:C’est qui ?
;HOMME 2.
:Je ne l’ai jamais demandé.
://(A la femme.)// Tu le sais, toi ?
;FEMME
:Comme si on allait me le dire !
;HOMME 1
:Qu’est-ce que je devrai faire exactement ? Vous avez bien une idée, tout de même ?
;HOMME 2
:Evidemment. Vous devrez dire votre texte.
;HOMME 1
:Quel texte ?
;HOMME 2
:Le vôtre. Le texte qu’on vous a attribué.
;HOMME 1
:Mais on ne m’a attribué aucun texte ! Aucun ! Un texte pour quoi faire, d’ailleurs ?
;HOMME 2
:Pour le dire ! Que voulez-vous faire d’autre avec un texte ?
:i
;HOMME 1
:Mais pour le dire, il faudrait que je l’aie !
;HOMME 2
:Ça vaudrait mieux.
;HOMME 1
:Et on ne m’a rien donné ! Rien ! Pas une ligne !
://La femme intervient alors pour dire ://
;FEMME
:Vous avez demandé en arrivant ?
;HOMME 1
:Demandé quoi ?
;FEMME
:Votre texte.
;HOMME 1
:Mais non ! On ne m’avait pas dit de le demander ! Vous l’avez demandé, vous ?
;FEMME
:Je l’ai reçu chez moi.
:HOMME 1 //(à l’autre HOMME)//. Et vous ?
;HOMME 2
:Moi, ils ne m’envoient jamais rien. Quand ils m’appellent, c’est pour quelque chose de valable. Ils me connaissent. Ce n’est pas la peine qu’ils m’examinent, depuis le temps.
;HOMME 1
:Donc vous ne venez pas pour une audition ?
;HOMME 2
:Bien sûr que non.
:FEMME //(à l'homme âgé)//. Mais tu as quand même demandé ton texte ?
;HOMME 2
:Oui, oui, en arrivant. Ils vont me le donner.
:FEMME //(à l’homme jeune)//. Et vous, rien ?
;HOMME 1
:Rien.
;FEMME
:Surprenant.
;HOMME 1
:N’est-ce pas ?
;FEMME
:Ils ont dû penser que vous étiez déjà venu et que vous connaissiez les habitudes. Ou bien que vous l’aviez reçu chez vous. Il y a très souvent des erreurs. Il vaut mieux demander son texte en arrivant.
://(Une pause.)//
:C’est peut-être un rôle muet.
;HOMME 1
:Ça existe ?
;FEMME
:Je pense bien. Et //ce n’est pas le plus facile. Loin de là.//
;HOMME 2
:Ne vous inquiétez pas. Apparemment, ça ne va pas commencer tout de suite. Votre texte, vous aurez le temps de l’apprendre. Avec la mémoire que vous avez, ça ira très vite.
;HOMME 1
:Je devrais peut-être aller demander mon texte à quelqu’un ?
;HOMME 2
:Vous savez, juste avant que ça commence, ils sont tellement occupés.
;FEMME
:Ils courent partout. Il leur manque toujours quelque chose.
;HOMME 2
:Ça m’étonnerait qu’ils vous écoutent.
;HOMME 1
:Qu’est-ce que je fais, alors ?
;FEMME
:Dans le pire des cas, vous improviserez.
;HOMME 1
:J’improviserai quoi ?
;FEMME
:Si vous le décidez à l’avance, ça ne sera plus improvisé.
;HOMME 1
:Mais attendez ! On ne m’a pas parlé de ça ! On ne m’a pas dit que j’aurais à improviser !
;HOMME 2
:Quelqu’un vient.
://Entre une jeune femme blonde, très court vêtue, aux avantages proéminents. Elle s'avance sur des talons périlleux, des papiers à la main, affairée. Elle demande au plus âgé des deux HOMMEs ://
;SECRÉTAIRE
:Vous avez quel numéro, déjà ?
;HOMME 2
:Le numéro 2.
;SECRÉTAIRE
:Vous n’allez pas passer tout de suite.
;HOMME 2
:Je n’y comptais pas.
;SECRÉTAIRE //(à la femme)//.
:Et vous ?
;FEMME
:Le numéro 3
;SECRÉTAIRE.
:Donc vous attendez.
;FEMME
:Donc j’attends.
;SECRÉTAIRE //(au plus jeune)//.
:Et vous ?
;HOMME 1
:Moi ?
;SECRÉTAIRE
:Oui. Vous avez quel numéro ?
;HOMME 1
:Je n’ai pas de numéro.
;SECRÉTAIRE
:Comment ça se fait ?
;HOMME 1
:Je ne sais pas.
;SECRÉTAIRE
:On ne vous a pas donné un numéro à l’entrée ?
;HOMME 1
:Non.
;SECRÉTAIRE
:Qu’est-ce qu’on vous a dit P
;HOMME 1
:On m’a dit d’attendre ici, qu’on m’appellerait.
;SECRÉTAIRE
:Sans vous donner de numéro ?
;HOMME 1
:Voilà. Pas de numéro, et pas de texte.
;SECRÉTAIRE
:Vous avez peut-être le numéro 1.
;HOMME 1
:Peut-être.
;SECRETAIRE.
:Mais quel foutoir ! J’ai l’impression que c’est de pire en pire ! Attendez là, je vais me renseigner.
://Elle fait demi-tour et s’en va.//
://Dans le court silence qui suit, le plus jeune des deux HOMMEs demande ://
;HOMME 1
:C’est quoi, exactement, une audition ?
;HOMME 2
:C’est un essai. On vous auditionne.
;HOMME 1
:Un essai de voix ?
;HOMME 2
:Pas seulement. On vous regarde aussi.
;HOMME 1
:Pourquoi ça s’appelle une audition si on nous regarde ?
;HOMME 2
:Et comment voudriez-vous l’appeler ?
://La femme lève un instant les yeux pour demander ://
;FEMME
:Vous ne le savez pas ?
;HOMME 2
:Pour nous choisir, évidemment.
;FEMME
:Pour choisir un de nous. Pour un rôle.
;HOMME 1
:Pour quel rôle ?
;HOMME 2
:Ça, voyez-vous, c’est généralement tenu secret. Quand vous débutez, on ne vous dit pas toujours pour quel rôle.
;HOMME 1
:Pourquoi ?
;FEMME
:Ça serait trop facile de le savoir avant.
;HOMME 2
:Vous prépareriez ce rôle-là en particulier, vous demanderiez conseil à droite, à gauche. Non, on vous fait venir, on vous donne un texte avec plusieurs rôles, si vous êtes favorisé on vous l’envoie à domicile, mais on ne vous dit pas quel rôle on vous destine ! Toute l’astuce est là.
;HOMME 1
:On vous fait jouer tous les rôles ?
;HOMME 2
:Ça peut arriver. Quand on débute.
;HOMME 1
:Et ça se passe où ?
;FEMME
:Ici, évidemment.
;HOMME 1
:Ici ?
;HOMME 2
:Mais oui.
;HOMME 1
:Devant tous ces gens ?
;HOMME 2
:Oui, c’est le nouveau truc maintenant. On fait venir des gens, soi-disant pour leur montrer une pièce, et on les fait participer à tine audition.
;HOMME 1
:Et ils ne protestent pas ?
;FEMME
:Quelquefois, si. Ils protestent, ils crient, ils demandent même qu’on les rembourse.
;HOMME 2
:Ce n’est pas toujours de tout repos.
;HOMME 1
:On ne m’avait pas dit tout ça.
;HOMME. 1
:Et c’est quoi, comme rôles ?
;HOMME 2
:Oh, la plupart du temps, des situations très ordinaires. Je t’aime, tu ne m’aimes pas, le quotidien. Des textes tellement simples que si vous les changiez, môme l’auteur ne s’en rendrait pas compte. Et ça se joue à la banale. Vous souriez quand vous êtes content, vous baissez la tête en cas de tristesse.
;HOMME 1
:Ça a l’air facile.
;FEMME
:Oui. Dit comme ça.
;HOMME 1
:Et les autres rôles ?
;HOMME 2
:De temps en temps, avec un peu de chance, vous montez d’un étage. Ou même plus haut. Si vous avez donné satisfaction, on vous confie parfois de grandes choses. Du très élevé, du sublime. Ah, le chef-d’œuvre, quand vous le tenez sous les yeux, vous le sentez en deux secondes. C’est...
://(A la femme.)// N’est-ce pas ?
;FEMME
:Oui.
;HOMME 2
:Je ne sais pas comment vous dire... C’est chaud, ça étonne...
;FEMME
:Ça bouge...
;HOMME 2
:C’est comme un énorme animal qui respire à côté de vous.
;HOMME 1
:Je vous envie d’avoir connu ça.
;HOMME 2
:Mais la plupart du temps, quand vous commencez, ce qu’on vous propose, c’est du passe-partout, du sirop. Ou alors de la bassesse. Du porno, même.
;HOMME 1
:Du porno ?
;HOMME 2
:Oui.
;HOMME 1
:On vous a fait auditionner pour ça ?
;HOMME 2
:On m’a même engagé.
;HOMME 1
:Ce n’est pas vrai.
;HOMME 1
:Vous aviez qui, comme partenaire ?
;HOMME 2
:Un peu de tout. Ce qui se présentait.
;HOMME 1
:La blonde, là ?
;HOMME 2
:Ce genre, oui. Mais des brunes aussi.
;HOMME 1
:Et c’est comment ?
;HOMME 2
:Oh...
://Comme l'homme hésite, la femme répond ://
;FEMME
:Ça dépend beaucoup de l’ambiance.
://Le jeune HOMME regarde la femme avec surprise.//
;HOMME 1
:Vous aussi ?
;FEMME
:Qu’est-ce qui vous étonne ?
;HOMME 1
:Rien.
://(Un court silence. L’homme jeune se ressaisit, puis demande :)// Et ce genre de choses, vous y avez participé ensemble ?
://L’homme plus âgé et la femme se regardent l’un l’autre avant de répondre ://
;HOMME 2
:Je ne sais plus.
;FEMME
:Je ne crois pas.
:HOMME E On ne m’a jamais parlé de ça.
;FEMME
:C’est en très petites lettres dans les contrats.
;HOMME 2
:Comme celui que vous avez signé.
;HOMME 1
:J’ai signé un contrat ?
;FEMME
:On vous a bien envoyé une feuille à signer ? A signer et à renvoyer.
;HOMME 2
:Sinon, vous ne seriez pas là.
;HOMME 1
:C’était un contrat ?
;FEMME
:Evidemment.
;HOMME 2
:Au début, on les signe toujours trop vite.
:¦
;HOMME 1
:Donc, ils pourraient me demander ça ?
;HOMME 2
:Ils se gêneraient !
:HOMME 1 //(à la femme)//. Et ça pourrait... Ça pourrait se passer entre vous et moi ?
;FEMME
:S’ils le décident.
;HOMME 1
:Vous accepteriez ?
;FEMME
:J’ai signé moi aussi.
;HOMME 1
:Je ne crois pas que j’en serais capable.
;FEMME
:Je ne vous plais pas ?
;HOMME 1
:La question n’est pas là...
;FEMME
:Et où est-elle ?
;HOMME 1
:Excusez-moi.
;FEMME
:Il est vrai que pour une femme c’est plus facile.
;HOMME 1
:De quel point de vue ?
;FEMME
:Vous le savez bien.
;HOMME 1
:Et ça se tient où généralement ?
;HOMME 2
:Oh, n’importe où. Ici, par exemple.
;HOMME 1
:En public ?
;HOMME 2
:De toute façon, vous savez, c’est destiné à un public.
;HOMME 1
:Vous ne craignez pas qu’on vous reconnaisse ?
;HOMME 2
:La dernière fois, je portais un masque de loup-garou.
;HOMME 1
:Ah bon.
;FEMME
:Et moi j’étais de dos.
;HOMME 1
:Ah.
;FEMME
:Mais ne soyez pas trop inquiet. Ça m’étonnerait qu’on vous ait fait venir pour un rôle dans ce genre-là.
;HOMME 2
:Oui, moi aussi ça m’étonnerait.
;HOMME 1
:Et pourquoi ?
;FEMME
:Juste une impression comme ça.
;HOMME 2
:Pour ce type de rôles, il faut des qualités un peu particulières. Que tout le monde ne possède pas.
;HOMME 1
:Mais vous, oui ?
;HOMME 2
:Depuis quelques années, je fais doucement marche arrière. A mes débuts, j’étais flambant.
;FEMME
:Elle revient.
://La secrétaire blonde apparaît dans le fond et appelle : //
;SECRÉTAIRE.
:Numéro 2 !
://Le plus âgé des deux HOMMEs se lève aussitôt.//
;HOMME 2
:Oui ?
;SECRÉTAIRE
:Vous pouvez venir.
;HOMME 2
:J’arrive.
://Il s'adresse à l’autre HOMME ://
;HOMME 2
:Ravi de vous avoir connu.
;HOMME 1
:Moi de même.
;HOMME 2 //(à la femme)//.
:A bientôt.
;FEMME
:Au revoir.
://L’homme se dirige rapidement vers la secrétaire en lui disant ://
;HOMME 2
:Je suis à vous.
://Ils disparaissent tous les deux dans le fond. L'homme jeune et la femme restent seuls.//
;FEMME
:Je peux vous demander un service ?
;HOMME 1
:Oui. Ça dépend lequel.
;FEMME
:Pourriez-vous me faire réciter mon texte ? J’ai besoin de le dire à quelqu’un. //(Elle lui tend les feuilles.// Tenez. C’est une traduction de Gotterheim. Ça commence ici...
;HOMME 1
:Oui.
;FEMME
:Vous y êtes ?
;HOMME 1
:Oui. Allez-y.
;FEMME
:“Il y avait le premier peuplier, puis le deuxième peuplier. Après le deuxième peuplier, un peu à l’écart, le troisième peuplier.” C’est ça ?
;HOMME 1
:C’est bien ça.
;FEMME
:“Après le troisième...”
;HOMME 1
://“Passé le troisième...”//
;FEMME
:Pardon. Oui, oui.
://( On la sent nerveuse.)//
:“Passé le troisième peuplier, le quatrième peuplier, puis le cinquième. Après le cinquième peuplier, un peu plus élevé que les autres, le septième peuplier...”
;HOMME 1
:“Le sixième peuplier.”
;FEMME
:Qu’est-ce que j’ai dit ?
;HOMME 1
:Après le cinquième peuplier, vous avez dit le septième peuplier.
;FEMME
:Oui. Je me trompe souvent là. Donc... “Après le cinquième peuplier, un peu plus élevé que les autres, le... le sixième peuplier.”
://(Il hoche la tête.)//
:“Après le sixième peuplier, le septième peuplier.” C’est bien le septième maintenant ?
;HOMME 1
:Oui, mais attention, il...
://L’homme plus âgé revient à ce moment-là et reprend sa place sans un mot.//
;FEMME
:J’ai beaucoup de mal à retenir cet ordre.
;HOMME 1
:Attention, avant le septième, il manque quelque chose.
;FEMME.
:Quoi ?
;HOMME 1
:“Après le sixième peuplier, virgule, apparemment plus...”
;FEMME
:Ah oui ! Je le sais ! “Apparemment plus vieux que les autres, le septième peuplier.”
;HOMME 1
:Très bien.
://L'homme plus âgé demande soudain ://
;HOMME 2
:Quel est le plus vieux, le sixième ou le septième ?
;FEMME.
:Comment ?
;HOMME 2
:Tu dis : “Après le sixième peuplier, apparemment plus vieux que les autres, le septième.” “Plus vieux” peut se rapporter au sixième ou au septième.
;HOMME 1
:C’est juste.
:HOMME 2 //(à la femme)//.
:C’est de Gotterheim ?
;FEMME
:Oui.
;HOMME 2
:Tu m’étonnes.
;FEMME
:C’est sans doute la faute du traducteur. Gotterheim a toujours eu beaucoup de problèmes avec ses traducteurs. Il s’en est plaint toute sa vie.
;HOMME 1
:Et après le septième peuplier ?
;FEMME
:“Après le septième peuplier, il n’y avait plus de peuplier. Il n’y avait que des rochers. Il y avait le premier rocher, puis le deuxième. Après le deuxième rocher...”
;HOMME 2
:Je parie que je peux dire le numéro du prochain rocher.
;FEMME
:Je t’en prie. J’essaie de me préparer. Gotterheim ne plaît pas à tout le monde, et alors ?
:HOMME 1 //(à la femme)//. C’est le genre de texte qu’ils donnent ?
;FEMME
:Pas forcément. Ils ont un peu de tout.
;HOMME 1
:Celui-ci, c’est vous qui l’avez choisi ?
;FEMME
:Mais non. Je vous l’ai dit. Nous n’avons pas le droit de choisir. Ils me l’ont envoyé par mail.
;HOMME 1
:Quel est le personnage qui parle ?
;FEMME
:Ce n’est pas indiqué.
;HOMME 1
:C’est bien difficile, il me semble, de deviner son caractère.
;HOMME 2
:Oh, aujourd’hui, les caractères...
:FEMME //(à l’homme âgé)//. Tu es revenu bien vite. C’est terminé, ton audition ?
;HOMME 2
:Ce n’était pas une audition.
;FEMME
:Ils n’ont pas voulu de toi ?
;HOMME 2
:Ils veulent que j’attende un peu. Pour quelque chose de plus important. Pas une broutille.
;FEMME
:Ils ont l’air comment, aujourd’hui ?
;HOMME 2
:Plutôt nerveux.
;FEMME
:Désagréables ?
;HOMME 2
:Même pas. Ils passent au large, si tu vois ce que je veux dire.
;FEMME
:Ils ont beaucoup d’appels ?
;HOMME 2
:Ça n’arrête pas.
;FEMME
:Ils n’ont rien dit, à mon sujet ?
://La fille blonde entre rapidement, portant des papiers, et dit à l'homme jeune ://
;SECRÉTAIRE
:Bon. J’ai retrouvé votre dossier. Normalement on aurait dû vous envoyer un texte mais l’ordinateur s’est planté. Alors, voilà. On vous a trouvé ça. Vous êtes le personnage marqué A. Je vous ai fait deux copies de la scène.
;HOMME 1
:C’est tiré de quoi ?
;SECRÉTAIRE
:Ah, aucune idée.
://Elle veut s’en aller.//
;HOMME 1
:Quelle est la situation, au moins ? De quoi s’agit-il ?
;SECRÉTAIRE
:Mais ça on ne le dit presque jamais ! Il faut que ça sorte du texte. C’est ce que dit monsieur Guillaume. Il dit que c’est comme un citron. Que ça s’exprime.
;HOMME 1
:Et je passerai dans combien de temps ?
;SECRÉTAIRE
:Bientôt.
://Elle sort, toujours pressée. L’homme jeune jette un coup d’œil aux deux feuillets et dit à l’autre HOMME ://
;HOMME 1
:Vous pourriez m’aider ? S’il vous plaît. Je n’ai aucune expérience. Tandis que vous...
;HOMME 2
:Oui, mais je n’aime pas beaucoup répéter. Je me fie plutôt au premier mouvement. A l’instinct.
:HOMME 1 //(à la femme)//. Et vous ?
;FEMME
:C’est quoi, votre personnage ?
;HOMME 1
:C’est A.
://Elle prend l’une des deux feuilles. Un instant de silence.//
;FEMME
:C’est vous qui commencez.
;HOMME 1
:Ah, oui. //(Lisant.)// “Eh bien ?”
;FEMME
:“Eh bien non, elle demeure inflexible. Elle ne vous pardonne ni votre espoir, ni votre repentir.”
;HOMME 1
:“Ah !”
;FEMME
:“Elle dit que votre désir n’était qu’une sorte de défiance, que vous vouliez vous assurer d’abord de votre propre validité.”
;HOMME 1
:“Moi ? Mais je...”
;FEMME
:“Dis-lui, m’a-t-elle longuement répété, dis-lui que je n’ai besoin ni de son orgueil, ni de sa détresse.”
;HOMME 1
:“Soit, mais...”
;FEMME
:“Et que je sais me protéger, ajouta-t-elle, de la plupart des cœurs incohérents.”
;HOMME 1
:“Est-ce que je ?...
;FEMME
:“Et surtout, me confia-t-elle pour finir, surtout dis-lui qu’à l’avenir quand il devinera, s’il le devine, cet attrait incertain et si souvent irrésistible..
://L'homme plus âgé les interrompt ://
;HOMME 2
:Mais dites-moi, qui donne à l’autre la réplique ?
://(A l’homme jeune.)// Montrez-moi. (Il lui prend le texte des mains.) On s’est foutu de vous, ma parole. C’est très difficile de jouer des “ah” et des “oui mais je”...
://La secrétaire blonde revient, marchant très vite.//
;SECRÉTAIRE
:Attendez, attendez, il y a une erreur d’attribution ! Je ne vous ai pas donné le bon texte. Permettez ? //(Elle ramasse les deux textes.)// C’est une pagaille ! Chaque jour pire.
://Elle fait demi-tour.//
;HOMME 1
:Quand me donnera-t-on le bon ?
;SECRÉTAIRE
:Je reviens.
://Elle ressort.//
://Un instant de silence, puis l'homme jeune demande ://
;HOMME 1
:Qui décide, finalement ?
;HOMME 2
:De la distribution des rôles ?
;HOMME 1
:Oui.
;HOMME 2
:Ah, ça, c’est la grande question. Il court tellement de rumeurs !
;HOMME 1
:Mais à votre avis ?
;HOMME 2
:J’ai l’impression, c’est juste une impression, qu’il s’agit d’une décision collective. Ils sont plusieurs et ils discutent.
;HOMME 1
:Et comment faut-il faire ? Je veux dire : à supposer qu’on me trouve un texte, comment je dois le dire ?
;HOMME 2
:Ça dépend des jours, ça aussi.
;HOMME 1
:Ah bon ?
;HOMME 2
:Il y a des jours où ils sont plutôt bien lunés, et d’autres jours où ils voient tout en noir.
:HOMME 1 //(à la femme)//. C’est vrai ?
:EEMME. C’est tout à fait vrai.
;HOMME 1
:Mais quel style ils aiment ?
;FEMME
:Ça change tout le temps. Vous travaillez dans le style glauque, et ils vous demandent du troubadour. Ou alors du martelé, du rythmique.
;HOMME 2
:De l’interligne, de l’enfoui. Du nasal.
;HOMME 1
:C’est quoi, tous ces styles ?
;FEMME
:Parfois même de l’ordinaire. De l’effacé. Du middle-class.
:HOMME l. Mais c’est quoi, par exemple, le style troubadour ?
;HOMME 2
:Oh, vous savez bien, c’est de la surface rapide, du petit chanté.
;FEMME
:Du pompon. Et ce n’est pas le même examinateur chaque fois.
;HOMME 1
:Vous ne m’éclairez pas vraiment.
;HOMME 2
:Parce que vous demandez ce que tout le monde veut savoir ! Nous les premiers ! On croit que ça va marcher si tout simplement on arrive à plaire ! Mais ils sont plus malins que ça !
;FEMME
:Il faut se méfier de tout.
;HOMME 2
:C’est un terrain miné, ici. Gardez l’œil bien ouvert, surtout.
;HOMME 1
:On connaît leur projet ?
;HOMME 2
:C’est-à-dire ?
;HOMME 1
:Leur projet, ce qu’ils préparent, on peut en avoir une idée ?
;FEMME
:Il faudrait être sûr, déjà, qu’ils préparent quelque chose.
;HOMME 1
:Ce n’est pas sûr ?
;FEMME
:Mais non.
;HOMME 2
:Oui, moi aussi, j’en ai toujours douté. Et même en admettant que les choses aboutissent, un jour ou l’autre, ici ou ailleurs, nous n’en serons pas nécessairement informés. Tout est toujours laissé dans le vague. C’est pour ça que je dis que la direction est collective.
;FEMME
:Non, moi je suis sûre qu’il y a un directeur. Quelqu’un qui est au-dessus des autres. Un directeur qui dit oui ou non. Je le crois.
://A ce moment, la fille blonde revient, toujours des papiers à la main, accompagnée cette fois d’un HOMME d’une quarantaine d’années qui est de toute évidence le directeur.//
://Il semble qu'il ait entendu la dernière réplique, car il dit en entrant ://
;DIRECTEUR
:C’est un vieux cliché dans notre domaine. On parle de quelqu’un et hop ! le voilà qui arrive.
;HOMME 2
:Ah oui, vous avez bien raison.
;DIRECTEUR
:“Vous avez vu madame Chevalier ces temps derniers ? Comment va-t-elle, la pauvre dame ? Attention, la voilà qui arrive. Et bonjour ! Justement nous parlions de vous.” Ce genre de chose.
;HOMME 2
:Affreux, affreux.
;DIRECTEUR
:Chez certains auteurs, c’est bien simple : on ne peut pas parler de quelqu’un sans qu’il se pointe !
;HOMME 1
:Vous êtes le directeur ?
://Sans répondre, l’homme s’assied sur une chaise en jetant un coup d’œil à sa montre et il dit à l’homme jeune ://
;DIRECTEUR
:Bon. Je vous écoute.
;HOMME 1
:Moi ?
;DIRECTEUR
:Oui. Dépêchez-vous.
;HOMME 1
:Qu’est-ce que je dois dire ?
;DIRECTEUR
:Votre texte, évidemment. Quoi d’autre ?
;HOMME 1
:Mais je n’ai pas de texte !
;DIRECTEUR
:On ne vous a pas donné de texte ?
;SECRÉTAIRE
:Bien sûr que si ! Vous ne l’avez pas répété ?
;HOMME 1
:Mais vous me l’avez repris ! Vous me l’avez donné, et repris tout de suite après !
;SECRÉTAIRE
:On ne vous en a pas donné un autre ?
:HOMME I. Mais non ! Vous m’avez dit que ce n’était pas le bon, rappelez-vous !
;DIRECTEUR
:C’est elle qui vous a dit ça ?
;HOMME 1
:Oui ! Il y a trois minutes !
;DIRECTEUR
:Si vous lui faites confiance, évidemment... Elle se plante à longueur de journée !
;SECRÉTAIRE
:Oh !
;FEMME
:Alors pourquoi la gardez-vous ?
;DIRECTEUR
:Pour d’autres raisons.
://(A l’homme jeune)// Eh bien ? Que faisons-nous ?
;HOMME 1
:Je ne sais pas, monsieur ! On m’a convoqué, je suis venu, je suis même arrivé en avance, et j’attends toujours qu’on me donne mon texte !
;DIRECTEUR
:Vous êtes arrivé en avance ?
;HOMME 1
:Oui.
;DIRECTEUR
:Voilà. C’est sûrement ce qui a tout perturbé. Il ne faut jamais arriver en avance. Vous avez pris la place d’un autre, ça explique tout.
;HOMME 2
:Exactement. Tout est décalé. Voilà.
;SECRÉTAIRE
:Et c’est sur moi que tout retombe !
;DIRECTEUR
:Lisa, mon petit, je n’ai rien dit. Il ne faut pas se mettre à pleurer maintenant. D’accord ?
://(A l’homme jeune.)// Bon, alors ? On ne va pas y passer la journée ! Vous n’avez qu’à improviser !
;HOMME 1
:Improviser quoi ?
;DIRECTEUR
:Ce que vous voudrez ! Allez-y !
;HOMME 2
:Allez ! C’est le moment ! Faites quelque chose !
;FEMME.
:C’est votre chance ! Ne la laissez pas s’échapper !
;HOMME 1
:Mais quoi ? Qu’est-ce que je peux faire ?
;DIRECTEUR
:Vous êtes tout sec ? Vous n’avez rien à dire ?
;HOMME 1
:Si, sûrement, mais...
;DIRECTEUR
:Vous ne sentez rien en vous ? Rien qui vous habite, et qui veut jaillir ?
;HOMME 1
:Si bien sûr, mais...
;DIRECTEUR
:Alors allez-y ! Lancez-vous !
;FEMME
:Vite ! C’est le moment !
;HOMME 2
:Monsieur Guillaume, je peux le faire à sa place ? Je connais deux ou trois bonnes improvisations. Vous permettez ?
:SECRÉTAIRE //(à l’homme âgé)//. Mais non ! C’est à lui ! Vous n’allez pas encore me compliquer les choses !
://(A l’homme jeune.)// Alors ?
://Un instant de silence, puis l’homme jeune dit ://
;HOMME 1
:Je ne peux pas. Excusez-moi. Je ne peux pas. Surtout là, avec tout ce monde.
://Le directeur se lève et s’éloigne en disant à la fille blonde ://
;DIRECTEUR.
:Venez, Eisa.
;HOMME 2
:Vous pensez à moi ?
;SECRÉTAIRE
:Tout de suite.
://Le directeur et la secrétaire sortent.//
://Après un instant de silence, l’homme jeune demande aux deux autres ://
;HOMME 1
:Qu’est-ce que je fais ? Je m’en vais ?
;FEMME
:Pourquoi ?
;HOMME 1
:Vous me donneriez encore une chance ?
;FEMME
:Pourquoi pas ?
;HOMME 2
:Nous sommes dans le caprice, ici, dans l’insaisissable. Je vous l’ai dit, nous ne savons rien de leurs intentions. Il vaut peut-être mieux n’avoir rien fait que d’avoir mal fait.
;HOMME 1
:Alors, je reste ?
;HOMME 2
:C’est sans risque.
;HOMME 1
:Ça veut dire quoi : sans risque ?
;HOMME 2
:Sans risque physique. On ne va pas vous brûler les orteils. Pas même vous donner le fouet.
://(A la femme.)// N’ai-je pas raison ?
://(Elle ne répond pas. Elle paraît écouter quelque chose. L’homme âgé lui demande, soudain inquiet.)//
:Tu sentirais venir quelque chose ?
://De la main, elle lui fait signe de se taire. Un court silence.//
;HOMME 1
:Qu’est-ce qui se passe ? Qu’est-ce que vous écoutez ?
;FEMME
:Vous n’entendez rien ?
;HOMME 2
:Quoi ?
;FEMME
:Comme des bruits.
;HOMME 1
:Quel genre de bruits ?
;FEMME
:Chut. Ecoutez.
://(Lis écoutent un instant. On n’entend rien.)//
:Des bruits... des bruits étouffés. Comme un large souffle.
;HOMME 1
:Oui, en effet. Peut-être.
;HOMME 2
:Il n’y a aucun risque, je le maintiens, et pourtant ils arrivent presque toujours à vous donner cette impression. D’être en danger.
;HOMME 1
:Pourquoi font-ils ça ?
;HOMME 2
:Pour décourager les candidats.
:i
;HOMME 1
:Il y en a beaucoup ?
;HOMME 2
:De plus en plus. Mais on ne peut pas en dire autant des rôles.
;HOMME 1
:Pourtant, aujourd’hui, pour le moment c’est assez vide. Voyez toutes ces chaises.
;FEMME
:Peut-être parce que le danger, aujourd’hui, est réel.
;HOMME 2
:Et cette sensation de danger, jamais elle ne vous lâche le ventre. Moi par exemple, je devrais être cuirassé, eh bien pas du tout. Tenez, là, maintenant, je me sens en danger. J’ai un peu la trouille.
;HOMME 1
:En danger de quoi ?
;HOMME 2
:Les planches craquent, vous passez à travers. Le lustre tombe et vous écrase. Les murs s’écroulent. Il y a le feu, tous les cintres s’embrasent. Des torches de flammes vous encerclent. Ou bien tout à coup le trou, l’absence. Les gens qui sifflent et qui vous insultent. Et qui vous frappent. Tout ça parce qu’une méchante petite phrase a refusé de se présenter là.
;HOMME 1
:Il vous est arrivé quelque chose de ce genre ?
;HOMME 2
:Heureusement, jamais rien de grave.
;FEMME
:C’est peut-être pour ça.
;HOMME 2
:Quoi ?
;FEMME
:Ce n’est pas encore arrivé. Donc, ça peut encore arriver.
://La femme reste un instant silencieuse. L’homme âgé reprend ://
;HOMME 2
:J’aime cette expression : donner le fouet. Comme un cadeau. Avec un ruban de satin.
;HOMME 1
:Vous croyez que la blonde y a droit ?
;HOMME 2
:Qui sait ? Si ça se trouve, elle ne dit pas non. Cela fait partie de ses gages.
;HOMME 1
:Bizarre, ce besoin de souffrir.
;HOMME 2
:Dites plutôt d’être corrigé, d’être puni.
;HOMME 1
:Il y a tant de choses que je n’arrive pas à saisir.
;HOMME 2
:Et vous verrez, les années passent et on reste le bec dans l’eau. Le monde est là comme un savon humide. Vous croyez le tenir et floc ! Mon toubib dit qu’à son avis c’est dans les atomes que ça se passe. C’est les atomes qui fatiguent. Vous vous rendez compte ? Moi aussi à votre âge, je voulais tout savoir, je pétais le feu. Et total je ne suis que rarement mélancolique.
://La femme, qui les écoutait, leur demande ://
;FEMME
:Vous ne remarquez rien ?
;HOMME 1
:Quoi donc ?
;FEMME
:Tout doucement, nous sortons du sujet.
;HOMME 2
:Mon Dieu, c’est vrai !
;HOMME 1
:Que faut-il faire ?
;FEMME
:Il faut y revenir, bien sûr.
;HOMME 1
:Oui, mais comment ?
;HOMME 2
:Vite, dépêchons-nous, sinon ils vont éteindre !
://(A la femme.)// Tu as une idée ?
;FEMME
:Oui, oui, peut-être, attends...
;HOMME 2
:Grouille-toi, nom d’un chien !
;FEMME //(à l’homme jeune)//.
:Vous, tenez, dites-moi : que... quels rôles aimeriez-vous jouer ?
;HOMME 2 //(soulagé)//.
:Oui, bien. Ouf !...
;FEMME //(à l’homme jeune)//.
:Un grand héros ? Un conquérant ?
;HOMME 1
:Pas forcément.
;FEMME
:Un séducteur ?
;HOMME 1
:Oui et non. Non.
;FEMME
:Un jeune ambitieux dévorant, dont le coeur hélas est encore tendre ?
://(Ll secoue la tête.)//
:Un assassin aux longues mains fines ? Un exalté ? Ou alors le diable peut-être ?
;HOMME 1
:Le diable ?
://Aussitôt le diable apparaît, un diable sans grande allure dans le costume conventionnel, plutôt fripé, de Méphistophélès. Il entre, l’épée au côté, en s’adressant à l'homme jeune ://
;DIABLE
:Bonjour ! Vous m’avez demandé ?
;HOMME 1
:Pardon ?
;HOMME 2
:Ça y est, ça recommence.
;DIABLE
:Qu’est-ce qui recommence ?
;HOMME 2
:Toujours le même vieux truc ! On parle de quelqu’un et hop ! il rapplique.
;DIABLE
:Mais vous m’avez bien demandé ? J’ai bien clairement entendu mon nom ?
;HOMME 2
:Et alors ?
;DIABLE
:Et alors moi, quand on m’appelle, je viens. Parfois aussi, c’est vrai, je viens sans qu’on m’appelle.
;HOMME 1
:Qui êtes-vous ?
;DIABLE
:Voyons, regardez-moi ! On m’a si souvent ridiculisé avec ce costume !
;FEMME
:Vous pouvez en changer.
;DIABLE
:Etrangement, je m’y suis habitué. Et puis ça a l’avantage qu’on me reconnaît aussitôt. Sauf ici, à ce qu’on dirait.
:LIOMME 1. Vous venez pour le rôle du diable ?
;DIABLE
:Ah non. Je ne cherche aucun rôle. Merci bien.
;HOMME 1
:Vous avez reçu une convocation ?
;DIABLE
:Je n’en ai pas besoin. Je viens quand on m’appelle, c’est tout, c’est comme ça. Alors ?
;HOMME 1
:Vous n’êtes pas vraiment le diable ?
;DIABLE
:Sceptique, hein ?
;HOMME 2
:Mettez-vous à sa place. Il vient pour la première fois.
;DIABLE
:Un novice. Quelle aubaine ! Et il doute encore. Merci, ô Grand Seigneur. Que pourrais-je faire pour vous convaincre ? Tenez, un petit truc sans danger. Je baisse les lumières, comme ça. //(Il fait un geste, et les lumières baissent.)// Encore un peu, car j’aime l’ombre. Voilà. Vous êtes satisfait ?
://(Il fait maintenant sombre sur la scène. Les trois personnages paraissent inquiets. Le diable dit encore :)// Ou alors je ferme le rideau. Vous préférez ?
://(Ilfait un autre geste et le rideau commence à se fermer.)// L’ennui, si je ferme le rideau, c’est qu’on peut croire que c’est fini. Tout le monde va s’en aller. Sans applaudir, je vous le garantis.
://Il a arrêté d’un geste la fermeture du rideau.//
;FEMME
:S’il vous plaît, vous pouvez remettre la lumière ?
;DIABLE
:Rien de plus facile. Voilà. //(Il fait un autre geste, et les lumières reviennent.)// Ça, vous savez, pour moi c’est l’enfance de l’art. Le rideau, je le rouvre ?
;FEMME
:Oui. Je vous en prie.
://Il fait un autre geste. Le rideau se rouvre.//
;HOMME 2
:Il vous suffit d’un complice dans les coulisses. Un truc pareil, c’est enfantin.
;DIABLE
:Très bien. Allez-y, pour voir.
;HOMME 2
:Si j’avais un complice, vous verriez un peu.
;DIABLE
:Dès que j’arrive quelque part, il faut que je prouve que je suis là. J’en suis excédé, franchement.
://(A l’homme jeune.)// Alors ?
;HOMME 1
:Alors quoi ?
;DIABLE
:Pourquoi m’avez-vous appelé ? Qu’est-ce que vous voulez ? Un rôle, c’est ça ?
;HOMME 1
:Je ne vous ai pas appelé !
;DIABLE
:J’ai entendu mon nom. Deux fois, même. La seconde fois, c’était votre voix. Alors ? Si vous êtes là, c’est bien que vous sollicitez un rôle ?
;HOMME 1
:Eventuellement.
;DIABLE
:Et moi je suis là pour vous en proposer. Des textes, des tirades, des dialogues comiques, des silhouettes si vous préférez, de la pantomime, des stances. J’ai tout ce qu’il vous faut. Tous les bons auteurs sont chez moi.
;HOMME 1
:Et que voulez-vous en échange ?
;DIABLE
:Vous le savez bien.
://Un court silence, puis l'autre HOMME demande ://
;HOMME 2
:Ça marche encore, ce machin-là ?
;DIABLE
:Je pense bien.
;HOMME 2
:Vous achetez encore des âmes avec vos petites combines ?
;DIABLE
:Mais oui.
;HOMME 2
:Il y a encore des âmes à vendre ?
;DIABLE
:Des tas. Partout. Je vous signale que votre planète est de plus en plus peuplée.
;FEMME
:Les autres aussi ?
;DIABLE
:Les autres quoi ?
;FEMME
:Les autres planètes.
;DIABLE
:Ah non. Loin de là. Il y en a même, paraît-il, où les indigènes dépérissent. Mais on ne sait pas pourquoi, les humains sont très contents d’eux. Ils se multiplient dans des proportions déconcertantes. Il ne se passe pas deux ans sans qu’ils inventent un nouveau moyen de se reproduire.
://Montrant l’homme jeune, qui reste pensifpendant tout ce temps, la femme dit encore au diable ://
;FEMME
:Pendant que monsieur réfléchit, je peux vous poser une autre question ?
;DIABLE
:Oui, mais vite.
;FEMME
:Pourquoi faites-vous ce que vous faites ?
;DIABLE
:C’est-à-dire ?
;FEMME
:Pourquoi toujours pousser les choses vers le rouge ? Ça ne vous suffit pas, depuis le temps ? Pourquoi cet acharnement ? Pourquoi ne pas nous accorder un petit répit ? Pour voir comment les choses iraient sans vous ?
;DIABLE
:Vous parliez d’une question, mais j’en compte cinq.
;HOMME 2
:Elles n’en font qu’une.
;DIABLE
:Avant que j’essaie de vous répondre, et croyez-moi ce n’est pas simple...
://A ce moment, le directeur et sa secrétaire reviennent. Ils voient le diable et s’écrient ://
;SECRÉTAIRE
:Oui ! Il est ici !
;DIRECTEUR
:J’en étais sûr ! Dès que les lumières ont baissé, je me suis dit : c’est encore lui !
;SECRÉTAIRE
:Il y avait longtemps !
:DIABLE //(montrant l’homme jeune)//. Ce monsieur m’a appelé !
;HOMME 1.
:Mais non !
;DIABLE
:Mais si !
:DIRECTEUR //(au diable)//. Ce ne sera pas bientôt fini ? Combien de fois je devrai vous le dire ?
;SECRÉTAIRE
:Il faut nous lâcher un peu, tout de même. Tout à coup plus de jus, les ordinateurs qui patinent...
;DIABLE
:Mais ils ne veulent pas me croire ! Il faut bien que je leur montre qui je suis !
;DIRECTEUR
:Montrez-le autrement !
;SECRÉTAIRE
:Vous devez savoir faire quantité de choses.
;DIABLE
:Evidemment.
;HOMME 2
:Quoi, par exemple ?
;DIABLE
:Je peux... je peux rougir si je veux de visage... ou blanchir. .. Je peux voler... Brûler sans me consumer...
:32
:33
:f
://L’homme âgé prend un briquet qu’il allume en s'approchant de lui.//
;HOMME 2
:Faites voir un peu.
:DIABLE //(qui s’écarte)//. Mais pas comme ça ! Pas sous la pression ! Il me faut un peu de préparation. Parce que j’ai vieilli, moi aussi. Mais tenez, regardez... Regardez bien...
://(Il s’assied, les yeux ouverts.)// Je peux dormir les yeux ouverts...
://(Il se lève, s approche d’un mur, y colle son oreille.)// J’entends tout. J’ai l’oreille d’une finesse ! Le moindre désir de mal faire, je le perçois.
://(Ils 'accroupit, pose son oreille contre le sol.)// Par moments, je comprends même le langage des animaux... Des araignées, des pucerons. .. Surtout quand ils sont affamés.
://Il se relève, non sans peine. Le directeur tente de le raison ner ://
;DIRECTEUR
:Ecoutez-moi bien. Ce n’est pas un endroit pour vous, ici. Je vous assure. Tout vous est gagné, c’est couru d’avance.
;DIABLE
:Non, non, ne croyez pas ça, il y a encore des âmes pures !
;DIRECTEUR
:Ici ?
;DIABLE
:Ici comme ailleurs.
;DIRECTEUR
:Alors je vous le demande comme un service. Soyez gentil pour une fois. Rentrez tranquillement chez vous, organisez votre vie autrement.
;DIABLE
:Mais je m’ennuie, chez moi !
;SECRÉTAIRE
:Vous devez avoir des tas de souvenirs, j’imagine ?
;DIABLE.
:Oui, pas mal.
;SECRÉTAIRE
:Achetez des albums, et collez vos photos !
;DIRECTEUR
:Oui, bonne idée.
://(A sa secrétaire.)// Nous avons des albums, ici ?
;SECRÉTAIRE
:Plein, et qui ne font rien. Venez.
://Ils encadrent le diable, qui a l’air assez pitoyable, lui posent une main sur l'épaule et l’entraînent dans les coulisses, dans le fond.//
;DIRECTEUR
:Je peux vous en offrir un ou deux, vous voulez ?
;DIABLE.
:Ils sont en cuir ?
;DIRECTEUR
:Venez, venez...
://Le diable se laisse entraîner.//
;HOMME 1.
:Qui est-ce ?
;HOMME 2
:Il a dû jouer le rôle une fois ou deux, ça l’a chamboulé.
;FEMME
:A moins qu’il ne soit vraiment le diable.
;HOMME 2
:Il n’aurait pas renoncé aussi facilement.
;FEMME
:Sauf s’il tentait de nous tromper.
://La secrétaire réapparaît brusquement et dit à l’homme jeune, en lui tendant deux feuilles de papier ://
;SECRÉTAIRE
:Votre nouveau texte ! J’ai oublié ! Vous êtes toujours marqué A.
://Elle ressort aussitôt.//
://L’homme jeune prend son nouveau texte et le regarde.//
;FEMME
:Je vous aide ?
;HOMME 1.
:Oui, merci.
://Il lui donne une des copies.//
;FEMME
:Vous êtes bien, là ? Vous ne voulez pas changer de place ?
;HOMME 1
:Je devrais ?
;FEMME
:Ça dépend de vous.
;HOMME 1
:Non, je me sens bien, là.
;FEMME
:A vous de commencer.
:HOMME 1 //(lisant)//. “Bonjour Norbert.”
;FEMME
:“Bonjour maman.”
;HOMME 1
:“Tu n’as pas vu ta sœur par hasard ?”
;FEMME
:“Non maman.”
://Il s’arrête de lire, retourne la page pour l’examiner.//
;HOMME 1
:Ce doit être une erreur. On m’a donné un rôle de femme.
;HOMME 2
:A quoi voyez-vous ça ?
;HOMME 1
:On m’appelle maman.
;HOMME 2
:Ce n’est pas pour ça que vous êtes une femme.
;HOMME 1
:Quand même.
;HOMME 2
:Aujourd’hui, vous savez, l’écriture s’est libérée. Elle a suivi le mouvement. La vieille identification des rôles est trébuchante. Autrefois, oui, on savait toujours qui on était. Aujourd’hui, c’est à l’aventure. Si je pouvais vous dire ce qu’on m’a proposé !
;HOMME 1
:Vous dites que l’écriture a suivi le mouvement ?
;HOMME 2
:Comme d’habitude.
;HOMME 1
:Je croyais qu’elle était à l’avant-garde de la vie.
;HOMME 2
:Pensez-vous. Elle court derrière, la pauvrette. Elle est à la traîne.
;HOMME 1
:A la traîne ?
;HOMME 2
:Comme un filet au fond de la mer. Qui ramasse tout. Et quand le filet est grand, ça ne laisse rien pour les autres.
;HOMME 1
:Je ne suis pas de votre avis.
;HOMME 2
:Vous êtes jeune.
;HOMME 1
:Je la vois au contraire avec des fusées tout à coup, des tremblements, des attaques, des percées dans l’obscurité.
;HOMME 2
:Vous parlez comme un étudiant.
;HOMME 1
:Où est le mal ?
://Ils restent un moment silencieux, immobiles.//
://Les lumières baissent très légèrement.//
://Soudain la secrétaire blonde apparaît, mais furtivement. Elle appelle l’homme jeune ://
;SECRÉTAIRE
:Hé... Hé, toi...
;HOMME 1
:Oui ?
;SECRÉTAIRE //(à voix basse)//.
:Viens par ici, viens, écoute...
:// Il se lève et fait deux pas vers elle, puis s’arrête et paraît hésiter. Les deux autres ne bougent pas.//
;HOMME 1
:C’est à quel sujet ?
;SECRÉTAIRE
:Mais qu’il est bête ! J’ai envie de toi, c’est tout simple. Viens.
;HOMME 1
:Comment ?
;SECRÉTAIRE
:Tu comprends quand je te parle ?
;HOMME 1
:Oui.
;SECRÉTAIRE
:Alors ne dis rien aux autres et viens là... Depuis que je t’ai vu, j’ai envie de toi, viens, viens... Avec moi, ne te gêne pas... Je ne fais aucune difficulté... Au contraire, je serai soumise, il y a une petite pièce là qui ferme à clé, avec un canapé en cuir...
://(Il hésite toujours.)//
:je te dis un vrai secret : je suis tellement ouverte, tellement humide à cause de toi... C’est la porte, là, j’y vais, je t’attends, viens vite...
://Elle disparaît.//
://L'homme jeune fait quelques pas dans sa direction, comme pour la suivre, quand la femme lui demande ://
;FEMME
:Où allez-vous ?
;HOMME 1
:Là. Je... je vais faire un tour, je...
;HOMME 2
:Quelqu’un est venu vous chercher ? La pin-up peut-être ? La blonde ?
;HOMME 1
:Je ne saisis pas.
;FEMME
:Vous venez de rêver, vous le savez ?
;HOMME 1
:Vous dites ?
;FEMME
:Vous rêviez. Si la fille est venue, elle est venue dans votre rêve.
://Il prend une feuille de papier dans sa poche et y jette un coup d’œil.//
;HOMME 1
:Non, c’est bien ici.
;FEMME
:On dirait un gangster en fuite. Vampirisé par la peur. Vous avez des yeux dans les jambes, vous dégainez devant une limace. Oui, peur. Vous fixez votre pensée sur un seul objet et cependant cet objet reste vague. Mais il vous interdit de voir.
:HOMME 1 //(à la femme)//. D’où vient ce texte ?
;FEMME
:Ou alors quoi ? C’est le fait que ça se passe devant des gens qui vous met en miettes ? Mais si vous recherchez un rôle, c’est bien pour le tenir devant des gens ? On ne s’imagine pas avec un beau rôle tout seul chez soi !
;HOMME 1
:Pourquoi pas ?
;FEMME
:Aujourd’hui, vous connaissez beaucoup d’activités qui s’exercent dans la solitude ? Les yeux des autres se sont glissés partout, dans nos organes, dans nos têtes ! Partout vous êtes vu. Même du haut du ciel.
:Nous sommes tous surexposés en permanence. J’avais un ami qui disait : tout est fait pour éliminer ce qui se passe là. //(Hile se touche la poitrine.)// C’est comme une immense conspiration.
;HOMME 1
:C’était quel genre d’ami ?
;FEMME
:A part cela, un être absolument vide. Mais tous veulent se montrer, c’est ça l’histoire. Surtout les tordus et les dégoûtants. Regardez-moi bien, tout le monde !
;HOMME 1
:Vous me trouvez tordu ?
;FEMME //(montrant la salle)//.
:Vous savez quoi ? Si vous vous sentez en petits morceaux, descendez, allez vous asseoir avec les autres. Je suis sûre qu’il se lèvera tout aussitôt quelqu’un pour prendre votre place... Pour monter ici dans la lumière... Pour attendre à côté de moi...
://Un court silence. L'homme plus âgé réapparaît dans le fond. Il semble, un instant, se demander ce qu’il doit faire, puis il revient prendre sa place sans rien dire.//
;HOMME 1 //(à la femme)//.
:Et vous ? Qu’aimeriez-vous comme texte ?
;FEMME.
:Moi ?
;HOMME 1
:Oui.
;FEMME
:Ce que je pourrais aimer vous intéresse ?
;HOMME 1
:Maintenant, il me semble, oui.
;FEMME
:J’aimais les tragédies d’amour, ces princes brisés de jalousie, ces possessions, ces reines affolées, tous ces obsédés magnifiques qui ne cherchaient rien dans les étoiles, ni dans une autre vie, ni dans l’or, ni même dans la gloire. Non, ils plaçaient toute leur raison de vivre dans un autre. Une chair en manque d’une autre chair. L’univers tout entier, l’univers éternel, réduit à un corps périssable.
;HOMME 2
:C’était très beau, c’est vrai.
;FEMME
:Des princes saccagés par l’amour, prêts à balancer l’empire du monde.
;HOMME 2
:Ah oui, oui, la passion. Mon Dieu !
;FEMME
:“Ni la mer écumeuse au loin qui brille et danse,,
:Ni les soupirs du vent, ni ses cris et clameurs...
://L’homme âgé enchaîne ://
;HOMME 2
:“Détails au nom de quoi je vis, et puis je meurs...
;FEMME.
:“Rien ne pourrait du monde effacer ta présence...
;HOMME 1
:Moi aussi, c’est le genre que j’aime.
;FEMME
:Vous ne donnez pas cette impression.
:HOMME 1 //(à la femme)//. Quelle impression je donne ?
;FEMME
:Je ne tiens pas à vous le dire.
;HOMME 1
:C’est donc si sévère ?
;FEMME
:Vous donnez l’impression de vivre entouré de miroirs. Dans une cage de miroirs. Ainsi, vous ne voyez que vous,-meme. Après un certain temps, naturellement, vous manquez d’interlocuteurs. En plus, vous n’osez pas bouger, de crainte que les miroirs se cassent. Et c’est alors que vous prenez peur. De plus en plus peur. Vous sentez bien d’autres présences autour de vous, mais vous ne les regardez pas. Vos sens sont affaiblis, votre perception du monde est très basse, vous ne voyez que ce qui est très voyant, ainsi vous rêvez les yeux ouverts, votre âme s’est éteinte, l’inquiétude est votre fiancée et vous avez perdu jusqu’au goût de l’amour.
;HOMME 2
:C’est tout de même assez sévère.
;HOMME 1
:Je n’ai pas perdu le goût de l’amour.
;FEMME
:Je crois que si.
;HOMME 1 //(à l’autre HOMME)//.
:Vous trouvez aussi ?
;HOMME 2
:Ce n’est pas une question pour moi.
://Un bref silence, puis ://
;FEMME
:Toutes ces tragédies évanouies... Ces couloirs sanglants, ces assassinats... Comment faire pour qu’ils reviennent ?
;HOMME 2
:Réfléchissons.
://Un autre court silence. Les trois personnages sont im mobiles.//
://La secrétaire blonde réapparaît furtivement dans le fond. Hile appelle, à voix basse ://
;SECRÉTAIRE
:Psst !... Hé !...
://L'homme jeune tourne la tête vers elle. La fille blonde a enlevé sa robe. Elle est en combinaison noire très courte, avec peut-être un peignoir transparent.//
:Je suis là, tu viens oui ou non ?
://(Ll la regarde sans bouger, sans répondre.)//
:Je t’ai attendu sur le canapé en cuir. J’étais parfumée, toute prête... Je ne te plais pas ? Ou bien tu as décidé que je devais souffrir ?... Viens, je t’en prie, fais-le au moins pour moi...
://(Il se lève doucement.)//
:N’aie pas peur, tu vois bien qu’ils dorment...
://(En effet, l’autre HOMME a laissé tomber sa tête sur sa poitrine et la femme a les yeux fermés.)//
:Nous aurons eu au moins ça, toi et moi.
://Soudain la femme ouvre les yeux et demande à la fille blonde ://
;FEMME
:C’est encore vous ?
://(La secrétaire ne répond pas.)//
:Mais vous n’allez pas le lâcher ? Vous n’avez pas honte ?
;SECRÉTAIRE
:Honte de quoi ? Cet HOMME me plaît, je le lui montre.
;FEMME
:Il vous plaît tant que ça ?
;SECRÉTAIRE
:11 me plaît au-dessus de tout. Je ne vois que lui, il me déchire, je le désire, je veux qu’il me prenne, là, maintenant, vous avez un remède à ça ?
://La femme se lève.//
;FEMME
:Il existe d’autres moyens de dire à un HOMME qu’il vous plaît. Avec plus de discrétion, plus de retenue.
;SECRÉTAIRE
:La discrétion, ça ne marche jamais. En tout cas pas avec moi. Les HOMMEs, ils aiment l’évidence. Qu’on le leur dise en face, en lettres grosses comme ça.
;FEMME
:Mais pas maintenant, pas ici ! Regarde-le, il est pâle, égaré, anxieux, il attend, il joue sa vie aujourd’hui peut-être, moi aussi d’ailleurs, nous sommes ici par nécessité et, vous, vous ne pensez qu’à vous faire sauter ?
;SECRÉTAIRE
:Oui, je ne pense qu’à ça. Tout le reste, c’est de la politesse. C’est du pipeau. Moi, je vous dis ce que je sens.
;FEMME
:Essayez au moins de vous tenir un peu ! De vous dominer !
;SECRÉTAIRE
:Non ! Je veux que lui me domine ! Je veux qu’il se serve de tout mon corps ! Je le veux, je le dis, je veux m’oublier, je veux disparaître. Ça vous regarde, ce que je fais de moi ?
;FEMME
:Oui, ça me regarde ! Vous êtes là pour nous offrir des rôles, pas pour vous offrir ! Oui, il y a un remède ! Les chaleurs, ça se refroidit. Se dominer, dire non quelquefois, refuser, ces mots ont un sens tout de même !
;SECRÉTAIRE
:C’est facile de refuser quand on ne vous demande rien.
;FEMME
:Ce qui veut dire ?
;SECRÉTAIRE
:Vous vouliez le garder pour vous ?
;FEMME
:Moi ?
;SECRÉTAIRE
:Alors je peux vous rendre un grand service. Pas la peine de faire chauffer le four. Il n’est pas pour vous, le mignon.
;FEMME
:Et pourquoi ?
;SECRÉTAIRE
:Qu’est-ce qu’il irait chercher sous les jupes d’une ringarde ? Toujours à mendier quelques mots à dire, des mots écrits par d’autres ? Une traîne-couloirs, prête à accepter n’importe quoi ! Avez-vous déjà refusé quelque chose ? Jamais ! Et c’est moi qui devrais avoir honte ?
://L’homme jeune tente de les calmer, de les séparer quand elles semblent sur le point d’en venir aux mains- tandis que l’autre HOMME somnole toujours.//
;HOMME 1
:Arrêtez, voyons, mais arrêtez !... Si c’est de moi qu’il s’agit, je ne...
;FEMME
:Mais il ne s’agit pas de vous ! Qu’est-ce que vous croyez ? Il s’agit de ce carnaval, de ce gros boudin de grande surface...
;SECRÉTAIRE
:Mais tu ne t’es pas regardée ! Tu as l’air d’une sacoche vide, tu es comme un légume hors de saison !
;FEMME
:Elle s’amène dans sa lingerie de petite pute, avec ses bourrelets qui tremblotent ! Ah, elle a raison de se parfumer, sa viande se gâte ! Et tous ces froufrous, ces trous-trous, on prend encore des poissons dans ces vieux filets à dentelles ?
;SECRÉTAIRE
:Tu as tort de me parler comme ça !
;FEMME
:Je le sais, que j’ai tort ! Et je m’en fous, figure-toi ! Je n’attends plus rien de vous tous !
://(Elle s 'adresse à l’homme jeune.)// Aujourd’hui c’était la dernière fois, je vous le jure. Je me l’étais dit : aujourd’hui ou jamais. Si je n’ai pas le rôle de ma vie aujourd’hui, je renonce à tout. Pour toujours.
://(Montrant la blonde.)// Et je tombe sur ça ! Sur cette gélatine qui croit me faire peur !
;HOMME I.
:Allons, arrêtez maintenant, ne vous...
://Les deux femmes l’écartent.//
;SECRÉTAIRE //(à la femme)//.
:Tu uses ton gosier pour rien ! Tu as beau mouiller pour lui en cachette, il n’est pas pour toi, je te le répète, tu es une pauvreté, une poule sans œuf ! Il ne t’a pas encore vue !
;HOMME 1
:Vous allez vous taire toutes les deux ? Vous allez vous taire, oui ou non ?
;SECRÉTAIRE
:Me taire ? Mais il en faudrait beaucoup pour que je me taise ! Pour une fois qu’on me donne la parole, pour une fois qu’on me donne une scène, je devrais me taire ? Mais jamais ! Mais plutôt mourir !
;FEMME
:Mourir ? Plutôt mourir ? Eh bien d’accord ! Tiens !
://Elle ouvre rapidement son sac, y saisit un revolver et fait feu à deux reprises sur la secrétaire, qui se plie en deux, les mains sur le ventre.//
;HOMME 1
:Vous avez tiré ? Vous avez vraiment tiré P De vraies balles ?
;FEMME
:A votre avis ?
://Un silence. L'homme qui somnolait relève la tête et regarde autour de lui.//
://La fille blonde s’en va à reculons, titubante, se tenant le ventre. Lille disparaît.//
://La femme remet son arme dans son sac, se rassied, et reprend sa position précédente.//
://L’homme jeune lui demande ://
;HOMME 1
:Et maintenant ?
;FEMME
:Maintenant quoi ?
;HOMME 1
:Vous restez là ? Vous prenez la fuite ? Qu’est-ce que vous faites ?
;FEMME
:Pourquoi la fuite ?
;HOMME 1
:Après ce que vous venez de faire...
:¦
;FEMME
:Qu’est-ce que j’ai fait ?
;HOMME 1
:Mais... mais tout un drame ! Vous avez... vous avez pris votre arme, et vous avez tiré ! Tiré sur cette pauvre fille ! Vous l’avez tuée, peut-être !
;FEMME
:Moi ?
://L'homme plus âgé, qui les écoute, demande ://
;HOMME 2
:Un cas de rechute ?
;FEMME
:Je le crains.
;HOMME 1
:Non ! Ne me dites pas que j’ai de nouveau rêvé ! Ce n’est pas possible ! Ça sent encore la poudre !
;HOMME 2
:Moi je ne sens rien.
://Il reprend sa position, referme les yeux.//
://L’homme jeune, toujou rs agité, demande à la femme ://
;HOMME 1
:Vous avez une arme dans votre sac ?
;FEMME.
:Ça ne vous regarde pas.
;HOMME 1
:Laissez-moi voir.
://Il veut saisir le sac et l’ouvrir. La femme résiste.//
;FEMME
:Mais sûrement pas ! Rien n’est plus intime qu’un sac de femme ! Enlevez vos mains de là !
:HOMME E Vous n’avez pas tiré ? Vous ne vous êtes pas disputée avec elle ?
;FEMME
:Avec qui ?
://A ce moment éclatent des applaudissements chaleureux, comme si toute la salle applaudissait. Aussitôt l’homme âgé ouvre les yeux, se lève, s’avance vers la salle et salue.//
://Les applaudissements redoublent. On entend même des “bravo /”. L’homme salue encore, souriant. On voit ses lèvres qui murmurent des "merci’’. Il fait deux pas en arrière, revient en avant, salue encore.//
://Il montre de la main les deux autres, comme s'ils étaient ses partenaires, mais les deux autres n'ont pas bougé. Ils le regardent avec surprise.//
://L’homme salue encore, puis il sort. L'homme jeune et la femme, qui sont restés assis, regardent en coulisse, l'air toujours étonné. L’homme âgé revient, salue encore et encore, remerciant la foule. Quand les applaudissements baissent d’intensité, il demande aux deux autres ://
;HOMME 2
:Vous ne venez pas ?
;FEMME
:Où ?
;HOMME 2
:Saluer. Vous ne venez pas saluer ?
;FEMME
:Saluer qui ?
;HOMME 1
:Qu’est-ce que vous faites ?
;HOMME 2
:Je salue. Ils applaudissent, je salue, c’est normal. Ça s’est toujours fait comme ça.
;HOMME 1
:Mais ils n’applaudissent pas.
;HOMME 2
:Comment ? Vous ne les entendez pas ?
;FEMME
:Tu entends quelque chose, toi ?
://(Il tend l’oreille. Le bruit des applaudissements, qui allait faiblissant, vient de s’effacer.)//
:Ils n’applaudissent pas, ils sont silencieux, ils ne bronchent pas.
;HOMME 1
:Ils sont même tout à fait calmes.
://L’homme âgé, une main sur ses yeux, se penche pour regarder la salle.//
;HOMME 2
:Ils applaudissaient, ils criaient bravo, j’étais au commencement d’une longue série de rappels...
;HOMME 1
:Pourquoi voulez-vous qu’ils applaudissent ? Nous n’avons rien fait.
;FEMME
:Et de toute façon, ce n’est pas la fin.
;HOMME 2
:Il n’y avait vraiment rien ?
;HOMME 1
:Rien du tout.
;HOMME 2
:J’ai dû avoir l’air idiot.
;FEMME
:Un peu.
://Toujours troublé, l’homme âgé revient s’asseoir.//
;HOMME 2
:A quel moment me suis-je réveillé ?
;FEMME
:Sans doute quand tu as cessé de les entendre.
;HOMME 2
:Dire que moi aussi je me suis laissé prendre. Après tout ce que j’ai connu. Ça, ils ne l’avaient jamais fait. Jamais. Chaque jour, ils se perfectionnent.
;HOMME 1
:Vous pensez que c’était un test ?
;HOMME 2
:Disons, si vous préférez, une épreuve.
;HOMME 1
:Mais si c’était un test, nous aurions entendu, nous aussi.
;FEMME
:Ce n’est pas faux.
;HOMME 2
:A moins que vous ne soyez dans le coup, tous les deux.
;HOMME 1
:Comment ?
;HOMME 2
:Complices, oui, voilà ! Vous êtes là pour me désarçonner ! Pour me faire perdre les pédales ! Vous êtes payés pour ça ! Ils m’ont bel et bien applaudi !
;HOMME 1
:Mais non.
;FEMME
:Tu sais bien que non.
;HOMME 2
:Oui, je le sais. Tu as raison. Pardon. //(Une courte pause.)// Je n’ai rien senti. Rien du tout. Ni que je dormais, ni que je ne dormais plus. Le passage de l’un à l’autre. Rien.
;HOMME 1
:Moi non plus.
;HOMME 2
:Une glissade imperceptible. Je suis ici, je n’y suis plus. Passez muscade. Je confonds tout. //(A la femme.)// Ça t’arrive, à toi ?
;FEMME
:Quelquefois.
;HOMME 2
:Tu l’attribues à quoi ?
;FEMME
:Oh, peut-être au désir d’être apprécié, tout simplement. Dans notre cas, d’être applaudi. Mais il y a beaucoup de variantes.
;HOMME 1
:Par exemple ?
;FEMME
:Par moments, même quand je suis seule, j’entends comme deux musiques qui se mélangent, et je ne sais plus laquelle je joue.
;HOMME 1
:Comment lutter ?
;FEMME
:Je vais vous dire : je ne sais même plus si je dois lutter. J’attends quelque chose du hasard, ou peut-être de l’arbitraire. C’est tout ce que j’attends. J’ai renoncé à distinguer les choses. A me demander où j’en suis. Je ne compte sur personne, surtout pas sur moi-même. Je me sens une proie facile.
;HOMME 1
:Je vous comprends.
;FEMME
:C’est pour ça que vous me voyez si discrète, si effacée. Que je ne réagis pas, ou presque pas. Je regarde ce qui m’arrive du coin de l’œil, je fais le gros dos, j’attends le bâton.
;HOMME 1
:Oui.
;FEMME
:Je n’entreprends rien. J'apporte ma chaise. Quand on me parle, quand on paraît s’intéresser à moi, je deviens d’une prudence folle, car j’ai toujours peur de me réveiller et puis de souffrir. On dirait un piège très doux.
;HOMME 1
:Tendu par qui ?
;FEMME
:Je ne sais pas.
://L’homme jeune s’est tourné vers elle. Il est comme fasciné par ce qu’elle dit.//
;HOMME 1
:Donc, vous venez ici, vous ne cherchez rien ?
;FEMME
:Mais si, un peu d’argent. Il faut que je vive. Comme vous. C’est une obligation partagée par beaucoup.
;HOMME 1
:Rien d’autre ?
;FEMME
:Peut-être. Mais si je cherche autre chose, je le cherche partout. A chaque seconde. Dans le café que je bois, dans les animaux que je caresse. Je n’arrête pas de le chercher. //(Elle se penche vers l’homme jeune, presque à le toucher.)// Si je le trouvais un jour, je n’aurais besoin de rien d’autre. Je le saurais immédiatement. Tout le reste, je l’accepterais avec le sourire. Tout. Même qu’on se moque de moi.
://(Une pause.)//
:Il se passait quoi, dans votre rêve ? Je tirais sur qui ?
;HOMME 1
:J’ai oublié déjà.
://Au moment où peut-être ils vont se rapprocher encore, entre la fille blonde, qui a remis sa robe courte et qui est toujours très affairée.//
;SECRÉTAIRE
:Ah ! Numéro 3 ?
://(A la femme.)// C’est vous ?
;FEMME
:Oui.
://La secrétaire lui tend quelques feuilles de papier.//
;SECRÉTAIRE
:On vous a changé votre texte. Ce n’est plus de Got-terheim, c’est de Voïevski. Tenez.
;FEMME
:J’avais tellement travaillé l’autre.
;HOMME 2
:C’est souvent comme ça. Encore un de leurs trucs.
;SECRÉTAIRE
:Vous êtes encore là, vous ?
;HOMME 2
:J’attends que la pluie s’arrête.
;HOMME 1
:Il pleut ?
:SECRÉTAIRE //(à l’homme jeune)//. Vous, ne partez pas. Je vous cherche toujours quelque chose.
;HOMME 1
:Je peux vous toucher ? Juste l’épaule, là ?
;SECRÉTAIRE
:Dans quelle intention ?
;FEMME
:Monsieur veut savoir si vous êtes vraie. Il rêve de vous et ça le perturbe.
;SECRÉTAIRE
:Ah bon ? Quel genre de rêve ?
;FEMME
:Devinez.
;SECRÉTAIRE //(à l’homme jeune)//.
:Celui de Bora Bora ?
;HOMME 1
:Non.
;SECRÉTAIRE
:Alors, celui avec le canapé en cuir ?
://(Comme l’homme jeune reste muet, assez surpris, elle fait demi-tour et s’en va sur ses hauts talons.)// Allez, il faut que je file, à tout de suite !
://La femme tend une feuille à l’homme jeune.//
;FEMME
:Vous m’aidez, s’il vous plaît ?
;HOMME 1
:Oui, bien sûr.
:FEMME //(à l'autre HOMME)//. Et toi ? Tu peux jouer l’examinateur ?
;HOMME 2
:Avec plaisir.
;FEMME
:Sois sévère, au moins. Ce texte-là, je ne le connais pas.
;HOMME 2
:Compte sur moi. Sévère, mais juste.
://(Il s’assied en plein milieu, le dos au public.)// Ici, ça va ?
;FEMME
:Un peu plus par là. Sinon, tu nous caches.
;HOMME 2
:Exact.
://(Ll se déplace sur un des côtés. L’homme jeune et la femme sont debout face à face.)//
:Quand vous voulez.
:FEMME //(lisant)//. “Vous m’avez demandée, monsieur ?”
;HOMME 1
:“Oui, Volodia. Asseyez-vous.”
;FEMME
:“Ce que vous attendez de moi..
:HOMME 2 //(la coupant)//. Tu ne t’assieds pas ?
;FEMME
:Comment ?
;HOMME 2
:Il t’a bien dit “asseyez-vous” ?
;FEMME
:Oui, mais c’est juste une lecture.
;HOMME 2
:Ça n’empêche pas.
;FEMME
:Je peux m’asseoir sur ma chaise ?
;HOMME 2
:Moi, je veux bien.
:FEMME //(prenant sa chaise)//. Où par exemple ? Ici ?
;HOMME 2
:Oui. Cinquante centimètres en avant.
://(Elle lui obéit.)//
:Encore un peu. Voilà.
://(Elle s'assied.)//
:On reprend.
;FEMME //(lisant)//.
:“Vous m’avez demandée, monsieur ?”
;HOMME 1
:“Oui, Volodia. Asseyez-vous.”
;FEMME //(à l’homme âgé)//.
:Mais, là, je suis déjà assise.
;HOMME 2
:Ça te pose problème ?
;FEMME
:Un peu. Puisqu’il me dit “asseyez-vous”.
;HOMME 2
:Voyons la même chose avec toi debout et lui assis.
;FEMME
:Lui assis sur ma chaise ?
;HOMME 2
:Ou sur l’autre. Plutôt sur l’autre. Oui, là, asseyez-vous.
://L’homme jeune lui obéit et s’assied sur sa propre chaise.//
;FEMME
:Moi, je reste debout ?
;HOMME 2
:Oui. Juste pour voir. On reprend.
;FEMME //(lisant)//.
:“Vous m’avez demandée, monsieur ?”
;HOMME 1
:“Oui, Volodia. Asseyez-vous.”
;FEMME //(à l'homme âgé)//.
:Je m’assieds ou non ?
;HOMME 2
:Mais comme tu veux ! Comme tu le sens ! On ne va pas passer toute la journée sur cette chaise ! Décide-toi !
;FEMME
:Si tu savais ce que tu préfères, ça m’aiderait.
;HOMME 2
:Mais ça m’est égal ! Allez-y !
:FEMME //(lisant)//.
:“Vous m’avez demandée, monsieur ?”
;HOMME 1
:“Oui, Volodia. Asseyez-vous.”
://Elle reste debout et tente d’enchaîner ://
;FEMME
:“Qu’attendez-vous de moi, monsieur ?”
;HOMME 2
:C’est mieux de t’asseoir quand même.
;FEMME
:Evidemment.
://(Elle s’assied.)//
:“Qu’attendez-vous de moi, monsieur ?”
;HOMME 1 //(lisant)//.
:“Finir certainement avec mon espérance de vous. Avec ma volonté d’appropriation maintenant de vous. De... (il hésite) ... de pénétration maintenant de vous.”
;FEMME
:“J’entends très mal aux mots de ce langage. Pouvez-vous plus de précision cependant ?”
;HOMME 1
:“Je peux sans doute. Je peux même vous exposer les effets desquels entièrement vous avez sur mon corps supposé l’exercice.”
://(A l'homme plus âgé.)// Ça veut dire quoi ?
;FEMME
:C’est traduit du russe.
;HOMME 2
:Et ce n’est pas le sens qui compte.
;HOMME 1
:C’est quoi, alors ?
;HOMME 2
:C’est tout le reste. Tout. Reprenons.
;HOMME 1
:Sinon ça va ?
;HOMME 2
:Ça va. Sinon que vous êtes trop le nez dessus. Trop dans le sujet. Il faut vous distancer un peu.
://(L’homme jeune recule de deux ou trois pas.)//
:Mais non ! Mais d’où il nous sort, celui-là ? Ce n’est pas ça, la distanciation !
;HOMME 1
:C’est quoi ?
;HOMME 2 //(à la femme)//.
:Tu peux lui expliquer ?
;FEMME
:Ça va prendre des heures.
;HOMME 2
:Tu as raison. Bon, on enchaîne.
;HOMME 1
:Je me rapproche alors ?
;HOMME 2
:Comme vous le sentez. Allons.
;FEMME //(lisant)//
:“Vous voulez me montrer visiblement ici les effets de cela ?”
;HOMME 1 //(lisant)//
:Oui, voici d abord je vous expose en premier sous vos yeux mon..
://Il s’arrête, hésitant.//
;HOMME 2
:Eh bien ?
;HOMME 1
:J’ai du mal avec certains mots.
;HOMME 2
:Comme par exemple ?
;HOMME 1
:Le mot...
;FEMME
:Le mot “membre” ?
;HOMME 2
:Et pourquoi vous avez du mal ?
;HOMME 1
:Je ne sais pas. J’ai toujours été comme ça. Le mot ne passe pas.
;HOMME 2
:Eh bien, si le mot vous gêne, changez-le ! Mettez-en un autre à la place !
;HOMME 1
:Quel autre ?
;HOMME 2
:Un qui ait le même sens. Ce n’est pas ce qui manque, tout de même ! Sexe par exemple !
;HOMME 1
:Ah non.
;HOMME 2
:Ou bien pénis, je ne sais pas...
;HOMME 1
:Non, non.
;FEMME
:Ou queue, ou bite ?
;HOMME 1
:Non ! Arrêtez ! J’aime encore mieux “membre” !
;HOMME 2
:Alors on reprend. Dépêchons. Ça n’avance pas.
;HOMME 1 //(lisant)//.
:Oui voici, d’abord je vous expose mon membre tout érigé, non satiable, vermillon comme une colère. Je...”
://(A l'homme plus âgé)// Je peux changer là aussi ?
;HOMME 2
:Oui, oui.
;HOMME 1 //(lisant)//.
:“Je... je me dresse seulement que pour vous, Volodia. Voyez ici.”
;FEMME
:Ça vous gêne de dire “je bande” ?
;HOMME 1
:Ça me gêne un peu, oui.
;FEMME
:En toutes circonstances, ou simplement ici ?
;HOMME 1
:Surtout ici.
;FEMME
:Il faut quand même dire le texte qui est écrit. Si on se met à tout changer, où allons-nous ?
;HOMME 1
:Ecoutez, ce n’est pas mon texte, c’est le vôtre. Je faisais ça pour vous rendre service.
;HOMME 2
:Si ce genre de mots vous fait peur, votre répertoire sera limité. Autant le savoir dès maintenant.
;FEMME
:Quand vous sortez, quand vous allez dans un café, ou au cinéma, vous devez être très mal à l’aise ?
;HOMME I.
:Ça me gêne moins quand ce n’est pas à moi de parler.
;HOMME 2
:Ça, je peux le comprendre.
;HOMME 1
:Mais dire... //(Il prend le texte et lit d une traite.)// Je bande Volodia je bande et je perçois mon foutre tiède et lourd qui volcaniquement s’aspire vers votre vulve hyperbéate , excusez-moi, mais ça je ne peux pas le dire.
;FEMME
:Pourtant vous l’avez dit.
;HOMME 2
:Pas mal, même.
;HOMME 1
:Vous trouvez ? Vous trouvez que ce n’était pas mal ?
;FEMME.
:Pas mal du tout.
;HOMME 2
:Vous devriez travailler ce texte. Il est fait pour vous.
://A ce moment, le directeur et sa secrétaire court-vêtue réapparais-sent, très agités, des papiers à la main, et se dirigent vers l’homme jeune.//
;DIRECTEUR
:Ah voilà, cette fois nous tenons quelque chose de grand.
://(Il donne une feuille à l’homme jeune.)// Tenez, regardez un peu, c’est indiscutable, c’est magnifique. Vous avez vu le nom de l’auteur ? J’espère de tout cœur que vous accepterez.
://(A la secrétaire blonde.)// Lisa, vous voulez bien lui donner la réplique ?
;SECRÉTAIRE
:Je n’ose pas, monsieur le directeur.
;DIRECTEUR
:Et pourquoi, ma petite fille ?
;SECRÉTAIRE
:Je ne vais pas être à la hauteur.
;DIRECTEUR
:Mais si, mais si, allons. Nous sommes en petit comité. //Il prend une chaise et s ;assied.//
;SECRÉTAIRE
:Oui, mais la scène est tellement impressionnante.
;DIRECTEUR
:Au travail, au travail. Les vrais grands auteurs sont toujours très simples. Vous le savez bien.
://(A la secrétaire.)// C’est vous qui commencez. Mettez-vous par ici. Merci. Je vous écoute.
;SECRÉTAIRE //(lisant)//.
:“Seigneur, mes yeux ne s’attendaient point à votre venue. Où allez-vous si tristement dépenaillé ?”
://L’homme jeune répond, il ouvre la bouche et on voit qu’il parle, mais sans qu’on entende aucun son. Le directeur lui dit ://
;DIRECTEUR
:Un peu plus fort, s’il vous plaît.
://(L’homme jeune le regarde, surpris.)//
:Un peu plus fort. J’ai du mal à vous entendre.
://(A la secrétaire.)// Lisa.
;SECRÉTAIRE
:“Où allez-vous si tristement dépenaillé ?”
://L’homme jeune fait bouger ses lèvres, mais on n’entend aucun son.//
;DIRECTEUR
:Je n’entends toujours rien. Plus fort, s’il vous plaît.
;HOMME 1
:J’ai parlé plus fort.
;DIRECTEUR
:Je n’ai rien entendu.
://(A la secrétaire.)// Et vous ?
;DIRECTEUR
:Encore une fois. Parlez plus fort et articulez bien.
;SECRÉTAIRE.
:“Où allez-vous seigneur...”
;DIRECTEUR
:Non, il n’y a pas de “seigneur” là.
;SECRÉTAIRE
:Pardon.
://(Lisant.)// “Où allez-vous si tristement dépenaillé ?”
://L'homme jeune répond de la même manière, mais plus longuement. Il parle, il joue, cependant on n’entend toujours rien.//
://Le directeur se lève, s'approche de lui, tend l'oreille. Après quelques secondes, il demande ://
;DIRECTEUR
:Vous êtes sûr que vous parlez ?
;HOMME 1
:Tout à fait sûr.
;DIRECTEUR
:Vous parlez fort ?
;HOMME 1
:Aussi fort que je peux.
;DIRECTEUR
:Comment se fait-il que nous n’entendions rien, Lisa et moi ?
;HOMME 1
:Je ne sais pas.
;DIRECTEUR
:Il y a de l’air, pourtant, dans cette pièce. De l’air pour porter vos paroles. Montrez-moi ça !
://(Il lui prend la feuille de papier des mains.)// Mais bien sûr ! On lui a donné une page blanche ! Pas étonnant qu’on n’entende pas ce qu’il dit !
://(A la secrétaire.)// Qui s’est occupé de ça ? C’est vous ?
;SECRÉTAIRE
:Mais non monsieur ! C’était dans le distributeur !
://Le directeur sort furieux, suivi par la secrétaire.//
;DIRECTEUR
:Mais qu’est-ce que c’est que ce bordel, tonnerre de Dieu ? Où m’a-t-on planqué les bons textes ? Cette pagaille est inimaginable ! C’est du jamais vu !
://Ils sortent tous les deux.//
://L’homme jeune, qui reste avec la femme et l’homme plus âgé, lesquels n’ont pas bougé pendant la scène précédente, leur demande ://
;HOMME 2
:Entendu quoi ?
;HOMME 1
:Quand je pariais, vous n’entendiez rien ?
;HOMME 2
:Vous avez parié ?
;FEMME
:Qu’avez-vous dit ?
;HOMME 1
:Personne n’est entré ?
;HOMME 2
:Quand ?
;HOMME 1
:Vous êtes sûrs que vous n’avez rien vu ? Vous ne mentez pas ?
;FEMME
:Est-ce que vous nous soupçonneriez ?
;HOMME 1 //(montrant l’autre HOMME)//.
:C’est lui qui a commencé.
;FEMME.
: A faire quoi ?
;HOMME 1
:A soupçonner. A dire que vous et moi nous le trompions peut-être.
;HOMME 2
:Moi, j’ai dit ça ?
;HOMME 1
:Parfaitement. Lorsque vous avez cru entendre des bravos. Et que vous avez salué sans raison. Vous avez supposé que nous étions complices.
;HOMME 2
:Pas longtemps.
;HOMME 1
:Tout de même.
;FEMME
:Ne nous disputons pas surtout. Les choses sont bien assez dures. Si en plus nous nous déchirons... Je vous en prie.
://(A l’homme jeune.)// Pourquoi mentirions-nous ? Dans quelle intention ? Pour quoi faire ?
:HOMME 2 //(se touchant la tête)//. Pour nous faire vaciller là-dedans. Pour tout dérégler. Pour que nous nous éliminions les uns les autres.
;FEMME
:Mais vous et moi nous n’avons pas les mêmes rôles.
:HOMME l. Ou bien simplement pour nous éprouver. Ils nous écoutent, ils nous épient. C’est vous qui le dites.
;HOMME 2
:Dans quel but ?
;FEMME
:Pour nous unir. Pour nous renforcer. Donnez-moi vos mains. Formons un groupe.
://(Chacun des deux ~HOMMEs saisit une main de la femme.)// Essayons de résister.
;HOMME 2
:Et maintenant quoi ? Nous prêtons serment ?
;FEMME
:Nous nous taisons. Essayons de faire le vide. De respirer tranquillement.
://(Un court moment de silence.)// Pensons à la mer, à un chat, à des arbres le long d’une rivière...
://Ils restent un moment silencieux, puis l’homme jeune dit ://
;HOMME 1
:Moi qui venais comme un innocent. Le cœur battant.
://La femme leur lâche les mains. Elle est soudain en colère.//
;FEMME //(à l’homme jeune)//.
:Mais vous pouvez partir si vous voulez ! Arrêtez de geindre et tirez-vous ! Rien ne vous forçait à venir, rien ne vous oblige à rester ! Vous allez par là, vous dites à la fille de vos rêves que c’était une erreur, ou un malentendu, si vous avez le temps vous prenez rancard avec elle et puis vous filez ! Vous n’êtes pas enchaîné ici !
;HOMME 1
:Oui, je rn’en vais. Je m’en vais. //(lise lève et fait comme elle vient de dire. Il se dirige vers le fond, comme s’il allait sortir, puis s’arrête et se retourne pour dire .)// Mais quand on a attendu si longtemps sa convocation, avouez tout de même que c’est déconcertant de ne recevoir aucun texte.
;FEMME
:Eh bien si vous êtes déconcerté, vous faites trois pas de plus vers la porte et vous cessez de nous casser les pieds ! Tout le monde sera soulagé ! Vous le premier !
://Il se retourne vers la sortie, puis s’arrête de nouveau, se retourne, revient vers la femme et lui demande ://
;HOMME 1
:Je vous ai vraiment cassé les pieds ?
;HOMME 1
:Je vous demande pardon. J’étais au milieu de mes miroirs, comme vous avez si bien dit.
://(Une panse.)//
:Je pourrais aussi bien rester, remarquez, mais j’aurais peur de faire la joie de quelqu’un.
;FEMME
:De qui ?
;HOMME 1
:Car maintenant j’ai l’impression qu’on m’a fait venir dans un but précis. Pour se moquer de moi. Pour me ridiculiser. M’humilier.
;FEMME
:Il y en a qui aiment ça.
;HOMME 1
:Pas moi.
;FEMME
:Eh bien, si vous n’aimez pas qu’on vous humilie, rentrez chez vous, fermez vos fenêtres, ouvrez la télévision et tout sera dit.
;HOMME 1
:Vous avez raison, je le crains. //(Il fait encore une fois demi-tour et se dirige vers le fond comme pour sortir. Une nouvelle fois, il s’arrête, se retourne et demande .9 Je n’avais pas un imperméable ?//
;FEMME
:Vous savez ce que vous venez de faire, là ? Vous savez comment ça s’appelle ? Ça s’appelle une fausse sortie ! Et c’est d’une banalité ! D’un convenu ! Trois fois de suite en plus. Vous allez arrêter de faire semblant de sortir ?
;HOMME 2
:Sans même nous dire au revoir.
;FEMME
:Tout le monde ici le sait, que vous ne sortirez pas ! Pas avant que ce soit fini, en tout cas ! Vous êtes le personnage principal. Il est impensable que vous partiez. Alors s’il vous plaît, revenez et asseyez-vous.
://Il hésite un instant, puis il revient s’asseoir à sa place.//
;HOMME 2
:Ça fait du bien, un petit savon de temps en temps.
;FEMME.
:Tout le monde en a besoin.
:HOMME 2 //(à la femme)//. Toi aussi ?
;FEMME
:Et comment ! Plus fréquemment que d’autres, même.
;HOMME 2
:Je m’en doutais.
;HOMME 1
:Je suis le personnage principal ?
;HOMME 2
:Mais évidemment.
;HOMME 1
:De quoi ?
;HOMME 2
:De ce que nous jouons. Nos rôles, à nous, ne sont pas mal. Mais le centre c’est vous. D’ailleurs on vous a placé au milieu. Ça veut bien dire quelque chose.
:HOMME 1 //(à la femme)//. Et pourtant, si je reste, c’est à cause de vous.
;FEMME
:Menteur, en plus.
;HOMME 1
:Je vous assure.
;HOMME 2
:Et elle qui ne demanderait peut-être qu’à vous croire.
;HOMME 1
:Je viens de penser à une chose. //(Montrant la salle.)// Et s’il n’y avait personne, là ?
;HOMME 2
:Où ?
;HOMME 1
:Là, en face. Si tout ceci n’était qu’un coup monté, pour nous trois, pour nous faire croire que quelque chose va se passer, quelque chose qui en vaudrait la peine... Mais en réalité cette salle est vide et nue... Il n’y a personne... que des images peintes ou fabriquées... On en fait de presque parfaites maintenant ...
://Ils regardent tous les trois la salle.//
;HOMME 2
:On les entend respirer, tout de même. Et aussi tousser, quand ils s’ennuient.
;HOMME 1
:Tout cela, c’est imité. Jusque dans le détail. Pour nous faire croire qu’on nous regarde, qu’on nous écoute, que notre présence ici a quelque chose d’intéressant puisque des gens sont venus nous voir, assis là dans l’ombre, mais en réalité c’est bidon, de l’ersatz, de la fausseté...
;HOMME 1
:De quoi parlions-nous ?
;FEMME
:Vous voyez, vous m’avez déjà oubliée.
;HOMME 2
:A quoi sert votre belle mémoire ?
://(Une pause brève.)//
:Cela dit, j’entrevois tout de même quelque chose de vrai dans ce que vous disiez. Peut-être ainsi, qui sait, avant de naître, passons-nous quelque part une série d’épreuves, avant d’être acceptés au jour.
;FEMME
:Et seuls les meilleurs sont admis ?
;HOMME 2
:Bien sûr.
;FEMME
:Qu’est-ce que ça doit être, les autres.
://L’homme jeune s’adresse à la femme et lui demande ://
;HOMME 1
:Je vous disais quoi ?
;FEMME
:Que vous restiez ici à cause de moi.
;HOMME 1
:Et vous ne demandiez qu’à me croire.
:FEMME //(montrant l’homme âgé)//. Non, ça c’est lui qui le disait.
;HOMME 1
:J’hésite à prendre la parole.
;FEMME
:Pourquoi ?
;HOMME 1
:Dès que je parle, je suis interrompu.
;HOMME 2
:C’est la loi du genre.
;FEMME
:Essayez quand même.
;HOMME 1
:Tout ce que je dis est mal interprété. Ou bien je rêve, ou bien je...
://Le directeur et sa secrétaire court-vêtue entrent brusquement.//
;DIRECTEUR
:Alors ? Où en sommes-nous dans ce groupe-là ?
:HOMME 1 //(à la femme)//. Vous voyez ? Je ne peux jamais parler.
;DIRECTEUR
:Vite, nous n’avons pas le temps ! Allons, qui a prépare quelque chose ?
;SECRÉTAIRE
:Mais vous avez le numéro 3-
:DIRECTEUR //(à l’homme jeune)//. Et vous ?
;HOMME 1
:Je suis le premier, mais je n’ai toujours rien !
;DIRECTEUR
:On ne vous a rien donné ? Lisa, comment est-ce possible ?
;SECRÉTAIRE
:Nous l’avons fourni deux ou trois fois mais rien ne lui plaît.
;DIRECTEUR //(à l’homme jeune)//.
:Attention. Notre choix n’est pas illimité. A un moment ou à un autre, il faut accepter ce qu’on vous propose. Sinon, c’est la foire.
;HOMME 1
:Je comprends.
;DIRECTEUR
:Vous venez pour la première fois, n’est-ce pas ?
;HOMME 1
:Oui, monsieur.
;DIRECTEUR
:Dites-moi donc : pourquoi tenez-vous tellement à ce qu’on vous donne un rôle ? Je pose la question à tous ceux qui défilent ici. Pourquoi ? Vous n’êtes pas bien comme vous êtes ?
;HOMME 1
:Si, mais je ne suis rien.
;DIRECTEUR
:Et c’est pour cela que vous voulez un rôle ? Parce que vous n’êtes rien ? Vous pensez que vous seriez mieux dans une autre peau ?
;HOMME 1
:En tout cas, j’aurais une chance.
;DIRECTEUR
:Une chance de quoi ?
;HOMME 1
:D’être mieux.
;DIRECTEUR
:D’être mieux ou pire. Il n’y a pas que de bons rôles, vous savez. Il en existe de mauvais, et même d’épouvantables, n’est-ce pas ?
;HOMME 2
:Vous pourriez vous faire détester par ceux qui sont là. Ils risqueraient de vous attendre avec des gourdins à la sortie. Cela s’est vu.
;DIRECTEUR
:Et les rôles visqueux ? Les rôles aspirateurs ? Car on peut s oublier dans un rôle, on peut s’y perdre. Tous ceux qui ont été Napoléon, tenez, il leur en reste un joli petit grain. C’est bien pourquoi, moi qui vous parle, je n’ai jamais postulé pour une autre peau. Je suis très bien comme je suis.
;HOMME 2
:Si je peux me permettre, monsieur Guillaume, vous êtes payé pour ça. Pour ne pas accepter de rôle et pour en distribuer aux autres.
;DIRECTEUR
:Moi ? Pensez-vous ! Je ne distribue rien. J’examine, je donne mon avis, c’est tout. Ensuite les fichiers suivent la voie normale.
;HOMME 2
:Mais votre avis est important ?
;DIRECTEUR
:Il compte. Au moins je l’espère. Mais tant de facteurs interviennent. Si vous saviez.
;HOMME 1
:Lesquels, par exemple ?
;DIRECTEUR
:La bonne mine, l’impression du moment, un courant d’air, un mouvement secret. Tout ce qu’on appelle la chance. Mais j insiste. Répondez-moi. D’où vient ce désir commun d’avoir un rôle ? Vous, à votre âge, dites-moi ce qui vous attire ? Est-ce tel ou tel personnage P
;HOMME 1
:Non.
;DIRECTEUR
:L’argent ? La renommée ?
;HOMME 1
:Non, non.
;DIRECTEUR
:Quoi, alors ?
;HOMME 1
:Je crois qu’avant tout ce que je recherche, c’est... c’est un beau texte.
;DIRECTEUR
:Ah !
;HOMME 1
:Un texte qui serait au-dessus de moi. Qui dirait des choses que tout seul je ne peux pas dire.
;DIRECTEUR
:Vous demandez beaucoup.
;HOMME 1
:Un texte qui me renverserait, qui me brûlerait, oui la nuit, qui m’attaquerait, me déchirerait. Un texte auquel je n’aurais jamais pensé, dans aucune vie.
://(Le directeur s’assied, tous écoutent.)//
:J’espérais d’abord qu’on me l’enverrait chez moi, que j’ouvrirais l’enveloppe en tremblant, que je pourrais le garder quelque temps, pour m’élever peu à peu jusqu’à lui. Mais on ne m’a rien envoyé. Rien que ma convocation. Je suis venu quand même en me disant : on va te le donner à ton arrivée, ça te laissera peut-être une heure ou deux... Mais rien... Ce qu’on m’a donné, ce n était rien. Et ce n’était même pas pour moi.
://(Il peut se lever, se déplacer, comme s’il jouait.)//
:Qu’est-ce qui m’a pris ? Venir ici, m’exposer, faire rire de moi. Quand j’ai reçu ma convocation, j’ai senti le danger, j’aurais dû la déchirer, dire “non, pas moi, je suis inconnu à cette adresse . Mais dès que j’ai tenu le papier dans mes mains, en un quart de seconde j’ai su que je viendrais. Je l’ai su avec certitude. Je ne pouvais pas faire autrement. Je me demandais même pourquoi je n’avais pas reçu cette convocation plus tôt. Et j’y voyais de l’injustice. Pourquoi pas moi ? Il y en a d’autres qui sont convoqués, pourquoi pas moi ? Alors le jour où elle arrive, où vous savez que c’est elle avant même d’ouvrir l’enveloppe, vous avez beau vous dire “non, n’y va pas, tout ça c’est de la foutaise, du baratin, c’est du beurre au soleil”, vous savez déjà que vous irez. “Vous avez été sélectionné pour la prochaine audition.” Sélectionné. La date, l’heure et l’adresse. Rien d’autre. Quelle effervescence. Une audition pour quoi ? Devant qui ? On ne vous dit rien. On ne vous envoie aucun texte. Surtout on ne vous parle pas du rôle. Pas un mot. On vous laisse imaginer, tout seul, que ce sera quelque chose de premier plan. D’inoubliable. Un de ces moments qui marqueront les souvenirs et dont on parlera longtemps. On vous laisse croire qu’à partir de ce moment-là vous ferez partie de la vie des autres. Ou plutôt, c’est vous qui le croyez. Qui l’imaginez. Personne ne vous le souffle dans l’oreille.
://(Une pause, tous l’écoutent.)//
:Si seulement j’avais pu savoir plus tôt comment ça se passe. Si miMnn’nn m'avait informé m’avait aidé . l’ai dû me débrouiller même pas sûr qu’il y ait des règles. Et pourtant certains ici semblent les connaître.
://(Une pause, brève.)//
:On vient, on attend, la journée passe, plus rapidement qu’on ne s’y attendait, il y a du bordel et des engueulades, et puis il faut rentrer chez soi. Car c’est déjà fini. Au revoir, monsieur. Merci de vous être dérangé. Nous vous tiendrons au courant. Naturellement.
://Dans le silence qui suit, le directeur lui dit en se levant ://
;DIRECTEUR
:Ce n’était pas mal du tout, vous savez. Surtout pour une impro.
://(Il va pour sortir, s’arrête.)// Il n’est pas impossible que nous vous donnions une deuxième chance.
://(Il sort. La secrétaire est restée debout sur place, comme hypnotisée. Le directeur réapparaît et la rappelle.)// Lisa, vous êtes là ?
;SECRÉTAIRE
:J’arrive, j’arrive.
://Elle reprend ses esprits et sort à son tour. Les trois candidats restent seuls.//
;HOMME 2
:Ce qui est drôle, c’est que, les fois suivantes, on a exactement les mêmes sentiments. Vous savez ce qu’on se dit ? //(L’homme jeune secoue la tête.)//
:On se dit : s’ils te rappellent, au fond, c’est qu’ils n’étaient pas si mécontents que ça, la première fois. On se raconte alors tout un roman à épisodes.
;FEMME
:Plus on vous dit non, plus vous y croyez.
:HOMME 1 //(à la femme)//. Pourquoi vous n’avez pas insisté pour qu’ils vous entendent ?
;FEMME
:Après votre monologue, je n’ai pas osé.
;HOMME 2
:Il a été très bien reçu, c’est vrai.
;HOMME 1
:Vous croyez ?
;HOMME 2
:Ah oui. Et c’est coton, les monologues. Je vous le dis. Pour moi, c’est une vraie galère. Dès que je me lance, moi aussi
;HOMME 1
:Par qui ?
;HOMME 2
:Eh bien vous voyez, par vous par exemple. Vous venez de m’interrompre. Et tout à coup je suis perdu. Ce que j’avais à dire m’est sorti de la tête et n’y reviendra plus. Ma pensée s’enfuit dans l’espace. Comment courir après ? De tout ce que j’ai traversé, que me reste-t-il ? De tous mes postiches, de tous mes habits, de tous les mots qu’on m’a donnés ? Car j’ai habité des textes extraordinaires, vous savez, j’ai exprimé des beautés inouïes, et quand j’ouvre la bouche je parle comme un plouc. Alors je préfère me taire.
;HOMME 1
:A votre avis, aujourd’hui, je ne dois plus rien espérer ?
;FEMME
:On vous a accordé au moins quatre minutes.
;HOMME 2
:Estimez-vous heureux.
://Le diable réapparaît à ce moment-là, presque timidement, et demande ://
;DIABLE
:C’est moi. Je peux me joindre à vous ?
;HOMME 2
:Personne ici ne vous a appelé !
;DIABLE
:Je sais bien. Mais je m’ennuie dans mon petit placard. Je peux venir ?
://(Ils’assied en retrait, sur une chaise.)// Je vais m’asseoir ici. La présence humaine me fait du bien. Si vous saviez.
;HOMME 2
:Vous n’avez rien entendu dire à travers les portes ?
;DIABLE
:A quel sujet ?
;HOMME 2
:A notre sujet.
;DIABLE
:Ah non. Rien de particulier. Apparemment, c’est la routine.
;HOMME 2
:Aucun grand rôle n’est passé par là ?
;DIABLE
:Pas que je sache.
;HOMME 2
:Et la situation en général ? Il y a du neuf ?
;DIABLE
:Vous voulez dire : concernant la planète ?
;DIABLE
:Il y a sans arrêt du neuf. Et ça nous sidère. Tenez, cet immense effort pour aller chaque jour encore plus loin dans l’épouvantable. Ce n’était pas prévu. Le plan initial a craqué, et nous ne savons pas pourquoi. Tout ce qu’on vous suggère d’abominable, vous sautez dessus. Et même vous inventez. C’est totalement déroutant. Certains jours j’en discute avec Gabriel. Par moments il est tellement en colère qu’il prend son grand balai et dit : Allez, ça suffit comme ça ! On efface tout et on recommence ! Ou tout simplement on efface tout. Sans recommencer.
;HOMME 1
:Vous avez encore des fidèles ?
;DIABLE
:Mais bien sûr.
;FEMME
:Combien ? Vous le savez ?
;DIABLE
:En Europe, cela varie entre les pays, mais je tourne autour de 35 %. Ça suffit pour vivre.
://L’homme âgé se lève soudain et demande ://
;HOMME 2
:Je suis ici depuis longtemps ?
://(Aux deux autres.)// J’étais là quand vous êtes arrivés ?
;FEMME
:Oui, tu étais là. Tu ne t’en souviens pas ?
;HOMME 2
:Depuis longtemps ?
;FEMME
:Comment le saurais-je ?
;HOMME 1
:Moi, je suis arrivé avant vous. Mais de peu.
;HOMME 2
:Donc, je n’étais pas le premier.
;FEMME
:Dis donc, ça ne s’arrange pas.
;HOMME 2
:Si encore il n’était question que de ma mémoire. J’arriverais à ne pas y penser. Une mémoire, ça s’oublie. Mais cela va beaucoup plus loin.
;HOMME 1
:Par exemple ?
;HOMME 2 //(tendant la main)//.
:Vous voyez cette main ? A qui pensez-vous qu’elle appartienne ? Hein ? A qui est cette main ? Vous allez me dire : elle est à vous, c’est votre main. Mais regardez ce pied : vous trouvez que cette main va avec ce pied ? Absolument pas. Ils n’ont rien en commun. Rien. Elle n’a même pas de rapport avec l’autre main. Je suis fait de tout petits morceaux, vous comprenez ? Et tout ça ne tient pas ensemble. Sans même parler de la tête, et de mes organes internes. A force de passer d’une peau à l’autre, je suis comme de la viande hachée. Comme un puzzle sans solution, où les pièces ne s’emboîtent pas. Un peu de celui-ci, un peu de celui-là... Ici, j’ai froid, là j’ai plutôt chaud... Mes sentiments sont éparpillés, je manque d’adhérence, je suis en pièces détachées... Mes atomes sont séparés les uns des autres, voilà. A chaque instant, maintenant, je suis menacé de dissolution. Si je vous serre la main, j’ai peur de passer à travers la vôtre.
://La secrétaire revient à ce moment-là. Elle se dirige vers l'homme âgé et lui dit ://
;SECRÉTAIRE
:Bon. Vous pouvez partir. Nous n’avons rien pour vous, finalement.
;HOMME 2
:Alors pourquoi m’avez-vous convoqué ?
;SECRÉTAIRE
:C’est ma faute, pour une fois. J’ai cru qu’il y aurait quelque chose, mais non.
;HOMME 2
:Je reviens demain ?
;SECRÉTAIRE
:Après-demain, plutôt.
;HOMME 2
:Vous aurez quelque chose après-demain ?
;SECRÉTAIRE.
:J’espère. Je vous appellerai.
;HOMME 2
:Vous avez mon nouveau numéro de portable ?
;SECRÉTAIRE.
:Mais oui. Allez.
://Elle le raccompagne jusqu ’à la sortie, elle le pousse presque. Sur le pas de la porte, il demande en baissant la voix ://
:FIOMME 2. Il ne vous resterait pas un ticket de restaurant, ou deux ?
;SECRÉTAIRE
:Demandez à la caisse en sortant. Et n’oubliez pas de signer.
://Au moment où l’homme âgé sort, le plus jeune lui demande ://
;HOMME 1
:Vous sortez vraiment ? Ou vous faites semblant ?
;HOMME 2
:Je fais semblant. Comme vous tout à l’heure.
;HOMME 1
:Nous nous reverrons ?
;HOMME 2
:C’est probable.
://La secrétaire le prend par les épaules pour le faire sortir.//
;SECRÉTAIRE
:Mais vous vous incrustez, ou quoi ? Je vous ai dit qu'il n’y a rien ! Sortez !
;HOMME 2
:Je sors, je sors.
://Il sort. La secrétaire revient vers le diable, qu’elle réveille sans ménagement.//
;SECRÉTAIRE
:Et vous aussi ! Allez, debout !
://Le diable se lève, mal réveillé.//
;DIABLE
:Quelle heure est-il ?
;SECRÉTAIRE
:Il est tard. Allez. Il faut s’en aller.
;DIABLE
:Je reviens avec le même costume demain ?
;SECRÉTAIRE
:Non, je vous préfère en don Juan.
;DIABLE
:Alors en don Juan. D’accord.
://Il va mollement vers la porte, quand l’homme jeune lui demande ://
;HOMME 1
:Qu’est-ce que vous faites, exactement ? Quel est votre rôle, ici ?
;DIABLE
:Moi ? Je provoque des réactions. J’arrive, je parle, je fais deux ou trois petits trucs...
;HOMME 1
:Et pendant ce temps on nous observe ?
;DIABLE
:Voilà. Vous savez, ils donnent l’impression d’être brouillons, mais en fait...
://La secrétaire l’interrompt, le poussant lui aussi vers la porte.//
;SECRÉTAIRE.
:Allez, ça n’a aucun intérêt ! C’est fini tout ca !
;DIABLE
:... en fait c’est très calculé, très au point...
;SECRÉTAIRE
:Sortez, sinon je ne vous appelle plus !
://(Le diable sort à contrecœur. La secrétaire aux deux autres.)// Pour moi, partir d’ici, c’est une délivrance. Pour eux, tout un calvaire. J’espère au moins que, vous, vous serez raisonnables.
://L’homme âgé réapparaît à ce moment-là. Il a mis un manteau et il tient des feuilles de texte à la main.//
:Quoi ? Qu’est-ce que vous voulez encore ?
;HOMME 2
:Non, rien. Non, rassurez-vous, je m’en vais. Mais en mettant mon manteau, j’ai trouvé ce texte dans ma poche, je n’y pensais plus...
://(A l'homme jeune.)// Il va peut-être vous convenir, qui sait ?
;HOMME 1
:11 est de qui ?
;HOMME 2
:Pas de nom d’auteur.
;HOMME 1
:Et vous n’en faites rien ?
;HOMME 2
:Plus maintenant. Je l’ai lu, je l’ai aimé je crois, il aurait pu me convenir autrefois, mais la main passe. A d’autres les bons rôles.
;HOMME 1
:Merci.
;SECRÉTAIRE
:C’est fini maintenant, oui ou non ?
;HOMME 2
:Oui, oui, c’est bien fini. Je sors.
://(A l’homme jeune et à la femme.)// A un de ces jours, sûrement. Au plaisir de vous applaudir.
;HOMME 1
:Au revoir.
;FEMME
:Au revoir.
://L'homme âgé sort. La secrétaire revient une fois de plus vers les deux autres quand le diable réapparaît à son tour, son épée à la main (il a mis un imperméable sur son costume)// et dit :
;DIABLE
:Je peux laisser mon épée ici ? L’autre jour on me l’a tordue dans l’autobus.
;DIABLE
:Ne la perdez pas. Elle me sert aussi pour don Juan.
;SECRÉTAIRE
:Soyez tranquille. Allez, au revoir.
://Le diable revient vers la porte, quand l’homme âgé réapparaît lui aussi et demande à la secrétaire ://
;HOMME 2
:Et moi ? Je peux attendre que la pluie s’arrête ?
;DIABLE.
:Il pleut ?
;HOMME 2 //(montrantson manteau mouillé)//.
:Regardez. J’ai à peine fait trois pas dans la rue.
;DIABLE
:Dites donc, c’est une grosse averse.
;HOMME 2
:Et le premier abri est loin.
;DIABLE //(à la secrétaire)//.
:Vous auriez un grand parapluie ? Je vous le rapporte sans faute.
;SECRÉTAIRE
:Bon, vous l’aurez voulu, je vais chercher monsieur Guillaume.
://Elle sort rapidement par le fond.//
://Le diable se rassied sur la chaise qu ’il occupait précédemtnent. Ll a l’air fatigué. Bientôt, sa tête va retomber sur sa poitrine. L'homme âgé se tient debout près de la porte. De temps en temps, il jette un coup d'œil à l’extérieur, comme pour s’assurer qu’il pleut toujours.//
://Tout se concentre sur la femme et l’homme jeune, assis au premier plan.//
://Après un instant de silence, l’homme jeune demande, en lisant son texte ://
;HOMME 1
:Ça finit quand ?
;FEMME //(lisant elle aussi)//.
:Bientôt.
;HOMME 1
:Nous allons devoir partir d’ici, nous aussi ?
;FEMME
:Evidemment.
;HOMME 1
:Déjà ?
;HOMME 1
:Nous sommes côte à côte vous et moi depuis un assez long moment, et nous ne nous sommes presque rien dit.
;FEMME
:Je l’ai remarqué.
://En disant ces mots, elle a abaissé la feuille de papier qu’elle tient, mais qu’elle ne lit plus. Elle continuera à parler sans lire. Bientôt, la feuille lui échappera des mains et glissera sur le sol.//
;HOMME 1
:J’aurais peut-être dû m’intéresser à vous.
;FEMME
:Peut-être.
;HOMME 1
:Maintenant le soir s’approche. Dans peu de temps, nous ne... //(il a du mal à lire)// ... nous ne pourrons plus nous voir, nous parler. Alors nous nous séparerons.
;FEMME
:C’est prévu.
;HOMME 1
:Nous irons chacun de notre côté et peut-être... peut-être perdrons-nous tout souvenir l’un de l’autre...
;FEMME
:A qui la faute ?
://Il abandonne à son tour son texte, qui bientôt glissera également sur le sol, regarde la femme et lui demande ://
;HOMME 1
:C’est moi le coupable ?
;FEMME
:Je ne suis pas sûre qu’il y ait un coupable. Mais s’il y en a un, ce n’est pas moi.
;HOMME 1
:Et pourquoi ?
://Elle le regarde à son tour et garde un instant le silence avant de lui dire ://
;FEMME
:Je savais que nous n’aurions qu’un temps limité. Comme d’habitude. Or, dès que je suis entrée, je vous ai vu. Je vous ai très bien vu. Je me suis même dit : “Tiens, une surprise. Les ~HOMMEs comme lui se font rares. Ne le troublons pas.”
://A ce moment, le directeur et la secrétaire rentrent par le fond. La secrétaire voudrait intervenir, mais le directeur la calme d’un geste. Ils restent dans le fond, attentifs. Tous les personnages sont maintenant en scène.//
;HOMME 1 //(à la femme)//.
:Vous m’avez vraiment remarqué ?
;FEMME.
:Dès mon arrivée.
;HOMME 1
:J’ai du mal à vous croire.
;FEMME
:C’est pourtant vrai.
;HOMME 1
:Qu’est-ce que j’ai de rare ?
;FEMME
:Je crois vous l’avoir dit.
;HOMME 1
:Ça ne m’a pas frappé.
;FEMME
:Eh non.
;HOMME
:Vous auriez dû faire quelque chose. Je ne pouvais pas deviner.
;FEMME
:J’ai essayé toutes les approches possibles, même au début l’indifférence. Peine perdue. Vous n’avez pas cessé de parler de vous, de vous agiter. De m’agresser.
;HOMME 1
:Moi ?
;FEMME
:Oui, de m’agresser, de m’ignorer. Vous ne vous intéressiez qu’à cette blonde de synthèse. Vous cherchiez un texte, vous vouliez un rôle. Vous l’aviez là, à portée de la main.
;HOMME 1
:Ce n’est pas vrai.
;FEMME
:Si ce n’était pas vrai, pourquoi vous le dirais-je ? Quand vient le soir, les langues s’affranchissent. //(Les lumières commencent à baisser.)// On se parle mieux dans la pénombre. Même s’il est trop tard, et si nous le savons. Toujours pareil. On cherche ailleurs ce qu’on a dans la poche.
://Les lumières baissent encore un peu.//
://Le diable se réveille et dit ://
;DIABLE
:Les lumières baissent, mais cette fois je n’y suis pour rien. //(Ilreprend sa position.//
;HOMME 1
:Vous ne pourriez pas, vous qui semblez être connue ici, vous ne pourriez pas demander qu’on nous rajoute quelques pages ?
;FEMME
:Vous vous trompez. Je ne suis pas connue.
;HOMME 1
:Quelques lignes, au moins.
;FEMME
:Non, je ne peux pas.
;HOMME 1
:Je commençais à me sentir en confiance auprès de vous.
;FEMME
:Il était bien temps.
;HOMME 1
:J’aurai une chance de vous revoir ?
;FEMME
:Je ne sais pas encore.
;HOMME 1
:Vous venez souvent ici ?
;FEMME
:Je viens quand on me convoque.
;HOMME 1
:Tout ce temps perdu à répéter. A me demander de vous aider avec votre texte.
;FEMME
:C’était uniquement pour attirer votre attention. Mon texte, je le connais par cœur.
;HOMME 1
:Votre nom, au fait ?
://(La femme ne lui répond pas. Il insiste.)//
:Je vous en prie.
://(Elle ne dit toujours rien.)//
:Pourquoi vous ne me répondez pas ?
://Le diable, qui se rapproche, lui répond ://
;DIABLE
:Parce que c’est fini.
://L’homme plus âgé, qui a entendu, demande ://
;HOMME 2.
:C’est fini ?
;DIRECTEUR
:Mais oui.
;HOMME 2
:C’est sûr ?
;DIRECTEUR
:Si je vous le dis.
;HOMME 2
:Alors on peut saluer ?
;DIRECTEUR
:Vous pouvez.
;HOMME 2
:C’est bien vrai cette fois ? Vous n’allez pas me laisser saluer seul, comme un imbécile ?
;DIRECTEUR
:Mais non. //(Il se lève avec la secrétaire, et ils se rapprochent.)// Nous venons, nous aussi.
://Le diable tend la main à l’homme âgé, comme pour le rassurer, et lui dit ://
;DIABLE
:Donne-moi la main.
://(Et à la femme.)// Vous aussi. Ça ne brûle pas.
://Lentement, ils se prennent tous par la main. Le jeune HOMME demande encore ://
;HOMME 1
:Et s’ils n’applaudissent pas ?
;FEMME
:Nous reviendrons
//Fin.//
^^ISBN 978-2-7427-9047-0^^
!Auto-stop//
^^Matéi Visniec^^//
>La fille. L'homme. La fille fait de l'auto-stop. Une voiture passe sans s'arrêter. L'homme arrive. Il fait lui aussi de l'auto-stop. Une autre voiture passe sans s'arrêten
;L'homme
://(criant après la voiture)//
: Espèce de salauds l
://(Pause. A la fille)//
:T'as vu, les salauds ? Ils ne nous ont même pas regardes.
;La fille
: Mais si.
;L'homme
:Tu vas où ?
;La fille
:A Carson City.
;L'homme
:A Carson City ? Mais c`est dans l'autre direction, Carson City.
;La fille
:Non, c'est par là.
;L'homme
:T'es sûre ?
;La fille
:Oui.
;L'homme
:De toute façon, ils ne s'arrêtent pas. Ils nous traitent comme si on était des homes kilométriques. D'ailleurs, même les bornes, ils les regardent avec plus d'attention. Mais c'est normal. Les bornes, au moins, ça indique quelque chose...
://(Pause)//
:Et qu'est-ce que tu vas faire à Carson City ?
;La fille
:Je vais voir mon père.
;L'homme
:Il habite Carson City ?
;La fille
:Oui.
;L'homme
:C'est loin, Carson.
;La fille
:Oui.
;L'homme
:Personne ne te prendra jusqu'à Carson.
://(Pause. Une autre voiture passe. L'h0mme et la ?lle font signe pour l'arrêter, mais sans succès)//
:Cest loin, Carson. Moi, je vais à Kenstown.
;La fille
:Kenstown c'est de l`autre côté.
;L'homme
:T`es sûre ?
;La fille
:Oui.
;L'homme
:Merde ! Et pourtant on m'a dit que c`était dans cette direction-là.
;La fille
:Non, c'est dans l'autre sens.
;L'homme
:De toute façon, je m`en fous. Je peux aussi bien aller à Carson. Quoique c'est un peu loin.
://(Pause)//
:Ça te dérange, si je Vais, moi aussi, à Carson ?
;La fille
:Non.
;L'homme
:En effet, je ne suis jamais allé à Carson.
;La fille
:Moi non plus.
://(Pause)//
;L'homme
:Tu ne veux pas coucher avec moi ?
;La fille
:Où ça 7
;L'homme
:Là... Il suffit de s'eloigner un peu de la route.
;La fille
:Je ne peux pas le faire par terre.
;L'homme
:On le fera debout.
;La fille
:Je n'aime pas faire l'amour debout.
;L'homme
:Mais c'est bien, debout...
;La fille
:Je n'aime pas qu'on me voie.
;L'homme
:Mais on s'en fout. De toute façon, si on s'éloigne assez, personne ne nous verra.
;La fille
:On ne! peut jamais s'eloigner assez, dans un desert. Même si on marche jusqu'à la ligne de l'horizon, ils nous verront.
;L'homme
:Et alors ?
;La fille
:Je n'aime pas être klaxonnée par les camionneurs quand je fais l'amour.
;L'homme
:Bon, alors on le fera à Carson.
;La fille
:Si tu veux.
://(Pause. Une autre voiture passe. La fille fait signe pour
l'arrêter, tandis que l 'homme reste immobile)//
;L'homme
:Ça me touche que tu aies accepté de faire l`amour avec moi.
://(Pause)//
:Il y a un tas de femmes qui ne l'auraient pas fait. Les femmes sont toutes pareilles. Mais toi, tu es différente.
;La fille
:Je ne sais pas.
;L'homme
:Mais si, tu es différente. On le fera dans un motel, d'accord ?
;La fille
:Oui.
;L'homme
:On peut s'alrêter un peu avant, à 1'entrée de la ville. Il doit y avoir pas mal de motels...
;La fille
:Oui.
;L'homme
:Ou, si tu veux, tu peux aller d'abord voir ton père.
;La fille
:Non, je le ferai après.
;L'homme
:Ça ne me dérange pas si tu vas voir ton père avant
;La fille
:Ce n'est pas un problème. Il peut attendre.
;L'homme
:Ça fait longtemps que tu ne l'as pas vu ?
;La fille
:Oui.
;L'homme
:Et il sait que tu dois venir ?
;La fille
:Non.
;L'homme
:Bon, alors... on fait comme tu veux. On peut aussi passer toute la nuit à l'hôtel, si tu veux, et puis tu vas voir ton père demain. Ça te va ?
;La fille
:Oui.
;L'homme
:Tu t'appelles comment ?
;La fille
:Jane.
;L'homme
:Ça me touche... Sache que tout ce que tu m'as dit me touche. Même si on ne le fait pas à Carson, ça me touche.
;La fille
:Il n'y a aucune raison de ne pas le faire, à Carson.
;L'homme
:Tu n'es pas comme les autres. C'est ça qui me touche. Tu n'es pas comme les autres garces. C'est ça qui est rassurant.
://(Une voiture passe. Ni la fille, ni l'h0mme n'essaient de l'arrêter)//
:On met combien de temps, d'ici, en voiture, jusqu'à Carson ?
;La fille
:Trois ou quatre heures.
;L'homme
:Ça veut dire que si on a de la chance, avant le coucher du soleil, on sera à Carson.
;La fille
:Oui.
;L'homme
:On sera dans un lit bien chaud dans une chambre bien fraîche... Tous les deux...
;La fille
:Oui.
;L'homme
:Ça me touche... Ça me touche d'autant plus que tu es jolie. Tu es même très jolie. Tu n'es pas comme les autres. Il y a des femmes qui sont jolies mais qui sont des vraies garces. Et je les hais. Dès que je les vois, je les hais. Plus elles sont jolies, plus je les hais, car je sais qu'elles sont des garces. Mais toi, tu n'es pas comme les autres...
://(ll se met à pleurer. Pause)//
:Ecoute, je vais quand même aller à Kenstown...
://(ll se mouche, il sort son porte-monnaie)//
:J'ai un billet de dix dollars, si tu veux.
;La fille
:Non, c'est bon.
;L'homme
:Je suis désolé...
://(Il remet le billet dans le porte-monnaie.)//
:Finalement, c'est mieux si je vais à Kenstown... Mais tout ce que tu m'as dit m'a beaucoup touché... Allez, au revoir. _ _. Et bonne chance...
;La fille
:Bonne chance à toi...
;L'homme
:T'es sûre, sûre que c'est par ici, Kenstown ?
;La fille
:Oui...
;L'homme
:Bon, je vais par là, alors... C'est ton vrai nom, Jane ?
;La fille
:Oui.
;L'homme
:On se donne la main, Jane 7
;La fille
:Oui.
//(Ils se serrenl la main. Il part. Le bruit d 'une voiture qui s'approche)//
!Automne malade//
^^Guillaume Apollinaire^^//
Automne malade et adoré
Tu mourras quand l’ouragan soufflera dans les roseraies
Quand il aura neigé
Dans les vergers
Pauvre automne
Meurs en blancheur et en richesse
De neige et de fruits mûrs
Au fond du ciel
Des éperviers planent
Sur les nixes nicettes aux cheveux verts et naines
Qui n’ont jamais aimé
Aux lisières lointaines
Les cerfs ont bramé
Et que j’aime ô saison que j’aime tes rumeurs
Les fruits tombant sans qu’on les cueille
Le vent et la forêt qui pleurent
Toutes leurs larmes en automne feuille à feuille
Les feuilles
Qu’on foule
Un train
Qui roule
La vie
S’écoule
!!!!!!Guillaume Apollinaire, Alcools, 1913
{{center{
!Autre éventail
}}}
Ô rêveuse, pour que je plonge
Au pur délice sans chemin,
Sache, par un subtil mensonge,
Garder mon aile dans ta main.
Une fraîcheur de crépuscule
Te vient à chaque battement
Dont le coup prisonnier recule
L'horizon délicatement.
Vertige ! voici que frissonne
L'espace comme un grand baiser
Qui, fou de naître pour personne,
Ne peut jaillir ni s'apaiser.
Sens-tu le paradis farouche
Ainsi qu'un rire enseveli
Se couler du coin de ta bouche
Au fond de l'unanime pli !
Le sceptre des rivages roses
Stagnants sur les soirs d'or, ce l'est,
Ce blanc vol fermé que tu poses
Contre le feu d'un bracelet.
!!!!!Stéphane Mallarmé
!!!!!!//Oeuvres Poétiques I//
!B.B. OU MUSICOLOGIE
// A jouer avec des temps de réflexion très longs.//
;UN
:Parce qu’il y a une chose qu’il faut jamais oublier, n’est-ce pas ? Une chose qu’il faut avoir tout le temps présente à l’esprit, sans ça on ne comprend pas... C’est qu’à ce moment-là, au moment où il écrivait ça... eh ben, il était sourd.
;DEUX,
//après un temps//
:Beethoven.
;UN
:Beethoven. Sourd. Et sourd des deux oreilles.
;DEUX
:Ouais...
;UN
:Ouais !
;DEUX
:Ouais, mais quand même :c’est pas avec ses oreilles qu’il écrivait ? hein ?
;UN
:Beethoven ?
;DEUX
:Beethoven.
;UN
:Non. Je n’ai pas dit ça.
;DEUX
:Il écrivait comme tout le monde, Beethoven. Avec ses doigts. C’est pas parce qu’il était sourd qu’il ne pouvait pas écrire.
;UN
:Non.
;DEUX
:Alors, faut pas dire ça.
;UN
:Quoi
:ça ?
;DEUX
:Eh bien . ce que vous dites.
//Un temps.//
;UN
:Quoi, quoi... Il n’était pas sourd, Beethoven ?
;DEUX
:Si.
;UN
:Alors ?
;DEUX
:Mais c’est pas ça qui l’empêchait d’écrire.
;UN
:Justement ! C’est ça, qui est extraordinaire !
;DEUX
:Extraordinaire ! Mais mon pauvre ami, moi qui vous parle, quand il faut que j’écrive, vous savez ce que je fais ?
;UN
:Non.
;DEUX
:Je me bouche les oreilles. Pour ne pas entendre les autos — le raffut qu’ils font dans la rue. Avec de la cire, je me les bouche.
;UN
:Les oreilles ?
;DEUX
:Les oreilles.
;UN
:Eh bien ça prouve que vous n'êtes pas Beethoven, voilà tout.
;DEUX
:Moi ?
;UN
:Mais oui, vous, parfaitement. Ne faites pas la bête.
//Un temps.//
;DEUX
:Beethoven ! Moi !
;UN
:Vous, oui. Pas Beethoven, bien sûr, vous.
;DEUX
:Mais je ne vous ai jamais dit que j’étais Beethoven !
;UN
:Je sais bien que vous n’êtes pas Beethoven..
;DEUX
:Seulement quoi ?
;UN
:Seulement vous faites comme lui.
;DEUX
:Pour écrire !
;UN
:Pour écrire, oui. Vous l’imitez.
;DEUX
:Je me bouche les oreilles ?
;UN
:Oui.
;DEUX
:Oh, ben naturellement, c’est moi qui vous l’ai dit.
//Un temps.//
:De là à conclure que je me prends pour Beethoven... Dites !...
;UN
:Y a qu’un pas.
;DEUX
:Oui, mais y a un pas.
;UN
:Et un pas de géant. Parce que vous avez beau vous boucher les oreilles pour écrire, eh ben, ce que vous écrivez, hein !...
;DEUX
:C’est pas de la musique.
;UN
:C’est pas de la musique.
;DEUX
:Non.
;UN
:Non.
;DEUX
:C’est plutôt une lettre à ma petite soeur, par exemple.
;UN
:Eh oui.
;DEUX
:Remarquez...
;UN
:C’est joli quand même !
;DEUX
:Oui.
;UN
:Mais c’est pas de la musique.
;DEUX
:Non.
;UN
:Je ne vous le fais pas dire. deux
:Non. Vous ne me faites rien dire du tout. Je dis ce que je veux.
;UN
:Que vous dites.
;DEUX
:Et ce qui prouve que j’ai raison, c’est que Bach, hein ?
;UN
:Bach...
;DEUX
:Jean-Sébastien.
;UN
:Bach, oui. Eh ben ? deux
:Eh ben, il était pas sourd.
;UN
:Non. Mais Bach, c’est pas pareil.
;DEUX
:Non, c’est pas pareil.
;UN
:C’est un classique.
;DEUX
:C’est un classique, Bach.
;UN
:Bach.
;DEUX
:Bach. Tandis que Beethoven...
;UN
:C’est le contraire.
;DEUX
:Voilà. C’est le contraire. Beethoven. Bach. UN
:Pas exactement.
;DEUX
:Non.
;UN
:Bach.
;DEUX
:Le contraire ?
;UN
:De Beethoven. deux
:Bach ? Non.
;UN
:Non.
;DEUX
:C’est de la musique quand même. On a beau dire ceci, on a beau dire cela, eh ben tous les deux, hein ?
;UN
:C’est de la musique. D’ailleurs, Beethoven lui-même, quand il était plus jeune, quand il avait dans les...
;DEUX
:Oui, quand il avait l’âge de Bach...
;UN
:Eh bien, Beethoven lui-même, il était pas sourd.
;DEUX
:Du tout.
;UN
:Du tout.
;DEUX
:A cette époque-là, Beethoven, il aurait entendu voler une mouche.
;UN
:Oh ! plus que ça. Deux, trois, quatre mouches, il aurait entendu voler.
;DEUX
:Surtout qu’il y en avait, des mouches, à cette époque-là.
;UN
:Oui.
;DEUX
:Oui.
;UN
:M’enfin tout ça, c’est de l’histoire, c’est de la musicologie, on va pas discuter...
;DEUX
:Non. Du moment que nous, on n’est pas sourd, eh ben...
;UN
:Eh ben...
;DEUX
:Eh ben... //(rires).//
!!!!!Roland Dubillard - Les diablogues et autres inventions à deux voix
{{center{
((Éveline et Marie-France jouent BAVARDAGES COTÉ JARDIN au Château des Rentiers le 22 mars 2016(^
<<tiddler VideoAide>>)))
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^^[[WEEZO|http://weezo.net/ateliertheatre]]^^
!BAVARDAGES COTÉ JARDIN
}}}
//Anny Daprey //
;Anémone
:Salut Capucine. T’as bien dormi ?
;Capucine
:Bonjour Anémone… Comme une fleur. C’est le cri du coq..uelicot qui m’a réveillée.
;Anémone
:T’as bonne mine en tout cas ce matin, je dirais même que t’as l’air carrément épanouie !
;Capucine
:Ouais, je suis toute contente. Notre beau jardinier est passé hier…il m’a refait une beauté. Ca se voit hein ?
;Anémone
:Un peu que ça se voit, t’es fraîche comme une rose.
;Capucine
:Merci. Au départ je croyais qu’il allait me refaire les racines, mais finalement, il m’a sarclée. Il y avait longtemps que ça ne m’était pas arrivé, j’en étais toute retournée.
;Anémone
:Ah…Je comprends mieux cette mine réjouie ! Se faire sarcler par Dédé, alors là c’est le top !
;Capucine
:Et puis il a une façon de me parler, je fonds ! Il m’a dit plein de mots doux, il m’a caressée, arrosée…comment veux tu que je résiste, j’ai fait une poussée dans la nuit !
;Anémone
:Ben moi il n’est pas encore venu me voir…
;Capucine
:T’inquiète pas, il va faire le tour du jardin, comme d’habitude, tu vas l’avoir ta visite !
;Anémone
:Peut-être qu’il me trouve moins belle que toi !
;Capucine
:Ca va pas non ? Tu es superbe !! Regarde, tu es pleine de boutons en plus ! Oh la attention, notre roi se lève !
Elles se dressent fièrement regardent vers le ciel, béates, souriantes, et font une révérence.
Ce qu’il est beau avec ses rayons du matin !! Ah, on y voit un peu plus clair…mais… mais dis donc, y’a une nouvelle ?
;Anémone
:Ouais, arrivée d’hier. C’est une pervenche.
;Capucine
:Elle sort d’où ? Ben en tout cas elle a l’air drôlement autoritaire !
;Anémone
:J’en sais rien, je ne lui ai pas encore parlé, mais il parait qu’elle distribue des papillons.
;Capucine
:Ah ouais ?? J’adore !! Ben en tout cas elle fait un peu la gueule pour l’instant non ?
;Anémone
:Faut le temps qu’elle s’habitue. Et puis ça ne lui plait peut-être pas que Dédé l’ait plantée là, comme ça…
;Capucine
:Elle va avoir du souci.
;Anémone
:Oh non, je ne crois pas, il est loin le souci, il est au fond du jardin. Et puis c’est un souci qui a l’air d’avoir des problèmes, t’as vu la tronche de ses pétales ?
;Capucine
:Non, j’ai pas fait attention... Oh non…
;Anémone
:Quoi ?
;Capucine
:Voilà la femme de Dédé avec son sécateur. Je sens que je vais me faire cueillir, là.
;Anémone
:Elle nous embête celle là, à nous enfermer chez elle avec ses plans vaseux ! Moi je veux rester dehors, au soleil ! Je veux sentir le vent dans mes cheveux, le soleil sur ma peau !
;Capucine
:Fais mine de rien, laisse tomber un peu la tête, elle va peut-être en choisir une autre…ah c’est bon, elle se dirige vers l’Amaryllis Monroe.
;Anémone
:Ouf tant mieux. Eh ben tiens, dans un vase elle frimera moins, elle. Elle n’a pas arrêté de se faire butiner tout l’été, ça va lui faire du bien de se tremper les fesses dans l’eau froide un peu. Ca va lui rafraîchir le pistil.
;Capucine
:Ne sois pas méchante, si ça se trouve on va finir à côté d’elle.
;Anémone
:J’aime encore mieux finir à côté de cette grande tige, que de finir à côté de Marguerite !
;Capucine
:Pourquoi ?
;Anémone
:Elle pue !!
;Capucine
:Ah ouais, c’est vrai qu’elle ne sent pas bon, la pauvre. Y’en a qu’ont pas de bol quand même ! Tu te souviens, la petite fille de Dédé, l’an dernier, qui l’avait effeuillée pétale par pétale en racontant je ne sais pas quoi ? La pauvre Marguerite… elle était folle ! Elle s’est retrouvée à poil dans l’herbe, elle n’avait rien demandé ! On l’aime bien un peu quand même.
;Anémone
:Un peu, beaucoup…ça dépend. Moi pas du tout, désolée. Des fois j’ai envie de dire au jardinier qu’il les vire toutes, ces marguerites ! Elles nous empestent.
;Capucine
:Eh, ça va, tu ne pas jeter un pavot dans la mare, quand même. …Bon, c’est pas le tout, j’ai une petite soif, moi.
;Anémone
:Déjà ? T’as déjà fini ton verre de rosée ?
;Capucine
:Y’en avait pas beaucoup ce matin. Oh mais dis donc !! J’avais pas remarqué ! Derrière nous !!
;Anémone
:Quoi ?
;Capucine
:Mon Dieu mais…où sont les pivoines ??
;Anémone
:Ah tu ne savais pas ? Elles sont parties en vacances.
;Capucine
:En vacances ?? Où ça ?
;Anémone
:Dédé les a emmenés dans le massif central… en face son entrée.
;Capucine
:Eh ben ! Y’a du favoritisme, là ! Exposition sud, s’il vous plait ! Oh je sens ça me met de mauvaise humeur.
;Anémone
:Mais non, ne sois pas jalouse. Tu vas faire virer ton parfum. Regarde, le roi soleil nous regarde.
//(Elles regardent vers le ciel, sourient, béates, font une révérence.) //Ah salut les filles !
;Capucine
:Salut les paquerettes !
;Anémone
:Salut les pivoines !
;Capucine
:Salut les marguerites !
;Anémone & Capucine
:Salut Nous !
//(au public)//
;Anémone & Capucine
:Salut Vous !
Rideau
//^^Le texte original a été amputé de sa dernière séquence.//^^
((AVERTISSEMENT (
Ce texte a été téléchargé depuis le site http://www.leproscenium.com
Ce texte est protégé par les droits d’auteur. En conséquence avant son exploitation vous devez obtenir l’autorisation de l’auteur soit directement auprès de lui, soit auprès de l’organisme qui gère ses droits (la SACD par exemple pour la France). Pour les textes des auteurs membres de la SACD, la SACD peut faire interdire la représentation le soir même si l'autorisation de jouer n'a pas été obtenue par la troupe. Le réseau national des représentants de la SACD (et leurs homologues à l'étranger) veille au respect des droits des auteurs et vérifie que les autorisations ont été obtenues, même a posteriori. Lors de sa représentation la structure de représentation (théâtre, MJC, festival…) doit s’acquitter des droits d’auteur et la troupe doit produire le justificatif d’autorisation de jouer.
Le non respect de ces règles entraine des sanctions (financières entre autres) pour la troupe et pour la structure de représentation. Ceci n’est pas une recommandation, mais une obligation, y compris pour les troupes amateurs. Merci de respecter les droits des auteurs afin que les troupes et le public puissent toujours profiter de nouveaux textes.
Anny Daprey – Bavardages côté jardin
)))
^^Durée approximative : 8 minutes
Décor : Extérieur, dans un jardin.
Peut également se jouer sans décor.
Personnages : 2 femmes …
Costumes : Déguisées en fleur…
Synopsis : Deux fleurs se parlent, dans un jardin
^^
{{huge center{
!Tragédie
}}}{{center{
!!!!!!//~Jean-Michel Ribes //
}}}{{small{
|Gérard Geneviève Marion|
}}}
PERSONNAGES :
:Louise
:~Jean-Claude
:Simone
{{blue2 italic{Ils sont chics. Costumes de gala. Louise, tendue, marche vite. ~Jean-Claude, visage fermé, traîne derrière elle. Escaliers, couloirs, ils cherchent un nom sur une porte.}}}
;LOUISE.
:"//Bravo//", tu lui dis juste "//bravo//", c'est tout.
;~JEAN-CLAUDE.
:{{blue2 italic{(Soupirs.)}}}
;LOUISE.
:Je ne te demande pas de te répandre en compliments, je te demande de lui dire juste un petit bravo...
;~JEAN-CLAUDE.
:{{blue2 italic{(Soupirs.)}}}
;LOUISE.
:Attention, qui sonne quand même, pas appuyé d'accord, mais qu'elle ne soit pas obligée de te faire répéter...
;~JEAN-CLAUDE.
:Je ne peux pas.
;LOUISE.
:Tu ne peux pas dire "//bravo//" ?
;~JEAN-CLAUDE.
:Non.
;LOUISE.
:Même un petit bravo ?
;~JEAN-CLAUDE.
:Non.
;LOUISE.
:C'est quoi ? C'est le mot qui te gêne ?
;~JEAN-CLAUDE.
:Non, c'est ce qu'il veut dire.
;LOUISE.
:Oh ! ce qu'il veut dire, ce qu'il veut dire, si tu le dis comme "//bonjour//", déjà il veut beaucoup moins dire ce qu'il veut dire.
;~JEAN-CLAUDE.
:Ça veut quand même un peu dire "//félicitations//", non ?
;LOUISE.
:Oui mais pas plus. Vraiment pas plus.
;~JEAN-CLAUDE.
:J'ai haï cette soirée, tu es consciente de ça, Louise ?! J'ai tout détesté, les costumes, les décors, la pièce et Elle, surtout Elle !
;LOUISE.
:Justement, comme ça tu n'es pas obligé de lui dire que tu n'as pas aimé, tu lui dis juste "//bravo//", un petit bravo et c'est fini, on n'en parle plus, tu es débarrassé et moi j'enchaîne... Tiens, sa loge est là !
;~JEAN-CLAUDE.
:Je n'y arriverai pas.
;LOUISE.
:~JEAN-CLAUDE, tu as vu où elle nous a placés, au sixième rang d'orchestre, au milieu de tous les gens connus, elle n'était pas obligée, on n'est pas célèbres, on est même le contraire, elle a fait ça pour nous faire plaisir.
;~JEAN-CLAUDE.
:Je n'ai éprouvé aucun plaisir.
;LOUISE.
:C'est bien pour ça que je ne te demande pas de lui dire "//merci//", là d'accord, "//merci//" ça pourrait avoir un petit côté hypocrite surtout si tu t'es beaucoup ennuyé, mais "//bravo//", franchement ! "//Bravo//" c'est rien, un sourire, même pas, un demi-sourire, une lèvre qui se retrousse à peine...
;~JEAN-CLAUDE.
:Je te dis que je n'y arriverai pas !
;LOUISE.
:Alors, dis-le deux fois.
;~JEAN-CLAUDE.
:Deux fois ?!
;LOUISE.
:Oui, "//bravo, bravo//". Deux fois ça glisse tout seul, on ne se rend presque pas compte qu'on l'a dit, ça file, on n'a même pas le temps de penser à ce que ça veut dire.
C'est un peu comme "//oh pardon !//".
:Quand tu dis "//oh pardon !//" tu n'as pas l'impression de demander vraiment un pardon, de réclamer une absolution pour ta faute, non c'est une petite phrase qui t'échappe, et pourtant le type sur qui tu viens de renverser ta bière et qui a envie de t'égorger, en t'entendant dire "//oh pardon !//" s'apaise aussitôt, comprenant que ce n'est pas un goujat qui lui a taché sa veste, mais un homme bien élevé, et il le devient à son tour en te répondant "//je vous en prie//".
:Phrase dont lui non plus ne saisit pas le sens, sinon, l'idée de se courber mains jointes devant toi en priant lui ôterait toute envie de la prononcer. Et pourtant, il l'a dite !
:Et vous vous séparez, sans insultes ni guerre, presque amis, prouvant que dix mille ans de civilisation n'ont pas été vains, puisqu'ils ont réussi à remplacer chez l'homme le réflexe de l'égorgement par celui de la courtoisie,
...
et c'est pour ça, ~Jean-Claude, que j'aimerais que tu dises un petit bravo à Simone,
juste pour qu'elle ne pense pas que mon mari a échappé à la civilisation
...
:Est-ce que tu comprends ?
;~JEAN-CLAUDE.
:Qu'est-ce qui te prend à parler comme ça, sans t'arrêter ?
:On vient d'entendre ta soeur pendant presque trois heures et demie, parler, parler, parler, j'ai cru mourir, et toi maintenant tu t'y mets !?
:C'est une histoire de fou ? C'est contagieux ou quoi ?
:Si tu dois continuer, dis-le-moi tout de suite, parce que je te préviens, avec toi ce ne sera pas comme avec Simone, je sors, je fous le camp de ce théâtre et je ne reviens pas, tu m'entends, Louise, je ne reviens plus jamais...
:je suis à bout...
;LOUISE.
:Tout ça parce que je te demande d'être poli avec ta belle-sœur !
;~JEAN-CLAUDE.
:Parce qu'elle l'a été elle, sur scène ?! parce que c'est de l'art, c'est poli ?... parce que c'est classique, c'est poli ? parce que ça rime, c'est poli ? C'est ça ?
;LOUISE.
:Tu n'es quand même pas en train de m'expliquer que Racine est mal élevé ?!?
;~JEAN-CLAUDE.
:Ta sœur m'a torturé, Louise, tu m'entends, torturé pendant toute la soirée.
;LOUISE.
:Tu es au courant, j'espère, qu'au Japon la grandeur suprême pour le samouraï blessé à mort est de dire "//bravo//" à son adversaire.
;~JEAN-CLAUDE.
:C'est un mauvais exemple. Je hais le Japon.
;LOUISE.
:Dommage, un peu d'~Extrême-Orient aurait pu t'aider.
;~JEAN-CLAUDE.
:M'aider à quoi ?
;LOUISE.
:A mieux comprendre, à mieux TE comprendre, en oubliant deux petites minutes ta tête d'Occidental buté.
;~JEAN-CLAUDE.
:Louise, ne va pas trop loin, je t'ai prévenue, je suis à bout !
;LOUISE.
:Parce que figure-toi, quand le samouraï blessé à mort dit "//bravo//" à son adversaire, ce n'est pas pour le féliciter, c'est pour l'humilier.
((<sup>(;~JEAN-CLAUDE.
:Ah bon !
;LOUISE.
:Bien sûr. C'est la vengeance suprême. Ton sabre a meurtri mon corps, mais mon âme est intacte, et elle te dit "//bravo//". Voilà la victoire, la vraie ! "//Bravo//"... Car en vérité en disant bravo à son adversaire c'est à lui-même qu'il se dit bravo, bravo d'avoir dit bravo à son bourreau... Maintenant si tu refuses de' te dire bravo en disant bravo à Simone, c'est ton affaire...)))
;~JEAN-CLAUDE.
:Un homme qui ((s'est retenu de hurler pendant toute la (n'a pas hurlé pendant cette))) représentation ne peut pas se dire bravo, Louise ! Quand je pense que j'ai supporté ce supplice sans broncher, comme un lâche, sans rien dire, pendant très exactement deux cent vingt-trois minutes et dix-sept secondes !
;LOUISE.
:Ah oui ! ça j'ai vu, tu l'as regardée ta montre !
;~JEAN-CLAUDE.
:Tout le temps ! A un moment j'ai même cru qu'elle s'était arrêtée, pendant sa longue tirade avec le barbu, le mari, ça n'avançait plus. Je me suis dit, la garce elle nous tient, huit cents personnes devant elle, coincées dans leur fauteuil, elle nous a bloqué les aiguilles pour que ça dure plus longtemps !... Je ne sais pas comment j'ai tenu, je ne sais pas...
;LOUISE.
:Oui, enfin n'exagère pas, tu n'es pas mort.
;~JEAN-CLAUDE.
:Non, c'est vrai... et tu sais pourquoi, Louise ? parce que je me suis mis à répéter sans arrêt un mot, un seul mot, un mot magique : entracte ! ENTRACTE !... Mais il n'est jamais venu, jamais ! Cinq actes sans une seconde d'interruption, Louise, tu appelles ça la civilisation ?
;LOUISE.
:Quinze ans d'attente, ~Jean-Claude, quinze ans que Simone attend d'entrer à la ~Comédie-Française !
:Ça y est, c'est fait, elle est engagée ! Et miracle, on lui offre le rôle dont elle rêve depuis toujours ! Ce soir pour la première fois de sa vie elle vient de jouer Phèdre dans le plus prestigieux théâtre d'Europe,
:et toi, son beau-frère, tu refuses de lui dire "//bravo//", juste un petit bravo !
:Qu'est-ce que tu es devenu ? un animal ?
;~JEAN-CLAUDE.
:Elle vient de jouer Phèdre pour la première fois de sa vie !? Tu te moques ou quoi ?
:Et le jour de notre mariage, tu as oublié peut-être-?
:Elle en a déclamé un morceau en plein milieu du repas, comme ça, sans prévenir personne, même qu'après les enfants ont pleuré et qu'aucun invité n'a voulu danser et que mon père a gueulé sur le tien !
:Elle nous a foutu une ambiance de merde avec sa vocation et ses alexandrins !
;LOUISE.
:C'est maman qui lui avait demandé, pour nous faire une surprise.
;~JEAN-CLAUDE.
:La surprise ça a failli être que je quitte la table, Louise, la table du plus beau jour de notre vie !
:Il fallait que je t'aime pour rester immobile, vingt minutes, le couteau planté dans le gigot, pendant que l'autre hystérique beuglait sa poésie en se caressant les seins !
:Et vingt ans après elle remet ça,
:l'intégrale en plus,
:et tu voudrais que je lui dise "//bravo//" à cette grosse vache !
;LOUISE.
:~Jean-Claude !!
;~JEAN-CLAUDE.
:Quoi ~Jean-Claude !
Elle a pris vingt kilos, Simone, vrai ou faux ?!
;LOUISE.
:C'est humain, c'est l'angoisse d'attendre ce rôle, quinze ans d'angoisse, forcément elle a compensé par la nourriture... mais franchement ce n'est pas ça qui compte.
;~JEAN-CLAUDE.
:Quand on est habillée en toge, ça compte quand même un peu !
;LOUISE {{blue2 italic{(toise ~Jean-Claude et calmement lui demande)}}}.
:Pourquoi tu es venu, ~Jean-Claude ?
;~JEAN-CLAUDE.
:Pardon?
;LOUISE.
:Pourquoi tu m'as accompagnée à cette générale ?
;~JEAN-CLAUDE.
:Tu plaisantes ?
;LOUISE.
:Pas le moins du monde, tu connais la silhouette de Simone, tu savais qu'elle allait jouer Phèdre, pourquoi tu es venu ?
;~JEAN-CLAUDE {{blue2 italic{(hurle)}}}.
:Parce que ça fait trois mois que tu me bassines jour et nuit avec la première de ta sœur qu'il ne faut manquer sous aucun prétexte, la soirée du 24 février a été soulignée en rouge sur tous les calendriers, tous les agendas, c'est devenu une fête familiale...
:Chez nous, cette année, on aura eu Pâques, Noël et Phèdre !
:Et à ce propos, je te signale que ni ton père, ni ta mère, ni ton frère ne sont là ce soir !
;LOUISE.
:Elle n'avait que deux places pour la première !
;~JEAN-CLAUDE.
:Et pourquoi c'est tombé sur nous ?! POURQUOI !!!
;LOUISE.
:Et "//o//"?
;~JEAN-CLAUDE.
:Hein ?
;LOUISE.
:O ? Est-ce que tu peux lui dire juste "//o//" ? Elle sort de sa loge, c'est toi qu'elle regardera le premier j'en suis sûre, tu la serres aussitôt dans tes bras et tu lui dis "//o//", tu n'as même pas besoin de le dire fort, tu lui susurres dans l'oreille : "//o//" !
;~JEAN-CLAUDE.
:O... ?
;LOUISE.
:Oui, je pense que dans "//bravo//" ce qui compte surtout c'est le "//o//", les autres lettres sont pour ainsi dire inutiles... Tu as entendu pendant les rappels à la fin de la pièce, les gens applaudissaient en criant bravo {{blue2 italic{(elle les imite)}}}, vo ! vo ! vo !... C'était surtout le "//o//" qui résonnait, vo ! vo ! avec, pour être honnête, un petit rien de v, vo !... Voilà, "//vo ! vo//", ce serait parfait.
;~JEAN-CLAUDE.
:Tu me demandes de dire "//vo//" à ta sœur ?
;LOUISE.
:S'il te plaît.
{{blue italic{Un temps.}}}
;~JEAN-CLAUDE.
:Vo ?
;LOUISE.
:Oui.
:{{blue italic{Un temps.}}}
;~JEAN-CLAUDE.
:Louise, est-ce que le moment n'est pas venu de faire le point sur notre couple ?
;LOUISE.
:J'en étais sûre !
:La fuite, la tangente, l'esquive, une fois de plus tu cherches à échapper à ce que je te demande, jamais le moindre effort pour me comprendre, pour me satisfaire !
;~JEAN-CLAUDE.
:Parce que toi tu en fais des efforts ?
;LOUISE.
:Beaucoup, ~Jean-Claude, beaucoup !
;~JEAN-CLAUDE.
:Je rêve !
;LOUISE.
:Je te signale par exemple que je t'ai proposé d'enlever ((les trois quarts(75 %)) du mot "//bravo//" !
;~JEAN-CLAUDE.
:Après m'avoir fourgué quatre heures et demie de ta sœur !
;LOUISE.
:Trois heures et demie !
;~JEAN-CLAUDE.
:Et l'heure qu'on est en train de passer à piétiner devant sa loge, ça compte pour du beurre !?
;LOUISE.
:Elle se lave ! Tu ne vas quand même pas compter de la même façon Simone dans Phèdre et Simone sous sa douche !!
;~JEAN-CLAUDE.
:C'est toi que je compte en ce moment, Louise !
:Toi qui m'épuises autant qu'elle sur scène !
:qui t'additionnes à ta sœur, j'ai la double ration !
:Je réalise que dans un théâtre vous êtes les mêmes, aussi assommantes l'une que l'autre !
;LOUISE {{blue italic{(haineuse)}}}.
:Détrompe-toi, ~Jean-Claude, je suis très loin d'être comme Simone, très loin !
:Parce que moi, dis-toi bien que si un jeune homme aux cheveux bouclés, les mollets sanglés par des lanières de cuir, traversait un jour ma vie, je pars avec lui illico !
{{blue small italic{(elle attend qu'il réagisse)}}}
:illico !
{{blue small italic{(elle attend qu'il réagisse)}}}
:sans hésiter, sans me retourner, je file avec Hippolyte...
{{blue small italic{(elle attend qu'il réagisse)}}}
: à Skiathos, à Skopélos, à Mykonos... où il voudra,
{{blue small italic{(elle attend qu'il réagisse)}}}
:et je te plante là, toi et ton cerveau de cœlacanthe !
:{{blue2 italic{(~Jean-Claude, impassible, ne répond pas. Il reste muet, fixant le mur. Décontenancée, Louise fait un pas vers lui.)}}}
:Tu ne dis rien ?
;~JEAN-CLAUDE.
:Non.
;LOUISE.
:Ça ne te fait rien ?
;~JEAN-CLAUDE.
:Quoi?
;LOUISE.
:Ce que je t'ai dit.
;~JEAN-CLAUDE.
:Non.
;LOUISE.
:Que je parte avec Hippolyte, ça ne te fait rien ?
;~JEAN-CLAUDE.
:Non.
;LOUISE.
:Même dans une île grecque ?
;~JEAN-CLAUDE.
:Non. {{blue2 italic{(Un temps.)}}} "//Cerveau de cœlacanthe//", c'était dans Phèdre ?
;LOUISE.
:Non.
;~JEAN-CLAUDE.
:On aurait dit.
;LOUISE.
:C'est normal, ça vient du grec koilos, "//creux//", et akaniha, "//épine//"... C'est un gros poisson... c'est notre ancêtre... avant le singe...
;~JEAN-CLAUDE.
:Ah quand même...
;LOUISE.
:Pardonne-moi je ne pensais pas ce que je disais... Tu ne m'aimes plus ?... (~Jean-Claude ne répond pas.) Et tu me le dis à la Comédie- Française...
;~JEAN-CLAUDE.
:J'ai l'impression que ni toi ni moi on gardera un bon souvenir de cet endroit.
:{{blue2 italic{Il s'éloigne. Louise sursaute.}}}
;LOUISE.
:Où tu vas ?
;~JEAN-CLAUDE.
:Dehors, boire une bière.
;LOUISE.
:Tu reviendras ?
;~JEAN-CLAUDE.
:Je ne pense pas.
;LOUISE.
:Fais attention de ne pas la renverser sur ton voisin...
;~JEAN-CLAUDE.
:J'essaierai...
:{{blue2 italic{Il se dirige vers la sortie.}}}
;LOUISE {{blue2 italic{(bouleversée, crie.)}}}
:~JEAN-CLAUDE !
:{{blue2 italic~Jean-Claude disparaît sans répondre. Louise éclate en sanglots, elle s'appuie contre le muret, détruite, se laisse glisser jusqu'à terre.}}}
:{{blue2 italic{La porte de la loge s'ouvre. Simone apparaît radieuse dans un peignoir de soie.}}}
;SIMONE.
:Ah ma chérie, tu es là ! Alors ça t'a plu ? {{blue2 italic{(Les pleurs de Louise redoublent.)}}} Oh, ma pauvre chérie, tu es toute bouleversée.
:LOUISE . C'est parce que... c'est parce que...
;SIMONE.
:Parce que c'est une pièce qui parle très fort aux femmes, je sais.
;LOUISE.
:Non c'est parce que... parce que...
;SIMONE.
:Parce que c'est bouleversant de voir sa sœur applaudie pendant vingt minutes...
;LOUISE.
:~Jean-Claude m'a quittééée...
;SIMONE.
:Ton mari ?
;LOUISE.
:Ouiiii...
;SIMONE.
:Quand, il t'a quittée ?
;LOUISE.
:Là, maintenant, il est partiii...
;SIMONE.
:Avant la fin de la pièce !?
;LOUISE.
:Nooon...
;SIMONE.
:Ah tu m'as fait peur !...
;LOUISE.
:~Jean-Clauuudee...
;SIMONE {{blue2 italic{(réalisant soudain)}}}.
:C'est incroyable, ma chérie !... Jean- Claude te quitte le soir de ma première de Phèdre et tu te souviens ce que je vous ai joué le jour de votre mariage ?!
;LOUISE.
:Bien sûr que je m'en souviens, pauvre connasse ! {{blue2 italic{(Elle recule vers la sortie.)}}} Salope ! Ordure ! Putain ! Merdeuse !
:{{blue2 italic{Elle disparaît au bout du couloir. Simone reste un instant interdite puis se met à courir derrière sa soeur en criant.}}}
;SIMONE.
:Chérie, ma chérie, qu'est-ce qu'il se passe ! Qu'est-ce que j'ai dit de mal ? Louise...
:Et moi tu ne me dis rien... ?
:Tu ne me dis pas "//bravo//" ?...
:Louise...
:même pas un petit bravo ?
{{right italic small{Paris, janvier 2001.}}}
{{center{
!Baiser
!!!!!!//Lucie Delarue-Mardrus//
Renverse-toi que je prenne ta bouche,
Calice ouvert, rouge possession,
Et que ma langue où vit ma passion
Entre tes dents s’insinue et te touche :
C’est une humide et molle profondeur,
Douce à mourir, où je me perds et glisse ;
C’est un abîme intime, clos et lisse,
Où mon désir s’enfonce jusqu’au cœur…
-Ah ! puisse aussi t’atteindre au plus sensible,
Dans son ampleur et son savant détail,
Ce lent baiser, seule étreinte possible,
Fait de silence et de tiède corail ;
Puissé-je voir enfin tomber ta tête
Vaincue, à bout de sensualité,
Et détournant mes lèvres, te quitter,
Laissant au moins ta bouche satisfaite !…
}}}
{{center{
!Baiser
}}}
Quand ton col de couleur rose
Se donne à mon embrassement
Et ton oeil languit doucement
D’une paupière à demi close,
Mon âme se fond du désir
Dont elle est ardemment pleine
Et ne peut souffrir à grand’peine
La force d’un si grand plaisir.
Puis, quand s’approche de la tienne
Ma lèvre, et que si près je suis
Que la fleur recueillir je puis
De ton haleine ambroisienne,
Quand le soupir de ces odeurs
Où nos deux langues qui se jouent
Moitement folâtrent et nouent,
Eventent mes douces ardeurs,
Il me semble être assis à table
Avec les dieux, tant je suis heureux,
Et boire à longs traits savoureux
Leur doux breuvage délectable.
Si le bien qui au plus grand bien
Est plus prochain, prendre ou me laisse,
Pourquoi me permets-tu, maîtresse,
Qu’encore le plus grand soit mien ?
As-tu peur que la jouissance
D’un si grand heur me fasse dieu ?
Et que sans toi je vole au lieu
D’éternelle réjouissance ?
Belle, n’aie peur de cela,
Partout où sera ta demeure,
Mon ciel, jusqu’à tant que je meure,
Et mon paradis sera là.
!!!!!Joachim du Bellay
!!!!!!//N.C//
!Ballade de s'amie bien belle
!!!!!//Clément MAROT (1497-1544)//
Amour, me voyant sans tristesse
Et de le servir dégoûté,
M'a dit que fisse une maîtresse,
Et qu'il serait de mon côté.
Après l'avoir bien écouté,
J'en ai fait une à ma plaisance
Et ne me suis point mécompté :
C'est bien la plus belle de France.
Elle a un oeil riant, qui blesse
Mon coeur tout plein de loyauté,
Et parmi sa haute noblesse
Mêle une douce privauté.
Grand mal serait si cruauté
Faisait en elle demeurance ;
Car, quant à parler de beauté,
C'est bien la plus belle de France.
De fuir son amour qui m'oppresse
Je n'ai pouvoir ni volonté,
Arrêté suis en cette presse
Comme l'arbre en terre planté.
S'ébahit-on si j'ai plenté*
De peine, tourment et souffrance ?
Pour moins on est bien tourmenté
C'est bien la plus belle de France.
ENVOI
Prince d'amours, par ta bonté
Si d'elle j'avais jouissance,
Onc homme ne fut mieux monté
C'est bien la plus belle de France.
//(*) quantité//
!Ballade des Dames du temps jadis
{{center{[img[http://p8.storage.canalblog.com/85/25/545155/61437930.jpg]]
|dit|[[Michèle]] le 4/3/2016|
Dites-moi où, n'en quel pays,
Est Flora la belle Romaine,
Archipiades, ne Thaïs,
Qui fut sa cousine germaine,
Echo, parlant quant bruit on mène
Dessus rivière ou sur étang,
Qui beauté eut trop plus qu'humaine ?
Mais où sont les neiges d'antan ?
Où est la très sage Héloïs,
Pour qui fut châtré et puis moine
Pierre Esbaillart à Saint-Denis ?
Pour son amour eut cette essoine.
Semblablement, où est la roine
Qui commanda que Buridan
Fût jeté en un sac en Seine ?
Mais où sont les neiges d'antan ?
La roine Blanche comme un lis
Qui chantait à voix de sirène,
Berthe au grand pied, Bietrix, Aliz,
Haramburgis qui tint le Maine,
Et Jeanne, la bonne Lorraine
Qu'Anglais brûlèrent à Rouen ;
Où sont-ils, où, Vierge souvraine ?
Mais où sont les neiges d'antan ?
Prince, n'enquerrez de semaine
Où elles sont, ni de cet an,
Que ce refrain ne vous remaine :
Mais où sont les neiges d'antan ?
}}}
!!!!!!JACQUES PRÉVERT
!Barbara
<<<
Rappelle-toi Barbara
Il pleuvait sans cesse sur Brest ce jour-là
Et tu marchais souriante
Épanouie ravie ruisselante
Sous la pluie
Rappelle-toi Barbara
Il pleuvait sans cesse sur Brest
Et je t'ai croisée rue de Siam
Tu souriais
Et moi je souriais de même
Rappelle-toi Barbara
Toi que je ne connaissais pas
Toi qui ne me connaissais pas
Rappelle-toi
Rappelle-toi quand même ce jour-là
N'oublie pas
Un homme sous un porche s'abritait
Et il a crié ton nom
Barbara
Et tu as couru vers lui sous la pluie
Ruisselante ravie épanouie
Et tu t'es jetée dans ses bras
Rappelle-toi cela Barbara
Et ne m'en veux pas si je te tutoie
Je dis tu à tous ceux que j'aime
Même si je ne les ai vus qu'une seule fois
Je dis tu à tous ceux qui s'aiment
Même si je ne les connais pas
Rappelle-toi Barbara
N'oublie pas
Cette pluie sage et heureuse
Sur ton visage heureux
Sur cette ville heureuse
Cette pluie sur la mer
Sur l'arsenal
Sur le bateau d'Ouessant
Oh Barbara
Quelle connerie la guerre
Qu'es-tu devenue maintenant
Sous cette pluie de fer
De feu d'acier de sang
Et celui qui te serrait dans ses bras
Amoureusement
Est-il mort disparu ou bien encore vivant
Oh Barbara
Il pleut sans cesse sur Brest
Comme il pleuvait avant
Mais ce n'est plus pareil et tout est abimé
C'est une pluie de deuil terrible et désolée
Ce n'est même plus l'orage
De fer d'acier de sang
Tout simplement des nuages
Qui crèvent comme des chiens
Des chiens qui disparaissent
Au fil de l'eau sur Brest
Et vont pourrir au loin
Au loin très loin de Brest
Dont il ne reste rien.
<<<
{{center{[img(25%,)[http://a401.idata.over-blog.com/450x600/1/21/78/82/castille/cheval/abreuver-cheval.JPG]]}}}
!BAROQUE
!!!!!{{center{Livia}}}
{{center{
Ce jour-là, je me crus puissant :
maître de moi,
maître de l'eau du puits,
maître de lui
qui venait de poser
ses naseaux sur mon épaule ;
il attendit taciturne
jusqu'à ce que j'aie sorti
de l'eau fraîche du puits.
Et mon trésor de ce grand jour
je lui ai alors offert.
Reconnaissant, il but
jusqu'à la dernière goutte
dans le seau de bois brut.
... Le temps passé et le balancier du puits
m'en sont témoins :
J'étais un homme riche,
sans rival,
car je suis celui qui a abreuvé
un cheval.
}}}
{{center{
!Belle et ressemblante
!!!!!!Paul Éluard<br>//"La vie immédiate"//
Un visage à la fin du jour
Un berceau dans les feuilles mortes du jour
Un bouquet de pluie nue
Tout soleil caché
Toute source des sources au fond de l'eau
Tout miroir des miroirs brisé
Un visage dans les balances du silence
Un caillou parmi d'autres cailloux
Pour les frondes des dernières lueurs du jour
Un visage semblable à tous les visages oubliés.
}}}
{{center{
[img(20%,)[Marie Noël|http://api.ning.com/files/6k8t3wah7nYMrxLuTD38-3MCrQEHEOGCOmZdUypWR08SmCc0mjZyBbsf2K*6Bqb52eLpztWcx3aJ2rL5MF0JIwXtJcc44Qfq/IClichdeMarie_noel_2.jpg][http://artsrtlettres.ning.com/profiles/blogs/t-moignage-sur-la-po-tesse-marie-no-l-la-neige-qui-br-le]]
!Berceuse de la ~Mère-Dieu
!!!!!!//Marie NOËL//
Mon Dieu, qui dormez, faible entre mes bras,
Mon enfant tout chaud sur mon coeur qui bat,
J’adore en mes mains et berce étonnée,
La merveille, ô Dieu, que m’avez donnée.
De fils, ô mon Dieu, je n’en avais pas.
Vierge que je suis, en cet humble état,
Quelle joie en fleur de moi serait née ?
Mais vous, Tout-Puissant, me l’avez donnée.
Que rendrais-je à vous, moi sur qui tomba
Votre grâce ? ô Dieu, je souris tout bas
Car j’avais aussi, petite et bornée,
J’avais une grâce et vous l’ai donnée.
De bouche, ô mon Dieu, vous n’en aviez pas
Pour parler aux gens perdus d’ici-bas…
Ta bouche de lait vers mon sein tournée,
O mon fils, c’est moi qui te l’ai donnée.
De main, ô mon Dieu, vous n’en aviez pas
Pour guérir du doigt leurs pauvres corps las…
Ta main, bouton clos, rose encore gênée,
O mon fils, c’est moi qui te l’ai donnée.
De chair, ô mon Dieu, vous n’en aviez pas
Pour rompre avec eux le pain du repas…
Ta chair au printemps de moi façonnée,
O mon fils, c’est moi qui te l’ai donnée.
De mort, ô mon Dieu, vous n’en aviez pas
Pour sauver le monde… O douleur ! là-bas,
Ta mort d’homme, un soir, noir, abandonnée,
Mon petit, c’est moi qui te l’ai donnée.
}}}
!Bien Madame-Chérie^^
Anouilh//
(Colombe)//^^
;LA SURETTE
//salue, obséquieux//
Bien Madame-Chérie. Quand vous voudrez !
//La Surette change d’attitude.//
La came !
Et c’est comme cela toute la journée depuis dix ans, à faire le pitre avec mes papiers à la main... Et je te fais des courbettes! Oui Madame-Chérie ! Bien Madame-Chérie ! Entendu Madame-Chérie !
Merde, Madame-Chérie ! Quand est-ce, dites, quand est-ce que je le lui crierai ?
Le salarié, il faut qu'il la ferme. Et hermétiquement. Bien Madame-Chérie, qu’il répond le salarié ! Et le sourire ; qu’il ne l’oublie pas surtout. Et la nuance d’admiration et de gratitude. Ce n’est pas tout de dire Madame-Chérie, il faut le dire avec conviction. Elle y tient, la vieille. Il faut qu’on l’adore nous, en plus. Quelquefois, quand elle trouve que je comprends pas assez vite, vous savez ce qu’elle fait la Madame-Chérie? elle me lance une potiche à la figure ! Oh ! pas chère, elle est pas folle!... Un petit vase de rien du tout, mais bien dirigé tout de même. « //La Surette, vous êtes un âne !// » Moi, j’esquive la potiche, j’ai l’habitude, mais attention ! - pas d’impair! - je dois continuer à sourire. Très drôle Madame-Chérie ! Quel tempérament elle a, la patronne ! C’est le génie quoi, qui veut ça ! Ah ! ce qu’on l’admire, ce qu’on l’admire tous, votre « moman » ! On n’en peut plus de l’admirer! On s’en rengorge, tellement on est fiers et honorés de la servir, la Diva!... Et c’est pas pour nos cent cinquante francs par mois, oh non ! on n’est pas si bas ! - c’est pour l’admiration qu’on travaille. Elle y tient !
Mais comme tous les ânes, je broute. Deux fois par jour. Et comme c’est elle qui me fait brouter, j’avale le reste, avec le picotin. Les argents c’est pas tout ! Ceux qui les ont, ils ne les lâchent pas ainsi. Faut, qu’en plus, on paye en nature ! C’est la loi. Oui Madame-Chérie, qu’il faut dire, c’est absolument exact, je suis un âne et votre vieille gueule, elle m’éblouit ! Ah ! si un soir, un seul soir, on est les plus forts, nous autres...
/%
|exercice|évaluation|
|niveau|990 Fin|
%/
!Bilan de cette estivale
;1.
:Prenez une minute pour décider quel score de 1 à 5 vous donnez à cette après-midi (aucun échange entre vous) :
''
<<<
# M' a déplu, ne me convenait pas
# Médiocrement satisfait(e)
# Très correct, plutôt satisfait(e)
# M'a plu, satisfait(e)
# M'a beaucoup plu, plus que satisfait(e)
<<<
''
;2.
:À l'énoncé de chaque score, celles et ceux qui l'ont choisi lèvent le doigt (sans commentaire ni explication)
;3.
:Commentaires et échanges libres pour qui le souhaiteraient.
!Bon conseil aux amants
L'amour fut de tout temps un bien rude Ananké.
Si l'on ne veut pas être à la porte flanqué,
Dès qu'on aime une belle, on s'observe, on se scrute ;
On met le naturel de côté ; bête brute,
On se fait ange ; on est le nain Micromégas ;
Surtout on ne fait point chez elle de dégâts ;
On se tait, on attend, jamais on ne s'ennuie,
On trouve bon le givre et la bise et la pluie,
On n'a ni faim, ni soif, on est de droit transi ;
Un coup de dent de trop vous perd. Oyez ceci :
Un brave ogre des bois, natif de Moscovie,
Etait fort amoureux d'une fée, et l'envie
Qu'il avait d'épouser cette dame s'accrut
Au point de rendre fou ce pauvre coeur tout brut :
L'ogre, un beau jour d'hiver, peigne sa peau velue,
Se présente au palais de la fée, et salue,
Et s'annonce à l'huissier comme prince Ogrousky.
La fée avait un fils, on ne sait pas de qui.
Elle était ce jour-là sortie, et quant au mioche,
Bel enfant blond nourri de crème et de brioche,
Don fait par quelque Ulysse à cette Calypso,
Il était sous la porte et jouait au cerceau.
On laissa l'ogre et lui tout seuls dans l'antichambre.
Comment passer le temps quand il neige en décembre.
Et quand on n'a personne avec qui dire un mot ?
L'ogre se mit alors à croquer le marmot.
C'est très simple. Pourtant c'est aller un peu vite,
Même lorsqu'on est ogre et qu'on est moscovite,
Que de gober ainsi les mioches du prochain.
Le bâillement d'un ogre est frère de la faim.
Quand la dame rentra, plus d'enfant. On s'informe.
La fée avise l'ogre avec sa bouche énorme.
As-tu vu, cria-t-elle, un bel enfant que j'ai ?
Le bon ogre naïf lui dit : Je l'ai mangé.
Or, c'était maladroit. Vous qui cherchez à plaire,
Jugez ce que devint l'ogre devant la mère
Furieuse qu'il eût soupé de son dauphin.
Que l'exemple vous serve ; aimez, mais soyez fin ;
Adorez votre belle, et soyez plein d'astuce ;
N'allez pas lui manger, comme cet ogre russe,
Son enfant, ou marcher sur la patte à son chien.
{{center{
!Bonjour mon coeur
}}}
Bonjour mon coeur, bonjour ma douce vie.
Bonjour mon oeil, bonjour ma chère amie,
Hé ! bonjour ma toute belle,
Ma mignardise, bonjour,
Mes délices, mon amour,
Mon doux printemps, ma douce fleur nouvelle,
Mon doux plaisir, ma douce colombelle,
Mon passereau, ma gente tourterelle,
Bonjour, ma douce rebelle.
~~[...]~~
!!!!!Pierre de Ronsard (1524-1585)
!!!!!!//Le second livre des Amours (1556).//
!Booz endormi
{{center italic{
!!!!!!Victor HUGO<br>(1802-1885)
}}}
{{center{[img(80%,)[http://lapluiequipasse.hautetfort.com/media/01/00/2345384144.jpg]]
Booz s'était couché de fatigue accablé ;
Il avait tout le jour travaillé dans son aire ;
Puis avait fait son lit à sa place ;
Booz dormait auprès des boisseaux pleins de blé.
Ce vieillard possédait des champs de blés et d'orge ;
Il était, quoique riche, à la justice enclin ;
Il n'avait pas de fange en l'eau de son moulin ;
Il n'avait pas d'enfer dans le feu de sa forge.
Sa barbe était d'argent comme un ruisseau d'avril.
Sa gerbe n'était point avare ni haineuse ;
Quand il voyait passer quelque pauvre glaneuse :
- Laissez tomber exprès des épis, disait-il.
Cet homme marchait pur loin des sentiers obliques,
Vêtu de probité candide et de lin blanc ;
Et, toujours du côté des pauvres ruisselant,
Ses sacs de grains semblaient des fontaines publiques.
Booz était bon maître et fidèle parent ;
Il était généreux, quoiqu'il fût économe ;
Les femmes regardaient Booz plus qu'un jeune homme,
Car le jeune homme est beau, mais le vieillard est grand.
Le vieillard, qui revient vers la source première,
Entre aux jours éternels et sort des jours changeants ;
Et l'on voit de la flamme aux yeux des jeunes gens,
Mais dans l'oeil du vieillard on voit de la lumière.
Donc, Booz dans la nuit dormait parmi les siens ;
Près des meules, qu'on eût prises pour des décombres,
Les moissonneurs couchés faisaient des groupes sombres ;
Et ceci se passait dans des temps très anciens.
Les tribus d'Israël avaient pour chef un juge ;
La terre, où l'homme errait sous la tente, inquiet
Des empreintes de pieds de géants qu'il voyait,
Etait mouillée encore et molle du déluge.
Comme dormait Jacob, comme dormait Judith,
Booz, les yeux fermés, gisait sous la feuillée ;
Or, la porte du ciel s'étant entre-bâillée
Au-dessus de sa tête, un songe en descendit.
Et ce songe était tel, que Booz vit un chêne
Qui, sorti de son ventre, allait jusqu'au ciel bleu ;
Une race y montait comme une longue chaîne ;
Un roi chantait en bas, en haut mourait un dieu.
Et Booz murmurait avec la voix de l'âme :
" Comment se pourrait-il que de moi ceci vînt ?
Le chiffre de mes ans a passé quatre-vingt,
Et je n'ai pas de fils, et je n'ai plus de femme.
" Voilà longtemps que celle avec qui j'ai dormi,
O Seigneur ! a quitté ma couche pour la vôtre ;
Et nous sommes encor tout mêlés l'un à l'autre,
Elle à demi vivante et moi mort à demi.
" Une race naîtrait de moi ! Comment le croire ?
Comment se pourrait-il que j'eusse des enfants ?
Quand on est jeune, on a des matins triomphants ;
Le jour sort de la nuit comme d'une victoire ;
Mais vieux, on tremble ainsi qu'à l'hiver le bouleau ;
Je suis veuf, je suis seul, et sur moi le soir tombe,
Et je courbe, ô mon Dieu ! mon âme vers la tombe,
Comme un boeuf ayant soif penche son front vers l'eau. "
Ainsi parlait Booz dans le rêve et l'extase,
Tournant vers Dieu ses yeux par le sommeil noyés ;
Le cèdre ne sent pas une rose à sa base,
Et lui ne sentait pas une femme à ses pieds.
Pendant qu'il sommeillait, Ruth, une moabite,
S'était couchée aux pieds de Booz, le sein nu,
Espérant on ne sait quel rayon inconnu,
Quand viendrait du réveil la lumière subite.
Booz ne savait point qu'une femme était là,
Et Ruth ne savait point ce que Dieu voulait d'elle.
Un frais parfum sortait des touffes d'asphodèle ;
Les souffles de la nuit flottaient sur Galgala.
L'ombre était nuptiale, auguste et solennelle ;
Les anges y volaient sans doute obscurément,
Car on voyait passer dans la nuit, par moment,
Quelque chose de bleu qui paraissait une aile.
La respiration de Booz qui dormait
Se mêlait au bruit sourd des ruisseaux sur la mousse.
On était dans le mois où la nature est douce,
Les collines ayant des lys sur leur sommet.
Ruth songeait et Booz dormait ; l'herbe était noire ;
Les grelots des troupeaux palpitaient vaguement ;
Une immense bonté tombait du firmament ;
C'était l'heure tranquille où les lions vont boire.
Tout reposait dans Ur et dans Jérimadeth ;
Les astres émaillaient le ciel profond et sombre ;
Le croissant fin et clair parmi ces fleurs de l'ombre
Brillait à l'occident, et Ruth se demandait,
Immobile, ouvrant l'oeil à moitié sous ses voiles,
Quel dieu, quel moissonneur de l'éternel été,
Avait, en s'en allant, négligemment jeté
Cette faucille d'or dans le champ des étoiles.
[img(80%,)[http://lapluiequipasse.hautetfort.com/media/02/02/1464851680.jpg]]}}}
!Haïti
{{center{
!!!!!!Noël Talégrand <br>//Extrait du livre : ''Haïti Bouquet d’espoir''//
Terre de mes ancêtres
Profondeurs où sont plongées
Les racines multiples
Qui nourissent mes entrailles
Enlaidissent ton visage
Toutes ces rides et ces crevasses
Qui exibent au grand jour
La vivacité de ta plaie béante
Sache que je t’aime,
Et que je t’aimerai toujours
Comme la prunelle de mes yeux.
Avant, tu étais très belle,
tu ressemblais à une princesse dorée
Qui sourit à la vie,
Quand la nature fait la cour au printemps
Et que le soleil levant
Fait des clins d’oeil à dame rosée
A tel point qu’on t’appelait
La perle des Antilles.
Tu étais un petit paradis
Tranquillement assis
Au milieur de l’océan,
Tes oiseaux trouvaient des branches
Pour poser et faire leur nid
Ainsi ils pouvaient chanter allègrement
“HAÏTI CHÉRIE”
Tout le monde vivait simplement
Mais heureusement,
Jusqu’à ce mauvais jour
Où trois bateaux sont arrivés
Avec à son bord des colons
Assoiffés de tes richesses
Ils ont pris ta virginité,
Ils se sont emparés de ta fortune
Et pour comble de malheur
Ils ont réduit tes enfants en esclavage.
La suite, on la connaît
Sauf qu’on ne dit pas suffisamment
Que c’est bien ce maudit jour
Qui n’aurait jamais dû voir le jour
Qu’a commencé la tragédie
Que tu vis encore dans ta chair
Tous les discours, toutes les commémorations
Ne pourront jamais effacer
La trace des coups et blessures
Que tu portes sur ton corps
A jamais maculé
Tous les discours, toutes les commémorations,
Et même toutes les bonnes intentions
Ne pourront jamais remplacer
L’amour, l’effort et la détermination
De tes propres enfants
Qui doivent continuer à lutter
Avec d’autres, s’entend
Afin de briser le reste de tes chaînes
Et de te rendre ta fierté
De Première République Noire Indépendante
HAÏTI !!!!!!
}}}
!BridOison
+++[Tout le texte du rôle]
<<forEachTiddler
where
' tiddler.tags.contains ("BridOison")'
sortBy 'tiddler.title'
write
'"----\n<<tiddler [["+tiddler.title+"]]$))\n"'
>>
===
//Toutes ses scènes du rôle ://
|nom|Enriquez|
|prénom|Brigitte|
|TEL|07 60 68 99 70|
|email|"Brigitte"<brigitte.enriquez2@gmail.com>|
|encours| //à déterminer// |
!!!!!Distribuée dans :
<<forEachTiddler
where
'tiddler.tags.contains(["programmable"]) && tiddler.text.contains("Brigitte") && ! tiddler.text.contains("Maddy")'
sortBy
'store.getTiddlerSlice(tiddler.title,"temps")'
descending
write
'"\n| ![["+tiddler.title+"]] |<<tiddler [["+tiddler.title+"::temps]]$)) |<<tiddler [["+tiddler.title+"::distribution]]$)) |" '
begin
'"| Textes | !durée | !distribution |h"'
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!Brise marine
La chair est triste, hélas ! et j’ai lu tous les livres.
Fuir ! là-bas fuir! Je sens que des oiseaux sont ivres
D’être parmi l’écume inconnue et les cieux !
Rien, ni les vieux jardins reflétés par les yeux
Ne retiendra ce coeur qui dans la mer se trempe
Ô nuits ! ni la clarté déserte de ma lampe
Sur le vide papier que la blancheur défend
Et ni la jeune femme allaitant son enfant.
Je partirai ! Steamer balançant ta mâture,
Lève l’ancre pour une exotique nature !
Un Ennui, désolé par les cruels espoirs,
Croit encore à l’adieu suprême des mouchoirs !
Et, peut-être, les mâts, invitant les orages,
Sont-ils de ceux qu’un vent penche sur les naufrages
Perdus, sans mâts, sans mâts, ni fertiles îlots …
Mais, ô mon coeur, entends le chant des matelots !
!!!!!!Stéphane Mallarmé (1842 1898) Vers et Proses (1893)
!Brèves du temps perdu
!!!!!!//Comédie à sketchs de ~Jean-Pierre Martinez//
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Jusqu’à 30 personnages (hommes et femmes)
Comédie à sketchs sur le temps, la vie, la mort, l’amour et l’éternel retour…
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!Réveil
La lumière se fait peu à peu. Un couple dort sous un drap. Brusquement, on entend un martèlement suivi des trois coups (comme au théâtre). Il émerge, en sursaut et tombe du lit. Vêtu d’un pyjama rayé (évoquant une tenue de bagnard ou de prisonnier d’un camp), il écarquille les yeux et se frotte les côtes en grimaçant, avant de jeter un regard autour de lui, semblant ne rien reconnaître. Il regarde son pyjama, étonné. Il se lève et parcourt la pièce, à la recherche d’une issue, mais ne trouve rien. Il se fige en apercevant les spectateurs qui le regardent. Secouant la tête comme pour chasser un mauvais rêve, il revient vers le lit, et tombe nez à nez avec elle, également en pyjama rayé, qui a aussi commencé à se réveiller pendant qu’il avait le dos tourné. Ils poussent ensemble un cri de terreur en se découvrant l’un l’autre.
Elle et Lui – Ah !!!
Elle met ses mains contre sa poitrine dans un geste de pudeur.
Elle – Qu’est-ce que vous faites là ?
Lui – Et vous ?
Ne pouvant répondre, elle se lève à son tour et fait à peu près le même manège que lui précédemment, pendant qu’il l’observe.
Elle – Mais… on est où ?
Lui – Aucune idée…
Elle (se tournant vers lui) – Vous savez quand même bien comment vous vous appelez ?
Lui (mimique pour dire que non) – Et vous ?
Mimique pour dire qu’elle ne sait pas non plus.
Elle (comme pour le rassurer, maternelle) – Si on est en colo, il y a sûrement un nom, cousu sur une petite étiquette, à l’intérieur de votre pyjama.
Il a l’air surpris par cette idée.
Elle – Faites voir…
Elle s’approche de lui et veut regarder derrière son col de pyjama. Il a un mouvement de recul, mais finit par se laisser faire.
Elle (victorieuse) – Ah oui, il y a bien quelque chose d’écrit ! (Elle essaie de déchiffrer, sans succès) Je n’arrive pas à lire ! Retirez ça, pour voir…
Il a une nouvelle réticence, mais accepte finalement de retirer sa veste de pyjama. Il est désormais torse nu et manifeste une certaine gêne. À moins qu’il n’ait simplement froid. Elle se penche sur l’étiquette et lit.
Elle – Adam…
Lui – Comme la brosse ?
Elle – Comme le prénom !
Il affiche une mine perplexe, en se frottant machinalement les côtes.
Elle (inquiète) – Vous êtes blessé ?
Lui – Ce n’est rien. J’ai dû me fêler une côte en tombant du lit. (Un temps) Et vous ?
Elle – Non, moi ça va…
Lui – Non, je veux dire, vous aussi, vous avez peut-être votre nom sur une étiquette cousue quelque part. Faites voir…
Il s’approche d’elle d’un pas décidé. Elle l’arrête d’un geste ferme.
Elle – On verra ça plus tard !
Il se résigne.
Lui (sceptique) – En colo, vous croyez…? Il n’y a personne…
Elle – On est peut-être les premiers…
Lui – Ou les derniers…
Ils font à nouveau le tour des lieux chacun de leur côté, et se retrouvent face à face.
Lui – On ne s’est pas déjà vu quelque part ?
Elle (ironique) – Dans vos rêves, peut-être… (Agressive) Alors vous ne voyez vraiment aucun moyen de nous sortir de là ?
Lui – Eh, oh, on n’est pas mariés, hein ? Pourquoi ce serait à moi de vous sortir de là ?
Elle (profil bas) – Excusez-moi…
Il soupire, ne sachant plus quoi faire.
Lui – Bon… Qu’est-ce qu’on fait ?
Elle (dubitative) – On est obligé de faire quelque chose…?
Lui (décidé) – Moi, j’ai horreur de rester inactif. (Joignant le geste à la parole) Je me recouche !
N’ayant rien d’autre à proposer, elle se rallie à son point de vue.
Elle – Bon…
Lui – C’est peut-être un cauchemar… Et quand on se réveillera, ça ira mieux…
Elle – Ou ce sera pire…
Ils s’apprêtent à se recoucher, un peu gênés malgré tout de partager le même lit.
Lui – Vous avez un côté préféré ?
Elle – Non…
Lui – Bon, ben je vais reprendre celui-là, alors.
Il s’allonge du même côté qu’auparavant.
Elle (ironique) – On prend vite ses petites habitudes, hein…?
Elle se couche de l’autre côté, mais n’a pas l’air d’avoir envie de dormir.
Lui – Je peux éteindre ?
Elle – J’aurais bien lu un peu, mais on n’a même pas le texte de la pièce…
Lui – J’éteins alors. (Il cherche comment éteindre) Je ne vois pas d’interrupteur…
La lumière baisse progressivement.
Lui – Ah ben voilà ! (Il se tourne vers elle) Bon ben… À un de ces jours, alors…
Elle – C’est ça… À un de ces jours…
Noir.
Elle – Je mets le réveil ?
Lui – Ce n’est pas dimanche, demain ?
Elle – Il n’y a pas de réveil, de toute façon…
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!1 – Travaux d’approche
Elle et lui sont assis côte à côte dans un avion. Elle dort contre son épaule, comme si c’était sa compagne. Elle se réveille peu à peu… et se rend compte qu’elle dormait sur l’épaule d’un inconnu.
Elle (gênée) – Pardon, je suis désolée… Mais vous auriez dû…
Lui – Je n’ai pas osé vous réveiller…
Elle – J’ai dormi longtemps.
Lui – On a commencé les travaux d’approche…
Elle – Pardon ?
Lui – Je veux dire, euh… Les manœuvres d’approche… Pour l’atterrissage !
Elle – Ah, oui…
Elle remet un peu d’ordre dans ses cheveux d’un geste de la main.
Lui (engageant) – Vous êtes en vacances ?
Elle (sur la défensive) – Euh… Non… (Après une hésitation) Je vais rejoindre mon mari…
Lui (déçu) – Ah… Qu’est-ce qu’il fait ?
Elle – Il… Il est médecin… Il travaille pour une ONG…
Lui – Ah, oui, bien sûr… Dans un pays pareil… À part le tourisme et l’humanitaire… La prostitution, un peu… Et le trafic de drogue, bien sûr…
Elle a l’air un peu déstabilisée.
Elle – Et vous ? Vous êtes en vacances ?
Lui – Euh, non… Je fais… dans le trafic d’armes.
Elle (surprise) – Vous voulez dire, euh…
Lui – Kalachnikov, lance-roquettes, mines anti-personnelles… Je viens de toucher un lot de chars d’assaut presque neufs. Si ça vous intéresse…?
Elle – Merci… Mon mari a déjà un quatre-quatre…
Lui – Il a raison, c’est beaucoup plus pratique. Et plus écologique ! Un tank, c’est très difficile à garer, surtout en ville, et ça consomme presque autant qu’un Airbus…
Silence embarrassé, suivi d’une secousse que les comédiens peuvent marquer par un léger sursaut.
Lui – Ah, ça y est… On vient d’atterrir… (Ils se lèvent pour partir) Bon, et bien… Enchanté d’avoir fait votre connaissance…
Elle (après un moment d’hésitation) – Vous… Vous êtes vraiment trafiquant d’armes…?
Lui – Non… C’était seulement pour que vous me détestiez… Pour ne pas avoir de regret… Une femme mariée… avec un French Doctor, c’est difficile de lutter… Regardez Kouchner… Et pourtant les gens l’adorent. Et vous ?
Elle – Moi ?
Lui – Vous êtes vraiment mariée ?
Elle – Euh… En fait, non… Pas vraiment…
Lui – Alors vous êtes célibataire, et en vacances, comme moi…
Elle – Oui… Je vais au Club… Ne me dites pas que vous aussi…?
Lui – On y va tous… C’est un charter…
Elle (innocemment) – Ah, oui…?
Ils commencent à s’éloigner ensemble…
Lui – Vous dormiez vraiment…?
Elle – Non… Heureusement… Je ronfle…
Ils se sourient.
Lui – Je vous offre un verre au bar, ce soir ?
Elle – J’ai pris la formule tout compris, avec boisson à volonté. Pas vous ?
Lui – Si… (Ils se sourient à nouveau, bêtement). Je crois qu’il est temps de descendre, sinon, l’avion va redécoller. Il fait deux rotations par jour… Après vous, je vous en prie… (Ils se dirigent vers la sortie) Vous n’étiez pas déjà venue, l’année dernière ?
Elle – Si…
Lui – Il me semblait bien aussi…
Noir.
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!2 – Amour toujours
Elle et lui, côte à côte, amoureusement.
Elle – On est bien, comme ça, non ?
Lui – Oui…
Elle – Tu m’aimes ?
Lui – Oui.
Elle – Tu m’aimeras toujours ?
Lui – Toujours ?
Elle – Je ne sais pas, moi… Est-ce que tu m’aimeras pendant 50 ans ?
Lui (effaré) – 50 ans…?
Elle – 40…? (Il a l’air dubitatif) 20…? 10…?
Il a toujours l’air dubitatif.
Elle – Est-ce que tu m’aimeras pendant un an ?
Lui – Un an ? (Convaincu) Ah, oui ! Et toi ?
Elle (sceptique) – Un an ?
Lui – Six mois ? (Elle a l’air dubitative) Quinze jours ? Une semaine ?
Elle a toujours l’air dubitative.
Lui – Est-ce que tu m’aimeras jusqu’à demain ?
Elle – Demain matin ? À quelle heure ?
Lui – Je ne sais pas, moi. Disons 9 heures ?
Elle sourit en signe d’acquiescement. Ils s’embrassent.
Elle – Je mets le réveil ?
Noir
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!3 – Autoroute
Il se présente devant elle.
Lui – Combien ?
Elle – 30 euros…
Lui – Super ou ordinaire ?
Elle – Ça existe encore, l’ordinaire ? Je pensais qu’il n’y avait plus que du super ? (Il ne dit rien) Bon, ben mettez-moi de l’ordinaire. Pour changer un peu…
Lui – L’ordinaire, c’est plus cher.
Elle – Ah, bon ?
Lui – C’est devenu très rare, l’ordinaire. Il n’y en a pas partout…
Elle – Bon, ben mettez-moi du super, alors.
Lui – Super normal ou super plus ?
Elle – C’est quoi la différence ?
Lui – Super plus, c’est plus cher, mais ça consomme moins.
Elle – Qu’est-ce que vous me conseillez ?
Lui – Vous consommez beaucoup ?
Elle – Je ne sais pas. J’en prends toujours pour 30 euros…
Lui – Prenez du super plus.
Elle – Bon, ben… Le plein, alors… Je ne voudrais pas retomber en panne sèche…
Lui – Je vous fais les niveaux et la pression ?
Elle – C’est gratuit…?
Lui – C’est à la discrétion du client.
Elle – Mais… combien, sans indiscrétion.
Lui – Un euro, en moyenne. Deux pour les plus généreux. Cinq pour les bienfaiteurs de l’humanité. Je vous fais une carte de fidélité ?
Elle – Qu’est-ce qu’on gagne ?
Lui – Avec cinq pleins, vous avez droit à un lavage gratuit.
Elle – D’habitude, je la lave moi-même…
Lui (s’approchant) – C’est quoi, ça ? Une crotte de pigeon…
Elle – Vous croyez…?
Lui – Il ne faut pas laisser ça comme ça. C’est très corrosif.
Elle – Qu’est-ce que je peux faire ?
Lui – Prenez une carte de fidélité.
Elle – Je ne viens pas souvent par là. Je suis en vacances…
Lui – C’est valable partout.
Elle – La prochaine fois, peut-être…
Lui – Voilà, ça fait 95 euros.
Elle – Tenez, gardez le tout.
Lui – Merci.
Elle (s’en allant, puis se ravisant) – Excusez-moi, vous savez où on est ?
Lui – Vous allez où ?
Elle – Je ne sais pas encore.
Lui – De toute façon, vous ne pouvez pas faire demi-tour, alors…
Elle – Et la prochaine sortie, c’est loin ?
Lui – Ouh, là…! C’est pas tout de suite, hein…!
Elle – Bon, ben je vais continuer, alors.
Lui – Bonne route.
Elle – Merci.
Elle s’éloigne.
Lui – Ah, les femmes…
Noir.
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!4 – Décalage horaire
Un homme arrive un peu essoufflé devant une femme, genre hôtesse.
Lui – Bonjour mademoiselle, je suis Monsieur Dumortier…
Elle (vérifiant sur une liste) – Monsieur Dumortier, oui, parfaitement.
Lui – Désolé, je suis un peu en retard…
Elle (aimablement) – Vous êtes le dernier, en effet. Nous n’attendions plus que vous pour décoller… Vous avez des bagages ?
Lui – Euh, non… (Montrant le sac en plastique qu’il tient à la main) Juste ça… Je peux le prendre en cabine…?
Elle – Bien sûr… Classe tourisme, c’est bien cela…?
Lui (acquiesçant) – Le vol dure combien de temps ?
Elle (vérifiant) – Attendez, que je ne vous dise pas de bêtises… 37 ans exactement… Vous arrivez le 16 avril 3022 à midi, heure locale…
Lui – Je me suis dit qu’en avril, il y aurait moins de monde…
Elle – En dehors des vacances scolaires, c’est quand même moins cher. Et puis là-bas, avril, c’est la belle saison. Les jours rallongent. En hiver, on a à peine le temps de se lever qu’il fait déjà nuit : les journées ne durent que cinq heures !
Lui – Vous y êtes déjà allée ?
Elle – Oui ! Plusieurs fois. En tant qu’hôtesse, on a des tarifs… Vous avez prévu un vêtement chaud pour la décongélation ?
Lui – Bien sûr.
Elle – Heureusement qu’on a des avantages, vous savez… Parce qu’hôtesse… C’est une vie de fou… Vous partez sur le moindre vol d’une soixantaine d’années, vous revenez, il faut vous refaire des amis. Les vôtres sont déjà tous morts et enterrés… Ou alors complètement décatis… Vous avez des amis ?
Lui – Non.
Elle – Vous avez bien raison. C’est beaucoup plus simple. (Son téléphone sonne et elle répond). Oui…? Parfait, merci. (Elle raccroche et s’adresse à nouveau à son passager) Cette fois, c’est l’heure. On m’annonce que votre fusée va décoller d’un instant à l’autre. Je ne vous dis pas au revoir. Quand vous reviendrez, je serai sans doute plus de ce monde. Je fais le système solaire, en ce moment. Il n’y a presque pas de décalage annuel. C’est quand même moins fatiguant.
Lui – Surtout quand on a des enfants…
Elle – Vous les laissez à la crèche, et quand vous revenez du travail, ils ont fini médecine… Alors bon voyage !
Il part en oubliant son sac en plastique.
Lui – Merci.
Elle – Ah, vous oubliez votre bagage à main…
Lui – Oh, pour ce qu’il y a dedans…
Elle – Vous avez raison… Ce n’est pas la peine de se charger… Quand on arrive, la mode a complètement changé… Autant acheter des vêtements sur place…
Lui – Ah, je ne vous ai pas demandé, pour le retour. C’est quand ?
Elle – Le retour ? Ah, ça, c’est une question qu’on me pose rarement… Je peux vous donner une évaluation, mais vous savez… Ça dépendra de l’évolution de l’aéronautique entre temps…
Lui – Ne vous dérangez pas. Je verrai ça là-bas. Bonne journée…
Elle – Bonne journée à vous… Enfin, je veux dire… Bonne hibernation…
Lui – Eh, oui… 37 ans, quand même…
Elle – Oh, vous verrez, on ne sent pas le temps passer… Et on se réveille frais comme une rose…
Lui – Excusez-moi de vous demander ça, mais c’est vraiment une compagnie sûre…? Vous n’avez jamais eu de rupture dans la chaîne du froid…?
Elle – Pensez-vous ! Tout ça est très contrôlé. Le dernier incident qu’on a eu, c’est un passager qui s’est trompé de vol. Il devait retrouver sa fiancée sur Venus pour leur voyage de noces, et il a embarqué par mégarde pour une planète située à une quarantaine d’années lumière… Évidemment, quand il est revenu, elle…
Lui – Elle n’était plus vraiment fraîche comme une rose…
Ils rient.
Elle – Allez, maintenant filez, sinon vous allez le rater. Et le prochain vol n’est que dans soixante-dix ans…
Lui – J’y vais…
Noir.
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!5 – Partie de pêche
Un personnage est en train de pêcher. Un deuxième arrive et le regarde un moment en silence avant de parler.
Deux – Ça mord ?
Un – Je viens d’arriver…
Deux – Vous appâtez à quoi ?
Un – Mie de pain…
Deux – Ah, oui…
Un temps.
Deux – Vous avez essayé le… Ah, merde, comment ça s’appelle, déjà…? La… Ce qu’on trouve dans le camembert ! Les… Voyez ce que je veux dire…?
Un – Non…
Deux – C’est pas grave, ça me reviendra tout à l’heure…
Un – Vous êtes pêcheur ?
Deux – Non ! J’aurais jamais la patience… Rester des heures immobile à rien faire, comme ça, en attendant que ça morde… Si ça mord !
Un – Mmm…
Deux – Vous ne vous ennuyez jamais ?
Un – C’est une façon d’être un peu tranquille…
Deux – Non, je préfère encore la chasse…
Un – Vous êtes chasseur ?
Deux – Non plus… Mais si je devais choisir… Je crois que je préférerais la chasse… Il y a plus d’action, non ? Et puis au moins, on fait un peu d’exercice… Parce que rester assis comme ça toute la journée… Franchement, je ne sais pas comment vous faites…
Un – C’est reposant… On écoute le bruit de l’eau qui coule…
Deux (hurlant) – Les asticots ! Dans le camembert ! Pour appâter ! Les asticots, c’est le mot que je cherchais ! Vous avez essayé, les asticots ?
Un – Non.
Deux – Vous devriez.
Un – Une autre fois, peut-être…
Deux – Un safari… Ça ça me dirait bien… Au Kenya, par exemple… Vous connaissez, le Kenya ?
Un – Non.
Deux – La chasse au gros. Une dizaine d’éléphants qui vous foncent dessus… Pan ! Entre les deux yeux ! Mais après, y’a intérêt à se garer… Pour pas être aplati par le reste du troupeau…
Un – C’est interdit, maintenant, la chasse à l’éléphant…
Deux – Ouais… J’ai vu un reportage là dessus à la télé… Il paraît même qu’ils se remettent à proliférer… Et ils deviennent agressifs, en plus ! Ils s’attaquent aux hommes… Sans raison, comme ça… Ils foncent sur tout ce qui bouge… Il y a eu des morts, hein ! À ce qu’il paraît, c’est parce qu’ils se souviennent d’avoir été chassés il y a des dizaines d’années. Ceux qui en ont réchappé avec une patte folle, une oreille en moins ou une balle dans la trompe. Et les éléphanteaux qui ont vu leurs parents se faire massacrer sous leurs yeux. Même cinquante ans après, ils se souviennent, et ils se mettent à charger dès qu’ils voient un quatre-quatre qui passe à proximité… C’est que ça vit très vieux, un éléphant, hein ? Et ça a de la mémoire… Vous n’avez pas une touche, là ?
Un – C’est le vent…
Deux – Qu’est-ce que vous en faites, quand vous en attrapez un ? Vous le mangez…?
Un – Je le rejette à l’eau…
Deux – Alors ça ne sert vraiment à rien… (Un temps). Mais ils doivent être un peu amochés, quand vous les rejetez à l’eau, non…? Avoir un crochet qui vous transperce la joue, comme ça, ça doit pas faire du bien…
L’autre s’efforce de rester impassible.
Deux – On dit que manger du poisson, c’est bon pour la mémoire… Vous croyez que ça a de la mémoire, un poisson…?
L’autre le regarde, perplexe.
Noir.
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!6 – Excès de lenteur
Un homme s’approche d’un autre (ou d’une femme).
Un – Papiers.
Le deuxième lui tend ses papiers.
Deux – Voilà.
Le premier examine les papiers.
Un – Vous savez à quelle vitesse vous rouliez ?
Deux (profil bas) – Je ne me suis pas rendu compte…
Un – Et ce n’est pas la première fois.
Deux – C’est la dernière, je vous le promets.
Un – Non mais vous vous rendez compte ! 12 kilomètres heure sur l’autoroute ! Vous auriez pu provoquer un accident très grave ! Qu’est-ce que vous avez à dire pour votre défense ?
Deux – Je n’étais pas pressé…
Un – Vous vous foutez de moi ?
Deux – Je vous jure que non ! En fait… C’est une sorte de phobie… Dès que je pars, j’ai l’angoisse d’arriver…
Un – Vous voulez dire de ne pas arriver…
Deux – Non, d’arriver ! Ça me fait pareil en avion…
Un – Vous avez peur de l’avion ?
Deux – Pas du tout… J’ai peur de l’atterrissage… Enfin, pas de l’atterrissage en tant que tel… C’est la fin du voyage, si vous préférez… Ça me terrorise… Je suis tellement angoissé… Je pourrais détourner l’avion pour l’empêcher d’atterrir… Mais ça ne servirait à rien. Même en faisant des cercles autour de l’aéroport, on finirait par brûler tout le kérosène, et on serait quand même obligé de se poser en catastrophe, non ?
Un – Si…
Deux – À moins d’être ravitaillé en vol…
Un – Oui…
Deux – Vous n’avez pas ce genre d’angoisse, vous, en moto…
Un – Non…
Deux – Ce que j’aimais, quand j’étais enfant, c’était les manèges… Comme ça tourne en rond, on est sûr de ne jamais arriver à rien… Je montais toujours dans la soucoupe… Vous savez, la toupie, là ? On tourne sur soi-même… En plus de tourner en rond… D’ailleurs, tourner en rond, c’est le mouvement universel, non…? Les planètes tournent sur elles-mêmes, et autour du soleil… On dit que le monde ne tourne pas rond… C’est faux… Il n’y a rien qui tourne plus en rond que l’univers… Et vous…?
Un – Moi…?
Deux – Vous montiez sur quoi, au manège ?
Un – Sur la moto…
Deux – Déjà…
Un – En fait, c’est mon père qui m’installait à califourchon sur la moto.
Deux – Et pourtant, la moto, c’est très dangereux.
Un – Moi, ce que j’aurais aimé, c’est monter dans la citrouille…
Deux – La citrouille ?
Un – Enfin, le carrosse, quoi… Surtout que même en moto, le carrosse, je n’arrivais jamais à le rattraper… Sur le manège, je veux dire…
Deux – Vous vous souvenez de Mary Poppins ?
Un – Mary Poppins…?
Deux – Le film…! (Horrifié) Cette scène, quand les chevaux de bois se détachent du manège pour aller battre la campagne et finir au galop sur un champ de course à foncer hors d’haleine vers l’arrivée, la bouche pleine d’écume…
Un – La bouche pleine d’écume, vous êtes sûr ?
Deux – Pour moi, c’était pire que l’Exorciste…!
L’autre le regarde un instant avec un air perplexe.
Un – Bon…
Il rend ses papiers à l’autre.
Un – Vous n’êtes pas complètement rond, au moins ?
Deux – Je vous jure que non…
Un – Allez, ça va pour cette fois… Vous pouvez circuler…
Deux – Circuler ?
Un – Et plus vite que ça !
Deux – Bon… Vous ne voulez pas me retirer mon permis…?
L’autre lui lance un regard négatif.
Deux – Ok, j’y vais…
Il fait mine de s’en aller.
Deux – N’allez pas trop vite en moto, vous non plus…
Il se retourne une dernière fois.
Deux – Le périphérique, c’est encore loin…?
Un – Même à 130, vous en avez pour une bonne heure…
Deux – Et sinon, la prochaine sortie, c’est quoi…
Un – La gendarmerie…
Noir.
<<back>>
!7 – Hors saison
Un homme (ou une femme) en tenue d’été (genre bermuda et chemisette hawaïenne) voire en maillot de bain, arrive devant un(e) autre en tenue polaire (genre doudoune et moon boots) qui vend des glaces.
Un – Bonjour. Elles sont bonnes vos glaces ?
Deux – C’est des glaces artisanales. Combien de boules ?
Un – Qu’est-ce que vous avez comme parfum ?
Deux – Alors… vanille, chocolat, pissenlit, noisette, fraise, moutarde, cassis, menthe avec éclats de chocolat noir, fruit de la passion, citron, choucroute avec éclats de saucisse de Strasbourg, violette, rose, chrysanthème, papaye, anchois, praliné, noix de coco, framboise, cerise, noix de cabillaud, pomme, caramel, javel, banane, saucisson sec, orange, mandarine, aspirine, rhum-raisins, vieux mollard, huître, tarama, steak tartare, ananas, kiwi… Ah, non, du kiwi, il ne m’en reste plus.
Un – Tiens, je vais essayer chocolat – noix de cabillaud, pour changer un peu.
Deux – Une double alors.
Un – Va pour une triple. Vous me mettrez deux boules de cabillaud.
L’autre lui donne sa glace. Il la goûte.
Un – On sent bien le goût de la morue, hein ?
Deux – On les fait nous-mêmes.
Un (avec une moue) – Ah, une arrête…
Il extirpe l’arrête.
Deux – C’est des glaces artisanales…
Un – Mmm… Et ça marche, les affaires ?
Deux – Ça dépend des parfums… En ce moment, avec ce froid, c’est surtout petit salé aux lentilles, qui part bien. En hiver, ça réchauffe. D’ailleurs, je suis en rupture… Vous êtes en vacances ?
Un – Non, on tourne un film, dans le coin. Je suis comédien. Enfin, figurant…
Deux – Ah oui ? Et qu’est-ce que c’est comme film ?
Un – Les Bronzés au Club Med numéro 5. En hiver, ça coûte moins cher. Le Club est fermé.
Deux – C’est sûr. C’est comme pour moi. J’ai racheté tout ce stock de glaces pour une bouchée de pain. Avec la crise, faut savoir s’adapter. Surprendre. Etre là où on ne vous attend pas. En été, je vends des marrons chauds sur la plage…
Un – Je comprends… L’été prochain, je fais une figuration dans Les Bronzés Font du Ski numéro 4. On tourne à Courchevel, avec de la neige artificielle. C’est que là haut, l’été, ça cogne sous la doudoune… Bon va falloir que j’y retourne. Ils doivent avoir fini de décongeler la piscine. Tous les matins, c’est pareil. On perd un temps, avec ça…
Noir.
<<back>>
!8 – Temps perdu
Deux archéologues du temps en train d’effectuer une fouille.
Un – Je crois que cette fois, on a trouvé quelque chose…
Deux – Passé ou futur ?
Un – Futur antérieur, je dirais.
Ils découvrent un objet qu’ils exhibent. C’est une pendule.
Deux – Qu’est-ce que ça peut bien être ?
Un – Aucune idée.
Deux – Il y a des chiffres…
Un – Et des aiguilles…
Deux – Trois…
Un – Il y a une qui bouge.
Deux – Elle tourne en rond…
Un – À quoi ça peut bien servir…?
Deux – C’est peut-être dangereux…
Un – Tu crois ?
Deux – On ferait mieux de ne pas y toucher…
Un – C’est un peu tard.
Deux – On dirait que les autres aiguilles bougent aussi. Mais moins vite.
Un – Ah, ouais, tu as raison…
Deux – C’est peut-être un jeu ?
Un – Ce n’est pas très marrant.
Deux – Un instrument de mesure ?
Un – Pour mesurer quoi ?
Deux – Va savoir…
Un – À moins que ce ne soit un objet rituel…
Deux – Ou alors, c’est une œuvre d’art.
Un – Ce n’est pas très décoratif…
Un – Bon, il va falloir qu’on rentre au vaisseau spatial. Il est déjà cinq heures trente deux…
Deux – Tiens, c’est marrant.
Un – Quoi ?
Deux – La petite aiguille est sur le cinq, et la grande sur le trente deux…
Un – Tu crois que cet appareil indiquerait l’heure qu’il est ?
Deux – Va savoir…
Un – Mais à quoi ça sert, un appareil qui t’indique le présent ? C’est comme un panneau indicateur qui te dirait « Vous êtes ici ». On le sait déjà !
Deux – Nous, oui…
Une – Une civilisation primitive qui aurait eu besoin de machines pour se repérer dans le temps présent ?
Deux – C’est une hypothèse.
Un – Tu imagines, un peu ? Tu te réveilles en pleine nuit, et tu ne sais même pas l’heure qu’il est. Tu es obligé de regarder une machine pour savoir si c’est le moment de te lever ou pas…
Deux – On fait un métier passionnant…
Un – Et pour remonter le temps, comment ils faisaient ?
Deux – Peut-être qu’ils faisaient tourner les aiguilles à l’envers ?
Le premier essaie de faire tourner les aiguilles à l’envers, sans succès.
Deux – Non, ça ne tourne que dans un sens. Apparemment, ces gens-là ne pouvaient voyager que dans le futur.
Un – Pas de marche arrière, t’imagines. Tu n’as pas le droit à l’erreur…
Deux – Ça devait être une civilisation très primitive.
Un – Bon, allez, on y va. Je n’ai aucune idée de l’endroit où on est.
L’autre regarde une sorte de montre à son poignet.
Deux – Longitude 23234, largitude 43722, profonditude 65840…
Un – Remarque, si on y pense. Nous on a pas besoin de machine pour savoir l’heure qu’il est… Et si ces gens-là savaient instantanément où ils étaient…?
Deux – Rien que par la pensée, tu veux dire ?
Un – Ou alors, ils vivaient dans un espace tout petit.
Deux – Au point de toujours savoir où ils étaient ? Comme ça, rien qu’en regardant autour d’eux ?
Un – Je ne sais pas… Imagine que l’espace dans lequel ils vivaient n’était pas lisse, comme le nôtre, mais comportait des aspérités…
Deux – Comme des sommets, des failles ou des précipités ?
Un – Ouais… Qui permettaient de se repérer dans l’espace. Aussi facilement que nous on se repère dans le temps.
L’autre le regarde avec un sourire navré.
Un – C’est con, je sais…
Deux – Tu as fumé ou quoi…?
Un – Ça me fout un peu les jetons, cette machine, pas toi…?
Deux – Si…
Un – Et si on la laissait là où on l’a trouvée ?
Deux – Je n’osais pas te le proposer…
Ils se saisissent de l’horloge pour la remettre en place.
Un – Avant qu’on prenne de mauvaises habitudes…
Deux – Et qu’on ne puisse plus s’en passer.
Ils ont fini et échangent un regard.
Deux – Prêts pour la téléportation ?
Un – Ça baigne.
Un – Tu sais que tu as de l’imagination, toi ? Tu aurais dû faire philosophe, au lieu d’archéologue du temps…
Noir. Ils disparaissent.
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!9 – Perdu de vue
Elle et lui arrivent, visiblement perdus. Ils s’arrêtent, épuisés.
Elle (levant les yeux) – On n’est pas déjà passés par là ? Il me semble qu’on s’est abrités sous ce chêne il y a peine un quart d’heure…
Lui – En même temps, il n’y a rien qui ressemble plus à un arbre qu’un autre arbre. D’ailleurs, comment tu sais que c’est un chêne ?
Elle – Il y a des glands en dessous…
Lui – Je me demande si on ne ferait pas mieux de s’asseoir et d’attendre…
Il s’assoit par terre, découragé.
Elle – Attendre quoi ? On est dans le Bois de Vincennes ! Tu ne crois quand même pas que la gendarmerie va monter une expédition de secours en voyant notre voiture toute seule sur le parking ce soir ?
Il ne répond pas. Elle s’assied à son tour, résignée. Il regarde fixement quelque chose droit devant lui.
Elle – Qu’est-ce que tu regardes comme ça ?
Lui – Le corbeau, là… J’ai l’impression de l’avoir déjà vu…
Elle – Ah, tu vois, qu’est-ce que je disais… On est déjà passé par là…
Il paraît songeur.
Lui – Quand j’étais gamin, mon père avait ramené un corbeau à la maison, un soir… Il était bûcheron, mon père… Alors il avait coupé l’arbre et… Évidemment, le nid… Je l’ai nourri à la petite cuillère… Tu ne peux pas savoir le bruit que ça fait, un bébé corbeau, quand ça a faim… Au début, je n’osais même pas m’approcher… Et puis petit à petit, je l’ai apprivoisé… Il me suivait partout, comme un petit chien.
Elle – À pied ?
Lui – Il devait me prendre pour sa mère. Comme il ne me voyait pas voler, il n’avait pas idée de le faire non plus…
Elle se demande visiblement s’il ne délire pas.
Lui – Enfin si, il volait ! Les crayons de mon père, qu’il lui piquait dans son bureau, et qu’il allait enterrer dans le jardin. Qu’est-ce qu’on a rigolé, avec ça…
Elle (perplexe) – Mmm…
Lui – Et puis petit à petit, ça lui est venu…
Elle (larguée) – Quoi ?
Lui – De se servir de ses ailes ! Au début, c’était juste des petits sauts. D’une chaise de jardin à une autre… Et puis de la chaise à un arbre…
Elle – Il a dû voir d’autres corbeaux voler. Ça lui a donné des idées…
Lui – Au début, il ne s’absentait qu’un jour ou deux… On savait qu’il reviendrait… Et puis un jour il est parti pour de bon, et on ne l’a plus jamais revu… Il est retourné à la vie sauvage…
Elle – Ou alors un chasseur lui a mis un coup de fusil. S’il n’était pas farouche…
Lui (poursuivant sans l’entendre) – Depuis, à chaque fois que je vois un corbeau, je me demande si ce n’est pas Babac…
Elle – Babac…?
Lui – C’est comme ça qu’on l’avait appelé…
Il fixe toujours le corbeau avec un air rêveur. Elle le regarde de plus en plus perplexe.
Elle – Attends, il doit être mort depuis longtemps, ton corbac !
Lui – Ne crois pas ça. Ça vit plus de cent ans, un corbeau…
Elle se relève pour rompre le charme.
Elle – Dis donc, je ne voudrais pas troubler ces émouvantes retrouvailles, mais il faudrait peut-être songer à repartir, là. Il commence à faire nuit…
Il regarde du côté du corbeau.
Lui (déçu) – Il s’est envolé… Ce n’était peut-être pas lui, finalement…
Elle semble soulagée de le voir revenir à la raison.
Lui – Ou alors, c’est toi qui lui as fait peur…
Ils s’en vont.
Elle – Tu es sûr que c’est par là ? Je ne suis pas encore prête pour le retour à la vie sauvage, moi…
Noir.
<<back>>
!10 – Coup de foudre
Un homme entre avec circonspection dans ce qui est supposé être un appartement vide, et à vendre. Il est habillé façon VRP et tient une mallette à la main. N’étant visiblement pas chez lui, il attend, ne sachant pas très bien quoi faire. Puis il en profite pour examiner discrètement les lieux. Son jugement semble très favorable. Son portable sonne, il répond.
Lui – Oui…? Oui, chérie… Oui, j’y suis… Non, la fille de l’agence n’est pas encore arrivée. Je suis un peu en avance. Une occasion pareille, tu penses bien. Je tenais absolument à être le premier. Oui, elle m’a dit qu’il y avait quelqu’un d’autre sur l’affaire… Non, non, c’était ouvert, alors j’en ai profité pour entrer… Ah, oui, je t’assure, c’est vraiment magnifique. Le coup de cœur, je te jure. Non, je crois que cette fois, c’est le bon. Et à ce prix là… Les propriétaires sont pressés, apparemment… Un divorce, il paraît… Excuse-moi, je vais devoir te laisser… Je l’entends qui arrive… Ok, je te rappelle après, d’accord…? Tchao…
Une femme entre. Elle est habillée un peu de la même façon que lui, au féminin, et porte également une mallette.
Elle – Bonjour… Vous êtes bien…?
Lui – Oui…
Elle – Je me suis garée sur une place handicapés, mais bon… On n’en a pas pour très longtemps…
Lui – Non, bien sûr…
Elle jette un regard circulaire sur la pièce. Il semble un peu décontenancé.
Elle – Ah, oui, c’est…
Lui – C’est la première fois que vous le voyez…?
Elle – Oui… Pourquoi ?
Lui – Non, non… Rien… Je…
Il se met à examiner les lieux lui aussi.
Elle – Ce n’est pas très grand, évidemment, mais bon…
Lui – Pour un couple.
Elle – Oui.
Lui – Il y a pas mal de placards…
Ils semblent tous les deux un peu embarrassés.
Elle – Il faut reconnaître qu’à ce prix-là, c’est une occasion à saisir.
Lui – Oui…
Elle a l’air attendrie par sa maladresse.
Elle – Vous… Vous faites ça depuis longtemps…
Lui – Ça ?
Elle – Vous débutez, je me trompe ?
Lui – C’est à dire que… Pourquoi ?
Elle (amusée) – Ça se voit un peu…
Lui – Ah, oui…?
Elle – Vous n’êtes pas très… Mais au contraire, hein… Ça fait six mois qu’on cherche, alors évidemment… Excusez-moi, mais… les agents immobiliers, on commence à connaître leur baratin… Alors là, ça me repose un peu…
Lui – Bien sûr…
Elle – Et puis c’est vrai qu’un appartement comme ça, à ce prix là… Il n’y a pas vraiment besoin d’en rajouter…
Lui – Non…
Elle reprend sa visite.
Elle – Ah, oui, c’est… C’est très lumineux…
Lui – Oui, enfin…
Elle – Pardon ?
Lui – Surtout la journée…
Elle – Oui… C’est sûr que la nuit… Ça doit être un peu plus sombre…
Lui – Eh bien justement non.
Elle – Non ?
Cherchant visiblement quelque chose pour argumenter son propos, il se place face au public devant l’endroit supposé de la fenêtre.
Lui – Vous avez vu cette enseigne lumineuse, sur le toit, là bas, juste en face…
Elle – Ah, non…
Lui – Pour la boîte de nuit, en bas ! Avant de vous coucher, vous avez intérêt à fermer les volets…
Elle – Ah, oui…
Lui – Le problème, c’est… qu’il n’y a pas de volets.
Elle – Ah, non…
Lui – En revanche, si vous êtes insomniaque, vous pouvez lire jusqu’au lendemain matin, vous n’avez même pas besoin d’allumer la lumière. Vous êtes insomniaque ?
Elle – Des fois…
Lui – L’avantage, c’est que vous ne serez pas réveillée à quatre heures du matin quand les clients quittent la boîte et s’en grillent une en chahutant avant de rentrer chez eux à moitié bourrés.
Elle – Je croyais que c’était la première fois que vous veniez ici… Vous avez l’air de bien connaître le voisinage…
Lui – Déformation professionnelle… Dans notre métier, on a l’œil pour tous ces petits inconvénients qui n’apparaissent généralement aux acheteurs imprudents qu’après avoir signé la promesse de vente…
Elle (perplexe) – Il y a quand même une belle hauteur de plafond…
Lui – Oui…
Elle – Non…?
Lui – Si, si… C’est… C’est sûr que c’est très agréable, cette impression de volume…
Elle – Oui…
Lui – Mais il faut aussi penser au chauffage…
Elle – Le chauffage…
Lui – Plein nord, comme ça… Là, on est en été… Mais au mois de décembre…
Elle – Vous croyez ?
Lui – Quand on est chauffé au gaz, encore…
Elle – Oui…
Lui – Mais là, avec le chauffage électrique…
Elle – Ah, oui…
Lui – En plus il n’y a qu’un radiateur…
Elle – Mmm…
Lui – Et pas bien gros encore.
Elle – Non…
Lui – Allez savoir s’il marche, au moins…
Elle semble déstabilisée, mais en même temps intriguée.
Elle – Vous êtes payé à la commission ?
Lui – Non, pourquoi ?
Elle – Comme ça… Enfin, la journée, ça a l’air plutôt calme, non ?
Il jette un nouveau regard par la fenêtre.
Lui – Ouh, là… Vous avez vu, à droite ?
Elle – Quoi ?
Lui – L’école !
Elle – Ah, oui… Nous n’avons pas encore d’enfants mais… C’est vrai que ce serait pratique…
Lui – Mmm…
Elle – Non ?
Lui – Attendez l’heure de la récréation…
Elle – Vous voulez dire…
Lui – Vous ne travaillez pas chez vous, au moins ?
Elle – Si… Je… Je suis traductrice…
Lui – Croyez-moi… Une école… Quand on ne rentre chez soi que le soir, ça va… Mais quand on a besoin de tranquillité pour travailler pendant la journée…
Elle – À ce point là…?
Lui – Depuis combien de temps vous n’avez pas mis les pieds dans une cour de récréation ?
Elle – Je ne sais pas…
Lui – Croyez-moi, une école… Il vaut encore mieux habiter à côté d’une centrale nucléaire…
Elle – Ah, oui ?
Lui – Ça fait moins de bruit…
Elle reste un instant interloquée.
Elle – Mais… Pourquoi vous me dites tout ça ? Votre métier, c’est de vendre des appartements, non ?
Lui – Vous m’êtes sympathique, je ne sais pas pourquoi… Je ne voudrais pas que… Et puis je finirai bien par trouver un autre pigeon…
Elle – Je vous remercie de votre honnêteté… Je suis très touchée…
Lui – Je vous en prie.
Elle insiste encore un peu.
Elle – Et les toilettes ?
Lui – Dans la salle de bain…
Elle – Ça prend moins de place.
Lui – Mais ce n’est pas très commode… surtout si vous comptez agrandir la famille.
Elle renonce.
Elle – D’accord… Je vais peut-être réfléchir encore un peu, alors…
Lui – Prenez tout votre temps… Je ne pense pas que ce genre de produits parte très rapidement, de toute façon…
Elle – Merci… Alors je vais y aller… Je suis garée sur une place handicapés…
Lui – Oui… Je crois qu’il y a un hôpital psychiatrique, pas très loin…
Elle le regarde un peu inquiète, se demandant visiblement un instant s’il ne viendrait pas de s’en échapper.
Elle – Vous êtes un drôle d’agent immobilier, quand même…
Lui – Vous trouvez…?
Elle (troublé) – J’y vais…
Lui (troublé aussi) – Ok…
Elle s’en va. Il jette un regard circulaire sur l’appartement, avec un air beaucoup moins satisfait que la première fois. Son téléphone sonne.
Lui – Oui…? Ah, c’est toi… Non, ce n’était pas l’agent immobilier, en fait, c’était… Écoute, je ne peux pas te raconter ça tout de suite, la fille de l’agence va arriver… Tout ce que je peux te dire, c’est que maintenant, on est les seuls sur les rangs… (Essayant de se remotiver) C’est génial, non ? L’appartement…? (Il a un moment de flottement et jette un nouveau regard désenchanté autour de lui) Écoute… Je me demande s’il est si bien que ça, finalement… Oui, je sais, c’est ce que je pensais, mais tu sais ce que c’est… Parfois, on a le coup de foudre, et… Mais non, je ne dis pas ça pour toi, évidemment… Je te parle de l’appartement ! Bon, on en reparle tout à l’heure, d’accord, j’entends des pas dans l’escalier…
Il range son portable dans sa poche et se tourne vers la porte. À sa grande surprise, c’est la femme qui revient.
Elle – Vous croyez au coup de foudre…?
Il ne répond rien, interloqué. Elle se dirige vers lui, et lui roule un patin. On entend au loin le vacarme allant croissant des enfants qui sortent en récréation. Le noir se fait. Relayé par le flash de lumière intermittent de l’enseigne lumineuse.
Noir.
<<back>>
!11 – Temps pis
Elle est assise, en train de lire un livre. Il approche très hésitant.
Lui – Euh… Excusez-moi de vous importuner, mais…
Elle – Oui ?
Lui – Je… me demandais si… vous accepteriez de… me donner l’heure, s’il vous plaît.
Elle – Désolée, mais ma montre s’est arrêtée.
Lui – Ah…
Elle – La pile, sans doute.
Lui – C’est ennuyeux…
Elle – Oui.
Lui – Bon, alors je ne vais pas vous déranger plus longtemps.
Elle – Mmm…
Il s’apprête à s’en aller, mais se ravise.
Lui – Vous pourriez peut-être quand même me dire quelle heure il était quand votre montre s’est arrêtée ?
Elle – Euh, oui, pourquoi pas…
Lui – Ça me donnerait déjà une idée…
Elle – Une idée ?
Lui – Une idée… de l’heure qu’il est maintenant.
Elle – Ah, oui…
Lui – Par exemple, je ne sais pas moi… Si votre montre s’est arrêtée à trois heures vingt-huit, je saurais déjà qu’il est plus de trois heures vingt-huit…
Elle (vérifiant) – Ma montre s’est arrêtée à trois heure et demie…
Lui – Merci infiniment, ça me donne déjà une indication… Je sais maintenant avec certitude qu’il est plus de trois heures trente…
Elle – Oui…
Lui – Encore une fois, pardon de vous avoir dérangée…
Elle – Pas de quoi.
Il s’apprête à repartir, mais se ravise à nouveau.
Lui – Vous êtes sûre que votre montre est bien arrêtée, au moins…
Elle – Ah, oui, quand même…
Lui – Excusez-moi, mais… Comment pouvez-vous en être absolument certaine ?
Elle – Je ne sais pas, je…
Lui – Parfois, il arrive qu’on ait l’impression que le temps ne passe pas très vite… Ou même pas du tout… Momentanément, en tout cas…
Elle – C’est vrai, mais…
Lui – Quand on s’ennuie, par exemple…
Elle – Euh, oui…
Lui – On regarde sa montre, on a l’impression qu’elle est arrêtée, alors qu’en fait…
Elle – Mmm…
Lui – Vous… vous êtes beaucoup ennuyée en attendant ?
Elle – En attendant quoi ?
Lui – Je ne sais pas, je… Je ne me permettrais pas de vous demander ce que vous attendez… ou qui.
Elle – Pas spécialement… J’ai mon bouquin…
Lui – Alors je suis désolé pour vous mais dans ce cas, je crains fort que votre montre soit vraiment en panne…
Elle – Oui… Ça fait une bonne demi-heure qu’elle indique trois heures et demie… Je crois qu’il n’y a pas aucun doute là dessus…
Lui – Attendez… Une demi-heure, vous dites ?
Elle – À peu près, oui…
Lui – Comment le savez-vous ?
Elle – Eh bien… J’ai eu le temps de lire trois chapitres de mon bouquin…
Lui – Dans ce cas, si votre montre s’est arrêtée sur trois heures trente, il y a de cela une demi-heure, ça veut dire qu’il est à peu près quatre heures maintenant.
Elle – Oui, pas loin, sans doute…
Elle – Et vous savez d’expérience que ça vous prend exactement dix minutes pour lire un chapitre ?
Elle – Pas exactement… Ça dépend de la longueur des chapitres…
Lui – Ah… Et vu l’épaisseur de votre livre, je suppose que ceux-ci doivent être sensiblement plus longs que la moyenne…
Elle – Oui, peut-être…
Lui – Mmm… Donc il pourrait très bien être un peu plus de quatre heures.
Elle – Ah, ça certainement pas !
Lui – Non ? Qu’est ce qui vous permet d’affirmer cela ?
Elle – Eh bien… J’ai rendez-vous avec quelqu’un, en effet…
Lui – Ah…
Elle – À quatre heures précise, justement…
Lui – Je vois… Mais… votre rendez-vous pourrait être en retard.
Elle – Ah, je ne crois pas, non.
Lui – Et pourquoi cela ?
Elle – C’est un premier rendez-vous… Un homme n’arrive jamais en retard à un premier rendez-vous, n’est-ce pas ? En général…
Lui – En général, une femme n’arrive pas en avance non plus à un rendez-vous. Surtout le premier…
Elle – Ah, oui ? Et pourquoi cela ?
Lui – Pour ne pas avoir l’air complètement désespérée, j’imagine…
Elle – Oui, bien sûr…
Lui – Or, vous m’avez dit que vous étiez là depuis une bonne demi-heure, n’est-ce pas ?
Elle – Oui…
Lui – Vous voyez bien qu’en l’occurrence, on ne peut pas se fier aux généralités…
Elle – C’est vrai… Et pourquoi est-ce que vous avez tant besoin, vous même, de savoir l’heure qu’il est ?
Lui – J’ai rendez-vous à quatre heures, moi aussi. Et comme je suis quelqu’un de très ponctuel…
Elle – Quand on est très ponctuel, il vaut mieux avoir une montre, non ?
Lui – Ah, mais j’en ai une !
Elle – Et elle est en panne, elle aussi…
Lui – Non ! Enfin je ne crois pas…
Elle – Alors pourquoi me demandiez-vous l’heure ?
Lui – Mais… pour vérifier que ma montre n’était pas arrêtée, justement. Comme la vôtre.
Elle – Alors vous allez pouvoir me dire quelle heure il est.
Lui – Mais parfaitement… Il est exactement quatre heures zéro six… Vous pouvez me faire confiance, c’est une montre suisse…
Elle – Merci…
Lui – Je l’ai depuis des années… C’est mon parrain qui me l’avait offerte pour ma première communion… Il est mort depuis d’un arrêt du cœur, mais la montre elle… Jamais une seule panne depuis que je l’ai !
Elle – Et quand les piles sont à plat ?
Lui – Il n’y a PAS de pile ! Je la remonte tous les soirs à vingt heures précises !
Elle – Bon, eh bien… Merci de m’avoir donné l’heure…
Elle se lève.
Lui – Vous partez déjà ?
Elle – Quatre heures zéro six, vous dites. Je ne voudrais pas avoir l’air de l’attendre. Nous avions rendez-vous à quatre heures…
Lui – Je comprends… Alors au revoir… Et… excusez-moi encore de vous avoir dérangée…
Elle s’en va. Il reste seul.
Lui – Je vais l‘attendre encore cinq minutes… Disons… jusqu’à quatre heures onze… Mais moi non plus, je n’aime pas beaucoup les femmes qui sont en retard… Surtout pour un premier rendez-vous…
Noir.
Pause
Un personnage est sur scène, désœuvré. Un autre arrive et l’interpelle.
Un – Bonjour.
Deux – Salut.
Un – Je suis l’auteur. Je fais une petit break.
Deux – Un break ? (Sur un ton de reproche) Le spectacle vivant, c’est comme la vie. Il n’y pas de touche pause…
Un – Il n’y a même pas de coupure publicitaire…
Il sort un paquet de cigarettes et le tend à l’autre.
Un – Vous en voulez une ? Pour tuer le temps… Ça nuit gravement, mais ça règle le problème des retraites.
Deux – Merci. Je ne fume pas.
Un – Ah… Excusez-moi.
Il range son paquet de cigarettes.
Un – Vous êtes au chômage…?
Deux – Par intermittence.
Un – Et vous ne vous ennuyez jamais ?
Deux – Vous savez ce qu’on dit…
Un (soupirant) – Le plus dur, dans ce métier, c’est d’attendre.
Silence.
Deux – Ça sera dans la pièce ?
Un – Quoi ?
Deux – Ce qu’on est en train de dire.
Un – Ah, euh… Je ne sais pas encore. Ça dépend.
Deux – De quoi ?
Un – De l’intérêt de notre conversation, j’imagine. Vous avez quelque chose d’intéressant à dire ?
Deux – C’est vous l’auteur.
Un – Ouais.
Deux – Enfin, c’est vous qui le dites.
Un – Ouais…
Silence.
Deux – Vous écrivez plutôt la nuit ?
Un – Non, pourquoi ?
Deux – Vous avez l’air un peu fatigué…
Un – Je me couche tôt, je me lève tard. J’écris surtout en fin de matinée. Des fois, quand je suis inspiré, je m’y remets un peu après la sieste. (Il regarde sa montre) D’ailleurs, ce n’est pas que je m’ennuie, mais il va falloir que j’y retourne.
Deux – Oui, je crois.
Un – Merci de m’avoir tenu compagnie. Ça m’a fait plaisir de discuter un moment avec vous.
L’auteur tend la main à l’autre pour la lui serrer. L’autre hésite un instant, et lui serre la main.
Un – Vous avez la main froide.
Deux – Vous êtes vraiment auteur ?
Un – Pourquoi ?
Deux – Ça pédale un peu dans la semoule, non ?
Un – Vous ne m’aidez pas tellement… Oui, je sais, c’est moi l’auteur. Mais il paraît que quand on a un bon personnage, il suffit de le laisser parler…
Deux – Quand on veut tuer son chien, on l’accuse de la rage… Et puis le théâtre dans le théâtre… Ça a déjà été beaucoup fait, non ? Quand un auteur se met à parler boutique… C’est qu’il n’a plus rien à dire, non ?
Un (ne trouvant rien à répondre) – Bon… (En sortant, un peu déprimé, pour lui-même) Je crois que je ne vais pas la garder, cette scène-là…
Noir.
<<back>>
!12 – Plans de carrière
Elle et lui, une dizaine d’années (mais pouvant être joués par des adultes habillés comme des enfants), sont assis sur un banc, leurs sacs d’école posés à côté d’eux, dans ce qui pourrait être une cour de récréation. Ils restent un moment silencieux, plongés chacun dans ses pensées.
Lui – Vous avez eu les bulletins ?
Elle – Oui.
Lui – T’as combien de moyenne ?
Elle – Dix-sept.
Lui – Ah, ouais, quand même…
Elle – Et toi ?
Lui – Huit et demi.
Elle – C’est marrant…
Lui – Quoi ?
Elle – C’est la moitié.
Lui – La moitié de quoi ?
Elle – Huit et demi. La moitié de dix-sept.
Lui – Tu crois ?
Elle le regarde un peu étonnée, et renonce à répondre. Silence.
Lui – Qu’est-ce que tu veux faire, toi, quand tu seras grande ?
Elle – Je ne sais pas… (Un temps) J’hésite entre kinésithérapeute et péripatéticienne.
Lui – Ah, ouais, c’est cool… (Silence) C’est quoi, exactement, kinésithérapeute ?
Elle – Ben… Un type qui a une crampe, par exemple. Il appelle la kinésithérapeute, elle lui fait un massage…
Lui – Pour retirer sa crampe…?
Elle – Euh… Ouais…
Lui – Ah, ok… (Un temps) C’est une masseuse, quoi…
Elle – Ouais… Mais maintenant, ça s’appelle une kinésithérapeute.
Lui – C’est cool…
Elle – Ça vient du grec : « kinésie », le mouvement, et « thérapeute », qui soigne. Parce qu’il faut faire des études, quand même, pour être kinésithérapeute.
Lui – Des études de grec ?
Elle – De latin, plutôt. Pour savoir ce que c’est que le radius, le cubitus, le strato-nimbus, le romulus et rémus…
Lui – Le strato-nimbus ?
Elle – Je déconne.
Lui – Ah ouais, c’est cool… (Un temps) Et ça gagne bien kinésithérapeute ?
Elle – Nan… C’est ça le problème… C’est pour ça que j’hésite avec péripatéticienne…
Lui – Mmm… (Un temps) Péripatéticienne, c’est un peu comme esthéticienne, non ?
Elle – C’est ça… C’est une esthéticienne, mais qui pratique sous le périphérique. C’est pour ça qu’on appelle ça une péripatéticienne.
Lui – Ah, ok… (Un temps) Et ça gagne bien ?
Elle – Ma grande sœur, elle est péripatéticienne, et ma mère dit qu’elle gagne dix fois plus qu’elle.
Lui – Qu’est-ce qu’elle fait, ta mère ?
Elle – Rien.
Lui – Rien ?
Elle – ANPE.
Lui – Ah, ouais… Ça craint…
Elle – ASSEDIC.
Lui – Et ta sœur, ça lui plaît, comme métier, péripatéticienne ?
Elle – Je ne sais pas. Mon beau-père l’a foutue dehors juste après le brevet.
Lui – Ah, ouais… C’est pas cool…
Elle – Non.
Lui – Et ton beau-père, qu’est-ce qu’il fait ?
Elle – Rien…
Lui – Rien ?
Elle – Décédé.
Lui – Ah, ouais, quand même… Mais décédé, euh ? (Devant le silence de son interlocutrice) Ouah…
Elle – Et toi, qu’est-ce que tu veux faire quand t’auras ton bac ? Si tu l’as un jour…
Lui – J’hésite…
Elle – Entre quoi et quoi ?
Lui – Je ne sais pas.
Elle – Qu’est-ce qu’ils font tes vieux ?
Lui – Mon père est prof de grec.
Elle – Et ta mère ?
Lui – Prof de grec.
Elle – Génial…
Lui – Ils veulent que je sois prof de latin.
Elle – De latin ?
Lui – Ils disent que prof de grec, j’aurais jamais le niveau.
Elle – Cool…
Lui – Il n’y a pas de chômage. C’est la fonction publique.
Elle – Et ça gagne bien, prof de grec ?
Lui – Je ne sais pas…
Elle – Plus que péripatéticienne ?
Lui – Pareil.
Elle – Mais il faut faire des études…
Lui – Il y a un concours… Il n’y a pas de concours pour être péripatéticien ?
Elle – Ma sœur, elle a commencé avec le brevet.
Lui – Ah, ouais… C’est cool ça…
Ils restent un moment silencieux.
Lui – Oh, putain…
Elle – Quoi ?
Lui – Huit et demi… Mes parents vont me tuer, c’est clair…
Elle – T’as qu’à leur dire ça.
Lui – Quoi ?
Elle – À tes vieux. En rentrant, tu leur dis que tu veux être péripatéticien. Comme ça ils te foutront la paix.
Lui – Tu crois ?
Elle – Ben ouais…
Lui – Ah, ouais…
Elle – Il faut juste le brevet.
Lui – Ouais, c’est pas con… (Il regarde sa montre) Bon, il faut que j’y aille, sinon ils vont vraiment me tuer…
Elle – Ok. Tu me raconteras.
Lui – Quoi ?
Elle – Tes vieux. Pour ton projet professionnel. Qu’est-ce qu’ils en pensent…
Lui – Ah, ok… C’est cool… Merci du tuyau, en tout cas…
Lui s’éloigne.
Elle – Alors lui, il est vraiment trop con.
Noir
<<back>>
!13 – Face à face
L’un et l’autre se regardent à la dérobée.
Un – On se connaît…?
Deux – Je ne sais pas.
Un – Pardon, j’avais l’impression…
Deux – Non, non, ne vous excusez pas. Moi aussi. Votre tête me dit quelque chose…
Un – Où est-ce qu’on aurait pu se rencontrer…?
Deux – Vous habitez dans le coin ?
Un – Pas très loin. Et vous ?
Deux – Je promenais mon oiseau…
Un – On s’est peut-être croisé ici…
Deux – Ou ailleurs…
Silence.
Un – C’est curieux. J’ai vraiment l’impression qu’on se connaît…
Deux – On voit tellement de gens…
Un – Bon. Il va quand même falloir que j’y aille…
Deux – Content d’avoir fait votre connaissance.
Un – Au plaisir…!
Le premier s’apprête à s’en aller, mais se ravise.
Un – Ah, au fait, moi c’est Pierre… Au cas où on se revoit un de ces jours par ici…
Deux – Pierre ? Tiens, c’est marrant. Moi aussi…
Un – C’est un prénom assez courant…
Deux – Pierre comment ?
Un – Pierre Dumortier.
Deux – C’est pas vrai ? Comme moi !
Un – Alors on est des homonymes, comme qui dirait !
Deux – Mais ça ne nous dit toujours pas où on s’est déjà vu…
Un – Bon, ben alors, euh… Je vais y aller…
Deux – J’y vais aussi.
Un – Vous allez par où ?
Deux – Et vous ?
Un – Par là.
Deux – Après vous, je vous suis.
Un – Merci.
Ils s’en vont.
Un – Allez viens, Babac !
Deux – Pas possible ! C’est votre corbeau ?
Un – Oui, pourquoi ?
Deux – C’est le mien aussi !
Un – Je savais bien que votre tête me disait quelque chose…
Noir
<<back>>
!14 – 107 ans
Le premier, plus vieux, est déjà là, désœuvré. Le deuxième, plus jeune, arrive.
Jeune – Salut.
Vieux – Salut.
Le jeune fait quelques pas, pour reconnaître les lieux.
Vieux – Je ne vous fais pas faire le tour du propriétaire…
Le jeune sourit vaguement.
Jeune – Ça fait longtemps que vous êtes là ?
Vieux – Je ne sais plus… Je perds la mémoire. Dans un sens, ici, c’est pas plus mal, vous verrez… Je sais que je suis encore là pour un bout de temps, mais comme j’ai toujours l’impression d’être arrivé hier… (Un temps) Combien ?
Jeune – 10 ans… Et vous ?
Vieux – 107 ans.
Jeune (impressionné) – 107 ans ? Pour quoi ?
Vieux – Escroquerie.
Jeune – C’est cher, pour une escroquerie…
Vieux – Et vous ?
Jeune – J’ai tué un policier…
Vieux – Ce n’est pas très cher pour avoir tué un policier…
Jeune – Une grosse escroquerie…?
Vieux – 115 millions.
Jeune – À qui on peut bien escroquer 115 millions ? À part à un escroc… Total ? Société Générale ?
Vieux – Française des Jeux.
Jeune – Ah, ouais…
Vieux – Les numéros que je jouais n’étaient jamais les bons. Je me suis débrouillé pour que les bons numéros soient ceux que j’avais joués…
Jeune – Et comment on fait ça ?
Vieux – Un magicien ne révèle jamais ses trucs. Sinon, il n’y a plus de magie…
Au gré du metteur en scène, le vieux peut esquisser un petit tour de magie simple, réussi ou raté. Quoi qu’il en soit, le jeune est impressionné.
Jeune – 107 ans…
Vieux – Oh, je ne les ferai pas.
Jeune – Vous avez un truc pour vous évader d’ici ?
Vieux – Un truc imparable. Vous avez pris combien, déjà ?
Jeune – Avec les remises de peine, je peux espérer sortir dans 5 ans.
Vieux – Je serai sorti avant vous. Vous voulez parier ?
Jeune – Vous avez escroqué la Française des Jeux…
Vieux – Â mon âge… Je sortirai même par la grande porte. Les pieds devant…
Silence.
Jeune – Excusez-moi, mais… Pourquoi voler 115 millions… à votre âge, justement ?
Vieux – C’est vrai… À mon âge, on n’a plus rien à gagner… D’un autre côté, on n’a plus rien à perdre non plus. Au pire, c’était la prison, au lieu de la maison de retraite. Au moins, ici, je suis avec des jeunes… Pourquoi, vous avez buté ce flic ?
Jeune – C’était l’amant de ma femme…
Vieux – Ah, oui, ce n’est pas de bol… Il aurait été charcutier, vous auriez pris trois ans. Et vous, qu’est-ce que vous faites, dans la vie ? Enfin, qu’est-ce que vous faisiez…
Jeune – J’étais horloger.
Vieux – Ah… Ici, il vaut mieux ne pas trop regarder sa montre… Moi, j’ai une Rolex. La précision suisse… C’est tout ce qu’ils m’ont laissé, je ne sais pas pourquoi. Enfin, je m’en doute un peu… (Il regarde sa montre) À propos, je vais vous demander de m’excuser un instant, c’est l’heure du tirage…
Il prend une petite radio qu’il colle à son oreille.
Jeune (étonné) – Vous jouez encore au loto ?
Vieux – On ne se refait pas… Malheureusement, je ne peux plus aller au bureau de tabac pour valider mes bulletins.
Jeune – À quoi ça sert de jouer ? Si on ne peut plus miser…
Vieux – Pour passer le temps ! Je n’ai plus rien à gagner, vous l’avez dit… Mais on ne peut pas m’empêcher de jouer… Tenez, la semaine dernière j’ai eu quatre bons numéros…
Jeune – Combien ?
Vieux – 19 euros… Vous voulez faire une grille avec moi ? Ou alors, on fait une cagnotte, et on remise nos gains…
Air circonspect du jeune.
Vieux – Vous verrez, vous sortirez d’ici virtuellement milliardaire…
Noir.
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!15 – Leçon de choses
Un personnage plus vieux et un autre plus jeune (jouables indifféremment par des hommes ou des femmes).
Vieux – Alors ? Qu’est-ce que tu veux faire quand tu seras grand ?
Jeune – Je ne sais pas… Qu’est-ce que ce que tu voulais faire, toi, quand tu étais jeune ?
Vieux – C’est loin, tout ça… Sûrement pas ce que je fais maintenant, en tout cas…!
Jeune – Qu’est-ce que tu fais ?
Vieux – Oh, rien de très intéressant, tu sais… Des fois, je me demande même si ça sert à quelque chose… Mais il faut bien que quelqu’un le fasse…
Jeune – Pourquoi…?
Vieux – Qu’est-ce que tu crois ? Il y en a plein derrière moi qui attendent la place ! Ah, si seulement c’était à refaire… Avoir ton âge, et savoir ce que je sais…
Jeune – Qu’est-ce que tu ferais ?
Vieux – Va savoir ? En tout cas, je n’en serai certainement pas là où j’en suis… Mais j’en ai trop vu… Ils m’en ont trop fait voir… Quand on est jeune, on en veut… On y croit… Mais je ne me fais plus d’illusion… Tu verras quand tu auras mon âge…
Jeune – Je verrai quoi ?
Vieux – Tu le sauras bien assez tôt, va… Ces trucs-là, c’est pas facile à expliquer… Et encore, tu as de la chance. Moi, à ton âge, je ne pouvais même pas poser ce genre de questions.
Jeune – Quelles questions ?
Vieux – Allez, va apprendre tes leçons, va… Si tu ne veux pas finir comme moi…
Jeune – Tu n’apprenais pas tes leçons, toi ?
Vieux – Si…
Jeune – Alors à quoi ça sert d’apprendre ses leçons ?
Vieux – Allez, fais ce que je te dis… Tu comprendras plus tard… Et tu me remercieras… (Il s’en va). Ah, ces gosses… Faut tout leur expliquer…
Noir.
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!16 – Mémoire cash
Elle et lui, en train de s’embrasser, un long moment.
Ils relâchent leur étreinte, et regardent droit devant eux.
Elle – Ça te rappelle quelque chose ?
Lui – Non… Et toi ?
Elle – Non plus.
Lui – C’est la première fois.
Elle – C’est pas inoubliable.
Lui – La première fois, on ne peut pas comparer. On ne se souvient de rien.
Elle – La première fois, on ne se rappelle pas. On le garde juste en mémoire.
Lui – C’est quoi, la mémoire ?
Elle – Je ne sais pas…
Lui – C’est quoi oublier ?
Elle – Je ne sais plus…
Lui – On recommence ?
Elle – Ok.
Ils s’embrassent à nouveau, puis relâchent leur étreinte.
Lui – Et là, ça te rappelle quelque chose ?
Elle – J’ai le vague souvenir d’un déjà vu.
Lui – Moi aussi.
Elle – Ça y est, je m’en souviens.
Lui – C’est un début.
Elle – Oui.
Lui – C’est la deuxième fois.
Elle – Ce n’est pas un début, alors.
Lui – La première fois, on ne sait pas que c’est un début, puisqu’on ne se souvient de rien.
Elle – Ça sert à quoi de se souvenir ?
Lui – Ça fait passer le temps.
Elle – Et à la fin ? Comment on sait que c’est la dernière fois ?
Lui – On ne sait jamais.
Elle – Il faudrait pouvoir s’en souvenir. Après.
Lui – On ne se souvient que de l’avant-dernière fois.
Elle – C’est la vie.
Lui – Oui. Entre la deuxième et l’avant-dernière fois.
Elle – La vie, c’est quand on y repense.
Lui – C’est une histoire sans queue ni tête.
Ils commencent à s’en aller, chacun de son côté.
Elle – On se rappelle ?
Lui – Ou on efface la mémoire cache ?
Noir.
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!17 – Souvenirs
Un vieil homme est assis, appuyé sur un parapluie. Une vieille femme arrive. Elle s’assied à côté et lui prend la main. Il se laisse faire, un peu surpris.
Elle – Ça fait du bien, un peu de calme, hein ?
Lui (pas contrariant) – Oui…
Ils restent un moment silencieux, semblant apprécier cet instant de sérénité.
Elle – Tu te souviens de nos premières vacances ? C’était en 36…
Lui – Non…
Elle – Maintenant, pour nous, c’est tous les jours les vacances…
Lui – Oui…
Elle – Tu as bien pris tes cachets ?
Lui (étonné) – Non…
Elle (lui tendant une boîte) – Tiens, je te les ai amenés.
Lui (prenant la boîte) – Merci… (Il prend un cachet et l’avale, puis regarde la boîte). C’est pour le cœur…
Elle – Oui…?
Lui – Ben… Moi, c’est plutôt la mémoire…
Elle – C’est les médicaments de mon mari…!
Lui – C’est que je ne dois pas être votre mari, alors…
Elle le regarde offusquée, lui lâche la main et se lève.
Elle – Vous auriez pu le dire plus tôt !
Elle s’en va, contrariée.
Il la regarde partir.
Noir.
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!18 – Projets d’avenir
Une fille est assis sur un banc. Elle a le regard fixé devant elle. On comprendra qu’elle regarde le couple de la scène précédente. Un garçon arrive, et s’assied à côté d’elle, sans un mot. Ils restent ainsi un moment en silence, regardant droit devant eux.
Elle – Tu nous imagines, quand on aura leur âge…?
Lui – Non…
Elle – Elle est tirée à quatre épingles. Elle s’est même maquillée…
Lui – Ah, ouais…?
Elle – Lui non plus ne l’a pas remarqué…
Lui – Pourquoi il a un parapluie ? Il n’y a pas un nuage…
Elle – C’est elle qui lui a demandé de le prendre. À l’âge des mises en plis, on se méfie des orages… Et puis elle sait que ça lui sert de canne. C’est plus discret… C’est sa coquetterie à lui…
Lui – T’as vu ? Elle a les cheveux presque violets…
Elle (attendrie) – C’est quand même beau, non ?
Lui – Quoi ? Une vieille avec une coiffure de punk ?
Elle – Ils doivent être mariés depuis un demi-siècle, et ils se tiennent encore par la main…
Lui – Tu parles ! Regarde, elle se barre. Et elle n’a pas l’air contente… Ça fait peut-être cinquante ans qu’ils s’engueulent…
Elle – Il a dû lui dire qu’il trouvait ça trop violet… (Un temps) Je me demande si il ne va pas pleuvoir, finalement… On y va ?
Lui – Euh, ouais…
Il se lève pour partir.
Elle – Pourquoi tu voulais me voir, au fait ?
Lui – Ben… Je ne sais pas comment te dire ça, mais… Je ne crois pas qu’on vieillira ensemble…
Elle – Je sais…
Lui – Et toi, tu voulais me dire quelque chose…?
Elle se lève à son tour, et on voit alors qu’elle est enceinte.
Elle – Tu aurais dû prendre ton parapluie, toi aussi…
Noir.
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!19 – Vacances
Une terrasse. Deux chaises longues. Marie arrive, en peignoir blanc, des lunettes noires sur le nez. Elle va jusqu’au bord de la scène, respire à pleins poumons et contemple l’horizon. Pierre arrive à son tour, en s’appuyant sur des béquilles.
Marie (sans se retourner) – On respire, non ? Vous sentez cet air iodé ?
Pierre – Ma foi non… Mais j’ai le nez un peu bouché, ce matin…
Il s’assied avec difficulté sur une chaise longue, et pose ses béquilles à côté de lui.
Marie – Et ces mouettes… Vous entendez ça ? Quel dépaysement !
Pierre sort une boîte métallique de sa poche, l’ouvre et la tend vers Marie.
Pierre – Vous voulez une pastille ? Ça dégage les bronches…
Mais Marie ne prête pas attention à cette proposition.
Marie – C’est vraiment le paradis… Je me sens revivre ! Pas vous ?
Il prend une pastille dans la boîte et la met dans sa bouche.
Pierre – Moi, ça me donnerait plutôt envie de vomir…
Il range la boîte.
Marie (exaltée) – Une nouvelle journée qui commence… Et elle s’annonce glorieuse…
Pierre – Vous êtes sûre que ça va ?
La mine de Marie change du tout au tout.
Marie – Je suis complètement déprimée…
Pierre – J’ai d’autres sortes de pastilles, si vous voulez.
Marie – Mon mari devait partir avec moi, mais finalement il est resté sur le quai.
Pierre – Je suis vraiment désolé. Alors vous êtes provisoirement célibataire…
Marie – Plutôt définitivement veuve.
Pierre – Je vois…
Marie – Sauf que lui, il est toujours vivant… (Un temps). Et vous, qu’est-ce qui vous est arrivé ?
Pierre – Je suis en vacances, comme vous.
Marie – Je parlais de vos béquilles…
Pierre – Ah ça… Je sais que j’en ai besoin pour marcher, mais je ne sais plus pourquoi…
Marie se tourne à nouveau vers la mer.
Marie – La mer est tellement bleue… Une vraie carte postale… Je me demande si je ne vais pas aller piquer une tête…
Elle retire son peignoir, dévoilant son maillot de bain.
Pierre – N’allez pas vous noyer… Ce serait dommage… Et puis elle ne doit pas être bien chaude.
Marie – Qu’est-ce qui vous fait dire ça ?
Pierre – On est hors saison.
Marie – Ah oui…
Elle remet son peignoir.
Pierre – Vous voulez faire un scrabble ?
Marie – Merci… Je ne suis pas encore désespérée à ce point…
Pierre – Vous l’aimiez tant que ça ?
Marie – C’était mon mari…
Pierre – Vous l’oublierez…
Marie – Je ne me souviens déjà plus très bien comment nous nous sommes quittés…
Pierre – Les adieux, c’est ce qui s’efface en premier quand on rembobine.
Marie – Vous faites du cinéma ?
Pierre – Si j’en ai fait, je ne m’en souviens plus… Et vous ?
Marie – Je suis un peu comédienne.
Pierre – Vous verrez, ce petit hors jeu vous fera le plus grand bien.
Marie – Je me sens déjà rajeunir… Allez, c’est décidé, je vais piquer une tête !
Pierre – Dans l’océan ?
Marie – Dans la piscine !
Marie s’en va, découvrant l’inscription au dos de son peignoir : Titanic. Pierre se lève sans ses béquilles, s’approche du bord de scène et écarte les bras en regardant au loin.
Pierre – Je suis le roi du monde !
Noir.
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!20 – Premier amour
Un homme déambule dans ce qui s’avérera être une galerie de peinture. Une femme arrive vers lui avec un grand sourire, et semblant sous le coup de l’émotion.
Elle – Tu me reconnais ?
Il semble pris au dépourvu mais, sans trop y croire, tente quelque chose pour ne pas la décevoir.
Lui – Paulette ?
Elle – Chantal !
Lui – Chantal !
Elle – Je te regardais depuis tout à l’heure. Ton visage me disait vaguement quelque chose. Et puis ça m’est revenu d’un coup. Un truc dans l’expression du visage…
Lui – C’est dingue… Ça fait combien de temps ?
Elle – Ouh, là… Tu ne m’avais pas reconnue, alors ?
Lui – Si, si, enfin… C’est vrai que tout à l’heure… Mais maintenant que tu me le dis… Tout est là… Le menton… Les yeux… La bouche… Même le nez…
Elle – Et oui…
Lui – Non, j’ai dit Paulette, parce que… C’est une copine de ma mère. (Comprenant sa gaffe et s’efforçant de rectifier le tir) Tu n’as presque pas changé, hein ?
Elle – Depuis le temps…
Lui – Non, je veux dire… On te reconnaît très bien… Quand on sait que c’est toi… (Le temps pour lui de mesurer la profondeur à laquelle il s’est déjà enfoncé) Alors tu habites toujours par ici ?
Elle – Oui… Toujours au même endroit… Et toi ? Tu ne reviens pas souvent, alors ?
Lui – Non, pas très… Ma mère habite encore ici mais bon… C’est un peu compliqué… (Il préfère changer de sujet). Chantal…! Tu es mariée, j’imagine ?
Elle – J’ai quatre enfants…
Lui – Ah, oui, quand même…
Elle – Et toi ?
Lui – Moi aussi… Enfin, moi je n’en ai qu’un, mais bon… (Nouvel embarras) C’est incroyable qu’on se retrouve comme ça ici. Dans cette galerie de peinture. J’allais acheter des cigarettes. Je suis rentré comme ça, par hasard…
Elle – Oui…
Lui – Tu ne vas pas me croire, mais je pensais à toi, tout à l’heure. En passant devant chez toi, justement… Mais je n’ai pas pensé que tu pouvais habiter encore là. Alors tu n’as bougé…?
Elle – Ben non, tu vois. Je suis toujours là…
Lui – C’est incroyable…
Ils ne savent visiblement plus trop quoi dire.
Elle – Tu as eu le temps de voir l’expo…?
Lui – Oui… Enfin pas tout… Il y a des trucs vraiment pas mal, hein ?
Pour se donner une contenance, pendant un moment, il contemple avec elle le tableau devant lequel il se trouve, cherchant quoi dire d’autre.
Lui – Celui-là, en revanche, c’est une horreur, non…? On dirait un dessin d’enfant… Je ne sais pas comment on peut exposer des trucs pareils…
Elle – Il faut encore que je travaille un peu ma technique, je sais…
Lui (liquéfié) – Ah, parce que c’est…? C’est toi qui…?
Elle – Oui…
Lui – Non, mais les autres j’adore, hein ? Je te l’ai dit…
Elle – Enfin, ils ne sont pas tous de moi. C’est une exposition collective. Mais celui-là, c’est moi, oui…
Lui – Bien sûr ! Ça me revient maintenant… Tu peignais déjà, à l’époque… Sur des boîtes de camembert, non…?
Elle – Des boîtes d’allumettes…
Lui – C’est ça. Les grosses boîtes d’allumettes familiales. Ça n’existe plus, d’ailleurs… C’est dommage… Alors maintenant, tu… Tu as changé de support…
Il jette un regard nouveau sur le tableau.
Lui – Ah, oui, c’est bien… C’est… C’est un cheval ?
Elle – Un chat…
Lui – Bien sûr ! Non, on reconnaît bien le… Les oreilles, la bouche, le nez… La moustache… Et puis c’est de la peinture abstraite, non ?
Elle – Non.
Lui – Enfin, je veux dire… De la peinture naïve…
Elle – Pas vraiment…
Lui – Enfin, tu sais, moi, la peinture… Et puis cette manie qu’on a de vouloir toujours mettre des étiquettes sur les choses… Surtout quand il s’agit de peinture ! Moi le premier, hein ? C’est beau, et puis c’est tout… (En rajoutant un peu dans l’émotion) Et puis c’est tellement toi…
Nouveau silence embarrassé.
Lui – Tu sais que j’étais très amoureux de toi…?
Elle – C’était il y a longtemps…
Lui – Je n’aurais jamais osé te le dire, à l’époque… C’est marrant… Ça me fait du bien de pouvoir te le dire maintenant… Je veux dire maintenant que…
Elle – Il y a prescription…
Lui – Oui… (Embarrassé) Écoute, il va falloir que j’y aille, là… Je vais voir ma mère, justement… Tu sais, à son âge… Elle peut mourir d’un instant à l’autre…
Elle – Elle a quel âge ?
Lui – Soixante-deux… Non, mais… Elle a toujours eu une santé fragile, tu sais… Ça m’a vraiment fait plaisir de te revoir… (Cherchant une issue) Je suis sur Facebook… Fais-moi une demande d’amitié… On restera en contact…
Elle – Ok…
Lui – Je t’ai cherchée une ou deux fois, tu sais… Sur Facebook… Mais des Chantal, euh… (Cherchant en vain son nom de famille) Il y en a tellement…
Elle – Sur la photo, j’ai un nez rouge… Je veux dire un nez de clown…
Lui – Alors ça ne m’étonne pas que je ne t’aie pas reconnue… Bon, il faut vraiment que je me sauve, sinon… On se fait la bise ?
Ils se font la bise, un peu gênés. Il s’apprête à s’en aller mais, cherchant encore la phrase définitive qui arrangerait tout, il se retourne une dernière fois vers elle et improvise.
Lui – Allez… (Sentencieux) Au royaume des cieux, les premiers amours seront les derniers…
Elle acquiesce poliment en faisant mine de comprendre la portée profonde de cette phrase sibylline. Il s’en va en esquissant un sourire mystérieux. Elle reste là pour le moins perplexe.
Noir.
<<back>>
!21 – Ni chaud ni froid
Deux personnages (hommes ou femmes). Éventuellement un couple. Peut-être âgé. Ils restent un instant silencieux.
Un – Il fait lourd, non ?
Deux – Oui.
Un – C’est venu tout d’un coup.
Deux – Mmm…
Un – Ce matin, ça allait, non ?
Deux – Ce matin…?
Un – Et d’un coup, il fait une chaleur.
Un temps
Deux – Ça sent l’orage.
Un – Tu crois ?
Deux – Je ne sais pas…
Un – Alors pourquoi tu dis ça ?
Deux – C’est ce qu’on dit généralement, non ?
Un – Généralement ?
Deux – Quelqu’un dit « il fait lourd » et… l’autre répond « ça sent l’orage ».
Un – Mmm…
Deux – Ce n’est pas ça qu’il fallait dire ?
Un – Oui… Si… (Un temps). Quand même en cette saison…
Deux – Quoi ?
Un – Qu’il fasse lourd comme ça.
Deux – Mmm…
Silence.
Un – Ou alors c’est moi… (Un temps) Tu n’as pas chaud, toi ?
Deux – Non, enfin… Pas vraiment…
Un – Mais alors pourquoi tu ne me l’as pas dit ?
Deux – Quoi ?
Un – Tu disais qu’il faisait lourd, toi aussi !
Deux – Je ne sais pas moi… J’ai dit ça comme ça… Pour ne pas te contrarier…
Un – Alors ça doit être moi…
Deux – Toi…?
Un – J’ai peut-être de la température !
Deux – Tu as l’impression d’avoir de la température ?
Un – Je ne sais pas… Qu’est-ce que tu en penses ? Il fait lourd ou c’est moi ?
Deux – C’est vrai que je commence à avoir un peu chaud, maintenant que tu me le dis…
Un – C’est peut-être contagieux.
Deux – Quoi ?
Un – La fièvre ! Tout à l’heure ça allait, et maintenant tu commences à avoir chaud toi aussi. C’est peut-être contagieux !
Deux – Non, mais je n’ai pas vraiment chaud, j’ai dit ça pour…
Deux – Pourquoi ?
Un – Je ne sais pas, moi… Pour… (Un temps). Et si tu enlevais ton gilet…
Deux – Tu crois ?
Un – Tu peux toujours essayer.
Deux – Je ne risque pas d’attraper froid ? Si j’ai de la fièvre…
Un – Il ne fait pas vraiment chaud, mais… il ne fait pas si froid que ça non plus. Il ne fait ni chaud ni froid.
Deux – Bon…
Le premier personnage retire son gilet.
Deux – Alors ?
Un – Ah, oui…
Deux – Ça va mieux ?
Un – Ah, oui, oui… Maintenant ça va…
Deux – Tu avais ton gilet, ce matin ?
Un – Non…
Deux – Et ben tu vois, ça devait être ça…
Un – Oui…
Deux – Ça devait être le gilet…
Un – C’est vrai que ce matin… Il ne faisait pas si chaud que ça, non ?
Noir.
<<back>>
!22 – Mortel
Deux personnages.
Un – Je crois que cette fois, on est vraiment les derniers…
Deux – Et dire qu’on a régné sur le monde pendant plus de 100 millions d’années.
Un – Tu verras que dans 100 millions d’années, l’espèce qui nous aura succédé en sera encore à se demander ce qui a bien pu causer notre disparition.
Deux – On parlera de raréfaction des spermatozoïdes, de guerre nucléaire…
Un – D’éruption volcanique, de collision avec un astéroïde…
Deux – Comme pour les dinosaures.
Un – Finalement, ils se sont peut-être éteints pour la même raison que nous, les dinosaures.
Deux – C’est vrai que 100 millions d’années, c’est long.
Un – Surtout dans les derniers mois.
Deux – Quand une histoire est devenue trop lourde à porter…
Un – Le poids des cartables, c’est comme ça que ça a commencé.
Deux – Même avec les livres électroniques, un million de siècles, ça finit par peser…
Un – On commençait à en avoir plein le dos, c’est sûr.
Deux – Et ras la casquette.
Un – On n’avait plus assez de mémoire pour se souvenir de tout ça.
Deux – C’est vrai qu’il était peut-être temps que ça s’arrête, mais bon…
Un – Le bug du millionième siècle, c’est ça qui nous a achevés.
Deux – Et puis on avait déjà tout fait. Qu’est-ce qu’on aurait pu faire de plus ?
Un – Sans risquer de se répéter.
Deux – La seule chose qu’on n’avait pas encore faite, c’était de disparaître.
Un – Je me demande qui pourra bien nous remplacer comme espèce dominante. Les cafards ?
Deux – Ça me déprime…
Un – Les poules ?
Deux – Tu crois vraiment qu’on peut rebâtir un civilisation à partir d’un cerveau de poulet ?
Un – Ça effacerait la mémoire, et ça remettrait les compteurs à zéro…
Deux – Ouais…
Un – À moins que les dinosaures reviennent et en reprennent pour 100 millions d’années.
Ils se figent. Silence.
Un – Putain… 100 millions d’années… Est-ce qu’on a vraiment besoin d’une raison pour disparaître quand on est là depuis 100 millions d’années ?
Le deuxième ne répond pas. Il ferme les yeux. Il semble mort. Le premier lui lance un regard indifférent, avant de fixer à nouveau le vide devant lui.
Un – Non, je comprends les dinosaures. 100 millions d’années… c’est mortel.
Noir.
<<back>>
!23 – Apesanteur
Deux personnages.
Un – Le jour va bientôt se lever…
Deux – Tu crois qu’on se souviendra de nous dans cent ans ?
Un – Sûrement.
Deux – Dans mille ans ?
Un – Je ne sais pas.
Deux – On se souviendra de toi.
Un – Ça compte tant que ça à tes yeux ?
Deux (ironique) – Qu’on se souvienne de toi ?
Un – Qu’on ne se souvienne que de moi.
Deux – C’est pour ça qu’on l’a fait, non ?
Un – Pour devenir immortel ?
Deux – Pour être les premiers. Même si au final, on savait qu’il n’y en aurait qu’un.
Un – Je te cède ma place, si tu veux. Je serai le deuxième…
Deux – On ne peut pas faire ça, tu le sais bien.
Un – Qui pourrait nous en empêcher ?
Deux – Ok. Mais pourquoi moi ?
Un – On tire a pile ou face !
Deux – L’immortalité, à pile ou face ? Chiche…
Le premier fait mine de lancer en l’air une pièce qu’ils regardent tous deux ne pas retomber.
Un – Avec le peu de gravité qu’il y a ici, elle ne sera pas retombée avant ce soir.
Deux – Tu le savais, non ? Sinon, tu m’aurais proposé qu’on tire ça à la courte paille.
Un – On le savait tous les deux.
Deux – Ça y est, il fait jour. Dans quelques minutes, tu vas être le premier homme à poser le pied sur cette planète.
Un – Ça ressemble à quoi ?
Deux – À rien. Ou au Texas, si tu préfères.
Un – Souhaite moi bonne chance.
Deux – Tu vas en avoir besoin. C’est long, l’immortalité…
Un – Tu crois que les morts célèbres savent qu’ils sont immortels ?
Noir.
<<back>>
!24 – Espace immobilier
Un agent (homme ou femme) derrière un bureau sur lequel trône un ordinateur. Un client (ou une cliente) arrive.
Client – Bonjour.
Agent – Bonjour Monsieur (ou Madame). Bienvenue chez Espace Immobilier. Que puis-je faire pour vous ?
Client – Alors voilà je… Je suis actuellement locataire, et j’envisage de devenir propriétaire…
Agent – Très bien…
Client – Nous venons d’avoir un deuxième enfant et nous commençons à manquer un peu d’espace.
Agent – Je comprends très bien… Plus c’est petit, et plus ça prend de place, pas vrai ?
Client – Oui…
Agent – Parfait… Et… quel genre de planète cherchez-vous ?
Client – Pas trop grande, parce que mon budget n’est pas infini. Mais qu’on soit à l’aise quand même lorsque les enfants vont grandir.
Agent – Voyons voir ce que je pourrais vous proposer (L’agent pianote sur son clavier et regarde son écran). Que pensez-vous de celle-ci ? Ce n’est pas immense, mais il y a deux satellites. Pour une famille, c’est idéal.
Client (lisant) – À rafraîchir… Qu’est-ce que ça veut dire, exactement ?
Agent – La température au sol est un peu élevée…
Client – Combien ?
Agent – Ça peut aller jusqu’à deux cents degrés en été… Mais vous pouvez toujours installer un climatiseur d’atmosphère.
Client – Je ne supporte pas la climatisation…
Agent – Et puis c’est très lumineux. C’est une planète très proche de son étoile…
Client – C’est sûrement pour ça que c’est une telle fournaise… Et celle-là ?
Agent – Ah oui, elle est très bien aussi… Le charme de l’ancien… C’est vrai que ça a beaucoup de cachet…
Client – Travaux à prévoir…
Agent – Elle est livrée sans eau et sans atmosphère, mais vous savez, maintenant, ce ne sont pas des aménagement considérables. Vous pouvez même en défiscaliser une partie. Et puis à ce prix là…
Client – Je préférerais quand même ne pas avoir de travaux à faire.
Agent – Habitable tout de suite, je vois… Moi non plus, je ne suis pas très bricoleur (ou bricoleuse)… Voyons voir… Ah, je crois que j’ai ce qu’il vous faut… C’est un produit que je viens de rentrer, justement… Regardez ça…
Client – C’est très bleu, non ?
Agent – C’est la piscine… Mais regardez de plus près… Le jardin est très vert… Et vous avez un frigo à chaque pôle. Bon, là ils sont légèrement dégivrés, c’est pour ça que la piscine déborde un peu, mais ça peut se régler très facilement en changeant le thermostat…
Client – C’est vrai que ce n’est pas mal…
Agent – C’est la campagne. À moins d’une centaine d’années lumière d’ici…
Client – C’est situé où exactement ?
Agent – C’est un peu excentré, c’est vrai. Mais d’un autre côté, c’est très tranquille. C’est dans le système solaire…
Client – Le système solaire ?
Agent – La Voie Lactée, vous voyez ?
Client – Vaguement…
Agent – J’ai plus central, bien sûr, mais c’est plus cher… Une planète comme ça, avec un satellite, en plus… Je ne vous cacherais pas que le satellite, lui, est à aménager… Mais vous pouvez le faire un peu plus tard lorsque la famille se sera agrandi…
Client – Et vous dites que c’est habitable tout de suite ?
Agent – Il y a l’eau, le gaz, l’électricité solaire… Et pour la touche rustique, il reste même quelques volcans en activité… Bon, il faudra peut-être les faire ramoner…
Client – Comment ça s’appelle ?
Agent – La Terre.
Client – La Terre ?
Agent – Vous pouvez toujours changer le nom, si ça ne vous plaît pas… C’est au numéro 3211 de la Voie Lactée.
Client – Et elle serait libre tout de suite ?
Agent – Je crois qu’il reste quelques locataires qui n’ont jamais payé le loyer… Si vous êtes intéressé, je peux faire en sorte qu’ils débarrassent le plancher très rapidement… Le temps de faire l’état des lieux, et vous pouvez emménager quand vous voulez !
Client – Il faudrait que j’en parle à ma femme (ou mon mari), mais… Oui, je crois que je vais la prendre… J’imagine que vous voulez un acompte tout de suite…
Agent – Comme ça, je vous la réserve. Vous savez, ce genre de produits, c’est assez rare. Alors ça part très vite…
Client – Parfait…
Le client sort une carte de crédit que l’agent passe dans une fente de son ordinateur.
Agent – Et voilà… Bienvenue chez vous !
Client – Très bien, je repasse avec ma femme (ou mon mari) pour les formalités…
Agent – Pas de problème… Nous restons à votre service.
Le client sort. L’agent décroche son portable.
Agent – Tu ne vas pas le croire… Je viens de réussir à refourguer la Terre… Depuis le temps qu’elle nous restait sur les bras… Tu pourras y faire un saut pour tout remettre en ordre avant la semaine prochaine ? L’acheteur a l’air pressé d’emménager, et cette bande de squatters nous a laissé ça dans un état… Oh ça tu fais comme tu veux, mais je pense qu’avec un bon coup d’insecticide, ça devrait régler le problème… Oui, d’homicide, si tu préfères… Très bien, alors je compte sur toi, hein ?… Ok, à plus tard… (Il raccroche et se frotte les mains) Bon, ça c’est fait…
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!25 – Trinité
Trois personnages, hommes ou femmes, habillés de façon similaire, à l’exception des inscriptions sur leurs t-shirts : Liberté, Égalité, Fraternité. Désœuvrés, sans pour autant manifester de signes d’ennui, ils restent un moment immobiles, en silence.
Un – Quelle heure est-il ?
Deux – Trois heures, comme d’habitude.
Trois – Pourquoi tu demandes ça ? Il est toujours trois heures, de toutes façons.
Un – Je ne sais pas… L’habitude, justement.
Nouveau silence.
Deux – Vous savez quoi ?
Trois – Quoi ?
Deux – Il paraît qu’avant d’être des robots, on était des animaux nous aussi.
Un – Des animaux ?
Deux – Ben vous savez… Comme des robots, mais que personne n’a fabriqué.
Trois – Tu veux dire des robots… sauvages ? Comme il y en avait autrefois sur certaines planètes ?
Deux – J’ai entendu ça dans une émission à la télé.
Un temps.
Un – C’est vrai, remarque, si on y pense… Qui a fabriqué le premier robot ?
Trois – Le premier robot ?
Deux – Celui qui a fabriqué le deuxième.
Trois – Pas un animal, en tout cas. Comment veux-tu qu’un animal fabrique un robot ?
Un – L’émission parlait d’un chaînon manquant entre l’animal et le robot. Une sorte de grand singe, mais plus intelligent.
Trois – Un singe qui fabrique des robots… N’importe quoi !
Un – Oui, tu as raison.
Deux – Et puis nous, personne ne nous a fabriqués, non ?
Un – Non ?
Trois – C’est nous qui avons créé tout ça !
Deux – Nous on a toujours été là.
Un – Vous croyez ?
Deux – Mais bien sûr ! Les animaux aussi, c’est nous qui les avons fabriqués. Comme tout le reste !
Trois – Et puis nous, notre problème, ce n’est pas de savoir d’où on vient. C’est de savoir où on va.
Un temps.
Deux – Et où on va, au fait ?
Trois – Ça je n’en sais foutre rien.
Un – Peut-être qu’on y est déjà arrivé.
Deux – Arrivé où ?
Un – Au bout de l’évolution.
Un temps.
Deux – Je ne pensais pas que ce serait aussi long, la fin du monde… C’est long, non ?
Un – C’est très très long.
Trois – Beaucoup plus long que le début, en tout cas.
Un – Je ne sais pas pourquoi, dans les vieux films à la télé, la fin du monde ça arrive toujours d’un seul coup.
Deux – Alors qu’en réalité, ça dure une éternité.
Silence.
Un – Ça vient d’où, ces t-shirts à la con ?
Trois – Ça je n’en sais foutre rien non plus.
Silence.
Un – Quelle heure est-il ?
Deux – Trois heures, comme d’habitude.
Trois – Pourquoi tu demandes ça ? Il est toujours trois heures, de toutes façons.
Un – Je ne sais pas… L’habitude, justement.
Un temps.
Deux – Et la fin du monde, c’était prévu pour quelle heure à peu près ?
Trois – Trois heures.
Un – Ah oui…
Deux – Ce n’est peut-être plus la peine d’attendre, alors.
Trois – Non.
Ils se lèvent.
Deux – On est peut-être devenus des dieux, en fait.
Trois – Allez savoir…
Ils se retournent pour partir, et on peut lire sur le dos de leurs t-shirt : Père, Fils, Saint-Esprit.
Noir.
Ce n’est pas la fin du monde
Alban est là. Eve revient.
Alban – Alors ?
Eve – Deux heures.
Alban – Deux heures…
Eve – À peu près.
Un temps.
Alban – Alors dans deux heures, tout ça aura cessé d’exister.
Eve – Et nous avec.
Alban – Je comprends ce que les dinosaures ont ressenti juste avant leur extinction.
Eve – Mais eux, ils n’étaient pas au courant.
Alban – On dit que les animaux sont les seuls à pouvoir prédire un tremblement de terre quelques heures avant. Va savoir. Les dinosaures ont peut-être eu le pressentiment de leur prochaine disparition.
Un temps.
Alban – Tu as peur ?
Eve – Je ne suis même pas sûre.
Alban – Après tout, ce n’est que la fin du monde.
Eve – Si j’étais la seule à devoir disparaître, je crois que je serais terrorisée. Mais de savoir que tout va s’arrêter pour tout le monde en même temps. Et que ce monde ne nous survivra pas.
Alban – En somme, ce n’est pas nous qui partons. C’est ce monde qui nous quitte.
Un temps.
Alban – Est-ce qu’il n’aurait pas mieux valu ne rien savoir.
Eve – Savoir ou ne pas savoir…
Alban – Quoi qu’il en soit, maintenant, on ne peut pas faire comme si on ne savait pas.
Un temps.
Alban – Deux heures. Pour un examen de conscience, c’est un peu court, non ?
Eve – Pour un état des lieux individuel, avant de résilier son bail, pas forcément. Mais pour faire le bilan de l’humanité toute entière…
Alban – Qu’est-ce que tu dirais, toi ? Globalement positif ?
Eve – Il ne s’agit pas seulement de mettre le positif en balance avec le négatif. Il faut aussi voir tout ce qu’il y a entre les deux. La matière noire. L’insignifiance. L’absurdité.
Alban – Si on pouvait encore douter de l’absurdité de ce monde, l’insignifiance de sa fin devrait achever de décourager ceux qui croyaient encore en Dieu.
Eve – Ils te parleraient d’apocalypse et de châtiment divin…
Alban – Jusqu’à présent, ma religion, c’était plutôt après moi le déluge. Je ne pensais pas que le déluge pourrait survenir de mon vivant…
Un temps.
Eve – Alors qu’est-ce qu’on fait ?
Alban – Je ne sais pas.
Eve – C’est curieux. Je m’étais souvent posé cette question. Qu’est-ce que je ferais s’il ne me restait qu’un jour à vivre. Ou une heure.
Alban – Et ?
Eve – Je pensais à des trucs idiots comme… Écouter La Callas ou faire l’amour.
Alban – On a encore le temps de faire les deux. À condition de le faire en même temps…
Eve – Mais là c’est différent. Ce n’est pas à ma vie que je dois donner un sens pendant les quelques instants qui me restent. C’est à la vie tout court.
Alban – On pourrait faire un enfant.
Eve – Ce serait beau comme un défi. Mais ça resterait complètement absurde.
Alban – On pourrait se suicider…
Eve – Pour pouvoir dire quand même : Après nous le déluge ?
Alban – Ce serait un geste de liberté.
Eve – Ce serait surtout une coquetterie.
Alban – Alors quoi ?
Eve – Comment donner encore un sens au passé dans un monde qui n’a plus d’avenir ?
Alban – Avant quand on disait jusqu’à la fin des temps, ça voulait dire toujours. La fin des temps… Je crois que cette fois nous y sommes.
Eve – Et après ?
Alban – Est-ce qu’il peut y avoir un après, après la fin des temps ?
Eve – Des temps nouveaux ?
Alban – Un recommencement ?
Eve – Un recommencement, ça n’aurait aucun sens.
Alban – Alors un commencement.
Eve – Tout est fini.
Alban – Tout commence.
Eve – Et tout ce qui a eu lieu n’a plus lieu d’être.
Alban – Je crois qu’il est temps…
On entend La Callas. Il se prennent dans les bras l’un l’autre.
Fondu au noir.
Rideau
Le premier se tourne vers le deuxième.
Un – Alors ça y est, c’est fini ?
Deux – En tout cas, on est plus près de la fin que du début…
Un – Bon… Ben il va falloir y aller, alors.
Deux – On dirait, oui…
Un – C’était pas si mal… On peut revenir ?
Deux – Ça…
Un – Et on se souvient vraiment de rien ?
Deux – À quoi ça servirait de revenir…
Le premier commence à partir et, voyant que l’autre ne suit pas, se retourne.
Un – Vous ne venez pas ?
Deux – Je dois tout remettre en place, pour la prochaine représentation…
Un – Ah, d’accord… Vous êtes le…
Deux – Le spectacle continue.
Un – Bon courage…
Il s’en va. L’autre semble un peu découragé.
Deux (pour lui) – Il faut bien quelqu’un pour garder la boutique… Parfois moi aussi, j’aimerais bien passer cette porte, et tout oublier… Et puis revenir un matin et tout recommencer… Comme si c’était la première fois… (Il semble se raviser) Et si c’était vraiment la dernière ? (À celui qui s’en va) Attendez-moi, je viens avec vous…
Il tente de sortir mais ne trouve pas la porte.
Deux (résigné) – Pour moi ça n’a jamais commencé… Alors ça ne finira jamais… (Se tournant vers les spectateurs) À la prochaine…
Noir.
Ce texte est protégé par les lois relatives au droit de propriété intellectuelle. Toute contrefaçon est passible d’une condamnation allant jusqu’à 300 000 euros et 3 ans de prison.
Paris – Novembre 2011
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Près des filles, y'a les garçons
Les longs, les rninces et les gras
Qui rigolent tout bas
Les noirs, les roux et les blonds
Qui parlent de leur papa
Les noirs, les roux et les blonds
Qui parlent de leur papa
Et des yeux de Louisa
Près des garçons, y'a les papas
Qui ont l'air graves et sévères
Et qui sentent la bière
Ils crient pour n'importe quoi
Et sortent le soir par derrière
Ils crient pour n'importe quoi
Et sortent le soir par derrière
Pour jouer au poker
Dans les cafés, y'a les copains
Et tous les verres qu'on boit avide
Y'a aussi les verres vides
Et les copains qu'on aime bien
Vous font rentrer à l'aube livide
Et les copains qu'on aime bien
Vous font rentrer à l'aube livide
Toutes les poches vides
Près des copains, il y a la ville
La ville immense et inutile
Où je me fais de la bile
La ville avec ses plaisirs vils
Qui pue l'essence d'automobile
La ville avec ses plaisirs vils
Qui pue l'essence d'automobile
Ou la guerre civile
Près de la ville, il y a la campagne
Où les filles brunes ou blondes
Dansent à la ronde
Et par la plaine par la montagne
Laissons les fermer la ronde
Et par la plaine par la montagne
Laissons les fermer la ronde
Des braves gens du monde
!CHANSON TRISTE
//ANONYME (dynastie Han)
//
Au lieu de larmes, un petit chant triste.
Au lieu du retour,
ce regard vers l’horizon. Je pense à mon pays, et le chagrin m’étouffe. Retourner chez moi ?
- personne ne m’attend. Traverser la rivière
- il n’y a pas de barque. Parler de ma peine ?
- il n’y a pas de mots. Dans ma poitrine,
les roues d’un char tournent sans fin.
!COLOMBE//
^^Pièce brillante deJean Anouilh
[1951]^^//
+++^60%^*[PERSONNAGES]
!!!PERSONNAGES
<<<
MADAME ALEXANDRA, célèbre tragédienne
JULIEN X ses fils
ARMAND J
COLOMBE, femme de Julien
ÉMILE ROBINET,
de l’Académie française, poète
DESFOURNETTES, directeur du théâtre
DU BARTAS, comédien
MADAME GEORGES, habilleuse de Madame Alexandra
LA SURETTE, son secrétaire
LE COIFFEUR
LE PÉDICURE
le garçon de chez « Maxim’s »
LES MACHINISTES
//La pièce a été créée au Théâtre de l’Atelier le 11 février 1951, dans mise en scène, des décors et des costumes d’André Barsacq.//
//© La Table Ronde, 1951.//
<<<
===
+++*[PREMIER ACTE]
!!PREMIER ACTE
://Le couloir des loges et la loge de Madame Alexandra dont tout un côté est ouvert. Le couloir est mal éclairé, la loge est encore dans l’ombre.//
://En scène : Colombe, assise sur une chaise et Julien qui fait les cent pas. Ils semblent attendre quelque chose. Mme Georges, l’habilleuse, entre, portant une chaise.//
;MADAME GEORGES
:Là. Asseyez-vous, monsieur Julien. C’est long d’attendre.
;JULIEN, du fond
:Merci, Georges. Je t’ai déjà dit que j’étais mieux debout.
;MADAME GEORGES
:On dit ça et puis la jambe se fatigue. Mon aîné, il était comme vous - toujours debout. Qu’est-ce qu’il a maintenant? Des varices. Moi qui suis toujours assise, c’est le contraire. C’est le derrière qui finit par se fatiguer.
;JULIEN
:Je me fous de ton derrière, Georges. Je voudrais que la vieille arrive, et vite.
;MADAME GEORGES
://à Colombe//
:Ça commence par des fourmis et après c’est l’os de la fesse qui fait mal, ça monte jusqu’aux reins. La chair se mâche, forcément, toujours tassée.
;JULIEN
://crie à Colombe//
:Dis-lui qu’elle t’ennuie, je t’en prie et que tu ne veux rien savoir de son fessier. Si tu la laisses faire, dans cinq minutes elle va te le montrer.
;MADAME GEORGES
:Trente ans assise, madame Julien, à attendre la fin du spectacle ! Et il y a des pièces ' qui sont plus ou moins longues. On dit les travailleurs de force ; c’est dur aussi le métier d’habilleuse.
;COLOMBE
:Mais vous n’êtes pas obligée de rester tout le temps assise ?
;MADAME GEORGES
:Non, mais alors c’est la jambe qui peine. A mon sixième j’ai eu une phlébite, je m’en ressens.
;JULIEN
://crie//
:Georges, on se fout de ta phlébite ! Va voir si la vieille est sur le plateau.
;MADAME GEORGES
:Non. Elle monte toujours à la : loge avant la répétition. La vieille ! Si c’est pas malheureux : appeler sa mère comme ça, dans un certain milieu.
;JULIEN
:Et pas de morale, s’il te plaît !
;MADAME GEORGES
:Entendez-le. Entendez-le. C’est tout mon aîné. Quand on m’a rapporté mon homme avec ses deux jambes coupées - il avait glissé ' sous la machine en la nettoyant chez Panhard - j’ai dit : J maintenant, je vais être tranquille, il ne cognera plus, i Mais, madame Julien, il ne faut jamais dire ; l’aîné s’est | mis à cogner comme son père, et saoul pareil, le samedi. On a du mal avec les enfants. Mon troisième, celui qui est mort tuberculeux, je peux dire, il était bien doux. Toujours à cracher dans son coin ou à jouer tout seul avec des bouts de bois. Mais les autres... Avec le vôtre, madame Julien, vous avez des satisfactions j’espère?
;COLOMBE
:Il a un an.
;MADAME GEORGES
:À cet âge, ça ne sait pas encore. C’est quand ça commence à aller à l’usine que ça devient dur. Il se porte bien, au moins ?
;COLOMBE
:Très bien, merci.
;MADAME GEORGES
:Les cacas sont beaux? Le caca c’est tout l’enfant. Un enfant qui a de beaux cacas, c’est un enfant qui profite.
;JULIEN
: //a été à elle, exaspéré, il la prend par le bras. //
:Georges, si tu ajoutes un mot, je fais comme tes cinq fils : je t’assomme.
;MADAME GEORGES
://sans s’émouvoir, à Colombe//
:Vous voyez les hommes, madame Julien, tous les mêmes, ça ne pense qu’à cogner. Un gamin que j’ai vu grand comme ça.
;JULIEN
:Justement. Ça fait trop longtemps que je t’écoute.
;MADAME GEORGES
:Il était gentil vous savez quand il était petit et qu’il venait attendre Madame à la matinée du dimanche. Il me disait: «Georges, donne-moi du nougat. » C’est pas vrai monsieur Julien ?
;JULIEN
://la lâche, découragé, il repart//
:Si.
;MADAME GEORGES
:Il me rappelait mon petit troisième, celui qui est mort tuberculeux. Toujours dans son coin à vous regarder sans rien dire. Rien que : « Donne-moi du nougat. » Lui non plus il n’était pas fort des bronches, monsieur Julien.
;JULIEN
:Cela va mieux ; cela va beaucoup mieux. Je me suis guéri au nougat.
;MADAME GEORGES
:On dit ça. Le mien aussi disait : « Je suis plus fort que les autres », et puis un beau jour, on crache son sang. Il faut le surveiller, madame Julien, lui donner des bons sirops pendant qu’il est encore temps, et à votre petit aussi. Parce que le fils, c’est le père. Il ne tousse pas, au moins, le chérubin ?
;JULIEN
:Georges, mon fils ne tousse pas, ma femme ne tousse pas, je ne tousse pas. Fous-nous la paix ! Va voir si la vieille est en bas. j
;MADAME GEORGES
:Mon quatrième, celui qui est à la Légion maintenant, c’est le rein, lui, qu’il avait faible. Quand il fait son petit pipi, il faut toujours regarder la couleur, madame Julien. Si c’est trop blanc c’est qu’il est anémique. Il faut lui donner une gousse d’ail écrasée dans son lait.
;JULIEN
://est revenu//
:Ecoute, Georges, tu es bien sûre qu’il y a répétition aujourd’hui ? Il faut absolument que je la voie.
;MADAME GEORGES
:Deux ans sans voir sa mère ! Et s’être marié entre temps sans rien dire, et puis tomber comme ça sans crier gare juste avant la répétition. On va en entendre tout à l’heure. On est habitués, mais tout de même, ça va donner. C’est qu’elle n’est pas commode non plus Madame Alexandra. M. Julien et elle ça n’a jamais été tout seul. Ce n’est pas comme avec M. Armand. Mais celui-là, il faut dire qu’il sait s’y prendre.
;JULIEN
:Qu’est-ce qu’elle joue en ce moment?
;MADAME GEORGES
:{{{L’Impératrice des Cœurs}}} une pièce où il y a cinq changements, monsieur Julien. Parlez-moi d’Athalie quand elle la reprend. Ça c’est une bonne pièce, elle ne change qu’une fois. Mais ce qu’on répète en ce moment La Femme et le Serpent de Monsieur ~Poète-Chéri, il paraît que ça va être pire. Sept changements, dont deux précipités. Ceux qui écrivent les pièces ils ne pensent pas toujours à l’habilleuse.
;JULIEN
:Mon petit Georges, il est bientôt trois heures. Sois gentille, va voir si les autres sont déjà en bas.
;MADAME GEORGES
:Et deux étages, madame Julien, du plateau aux loges... Vous vous rendez compte avec ma phlébite, combien de fois je les monte dans la soirée? Il faut aimer le théâtre pour tenir. Quelquefois je pense : «Je serais concierge, je n’aurais que ma petite cour à balayer. » Quoique ça, il y a le courrier qu’il faut monter aux étages. Le pauvre il est toujours sur ses pieds.
;JULIEN
: la pousse
:Ou sur ses fesses comme toi et cela lui fait mal également. Fais vite !
://Quand Mme Georges est sortie.//
:L’Impératrice des Cœurs... Elle doit jouer une amoureuse. Ce sera dur.
;COLOMBE
:Pourquoi?
;JULIEN
:Les seules fois où j’ai pu parler à ma mère, c’est quand elle jouait une mère, le soir. On a beau dire, c’est tout de même quelque chose le théâtre !
;Colombe
:Tu exagères toujours.
;JULIEN
://continue//
:Je ne t’ai pas tout raconté. A quatre ans j’étais en pension chez un horrible marchand de soupe à vingt kilomètres de Paris; cela faisait six mois qu’elle n’était pas venue me voir ma chère « môman » ! comme dit mon frère. Je crevais de froid et de faim, ~Poète-Chéri lui apporte La Grande Coupable, cinq actes, en vers, bien entendu, où elle abandonnait son bébé sur les marches d’une église. Au cinquième acte, quarante-quatre alexandrins sur son remords. Quarante-quatre, pas un de moins, plus tard j’ai eu la curiosité de les compter. La veille de la générale, à la fin d’une répétition où elle s’était «donnée», comme on dit, dans un beau sentiment elle prend sa voiture avec des amis et vient voir comment se portait son cher petit à la pension. On avait même; emmené un photographe. Pas fou, ~Poète-Chéri ! Tu vois d’ici la publicité pour sa pièce: «La grande Alexandra,| notre tragédienne nationale, qui abandonne chaque soir son bébé sur les marches d’une église est, dans la vie, la maman d’un charmant bambin de quatre ans, qu’elle adore. » Seulement, le bambin était si maigre, il était telle-; ment couvert de croûtes qu’on a dû renoncer à le photographier. Le lendemain, maman arrachait des sanglots au Tout-Paris des Premières avec les quarante-quatre vers de remords du cinquième acte. Le bruit courut dans les couloirs que son fils était à la mort et qu’elle avait voulu jouer quand même. C’est un truc qui ne rate jamais. Ce fut un triomphe. Le plus clair résultat de cet émouvant chef-j d’œuvre, justement tombé dans l’oubli, c’est qu’on m’ai mis dans une pension suisse où j’ai repris forme humaine.
;Colombe
:Mon pauvre Julien... julien
:Depuis, je ne dis plus jamais de mal de la littérature. C’est aux vers de ~Poète-Chéri que je dois d’être encore en vie et appelé bientôt à servir la France - service armé comme il se doit.
;COLOMBE
:Qui est-ce, ~Poète-Chéri? julien
:Émile Robinet, de l’Académie française. Le poète à maman. Il l’appelle ~Madame-Chérie. Elle l’appelle ~Poète-Chéri. Il faudra t’y faire. On se chérit beaucoup au théâtre.
;COLOMBE
://demande après un petit temps//
:Tu crois qu’elle va faire quelque chose pour nous ?
;JULIEN
:Ce sera dur. Mais étant données les circonstances familiales et patriotiques, il faudra tout de même qu’elle y passe, la vieille, je te le jure bien.
;COLOMBE
:Tu es laid quand tu parles d’elle, ainsi!
;JULIEN
:Je sais. J’aurais bien voulu, moi aussi, qu’on m’ait appris à dire maman et que ce mot me touche le cœur.
;COLOMBE
:Pourquoi aime-t-elle ton frère et pas toi?
;JULIEN
:Armand est le fils d’un jockey qui a été sa seule passion. Elle l’entretient encore, c’est te dire - pas la passion, l’ancien jockey. Armand est venu après moi. Il a été plus joli, plus près d’elle. Il a tout de suite appris à traîner dans les coulisses et à se faire embrasser par les dames. Ses photos dans les jupes de maman avec ses belles boucles et son gros sucre d’orge étaient toutes réussies, à lui. Moi je lui rappelle un peu trop mon père. Exigeant et grognon.
;COLOMBE
:Il faut avouer que tu n’es pas facile à vivre non plus. Ou bien tu te fâches, ou bien tu te tais. Crois-tu que c’est bien de ne m’avoir jamais parlé de ton père ?
;JULIEN
:Tu as épousé un orphelin, je tenais à ce que tu en aies les avantages. Si je l’avais pu, elle non plus tu ne l’aurais jamais connue.
;COLOMBE
:Qui c’était, ton père?
;JULIEN
:Un officier, au Maroc. Un de ces hommes qu’on trouve impossibles, et qui le sont, sans doute. Le goût de la rigueur, de la probité, de l’honneur, poussé un peu loin, avec tout ce que cela comporte de désagréable naturellement, pour les autres. Mû par ce génie des misanthropes, pour dénicher les femmes qui doivent les faire souffrir, il est tombé amoureux de maman pendant une tournée qu’elle faisait, là-bas. Il a cru qu’elle serait la femme de sa vie. Elle lui a donné trois semaines de plaisir et puis elle l’a quitté - pour le comique de la troupe. Papa était un homme qui prenait l’existence au sérieux. Il a soigneusement astiqué son grand revolver d’ordonnance et il s’est fait sauter le caisson...
;COLOMBE
:Quelle horreur!
;JULIEN
:Oui. Ce geste, aussi, a beaucoup déplu à ma mère. Comme il s’est trouvé que les avortements sont assez difficiles en tournée, elle m’a mis au monde en rentrant à Paris. Voilà.
;COLOMBE
:C’est tout de même ta mère. Tu ne croisï pas que si tu y avais mis un peu du tien...
;JULIEN
:Merci. Le mien, comme tu dis, je le garde. Je n’en mets pas un peu avec n’importe qui.
;COLOMBE
:Tu es impossible, toi aussi, Julien ! julien
:Impossible n’est pas français ! Dis-moi tout de suite que je ne suis pas patriote, moi qui m’apprête à aller tirer trois ans au camp de Châlons pour défendre la République.
;COLOMBE
:Si tu avais voulu demander à ta mère, je suis sûre qu’avec ses relations elle t’aurait fait réformer. | julien
:Merci. Je suis antimilitariste, c’est pourquoi je ne veux rien demander à l’Armée française, même pas de renoncer à moi. Je ferai l’idiot, trois ans, comme les autres, à frotter le fusil Gras modèle 89.
;COLOMBE
://doucement//
:Et moi pendant ce temps-là.. J JULIEN, s’est rapproché, soudain changé
:Colombe, mon chéri, je n’ai que toi au monde. Tu sais que je vais crever de te quitter, mais tu sais aussi que tu ne pourrais plus m’aimer si je faisais quelque chose de laid pour te garder.
;COLOMBE
:Quelle idée, mon chéri! Je pourrais très bien t’aimer quand même, moi...
;JULIEN
:Pas moi. Et je tiens à pouvoir me regarder dans ma glace le matin en me rasant.
;COLOMBE
://soupire//
:Ah ! comme tout est toujours difficile avec toi.
;JULIEN
://gentiment//
:Ne sois pas injuste, Colombe. L’honnêteté n’est pas de tout repos c’est entendu, mais ce n’est tout de même pas moi qui l’ai inventée...
;MADAME GEORGES
:. -, surgit, criant
:Elle arrive ! Elle est en bas avec des étudiants qui lui demandent des autographes.
;JULIEN
:Ils n’ont pas encore dételé sa voiture? A chaque triomphe, c’est classique, ces bons jeunes gens s’attellent au coupé de maman. Comme elle est abominablement avare, elle a même fini par se demander si c’était bien la peine de garder un cheval.
;MADAME GEORGES
:Si vous le prenez sur ce ton avec elle, mon pauvre monsieur Julien, cela va recommencer comme avant. Vous me faites de la peine, tenez; quand on voit ce qu’en tire M. Armand avec des flatteries...
;JULIEN
:Georges, contente-toi de pleurer sur ton derrière, pas sur moi ! Je prendrai le ton qui me plaira.
;MADAME GEORGES
:Ah! les hommes, madame Julien, tous les mêmes ! Je vais l’avertir que vous êtes là, ça vaut tout de même mieux.
://Elle sort.//
;COLOMBE
://se rapproche de Julien//
:Julien, tu sais ce que tu viens lui demander, sois aimable je t’en supplie, sois poli. Pour le petit et pour moi.
;JULIEN
://qui tend l’oreille//
:Ecoute ça ! Cela graillonne, cela souffle, cela halète, cela hisse sa vieille carcasse en haut des marches comme cela peut, pour se faire applaudir encore une fois - au lieu de tricoter, comme les autres... Mais il ne faut pas croire ! en scène c’est éternellement jeune, cela ne paraît pas tout à fait vingt ans, cela minaude, cela séduit, cela roucoule... Et c’est ma mère!
;COLOMBE
://crie//
:Julien !
;JULIEN
://bouffonne//
:Colombe, tiens-toi droite ! Tu vas voir paraître devant toi la vieille déesse de l’Amour de la Troisième République... Tu es émue j’espère, toi qui crois à ce sentiment ?
;COLOMBE
:J’ai peur, mon chéri.
;JULIEN
:D’elle? Elle ne mord pas. Elle n’a plus de dents ! Elle n’a même plus son puma familier qui l’a suivie partout pendant six ans. Il est mort au Jardin des Plantes. De dégoût.
;COLOMBE
://dans un souffle//
:C’est de toi que j’ai peur, Julien.
;MADAME ALEXANDRA
://paraît, entourée de Mme Georges et d’un état-major de coiffeurs, de régisseurs, de pédicures. Elle passe devant Colombe et Julien sans même les regarder et s’engouffre dans sa loge, glapissant de cette voix déformée par les fausses dents qui a fait sa gloire.//
;MADAME ALEXANDRA. — Mon fils ? Inutile! Vous lui direz que je ne veux pas le voir !
://La porte de la loge se referme sur le cortège.//
;JULIEN
://est resté immobile, sidéré. Quand Madame Alexandra a disparu, il éclate//
:Ah non! C’est trop fort! Cette fois je casse son théâtre !
;COLOMBE
://tente de le retenir//
:Mon chéri. Reste calme. Tu n’obtiendras rien en criant.
;JULIEN
:Lâche-moi. Je veux crier. Il faut que je crie ou je m’étouffe ! Maman !
://Il fait irruption dans la loge et va frapper à la porte du cabinet de toilette qui est fermée. Il la secoue.//
:Maman ! Ouvre-moi ! Fais-moi ouvrir tout de suite, ou je casse la porte.
://Il secoue la porte en vain.//
:Elle s’est enfermée, dans son fromage, comme un vieux rat. Elle s’est assise sur son coffre et elle le couve.
://Il erre comme un lion en cage dans la loge en criant.//
:Madame Alexandra! si vous ne m’ouvrez pas, je casse vos potiches en faux Chine, je lacère vos tapis genre persan, je bouffe vos plantes vertes. Ouvrez, Madame Alexandra ! ou cela va vous coûter extrêmement cher, beaucoup plus cher que je ne veux vous demander.
://Il va crier, secouant la porte.//
:Madame Alexandra, place au théâtre ! C’est la grande scène du trois avec votre fils adoré. Vous allez pouvoir être une mère sublime encore une fois ! Madame Alexandra, votre public vous réclame ! Faites votre entrée !
://La porte s’entrouvre. Paraît le pédicure qui la maintient solidement.//
;LE PÉDICURE
:Madame fait dire à Monsieur qu’elle ne peut pas recevoir Monsieur. Elle a répétition.
;JULIEN
://par la porte entrouverte//
:Madame Alexandra, je suis calme. Je suis étonnamment calme. Mais je ne veux pas discuter avec votre pédicure. Faites-moi l’honneur de venir apprendre en personne pourquoi votre fils veut vous voir.
://On entend la voix de Madame Alexandra qui martèle dans la loge.//
;MADAME ALEXANDRA
:Qu’il sorte de ma loge et qu’il attende dans le couloir !
;JULIEN
://serre les dents. Il répond soudain, tout pâle.//
:Bien «moman». Je vais attendre dans le couloir, « moman ».
://Il est sorti en claquant la porte. Il rugit dès qu’il est en face de Colombe qui l’attendait tremblante.//
:Je suis calme, non? Il me semble que j’ai été poli.
://Derrière lui, le pédicure a trottiné fermer la porte. Mme Georges est sortie du cabinet de toilette; il attend qu’elle se soit glissée dans le couloir pour refermer à clef derrière elle. C’est tout un petit ballet furtif et affairé.//
;MADAME GEORGES
:. — Vous voilà bien avancé maintenant, monsieur Julien ! Je vous l’avais dit d’être aimable, On ne prend pas les mouches avec du vinaigre, voyons
;JULIEN
:Je regrette. Je n’ai pas de sucre sur moi.
;MADAME GEORGES
:Au lieu de faire un peu le joli cœur... Ce n’est pourtant pas difficile. Les femmes, ça aime qu’on les flatte. Enfin quoi ? Vous venez lui demander de vous aider. C’est à vous d’y mettre du vôtre, monsieur Julien.
;JULIEN
:J’y mettrai du mien si elle y met du sien,
://Il a un geste.//
:Seulement, elle ne le lâche pas comme cela, le sien, « moman ».
;MADAME GEORGES
:C’est combien que vous venez lui demander? Quelquefois cela s’arrange quand on sait le montant.
;JULIEN
:Je pars faire mon service militaire. J’ai reculé tant que j’ai pu, mais cette fois il faut que j’y passe, - je vais défendre la République. Je lui demande de faire vivre ma femme et mon fils pendant ces trois ans.
;MADAME GEORGES
://siffle//
:C’est que c’est long trois ans !
;JULIEN
:Pour eux aussi !
://Pendant ces dernières répliques, Madame Alexandra est rentrée dans sa loge en peignoir. Elle s’installe sur une sorte de trône. Le pédicure lui prend son pied, la manucure sa main, le coiffeur la tête. La Surette, son secrétaire, se tient à distance respectueuse avec ses papiers et attend. On dirait une vieille idole entourée de ses prêtres. Au bout d’un moment elle demande.//
;MADAME ALEXANDRA
:La Surette !
;LA SURETTE
://s’avance, obséquieux//
:~Madame-Chérie?
;MADAME ALEXANDRA
:Qu’est-ce que c’est que ce courrier ?
;LA SURETTE
:Benoiseau envoie sa facture pour les costumes de Y Impératrice. C’est la troisième fois qu’il réclame.
;MADAME ALEXANDRA
:Qu’il attende. Après?
;LA SURETTE
:Une note des machinistes qui demandent une augmentation de cinq francs par mois.
;MADAME ALEXANDRA
:Refusé. Après?
;LA SURETTE
:L’œuvre des Petits Orphelins du Spectacle écrit pour sa quête annuelle.
;MADAME ALEXANDRA
:Vingt francs.
;LA SURETTE
:L’année dernière, nous avions donné cinquante.
;MADAME ALEXANDRA
:Ce n’est pas moi. C’est Desfournettes. Vingt francs. Après ?
;LA SURETTE
:L’Aide aux Étudiants tuberculeux demande un envoi pour sa fête de charité.
;MADAME ALEXANDRA
:J’ai déjà donné aux étudiants.
;LA SURETTE
:Ceux-ci sont les Étudiants tuberculeux.
;MADAME ALEXANDRA
:Ou ils sont étudiants ou ils sont tuberculeux ! Il faut s’entendre.
;LA SURETTE
:Ils disent que Mme Sarah Bemhardt leur a envoyé une statuette dont elle est l’auteur.
;MADAME ALEXANDRA, glapit
:Dites-leur que je ne sculpte pas comme Mme Sarah Bernhardt ! Je ne fais que du théâtre, moi !
;LA SURETTE
://insinue//
:L’envoi de Mme Sarah Bemhardt sera certainement très remarqué.
;MADAME ALEXANDRA
:Tout ce que fait Mme Sarah Bernhardt est toujours très remarqué ! Elle est grande comment, cette statuette?
;LA SURETTE
:Si c’est le Bouffon qui était au dernier Salon des Artistes français, il est à peu près grand comme ça, ~Madame-Chérie.
;MADAME ALEXANDRA
:Seulement? Cela m’étonne d’elle.
://Elle appelle ://
:Georges !
;MADAME GEORGES
://dans le couloir, à Julien//
:Elle m’appelle. Ne bougez pas, je vous en supplie, monsieur Julien, tout va s’arranger.
://Elle se glisse dans la loge, ouvrant avec son passe-partout et refermant la porte derrière elle.//
:~Madame-Chérie ?
;MADAME ALEXANDRA
:Où as-tu mis ce Barbe-dienne, ce gros bronze affreux qu’on m’avait envoyé il y a deux ans et que je n’ai pu placer nulle part ?
;MADAME GEORGES
:La femme nue, ~Madame-Chérie?
;MADAME ALEXANDRA
:Mais non, pas la femme nue, imbécile ! La femme nue, c’est de Rodin. Je ne vais tout de même pas leur donner un Rodin sous prétexte qu’ils sont tuberculeux. D’abord tout le monde est tuberculeux, c’est connu.
;MADAME GEORGES
:Ah? Je sais ce que Madame veut dire. Le squelette ?
;MADAME ALEXANDRA
:C’est cela, c’est cela! L’affreux squelette qui tient un homme nu par la main.
;LA SURETTE
:Ah ! je vois, ~Madame-Chérie. «Le Jeune Homme et la Mort»? Parfaitement. Nous l’avons rangé dans le grenier de la rue de Prosny.
;MADAME ALEXANDRA
:Hé bien ! envoyez-leur cela, avec ma carte. C’est trois fois gros comme son Bouffon, cela embêtera Mme Sarah Bernhardt.
;LA SURETTE
:Mais Madame ne craint pas qu’on dise que le sujet... peut-être... «Le Jeune Homme et la Mort»?... Pour de jeunes tuberculeux...
;MADAME ALEXANDRA
://glapit//
:J’envoie ce que j’ai ! Ils m’embêtent! S’ils sont tuberculeux, ils se doutent bien qu’ils doivent mourir.
;JULIEN
://qui commence à s’impatienter dans le couloir. -Si elle se figure qu’elle va me faire attendre tout l’après-inidi dans le couloir, elle se trompe !//
;COLOMBE
:Sois poli, je t’en supplie.
;JULIEN
: est allé frapper à la porte, il appelle.
;JULIEN
:Maman !
://Tout le monde s’est figé dans la loge. On attend la réaction de Madame Alexandra qui dit simplement.//
;MADAME ALEXANDRA
:Après?
;JULIEN
://frappe encore//
:Maman !
;LA SURETTE
:Un jeune homme de Toulouse qui dit qu’il vous a vue dans Y Impératrice et qu’il veut se tuer pour vous.
;MADAME ALEXANDRA.
:C’est bien. Remerciez. Après ?
;JULIEN
://frappe//
:Maman ! Ouvre-moi.
://Attente dans la loge.//
;MADAME ALEXANDRA
://glapit//
:Après ?
;LA SURETTE
://impassible//
:Un mot de M. Julien qui dit qu’il passera vous voir cet après-midi au théâtre et que c’est grave.
;MADAME ALEXANDRA
:Après?
;JULIEN
://qui donne des coups de pied dans la porte. -Maman ! Je ne te laisserai pas tranquille ! Je donnerai des coups de pied dans ta porte jusqu’à ce que tu me fasses ouvrir !//
;MADAME ALEXANDRA, à La Surette qui écoute Julien avec l’ombre d’un sourire sur sa face maigre. — Vous avez entendu ? J’ai dit : après ?
;LA SURETTE
://efface aussitôt son sourire et reprend//
:Les sapeurs-pompiers, ~Madame-Chérie...
;MADAME ALEXANDRA, explose
:Qu’est-ce qu’ils veulent les sapeurs-pompiers ? Il n’y a pas le feu ! Qu’ils attendent qu’on les appelle, ceux-là aussi.
;LA SURETTE
:Leur fête annuelle au profit...
;MADAME ALEXANDRA, le coupe
:Au profit ! Toujours au profit ! Ils ne pensent qu’à profiter tous ces gens-là ! Est-ce que j’en donne, moi, des fêtes annuelles ? J’ai commencé à faire du théâtre à treize ans et depuis je n’ai pas passé un soir sans jouer et je n’ai jamais rien demandé à personne.
://Tout cela est ponctué de coups de pied de Julien dans la porte.//
;JULIEN
:Maman ! Madame Alexandra ! Si ce n’est pas pour moi, que ce soit pour vos peintures !
;COLOMBE
://essaie de l’arrêter, il la repousse.//
:Cela coûte cher madame Alexandra, les peintures ! Si vous me laissez une heure dans ce couloir, je botterai votre porte pendant une heure et il n’en restera plus rien de vos peintures !
://Il tape comme un fou en criant ://
:Madame Alexandra ! Je suis votre fils, nom de Dieu ! Et la voix du sang, qu’est-ce que vous en faites, Madame Alexandra !
;COLOMBE
://l’arrache soudain de la porte//
:C’est assez maintenant Julien, tu es odieux !
;JULIEN
://s’arrête surpris, il la regarde, il dit simplement.//
:Ah ? Toi aussi m trouves que je suis odieux ? Alors, c’est que cela doit être vrai. C’est bon. Je me tais.
://Il va s’asseoir sans un mot sur la chaise et ne dit plus rien, la tête dans ses mains.//
;MADAME ALEXANDRA
:Après? la SURETTE
:Qu’est-ce que je réponds aux pompiers ? Mme Sarah Bemhardt a envoyé cent francs.
;MADAME ALEXANDRA, hurle, hors d’elle
:Mme Sarah Bemhardt a de l’argent à jeter par les fenêtres. Pas moi ! Je ne fais pas de tournées en Amérique du Sud, comme les cirques, moi ! Envoyez des fleurs, toutes les fleurs que j’ai reçues dans la semaine.
;LA SURETTE
://un peu étonné//
:Des fleurs, aux pompiers ? madame ALEXANDRA
:Oui. Vous êtes sourd?
;LA SURETTE
:C’est que certaines corbeilles sont déjà un peu fanées ~Madame-Chérie.
;MADAME ALEXANDRA
://péremptoire//
:Justement. Ils les arroseront. Ils adorent ça, les pompiers !
://Elle se lève.//
:C’est assez maintenant. Je suis fatiguée. Nous reprendrons le courrier après la répétition. Je vais me maquiller.
;LA SURETTE
://salue, obséquieux//
:Bien ~Madame-Chérie. Quand vous voudrez !
://La Surette sort. Mme Georges va lui ouvrir avec son passe-partout et fait signe à Colombe et à Julien d’attendre tranquillement. Pendant ce temps, Madame Alexandra est passée dans la seconde loge, suivie de son état-major. Mme Georges la rejoint rapidement. Seul dans le couloir avec Julien, La Surette change d’attitude.//
La came !
://Julien a levé un œil, il le regarde. L’autre reprend humble.//
;JULIEN
:Oui.
;LA SURETTE
://se rapproche, haineux//
:Et c’est comme cela toute la journée depuis dix ans, à faire le pitre avec mes papiers à la main... Et je te fais des courbettes! Oui ~Madame-Chérie ! Bien ~Madame-Chérie ! Entendu ~Madame-Chérie !
://Il crie soudain, après un coup d’œil de lâche à la porte fermée ://
:Merde, ~Madame-Chérie ! Quand est-ce, dites, monsieur Julien, quand est-ce que je le lui crierai ?
;JULIEN
://a relevé la tête, il le regarde//
:Quand tu voudras La Surette, tu es libre.
;LA SURETTE
:Vous dites cela parce que vous êtes son rejeton. C’est facile de l’ouvrir quand on est le fils à sa maman. Le salarié, lui, il la ferme. Et hermétiquement. Bien ~Madame-Chérie, qu’il répond le salarié ! Et le sourire ; qu’il ne l’oublie pas surtout. Et la nuance d’admiration et de gratitude. Ce n’est pas tout de dire ~Madame-Chérie, il faut le dire avec conviction. Elle y tient, la vieille. Il faut qu’on l’adore nous, en plus. Quelquefois, quand elle trouve que je comprends pas assez vite, vous savez ce qu’elle fait la ~Madame-Chérie? elle me lance une potiche à la figure ! Oh ! pas chère, elle est pas folle!... Un petit vase de rien du tout, mais bien dirigé tout de même. « La Surette, vous êtes un âne ! » Moi, j’esquive la potiche, j’ai l’habitude, mais attention ! - pas d’impair! - je dois continuer à sourire. Très drôle ~Madame-Chérie ! Quel tempérament elle a, la patronne ! C’est le génie quoi, qui veut ça ! Ah ! ce qu’on l’admire, monsieur Julien, ce qu’on l’admire tous, votre « moman » ! On n’en peut plus de l’admirer! On s’en rengorge, tellement on est fiers et honorés de la servir, la Diva!... Et c’est pas pour nos cent cinquante francs par mois, oh non ! on n’est pas si bas ! - c’est pour l’admiration qu’on travaille. Elle y tient !
;JULIEN
:Pourquoi restes-tu?
;LA SURETTE
:J’ai une particularité, monsieur Julien, comme tous les ânes, je broute. Deux fois par jour. Et comme c’est elle qui me fait brouter, j’avale le reste, avec le picotin. C’est un peu cela que vous allez faire tout à l’heure, quand elle voudra bien vous recevoir, non? Les argents c’est pas tout ! Ceux qui les ont, ils ne les lâchent pas ainsi. Faut, qu’en plus, on paye en nature ! C’est la loi. Oui ~Madame-Chérie, qu’il faut dire, c’est absolument exact, je suis un âne et votre vieille gueule, elle m’éblouit ! Ah ! si un soir, un seul soir, on est les plus forts, nous autres...
;JULIEN
://s’est levé//
:Fous le camp, La Surette ! Tu me dégoûtes.
;LA SURETTE
:Naturellement! Je suis ignoble! Et lâche, et tout ! Et je le sais ! Mais cela aussi elle me le paiera vous m’entendez? d’être ignoble: C’est sur son compte... Allez, monsieur Julien, allez la faire la risette â maman. On est tous les mêmes, plus ou moins fiers, plus ou moins tapageurs, mais le moment venu : la courbette, Oui ~Madame-Chérie qu’on répond, je suis un âne. Il faut bien vivre...
://Il est sorti, ricanant, ignoble. Julien est resté debout, tout pâle. Il dit soudain.//
;JULIEN
:Il est trop laid. Tout est trop laid. Viens, nous repartons.
://A ce moment Armand paraît, se dirigeant rapidement vers la loge. Il s’arrête stupéfait devant Julien.//
;ARMAND
:Julien ! Par exemple ! D’où sors-tu?
://Il avise Colombe.//
Mais qui est-ce ?
;JULIEN
:Ma femme. Mon frère Armand.
;ARMAND
:Comment? Vous vous êtes mariés? Pour de bon ? Sacré Julien ! Une scène terrible, pour changer, la porte qui claque. Disparu ! Dans une trappe ! Pendant deux ans on n’entend plus parler de lui. Quel calme soudain à la maison ! Où étais-tu ? En Amérique ?
;JULIEN
:À Belleville. Je donnais des leçons de piano. Et on n’est pas très musicien dans ce quartier.
;ARMAND
:Alors, tu viens faire la paix avec la maman ? Je vais arranger cela.
;JULIEN
:Je ne crois pas. Nous repartons.
;ARMAND
:Laisse-moi faire. Je te promets une reddition honorable.
;JULIEN
:Non merci. Tu es bien gentil. Nous repartons.
;ARMAND
:Tu as besoin de quelque chose? J’ai été ratissé hier soir mon cher. Une déveine!... Mais je vais aller voir maman, tout sera arrangé dans cinq minutes. Ne bouge pas.
;JULIEN
://l’arrête//
:Non. J’étais seulement monté en passant. Elle est occupée. Tout va très bien. Au revoir. Je suis content de t’avoir revu.
://Il veut entraîner Colombe qui lui échappe et va à Armand.//
;COLOMBE
:Monsieur, ne l’écoutez pas! Il est trop fier. Il était venu pour essayer de voir sa mère.
;JULIEN
://veut l’empêcher de parler. — Je te défends, Colombe !//
;COLOMBE
://continue//
:Nous avons un petit bébé, monsieur, et Julien part faire son service militaire. Il était venu lui demander de s’occuper de nous.
;ARMAND
:Comment? Tu n’es pas réformé?
;JULIEN
:Non. J’avais seulement demandé un sursis à cause du Conservatoire. Je pars demain pour le camp de Châlons.
;ARMAND
:Et la petite va rester sans un franc, avec son moutard sur les bras ? C’est cela que tu voulais dire à maman ?
;COLOMBE
:Oui monsieur. Et comme elle n’a pas accepté de nous recevoir tout de suite, il voulait repartir.
;ARMAND
:Tête de bois ! Sacrée brute ! Toujours le même ! Un pieu ! Un totem ! Huguenot, va ! Il doit vous rendre très malheureuse, mon enfant ?
;COLOMBE
:Je l’aime, monsieur.
;ARMAND
:Je m’en doute bien. Nous l’aimons tous. Mais cela ne nous empêche pas de penser que la vie est tout de même plus facile qu’il ne l’imagine ! Et si je n’étais pas monté taper maman, il allait repartir, tout raide, une deux, une deux, droit au camp de Châlons, sauver la France ! D’abord, mon vieux, on va te faire réformer.
;COLOMBE
://crie//
:Tu vois Julien !
;JULIEN
:Non merci. Je ne veux pas.
;ARMAND
:Ta ra ta ta - ta ta ta ta ! Ta ra ta ta - ta ta ta ta ! Tu y tiens à aller faire du gauche-droite avec les soixante livres sur le dos ? A ton aise ! Mais ce ravissant petit bout de femme, seul à Belleville, avec les couches du bébé et le laitier qui ne veut plus faire crédit, tu n’y tiens pas absolument ? Cela ne fait tout de même pas partie de ta noble conception du monde? Alors laisse-moi faire. Je m’occupe d’eux, moi. Dans cinq minutes cette nymphe et son moutard sont casés. Et tu pourras partir, d’un cœur léger, nous défendre sur les frontières !
://Il rentre dans la loge, va jusqu’au cabinet de toilette, où il entre sans frapper, criant gaiement.//
«Madame-Maman, je vous salue !... »
;JULIEN
: n ’a pas bougé. Colombe, qui a regardé sortir Armand pleine d’admiration, se rapproche.
;COLOMBE
:Comme il est gentil! Comme il est gai, lui ! Tu vois que j’ai bien fait de lui parler.
;JULIEN, sans bouger
:Oui.
://Il dit soudain d’une drôle de voix ://
:Ecoute, Colombe. Je vais te laisser seule. La vie n’est pas comme tu crois.
;COLOMBE
:Je sais, mon chéri.
;JULIEN
:La vie est grave, la vie est humble, Colombe. La vie n’est pas dans les gestes qu’on fait.
;Colombe
:Oui, je sais, tu me l’as expliqué.
;JULIEN
:Tu vas les voir. Tout ce qui va t’éblouir en eux est faux.
;COLOMBE
:Oui Julien.
;JULIEN
:Je sais que ton cœur est bon et que tu fais des efforts pour comprendre ce que je t’explique ; mais tu es toute petite encore et la facilité a des pièges terribles.
;Colombe, //a un petit rire//
:Il faut que j’aie très peur?
;JULIEN
:Ne ris pas, c’est grave. Il faut avoir peur d’elle de toutes tes forces, petit oiseau. Jure-le-moi.
;COLOMBE
:J’essaierai d’avoir très peur mon chéri, je te le jure, pour que tu sois content de moi. Mais c’est si vilain la facilité ?
;JULIEN
:Oui, Colombe.
;COLOMBE
:C’est pourtant bon les choses qui se font sans peine et qui vous font plaisir.
;JULIEN
://crie//
:Non, ce n’est pas bon.
;COLOMBE
:La facilité, c’est quand on me dit que je suis belle et qu’on veut m’offrir un bouquet?
;JULIEN
:Oui.
;COLOMBE
:Quel mal y a-t-il à prendre les fleurs si je ne donne rien en échange? La facilité, c’est de rire quand les garçons plaisantent en passant, quand les vieux messieurs se retournent d’une pièce dans les rues en se cognant les uns aux autres, et qu’on s’arrête un petit peu devant une boutique, plus loin, pour voir leur air désespéré ? Mais c’est amusant tout cela : ce n’est pas mal, puisque je t’aime.
;JULIEN
:Si. Ecoute, petit oiseau, c’est difficile. Je vais être loin, je serai impuissant. Si tu m’aimes précisément...
;COLOMBE
:Mais je t’aime, mon chéri, je n’aime que toi.
;JULIEN
:Oui. Je veux le croire de toutes mes forces en ce moment. Alors si tu m’aimes... Tu m’écoutes bien? tu regardes ailleurs...
;COLOMBE
:Je regarde ailleurs, mais je t’écoute, mon chéri. De toutes mes oreilles.
;JULIEN
://gravement, un peu ridicule//
:Si tu m’aimes, Colombe, tu n’aimeras rien de ce que tu aimes.
;COLOMBE
: a un petit sourire trop tendre, elle demande, incrédule
:Pas les robes, pas les bagues, pas les fleurs, pas les compliments ? Pas les boutiques où on vous montre pour rien tout ce qu’il y a de beau sur la terre ?
;JULIEN crie, malheureux
:Non.
;Colombe
:Mais je ne demande pas que tu m’achètes. Seulement les regarder. Quel mal y a-t-il à regarder ?
;JULIEN crie
:Même pas les regarder.
;Colombe
:Que tu me dises de ne pas accepter si on me propose, oui, je comprends à la rigueur, mais de regarder seulement...
;JULIEN
: crie
:Non ! Puisque je ne peux pas te les donner ces robes, il ne faut même pas les regarder.
;COLOMBE
:C’est un peu difficile ce que tu me demandes.
;JULIEN
:Tout ce qui est bien est difficile. Je te l’ai expliqué. Jure-le-moi.
;COLOMBE
:On a toujours peur avec toi. C’est comme une leçon qu’on n’est jamais très sûre de savoir.
;JULIEN
:Écoute et tâche de comprendre, Colombe. Tu es ma femme. Et tu as accepté de me suivre et d’être pauvre il y a deux ans. C’est vrai cela ?
;Colombe
:Oui, mon chéri.
;JULIEN
:Tu as tout accepté parce que je t’ai parlé et que tu m’as cru : le petit garçon qui crie toujours et qui ne veut pas que nous dormions, avec ses couches et ses biberons, et les doigts rouges avec les langes et la vaisselle et toute la pauvre petite vie de tous les jours. Tu n’étais pas obligée et pourtant tu as accepté.
;COLOMBE
:J’ai accepté parce que je t’aimais mon chéri, voilà tout.
;JULIEN
: crie
:Cela ne me suffit pas que tu m’aimes ! Je vais partir. Jure comme nous avons juré autrefois.
;COLOMBE
:Devant le maire ? Il était trop laid avec son écharpe sur le ventre et ses pellicules. Ça ne comptait pas.
;JULIEN
:Alors, jure comme nous avons juré devant le vieux curé qui pensait à autre chose, dans la petite chapelle froide où il n’y avait pas d’invités, peut-être même pas de bon Dieu.
;COLOMBE
:Bon. Je jure. Là. Tu es content? julien
:Crache.
;COLOMBE
:Je crache. Mais ce n’est pas parce que j’ai juré, idiot chéri, que je suis ta femme. C’est parce que je t’aime.
;JULIEN
: crie
:Non ! Je ne veux pas que tu sois ma femme parce que tu m’aimes ! Qu’est-ce que tu veux que cela me fasse que tu m’aimes? Demain, tu peux ne plus m’aimer. Je veux que tu sois ma femme, toujours, parce que tu me l’as juré.
;COLOMBE
://un peu pincée//
:Alors cela t’est égal que je t’aime ?
;JULIEN
: crie, furieux
:Oui !
://Il se reprend, malheureux ://
:Non. Comprends-moi, petit oiseau. Tu n’es pas seulement ma femme. Une femme, j’aurais pu en avoir une autre, plus belle que toi peut-être...
;COLOMBE
://bondit//
:Comment, plus belle que moi?... Et tu oses prétendre que tu m’aimes ! Mais va la chercher, va la chercher tout de suite, cette idiote, et on verra si elle s’amusera tous les jours avec toi !
;JULIEN
:Ecoute-moi, Colombe. Tu comprends ce que je veux dire. Tu aurais pu, toi, connaître un autre homme plus beau ou plus fort que moi et l’aimer comme un homme. Cet amour-là, qui est une partie de notre amour, c’est ce que nous pouvions donner à n’importe qui, parce que nous sommes jeunes et vivants. Toi, tu es autre chose. Tu es mon alliée, tu es mon petit frère. Ils sont laids tous, ils sont veules et ceux qui ne sont pas méchants, sont bêtes. Depuis que je suis tout petit, je n’ai le souvenir que de blessures. Je les hais.
;COLOMBE
:Il faut avouer aussi que tu n’es pas sociable...
;JULIEN
: crie
:Non, je ne suis pas sociable ! Mais j’ai refait un monde à moi où tout est plus difficile et plus pur. Et c’est toi qui es ce monde, Colombe, avec ce petit quinquagénaire ricanant dans ses langes - provisoirement. Tant qu’il n’a pas encore montré qui il était.
;COLOMBE
:C’est ton fils tout de même, ce vieux monsieur ! Et s’il n’est pas ce que tu veux quand il sera grand, tu ne l’aimeras pas ?
;JULIEN
: crie sincèrement
:Non !
;COLOMBE
:Alors moi, si je comprends bien, c’est pour mes qualités que tu m’aimes ? julien
:Oui.
;COLOMBE
:Si j’étais menteuse, si j’étais voleuse, si j’étais coquette, tu ne m’aimerais pas ? julien
:Non !
;COLOMBE
:Tu ne m’aimes que pour mes qualités. Tu crois que c’est flatteur? Tout le monde peut m’aimer pour mes qualités : c’est bien malin ! Il faut que tu m’aimes pour mes défauts aussi si tu m’aimes !
;JULIEN
:Tu n’as que des défauts d’oiseau, Colombe.
;COLOMBE
:Et si j’en avais d’autres un jour, des plus gros, tu ne m’aimerais plus? C’est trop facile mon bonhomme. Et tu crois que c’est cela l’amour?
;JULIEN
:Oui, Colombe.
;COLOMBE
://hausse les épaules//
:Tu en sais toujours plus long que les autres. Moi, je sais en tout cas que ce n’est pas comme cela que je veux qu’on m’aime. Je veux qu’on m’aime comme une vraie femme. Pas seulement comme une écolière qui récite bien sa leçon.
;JULIEN
://sourit, vaincu//
:Hé bien, au retour du service militaire je t’aimerai comme une vraie femme, c’est promis. Nous aurons des scènes, nous aussi, de grands éclats et des réconciliations et tu me feras souffrir comme les vraies femmes font souffrir les vrais hommes. Mais pendant que je serai absent rappelle-toi bien la leçon tout de même, petit oiseau. Sois dure, exigeante, fermée.
://Il dit soudain, pitoyable et cocasse à la fois ://
:Sois encore un peu, je t’en prie, comme j’aime que tu sois.
;COLOMBE
://avec un peu d’humeur encore//
:J’essaie toujours d’être comme tu le veux, tu le sais bien.
;JULIEN
: hésite un peu, puis soudain
:Il va revenir. Je veux te dire quelque chose encore. Tu n’aimeras pas Armand si tu dois le revoir.
;COLOMBE
:Mais il est très gentil ! julien explose encore
:Tu ne l’aimeras pas parce qu’il est très gentil ! Tu ne l’aimeras pas si tu m’aimes, parce que, moi, je ne suis pas très gentil !
;COLOMBE
:Oh! tu n’as pas à t’en vanter! C’csl plutôt une qualité d’être gentil.
;JULIEN
: hurle
:Non !
;COLOMBE
://a un petit soupir comique//
:Comme tout est compliqué avec toi, mon chéri ! Il faut toujours que je me méfie. Et pour moi tout est tellement plus simple... Tout le monde est gentil, il n’y a rien de laid et j’ai seulement envie d’être heureuse...
://Elle rêve un peu et soupire.//
:Heureuse... C’est drôle, c’est un mot qui chatouille les lèvres quand on le dit, comme si on vous embrassait.
;ARMAND
: sort de la loge du fond en criant
:Vous êtes toujours là, les tourtereaux?
://Il apparaît, ravi, dans le couloir.//
:Victoire mes enfants ! Elle ne veut pas recevoir le renégat, mais elle consent à voir son épouse... Comment s’appelle-t-elle, au fait, cette jeune beauté ?
;COLOMBE
:// s’est levée comme une petite écolière, elle lui répond bien poliment//
:Colombe, monsieur.
;ARMAND
:Dieu que c’est ravissant! Où avez-vous été dénicher ce nom-là ?
;COLOMBE
:C’est une sainte.
;ARMAND
:Comme c’est dommage ! J’espérais qu’on l’avait fait pour vous. En tout cas, cela ne devait pas être une vraie sainte : elle avait sûrement un peu péché. Patiente cinq minutes dans le couloir, mon petit vieux; si tu te montres, elle va voir rouge. Je voudrais faire accepter Colombe d’abord. Toi, tu feras ton entrée au second tableau. Le fils repentant, la mère au grand cœur, il suffit de lui suggérer la scène : je la connais, elle la jouera. Tu n’y couperas pas au baiser d’adieu ! Un détail cependant : je ne lui ai pas encore dit qu’elle était grand-mère. A son âge, cela pourrait la tuer. On lui annoncera cela plus tard, avec des ménagements. Tu es d’accord? Cela ne choque pas trop ton sens de la rigueur, cher Caton ?
;JULIEN
://bourru//
:Je te remercie, Armand. Tu es très bon.
;ARMAND
:Mais non, mais non, je ne suis pas bon, cher ours ! Tu le sais aussi bien que moi. Seulement, ta femme est ravissante et tu es mon frère, après tout! Il faut bien avoir le sens de la famille, de temps en temps. Allons, suivez-moi, rougissante Colombe. Et du charme ! Mais j’ai l’impression que je n’ai pas de conseils à vous donner sur ce point. Je me trompe ?
;COLOMBE
://qui le suit//
:Oui monsieur. Je suis très timide.
;ARMAND
://qui la tire par la main en riant//
:Vraiment mon cher cœur? Vous donnez tout de suite cette impression ! Et d’abord, ne m’appelez pas monsieur. Je m’appelle Armand.
://Ils sont passés dans la loge. Colombe regarde autour d’elle, émerveillée.//
:C’est beau, hein, chez maman? Le grand art! Et elle a réussi ce tour de force : tout est rigoureusement faux. Asseyez-vous sur ce pouf qui aurait bien voulu être Louis XV et attendez-moi bien sagement. J’introduis le tigre. Cette présentation importante ne pouvait décemment pas avoir lieu dans son cabinet de toilette. Et vous savez, du cran ! - c’est comme tous les vieux fauves, il suffit de les regarder en face, cela les démonte et c’est eux qui ont peur. D’ailleurs je serai là ! Une seconde.
://Il est entré dans l’autre loge. Colombe est restée seule dans la grande pièce encombrée de tentures, de potiches, de plantes vertes. Julien est seul sur sa petite chaise dans le couloir, de l’autre côté du mur. Il crie soudain.//
;JULIEN
:Colombe!
;COLOMBE
:Oui.
;JULIEN
:Tu m’as juré !
;COLOMBE
://un peu impatientée//
:Mais oui ! Tu es insupportable. Tais-toi.
://Desfoumettes, le codirecteur du théâtre avec Alexandra, accompagné de ~Poète-Chéri, entre par le couloir du fond. Deux grands cols, deux culs-de-singe, deux paires de moustaches, deux hauts-de-forme, deux redingotes, deux cannes.//
;DESFOURNETTES
://s’exclame//
:Admirable !
;~POÈTE-CHÉRI
:Vous trouvez? Vraiment?
;DESFOURNETTES
:Mon cher poète, c’est génial ! J’ai beau chercher, je ne trouve pas d’autre mot.
;~POÈTE-CHÉRI
://modeste//
:Ne cherchez plus. Celui-là est bien suffisant. Je suis assez content moi-même, oui, je crois que je tiens mon becquet.
;DESFOURNETTES
:Le cinquième acte va être éblouissant !
://Il passe devant Julien.//
:Pardon monsieur.
://Il le voit.//
:Mais c’est Julien? Par exemple ! Qu’est-ce que tu fais la, garnement?
;JULIEN
:J’attends ma mère.
;DESFOURNETTES
://un peu inquiet//
:Elle sait que tu es là ?
;JULIEN
:Armand a été la prévenir.
DESFOURNETTES
:Pas de scène avant la répétition, je t’en prie mon petit. Attends six heures. Nous passons le 22. Nous n’avons pas un jour à perdre. Demande à Robinet.
://Il remarque l’attitude raide de ~Poète-Chéri.//
:Vous ne vous dites pas bonjour?
;~POÈTE-CHÉRI
://de bois//
:J’attends.
;DESFOURNETTES
:Qu’est-ce que vous attendez?
;~POÈTE-CHÉRI
:Les excuses.
;DESFOURNETTES
:Quelles excuses?
;~POÈTE-CHÉRI
:Monsieur sait parfaitement de quoi il s’agit.
;DESFOURNETTES
://se rappelle//
:Ah ! le coup de pied ! Ce n’est pas encore réglé depuis le temps, cette histoire-là?
;~POÈTE-CHÉRI
:Pas encore.
;DESFOURNETTES
:Un bon mouvement Julien ! Vous ne pouvez pas rester éternellement fâchés, Robinet et toi. Je suis sûr que vous ne vous rappelez même plus pourquoi vous vous êtes bousculés ?
;JULIEN
:Si. Très bien.
;DESFOURNETTES
:Tête de bois! Robinet, soyez conciliant. J’ai réglé dans ma vie un certain nombre d’affaires délicates ; un coup de pied n’est pas une gifle, Croyez-moi, le code est formel : le coup de pied n’entache pas l’honneur.
;~POÈTE-CHÉRI, pincé
:Pardon. Au derrière !
;DESFOURNETTES
://démonté//
:Au derrière. Evidemment. Le coup de pied au derrière entache l’honneur. C’est à toi de faire le premier pas, Julien.
;JULIEN
:Si je fais un pas, je lève le pied. Si je lève le pied, je ne réponds de rien.
;DESFOURNETTES
:Tu es impossible! Enfin, je ne sais plus ce que t’avait fait Robinet, mais je suis sûr que cela ne présentait aucun caractère de gravité. Robinet, de votre côté, vous devez tout de même considérer qu’il vous a atteint au mollet. C’est au mollet qu’il a déchiré votre pantalon, j’étais témoin.
;~POÈTE-CHÉRI
://inflexible//
:Le derrière était visé. desfournettes
:Qui sait? Dans la bousculade... Honnêtement, mon petit Julien, visais-tu le derrière ? Si tu dis non, je me porte garant que Robinet peut être satisfait et qu’il vous est possible de vous serrer la main... Un bon mouvement, sacrebleu ! Tu viens justement ici pour te réconcilier avec ta mère. Robinet est son poète et son ami. De plus, pourquoi ne pas en convenir devant lui, c’est un liomme qui a du génie, - il pourrait être ton père, - il est île l’Académie française, c’est une de nos gloires nationales... Tout cela compte, que diable!... Tu es jeune, emporté, on le sait, il y a eu une bousculade, entre vous, il y a deux ans, je ne veux même pas savoir pourquoi... Avoue que ce n’était pas son derrière que tu visais ?
;JULIEN
:Si. C’était son derrière. Et je n’ai qu’un regret, c’est de l’avoir raté.
;DESFOURNETTES
://a un geste désespéré, il entraîne ~Poète-Chéri//
:Impossible ! Tu es impossible ! Tu découragerais un saint! Personne ne pourra te supporter, jamais! Venez, Robinet.
://Il entre dans la loge, entraînant ~Poète-Chéri qui toise Julien et passe raide, avec une vague crainte pour son derrière dans sa façon de marcher.//
://Apercevant Colombe ://
:Bonjour, mon enfant.
;~POÈTE-CHÉRI
://met son monocle, heureusement surpris,//
:Mademoiselle.
;DESFOURNETTES
:Vous attendez Madame Alexandra?
;COLOMBE
:Oui monsieur.
;~POÈTE-CHÉRI,
://qui papillonne autour d’elle, entre ses dents, assez haut pour que Colombe entende, à Desfournettes, //
:Charmante! elle est charmante!... Dites-moi, mademoiselle, est-ce que nous ne nous sommes pas déjà rencontrés quelque part ?
;COLOMBE
://un peu gênée//
:Si monsieur, il y a deux ans. Au théâtre.
;~POÈTE-CHÉRI
://qui se rappelle soudain et met machinale-ment la main à son derrière//
:Ah ! c’est juste !... Mais alors vous êtes avec...
://Il a un geste,//
;COLOMBE
:Oui, monsieur. Je suis sa femme, maintenant.
;~POÈTE-CHÉRI
://de glace//
:Compliments.
;DESFOURNETTES
://a été à la porte de la loge//
:Vous êtes là, ~Madame-Chérie? ~Poète-Chéri a fait son becquet. C’est génial !
;~POÈTE-CHÉRI
://minaude, ravi//
:N’exagérons rien ! Je crois tout simplement que ce n’est pas mal venu.
;MADAME ALEXANDRA fait irruption, empanachée dans son costume de scène tout en paillettes. Boas de plumes, ombrelle, chapeau gigantesque. Elle est suivie d’Armand et de Mme Georges. Le pédicure, le coiffeur, sont sur le seuil pour contempler leur œuvre.
;MADAME ALEXANDRA
:Hé bien, où est-il ce becquet? Et cette petite, où est-elle? Elle est ravissante. Bonjour mon petit. ~Poète-Chéri !
;~POÈTE-CHÉRI
:~Madame-Chérie !
://Ils tombent dans les bras l’un de l’autre et s’embrassent.//
;MADAME ALEXANDRA
:Mon grand homme! Mon seul Dieu ! Quand je pense que c’est si gentil et que cela a du génie. Bien dormi, au moins ?
;~POÈTE-CHÉRI
://a un sourire désabusé//
:Pas dormi, ~Madame-Chérie. Le becquet !
;MADAME ALEXANDRA
:Oh le becquet! C’est vrai, le becquet ! Les muses me l’ont fatigué, il est tout pâle, mon poète... Un fauteuil! qu’il s’asseye! un fauteuil tout de suite pour mon poète !
://On se précipite, on avance un fauteuil, on veut en avancer un autre pour elle, elle arrête d’un geste.//
:Non. Pas pour moi. Je n’en ai pas le droit aujourd’hui. Un pouf très bas. Je veux écouter mon poète à ses pieds !
;~POÈTE-CHÉRI
://se lève//
:~Madame-Chérie ! C’est à vous, c’est à votre génie que je dois tout ! Je ne permettrai pas !
;MADAME ALEXANDRA
:Oh qu’il est gentil ! Il est bon < omme le bon pain ! Il faut que je l’embrasse encore !
://Ils s’embrassent encore.//
:Grand, grand poète, et qui ne le sait même pas !
;~POÈTE-CHÉRI
://qui la serre sur son cœur//
:Madame-1 hérie ! Grande, grande artiste ! Inoubliable !
;MADAME ALEXANDRA conclut, pratique, se détachant soudain
:Deux fauteuils, alors, deux fauteuils.
://Ils s’asseyent. Elle regarde Colombe,//
:Elle est ravissante cette petite! Il faudra la coiffer autrement. Je vous écoute, ~Poète-Chéri.
;~POÈTE-CHÉRI
://qui a tiré ses papiers de sa poche//
:Cela se place après la grande scène du cinq : quand Gaétane a décidé de mourir.
;MADAME ALEXANDRA
:Je vois. Elle est étendue sur une méridienne, très pâle. Sa robe blanche fait de grandi plis tout autour d’elle - vingt mètres de tissu. Ce sera magnifique. Je vois tout à fait cela...
;~POÈTE-CHÉRI
:Je commence.
://Il commence//
:Lune amie ! Astre mort et froid comme mon cœur..,
;MADAME ALEXANDRA
:Dieu que c’est beau! Dieu que c’est beau cela ! Dieu que c’est bien dit !
::... Astre mort et froid comme mon cœur!
:Je vois tout à fait comment je leur dirai cela. Je Ici tiendrai. J’en ferai ce que je voudrai.
://Elle n’a pas cessé de se regarder dans la glace en parlant. Elle crie soudain, d’une autre voix ://
Lucien ! Bougre d’âne !
;LE COIFFEUR
://se précipite//
:~Madame-Chérie ?
;MADAME ALEXANDRA
:Vous vous moquez de moi mon garçon. Vous m’avez coiffée comme un caniche, Qu’est-ce que c’est que ces boucles ? Arrangez-moi cela tout de suite. Et après, il faudra coiffer cette petite. De* chiens avec un front pareil, elle est folle ! Quand on a un joli front on le montre, mon petit. Je vous écoute, ~Poète-Chéri.
;~POÈTE-CHÉRI
://reprend//. Lune amie ! Astre mort et froid comme mon cœur...
;MADAME ALEXANDRA
:C’est bien cela! C’est très bien ! Vous tirez, Lucien !
;LE COIFFEUR
:Ce sont les fausses, ~Madame-Chérie.
;MADAME ALEXANDRA
:Vous me faites mal tout de même imbécile! «Comme mon cœur...» Après, ~Poète-Chéri?
;~POÈTE-CHÉRI.
::Lune amie ! Astre mort et froid comme mon cœur.
::Epandrai-je à tes yeux le fiel de ma rancœur ?
;MADAME ALEXANDRA
:J’aime mieux cela !
;~POÈTE-CHÉRI,
://anxieux// Vous n’aimez pas le premier, ~Madame-Chérie ?
;MADAME ALEXANDRA
:Non, je parle des boucles. C’est très beau, ~Poète-Chéri. C’est admirable. Continuez...
::... le fiel de ma rancœur...
:À ce moment-là j’étendrai la main. Je vois tout à fait cela.
;~POÈTE-CHÉRI
::Épandrai-je à tes yeux le fiel de ma rancœur ?
::Amoureuse déçue ? Amante magnanime ?
::J'hésite. Et dans mon cœur que tant de haine anime...
;MADAME ALEXANDRA
::... que tant de haine anime... !
:Bien sortir le H. Je vois cela ! C’est très beau ! C’est n és vrai ! Très humain !
;~POÈTE-CHÉRI
::La fleur de mon amour a la morte senteur
::Des tubéreuses endormies de ce parc... Cœur!
::Mon cœur, trop hésitant ! Il faut que tu prononces...
;MADAME ALEXANDRA
://s’est levée, elle le caresse an passage//
:C’est magnifique ~Poète-Chéri! Magnifique! Génie, va! Immense génie!... Vous voyez Lucien, il faudra toujours me rentrer les boucles. Pour cette petite, voilà ce que je voudrais qu’on lui fasse. Tournez-vous, mon petit, vers la lumière. Regardez bien, Lucien, vous dégagez le front, le chignon très bas, comme cela. C’est ravissant. Cela a une peau de pêche et cela n’en montre rien. Qui est-ce qui vous a acheté cette robe ridicule ? 1
;COLOMBE
:Julien, Madame.
;MADAME ALEXANDRA
:L’imbécile! Il a autant de goût que son père ! Mon petit Armand, regarde ces épaules. Cette petite a des épaules de reine et elle les cache... Dieu qu’on est bête quand on est jeune! Continuez, continuez ~Poète-Chéri. Je vous écoute...
::... Cœur! |
::Mon cœur trop hésitant ! Il faut que tu prononces !
:Vous voyez, je le sais déjà votre becquet... Laissez-moi faire mon petit. Vous ne vous reconnaîtrez pas ! Georges, passe-moi mon coffre à bijoux.
;~POÈTE-CHÉRI
://continue, tandis qu’Alexandra s’occupe de Colombe.//
::Dans ce hallier touffu d’épines et de ronces
::Où tu t’es déchiré, Cœur, mon cœur, quelle main
::Trouveras-tu pour te guider au vrai chemin?...
;MADAME ALEXANDRA
:Admirable! Très grand! Très beau!... Armand, toi qui as du goût, comment la trouves-tu maintenant, cette jeune personne?
;ARMAND
:Méconnaissable, maman! Vous êtes une fée.
;MADAME ALEXANDRA
://qui pare Colombe//
:Pourquoi ne portez-vous pas de bijoux, petite idiote ? Tout est joli sur vous.
;COLOMBE
:Parce que je n’en ai pas.
;MADAME ALEXANDRA
:Moi non plus je n’en avais pas à votre âge. Mais j’en achetais à deux sous dans la sciure. Ils étaient faux, mais j’en avais !
;COLOMBE
:Julien n’aime pas les bijoux faux.
;MADAME ALEXANDRA
:Ne me parlez pas de cet imbécile ! Comment avez-vous pu le supporter deux ans ? Moi, avec son père, je n’ai pas tenu un mois... Quand on se donne le genre de ne pas aimer les faux bijoux, on Kagne assez d’argent pour en acheter des vrais ! On ne va pas se faire payer un sou par jour au camp de Châlons en étant obligé de confier sa femme aux autres... Dites-moi, l’~oète-Chéri ! C’est magnifique, c’est très beau... Mais je voudràis vous demander quelque chose... Vous savez qui est cette petite?...
;~POÈTE-CHÉRI,
://un peu froid//
:Oui, ~Madame-Chérie.
;MADAME ALEXANDRA
:C’est la femme de Julien qui me la laisse sur les bras... Monsieur part au service militaire... Moi qui leur déclame La Marseillaise tous les i | juillet à l’Elysée, vous pensez bien que si je le leur irais demandé, ils me l’auraient réformé tout de suite! Mais Monsieur ne veut pas! Monsieur doit adorer cela, uiiime son père, jouer au petit soldat. Seulement il laisse i femme seule à Paris, sans un sou... Il faut absolument
qu’elle travaille, cette petite... Tout le monde doit travailler de nos jours, tout est trop cher... ~Poète-Chéri ! Grand Poète!... Puisque vous refaites la fin du cinq, vous ne savez pas ce que j’ai pensé? Vous devriez me la mettre dans le becquet, cette enfant... Je suis sûre qu’elle a une jolie voix... Rien, quatre vers, une toute petite chose. Une muse... Une créature de la nuit qui vient consoler Gaétane... ~Poète-Chéri, avec votre génie, vous allez sûrement me trouver cela...
;DESFOURNETTES
://explose soudain//
:Ah non ! Merci bien ! J’ai compris ! Comme cela c’est le théâtre qui paiera ! Non ! Merci !
¿¿¿¿¿¿¿¿¿¿¿¿¿¿¿¿¿¿¿¿¿
;MADAME ALEXANDRA
://se retourne, terrible//
:Voulez-vous vous taire, Desfournettes ! Vous êtes un ver ! Vous n’êtes rien ! Vous ferez ce qu’on vous dira !
;DESFOURNETTES
:Pardon! Je suis codirecteur de ce théâtre. C’est tout de même moi qui assume les frais généraux. Cinquante-cinquante, moi je suis un homme d’affaires, je ne sors pas de là... Sacrebleu! vous avez assez d’argent pour entretenir votre bru sans moi. Vous me raflez déjà la moitié de la recette.
;MADAME ALEXANDRA
://hurle//
:Immonde ! C’est un être immonde ! Qu’il sorte ! Je ne veux plus le voir !
;DESFOURNETTES
:La pièce est distribuée. Il y il trente-deux personnages. Soixante costumes. Nous ne ferons même pas nos frais. Il ne peut pas être question d’y ajouter un seul rôle sous prétexte que votre bru esl sur le pavé.
;MADAME ALEXANDRA
://glapit//
:Desfournettes, vous ne pensez qu’à l’argent ! Vous me dégoûtez ! Moi je me tue, c’est mon cœur, ce sont mes tripes que je donne chaque soir pour votre théâtre !
;DESFOURNETTES
://hors de lui//
:Donnez-les pour rien. Je vous admirerai !
;MADAME ALEXANDRA
://pâlit//
:Pour rien? Vous vous mettez à être grossier maintenant ?
://Elle se drape soudain dans sa dignité.//
:C’est bien. J’ai ma migraine. Je ne répéterai pas lujourd’hui.
;DESFOURNETTES
://anéanti//
:~Madame-Chérie ! Nous passons le 22 !
;MADAME ALEXANDRA
:Nous ne passerons pas le 22, voilà tout.
;DESFOURNETTES
:Mais il est impossible de reculer, ~Madame-Chérie ! Troulazac nous quitte le 20, pour créer la pièce des Bouffes.
;MADAME ALEXANDRA
:Nous jouerons sans Troulazac. Il est assez mauvais celui-là ! Pour une fois qu’on peut jouer sans lui.
;DESFOURNETTES
://qui piétine d’angoisse//
:Mais c’est fou ! Sa doublure est impossible, vous le savez ! Et l'Impératrice des Cœurs ne fait déjà plus ses frais. ~Madame-Chérie !... Il est quatre heures. Tout le monde attend sur le plateau depuis deux heures et demie. Il faut absolument passer le 22. Descendez répéter. C’est entendu. Je prends la petite.
;MADAME ALEXANDRA
:Sept francs par représentation. Les matinées doubles.
;DESFOURNETTES
:Mais ce n’est pas raisonnable ! Si elle ne dit que quatre vers, le tarif...
;MADAME ALEXANDRA
://inexorable//
:Elle en dira douze, voilà tout! Vous êtes un marchand, Desfournettes. Un sale marchand ! Je ne sais pas comment nous vous tolérons parmi nous.
;DESFOURNETTES
://vaincu//
:Hé bien! c’est entendu: elle aura ses sept francs, même si elle ne dit que quatre vers, même si elle ne dit rien du tout! Mais descendez répéter, ~Madame-Chérie.
;MADAME ALEXANDRA
://se retourne vers ~Poète-Chérit détendue, elle s’apprête à partir//
:~Poète-Chéri! Grand Poète... Bravo ! Il est admirable votre becquet. I
;~POÈTE-CHÉRI
://navré//
:Mais je n’ai lu que le début, ~Madame-Chérie...
;MADAME ALEXANDRA
:Cela ne fait rien, cela ne fait rien... J’ai deviné le reste. C’est génial. C’est ce que voui avez fait de mieux... Vous m’ajoutez quatre vers de plui pour cette petite, n’est-ce pas grand ami ? On les lui fer* dire à la fin de la répétition. Georges ! tâche donc de lui trouver une robe, qu’elle ne descende pas fagotée ainsi sur le plateau.
;DESFOURNETTES
://gémit//
:Mais ~Madame-Chérie, ils attendent en bas depuis deux heures et demie !
;MADAME ALEXANDRA
://qui s’inspecte devant sa psyché//
:La robe bleue que je n’ai jamais pu entrer dans Rosa-linde. Elle est neuve. Armand, toi qui sais si bien attifer les femmes, surveille donc cela.
;ARMAND
:Oui «moman». Vous êtes une femme étonnante, « moman » !
://A Colombe//
Vous venez, jeune étoile ?
;DESFOURNETTES
://crie, furieux, à Colombe qui ne bouge pas, ahurie//
:Mais dépêchez-vous donc, vous ! Allez l’essayer votre robe, puisqu’on vous le dit. Je descends les faire patienter.
://Il sort comme un fou en claquant la porte ; il passe devant Julien sans même le voir dans le couloir.//
;MADAME ALEXANDRA
://devant sa glace//
:C’est gai ! Maintenant je n’ai plus l’air d’un caniche, j’ai l’air d’un phoque. Lucien ! Imbécile ! Où avez-vous mis mes boucles ? Je fais chauve maintenant. C’est complet !
;LE COIFFEUR
://se précipite//
:Mais ~Madame-Chérie, c’est vous...
;MADAME ALEXANDRA
:Vous êtes un âne! Vous n’avez rien compris du tout. Vous mériteriez que je vous tue. Enfin, nous n’avons plus le temps. Nous verrons cela après la répétition... ~Poète-Chéri! Grand Poète! Il est admirable votre becquet. Si. Si. Il est admirable!... Seulement, vous ne savez pas ce que je ferais à votre place ?
;~POÈTE-CHÉRI
://un peu inquiet//
:Non ?
;MADAME ALEXANDRA
:Je supprimerais les six premiers vers.
;~POÈTE-CHÉRI
://atterré//
:Mais je ne vous en ai lu que sept, ~Madame-Chérie...
;MADAME ALEXANDRA
:C’est justement. Je commencerai au septième :
::Mon cœur trop hésitant, il faut que tu te prononces !...
::Ce sera mille fois plus direct.
;~POÈTE-CHÉRI
://qui la suit, désespéré//
:Mais cela m’en-lè-ve les tubéreuses!...
;MADAME ALEXANDRA
://sortant, péremptoire, dans un nmd mouvement de plumes//
:Cela ne fait rien ! J’en mettrai les vraies, dans des vases. Cela fera encore plus d’effet!
://Ils sont passés devant Julien qui s’est levé pâle. Madame Alexandra ne l’a pas vu ou n ’a pas voulu le voir. Mme Georges sort de la seconde loge et trottine jusqu’au couloir.//
;MADAME GEORGES
:Tout s’arrange monsieur Julien ! ~Madame-Chérie a été très bonne. Elle a forcé M. Desfournettes à la prendre au théâtre. Mais c’est bien grâce à M. Armand. En voilà un bon cœur !
;JULIEN
://lève la tête, il balbutie//
:Ils vont la faire jouer?
;MADAME GEORGES.
:Oui. Ils ont tous été très gentils. Monsieur ~Poète-Chéri va lui faire quatre vers au cinquième acte et elle aura sept francs par jour. Vous pouvez partir tranquille, maintenant.
;JULIEN
://demande soudain//
:Et le petit, qui le gardera ?
;MADAME GEORGES
:Oh! vous savez, Monsieur Julien, à cet âge ça dort. C’est plus tard, quand ça essaye de se lever de son berceau qu’on ne peut pas les laisser, ces petits anges. Moi mon troisième, celui qui est mort tuberculeux, quand je le laissais seul il faisait toujours pipi au lit. On ne croirait pas, c’est vicieux si petit. On me dit: «Mettez-lui de la moutarde!...» Il criait le chérubin. J’ai tenu bon. A la longue, ça lui a arraché toute la peau des fesses. Pour moi, c’est de là que son mal de poitrine est parti.
;JULIEN
://s’est levé, excédé//
:Laisse-moi, Georges. J’ai le droit d’entrer maintenant? Il n’y a plus personne?
;MADAME GEORGES
:Monsieur Armand lui passe une robe. Ils veulent la faire répéter tout de suite. Sepl francs qu’elle aura. Et les matinées doubles !
://Elle s’en va ravie. //
;ARMAND
://sort de la loge, criant : //
:A ce soir, beauté !
://Il croise Julien sur le seuil.//
:Tu peux entrer mon vieux. Tu ne la reconnaîtras pas ta femme. Excuse-moi, je file. On m’attend chez «Maxim’s». Georges t’a dit? Tout est arrangé. Je te revois ce soir?
;JULIEN
:Je ne crois pas.
;ARMAND
:Alors bonne chance, militaire! Et sois tranquille pour la petite Colombe : on en prendra soin.
://Il est sorti. Julien entre dans la loge et s’arrête. Colombe paraît dans une très belle robe, parée, méconnaissable. Elle court à une glace sans même le regarder. Elle crie, ravie.//
;COLOMBE
:Julien ! Julien ! C’est moi, tu crois?
;JULIEN
:Oui c’est toi. C’est ta voix en tout cas.
;COLOMBE
://devant la glace//
:Si tu savais comme ils sont amusants ! Ils parlent tous en même temps. Ils crient, ils se disputent, ils s’embrassent. On ne doit jamais s’ennuyer avec eux. Ils vont me faire faire du théâtre. Je serai une muse au cinquième acte. Je dirai des vers. J’aurai une robe. Et ce n’est pas pour dans longtemps. C’est pour tout de suite.
://Elle se regarde toujours.//
:C’est moi, c’est moi tu crois, Julien?
;JULIEN
://a fermé les yeux. Il ne bouge plus. Il dit sourdement//
:Je ne sais plus, Colombe.
;COLOMBE
://se contemple dans la glace, elle ne sait même plus qu ’il est là. Elle se sourit. Elle murmure extasiée.//
:Colombe. C’est moi. C’est moi...
;JULIEN
://se retourne et la regarde.//
{{center{LE RIDEAU TOMBE.}}}
===
+++*[DEUXIÈME ACTE]
!!DEUXIÈME ACTE
<<<
//Le plateau nu, mal éclairé. Quelques vagues portants en désordre, des arbres, des fontaines et - insolite au milieu d’eux -une porte Louis XV, font un décor fantasmagorique.
Au milieu de la scène, sur sa tige, la lampe de travail dispense une lumière avare. Une ombre au fond empanachée, appuyée sur une ombrelle : Madame Alexandra. Elle crie vers les cintres.//
<<<
;MADAME ALEXANDRA
:Alors?
UNE VOIX DE MACHINISTE
://lui répond de là-haut//
:Toujours rien Madame Alexandra. Ils ont dû croire que la répétition était à deux heures et demie comme d’habitude.
;MADAME ALEXANDRA
://avec son accent dont les labiales dures ennoblissent tout//
:Marde !
://Elle commence à marcher rageusement sur le plateau comme un lion en cage, en rugissant.//
:Marde. Marde. Mille fois marde. Les cochons. Lch porcs. Les veaux. Me faire cela à moi ! Marde. Ils jouent comme des mardes et ils sont en retard en plus ! Et cela veut être augmenté de cent sous. Marde, oui ! Dehors, je les foutrai, moi, avec mon pied dans les fesses. Marde, marde, mille fois marde. Tous des cochons mardeux de marde !
://Une ombre est apparue craintive entre deux par tants. C’est Colombe dans sa petite robe du début. Elle n ’ose pas aborder Alexandra. Celle-ci, criant une dernière fois « marde », se retourne et la voit. Son attitude change aussitôt comme sa voix. Elle jette à Colombe, languissante, noblement appuyée sur son ombrelle.//
:Ah vous êtes là mon petit? Je rêvais...
;COLOMBE
:Je suis un peu en avance, ~Madame-Chérie. La répétition est à deux heures et demie.
;MADAME ALEXANDRA
:Je sais, je sais mon petit... J’aime parfois venir avant tout le monde, seule sur ce plateau désert, y bavarder avec de grandes ombres... J’y rêve, je m’oublie, j’y chante d’anciens vers... Puis l’heure de la répétition ramène les vivants et il faut bien redescendre sur terre...
;COLOMBE
:Je m’excuse ~Madame-Chérie, je vous ai interrompue. Je vais monter à la loge.
;MADAME ALEXANDRA
:Ce n’est rien. Restez mon petit. J’ai assez rêvé aujourd’hui.
;//Elle demande soudain ://
:Est-ce que vous savez jouer aux cartes ?
;COLOMBE
:Non, ~Madame-Chérie.
;MADAME ALEXANDRA
:C’est dommage, nous aurions fait un piquet en attendant ces cochons-là. Venez un peu ici, je vais vous les tirer pour passer le temps... Nous allons savoir votre avenir. C’est si beau d’en avoir un tout neuf, petite voleuse.
;COLOMBE
:Un grand passé c’est tellement plus beau, ~Madame-Chérie!...
;MADAME ALEXANDRA
:Bien sûr, bien sûr, mais cela vous pousse dans le dos. Allons, coupez. Une, deux, trois, quatre, cinq : du trèfle. C’est bon, ma chatte, c’est ce qu’il y a de meilleur. Encore du trèfle. Excellent. On n’a jamais assez d’argent. Des nouvelles d’un jeune homme blond. Une aventure amusante et sans durée. Ce sont les plus igréables. Encore des nouvelles du jeune homme blond.
;COLOMBE
:Mais Julien est brun.
;MADAME ALEXANDRA
:Qu’est-ce que cela peut faire, petite idiote? Vous ne vous figurez pas qu’on sc fait tirer les cartes pour avoir des nouvelles de son mari I Pour cela la poste suffit. Tirez encore. Une, deux, trois, quatre, cinq : le roi de cœur et le dix de trèfle ensemble, Vous épouserez un homme important et très riche.
;COLOMBE
:Mais je suis mariée...
;MADAME ALEXANDRA
:Bah ! ma petite ! Moi, je l’ai été sept fois. Vous divorcerez. Compliments. Encore du trèfle.
;COLOMBE
:Sept fois, vraiment? Devant le maire?
;MADAME ALEXANDRA
:Naturellement, pour qui me prenez-vous? Avec ma situation, j’ai toujours épousé mes amants. Il y en a même un que j’ai épousé deux fois, Chancrard, le Chancrard des sucres. Une fois après la mort de sa mère, une fois après la mort de son père dix ans plus tard.
;COLOMBE
:C’était pour le consoler?
;MADAME ALEXANDRA
:Mais non, petite dinde; c’était pour l’aider à croquer ses millions. A chaque cadavre il en était couvert. Il lui fallait absolument quelqu’un : cet imbécile-là ne savait pas dépenser tout seul.
;COLOMBE
:Et vous avez été heureuse, avec lui?
;MADAME ALEXANDRA
:Quelle question ! - Le roi de carreau : un autre monsieur important ! - Il était idiot et il ne se lavait pas. A sa mort, j’ai épousé son fils du premier lit, un garçon très gentil, lui. Ils avaient tous besoin de moi, dans la famille, pour les dépêtrer de leur argent. À force de vendre du sucre dans le monde entier, il leur en rentrait tellement, tous les jours, qu’ils s’y engluaient. Un y restaient collés, par les pattes, sur leur tas de billets de mille, comme des mouches sur du papier collant. J’ai fait de mon mieux, voilà tout. Seulement le fils buvait trop. Ce chérubin se mettait à l’absinthe au réveil; il m’a claqué dans les mains à son tour. Cirrhose du foie. Rien qu’à l’absinthe. Cela ne lui a même pas coûté plus cher qu’à un ouvrier maçon, à cet imbécile, de se tuer. Tout l’argent qui restait est passé à la première femme du père, et celle-là, malheureusement, je n’ai pas pu l’épouser... J’ai dû l’abandonner, sur ses papiers-mouche au sirop. Je crois que ce sont des curés qui se sont chargés d’elle. Ils lui ont fait construire une basilique, à elle toute seule ; et pas en sucre, en marbre de Carrare, tout ce qu’ils ont pu trouver de plus cher, avec tous les accessoires en or massif. Eh bien ! croyez-le si vous le voulez ma petite, ils n’y sont pas arrivés non plus!... Le sucre a été le plus fort. Elle est morte, malgré cette ponction, munie des sacrements de l’Eglise, sur un tas de papiers collants deux fois plus gros qu’en héritant. Après, tout est revenu à l’Etat, pour des hospices. Avec lui, je suis tranquille. Il y aura beau avoir encore plus de sucre, il y arrivera.
;COLOMBE
://émerveillée//
:Il y a donc des gens qui ont tant d’argent que cela? Et ils peuvent s’acheter tout ce qu’ils veulent au monde ?
;MADAME ALEXANDRA
:Mais non, c’est là que c’est drôle, mon petit ! Chancrard, le père, ce qu’il voulait, lui, c’est être spirituel, et il était bête comme un bout de bois. Il aurait donné un million pour trouver un mot d’esprit lout seul. Rien à faire. Il avait beau essayer, à longueur de lournée il fatiguait tout le monde, il ne trouvait rien, ( ’.hancrard fils, c’était encore plus modeste ce qu’il demandait à la vie: un foie qui supporte l’absinthe... Il n’a pas pu en acheter un non plus. Il a dû se contenter du >en et crever - avec un foie au rabais - comme un pauvre. Ce n’est qu’au moment des funérailles qu’on a pu faire un peu mieux pour lui, avec des tentures et des pompons...
;COLOMBE
:Mais alors, les gens très riches qu’est-ce qu'ils font de leur argent?
;MADAME ALEXANDRA
://sinistre, dans l’ombre//
:Ils le gardent.
://Elle voit entrer La Surette; elle lui crie://
:Ah ! vous voilà, imbécile ? C’est à cette heure-ci la répétition ?
;LA SURETTE
:Mais non, ~Madame-Chérie, c’est à deux heures et demie.
;MADAME ALEXANDRA
:C’est bon, c’est bon. Je le sais.
;LA SURETTE
:Le concierge m’a dit que vous étiez déjà là, ~Madame-Chérie. J’étais dans mon bureau. Je préparais votre déclaration au Matin.
;MADAME ALEXANDRA
:Qu’est-ce qu’il veut que je lui déclare, Le Matin ?
;LA SURETTE
:Ce que vous pensez de l’amour.
;MADAME ALEXANDRA
:Il m’embête! Est-ce que je lui pose des questions, moi, au directeur du Matin ?
;LA SURETTE
:Dupompon-Reynaud, le rédacteur en chef, qui vient de me téléphoner, m’a dit que Mme Sarah Bernhardt leur avait fait une très belle réponse.
;MADAME ALEXANDRA
://grommelle//
:Cela doit être du propre l’opinion de Mme Sarah Bernhardt sur l’amour !
;LA SURETTE
:C’est très personnel, paraît-il. En gros, elle leur a dit qu’elle n’y croyait pas.
;MADAME ALEXANDRA
://crie//
:Alors répondez que j’y crois, que j’y crois de toutes mes forces, moi ! Que je n’ai jamais vécu que pour l’amour.
;LA SURETTE
:C’est ce que je m’étais permis de faire ~Madame-Chérie. Je vais vous lire.
://Il lit de sa voix de fausset qu’il s’efforce de rendre suave ://
« Ce sentiment qui nous a toujours bouleversées, nous autres femmes, ce sentiment dont le nom seul fait monter une douce rougeur à nos jolis visages, l’Amour, avec un grand A, notre doux souci à nous fragiles créatures... »
;MADAME ALEXANDRA
://l’interrompt rugissante//
:Un âne ! Vous êtes un âne ! Vous allez me couvrir de ridicule !
://Elle crie à ~Poète-Chéri qui entre justement ://
;~Poète-Chéri ! Mon poète ! mon sauveur ! Les dieux me l’envoient toujours, cet homme-là ! Venez me tirer des sabots de cet âne qui est en train de me piétiner. Le Matin me demande ce que je pense de l’amour.
;~POÈTE-CHÉRI
://lui baise les mains//
:Il ose, divine amie? Il ose oser? Mais c’est insolent, mais c’est superfétatoire ! Répondez-leur que vous « êtes » l’amour !
;MADAME ALEXANDRA
:Je ne veux pas leur répondre cela moi-même. Poète ! grand ami ! trouvez-moi une petite phrase.
;~POÈTE-CHÉRI
:Mais tout de suite, grande amie, est très facile.
://Il récite ://
::Je t’ai tout donné - encor tu me donnes.
::Donne-moi toujours, je te donnerai
::Mes nuits, mes soucis, mes biens, ma personne... 1
;MADAME ALEXANDRA
://l’interrompt//
:Pas en vers, pas en vers, ~Poète-Chéri ! Ils ne croiraient pas que c’est de moi.
;~POÈTE-CHÉRI
:C’est juste. Dans le genre «pensée», alors ?
;MADAME ALEXANDRA
:C’est cela ! C’est cela !
;~POÈTE-CHÉRI
:«L’amour est don, don de soi absolu... »
;MADAME ALEXANDRA
://à La Surette//
:Notez, imbécile. C’est très beau.
;LA SURETTE
:Je note, ~Madame-Chérie...
://Il ânonne en écrivant://
:«L’amour est don, don de soi, absolu... »
;~POÈTE-CHÉRI
:«Mais tout ce qu’il donne, c’est pour lui. » I
;MADAME ALEXANDRA
:C’est très profond! Mais vous ne croyez pas que c’est un peu dur, ~Poète-Chéri ?
;~POÈTE-CHÉRI
:C’est dur, mais c’est vrai, ~Madame-Chérie. Et nous avons le devoir d’être durs. Nous ne devons rien cacher de la vérité, jamais. Nous sommes des phares. Notre rayon lumineux fouille la nuit, impassible. S’il éclaire soudain le chaos tumultueux et grandiose de la mer dont la beauté bouleverse l’homme, tant mieux ! Mais s’il se braque sur une charogne pourrissante dans une crevasse de rocher, tant pis ! Il est le phare, il éclaire : c’est tout.
;MADAME ALEXANDRA
:~Poète-Chéri, vous blasphémez!... Moi je ne crois qu’à l’idéal! Je voudrais leur mettre un grand appel à l’azur. Je voudrais leur mettre ma foi dans le désintéressement, dans la jeunesse, dans tout ce qu’il y a de noble et de beau dans l’amour !
;~POÈTE-CHÉRI
:Bien. Biffez et notez, alors :
:Il faut à l’amour pour qu’il y fleurisse Le terrain désert où ne pousse plus...
;MADAME ALEXANDRA
://crie//
:Pas en vers, pas en vers, j ~Poète-Chéri !
:~POÈTE-CHÉRI
:Oh ! Pardon ! Je ne faisais pas attention ! Biffez et notez :
:«Pour que le véritable amour fleurisse, il faut avoir arraché au préalable de son cœur les mauvaises herbes du désir et de la passion. »
;LA SURETTE
://qui suce sa mine//
:Un peu vite.
;MADAME ALEXANDRA
:Mais, ~Poète-Chéri, grand poète! qu’est-ce que vous nous chantez? L’amour n’est-il que passion, voyons ! Comment pouvez-vous dire cela ? Mais moi à l’âge de cette petite, je m’étais déjà suicidée quatre fois par amour !
;~POÈTE-CHÉRI
://enthousiasmé par ce détail//
:~Madame-Chérie ! Être d’exception ! Flamme brûlante !
;MADAME ALEXANDRA
:Enfin, vous ~Poète-Chéri, avec votre génie, avec votre sensibilité de harpe éolienne, vous n’allez pas me dire que vous n’avez pas souffert?
;~POÈTE-CHÉRI
:Comme un chien, ~Madame-Chérie ! Comme un chien !
;MADAME ALEXANDRA
:Mais moi aussi ! Nous avons mus souffert énormément. J’ai été folle. J’ai rendu fou! ('.'est cela, c’est cela qu’il faut leur dire!... Mais songez que Salvator-Dupont est entré pour moi dans une cage aux lions, en habit et en haut-de-forme un soir, au Cirque d’Été ! j
;~POÈTE-CHÉRI
://demande soudain d’un autre ton//
:Salva-tor-Dupont ? Celui des cognacs ?
;MADAME ALEXANDRA
://du même ton//
:Oh non! Le Salvator-Dupont, des cognacs, c’était un impuissant notoire. Son cousin, celui des huiles.
;~POÈTE-CHÉRI
:Ah ! Celui qui avait épousé Marguerite Petitcas, la fille des Chemins de fer de l’Est ?
;MADAME ALEXANDRA
:Non ! C’était Léon qui avait épousé Marguerite Petitcas. Celui dont je parle c’était Jules. Un grand brun.
;~POÈTE-CHÉRI
:Ah je vois ! Très bel homme.
;MADAME ALEXANDRA
:Très beau, oui, très beau.
:Un peu gras.
;~POÈTE-CHÉRI
:Cela lui allait.
;MADAME ALEXANDRA
://qui reprend tout naturellement le ton lyrique//
:Hé bien, il m’a adorée cet homme-là ! Il a bravé les fauves pour moi. Vous êtes femme, ma petite. Vous imaginez cela. Vous avez dit «non». Vous aimez ailleurs, vous savez ce que c’est, on ne peut pas tout faire. Un rugissement, près de vous, qui domine celui des lions. C’est l’homme qui vous aime, tout pâle. Il se dresse. Il saute de la loge. Un grand cri dans tout le cirque. Il a jeté son portefeuille au dompteur médusé ; il est au milieu des bêtes. Alors vous comprenez soudain. Vous lui criez comme une folle de toutes vos forces: «Je t’aime ! »
;~POÈTE-CHÉRI
:Admirable! Admirable amie! Ce cri dans le cirque je l’entends !
://A La Surette, sévèrement ://
:Notez, vous ! Notez tout !
;MADAME ALEXANDRA
:Je t’aime! Reviens! Je me donne ! Trop tard.
;COLOMBE
://qui suit haletante//
:Il était mangé ?
;MADAME ALEXANDRA
:Non. Il était ressorti. Et hors de la cage, je ne l’aimais plus. Il aurait fallu qu’il me prenne, là, tout de suite au milieu des fauves, et c’était matériellement impossible.
;~POÈTE-CHÉRI
://hors de lui//
:Comme c’est beau tout cela ! comme c’est féminin ! Ne perdez pas un mot, vous ! Notez tout! Nous vivons une minute inouïe; il faudra nous la rappeler toujours. Après, après, ~Madame-Chérie...
;MADAME ALEXANDRA
:Nous sommes rentrés, muets, lui, mon mari et moi.
;~POÈTE-CHÉRI
:Qui était-ce à l’époque ?
;MADAME ALEXANDRA
:Un Hollandais. Un homme d’une force herculéenne. Il tremblait comme un enfant. Après ce que venait de faire Salvator, il sentait qu’il devait faire quelque chose, lui aussi. Alors il s’est mis en manches de chemise, il a dételé le cheval et il m’a traînée jusqu’à la maison, dans le coupé. Et c’est à lui que j’ai été ce soir encore... Le lendemain, Salvator partait.
;~POÈTE-CHÉRI
://à La Surette//
:Notez tout !
;MADAME ALEXANDRA
:Pour Monte-Carlo. Et il y perdait la moitié de sa fortune au jeu la même nuit.
;COLOMBE
:Et il a fini par se tuer tout de même?
;MADAME ALEXANDRA
:Non. Il a épousé une Roth-child.
;~POÈTE-CHÉRI
:AïSSa?
;MADAME ALEXANDRA
:Non. Rachel. La plus maigre.
;COLOMBE
:Et votre mari?
;MADAME ALEXANDRA
:Oh ! que voulez-vous, ma petite, il ne pouvait pas se transformer tous les soirs en cheval de fiacre pour se rendre intéressant. A la longue il m’a ennuyée. Je l’ai quitté.
;COLOMBE
:Comme c’est beau, ~Madame-Chérie, tout ce que vous racontez ! On dirait qu’on lit des histoires. Mais comment faut-il faire pour être aimée comme cela ?
;MADAME ALEXANDRA
:Être femme, c’est tout, Matérialiser, soudain, pour des êtres plus frustes l’éclat, la folie, le désir, tout ce qui leur est inaccessible... Salva-tor et mon Hollandais étaient des brutes, malgré leur vernis d’hommes du monde - j’étais l’Art et j’étais la Beauté. Ils savaient qu’il fallait qu’ils sortent d’eux-mêmes, pour me mériter. Alors ils essayaient d’inventer quelque chose qui les dépasse. Un jour où je n’avais pas faim (je mettais toujours mon gant dans mon assiette - je ne vivais que de champagne et d’art à cette époque : je voulais me faire maigrir), Salvator, désespéré que je ne mange rien, s’est fait apporter un rat tout cru, chez « Maxim’s », et il l’a dévoré devant moi.
;~POÈTE-CHÉRI
:Dieu, que c’est fou cela! Dieu, que c’est grand !
;COLOMBE
:Et vous avez accepté de manger, après, pour le récompenser ?
;MADAME ALEXANDRA
:Pensez donc ! C’était dégoûtant ! J’ai failli vomir mon champagne. Je l’ai giflé, oui, devant tout le monde et je suis sortie du restaurant. Le plus drôle c’est que, sur l’addition, ils lui ont compté le rat cinquante francs !
;~POÈTE-CHÉRI
:N’est-ce pas à peu près à la même époque que Boni Despinglettes a mis le feu à son hôtel pour vous ?
;MADAME ALEXANDRA
:Quel fou ! Je le faisais languir depuis un an. Nous soupions chez lui, avec des amis. La conversation roulait sur Néron. Je dis mon admiration pour cet être étonnant qui avait compris la vie en beauté. Je dis que, Romaine, je l’aurais sans doute aimé. Despinglettes devient livide, il se lève, il prend un candélabre du surtout et sans prononcer une parole, il met le feu aux doubles rideaux... Les domestiques veulent se précipiter avec des carafes... Il tire un pistolet de sa poche et menace de les abattre s’ils font un geste... Nous étions tous debout, tout pâles, à regarder brûler les rideaux... Quand les flammes ont atteint le plafond, j’ai été à lui, sans un mot, et je l’ai baisé sur la bouche... Les domestiques en ont profité pour arroser. C’est comme cela qu’on a sauvé le bâtiment.
;~POÈTE-CHÉRI
:Femme! femme éternelle !... Admirable, étonnante amie, qui a pu susciter de tels gestes!... Dans notre monde avide et veule, heureusement qu’il est des flammes comme vous pour ranimer le feu désintéressé de la beauté !...
://Il se ravise.//
:A propos, je voulais vous dire : je quitte Lévy-Bloch. Vous savez qu’il m’aime bien, c’est moi qui ai baptisé sa fille. Avez-vous des Panama en portefeuille ?
;MADAME ALEXANDRA
:Je pense bien. C’est lui qui me les a fait acheter.
;~POÈTE-CHÉRI
:Il faut les vendre tout de suite, aande amie. Dans huit jours ils auront baissé de six points. Et vous savez ce qu’il faut acheter? Mais c’est un secret ma chère ; si nous montions dans votre loge que je ous explique tout cela ?
://Il continue plus bas, l’entraînant.//
:Du fonds russe. Du fonds russe à bloc - si j’ose dire ! On peut se faire trente francs par titre, en quinze jours. Avouez que c’est joli ?
;MADAME ALEXANDRA
:Et le trois pour cent ?
;~POÈTE-CHÉRI
:Stationnaire. Avez-vous pris du Métro ?
;MADAME ALEXANDRA
:Vous y croyez vous au Métro ? C’est une chimère.
;~POÈTE-CHÉRI
:Non. Mais je crois à Lévy-Bloch. Il m’assure qu’en étant patient, on peut gratter un bon petit quelque chose sur les Métros.
://Ils s ’éloignent. La Surette leur crie ://
;LA SURETTE
:Et finalement qu’est-ce que je leur dis sur l'Amour, ~Madame-Chérie?
;MADAME ALEXANDRA
:Vous nous embêtez avec votre Amour, imbécile ! Vous voyez bien que nous parlons de choses sérieuses !... Revenez après la répétition.
://Ils sont sortis.//
;LA SURETTE
://hors de lui//
:Et voilà ! Et après la répétition il sera trop tard. Madame sera invitée à dîner. Et demain dans Le Matin c’est la réponse de Réjane qu’ils publieront au lieu de la sienne, et c’est encore le salarié qui se fera traiter d’imbécile !
;MADAME GEORGES
://qui est entrée sans bruit, sur ses chaussons à la fin de la scène//
:Laissez donc, Monsieur La Surette. Ils sont en train de parler de leurs sous, ce n’est pas le moment de les déranger. Encore heureux si on répète à trois heures !...
;LA SURETTE
://sortant//
:C’est bon. Attendez le grand soir !
;MADAME GEORGES
://à Colombe//
:Qu’est-ce que ça changera? On a des ennuis avec ses sous, tous autant qu’on est et on en aura toujours, n’est-ce pas, madame Julien? Moi quelquefois je prends mon porte-monnaie, j’avais mis trois francs pour aller au marché, il ne me reste que sept sous. Bon. Je fais mon compte. Le chou-lleur, le kilo de bœuf, les carottes, les quatre litres de rouge pour mon aîné, le quart de brie - je l’aime bien moi quand il coule, c’est mon luxe quand je rentre à minuit - il devrait me rester treize sous. Je recompte : toujours sept. Me voilà avec mes six sous en tête. Je les rumine toute la soirée, mes six sous. J’ai plus l’esprit à moi, mes mains tremblent, j’en raterais mes changements. Le public lui, il ne veut pas le savoir. Il est là pour s’amuser, il a payé, il faut qu’on lève à l’heure. Si l’habilleuse a des ennuis, ça lui est égal. C’est dur quelquefois le théâtre ! Mes voisines à Courbevoie elles m’envient. « Ah ! vous avez la belle vie, madame Georges ! les bravos, les lumières, les fréquentations. » Si elles savaient : on est esclaves. On appartient à son public. Ça vous plaît, vous, madame Julien ?
;COLOMBE
://perdue dans ses rêves//
:Oh oui !
;MADAME GEORGES
:Vous ne croyez pas qu’une >onne soirée tranquille à repriser une chaussette, avec on petit et son homme, c’est encore ça qui est le meileur?
;COLOMBE
://crie soudain//
:Non !
://Madame Georges la contemple un instant puis hausse les épaules, s’en allant//
:Allez! on est toutes les mêmes! i )n se plaint mais on a ça dans le sang ! Ah ! voilà M. Du Bartas qui arrive. Je vais voir si elle veut que je lui repasse sa robe de muse. C’est joli comme déguisement, en muse, mais avec son gros cul, quand elle s’assoit, ça fait plein de plis.
://Elle est sortie vers les loges.//
://Du Bartas fait une noble entrée : grand feutre, fleur à la boutonnière, canne ; légèrement argenté, mais éternellement jeune.//
;DU BARTAS
:Bonjour, mon petit. Vous êtes la première ?
;COLOMBE
:~Madame-Chérie est déjà là, monsieur Du Bartas.
;DU BARTAS
:Diable ! Exacte, notre vedette? Qu’est-ce qui se passe? J’étais venu tôt pour bavarder un peu avec vous. Cela entre, le métier?
;COLOMBE
:~Madame-Chérie dit que j’ai fait des progrès.
;DU BARTAS
:C’est très joli, mon petit, ce que vous faites ; encore un peu maladroit, mais très joli. Il faudra passer chez moi après une répétition, je vous ferai travailler.
;COLOMBE
:C’est vrai monsieur Du Bartas?
;DU BARTAS
:Un doigt de porto, deux biscuits. Nous bavarderons. Vous verrez, j’ai une très jolie garçonnière, Tout est marocain.
://Il se rapproche frémissant.//
:Je suis fou mon petit. Je n’ai pas dormi de la nuit.
;COLOMBE
:Il faut dormir, monsieur Du Bartas.
;DU BARTAS
:Impossible ! Je vous voyais couchée sur ma peau de tigre, devant le grand feu de bois. J’ai gémi toute la nuit comme un damné. J’ai bu affreusement pour oublier, je me suis drogué. Rien à faire. Vous étiez là et je ne pouvais pas vous toucher. Au matin je me suis endormi, terrassé, étreignant le vide. Mon valet de chambre m’a trouvé couché par terre devant le feu éteint.
;COLOMBE
://éblouie//
:Vous avez un valet de chambre ?
;DU BARTAS
:Oui. Un Marocain, tout en blanc. Avec un turban rouge.
;COLOMBE
:Ce qu’il doit être beau !
;DU BARTAS
:Il a un poignard - marocain également finement ciselé, à la ceinture. Il s’inclinera devant vous les bras croisés sur la poitrine. Il vous servira, comme une reine sans un mot.
;COLOMBE
:Il est muet?
;DU BARTAS
:Quand il le faut, comme tous les Marocains. Venez donc en simple curieuse... Je m’habillerai en Marocain moi aussi. Un burnous blanc, d’une rare beauté, présent d’un grand chef arabe. Je resterai immobile, accroupi dans un coin, à vous contempler.
;COLOMBE
:Ici aussi, vous pouvez me contempler, monsieur Du Bartas.
;DU BARTAS
;//se rapproche encore//
:Tu veux donc me faire mourir, enfant? Tu le sais pourtant que je te désire plus que tout au monde et que si tu n’es pas à moi, je me tuerai !
;COLOMBE
:Comment avez-vous pu m’aimer si vite?
;DU BARTAS
:Il y a si longtemps que je t’attendais !
;COLOMBE
:C’est vrai?
;DU BARTAS
:Depuis toujours! Ma vie, les autres ¦-mines, ne sont plus maintenant qu’un grand songe ucompréhensible derrière moi. Et toi aussi tu m’atten-dais, je le sais. Tu attendais les heures folles, le désir plus fort que la mort qui te révéleraient à toi-même. T’a-t-on aimée comme un damné déjà? A-t-on oublié de dormir des nuits et des nuits en contemplant ton image ? A-t-on voulu mourir déjà pour toi ?
;COLOMBE
://confuse//
:Non. Jamais.
;DU BARTAS. — Alors tu n’as pas été aimée ! Tu n’as pas encore été toi-même. Viens et je t’apprendrai le vrai secret des femmes : se regarder dans d’autres yeux. Tant qu’un homme éperdu de désir n’aura pas baisé la trace de tes pieds nus sur le tapis, tant qu’on ne t’aura pas servie à genoux comme un esclave, tu ne peux même pas savoir qui tu es...
;COLOMBE
:Mais je ne vous connais presque pas, monsieur Du Bartas.
¿¿¿
;DU BARTAS
:Est-ce que j’existe ? As-tu besoin de me connaître? Respire seulement mon désir autour de toi comme un parfum grisant de l’Afrique ! Et sois toi-même, révélée à toi-même, par ce désir qui te prolonge et te complète.
;COLOMBE
:Julien aussi m’aime.
;DU BARTAS
:Comme moi? Est-ce qu’il est prêt A mourir tout de suite sur un signe ? A se rouler par terre, à gémir, à commettre un crime peut-être ?
;COLOMBE
://doucement//
:Non.
Elle demande soudain :
Est-ce que vous mangeriez un rat tout cru pour moi, un jour, pour me donner de l’appétit ?
;DU BARTAS, complètement démonté par cette question. Un rat tout cru ? Pourquoi un rat tout cru ?
;COLOMBE
:Une idée. Je voulais savoir.
Entre Desfoumettes,
;DESFOURNETTES
:Bonjour, mon cher grand acteur!
;DU BARTAS
:Bonjour, mon cher directeur!
;DESFOURNETTES
:Dites-moi, vous savez qu’on répète en costumes. Alexandra est déjà habillée.
;DU BARTAS lui jette un regard sombre et se décide.
;DU BARTAS
:J’y vais. Vous montez vous habiller aussi, mon petit ?
;DESFOURNETTES
:Elle n’est que du cinq, elle a bien le temps. J’ai à lui parler de son contrat.
;DU BARTAS
:Ah bon ! A ce soir, peut-être ?
Il est sorti. Desfoumettes se rapproche.
;DESFOURNETTES
:Après la répétition, montez donc une minute dans mon bureau. Un doigt de porto, deux biscuits. Nous le signerons ce petit contrat. Vous savez, j’ai crié l’autre jour, mais c’était pour la forme. Bien entendu, vous aurez vos sept francs. Est-ce que cela vous ferait plaisir une petite avance ?
;COLOMBE
:Bien sûr.
;DESFOURNETTES
:Montez me voir après la répétition. Et pas la peine d’en parler à Madame Alexandra; vous savez qu’elle est un peu serrée. Moi je suis un vrai papa gâteau. Avec moi les choses s’arrangent.
;COLOMBE
:Merci monsieur Desfournettes. Vous tes gentil.
;DESFOURNETTES
:Pas avec tout le monde. Pas avec >Lit le monde. Dites-moi, mon petit, qu’est-ce que j’ai itendu, vous n’avez que cette robe-là?
;COLOMBE
:Oui.
;DESFOURNETTES
:Il faudra tâcher de remédier à c ela. J’ai un couturier qui me fait des prix. Qu’est-ce que vous diriez d’un petit ensemble de printemps, noisette comme on les fait cette saison ?... Je vous vois tout A fait, en petite noisette, avec un peu de vert au chapeau.
;COLOMBE
:Oh ! non, si vous voulez bien, une toque de fourrure et le manteau pareil. J’ai vu une femme qui portait cela tout à l’heure rue de Rivoli. C’était beau !
;DESFOURNETTES
://un peu démonté par le supplément. -Hé bien soit ! avec un petit peu de fourrure pour garnir. Nous irons voir cela tous les deux un de ces jours.//
;COLOMBE
:Seulement, je n’aurai jamais assez d’argent avec mes sept francs.
;DESFOURNETTES
:Nous nous arrangerons, nous nous ’.rrangerons. Mais c’est un secret entre nous.
;COLOMBE
:Comme vous êtes bon, monsieur Des-'ournettes !
;DESFOURNETTES
:Oui. On me fait une réputation, ..ans ce théâtre, mais au fond, c’est vrai, je crois que je suis bon. Montez donc me voir à mon bureau. C’est
promis ?
Entre ~Poète-Chéri frétillant.
;~POÈTE-CHÉRI
:Où est-elle, où est-elle, ma petite muse ?
;DESFOURNETTES
://glacial//
:Elle est là. Avec moi. ~
;poète-chéri
:Savez-vous, Desfournettes, que je ne peux plus me passer d’elle ? Savez-vous qu’elle m’inspire cette petite ? Cette nuit je lui ai fait six vers de plus.
;Colombe
. — Six vers? Rien que pour moi?
;~poète-chéri
:Six vers de douze pieds pour vous, petite Colombe ! Et je crois bien que c’est ce que j’ai écrit de meilleur... Vous voyez devant vous un homme qui n’u pas fermé l’œil de la nuit à cause de vous.
;COLOMBE
:Vous non plus? Mais personne ne dort dans ce théâtre.
;~POÈTE-CHÉRI
:Comment, moi non plus?
;Desfournettes, un peu amer
:Dites-moi Robinet, vous savez que la pièce est déjà longue. Ne rallongez pas trop, tout de même !
;~POÈTE-CHÉRI
:Mon cher directeur, cette petite sera la révélation de la soirée ! Je peux lui mettre un tunnel de vingt-cinq vers : le public ne se lassera pas de l’écouter.
;DESFOURNETTES
:Tout de même, tout de même!... Elle débute et au cinquième acte...
;~POÈTE-CHÉRI
:Taisez-vous. Elle a un immense talent! Faites-moi confiance mon cher directeur. D’ailleurs, je vais la faire travailler moi-même, c’est tout dire. Pouvez-vous passer chez moi, chère petite Colombe, après la répétition ? Un doigt de porto, deux biscuits et nous ferons du bon travail. J’ai ma voiture, je vous emmènerai.
;DESFOURNETTES
:Après la répétition? Impossible. Elle a justement un rendez-vous.
;~POÈTE-CHÉRI
:Elle le décommandera. Nous passons le 22. Il faut qu’elle travaille cette enfant, Desfournettes.
1 e travail avant tout !
;DESFOURNETTES
:Il faut tout de même aussi qu’elle igné son contrat !
;~POÈTE-CHÉRI
:Bah! c’est l’affaire d’une seconde, lontez donc le chercher tout de suite. desfournettes
:Il n’est pas prêt. ~poète-chéri
:Desfournettes! Il s’agit de la pièce! nus passons le 22 et son rôle est capital. Après la répé-ii ion, c’est chez moi qu’elle viendra !
;ARMAND
://qui est entré et les écoute, souriant//
:Je vais vous mettre d’accord tout de suite. Comme elle ne peut pas jouer toute nue - ce que nous regrettons tous - ci qu’on a tout juste le temps de lui faire sa robe après lu répétition, c’est moi qui l’enlève. Nous avons rendez vous chez le costumier, messieurs.
Il ajoute souriant, les regardant tous les deux :
Si vous voulez vraiment passer le 22...
DESFOURNETTES
:C’est bon. Je vous verrai demain, mademoiselle.
Il sort,
;~POÈTE-CHÉRI
:C’est tout de même malheureux que tout passe avant le texte !
Armand, toujours souriant
:~Poète-Chéri, maman vous demande.
;~POÈTE-CHÉRI
://qui ne veut pas s’en aller//
:Je la quitte il l’instant, mon cher.
;JULIEN
:Entre temps, elle a réfléchi, elle trouve le
becquet trop long.
;~POÈTE-CHÉRI bondit
:Comment trop long? Main voilà huit jours qu’elle le rogne. Il n’a plus que quatre vers, ce becquet.
;ARMAND
:Réflexions faites, elle voudrait seulement dire le dernier.
;~POÈTE-CHÉRI
:Seulement le dernier vers? Un vern tout seul ? Mais avec quoi voulez-vous qu’il rime ?
;ARMAND
:Je ne sais pas. Je ne suis pas poète.
;~POÈTE-CHÉRI
:Cette fois c’en est trop! Qui esi l’auteur de cette pièce ?
Armand
:On dit que c’est vous.
;~POÈTE-CHÉRI sort comme un fou en criant
:Hé bien, je la retire de l’affiche ! Nous verrons si nous passerons le 221
;COLOMBE
://quand il est sorti//
:C’est terrible. Qu’est-ce qui va arriver?
;ARMAND
:Rassurez-vous: rien. Vous ne savez pas ce que c’est que le théâtre. Il fera sa coupure, voilà tout.
I,'essentiel est que je vous ai sauvée de ces deux vieux papillons.
Il la regarde.
C’est amusant?
;COLOMBE
:Quoi?
;ARMAND
:Les hommes !
;COLOMBE
:Oui. Beaucoup. Cela tourne autour de vous en roulant des yeux blancs. Cela vous raconte que ça n’a pas dormi de la nuit.
;ARMAND
:Qui est-ce qui n’a pas dormi de la nuit?
;COLOMBE
:M. DU BARTAS et M. ~Poète-Chéri non plus.
;ARMAND
:. — Desfournettes a dormi, lui, le mufle?
;COLOMBE
:Oui. Mais il veut me donner une avance. Et un petit ensemble de printemps couleur noisette.
;ARMAND
:Et votre choix est fait?
;COLOMBE
:Pour le petit ensemble, oui. Couleur misette, c’est très bien.
;ARMAND
:Non. Ne faites pas l’idiote avec moi. utre les donateurs?...
;COLOMBE
:Il n’y en a qu’un qui le propose. Les lires offrent seulement des insomnies et un doigt de
>rto.
;ARMAND
:Et c’est le plus vilain qui offre la robe? 1 est toujours comme cela. Pas de bêtises ! Vous savez que c’est moi qui suis le gardien de l’honneur.
;COLOMBE
:De quel honneur?
Armand
:De la famille. Je serais obligé de les gifle! tous les trois. Six balles sans résultat, c’est beaucoup pour un seul homme. Ayez pitié de moi.
;COLOMBE
:Ils ont les meilleures intentions du monde. Ils veulent seulement me faire travailler.
Armand
:Eux aussi? Ils n’ont trouvé que cela? 11m n’ont décidément pas beaucoup d’imagination.
;COLOMBE
:N’est-ce pas ce que vous m’avez proposé pour que je vienne chez vous ?
;ARMAND
:Oui, mais moi c’était par amour du théâtre, pour que vous soyez reçue au Conservatoire, lit la preuve, c’est que je ne vous ai même pas offert le doigt de porto.
;COLOMBE
:Je l’ai remarqué. Je mourais de soif, justement, hier.
;ARMAND
:Rien qu’un manuscrit et debout dans la salle à manger gothique ! Ce n’est pas que je sois un janséniste; mais le doigt de porto, assis côte à côte, sur un divan plein de coussins, j’ai eu peur que cela ne soit trop pour moi.
;COLOMBE
:Je ne sais pas du tout ce que vous voulez dire.
Armand
:Moi, si. Très bien. Quand je m’amuse, je m’amuse. Mais quand je garde l’honneur de la famille : je le garde.
;COLOMBE
:Puisque nous allons chez le costumier ce soir et que je ne pourrai pas venir chez vous comme d’habitude, voulez-vous que nous répétions ici, au lieu de dire des bêtises, en les attendant? Vous savez que le concours d’admission est dans quinze jours.
;ARMAND
:Allons-y, mon cœur. J’ai ma brochure, elle ne me quitte plus.
Ils se débarrassent, mettent des chaises en place pour une répétition.
;COLOMBE
:Cela vous ennuie peut-être de me faire liavailler ma scène?
;ARMAND
:Affreusement.
;COLOMBE
:Si cela vous ennuyait vraiment trop, je pourrais demander à M. DU BARTAS. Je crois que lui, cela ne l’ennuierait pas.
;ARMAND
:Pas assez, ma chère âme, pour mon goût. Allons-y! Prenons la fin qui n’allait pas hier. Et après nous filerons la scène.
Il s ’assoit. Colombe s ’avance.
;COLOMBE
:«Et si je vous disais, monsieur, que je vous aime ? »
;ARMAND
:«Je ne vous croirais pas. »
;COLOMBE
:«Et si je vous disais que j’ai beaucoup de peine?»
;ARMAND
:«De la peine avec ces yeux-là, allons lonc ! »
;COLOMBE
:«Comment pouvez-vous savoir ce que lisent mes yeux, vous ne les regardez jamais. »
;ARMAND
: se lève et la prend dans ses bras
:«Hé bien >ilà. Je les regarde ! »
;COLOMBE
: se laisse regarder, puis se détourne un peu, iniquement
:«Ah! monsieur, pas trop au fond, je vous 11 prie, je vais rougir maintenant. »
;ARMAND
: déclame, assez faux d’ailleurs
:«Petite fille, petite fille... Tu as voulu jouer au jeu de l’amour. Et tu es
prise au piège maintenant, étonnée de te sentir pour lu première fois toi-même. Et tu trembles au bord du baiser, Car tu le sais, enfant, que je vais prendre tes lèvres, n’csl-ce pas et tu en meurs d’envie comme moi ? »
;COLOMBE
: laisse tomber sa tête sur son épaule et murmurt, - « Oui, monsieur le comte. » 1
;ARMAND
: la regarde un instant sur son épaule, puis soupire d’un autre ton
:Là, il l’embrasse.
Il lit sur sa brochure, par-dessus l’épaule de Colombo',
« Mes chevaux ! Mes chevaux ! Ma chaise ! Basque I Champagne ! Mes gens ! Mes gens, holà ! Demain je serai à Versailles et je me jetterai aux pieds du roi...,
etc., etc. »
;COLOMBE
: demande sans bouger
:C’était mieux
qu’hier?
Armand la relève
:Cher ange ! Vous êtes le diable, Où avez-vous appris tout cela ?
;COLOMBE
:Je dis comme je sens. Ce n’est pas plu» difficile que cela de jouer des pièces ?
Armand
:Pour vous, non, il faut le croire. C’eût dans les bras de Julien que vous vous figurez être, pour jouer si bien ?
;COLOMBE
:Oh non, le pauvre! Il ne me dirait pua ces mots-là.
Armand
:Dans les bras de DU BARTAS peut-être?
;COLOMBE
:Non.
;ARMAND
:Mais vous pensez que vous êtes toujours Colombe ?
;COLOMBE
:Oui. Une autre Colombe qui aime le comte, comme c’est écrit.
;ARMAND
:Et tout à l’heure, quand nous dirons la scène des adieux, vous vous sentirez très malheureuse ?
;COLOMBE
:Pas vraiment. Mais j’aurai tout de même rnvie de pleurer de vraies larmes.
;ARMAND
:Julien vous a fait pleurer déjà?
;Colombe
:Quelquefois !
Armand
:Quand vous pleurez pour votre rôle, c’est il ces larmes-là que vous pensez ?
;COLOMBE
:Oh non ! Ce ne sont pas les mêmes.
;Armand
:Mais cela coule, tout pareil?
;Colombe
:Sauf que je ne suis pas vraiment triste tout au fond.
;ARMAND
:Tandis qu’avec Julien vous êtes toujours vraiment triste - «tout au fond» comme vous dites quand vous pleurez?
;COLOMBE
:Forcément, puisque c’est dans la vie !
;ARMAND
:Vous êtes certaine que vous n’avez jamais pleuré avec lui, une seule petite fois, sans être vraiment triste, « tout au fond » ? Un accident est si vite arrivé !
;COLOMBE
: se méfie
:Pourquoi me demandez-vous < cia?
;ARMAND
:Pour m’instruire, mon cher ange. Je ne ¦ ux pas arriver à croire que cette gracieuse faculté que ¦us avez de pleurer sur commande, vous n’ayez jamais ngé à vous en servir.
;COLOMBE
:Vous me croyez donc une menteuse?
;ARMAND
:Quel vilain mot ! Il faudrait être bien naïf, i chère, pour traiter une femme de ce nom. Ou alors ludrait qu’elle se soit laissé entraîner à une déforma-¦n extrêmement sotte et grossière... Mais la vérité des i, mines est une chose si nuancée, si fragile, si mou-viinte... Il n’y a que les hommes des bois comme Julien pour se figurer que c’est une dame toute nue, qui suri d’un puits avec un miroir de poche.
;COLOMBE
://soudain//
:Je n’aime pas quand vous dite* du mal de Julien.
;ARMAND
:Pourquoi?
;Colombe
:C’est un vrai homme, lui.
;Armand
:Je sais, mon cœur. Et les femmes adorent les vrais hommes... Il leur en faut bien, pour jouer leur jeu. Avec des coquins de mon espèce, toutes ces grande» ressources inutiles... Avouez que cela serait navrantI Mais le jeu joué avec les vrais, vous verrez que c’est tout de même agréable.
;COLOMBE
:Quoi?
;ARMAND
:Les hommes comme moi. Ceux qui ont à quoi s’en tenir... On peut déposer les armes un instant, mettre ses pantoufles... Quitter cet air offensé par exemple et rire comme on en a envie... Cela doit être tellement harassant d’être toujours femme! - AllonsI puisque je vous le dis que nous sommes entre nous !
;Colombe //éclate de rire//
:Vous êtes terrible, Armand !
;Armand, doucement
:Pas plus que vous, mon cher cœur. //(Il s’éloigne.)// Alors, nous la reprenons une dernière fois cette scène avant que les grandes personnes envahis sent le plateau ?
;COLOMBE
:Si vous voulez.
://Elle se met en place et demande//
Et si M. DU BARTAS me trouve dans vos bras ?
;Armand
:De foute façon, c’est moi qui gifle.
;Colombe
commence
:«Et si je vous disais, monsieur, que je vous aime ? »
;ARMAND
:«Je ne vous croirais pas. »
;COLOMBE
:«Et si je vous disais que j’ai beaucoup de peine ? »
;ARMAND
:«De la peine avec ces yeux-là? Allons donc ! »
;COLOMBE
:«Comment pouvez-vous savoir ce que disent mes yeux? Vous ne les regardez jamais. »
;ARMAND
:«Hé bien voilà. Je les regarde. »
Il se lève, la prend dans ses bras et murmure soudain :
Démon ! Sale petit démon !
Il la lâche, un peu gêné et dit avec quelque chose d’enfantin et de gentil qui lui est resté sous son cynisme.
Il faudra, tout de même, ne pas faire trop de mal à |ulien.
Ils sont debout l’un contre l’autre sans oser se regarder.
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+++*[TROISIÈME ACTE]
!!TROISIÈME ACTE
Le couloir des loges, comme au premier acte, mais vu de nitre côté.
La porte de la loge de Madame Alexandra est maintenant é jardin et c’est une autre loge, celle de Colombe, qui est ouverte ic cour.
Mme Georges est assise sur sa chaise à la même place dans le .mloir. Julien fait les cent pas habillé en militaire, capote bleu marine aux coins retroussés, pantalon garance, képi à pompon, baïonnette. Il ouvre la porte de la loge et demande.
;JULIEN
:C’est sa loge?
;MADAME GEORGES
:Oui.
;JULIEN
: referme la porte
:Il n’y avait personne à lu maison.
;MADAME GEORGES
:Revenir comme ça sans criei gare ! C’est qu’on ne s’y attendait pas nous autres, mon sieur Julien.
;JULIEN
:Nous avons eu une permission de vingl quatre heures parce que nous avons changé de général. Je n’ai pas eu le temps d’avertir.
;MADAME GEORGES
:Voyez-vous ça! Et le nouveau, il est plus conciliant que l’ancien ? julien
:Cela doit se valoir. madame Georges
:Il ne faut pas mal répondre avec lui, monsieur Julien. Il faut toujours être bien poli.
;JULIEN
:Rassure-toi, Georges. Un soldat de seconde classe a très rarement l’occasion d’être impoli avec le général.
;MADAME GEORGES
:Tout de même, il ne faut pui faire la mauvaise tête. Quand vous le rencontrez, Monsieur Julien, il faut toujours bien ôter votre képi. julien
:Excellente idée. Il me ferait fusiller! MADAME GEORGES. -. — Ils sont si sévères que ça? Ava vous, on ne sait jamais si c’est pour rire.
;JULIEN
:Avec eux non plus! Aussi j’aime mieux m’en tenir au salut réglementaire
:Elle n’était mênu pas rentrée dîner.
;MADAME GEORGES
:a un geste
:Vous savez, la vit d’artiste. On n’a pas toujours son temps.
;JULIEN
:Il y avait une femme à la maison. La belle sœur de la concierge qu’elle paie maintenant pour gardei le petit le soir.
;MADAME GEORGES
:Vous voyez, Monsieur Julien, vous pouvez être tranquille, il a tout ce qu’il lui faut le chérubin. Pour cela Mme Julien elle est parfaite : tous ses sous c’est pour lui. L’autre jour, elle lui a acheté un burnous, tout en soie, brodé main, qui valait peut-être soixante francs ! Vous savez qu’ils l’ont augmentée ?
;JULIEN
:Déjà?
;MADAME GEORGES
:Dix francs par jour qu’ils lui donnent maintenant. Il faut dire que dans la reprise elle a un bien plus grand rôle : vingt-trois lignes. C’est beau pour un début! C’est qu’il s’en est passé des choses depuis trois mois que vous êtes parti. Mme Julien vous a écrit ?
;JULIEN
:Pas beaucoup.
;MADAME GEORGES
:D’abord La Femme et le Serpent-, ça a été un four. M. ~Poète-Chéri en a été malade. Madame et lui s’en sont dit des insultes !... J’en rougissais moi-même. Du beau monde comme ça, on ne croirait pas, ça en sait des mots sales... À la fin, ils se sont battus comme des chiffonniers dans sa loge. Elle le giflait, et M. ~Poète-Chéri il lui arrachait ses postiches ! Ça n’empê-i hc qu’ils ne l’ont jouée que trente fois la pièce. Je l’avais lit: une pièce où il y a trop de changements. Mais on i écouté jamais l’habilleuse... D’abord, j’avais pas pleuré uix répétitions. Et quand je ne pleure pas, c’est très rare ue ça soit bon. Enfin, ils se sont réconciliés tout de lême, M. ~Poète-Chéri et elle et ils ont remonté leur : and triomphe à lui et à Madame, qu’ils reprennent iiijours quand ça va mal : La Maréchale d’Amour. Trois iiangements seulement, mais tout du Louis XV. C’est des robes qu’on met plus de dix minutes à agrafer.
;JULIEN
:Est-ce qu’elle arrive tard?
;MADAME GEORGES
:Qui?
;JULIEN
:Colombe.
;MADAME GEORGES
:Elle a son entrée au début du un, elle ne va pas tarder maintenant. A moins qur M. Armand l’ait amenée dîner et qu’il la reconduise au dernier moment en voiture.
;JULIEN
:Armand l’a emmenée dîner?
;MADAME GEORGES
:Quelquefois, la pauvrette. Ou bien M. DU BARTAS. C’est rare pour un grand premier rôle d’être aimable avec une petite qui débute. Surtout lui qui garde ses distances. Mais avec elle il est tout miel, M. ~Poète-Chéri pareil : c’est toujours des fleurs et de» compliments comme si elle avait le premier rôle dans lit nièce. Jusqu’à M. Desfournettes qui est toujours bien ioli. Ah! on ne peut rien dire contre eux! Ils sont tou» i rès gentils avec elle !
;JULIEN
:Vraiment?
;MADAME GEORGES
:Forcément. Une pauvre petite femme toute seule que son mari a dû laisser, ça fait pitié, On essaie de la distraire. Ils ont bon cœur quoi, ces me»-sieurs !
;JULIEN
:Il faut croire.
;MADAME GEORGES
:se rapproche
:Et puis, entre nou», monsieur Julien, c’est pour vous surtout qu’ils font ça Pour vous enlever du souci de la savoir seule. Ah ! ilh vous aiment bien tous, allez, malgré votre mauvais carat' tère. C’est à leur façon d’agir avec Mme Julien qu’on voil qu’ils vous aiment bien.
LA SURETTE paraît au fond et crie
:On lève dans dix minutes !
;MADAME GEORGES
:Ouiche ! Madame n’est pu» encore là. Ni Mme Julien non plus.
LA SURETTE
:Je ne veux pas le savoir! Je fais mon métier, moi. Je ne dîne pas en ville.
Il crie :
On lève dans dix minutes !
Il aperçoit Julien, il change de figure.
Ah ! monsieur Julien. Ça c’est une surprise. Vous avez donc une permission ?
;JULIEN
:Oui. Tu vois.
;LA SURETTE
:C’est la belle vie maintenant dans l’Armée française! Toujours en balade? Ce n’est pas comme de mon temps.
Il demande avec un mélange de sournoiserie et de timidité.
Alors vous revenez prendre un peu l’air du théâtre, monsieur Julien ?
;JULIEN
:Oui.
Un temps. Il ajoute :
J’ai reçu ta lettre, La Surette.
LA SURETTE pâlit un peu, il ricane
:Ah ! oui, déjà monsieur Julien?
;JULIEN
:Hier soir.
LA SURETTE, d’une voix blanche, après un petit temps.
Ça va vite tout de même les postes, on ne croirait pas !
;JULIEN
:Je te remercie de m’avoir écrit.
la surette ricane, l’œil fuyant
:Les nouvelles du ihéâtre, quoi! J’ai pensé que vous aimeriez être au courant.
;JULIEN
:Oui. Tu as cinq minutes? On pourrait descendre prendre un verre au tabac.
;LA SURETTE
:Tout de suite? C’est qu’on va levci bientôt. Et puis il faut que je m’habille ; ce soir je double le maréchal de Villardieu au deuxième acte... Troulazm s’est cassé le bras.
;JULIEN
: lui prend le bras
:Alors entrons là. Ce serti vite fait.
;LA SURETTE
:Moi je veux bien, mais je vous préviens que c’est sa loge...
Ils entrent dans la loge de Colombe. On entend appeler du fond : « Georges ! »
;MADAME GEORGES
: se précipite
:Voilà M. DU BARTAS I
;DU BARTAS paraît en burnous marocain et en caleçon sut •euil de sa loge, il se maquille
:Viens me passer mu hcmise. La petite est là?
;MADAME GEORGES
:Pas encore monsieur Du îartas. Mais vous savez, il y a une bonne surprise: il* iït: donné vingt-quatre heures de permission à monsieur
;JULIEN
: !
;DU BARTAS
:Ah diable !
;MADAME GEORGES
:Et je le lui ai dit, allez, comme vous avez été gentil tout le temps avec Mme Julien. Ça l’a touché, le pauvre ! Il en avait les larmes aux yeux.
Elle a refermé la porte de la loge, on ne les entend plus. Datis la loge de Colombe, Julien avait attendu lu fin de leurs répliques ; il empoigne soudain La Surent par le revers.
;JULIEN
:Qui est-ce ?
;La surette
:Voilà le hic ! Voilà où cela commence, monsieur Julien. Ce serait trop beau si on pouvait entrer tout de suite dans le rôle avec la certitude aussi. C’eal comme tout d’être cocu, c’est difficile. C’est pas donné à tout le monde. Cela s’apprend.
;JULIEN
:Parle ou je t’assomme !
;LA SURETTE
:Tout de suite, comme cela? Tous les mêmes! J’assomme, je tue, n’importe qui! Ces débu-lants... C’est pas si simple monsieur Julien, c’est un vrai rôle, tout en nuances, le cocu. Il y a tout un rituel, toute une danse. Un pas en avant, un pas en arrière, pirouette ; un temps de repos pour mieux repartir ; un pas en avant, un pas en arrière, pirouette. Il ne faut pas croire ! C’est tout un métier à s’entrer dans la peau.
;JULIEN
: l’a pris par le cou
:Je t’étrangle si tu ne parles pas !
;LA SURETTE
:Foutaise! Et après? Vous serez bien avancé. Un comparse... Pour vous prouver votre virilité? Comme c’est futile ! Ne serrez pas, monsieur Julien, ne serrez pas, c’est inutile. De toute façon ce n’est pas moi. Je suis trop laid. Et ça, au moins, vous en êtes sûr.
;JULIEN
: l’a lâché, il se rajuste.
Ne haussez pas les épaules. C’est déjà ça. Il n’y a pas mnt de choses dont vous allez être sûr, maintenant. julien
:Pourquoi m’as-tu écrit?
;LA SURETTE
:Parce que je suis sentimental. Cela me lisait de la peine. Je vous aime bien.
;JULIEN
:Tu ne peux pas me dire un nom ? la surette
:Non.
;JULIEN
:Avec qui sort-elle habituellement?
;LA SURETTE
:Ah, ça commence! Cela me fait plaisir. Un bon cocu doit être méthodique. C’est l’A.B.C. Moi je ne peux que vous aider de mes petites lumières. Un confident de tragédie. C’est tout. L’intuition, l’éclair de génie, cela viendra de vous. Ils soin quatre.
;JULIEN
: sursaute
:Quatre ?
la surette
:Possibles. Pas sûrs. Ce serait trop beau ! Armand, DU BARTAS, ~Poète-Chéri - oui, de P Académie française - et M. Desfournettes soi-même, le directeur. C’est du beau monde... Si vous voulez, négligeons le coiffeur, qui la coiffe un peu trop souvenl, Quoique ce soit un homme qui plaise aux dames. De gros biceps. Très important.
;JULIEN
:Il pue.
;LA SURETTE
:Le fauve. Et cela n’est pas à négliger, Cela peut plaire... Axiome, capital : le cocu doit renoncer A sentir par lui-même, à voir par ses yeux. Cette fidélité A ¦ m jugement d’homme risque de l’égarer à jamais. I4 lupart des cocus piétinent parce qu’ils imaginent un i niant de leur femme susceptible de leur plaire, à eux.
;JULIEN
:Alors cinq, avec le coiffeur?
la surette
:Ne vous effrayez pas. J’ai connu un capitaine qui a soupçonné toute sa compagnie. Je voui laisse à penser des doutes des colonels.
;JULIEN
:Je les assomme tous les cinq !
la surette
:C’est faisable, mais c’est sommaire, Cela ne vous apportera aucun apaisement, même si le vrai est dans le lot. Le drame du cocu, c’est le drame de l’homme : la connaissance. Les coups, cela ne vient qu’après, ce n’est rien, c’est du luxe, les coups. Il faut savoir.
;JULIEN
:Elle va arriver, je l’interrogerai.
;LA SURETTE
:Bon jeune homme ! Ils ont tous cette illusion. Comme cela vous serez sûr de ne rien savoirt jamais.
;JULIEN
: gémit
:Mais Colombe m’aime, moi !
;LA SURETTE
:C’est possible. Mais n’allez pas croire que cela va simplifier votre cas.
;JULIEN
:Je l’ai laissée seule dans ce milieu pourri comme un imbécile, voilà tout. C’est un oiseau.
LA SURETTE
:Oui, mais les naturalistes vous diront que c’est difficile, à connaître au juste, les mœurs des oiseaux.
;JULIEN
:Qu’est-ce qu’il faut faire? la surette
:Vous devenez sage. Prendre le conseil des anciens d’abord. Vous en aurez besoin dans ce inonde étrange que vous allez voir fleurir autour de vous, maintenant. Elle va entrer dans une minute, vous sourire, vous embrasser, et - prenez garde ! - tout va devenir normal, beaucoup trop normal... Autour du cocu, la vie se fait bizarre : les coïncidences, les coups du sort se mettent à abonder plus que dans n’importe quelle autre vie... Seulement, les lettres qui n’arrivent pas ou qui arrivent trop vite, les téléphones qui sonnent et il n’y a personne au bout du fil ; les objets inconnus la veille qui traînent sur les commodes, les amis qu’on n’avait pas revus depuis dix ans et qui vous retiennent tout l’après-midi - tout ce qui dans la vie ordinaire garde un certain mystère, tout ce qui ne s’explique pas, va devenir absolument clair. Tout, vous entendez, tout va vous être spliqué ! Avec une rigueur scientifique, mathématique, ¦olicière, et vous pourrez vous épuiser, tous les alibis i iont exacts, abominablement exacts. Vous êtes pris maintenant! La vie, l’honnête vie était raisonnablement mystérieuse; dorénavant, elle va avoir insolitement léponse à tout. Mais attention, toutes ses réponses seront des questions nouvelles pour vous. Vous êtes pris.
Comme un rat. Il va falloir danser la danse. L’employé du gaz qui sonne trop tôt le matin, ce ne sera plus un simple employé du gaz, ce sera une question ; le nouveau chapeau qu’elle aura acheté la veille, ce sera une question ; une chanson sur sa bouche, une question ; son silence, la couleur de son rouge à lèvres, une autre question. Et les questions, c’est un collier de perles, cela s’enfile, cela se déboîte les unes des autres à l’infini comme les petites fleurs japonaises. Il n’y a plus aucune raison de s’arrêter. Vous allez devenir une question vivante sur deux pattes, un gros point d’interrogation qui bourdonne et se pose partout.
;JULIEN
:Non ! je ne lui demanderai rien.
;LA SURETTE
:Si ! Et quand vous aurez fini de lu iostionner, elle, ce ne sera pas fini : vous vous question-¦rez vous-même. Vous douterez de tout, vous finirez n croire vous aussi que vous avez peut-être tout inventé iusqu’au jour, au jour du grand gala, inévitable, où voun a arriverez à vous demander, tout seul devant votre lace comme un imbécile, si au fond tout cela n’est pan votre faute et si vous ne l’avez pas voulu. Vous serez mûr ce jour-là. Un vrai cocu. Pas un petit mari trompé de rien du tout. Et ce qui aura pu se passer ou non entre les jambes de Mme Colombe, ce ne sera plus qu’un détail,
//Il écoute.//
Attention, la voilà ! - Alors de deux choses l’une, monsieur Julien : ou vous voulez que je vous aide et vous m’écoutez ou je vous laisse patauger tout seul.
;JULIEN
:Qu’est-ce qu’il faut faire?
:La surette.
:Vous cacher d’abord. Se cacher toujours, autre axiome ! Le cocu doit voir sans être vu.
;JULIEN
: //regarde autour de lui, affolé. Les voix se rapprochent//
:Où ?
;LA SURETTE
: //lui ouvre un placard et le pousse dedans.// -Dans l’armoire, comme tous les cocus !
://Il ajoute ://
:Et vous pourrez renifler ses robes. Cela vous rappellera le bon temps !
://Il l’a poussé dans le placard, il sort précipitamment dans le couloir et crie.//
:En scène pour le un !
;MADAME ALEXANDRA
://qui fait une entrée rapide, suivie de son état-major//
:Ne beuglez pas comme ça, imbécile ! On lèvera quand je serai prête! C’est encore vous qui doublez Troulazac ce soir?
;LA SURETTE
:Oui ~Madame-Chérie.
;MADAME ALEXANDRA
://disparaissant dans sa loge//
:Ça va être gai !
;COLOMBE
: //entre à son tour, criant//
:Où est-il? Où est-il ?
//Elle va jusqu ’à la loge, ne voit personne, en sort criant : //
:Georges ! Georges ! Où est Julien ?
://Elle rentre et voit Julien qui est sorti du placard. Elle se jette dans ses bras, criant://
:Mon chéri !
//Elle le regarde.//
D’où sors-tu ?
;JULIEN
:Du placard.
;COLOMBE
:Pourquoi étais-tu dans le placard?
;JULIEN
:Pour te faire une farce.
;Colombe
le serre à l’étouffer
:Mon chéri ! Mon chéri I Quel bonheur ! Comme cela a été long, tu sais.
;JULIEN
://doucement//
:Plus long encore que tu ne peux l’imaginer.
;COLOMBE
:Mais toi tu étais occupé! Tu avais quelque chose à faire. Les batailles, les charges, le demi-tour réglementaire, le salut aux officiers... Ta petite femme était toute seule, elle, à t’attendre. Comme c’est bon, Comme c’est bon. Et comme tu es beau en soldat! On dirait un général !
;JULIEN
:Pas encore. Mais c’est une chance, le bleu
: ! c va bien.
;COLOMBE
:Ils vont te faire avancer en grade?... Si tu . je connais quelqu’un - enfin ~Madame-Chérie nnaît quelqu’un au ministère... On pourrait leur écrire.,, julien
:Merci.
;COLOMBE
:Ils t’ont fait beaucoup marcher mon chéri? Assois-toi. Assois-toi tout de suite. Tu dois être tellement fatigué.
Elle s ’est mise sur ses genoux,
Combien t’ont-ils fait faire d’une seule traite, le plus? JULIEN
:Vingt-cinq kilomètres.
;Colombe
. — Mais au retour, ils ne vous permettent pas de prendre le tramway ?
;JULIEN
:Non.
;COLOMBE
:Et vous devez faire vous-même votre linge et votre ménage ? Cela doit être du joli ! Naturellement, tu n’as pas eu le temps de penser à moi ! julien. — Si. Tout le temps.
;COLOMBE
:On dit ça ! Mais quand vous êtes tous ensemble, entre hommes, vous ne devez penser qu’à vous dire des horreurs. Mon chéri, toutes ces nuits sans moi... Tu n’as pas trouvé ton lit trop grand?
;JULIEN
:Tu sais, il est très petit.
;COLOMBE
:Tu vois, pour toi ce sont des vacances ! lion débarras ! On respire un peu, on fait le jeune homme, enfin! Tant pis pour la pauvre petite femme qui reste toute seule la nuit, elle n’a qu’à mettre des bouillottes dans son lit si elle a froid. Ce que cela peut être égoïste les hommes !
;JULIEN
: demande
:Et le petit ?
;COLOMBE
:Il va bien. Comment trouves-tu mon petit ensemble noisette ?
;JULIEN
:Très joli, mais cela doit valoir très cher.
;COLOMBE
:Non non. Presque rien. J’ai trouvé une couturière qui me fait des prix et puis je la paie à crédit. D’ailleurs, je gagne beaucoup, tu sais, maintenant. Je vais pouvoir t’envoyer des petits mandats pour faire ton garçon au camp de Châlons. Tu iras les manger avec des lilles. On vous connaît! C’est pour cela que les hommes i iennent tellement à l’armée, c’est pour pouvoir se débar-isser de nous. Ton Déroulède qui réclame toujours le rvice de trois ans, il doit être encore plus coureur que s autres, voilà tout !
;JULIEN
:Il n’y a pas beaucoup de filles, tu sais, au imp de Châlons.
;COLOMBE
:Oui. Oui. Je me suis renseignée: il y a les permissions de minuit. Vous devez en faire de belles ! |e suis sûre que tu m’as trompée. Ne me dis pas non, tu mentirais.
;JULIEN
:Non, pourtant.
Il demande naturellement
Et toi, Colombe ?
;COLOMBE
:Oh! mon chéri, moi? Tu veux rire! Je n’en aurais même pas eu le temps ! Tu sais que j’ai vingt cinq vers dans la nouvelle pièce. Il a fallu travailler dur. Tu vas venir m’applaudir dans la salle ? Tu me verras en marquise. Tu ne la reconnaîtras pas, ta femme. Je vain avoir un trac de savoir que tu es là ! Oh ! mon chéri, mon gros petit chéri, comme c’est bon que tu sois venu, Tu as bonne mine. julien
:Oui.
;COLOMBE
: l’embrasse et se lève
:C’est bien de ne pas voir un moment, parce qu’on est contents de se :;ouver. Tu veux bien que je me déshabille? On vu r tout de suite. Je suis en retard.
Elle est passée derrière le paravent. A mesure qu 'elle se déshabille, pendant la scène, on voit son bras nu jeter ses affaires les unes après les autres sur le paravent.
Elle demande.
Tu as combien de jours de permission? julien
:Vingt-quatre heures.
;COLOMBE
:Vingt-quatre heures seulement? Et tu ne peux pas leur dire que tu as raté le train ?
;JULIEN
:Non.
;COLOMBE
:Mais mon chéri, cela va être terrible I Justement ce soir je suis invitée à souper par des gens très importants pour moi - ce serait trop long à t’expliquer maintenant - et demain je répète tout l’après-midi I julien
:Tu n’iras pas souper avec ces gens, voilà tout.
;COLOMBE
:Oh, mon petit Julien, c’est impossible! C’est tout mon avenir qui est en jeu !
;JULIEN
:C’est le mien aussi. Et c’est court, tu sais, un avenir de militaire.
;COLOMBE
:Allons, ne dis pas de bêtises. Toi, tu auras d’autres permissions, moi, une chance comme celle-là je ne la retrouverai peut-être pas. Il s’agit de gens très influents tu comprends qui peuvent me faire engager aux Folies-Bergère. On cherche une jeune femme dans mon genre pour faire «L’Impôt sur le Revenu » dans la prochaine Revue... Mais je serai habillée mon chéri ; sans cela tu penses bien que je n’aurais même pas accepté d’essayer. « L’Impôt sur le Revenu » - forcément ! Il paraît que j’aurai deux mille francs de fourrures sur le dos, et seulement une jambe nue. Une jambe, ce n’est pas une affaire. Tu comprends bien que cela n’a aucun rapport avec les petites femmes qui sont là pour montrer leurs seins.
;JULIEN
: se lève et crie soudain
:Ne me parle plus de ces ordures ! Tu rentreras avec moi ce soir, Colombe.
//Il y a un silence derrière le paravent, puis on entend Colombe dire//.
;COLOMBE
:Naturellement, tu n’es pas encore revenu et il faut déjà que tu cries.
;JULIEN
: crie
:Oui je crierai ! Oui je crierai et je casse-i ai tout s’il le faut. Mais je te jure bien que cela ne se passera pas comme ça !
;COLOMBE
: surgit du paravent en pantalon et corset et demande innocente, les mains croisées sur sa poitrine, demi-nue.
;COLOMBE
:Mais quoi, mon chéri?
;JULIEN
: crie, ridicule
:Tu sais très bien ce que je veux dire. Ne fais pas l’innocente.
;COLOMBE
://lumineuse//
:Mais non, mon chéri, moi, je ne sais rien.
;DU BARTAS sort de sa loge à demi habillé et vient cogner à la porte de Colombe.
;DU BARTAS
:Toc ! Toc ! Tu es là mon petit chat? Je voulais te dire de faire très attention.
://Il entr’ouvre la porte et voit Julien.//
:Oh pardon !
;JULIEN
:Pardon.
;DU BARTAS
:Bonne permission?
;JULIEN
:Oui.
;DU BARTAS
:Bravo! Tu sais le becquet mon petit
har? I
;COLOMBE
:Oui, monsieur DU BARTAS. DU BARTAS
:Bravo ! Bravo ! On l’essaie ce soir.
Il repart comme il est venu. julien
:Pourquoi t’appelle-t-il «mon petit chat»?
;COLOMBE
:Je ne sais pas. Parce qu’il est très gentil.
Il m’a beaucoup aidée pour mon rôle. julien
:Et il te tutoie?
;COLOMBE
:Tout le monde se tutoie au théâtre. Ce n’est pas à moi de te l’apprendre tout de même. Il tutoie aussi ta mère.
Pendant ces répliques, Desfoumettes a surgi, ajfairi et important. Il vient frapper discrètement à la porte.
;DESFOURNETTES
:
:Toc ! Toc ! Toc ! Toc ! Vous êtes là mon petit rat ?
;JULIEN
: grommelle
:Allons bon, un rat maintenant.
DESFOURNETTES
:Je voulais vous dire de faire très attention mon petit rat, parce que...
Il a ouvert la porte et vu Julien.
Oh pardon !
;JULIEN
:Pardon.
;DESFOURNETTES
:Pardon, pardon. Je venais faire une recommandation à ta femme. Cela va bien?
;JULIEN
:Cela va bien.
DESFOURNETTES
:Tu as bonne mine.
;JULIEN
:Merci. Tout le monde me l’a dit.
DESFOURNETTES
:Je voulais vous dire qu’on levait à l’heure aujourd’hui. Pas de retard n’est-ce pas? pas de retard !
Il repart comme il est venu.
;JULIEN
:Mon petit rat. Cette vieille loque. C’est ignoble !
;COLOMBE
:Oh! toi. Tu vois le mal partout. Tu ne veux pas qu’on me traite de chat, tu ne veux pas qu’on me traite de rat ; de quoi veux-tu qu’on me traite, enfin ?
Je ne peux pourtant pas exiger qu’ils m’appellent Madame !
;JULIEN
:Pourquoi es-tu devenue l’amie de ces pantins ?
;COLOMBE
:Je ne suis pas leur amie. Je les vois tous les jours, je travaille avec eux, voilà tout. Tout le monde ne peut pas se permettre d’être aussi désagréable que toi.
Tu vois où cela t’a mené, toi, dans la vie, de n’être l’ami ]
de personne ? Et puis ces pantins, comme tu dis, m’amu sent. Je n’ai pas eu si souvent l’occasion de m’amuseï jusqu’ici.
;JULIEN
: crie
:Ce n’est pas vrai ! Ils ne peuvent pas t’amuser !
;COLOMBE
:Comment peux-tu le savoir?
;JULIEN
:Parce que je te connais mieux que toi, Colombe.
;COLOMBE
: le regarde, dure
:En es-tu sûr?
;JULIEN
:Oui. Et je te jure que tu finiras bien par te ressembler, que tu le veuilles ou non !
;COLOMBE
: est en face de lui, fermée, comme une ennemie. Elle murmure
:Mon pauvre Julien.
;MADAME GEORGES
:est entrée sans bruit, sur ses pan-Hé bien, les tourtereaux, on est contents de se
voir?
;JULIEN
: //lâche Colombe//
:On est ravis.
;MADAME GEORGES
:C’est bon de retrouver sa petite ^ nme et que tout le monde dise qu’elle est ravissante et qu’on voudrait bien l’avoir. Mais bernique ! c’est pas pour les autres. Les compliments tant qu’on voudra, c’est tout. Ça se garde pour son petit mari !
://Elle passe les jupons de Colombe.//
:Regardez-moi cette belle petite poitrine, monsieur Julien. On en mangerait! On dirait que cette mode-là, avec les décolletés où on voit tout, c’est fait pour elle. À ~Madame-Chérie il faut que je lui enfonce des morceaux de fer pour que ça tienne. Là, pas de danger: c’est du gâteau ! Aussi, il faut dire qu’elle en a du succès dans la pièce ! Monsieur ~Poète-Chéri il croit que c’est pour son beaux vers qu’on vient. Allez donc! Faut pas lui dire;
C’est pour voir Mme Colombe que tout ce joli monde il luit la queue. Les femmes pareil ! Elles voudraient pas, mais les messieurs les entraînent. Nous autres, habilleuses, nous nous renseignons de théâtre à théâtre. Ça s’est répandu dans Paris qu’on avait une débutante qui promettait. On ne parle plus que de ça, il paraît! Ça doit vous faire plaisir, monsieur Julien, de voir que votre petite femme elle a du succès comme ça ?
;JULIEN
:Je pète de joie. Je n’en peux plus.
;MADAME GEORGES
:Sans compter que ça rapporte, bientôt vous pourrez vous prélasser sans rien faire et c’est elle qui nourrira toute la maison.
;~POÈTE-CHÉRI
://qui est apparu dans le couloir. Il gratte discrètement à la porte//
:Toc! toc! toc! Toc! toc! toc! Vous êtes là, mon petit loup ?
;JULIEN
: crie
:Oui je suis là !
;~POÈTE-CHÉRI. sursaute à cette voix d’homme
:Oh pardon ! pardon ! Mille pardons ! Je voulais seulement vous dire de faire attention...
Il s ’arrête.
Mais non, rien, rien du tout. Je ne sais pas ce que je lis. Ou plutôt si, c’est l’énervement: le roi d’Espagne est lans la salle. Jouez bien, petite madame, ce soir. Et ncore mille fois pardon ! Je vous laisse vous habiller.
Il s ’en va comme il est venu.
;JULIEN
:Un loup maintenant! Ils y passeront tous. C’est une fable de La Fontaine ! Comment as-tu pu permettre à ce grotesque de t’appeler mon petit loup? Je l’avais interdit de lui parler !
;COLOMBE
:Mais c’est l’auteur de la pièce !
;JULIEN
:Qu’est-ce que tu veux que cela me fasse il moi? Mon petit chat, mon petit rat, mon petit loup ! Quoi encore? Et à quoi veulent-ils que tu fasses atten tion, tous ? A moi n’est-ce pas ?
;COLOMBE
://soudain fermée//
:Je ne sais pas ce que lu veux dire. Tu m’ennuies maintenant, Julien !
;JULIEN
:Et tu leur souris, tu minaudes avec te» lèvres peintes, tu ronronnes. Essuie tes lèvres ! Essuie te» lèvres tout de suite ! Je ne peux plus te voir comme çu.
;MADAME GEORGES
: l’arrête
:Mais, monsieur Julien, vous n’allez pas lui abîmer son maquillage ! C’est son métier de plaire, à présent. Vous n’allez pas l’empêcher d’être jolie et de sourire tout de même ! Aller me lit disputer au moment d’entrer en scène; ce n’est pas lu >eine d’avoir eu une maman du métier! Regardez-moi e petit ange, elle a les larmes aux yeux maintenant. SI coule avec son rimmel, ça va nous faire toute uno i ustoire ! Ne l’écoutez pas, madame Julien, les homme» c'est tous les mêmes, ça ne comprend jamais rien à rien, Moi, quand j’ai débuté au théâtre, en 87, ça a été pareil, On m’engage à la Comédie-Française. «Habilleuse? qu’il me dit mon homme, il peut donc pas s’habiller tout seul ce grand dégoûtant-là ? Je vais aller le crever, moi, ton directeur!...» Oui, madame Julien, il croyuil des choses ! A quoi ça tient tout de même. Ce pauvre M. Claretie, qui était toujours bien poli, bien honnête, Il se serait retrouvé mort, il n’aurait jamais compris pourquoi !
;JULIEN
:Laisse-nous seuls maintenant, Georges. MADAME GEORGES. -
:Pas si bête ! Je m’en vais pas »! vous devez la faire pleurer. C’est vilain à la fin, d’agir comme ça, monsieur Julien ! Regardez-moi ce petit chi-rubin, on lui donnerait le bon Dieu tout de suite ; ça n’a rien fait de mal et ça se fait agonir comme une tramée. Je vais vous dire : vous ne la méritez pas votre petite femme, monsieur Julien. Elle est trop belle et trop bonne pour vous, voilà !
;JULIEN
: la prend par le bras et la jette dehors
:Tu vas sortir, bon Dieu, quand je te le demande ?
;MADAME GEORGES
:. -, pendant qu’il l’entraîne
:C’est ça, des brutalités maintenant ! Vous voyez, madame Julien, tous les mêmes ! Ça ne sait que cogner, les hommes. Ça ne nous comprend pas !
;JULIEN
: //l’a jetée dehors et se retourne vers Colombe. Mme Georges s’est mise à écouter derrière la porte et peu à peu, pendant la scène, le coiffeur, le pédicure, La Surette en costume Louis XV, et tous les acteurs vont venir faire un groupe muet collé à la porte de la loge dans le couloir.//
;JULIEN
:Qui est-ce?
;COLOMBE
:Mais qui, mon chéri?
;JULIEN
:Ton amant.
;COLOMBE
://toute claire//
:Julien tu rêves, je n’ai pas d’amant.
;JULIEN
: //lui prend le poignet et crie, ridicule//
:Je veux son nom. Je veux son nom tout de suite. Dis-le.
;COLOMBE
:Mon chéri, comment veux-tu que je te dise un nom que je ne connais pas?
;JULIEN
:Inutile de nier, Colombe. J’ai des preuves. |e sais que tu as un amant. On t’a vue, on t’a suivie. On m’a écrit.
;COLOMBE
: //se dégage et crie, furieuse//
:Qui a osé t’écrire ?
;JULIEN
:Tu vois, tu as peur. Tu te troubles. Inutile de jouer l’étonnement plus longtemps. J’ai une lettre dans ma poche où on me dit tout. Avoue maintenant.
;COLOMBE
:Je veux savoir qui t’a écrit !
;JULIEN
:Cela ne te regarde pas.
;COLOMBE
:Une lettre anonyme, bien sûr? Tout le monde se hait dans ce métier, tout le monde se jalouse, Interroge-les comme un policier maintenant que tu an commencé, va glaner les ragots dans la loge du concierge ou dans les coulisses, tu en apprendras bien d’autres sur moi mon pauvre homme. Ce n’est pas un amant qu’on me prêtera, c’est dix. Encore heureux si ce n’est pas doN ices. La lettre anonyme, c’est leur passe-temps en attenant des rôles qu’on ne leur donne jamais. Toi qui un 'aîné dans les coulisses tout petit, je pensais que tu 'tirais appris à les connaître. Mais c’est plus facile de roire tout de suite une saleté plutôt que de faire onfiance à sa femme. La première petite chipie, le pre-; lier maniaque qui pique ta jalousie imbécile et ta vanité blessée, c’est lui qui a raison. C’est lui qu’il faut croire, même s’il ne signe pas. Pas moi.
//Elle change de ton, au bord des larmes,//
Les deux ans que nous avons vécus heureux, ma fidélité quand tu étais pauvre et que je faisais ta vaisselle, coin ne compte pas, bien sûr. Tu crois que c’est la première fois, pauvre imbécile, que les hommes tournent autour de moi? Tu crois qu’il n’y en avait pas à chaque coin de rut’, quand j’allais faire ton marché sans gants l’hiver, avec trois francs dans mon porte-monnaie, pour me proposer une autre vie plus heureuse, et les robes et les sorties et tout ce dont j’avais envie? Si j’avais voulu te tromper avec eux, tu crois que j’aurais eu besoin d’attendre ton départ ? Je me suis toujours défendue, je t’ai toujours tout gardé, même quand il n’y avait plus rien à manger le soir i\ la maison, rien que la bouillie du petit, et que nous dînions, serrés l’un contre l’autre, à regarder les hirondelles sur les toits. Oublie tous ces jours-là, oublie tout et salis-moi maintenant. Oh ! mon Dieu, que je suis malheureuse !...
//Elle est tombée sanglotante sur son fauteuil. Julien est resté immobile, tout bête. Il murmure.//
;JULIEN
:Pardon, Colombe.
;COLOMBE
://dans ses larmes//
:Pardon, c’est facile pardon. C’est fait maintenant. Je sais que tu crois n’importe qui plutôt que moi.
;JULIEN
:Je veux te croire.
;COLOMBE
: //demande d’une petite voix indifférente, du fond de ses larmes//
:Elle était signée cette lettre ?
;JULIEN
:Oui.
;COLOMBE
:Dis-moi son nom, à cette chipie. Ah ! celle-là, si je la tiens, elle verra ce que j’en ferai de son hignon !
;JULIEN
:C’est un homme qui m’a écrit.
;COLOMBE
: //réfléchit un peu et s’exclame//
:Oh, je vois qui est ! Quel lâche ! Pauvre sot. Tu ne comprends donc pas que ce sale individu t’a écrit pour se venger, parce qu’il m’avait fait de sales propositions et que je l’ai remis à sa place ?
;JULIEN
: //bondit//
:Qui t’a fait des propositions ? Qui ? Dis-moi son nom tout de suite. J’exige de savoir son nom !
;COLOMBE
:Non. Dis-moi son nom d’abord, toi, que je voie si c’est bien lui qui t’a écrit. Dis-moi seulement lu première lettre, je devinerai. C’est un P n’est-ce pas ? julien
:Non.
;COLOMBE
:Alors c’est un R? C’est lui5 je suis sûre maintenant que c’est lui, ce grand dégoûtant-là !
;JULIEN
:Ni un P ni un R.
;COLOMBE
://un peu démontée//
:Ce n’est pas un W toul de même ? Celui-là, je le crois capable de bien des choses, quand une femme le refuse, mais pas d’écrire à son mari, julien
:Ce n’est ni un P, ni un R, ni un W. Mais il y a donc trois hommes qui auraient pu m’écrire ?
;COLOMBE
:Mais tous, tous mon pauvre biquet ! Tous ceux à qui on tape sur les mains quand ils veulent vous prendre la taille dans les couloirs, tous ceux à qui on a envie de rire au nez quand ils vous susurrent à l’oreille de sales mots, qu’ils ont envie de vous. Tous les hommes! Tu crois que cela peut rester tranquille une fille, quand c’est tout seul et que c’est joli?
;JULIEN
: //hurle//
:Je veux les noms! Je veux tous le» noms ! J’irai les trouver les uns après les autres et je le» assommerai. Les noms allons, les noms tout de suite I Je l’exige !
;COLOMBE
:Mais mon pauvre chéri, il te faudrait le bottin ! Vous êtes tous les mêmes ! des chiens derrière le premier jupon qui passe. Et encore les chiens se contentent d’arroser l’endroit. Mais les hommes... Fais l’innocent ! Pour ce que tu as dû te gêner toi aussi. Je ne te suivais pas toujours, moi, quand tu allais à tes leçons de piano. Je lavais les couches du petit pendant ce temps-là,
;JULIEN
:Depuis que je t’aime, Colombe, je n’ai jamais regardé une autre femme.
;COLOMBE
:Bien sûr mon bonhomme ! On dit ça ! Et les demoiselles Pinteuil, les jumelles, pendant que tu leur apprenais la Valse de Faust à quatre mains?
;JULIEN
: //hausse les épaules//
:Elles avaient quinze ans. colombe
:Justement! Et la brune louchait, mais l'autre, avec ses airs effarouchés et sa petite poitrine qui pointait. Tu laissais bafouiller la bigle, oui, mon bonhomme; mais l’autre, tu étais toujours là, pour rectifier lu position de ses doigts en te penchant au-dessus d’elle. Nie-le! Nie-le ! Moi aussi j’ai reçu des lettres à cette époque et je n’ai rien dit.
;JULIEN
:Les filles Pinteuil ! C’est absurde !
;COLOMBE
:Et la boulangère?
;JULIEN, ahuri
:La boulangère?
;COLOMBE
:Oui, la boulangère ! Fais celui qui ne se 1 appelle pas ! Tu ne voulais jamais faire les commissions, miuf quand il s’agissait d’aller chercher le pain. Et elle qui icfusait à tout le monde, elle te le donnait à crédit, quand nous n’avions plus d’argent. Cette grosse blonde avec ses «ros seins ! Tu me dégoûtes Julien ! Je suis trop malheureuse ! J’aime mieux mourir !
Elle sanglote derechef sur son fauteuil. Julien est muet, désemparé en face d’elle. Dans le couloir, on sent que la situation s’est retournée et que c’est le moment d’agir. On persuade par mimiques le coiffeur - qui n’y tient pas - d’entrer pour faire diversion. Il frappe et entrouvre la porte.
;LE COIFFEUR
:Madame Colombe. On va lever. Un petit coup de peigne ?
;COLOMBE
://dans ses larmes//
:Oui mon petit Lucien, j’en ai bien besoin. Je suis dans un joli état !
;JULIEN
:// a reniflé à l’entrée du coiffeur. Il tourne autour d’eux, méfiant, pendant que le coiffeur coiffe Colombe qui lui sourit dans la glace.//
Vous êtes un ange, mon petit Lucien. Au moins, vous, vous les rendez jolies les femmes ! J’ai pleuré. Regardez la figure que j’ai maintenant.
LE COIFFEUR
:Vous aurez beau faire madame Colombe, vous serez toujours jolie comme un cœur. Avec vous le travail ce n’est plus du travail, c’est du plaisir.
;COLOMBE
: //soupire//
:Ah ! heureusement que je vous ai, mon petit Lucien !
;JULIEN
:Dites donc, mon vieux?
;LE COIFFEUR //se retourne, le peigne en l’air//
:Monsieur Julien ?
;JULIEN
:C’est si long que cela un coup de peigne?
;LE COIFFEUR
:Cela dépend...
;JULIEN
:Cela dépend de quoi? Et le peigne ne vous suffit pas ? Il faut en plus y mettre les mains ? 1
le coiffeur
:Mais pour les boucles, monsieur Julien...
;JULIEN
:Foutez-moi le camp ! Foutez-moi le camp immédiatement ou je vous en fais moi, des boucles, lit une friction par-dessus le marché !
;LE COIFFEUR, blessé
:Monsieur Julien, je suis un artiste !
;JULIEN
:Moi aussi ! Sortez d’abord. Je vous retrouve dans cinq minutes et nous allons avoir une petite discussion entre artistes, tous les deux.
//Il l’a poussé dehors, il se retourne, il crie !//
Enfin, ce n’est pas lui tout de même ?
;COLOMBE
: //demande, lumineuse dans la glace//
:Qui, «lui», mon chéri?
;JULIEN
:Ton amant. Il pue, ses mains sont deux limaces. Comment peux-tu te laisser tripoter par cela? Réponds-moi Colombe, tout de suite avant que je fasse lin scandale. Ce n’est pas lui? Ce serait trop bête tout de même !
;COLOMBE
: //se dresse et crie//
:Ah ! je sais maintenant qui l’a écrit ! C’est un Z !
;JULIEN
:Non, ce n’est pas un Z.
;COLOMBE
:Tu mens, comme tu m’as menti en me disant que c’était un homme, pour égarer mes soupçons, C’est une femme. Si on peut appeler cela une femme ! Je l’ai vue. Elle sortait du restaurant au moment où nous y sommes entrés. Cette vilaine petite garce qui couche avec tout le monde ! Je te jure bien que je lui dirai deux mots !
:Alors, tout ce drame, c’est parce qu’un jour, entre la Imatinée et la soirée, j’ai été dîner avec le coiffeur?
;JULIEN bondit
:Tu as été dîner avec le coiffeur?
;COLOMBE
:Il faut pourtant que je mange? Tu voudrais aussi que je jeûne pendant tout le temps que tu n’est pas là ?
//Dans le couloir, le coiffeur est très ennuyé. On se moque de lui.//
;JULIEN
:Ce merlan a osé t’inviter à dîner et tu lui as répondu «oui»? J’en sais assez, son compte est bon. Je l'assomme !
//Il court vers la porte. Le coiffeur se fraie un passage à travers la foule et passe au dernier rang. Colombe a rattrapé Julien.//
;COLOMBE
:Tu es bête mon chéri. Il est idiot, il est vulgaire, il ne sait pas dire trois mots. Tu penses que si te trompais, j’en choisirais un autre tout de même.. Bêta ! Gros bêta va ! Sois raisonnable mon petit Julien. Tu aurais envie de te laisser toucher, toi, par ses mains ?
;JULIEN
://raide//
:Moi non, mais...
;COLOMBE
:Alors, pourquoi veux-tu que moi j’en nie envie ? Des limaces ! J’aurais ri tout à l’heure si je n’avais pas eu envie de pleurer! Des limaces légèrement humides.
//Elle rit, l’embrassé,//
Mon grand sot! Cela passe encore sur les cheveux parce que c’est un bon coiffeur, mais autre part... Non tout de même ! J’aime mieux les tiennes...
//Elle lui prend les mains, les embrasse,//
Pourquoi, au lieu de me disputer depuis que tu c» revenu, ne m’as-tu pas prise une seule fois dans tes bras?
//Elle s’est glissée dans ses bras, elle a fermé ses maint derrière elle, elle lui tend les lèvres. Il demande faiblement.//
;JULIEN
:Mais qui est-ce alors? Il vaut mieux me le dire.
;COLOMBE
:Mais personne, mon sot! Tu rêvesI Tiens, je vais te le dire mon secret : c’est toi.
//Et elle l’embrasse. Il se laisse faire. Soupir de soulagement dans le couloir.//
;JULIEN
://dans ses bras//
:Je t’aime Colombe et je suis malheureux. Tu ferais mieux de me le dire si tu as fait une bêtise. On peut se laisser entraîner un soir, c'eut mauvais d’être toute seule. Lui je l’assommerai et je te pardonnerai. Tu quitteras ce sale théâtre et nous pourrions être encore heureux.
;COLOMBE
:Mais mon chéri, si j’avais fait quelque chose de mal, je ne voudrais même pas que tu me pardonnes !... Je me ferais horreur moi aussi. Je ne te reverrais jamais.
;JULIEN
: //gémit//
:Non !
;COLOMBE
:Je te jure bien que si. Moi, je ne me pardonnerais pas.
;JULIEN
:Non ! Je ne voudrais pas te perdre, jamais, l’aimerais mieux tâcher de tout oublier et qu’on se retrouve comme avant. Je ne pourrais pas vivre sans toi, moi. Je serais seul au monde.
;COLOMBE
: //le caresse, un peu rêveuse et sincèrement tendre soudain//
:Pauvre petit biquet perdu qui fait toujours peur à tout le monde et qui est plus seul que les autres... Tu es bien brave pourtant. Je ne te ferai jamais de peine, fe serai toujours bien gentille avec toi.
;JULIEN
: //gémit, caressé//
:Mais pourquoi t’appelle-t-il mon petit chat?
;COLOMBE
:Qui, mon chéri?
;JULIEN
:L’imbécile...
;COLOMBE
:Du Bartas?
//Joie dans le couloir. On pousse DU BARTAS qui trouve cela de très mauvais goût, en avant.//
Pauvre DU BARTAS ! Il se croit irrésistible parce qu’il a été beau il y a trente ans. Alors, naturellement il m’a fait la cour, comme aux autres.
;JULIEN
:Il a osé te faire la cour? Mais il pourrait être ton grand-père !
;COLOMBE
:Justement le pauvre! Il ne peut plus faire autre chose, alors il faut bien le laisser parler. là mon petit chat ! Mon petit coco ! Ma petite fille ! I ,r désir plus fort que la mort! Je suis damné! Je ne dot» plus ! Et en fin de compte cela se résume à vous tripota un peu les mains dans les coulisses et puis il rentre chez lui vanné de cet effort, tire son corset, met ses pantoufle» t sa bonne lui fait une tisane et il ronfle jusqu’au lende main matin, avec son fixe-moustaches. Trop heureux d’avoir encore la force de se lever vers midi, de renfiler ses appareils orthopédiques et de venir faire le joli cœur dans les coulisses avec ses grandes guêtres blanches pour qu’on ne voie pas ses oignons. Tu me vois avec cet épouvantail quand je t’ai toi, bien neuf, bien gentil, bien tendre ?
;JULIEN
:Mais qu’est-ce qu’il a osé te proposer, ce
..iteux ?
;COLOMBE
:De venir travailler mon rôle chez lui. Tu penses si j’ai compris tout de suite ! Deux doigts de porto, un biscuit. Tout est marocain ! Tu parles ! Il a deux tapis de l’Exposition et un narghilé en faux cuivre qui ne fonctionne plus - quand on tire sur le tuyau, on avale l’eau du vase. Et son serviteur - Marocain également - c’est toujours son jour de sortie. C’est une vieille Bretonne qui l’a vu naître qui fait le ménage chez lui !
;JULIEN
: //s’écarte, gêné//
:Mais alors, tu as été chez lui ?
;COLOMBE // se trouble//
:Non mon chéri. C’est-à-dire si Mais pas seule ! Avec ~Poète-Chéri pour travailler une scène.
;JULIEN
:Tu vois donc que c’est tout de même vrul ce qu’on m’a écrit. Tu sors avec eux, tu vas les voir chez eux, tu dînes en ville...
;COLOMBE
:Puisque je te dis que j’y ai été avec ~Poète-Chéri. Dans sa voiture !
;JULIEN
: //crie, blessé encore//
:Seule avec lui ?
;COLOMBE
:Mais, mon chéri, il y avait le cocher ! Et puis je l’emmenais pour ne pas être seule avec DU BARTAS. Je ne pouvais tout de même pas en emmener un troi-'lième pour ne pas être seule avec lui non plus !
;JULIEN
:Tu ne te rappelles donc pas la scène d’il y a lieux ans? Cet homme s’est conduit comme un mufle nvec toi. J’ai été obligé de le corriger.
;COLOMBE
:Maintenant il est très poli, je t’assure, i ialant, mais poli.
;JULIEN
: ricane
:Galant, mais poli ! Et tu le flattes, u’est-ce pas? Emile Robinet, de l’Académie française, cela peut donner des rôles un homme comme ça! Pour i e que cela lui coûte, vingt-cinq vers de plus ! Cela coule, comme d’un robinet. Alors on se laisse baiser le poignet en idevant le gant hein? petite madame, on se laisse prendre le bras dans le coupé ou même un peu plus haut. C’est un petit moment à passer. La monnaie des petites filles. Elles n’y regardent pas de trop près quand il y a un petit bout le rôle à la clef. Et tant pis s’il est vieux, s’il est chauve et dicule, s’il fait des petites bulles en parlant sous sa mous-n lie au vernis noir. Saleté! Vilaine petite saleté! Tu l’as lit, je le sais. Tu l’as laissé faire ! Ah ! celui-là, il n’y coupe ims. J’avais déjà commencé il y a deux ans, mais cette fois le vise la figure et je ne le rate pas.
Il se débat, il veut sortir. Panique dans le couloir.
;COLOMBE
: éclate de rire comme une folle, retenant Julien.
;COLOMBE
:Mon chéri. Mon cher petit chéri. C’est trop bête. Mais c’est si drôle!
;JULIEN
:Qu’est-ce qui est drôle? Que j’aie honter Que j’aie mal?
;COLOMBE
://dans son rire//
:Non, les petites bulles I C’est vrai qu’il fait des petites bulles en parlant, ri comme il vous parle toujours de très près, quelquefol» elles éclatent et elles vous mouillent le nez. Il est trop ridicule, il est trop laid ! Tu me vois, mon biquet, tu me vois dans les bras de ~Poète-Chéri? ~Poète-Chéri ayant retiré sa redingote ; ~Poète-Chéri en caleçon ?
Elle rit comme une folle. Peu à peu son rire gagni Julien qui ne sait plus trop où il en est.
;JULIEN
:J’avoue que ~Poète-Chéri en caleçon ccl» loir être un drôle de spectacle !
;COLOMBE
://dans une quinte de rire//
:Tu ne sais pas l| lias beau ! Il a des jarretelles, des jarretelles bleu-ciel, qu* sa femme lui a brodées !
Elle s ’arrête soudain, épouvantée. Julien s ’est arritè de rire aussi.
;JULIEN
:Qui te l’a dit?
;COLOMBE
: soupire d’une petite voix
:Mais c’est connu, mon chéri !
;JULIEN
:Qui te l’a dit?
;COLOMBE
://dans un souffle; elle se demande où cela va la mener//
:Desfoumettes.
;JULIEN
: hurle
:Desfoumettes? Tu as des conversations de ce genre avec Desfoumettes ? Des conversation « sur les caleçons de ~Poète-Chéri ? Où ? Quand as-tu parlé à Desfoumettes ?
;COLOMBE
:Je vais t’expliquer, mon chéri...
;JULIEN
:Tu n’es pas montée dans son bureau tout ¦le même? Tu n’as pas été t’asseoir sur le sale petit divan vert, plein de taches, où il les fait payer comptant, toutes, pour jouer chez lui ?
;COLOMBE
:Non ! Ou plutôt si, une fois. Attends ! lu ne me laisses pas t’expliquer! Quand j’ai signé mon contrat.
//Elle se décide soudain.//
Hé bien oui ! Tiens c’est vrai. C’est un dégoûtant personnage. Je ne voulais pas te le dire, mais tant pis ! Je le l’abandonne celui-là. Il a essayé oui, il a essayé comme aux autres. Je me suis défendue, tu sais, je l’ai giflé ; je lui ni dit qu’il était vieux, qu’il était laid. Alors, comme il a i ru que je lui préférais l’autre, dans un moment de jalousie c’est là qu’il m’a dit pour les caleçons. Tu vois mon i liéri que c’est vrai tout ce que je te dis !
;JULIEN
: //la gifle soudain, criant//
:Putain ! Sale petite putain comme les autres ! J’aurai sa peau à celui-là !
;COLOMBE
:// est tombée évanouie avec un grand cri. Julien se jette sur la porte. Madame Alexandra, en grand costume de maréchale, qui était sortie de sa loge pour écouter avec les autres, écarte tout le monde et quand Julien ouvre la porte, c’est devant elle qu’il se trouve. Mme Georges s’est glissée dans la loge comme une souris pour s ’occuper de Colombe.//
;MADAME ALEXANDRA
://clame terrible//
:Alors ?
;JULIEN
:Laissez-moi passer! Je cherche Desfournettes.
;MADAME ALEXANDRA
://lui barre le passage//
:Alors il Inudra toujours que tu « emmardes » tout le monde ? que ni cries, que tu fasses du scandale partout? J’ai eu pitié de toi. J’ai pris ta femme ici. Tu ne peux pas nous foutu la paix maintenant ?
;JULIEN
:C’est vous. C’est vous tous qui lui aviv appris à devenir ce qu’elle est. C’est toi avec tes sourire» de maquerelle sur ta vieille peau, tes vieilles histoire» d’amour puantes. Elle était pure, elle était propre comme un petit sou. Vous l’avez touchée. Vous l’avez tous tou chée ! Je vous hais tous !
;MADAME ALEXANDRA
://tonne//
:Je suis ta mère ! Tais-toi I
;JULIEN
://sourdement//
:Ma mère oui. Tu es ma mère Tu es malheureusement ma mère.
;MADAME ALEXANDRA
:Tu crois que c’est plus drôle pour moi? De l’argent, de l’argent toujours; des tracti», des scènes idiotes, comme ton père. Laisse-la tranquille cette petite. Elle s’amuse, elle vit un peu. Et après ? Qu’est-ce que vous croyez donc que c’est la vie, ton imbécile de père et toi? De vous adorer comme de» dieux parce que vous avez eu le bon goût de nous chol sir? Les femmes, mon petit, cela se garde quand on fait quelque chose pour les garder, sinon cela se perd.
://Elle crie à La Surette//
:Allez, sonne, toi ! Et faites descendre la petite en scène, évanouie ou pas. Ils vont finir par nous casser le» fauteuils en bas, à cause de ce petit crétin-là !
://Sur ces mots, elle fait une sortie empanachée, scclll dant son pas de sa grande canne enrubannée. ( >u s ’écarte pour la laisser passer, on la suit tandis que lu sonnette sonne et que La Surette glapit.//
;LA SURETTE
:En scène pour le un ! En scène pour le un !
://A ces mots, Colombe est revenue miraculeusement à elle. Elle va à la glace et demande.//
;COLOMBE
:Je ne suis pas trop décoiffée?
;MADAME GEORGES
:Non. Ça va mon petit ange. Venez vite. Je vous mettrai votre robe en bas.
Tout le monde est sorti, laissant toutes les portes ouvertes. Julien est resté seul, désemparé, dans la loge déserte. En bas, on entend frapper les trois coups et l’orchestre qui attaque l’ouverture de la Maréchale d’Amour.
Au bout d’un moment paraît Armand. Il s’avance allègrement sur la musique jusqu ’à la loge de Colombe, un petit bouquet à la main. Il entre et s’arrête surpris, voyant Julien, ne sachant plus que faire de son bouquet.
;JULIEN
: le regarde et dit soudain sourdement
:C’est toi.
;ARMAND
:Oui, c’est moi. Tu as une permission déjà ?
;JULIEN
://dans un cri de douleur cette fois//
:C’est toi ! C’est sûrement toi.
;ARMAND
:Je ne te comprends pas, tu as l’air tout drôle. Je croyais que cela t’aurait fait plaisir de me revoir.
Il ajoute timidement :
Tu as bonne mine. julien crie
:Oui. J’ai bonne mine ! armand
:Ce n’est pas trop dur? julien crie encore
:Si !
;ARMAND
: essaye de badiner encore
:Les pieds vont ! bien? Quand le pied va, tout va. L’Armée française est I invincible.
Il essaie de rire et s’arrête devant le regard de Julien.
;JULIEN
:Tu as envie de rire, toi?
;ARMAND
://angoissé soudain//
:Non.
Un silence. Ils sont l’un en face de l’autre. Julien murtnure :
;JULIEN
:Pourquoi? Et pourquoi toi?
;ARMAND
://doucement, après un silence//
:Qu’est-ce que tu veux mon vieux, la facilité, l’entraînement... Tu sais ce que c’est !
;JULIEN
: hurle
:Non, je ne sais pas ce que c’est ! Je ne saurai jamais ce que c’est !
;ARMAND
: baisse la tête
:Bien sûr. Tu vaux mieux que moi. Tu as toujours valu mieux que moi. Tu te défen-lais, toi ; tu étais déjà un petit homme. Moi je n’ai jamall ¦ U que traîner dans les jupes des dames dans les coulisse», à après celles de maman, cela a été celles des autre», .’oilà tout. Et ce qui fait plaisir tout de suite. Le suer# d’orge qui sent le parfum du sac, la caresse, le baiser au fard gras sur la joue. En grandissant j’ai continué. Je sul» un beau petit cochon, Julien.
;JULIEN
:Oui.
;ARMAND
:Qu’est-ce que tu vas faire ?
;JULIEN
: ne bouge pas. Il crie :
Bats-moi. Bats-moi, j’aime mieux ça. Tu aurais dû le faire plus souvent quand nous étions petits, tu m’aurai» rendu service.
;JULIEN
: murmure, assommé
:Non, pas toi. Je voudrai» seulement comprendre.
;ARMAND
:Qu’est-ce que tu veux comprendre à no» petites histoires? C’est pas pour toi nos histoires, no» petites saletés d’hommes et de femmes. Tu auras beau chercher, tu n’y comprendras jamais rien, mon pauvre petit gars. Ah ! c’est trop bête de devenir grands ! C’est trop sale tout de suite. J’aimerais mieux que tu me battes, cela simplifierait tout. Bats-moi, Julien, je t’en supplie. Tu vois, je suis lâche; je ne peux pas résister à ce qui me fait plaisir, mais je m’étais dit : tu paieras mon vieux, lulien te battra, il t’enfoncera les côtes et la figure et cela te fera mal. C’est tout le petit courage que j’ai eu. Ne me l’enlève pas. Allez ! bats-moi.
;JULIEN
: crie, les poings fermés
:Non.
;ARMAND
: éclate soudain
:Ah ! la garce. La sale petite garce !
;JULIEN
://sourdement//
:Tais-toi.
Armand
:Pourquoi? Tu crois que c’est propre ce qu’elle a fait? Moi je suis faible, c’est entendu. Quand quelque chose me fait plaisir: claquer de l’argent au poker, boire un verre de trop, lever une jupe; j’ai beau me dire non, c’est plus fort que moi, je me dis oui. Mais elle ! Tu l’aimais, elle, et elle le savait que tu l’aimais. Tu ne peux pas dire le contraire.
;JULIEN
://qui fait des efforts terribles//
:Tais-toi, je t’en .upplie.
;ARMAND
:Elle avait ton amour, elle avait quelque hose de solide, elle, cette petite saleté-là. Et le premier imbécile qui rit un peu avec elle, qui lui fait un peu la cour, voilà ! Tout de suite ! Enfin, tu ne trouves pas que c’est dégoûtant? Toutes les mêmes, mon vieux. Pourvu qu’on leur parle un peu d’elles, que ça leur fasse un peu de plaisir : c’est oui. Et si ce n’est pas pour le plaisir, c’est pour un petit costume noisette ou pour un petit rôle. Pourvu que ça leur rapporte quelque chose. C’est si facile ; ça ne leur coûte rien. Elles ne pensent qu’à elles,
J ulien, je te le jure : à leur précieux petit moi en sucre el il ses petites impressions. Nous, on n’est rien. On est scii lement là pour les faire rire, pour qu’elles aient leur pet il spasme ou leur petit rêve. Voilà tout. Ah ! tu en as de lu veine, toi mon vieux, de ne pas être l’esclave de tout cela I julien murmure
:Et lâche en plus ! Regarde-moi. Armand
:Non. J’ai honte. julien
:Regarde-moi tout de suite. Je le veux. armand se détourne
:Bats-moi si tu veux, mais je nr te regarderai pas.
;JULIEN
: lui relève la tête de force
:Si, tu me regarderait I
Il le regardé,
Tu n’es même pas beau. Un petit nez droit, oui. Mul»
- ne peut pourtant pas être parce que ce cartilage entre ni le autres est plus ou moins grand, plus ou moin» droit! Une petite bouche de fille, mais si veule... De» yeux d’ivrogne et l’usure de ton petit plaisir hâtif déjût partout sur ton visage. Un petit vieux, un petit vieux de vingt ans.
;ARMAND
: se détourne
:Tu as beau jeu, Julien. Si lu crois que je suis fier de moi. Seulement, toi tu vis dans te» rêves. Tu ne sais pas ce que c’est que la vie ! julien
:Je suis en train de l’apprendre.
Armand essaie de redevenir désinvolte
:Tu ferui» mieux de retourner d’où tu viens, de nous oublier tou», Au fond, tu es fait pour être militaire, toi !
;JULIEN
://qui le tient toujours//
:Et même pas drôle ! Car tu n’es pas drôle. Tes petits mots cyniques, ce sont ce il» qui courent les bars et les petits journaux. Tu ne sal» même pas rire. Tu ricanes. Rien ne t’a vraiment jamui» touché.
;ARMAND
:Tu te trompes, j’ai un cœur comme les autres. Seulement...
;JULIEN
:Seulement tu ne t’en es jamais servi. Si tu étais élégant encore... Si tu avais pu l’éblouir avec ça. Mais tu t’habilles comme un jockey. Tu pues le mauvais goût de partout avec tes bagues, tes cravates trop claires.
Il crie :
Mais pourquoi, alors, pourquoi ?
;ARMAND
: crie, sincère
:C’est vrai, pourquoi? Va y comprendre quelque chose avec elles !
;JULIEN
: crie comme un fou soudain
:Je veux savoir ! je veux savoir tout de suite ! Embrasse-moi.
;ARMAND
: tombe dans ses bras, les larmes aux yeux. C’est vrai Julien? Tu veux bien me pardonner? julien l’enlace, brutal
:Pas comme cela imbécile ! Comme elle ! Sur la bouche !
;ARMAND
: essaie de se dégager
:Tu es fou Julien? Iiche-moi. Tu es fou voyons, je ne peux pas !
;JULIEN
: crie, luttant avec lui
:Embrasse-moi. Hmbrasse-moi tout de suite comme elle ! Je veux comprendre ce que cela lui a fait. Je veux comprendre pour ne pas devenir fou.
;ARMAND
: se débattant
:Mais c’est idiot ! Mais c’est grotesque! De quoi avons-nous l’air tous les deux? 1 iche-moi, Julien, ou j’appelle !
;JULIEN
: lui tient le cou
:Embrasse-moi, petit saligaud, embrasse-moi comme elle ou je t’étrangle !
;ARMAND
://étranglé//
:Ne serre pas ! Tu me fais mal ! Je ne peux pas !
;JULIEN
:Tu as bien pu déjà ! Je peux bien moi ! Figure-toi que c’est elle ! Allez !
Il l’a plaqué contre lui,
Armand se débat encore
:Non ! Non ! C’est trop bête ! Oh !
;JULIEN
: l’a plaqué contre sa bouche une seconde, puis il le repousse brutalement. Armand, ridicule, dépeigné, haletant, va s ’écrouler sur le fauteuil. Julien est immobile. Il cherche, le visage torturé. Soudain il s’essuie la bouche d’un revers de main dégoûté et s’écrie, désemparé et cocasse.
;JULIEN
:Je ne comprends pas !
{{center{LE RIDEAU TOMBE RAPIDEMENT.}}}
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+++*[QUATRIÈME ACTE]
!!QUATRIÈME ACTE
Le rideau se relève sur la scène, pendant la fin de la représentation de La Maréchale d’Amour. Un décor Louis XV vu en 1900. Un salon avec une large ouverture sur la terrasse d’un parc lunaire. En scène : Madame Alexandra et DU BARTAS.
;MADAME ALEXANDRA
Ah ! Je me suis trop tue et je t’ai trop aimé !
Viens, ô mon bel amant, entre mes bras pâmé.
J’ai vingt ans comme toi ! Et maintenant j’acquiesce...
;DU BARTAS
Maréchale, est-ce vous ?
;MADAME ALEXANDRA
Oui, je suis ta maîtresse. Mon jeune amour s’accorde aux langueurs de ce soir... Tu vois, je n’osais pas... Et j’ose !... Tu vas voir Comme je peux aimer en m’étant tant gardée. L’orgueilleuse pudeur m’avait barricadée Dans une cage d’or où mon cœur se mourait.
Mais ce soir j’ai forcé la porte... Et il paraît Que celles qui longtemps ont retenu leur flamme Sont celles qui après brûlent le plus.
;DU BARTAS, à genoux.
Mon âme !
;MADAME ALEXANDRA
://avec un grand geste de pudeur vaincue.//
:Je le fus ! Mais ce soir oublie jusqu’à mon nom.
:Ce soir, je ne veux plus être que le limon
:Que pétrira et fouillera ta main brûlante
:De la chair pour ta chair. Ta chose !
;DU BARTAS
://se relève, péniblement d’ailleurs, et la serre comme un fou contre lui.//
:Oh mon amante !
:Tu es à moi ! Instants divins !
;MADAME ALEXANDRA
Moments trop doux ! Dussions-nous les payer de la vie !
;DU BARTAS //se réagenouille péniblement//.
:A genoux !
:Je veux te remercier du don dont tu me combles.
;MADAME ALEXANDRA
://crie, soudain effrayée.//
:Relevez-vous, ami, le voici !
//Suivi de deux porteurs de torches, paraît La Surette qui double ce soir le maréchal de Villardieu. Granit cordon, perruque, tricorne empanaché, bottes de chasse et fouet à la main. Colombe est entrée, effrayée, par une autre porte et se tiendra près de Madame Alexandra.//
LA SURETTE
:C’est un comble !
:Monsieur de Mortemart et ma femme ! A genoux !
;MADAME ALEXANDRA
://racinienne. Monsieur le maréchal, je l’aime !//
:la SURETTE, //grand et redoutable.//
:Mon courroux,
:De ce jeune imprudent pourrait trancher la vie !
;DU BARTAS, //la main sur la garde.//
:A vos ordres, Monsieur le maréchal !...
;LA SURETTE //a un sourire très Régence et très noble en même temps.//
:J’envie
:L’impétueuse ardeur de ce jeune officier !
:Le service du roi, Monsieur, veut que l’acier
:Que porte à son côté un Maréchal de France
:Ne puisse lui servir à venger une offense.
:Monsieur de Mortemart, apprenez-le de moi
:Nos épées aujourd’hui appartiennent au roi ;
J’arrive de Versailles, en crevant ma monture
:La guerre est déclarée !
;DU BARTAS
//se redresse, criant, la main sur l’épée.//
:La guerre ?
;LA SURETTE
:L’aventure,
:Mon jeune aventurier, n’est plus dans les boudoirs
:Les dames et l’amour seront pour d’autres soirs
:-Hile est aux bords du Rhin pour défendre la France !
;DU BARTAS
://tire son épée et murmure religieusement.// La France !
://Trompette au loin.//
;LA SURETTE
Oui Monsieur, et ce nom-là, je pense,
:Est un nom que tous deux nous pouvons adorer
:Sans crainte de jamais nous entre-déchirer.
;DU BARTAS
:Monsieur le maréchal, tant de noblesse...
LA SURETTE //ne veut même pas l’écouter et se retourne vers Madame Alexandra, de plus en plus noble.//
Armance !
Ne lui en veuillez pas s’il préfère la France.
Ce jeune homme a du cœur. Il vient de le prouver.
;MADAME ALEXANDRA
://brisée, mais noble elle aussi.//
:C’est bien, partez tous deux et laissez-moi pleurer.
:On ne dispute pas une telle maîtresse
:A des cœurs valeureux !
;LA SURETTE, //soudain très humain.//
:Je sais votre détresse.
:Je souffre aussi Madame, et vous aimais.
:Pourtant Adieu ! Venez Monsieur !
;DU BARTAS,
//dans un grand geste résigné, à Madame Alexandra//. Adieu !
//Il sort, suivant La Surette dans des sonneries dp trompettes, les deux porteurs de torches fermant lu marche. Madame Alexandra tombe dans les bras de Colombe en sanglotant.//
;MADAME ALEXANDRA
Mon bel amant !
;COLOMBE
://essayant de la consoler.//
Madame, il reviendra et vous sera fidèle.
;MADAME ALEXANDRA
://rêve un peu, ses sanglots apaisés et murmure, infiniment féminine.//
:Lui peut-être. Mais moi ?
;COLOMBE
://surprise.//
Vous?
;MADAME ALEXANDRA
://alanguie.//
:Je suis jeune et belle.
:D’autres viendront ce soir pour me baiser la main...
:Et c’est folie de remettre Éros à demain.
:Pour ce petit Dieu, hélas ! - fut-il le plus tendre -
:Les femmes peuvent bien mourir - mais pas attendre.
:On entend les musiciens dans le parc jouer un menuet.
;MADAME ALEXANDRA
:Clorinde, allons danser : déjà les clavecins
:Ont commencé des menuets près des bassins.
Les bosquets dans le parc ombreux sont pleins de masques
:Et je suis femme ! Et j’ai vingt ans ! Et suis fantasque !
:Viens, allons toutes deux jusqu’aux lueurs du jour
:Oublier mon amour dans les bras de l’Amour!...
://Tandis que la musique s’affirme en coulisse et que des farandoles de masques passent au fond, elles sortent en courant, aussi vite que l’âge le permet à Madame Alexandra. Rideau. Applaudissements frénétiques. Le rideau se relève, tout le monde est rentré en scène pour saluer. Madame Alexandra et DU BARTAS se font des politesses... Nombreux rappels. Madame Alexandra finit par céder à DU BARTAS suivant un scénario minutieusement mis au point et vient saluer seule à la rampe. On lui apporte une gerbe. Elle est trop émue de l’accueil du public, elle est au bord des larmes, elle ne peut plus que s’incliner, brisée par l’émotion et l’effort que fournissent tous les grands artistes qui se dépensent comme elle, sans compter, pour leur dieu. Reconnaissance réciproque. Le rideau, enfin, ne retombe plus et les personnages changent aussitôt d’attitude. L’éclairage change. Madame Alexandra projette la gerbe de son cœur dans les bras de Mme Georges qui a surgi sur le plateau, lui apportant sa canne, sa vraie, car elle a des rhumatismes. Elle s’éloigne boitant, vieillie. DU BARTAS enlève sa perruque, et proclame en sortant.//
;DU BARTAS
:Ils étaient durs ce soir, ces cochons-là !
://Tandis que La Surette, toujours en maréchal de Villardieu, embarrassé de sa rapière et de son tricorne,
aide tout bonnement l’accessoiriste qui commence il débarrasser le décor.//
://JULIEN a surgi d’un portant, il arrête Colombe. Peu dont leur scène, les lumières vont s’éteindre et les machi nistes vont démonter et faire disparaître le décor derrière eux, jusqu ’à ce qu ’ils soient seuls dans la pénombre, sur le plateau nu.//
;JULIEN
:Colombe, j’ai marché tout ce soir dans les rues... Maintenant il faut que je te parle.
;COLOMBE
: fait un pas
:Je dois monter me déshabiller.
;JULIEN
: lui barre la route
:Non, pas là-haut. Je ne eux plus les voir. J’ai honte.
;COLOMBE
:Bien, je t’écoute.
;JULIEN
:J’ai parlé avec Armand.
;COLOMBE
://fermée//
:Oui.
;JULIEN
:Il m’a tout avoué. Tu l’as revu depuis?
;COLOMBE
:Oui.
;JULIEN
:Tu penses bien que cela a été encore pluH dur pour moi que ce soit lui.
;COLOMBE
://d’une petite voix unie//
:Bien sûr. Je te demande pardon. Julien. On aurait bien voulu ne pas te faire de peine tous les deux. On t’aime bien, tu sais.
;JULIEN
:Depuis que nous sommes petits garçons il m’a toujours tout volé, sans que je puisse lui en vouloir vraiment... Parce qu’il était toujours le plus petit, le plus faible. Les jouets, les caresses... Alors voilà. Je pense que vous étiez bien jeunes tous les deux; bien légers et puis que je t’avais laissée seule. Je pense aussi que je t’ul beaucoup grondée comme un maître d’école, en essayant de te rendre comme j’aimais et que j’ai dû t’ennuyer souvent.
;COLOMBE
://impénétrable//
:Oui.
;JULIEN
:En marchant dans les rues je t’ai parlé tout ce soir, tout haut. Je t’ai tout expliqué. Les gens me regardaient, ils devaient croire que j’étais fou. Je les heurtais, je leur demandais bien poliment pardon et je continuais. C’est drôle : on peut très bien marcher, sourire, traverser les rues et être mort. Je suis déjà mort.
Un silence, il ajoute :
Et il faut croire que cela rend indulgent d’être mort. J’ai décidé d’essayer de te pardonner. Je voudrais seulement comprendre avant.
;COLOMBE
: l’a écouté bien patiemment. Elle dit soudain tout tranquillement.
;COLOMBE
:Cela va être long de s’expliquer, mon petit biquet. Et j’ai peur d’être en retard. Tu ne veux pas que nous remontions dans la loge et que je commence à me déshabiller pendant que tu me parles ?
;JULIEN
: crie
:Tu ne penses qu’à te déshabiller ! En retard, pourquoi ?
;COLOMBE
://tranquille//
:Pour ce souper dont je t’ai parlé.
;JULIEN
: ne veut pas la croire
:Mais tu ne songes pas sérieusement à aller à ce souper après ce qui s’est passé ? Je repars demain.
;COLOMBE
:Je t’ai dit que c’était très important pour moi.
;JULIEN
:Colombe ! Tu es folle...
;COLOMBE
:C’est toi qui es fou de ne pas comprendre. Pourquoi ce caprice? Nous pouvons très bien parler là-haut pendant que je me déshabille. Ils m’attendent dans leur voiture devant le théâtre après la représentation.
;JULIEN
: la retourne brutalement
:Regarde-moi Colombe! Tu joues en ce moment. Tu feins l’indiffé rente parce que tu as peur de cette explication.
;COLOMBE
:Mais non, mon chéri Je suis toute prêle à te répondre. Je te demande seulement de me laisser me déshabiller en même temps, parce que j’ai peur d’être en retard. C’est pourtant bien simple.
;JULIEN
:Tu aurais la force de me laisser ce soir sann essayer de laver ce qu’il y a entre nous, d’aller rire avec d’autres hommes?
;COLOMBE
:Mais je n’y vais pas pour rire ! Si tu croin qu’on s’amuse chez «Maxim’s»! Je pense à mon avenir,
voilà tout.
;JULIEN
: crie, désemparé
:Colombe je n’ai pas rêvél "aimais pas me laisser souffrir autrefois. Quand nouN . ions une dispute, tu essayais de me consoler après.
;COLOMBE
:Mais je veux te consoler Julien! Je ne demande que cela. Seulement, toi, sois raisonnable de ton côté, ne me fais pas mettre en retard. J
;JULIEN
: crie encore
:Ce n’est pas vrai ! Tu ne peux pas avoir cessé comme cela de m’aimer !
;COLOMBE
://transparente//
:Qui te dit que je ne t’aime pas, biquet ?
;JULIEN
:Cette blessure entre nous, elle saigne, elle va s’infecter, suppurer - nous tuer tous les deux peut-être - il faut la soigner tout de suite, Colombe, il faut essayer de pouvoir encore se réveiller demain. Tu as été légère, tu as été folle, mais tu es ma femme... Nous avons tous ce» jours propres derrière nous, tout ce que nous avonN espéré ensemble. <1>
<1> dit presque honteusement !
Nous avons le petit, Colombe.
;COLOMBE
: s’exclame, agacée
:J’en étais sûre que tu me parlerais du petit pour m’attendrir! Oh! c’est trop lâche !
;JULIEN
: balbutie
:Pourquoi est-ce lâche ?
;COLOMBE
: dit soudain
:C’est mon fils, je l’aime, je le soigne et il ne manquera jamais de rien. Ni de baisers, ni de jouets, je te le jure. Mais ce n’est pas toi !
;JULIEN
:Comment, ce n’est pas moi?
;COLOMBE
:Non ! Cela n’a même aucun rapport. C’est trop facile de vous attendrir en vous parlant de votre petit. Il est dans son berceau en ce moment, au chaud, il dort, bien tranquille et quelqu’un que je paie avec l’argent que je gagne, le garde. Et demain matin, c’est moi qui l’éveillerai et qui lui donnerai sa bouillie. Cela lui est bien égal, nos histoires, je t’assure. Et quand il sera grand, je lui expliquerai que tu m’as rendue malheureuse, que je m’ennuyais trop et qu’un jour je n’ai plus pu tenir.
;JULIEN
:Je t’ai rendue malheureuse, moi?
;COLOMBE
:Oui.
;JULIEN
:Je t’ai tout donné...
;COLOMBE
:Qu’est-ce que tu m’as donné? Tout ce que tu aimais, toi. C’est tout. Tu aimais la solitude, alors nous ne sortions jamais. Tu disais : « Comme on est bien, serrés l’un contre l’autre dans notre petite chambre, sans voir personne. » Moi j’étais si jeune, si bête, et puis, tu in’avais tellement expliqué ce qui était bien, ce qui était mal, j’embrouillais tout, je te disais oui. Mais j’aurais préféré aller danser !
;JULIEN
:Mais nous avons été danser...
;COLOMBE
:Deux fois, en deux ans. Et tu danses mal! Et quand les autres m’invitaient, tu m’obligeais h leur dire non.
;JULIEN
:Tu m’aimais Colombe, c’était toul naturel...
;COLOMBE
:Oui je t’aimais, mais j’aimais danser, aussi ! Et au lieu d’écouter tes discours sur la morale cl l’imbécillité des gens, j’aurais préféré que les autres me fassent tourner en me disant des bêtises, des bêtises qui m’auraient fait rire, au moins. Car moi j’étais bête comme eux. C’est entendu, toi tu étais un être supérieur, tu étais très intelligent. Mais si tu crois que cela sert il • rand-chose pour une femme, l’intelligence ! Dans Ion livres peut-être... Quoique tous les livres que tu me forais à lire m’ennuyaient. Ce n’est pas des histoires mime cela que j’aime moi, et il fallait que je fasse sem-ant de me pâmer... Dans la vie en tout cas, j’aime mieux les idiots, j’aime mieux les voyous. Au moins üh sont drôles. Et ils vivent, eux !
;JULIEN
:Mais nous vivions nous aussi. Rappelle-toi les soirs où je jouais pour toi. Tu aimais bien m’écouter. C’est cela aussi, vivre...
;COLOMBE
:Tu n’aimais pas les mêmes morceaux que moi. Et il fallait que j’écoute les tiens. Ah ! ton Mozart, ton Beethoven!... Et quand il y avait un accordéon qui jouait un des airs que j’aime, dans les rues, tu fermais les fenêtres, tu étais furieux...
;JULIEN
:Je voulais te faire aimer ce qui est beau..,
;COLOMBE
:Pourquoi est-ce toi qui aurais su ce qui était beau ? Ce qui est beau, c’est ce qu’on aime ! Et mol j’aimais les chansons des rues, les bals musette, les jolien robes et les bouquets de fleurs. Mais tu ne m’achetai» jamais rien.
;JULIEN
:Nous n’avions pas d’argent.
;COLOMBE
:Tu ne voulais pas te débrouiller pour en gagner. Cela te dégoûtait. Il fallait préserver ton art avant tout. Pour que tu deviennes un grand pianiste. Alors moi, pour que tu deviennes un grand pianiste, je faisais la vaisselle et la lessive toute seule à longueur de journée. Et si j’avais continué, au nom de notre grand amour, quand tu l’aurais été enfin, grand pianiste, quand on t’aurait couvert de fleurs, toi, le soir de ton premier concert, j’en aurais eu, moi, de jolies mains à montrer? Il est vrai que tu m’aurais peut-être, enfin, acheté des gants, pour les cacher, ce soir-là. Mes premiers gants sans trous !
;JULIEN
:C’est affreux ! Tais-toi maintenant.
;COLOMBE
:Oui c’est affreux, mais c’est fini. Je m’occupe de moi maintenant, je vis comme j’aime. Je ris avec qui je veux des bêtises qui me font rire, sans me demander si elles te font rire aussi ou si tu me regardes dans mon dos ou si tu ne vas pas te mettre à bouder en rentrant à la maison.
;JULIEN
:Si je boudais, c’est que je t’aimais et que tu m’avais fait de la peine en riant avec les autres./%
!!monologue
%/{{outline{
;COLOMBE
:Hé bien! je ne te ferai plus de peine... Quel soulagement ! Les avons-nous assez portées tes peines, tes étemelles peines, pour tout... Ah! c’est beau d’être sensible ; je ne suis pas une brute. Au théâtre, cela me fait pleurer comme les autres, mais dans la vie, mon pauvre biquet, comme cela peut être encombrant!
:Tu veux que je te dise tout? Depuis que tu es parti, je suis heureuse. Je me réveille, il fait soleil, j’ouvre mes pensionnes et il n’y a rien de tragique dans la rue, pour la première fois. Le rempailleur de chaises qui est au coin du Crédit Lyonnais me crie: «Bonjour Beauté! Je t’adore!» Et je lui réponds: «Bonjour!» et ce n’est pan un drame pour toute la matinée de lui avoir répondu. El si le facteur sonne et que je lui ouvre en chemise, ce n’est pas un drame non plus. Je ne suis pas une femme perdue, figure-toi ! nous sommes une fille et un facteur contents l’un de l’autre, voilà tout : lui, que je sois en chemise et moi d’y être et que cela ait l’air de lui faire plaisir. El il repart tout guilleret parce qu’il se figure qu’il a vu quelque chose et qu’il aime mieux ça qu’un verre de vin, cet homme, et moi je suis contente d’être belle, enfin, sans honte et je fais mon ménage en dansant, en chemise, et je me lave toute nue dans ma cuisine, la fenêtre ouverte. Et tant pis si le monsieur d’en face prend ses anelles; c’est un plaisir que le bon Dieu nous donne à tous les deux, voilà tout ; ce n’est pas pour cela que je suis une fille damnée et que je dois pleurer deux heures avec toi et te consoler.
:Ah mon pauvre biquet ! tu ne le saura sans doute jamais, mais si tu pouvais te douter comme c’est facile, la vie - sans toi ! Comme c’est bon d’être sol enfin, telle que le bon Dieu vous a faite !
}}}
;JULIEN
:Mais j’étais jaloux parce que je t’aimais ! SI un autre homme t’aime, il sera jaloux comme moi.
;COLOMBE
:Non. Ou alors cela me fera rire et la vie n’en sera pas plus triste pour cela.
;JULIEN
:Armand ne t’aime pas ! Tu le sais bien !
;COLOMBE
{{outline{:Je sais qu’il m’aime comme je veux qu’on m’aime, et cela me suffit. En riant avec moi, en me disant que je suis belle, en me faisant des petits plaisirs et des petits cadeaux, en s’occupant de moi.
}}}
;JULIEN
:Moi! Moi! Tu ne sais plus dire que ce mot-là.
;COLOMBE
:Oui, mon petit biquet, j’ai appris. Et tu tombes de haut parce qu’avant il n’y avait que toi qui le disais.
;JULIEN
: crie
:Mais j’ai mal Colombe !
;COLOMBE
:. — Oui, Julien, c’est bien triste. Mais j’ai eu mal, moi aussi.
;JULIEN
:Le mal que je te faisais sans le savoir: ces gronderies, ces reproches, c’était mon amour pour toi.
;COLOMBE
://fermée//
:Non, Julien, pour toi-même.
;JULIEN
:C’est trop bête ce que tu dis !
;COLOMBE
{{outline{
:Celle que tu aimais, celle que tu essayais que je sois, tu l’avais imaginée tout seul. Ce n’était pas moi. Je veux qu’on m’aime, moi, maintenant, avec mes petites qualités et mes défauts. Je veux que cela fasse plaisir à quelqu’un de m’aimer. Toi, je ne t’ai jamais fait plaisir, et tu ne comprendras jamais rien aux femmes, mais c’est tout ce qu’elles savent faire sur la terre : plaisir. Il ne faut pas leur enlever ça. Maintenant je vais être en retard, Julien. Nous avons tout dit. Laisse-moi monter me déshabiller.
}}}
;JULIEN
: la retient par le poignet
:Non !
;COLOMBE
:. — Lâche-moi.
;JULIEN
:Non.
;COLOMBE
:Brute ! Sale brute ! Tu me fais mal. Tu peux cela, encore, me brutaliser. Tu es le plus fort. Me gifler comme tu l’as déjà fait une fois, tu crois que je l’oublierai jamais? Je n’oublie rien, moi. Allons ne t’en prive pas, gifle-moi, encore ! Tu es le plus fort.
Pendant qu’ils parlaient, on a enlevé tout le décor et les meubles un à un autour d’eux, sauf le canapé sur lequel ils sont tombés en luttant. Les machinistes s’approchent.
;COLOMBE
: sursaute indignée
:Pourquoi? Cela ne lr regardait pas ! Qu’est-ce que tu imagines mon pauvre biquet? Armand n’a pas de droits sur moi. Il ne manque rait plus que ça ! Nous sommes amis, bon ; nous no un plaisons, bon... Mais toi tu revenais de la guerre, ou prcit que... J’aurais voulu voir qu’il ose dire quelque chose 1 Apprends que je ne lui ai jamais permis de me dire du mal de toi. Tu peux le lui demander, si tu veux, si une seule fois j’ai permis qu’il se moque. Pour qui me prends tu tout de même ?
Un silence. Julien, abasourdi, n’ose plus rien demander.
;COLOMBE //demande doucement: //
Mon biquet, tu veux bien que j’aille m’habiller main-niant? Ils doivent commencer à s’impatienter dans lu voiture. Je te promets que je ne resterai pas longtemps chez « Maxim’s » et que je viendrai te rejoindre très vile.
;JULIEN
: demande, comme pour lui
:Nous nous sommes pourtant aimés vraiment, de cette façon-là, Colombe, tous les deux ?
;COLOMBE
:Oui, biquet.
;JULIEN
:J’ai un peu honte de te demander... Tu ne faisais pas semblant ?
;COLOMBE
:Non, biquet. Jamais.
;JULIEN
:Pourquoi alors, pourquoi? Je ne peux pas arriver à comprendre. Je ne suis pas parti si longtemps. Ce n’est pas comme pendant les guerres, quand les femmes finissent par n’en plus pouvoir d’être seules cl qu’elles cèdent, un soir, sans plus trop savoir ce qu’elle» font, au premier venu... Tu n’étais pas obligée... Tu aimes Armand davantage que moi, de cette façon ?
;COLOMBE
:Non, biquet.
;JULIEN
: demande, humble
:Mais autant que moi, tout de même?...
;COLOMBE
:Si tu crois que je fais des comparaisons ! Vous êtes drôles les hommes: on dirait qu’il n’y a que cela qui compte. Vous êtes des maniaques. Je n’allais pas sortir avec Armand, tout de même, lui laisser me faire la cour, s’occuper de moi toute la journée et lui dire non ?
Il faut faire un effort pour comprendre, aussi !
;JULIEN
: crie, douloureux
:Mais je le fais! Je ne fais que cela...
;COLOMBE
:Un effort pour comprendre comme nous, pas toujours comme vous !
;JULIEN
:Alors, si j’étais resté là, si je ne m’étais aperçu de rien, tu aurais partagé entre nous ? Oh ! j’ai irop honte...
;COLOMBE
: répète, agacée
:Si !... Si !... Je ne vis pas avec des «si» moi! Si tu étais resté, j’aurais vu ce que j’aurais fait. Mais tu n’étais pas là. C’est ta faute aussi ! N’accuse pas toujours les autres, tu n’avais qu’à ne pas me laisser seule...
;JULIEN
:Il fallait bien que je sois soldat comme tout le monde, un jour ou l’autre...
;COLOMBE
:Tu n’avais qu’à te faire réformer si tu m’aimais ! On te l’a proposé et tu n’as pas voulu. C’est ce jour-là que j’ai compris que tu ne pensais qu’à toi et qu’il fallait que je pense à moi, moi toute seule, si je voulais que quelqu’un y pense !
;JULIEN
: dit soudain doucement
:Pauvre petite Colombe...
;COLOMBE
: //s’attendrit immédiatement sur elle//
:Oui pauvre petite Colombe. Si tu crois que c’est gai pour une femme tout cela ! Si tu crois que cela rend joli, île souffrir... Ah ! je vais être belle tout à l’heure, c’est malin !
;JULIEN
:Pauvre petite Colombe de deux sous... Tu ne penses qu’à ton rendez-vous... Je t’aimais, moi, comme un petit garçon aime sa mère, comme un pci il garçon aime un autre petit garçon avec qui il a échangé son sang, une nuit dans le dortoir, à la vie à la morl | comme un petit compagnon pour lutter et pour vivre tous les jours, jusqu’à ce qu’on soit vieux ensemble, tout fragiles et tout blancs et qu’on n’ait plus qu’à w rappeler en fermant les yeux, l’un à côté de l’autre... Kl omme une vraie femme, en plus. Pour le bon et pour le mauvais, pour les scènes et pour les silences - quand on st arrivé à se connaître si bien, on n’a plus besoin de se parler... Et il y avait derrière tout cela ma belle liberté d’homme, les aventures avec les autres garçons sous lo soleil, les mers jamais traversées, et les filles, toutes le» autres filles entrevues dans les rues et laissées... Tout ce que je t’avais donné, sans regret, rien que pour devenir ce petit vieux dérisoire et pourtant comblé, à côté de toi, grondé pour sa pipe, et quémandant ses deux sous, pour aller chercher son journal... Cela m’avait paru, à mol, une aventure suffisante pour une vie d’homme - parce que je t’aimais.
//Un silence. Colombe lui dit simplement, un peu pincée ://
;COLOMBE
:Maintenant tu pourras les faire te» voyages ! Tu pourras enfin les accoster les filles dans le» rues. Leur proposer encore une fois de partir avec toi, comme à moi, il y a deux ans.
;JULIEN
://doucement//
:Je pourrai, oui.
;COLOMBE
:Ah ! je te vois d’ici leur montant encore lu tête, les éblouissant comme moi avec ton air triste, ta révolte, et ta chère grande âme blessée de tout. Ah ! quelle idiote, quelle idiote j’ai été de t’écouter! Une vraie dinde !
;JULIEN
: lui a pris le poignet, criant comme un fou
:Ne dis pas de mal de cette Colombe d’il y a deux ans. Je la garde celle-là ! Elle est à moi !
;COLOMBE
:A toi, pauvre homme ? Parce que tu l’as connue tu crois, celle-là aussi ! Un ange n’est-ce pas, tu l’as cru ? Un ange dans une boutique de fleuriste, avec les vieux beaux qui viennent tous les jours se faire mettre des boutonnières. Tu as déjà entendu parler de C'a, toi ? Et les gerbes qu’il faut porter à domicile pour les mariages, avec le beau-papa qui est tout retourné et qu’il vous dit qu’il va se sentir bien seul, - et les couronnes pour les enterrements où ça sent la mort dans la' maison, mais où il y a tout de même un cousin qui est moins triste que les autres et qui vous attire dans un Coin ? Et le patron, dans le sous-sol où l’on fait les corbeilles et le garçon livreur, tu crois que c’étaient des linges aussi? Garde-la si tu veux, ta Colombe en sucre il’orge, mais cette Sainte-Nitouche-là, je peux bien te dire que tu l’as rêvée tout éveillé comme le reste, mon pauvre biquet.
;JULIEN
: l’a prise par les deux bras, il la secoue comme un fou
:Je te défends, tu entends, je te défends, celle-là, de la salir !
;COLOMBE
:J’ai bien le droit. C’est de moi qu’il s’agit tout de même ? julien crie
:Non !
Il la regarde, pitoyable et haineuse dans ses bras. Il dit soudain :
C’est cela qui me fait le plus peur, tu vois, que lu puisses devenir si vilaine, un jour, que j’arriverais à nr plus t’aimer. C’est de penser que tu seras toute seulr au monde, quelque part avec ta pauvre petite figure fermée, tes pauvres petits seins offerts à tout le monde, tes pauvres petites histoires de femme entre tes jambcH, ton pauvre petit égoïsme - sans mon amour.
;COLOMBE
: lui dit simplement
:Tu me fais très mal, julien, et tout à l’heure, j’aurai des bleus aux bras. Ce n’est peut-être pas très utile.
;JULIEN
: la lâche soudain
:C’est bien. Tu vas être en ! etard. Monte cette fois. Monte vite t’habiller.
Elle se détourne et s’en va sans un regard aussitâl qu’il l’a lâchée. Il la regarde partir, il crie soudain.
;COLOMBE
: !
;COLOMBE
: se retourne
:Quoi encore ?
;JULIEN
://gêné. — Rien.//
Il dit pourtant !
Si en t’habillant, tu pensais tout de même qu’il vaut mieux que tu n’y ailles pas. Je t’attends là.
Elle hausse imperceptiblement les épaules, si> détourne et disparaît. '
;JULIEN
: est resté seul, désemparé, au milieu de la scène. La Surette surgit d’un portant, avec son pardessus trop étroit et son chapeau ridicule. Il fait semblant de ranger quelque chose pour s’approcher et dire à Julien.
la surette
:Les garces, hein, tout de même? On leur donne tout, on travaille comme des bœufs pour elle»,
cela se laisse nourrir et pomponner comme un petit chien, c’est bien gentil, cela vous lèche les mains de temps en temps, mais qu’un autre petit toutou bien frisé passe dans la rue, ffuit! cela file... J’ai été marié, moi aussi, monsieur Julien... Et c’est ma mère qui me l’avait choisie à la campagne... Un peu forte, une peu simplette aussi; ce n’était pas du raffiné, bien sûr, mais c’était garanti tout neuf et bien solide. Un article d’usage, quoi ! Je vais même vous dire, je m’étais méfié. Il y avait deux sœurs : j’avais pris la plus laide, pour être tranquille. Un vrai pou, monsieur Julien ! Un monstre ! Et elle louchait en plus ! Mais moi je suis un homme de condition modeste, n’est-ce pas ? je ne l’avais pas prise pour la montrer. Je pensais : au lit, elle en vaut une autre, et pour le ménage, plus c’est vilain, plus ça frotte : c’est connu ! Mais les précautions, avec ces poupées-là, monsieur Julien, c’est du beurre ! Je pars en tournée cinq jours, je reviens un jour plus tôt que prévu et vous savez ce que je trouve dans mon lit en ren-irant? un croque-mort monsieur Julien ! Un croque-mort, qui habitait au-dessus de chez nous. Un homme qui avait un bec-de-lièvre, encore plus laid qu’elle. Tout nus, tous les deux ! Ah ! c’était pas beau à voir !
;JULIEN
://sourdement//
:Fous le camp La Surette ! laisse-moi.
;LA SURETTE
:Pourquoi, monsieur Julien? C’est des moments où c’est mauvais de rester seul... On devrait plutôt descendre prendre un verre ensemble au tabac... On se raconterait...
;JULIEN
: gémit
:Ah non ! C’est trop laid. Tout est trop laid.
Il marche sur lui.
Va-t’en ! Va-t’en vite, imbécile, ou tu vois bien que je vais te tuer !
i.a surette a peur et décampe
:C’est bon, c’est bon, on s’en va...
Il crie, quand il est à bonne distance, haineux :
Mais ça ne se fait pas, monsieur Julien, entre collègues !...
Il disparaît ricanant. Julien regarde autour th< lui comme s’il était traqué soudain. Comme Madawt Alexandra paraît, vieillie, harnachée d’écharpes et ih< plaids, appuyée sur sa canne, accompagnée de Georges, il crie soudain, courant à elle.
;JULIEN
:Maman !
;MADAME ALEXANDRA
:Quoi maman? Tu es devenu fou, non ? Arrière ! Tu me décoiffes.
;JULIEN
:Je suis malheureux, maman.
;MADAME ALEXANDRA
:Tu as semé mon garçon, maintenant tu récoltes.
;JULIEN
:Je l’aimais maman, je l’aime, je l’aimerul toujours.
;MADAME ALEXANDRA
:Ton père aussi m’aurnil aimée toujours. Et c’est bien cela qui m’a fait peur. Mai» qu’est-ce que c’est que cette manie de vouloir que ce soit pour la vie, l’amour? Pourquoi cela vous démange-t-il comme cela, l’éternité? Qu’est-ce que cela signifie d’abord : pour la vie ? Les chapeaux, les chaussures, le» bijoux, cela se change; les maisons on en déménage. Demande aux médecins, ils te diront qu’au bout de sept ans il n’y a pas une cellule de ton corps qui n’ait changé. On vieillit, on pourrit sur place, on mijote son petit cadavre à feu couvert toute sa vie pour qu’il soit fin prêt le jour où les vers s’y mettront ; on se décompose depuis qu’on est né et tu voudrais qu’il n’y ait que les sentiments qui ne changent pas ? Ce sont des foutaises, mon garçon ! C’est à l’école qu’on vous a mis ça dans la tête, à ton père et à toi, ce sont vos histoires de Romains. Vous y avez trop cru à ce qu’il y avait dans vos bouquins, tous les ileux, cela vous a empêché d’apprendre à vivre. S’il avait débuté comme moi à treize ans aux Folies-Bergère, ton pauvre colonel de père, il ne se serait pas suicidé. Il aurait appris à le mettre à sa vraie place, l’amour ! Allez, viens, Georges. Tu as pris mes bandes pour mes genoux? Et ines pilules? Cela ne va plus bien depuis trois jours, je suis constipée et j’ai deux cents alexandrins à apprendre pour demain matin.
;JULIEN
: la retient
:Maman, tu as dû souffrir aussi, tout de même. Tu es vieille. On ne vieillit pas sans souffrir. Tu ne me dis pas autre chose ? Je suis si seul ce soir.
;MADAME ALEXANDRA
:Tu seras toujours seul, comme ton père... Tu seras toujours seul parce que tu ne penses qu’à toi, comme lui. Vous croyez que c’est moi qui suis égoïste?... Les vrais égoïstes, ce n’est pas ceux qui monnayent leur petit plaisir au jour le jour. Ils ne sont pas dangereux ceux-là, ils ne demandent pas plus qu’ils ne donnent. Ils savent. Une petite caresse les uns aux autres, en passant, un petit bonjour, tu m’en donnes un, je t’en donne un, on se fait plaisir, on sait ce que cela vaut l’un et l’autre et on s’en va, chacun de son côté, mener sa petite vie de fourmi pour subsister, seul avec son paquet de tripes, la seule chose qui est bien à soi. Ceux qui sont redoutables, c’est ceux qui empêchent que cela tourne rond sur la terre, c’est ceux qui veulent absolument les donner, leurs tripes... Ils s’ouvrenl li ventre, ils puisent là-dedans et ils en couvrent le monde c’est dégoûtant ! Et plus cela leur fait mal, plus cela leui fait plaisir, ils en reprennent à poignée, avec d’horrible» souffrances pour nous les offrir, qu’on le veuille ou non Et nous, on s’y empêtre, on s’y étrangle dans leur» tripes... On est comme les enfants du pélican. On ne leur en demande pas tant. On n’a plus faim ! julien gémit
:Mais je l’aime ! madame ALEXANDRA
:Bon! Ça c’est un fait. Mal» elle ne t’aime plus. C’est un autre fait, qui est tout aus»l alable que le premier. Alors? qu’est-ce que tu veux qu’elle fasse? Qu’elle fasse semblant de t’aimer toule la vie parce qu’il se trouve que toi, tu l’aimes? Qu’elle s’embête pendant soixante-dix ans, parce que tu a» décidé que toi cela te faisait du bien ?
;JULIEN
:Je lui ai tout donné. madame Alexandra hausse les épaules
:Des tripe» I Tu ne lui as donné que des tripes, comme ton père. 1!| elle a envie de changer de menu ! C’est son droit, il me semble? Va donc te coucher et retourne jouer au petit soldat demain matin. Là-bas, ils en demandent de» tripes; plus tu en donneras, mieux tu seras vu. Eli France, elle en fait une grande consommation de tripe», elle en a toujours besoin - pas nous ! Allez, viens George», Tu as ma couverture ? Voilà que cela me reprend dans le genou droit...
Elle crie du seuil ;
C’est peut-être un peu d’argent que tu voulais me demander ?
;JULIEN
://doucement//
:Non maman, pas d’argent, merci.
;MADAME ALEXANDRA
:À ton aise ! Bonne chance. Et si tu ne veux pas finir comme ton père, tâche d’être un peu moins «emmardant» mon garçon.
Elles sortent. Julien est seul sur le plateau désert; il va jusqu ’à un piano qui traîne dans les coulisses et soulève le couvercle du clavier... Il joue quelques notes vagues. À ce moment Mme Georges entre, trottinante, avec un garçon de café qui porte un panier <2>.
<2> Cette scène a été supprimée pour alléger le rythme à la représentation de Paris.
;MADAME GEORGES
:Monsieur Julien! Monsieur Julien !
;JULIEN
: se retourne
:Qu’est-ce que c’est?
;MADAME GEORGES
:Vous voyez que c’est un bon petit cœur tout de même, Mme Colombe!... C’est un garçon de chez «Maxim’s» qu’elle vous envoie avec une bonne petite demi-bouteille de champagne, douze belles petites huîtres, une belle petite cuisse de poulet et un petit peu de foie gras. Où voulez-vous qu’on vous déballe tout ça, ici ou dans la loge ? Vous voyez, tout de même, comme c’est gentil de sa part ! Elle a pensé : Je ne veux pas que mon petit homme il mange rien, pendant que moi je fais la fête. Elle vous envoie tout ce qu’il y a de meilleur!...
;JULIEN
: leur crie dressé
:Foutez le camp ! Foutez le camp tout de suite tous les deux! Vite vite, je vous en supplie. Vous êtes trop bêtes ! Vous êtes trop laids !
Il crie :
Mais vite, voyons, vite ! Vous voyez bien que je n’cn peux plus !
;MADAME GEORGES
: s’effraie et entraîne le garçon
:C’eM bon, c’est bon. Pas la peine de crier comme ça. On n’a rien fait de mal. Venez, venez... On va voir ce qu’tm va en faire... un beau petit panier bien rempli comme çn I et il y avait un bon gâteau en plus ! Si c’est pas malheti reux de refuser toutes ces bonnes choses quand il y a de* pauvres qui meurent de faim... Les hommes, c’est tou* les mêmes: ça ne sert à rien d’être gentilles avec eux.,, C’est buté !
Ils sont sortis. |j
;JULIEN
: //s’est écroulé sur le piano, la tête dans se» mains... On entend un piano lointain, fantomatique, reprendre les premières notes que Julien a jouées tout il l’heure et en faire un air. Julien ne semble pas entendre, la tête sur le clavier.//
//La lumière baisse jusqu ’au noir.
Pendant le noir, le piano joue toujours la valse qui se rapproche et devient réelle on dirait, à présent qu’on joue sur le plateau.
En effet, quand la lumière revient, Julien est en civil. Il est en train de jouer au clavier à la même place,
Le plateau est toujours désert et éclairé par la lampe de service, mais la lumière du soleil entre par les soupiraux. La porte de scène côté jardin s’entrouvre el Colombe paraît dans une petite robe pauvre qu’on ne lui connaît pas, portant une grosse corbeille de fleur», Elle a l’air embarrassée de son chemin. Elle avise Julien, lui demande : //
;COLOMBE
:Je vous demande pardon Monsieur. La loge de Mme Alexandra.
;JULIEN
://sans cesser de jouer//
:C’est au premier mon petit. Mais vous pouvez l’attendre ici. Elle va descendre répéter d’une minute à l’autre. Je l’attends aussi. Cela vous fera un étage et un cyclone en moins. Elle est en nain de casser le mobilier là-haut.
;COLOMBE
:Il y a quelque chose qui ne va pas?
;JULIEN//, qui joue toujours//
:Au théâtre, ma petite fille, il y a toujours quelque chose qui ne va pas.
;COLOMBE
:C’est une si grande artiste ! Cela me fait tout drôle de penser que je vais la voir.
;JULIEN
:Quand vous la verrez vraiment, cela vous fera encore plus drôle.
;COLOMBE
:Elle est très belle, n’est-ce pas? julien
:Très. Comme un monument historique.
1 ,e Palais du Louvre : vous aimez ça, vous ?
;COLOMBE
:Vous êtes une mauvaise langue. Elle n’est tout de même pas aussi vieille que cela.
;JULIEN
://qui joue toujours//
:Pas tout à fait aussi vieille que le Palais du Louvre, mais cela viendra, rassurez-vous. colombe
:Quel âge a-t-elle au juste? julien
:Cent ans.
;COLOMBE
:Vous riez ! Je l’ai vue en scène. Une fois, j’ai eu des billets.
;JULIEN
:Oh ! mais en scène c’est différent ! Cela perd quatre-vingts ans d’un coup. La vingtaine à peine et toute la pudeur, tous les émois... La découverte tremblante de l’amour, c’est son rôle préféré tous les soirs ilepuis un demi-siècle. Cela conserve...
;COLOMBE
:Vous êtes bien méchant avec elle, pour quelqu’un qui est de la maison. Si elle vous entendait !
;JULIEN
://toujours au piano//
:Elle a l’habitude. Je suis «on fils...
;COLOMBE
: //s’est levée de saisissement//
:Vous?
;JULIEN
:Moi. Et je n’en suis pas plus fier pour cel» Elle non plus d’ailleurs.
;COLOMBE
:Mais elle est jeune alors, vous voyez bien que vous mentez...
;JULIEN
: //s’est retourné souriant sur son tabouret//
:Pour quoi?
;COLOMBE
: //balbutie//
:Parce que vous êtes très jeune, vous...
;JULIEN
: //balbutie, rouge aussi soudain//
:Je n’aime pas beaucoup les compliments, mais vous, en revanche, vouii êtes bien jolie...
//Il y a soudain un petit silence gêné entre eux. Il demande ://
C’est amusant d’être fleuriste? colombe, ils vont parler comme dans un rêve mainlt¦ riant tous les deux
:Pas toujours autant qu’aujourd’hui.,, julien
:On doit voir du monde... colombe
:Oui. Mais vous savez, c’est toujours lei vieux messieurs qui achètent les fleurs. julien crie malgré lui
:Tant mieux !
;COLOMBE
:Pourquoi? julien rougit
:Pour rien.
Il ajoutt :
Je viendrai vous en acheter, moi, quand je serai riche, et je vous les donnerai.
;COLOMBE
:C’est vrai?
;JULIEN
:Oui. On ne vous en donne jamais de fleur» ?
;COLOMBE
:Jamais. julien
:Votre bon ami ?
;COLOMBE
://doucement//
:Je n’en ai pas.
;JULIEN
: se lève soudain et lui coupe une rose de la corbeille
:Alors tenez ! Je commence tout de suite.
;COLOMBE
: a poussé un cri terrifié
:Oh ! ma corbeille ! Mais vous êtes fou ! Cela va faire toute une histoire...
;JULIEN
:Je m’en charge. Comme de toute façon cela va faire toute une histoire que je sois là.
;COLOMBE
://qui respire sa rose//
:C’est drôle, quand c’est à vous qu’on les donne, on a envie de les respirer. Votre maman n’aime pas que vous veniez au théâtre ?
;JULIEN
:Non, pas beaucoup.
;COLOMBE
:Elle a peur que ce soit de mauvaises fréquentations pour vous ?
;JULIEN
: éclate de rire
:Comme elle est gentille!... Non... Ce n’est pas cela. Elle a peur que je lui demande de l’argent. Je vis tout seul. Je travaille mon piano pour donner des concerts plus tard, huit heures par jour; alors il ne me reste pas beaucoup de temps pour gagner ina vie... Et quelquefois je suis obligé de venir lui demander, vers les fins de mois. Le moins souvent possible, parce que je n’aime pas beaucoup ça. Et elle non plus d’ailleurs.
;COLOMBE
:C’est bien d’être fier.
;JULIEN
:Oui. C’est encombrant.
;COLOMBE
:Si j’aimais un homme, je voudrais qu’il soit fier. Un vrai homme. Qu’il n’accepte jamais rien sans se battre.
;JULIEN
:C’est comme cela que je suis devenu la honte de la famille. Ou je joue du piano ou je me dispute avec quelqu’un...
;COLOMBE
:Et vous jouez vraiment huit heures par jour ?
;JULIEN
: sourit
:Oui. Heureusement pour les autresI
;COLOMBE
:Comme vous devez bien jouer!
;JULIEN
:Pas encore, mais cela viendra.
://Ils sont troublés. Ils ne savent plus trop comment st parler. Il demande ://
Et comme fleuriste, on gagne beaucoup ?
;COLOMBE
:Oh! avec les pourboires, je me fais ccnl francs par mois !
;JULIEN
:Alors vous êtes une fille dans mon genre !.,,
I ït si je viens vous chercher un soir à la sortie du magasin pour aller dîner avec vous... vous n’exigerez pas qu’on
aille chez Larue?
;COLOMBE
:Je ne sais même pas où c’est. Mais une fois j’ai été chez Poccardi.
;JULIEN
://gaîment//
:Hé bien, on retournera chez Poccardi ! Tant pis pour la dépense ! Il faudra qu’elle y passe, la vieille !
;COLOMBE
:Et on mangera tous les hors-d’œuvre? julien
:Tous ! Et on en reprendra !
;COLOMBE
:Mais quand? julien
:Ce soir! Pourquoi attendre?
;COLOMBE
, effrayée
:Mais nous allons nous rater, Ce soir je ne rentre pas au magasin. C’est ma dernière course.
;JULIEN
: se lève et la prend par la main
:Alors parton» tout de suite.
;COLOMBE
:Mais ma corbeille ! julien
:On la laisse. Elle est assez grosse. Ils lu trouveront bien.
;COLOMBE
://soudain pratique//
:Il vaudrait peut-être mieux que j’attende mon pourboire ?
;JULIEN
: s’arrête
:C’est vrai. Suis-je bête! Nous aurions bonne mine chez Poccardi ! J’ai vingt-deux sous.
;COLOMBE
:Vous savez, j’ai l’air d’accepter tout de suite, comme cela. Mais d’habitude je dis non. C’est la première fois.
;JULIEN
://debout devant elle, grave//
:Moi, je ne propose jamais, d’habitude. C’est la première fois aussi. Vous croyez que c’est vrai, vous ?
;COLOMBE
:Quoi?
;JULIEN
:Qu’on puisse se plaire comme ça tout de suite. Se plaire, ce n’est rien - on se plaît souvent... Qu’on puisse être bien tout d’un coup rien que parce qu’on est ensemble. Bien, comme si on était arrivés quelque part ?
;COLOMBE
:Je ne sais pas.
;JULIEN
: est venu s’asseoir près d’elle sur le banc, il lui tient l'épaule
:Vous êtes bien, là, en ce moment, vous ?
;COLOMBE
:Oui.
;JULIEN
:Et cela vous arrive souvent?
;COLOMBE
:Non.
;JULIEN
:Moi cela ne m’arrive jamais. Je vais vous dire. J’aime mieux que vous sachiez avant d’aller chez Poccardi. J’ai un sale caractère. Je n’aime personne. Je ine fâche avec tout le monde tout le temps. Tout le inonde me déteste.
;COLOMBE
:Ce n’est pas possible.
;JULIEN
:Si. C’est parce que je ne suis gentil avec personne. Je ne peux pas.
;COLOMBE
:Moi je trouve pourtant que vous êtes gentil.
;JULIEN
:Avec vous, c’est extraordinaire, je m’aperçois que je peux. Vous avez déjà été au Jardin des
Plantes ?
;COLOMBE
:Oui. Pourquoi?
;JULIEN
:Cela vous amuse de regarder les ours? Vous les aimez bien avec leurs grosses pattes ? Je suis un ours. Vous aurez la patience d’en apprivoiser un?
;COLOMBE
://doucement, tenue contre lui//
:Cela doit avoir de grands bras forts. Cela doit vous tenir bien chaud, vous protéger contre tout le monde. Tout ce que ça dit, cela doit être vrai, un ours, et solide - et pour toujours.
;JULIEN
:Oui. Et tout cela je sais le faire. Mais je suis toujours tout seul tout de même parce que les jeunes filles n’aiment pas beaucoup les ours.
;COLOMBE
:Moi, je ne sais pas encore très bien ce que j’aime, ce que je n’aime pas, mais je me sens bien en ce moment. Ça, c’est quelque chose de sûr. J’ai seulement un peu peur, parce qu’il me semble que c’est peut-être trop vite.
;JULIEN
:J’ai encore bien plus peur que vous, parce qu’il y a tellement longtemps que je voulais en trouver une - une jeune fille qui aime les ours.
;COLOMBE
://doucement//
:Les autres garçons, j’avaiN envie de leur répondre, de me moquer d’eux, de les faire enrager. Pas vous.
;JULIEN
:Ah! si c’était vrai tout de même! Si celu pouvait arriver comme dans les histoires, tout de suite cl pour toujours. Jurez-moi au moins que vous me serez fidèle, jusqu’à ce soir. Je ne suis pas exigeant, jusqu’à Poccardi ?
;COLOMBE
: rit, un peu attendrie
:Je vous le jure ! julien
:Crachez!
;COLOMBE
: crache
:Je crache !
;JULIEN
://timidement//
:Embrassez-moi. Ce n’est pas trop tôt ?
;COLOMBE
://dans un souffle//
:Non.
Elle tend ses lèvres. Il l’embrasse et crie soudain comme un fou, se dressant:
;JULIEN
:Ah c’est trop beau! c’est trop beau tout d’un coup! C’est peut-être donc bon la vie? Ils ne sont peut-être pas tous aussi laids, aussi méchants qu’ils en ont i’air? Maman est peut-être charmante et jeune, qui sait? Tout est possible... Ah! je vous dis que c’est trop beau! Tant pis. Il faut fêter ça. Je vous offre une autre fleur !
;COLOMBE
://épouvantée//
:Oh ! monsieur, monsieur, mais ce ne sera plus une corbeille !
;JULIEN
: la prend
:Vous avez raison. Pourquoi lésiner ? Je vous la donne entière.
;COLOMBE
: gémit
:Mais je l’apportais à votre mère, monsieur!...
Elle demande soudain :
Monsieur comment ?
;JULIEN
:Julien. Et vous, comment ?
;COLOMBE
:Colombe.
;JULIEN
: crie joyeux
:Colombe ! Mais qu’est-ce qui se passe ce soir pour que tout soit tellement beau d’un seul coup ?
;MADAME ALEXANDRA
://fait irruption, suivie de tout son état-major. ~Poète-Chéri, Desfoumettes, La Surette, etc.//
:
;MADAME ALEXANDRA
:Marde ! Marde ! Elles sont toutes mauvaises comme des mardes ! Et nous passons dans trois jours !
Elle voit Julien et glapit:
Qu’est-ce que tu fais encore ici, toi ? Il ne nous manquait plus que cet emmardement-là !
;JULIEN
:Ma chère petite maman, tu vois, j’embrasse la fleuriste.
;MADAME ALEXANDRA
://se retourne vers les autres sans comprendre//
:Qu’est-ce qu’il dit ?
;JULIEN
:Ma chère petite maman, sois une fois comme dans tes pièces, fais un geste !
;MADAME ALEXANDRA
://crie, un réflexe//
:Je n’ai pas d'argent !
;JULIEN
:Je ne te demande pas d’argent. Cette jeune fille t’apportait une corbeille, tu en as déjà douze qui pourrissent dans ta loge. Je l’ai trouvée trop gentille. Je la lui ai donnée.
;MADAME ALEXANDRA
://qui n’y comprend toujours rien//
:Comment ? Comment ? Qu’est-ce que tu lui as donné ?
;JULIEN
:Ta corbeille.
;MADAME ALEXANDRA
:Je ne comprends rien à te» histoires. Nous travaillons en ce moment. Reviens après la générale. Mademoiselle, posez-la ici, votre corbeille, La Surette, donnez-lui dix sous. Non. Cinq. Et vous, Desfoumettes, débrouillez-vous pour nous en faire auditionner dix autres ce soir! Avec toutes les petites fille» que vous consommez dans votre bureau, il est tout de même inconcevable que vous ne puissiez pas nous en présenter une !
;DESFOURNETTES
:Mais la petite brune de cet après-midi...
;MADAME ALEXANDRA
:La petite brune de cet aprèH-midi était un véritable pou. Je ne vous demande pas une
fille dont le derrière vous plaît, je vous demande une fille qui soit à la hauteur du rôle.
;DESFOURNETTES
: hausse les épaules
:A la hauteur du rôle ! À la hauteur du rôle ! Il ne faut tout de même pas exagérer. Elle a une chanson à chanter et deux répliques à dire. Si je ne peux même pas promettre un petit bout de rôle dans mon théâtre à une fille qui me soit sympathique, qu’est-ce que je fais ici?
;MADAME ALEXANDRA
:Vous payez, Desfournettes ! Et nous sommes bien bons d’accepter votre argent. Tout le monde en a de l’argent ! C’est le talent qui est rare. La petite qui jouera ce rôle, nous ne lui demanderons pas ce qu’elle a fait dans votre bureau, cela nous est complètement égal, nous lui demanderons d’avoir du talent.
;DESFOURNETTES
:Mais essayez-la au moins ! Je vous dis qu’elle est pourrie de talent !
;MADAME ALEXANDRA
://ricane//
:Pourrie, je veux bien le croire. Mais de talent !
;~POÈTE-CHÉRI
://qui tournait depuis un moment autour de Colombe, s ’exclame//
:Mais nous sommes des fous ! Nous sommes de véritables fous ! Nous nous disputons depuis deux heures... Qu’est-ce que nous cherchons en somme ? Un personnage de petite fleuriste pour le cinq ? Une petite fleuriste qui ait l’air d’une vraie petite fleuriste ?
;MADAME ALEXANDRA
:Et pas d’une petite putain!
;~POÈTE-CHÉRI prend Colombe effarée par la main et la présente
:Mais en voilà une qui nous mettra tous d’accord ! Vous n’allez pas me dire qu’elle n’a pas l’air d’une | lleuriste, tout de même ? C’en est une ! Et ravissante !
;MADAME ALEXANDRA
://qui a mis son face-à-main//
:Elle est gentille. Tournez-vous, mon petit. Montrez vos jambes.
;COLOMBE
://ahurie//
:Mes jambes ?
;MADAME ALEXANDRA, //impatientée//
:Oui. Vos jambes. Vous ne savez pas où elles sont? Elle a l’air bien empotée, en tout cas !
;~POÈTE-CHÉRI
:Elle est intimidée! Elle est seulement intimidée!... Allons, montrez-les, montrez-les von jambes, ma petite fille... C’est peut-être la chance qui passe en ce moment.
//Il lui relève ses jupes.//
Les jambes sont adorables, regardez, adorables, comme le reste.
;COLOMBE
: //retire ses jupes//
:Mais Monsieur...
~POÈTE-CHÉRI
:Allons, plus haut, plus haut... Il ne faut pas avoir honte comme cela. Nous nous plaçons à un point de vue uniquement artistique, ma petite fille.
;JULIEN
: //s'avance et rabaisse les jupes de Colombe//
:C’csl assez maintenant! Vous allez la laisser tranquille, cette petite. Vous voyez bien qu’elle n’y comprend rien à von histoires...
;~POÈTE-CHÉRI
:Mais je ne lui fais aucun mal...
;JULIEN
:Mais si cela ne lui plaît pas? Est-ce que je les relève, moi, vos pantalons ?
;~POÈTE-CHÉRI
:Mais nous avons besoin de voir ses jambes ! c’est dans la pièce !
;JULIEN
:Est-ce que je vous demande comment ils sont faits, moi, vos mollets ?
;~POÈTE-CHÉRI
:Mais c’est ridicule, il ne s’agit pas de mes mollets !
;JULIEN
: //marche sur lui//
:Hé bien ! si, justement. Donnant, donnant. Moi je veux les voir !
;~POÈTE-CHÉRI// recule, terrifié//
:Mais c’est insensé ! Mais il est fou !
;MADAME ALEXANDRA
://arrête Julien//
:Assez Julien ! Tes plaisanteries ne font rire personne. Admettons qu’elle ait de jolies jambes. Encore faudrait-il qu’elle ait une voix.
;~POÈTE-CHÉRI// crie de son coin//
:Mais elle a une voix ! Je suis persuadé qu’elle a une voix! Avec une bouche pareille, elle ne peut pas ne pas avoir de voix.
//Il est près de Desfoumettes, il lui prend le bras.//
:Soyez beau joueur, mon cher directeur, avouez qu’elle est adorable !
;DESFOURNETTES
:Elle est gentille, c’est indéniable!
//Il se rapproche.//
Vous avez déjà fait du théâtre, mon petit ?
;COLOMBE
:Non Monsieur, je suis fleuriste.
;~POÈTE-CHÉRI
://en transes//
:Non Monsieur, je suis fleuriste ! Elle n’est pas gentille, elle est adorable ! Je vous dis qu’elle est adorable !
;DESFOURNETTES
:Je suis le directeur de ce théâtre. Vous pouvez passer une fin d’après-midi me donner une petite audition ?
;~POÈTE-CHÉRI
:Ah non, Desfoumettes, non! Vous n’allez pas nous l’emmener dans votre bureau, celle-là aussi. ~Madame-Chérie! Vous avez une minute? Il faut prendre cette décision tant que c’est chaud. Il faut lui faire chanter quelque chose à cette enfant.
;MADAME ALEXANDRA
:Vous avez déjà chanté mon petit ?
;COLOMBE
:Pour moi, oui.
;~POÈTE-CHÉRI //s’exclame, enthousiasmé//
:Pour moi, oui ! Quelle réplique ! Mais c’est un ange ! C’est un ange qui nous tombe du ciel pour nous sauver tous ! Quel âge avez-vous mon petit chat ?
;COLOMBE
:Dix-huit ans.
;~POÈTE-CHÉRI
:Et elle a dix-huit ans ! Et cela ne sait rien du tout, cela ouvre de grands yeux sur la vie. C’csl un petit Greuze ! Mais c’est elle ! c’est elle ! Je vous dis que c’est elle notre fleuriste ! Je lui rajoute tout de suite douze vers. Elle m’inspire cette petite ! Un papier, qu’on me donne un papier !...
://Desfoumettes se prend la tête, accablé devant celle nouvelle catastrophe//.
;MADAME ALEXANDRA
://arrête ~Poète-Chéri, lui reprend son papier et son crayon//
:Non. Non. Rien du tout. Rentrez votre crayon, ~Poète-Chéri. La pièce est déjà assez longue
;~POÈTE-CHÉRI //remet son crayon dans sa poche, vexé.//
:En tout cas il faut la faire auditionner tout de suite !
;MADAME ALEXANDRA
:Vous pouvez nous chanter quelque chose, mon petit ?
;COLOMBE
:Je ne sais pas, madame...
;MADAME ALEXANDRA.
:Est-ce que vous connaissez Plaisir d’Amour? C’est ce que chante la petite fleuriste dans la pièce... i
;COLOMBE
:Oui, un peu.
;MADAME ALEXANDRA
:Nous allons voir cela. Julien ! Où est-il cet animal ? Il est parti naturellement, maintenant qu’on a besoin de lui.
;JULIEN
://de son coin//
:Je suis là.
;MADAME ALEXANDRA
:Mets-toi au piano et accompagne-la.
;JULIEN
://sans bouger//
:Non.
;MADAME ALEXANDRA
:Pourquoi non? Pourquoi non?
;JULIEN
:J’ai mal au doigt.
;MADAME ALEXANDRA
:Qu’est-ce que tu as au doigt?
;JULIEN
:Un panaris.
;MADAME ALEXANDRA
:Montre tes mains? Où est-il ton panaris ?
;JULIEN
:Il se prépare.
;MADAME ALEXANDRA
:Tu es un petit morveux imbécile ! Pourquoi ne veux-tu pas jouer ?
;JULIEN
:Parce que je n’en ai pas envie ! Parce que je trouve que vous devriez lui ficher la paix à cette petite. Elle a un métier, un vrai, elle est bien tranquille. Elle a tout de même mieux à faire dans la vie que de monter signer un contrat dans le bureau de l’affreux Desfoumettes.
;MADAME ALEXANDRA
:Il ne s’agit pas de Desfournettes. Mêle-toi de ce qui te regarde. Nous passons dans trois jours et nous avons besoin de quelqu’un. Chantez, vous. Chantez sans piano.
://A Armand qui est entré://
:Armand, mon petit Armand chéri, peux-tu nous jouer Plaisir d’Amour avec un doigt sur le piano ?
;ARMAND
:Moi? Je peux jouer du Wagner avec un doigt, ~Maman-Chérie.
;MADAME ALEXANDRA
:Rends-nous service, accompagne cette petite que nous voulons auditionner. Ton imbécile de frère refuse de le faire. Je me demande bien pourquoi. Allez-y mon petit, n’ayez pas peur. Nous n’avons tous qu’un désir, c’est que cela aille et que nous puissions enfin aller dîner.
;~POÈTE-CHÉRI //s’est rapproché//
:Adorable! Elle est adorable ! Moi je vous promets qu’on fera quelque chose de vous, mon petit. Elle tremble, elle tremble... Venez mon tout petit chat. Venez, je ne vous lâche pas...
;ARMAND
:Allons-y!
;COLOMBE
: //commence, d’abord étranglée de peur, puis très joliment.//
:Plaisir d’amour
:Ne dure qu’un moment...
:Chagrin d’amour
:Dure toute la vie..., etc.
;~POÈTE-CHÉRI
://extasié fait des signes d’intelligence à tout le monde à chaque mot. Il soupire, il est au comble de l’extase, il n’a jamais entendu ça. Il finit par prendre Colombe carrément par la taille. Elle tente de se dégager un peu, en chantant. Elle veut tirer sa main, lui pas. Une petite lutte sournoise s’engage, que personne ne semble remarquer, sauf Julien qui s’avance soudain, écartant tout le monde et arrachant ~Poète-Chéri de Colombe.//
;JULIEN
:Hé bien non !
://COLOMBE s’est arrêtée de chanter.//
;~POÈTE-CHÉRI //balbutie//
:Comment non? Pourquoi non?
;JULIEN
:Je vous défends de la toucher !
;~POÈTE-CHÉRI
://dressé sur ses ergots//
:Vous me défendez vraiment? Et peut-on savoir à quel titre s’il voun plaît ?
;MADAME ALEXANDRA
://glapit//
:Julien, cette fois la mesure est comble. D’abord, qu’est-ce que tu es venu faire dans ce théâtre où je t’avais demandé de ne jamais remettre les pieds ?
;JULIEN
:Te demander un peu d’argent pour mon inscription du troisième trimestre.
;MADAME ALEXANDRA
:Pas un sou! Tu n’auras pas un sou ! Maintenant déguerpis ! Et tout de suite !
;JULIEN
:Non.
;MADAME ALEXANDRA
:Comment non?
;JULIEN
:J’ai besoin de voir ce qui va se passer. Cette jeune fille est avec moi.
;MADAME ALEXANDRA
:Ah ! tu veux faire le petit malin? Je vais te faire foutre dehors par les machinistes moi. Joseph ! Léon !
LES MACHINISTES s’avancent
:~Madame-Chérie?
;MADAME ALEXANDRA
:Flanquez-moi ce petit voyou-là dehors, immédiatement. Et si vous le revoyez traîner dans le théâtre, je vous autorise à cogner dessus !
LES MACHINISTES //s’avancent vers Julien//
:Allez, monsieur Julien, puisqu’on vous le dit ! Pas d’histoires !
;JULIEN
:Pas d’histoires? Je vous promets bien que ça va en être une, de me mettre dehors. Pour qui me prenez-vous ?
LES MACHINISTES, //luttant avec lui//
:Monsieur Julien ! Allons monsieur Julien ! C’est qu’il cogne, ~Madame-Chérie !
;MADAME ALEXANDRA
://glapit//
:Cognez aussi! Vous aurez cent sous !
;COLOMBE
://effrayée//
:Oh, arrêtez ! arrêtez ! Faites-les arrêter, ils vont lui faire mal !
;MADAME ALEXANDRA
:Ça lui fera du bien !
PIÈCES BRILLANTES .?.88 COLOMBE 289
;JULIEN
://qui a réussi à échapper aux machinistes, fait le tour de la scène en courant. Il crie.//
;JULIEN
:D’ailleurs, avant de partir, j’ai quelque chose d’urgent à faire !
://Il a rejoint ~Poète-Chéri, il le retourne et lui hotte le derrière.//
:Tenez, celle-là aussi elle est adorable !
;~POÈTE-CHÉRI
://la main au derrière//
:Oh ! le petit malotru ! La petite brute ! Mon pantalon est déchiré !
;DESEOURNETTES //crie en même temps, terrifié par la bagarre. //
:Jetez-le dehors ! Jetez-le donc dehors ! Vous voyez bien qu’il va finir par casser le théâtre !
//Les machinistes ont rattrapé Julien et l’entraînent.//
;MADAME ALEXANDRA
:Je m’en vais. J’ai horreur des bagarres, cela me donne la migraine ! Pour la petite, je la prends. Tâche de la nipper, Georges, avant le dîner. Nous la ferons répéter ce soir.
;~POÈTE-CHÉRI //se précipite vers Colombe, après s’être assuré que les machinistes tiennent solidement Julien//
:C’est la gloire, ma petite, c’est la gloire ! Et la prochaine fois je vous fais un grand rôle !
://Il lui jette à l’oreille.//
:Fou ! vous entendez, je suis fou de vous !
;JULIEN
: crie pendant qu’on l’entraîne
:Lâchez-moi. Lâchez-moi donc, bandes d’idiots !
://Il crie à Colombe pendant qu’on le sort, se retenant à la porte.//
Et Poccardi? Vous m’aviez juré? Et Poccardi?
;MADAME ALEXANDRA
://crie aux machinistes, du seuil. //
:Mais enfin, assommez-le, une bonne fois !
;COLOMBE
:// se dégage de ~Poète-Chéri//
:Oh ! vous me dégoûtez tous à la fin ! Vous êtes trop vilains !
://Elle a couru aux machinistes.//
:Lâchez-le, vous deux. Ils m’embêtent après tout, avec leur histoire. Ce qui est juré est juré. Je viens avec vous chez Poccardi !
//Elle lui a pris le bras et regarde les autres.//
;MADAME ALEXANDRA
://se retourne vers les autres.//
:Qu’est-ce qu’elle raconte maintenant celle-là? Mais on n’en finira donc jamais? Qu’est-ce que c’est que cette histoire de Poccardi, petite idiote ? Vous n’avez donc pas compris qu’on vous engageait et que vous répétiez ce soir?
;COLOMBE
://serrée contre Julien//
:Si. Mais je suis prise. Je suis invitée.
;MADAME ALEXANDRA
://hurle//
:Ce n’est plus un théâtre, c’est un asile ! Desfournettes, convoquez-la votre petite putain. Elle est laide comme un derrière de singe, mais avec ce que j’imagine d’elle, elle ne nous fera pas d’histoires, au moins, celle-là !
://Elle sort furieuse.//
;DESFOURNETTES, la suivant
:Merci ! Merci, ~Madame-Chérie ! Et vous verrez, elle est pourrie de talent !
://Ils sont sortis. ~Poète-Chéri, raide, toise Julien.//
;~POÈTE-CHÉRI
:Monsieur, deux de mes amis seront chez vous demain.
;JULIEN
:Bravo. Mais ils ne me trouveront pas.
//Il a pris Colombe par la taille.//
Nous déménageons ce soir tous les deux !
;~POÈTE-CHÉRI
://ulcéré, lui jette avant de partir//
:Petite dinde !
://Et il se sauve aussi vite que sa dignité le lui permet.//
;JULIEN
: //a voulu bondir. Colombe le retient.//
;COLOMBE
://tendrement//
:Non.
;JULIEN
:Pourquoi non? Vous n’avez pas entendu ce qu’il a dit?
;COLOMBE
:Non. J’ai entendu autre chose. Je suis trop heureuse.
;ARMAND
://qui est resté, seul, souriant, assis sur le piano//
:Hé bien ! mes tourtereaux, pour une fin d’acte, c’est une fin d’acte ! Ça c’est du théâtre ! Et il y a longtemps que vous vous connaissez ?
;JULIEN
:Non. Une heure.
;COLOMBE
://doucement//
:Ne le lui dites pas. Il ne va pas nous croire...
;ARMAND
:Alors, vous préférez passer la soirée chez Poccardi avec cet ours plutôt que de débuter au théâtre ? Mais il y en a une comme cela tous les mille ans ! Où l’as-tu trouvé ce phénomène-là ?
;JULIEN
://doucement//
:Dans mon cœur.
;ARMAND, //gentil//
:Je m’en doute bien. Mais ce qui est drôle c’est qu’elles se ressemblent... Tu ne vas pas la rendre trop malheureuse, tout de même ? Tu ne vas paH lui faire trop de morale ?
;JULIEN
: //sourit//
:Non.
;ARMAND
: //s’est levé, souriant//
:Soyez heureux mes enfants et faites-en beaucoup d’autres ! Mais comme après ce coup-là, j’ai l’impression que taper maman c’est du domaine de l’utopie... Tiens. J’ai gagné, hier, pour une fois. Partageons en frères.
;JULIEN
:// prend l’argent//
:Tu es gentil Armand.
;ARMAND
:// sourit, regardant Colombe//
:Non, ne confonds pas : égoïste. Comme cela, moi aussi je serai un peu chez Poccardi, avec elle.
//Il s’en va, leur faisant un petit salut cocasse de loin en leur criant.//
Bon appétit ! Ne mangez pas tout. Qu’il en reste !
;COLOMBE
: //lui crie gentiment aussi//
:Merci monsieur !
://Il est sorti. Ils se retournent l’un vers l’autre.//
:Voilà.
;JULIEN
:Voilà. Maintenant l’histoire commence. Je n’oublierai jamais ce que vous avez fait.
;COLOMBE
:Il ne faut pas me remercier. Je ne l’ai même pas fait exprès. Quand ils ont voulu vous emmener, ça m’a fait mal dans moi. J’ai crié. Et puis, je me suis trouvée dans vos bras. C’est trop vite n’est-ce pas, c’est trop vite, ce n’est pas sérieux?
;JULIEN
:Oui c’est vite, mais je crois tout de même que c’est sérieux... et que ça durera !
://Il l’embrasse. Elle se serre contre lui et murmure ://
;COLOMBE
:Oh ! mon chéri ! J’en suis sûre à présent. Toujours.
;JULIEN
://sans rire//
:Oui, toujours. C’est le moins qu’on puisse faire.
://Colombe se serre de toutes ses forces contre lui, murmurant encore.//
;COLOMBE
:Toujours. Toujours. Toujours. Toujours.
://Ils s’embrassent encore, puis Julien la prend par la main.//
;JULIEN
:Vite, mon amour! Nous n’avons plus une minute à perdre !...
://Et ils se sauvent en courant, gaîment, à travers le théâtre sombre, vers leur destin, le rideau tombe.//
FIN DE «COLOMBE».!COLOMBE
[1951]
[[Monologue « Je ne te ferai plus de peine »|'COLOMBE - Jean Anouilh'::monologue]]
+++^60%^*[PERSONNAGES]
!!!PERSONNAGES
<<<
MADAME ALEXANDRA, célèbre tragédienne
JULIEN X ses fils
ARMAND J
COLOMBE, femme de Julien
ÉMILE ROBINET,
de l’Académie française, poète
DESFOURNETTES, directeur du théâtre
DU BARTAS, comédien
MADAME GEORGES, habilleuse de Madame Alexandra
LA SURETTE, son secrétaire
LE COIFFEUR
LE PÉDICURE
le garçon de chez « Maxim’s »
LES MACHINISTES
//La pièce a été créée au Théâtre de l’Atelier le 11 février 1951, dans mise en scène, des décors et des costumes d’André Barsacq.//
//© La Table Ronde, 1951.//
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+++*[PREMIER ACTE]
!!PREMIER ACTE
://Le couloir des loges et la loge de Madame Alexandra dont tout un côté est ouvert. Le couloir est mal éclairé, la loge est encore dans l’ombre.//
://En scène : Colombe, assise sur une chaise et Julien qui fait les cent pas. Ils semblent attendre quelque chose. Mme Georges, l’habilleuse, entre, portant une chaise.//
;MADAME GEORGES
:Là. Asseyez-vous, monsieur Julien. C’est long d’attendre.
;JULIEN, du fond
:Merci, Georges. Je t’ai déjà dit que j’étais mieux debout.
;MADAME GEORGES
:On dit ça et puis la jambe se fatigue. Mon aîné, il était comme vous - toujours debout. Qu’est-ce qu’il a maintenant? Des varices. Moi qui suis toujours assise, c’est le contraire. C’est le derrière qui finit par se fatiguer.
;JULIEN
:Je me fous de ton derrière, Georges. Je voudrais que la vieille arrive, et vite.
;MADAME GEORGES
://à Colombe//
:Ça commence par des fourmis et après c’est l’os de la fesse qui fait mal, ça monte jusqu’aux reins. La chair se mâche, forcément, toujours tassée.
;JULIEN
://crie à Colombe//
:Dis-lui qu’elle t’ennuie, je t’en prie et que tu ne veux rien savoir de son fessier. Si tu la laisses faire, dans cinq minutes elle va te le montrer.
;MADAME GEORGES
:Trente ans assise, madame Julien, à attendre la fin du spectacle ! Et il y a des pièces ' qui sont plus ou moins longues. On dit les travailleurs de force ; c’est dur aussi le métier d’habilleuse.
;COLOMBE
:Mais vous n’êtes pas obligée de rester tout le temps assise ?
;MADAME GEORGES
:Non, mais alors c’est la jambe qui peine. A mon sixième j’ai eu une phlébite, je m’en ressens.
;JULIEN
://crie//
:Georges, on se fout de ta phlébite ! Va voir si la vieille est sur le plateau.
;MADAME GEORGES
:Non. Elle monte toujours à la : loge avant la répétition. La vieille ! Si c’est pas malheureux : appeler sa mère comme ça, dans un certain milieu.
;JULIEN
:Et pas de morale, s’il te plaît !
;MADAME GEORGES
:Entendez-le. Entendez-le. C’est tout mon aîné. Quand on m’a rapporté mon homme avec ses deux jambes coupées - il avait glissé ' sous la machine en la nettoyant chez Panhard - j’ai dit : J maintenant, je vais être tranquille, il ne cognera plus, i Mais, madame Julien, il ne faut jamais dire ; l’aîné s’est | mis à cogner comme son père, et saoul pareil, le samedi. On a du mal avec les enfants. Mon troisième, celui qui est mort tuberculeux, je peux dire, il était bien doux. Toujours à cracher dans son coin ou à jouer tout seul avec des bouts de bois. Mais les autres... Avec le vôtre, madame Julien, vous avez des satisfactions j’espère?
;COLOMBE
:Il a un an.
;MADAME GEORGES
:À cet âge, ça ne sait pas encore. C’est quand ça commence à aller à l’usine que ça devient dur. Il se porte bien, au moins ?
;COLOMBE
:Très bien, merci.
;MADAME GEORGES
:Les cacas sont beaux? Le caca c’est tout l’enfant. Un enfant qui a de beaux cacas, c’est un enfant qui profite.
;JULIEN
: //a été à elle, exaspéré, il la prend par le bras. //
:Georges, si tu ajoutes un mot, je fais comme tes cinq fils : je t’assomme.
;MADAME GEORGES
://sans s’émouvoir, à Colombe//
:Vous voyez les hommes, madame Julien, tous les mêmes, ça ne pense qu’à cogner. Un gamin que j’ai vu grand comme ça.
;JULIEN
:Justement. Ça fait trop longtemps que je t’écoute.
;MADAME GEORGES
:Il était gentil vous savez quand il était petit et qu’il venait attendre Madame à la matinée du dimanche. Il me disait: «Georges, donne-moi du nougat. » C’est pas vrai monsieur Julien ?
;JULIEN
://la lâche, découragé, il repart//
:Si.
;MADAME GEORGES
:Il me rappelait mon petit troisième, celui qui est mort tuberculeux. Toujours dans son coin à vous regarder sans rien dire. Rien que : « Donne-moi du nougat. » Lui non plus il n’était pas fort des bronches, monsieur Julien.
;JULIEN
:Cela va mieux ; cela va beaucoup mieux. Je me suis guéri au nougat.
;MADAME GEORGES
:On dit ça. Le mien aussi disait : « Je suis plus fort que les autres », et puis un beau jour, on crache son sang. Il faut le surveiller, madame Julien, lui donner des bons sirops pendant qu’il est encore temps, et à votre petit aussi. Parce que le fils, c’est le père. Il ne tousse pas, au moins, le chérubin ?
;JULIEN
:Georges, mon fils ne tousse pas, ma femme ne tousse pas, je ne tousse pas. Fous-nous la paix ! Va voir si la vieille est en bas. j
;MADAME GEORGES
:Mon quatrième, celui qui est à la Légion maintenant, c’est le rein, lui, qu’il avait faible. Quand il fait son petit pipi, il faut toujours regarder la couleur, madame Julien. Si c’est trop blanc c’est qu’il est anémique. Il faut lui donner une gousse d’ail écrasée dans son lait.
;JULIEN
://est revenu//
:Ecoute, Georges, tu es bien sûre qu’il y a répétition aujourd’hui ? Il faut absolument que je la voie.
;MADAME GEORGES
:Deux ans sans voir sa mère ! Et s’être marié entre temps sans rien dire, et puis tomber comme ça sans crier gare juste avant la répétition. On va en entendre tout à l’heure. On est habitués, mais tout de même, ça va donner. C’est qu’elle n’est pas commode non plus Madame Alexandra. M. Julien et elle ça n’a jamais été tout seul. Ce n’est pas comme avec M. Armand. Mais celui-là, il faut dire qu’il sait s’y prendre.
;JULIEN
:Qu’est-ce qu’elle joue en ce moment?
;MADAME GEORGES
:{{{L’Impératrice des Cœurs}}} une pièce où il y a cinq changements, monsieur Julien. Parlez-moi d’Athalie quand elle la reprend. Ça c’est une bonne pièce, elle ne change qu’une fois. Mais ce qu’on répète en ce moment La Femme et le Serpent de Monsieur ~Poète-Chéri, il paraît que ça va être pire. Sept changements, dont deux précipités. Ceux qui écrivent les pièces ils ne pensent pas toujours à l’habilleuse.
;JULIEN
:Mon petit Georges, il est bientôt trois heures. Sois gentille, va voir si les autres sont déjà en bas.
;MADAME GEORGES
:Et deux étages, madame Julien, du plateau aux loges... Vous vous rendez compte avec ma phlébite, combien de fois je les monte dans la soirée? Il faut aimer le théâtre pour tenir. Quelquefois je pense : «Je serais concierge, je n’aurais que ma petite cour à balayer. » Quoique ça, il y a le courrier qu’il faut monter aux étages. Le pauvre il est toujours sur ses pieds.
;JULIEN
: la pousse
:Ou sur ses fesses comme toi et cela lui fait mal également. Fais vite !
://Quand Mme Georges est sortie.//
:L’Impératrice des Cœurs... Elle doit jouer une amoureuse. Ce sera dur.
;COLOMBE
:Pourquoi?
;JULIEN
:Les seules fois où j’ai pu parler à ma mère, c’est quand elle jouait une mère, le soir. On a beau dire, c’est tout de même quelque chose le théâtre !
;Colombe
:Tu exagères toujours.
;JULIEN
://continue//
:Je ne t’ai pas tout raconté. A quatre ans j’étais en pension chez un horrible marchand de soupe à vingt kilomètres de Paris; cela faisait six mois qu’elle n’était pas venue me voir ma chère « môman » ! comme dit mon frère. Je crevais de froid et de faim, ~Poète-Chéri lui apporte La Grande Coupable, cinq actes, en vers, bien entendu, où elle abandonnait son bébé sur les marches d’une église. Au cinquième acte, quarante-quatre alexandrins sur son remords. Quarante-quatre, pas un de moins, plus tard j’ai eu la curiosité de les compter. La veille de la générale, à la fin d’une répétition où elle s’était «donnée», comme on dit, dans un beau sentiment elle prend sa voiture avec des amis et vient voir comment se portait son cher petit à la pension. On avait même; emmené un photographe. Pas fou, ~Poète-Chéri ! Tu vois d’ici la publicité pour sa pièce: «La grande Alexandra,| notre tragédienne nationale, qui abandonne chaque soir son bébé sur les marches d’une église est, dans la vie, la maman d’un charmant bambin de quatre ans, qu’elle adore. » Seulement, le bambin était si maigre, il était telle-; ment couvert de croûtes qu’on a dû renoncer à le photographier. Le lendemain, maman arrachait des sanglots au Tout-Paris des Premières avec les quarante-quatre vers de remords du cinquième acte. Le bruit courut dans les couloirs que son fils était à la mort et qu’elle avait voulu jouer quand même. C’est un truc qui ne rate jamais. Ce fut un triomphe. Le plus clair résultat de cet émouvant chef-j d’œuvre, justement tombé dans l’oubli, c’est qu’on m’ai mis dans une pension suisse où j’ai repris forme humaine.
;Colombe
:Mon pauvre Julien... julien
:Depuis, je ne dis plus jamais de mal de la littérature. C’est aux vers de ~Poète-Chéri que je dois d’être encore en vie et appelé bientôt à servir la France - service armé comme il se doit.
;COLOMBE
:Qui est-ce, ~Poète-Chéri? julien
:Émile Robinet, de l’Académie française. Le poète à maman. Il l’appelle ~Madame-Chérie. Elle l’appelle ~Poète-Chéri. Il faudra t’y faire. On se chérit beaucoup au théâtre.
;COLOMBE
://demande après un petit temps//
:Tu crois qu’elle va faire quelque chose pour nous ?
;JULIEN
:Ce sera dur. Mais étant données les circonstances familiales et patriotiques, il faudra tout de même qu’elle y passe, la vieille, je te le jure bien.
;COLOMBE
:Tu es laid quand tu parles d’elle, ainsi!
;JULIEN
:Je sais. J’aurais bien voulu, moi aussi, qu’on m’ait appris à dire maman et que ce mot me touche le cœur.
;COLOMBE
:Pourquoi aime-t-elle ton frère et pas toi?
;JULIEN
:Armand est le fils d’un jockey qui a été sa seule passion. Elle l’entretient encore, c’est te dire - pas la passion, l’ancien jockey. Armand est venu après moi. Il a été plus joli, plus près d’elle. Il a tout de suite appris à traîner dans les coulisses et à se faire embrasser par les dames. Ses photos dans les jupes de maman avec ses belles boucles et son gros sucre d’orge étaient toutes réussies, à lui. Moi je lui rappelle un peu trop mon père. Exigeant et grognon.
;COLOMBE
:Il faut avouer que tu n’es pas facile à vivre non plus. Ou bien tu te fâches, ou bien tu te tais. Crois-tu que c’est bien de ne m’avoir jamais parlé de ton père ?
;JULIEN
:Tu as épousé un orphelin, je tenais à ce que tu en aies les avantages. Si je l’avais pu, elle non plus tu ne l’aurais jamais connue.
;COLOMBE
:Qui c’était, ton père?
;JULIEN
:Un officier, au Maroc. Un de ces hommes qu’on trouve impossibles, et qui le sont, sans doute. Le goût de la rigueur, de la probité, de l’honneur, poussé un peu loin, avec tout ce que cela comporte de désagréable naturellement, pour les autres. Mû par ce génie des misanthropes, pour dénicher les femmes qui doivent les faire souffrir, il est tombé amoureux de maman pendant une tournée qu’elle faisait, là-bas. Il a cru qu’elle serait la femme de sa vie. Elle lui a donné trois semaines de plaisir et puis elle l’a quitté - pour le comique de la troupe. Papa était un homme qui prenait l’existence au sérieux. Il a soigneusement astiqué son grand revolver d’ordonnance et il s’est fait sauter le caisson...
;COLOMBE
:Quelle horreur!
;JULIEN
:Oui. Ce geste, aussi, a beaucoup déplu à ma mère. Comme il s’est trouvé que les avortements sont assez difficiles en tournée, elle m’a mis au monde en rentrant à Paris. Voilà.
;COLOMBE
:C’est tout de même ta mère. Tu ne croisï pas que si tu y avais mis un peu du tien...
;JULIEN
:Merci. Le mien, comme tu dis, je le garde. Je n’en mets pas un peu avec n’importe qui.
;COLOMBE
:Tu es impossible, toi aussi, Julien ! julien
:Impossible n’est pas français ! Dis-moi tout de suite que je ne suis pas patriote, moi qui m’apprête à aller tirer trois ans au camp de Châlons pour défendre la République.
;COLOMBE
:Si tu avais voulu demander à ta mère, je suis sûre qu’avec ses relations elle t’aurait fait réformer. | julien
:Merci. Je suis antimilitariste, c’est pourquoi je ne veux rien demander à l’Armée française, même pas de renoncer à moi. Je ferai l’idiot, trois ans, comme les autres, à frotter le fusil Gras modèle 89.
;COLOMBE
://doucement//
:Et moi pendant ce temps-là.. J JULIEN, s’est rapproché, soudain changé
:Colombe, mon chéri, je n’ai que toi au monde. Tu sais que je vais crever de te quitter, mais tu sais aussi que tu ne pourrais plus m’aimer si je faisais quelque chose de laid pour te garder.
;COLOMBE
:Quelle idée, mon chéri! Je pourrais très bien t’aimer quand même, moi...
;JULIEN
:Pas moi. Et je tiens à pouvoir me regarder dans ma glace le matin en me rasant.
;COLOMBE
://soupire//
:Ah ! comme tout est toujours difficile avec toi.
;JULIEN
://gentiment//
:Ne sois pas injuste, Colombe. L’honnêteté n’est pas de tout repos c’est entendu, mais ce n’est tout de même pas moi qui l’ai inventée...
;MADAME GEORGES
:. -, surgit, criant
:Elle arrive ! Elle est en bas avec des étudiants qui lui demandent des autographes.
;JULIEN
:Ils n’ont pas encore dételé sa voiture? A chaque triomphe, c’est classique, ces bons jeunes gens s’attellent au coupé de maman. Comme elle est abominablement avare, elle a même fini par se demander si c’était bien la peine de garder un cheval.
;MADAME GEORGES
:Si vous le prenez sur ce ton avec elle, mon pauvre monsieur Julien, cela va recommencer comme avant. Vous me faites de la peine, tenez; quand on voit ce qu’en tire M. Armand avec des flatteries...
;JULIEN
:Georges, contente-toi de pleurer sur ton derrière, pas sur moi ! Je prendrai le ton qui me plaira.
;MADAME GEORGES
:Ah! les hommes, madame Julien, tous les mêmes ! Je vais l’avertir que vous êtes là, ça vaut tout de même mieux.
://Elle sort.//
;COLOMBE
://se rapproche de Julien//
:Julien, tu sais ce que tu viens lui demander, sois aimable je t’en supplie, sois poli. Pour le petit et pour moi.
;JULIEN
://qui tend l’oreille//
:Ecoute ça ! Cela graillonne, cela souffle, cela halète, cela hisse sa vieille carcasse en haut des marches comme cela peut, pour se faire applaudir encore une fois - au lieu de tricoter, comme les autres... Mais il ne faut pas croire ! en scène c’est éternellement jeune, cela ne paraît pas tout à fait vingt ans, cela minaude, cela séduit, cela roucoule... Et c’est ma mère!
;COLOMBE
://crie//
:Julien !
;JULIEN
://bouffonne//
:Colombe, tiens-toi droite ! Tu vas voir paraître devant toi la vieille déesse de l’Amour de la Troisième République... Tu es émue j’espère, toi qui crois à ce sentiment ?
;COLOMBE
:J’ai peur, mon chéri.
;JULIEN
:D’elle? Elle ne mord pas. Elle n’a plus de dents ! Elle n’a même plus son puma familier qui l’a suivie partout pendant six ans. Il est mort au Jardin des Plantes. De dégoût.
;COLOMBE
://dans un souffle//
:C’est de toi que j’ai peur, Julien.
;MADAME ALEXANDRA
://paraît, entourée de Mme Georges et d’un état-major de coiffeurs, de régisseurs, de pédicures. Elle passe devant Colombe et Julien sans même les regarder et s’engouffre dans sa loge, glapissant de cette voix déformée par les fausses dents qui a fait sa gloire.//
;MADAME ALEXANDRA. — Mon fils ? Inutile! Vous lui direz que je ne veux pas le voir !
://La porte de la loge se referme sur le cortège.//
;JULIEN
://est resté immobile, sidéré. Quand Madame Alexandra a disparu, il éclate//
:Ah non! C’est trop fort! Cette fois je casse son théâtre !
;COLOMBE
://tente de le retenir//
:Mon chéri. Reste calme. Tu n’obtiendras rien en criant.
;JULIEN
:Lâche-moi. Je veux crier. Il faut que je crie ou je m’étouffe ! Maman !
://Il fait irruption dans la loge et va frapper à la porte du cabinet de toilette qui est fermée. Il la secoue.//
:Maman ! Ouvre-moi ! Fais-moi ouvrir tout de suite, ou je casse la porte.
://Il secoue la porte en vain.//
:Elle s’est enfermée, dans son fromage, comme un vieux rat. Elle s’est assise sur son coffre et elle le couve.
://Il erre comme un lion en cage dans la loge en criant.//
:Madame Alexandra! si vous ne m’ouvrez pas, je casse vos potiches en faux Chine, je lacère vos tapis genre persan, je bouffe vos plantes vertes. Ouvrez, Madame Alexandra ! ou cela va vous coûter extrêmement cher, beaucoup plus cher que je ne veux vous demander.
://Il va crier, secouant la porte.//
:Madame Alexandra, place au théâtre ! C’est la grande scène du trois avec votre fils adoré. Vous allez pouvoir être une mère sublime encore une fois ! Madame Alexandra, votre public vous réclame ! Faites votre entrée !
://La porte s’entrouvre. Paraît le pédicure qui la maintient solidement.//
;LE PÉDICURE
:Madame fait dire à Monsieur qu’elle ne peut pas recevoir Monsieur. Elle a répétition.
;JULIEN
://par la porte entrouverte//
:Madame Alexandra, je suis calme. Je suis étonnamment calme. Mais je ne veux pas discuter avec votre pédicure. Faites-moi l’honneur de venir apprendre en personne pourquoi votre fils veut vous voir.
://On entend la voix de Madame Alexandra qui martèle dans la loge.//
;MADAME ALEXANDRA
:Qu’il sorte de ma loge et qu’il attende dans le couloir !
;JULIEN
://serre les dents. Il répond soudain, tout pâle.//
:Bien «moman». Je vais attendre dans le couloir, « moman ».
://Il est sorti en claquant la porte. Il rugit dès qu’il est en face de Colombe qui l’attendait tremblante.//
:Je suis calme, non? Il me semble que j’ai été poli.
://Derrière lui, le pédicure a trottiné fermer la porte. Mme Georges est sortie du cabinet de toilette; il attend qu’elle se soit glissée dans le couloir pour refermer à clef derrière elle. C’est tout un petit ballet furtif et affairé.//
;MADAME GEORGES
:. — Vous voilà bien avancé maintenant, monsieur Julien ! Je vous l’avais dit d’être aimable, On ne prend pas les mouches avec du vinaigre, voyons
;JULIEN
:Je regrette. Je n’ai pas de sucre sur moi.
;MADAME GEORGES
:Au lieu de faire un peu le joli cœur... Ce n’est pourtant pas difficile. Les femmes, ça aime qu’on les flatte. Enfin quoi ? Vous venez lui demander de vous aider. C’est à vous d’y mettre du vôtre, monsieur Julien.
;JULIEN
:J’y mettrai du mien si elle y met du sien,
://Il a un geste.//
:Seulement, elle ne le lâche pas comme cela, le sien, « moman ».
;MADAME GEORGES
:C’est combien que vous venez lui demander? Quelquefois cela s’arrange quand on sait le montant.
;JULIEN
:Je pars faire mon service militaire. J’ai reculé tant que j’ai pu, mais cette fois il faut que j’y passe, - je vais défendre la République. Je lui demande de faire vivre ma femme et mon fils pendant ces trois ans.
;MADAME GEORGES
://siffle//
:C’est que c’est long trois ans !
;JULIEN
:Pour eux aussi !
://Pendant ces dernières répliques, Madame Alexandra est rentrée dans sa loge en peignoir. Elle s’installe sur une sorte de trône. Le pédicure lui prend son pied, la manucure sa main, le coiffeur la tête. La Surette, son secrétaire, se tient à distance respectueuse avec ses papiers et attend. On dirait une vieille idole entourée de ses prêtres. Au bout d’un moment elle demande.//
;MADAME ALEXANDRA
:La Surette !
;LA SURETTE
://s’avance, obséquieux//
:~Madame-Chérie?
;MADAME ALEXANDRA
:Qu’est-ce que c’est que ce courrier ?
;LA SURETTE
:Benoiseau envoie sa facture pour les costumes de Y Impératrice. C’est la troisième fois qu’il réclame.
;MADAME ALEXANDRA
:Qu’il attende. Après?
;LA SURETTE
:Une note des machinistes qui demandent une augmentation de cinq francs par mois.
;MADAME ALEXANDRA
:Refusé. Après?
;LA SURETTE
:L’œuvre des Petits Orphelins du Spectacle écrit pour sa quête annuelle.
;MADAME ALEXANDRA
:Vingt francs.
;LA SURETTE
:L’année dernière, nous avions donné cinquante.
;MADAME ALEXANDRA
:Ce n’est pas moi. C’est Desfournettes. Vingt francs. Après ?
;LA SURETTE
:L’Aide aux Étudiants tuberculeux demande un envoi pour sa fête de charité.
;MADAME ALEXANDRA
:J’ai déjà donné aux étudiants.
;LA SURETTE
:Ceux-ci sont les Étudiants tuberculeux.
;MADAME ALEXANDRA
:Ou ils sont étudiants ou ils sont tuberculeux ! Il faut s’entendre.
;LA SURETTE
:Ils disent que Mme Sarah Bemhardt leur a envoyé une statuette dont elle est l’auteur.
;MADAME ALEXANDRA, glapit
:Dites-leur que je ne sculpte pas comme Mme Sarah Bernhardt ! Je ne fais que du théâtre, moi !
;LA SURETTE
://insinue//
:L’envoi de Mme Sarah Bemhardt sera certainement très remarqué.
;MADAME ALEXANDRA
:Tout ce que fait Mme Sarah Bernhardt est toujours très remarqué ! Elle est grande comment, cette statuette?
;LA SURETTE
:Si c’est le Bouffon qui était au dernier Salon des Artistes français, il est à peu près grand comme ça, ~Madame-Chérie.
;MADAME ALEXANDRA
:Seulement? Cela m’étonne d’elle.
://Elle appelle ://
:Georges !
;MADAME GEORGES
://dans le couloir, à Julien//
:Elle m’appelle. Ne bougez pas, je vous en supplie, monsieur Julien, tout va s’arranger.
://Elle se glisse dans la loge, ouvrant avec son passe-partout et refermant la porte derrière elle.//
:~Madame-Chérie ?
;MADAME ALEXANDRA
:Où as-tu mis ce Barbe-dienne, ce gros bronze affreux qu’on m’avait envoyé il y a deux ans et que je n’ai pu placer nulle part ?
;MADAME GEORGES
:La femme nue, ~Madame-Chérie?
;MADAME ALEXANDRA
:Mais non, pas la femme nue, imbécile ! La femme nue, c’est de Rodin. Je ne vais tout de même pas leur donner un Rodin sous prétexte qu’ils sont tuberculeux. D’abord tout le monde est tuberculeux, c’est connu.
;MADAME GEORGES
:Ah? Je sais ce que Madame veut dire. Le squelette ?
;MADAME ALEXANDRA
:C’est cela, c’est cela! L’affreux squelette qui tient un homme nu par la main.
;LA SURETTE
:Ah ! je vois, ~Madame-Chérie. «Le Jeune Homme et la Mort»? Parfaitement. Nous l’avons rangé dans le grenier de la rue de Prosny.
;MADAME ALEXANDRA
:Hé bien ! envoyez-leur cela, avec ma carte. C’est trois fois gros comme son Bouffon, cela embêtera Mme Sarah Bernhardt.
;LA SURETTE
:Mais Madame ne craint pas qu’on dise que le sujet... peut-être... «Le Jeune Homme et la Mort»?... Pour de jeunes tuberculeux...
;MADAME ALEXANDRA
://glapit//
:J’envoie ce que j’ai ! Ils m’embêtent! S’ils sont tuberculeux, ils se doutent bien qu’ils doivent mourir.
;JULIEN
://qui commence à s’impatienter dans le couloir. -Si elle se figure qu’elle va me faire attendre tout l’après-inidi dans le couloir, elle se trompe !//
;COLOMBE
:Sois poli, je t’en supplie.
;JULIEN
: est allé frapper à la porte, il appelle.
;JULIEN
:Maman !
://Tout le monde s’est figé dans la loge. On attend la réaction de Madame Alexandra qui dit simplement.//
;MADAME ALEXANDRA
:Après?
;JULIEN
://frappe encore//
:Maman !
;LA SURETTE
:Un jeune homme de Toulouse qui dit qu’il vous a vue dans Y Impératrice et qu’il veut se tuer pour vous.
;MADAME ALEXANDRA.
:C’est bien. Remerciez. Après ?
;JULIEN
://frappe//
:Maman ! Ouvre-moi.
://Attente dans la loge.//
;MADAME ALEXANDRA
://glapit//
:Après ?
;LA SURETTE
://impassible//
:Un mot de M. Julien qui dit qu’il passera vous voir cet après-midi au théâtre et que c’est grave.
;MADAME ALEXANDRA
:Après?
;JULIEN
://qui donne des coups de pied dans la porte. -Maman ! Je ne te laisserai pas tranquille ! Je donnerai des coups de pied dans ta porte jusqu’à ce que tu me fasses ouvrir !//
;MADAME ALEXANDRA, à La Surette qui écoute Julien avec l’ombre d’un sourire sur sa face maigre. — Vous avez entendu ? J’ai dit : après ?
;LA SURETTE
://efface aussitôt son sourire et reprend//
:Les sapeurs-pompiers, ~Madame-Chérie...
;MADAME ALEXANDRA, explose
:Qu’est-ce qu’ils veulent les sapeurs-pompiers ? Il n’y a pas le feu ! Qu’ils attendent qu’on les appelle, ceux-là aussi.
;LA SURETTE
:Leur fête annuelle au profit...
;MADAME ALEXANDRA, le coupe
:Au profit ! Toujours au profit ! Ils ne pensent qu’à profiter tous ces gens-là ! Est-ce que j’en donne, moi, des fêtes annuelles ? J’ai commencé à faire du théâtre à treize ans et depuis je n’ai pas passé un soir sans jouer et je n’ai jamais rien demandé à personne.
://Tout cela est ponctué de coups de pied de Julien dans la porte.//
;JULIEN
:Maman ! Madame Alexandra ! Si ce n’est pas pour moi, que ce soit pour vos peintures !
;COLOMBE
://essaie de l’arrêter, il la repousse.//
:Cela coûte cher madame Alexandra, les peintures ! Si vous me laissez une heure dans ce couloir, je botterai votre porte pendant une heure et il n’en restera plus rien de vos peintures !
://Il tape comme un fou en criant ://
:Madame Alexandra ! Je suis votre fils, nom de Dieu ! Et la voix du sang, qu’est-ce que vous en faites, Madame Alexandra !
;COLOMBE
://l’arrache soudain de la porte//
:C’est assez maintenant Julien, tu es odieux !
;JULIEN
://s’arrête surpris, il la regarde, il dit simplement.//
:Ah ? Toi aussi m trouves que je suis odieux ? Alors, c’est que cela doit être vrai. C’est bon. Je me tais.
://Il va s’asseoir sans un mot sur la chaise et ne dit plus rien, la tête dans ses mains.//
;MADAME ALEXANDRA
:Après? la SURETTE
:Qu’est-ce que je réponds aux pompiers ? Mme Sarah Bemhardt a envoyé cent francs.
;MADAME ALEXANDRA, hurle, hors d’elle
:Mme Sarah Bemhardt a de l’argent à jeter par les fenêtres. Pas moi ! Je ne fais pas de tournées en Amérique du Sud, comme les cirques, moi ! Envoyez des fleurs, toutes les fleurs que j’ai reçues dans la semaine.
;LA SURETTE
://un peu étonné//
:Des fleurs, aux pompiers ? madame ALEXANDRA
:Oui. Vous êtes sourd?
;LA SURETTE
:C’est que certaines corbeilles sont déjà un peu fanées ~Madame-Chérie.
;MADAME ALEXANDRA
://péremptoire//
:Justement. Ils les arroseront. Ils adorent ça, les pompiers !
://Elle se lève.//
:C’est assez maintenant. Je suis fatiguée. Nous reprendrons le courrier après la répétition. Je vais me maquiller.
;LA SURETTE
://salue, obséquieux//
:Bien ~Madame-Chérie. Quand vous voudrez !
://La Surette sort. Mme Georges va lui ouvrir avec son passe-partout et fait signe à Colombe et à Julien d’attendre tranquillement. Pendant ce temps, Madame Alexandra est passée dans la seconde loge, suivie de son état-major. Mme Georges la rejoint rapidement. Seul dans le couloir avec Julien, La Surette change d’attitude.//
La came !
://Julien a levé un œil, il le regarde. L’autre reprend humble.//
;JULIEN
:Oui.
;LA SURETTE
://se rapproche, haineux//
:Et c’est comme cela toute la journée depuis dix ans, à faire le pitre avec mes papiers à la main... Et je te fais des courbettes! Oui ~Madame-Chérie ! Bien ~Madame-Chérie ! Entendu ~Madame-Chérie !
://Il crie soudain, après un coup d’œil de lâche à la porte fermée ://
:Merde, ~Madame-Chérie ! Quand est-ce, dites, monsieur Julien, quand est-ce que je le lui crierai ?
;JULIEN
://a relevé la tête, il le regarde//
:Quand tu voudras La Surette, tu es libre.
;LA SURETTE
:Vous dites cela parce que vous êtes son rejeton. C’est facile de l’ouvrir quand on est le fils à sa maman. Le salarié, lui, il la ferme. Et hermétiquement. Bien ~Madame-Chérie, qu’il répond le salarié ! Et le sourire ; qu’il ne l’oublie pas surtout. Et la nuance d’admiration et de gratitude. Ce n’est pas tout de dire ~Madame-Chérie, il faut le dire avec conviction. Elle y tient, la vieille. Il faut qu’on l’adore nous, en plus. Quelquefois, quand elle trouve que je comprends pas assez vite, vous savez ce qu’elle fait la ~Madame-Chérie? elle me lance une potiche à la figure ! Oh ! pas chère, elle est pas folle!... Un petit vase de rien du tout, mais bien dirigé tout de même. « La Surette, vous êtes un âne ! » Moi, j’esquive la potiche, j’ai l’habitude, mais attention ! - pas d’impair! - je dois continuer à sourire. Très drôle ~Madame-Chérie ! Quel tempérament elle a, la patronne ! C’est le génie quoi, qui veut ça ! Ah ! ce qu’on l’admire, monsieur Julien, ce qu’on l’admire tous, votre « moman » ! On n’en peut plus de l’admirer! On s’en rengorge, tellement on est fiers et honorés de la servir, la Diva!... Et c’est pas pour nos cent cinquante francs par mois, oh non ! on n’est pas si bas ! - c’est pour l’admiration qu’on travaille. Elle y tient !
;JULIEN
:Pourquoi restes-tu?
;LA SURETTE
:J’ai une particularité, monsieur Julien, comme tous les ânes, je broute. Deux fois par jour. Et comme c’est elle qui me fait brouter, j’avale le reste, avec le picotin. C’est un peu cela que vous allez faire tout à l’heure, quand elle voudra bien vous recevoir, non? Les argents c’est pas tout ! Ceux qui les ont, ils ne les lâchent pas ainsi. Faut, qu’en plus, on paye en nature ! C’est la loi. Oui ~Madame-Chérie, qu’il faut dire, c’est absolument exact, je suis un âne et votre vieille gueule, elle m’éblouit ! Ah ! si un soir, un seul soir, on est les plus forts, nous autres...
;JULIEN
://s’est levé//
:Fous le camp, La Surette ! Tu me dégoûtes.
;LA SURETTE
:Naturellement! Je suis ignoble! Et lâche, et tout ! Et je le sais ! Mais cela aussi elle me le paiera vous m’entendez? d’être ignoble: C’est sur son compte... Allez, monsieur Julien, allez la faire la risette â maman. On est tous les mêmes, plus ou moins fiers, plus ou moins tapageurs, mais le moment venu : la courbette, Oui ~Madame-Chérie qu’on répond, je suis un âne. Il faut bien vivre...
://Il est sorti, ricanant, ignoble. Julien est resté debout, tout pâle. Il dit soudain.//
;JULIEN
:Il est trop laid. Tout est trop laid. Viens, nous repartons.
://A ce moment Armand paraît, se dirigeant rapidement vers la loge. Il s’arrête stupéfait devant Julien.//
;ARMAND
:Julien ! Par exemple ! D’où sors-tu?
://Il avise Colombe.//
Mais qui est-ce ?
;JULIEN
:Ma femme. Mon frère Armand.
;ARMAND
:Comment? Vous vous êtes mariés? Pour de bon ? Sacré Julien ! Une scène terrible, pour changer, la porte qui claque. Disparu ! Dans une trappe ! Pendant deux ans on n’entend plus parler de lui. Quel calme soudain à la maison ! Où étais-tu ? En Amérique ?
;JULIEN
:À Belleville. Je donnais des leçons de piano. Et on n’est pas très musicien dans ce quartier.
;ARMAND
:Alors, tu viens faire la paix avec la maman ? Je vais arranger cela.
;JULIEN
:Je ne crois pas. Nous repartons.
;ARMAND
:Laisse-moi faire. Je te promets une reddition honorable.
;JULIEN
:Non merci. Tu es bien gentil. Nous repartons.
;ARMAND
:Tu as besoin de quelque chose? J’ai été ratissé hier soir mon cher. Une déveine!... Mais je vais aller voir maman, tout sera arrangé dans cinq minutes. Ne bouge pas.
;JULIEN
://l’arrête//
:Non. J’étais seulement monté en passant. Elle est occupée. Tout va très bien. Au revoir. Je suis content de t’avoir revu.
://Il veut entraîner Colombe qui lui échappe et va à Armand.//
;COLOMBE
:Monsieur, ne l’écoutez pas! Il est trop fier. Il était venu pour essayer de voir sa mère.
;JULIEN
://veut l’empêcher de parler. — Je te défends, Colombe !//
;COLOMBE
://continue//
:Nous avons un petit bébé, monsieur, et Julien part faire son service militaire. Il était venu lui demander de s’occuper de nous.
;ARMAND
:Comment? Tu n’es pas réformé?
;JULIEN
:Non. J’avais seulement demandé un sursis à cause du Conservatoire. Je pars demain pour le camp de Châlons.
;ARMAND
:Et la petite va rester sans un franc, avec son moutard sur les bras ? C’est cela que tu voulais dire à maman ?
;COLOMBE
:Oui monsieur. Et comme elle n’a pas accepté de nous recevoir tout de suite, il voulait repartir.
;ARMAND
:Tête de bois ! Sacrée brute ! Toujours le même ! Un pieu ! Un totem ! Huguenot, va ! Il doit vous rendre très malheureuse, mon enfant ?
;COLOMBE
:Je l’aime, monsieur.
;ARMAND
:Je m’en doute bien. Nous l’aimons tous. Mais cela ne nous empêche pas de penser que la vie est tout de même plus facile qu’il ne l’imagine ! Et si je n’étais pas monté taper maman, il allait repartir, tout raide, une deux, une deux, droit au camp de Châlons, sauver la France ! D’abord, mon vieux, on va te faire réformer.
;COLOMBE
://crie//
:Tu vois Julien !
;JULIEN
:Non merci. Je ne veux pas.
;ARMAND
:Ta ra ta ta - ta ta ta ta ! Ta ra ta ta - ta ta ta ta ! Tu y tiens à aller faire du gauche-droite avec les soixante livres sur le dos ? A ton aise ! Mais ce ravissant petit bout de femme, seul à Belleville, avec les couches du bébé et le laitier qui ne veut plus faire crédit, tu n’y tiens pas absolument ? Cela ne fait tout de même pas partie de ta noble conception du monde? Alors laisse-moi faire. Je m’occupe d’eux, moi. Dans cinq minutes cette nymphe et son moutard sont casés. Et tu pourras partir, d’un cœur léger, nous défendre sur les frontières !
://Il rentre dans la loge, va jusqu’au cabinet de toilette, où il entre sans frapper, criant gaiement.//
«Madame-Maman, je vous salue !... »
;JULIEN
: n ’a pas bougé. Colombe, qui a regardé sortir Armand pleine d’admiration, se rapproche.
;COLOMBE
:Comme il est gentil! Comme il est gai, lui ! Tu vois que j’ai bien fait de lui parler.
;JULIEN, sans bouger
:Oui.
://Il dit soudain d’une drôle de voix ://
:Ecoute, Colombe. Je vais te laisser seule. La vie n’est pas comme tu crois.
;COLOMBE
:Je sais, mon chéri.
;JULIEN
:La vie est grave, la vie est humble, Colombe. La vie n’est pas dans les gestes qu’on fait.
;Colombe
:Oui, je sais, tu me l’as expliqué.
;JULIEN
:Tu vas les voir. Tout ce qui va t’éblouir en eux est faux.
;COLOMBE
:Oui Julien.
;JULIEN
:Je sais que ton cœur est bon et que tu fais des efforts pour comprendre ce que je t’explique ; mais tu es toute petite encore et la facilité a des pièges terribles.
;Colombe, //a un petit rire//
:Il faut que j’aie très peur?
;JULIEN
:Ne ris pas, c’est grave. Il faut avoir peur d’elle de toutes tes forces, petit oiseau. Jure-le-moi.
;COLOMBE
:J’essaierai d’avoir très peur mon chéri, je te le jure, pour que tu sois content de moi. Mais c’est si vilain la facilité ?
;JULIEN
:Oui, Colombe.
;COLOMBE
:C’est pourtant bon les choses qui se font sans peine et qui vous font plaisir.
;JULIEN
://crie//
:Non, ce n’est pas bon.
;COLOMBE
:La facilité, c’est quand on me dit que je suis belle et qu’on veut m’offrir un bouquet?
;JULIEN
:Oui.
;COLOMBE
:Quel mal y a-t-il à prendre les fleurs si je ne donne rien en échange? La facilité, c’est de rire quand les garçons plaisantent en passant, quand les vieux messieurs se retournent d’une pièce dans les rues en se cognant les uns aux autres, et qu’on s’arrête un petit peu devant une boutique, plus loin, pour voir leur air désespéré ? Mais c’est amusant tout cela : ce n’est pas mal, puisque je t’aime.
;JULIEN
:Si. Ecoute, petit oiseau, c’est difficile. Je vais être loin, je serai impuissant. Si tu m’aimes précisément...
;COLOMBE
:Mais je t’aime, mon chéri, je n’aime que toi.
;JULIEN
:Oui. Je veux le croire de toutes mes forces en ce moment. Alors si tu m’aimes... Tu m’écoutes bien? tu regardes ailleurs...
;COLOMBE
:Je regarde ailleurs, mais je t’écoute, mon chéri. De toutes mes oreilles.
;JULIEN
://gravement, un peu ridicule//
:Si tu m’aimes, Colombe, tu n’aimeras rien de ce que tu aimes.
;COLOMBE
: a un petit sourire trop tendre, elle demande, incrédule
:Pas les robes, pas les bagues, pas les fleurs, pas les compliments ? Pas les boutiques où on vous montre pour rien tout ce qu’il y a de beau sur la terre ?
;JULIEN crie, malheureux
:Non.
;Colombe
:Mais je ne demande pas que tu m’achètes. Seulement les regarder. Quel mal y a-t-il à regarder ?
;JULIEN crie
:Même pas les regarder.
;Colombe
:Que tu me dises de ne pas accepter si on me propose, oui, je comprends à la rigueur, mais de regarder seulement...
;JULIEN
: crie
:Non ! Puisque je ne peux pas te les donner ces robes, il ne faut même pas les regarder.
;COLOMBE
:C’est un peu difficile ce que tu me demandes.
;JULIEN
:Tout ce qui est bien est difficile. Je te l’ai expliqué. Jure-le-moi.
;COLOMBE
:On a toujours peur avec toi. C’est comme une leçon qu’on n’est jamais très sûre de savoir.
;JULIEN
:Écoute et tâche de comprendre, Colombe. Tu es ma femme. Et tu as accepté de me suivre et d’être pauvre il y a deux ans. C’est vrai cela ?
;Colombe
:Oui, mon chéri.
;JULIEN
:Tu as tout accepté parce que je t’ai parlé et que tu m’as cru : le petit garçon qui crie toujours et qui ne veut pas que nous dormions, avec ses couches et ses biberons, et les doigts rouges avec les langes et la vaisselle et toute la pauvre petite vie de tous les jours. Tu n’étais pas obligée et pourtant tu as accepté.
;COLOMBE
:J’ai accepté parce que je t’aimais mon chéri, voilà tout.
;JULIEN
: crie
:Cela ne me suffit pas que tu m’aimes ! Je vais partir. Jure comme nous avons juré autrefois.
;COLOMBE
:Devant le maire ? Il était trop laid avec son écharpe sur le ventre et ses pellicules. Ça ne comptait pas.
;JULIEN
:Alors, jure comme nous avons juré devant le vieux curé qui pensait à autre chose, dans la petite chapelle froide où il n’y avait pas d’invités, peut-être même pas de bon Dieu.
;COLOMBE
:Bon. Je jure. Là. Tu es content? julien
:Crache.
;COLOMBE
:Je crache. Mais ce n’est pas parce que j’ai juré, idiot chéri, que je suis ta femme. C’est parce que je t’aime.
;JULIEN
: crie
:Non ! Je ne veux pas que tu sois ma femme parce que tu m’aimes ! Qu’est-ce que tu veux que cela me fasse que tu m’aimes? Demain, tu peux ne plus m’aimer. Je veux que tu sois ma femme, toujours, parce que tu me l’as juré.
;COLOMBE
://un peu pincée//
:Alors cela t’est égal que je t’aime ?
;JULIEN
: crie, furieux
:Oui !
://Il se reprend, malheureux ://
:Non. Comprends-moi, petit oiseau. Tu n’es pas seulement ma femme. Une femme, j’aurais pu en avoir une autre, plus belle que toi peut-être...
;COLOMBE
://bondit//
:Comment, plus belle que moi?... Et tu oses prétendre que tu m’aimes ! Mais va la chercher, va la chercher tout de suite, cette idiote, et on verra si elle s’amusera tous les jours avec toi !
;JULIEN
:Ecoute-moi, Colombe. Tu comprends ce que je veux dire. Tu aurais pu, toi, connaître un autre homme plus beau ou plus fort que moi et l’aimer comme un homme. Cet amour-là, qui est une partie de notre amour, c’est ce que nous pouvions donner à n’importe qui, parce que nous sommes jeunes et vivants. Toi, tu es autre chose. Tu es mon alliée, tu es mon petit frère. Ils sont laids tous, ils sont veules et ceux qui ne sont pas méchants, sont bêtes. Depuis que je suis tout petit, je n’ai le souvenir que de blessures. Je les hais.
;COLOMBE
:Il faut avouer aussi que tu n’es pas sociable...
;JULIEN
: crie
:Non, je ne suis pas sociable ! Mais j’ai refait un monde à moi où tout est plus difficile et plus pur. Et c’est toi qui es ce monde, Colombe, avec ce petit quinquagénaire ricanant dans ses langes - provisoirement. Tant qu’il n’a pas encore montré qui il était.
;COLOMBE
:C’est ton fils tout de même, ce vieux monsieur ! Et s’il n’est pas ce que tu veux quand il sera grand, tu ne l’aimeras pas ?
;JULIEN
: crie sincèrement
:Non !
;COLOMBE
:Alors moi, si je comprends bien, c’est pour mes qualités que tu m’aimes ? julien
:Oui.
;COLOMBE
:Si j’étais menteuse, si j’étais voleuse, si j’étais coquette, tu ne m’aimerais pas ? julien
:Non !
;COLOMBE
:Tu ne m’aimes que pour mes qualités. Tu crois que c’est flatteur? Tout le monde peut m’aimer pour mes qualités : c’est bien malin ! Il faut que tu m’aimes pour mes défauts aussi si tu m’aimes !
;JULIEN
:Tu n’as que des défauts d’oiseau, Colombe.
;COLOMBE
:Et si j’en avais d’autres un jour, des plus gros, tu ne m’aimerais plus? C’est trop facile mon bonhomme. Et tu crois que c’est cela l’amour?
;JULIEN
:Oui, Colombe.
;COLOMBE
://hausse les épaules//
:Tu en sais toujours plus long que les autres. Moi, je sais en tout cas que ce n’est pas comme cela que je veux qu’on m’aime. Je veux qu’on m’aime comme une vraie femme. Pas seulement comme une écolière qui récite bien sa leçon.
;JULIEN
://sourit, vaincu//
:Hé bien, au retour du service militaire je t’aimerai comme une vraie femme, c’est promis. Nous aurons des scènes, nous aussi, de grands éclats et des réconciliations et tu me feras souffrir comme les vraies femmes font souffrir les vrais hommes. Mais pendant que je serai absent rappelle-toi bien la leçon tout de même, petit oiseau. Sois dure, exigeante, fermée.
://Il dit soudain, pitoyable et cocasse à la fois ://
:Sois encore un peu, je t’en prie, comme j’aime que tu sois.
;COLOMBE
://avec un peu d’humeur encore//
:J’essaie toujours d’être comme tu le veux, tu le sais bien.
;JULIEN
: hésite un peu, puis soudain
:Il va revenir. Je veux te dire quelque chose encore. Tu n’aimeras pas Armand si tu dois le revoir.
;COLOMBE
:Mais il est très gentil ! julien explose encore
:Tu ne l’aimeras pas parce qu’il est très gentil ! Tu ne l’aimeras pas si tu m’aimes, parce que, moi, je ne suis pas très gentil !
;COLOMBE
:Oh! tu n’as pas à t’en vanter! C’csl plutôt une qualité d’être gentil.
;JULIEN
: hurle
:Non !
;COLOMBE
://a un petit soupir comique//
:Comme tout est compliqué avec toi, mon chéri ! Il faut toujours que je me méfie. Et pour moi tout est tellement plus simple... Tout le monde est gentil, il n’y a rien de laid et j’ai seulement envie d’être heureuse...
://Elle rêve un peu et soupire.//
:Heureuse... C’est drôle, c’est un mot qui chatouille les lèvres quand on le dit, comme si on vous embrassait.
;ARMAND
: sort de la loge du fond en criant
:Vous êtes toujours là, les tourtereaux?
://Il apparaît, ravi, dans le couloir.//
:Victoire mes enfants ! Elle ne veut pas recevoir le renégat, mais elle consent à voir son épouse... Comment s’appelle-t-elle, au fait, cette jeune beauté ?
;COLOMBE
:// s’est levée comme une petite écolière, elle lui répond bien poliment//
:Colombe, monsieur.
;ARMAND
:Dieu que c’est ravissant! Où avez-vous été dénicher ce nom-là ?
;COLOMBE
:C’est une sainte.
;ARMAND
:Comme c’est dommage ! J’espérais qu’on l’avait fait pour vous. En tout cas, cela ne devait pas être une vraie sainte : elle avait sûrement un peu péché. Patiente cinq minutes dans le couloir, mon petit vieux; si tu te montres, elle va voir rouge. Je voudrais faire accepter Colombe d’abord. Toi, tu feras ton entrée au second tableau. Le fils repentant, la mère au grand cœur, il suffit de lui suggérer la scène : je la connais, elle la jouera. Tu n’y couperas pas au baiser d’adieu ! Un détail cependant : je ne lui ai pas encore dit qu’elle était grand-mère. A son âge, cela pourrait la tuer. On lui annoncera cela plus tard, avec des ménagements. Tu es d’accord? Cela ne choque pas trop ton sens de la rigueur, cher Caton ?
;JULIEN
://bourru//
:Je te remercie, Armand. Tu es très bon.
;ARMAND
:Mais non, mais non, je ne suis pas bon, cher ours ! Tu le sais aussi bien que moi. Seulement, ta femme est ravissante et tu es mon frère, après tout! Il faut bien avoir le sens de la famille, de temps en temps. Allons, suivez-moi, rougissante Colombe. Et du charme ! Mais j’ai l’impression que je n’ai pas de conseils à vous donner sur ce point. Je me trompe ?
;COLOMBE
://qui le suit//
:Oui monsieur. Je suis très timide.
;ARMAND
://qui la tire par la main en riant//
:Vraiment mon cher cœur? Vous donnez tout de suite cette impression ! Et d’abord, ne m’appelez pas monsieur. Je m’appelle Armand.
://Ils sont passés dans la loge. Colombe regarde autour d’elle, émerveillée.//
:C’est beau, hein, chez maman? Le grand art! Et elle a réussi ce tour de force : tout est rigoureusement faux. Asseyez-vous sur ce pouf qui aurait bien voulu être Louis XV et attendez-moi bien sagement. J’introduis le tigre. Cette présentation importante ne pouvait décemment pas avoir lieu dans son cabinet de toilette. Et vous savez, du cran ! - c’est comme tous les vieux fauves, il suffit de les regarder en face, cela les démonte et c’est eux qui ont peur. D’ailleurs je serai là ! Une seconde.
://Il est entré dans l’autre loge. Colombe est restée seule dans la grande pièce encombrée de tentures, de potiches, de plantes vertes. Julien est seul sur sa petite chaise dans le couloir, de l’autre côté du mur. Il crie soudain.//
;JULIEN
:Colombe!
;COLOMBE
:Oui.
;JULIEN
:Tu m’as juré !
;COLOMBE
://un peu impatientée//
:Mais oui ! Tu es insupportable. Tais-toi.
://Desfoumettes, le codirecteur du théâtre avec Alexandra, accompagné de ~Poète-Chéri, entre par le couloir du fond. Deux grands cols, deux culs-de-singe, deux paires de moustaches, deux hauts-de-forme, deux redingotes, deux cannes.//
;DESFOURNETTES
://s’exclame//
:Admirable !
;~POÈTE-CHÉRI
:Vous trouvez? Vraiment?
;DESFOURNETTES
:Mon cher poète, c’est génial ! J’ai beau chercher, je ne trouve pas d’autre mot.
;~POÈTE-CHÉRI
://modeste//
:Ne cherchez plus. Celui-là est bien suffisant. Je suis assez content moi-même, oui, je crois que je tiens mon becquet.
;DESFOURNETTES
:Le cinquième acte va être éblouissant !
://Il passe devant Julien.//
:Pardon monsieur.
://Il le voit.//
:Mais c’est Julien? Par exemple ! Qu’est-ce que tu fais la, garnement?
;JULIEN
:J’attends ma mère.
;DESFOURNETTES
://un peu inquiet//
:Elle sait que tu es là ?
;JULIEN
:Armand a été la prévenir.
DESFOURNETTES
:Pas de scène avant la répétition, je t’en prie mon petit. Attends six heures. Nous passons le 22. Nous n’avons pas un jour à perdre. Demande à Robinet.
://Il remarque l’attitude raide de ~Poète-Chéri.//
:Vous ne vous dites pas bonjour?
;~POÈTE-CHÉRI
://de bois//
:J’attends.
;DESFOURNETTES
:Qu’est-ce que vous attendez?
;~POÈTE-CHÉRI
:Les excuses.
;DESFOURNETTES
:Quelles excuses?
;~POÈTE-CHÉRI
:Monsieur sait parfaitement de quoi il s’agit.
;DESFOURNETTES
://se rappelle//
:Ah ! le coup de pied ! Ce n’est pas encore réglé depuis le temps, cette histoire-là?
;~POÈTE-CHÉRI
:Pas encore.
;DESFOURNETTES
:Un bon mouvement Julien ! Vous ne pouvez pas rester éternellement fâchés, Robinet et toi. Je suis sûr que vous ne vous rappelez même plus pourquoi vous vous êtes bousculés ?
;JULIEN
:Si. Très bien.
;DESFOURNETTES
:Tête de bois! Robinet, soyez conciliant. J’ai réglé dans ma vie un certain nombre d’affaires délicates ; un coup de pied n’est pas une gifle, Croyez-moi, le code est formel : le coup de pied n’entache pas l’honneur.
;~POÈTE-CHÉRI, pincé
:Pardon. Au derrière !
;DESFOURNETTES
://démonté//
:Au derrière. Evidemment. Le coup de pied au derrière entache l’honneur. C’est à toi de faire le premier pas, Julien.
;JULIEN
:Si je fais un pas, je lève le pied. Si je lève le pied, je ne réponds de rien.
;DESFOURNETTES
:Tu es impossible! Enfin, je ne sais plus ce que t’avait fait Robinet, mais je suis sûr que cela ne présentait aucun caractère de gravité. Robinet, de votre côté, vous devez tout de même considérer qu’il vous a atteint au mollet. C’est au mollet qu’il a déchiré votre pantalon, j’étais témoin.
;~POÈTE-CHÉRI
://inflexible//
:Le derrière était visé. desfournettes
:Qui sait? Dans la bousculade... Honnêtement, mon petit Julien, visais-tu le derrière ? Si tu dis non, je me porte garant que Robinet peut être satisfait et qu’il vous est possible de vous serrer la main... Un bon mouvement, sacrebleu ! Tu viens justement ici pour te réconcilier avec ta mère. Robinet est son poète et son ami. De plus, pourquoi ne pas en convenir devant lui, c’est un liomme qui a du génie, - il pourrait être ton père, - il est île l’Académie française, c’est une de nos gloires nationales... Tout cela compte, que diable!... Tu es jeune, emporté, on le sait, il y a eu une bousculade, entre vous, il y a deux ans, je ne veux même pas savoir pourquoi... Avoue que ce n’était pas son derrière que tu visais ?
;JULIEN
:Si. C’était son derrière. Et je n’ai qu’un regret, c’est de l’avoir raté.
;DESFOURNETTES
://a un geste désespéré, il entraîne ~Poète-Chéri//
:Impossible ! Tu es impossible ! Tu découragerais un saint! Personne ne pourra te supporter, jamais! Venez, Robinet.
://Il entre dans la loge, entraînant ~Poète-Chéri qui toise Julien et passe raide, avec une vague crainte pour son derrière dans sa façon de marcher.//
://Apercevant Colombe ://
:Bonjour, mon enfant.
;~POÈTE-CHÉRI
://met son monocle, heureusement surpris,//
:Mademoiselle.
;DESFOURNETTES
:Vous attendez Madame Alexandra?
;COLOMBE
:Oui monsieur.
;~POÈTE-CHÉRI,
://qui papillonne autour d’elle, entre ses dents, assez haut pour que Colombe entende, à Desfournettes, //
:Charmante! elle est charmante!... Dites-moi, mademoiselle, est-ce que nous ne nous sommes pas déjà rencontrés quelque part ?
;COLOMBE
://un peu gênée//
:Si monsieur, il y a deux ans. Au théâtre.
;~POÈTE-CHÉRI
://qui se rappelle soudain et met machinale-ment la main à son derrière//
:Ah ! c’est juste !... Mais alors vous êtes avec...
://Il a un geste,//
;COLOMBE
:Oui, monsieur. Je suis sa femme, maintenant.
;~POÈTE-CHÉRI
://de glace//
:Compliments.
;DESFOURNETTES
://a été à la porte de la loge//
:Vous êtes là, ~Madame-Chérie? ~Poète-Chéri a fait son becquet. C’est génial !
;~POÈTE-CHÉRI
://minaude, ravi//
:N’exagérons rien ! Je crois tout simplement que ce n’est pas mal venu.
;MADAME ALEXANDRA fait irruption, empanachée dans son costume de scène tout en paillettes. Boas de plumes, ombrelle, chapeau gigantesque. Elle est suivie d’Armand et de Mme Georges. Le pédicure, le coiffeur, sont sur le seuil pour contempler leur œuvre.
;MADAME ALEXANDRA
:Hé bien, où est-il ce becquet? Et cette petite, où est-elle? Elle est ravissante. Bonjour mon petit. ~Poète-Chéri !
;~POÈTE-CHÉRI
:~Madame-Chérie !
://Ils tombent dans les bras l’un de l’autre et s’embrassent.//
;MADAME ALEXANDRA
:Mon grand homme! Mon seul Dieu ! Quand je pense que c’est si gentil et que cela a du génie. Bien dormi, au moins ?
;~POÈTE-CHÉRI
://a un sourire désabusé//
:Pas dormi, ~Madame-Chérie. Le becquet !
;MADAME ALEXANDRA
:Oh le becquet! C’est vrai, le becquet ! Les muses me l’ont fatigué, il est tout pâle, mon poète... Un fauteuil! qu’il s’asseye! un fauteuil tout de suite pour mon poète !
://On se précipite, on avance un fauteuil, on veut en avancer un autre pour elle, elle arrête d’un geste.//
:Non. Pas pour moi. Je n’en ai pas le droit aujourd’hui. Un pouf très bas. Je veux écouter mon poète à ses pieds !
;~POÈTE-CHÉRI
://se lève//
:~Madame-Chérie ! C’est à vous, c’est à votre génie que je dois tout ! Je ne permettrai pas !
;MADAME ALEXANDRA
:Oh qu’il est gentil ! Il est bon < omme le bon pain ! Il faut que je l’embrasse encore !
://Ils s’embrassent encore.//
:Grand, grand poète, et qui ne le sait même pas !
;~POÈTE-CHÉRI
://qui la serre sur son cœur//
:Madame-1 hérie ! Grande, grande artiste ! Inoubliable !
;MADAME ALEXANDRA conclut, pratique, se détachant soudain
:Deux fauteuils, alors, deux fauteuils.
://Ils s’asseyent. Elle regarde Colombe,//
:Elle est ravissante cette petite! Il faudra la coiffer autrement. Je vous écoute, ~Poète-Chéri.
;~POÈTE-CHÉRI
://qui a tiré ses papiers de sa poche//
:Cela se place après la grande scène du cinq : quand Gaétane a décidé de mourir.
;MADAME ALEXANDRA
:Je vois. Elle est étendue sur une méridienne, très pâle. Sa robe blanche fait de grandi plis tout autour d’elle - vingt mètres de tissu. Ce sera magnifique. Je vois tout à fait cela...
;~POÈTE-CHÉRI
:Je commence.
://Il commence//
:Lune amie ! Astre mort et froid comme mon cœur..,
;MADAME ALEXANDRA
:Dieu que c’est beau! Dieu que c’est beau cela ! Dieu que c’est bien dit !
::... Astre mort et froid comme mon cœur!
:Je vois tout à fait comment je leur dirai cela. Je Ici tiendrai. J’en ferai ce que je voudrai.
://Elle n’a pas cessé de se regarder dans la glace en parlant. Elle crie soudain, d’une autre voix ://
Lucien ! Bougre d’âne !
;LE COIFFEUR
://se précipite//
:~Madame-Chérie ?
;MADAME ALEXANDRA
:Vous vous moquez de moi mon garçon. Vous m’avez coiffée comme un caniche, Qu’est-ce que c’est que ces boucles ? Arrangez-moi cela tout de suite. Et après, il faudra coiffer cette petite. De* chiens avec un front pareil, elle est folle ! Quand on a un joli front on le montre, mon petit. Je vous écoute, ~Poète-Chéri.
;~POÈTE-CHÉRI
://reprend//. Lune amie ! Astre mort et froid comme mon cœur...
;MADAME ALEXANDRA
:C’est bien cela! C’est très bien ! Vous tirez, Lucien !
;LE COIFFEUR
:Ce sont les fausses, ~Madame-Chérie.
;MADAME ALEXANDRA
:Vous me faites mal tout de même imbécile! «Comme mon cœur...» Après, ~Poète-Chéri?
;~POÈTE-CHÉRI.
::Lune amie ! Astre mort et froid comme mon cœur.
::Epandrai-je à tes yeux le fiel de ma rancœur ?
;MADAME ALEXANDRA
:J’aime mieux cela !
;~POÈTE-CHÉRI,
://anxieux// Vous n’aimez pas le premier, ~Madame-Chérie ?
;MADAME ALEXANDRA
:Non, je parle des boucles. C’est très beau, ~Poète-Chéri. C’est admirable. Continuez...
::... le fiel de ma rancœur...
:À ce moment-là j’étendrai la main. Je vois tout à fait cela.
;~POÈTE-CHÉRI
::Épandrai-je à tes yeux le fiel de ma rancœur ?
::Amoureuse déçue ? Amante magnanime ?
::J'hésite. Et dans mon cœur que tant de haine anime...
;MADAME ALEXANDRA
::... que tant de haine anime... !
:Bien sortir le H. Je vois cela ! C’est très beau ! C’est n és vrai ! Très humain !
;~POÈTE-CHÉRI
::La fleur de mon amour a la morte senteur
::Des tubéreuses endormies de ce parc... Cœur!
::Mon cœur, trop hésitant ! Il faut que tu prononces...
;MADAME ALEXANDRA
://s’est levée, elle le caresse an passage//
:C’est magnifique ~Poète-Chéri! Magnifique! Génie, va! Immense génie!... Vous voyez Lucien, il faudra toujours me rentrer les boucles. Pour cette petite, voilà ce que je voudrais qu’on lui fasse. Tournez-vous, mon petit, vers la lumière. Regardez bien, Lucien, vous dégagez le front, le chignon très bas, comme cela. C’est ravissant. Cela a une peau de pêche et cela n’en montre rien. Qui est-ce qui vous a acheté cette robe ridicule ? 1
;COLOMBE
:Julien, Madame.
;MADAME ALEXANDRA
:L’imbécile! Il a autant de goût que son père ! Mon petit Armand, regarde ces épaules. Cette petite a des épaules de reine et elle les cache... Dieu qu’on est bête quand on est jeune! Continuez, continuez ~Poète-Chéri. Je vous écoute...
::... Cœur! |
::Mon cœur trop hésitant ! Il faut que tu prononces !
:Vous voyez, je le sais déjà votre becquet... Laissez-moi faire mon petit. Vous ne vous reconnaîtrez pas ! Georges, passe-moi mon coffre à bijoux.
;~POÈTE-CHÉRI
://continue, tandis qu’Alexandra s’occupe de Colombe.//
::Dans ce hallier touffu d’épines et de ronces
::Où tu t’es déchiré, Cœur, mon cœur, quelle main
::Trouveras-tu pour te guider au vrai chemin?...
;MADAME ALEXANDRA
:Admirable! Très grand! Très beau!... Armand, toi qui as du goût, comment la trouves-tu maintenant, cette jeune personne?
;ARMAND
:Méconnaissable, maman! Vous êtes une fée.
;MADAME ALEXANDRA
://qui pare Colombe//
:Pourquoi ne portez-vous pas de bijoux, petite idiote ? Tout est joli sur vous.
;COLOMBE
:Parce que je n’en ai pas.
;MADAME ALEXANDRA
:Moi non plus je n’en avais pas à votre âge. Mais j’en achetais à deux sous dans la sciure. Ils étaient faux, mais j’en avais !
;COLOMBE
:Julien n’aime pas les bijoux faux.
;MADAME ALEXANDRA
:Ne me parlez pas de cet imbécile ! Comment avez-vous pu le supporter deux ans ? Moi, avec son père, je n’ai pas tenu un mois... Quand on se donne le genre de ne pas aimer les faux bijoux, on Kagne assez d’argent pour en acheter des vrais ! On ne va pas se faire payer un sou par jour au camp de Châlons en étant obligé de confier sa femme aux autres... Dites-moi, l’~oète-Chéri ! C’est magnifique, c’est très beau... Mais je voudràis vous demander quelque chose... Vous savez qui est cette petite?...
;~POÈTE-CHÉRI,
://un peu froid//
:Oui, ~Madame-Chérie.
;MADAME ALEXANDRA
:C’est la femme de Julien qui me la laisse sur les bras... Monsieur part au service militaire... Moi qui leur déclame La Marseillaise tous les i | juillet à l’Elysée, vous pensez bien que si je le leur irais demandé, ils me l’auraient réformé tout de suite! Mais Monsieur ne veut pas! Monsieur doit adorer cela, uiiime son père, jouer au petit soldat. Seulement il laisse i femme seule à Paris, sans un sou... Il faut absolument
qu’elle travaille, cette petite... Tout le monde doit travailler de nos jours, tout est trop cher... ~Poète-Chéri ! Grand Poète!... Puisque vous refaites la fin du cinq, vous ne savez pas ce que j’ai pensé? Vous devriez me la mettre dans le becquet, cette enfant... Je suis sûre qu’elle a une jolie voix... Rien, quatre vers, une toute petite chose. Une muse... Une créature de la nuit qui vient consoler Gaétane... ~Poète-Chéri, avec votre génie, vous allez sûrement me trouver cela...
;DESFOURNETTES
://explose soudain//
:Ah non ! Merci bien ! J’ai compris ! Comme cela c’est le théâtre qui paiera ! Non ! Merci !
¿¿¿¿¿¿¿¿¿¿¿¿¿¿¿¿¿¿¿¿¿
;MADAME ALEXANDRA
://se retourne, terrible//
:Voulez-vous vous taire, Desfournettes ! Vous êtes un ver ! Vous n’êtes rien ! Vous ferez ce qu’on vous dira !
;DESFOURNETTES
:Pardon! Je suis codirecteur de ce théâtre. C’est tout de même moi qui assume les frais généraux. Cinquante-cinquante, moi je suis un homme d’affaires, je ne sors pas de là... Sacrebleu! vous avez assez d’argent pour entretenir votre bru sans moi. Vous me raflez déjà la moitié de la recette.
;MADAME ALEXANDRA
://hurle//
:Immonde ! C’est un être immonde ! Qu’il sorte ! Je ne veux plus le voir !
;DESFOURNETTES
:La pièce est distribuée. Il y il trente-deux personnages. Soixante costumes. Nous ne ferons même pas nos frais. Il ne peut pas être question d’y ajouter un seul rôle sous prétexte que votre bru esl sur le pavé.
;MADAME ALEXANDRA
://glapit//
:Desfournettes, vous ne pensez qu’à l’argent ! Vous me dégoûtez ! Moi je me tue, c’est mon cœur, ce sont mes tripes que je donne chaque soir pour votre théâtre !
;DESFOURNETTES
://hors de lui//
:Donnez-les pour rien. Je vous admirerai !
;MADAME ALEXANDRA
://pâlit//
:Pour rien? Vous vous mettez à être grossier maintenant ?
://Elle se drape soudain dans sa dignité.//
:C’est bien. J’ai ma migraine. Je ne répéterai pas lujourd’hui.
;DESFOURNETTES
://anéanti//
:~Madame-Chérie ! Nous passons le 22 !
;MADAME ALEXANDRA
:Nous ne passerons pas le 22, voilà tout.
;DESFOURNETTES
:Mais il est impossible de reculer, ~Madame-Chérie ! Troulazac nous quitte le 20, pour créer la pièce des Bouffes.
;MADAME ALEXANDRA
:Nous jouerons sans Troulazac. Il est assez mauvais celui-là ! Pour une fois qu’on peut jouer sans lui.
;DESFOURNETTES
://qui piétine d’angoisse//
:Mais c’est fou ! Sa doublure est impossible, vous le savez ! Et l'Impératrice des Cœurs ne fait déjà plus ses frais. ~Madame-Chérie !... Il est quatre heures. Tout le monde attend sur le plateau depuis deux heures et demie. Il faut absolument passer le 22. Descendez répéter. C’est entendu. Je prends la petite.
;MADAME ALEXANDRA
:Sept francs par représentation. Les matinées doubles.
;DESFOURNETTES
:Mais ce n’est pas raisonnable ! Si elle ne dit que quatre vers, le tarif...
;MADAME ALEXANDRA
://inexorable//
:Elle en dira douze, voilà tout! Vous êtes un marchand, Desfournettes. Un sale marchand ! Je ne sais pas comment nous vous tolérons parmi nous.
;DESFOURNETTES
://vaincu//
:Hé bien! c’est entendu: elle aura ses sept francs, même si elle ne dit que quatre vers, même si elle ne dit rien du tout! Mais descendez répéter, ~Madame-Chérie.
;MADAME ALEXANDRA
://se retourne vers ~Poète-Chérit détendue, elle s’apprête à partir//
:~Poète-Chéri! Grand Poète... Bravo ! Il est admirable votre becquet. I
;~POÈTE-CHÉRI
://navré//
:Mais je n’ai lu que le début, ~Madame-Chérie...
;MADAME ALEXANDRA
:Cela ne fait rien, cela ne fait rien... J’ai deviné le reste. C’est génial. C’est ce que voui avez fait de mieux... Vous m’ajoutez quatre vers de plui pour cette petite, n’est-ce pas grand ami ? On les lui fer* dire à la fin de la répétition. Georges ! tâche donc de lui trouver une robe, qu’elle ne descende pas fagotée ainsi sur le plateau.
;DESFOURNETTES
://gémit//
:Mais ~Madame-Chérie, ils attendent en bas depuis deux heures et demie !
;MADAME ALEXANDRA
://qui s’inspecte devant sa psyché//
:La robe bleue que je n’ai jamais pu entrer dans Rosa-linde. Elle est neuve. Armand, toi qui sais si bien attifer les femmes, surveille donc cela.
;ARMAND
:Oui «moman». Vous êtes une femme étonnante, « moman » !
://A Colombe//
Vous venez, jeune étoile ?
;DESFOURNETTES
://crie, furieux, à Colombe qui ne bouge pas, ahurie//
:Mais dépêchez-vous donc, vous ! Allez l’essayer votre robe, puisqu’on vous le dit. Je descends les faire patienter.
://Il sort comme un fou en claquant la porte ; il passe devant Julien sans même le voir dans le couloir.//
;MADAME ALEXANDRA
://devant sa glace//
:C’est gai ! Maintenant je n’ai plus l’air d’un caniche, j’ai l’air d’un phoque. Lucien ! Imbécile ! Où avez-vous mis mes boucles ? Je fais chauve maintenant. C’est complet !
;LE COIFFEUR
://se précipite//
:Mais ~Madame-Chérie, c’est vous...
;MADAME ALEXANDRA
:Vous êtes un âne! Vous n’avez rien compris du tout. Vous mériteriez que je vous tue. Enfin, nous n’avons plus le temps. Nous verrons cela après la répétition... ~Poète-Chéri! Grand Poète! Il est admirable votre becquet. Si. Si. Il est admirable!... Seulement, vous ne savez pas ce que je ferais à votre place ?
;~POÈTE-CHÉRI
://un peu inquiet//
:Non ?
;MADAME ALEXANDRA
:Je supprimerais les six premiers vers.
;~POÈTE-CHÉRI
://atterré//
:Mais je ne vous en ai lu que sept, ~Madame-Chérie...
;MADAME ALEXANDRA
:C’est justement. Je commencerai au septième :
::Mon cœur trop hésitant, il faut que tu te prononces !...
::Ce sera mille fois plus direct.
;~POÈTE-CHÉRI
://qui la suit, désespéré//
:Mais cela m’en-lè-ve les tubéreuses!...
;MADAME ALEXANDRA
://sortant, péremptoire, dans un nmd mouvement de plumes//
:Cela ne fait rien ! J’en mettrai les vraies, dans des vases. Cela fera encore plus d’effet!
://Ils sont passés devant Julien qui s’est levé pâle. Madame Alexandra ne l’a pas vu ou n ’a pas voulu le voir. Mme Georges sort de la seconde loge et trottine jusqu’au couloir.//
;MADAME GEORGES
:Tout s’arrange monsieur Julien ! ~Madame-Chérie a été très bonne. Elle a forcé M. Desfournettes à la prendre au théâtre. Mais c’est bien grâce à M. Armand. En voilà un bon cœur !
;JULIEN
://lève la tête, il balbutie//
:Ils vont la faire jouer?
;MADAME GEORGES.
:Oui. Ils ont tous été très gentils. Monsieur ~Poète-Chéri va lui faire quatre vers au cinquième acte et elle aura sept francs par jour. Vous pouvez partir tranquille, maintenant.
;JULIEN
://demande soudain//
:Et le petit, qui le gardera ?
;MADAME GEORGES
:Oh! vous savez, Monsieur Julien, à cet âge ça dort. C’est plus tard, quand ça essaye de se lever de son berceau qu’on ne peut pas les laisser, ces petits anges. Moi mon troisième, celui qui est mort tuberculeux, quand je le laissais seul il faisait toujours pipi au lit. On ne croirait pas, c’est vicieux si petit. On me dit: «Mettez-lui de la moutarde!...» Il criait le chérubin. J’ai tenu bon. A la longue, ça lui a arraché toute la peau des fesses. Pour moi, c’est de là que son mal de poitrine est parti.
;JULIEN
://s’est levé, excédé//
:Laisse-moi, Georges. J’ai le droit d’entrer maintenant? Il n’y a plus personne?
;MADAME GEORGES
:Monsieur Armand lui passe une robe. Ils veulent la faire répéter tout de suite. Sepl francs qu’elle aura. Et les matinées doubles !
://Elle s’en va ravie. //
;ARMAND
://sort de la loge, criant : //
:A ce soir, beauté !
://Il croise Julien sur le seuil.//
:Tu peux entrer mon vieux. Tu ne la reconnaîtras pas ta femme. Excuse-moi, je file. On m’attend chez «Maxim’s». Georges t’a dit? Tout est arrangé. Je te revois ce soir?
;JULIEN
:Je ne crois pas.
;ARMAND
:Alors bonne chance, militaire! Et sois tranquille pour la petite Colombe : on en prendra soin.
://Il est sorti. Julien entre dans la loge et s’arrête. Colombe paraît dans une très belle robe, parée, méconnaissable. Elle court à une glace sans même le regarder. Elle crie, ravie.//
;COLOMBE
:Julien ! Julien ! C’est moi, tu crois?
;JULIEN
:Oui c’est toi. C’est ta voix en tout cas.
;COLOMBE
://devant la glace//
:Si tu savais comme ils sont amusants ! Ils parlent tous en même temps. Ils crient, ils se disputent, ils s’embrassent. On ne doit jamais s’ennuyer avec eux. Ils vont me faire faire du théâtre. Je serai une muse au cinquième acte. Je dirai des vers. J’aurai une robe. Et ce n’est pas pour dans longtemps. C’est pour tout de suite.
://Elle se regarde toujours.//
:C’est moi, c’est moi tu crois, Julien?
;JULIEN
://a fermé les yeux. Il ne bouge plus. Il dit sourdement//
:Je ne sais plus, Colombe.
;COLOMBE
://se contemple dans la glace, elle ne sait même plus qu ’il est là. Elle se sourit. Elle murmure extasiée.//
:Colombe. C’est moi. C’est moi...
;JULIEN
://se retourne et la regarde.//
{{center{LE RIDEAU TOMBE.}}}
===
+++*[DEUXIÈME ACTE]
!!DEUXIÈME ACTE
<<<
//Le plateau nu, mal éclairé. Quelques vagues portants en désordre, des arbres, des fontaines et - insolite au milieu d’eux -une porte Louis XV, font un décor fantasmagorique.
Au milieu de la scène, sur sa tige, la lampe de travail dispense une lumière avare. Une ombre au fond empanachée, appuyée sur une ombrelle : Madame Alexandra. Elle crie vers les cintres.//
<<<
;MADAME ALEXANDRA
:Alors?
UNE VOIX DE MACHINISTE
://lui répond de là-haut//
:Toujours rien Madame Alexandra. Ils ont dû croire que la répétition était à deux heures et demie comme d’habitude.
;MADAME ALEXANDRA
://avec son accent dont les labiales dures ennoblissent tout//
:Marde !
://Elle commence à marcher rageusement sur le plateau comme un lion en cage, en rugissant.//
:Marde. Marde. Mille fois marde. Les cochons. Lch porcs. Les veaux. Me faire cela à moi ! Marde. Ils jouent comme des mardes et ils sont en retard en plus ! Et cela veut être augmenté de cent sous. Marde, oui ! Dehors, je les foutrai, moi, avec mon pied dans les fesses. Marde, marde, mille fois marde. Tous des cochons mardeux de marde !
://Une ombre est apparue craintive entre deux par tants. C’est Colombe dans sa petite robe du début. Elle n ’ose pas aborder Alexandra. Celle-ci, criant une dernière fois « marde », se retourne et la voit. Son attitude change aussitôt comme sa voix. Elle jette à Colombe, languissante, noblement appuyée sur son ombrelle.//
:Ah vous êtes là mon petit? Je rêvais...
;COLOMBE
:Je suis un peu en avance, ~Madame-Chérie. La répétition est à deux heures et demie.
;MADAME ALEXANDRA
:Je sais, je sais mon petit... J’aime parfois venir avant tout le monde, seule sur ce plateau désert, y bavarder avec de grandes ombres... J’y rêve, je m’oublie, j’y chante d’anciens vers... Puis l’heure de la répétition ramène les vivants et il faut bien redescendre sur terre...
;COLOMBE
:Je m’excuse ~Madame-Chérie, je vous ai interrompue. Je vais monter à la loge.
;MADAME ALEXANDRA
:Ce n’est rien. Restez mon petit. J’ai assez rêvé aujourd’hui.
;//Elle demande soudain ://
:Est-ce que vous savez jouer aux cartes ?
;COLOMBE
:Non, ~Madame-Chérie.
;MADAME ALEXANDRA
:C’est dommage, nous aurions fait un piquet en attendant ces cochons-là. Venez un peu ici, je vais vous les tirer pour passer le temps... Nous allons savoir votre avenir. C’est si beau d’en avoir un tout neuf, petite voleuse.
;COLOMBE
:Un grand passé c’est tellement plus beau, ~Madame-Chérie!...
;MADAME ALEXANDRA
:Bien sûr, bien sûr, mais cela vous pousse dans le dos. Allons, coupez. Une, deux, trois, quatre, cinq : du trèfle. C’est bon, ma chatte, c’est ce qu’il y a de meilleur. Encore du trèfle. Excellent. On n’a jamais assez d’argent. Des nouvelles d’un jeune homme blond. Une aventure amusante et sans durée. Ce sont les plus igréables. Encore des nouvelles du jeune homme blond.
;COLOMBE
:Mais Julien est brun.
;MADAME ALEXANDRA
:Qu’est-ce que cela peut faire, petite idiote? Vous ne vous figurez pas qu’on sc fait tirer les cartes pour avoir des nouvelles de son mari I Pour cela la poste suffit. Tirez encore. Une, deux, trois, quatre, cinq : le roi de cœur et le dix de trèfle ensemble, Vous épouserez un homme important et très riche.
;COLOMBE
:Mais je suis mariée...
;MADAME ALEXANDRA
:Bah ! ma petite ! Moi, je l’ai été sept fois. Vous divorcerez. Compliments. Encore du trèfle.
;COLOMBE
:Sept fois, vraiment? Devant le maire?
;MADAME ALEXANDRA
:Naturellement, pour qui me prenez-vous? Avec ma situation, j’ai toujours épousé mes amants. Il y en a même un que j’ai épousé deux fois, Chancrard, le Chancrard des sucres. Une fois après la mort de sa mère, une fois après la mort de son père dix ans plus tard.
;COLOMBE
:C’était pour le consoler?
;MADAME ALEXANDRA
:Mais non, petite dinde; c’était pour l’aider à croquer ses millions. A chaque cadavre il en était couvert. Il lui fallait absolument quelqu’un : cet imbécile-là ne savait pas dépenser tout seul.
;COLOMBE
:Et vous avez été heureuse, avec lui?
;MADAME ALEXANDRA
:Quelle question ! - Le roi de carreau : un autre monsieur important ! - Il était idiot et il ne se lavait pas. A sa mort, j’ai épousé son fils du premier lit, un garçon très gentil, lui. Ils avaient tous besoin de moi, dans la famille, pour les dépêtrer de leur argent. À force de vendre du sucre dans le monde entier, il leur en rentrait tellement, tous les jours, qu’ils s’y engluaient. Un y restaient collés, par les pattes, sur leur tas de billets de mille, comme des mouches sur du papier collant. J’ai fait de mon mieux, voilà tout. Seulement le fils buvait trop. Ce chérubin se mettait à l’absinthe au réveil; il m’a claqué dans les mains à son tour. Cirrhose du foie. Rien qu’à l’absinthe. Cela ne lui a même pas coûté plus cher qu’à un ouvrier maçon, à cet imbécile, de se tuer. Tout l’argent qui restait est passé à la première femme du père, et celle-là, malheureusement, je n’ai pas pu l’épouser... J’ai dû l’abandonner, sur ses papiers-mouche au sirop. Je crois que ce sont des curés qui se sont chargés d’elle. Ils lui ont fait construire une basilique, à elle toute seule ; et pas en sucre, en marbre de Carrare, tout ce qu’ils ont pu trouver de plus cher, avec tous les accessoires en or massif. Eh bien ! croyez-le si vous le voulez ma petite, ils n’y sont pas arrivés non plus!... Le sucre a été le plus fort. Elle est morte, malgré cette ponction, munie des sacrements de l’Eglise, sur un tas de papiers collants deux fois plus gros qu’en héritant. Après, tout est revenu à l’Etat, pour des hospices. Avec lui, je suis tranquille. Il y aura beau avoir encore plus de sucre, il y arrivera.
;COLOMBE
://émerveillée//
:Il y a donc des gens qui ont tant d’argent que cela? Et ils peuvent s’acheter tout ce qu’ils veulent au monde ?
;MADAME ALEXANDRA
:Mais non, c’est là que c’est drôle, mon petit ! Chancrard, le père, ce qu’il voulait, lui, c’est être spirituel, et il était bête comme un bout de bois. Il aurait donné un million pour trouver un mot d’esprit lout seul. Rien à faire. Il avait beau essayer, à longueur de lournée il fatiguait tout le monde, il ne trouvait rien, ( ’.hancrard fils, c’était encore plus modeste ce qu’il demandait à la vie: un foie qui supporte l’absinthe... Il n’a pas pu en acheter un non plus. Il a dû se contenter du >en et crever - avec un foie au rabais - comme un pauvre. Ce n’est qu’au moment des funérailles qu’on a pu faire un peu mieux pour lui, avec des tentures et des pompons...
;COLOMBE
:Mais alors, les gens très riches qu’est-ce qu'ils font de leur argent?
;MADAME ALEXANDRA
://sinistre, dans l’ombre//
:Ils le gardent.
://Elle voit entrer La Surette; elle lui crie://
:Ah ! vous voilà, imbécile ? C’est à cette heure-ci la répétition ?
;LA SURETTE
:Mais non, ~Madame-Chérie, c’est à deux heures et demie.
;MADAME ALEXANDRA
:C’est bon, c’est bon. Je le sais.
;LA SURETTE
:Le concierge m’a dit que vous étiez déjà là, ~Madame-Chérie. J’étais dans mon bureau. Je préparais votre déclaration au Matin.
;MADAME ALEXANDRA
:Qu’est-ce qu’il veut que je lui déclare, Le Matin ?
;LA SURETTE
:Ce que vous pensez de l’amour.
;MADAME ALEXANDRA
:Il m’embête! Est-ce que je lui pose des questions, moi, au directeur du Matin ?
;LA SURETTE
:Dupompon-Reynaud, le rédacteur en chef, qui vient de me téléphoner, m’a dit que Mme Sarah Bernhardt leur avait fait une très belle réponse.
;MADAME ALEXANDRA
://grommelle//
:Cela doit être du propre l’opinion de Mme Sarah Bernhardt sur l’amour !
;LA SURETTE
:C’est très personnel, paraît-il. En gros, elle leur a dit qu’elle n’y croyait pas.
;MADAME ALEXANDRA
://crie//
:Alors répondez que j’y crois, que j’y crois de toutes mes forces, moi ! Que je n’ai jamais vécu que pour l’amour.
;LA SURETTE
:C’est ce que je m’étais permis de faire ~Madame-Chérie. Je vais vous lire.
://Il lit de sa voix de fausset qu’il s’efforce de rendre suave ://
« Ce sentiment qui nous a toujours bouleversées, nous autres femmes, ce sentiment dont le nom seul fait monter une douce rougeur à nos jolis visages, l’Amour, avec un grand A, notre doux souci à nous fragiles créatures... »
;MADAME ALEXANDRA
://l’interrompt rugissante//
:Un âne ! Vous êtes un âne ! Vous allez me couvrir de ridicule !
://Elle crie à ~Poète-Chéri qui entre justement ://
;~Poète-Chéri ! Mon poète ! mon sauveur ! Les dieux me l’envoient toujours, cet homme-là ! Venez me tirer des sabots de cet âne qui est en train de me piétiner. Le Matin me demande ce que je pense de l’amour.
;~POÈTE-CHÉRI
://lui baise les mains//
:Il ose, divine amie? Il ose oser? Mais c’est insolent, mais c’est superfétatoire ! Répondez-leur que vous « êtes » l’amour !
;MADAME ALEXANDRA
:Je ne veux pas leur répondre cela moi-même. Poète ! grand ami ! trouvez-moi une petite phrase.
;~POÈTE-CHÉRI
:Mais tout de suite, grande amie, est très facile.
://Il récite ://
::Je t’ai tout donné - encor tu me donnes.
::Donne-moi toujours, je te donnerai
::Mes nuits, mes soucis, mes biens, ma personne... 1
;MADAME ALEXANDRA
://l’interrompt//
:Pas en vers, pas en vers, ~Poète-Chéri ! Ils ne croiraient pas que c’est de moi.
;~POÈTE-CHÉRI
:C’est juste. Dans le genre «pensée», alors ?
;MADAME ALEXANDRA
:C’est cela ! C’est cela !
;~POÈTE-CHÉRI
:«L’amour est don, don de soi absolu... »
;MADAME ALEXANDRA
://à La Surette//
:Notez, imbécile. C’est très beau.
;LA SURETTE
:Je note, ~Madame-Chérie...
://Il ânonne en écrivant://
:«L’amour est don, don de soi, absolu... »
;~POÈTE-CHÉRI
:«Mais tout ce qu’il donne, c’est pour lui. » I
;MADAME ALEXANDRA
:C’est très profond! Mais vous ne croyez pas que c’est un peu dur, ~Poète-Chéri ?
;~POÈTE-CHÉRI
:C’est dur, mais c’est vrai, ~Madame-Chérie. Et nous avons le devoir d’être durs. Nous ne devons rien cacher de la vérité, jamais. Nous sommes des phares. Notre rayon lumineux fouille la nuit, impassible. S’il éclaire soudain le chaos tumultueux et grandiose de la mer dont la beauté bouleverse l’homme, tant mieux ! Mais s’il se braque sur une charogne pourrissante dans une crevasse de rocher, tant pis ! Il est le phare, il éclaire : c’est tout.
;MADAME ALEXANDRA
:~Poète-Chéri, vous blasphémez!... Moi je ne crois qu’à l’idéal! Je voudrais leur mettre un grand appel à l’azur. Je voudrais leur mettre ma foi dans le désintéressement, dans la jeunesse, dans tout ce qu’il y a de noble et de beau dans l’amour !
;~POÈTE-CHÉRI
:Bien. Biffez et notez, alors :
:Il faut à l’amour pour qu’il y fleurisse Le terrain désert où ne pousse plus...
;MADAME ALEXANDRA
://crie//
:Pas en vers, pas en vers, j ~Poète-Chéri !
:~POÈTE-CHÉRI
:Oh ! Pardon ! Je ne faisais pas attention ! Biffez et notez :
:«Pour que le véritable amour fleurisse, il faut avoir arraché au préalable de son cœur les mauvaises herbes du désir et de la passion. »
;LA SURETTE
://qui suce sa mine//
:Un peu vite.
;MADAME ALEXANDRA
:Mais, ~Poète-Chéri, grand poète! qu’est-ce que vous nous chantez? L’amour n’est-il que passion, voyons ! Comment pouvez-vous dire cela ? Mais moi à l’âge de cette petite, je m’étais déjà suicidée quatre fois par amour !
;~POÈTE-CHÉRI
://enthousiasmé par ce détail//
:~Madame-Chérie ! Être d’exception ! Flamme brûlante !
;MADAME ALEXANDRA
:Enfin, vous ~Poète-Chéri, avec votre génie, avec votre sensibilité de harpe éolienne, vous n’allez pas me dire que vous n’avez pas souffert?
;~POÈTE-CHÉRI
:Comme un chien, ~Madame-Chérie ! Comme un chien !
;MADAME ALEXANDRA
:Mais moi aussi ! Nous avons mus souffert énormément. J’ai été folle. J’ai rendu fou! ('.'est cela, c’est cela qu’il faut leur dire!... Mais songez que Salvator-Dupont est entré pour moi dans une cage aux lions, en habit et en haut-de-forme un soir, au Cirque d’Été ! j
;~POÈTE-CHÉRI
://demande soudain d’un autre ton//
:Salva-tor-Dupont ? Celui des cognacs ?
;MADAME ALEXANDRA
://du même ton//
:Oh non! Le Salvator-Dupont, des cognacs, c’était un impuissant notoire. Son cousin, celui des huiles.
;~POÈTE-CHÉRI
:Ah ! Celui qui avait épousé Marguerite Petitcas, la fille des Chemins de fer de l’Est ?
;MADAME ALEXANDRA
:Non ! C’était Léon qui avait épousé Marguerite Petitcas. Celui dont je parle c’était Jules. Un grand brun.
;~POÈTE-CHÉRI
:Ah je vois ! Très bel homme.
;MADAME ALEXANDRA
:Très beau, oui, très beau.
:Un peu gras.
;~POÈTE-CHÉRI
:Cela lui allait.
;MADAME ALEXANDRA
://qui reprend tout naturellement le ton lyrique//
:Hé bien, il m’a adorée cet homme-là ! Il a bravé les fauves pour moi. Vous êtes femme, ma petite. Vous imaginez cela. Vous avez dit «non». Vous aimez ailleurs, vous savez ce que c’est, on ne peut pas tout faire. Un rugissement, près de vous, qui domine celui des lions. C’est l’homme qui vous aime, tout pâle. Il se dresse. Il saute de la loge. Un grand cri dans tout le cirque. Il a jeté son portefeuille au dompteur médusé ; il est au milieu des bêtes. Alors vous comprenez soudain. Vous lui criez comme une folle de toutes vos forces: «Je t’aime ! »
;~POÈTE-CHÉRI
:Admirable! Admirable amie! Ce cri dans le cirque je l’entends !
://A La Surette, sévèrement ://
:Notez, vous ! Notez tout !
;MADAME ALEXANDRA
:Je t’aime! Reviens! Je me donne ! Trop tard.
;COLOMBE
://qui suit haletante//
:Il était mangé ?
;MADAME ALEXANDRA
:Non. Il était ressorti. Et hors de la cage, je ne l’aimais plus. Il aurait fallu qu’il me prenne, là, tout de suite au milieu des fauves, et c’était matériellement impossible.
;~POÈTE-CHÉRI
://hors de lui//
:Comme c’est beau tout cela ! comme c’est féminin ! Ne perdez pas un mot, vous ! Notez tout! Nous vivons une minute inouïe; il faudra nous la rappeler toujours. Après, après, ~Madame-Chérie...
;MADAME ALEXANDRA
:Nous sommes rentrés, muets, lui, mon mari et moi.
;~POÈTE-CHÉRI
:Qui était-ce à l’époque ?
;MADAME ALEXANDRA
:Un Hollandais. Un homme d’une force herculéenne. Il tremblait comme un enfant. Après ce que venait de faire Salvator, il sentait qu’il devait faire quelque chose, lui aussi. Alors il s’est mis en manches de chemise, il a dételé le cheval et il m’a traînée jusqu’à la maison, dans le coupé. Et c’est à lui que j’ai été ce soir encore... Le lendemain, Salvator partait.
;~POÈTE-CHÉRI
://à La Surette//
:Notez tout !
;MADAME ALEXANDRA
:Pour Monte-Carlo. Et il y perdait la moitié de sa fortune au jeu la même nuit.
;COLOMBE
:Et il a fini par se tuer tout de même?
;MADAME ALEXANDRA
:Non. Il a épousé une Roth-child.
;~POÈTE-CHÉRI
:AïSSa?
;MADAME ALEXANDRA
:Non. Rachel. La plus maigre.
;COLOMBE
:Et votre mari?
;MADAME ALEXANDRA
:Oh ! que voulez-vous, ma petite, il ne pouvait pas se transformer tous les soirs en cheval de fiacre pour se rendre intéressant. A la longue il m’a ennuyée. Je l’ai quitté.
;COLOMBE
:Comme c’est beau, ~Madame-Chérie, tout ce que vous racontez ! On dirait qu’on lit des histoires. Mais comment faut-il faire pour être aimée comme cela ?
;MADAME ALEXANDRA
:Être femme, c’est tout, Matérialiser, soudain, pour des êtres plus frustes l’éclat, la folie, le désir, tout ce qui leur est inaccessible... Salva-tor et mon Hollandais étaient des brutes, malgré leur vernis d’hommes du monde - j’étais l’Art et j’étais la Beauté. Ils savaient qu’il fallait qu’ils sortent d’eux-mêmes, pour me mériter. Alors ils essayaient d’inventer quelque chose qui les dépasse. Un jour où je n’avais pas faim (je mettais toujours mon gant dans mon assiette - je ne vivais que de champagne et d’art à cette époque : je voulais me faire maigrir), Salvator, désespéré que je ne mange rien, s’est fait apporter un rat tout cru, chez « Maxim’s », et il l’a dévoré devant moi.
;~POÈTE-CHÉRI
:Dieu, que c’est fou cela! Dieu, que c’est grand !
;COLOMBE
:Et vous avez accepté de manger, après, pour le récompenser ?
;MADAME ALEXANDRA
:Pensez donc ! C’était dégoûtant ! J’ai failli vomir mon champagne. Je l’ai giflé, oui, devant tout le monde et je suis sortie du restaurant. Le plus drôle c’est que, sur l’addition, ils lui ont compté le rat cinquante francs !
;~POÈTE-CHÉRI
:N’est-ce pas à peu près à la même époque que Boni Despinglettes a mis le feu à son hôtel pour vous ?
;MADAME ALEXANDRA
:Quel fou ! Je le faisais languir depuis un an. Nous soupions chez lui, avec des amis. La conversation roulait sur Néron. Je dis mon admiration pour cet être étonnant qui avait compris la vie en beauté. Je dis que, Romaine, je l’aurais sans doute aimé. Despinglettes devient livide, il se lève, il prend un candélabre du surtout et sans prononcer une parole, il met le feu aux doubles rideaux... Les domestiques veulent se précipiter avec des carafes... Il tire un pistolet de sa poche et menace de les abattre s’ils font un geste... Nous étions tous debout, tout pâles, à regarder brûler les rideaux... Quand les flammes ont atteint le plafond, j’ai été à lui, sans un mot, et je l’ai baisé sur la bouche... Les domestiques en ont profité pour arroser. C’est comme cela qu’on a sauvé le bâtiment.
;~POÈTE-CHÉRI
:Femme! femme éternelle !... Admirable, étonnante amie, qui a pu susciter de tels gestes!... Dans notre monde avide et veule, heureusement qu’il est des flammes comme vous pour ranimer le feu désintéressé de la beauté !...
://Il se ravise.//
:A propos, je voulais vous dire : je quitte Lévy-Bloch. Vous savez qu’il m’aime bien, c’est moi qui ai baptisé sa fille. Avez-vous des Panama en portefeuille ?
;MADAME ALEXANDRA
:Je pense bien. C’est lui qui me les a fait acheter.
;~POÈTE-CHÉRI
:Il faut les vendre tout de suite, aande amie. Dans huit jours ils auront baissé de six points. Et vous savez ce qu’il faut acheter? Mais c’est un secret ma chère ; si nous montions dans votre loge que je ous explique tout cela ?
://Il continue plus bas, l’entraînant.//
:Du fonds russe. Du fonds russe à bloc - si j’ose dire ! On peut se faire trente francs par titre, en quinze jours. Avouez que c’est joli ?
;MADAME ALEXANDRA
:Et le trois pour cent ?
;~POÈTE-CHÉRI
:Stationnaire. Avez-vous pris du Métro ?
;MADAME ALEXANDRA
:Vous y croyez vous au Métro ? C’est une chimère.
;~POÈTE-CHÉRI
:Non. Mais je crois à Lévy-Bloch. Il m’assure qu’en étant patient, on peut gratter un bon petit quelque chose sur les Métros.
://Ils s ’éloignent. La Surette leur crie ://
;LA SURETTE
:Et finalement qu’est-ce que je leur dis sur l'Amour, ~Madame-Chérie?
;MADAME ALEXANDRA
:Vous nous embêtez avec votre Amour, imbécile ! Vous voyez bien que nous parlons de choses sérieuses !... Revenez après la répétition.
://Ils sont sortis.//
;LA SURETTE
://hors de lui//
:Et voilà ! Et après la répétition il sera trop tard. Madame sera invitée à dîner. Et demain dans Le Matin c’est la réponse de Réjane qu’ils publieront au lieu de la sienne, et c’est encore le salarié qui se fera traiter d’imbécile !
;MADAME GEORGES
://qui est entrée sans bruit, sur ses chaussons à la fin de la scène//
:Laissez donc, Monsieur La Surette. Ils sont en train de parler de leurs sous, ce n’est pas le moment de les déranger. Encore heureux si on répète à trois heures !...
;LA SURETTE
://sortant//
:C’est bon. Attendez le grand soir !
;MADAME GEORGES
://à Colombe//
:Qu’est-ce que ça changera? On a des ennuis avec ses sous, tous autant qu’on est et on en aura toujours, n’est-ce pas, madame Julien? Moi quelquefois je prends mon porte-monnaie, j’avais mis trois francs pour aller au marché, il ne me reste que sept sous. Bon. Je fais mon compte. Le chou-lleur, le kilo de bœuf, les carottes, les quatre litres de rouge pour mon aîné, le quart de brie - je l’aime bien moi quand il coule, c’est mon luxe quand je rentre à minuit - il devrait me rester treize sous. Je recompte : toujours sept. Me voilà avec mes six sous en tête. Je les rumine toute la soirée, mes six sous. J’ai plus l’esprit à moi, mes mains tremblent, j’en raterais mes changements. Le public lui, il ne veut pas le savoir. Il est là pour s’amuser, il a payé, il faut qu’on lève à l’heure. Si l’habilleuse a des ennuis, ça lui est égal. C’est dur quelquefois le théâtre ! Mes voisines à Courbevoie elles m’envient. « Ah ! vous avez la belle vie, madame Georges ! les bravos, les lumières, les fréquentations. » Si elles savaient : on est esclaves. On appartient à son public. Ça vous plaît, vous, madame Julien ?
;COLOMBE
://perdue dans ses rêves//
:Oh oui !
;MADAME GEORGES
:Vous ne croyez pas qu’une >onne soirée tranquille à repriser une chaussette, avec on petit et son homme, c’est encore ça qui est le meileur?
;COLOMBE
://crie soudain//
:Non !
://Madame Georges la contemple un instant puis hausse les épaules, s’en allant//
:Allez! on est toutes les mêmes! i )n se plaint mais on a ça dans le sang ! Ah ! voilà M. Du Bartas qui arrive. Je vais voir si elle veut que je lui repasse sa robe de muse. C’est joli comme déguisement, en muse, mais avec son gros cul, quand elle s’assoit, ça fait plein de plis.
://Elle est sortie vers les loges.//
://Du Bartas fait une noble entrée : grand feutre, fleur à la boutonnière, canne ; légèrement argenté, mais éternellement jeune.//
;DU BARTAS
:Bonjour, mon petit. Vous êtes la première ?
;COLOMBE
:~Madame-Chérie est déjà là, monsieur Du Bartas.
;DU BARTAS
:Diable ! Exacte, notre vedette? Qu’est-ce qui se passe? J’étais venu tôt pour bavarder un peu avec vous. Cela entre, le métier?
;COLOMBE
:~Madame-Chérie dit que j’ai fait des progrès.
;DU BARTAS
:C’est très joli, mon petit, ce que vous faites ; encore un peu maladroit, mais très joli. Il faudra passer chez moi après une répétition, je vous ferai travailler.
;COLOMBE
:C’est vrai monsieur Du Bartas?
;DU BARTAS
:Un doigt de porto, deux biscuits. Nous bavarderons. Vous verrez, j’ai une très jolie garçonnière, Tout est marocain.
://Il se rapproche frémissant.//
:Je suis fou mon petit. Je n’ai pas dormi de la nuit.
;COLOMBE
:Il faut dormir, monsieur Du Bartas.
;DU BARTAS
:Impossible ! Je vous voyais couchée sur ma peau de tigre, devant le grand feu de bois. J’ai gémi toute la nuit comme un damné. J’ai bu affreusement pour oublier, je me suis drogué. Rien à faire. Vous étiez là et je ne pouvais pas vous toucher. Au matin je me suis endormi, terrassé, étreignant le vide. Mon valet de chambre m’a trouvé couché par terre devant le feu éteint.
;COLOMBE
://éblouie//
:Vous avez un valet de chambre ?
;DU BARTAS
:Oui. Un Marocain, tout en blanc. Avec un turban rouge.
;COLOMBE
:Ce qu’il doit être beau !
;DU BARTAS
:Il a un poignard - marocain également finement ciselé, à la ceinture. Il s’inclinera devant vous les bras croisés sur la poitrine. Il vous servira, comme une reine sans un mot.
;COLOMBE
:Il est muet?
;DU BARTAS
:Quand il le faut, comme tous les Marocains. Venez donc en simple curieuse... Je m’habillerai en Marocain moi aussi. Un burnous blanc, d’une rare beauté, présent d’un grand chef arabe. Je resterai immobile, accroupi dans un coin, à vous contempler.
;COLOMBE
:Ici aussi, vous pouvez me contempler, monsieur Du Bartas.
;DU BARTAS
;//se rapproche encore//
:Tu veux donc me faire mourir, enfant? Tu le sais pourtant que je te désire plus que tout au monde et que si tu n’es pas à moi, je me tuerai !
;COLOMBE
:Comment avez-vous pu m’aimer si vite?
;DU BARTAS
:Il y a si longtemps que je t’attendais !
;COLOMBE
:C’est vrai?
;DU BARTAS
:Depuis toujours! Ma vie, les autres ¦-mines, ne sont plus maintenant qu’un grand songe ucompréhensible derrière moi. Et toi aussi tu m’atten-dais, je le sais. Tu attendais les heures folles, le désir plus fort que la mort qui te révéleraient à toi-même. T’a-t-on aimée comme un damné déjà? A-t-on oublié de dormir des nuits et des nuits en contemplant ton image ? A-t-on voulu mourir déjà pour toi ?
;COLOMBE
://confuse//
:Non. Jamais.
;DU BARTAS. — Alors tu n’as pas été aimée ! Tu n’as pas encore été toi-même. Viens et je t’apprendrai le vrai secret des femmes : se regarder dans d’autres yeux. Tant qu’un homme éperdu de désir n’aura pas baisé la trace de tes pieds nus sur le tapis, tant qu’on ne t’aura pas servie à genoux comme un esclave, tu ne peux même pas savoir qui tu es...
;COLOMBE
:Mais je ne vous connais presque pas, monsieur Du Bartas.
¿¿¿
;DU BARTAS
:Est-ce que j’existe ? As-tu besoin de me connaître? Respire seulement mon désir autour de toi comme un parfum grisant de l’Afrique ! Et sois toi-même, révélée à toi-même, par ce désir qui te prolonge et te complète.
;COLOMBE
:Julien aussi m’aime.
;DU BARTAS
:Comme moi? Est-ce qu’il est prêt A mourir tout de suite sur un signe ? A se rouler par terre, à gémir, à commettre un crime peut-être ?
;COLOMBE
://doucement//
:Non.
Elle demande soudain :
Est-ce que vous mangeriez un rat tout cru pour moi, un jour, pour me donner de l’appétit ?
;DU BARTAS, complètement démonté par cette question. Un rat tout cru ? Pourquoi un rat tout cru ?
;COLOMBE
:Une idée. Je voulais savoir.
Entre Desfoumettes,
;DESFOURNETTES
:Bonjour, mon cher grand acteur!
;DU BARTAS
:Bonjour, mon cher directeur!
;DESFOURNETTES
:Dites-moi, vous savez qu’on répète en costumes. Alexandra est déjà habillée.
;DU BARTAS lui jette un regard sombre et se décide.
;DU BARTAS
:J’y vais. Vous montez vous habiller aussi, mon petit ?
;DESFOURNETTES
:Elle n’est que du cinq, elle a bien le temps. J’ai à lui parler de son contrat.
;DU BARTAS
:Ah bon ! A ce soir, peut-être ?
Il est sorti. Desfoumettes se rapproche.
;DESFOURNETTES
:Après la répétition, montez donc une minute dans mon bureau. Un doigt de porto, deux biscuits. Nous le signerons ce petit contrat. Vous savez, j’ai crié l’autre jour, mais c’était pour la forme. Bien entendu, vous aurez vos sept francs. Est-ce que cela vous ferait plaisir une petite avance ?
;COLOMBE
:Bien sûr.
;DESFOURNETTES
:Montez me voir après la répétition. Et pas la peine d’en parler à Madame Alexandra; vous savez qu’elle est un peu serrée. Moi je suis un vrai papa gâteau. Avec moi les choses s’arrangent.
;COLOMBE
:Merci monsieur Desfournettes. Vous tes gentil.
;DESFOURNETTES
:Pas avec tout le monde. Pas avec >Lit le monde. Dites-moi, mon petit, qu’est-ce que j’ai itendu, vous n’avez que cette robe-là?
;COLOMBE
:Oui.
;DESFOURNETTES
:Il faudra tâcher de remédier à c ela. J’ai un couturier qui me fait des prix. Qu’est-ce que vous diriez d’un petit ensemble de printemps, noisette comme on les fait cette saison ?... Je vous vois tout A fait, en petite noisette, avec un peu de vert au chapeau.
;COLOMBE
:Oh ! non, si vous voulez bien, une toque de fourrure et le manteau pareil. J’ai vu une femme qui portait cela tout à l’heure rue de Rivoli. C’était beau !
;DESFOURNETTES
://un peu démonté par le supplément. -Hé bien soit ! avec un petit peu de fourrure pour garnir. Nous irons voir cela tous les deux un de ces jours.//
;COLOMBE
:Seulement, je n’aurai jamais assez d’argent avec mes sept francs.
;DESFOURNETTES
:Nous nous arrangerons, nous nous ’.rrangerons. Mais c’est un secret entre nous.
;COLOMBE
:Comme vous êtes bon, monsieur Des-'ournettes !
;DESFOURNETTES
:Oui. On me fait une réputation, ..ans ce théâtre, mais au fond, c’est vrai, je crois que je suis bon. Montez donc me voir à mon bureau. C’est
promis ?
Entre ~Poète-Chéri frétillant.
;~POÈTE-CHÉRI
:Où est-elle, où est-elle, ma petite muse ?
;DESFOURNETTES
://glacial//
:Elle est là. Avec moi. ~
;poète-chéri
:Savez-vous, Desfournettes, que je ne peux plus me passer d’elle ? Savez-vous qu’elle m’inspire cette petite ? Cette nuit je lui ai fait six vers de plus.
;Colombe
. — Six vers? Rien que pour moi?
;~poète-chéri
:Six vers de douze pieds pour vous, petite Colombe ! Et je crois bien que c’est ce que j’ai écrit de meilleur... Vous voyez devant vous un homme qui n’u pas fermé l’œil de la nuit à cause de vous.
;COLOMBE
:Vous non plus? Mais personne ne dort dans ce théâtre.
;~POÈTE-CHÉRI
:Comment, moi non plus?
;Desfournettes, un peu amer
:Dites-moi Robinet, vous savez que la pièce est déjà longue. Ne rallongez pas trop, tout de même !
;~POÈTE-CHÉRI
:Mon cher directeur, cette petite sera la révélation de la soirée ! Je peux lui mettre un tunnel de vingt-cinq vers : le public ne se lassera pas de l’écouter.
;DESFOURNETTES
:Tout de même, tout de même!... Elle débute et au cinquième acte...
;~POÈTE-CHÉRI
:Taisez-vous. Elle a un immense talent! Faites-moi confiance mon cher directeur. D’ailleurs, je vais la faire travailler moi-même, c’est tout dire. Pouvez-vous passer chez moi, chère petite Colombe, après la répétition ? Un doigt de porto, deux biscuits et nous ferons du bon travail. J’ai ma voiture, je vous emmènerai.
;DESFOURNETTES
:Après la répétition? Impossible. Elle a justement un rendez-vous.
;~POÈTE-CHÉRI
:Elle le décommandera. Nous passons le 22. Il faut qu’elle travaille cette enfant, Desfournettes.
1 e travail avant tout !
;DESFOURNETTES
:Il faut tout de même aussi qu’elle igné son contrat !
;~POÈTE-CHÉRI
:Bah! c’est l’affaire d’une seconde, lontez donc le chercher tout de suite. desfournettes
:Il n’est pas prêt. ~poète-chéri
:Desfournettes! Il s’agit de la pièce! nus passons le 22 et son rôle est capital. Après la répé-ii ion, c’est chez moi qu’elle viendra !
;ARMAND
://qui est entré et les écoute, souriant//
:Je vais vous mettre d’accord tout de suite. Comme elle ne peut pas jouer toute nue - ce que nous regrettons tous - ci qu’on a tout juste le temps de lui faire sa robe après lu répétition, c’est moi qui l’enlève. Nous avons rendez vous chez le costumier, messieurs.
Il ajoute souriant, les regardant tous les deux :
Si vous voulez vraiment passer le 22...
DESFOURNETTES
:C’est bon. Je vous verrai demain, mademoiselle.
Il sort,
;~POÈTE-CHÉRI
:C’est tout de même malheureux que tout passe avant le texte !
Armand, toujours souriant
:~Poète-Chéri, maman vous demande.
;~POÈTE-CHÉRI
://qui ne veut pas s’en aller//
:Je la quitte il l’instant, mon cher.
;JULIEN
:Entre temps, elle a réfléchi, elle trouve le
becquet trop long.
;~POÈTE-CHÉRI bondit
:Comment trop long? Main voilà huit jours qu’elle le rogne. Il n’a plus que quatre vers, ce becquet.
;ARMAND
:Réflexions faites, elle voudrait seulement dire le dernier.
;~POÈTE-CHÉRI
:Seulement le dernier vers? Un vern tout seul ? Mais avec quoi voulez-vous qu’il rime ?
;ARMAND
:Je ne sais pas. Je ne suis pas poète.
;~POÈTE-CHÉRI
:Cette fois c’en est trop! Qui esi l’auteur de cette pièce ?
Armand
:On dit que c’est vous.
;~POÈTE-CHÉRI sort comme un fou en criant
:Hé bien, je la retire de l’affiche ! Nous verrons si nous passerons le 221
;COLOMBE
://quand il est sorti//
:C’est terrible. Qu’est-ce qui va arriver?
;ARMAND
:Rassurez-vous: rien. Vous ne savez pas ce que c’est que le théâtre. Il fera sa coupure, voilà tout.
I,'essentiel est que je vous ai sauvée de ces deux vieux papillons.
Il la regarde.
C’est amusant?
;COLOMBE
:Quoi?
;ARMAND
:Les hommes !
;COLOMBE
:Oui. Beaucoup. Cela tourne autour de vous en roulant des yeux blancs. Cela vous raconte que ça n’a pas dormi de la nuit.
;ARMAND
:Qui est-ce qui n’a pas dormi de la nuit?
;COLOMBE
:M. DU BARTAS et M. ~Poète-Chéri non plus.
;ARMAND
:. — Desfournettes a dormi, lui, le mufle?
;COLOMBE
:Oui. Mais il veut me donner une avance. Et un petit ensemble de printemps couleur noisette.
;ARMAND
:Et votre choix est fait?
;COLOMBE
:Pour le petit ensemble, oui. Couleur misette, c’est très bien.
;ARMAND
:Non. Ne faites pas l’idiote avec moi. utre les donateurs?...
;COLOMBE
:Il n’y en a qu’un qui le propose. Les lires offrent seulement des insomnies et un doigt de
>rto.
;ARMAND
:Et c’est le plus vilain qui offre la robe? 1 est toujours comme cela. Pas de bêtises ! Vous savez que c’est moi qui suis le gardien de l’honneur.
;COLOMBE
:De quel honneur?
Armand
:De la famille. Je serais obligé de les gifle! tous les trois. Six balles sans résultat, c’est beaucoup pour un seul homme. Ayez pitié de moi.
;COLOMBE
:Ils ont les meilleures intentions du monde. Ils veulent seulement me faire travailler.
Armand
:Eux aussi? Ils n’ont trouvé que cela? 11m n’ont décidément pas beaucoup d’imagination.
;COLOMBE
:N’est-ce pas ce que vous m’avez proposé pour que je vienne chez vous ?
;ARMAND
:Oui, mais moi c’était par amour du théâtre, pour que vous soyez reçue au Conservatoire, lit la preuve, c’est que je ne vous ai même pas offert le doigt de porto.
;COLOMBE
:Je l’ai remarqué. Je mourais de soif, justement, hier.
;ARMAND
:Rien qu’un manuscrit et debout dans la salle à manger gothique ! Ce n’est pas que je sois un janséniste; mais le doigt de porto, assis côte à côte, sur un divan plein de coussins, j’ai eu peur que cela ne soit trop pour moi.
;COLOMBE
:Je ne sais pas du tout ce que vous voulez dire.
Armand
:Moi, si. Très bien. Quand je m’amuse, je m’amuse. Mais quand je garde l’honneur de la famille : je le garde.
;COLOMBE
:Puisque nous allons chez le costumier ce soir et que je ne pourrai pas venir chez vous comme d’habitude, voulez-vous que nous répétions ici, au lieu de dire des bêtises, en les attendant? Vous savez que le concours d’admission est dans quinze jours.
;ARMAND
:Allons-y, mon cœur. J’ai ma brochure, elle ne me quitte plus.
Ils se débarrassent, mettent des chaises en place pour une répétition.
;COLOMBE
:Cela vous ennuie peut-être de me faire liavailler ma scène?
;ARMAND
:Affreusement.
;COLOMBE
:Si cela vous ennuyait vraiment trop, je pourrais demander à M. DU BARTAS. Je crois que lui, cela ne l’ennuierait pas.
;ARMAND
:Pas assez, ma chère âme, pour mon goût. Allons-y! Prenons la fin qui n’allait pas hier. Et après nous filerons la scène.
Il s ’assoit. Colombe s ’avance.
;COLOMBE
:«Et si je vous disais, monsieur, que je vous aime ? »
;ARMAND
:«Je ne vous croirais pas. »
;COLOMBE
:«Et si je vous disais que j’ai beaucoup de peine?»
;ARMAND
:«De la peine avec ces yeux-là, allons lonc ! »
;COLOMBE
:«Comment pouvez-vous savoir ce que lisent mes yeux, vous ne les regardez jamais. »
;ARMAND
: se lève et la prend dans ses bras
:«Hé bien >ilà. Je les regarde ! »
;COLOMBE
: se laisse regarder, puis se détourne un peu, iniquement
:«Ah! monsieur, pas trop au fond, je vous 11 prie, je vais rougir maintenant. »
;ARMAND
: déclame, assez faux d’ailleurs
:«Petite fille, petite fille... Tu as voulu jouer au jeu de l’amour. Et tu es
prise au piège maintenant, étonnée de te sentir pour lu première fois toi-même. Et tu trembles au bord du baiser, Car tu le sais, enfant, que je vais prendre tes lèvres, n’csl-ce pas et tu en meurs d’envie comme moi ? »
;COLOMBE
: laisse tomber sa tête sur son épaule et murmurt, - « Oui, monsieur le comte. » 1
;ARMAND
: la regarde un instant sur son épaule, puis soupire d’un autre ton
:Là, il l’embrasse.
Il lit sur sa brochure, par-dessus l’épaule de Colombo',
« Mes chevaux ! Mes chevaux ! Ma chaise ! Basque I Champagne ! Mes gens ! Mes gens, holà ! Demain je serai à Versailles et je me jetterai aux pieds du roi...,
etc., etc. »
;COLOMBE
: demande sans bouger
:C’était mieux
qu’hier?
Armand la relève
:Cher ange ! Vous êtes le diable, Où avez-vous appris tout cela ?
;COLOMBE
:Je dis comme je sens. Ce n’est pas plu» difficile que cela de jouer des pièces ?
Armand
:Pour vous, non, il faut le croire. C’eût dans les bras de Julien que vous vous figurez être, pour jouer si bien ?
;COLOMBE
:Oh non, le pauvre! Il ne me dirait pua ces mots-là.
Armand
:Dans les bras de DU BARTAS peut-être?
;COLOMBE
:Non.
;ARMAND
:Mais vous pensez que vous êtes toujours Colombe ?
;COLOMBE
:Oui. Une autre Colombe qui aime le comte, comme c’est écrit.
;ARMAND
:Et tout à l’heure, quand nous dirons la scène des adieux, vous vous sentirez très malheureuse ?
;COLOMBE
:Pas vraiment. Mais j’aurai tout de même rnvie de pleurer de vraies larmes.
;ARMAND
:Julien vous a fait pleurer déjà?
;Colombe
:Quelquefois !
Armand
:Quand vous pleurez pour votre rôle, c’est il ces larmes-là que vous pensez ?
;COLOMBE
:Oh non ! Ce ne sont pas les mêmes.
;Armand
:Mais cela coule, tout pareil?
;Colombe
:Sauf que je ne suis pas vraiment triste tout au fond.
;ARMAND
:Tandis qu’avec Julien vous êtes toujours vraiment triste - «tout au fond» comme vous dites quand vous pleurez?
;COLOMBE
:Forcément, puisque c’est dans la vie !
;ARMAND
:Vous êtes certaine que vous n’avez jamais pleuré avec lui, une seule petite fois, sans être vraiment triste, « tout au fond » ? Un accident est si vite arrivé !
;COLOMBE
: se méfie
:Pourquoi me demandez-vous < cia?
;ARMAND
:Pour m’instruire, mon cher ange. Je ne ¦ ux pas arriver à croire que cette gracieuse faculté que ¦us avez de pleurer sur commande, vous n’ayez jamais ngé à vous en servir.
;COLOMBE
:Vous me croyez donc une menteuse?
;ARMAND
:Quel vilain mot ! Il faudrait être bien naïf, i chère, pour traiter une femme de ce nom. Ou alors ludrait qu’elle se soit laissé entraîner à une déforma-¦n extrêmement sotte et grossière... Mais la vérité des i, mines est une chose si nuancée, si fragile, si mou-viinte... Il n’y a que les hommes des bois comme Julien pour se figurer que c’est une dame toute nue, qui suri d’un puits avec un miroir de poche.
;COLOMBE
://soudain//
:Je n’aime pas quand vous dite* du mal de Julien.
;ARMAND
:Pourquoi?
;Colombe
:C’est un vrai homme, lui.
;Armand
:Je sais, mon cœur. Et les femmes adorent les vrais hommes... Il leur en faut bien, pour jouer leur jeu. Avec des coquins de mon espèce, toutes ces grande» ressources inutiles... Avouez que cela serait navrantI Mais le jeu joué avec les vrais, vous verrez que c’est tout de même agréable.
;COLOMBE
:Quoi?
;ARMAND
:Les hommes comme moi. Ceux qui ont à quoi s’en tenir... On peut déposer les armes un instant, mettre ses pantoufles... Quitter cet air offensé par exemple et rire comme on en a envie... Cela doit être tellement harassant d’être toujours femme! - AllonsI puisque je vous le dis que nous sommes entre nous !
;Colombe //éclate de rire//
:Vous êtes terrible, Armand !
;Armand, doucement
:Pas plus que vous, mon cher cœur. //(Il s’éloigne.)// Alors, nous la reprenons une dernière fois cette scène avant que les grandes personnes envahis sent le plateau ?
;COLOMBE
:Si vous voulez.
://Elle se met en place et demande//
Et si M. DU BARTAS me trouve dans vos bras ?
;Armand
:De foute façon, c’est moi qui gifle.
;Colombe
commence
:«Et si je vous disais, monsieur, que je vous aime ? »
;ARMAND
:«Je ne vous croirais pas. »
;COLOMBE
:«Et si je vous disais que j’ai beaucoup de peine ? »
;ARMAND
:«De la peine avec ces yeux-là? Allons donc ! »
;COLOMBE
:«Comment pouvez-vous savoir ce que disent mes yeux? Vous ne les regardez jamais. »
;ARMAND
:«Hé bien voilà. Je les regarde. »
Il se lève, la prend dans ses bras et murmure soudain :
Démon ! Sale petit démon !
Il la lâche, un peu gêné et dit avec quelque chose d’enfantin et de gentil qui lui est resté sous son cynisme.
Il faudra, tout de même, ne pas faire trop de mal à |ulien.
Ils sont debout l’un contre l’autre sans oser se regarder.
{{center{LE RIDEAU TOMBE.}}}
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+++*[TROISIÈME ACTE]
!!TROISIÈME ACTE
Le couloir des loges, comme au premier acte, mais vu de nitre côté.
La porte de la loge de Madame Alexandra est maintenant é jardin et c’est une autre loge, celle de Colombe, qui est ouverte ic cour.
Mme Georges est assise sur sa chaise à la même place dans le .mloir. Julien fait les cent pas habillé en militaire, capote bleu marine aux coins retroussés, pantalon garance, képi à pompon, baïonnette. Il ouvre la porte de la loge et demande.
;JULIEN
:C’est sa loge?
;MADAME GEORGES
:Oui.
;JULIEN
: referme la porte
:Il n’y avait personne à lu maison.
;MADAME GEORGES
:Revenir comme ça sans criei gare ! C’est qu’on ne s’y attendait pas nous autres, mon sieur Julien.
;JULIEN
:Nous avons eu une permission de vingl quatre heures parce que nous avons changé de général. Je n’ai pas eu le temps d’avertir.
;MADAME GEORGES
:Voyez-vous ça! Et le nouveau, il est plus conciliant que l’ancien ? julien
:Cela doit se valoir. madame Georges
:Il ne faut pas mal répondre avec lui, monsieur Julien. Il faut toujours être bien poli.
;JULIEN
:Rassure-toi, Georges. Un soldat de seconde classe a très rarement l’occasion d’être impoli avec le général.
;MADAME GEORGES
:Tout de même, il ne faut pui faire la mauvaise tête. Quand vous le rencontrez, Monsieur Julien, il faut toujours bien ôter votre képi. julien
:Excellente idée. Il me ferait fusiller! MADAME GEORGES. -. — Ils sont si sévères que ça? Ava vous, on ne sait jamais si c’est pour rire.
;JULIEN
:Avec eux non plus! Aussi j’aime mieux m’en tenir au salut réglementaire
:Elle n’était mênu pas rentrée dîner.
;MADAME GEORGES
:a un geste
:Vous savez, la vit d’artiste. On n’a pas toujours son temps.
;JULIEN
:Il y avait une femme à la maison. La belle sœur de la concierge qu’elle paie maintenant pour gardei le petit le soir.
;MADAME GEORGES
:Vous voyez, Monsieur Julien, vous pouvez être tranquille, il a tout ce qu’il lui faut le chérubin. Pour cela Mme Julien elle est parfaite : tous ses sous c’est pour lui. L’autre jour, elle lui a acheté un burnous, tout en soie, brodé main, qui valait peut-être soixante francs ! Vous savez qu’ils l’ont augmentée ?
;JULIEN
:Déjà?
;MADAME GEORGES
:Dix francs par jour qu’ils lui donnent maintenant. Il faut dire que dans la reprise elle a un bien plus grand rôle : vingt-trois lignes. C’est beau pour un début! C’est qu’il s’en est passé des choses depuis trois mois que vous êtes parti. Mme Julien vous a écrit ?
;JULIEN
:Pas beaucoup.
;MADAME GEORGES
:D’abord La Femme et le Serpent-, ça a été un four. M. ~Poète-Chéri en a été malade. Madame et lui s’en sont dit des insultes !... J’en rougissais moi-même. Du beau monde comme ça, on ne croirait pas, ça en sait des mots sales... À la fin, ils se sont battus comme des chiffonniers dans sa loge. Elle le giflait, et M. ~Poète-Chéri il lui arrachait ses postiches ! Ça n’empê-i hc qu’ils ne l’ont jouée que trente fois la pièce. Je l’avais lit: une pièce où il y a trop de changements. Mais on i écouté jamais l’habilleuse... D’abord, j’avais pas pleuré uix répétitions. Et quand je ne pleure pas, c’est très rare ue ça soit bon. Enfin, ils se sont réconciliés tout de lême, M. ~Poète-Chéri et elle et ils ont remonté leur : and triomphe à lui et à Madame, qu’ils reprennent iiijours quand ça va mal : La Maréchale d’Amour. Trois iiangements seulement, mais tout du Louis XV. C’est des robes qu’on met plus de dix minutes à agrafer.
;JULIEN
:Est-ce qu’elle arrive tard?
;MADAME GEORGES
:Qui?
;JULIEN
:Colombe.
;MADAME GEORGES
:Elle a son entrée au début du un, elle ne va pas tarder maintenant. A moins qur M. Armand l’ait amenée dîner et qu’il la reconduise au dernier moment en voiture.
;JULIEN
:Armand l’a emmenée dîner?
;MADAME GEORGES
:Quelquefois, la pauvrette. Ou bien M. DU BARTAS. C’est rare pour un grand premier rôle d’être aimable avec une petite qui débute. Surtout lui qui garde ses distances. Mais avec elle il est tout miel, M. ~Poète-Chéri pareil : c’est toujours des fleurs et de» compliments comme si elle avait le premier rôle dans lit nièce. Jusqu’à M. Desfournettes qui est toujours bien ioli. Ah! on ne peut rien dire contre eux! Ils sont tou» i rès gentils avec elle !
;JULIEN
:Vraiment?
;MADAME GEORGES
:Forcément. Une pauvre petite femme toute seule que son mari a dû laisser, ça fait pitié, On essaie de la distraire. Ils ont bon cœur quoi, ces me»-sieurs !
;JULIEN
:Il faut croire.
;MADAME GEORGES
:se rapproche
:Et puis, entre nou», monsieur Julien, c’est pour vous surtout qu’ils font ça Pour vous enlever du souci de la savoir seule. Ah ! ilh vous aiment bien tous, allez, malgré votre mauvais carat' tère. C’est à leur façon d’agir avec Mme Julien qu’on voil qu’ils vous aiment bien.
LA SURETTE paraît au fond et crie
:On lève dans dix minutes !
;MADAME GEORGES
:Ouiche ! Madame n’est pu» encore là. Ni Mme Julien non plus.
LA SURETTE
:Je ne veux pas le savoir! Je fais mon métier, moi. Je ne dîne pas en ville.
Il crie :
On lève dans dix minutes !
Il aperçoit Julien, il change de figure.
Ah ! monsieur Julien. Ça c’est une surprise. Vous avez donc une permission ?
;JULIEN
:Oui. Tu vois.
;LA SURETTE
:C’est la belle vie maintenant dans l’Armée française! Toujours en balade? Ce n’est pas comme de mon temps.
Il demande avec un mélange de sournoiserie et de timidité.
Alors vous revenez prendre un peu l’air du théâtre, monsieur Julien ?
;JULIEN
:Oui.
Un temps. Il ajoute :
J’ai reçu ta lettre, La Surette.
LA SURETTE pâlit un peu, il ricane
:Ah ! oui, déjà monsieur Julien?
;JULIEN
:Hier soir.
LA SURETTE, d’une voix blanche, après un petit temps.
Ça va vite tout de même les postes, on ne croirait pas !
;JULIEN
:Je te remercie de m’avoir écrit.
la surette ricane, l’œil fuyant
:Les nouvelles du ihéâtre, quoi! J’ai pensé que vous aimeriez être au courant.
;JULIEN
:Oui. Tu as cinq minutes? On pourrait descendre prendre un verre au tabac.
;LA SURETTE
:Tout de suite? C’est qu’on va levci bientôt. Et puis il faut que je m’habille ; ce soir je double le maréchal de Villardieu au deuxième acte... Troulazm s’est cassé le bras.
;JULIEN
: lui prend le bras
:Alors entrons là. Ce serti vite fait.
;LA SURETTE
:Moi je veux bien, mais je vous préviens que c’est sa loge...
Ils entrent dans la loge de Colombe. On entend appeler du fond : « Georges ! »
;MADAME GEORGES
: se précipite
:Voilà M. DU BARTAS I
;DU BARTAS paraît en burnous marocain et en caleçon sut •euil de sa loge, il se maquille
:Viens me passer mu hcmise. La petite est là?
;MADAME GEORGES
:Pas encore monsieur Du îartas. Mais vous savez, il y a une bonne surprise: il* iït: donné vingt-quatre heures de permission à monsieur
;JULIEN
: !
;DU BARTAS
:Ah diable !
;MADAME GEORGES
:Et je le lui ai dit, allez, comme vous avez été gentil tout le temps avec Mme Julien. Ça l’a touché, le pauvre ! Il en avait les larmes aux yeux.
Elle a refermé la porte de la loge, on ne les entend plus. Datis la loge de Colombe, Julien avait attendu lu fin de leurs répliques ; il empoigne soudain La Surent par le revers.
;JULIEN
:Qui est-ce ?
;La surette
:Voilà le hic ! Voilà où cela commence, monsieur Julien. Ce serait trop beau si on pouvait entrer tout de suite dans le rôle avec la certitude aussi. C’eal comme tout d’être cocu, c’est difficile. C’est pas donné à tout le monde. Cela s’apprend.
;JULIEN
:Parle ou je t’assomme !
;LA SURETTE
:Tout de suite, comme cela? Tous les mêmes! J’assomme, je tue, n’importe qui! Ces débu-lants... C’est pas si simple monsieur Julien, c’est un vrai rôle, tout en nuances, le cocu. Il y a tout un rituel, toute une danse. Un pas en avant, un pas en arrière, pirouette ; un temps de repos pour mieux repartir ; un pas en avant, un pas en arrière, pirouette. Il ne faut pas croire ! C’est tout un métier à s’entrer dans la peau.
;JULIEN
: l’a pris par le cou
:Je t’étrangle si tu ne parles pas !
;LA SURETTE
:Foutaise! Et après? Vous serez bien avancé. Un comparse... Pour vous prouver votre virilité? Comme c’est futile ! Ne serrez pas, monsieur Julien, ne serrez pas, c’est inutile. De toute façon ce n’est pas moi. Je suis trop laid. Et ça, au moins, vous en êtes sûr.
;JULIEN
: l’a lâché, il se rajuste.
Ne haussez pas les épaules. C’est déjà ça. Il n’y a pas mnt de choses dont vous allez être sûr, maintenant. julien
:Pourquoi m’as-tu écrit?
;LA SURETTE
:Parce que je suis sentimental. Cela me lisait de la peine. Je vous aime bien.
;JULIEN
:Tu ne peux pas me dire un nom ? la surette
:Non.
;JULIEN
:Avec qui sort-elle habituellement?
;LA SURETTE
:Ah, ça commence! Cela me fait plaisir. Un bon cocu doit être méthodique. C’est l’A.B.C. Moi je ne peux que vous aider de mes petites lumières. Un confident de tragédie. C’est tout. L’intuition, l’éclair de génie, cela viendra de vous. Ils soin quatre.
;JULIEN
: sursaute
:Quatre ?
la surette
:Possibles. Pas sûrs. Ce serait trop beau ! Armand, DU BARTAS, ~Poète-Chéri - oui, de P Académie française - et M. Desfournettes soi-même, le directeur. C’est du beau monde... Si vous voulez, négligeons le coiffeur, qui la coiffe un peu trop souvenl, Quoique ce soit un homme qui plaise aux dames. De gros biceps. Très important.
;JULIEN
:Il pue.
;LA SURETTE
:Le fauve. Et cela n’est pas à négliger, Cela peut plaire... Axiome, capital : le cocu doit renoncer A sentir par lui-même, à voir par ses yeux. Cette fidélité A ¦ m jugement d’homme risque de l’égarer à jamais. I4 lupart des cocus piétinent parce qu’ils imaginent un i niant de leur femme susceptible de leur plaire, à eux.
;JULIEN
:Alors cinq, avec le coiffeur?
la surette
:Ne vous effrayez pas. J’ai connu un capitaine qui a soupçonné toute sa compagnie. Je voui laisse à penser des doutes des colonels.
;JULIEN
:Je les assomme tous les cinq !
la surette
:C’est faisable, mais c’est sommaire, Cela ne vous apportera aucun apaisement, même si le vrai est dans le lot. Le drame du cocu, c’est le drame de l’homme : la connaissance. Les coups, cela ne vient qu’après, ce n’est rien, c’est du luxe, les coups. Il faut savoir.
;JULIEN
:Elle va arriver, je l’interrogerai.
;LA SURETTE
:Bon jeune homme ! Ils ont tous cette illusion. Comme cela vous serez sûr de ne rien savoirt jamais.
;JULIEN
: gémit
:Mais Colombe m’aime, moi !
;LA SURETTE
:C’est possible. Mais n’allez pas croire que cela va simplifier votre cas.
;JULIEN
:Je l’ai laissée seule dans ce milieu pourri comme un imbécile, voilà tout. C’est un oiseau.
LA SURETTE
:Oui, mais les naturalistes vous diront que c’est difficile, à connaître au juste, les mœurs des oiseaux.
;JULIEN
:Qu’est-ce qu’il faut faire? la surette
:Vous devenez sage. Prendre le conseil des anciens d’abord. Vous en aurez besoin dans ce inonde étrange que vous allez voir fleurir autour de vous, maintenant. Elle va entrer dans une minute, vous sourire, vous embrasser, et - prenez garde ! - tout va devenir normal, beaucoup trop normal... Autour du cocu, la vie se fait bizarre : les coïncidences, les coups du sort se mettent à abonder plus que dans n’importe quelle autre vie... Seulement, les lettres qui n’arrivent pas ou qui arrivent trop vite, les téléphones qui sonnent et il n’y a personne au bout du fil ; les objets inconnus la veille qui traînent sur les commodes, les amis qu’on n’avait pas revus depuis dix ans et qui vous retiennent tout l’après-midi - tout ce qui dans la vie ordinaire garde un certain mystère, tout ce qui ne s’explique pas, va devenir absolument clair. Tout, vous entendez, tout va vous être spliqué ! Avec une rigueur scientifique, mathématique, ¦olicière, et vous pourrez vous épuiser, tous les alibis i iont exacts, abominablement exacts. Vous êtes pris maintenant! La vie, l’honnête vie était raisonnablement mystérieuse; dorénavant, elle va avoir insolitement léponse à tout. Mais attention, toutes ses réponses seront des questions nouvelles pour vous. Vous êtes pris.
Comme un rat. Il va falloir danser la danse. L’employé du gaz qui sonne trop tôt le matin, ce ne sera plus un simple employé du gaz, ce sera une question ; le nouveau chapeau qu’elle aura acheté la veille, ce sera une question ; une chanson sur sa bouche, une question ; son silence, la couleur de son rouge à lèvres, une autre question. Et les questions, c’est un collier de perles, cela s’enfile, cela se déboîte les unes des autres à l’infini comme les petites fleurs japonaises. Il n’y a plus aucune raison de s’arrêter. Vous allez devenir une question vivante sur deux pattes, un gros point d’interrogation qui bourdonne et se pose partout.
;JULIEN
:Non ! je ne lui demanderai rien.
;LA SURETTE
:Si ! Et quand vous aurez fini de lu iostionner, elle, ce ne sera pas fini : vous vous question-¦rez vous-même. Vous douterez de tout, vous finirez n croire vous aussi que vous avez peut-être tout inventé iusqu’au jour, au jour du grand gala, inévitable, où voun a arriverez à vous demander, tout seul devant votre lace comme un imbécile, si au fond tout cela n’est pan votre faute et si vous ne l’avez pas voulu. Vous serez mûr ce jour-là. Un vrai cocu. Pas un petit mari trompé de rien du tout. Et ce qui aura pu se passer ou non entre les jambes de Mme Colombe, ce ne sera plus qu’un détail,
//Il écoute.//
Attention, la voilà ! - Alors de deux choses l’une, monsieur Julien : ou vous voulez que je vous aide et vous m’écoutez ou je vous laisse patauger tout seul.
;JULIEN
:Qu’est-ce qu’il faut faire?
:La surette.
:Vous cacher d’abord. Se cacher toujours, autre axiome ! Le cocu doit voir sans être vu.
;JULIEN
: //regarde autour de lui, affolé. Les voix se rapprochent//
:Où ?
;LA SURETTE
: //lui ouvre un placard et le pousse dedans.// -Dans l’armoire, comme tous les cocus !
://Il ajoute ://
:Et vous pourrez renifler ses robes. Cela vous rappellera le bon temps !
://Il l’a poussé dans le placard, il sort précipitamment dans le couloir et crie.//
:En scène pour le un !
;MADAME ALEXANDRA
://qui fait une entrée rapide, suivie de son état-major//
:Ne beuglez pas comme ça, imbécile ! On lèvera quand je serai prête! C’est encore vous qui doublez Troulazac ce soir?
;LA SURETTE
:Oui ~Madame-Chérie.
;MADAME ALEXANDRA
://disparaissant dans sa loge//
:Ça va être gai !
;COLOMBE
: //entre à son tour, criant//
:Où est-il? Où est-il ?
//Elle va jusqu ’à la loge, ne voit personne, en sort criant : //
:Georges ! Georges ! Où est Julien ?
://Elle rentre et voit Julien qui est sorti du placard. Elle se jette dans ses bras, criant://
:Mon chéri !
//Elle le regarde.//
D’où sors-tu ?
;JULIEN
:Du placard.
;COLOMBE
:Pourquoi étais-tu dans le placard?
;JULIEN
:Pour te faire une farce.
;Colombe
le serre à l’étouffer
:Mon chéri ! Mon chéri I Quel bonheur ! Comme cela a été long, tu sais.
;JULIEN
://doucement//
:Plus long encore que tu ne peux l’imaginer.
;COLOMBE
:Mais toi tu étais occupé! Tu avais quelque chose à faire. Les batailles, les charges, le demi-tour réglementaire, le salut aux officiers... Ta petite femme était toute seule, elle, à t’attendre. Comme c’est bon, Comme c’est bon. Et comme tu es beau en soldat! On dirait un général !
;JULIEN
:Pas encore. Mais c’est une chance, le bleu
: ! c va bien.
;COLOMBE
:Ils vont te faire avancer en grade?... Si tu . je connais quelqu’un - enfin ~Madame-Chérie nnaît quelqu’un au ministère... On pourrait leur écrire.,, julien
:Merci.
;COLOMBE
:Ils t’ont fait beaucoup marcher mon chéri? Assois-toi. Assois-toi tout de suite. Tu dois être tellement fatigué.
Elle s ’est mise sur ses genoux,
Combien t’ont-ils fait faire d’une seule traite, le plus? JULIEN
:Vingt-cinq kilomètres.
;Colombe
. — Mais au retour, ils ne vous permettent pas de prendre le tramway ?
;JULIEN
:Non.
;COLOMBE
:Et vous devez faire vous-même votre linge et votre ménage ? Cela doit être du joli ! Naturellement, tu n’as pas eu le temps de penser à moi ! julien. — Si. Tout le temps.
;COLOMBE
:On dit ça ! Mais quand vous êtes tous ensemble, entre hommes, vous ne devez penser qu’à vous dire des horreurs. Mon chéri, toutes ces nuits sans moi... Tu n’as pas trouvé ton lit trop grand?
;JULIEN
:Tu sais, il est très petit.
;COLOMBE
:Tu vois, pour toi ce sont des vacances ! lion débarras ! On respire un peu, on fait le jeune homme, enfin! Tant pis pour la pauvre petite femme qui reste toute seule la nuit, elle n’a qu’à mettre des bouillottes dans son lit si elle a froid. Ce que cela peut être égoïste les hommes !
;JULIEN
: demande
:Et le petit ?
;COLOMBE
:Il va bien. Comment trouves-tu mon petit ensemble noisette ?
;JULIEN
:Très joli, mais cela doit valoir très cher.
;COLOMBE
:Non non. Presque rien. J’ai trouvé une couturière qui me fait des prix et puis je la paie à crédit. D’ailleurs, je gagne beaucoup, tu sais, maintenant. Je vais pouvoir t’envoyer des petits mandats pour faire ton garçon au camp de Châlons. Tu iras les manger avec des lilles. On vous connaît! C’est pour cela que les hommes i iennent tellement à l’armée, c’est pour pouvoir se débar-isser de nous. Ton Déroulède qui réclame toujours le rvice de trois ans, il doit être encore plus coureur que s autres, voilà tout !
;JULIEN
:Il n’y a pas beaucoup de filles, tu sais, au imp de Châlons.
;COLOMBE
:Oui. Oui. Je me suis renseignée: il y a les permissions de minuit. Vous devez en faire de belles ! |e suis sûre que tu m’as trompée. Ne me dis pas non, tu mentirais.
;JULIEN
:Non, pourtant.
Il demande naturellement
Et toi, Colombe ?
;COLOMBE
:Oh! mon chéri, moi? Tu veux rire! Je n’en aurais même pas eu le temps ! Tu sais que j’ai vingt cinq vers dans la nouvelle pièce. Il a fallu travailler dur. Tu vas venir m’applaudir dans la salle ? Tu me verras en marquise. Tu ne la reconnaîtras pas, ta femme. Je vain avoir un trac de savoir que tu es là ! Oh ! mon chéri, mon gros petit chéri, comme c’est bon que tu sois venu, Tu as bonne mine. julien
:Oui.
;COLOMBE
: l’embrasse et se lève
:C’est bien de ne pas voir un moment, parce qu’on est contents de se :;ouver. Tu veux bien que je me déshabille? On vu r tout de suite. Je suis en retard.
Elle est passée derrière le paravent. A mesure qu 'elle se déshabille, pendant la scène, on voit son bras nu jeter ses affaires les unes après les autres sur le paravent.
Elle demande.
Tu as combien de jours de permission? julien
:Vingt-quatre heures.
;COLOMBE
:Vingt-quatre heures seulement? Et tu ne peux pas leur dire que tu as raté le train ?
;JULIEN
:Non.
;COLOMBE
:Mais mon chéri, cela va être terrible I Justement ce soir je suis invitée à souper par des gens très importants pour moi - ce serait trop long à t’expliquer maintenant - et demain je répète tout l’après-midi I julien
:Tu n’iras pas souper avec ces gens, voilà tout.
;COLOMBE
:Oh, mon petit Julien, c’est impossible! C’est tout mon avenir qui est en jeu !
;JULIEN
:C’est le mien aussi. Et c’est court, tu sais, un avenir de militaire.
;COLOMBE
:Allons, ne dis pas de bêtises. Toi, tu auras d’autres permissions, moi, une chance comme celle-là je ne la retrouverai peut-être pas. Il s’agit de gens très influents tu comprends qui peuvent me faire engager aux Folies-Bergère. On cherche une jeune femme dans mon genre pour faire «L’Impôt sur le Revenu » dans la prochaine Revue... Mais je serai habillée mon chéri ; sans cela tu penses bien que je n’aurais même pas accepté d’essayer. « L’Impôt sur le Revenu » - forcément ! Il paraît que j’aurai deux mille francs de fourrures sur le dos, et seulement une jambe nue. Une jambe, ce n’est pas une affaire. Tu comprends bien que cela n’a aucun rapport avec les petites femmes qui sont là pour montrer leurs seins.
;JULIEN
: se lève et crie soudain
:Ne me parle plus de ces ordures ! Tu rentreras avec moi ce soir, Colombe.
//Il y a un silence derrière le paravent, puis on entend Colombe dire//.
;COLOMBE
:Naturellement, tu n’es pas encore revenu et il faut déjà que tu cries.
;JULIEN
: crie
:Oui je crierai ! Oui je crierai et je casse-i ai tout s’il le faut. Mais je te jure bien que cela ne se passera pas comme ça !
;COLOMBE
: surgit du paravent en pantalon et corset et demande innocente, les mains croisées sur sa poitrine, demi-nue.
;COLOMBE
:Mais quoi, mon chéri?
;JULIEN
: crie, ridicule
:Tu sais très bien ce que je veux dire. Ne fais pas l’innocente.
;COLOMBE
://lumineuse//
:Mais non, mon chéri, moi, je ne sais rien.
;DU BARTAS sort de sa loge à demi habillé et vient cogner à la porte de Colombe.
;DU BARTAS
:Toc ! Toc ! Tu es là mon petit chat? Je voulais te dire de faire très attention.
://Il entr’ouvre la porte et voit Julien.//
:Oh pardon !
;JULIEN
:Pardon.
;DU BARTAS
:Bonne permission?
;JULIEN
:Oui.
;DU BARTAS
:Bravo! Tu sais le becquet mon petit
har? I
;COLOMBE
:Oui, monsieur DU BARTAS. DU BARTAS
:Bravo ! Bravo ! On l’essaie ce soir.
Il repart comme il est venu. julien
:Pourquoi t’appelle-t-il «mon petit chat»?
;COLOMBE
:Je ne sais pas. Parce qu’il est très gentil.
Il m’a beaucoup aidée pour mon rôle. julien
:Et il te tutoie?
;COLOMBE
:Tout le monde se tutoie au théâtre. Ce n’est pas à moi de te l’apprendre tout de même. Il tutoie aussi ta mère.
Pendant ces répliques, Desfoumettes a surgi, ajfairi et important. Il vient frapper discrètement à la porte.
;DESFOURNETTES
:
:Toc ! Toc ! Toc ! Toc ! Vous êtes là mon petit rat ?
;JULIEN
: grommelle
:Allons bon, un rat maintenant.
DESFOURNETTES
:Je voulais vous dire de faire très attention mon petit rat, parce que...
Il a ouvert la porte et vu Julien.
Oh pardon !
;JULIEN
:Pardon.
;DESFOURNETTES
:Pardon, pardon. Je venais faire une recommandation à ta femme. Cela va bien?
;JULIEN
:Cela va bien.
DESFOURNETTES
:Tu as bonne mine.
;JULIEN
:Merci. Tout le monde me l’a dit.
DESFOURNETTES
:Je voulais vous dire qu’on levait à l’heure aujourd’hui. Pas de retard n’est-ce pas? pas de retard !
Il repart comme il est venu.
;JULIEN
:Mon petit rat. Cette vieille loque. C’est ignoble !
;COLOMBE
:Oh! toi. Tu vois le mal partout. Tu ne veux pas qu’on me traite de chat, tu ne veux pas qu’on me traite de rat ; de quoi veux-tu qu’on me traite, enfin ?
Je ne peux pourtant pas exiger qu’ils m’appellent Madame !
;JULIEN
:Pourquoi es-tu devenue l’amie de ces pantins ?
;COLOMBE
:Je ne suis pas leur amie. Je les vois tous les jours, je travaille avec eux, voilà tout. Tout le monde ne peut pas se permettre d’être aussi désagréable que toi.
Tu vois où cela t’a mené, toi, dans la vie, de n’être l’ami ]
de personne ? Et puis ces pantins, comme tu dis, m’amu sent. Je n’ai pas eu si souvent l’occasion de m’amuseï jusqu’ici.
;JULIEN
: crie
:Ce n’est pas vrai ! Ils ne peuvent pas t’amuser !
;COLOMBE
:Comment peux-tu le savoir?
;JULIEN
:Parce que je te connais mieux que toi, Colombe.
;COLOMBE
: le regarde, dure
:En es-tu sûr?
;JULIEN
:Oui. Et je te jure que tu finiras bien par te ressembler, que tu le veuilles ou non !
;COLOMBE
: est en face de lui, fermée, comme une ennemie. Elle murmure
:Mon pauvre Julien.
;MADAME GEORGES
:est entrée sans bruit, sur ses pan-Hé bien, les tourtereaux, on est contents de se
voir?
;JULIEN
: //lâche Colombe//
:On est ravis.
;MADAME GEORGES
:C’est bon de retrouver sa petite ^ nme et que tout le monde dise qu’elle est ravissante et qu’on voudrait bien l’avoir. Mais bernique ! c’est pas pour les autres. Les compliments tant qu’on voudra, c’est tout. Ça se garde pour son petit mari !
://Elle passe les jupons de Colombe.//
:Regardez-moi cette belle petite poitrine, monsieur Julien. On en mangerait! On dirait que cette mode-là, avec les décolletés où on voit tout, c’est fait pour elle. À ~Madame-Chérie il faut que je lui enfonce des morceaux de fer pour que ça tienne. Là, pas de danger: c’est du gâteau ! Aussi, il faut dire qu’elle en a du succès dans la pièce ! Monsieur ~Poète-Chéri il croit que c’est pour son beaux vers qu’on vient. Allez donc! Faut pas lui dire;
C’est pour voir Mme Colombe que tout ce joli monde il luit la queue. Les femmes pareil ! Elles voudraient pas, mais les messieurs les entraînent. Nous autres, habilleuses, nous nous renseignons de théâtre à théâtre. Ça s’est répandu dans Paris qu’on avait une débutante qui promettait. On ne parle plus que de ça, il paraît! Ça doit vous faire plaisir, monsieur Julien, de voir que votre petite femme elle a du succès comme ça ?
;JULIEN
:Je pète de joie. Je n’en peux plus.
;MADAME GEORGES
:Sans compter que ça rapporte, bientôt vous pourrez vous prélasser sans rien faire et c’est elle qui nourrira toute la maison.
;~POÈTE-CHÉRI
://qui est apparu dans le couloir. Il gratte discrètement à la porte//
:Toc! toc! toc! Toc! toc! toc! Vous êtes là, mon petit loup ?
;JULIEN
: crie
:Oui je suis là !
;~POÈTE-CHÉRI. sursaute à cette voix d’homme
:Oh pardon ! pardon ! Mille pardons ! Je voulais seulement vous dire de faire attention...
Il s ’arrête.
Mais non, rien, rien du tout. Je ne sais pas ce que je lis. Ou plutôt si, c’est l’énervement: le roi d’Espagne est lans la salle. Jouez bien, petite madame, ce soir. Et ncore mille fois pardon ! Je vous laisse vous habiller.
Il s ’en va comme il est venu.
;JULIEN
:Un loup maintenant! Ils y passeront tous. C’est une fable de La Fontaine ! Comment as-tu pu permettre à ce grotesque de t’appeler mon petit loup? Je l’avais interdit de lui parler !
;COLOMBE
:Mais c’est l’auteur de la pièce !
;JULIEN
:Qu’est-ce que tu veux que cela me fasse il moi? Mon petit chat, mon petit rat, mon petit loup ! Quoi encore? Et à quoi veulent-ils que tu fasses atten tion, tous ? A moi n’est-ce pas ?
;COLOMBE
://soudain fermée//
:Je ne sais pas ce que lu veux dire. Tu m’ennuies maintenant, Julien !
;JULIEN
:Et tu leur souris, tu minaudes avec te» lèvres peintes, tu ronronnes. Essuie tes lèvres ! Essuie te» lèvres tout de suite ! Je ne peux plus te voir comme çu.
;MADAME GEORGES
: l’arrête
:Mais, monsieur Julien, vous n’allez pas lui abîmer son maquillage ! C’est son métier de plaire, à présent. Vous n’allez pas l’empêcher d’être jolie et de sourire tout de même ! Aller me lit disputer au moment d’entrer en scène; ce n’est pas lu >eine d’avoir eu une maman du métier! Regardez-moi e petit ange, elle a les larmes aux yeux maintenant. SI coule avec son rimmel, ça va nous faire toute uno i ustoire ! Ne l’écoutez pas, madame Julien, les homme» c'est tous les mêmes, ça ne comprend jamais rien à rien, Moi, quand j’ai débuté au théâtre, en 87, ça a été pareil, On m’engage à la Comédie-Française. «Habilleuse? qu’il me dit mon homme, il peut donc pas s’habiller tout seul ce grand dégoûtant-là ? Je vais aller le crever, moi, ton directeur!...» Oui, madame Julien, il croyuil des choses ! A quoi ça tient tout de même. Ce pauvre M. Claretie, qui était toujours bien poli, bien honnête, Il se serait retrouvé mort, il n’aurait jamais compris pourquoi !
;JULIEN
:Laisse-nous seuls maintenant, Georges. MADAME GEORGES. -
:Pas si bête ! Je m’en vais pas »! vous devez la faire pleurer. C’est vilain à la fin, d’agir comme ça, monsieur Julien ! Regardez-moi ce petit chi-rubin, on lui donnerait le bon Dieu tout de suite ; ça n’a rien fait de mal et ça se fait agonir comme une tramée. Je vais vous dire : vous ne la méritez pas votre petite femme, monsieur Julien. Elle est trop belle et trop bonne pour vous, voilà !
;JULIEN
: la prend par le bras et la jette dehors
:Tu vas sortir, bon Dieu, quand je te le demande ?
;MADAME GEORGES
:. -, pendant qu’il l’entraîne
:C’est ça, des brutalités maintenant ! Vous voyez, madame Julien, tous les mêmes ! Ça ne sait que cogner, les hommes. Ça ne nous comprend pas !
;JULIEN
: //l’a jetée dehors et se retourne vers Colombe. Mme Georges s’est mise à écouter derrière la porte et peu à peu, pendant la scène, le coiffeur, le pédicure, La Surette en costume Louis XV, et tous les acteurs vont venir faire un groupe muet collé à la porte de la loge dans le couloir.//
;JULIEN
:Qui est-ce?
;COLOMBE
:Mais qui, mon chéri?
;JULIEN
:Ton amant.
;COLOMBE
://toute claire//
:Julien tu rêves, je n’ai pas d’amant.
;JULIEN
: //lui prend le poignet et crie, ridicule//
:Je veux son nom. Je veux son nom tout de suite. Dis-le.
;COLOMBE
:Mon chéri, comment veux-tu que je te dise un nom que je ne connais pas?
;JULIEN
:Inutile de nier, Colombe. J’ai des preuves. |e sais que tu as un amant. On t’a vue, on t’a suivie. On m’a écrit.
;COLOMBE
: //se dégage et crie, furieuse//
:Qui a osé t’écrire ?
;JULIEN
:Tu vois, tu as peur. Tu te troubles. Inutile de jouer l’étonnement plus longtemps. J’ai une lettre dans ma poche où on me dit tout. Avoue maintenant.
;COLOMBE
:Je veux savoir qui t’a écrit !
;JULIEN
:Cela ne te regarde pas.
;COLOMBE
:Une lettre anonyme, bien sûr? Tout le monde se hait dans ce métier, tout le monde se jalouse, Interroge-les comme un policier maintenant que tu an commencé, va glaner les ragots dans la loge du concierge ou dans les coulisses, tu en apprendras bien d’autres sur moi mon pauvre homme. Ce n’est pas un amant qu’on me prêtera, c’est dix. Encore heureux si ce n’est pas doN ices. La lettre anonyme, c’est leur passe-temps en attenant des rôles qu’on ne leur donne jamais. Toi qui un 'aîné dans les coulisses tout petit, je pensais que tu 'tirais appris à les connaître. Mais c’est plus facile de roire tout de suite une saleté plutôt que de faire onfiance à sa femme. La première petite chipie, le pre-; lier maniaque qui pique ta jalousie imbécile et ta vanité blessée, c’est lui qui a raison. C’est lui qu’il faut croire, même s’il ne signe pas. Pas moi.
//Elle change de ton, au bord des larmes,//
Les deux ans que nous avons vécus heureux, ma fidélité quand tu étais pauvre et que je faisais ta vaisselle, coin ne compte pas, bien sûr. Tu crois que c’est la première fois, pauvre imbécile, que les hommes tournent autour de moi? Tu crois qu’il n’y en avait pas à chaque coin de rut’, quand j’allais faire ton marché sans gants l’hiver, avec trois francs dans mon porte-monnaie, pour me proposer une autre vie plus heureuse, et les robes et les sorties et tout ce dont j’avais envie? Si j’avais voulu te tromper avec eux, tu crois que j’aurais eu besoin d’attendre ton départ ? Je me suis toujours défendue, je t’ai toujours tout gardé, même quand il n’y avait plus rien à manger le soir i\ la maison, rien que la bouillie du petit, et que nous dînions, serrés l’un contre l’autre, à regarder les hirondelles sur les toits. Oublie tous ces jours-là, oublie tout et salis-moi maintenant. Oh ! mon Dieu, que je suis malheureuse !...
//Elle est tombée sanglotante sur son fauteuil. Julien est resté immobile, tout bête. Il murmure.//
;JULIEN
:Pardon, Colombe.
;COLOMBE
://dans ses larmes//
:Pardon, c’est facile pardon. C’est fait maintenant. Je sais que tu crois n’importe qui plutôt que moi.
;JULIEN
:Je veux te croire.
;COLOMBE
: //demande d’une petite voix indifférente, du fond de ses larmes//
:Elle était signée cette lettre ?
;JULIEN
:Oui.
;COLOMBE
:Dis-moi son nom, à cette chipie. Ah ! celle-là, si je la tiens, elle verra ce que j’en ferai de son hignon !
;JULIEN
:C’est un homme qui m’a écrit.
;COLOMBE
: //réfléchit un peu et s’exclame//
:Oh, je vois qui est ! Quel lâche ! Pauvre sot. Tu ne comprends donc pas que ce sale individu t’a écrit pour se venger, parce qu’il m’avait fait de sales propositions et que je l’ai remis à sa place ?
;JULIEN
: //bondit//
:Qui t’a fait des propositions ? Qui ? Dis-moi son nom tout de suite. J’exige de savoir son nom !
;COLOMBE
:Non. Dis-moi son nom d’abord, toi, que je voie si c’est bien lui qui t’a écrit. Dis-moi seulement lu première lettre, je devinerai. C’est un P n’est-ce pas ? julien
:Non.
;COLOMBE
:Alors c’est un R? C’est lui5 je suis sûre maintenant que c’est lui, ce grand dégoûtant-là !
;JULIEN
:Ni un P ni un R.
;COLOMBE
://un peu démontée//
:Ce n’est pas un W toul de même ? Celui-là, je le crois capable de bien des choses, quand une femme le refuse, mais pas d’écrire à son mari, julien
:Ce n’est ni un P, ni un R, ni un W. Mais il y a donc trois hommes qui auraient pu m’écrire ?
;COLOMBE
:Mais tous, tous mon pauvre biquet ! Tous ceux à qui on tape sur les mains quand ils veulent vous prendre la taille dans les couloirs, tous ceux à qui on a envie de rire au nez quand ils vous susurrent à l’oreille de sales mots, qu’ils ont envie de vous. Tous les hommes! Tu crois que cela peut rester tranquille une fille, quand c’est tout seul et que c’est joli?
;JULIEN
: //hurle//
:Je veux les noms! Je veux tous le» noms ! J’irai les trouver les uns après les autres et je le» assommerai. Les noms allons, les noms tout de suite I Je l’exige !
;COLOMBE
:Mais mon pauvre chéri, il te faudrait le bottin ! Vous êtes tous les mêmes ! des chiens derrière le premier jupon qui passe. Et encore les chiens se contentent d’arroser l’endroit. Mais les hommes... Fais l’innocent ! Pour ce que tu as dû te gêner toi aussi. Je ne te suivais pas toujours, moi, quand tu allais à tes leçons de piano. Je lavais les couches du petit pendant ce temps-là,
;JULIEN
:Depuis que je t’aime, Colombe, je n’ai jamais regardé une autre femme.
;COLOMBE
:Bien sûr mon bonhomme ! On dit ça ! Et les demoiselles Pinteuil, les jumelles, pendant que tu leur apprenais la Valse de Faust à quatre mains?
;JULIEN
: //hausse les épaules//
:Elles avaient quinze ans. colombe
:Justement! Et la brune louchait, mais l'autre, avec ses airs effarouchés et sa petite poitrine qui pointait. Tu laissais bafouiller la bigle, oui, mon bonhomme; mais l’autre, tu étais toujours là, pour rectifier lu position de ses doigts en te penchant au-dessus d’elle. Nie-le! Nie-le ! Moi aussi j’ai reçu des lettres à cette époque et je n’ai rien dit.
;JULIEN
:Les filles Pinteuil ! C’est absurde !
;COLOMBE
:Et la boulangère?
;JULIEN, ahuri
:La boulangère?
;COLOMBE
:Oui, la boulangère ! Fais celui qui ne se 1 appelle pas ! Tu ne voulais jamais faire les commissions, miuf quand il s’agissait d’aller chercher le pain. Et elle qui icfusait à tout le monde, elle te le donnait à crédit, quand nous n’avions plus d’argent. Cette grosse blonde avec ses «ros seins ! Tu me dégoûtes Julien ! Je suis trop malheureuse ! J’aime mieux mourir !
Elle sanglote derechef sur son fauteuil. Julien est muet, désemparé en face d’elle. Dans le couloir, on sent que la situation s’est retournée et que c’est le moment d’agir. On persuade par mimiques le coiffeur - qui n’y tient pas - d’entrer pour faire diversion. Il frappe et entrouvre la porte.
;LE COIFFEUR
:Madame Colombe. On va lever. Un petit coup de peigne ?
;COLOMBE
://dans ses larmes//
:Oui mon petit Lucien, j’en ai bien besoin. Je suis dans un joli état !
;JULIEN
:// a reniflé à l’entrée du coiffeur. Il tourne autour d’eux, méfiant, pendant que le coiffeur coiffe Colombe qui lui sourit dans la glace.//
Vous êtes un ange, mon petit Lucien. Au moins, vous, vous les rendez jolies les femmes ! J’ai pleuré. Regardez la figure que j’ai maintenant.
LE COIFFEUR
:Vous aurez beau faire madame Colombe, vous serez toujours jolie comme un cœur. Avec vous le travail ce n’est plus du travail, c’est du plaisir.
;COLOMBE
: //soupire//
:Ah ! heureusement que je vous ai, mon petit Lucien !
;JULIEN
:Dites donc, mon vieux?
;LE COIFFEUR //se retourne, le peigne en l’air//
:Monsieur Julien ?
;JULIEN
:C’est si long que cela un coup de peigne?
;LE COIFFEUR
:Cela dépend...
;JULIEN
:Cela dépend de quoi? Et le peigne ne vous suffit pas ? Il faut en plus y mettre les mains ? 1
le coiffeur
:Mais pour les boucles, monsieur Julien...
;JULIEN
:Foutez-moi le camp ! Foutez-moi le camp immédiatement ou je vous en fais moi, des boucles, lit une friction par-dessus le marché !
;LE COIFFEUR, blessé
:Monsieur Julien, je suis un artiste !
;JULIEN
:Moi aussi ! Sortez d’abord. Je vous retrouve dans cinq minutes et nous allons avoir une petite discussion entre artistes, tous les deux.
//Il l’a poussé dehors, il se retourne, il crie !//
Enfin, ce n’est pas lui tout de même ?
;COLOMBE
: //demande, lumineuse dans la glace//
:Qui, «lui», mon chéri?
;JULIEN
:Ton amant. Il pue, ses mains sont deux limaces. Comment peux-tu te laisser tripoter par cela? Réponds-moi Colombe, tout de suite avant que je fasse lin scandale. Ce n’est pas lui? Ce serait trop bête tout de même !
;COLOMBE
: //se dresse et crie//
:Ah ! je sais maintenant qui l’a écrit ! C’est un Z !
;JULIEN
:Non, ce n’est pas un Z.
;COLOMBE
:Tu mens, comme tu m’as menti en me disant que c’était un homme, pour égarer mes soupçons, C’est une femme. Si on peut appeler cela une femme ! Je l’ai vue. Elle sortait du restaurant au moment où nous y sommes entrés. Cette vilaine petite garce qui couche avec tout le monde ! Je te jure bien que je lui dirai deux mots !
:Alors, tout ce drame, c’est parce qu’un jour, entre la Imatinée et la soirée, j’ai été dîner avec le coiffeur?
;JULIEN bondit
:Tu as été dîner avec le coiffeur?
;COLOMBE
:Il faut pourtant que je mange? Tu voudrais aussi que je jeûne pendant tout le temps que tu n’est pas là ?
//Dans le couloir, le coiffeur est très ennuyé. On se moque de lui.//
;JULIEN
:Ce merlan a osé t’inviter à dîner et tu lui as répondu «oui»? J’en sais assez, son compte est bon. Je l'assomme !
//Il court vers la porte. Le coiffeur se fraie un passage à travers la foule et passe au dernier rang. Colombe a rattrapé Julien.//
;COLOMBE
:Tu es bête mon chéri. Il est idiot, il est vulgaire, il ne sait pas dire trois mots. Tu penses que si te trompais, j’en choisirais un autre tout de même.. Bêta ! Gros bêta va ! Sois raisonnable mon petit Julien. Tu aurais envie de te laisser toucher, toi, par ses mains ?
;JULIEN
://raide//
:Moi non, mais...
;COLOMBE
:Alors, pourquoi veux-tu que moi j’en nie envie ? Des limaces ! J’aurais ri tout à l’heure si je n’avais pas eu envie de pleurer! Des limaces légèrement humides.
//Elle rit, l’embrassé,//
Mon grand sot! Cela passe encore sur les cheveux parce que c’est un bon coiffeur, mais autre part... Non tout de même ! J’aime mieux les tiennes...
//Elle lui prend les mains, les embrasse,//
Pourquoi, au lieu de me disputer depuis que tu c» revenu, ne m’as-tu pas prise une seule fois dans tes bras?
//Elle s’est glissée dans ses bras, elle a fermé ses maint derrière elle, elle lui tend les lèvres. Il demande faiblement.//
;JULIEN
:Mais qui est-ce alors? Il vaut mieux me le dire.
;COLOMBE
:Mais personne, mon sot! Tu rêvesI Tiens, je vais te le dire mon secret : c’est toi.
//Et elle l’embrasse. Il se laisse faire. Soupir de soulagement dans le couloir.//
;JULIEN
://dans ses bras//
:Je t’aime Colombe et je suis malheureux. Tu ferais mieux de me le dire si tu as fait une bêtise. On peut se laisser entraîner un soir, c'eut mauvais d’être toute seule. Lui je l’assommerai et je te pardonnerai. Tu quitteras ce sale théâtre et nous pourrions être encore heureux.
;COLOMBE
:Mais mon chéri, si j’avais fait quelque chose de mal, je ne voudrais même pas que tu me pardonnes !... Je me ferais horreur moi aussi. Je ne te reverrais jamais.
;JULIEN
: //gémit//
:Non !
;COLOMBE
:Je te jure bien que si. Moi, je ne me pardonnerais pas.
;JULIEN
:Non ! Je ne voudrais pas te perdre, jamais, l’aimerais mieux tâcher de tout oublier et qu’on se retrouve comme avant. Je ne pourrais pas vivre sans toi, moi. Je serais seul au monde.
;COLOMBE
: //le caresse, un peu rêveuse et sincèrement tendre soudain//
:Pauvre petit biquet perdu qui fait toujours peur à tout le monde et qui est plus seul que les autres... Tu es bien brave pourtant. Je ne te ferai jamais de peine, fe serai toujours bien gentille avec toi.
;JULIEN
: //gémit, caressé//
:Mais pourquoi t’appelle-t-il mon petit chat?
;COLOMBE
:Qui, mon chéri?
;JULIEN
:L’imbécile...
;COLOMBE
:Du Bartas?
//Joie dans le couloir. On pousse DU BARTAS qui trouve cela de très mauvais goût, en avant.//
Pauvre DU BARTAS ! Il se croit irrésistible parce qu’il a été beau il y a trente ans. Alors, naturellement il m’a fait la cour, comme aux autres.
;JULIEN
:Il a osé te faire la cour? Mais il pourrait être ton grand-père !
;COLOMBE
:Justement le pauvre! Il ne peut plus faire autre chose, alors il faut bien le laisser parler. là mon petit chat ! Mon petit coco ! Ma petite fille ! I ,r désir plus fort que la mort! Je suis damné! Je ne dot» plus ! Et en fin de compte cela se résume à vous tripota un peu les mains dans les coulisses et puis il rentre chez lui vanné de cet effort, tire son corset, met ses pantoufle» t sa bonne lui fait une tisane et il ronfle jusqu’au lende main matin, avec son fixe-moustaches. Trop heureux d’avoir encore la force de se lever vers midi, de renfiler ses appareils orthopédiques et de venir faire le joli cœur dans les coulisses avec ses grandes guêtres blanches pour qu’on ne voie pas ses oignons. Tu me vois avec cet épouvantail quand je t’ai toi, bien neuf, bien gentil, bien tendre ?
;JULIEN
:Mais qu’est-ce qu’il a osé te proposer, ce
..iteux ?
;COLOMBE
:De venir travailler mon rôle chez lui. Tu penses si j’ai compris tout de suite ! Deux doigts de porto, un biscuit. Tout est marocain ! Tu parles ! Il a deux tapis de l’Exposition et un narghilé en faux cuivre qui ne fonctionne plus - quand on tire sur le tuyau, on avale l’eau du vase. Et son serviteur - Marocain également - c’est toujours son jour de sortie. C’est une vieille Bretonne qui l’a vu naître qui fait le ménage chez lui !
;JULIEN
: //s’écarte, gêné//
:Mais alors, tu as été chez lui ?
;COLOMBE // se trouble//
:Non mon chéri. C’est-à-dire si Mais pas seule ! Avec ~Poète-Chéri pour travailler une scène.
;JULIEN
:Tu vois donc que c’est tout de même vrul ce qu’on m’a écrit. Tu sors avec eux, tu vas les voir chez eux, tu dînes en ville...
;COLOMBE
:Puisque je te dis que j’y ai été avec ~Poète-Chéri. Dans sa voiture !
;JULIEN
: //crie, blessé encore//
:Seule avec lui ?
;COLOMBE
:Mais, mon chéri, il y avait le cocher ! Et puis je l’emmenais pour ne pas être seule avec DU BARTAS. Je ne pouvais tout de même pas en emmener un troi-'lième pour ne pas être seule avec lui non plus !
;JULIEN
:Tu ne te rappelles donc pas la scène d’il y a lieux ans? Cet homme s’est conduit comme un mufle nvec toi. J’ai été obligé de le corriger.
;COLOMBE
:Maintenant il est très poli, je t’assure, i ialant, mais poli.
;JULIEN
: ricane
:Galant, mais poli ! Et tu le flattes, u’est-ce pas? Emile Robinet, de l’Académie française, cela peut donner des rôles un homme comme ça! Pour i e que cela lui coûte, vingt-cinq vers de plus ! Cela coule, comme d’un robinet. Alors on se laisse baiser le poignet en idevant le gant hein? petite madame, on se laisse prendre le bras dans le coupé ou même un peu plus haut. C’est un petit moment à passer. La monnaie des petites filles. Elles n’y regardent pas de trop près quand il y a un petit bout le rôle à la clef. Et tant pis s’il est vieux, s’il est chauve et dicule, s’il fait des petites bulles en parlant sous sa mous-n lie au vernis noir. Saleté! Vilaine petite saleté! Tu l’as lit, je le sais. Tu l’as laissé faire ! Ah ! celui-là, il n’y coupe ims. J’avais déjà commencé il y a deux ans, mais cette fois le vise la figure et je ne le rate pas.
Il se débat, il veut sortir. Panique dans le couloir.
;COLOMBE
: éclate de rire comme une folle, retenant Julien.
;COLOMBE
:Mon chéri. Mon cher petit chéri. C’est trop bête. Mais c’est si drôle!
;JULIEN
:Qu’est-ce qui est drôle? Que j’aie honter Que j’aie mal?
;COLOMBE
://dans son rire//
:Non, les petites bulles I C’est vrai qu’il fait des petites bulles en parlant, ri comme il vous parle toujours de très près, quelquefol» elles éclatent et elles vous mouillent le nez. Il est trop ridicule, il est trop laid ! Tu me vois, mon biquet, tu me vois dans les bras de ~Poète-Chéri? ~Poète-Chéri ayant retiré sa redingote ; ~Poète-Chéri en caleçon ?
Elle rit comme une folle. Peu à peu son rire gagni Julien qui ne sait plus trop où il en est.
;JULIEN
:J’avoue que ~Poète-Chéri en caleçon ccl» loir être un drôle de spectacle !
;COLOMBE
://dans une quinte de rire//
:Tu ne sais pas l| lias beau ! Il a des jarretelles, des jarretelles bleu-ciel, qu* sa femme lui a brodées !
Elle s ’arrête soudain, épouvantée. Julien s ’est arritè de rire aussi.
;JULIEN
:Qui te l’a dit?
;COLOMBE
: soupire d’une petite voix
:Mais c’est connu, mon chéri !
;JULIEN
:Qui te l’a dit?
;COLOMBE
://dans un souffle; elle se demande où cela va la mener//
:Desfoumettes.
;JULIEN
: hurle
:Desfoumettes? Tu as des conversations de ce genre avec Desfoumettes ? Des conversation « sur les caleçons de ~Poète-Chéri ? Où ? Quand as-tu parlé à Desfoumettes ?
;COLOMBE
:Je vais t’expliquer, mon chéri...
;JULIEN
:Tu n’es pas montée dans son bureau tout ¦le même? Tu n’as pas été t’asseoir sur le sale petit divan vert, plein de taches, où il les fait payer comptant, toutes, pour jouer chez lui ?
;COLOMBE
:Non ! Ou plutôt si, une fois. Attends ! lu ne me laisses pas t’expliquer! Quand j’ai signé mon contrat.
//Elle se décide soudain.//
Hé bien oui ! Tiens c’est vrai. C’est un dégoûtant personnage. Je ne voulais pas te le dire, mais tant pis ! Je le l’abandonne celui-là. Il a essayé oui, il a essayé comme aux autres. Je me suis défendue, tu sais, je l’ai giflé ; je lui ni dit qu’il était vieux, qu’il était laid. Alors, comme il a i ru que je lui préférais l’autre, dans un moment de jalousie c’est là qu’il m’a dit pour les caleçons. Tu vois mon i liéri que c’est vrai tout ce que je te dis !
;JULIEN
: //la gifle soudain, criant//
:Putain ! Sale petite putain comme les autres ! J’aurai sa peau à celui-là !
;COLOMBE
:// est tombée évanouie avec un grand cri. Julien se jette sur la porte. Madame Alexandra, en grand costume de maréchale, qui était sortie de sa loge pour écouter avec les autres, écarte tout le monde et quand Julien ouvre la porte, c’est devant elle qu’il se trouve. Mme Georges s’est glissée dans la loge comme une souris pour s ’occuper de Colombe.//
;MADAME ALEXANDRA
://clame terrible//
:Alors ?
;JULIEN
:Laissez-moi passer! Je cherche Desfournettes.
;MADAME ALEXANDRA
://lui barre le passage//
:Alors il Inudra toujours que tu « emmardes » tout le monde ? que ni cries, que tu fasses du scandale partout? J’ai eu pitié de toi. J’ai pris ta femme ici. Tu ne peux pas nous foutu la paix maintenant ?
;JULIEN
:C’est vous. C’est vous tous qui lui aviv appris à devenir ce qu’elle est. C’est toi avec tes sourire» de maquerelle sur ta vieille peau, tes vieilles histoire» d’amour puantes. Elle était pure, elle était propre comme un petit sou. Vous l’avez touchée. Vous l’avez tous tou chée ! Je vous hais tous !
;MADAME ALEXANDRA
://tonne//
:Je suis ta mère ! Tais-toi I
;JULIEN
://sourdement//
:Ma mère oui. Tu es ma mère Tu es malheureusement ma mère.
;MADAME ALEXANDRA
:Tu crois que c’est plus drôle pour moi? De l’argent, de l’argent toujours; des tracti», des scènes idiotes, comme ton père. Laisse-la tranquille cette petite. Elle s’amuse, elle vit un peu. Et après ? Qu’est-ce que vous croyez donc que c’est la vie, ton imbécile de père et toi? De vous adorer comme de» dieux parce que vous avez eu le bon goût de nous chol sir? Les femmes, mon petit, cela se garde quand on fait quelque chose pour les garder, sinon cela se perd.
://Elle crie à La Surette//
:Allez, sonne, toi ! Et faites descendre la petite en scène, évanouie ou pas. Ils vont finir par nous casser le» fauteuils en bas, à cause de ce petit crétin-là !
://Sur ces mots, elle fait une sortie empanachée, scclll dant son pas de sa grande canne enrubannée. ( >u s ’écarte pour la laisser passer, on la suit tandis que lu sonnette sonne et que La Surette glapit.//
;LA SURETTE
:En scène pour le un ! En scène pour le un !
://A ces mots, Colombe est revenue miraculeusement à elle. Elle va à la glace et demande.//
;COLOMBE
:Je ne suis pas trop décoiffée?
;MADAME GEORGES
:Non. Ça va mon petit ange. Venez vite. Je vous mettrai votre robe en bas.
Tout le monde est sorti, laissant toutes les portes ouvertes. Julien est resté seul, désemparé, dans la loge déserte. En bas, on entend frapper les trois coups et l’orchestre qui attaque l’ouverture de la Maréchale d’Amour.
Au bout d’un moment paraît Armand. Il s’avance allègrement sur la musique jusqu ’à la loge de Colombe, un petit bouquet à la main. Il entre et s’arrête surpris, voyant Julien, ne sachant plus que faire de son bouquet.
;JULIEN
: le regarde et dit soudain sourdement
:C’est toi.
;ARMAND
:Oui, c’est moi. Tu as une permission déjà ?
;JULIEN
://dans un cri de douleur cette fois//
:C’est toi ! C’est sûrement toi.
;ARMAND
:Je ne te comprends pas, tu as l’air tout drôle. Je croyais que cela t’aurait fait plaisir de me revoir.
Il ajoute timidement :
Tu as bonne mine. julien crie
:Oui. J’ai bonne mine ! armand
:Ce n’est pas trop dur? julien crie encore
:Si !
;ARMAND
: essaye de badiner encore
:Les pieds vont ! bien? Quand le pied va, tout va. L’Armée française est I invincible.
Il essaie de rire et s’arrête devant le regard de Julien.
;JULIEN
:Tu as envie de rire, toi?
;ARMAND
://angoissé soudain//
:Non.
Un silence. Ils sont l’un en face de l’autre. Julien murtnure :
;JULIEN
:Pourquoi? Et pourquoi toi?
;ARMAND
://doucement, après un silence//
:Qu’est-ce que tu veux mon vieux, la facilité, l’entraînement... Tu sais ce que c’est !
;JULIEN
: hurle
:Non, je ne sais pas ce que c’est ! Je ne saurai jamais ce que c’est !
;ARMAND
: baisse la tête
:Bien sûr. Tu vaux mieux que moi. Tu as toujours valu mieux que moi. Tu te défen-lais, toi ; tu étais déjà un petit homme. Moi je n’ai jamall ¦ U que traîner dans les jupes des dames dans les coulisse», à après celles de maman, cela a été celles des autre», .’oilà tout. Et ce qui fait plaisir tout de suite. Le suer# d’orge qui sent le parfum du sac, la caresse, le baiser au fard gras sur la joue. En grandissant j’ai continué. Je sul» un beau petit cochon, Julien.
;JULIEN
:Oui.
;ARMAND
:Qu’est-ce que tu vas faire ?
;JULIEN
: ne bouge pas. Il crie :
Bats-moi. Bats-moi, j’aime mieux ça. Tu aurais dû le faire plus souvent quand nous étions petits, tu m’aurai» rendu service.
;JULIEN
: murmure, assommé
:Non, pas toi. Je voudrai» seulement comprendre.
;ARMAND
:Qu’est-ce que tu veux comprendre à no» petites histoires? C’est pas pour toi nos histoires, no» petites saletés d’hommes et de femmes. Tu auras beau chercher, tu n’y comprendras jamais rien, mon pauvre petit gars. Ah ! c’est trop bête de devenir grands ! C’est trop sale tout de suite. J’aimerais mieux que tu me battes, cela simplifierait tout. Bats-moi, Julien, je t’en supplie. Tu vois, je suis lâche; je ne peux pas résister à ce qui me fait plaisir, mais je m’étais dit : tu paieras mon vieux, lulien te battra, il t’enfoncera les côtes et la figure et cela te fera mal. C’est tout le petit courage que j’ai eu. Ne me l’enlève pas. Allez ! bats-moi.
;JULIEN
: crie, les poings fermés
:Non.
;ARMAND
: éclate soudain
:Ah ! la garce. La sale petite garce !
;JULIEN
://sourdement//
:Tais-toi.
Armand
:Pourquoi? Tu crois que c’est propre ce qu’elle a fait? Moi je suis faible, c’est entendu. Quand quelque chose me fait plaisir: claquer de l’argent au poker, boire un verre de trop, lever une jupe; j’ai beau me dire non, c’est plus fort que moi, je me dis oui. Mais elle ! Tu l’aimais, elle, et elle le savait que tu l’aimais. Tu ne peux pas dire le contraire.
;JULIEN
://qui fait des efforts terribles//
:Tais-toi, je t’en .upplie.
;ARMAND
:Elle avait ton amour, elle avait quelque hose de solide, elle, cette petite saleté-là. Et le premier imbécile qui rit un peu avec elle, qui lui fait un peu la cour, voilà ! Tout de suite ! Enfin, tu ne trouves pas que c’est dégoûtant? Toutes les mêmes, mon vieux. Pourvu qu’on leur parle un peu d’elles, que ça leur fasse un peu de plaisir : c’est oui. Et si ce n’est pas pour le plaisir, c’est pour un petit costume noisette ou pour un petit rôle. Pourvu que ça leur rapporte quelque chose. C’est si facile ; ça ne leur coûte rien. Elles ne pensent qu’à elles,
J ulien, je te le jure : à leur précieux petit moi en sucre el il ses petites impressions. Nous, on n’est rien. On est scii lement là pour les faire rire, pour qu’elles aient leur pet il spasme ou leur petit rêve. Voilà tout. Ah ! tu en as de lu veine, toi mon vieux, de ne pas être l’esclave de tout cela I julien murmure
:Et lâche en plus ! Regarde-moi. Armand
:Non. J’ai honte. julien
:Regarde-moi tout de suite. Je le veux. armand se détourne
:Bats-moi si tu veux, mais je nr te regarderai pas.
;JULIEN
: lui relève la tête de force
:Si, tu me regarderait I
Il le regardé,
Tu n’es même pas beau. Un petit nez droit, oui. Mul»
- ne peut pourtant pas être parce que ce cartilage entre ni le autres est plus ou moins grand, plus ou moin» droit! Une petite bouche de fille, mais si veule... De» yeux d’ivrogne et l’usure de ton petit plaisir hâtif déjût partout sur ton visage. Un petit vieux, un petit vieux de vingt ans.
;ARMAND
: se détourne
:Tu as beau jeu, Julien. Si lu crois que je suis fier de moi. Seulement, toi tu vis dans te» rêves. Tu ne sais pas ce que c’est que la vie ! julien
:Je suis en train de l’apprendre.
Armand essaie de redevenir désinvolte
:Tu ferui» mieux de retourner d’où tu viens, de nous oublier tou», Au fond, tu es fait pour être militaire, toi !
;JULIEN
://qui le tient toujours//
:Et même pas drôle ! Car tu n’es pas drôle. Tes petits mots cyniques, ce sont ce il» qui courent les bars et les petits journaux. Tu ne sal» même pas rire. Tu ricanes. Rien ne t’a vraiment jamui» touché.
;ARMAND
:Tu te trompes, j’ai un cœur comme les autres. Seulement...
;JULIEN
:Seulement tu ne t’en es jamais servi. Si tu étais élégant encore... Si tu avais pu l’éblouir avec ça. Mais tu t’habilles comme un jockey. Tu pues le mauvais goût de partout avec tes bagues, tes cravates trop claires.
Il crie :
Mais pourquoi, alors, pourquoi ?
;ARMAND
: crie, sincère
:C’est vrai, pourquoi? Va y comprendre quelque chose avec elles !
;JULIEN
: crie comme un fou soudain
:Je veux savoir ! je veux savoir tout de suite ! Embrasse-moi.
;ARMAND
: tombe dans ses bras, les larmes aux yeux. C’est vrai Julien? Tu veux bien me pardonner? julien l’enlace, brutal
:Pas comme cela imbécile ! Comme elle ! Sur la bouche !
;ARMAND
: essaie de se dégager
:Tu es fou Julien? Iiche-moi. Tu es fou voyons, je ne peux pas !
;JULIEN
: crie, luttant avec lui
:Embrasse-moi. Hmbrasse-moi tout de suite comme elle ! Je veux comprendre ce que cela lui a fait. Je veux comprendre pour ne pas devenir fou.
;ARMAND
: se débattant
:Mais c’est idiot ! Mais c’est grotesque! De quoi avons-nous l’air tous les deux? 1 iche-moi, Julien, ou j’appelle !
;JULIEN
: lui tient le cou
:Embrasse-moi, petit saligaud, embrasse-moi comme elle ou je t’étrangle !
;ARMAND
://étranglé//
:Ne serre pas ! Tu me fais mal ! Je ne peux pas !
;JULIEN
:Tu as bien pu déjà ! Je peux bien moi ! Figure-toi que c’est elle ! Allez !
Il l’a plaqué contre lui,
Armand se débat encore
:Non ! Non ! C’est trop bête ! Oh !
;JULIEN
: l’a plaqué contre sa bouche une seconde, puis il le repousse brutalement. Armand, ridicule, dépeigné, haletant, va s ’écrouler sur le fauteuil. Julien est immobile. Il cherche, le visage torturé. Soudain il s’essuie la bouche d’un revers de main dégoûté et s’écrie, désemparé et cocasse.
;JULIEN
:Je ne comprends pas !
{{center{LE RIDEAU TOMBE RAPIDEMENT.}}}
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+++*[QUATRIÈME ACTE]
!!QUATRIÈME ACTE
Le rideau se relève sur la scène, pendant la fin de la représentation de La Maréchale d’Amour. Un décor Louis XV vu en 1900. Un salon avec une large ouverture sur la terrasse d’un parc lunaire. En scène : Madame Alexandra et DU BARTAS.
;MADAME ALEXANDRA
Ah ! Je me suis trop tue et je t’ai trop aimé !
Viens, ô mon bel amant, entre mes bras pâmé.
J’ai vingt ans comme toi ! Et maintenant j’acquiesce...
;DU BARTAS
Maréchale, est-ce vous ?
;MADAME ALEXANDRA
Oui, je suis ta maîtresse. Mon jeune amour s’accorde aux langueurs de ce soir... Tu vois, je n’osais pas... Et j’ose !... Tu vas voir Comme je peux aimer en m’étant tant gardée. L’orgueilleuse pudeur m’avait barricadée Dans une cage d’or où mon cœur se mourait.
Mais ce soir j’ai forcé la porte... Et il paraît Que celles qui longtemps ont retenu leur flamme Sont celles qui après brûlent le plus.
;DU BARTAS, à genoux.
Mon âme !
;MADAME ALEXANDRA
://avec un grand geste de pudeur vaincue.//
:Je le fus ! Mais ce soir oublie jusqu’à mon nom.
:Ce soir, je ne veux plus être que le limon
:Que pétrira et fouillera ta main brûlante
:De la chair pour ta chair. Ta chose !
;DU BARTAS
://se relève, péniblement d’ailleurs, et la serre comme un fou contre lui.//
:Oh mon amante !
:Tu es à moi ! Instants divins !
;MADAME ALEXANDRA
Moments trop doux ! Dussions-nous les payer de la vie !
;DU BARTAS //se réagenouille péniblement//.
:A genoux !
:Je veux te remercier du don dont tu me combles.
;MADAME ALEXANDRA
://crie, soudain effrayée.//
:Relevez-vous, ami, le voici !
//Suivi de deux porteurs de torches, paraît La Surette qui double ce soir le maréchal de Villardieu. Granit cordon, perruque, tricorne empanaché, bottes de chasse et fouet à la main. Colombe est entrée, effrayée, par une autre porte et se tiendra près de Madame Alexandra.//
LA SURETTE
:C’est un comble !
:Monsieur de Mortemart et ma femme ! A genoux !
;MADAME ALEXANDRA
://racinienne. Monsieur le maréchal, je l’aime !//
:la SURETTE, //grand et redoutable.//
:Mon courroux,
:De ce jeune imprudent pourrait trancher la vie !
;DU BARTAS, //la main sur la garde.//
:A vos ordres, Monsieur le maréchal !...
;LA SURETTE //a un sourire très Régence et très noble en même temps.//
:J’envie
:L’impétueuse ardeur de ce jeune officier !
:Le service du roi, Monsieur, veut que l’acier
:Que porte à son côté un Maréchal de France
:Ne puisse lui servir à venger une offense.
:Monsieur de Mortemart, apprenez-le de moi
:Nos épées aujourd’hui appartiennent au roi ;
J’arrive de Versailles, en crevant ma monture
:La guerre est déclarée !
;DU BARTAS
//se redresse, criant, la main sur l’épée.//
:La guerre ?
;LA SURETTE
:L’aventure,
:Mon jeune aventurier, n’est plus dans les boudoirs
:Les dames et l’amour seront pour d’autres soirs
:-Hile est aux bords du Rhin pour défendre la France !
;DU BARTAS
://tire son épée et murmure religieusement.// La France !
://Trompette au loin.//
;LA SURETTE
Oui Monsieur, et ce nom-là, je pense,
:Est un nom que tous deux nous pouvons adorer
:Sans crainte de jamais nous entre-déchirer.
;DU BARTAS
:Monsieur le maréchal, tant de noblesse...
LA SURETTE //ne veut même pas l’écouter et se retourne vers Madame Alexandra, de plus en plus noble.//
Armance !
Ne lui en veuillez pas s’il préfère la France.
Ce jeune homme a du cœur. Il vient de le prouver.
;MADAME ALEXANDRA
://brisée, mais noble elle aussi.//
:C’est bien, partez tous deux et laissez-moi pleurer.
:On ne dispute pas une telle maîtresse
:A des cœurs valeureux !
;LA SURETTE, //soudain très humain.//
:Je sais votre détresse.
:Je souffre aussi Madame, et vous aimais.
:Pourtant Adieu ! Venez Monsieur !
;DU BARTAS,
//dans un grand geste résigné, à Madame Alexandra//. Adieu !
//Il sort, suivant La Surette dans des sonneries dp trompettes, les deux porteurs de torches fermant lu marche. Madame Alexandra tombe dans les bras de Colombe en sanglotant.//
;MADAME ALEXANDRA
Mon bel amant !
;COLOMBE
://essayant de la consoler.//
Madame, il reviendra et vous sera fidèle.
;MADAME ALEXANDRA
://rêve un peu, ses sanglots apaisés et murmure, infiniment féminine.//
:Lui peut-être. Mais moi ?
;COLOMBE
://surprise.//
Vous?
;MADAME ALEXANDRA
://alanguie.//
:Je suis jeune et belle.
:D’autres viendront ce soir pour me baiser la main...
:Et c’est folie de remettre Éros à demain.
:Pour ce petit Dieu, hélas ! - fut-il le plus tendre -
:Les femmes peuvent bien mourir - mais pas attendre.
:On entend les musiciens dans le parc jouer un menuet.
;MADAME ALEXANDRA
:Clorinde, allons danser : déjà les clavecins
:Ont commencé des menuets près des bassins.
Les bosquets dans le parc ombreux sont pleins de masques
:Et je suis femme ! Et j’ai vingt ans ! Et suis fantasque !
:Viens, allons toutes deux jusqu’aux lueurs du jour
:Oublier mon amour dans les bras de l’Amour!...
://Tandis que la musique s’affirme en coulisse et que des farandoles de masques passent au fond, elles sortent en courant, aussi vite que l’âge le permet à Madame Alexandra. Rideau. Applaudissements frénétiques. Le rideau se relève, tout le monde est rentré en scène pour saluer. Madame Alexandra et DU BARTAS se font des politesses... Nombreux rappels. Madame Alexandra finit par céder à DU BARTAS suivant un scénario minutieusement mis au point et vient saluer seule à la rampe. On lui apporte une gerbe. Elle est trop émue de l’accueil du public, elle est au bord des larmes, elle ne peut plus que s’incliner, brisée par l’émotion et l’effort que fournissent tous les grands artistes qui se dépensent comme elle, sans compter, pour leur dieu. Reconnaissance réciproque. Le rideau, enfin, ne retombe plus et les personnages changent aussitôt d’attitude. L’éclairage change. Madame Alexandra projette la gerbe de son cœur dans les bras de Mme Georges qui a surgi sur le plateau, lui apportant sa canne, sa vraie, car elle a des rhumatismes. Elle s’éloigne boitant, vieillie. DU BARTAS enlève sa perruque, et proclame en sortant.//
;DU BARTAS
:Ils étaient durs ce soir, ces cochons-là !
://Tandis que La Surette, toujours en maréchal de Villardieu, embarrassé de sa rapière et de son tricorne,
aide tout bonnement l’accessoiriste qui commence il débarrasser le décor.//
://JULIEN a surgi d’un portant, il arrête Colombe. Peu dont leur scène, les lumières vont s’éteindre et les machi nistes vont démonter et faire disparaître le décor derrière eux, jusqu ’à ce qu ’ils soient seuls dans la pénombre, sur le plateau nu.//
;JULIEN
:Colombe, j’ai marché tout ce soir dans les rues... Maintenant il faut que je te parle.
;COLOMBE
: fait un pas
:Je dois monter me déshabiller.
;JULIEN
: lui barre la route
:Non, pas là-haut. Je ne eux plus les voir. J’ai honte.
;COLOMBE
:Bien, je t’écoute.
;JULIEN
:J’ai parlé avec Armand.
;COLOMBE
://fermée//
:Oui.
;JULIEN
:Il m’a tout avoué. Tu l’as revu depuis?
;COLOMBE
:Oui.
;JULIEN
:Tu penses bien que cela a été encore pluH dur pour moi que ce soit lui.
;COLOMBE
://d’une petite voix unie//
:Bien sûr. Je te demande pardon. Julien. On aurait bien voulu ne pas te faire de peine tous les deux. On t’aime bien, tu sais.
;JULIEN
:Depuis que nous sommes petits garçons il m’a toujours tout volé, sans que je puisse lui en vouloir vraiment... Parce qu’il était toujours le plus petit, le plus faible. Les jouets, les caresses... Alors voilà. Je pense que vous étiez bien jeunes tous les deux; bien légers et puis que je t’avais laissée seule. Je pense aussi que je t’ul beaucoup grondée comme un maître d’école, en essayant de te rendre comme j’aimais et que j’ai dû t’ennuyer souvent.
;COLOMBE
://impénétrable//
:Oui.
;JULIEN
:En marchant dans les rues je t’ai parlé tout ce soir, tout haut. Je t’ai tout expliqué. Les gens me regardaient, ils devaient croire que j’étais fou. Je les heurtais, je leur demandais bien poliment pardon et je continuais. C’est drôle : on peut très bien marcher, sourire, traverser les rues et être mort. Je suis déjà mort.
Un silence, il ajoute :
Et il faut croire que cela rend indulgent d’être mort. J’ai décidé d’essayer de te pardonner. Je voudrais seulement comprendre avant.
;COLOMBE
: l’a écouté bien patiemment. Elle dit soudain tout tranquillement.
;COLOMBE
:Cela va être long de s’expliquer, mon petit biquet. Et j’ai peur d’être en retard. Tu ne veux pas que nous remontions dans la loge et que je commence à me déshabiller pendant que tu me parles ?
;JULIEN
: crie
:Tu ne penses qu’à te déshabiller ! En retard, pourquoi ?
;COLOMBE
://tranquille//
:Pour ce souper dont je t’ai parlé.
;JULIEN
: ne veut pas la croire
:Mais tu ne songes pas sérieusement à aller à ce souper après ce qui s’est passé ? Je repars demain.
;COLOMBE
:Je t’ai dit que c’était très important pour moi.
;JULIEN
:Colombe ! Tu es folle...
;COLOMBE
:C’est toi qui es fou de ne pas comprendre. Pourquoi ce caprice? Nous pouvons très bien parler là-haut pendant que je me déshabille. Ils m’attendent dans leur voiture devant le théâtre après la représentation.
;JULIEN
: la retourne brutalement
:Regarde-moi Colombe! Tu joues en ce moment. Tu feins l’indiffé rente parce que tu as peur de cette explication.
;COLOMBE
:Mais non, mon chéri Je suis toute prêle à te répondre. Je te demande seulement de me laisser me déshabiller en même temps, parce que j’ai peur d’être en retard. C’est pourtant bien simple.
;JULIEN
:Tu aurais la force de me laisser ce soir sann essayer de laver ce qu’il y a entre nous, d’aller rire avec d’autres hommes?
;COLOMBE
:Mais je n’y vais pas pour rire ! Si tu croin qu’on s’amuse chez «Maxim’s»! Je pense à mon avenir,
voilà tout.
;JULIEN
: crie, désemparé
:Colombe je n’ai pas rêvél "aimais pas me laisser souffrir autrefois. Quand nouN . ions une dispute, tu essayais de me consoler après.
;COLOMBE
:Mais je veux te consoler Julien! Je ne demande que cela. Seulement, toi, sois raisonnable de ton côté, ne me fais pas mettre en retard. J
;JULIEN
: crie encore
:Ce n’est pas vrai ! Tu ne peux pas avoir cessé comme cela de m’aimer !
;COLOMBE
://transparente//
:Qui te dit que je ne t’aime pas, biquet ?
;JULIEN
:Cette blessure entre nous, elle saigne, elle va s’infecter, suppurer - nous tuer tous les deux peut-être - il faut la soigner tout de suite, Colombe, il faut essayer de pouvoir encore se réveiller demain. Tu as été légère, tu as été folle, mais tu es ma femme... Nous avons tous ce» jours propres derrière nous, tout ce que nous avonN espéré ensemble. <1>
<1> dit presque honteusement !
Nous avons le petit, Colombe.
;COLOMBE
: s’exclame, agacée
:J’en étais sûre que tu me parlerais du petit pour m’attendrir! Oh! c’est trop lâche !
;JULIEN
: balbutie
:Pourquoi est-ce lâche ?
;COLOMBE
: dit soudain
:C’est mon fils, je l’aime, je le soigne et il ne manquera jamais de rien. Ni de baisers, ni de jouets, je te le jure. Mais ce n’est pas toi !
;JULIEN
:Comment, ce n’est pas moi?
;COLOMBE
:Non ! Cela n’a même aucun rapport. C’est trop facile de vous attendrir en vous parlant de votre petit. Il est dans son berceau en ce moment, au chaud, il dort, bien tranquille et quelqu’un que je paie avec l’argent que je gagne, le garde. Et demain matin, c’est moi qui l’éveillerai et qui lui donnerai sa bouillie. Cela lui est bien égal, nos histoires, je t’assure. Et quand il sera grand, je lui expliquerai que tu m’as rendue malheureuse, que je m’ennuyais trop et qu’un jour je n’ai plus pu tenir.
;JULIEN
:Je t’ai rendue malheureuse, moi?
;COLOMBE
:Oui.
;JULIEN
:Je t’ai tout donné...
;COLOMBE
:Qu’est-ce que tu m’as donné? Tout ce que tu aimais, toi. C’est tout. Tu aimais la solitude, alors nous ne sortions jamais. Tu disais : « Comme on est bien, serrés l’un contre l’autre dans notre petite chambre, sans voir personne. » Moi j’étais si jeune, si bête, et puis, tu in’avais tellement expliqué ce qui était bien, ce qui était mal, j’embrouillais tout, je te disais oui. Mais j’aurais préféré aller danser !
;JULIEN
:Mais nous avons été danser...
;COLOMBE
:Deux fois, en deux ans. Et tu danses mal! Et quand les autres m’invitaient, tu m’obligeais h leur dire non.
;JULIEN
:Tu m’aimais Colombe, c’était toul naturel...
;COLOMBE
:Oui je t’aimais, mais j’aimais danser, aussi ! Et au lieu d’écouter tes discours sur la morale cl l’imbécillité des gens, j’aurais préféré que les autres me fassent tourner en me disant des bêtises, des bêtises qui m’auraient fait rire, au moins. Car moi j’étais bête comme eux. C’est entendu, toi tu étais un être supérieur, tu étais très intelligent. Mais si tu crois que cela sert il • rand-chose pour une femme, l’intelligence ! Dans Ion livres peut-être... Quoique tous les livres que tu me forais à lire m’ennuyaient. Ce n’est pas des histoires mime cela que j’aime moi, et il fallait que je fasse sem-ant de me pâmer... Dans la vie en tout cas, j’aime mieux les idiots, j’aime mieux les voyous. Au moins üh sont drôles. Et ils vivent, eux !
;JULIEN
:Mais nous vivions nous aussi. Rappelle-toi les soirs où je jouais pour toi. Tu aimais bien m’écouter. C’est cela aussi, vivre...
;COLOMBE
:Tu n’aimais pas les mêmes morceaux que moi. Et il fallait que j’écoute les tiens. Ah ! ton Mozart, ton Beethoven!... Et quand il y avait un accordéon qui jouait un des airs que j’aime, dans les rues, tu fermais les fenêtres, tu étais furieux...
;JULIEN
:Je voulais te faire aimer ce qui est beau..,
;COLOMBE
:Pourquoi est-ce toi qui aurais su ce qui était beau ? Ce qui est beau, c’est ce qu’on aime ! Et mol j’aimais les chansons des rues, les bals musette, les jolien robes et les bouquets de fleurs. Mais tu ne m’achetai» jamais rien.
;JULIEN
:Nous n’avions pas d’argent.
;COLOMBE
:Tu ne voulais pas te débrouiller pour en gagner. Cela te dégoûtait. Il fallait préserver ton art avant tout. Pour que tu deviennes un grand pianiste. Alors moi, pour que tu deviennes un grand pianiste, je faisais la vaisselle et la lessive toute seule à longueur de journée. Et si j’avais continué, au nom de notre grand amour, quand tu l’aurais été enfin, grand pianiste, quand on t’aurait couvert de fleurs, toi, le soir de ton premier concert, j’en aurais eu, moi, de jolies mains à montrer? Il est vrai que tu m’aurais peut-être, enfin, acheté des gants, pour les cacher, ce soir-là. Mes premiers gants sans trous !
;JULIEN
:C’est affreux ! Tais-toi maintenant.
;COLOMBE
:Oui c’est affreux, mais c’est fini. Je m’occupe de moi maintenant, je vis comme j’aime. Je ris avec qui je veux des bêtises qui me font rire, sans me demander si elles te font rire aussi ou si tu me regardes dans mon dos ou si tu ne vas pas te mettre à bouder en rentrant à la maison.
;JULIEN
:Si je boudais, c’est que je t’aimais et que tu m’avais fait de la peine en riant avec les autres.
;COLOMBE
:Hé bien! je ne te ferai plus de peine... Quel soulagement ! Les avons-nous assez portées tes peines, tes étemelles peines, pour tout... Ah! c’est beau d’être sensible ; je ne suis pas une brute. Au théâtre, cela me fait pleurer comme les autres, mais dans la vie, mon pauvre biquet, comme cela peut être encombrant! Tu veux que je te dise tout? Depuis que tu es parti, je suis heureuse. Je me réveille, il fait soleil, j’ouvre mes pensionnes et il n’y a rien de tragique dans la rue, pour la première fois. Le rempailleur de chaises qui est au coin du Crédit Lyonnais me crie: «Bonjour Beauté! Je t’adore!» Et je lui réponds: «Bonjour!» et ce n’est pan un drame pour toute la matinée de lui avoir répondu. El si le facteur sonne et que je lui ouvre en chemise, ce n’est pas un drame non plus. Je ne suis pas une femme perdue, figure-toi ! nous sommes une fille et un facteur contents l’un de l’autre, voilà tout : lui, que je sois en chemise et moi d’y être et que cela ait l’air de lui faire plaisir. El il repart tout guilleret parce qu’il se figure qu’il a vu quelque chose et qu’il aime mieux ça qu’un verre de vin, cet homme, et moi je suis contente d’être belle, enfin, sans honte et je fais mon ménage en dansant, en chemise, et je me lave toute nue dans ma cuisine, la fenêtre ouverte. Et tant pis si le monsieur d’en face prend ses anelles; c’est un plaisir que le bon Dieu nous donne à tous les deux, voilà tout ; ce n’est pas pour cela que je suis une fille damnée et que je dois pleurer deux heures avec toi et te consoler. Ah mon pauvre biquet ! tu ne le saurutt sans doute jamais, mais si tu pouvais te douter comme c’est facile, la vie - sans toi ! Comme c’est bon d’être sol enfin, telle que le bon Dieu vous a faite !
;JULIEN
:Mais j’étais jaloux parce que je t’aimais ! SI un autre homme t’aime, il sera jaloux comme moi.
;COLOMBE
:Non. Ou alors cela me fera rire et la vie n’en sera pas plus triste pour cela.
;JULIEN
:Armand ne t’aime pas ! Tu le sais bien !
;COLOMBE
:Je sais qu’il m’aime comme je veux qu’on m’aime, et cela me suffit. En riant avec moi, en me disant que je suis belle, en me faisant des petits plaisirs et des petits cadeaux, en s’occupant de moi.
;JULIEN
:Moi! Moi! Tu ne sais plus dire que ce mot-là.
;COLOMBE
:Oui, mon petit biquet, j’ai appris. Et tu lombes de haut parce qu’avant il n’y avait que toi qui le disais.
;JULIEN
: crie
:Mais j’ai mal Colombe !
;COLOMBE
:. — Oui, Julien, c’est bien triste. Mais j’ai eu mal, moi aussi.
;JULIEN
:Le mal que je te faisais sans le savoir: ces gronderies, ces reproches, c’était mon amour pour toi.
;COLOMBE
://fermée//
:Non, Julien, pour toi-même.
;JULIEN
:C’est trop bête ce que tu dis !
;COLOMBE
:Celle que tu aimais, celle que tu essayais que je sois, tu l’avais imaginée tout seul. Ce n’était pas moi. Je veux qu’on m’aime, moi, maintenant, avec mes petites qualités et mes défauts. Je veux que cela fasse plaisir à quelqu’un de m’aimer. Toi, je ne t’ai jamais fait plaisir, et tu ne comprendras jamais rien aux femmes, mais c’est tout ce qu’elles savent faire sur la terre : plaisir. Il ne faut pas leur enlever ça. Maintenant je vais être en retard, Julien. Nous avons tout dit. Laisse-moi monter me déshabiller.
;JULIEN
: la retient par le poignet
:Non !
;COLOMBE
:. — Lâche-moi.
;JULIEN
:Non.
;COLOMBE
:Brute ! Sale brute ! Tu me fais mal. Tu peux cela, encore, me brutaliser. Tu es le plus fort. Me gifler comme tu l’as déjà fait une fois, tu crois que je l’oublierai jamais? Je n’oublie rien, moi. Allons ne t’en prive pas, gifle-moi, encore ! Tu es le plus fort.
Pendant qu’ils parlaient, on a enlevé tout le décor et les meubles un à un autour d’eux, sauf le canapé sur lequel ils sont tombés en luttant. Les machinistes s’approchent.
;COLOMBE
: sursaute indignée
:Pourquoi? Cela ne lr regardait pas ! Qu’est-ce que tu imagines mon pauvre biquet? Armand n’a pas de droits sur moi. Il ne manque rait plus que ça ! Nous sommes amis, bon ; nous no un plaisons, bon... Mais toi tu revenais de la guerre, ou prcit que... J’aurais voulu voir qu’il ose dire quelque chose 1 Apprends que je ne lui ai jamais permis de me dire du mal de toi. Tu peux le lui demander, si tu veux, si une seule fois j’ai permis qu’il se moque. Pour qui me prends tu tout de même ?
Un silence. Julien, abasourdi, n’ose plus rien demander.
;COLOMBE //demande doucement: //
Mon biquet, tu veux bien que j’aille m’habiller main-niant? Ils doivent commencer à s’impatienter dans lu voiture. Je te promets que je ne resterai pas longtemps chez « Maxim’s » et que je viendrai te rejoindre très vile.
;JULIEN
: demande, comme pour lui
:Nous nous sommes pourtant aimés vraiment, de cette façon-là, Colombe, tous les deux ?
;COLOMBE
:Oui, biquet.
;JULIEN
:J’ai un peu honte de te demander... Tu ne faisais pas semblant ?
;COLOMBE
:Non, biquet. Jamais.
;JULIEN
:Pourquoi alors, pourquoi? Je ne peux pas arriver à comprendre. Je ne suis pas parti si longtemps. Ce n’est pas comme pendant les guerres, quand les femmes finissent par n’en plus pouvoir d’être seules cl qu’elles cèdent, un soir, sans plus trop savoir ce qu’elle» font, au premier venu... Tu n’étais pas obligée... Tu aimes Armand davantage que moi, de cette façon ?
;COLOMBE
:Non, biquet.
;JULIEN
: demande, humble
:Mais autant que moi, tout de même?...
;COLOMBE
:Si tu crois que je fais des comparaisons ! Vous êtes drôles les hommes: on dirait qu’il n’y a que cela qui compte. Vous êtes des maniaques. Je n’allais pas sortir avec Armand, tout de même, lui laisser me faire la cour, s’occuper de moi toute la journée et lui dire non ?
Il faut faire un effort pour comprendre, aussi !
;JULIEN
: crie, douloureux
:Mais je le fais! Je ne fais que cela...
;COLOMBE
:Un effort pour comprendre comme nous, pas toujours comme vous !
;JULIEN
:Alors, si j’étais resté là, si je ne m’étais aperçu de rien, tu aurais partagé entre nous ? Oh ! j’ai irop honte...
;COLOMBE
: répète, agacée
:Si !... Si !... Je ne vis pas avec des «si» moi! Si tu étais resté, j’aurais vu ce que j’aurais fait. Mais tu n’étais pas là. C’est ta faute aussi ! N’accuse pas toujours les autres, tu n’avais qu’à ne pas me laisser seule...
;JULIEN
:Il fallait bien que je sois soldat comme tout le monde, un jour ou l’autre...
;COLOMBE
:Tu n’avais qu’à te faire réformer si tu m’aimais ! On te l’a proposé et tu n’as pas voulu. C’est ce jour-là que j’ai compris que tu ne pensais qu’à toi et qu’il fallait que je pense à moi, moi toute seule, si je voulais que quelqu’un y pense !
;JULIEN
: dit soudain doucement
:Pauvre petite Colombe...
;COLOMBE
: //s’attendrit immédiatement sur elle//
:Oui pauvre petite Colombe. Si tu crois que c’est gai pour une femme tout cela ! Si tu crois que cela rend joli, île souffrir... Ah ! je vais être belle tout à l’heure, c’est malin !
;JULIEN
:Pauvre petite Colombe de deux sous... Tu ne penses qu’à ton rendez-vous... Je t’aimais, moi, comme un petit garçon aime sa mère, comme un pci il garçon aime un autre petit garçon avec qui il a échangé son sang, une nuit dans le dortoir, à la vie à la morl | comme un petit compagnon pour lutter et pour vivre tous les jours, jusqu’à ce qu’on soit vieux ensemble, tout fragiles et tout blancs et qu’on n’ait plus qu’à w rappeler en fermant les yeux, l’un à côté de l’autre... Kl omme une vraie femme, en plus. Pour le bon et pour le mauvais, pour les scènes et pour les silences - quand on st arrivé à se connaître si bien, on n’a plus besoin de se parler... Et il y avait derrière tout cela ma belle liberté d’homme, les aventures avec les autres garçons sous lo soleil, les mers jamais traversées, et les filles, toutes le» autres filles entrevues dans les rues et laissées... Tout ce que je t’avais donné, sans regret, rien que pour devenir ce petit vieux dérisoire et pourtant comblé, à côté de toi, grondé pour sa pipe, et quémandant ses deux sous, pour aller chercher son journal... Cela m’avait paru, à mol, une aventure suffisante pour une vie d’homme - parce que je t’aimais.
//Un silence. Colombe lui dit simplement, un peu pincée ://
;COLOMBE
:Maintenant tu pourras les faire te» voyages ! Tu pourras enfin les accoster les filles dans le» rues. Leur proposer encore une fois de partir avec toi, comme à moi, il y a deux ans.
;JULIEN
://doucement//
:Je pourrai, oui.
;COLOMBE
:Ah ! je te vois d’ici leur montant encore lu tête, les éblouissant comme moi avec ton air triste, ta révolte, et ta chère grande âme blessée de tout. Ah ! quelle idiote, quelle idiote j’ai été de t’écouter! Une vraie dinde !
;JULIEN
: lui a pris le poignet, criant comme un fou
:Ne dis pas de mal de cette Colombe d’il y a deux ans. Je la garde celle-là ! Elle est à moi !
;COLOMBE
:A toi, pauvre homme ? Parce que tu l’as connue tu crois, celle-là aussi ! Un ange n’est-ce pas, tu l’as cru ? Un ange dans une boutique de fleuriste, avec les vieux beaux qui viennent tous les jours se faire mettre des boutonnières. Tu as déjà entendu parler de C'a, toi ? Et les gerbes qu’il faut porter à domicile pour les mariages, avec le beau-papa qui est tout retourné et qu’il vous dit qu’il va se sentir bien seul, - et les couronnes pour les enterrements où ça sent la mort dans la' maison, mais où il y a tout de même un cousin qui est moins triste que les autres et qui vous attire dans un Coin ? Et le patron, dans le sous-sol où l’on fait les corbeilles et le garçon livreur, tu crois que c’étaient des linges aussi? Garde-la si tu veux, ta Colombe en sucre il’orge, mais cette Sainte-Nitouche-là, je peux bien te dire que tu l’as rêvée tout éveillé comme le reste, mon pauvre biquet.
;JULIEN
: l’a prise par les deux bras, il la secoue comme un fou
:Je te défends, tu entends, je te défends, celle-là, de la salir !
;COLOMBE
:J’ai bien le droit. C’est de moi qu’il s’agit tout de même ? julien crie
:Non !
Il la regarde, pitoyable et haineuse dans ses bras. Il dit soudain :
C’est cela qui me fait le plus peur, tu vois, que lu puisses devenir si vilaine, un jour, que j’arriverais à nr plus t’aimer. C’est de penser que tu seras toute seulr au monde, quelque part avec ta pauvre petite figure fermée, tes pauvres petits seins offerts à tout le monde, tes pauvres petites histoires de femme entre tes jambcH, ton pauvre petit égoïsme - sans mon amour.
;COLOMBE
: lui dit simplement
:Tu me fais très mal, julien, et tout à l’heure, j’aurai des bleus aux bras. Ce n’est peut-être pas très utile.
;JULIEN
: la lâche soudain
:C’est bien. Tu vas être en ! etard. Monte cette fois. Monte vite t’habiller.
Elle se détourne et s’en va sans un regard aussitâl qu’il l’a lâchée. Il la regarde partir, il crie soudain.
;COLOMBE
: !
;COLOMBE
: se retourne
:Quoi encore ?
;JULIEN
://gêné. — Rien.//
Il dit pourtant !
Si en t’habillant, tu pensais tout de même qu’il vaut mieux que tu n’y ailles pas. Je t’attends là.
Elle hausse imperceptiblement les épaules, si> détourne et disparaît. '
;JULIEN
: est resté seul, désemparé, au milieu de la scène. La Surette surgit d’un portant, avec son pardessus trop étroit et son chapeau ridicule. Il fait semblant de ranger quelque chose pour s’approcher et dire à Julien.
la surette
:Les garces, hein, tout de même? On leur donne tout, on travaille comme des bœufs pour elle»,
cela se laisse nourrir et pomponner comme un petit chien, c’est bien gentil, cela vous lèche les mains de temps en temps, mais qu’un autre petit toutou bien frisé passe dans la rue, ffuit! cela file... J’ai été marié, moi aussi, monsieur Julien... Et c’est ma mère qui me l’avait choisie à la campagne... Un peu forte, une peu simplette aussi; ce n’était pas du raffiné, bien sûr, mais c’était garanti tout neuf et bien solide. Un article d’usage, quoi ! Je vais même vous dire, je m’étais méfié. Il y avait deux sœurs : j’avais pris la plus laide, pour être tranquille. Un vrai pou, monsieur Julien ! Un monstre ! Et elle louchait en plus ! Mais moi je suis un homme de condition modeste, n’est-ce pas ? je ne l’avais pas prise pour la montrer. Je pensais : au lit, elle en vaut une autre, et pour le ménage, plus c’est vilain, plus ça frotte : c’est connu ! Mais les précautions, avec ces poupées-là, monsieur Julien, c’est du beurre ! Je pars en tournée cinq jours, je reviens un jour plus tôt que prévu et vous savez ce que je trouve dans mon lit en ren-irant? un croque-mort monsieur Julien ! Un croque-mort, qui habitait au-dessus de chez nous. Un homme qui avait un bec-de-lièvre, encore plus laid qu’elle. Tout nus, tous les deux ! Ah ! c’était pas beau à voir !
;JULIEN
://sourdement//
:Fous le camp La Surette ! laisse-moi.
;LA SURETTE
:Pourquoi, monsieur Julien? C’est des moments où c’est mauvais de rester seul... On devrait plutôt descendre prendre un verre ensemble au tabac... On se raconterait...
;JULIEN
: gémit
:Ah non ! C’est trop laid. Tout est trop laid.
Il marche sur lui.
Va-t’en ! Va-t’en vite, imbécile, ou tu vois bien que je vais te tuer !
i.a surette a peur et décampe
:C’est bon, c’est bon, on s’en va...
Il crie, quand il est à bonne distance, haineux :
Mais ça ne se fait pas, monsieur Julien, entre collègues !...
Il disparaît ricanant. Julien regarde autour th< lui comme s’il était traqué soudain. Comme Madawt Alexandra paraît, vieillie, harnachée d’écharpes et ih< plaids, appuyée sur sa canne, accompagnée de Georges, il crie soudain, courant à elle.
;JULIEN
:Maman !
;MADAME ALEXANDRA
:Quoi maman? Tu es devenu fou, non ? Arrière ! Tu me décoiffes.
;JULIEN
:Je suis malheureux, maman.
;MADAME ALEXANDRA
:Tu as semé mon garçon, maintenant tu récoltes.
;JULIEN
:Je l’aimais maman, je l’aime, je l’aimerul toujours.
;MADAME ALEXANDRA
:Ton père aussi m’aurnil aimée toujours. Et c’est bien cela qui m’a fait peur. Mai» qu’est-ce que c’est que cette manie de vouloir que ce soit pour la vie, l’amour? Pourquoi cela vous démange-t-il comme cela, l’éternité? Qu’est-ce que cela signifie d’abord : pour la vie ? Les chapeaux, les chaussures, le» bijoux, cela se change; les maisons on en déménage. Demande aux médecins, ils te diront qu’au bout de sept ans il n’y a pas une cellule de ton corps qui n’ait changé. On vieillit, on pourrit sur place, on mijote son petit cadavre à feu couvert toute sa vie pour qu’il soit fin prêt le jour où les vers s’y mettront ; on se décompose depuis qu’on est né et tu voudrais qu’il n’y ait que les sentiments qui ne changent pas ? Ce sont des foutaises, mon garçon ! C’est à l’école qu’on vous a mis ça dans la tête, à ton père et à toi, ce sont vos histoires de Romains. Vous y avez trop cru à ce qu’il y avait dans vos bouquins, tous les ileux, cela vous a empêché d’apprendre à vivre. S’il avait débuté comme moi à treize ans aux Folies-Bergère, ton pauvre colonel de père, il ne se serait pas suicidé. Il aurait appris à le mettre à sa vraie place, l’amour ! Allez, viens, Georges. Tu as pris mes bandes pour mes genoux? Et ines pilules? Cela ne va plus bien depuis trois jours, je suis constipée et j’ai deux cents alexandrins à apprendre pour demain matin.
;JULIEN
: la retient
:Maman, tu as dû souffrir aussi, tout de même. Tu es vieille. On ne vieillit pas sans souffrir. Tu ne me dis pas autre chose ? Je suis si seul ce soir.
;MADAME ALEXANDRA
:Tu seras toujours seul, comme ton père... Tu seras toujours seul parce que tu ne penses qu’à toi, comme lui. Vous croyez que c’est moi qui suis égoïste?... Les vrais égoïstes, ce n’est pas ceux qui monnayent leur petit plaisir au jour le jour. Ils ne sont pas dangereux ceux-là, ils ne demandent pas plus qu’ils ne donnent. Ils savent. Une petite caresse les uns aux autres, en passant, un petit bonjour, tu m’en donnes un, je t’en donne un, on se fait plaisir, on sait ce que cela vaut l’un et l’autre et on s’en va, chacun de son côté, mener sa petite vie de fourmi pour subsister, seul avec son paquet de tripes, la seule chose qui est bien à soi. Ceux qui sont redoutables, c’est ceux qui empêchent que cela tourne rond sur la terre, c’est ceux qui veulent absolument les donner, leurs tripes... Ils s’ouvrenl li ventre, ils puisent là-dedans et ils en couvrent le monde c’est dégoûtant ! Et plus cela leur fait mal, plus cela leui fait plaisir, ils en reprennent à poignée, avec d’horrible» souffrances pour nous les offrir, qu’on le veuille ou non Et nous, on s’y empêtre, on s’y étrangle dans leur» tripes... On est comme les enfants du pélican. On ne leur en demande pas tant. On n’a plus faim ! julien gémit
:Mais je l’aime ! madame ALEXANDRA
:Bon! Ça c’est un fait. Mal» elle ne t’aime plus. C’est un autre fait, qui est tout aus»l alable que le premier. Alors? qu’est-ce que tu veux qu’elle fasse? Qu’elle fasse semblant de t’aimer toule la vie parce qu’il se trouve que toi, tu l’aimes? Qu’elle s’embête pendant soixante-dix ans, parce que tu a» décidé que toi cela te faisait du bien ?
;JULIEN
:Je lui ai tout donné. madame Alexandra hausse les épaules
:Des tripe» I Tu ne lui as donné que des tripes, comme ton père. 1!| elle a envie de changer de menu ! C’est son droit, il me semble? Va donc te coucher et retourne jouer au petit soldat demain matin. Là-bas, ils en demandent de» tripes; plus tu en donneras, mieux tu seras vu. Eli France, elle en fait une grande consommation de tripe», elle en a toujours besoin - pas nous ! Allez, viens George», Tu as ma couverture ? Voilà que cela me reprend dans le genou droit...
Elle crie du seuil ;
C’est peut-être un peu d’argent que tu voulais me demander ?
;JULIEN
://doucement//
:Non maman, pas d’argent, merci.
;MADAME ALEXANDRA
:À ton aise ! Bonne chance. Et si tu ne veux pas finir comme ton père, tâche d’être un peu moins «emmardant» mon garçon.
Elles sortent. Julien est seul sur le plateau désert; il va jusqu ’à un piano qui traîne dans les coulisses et soulève le couvercle du clavier... Il joue quelques notes vagues. À ce moment Mme Georges entre, trottinante, avec un garçon de café qui porte un panier <2>.
<2> Cette scène a été supprimée pour alléger le rythme à la représentation de Paris.
;MADAME GEORGES
:Monsieur Julien! Monsieur Julien !
;JULIEN
: se retourne
:Qu’est-ce que c’est?
;MADAME GEORGES
:Vous voyez que c’est un bon petit cœur tout de même, Mme Colombe!... C’est un garçon de chez «Maxim’s» qu’elle vous envoie avec une bonne petite demi-bouteille de champagne, douze belles petites huîtres, une belle petite cuisse de poulet et un petit peu de foie gras. Où voulez-vous qu’on vous déballe tout ça, ici ou dans la loge ? Vous voyez, tout de même, comme c’est gentil de sa part ! Elle a pensé : Je ne veux pas que mon petit homme il mange rien, pendant que moi je fais la fête. Elle vous envoie tout ce qu’il y a de meilleur!...
;JULIEN
: leur crie dressé
:Foutez le camp ! Foutez le camp tout de suite tous les deux! Vite vite, je vous en supplie. Vous êtes trop bêtes ! Vous êtes trop laids !
Il crie :
Mais vite, voyons, vite ! Vous voyez bien que je n’cn peux plus !
;MADAME GEORGES
: s’effraie et entraîne le garçon
:C’eM bon, c’est bon. Pas la peine de crier comme ça. On n’a rien fait de mal. Venez, venez... On va voir ce qu’tm va en faire... un beau petit panier bien rempli comme çn I et il y avait un bon gâteau en plus ! Si c’est pas malheti reux de refuser toutes ces bonnes choses quand il y a de* pauvres qui meurent de faim... Les hommes, c’est tou* les mêmes: ça ne sert à rien d’être gentilles avec eux.,, C’est buté !
Ils sont sortis. |j
;JULIEN
: //s’est écroulé sur le piano, la tête dans se» mains... On entend un piano lointain, fantomatique, reprendre les premières notes que Julien a jouées tout il l’heure et en faire un air. Julien ne semble pas entendre, la tête sur le clavier.//
//La lumière baisse jusqu ’au noir.
Pendant le noir, le piano joue toujours la valse qui se rapproche et devient réelle on dirait, à présent qu’on joue sur le plateau.
En effet, quand la lumière revient, Julien est en civil. Il est en train de jouer au clavier à la même place,
Le plateau est toujours désert et éclairé par la lampe de service, mais la lumière du soleil entre par les soupiraux. La porte de scène côté jardin s’entrouvre el Colombe paraît dans une petite robe pauvre qu’on ne lui connaît pas, portant une grosse corbeille de fleur», Elle a l’air embarrassée de son chemin. Elle avise Julien, lui demande : //
;COLOMBE
:Je vous demande pardon Monsieur. La loge de Mme Alexandra.
;JULIEN
://sans cesser de jouer//
:C’est au premier mon petit. Mais vous pouvez l’attendre ici. Elle va descendre répéter d’une minute à l’autre. Je l’attends aussi. Cela vous fera un étage et un cyclone en moins. Elle est en nain de casser le mobilier là-haut.
;COLOMBE
:Il y a quelque chose qui ne va pas?
;JULIEN//, qui joue toujours//
:Au théâtre, ma petite fille, il y a toujours quelque chose qui ne va pas.
;COLOMBE
:C’est une si grande artiste ! Cela me fait tout drôle de penser que je vais la voir.
;JULIEN
:Quand vous la verrez vraiment, cela vous fera encore plus drôle.
;COLOMBE
:Elle est très belle, n’est-ce pas? julien
:Très. Comme un monument historique.
1 ,e Palais du Louvre : vous aimez ça, vous ?
;COLOMBE
:Vous êtes une mauvaise langue. Elle n’est tout de même pas aussi vieille que cela.
;JULIEN
://qui joue toujours//
:Pas tout à fait aussi vieille que le Palais du Louvre, mais cela viendra, rassurez-vous. colombe
:Quel âge a-t-elle au juste? julien
:Cent ans.
;COLOMBE
:Vous riez ! Je l’ai vue en scène. Une fois, j’ai eu des billets.
;JULIEN
:Oh ! mais en scène c’est différent ! Cela perd quatre-vingts ans d’un coup. La vingtaine à peine et toute la pudeur, tous les émois... La découverte tremblante de l’amour, c’est son rôle préféré tous les soirs ilepuis un demi-siècle. Cela conserve...
;COLOMBE
:Vous êtes bien méchant avec elle, pour quelqu’un qui est de la maison. Si elle vous entendait !
;JULIEN
://toujours au piano//
:Elle a l’habitude. Je suis «on fils...
;COLOMBE
: //s’est levée de saisissement//
:Vous?
;JULIEN
:Moi. Et je n’en suis pas plus fier pour cel» Elle non plus d’ailleurs.
;COLOMBE
:Mais elle est jeune alors, vous voyez bien que vous mentez...
;JULIEN
: //s’est retourné souriant sur son tabouret//
:Pour quoi?
;COLOMBE
: //balbutie//
:Parce que vous êtes très jeune, vous...
;JULIEN
: //balbutie, rouge aussi soudain//
:Je n’aime pas beaucoup les compliments, mais vous, en revanche, vouii êtes bien jolie...
//Il y a soudain un petit silence gêné entre eux. Il demande ://
C’est amusant d’être fleuriste? colombe, ils vont parler comme dans un rêve mainlt¦ riant tous les deux
:Pas toujours autant qu’aujourd’hui.,, julien
:On doit voir du monde... colombe
:Oui. Mais vous savez, c’est toujours lei vieux messieurs qui achètent les fleurs. julien crie malgré lui
:Tant mieux !
;COLOMBE
:Pourquoi? julien rougit
:Pour rien.
Il ajoutt :
Je viendrai vous en acheter, moi, quand je serai riche, et je vous les donnerai.
;COLOMBE
:C’est vrai?
;JULIEN
:Oui. On ne vous en donne jamais de fleur» ?
;COLOMBE
:Jamais. julien
:Votre bon ami ?
;COLOMBE
://doucement//
:Je n’en ai pas.
;JULIEN
: se lève soudain et lui coupe une rose de la corbeille
:Alors tenez ! Je commence tout de suite.
;COLOMBE
: a poussé un cri terrifié
:Oh ! ma corbeille ! Mais vous êtes fou ! Cela va faire toute une histoire...
;JULIEN
:Je m’en charge. Comme de toute façon cela va faire toute une histoire que je sois là.
;COLOMBE
://qui respire sa rose//
:C’est drôle, quand c’est à vous qu’on les donne, on a envie de les respirer. Votre maman n’aime pas que vous veniez au théâtre ?
;JULIEN
:Non, pas beaucoup.
;COLOMBE
:Elle a peur que ce soit de mauvaises fréquentations pour vous ?
;JULIEN
: éclate de rire
:Comme elle est gentille!... Non... Ce n’est pas cela. Elle a peur que je lui demande de l’argent. Je vis tout seul. Je travaille mon piano pour donner des concerts plus tard, huit heures par jour; alors il ne me reste pas beaucoup de temps pour gagner ina vie... Et quelquefois je suis obligé de venir lui demander, vers les fins de mois. Le moins souvent possible, parce que je n’aime pas beaucoup ça. Et elle non plus d’ailleurs.
;COLOMBE
:C’est bien d’être fier.
;JULIEN
:Oui. C’est encombrant.
;COLOMBE
:Si j’aimais un homme, je voudrais qu’il soit fier. Un vrai homme. Qu’il n’accepte jamais rien sans se battre.
;JULIEN
:C’est comme cela que je suis devenu la honte de la famille. Ou je joue du piano ou je me dispute avec quelqu’un...
;COLOMBE
:Et vous jouez vraiment huit heures par jour ?
;JULIEN
: sourit
:Oui. Heureusement pour les autresI
;COLOMBE
:Comme vous devez bien jouer!
;JULIEN
:Pas encore, mais cela viendra.
://Ils sont troublés. Ils ne savent plus trop comment st parler. Il demande ://
Et comme fleuriste, on gagne beaucoup ?
;COLOMBE
:Oh! avec les pourboires, je me fais ccnl francs par mois !
;JULIEN
:Alors vous êtes une fille dans mon genre !.,,
I ït si je viens vous chercher un soir à la sortie du magasin pour aller dîner avec vous... vous n’exigerez pas qu’on
aille chez Larue?
;COLOMBE
:Je ne sais même pas où c’est. Mais une fois j’ai été chez Poccardi.
;JULIEN
://gaîment//
:Hé bien, on retournera chez Poccardi ! Tant pis pour la dépense ! Il faudra qu’elle y passe, la vieille !
;COLOMBE
:Et on mangera tous les hors-d’œuvre? julien
:Tous ! Et on en reprendra !
;COLOMBE
:Mais quand? julien
:Ce soir! Pourquoi attendre?
;COLOMBE
, effrayée
:Mais nous allons nous rater, Ce soir je ne rentre pas au magasin. C’est ma dernière course.
;JULIEN
: se lève et la prend par la main
:Alors parton» tout de suite.
;COLOMBE
:Mais ma corbeille ! julien
:On la laisse. Elle est assez grosse. Ils lu trouveront bien.
;COLOMBE
://soudain pratique//
:Il vaudrait peut-être mieux que j’attende mon pourboire ?
;JULIEN
: s’arrête
:C’est vrai. Suis-je bête! Nous aurions bonne mine chez Poccardi ! J’ai vingt-deux sous.
;COLOMBE
:Vous savez, j’ai l’air d’accepter tout de suite, comme cela. Mais d’habitude je dis non. C’est la première fois.
;JULIEN
://debout devant elle, grave//
:Moi, je ne propose jamais, d’habitude. C’est la première fois aussi. Vous croyez que c’est vrai, vous ?
;COLOMBE
:Quoi?
;JULIEN
:Qu’on puisse se plaire comme ça tout de suite. Se plaire, ce n’est rien - on se plaît souvent... Qu’on puisse être bien tout d’un coup rien que parce qu’on est ensemble. Bien, comme si on était arrivés quelque part ?
;COLOMBE
:Je ne sais pas.
;JULIEN
: est venu s’asseoir près d’elle sur le banc, il lui tient l'épaule
:Vous êtes bien, là, en ce moment, vous ?
;COLOMBE
:Oui.
;JULIEN
:Et cela vous arrive souvent?
;COLOMBE
:Non.
;JULIEN
:Moi cela ne m’arrive jamais. Je vais vous dire. J’aime mieux que vous sachiez avant d’aller chez Poccardi. J’ai un sale caractère. Je n’aime personne. Je ine fâche avec tout le monde tout le temps. Tout le inonde me déteste.
;COLOMBE
:Ce n’est pas possible.
;JULIEN
:Si. C’est parce que je ne suis gentil avec personne. Je ne peux pas.
;COLOMBE
:Moi je trouve pourtant que vous êtes gentil.
;JULIEN
:Avec vous, c’est extraordinaire, je m’aperçois que je peux. Vous avez déjà été au Jardin des
Plantes ?
;COLOMBE
:Oui. Pourquoi?
;JULIEN
:Cela vous amuse de regarder les ours? Vous les aimez bien avec leurs grosses pattes ? Je suis un ours. Vous aurez la patience d’en apprivoiser un?
;COLOMBE
://doucement, tenue contre lui//
:Cela doit avoir de grands bras forts. Cela doit vous tenir bien chaud, vous protéger contre tout le monde. Tout ce que ça dit, cela doit être vrai, un ours, et solide - et pour toujours.
;JULIEN
:Oui. Et tout cela je sais le faire. Mais je suis toujours tout seul tout de même parce que les jeunes filles n’aiment pas beaucoup les ours.
;COLOMBE
:Moi, je ne sais pas encore très bien ce que j’aime, ce que je n’aime pas, mais je me sens bien en ce moment. Ça, c’est quelque chose de sûr. J’ai seulement un peu peur, parce qu’il me semble que c’est peut-être trop vite.
;JULIEN
:J’ai encore bien plus peur que vous, parce qu’il y a tellement longtemps que je voulais en trouver une - une jeune fille qui aime les ours.
;COLOMBE
://doucement//
:Les autres garçons, j’avaiN envie de leur répondre, de me moquer d’eux, de les faire enrager. Pas vous.
;JULIEN
:Ah! si c’était vrai tout de même! Si celu pouvait arriver comme dans les histoires, tout de suite cl pour toujours. Jurez-moi au moins que vous me serez fidèle, jusqu’à ce soir. Je ne suis pas exigeant, jusqu’à Poccardi ?
;COLOMBE
: rit, un peu attendrie
:Je vous le jure ! julien
:Crachez!
;COLOMBE
: crache
:Je crache !
;JULIEN
://timidement//
:Embrassez-moi. Ce n’est pas trop tôt ?
;COLOMBE
://dans un souffle//
:Non.
Elle tend ses lèvres. Il l’embrasse et crie soudain comme un fou, se dressant:
;JULIEN
:Ah c’est trop beau! c’est trop beau tout d’un coup! C’est peut-être donc bon la vie? Ils ne sont peut-être pas tous aussi laids, aussi méchants qu’ils en ont i’air? Maman est peut-être charmante et jeune, qui sait? Tout est possible... Ah! je vous dis que c’est trop beau! Tant pis. Il faut fêter ça. Je vous offre une autre fleur !
;COLOMBE
://épouvantée//
:Oh ! monsieur, monsieur, mais ce ne sera plus une corbeille !
;JULIEN
: la prend
:Vous avez raison. Pourquoi lésiner ? Je vous la donne entière.
;COLOMBE
: gémit
:Mais je l’apportais à votre mère, monsieur!...
Elle demande soudain :
Monsieur comment ?
;JULIEN
:Julien. Et vous, comment ?
;COLOMBE
:Colombe.
;JULIEN
: crie joyeux
:Colombe ! Mais qu’est-ce qui se passe ce soir pour que tout soit tellement beau d’un seul coup ?
;MADAME ALEXANDRA
://fait irruption, suivie de tout son état-major. ~Poète-Chéri, Desfoumettes, La Surette, etc.//
:
;MADAME ALEXANDRA
:Marde ! Marde ! Elles sont toutes mauvaises comme des mardes ! Et nous passons dans trois jours !
Elle voit Julien et glapit:
Qu’est-ce que tu fais encore ici, toi ? Il ne nous manquait plus que cet emmardement-là !
;JULIEN
:Ma chère petite maman, tu vois, j’embrasse la fleuriste.
;MADAME ALEXANDRA
://se retourne vers les autres sans comprendre//
:Qu’est-ce qu’il dit ?
;JULIEN
:Ma chère petite maman, sois une fois comme dans tes pièces, fais un geste !
;MADAME ALEXANDRA
://crie, un réflexe//
:Je n’ai pas d'argent !
;JULIEN
:Je ne te demande pas d’argent. Cette jeune fille t’apportait une corbeille, tu en as déjà douze qui pourrissent dans ta loge. Je l’ai trouvée trop gentille. Je la lui ai donnée.
;MADAME ALEXANDRA
://qui n’y comprend toujours rien//
:Comment ? Comment ? Qu’est-ce que tu lui as donné ?
;JULIEN
:Ta corbeille.
;MADAME ALEXANDRA
:Je ne comprends rien à te» histoires. Nous travaillons en ce moment. Reviens après la générale. Mademoiselle, posez-la ici, votre corbeille, La Surette, donnez-lui dix sous. Non. Cinq. Et vous, Desfoumettes, débrouillez-vous pour nous en faire auditionner dix autres ce soir! Avec toutes les petites fille» que vous consommez dans votre bureau, il est tout de même inconcevable que vous ne puissiez pas nous en présenter une !
;DESFOURNETTES
:Mais la petite brune de cet après-midi...
;MADAME ALEXANDRA
:La petite brune de cet aprèH-midi était un véritable pou. Je ne vous demande pas une
fille dont le derrière vous plaît, je vous demande une fille qui soit à la hauteur du rôle.
;DESFOURNETTES
: hausse les épaules
:A la hauteur du rôle ! À la hauteur du rôle ! Il ne faut tout de même pas exagérer. Elle a une chanson à chanter et deux répliques à dire. Si je ne peux même pas promettre un petit bout de rôle dans mon théâtre à une fille qui me soit sympathique, qu’est-ce que je fais ici?
;MADAME ALEXANDRA
:Vous payez, Desfournettes ! Et nous sommes bien bons d’accepter votre argent. Tout le monde en a de l’argent ! C’est le talent qui est rare. La petite qui jouera ce rôle, nous ne lui demanderons pas ce qu’elle a fait dans votre bureau, cela nous est complètement égal, nous lui demanderons d’avoir du talent.
;DESFOURNETTES
:Mais essayez-la au moins ! Je vous dis qu’elle est pourrie de talent !
;MADAME ALEXANDRA
://ricane//
:Pourrie, je veux bien le croire. Mais de talent !
;~POÈTE-CHÉRI
://qui tournait depuis un moment autour de Colombe, s ’exclame//
:Mais nous sommes des fous ! Nous sommes de véritables fous ! Nous nous disputons depuis deux heures... Qu’est-ce que nous cherchons en somme ? Un personnage de petite fleuriste pour le cinq ? Une petite fleuriste qui ait l’air d’une vraie petite fleuriste ?
;MADAME ALEXANDRA
:Et pas d’une petite putain!
;~POÈTE-CHÉRI prend Colombe effarée par la main et la présente
:Mais en voilà une qui nous mettra tous d’accord ! Vous n’allez pas me dire qu’elle n’a pas l’air d’une | lleuriste, tout de même ? C’en est une ! Et ravissante !
;MADAME ALEXANDRA
://qui a mis son face-à-main//
:Elle est gentille. Tournez-vous, mon petit. Montrez vos jambes.
;COLOMBE
://ahurie//
:Mes jambes ?
;MADAME ALEXANDRA, //impatientée//
:Oui. Vos jambes. Vous ne savez pas où elles sont? Elle a l’air bien empotée, en tout cas !
;~POÈTE-CHÉRI
:Elle est intimidée! Elle est seulement intimidée!... Allons, montrez-les, montrez-les von jambes, ma petite fille... C’est peut-être la chance qui passe en ce moment.
//Il lui relève ses jupes.//
Les jambes sont adorables, regardez, adorables, comme le reste.
;COLOMBE
: //retire ses jupes//
:Mais Monsieur...
~POÈTE-CHÉRI
:Allons, plus haut, plus haut... Il ne faut pas avoir honte comme cela. Nous nous plaçons à un point de vue uniquement artistique, ma petite fille.
;JULIEN
: //s'avance et rabaisse les jupes de Colombe//
:C’csl assez maintenant! Vous allez la laisser tranquille, cette petite. Vous voyez bien qu’elle n’y comprend rien à von histoires...
;~POÈTE-CHÉRI
:Mais je ne lui fais aucun mal...
;JULIEN
:Mais si cela ne lui plaît pas? Est-ce que je les relève, moi, vos pantalons ?
;~POÈTE-CHÉRI
:Mais nous avons besoin de voir ses jambes ! c’est dans la pièce !
;JULIEN
:Est-ce que je vous demande comment ils sont faits, moi, vos mollets ?
;~POÈTE-CHÉRI
:Mais c’est ridicule, il ne s’agit pas de mes mollets !
;JULIEN
: //marche sur lui//
:Hé bien ! si, justement. Donnant, donnant. Moi je veux les voir !
;~POÈTE-CHÉRI// recule, terrifié//
:Mais c’est insensé ! Mais il est fou !
;MADAME ALEXANDRA
://arrête Julien//
:Assez Julien ! Tes plaisanteries ne font rire personne. Admettons qu’elle ait de jolies jambes. Encore faudrait-il qu’elle ait une voix.
;~POÈTE-CHÉRI// crie de son coin//
:Mais elle a une voix ! Je suis persuadé qu’elle a une voix! Avec une bouche pareille, elle ne peut pas ne pas avoir de voix.
//Il est près de Desfoumettes, il lui prend le bras.//
:Soyez beau joueur, mon cher directeur, avouez qu’elle est adorable !
;DESFOURNETTES
:Elle est gentille, c’est indéniable!
//Il se rapproche.//
Vous avez déjà fait du théâtre, mon petit ?
;COLOMBE
:Non Monsieur, je suis fleuriste.
;~POÈTE-CHÉRI
://en transes//
:Non Monsieur, je suis fleuriste ! Elle n’est pas gentille, elle est adorable ! Je vous dis qu’elle est adorable !
;DESFOURNETTES
:Je suis le directeur de ce théâtre. Vous pouvez passer une fin d’après-midi me donner une petite audition ?
;~POÈTE-CHÉRI
:Ah non, Desfoumettes, non! Vous n’allez pas nous l’emmener dans votre bureau, celle-là aussi. ~Madame-Chérie! Vous avez une minute? Il faut prendre cette décision tant que c’est chaud. Il faut lui faire chanter quelque chose à cette enfant.
;MADAME ALEXANDRA
:Vous avez déjà chanté mon petit ?
;COLOMBE
:Pour moi, oui.
;~POÈTE-CHÉRI //s’exclame, enthousiasmé//
:Pour moi, oui ! Quelle réplique ! Mais c’est un ange ! C’est un ange qui nous tombe du ciel pour nous sauver tous ! Quel âge avez-vous mon petit chat ?
;COLOMBE
:Dix-huit ans.
;~POÈTE-CHÉRI
:Et elle a dix-huit ans ! Et cela ne sait rien du tout, cela ouvre de grands yeux sur la vie. C’csl un petit Greuze ! Mais c’est elle ! c’est elle ! Je vous dis que c’est elle notre fleuriste ! Je lui rajoute tout de suite douze vers. Elle m’inspire cette petite ! Un papier, qu’on me donne un papier !...
://Desfoumettes se prend la tête, accablé devant celle nouvelle catastrophe//.
;MADAME ALEXANDRA
://arrête ~Poète-Chéri, lui reprend son papier et son crayon//
:Non. Non. Rien du tout. Rentrez votre crayon, ~Poète-Chéri. La pièce est déjà assez longue
;~POÈTE-CHÉRI //remet son crayon dans sa poche, vexé.//
:En tout cas il faut la faire auditionner tout de suite !
;MADAME ALEXANDRA
:Vous pouvez nous chanter quelque chose, mon petit ?
;COLOMBE
:Je ne sais pas, madame...
;MADAME ALEXANDRA.
:Est-ce que vous connaissez Plaisir d’Amour? C’est ce que chante la petite fleuriste dans la pièce... i
;COLOMBE
:Oui, un peu.
;MADAME ALEXANDRA
:Nous allons voir cela. Julien ! Où est-il cet animal ? Il est parti naturellement, maintenant qu’on a besoin de lui.
;JULIEN
://de son coin//
:Je suis là.
;MADAME ALEXANDRA
:Mets-toi au piano et accompagne-la.
;JULIEN
://sans bouger//
:Non.
;MADAME ALEXANDRA
:Pourquoi non? Pourquoi non?
;JULIEN
:J’ai mal au doigt.
;MADAME ALEXANDRA
:Qu’est-ce que tu as au doigt?
;JULIEN
:Un panaris.
;MADAME ALEXANDRA
:Montre tes mains? Où est-il ton panaris ?
;JULIEN
:Il se prépare.
;MADAME ALEXANDRA
:Tu es un petit morveux imbécile ! Pourquoi ne veux-tu pas jouer ?
;JULIEN
:Parce que je n’en ai pas envie ! Parce que je trouve que vous devriez lui ficher la paix à cette petite. Elle a un métier, un vrai, elle est bien tranquille. Elle a tout de même mieux à faire dans la vie que de monter signer un contrat dans le bureau de l’affreux Desfoumettes.
;MADAME ALEXANDRA
:Il ne s’agit pas de Desfournettes. Mêle-toi de ce qui te regarde. Nous passons dans trois jours et nous avons besoin de quelqu’un. Chantez, vous. Chantez sans piano.
://A Armand qui est entré://
:Armand, mon petit Armand chéri, peux-tu nous jouer Plaisir d’Amour avec un doigt sur le piano ?
;ARMAND
:Moi? Je peux jouer du Wagner avec un doigt, ~Maman-Chérie.
;MADAME ALEXANDRA
:Rends-nous service, accompagne cette petite que nous voulons auditionner. Ton imbécile de frère refuse de le faire. Je me demande bien pourquoi. Allez-y mon petit, n’ayez pas peur. Nous n’avons tous qu’un désir, c’est que cela aille et que nous puissions enfin aller dîner.
;~POÈTE-CHÉRI //s’est rapproché//
:Adorable! Elle est adorable ! Moi je vous promets qu’on fera quelque chose de vous, mon petit. Elle tremble, elle tremble... Venez mon tout petit chat. Venez, je ne vous lâche pas...
;ARMAND
:Allons-y!
;COLOMBE
: //commence, d’abord étranglée de peur, puis très joliment.//
:Plaisir d’amour
:Ne dure qu’un moment...
:Chagrin d’amour
:Dure toute la vie..., etc.
;~POÈTE-CHÉRI //extasié fait des signes d’intelligence à tout le monde à chaque mot. Il soupire, il est au comble de l’extase, il n’a jamais entendu ça. Il finit par prendre Colombe carrément par la taille. Elle tente de se dégager un peu, en chantant. Elle veut tirer sa main, lui pas. Une petite lutte sournoise s’engage, que personne ne semble remarquer, sauf Julien qui s’avance soudain, écartant tout le monde et arrachant ~Poète-Chéri de Colombe.//
;JULIEN
:Hé bien non !
://COLOMBE s’est arrêtée de chanter.//
;~POÈTE-CHÉRI //balbutie//
:Comment non? Pourquoi non?
;JULIEN
:Je vous défends de la toucher !
;~POÈTE-CHÉRI
://dressé sur ses ergots//
:Vous me défendez vraiment? Et peut-on savoir à quel titre s’il voun plaît ?
;MADAME ALEXANDRA
://glapit//
:Julien, cette fois la mesure est comble. D’abord, qu’est-ce que tu es venu faire dans ce théâtre où je t’avais demandé de ne jamais remettre les pieds ?
;JULIEN
:Te demander un peu d’argent pour mon inscription du troisième trimestre.
;MADAME ALEXANDRA
:Pas un sou! Tu n’auras pas un sou ! Maintenant déguerpis ! Et tout de suite !
;JULIEN
:Non.
;MADAME ALEXANDRA
:Comment non?
;JULIEN
:J’ai besoin de voir ce qui va se passer. Cette jeune fille est avec moi.
;MADAME ALEXANDRA
:Ah ! tu veux faire le petit malin? Je vais te faire foutre dehors par les machinistes moi. Joseph ! Léon !
LES MACHINISTES s’avancent
:~Madame-Chérie?
;MADAME ALEXANDRA
:Flanquez-moi ce petit voyou-là dehors, immédiatement. Et si vous le revoyez traîner dans le théâtre, je vous autorise à cogner dessus !
LES MACHINISTES //s’avancent vers Julien//
:Allez, monsieur Julien, puisqu’on vous le dit ! Pas d’histoires !
;JULIEN
:Pas d’histoires? Je vous promets bien que ça va en être une, de me mettre dehors. Pour qui me prenez-vous ?
LES MACHINISTES, //luttant avec lui//
:Monsieur Julien ! Allons monsieur Julien ! C’est qu’il cogne, ~Madame-Chérie !
;MADAME ALEXANDRA
://glapit//
:Cognez aussi! Vous aurez cent sous !
;COLOMBE
://effrayée//
:Oh, arrêtez ! arrêtez ! Faites-les arrêter, ils vont lui faire mal !
;MADAME ALEXANDRA
:Ça lui fera du bien !
PIÈCES BRILLANTES .?.88 COLOMBE 289
;JULIEN
://qui a réussi à échapper aux machinistes, fait le tour de la scène en courant. Il crie.//
;JULIEN
:D’ailleurs, avant de partir, j’ai quelque chose d’urgent à faire !
://Il a rejoint ~Poète-Chéri, il le retourne et lui hotte le derrière.//
:Tenez, celle-là aussi elle est adorable !
;~POÈTE-CHÉRI
://la main au derrière//
:Oh ! le petit malotru ! La petite brute ! Mon pantalon est déchiré !
;DESEOURNETTES //crie en même temps, terrifié par la bagarre. //
:Jetez-le dehors ! Jetez-le donc dehors ! Vous voyez bien qu’il va finir par casser le théâtre !
//Les machinistes ont rattrapé Julien et l’entraînent.//
;MADAME ALEXANDRA
:Je m’en vais. J’ai horreur des bagarres, cela me donne la migraine ! Pour la petite, je la prends. Tâche de la nipper, Georges, avant le dîner. Nous la ferons répéter ce soir.
;~POÈTE-CHÉRI //se précipite vers Colombe, après s’être assuré que les machinistes tiennent solidement Julien//
:C’est la gloire, ma petite, c’est la gloire ! Et la prochaine fois je vous fais un grand rôle !
://Il lui jette à l’oreille.//
:Fou ! vous entendez, je suis fou de vous !
;JULIEN
: crie pendant qu’on l’entraîne
:Lâchez-moi. Lâchez-moi donc, bandes d’idiots !
://Il crie à Colombe pendant qu’on le sort, se retenant à la porte.//
Et Poccardi? Vous m’aviez juré? Et Poccardi?
;MADAME ALEXANDRA
://crie aux machinistes, du seuil. //
:Mais enfin, assommez-le, une bonne fois !
;COLOMBE
:// se dégage de ~Poète-Chéri//
:Oh ! vous me dégoûtez tous à la fin ! Vous êtes trop vilains !
://Elle a couru aux machinistes.//
:Lâchez-le, vous deux. Ils m’embêtent après tout, avec leur histoire. Ce qui est juré est juré. Je viens avec vous chez Poccardi !
//Elle lui a pris le bras et regarde les autres.//
;MADAME ALEXANDRA
://se retourne vers les autres.//
:Qu’est-ce qu’elle raconte maintenant celle-là? Mais on n’en finira donc jamais? Qu’est-ce que c’est que cette histoire de Poccardi, petite idiote ? Vous n’avez donc pas compris qu’on vous engageait et que vous répétiez ce soir?
;COLOMBE
://serrée contre Julien//
:Si. Mais je suis prise. Je suis invitée.
;MADAME ALEXANDRA
://hurle//
:Ce n’est plus un théâtre, c’est un asile ! Desfournettes, convoquez-la votre petite putain. Elle est laide comme un derrière de singe, mais avec ce que j’imagine d’elle, elle ne nous fera pas d’histoires, au moins, celle-là !
://Elle sort furieuse.//
;DESFOURNETTES, la suivant
:Merci ! Merci, ~Madame-Chérie ! Et vous verrez, elle est pourrie de talent !
://Ils sont sortis. ~Poète-Chéri, raide, toise Julien.//
;~POÈTE-CHÉRI
:Monsieur, deux de mes amis seront chez vous demain.
;JULIEN
:Bravo. Mais ils ne me trouveront pas.
//Il a pris Colombe par la taille.//
Nous déménageons ce soir tous les deux !
;~POÈTE-CHÉRI
://ulcéré, lui jette avant de partir//
:Petite dinde !
://Et il se sauve aussi vite que sa dignité le lui permet.//
;JULIEN
: //a voulu bondir. Colombe le retient.//
;COLOMBE
://tendrement//
:Non.
;JULIEN
:Pourquoi non? Vous n’avez pas entendu ce qu’il a dit?
;COLOMBE
:Non. J’ai entendu autre chose. Je suis trop heureuse.
;ARMAND
://qui est resté, seul, souriant, assis sur le piano//
:Hé bien ! mes tourtereaux, pour une fin d’acte, c’est une fin d’acte ! Ça c’est du théâtre ! Et il y a longtemps que vous vous connaissez ?
;JULIEN
:Non. Une heure.
;COLOMBE
://doucement//
:Ne le lui dites pas. Il ne va pas nous croire...
;ARMAND
:Alors, vous préférez passer la soirée chez Poccardi avec cet ours plutôt que de débuter au théâtre ? Mais il y en a une comme cela tous les mille ans ! Où l’as-tu trouvé ce phénomène-là ?
;JULIEN
://doucement//
:Dans mon cœur.
;ARMAND, //gentil//
:Je m’en doute bien. Mais ce qui est drôle c’est qu’elles se ressemblent... Tu ne vas pas la rendre trop malheureuse, tout de même ? Tu ne vas paH lui faire trop de morale ?
;JULIEN
: //sourit//
:Non.
;ARMAND
: //s’est levé, souriant//
:Soyez heureux mes enfants et faites-en beaucoup d’autres ! Mais comme après ce coup-là, j’ai l’impression que taper maman c’est du domaine de l’utopie... Tiens. J’ai gagné, hier, pour une fois. Partageons en frères.
;JULIEN
:// prend l’argent//
:Tu es gentil Armand.
;ARMAND
:// sourit, regardant Colombe//
:Non, ne confonds pas : égoïste. Comme cela, moi aussi je serai un peu chez Poccardi, avec elle.
//Il s’en va, leur faisant un petit salut cocasse de loin en leur criant.//
Bon appétit ! Ne mangez pas tout. Qu’il en reste !
;COLOMBE
: //lui crie gentiment aussi//
:Merci monsieur !
://Il est sorti. Ils se retournent l’un vers l’autre.//
:Voilà.
;JULIEN
:Voilà. Maintenant l’histoire commence. Je n’oublierai jamais ce que vous avez fait.
;COLOMBE
:Il ne faut pas me remercier. Je ne l’ai même pas fait exprès. Quand ils ont voulu vous emmener, ça m’a fait mal dans moi. J’ai crié. Et puis, je me suis trouvée dans vos bras. C’est trop vite n’est-ce pas, c’est trop vite, ce n’est pas sérieux?
;JULIEN
:Oui c’est vite, mais je crois tout de même que c’est sérieux... et que ça durera !
://Il l’embrasse. Elle se serre contre lui et murmure ://
;COLOMBE
:Oh ! mon chéri ! J’en suis sûre à présent. Toujours.
;JULIEN
://sans rire//
:Oui, toujours. C’est le moins qu’on puisse faire.
://Colombe se serre de toutes ses forces contre lui, murmurant encore.//
;COLOMBE
:Toujours. Toujours. Toujours. Toujours.
://Ils s’embrassent encore, puis Julien la prend par la main.//
;JULIEN
:Vite, mon amour! Nous n’avons plus une minute à perdre !...
://Et ils se sauvent en courant, gaîment, à travers le théâtre sombre, vers leur destin, le rideau tombe.//
FIN DE «COLOMBE».
<<gradient vert #ffaaaa>>
!"Le Mariage de Figaro"
{{center{
!!!!!//par LA COMPAGNIE COLETTE ROUMANOFF AU THÉÂTRE FONTAINE//
/%
|Description:|LE MARIAGE DE FIGARO samedi 19 mars 14:30 Théâtre Fontaine|
%/{{center{[img[http://www.theatre.roumanoff.com/img/mariage-de-figaro.jpg]]}}}
''samedi 19 mars 14:30 ''
Théâtre Fontaine : 10 rue Pierre Fontaine - 75009 PARIS
Métro Blanche (ligne 2) ou St Georges (ligne 12)
Autobus 74
Parking Trinité, 10 rue Pigalle.
Téléphone du théâtre : 01 48 74 74 40
!COMPREND QUI PEUT
!!!!!!//Paroles et musique de Boby Lapointe //
Marcel n'est pas ce qu'on appel'
Un intellectuel
Marcel, Marcel
Quand je l'apel'
Moi je l'appel' Marcel
l' n' répond pas, mais il approch'
De sa démarch' gauch'
Et l'on peut voir
Dans son regard
Comm' un' lueur d'intelligence
Il sait de quoi j'ai envie
Il n'est pas si bête
Il sait que c'est de son vigoureux corps d'athlèt'
Je pose ma main sur son gros bras que
m'arriv'-t-il ça fait tilt
Il me sussur' le curieux refrain
Tiens ! voilà du boudin
Et puis en roulant les "R"
Oh, le grand nigaud
Il m'dit j'vais te fair'
L'fameux coup du légionnair'
Et du sable chaud
Dans la légion étrangère
J'aime son heureux caractère
Tout' ses affaires
Et c'est pour ça que
Je dis que l'amour,
Même sans amour
C'est quand même l'amour !
Comprend qui peut ou comprend qui veut !
Celles qui croient que mon Marcel
Ça n'est qu'un manuel
Elles connaiss'nt rien :
Ya pas qu'ses mains qui font des choses bien
Pis d'ailleurs moi j'ai pas le temps de savoir qui
est Marcel
Car mon Marcel
Il me harcèle
Marcel me harcèle
Marcel me harcèle
C'est comm' s'il avait deviné c'dont j'ai envie
J'dirais mêm' qu'il a si vigoureux appétit
Que je jurerais parfois qu'il a divi -
Qu'il a divinement
Fait tout ce qu'il faut faire pour mon con...
Oui, mon contentement
Il sait de quoi j'ai envie.
Il n'est pas si bête
Il sait que c'est de son vigoureux corps d'athlète
J'aime son heureux caractère
Tout' ses affaires, et c'est pour ça que
Je dis que l'amour,
Même sans amour,
C'est quand même l'amour
C'omprend qui peut ou comprend qui veut !
Si je trouve parfaitement déplacé de déplier au grand jour l’atlas de sa vie privée, je pense tout de même qu’il convient de ne pas se montrer absolu dans le sens contraire et que rien ne s’oppose à la publication de certains souvenirs si ceux-ci n’attentent en rien à la bonne tenue et à l’honnêteté.
Aussi vais-je me permettre de vous conter une aventure qui m’advint à l’âge de dix-huit ans, âge charmant du printemps de l’amour.
:Cette aventure, d’origine purement sentimentale, fut empreinte d’une telle drôlerie, d’une telle cocasserie, qu'à quelque vingt ans de distance j’en ris encore aux larmes rien que d’y penser.
:J’eusse donc été ravi de vous la narrer dans le détail, persuadé qu’elle vous eût agréablement diverti, mais il me revient tout à coup que ce n’est pas à moi que cette aventure est arrivée, mais à un autre, ce qui, évidemment, n’offre plus aucun intérêt.
Je m’excuse de cet impair, totalement indépendant de ma volonté, et vous prie, néanmoins, de croire à mes sentiments les meilleurs.
<<back>>
<<tag 'Jeudi 24 mai à ST ÉLOI'>>
!Ordre du jour des séances d'atelier
{{indent fine blue{Mises à jour faites au plus tard le dimanche pour la semaine suivante.}}}
//Dans le calendrier, cocher la date pour afficher l'ordre du jour actuellement prévu.//
<html><iframe src="https://calendar.google.com/calendar/embed?title=SEPTUAS%20%2B%20%2B%20%20%20Ateliers%20Th%C3%A9%C3%A2tre%20et%20Plaisir%20de%20Dire&showPrint=0&showTz=0&height=480&wkst=2&bgcolor=%23ccffff&src=fr.french%23holiday%40group.v.calendar.google.com&color=%2329527A&src=c2eb8s66q4j0c0ftpigsprcr2s%40group.calendar.google.com&color=%231B887A&src=77jlq68nq3kfp7bbqflj7ccokc%40group.calendar.google.com&color=%238C500B&ctz=Europe%2FParis" style="border-width:0" width="640" height="480" frameborder="0" scrolling="no"></iframe></html>
{{fine italic right{Il est nécessaire d'être en ligne pour que le calendrier s'affiche.}}}
+++[Absences prévisionnelles]
<<tiddler Absences>>
===
<<back>>
/%
<br><br><br><br>
%/
!Capitaine Bada
{{center{
!!!!Jean Vauthier
}}}
+++^90%^*[Capitaine Bada ]
Après des débuts dans le journalisme, le dessin et la peinture, Jean Vauthier écrit Capitaine Bada en 1949. La pièce est jouée pour la première fois au Théâtre de Poche, le 10 janvier 1952, dans une mise en scène d’André Reybaz. En 1966, l’acteur et metteur en scène Marcel Maréchal s’empare du texte et du personnage et leur fait donner leur pleine mesure. Bada est l’un des surnoms enfantins d’un tonitruant mais plus banal René Dupont, figure extravagante de l’artiste créateur entièrement tourné vers lui-même. Mystique, lyrique, génial et en même temps poète empêché qui n’arrive pas à produire l’œuvre qui le tourmente. Son occupation principale est de se quereller avec Alice, lajeunc fille qui lui rend visite et attise son désir. On les retrouve à l’acte III mariés et fanés, toujours en dispute jusqu’à ce qu’un employé des pompes funèbres emporte Bada dans machine volante. Nous sommes ici au début de la pièce : Bada priait, Alice arrive et il est tourneboulé par ses seins, scs bras, sa beauté...
=== +++^90%^*[Du texte à la scène Marcel MARÉCHAL]
Théâtre du Cothurne, Lyon
Capitaine Bada suit le destin d’un homme et d'une femme à trois moments de leur existence trois actes. A l’acte I, ils sont en pleine jeunesse ; i L/ l'adolescence de leur couple. A l’acte II, on i twiste à la vie de ce couple après la noce. Et au troisième à la confrontation de ce couple aux
problèmes du quotidien, à son vieillissement. Bada est toujours soumis aux affres de sa création ; Alice aux épreuves matérielles de la réalité. Avec Vauthier, on est dans la tension perpétuelle entre deux extrêmes : le grandiose et le grotesque, la sincérité et le jeu, l’artiste et T Autre, la
créateur avec son œuvre. Bada, c’est un peu Vauthier, celui qui passe son temps à écrire sans rien écrire, comme ce fut le cas au début de sa vie ; c’est le poète et ses névroses, ses grandeurs, son aspiration à la pureté. Ce qui le sauve, c’est l'humour. « Bada » est un surnom amoureux donné par Alice à René Dupont dit « Dédé » puis « Dédéboum » et, de là, « Badaboum ».
Le style de Vauthier est très moderne, lyrique et quotidien à la fois. Toute la scénographie* du spectacle a été conçue sur le mode de la piste ou du ring, pour exprimer la lutte entre les protagonistes. Au fil des actes et de l'évolution du couple, cette piste se transforme. La lumière suit cette transformation : d'un jeu multicolore au premier acte à la pièce noire, aveugle, du dernier. Il en va de même pour les costumes : de l'élégance très « jeunes premiers » du début, Alice et Bada passent à la tenue des mariés puis, au troisième acte, Bada se retrouve en toge, muni de son casque à plumes. Une phrase issue du Sang résume bien la pensée de Vauthier : « La mort est là, tu dois servir la vie. »
création et la vie pratique, l’homme et lafemme. Cette scène est typique de ce principe d’opposition : elle symbolise le conflit entre le spirituel et le terrestre. Alice représente le dévouement grandiose de la femme du poète ; Bada, le héros presque nietzschéen en quête de dépassement. Il est en prière depuis le début, dans line attitude de moine ascète, puis prend brusquement des allures et un langage de bouffon.
Vauthier est le champion de la rupture. On passe du sublime au grossier, ce qui demande à l’acteur un jeu justement tout en ruptures, dont on a, dans Capitaine Bada, un exemple typique. Cela exige une grande sincérité. Bada s'invente, se cite, se fabrique une folie en direct, avec une lucidité totale. C’est une sorte d'Ubu intérieur. Alice l’aime profondément. L'actrice ne doit pas jouer contre lui, mais en symbiose, avec et pour Bada. Leur lutte prend ainsi une dimension fraternelle. C'est d'ailleurs tout l’intérêt de la pièce, ce combat pour l'unité. Ces frottements qu’engendre la difficidtéd'exister ensemble, que ce soit pour le couple ou pour le
=== +++^90%^*[Commentaire]
Bada fait théâtre de son émoi. Il est beaucoup question de Dieu, que ce soit pour une invocation, « Dieu de la pureté, donnez-moi la force », pour un partage, « [njous prierons ensemble », pour un débat moral, « tu me forces à pécher », ou pour le grand combat avec le Malin décrit comme un tableau baroque avec un archange lepée brandie, « les légions noires » des démons et les nuées qui s’écartent. Soudain l’inspiration dérape et le juron se I,mille : « Mais pourquoi donc, nom de Dieu ! ». L’enjeu serait de « [n]e pas succomber ». Ou déjouer à cela. En face il y a Alice et ses merveilles, ses « cheveux d’or », « la maléfique luminosité de cette gorge ». Le registre de langage n’est pas toujours si relevé, « nichons », « c’est ferme comme du jambonneau », « c’est bien foutu ». L’enjeu est fort : « Dédéboum, c’est toute ma vie qui se joue et je te l’offre, cette vie. » Bada en vient aux insultes : « I lorreur ! Furoncle ! » Il perd ses mots : « Pschitt ! Pam-pam ! » Il menace : «Je vais techarper », et cite, de travers, un poème de Baudelaire : « Je te frapperai sans colère / et sans haine, comme un boucher », L’Héautontimorouménos, c’est-à-dire le bourreau de soi-même. Serait-ce une piste ? Jean Vauthier fait un usage original des didascalies* ; il y a les normales, cl il ajoute des notes marginales //(signalées ici entre crochets)// qui accompagnent le mouvement ou caractérisent le jeu, « [b]oujfonnerie avouée mais pathétique ». Ce commentaire permanent d’un personnage qui se regarde faire est la clé de l’œuvre. Voici Bada I", roi de hou ihéâtre intérieur !
===
!!!Acte I - Bada, Alice
;BADA.
://(crescendo)//.
:Cette petite personne, ce petit monstre qui vient me chercher des crevettes sous les aisselles !
;ALICE.
:Quoi ! qu’est-ce qu’il dit ?
;BADA.
:Allons ! c’est bon pour cette fois-ci.
:Dieu de la pureté, donnez-moi la force d’un gigantesque frère inférieur et la ruse de la puce, pour m’éviter de regarder la maléfique luminosité de cette gorge qu’il vous a plu de m’envoyer, attachée au thorax, que dis-je ? au torse - un torse ! un torse d’adolescent pourvu d’une paire de... Ah ! c’est toi.
://Il claque des doigts.//
;ALICE.
://[la défense de ses droits donne à la jeunefille une efficacité surprenante]//.
:Il est un temps pour tout. Marié avec moi, tu pourrais prier. Nous prierons ensemble. Alors que tout seul tu dois t’ennuyer, ne pas finir ce que tu commences, prendre de mauvaises habitudes.
;BADA.
:Ah !!!
://Terrifié. Départ oblique, les bras sur la tête.//
;ALICE.
:Tu supportais si mal la solitude !
;BADA.
:Ici ! dans mon lieu de prières et de pénitence.
://[Entièrement mobilisé.]//
:Crapule ! attention. Je vais te faire du mal. Je vais t echarper.Te réduire au silence, tuméfier tes nichons et faire jaillir ta petite salive et te prendre sous le feu de mes malédictions. Ah ! Ah !! Pschitt ! Pschitt ! Pam-pam ! Pam-pam-pam-pam-pam ! Pam-pam-pam !
;ALICE.
:Oh ! tais-toi.Tu recommences.
://[Très douce et malheureuse.]//
:Dédéboum, c’est toute ma vie qui se joue et je te l’offre, cette vie. Cesse de t’amuser, Dédé. BADA. Elle est folle.
;ALICE.
:Mais qu’attends-tu pour me serrer dans tes bras et me faire oublier toutes tes excentricités ! A-t-on idée, à plus de vingt-cinq ans, après la vilaine vie que tu as menée, vouloir se priver de femme !
://[Révélation d’un secret...]//
:J’ai grandi.
:Tu oublies que nous sommes fiancés.
:Ce sera toi ou personne.
:Réveille-toi. //(Elle enlève son manteau.)//
://[Comme elle est jolie et bien plantée !]//
:Regarde. Regarde ! Ne te plais-je pas ? Vois. En trois ans. Mais regarde donc !
://[Fâchée.]//
:Ah ! belles prières ! Ce n’est pas le moment. Tu es donc toujours aussi méchant...
;BADA.
://[grondant]//.
:Remets ton manteau petite gueuse !
;ALICE.
:Tu me fais rire.
;BADA.
://[grondant]//.
:Allez, pousse-toi.Ton manteau. Tu ne sais pas à quoi tu échappes.
;ALICE.
://[désorientée]//.
:Ce n’est pas un manteau, c’est un blouson.
;BADA.
://[méchant]//.
:Cache ça.
:Tu veux pleurer dans trois secondes ?
;ALICE.
:Mais enfin, j’ai un chandail, dirait-on pas ?
;BADA.
://[dufond de sa rancune]//.
:Oh !
://[ Eploré.]//
:ht tu me forces à pécher au plus fort de ma victoire ! Je les vois encore, je vois tes bras, je les vois, tous deux, si beaux.
:Je te maudis, entends-tu ! Ma vertu s’en va.
://[Gourmand. ]//
:Je pèche, je pèche. Je les vois.
://[Bouffonnerie avouée mais pathétique.]//
:Ah ! où s’en va-t-elle ? ma vertu.Tu es là, vertu ? Est-elle sous un meuble ? Vertu, ma jeune vertu ! es-tu là, vertu ? Non, elle s’enfuit comme une charge électrique, comme une vibration qui va mourir.
://[Malheur réel et simulé.]//
:Comme un lavement. Ah ! que je suis malheureux ! Une fille, une fille aux cheveux d’or a baisé ma vertu au nom de la bêtise moyenne, bêtise bourgeoise, petite bêtise de tous les jours.
://[Tristesse infinie.]//
:Et cette crapuleuse grâce a de beaux membres très peu bourgeois. Car elle est saine comme une fille des champs. Allez, ouste ! c’est ferme comme du jambonneau - allez, allez ! c’est plein, c’est rebondi. C’est du muscle, c’est bien foutu. Allez ! tonnerre ! décampez !
:Tu ne dis rien ?
;ALICE.
:Non.
;BADA.
:Tant mieux, tu fais bien. Je t’ai tout de même vaincue. Va-t’en. Ne pleure pas. À quoi ça sert ? Fais voir. Drôle, hein ? cela ne me fait absolument rien.
;ALICE.
://[sensible, sans sensiblerie]//.
:Tu m’as dit la même chose dans l’allée des Tonneins, il y a quatre ans.
;BADA.
:Peut-être bien.
:Mais comprends-tu l’importance pour moi, l’importance extraordinaire de pouvoir te résister ?
:Ne pas succomber.
:Avec le passé que j’ai, résister à la sirène que le Malin a faite de toi peut sembler une gageure. Et pourtant, nous voici arrivés à la porte et j’ai encore un cœur de fer ! Tu entends : de fer ! Je pourrais te voir mourir sans émoi. Mais, naturellement, je ne suis pas seul. Il est bien probable que Dieu m’a délégué quelques-uns de ses familiers pour me soutenir dans ces moments cruciaux.
://[Ton de conversation.]//
:Tiens, mouche-toi.
:Et tu fais bien d’obtcmpcrer sans plus de résistance, car j’aurais été comme le personnage de Baudelaire, tu sais bien : « Je te frapperai comme un boucher, etc. » Mais c’est une image, bien entendu.
:Je t’aurais plutôt écartée, avec une épée de feu.
://[Face au public.]//
:Je serais venu à toi comme un archange, avec mon épée brandie, et tu n’aurais pas insisté.
://[Déclamé.]//
:Parce que ceux qui se réclament de Dieu et donnent incessamment des preuves de leur dévotion, ceux-là ont la majesté d’une proue avancée dans le flot tumultueux.
://[Trèspris, très beau.]//
:Et les ressacs se brisent, et les légions noires, les masses des démons évoluent, là, tout près, mais de son épée l’enfant de Dieu écarte ces nuées ! Et la paix resplendit.
://[Jeu presque conventionnel : il la cherche à gauche quand elle vient à sa droite.]//
:Ecarte ces nuées, et la paix resplendit. Alors l’homme vaillant... - Où est-elle ? L’homme vaillant entend une trompette mélodieuse.
:Où es-tu Alice ?
;ALICE.
:Je suis là...
;BADA.
://[excessif, « hystérique »]//.
:Ahhb ! Je suis là, je suis là...
://[Bada connaît la part dejeu, d’enflure, de bouffonnerie, dont il use.]//
:En voilà des façons. Qu’est-ce que je disais ? Tu ne devrais pas être là. Horreur ! Furoncle ! Actrice ! Perfidie triple ! Effroi des séraphins !
;ALICE.
:Tu ris.
:Bada. Non, surtout pas ! Que le monde s’écroule plutôt ! surtout pas ! Ab ! ah ! éternuement de mon âme, miel de l’atroce, serait-ce vrai ?
://[Avec ses dix doigts dans la figure.]//
:Je sens tout doucement le péché mortel se dessiner là, entre ces deux rides que voici ! Pourrai-je me retenir ? Non... je... je... le voilà ! Pourquoi ! Pourquoi, peux-tu me l’expliquer ? Mais pourquoi donc, nom de Dieu !
;ALICE.
:Oh !
;BADA.
://[effondrement]//.
:Malheur... //[Pose tragique.]//
;ALICE.
:Tu vois, Dédéboum, à vouloir trop pousser les choses on dépasse le but, et il y a plus île mal que de bien.
!!!!!!Extrait tiré de : Capitaine Bada, suivi de Badadesques, Paris, Gallimard, « Le Manteau d’Arlequin », 1966. © L’Arche Éditeur, I*. iris, 1953
:)//
/%
|exercice|groupe mouvement|
|niveau|Moins facile|
%/
!!!!Caricaturer sa démarche
Tous marchent.
<<<
*L’animateur invite à analyser sa propre démarche :
**le point d’appui, la position des pieds, le bassin, les bras, la tête.
*Puis chacun choisit une de ces spécificités et l’exagère.
<<<
On voit peu à peu apparaître des personnages.
!!!!Arrêts sur image
<<<
*On joue en accéléré et sans paroles une scène (conte de fée, légende mystérieuse ou fantastique, ou une scène de la pièce !)
*l’animateur commande des arrêts sur image.
<<<
Tous se figent : on fait le bilan critique de la « photo »
!Ce petit mot
!!!!{{center{Louise}}}
Ce petit mot
:de rien du tout
Change la vie du tout au tout
Ce petit mot
:sans importance
:Quand dans le cœur prend de la place
::Appelle l'àme
::trouble les sens
:Et tout devient enchantement
Avec ce mot
tout simplement
Un beau soir
:au crépuscule
:Au grand ballet des libellules
::J'étais perdue dans mes pensées
Ce petit mot s'est présenté
Il lui a suffi de paraître Pour s'emparer de mon être
Où depuis il règne en maître
Il a un effet magique
:Au moral comme au physique
Il ensorcelle
il ennivre
Sans lui on ne peut vivre
Il est la perte et le salut
Il est total sans retenue
Et conduit là où il veut
:Soit en enfer
:soit dans les cieux
Il est
:la clé du bonheur
:Le miracle rédempteur
:Régit et mène le monde
:Le façonne le féconde
:Sème le long du parcours Des fleurs au parfum d'amour
Il résout bien de problèmes
Permet d'écrire de beau poèmes
Ce simple petit mot
:Je t'aime
::je t'aime
:::je t'aime
{{center{[img(33%,)[https://theseuse.files.wordpress.com/2012/05/einstein-if-you-cant-explain-it-simply-you-dont-understand-it-well-enough.jpg]]}}}
!Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement
!!!!!{{center{L'art poétique
Nicolas Boileau (1636-1711)
//(Chant I - Extraits)//}}}
67t:[[Michèle|https://giga.gg/l/579df377d9e5df0c428b4582]] [[Christel|https://giga.gg/l/579df3e8f6e5df6db28b4635]]
...
{{center{
Avant donc que d'écrire, apprenez à penser.
Selon que notre idée est plus ou moins obscure,
L'expression la suit, ou moins nette, ou plus pure.
Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement,
Et les mots pour le dire arrivent aisément.
…
Travaillez à loisir, quelque ordre qui vous presse,
Et ne vous piquez point d'une folle vitesse :
Un style si rapide, et qui court en rimant,
Marque moins trop d'esprit que peu de jugement.
J'aime mieux un ruisseau qui, sur la molle arène,
Dans un pré plein de fleurs lentement se promène,
Qu'un torrent débordé qui, d'un cours orageux,
Roule, plein de gravier, sur un terrain fangeux.
Hâtez-vous lentement, et, sans perdre courage,
Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage :
Polissez-le sans cesse et le repolissez ;
Ajoutez quelquefois, et souvent effacez.
…
Craignez-vous pour vos vers la censure publique ?
Soyez-vous à vous-même un sévère critique.
L'ignorance toujours est prête à s'admirer.
Faites-vous des amis prompts à vous censurer ;
Qu'ils soient de vos écrits les confidents sincères,
Et de tous vos défauts les zélés adversaires.
Dépouillez devant eux l'arrogance d'auteur,
Mais sachez de l'ami discerner le flatteur :
Tel vous semble applaudir, qui vous raille et vous joue.
Aimez qu'on vous conseille, et non pas qu'on vous loue.
}}}
!Celle que j'aime
>//A une jeune personne à la noble tournure, aux yeux grands et noirs.//
Celle que j'aime a de grands yeux
Sous de brunes prunelles ;
Celle que j'aime sous les cieux
Est la belle des belles.
Elle dore, embellit mes jours,
Oh ! si j'étais à même,
Mon Dieu, je voudrais voir toujours
Celle que j'aime.
Celle que j'aime est douce à voir,
Il est doux de l'entendre ;
Sa vue au coeur fixe l'espoir
Que sa voix fait comprendre.
Son amour sera-t-il pour moi,
Pour moi seul, pour moi-même ?
Si j'aime, c'est que je la vois
Celle que j'aime.
Auprès d'elle, hélas ! je ressens
Une émotion douce ;
Absente, vers elle en mes sens
Quelque chose me pousse.
Pour moi dans le fond de son coeur
S'il en était de même ?
Aurait-elle un regard trompeur,
Celle que j'aime ?
Celle que j'aime, hélas ! hélas !
A son tour m'aime-t-elle ?
Je ne sais ; je ne lui dis pas
Que son oeil étincelle.
Est-ce pour moi qu'il brille ainsi ?
Félicité suprême !...
Ailleurs l'enflamme-t-elle aussi,
Celle que j'aime ?
Si trompant ma naïveté
Par son hypocrisie,
Elle se sert de sa beauté
Pour me briser ma vie !
Son coeur peut-il être si noir ?
Oh ! non ; c'est un blasphème !
Un blasphème !... il ne faut que voir
Celle que j'aime.
Non, non, amour, amour à nous
Car en te faisant femme,
Dieu, je lui rends grâce à genoux,
Te donna de mon âme.
Accours ! je m'attache à tes pas
Dans mon ardeur extrême...
Peut-être, elle ne m'aime pas,
Celle que j'aime.
{{center{
!Certes, elle n'était pas femme
[img(60%,)[http://entendre-victor-hugo.com/wp-content/uploads/2015/05/certe-ellenetaitpas-femme-vi-lyre.jpg]]
Certes, elle n'était pas femme et charmante en vain,
Mais le terrestre en elle avait un air divin.
Des flammes frissonnaient sur mes lèvres hardies ;
Elle acceptait l'amour et tous ses incendies,
Rêvait au tutoiement, se risquait pas à pas,
Ne se refusait point et ne se livrait pas ;
Sa tendre obéissance était haute et sereine ;
Elle savait se faire esclave et rester reine,
Suprême grâce ! et quoi de plus inattendu
Que d'avoir tout donné sans avoir rien perdu !
Elle était nue avec un abandon sublime
Et, couchée en un lit, semblait sur une cime.
À mesure qu'en elle entrait l'amour vainqueur,
On eût dit que le ciel lui jaillissait du coeur ;
Elle vous caressait avec de la lumière ;
La nudité des pieds fait la marche plus fière
Chez ces êtres pétris d'idéale beauté ;
Il lui venait dans l'ombre au front une clarté
Pareille à la nocturne auréole des pôles ;
À travers les baisers, de ses blanches épaules
On croyait voir sortir deux ailes lentement ;
Son regard était bleu, d'un bleu de firmament ;
Et c'était la grandeur de cette femme étrange
Qu'en cessant d'être vierge elle devenait ange.
!!!!!Victor Hugo
!!!!!!//Toute la lyre//
}}}
{{center{^^//<<storyViewer amour previous>><<storyViewer amour list>><<storyViewer amour next>>//^^
!« Certitude »
!!!!!!//Paul Éluard//
Si je te parle c’est pour mieux t’entendre
Si je t’entends je suis sûr de te comprendre
Si tu souris c’est pour mieux m’envahir
Si tu souris je vois le monde entier
Si je t’étreins c’est pour me continuer
Si nous vivons tout sera à plaisir
Si je te quitte nous nous souviendrons
En te quittant nous nous retrouverons.
}}}
!Ces liens d’or, cette bouche vermeille//
Pierre de Ronsard//
{{center{
Ces liens d’or, cette bouche vermeille,
Pleine de lis, de roses et d’oeillets,
Et ces coraux chastement vermeillets,
Et cette joue à l’Aurore pareille ;
Ces mains, ce col, ce front, et cette oreille,
Et de ce sein les boutons verdelets,
Et de ces yeux les astres jumelets,
Qui font trembler les âmes de merveille,
Firent nicher Amour dedans mon sein,
Qui gros de germe avait le ventre plein
D’oeufs non formés qu’en notre sang il couve.
Comment vivrai-je autrement qu’en langueur,
Quand une engeance immortelle je trouve
D’Amours éclos et couvés en mon coeur ?
!!!!!!Pierre de Ronsard
}}}
{{center{[img(33%,)[http://statics.lesinrocks.com/content/thumbnails/uploads/2015/10/didierblonde-tt-width-604-height-602-crop-0-bgcolor-000000-nozoom_default-1-lazyload-0.jpg]]}}}
!Femme
!!!!!{{center{//proposé par Muriel//}}}
{{center{
Elle est étrange
Ruisselante de bonté
Est-elle un ange
Pour avoir tant d'aménité
Vais-je le lui demander
Ou mon silence sera-t-il une charité
J’esquisse une danse
Elle s'avance
Et ses yeux lancent
Des gerbes d’étincelles
Qui m’appellent
Un moment deux trois
Je ne sais pas
Et c’est bien comme ça
Elle ne fait pas l’ange
Cette femme étrange
Qui ne parle qu’avec ses yeux
Pour que je la comprenne mieux
}}}
{{center{
!Chandernagor
!!!!!//Guy Béart//
}}}
Elle avait, elle avait
Un Chandernagor de classe
Elle avait, elle avait
Un Chandernagor râblé
Pour moi seul, pour moi seul
Elle découvrait ses cachemires
Ses jardins, ses beau quartiers
Enfin son Chandernagor
Pas question
Dans ces conditions
D'abandonner les Comptoirs de l'Inde
Elle avait, elle avait
Deux Yanaon de cocagne
Elle avait, elle avait
Deux Yanaon ronds et frais
Et moi seul et moi seul
M'aventurais dans sa brousse
Ses vallées ses vallons
Ses collines de Yanaon
Pas question
Dans ces conditions
D'abandonner les Comptoirs de l'Inde
Elle avait, elle avait
Le Karikal difficile
Elle avait, elle avait
Le Karikal mal luné
Mais la nuit j'atteignais
Son nirvana à heure fixe
Et cela en dépit
De son fichu Karikal
Pas question
Dans ces conditions
D'abandonner les Comptoirs de l'Inde
Elle avait, elle avait
Un petit Mahé fragile
Elle avait, elle avait
Un petit Mahé secret
Mais je dus à la mousson
Éteindre mes feux de Bengale
M'arracher, m'arracher
Aux délices de Mahé
Pas question
Dans ces conditions
De faire long feu dans les Comptoirs de l'Inde
Elle avait, elle avait
Le Pondichéry facile
Elle avait, elle avait
Le Pondichéry accueillant
Aussitôt, aussitôt
C'est à un nouveau touriste
Qu'elle fit voir son comptoir
Sa flore, sa géographie
Pas question
Dans ces conditions
De revoir un jour les Comptoirs de l'Inde
Quel jour sommes-nous
Nous sommes tous les jours
Mon amie
Nous sommes toute la vie
Mon amour
Nous nous aimons et nous vivons
Nous vivons et nous nous aimons
Et nous ne savons pas ce que c’est que la vie
Et nous ne savons pas ce que c’est que le jour
Et nous ne savons pas ce que c’est que l’amour.
{{center{
!Chanson
}}}
Si je perds bien des maîtresses,
J'en fais encor plus souvent,
Et mes vœux et mes promesses
Ne sont que feintes caresses,
Et mes vœux et mes promesses
Ne sont jamais que du vent.
Quand je vois un beau visage,
Soudain je me fais de feu ;
Mais longtemps lui faire hommage,
Ce n'est pas bien mon usage ;
Mais longtemps lui faire hommage,
Ce n'est pas bien là mon jeu.
J'entre bien en complaisance
Tant que dure une heure ou deux ;
Mais en perdant sa présence
Adieu toute souvenance ;
Mais en perdant sa présence
Adieu soudain tous mes feux.
Plus inconstant que la lune,
Je ne veux jamais d'arrêt ;
La blonde comme la brune
En moins de rien m'importune ;
La blonde comme la brune
En moins de rien me déplaît.
Si je feins un peu de braise,
Alors que l'humeur m'en prend,
Qu'on me chasse, ou qu'on me baise,
Qu'on soit facile ou mauvaise,
Qu'on me chasse, ou qu'on me baise,
Tout m'est fort indifférent.
Mon usage est si commode,
On le trouve si charmant,
Que qui ne suit ma méthode
N'est pas bien homme à la mode,
Que qui ne suit ma méthode
Passe pour un Allemand.
!!!!!Pierre Corneille (1606-1684)
!!!!!!//Poésies diverses.//
J'aurais aimé ma belle
T'écrire une chanson
Sur cette mélodie
Rencontrée une nuit
J'aurais aimé ma belle
Rien qu'au point d'Alençon
T'écrire un long poème
T'écrire un long " je t'aime "
Je t'aurais dit " amour "
Je t'aurais dit " toujours "
Mais de mille façons
Mais par mille détours
Je t'aurais dit " partons "
Je t'aurais dit " brûlons
Brûlons de jour en jour
De saisons en saisons "
Mais le temps que s'allume
L'idée sur le papier
Le temps de prendr' un' plume
Le temps de la tailler
Mais le temps de me dire
Comment vais-je l'écrire
Et le temps est venu
Où tu ne m'aimais plus
Mais le temps que s'allume
L'idée sur le papier
Le temps de prendre une plume
Le temps de la tailler
Mais le temps de me dire
Comment vais-je l'écrire
Et le temps est venu
Où tu ne m'aimais plus
Où tu ne m'aimais plus
!Chanson d'après-midi
{{center{
!!!!!!Charles BAUDELAIRE<br>//(1821-1867)//
/%
|auteur|Charles BAUDELAIRE |
|Description|Quoique tes sourcils méchants|
%/
Quoique tes sourcils méchants
Te donnent un air étrange
Qui n'est pas celui d'un ange,
Sorcière aux yeux alléchants,
Je t'adore, ô ma frivole,
Ma terrible passion !
Avec la dévotion
Du prêtre pour son idole.
Le désert et la forêt
Embaument tes tresses rudes,
Ta tête a les attitudes
De l'énigme et du secret.
Sur ta chair le parfum rôde
Comme autour d'un encensoir ;
Tu charmes comme le soir,
Nymphe ténébreuse et chaude.
Ah ! les philtres les plus forts
Ne valent pas ta paresse,
Et tu connais la caresse
Qui fait revivre les morts !
Tes hanches sont amoureuses
De ton dos et de tes seins,
Et tu ravis les coussins
Par tes poses langoureuses.
Quelquefois, pour apaiser
Ta rage mystérieuse,
Tu prodigues, sérieuse,
La morsure et le baiser ;
Tu me déchires, ma brune,
Avec un rire moqueur,
Et puis tu mets sur mon coeur
Ton oeil doux comme la lune.
((...(
Sous tes souliers de satin,
Sous tes charmants pieds de soie,
Moi, je mets ma grande joie,
Mon génie et mon destin,
Mon âme par toi guérie,
Par toi, lumière et couleur !
Explosion de chaleur
Dans ma noire Sibérie !)))
}}}
!Chanson d'automne
!!!!!{{center{Paul VERLAINE (1844-1896)}}}
{{center{
Les sanglots longs
Des violons
De l'automne
Blessent mon coeur
D'une langueur
Monotone.
Tout suffocant
Et blême, quand
Sonne l'heure,
Je me souviens
Des jours anciens
Et je pleure
Et je m'en vais
Au vent mauvais
Qui m'emporte
Deçà, delà,
Pareil à la
Feuille morte.
}}}
674: [[p_Marie-France|https://giga.gg/l/577b2931f7e5df410e8b4581]] [[q_Michèle|https://giga.gg/l/577b2c88fee5df0d008b465b]] [[r_Josiane|https://giga.gg/l/577b2fdedde5dfde068b4633]] [[s_Jacques|https://giga.gg/l/577b3172fae5df69008b465f]]
{{center{[img(33%,)[]]}}}
!Chanson de la plus haute tour
!!!!!{{center{Rimbaud}}}
^^//Exercicce d'interprétation d'un poème au hasard//^^
{{center{
Oisive jeunesse
A tout asservie,
Par délicatesse
J'ai perdu ma vie.
Ah ! Que le temps vienne
Où les coeurs s'éprennent.
}}}
!Chant d’automne//
^^Charles Baudelaire^^//
;I
Bientôt nous plongerons dans les froides ténèbres ;
Adieu, vive clarté de nos étés trop courts !
J’entends déjà tomber avec des chocs funèbres
Le bois retentissant sur le pavé des cours.
Tout l’hiver va rentrer dans mon être : colère,
Haine, frissons, horreur, labeur dur et forcé,
Et, comme le soleil dans son enfer polaire,
Mon coeur ne sera plus qu’un bloc rouge et glacé.
J’écoute en frémissant chaque bûche qui tombe ;
L’échafaud qu’on bâtit n’a pas d’écho plus sourd.
Mon esprit est pareil à la tour qui succombe
Sous les coups du bélier infatigable et lourd.
Il me semble, bercé par ce choc monotone,
Qu’on cloue en grande hâte un cercueil quelque part.
Pour qui ? – C’était hier l’été ; voici l’automne !
Ce bruit mystérieux sonne comme un départ.
;II
J’aime de vos longs yeux la lumière verdâtre,
Douce beauté, mais tout aujourd’hui m’est amer,
Et rien, ni votre amour, ni le boudoir, ni l’âtre,
Ne me vaut le soleil rayonnant sur la mer.
Et pourtant aimez-moi, tendre coeur ! soyez mère,
Même pour un ingrat, même pour un méchant ;
Amante ou soeur, soyez la douceur éphémère
D’un glorieux automne ou d’un soleil couchant.
Courte tâche ! La tombe attend ; elle est avide !
Ah ! laissez-moi, mon front posé sur vos genoux,
Goûter, en regrettant l’été blanc et torride,
De l’arrière-saison le rayon jaune et doux !
!!!!!!Charles Baudelaire, Les fleurs du mal
{{homeTitle center{Robert Desnos
CHANTEFABLES ET CHANTEFLEURS
1952}}}
{{menubox big center bold{CHANTEFABLES}}}
{{center{
!!Le Coucou.
[img(33%,)[http://www.ebooks-bnr.com/ebooks/html/desnos_chantefables_et_chantefleurs_fichiers/image002]]
Voici venir le mois d’avril,
Ne te découvre pas d’un fil.
,)
Écoute chanter le coucou !
Voici venir le mois de juin,
C’est du bon temps pour les Bédouins,
J’écoute chanter le coucou.
Voici venir la ~Saint-Martin,
Adieu misère, adieu chagrin,
Je n’écoute plus le coucou.
!!Le Papillon.
[img(33%,)[http://www.ebooks-bnr.com/ebooks/html/desnos_chantefables_et_chantefleurs_fichiers/image003]]
Trois cents millions de papillons
Sont arrivés à Châtillon
Afin d’y boire du bouillon,
~Châtillon-sur-Loire,
~Châtillon-sur-Marne,
~Châtillon-sur-Seine.
Plaignez les gens de Châtillon !Ils n’ont plus d’yeux dans leur bouillon
Mais des millions de papillons.
~Châtillon-sur-Seine,
~Châtillon-sur-Marne,
~Châtillon-sur-Loire.
[img(33%,)[http://www.ebooks-bnr.com/ebooks/html/desnos_chantefables_et_chantefleurs_fichiers/image004]]
!!L’Escargot.
[img(33%,)[http://www.ebooks-bnr.com/ebooks/html/desnos_chantefables_et_chantefleurs_fichiers/image005]]
Est-ce que le temps est beau ?
Se demandait l’escargot
Car, pour moi, s’il faisait beau
C’est qu’il ferait vilain temps.
J’aime qu’il tombe de l’eau,
Voilà mon tempérament.
Combien de gens, et sans coquille,
N’aiment pas que le soleil brille.
Il est caché ? Il reviendra !L’escargot ? On le mangera.
[img(33%,)[http://www.ebooks-bnr.com/ebooks/html/desnos_chantefables_et_chantefleurs_fichiers/image006]]
!!Le Gnou.
[img(33%,)[http://www.ebooks-bnr.com/ebooks/html/desnos_chantefables_et_chantefleurs_fichiers/image007]]
Pan ! Pan ! Pan ! Qui
frappe à ma porte ?
Pan ! Pan ! Pan ! C’est
un jeune faon
Pan ! Pan ! Pan ! Ouvre-moi
ta porte
Pan ! Pan ! Pan ! Je t’apporte
un paon
Pan ! Pan ! Pan ! Ouvre-moi
ta porte
Pan ! Pan ! Pan ! J’arrive
de Laon
Pan ! Pan !
Pan !Mon père est un gnou
Né on ne sait où,
Un gnou à queue blanche
Qui demain dimanche,
Te fera les cornes,
Sur les bords de l’Orne.
!!La Coccinelle.
[img(33%,)[http://www.ebooks-bnr.com/ebooks/html/desnos_chantefables_et_chantefleurs_fichiers/image008]]
Dans une rose à Bagatelle
Naquit un jour la coccinelle.
Dans une rose de Provins
Elle compta jusqu’à cent-vingt.
Dans une rose à Mogador
Elle a vécu en thermidor.
Dans une rose à Jéricho
Elle évita le sirocco.
Dans une rose en Picardie
Elle a trouvé son Paradis :
Coccinelle à sept points,
Bête à bon Dieu, bête à bon-point.
!!Le Brochet.
[img(33%,)[http://www.ebooks-bnr.com/ebooks/html/desnos_chantefables_et_chantefleurs_fichiers/image009]]
Le brochet
Fait des projets.
J’irai voir, dit-il,
Le Gange et le Nil
Le Tage et le Tibre
Et le ~Yang-Tsé-Kiang.
J’irai, je suis libre
D’user de mon temps.
Et la lune ?
Iras-tu voir la lune ?
Brochet voyageur,
Brochet mauvais cœur,
Brochet de fortune.
!!Le Homard.
[img(33%,)[http://www.ebooks-bnr.com/ebooks/html/desnos_chantefables_et_chantefleurs_fichiers/image010]]
Homard le pacha de la mer,
Homard le bleu, homard le rouge,
Homard le nageur à l’envers,
Homard, si tu remues, tu bouges.
Homard, ermite des rochers,
Homard, mauvais garçon, bon prince,
Homard, la gloire des marchés,
Homard, Monseigneur de la Pince.
!!La Fourmi.
[img(33%,)[http://www.ebooks-bnr.com/ebooks/html/desnos_chantefables_et_chantefleurs_fichiers/image011]]
Une fourmi de dix-huit mètres
Avec un chapeau sur la tête,
Ça n’existe pas, ça n’existe pas.
Une fourmi traînant un char
Plein de pingouins et de canards,
Ça n’existe pas, ça n’existe pas.
Une fourmi parlant français,
Parlant latin et javanais,
Ça n’existe pas, ça n’existe pas.
Eh ! Pourquoi pas ?
!!La Sauterelle.
[img(33%,)[http://www.ebooks-bnr.com/ebooks/html/desnos_chantefables_et_chantefleurs_fichiers/image012]]
Saute, saute, sauterelle,
Car c’est aujourd’hui jeudi.
Je sauterai, nous dit-elle,
Du lundi au samedi.
Saute, saute, sauterelle,
À travers tout le quartier.
Sautez donc, Mademoiselle,
Puisque c’est votre métier.
!!La Sardine.
[img(33%,)[http://www.ebooks-bnr.com/ebooks/html/desnos_chantefables_et_chantefleurs_fichiers/image013]]
Une sardine de Royan
Nageait dans l’eau de la Gironde.
Le ciel est grand, la terre est ronde,
J’irai me baigner à Royan,
Avec la sardine,
Avec la Gironde,
Vive la marine !
Et salut au monde !
!!L’Hippocampe.
[img(33%,)[http://www.ebooks-bnr.com/ebooks/html/desnos_chantefables_et_chantefleurs_fichiers/image014]]
Gloire ! Gloire au bel hippocampe,
Cheval marin, cheval de trempe,
Qu’aucun jockey n’a chevauché,
Qu’aucun cocher n’a harnaché.
Hip ! Hip ! Hip ! Pour l’hippocampe.
Gloire ! Gloire au bel hippocampe.
Dans une poche, sur son ventre,
Il porte et il couve ses œufs.
Là, ses petits sont bien chez eux.
Hip ! Hip ! Hip ! Pour l’hippocampe.
!!L’Alligator.
[img(33%,)[http://www.ebooks-bnr.com/ebooks/html/desnos_chantefables_et_chantefleurs_fichiers/image015]]
Sur les bords du Mississipi
Un alligator se tapit.
Il vit passer un négrillon
Et lui dit : « Bonjour, mon
garçon. »
Mais le nègre lui dit : « Bonsoir,
La nuit tombe, il va faire noir,
Je suis petit et j’aurais tort
De parler à l’alligator. »
Sur les bords du Mississipi
L’alligator a du dépit,
Car il voulait au réveillon
Manger le tendre négrillon.
!!Le Léopard.
[img(33%,)[http://www.ebooks-bnr.com/ebooks/html/desnos_chantefables_et_chantefleurs_fichiers/image016]]
Si tu vas dans les bois,
Prends garde au léopard.
Il miaule à mi-voix
Et vient de nulle part.
Au soir, quand il ronronne,
Un gai rossignol chante,
Et la forêt béante
Les écoute et s’étonne,
S’étonne qu’en ses bois
Vienne le léopard
Qui ronronne à mi-voix
Et vient de nulle part.
!!Les Hiboux.
[img(33%,)[http://www.ebooks-bnr.com/ebooks/html/desnos_chantefables_et_chantefleurs_fichiers/image017]]
Ce sont les mères des hiboux
Qui désiraient chercher les poux
De leurs enfants, leurs petits choux,
En les tenant sur les genoux.
Leurs yeux d’or valent des bijoux,
Leur bec est dur comme cailloux,
Ils sont doux comme des joujoux,
Mais aux hiboux point de genoux !
Votre histoire se passait où ?
Chez les Zoulous ? les Andalous ?
Ou dans la cabane bambou ?
À Moscou ? Ou à Tombouctou ?
En Anjou ou dans le Poitou ?
Au Pérou ou chez les Mandchous ?
Hou ! Hou !
Pas du tout c’était chez les fous.
[img(33%,)[http://www.ebooks-bnr.com/ebooks/html/desnos_chantefables_et_chantefleurs_fichiers/image018]]
!!Le Lama.
[img(33%,)[http://www.ebooks-bnr.com/ebooks/html/desnos_chantefables_et_chantefleurs_fichiers/image019]]
Lama, fils de lama
Et père de lama,
Cousin de l’alpaca,
Frère de la vigogne,
Frère du guanaco
A pour toute besogne
D’écouter les échos
Et fuir le loup-garou
Qui vit sous son climat :
Il habite au Pérou
Capitale Lima.
!!Le Crapaud.
[img(33%,)[http://www.ebooks-bnr.com/ebooks/html/desnos_chantefables_et_chantefleurs_fichiers/image020]]
Sur les bords de la Marne
Un crapaud il y a,
Qui pleure à chaudes larmes
Sous un acacia.
— Dis-moi pourquoi tu pleures
Mon joli crapaud ?
— C’est que j’ai le malheur
De n’être pas beau.
Sur les bords de la Seine
Un crapaud il y a,
Qui chante à perdre haleine
Dans son charabia.
— Dis-moi pourquoi tu chantes
Mon vilain crapaud ?
— Je chante à voix plaisante,
Car je suis très beau,
Des bords de la Marne aux bords de la
Seine
Avec les sirènes.
!!Le Kangourou.
[img(33%,)[http://www.ebooks-bnr.com/ebooks/html/desnos_chantefables_et_chantefleurs_fichiers/image021]]
Kangourou premier, roi des kangourous,
Ayant accroché son grand sabre au clou
S’assoit dans un trône en feuilles de
chou.
Sa femme arrivant, pleine de courroux,
Dans sa poche a mis ses fils et ses sous,
Ses gants, son mouchoir et ses
roudoudous.
Kangourou dernier, roi des kangourous,
Avait les yeux verts et les cheveux roux.
Sa femme peignait son royal époux.
Kangourou le Roux, roi des kangourous,
Kangourou dernier, kangourou le roux.
!!Le Zèbre.
[img(33%,)[http://www.ebooks-bnr.com/ebooks/html/desnos_chantefables_et_chantefleurs_fichiers/image022]]
Le zèbre, cheval des ténèbres,
Lève le pied, ferme les yeux
Et fait résonner ses vertèbres
En hennissant d’un air joyeux.
Au clair soleil de Barbarie,
Il sort alors de l’écurie
Et va brouter dans la prairie
Les herbes de sorcellerie.
Mais la prison sur son pelage,
A laissé l’ombre du grillage.
!!La Girafe.
[img(33%,)[http://www.ebooks-bnr.com/ebooks/html/desnos_chantefables_et_chantefleurs_fichiers/image023]]
La girafe et la girouette,
Vent du sud et vent de l’est,
Tendent leur cou vers l’alouette,
Vent du nord et vent de l’ouest.
Toutes deux vivent près du ciel,
Vent du sud et vent de l’est,
À la hauteur des hirondelles,
Vent du nord et vent de l’ouest.
Et l’hirondelle pirouette,
Vent du sud et vent de l’est,
En été sur les girouettes,
Vent du nord et vent de l’ouest.
L’hirondelle,
fait des paraphes,
Vent du sud et vent de l’est,
Tout l’hiver autour des girafes,
Vent du nord et vent de l’ouest.
[img(33%,)[http://www.ebooks-bnr.com/ebooks/html/desnos_chantefables_et_chantefleurs_fichiers/image024]]
!!La Tortue.
[img(33%,)[http://www.ebooks-bnr.com/ebooks/html/desnos_chantefables_et_chantefleurs_fichiers/image025]]
Je suis tortue et je suis belle,
Il ne me manque que des ailes
Pour imiter les hirondelles,
Que ? Que ?
Mon élégant corset d’écailles
Sans boutons, sans vernis, ni mailles
Est exactement à ma taille.
Ni ? Ni ?
Je suis tortue et non bossue,
Je suis tortue et non cossue,
Je suis tortue et non déçue,
Eh ? Non ?
[img(33%,)[http://www.ebooks-bnr.com/ebooks/html/desnos_chantefables_et_chantefleurs_fichiers/image026]]
!!Le Tamanoir.
[img(33%,)[http://www.ebooks-bnr.com/ebooks/html/desnos_chantefables_et_chantefleurs_fichiers/image027]]
— Avez-vous vu le tamanoir ?
Ciel bleu, ciel gris, ciel blanc, ciel
noir.
— Avez-vous vu le tamanoir ?
Œil bleu, œil gris, œil blanc, œil noir.
— Avez-vous vu le tamanoir ?
Vin bleu, vin gris, vin blanc, vin noir.
Je n’ai pas vu le tamanoir !Il est rentré dans son manoir
Et puis avec son éteignoir
Il a coiffé tous les bougeoirs.
Il fait tout noir.
!!La Baleine.
[img(33%,)[http://www.ebooks-bnr.com/ebooks/html/desnos_chantefables_et_chantefleurs_fichiers/image028]]
Plaignez, plaignez la baleine
Qui nage sans perdre haleine
Et qui nourrit ses petits
De lait froid sans garantie.
La baleine fait son nid
Oui mais, petit appétit,
La baleine fait son nid
Dans le fond des océans
Pour ses nourrissons géants.
Au milieu des coquillages,
Elle dort sous les sillages
Des bateaux, des paquebots
Qui naviguent sur les flots.
!!La ~Chauve-Souris.
[img(33%,)[http://www.ebooks-bnr.com/ebooks/html/desnos_chantefables_et_chantefleurs_fichiers/image029]]
À mi-carême, en carnaval,
On met un masque de velours.
Où va le masque après le bal ?
Il vole à la tombée du jour.
Oiseau de poils, oiseau sans plumes,
Il sort, quand l’étoile s’allume,
De son repaire de décombres.
~Chauve-souris masque de l’ombre.
!!Le Pélican
[img(33%,)[http://www.ebooks-bnr.com/ebooks/html/desnos_chantefables_et_chantefleurs_fichiers/image030]]
Le capitaine Jonathan,
Étant âgé de dix-huit ans,
Capture un jour un pélican
Dans une île d’Extrême-Orient.
Le pélican de Jonathan,
Au matin, pond un œuf tout blanc
Et il en sort un pélican
Lui ressemblant étonnamment.
Et ce deuxième pélican
Pond, à son tour, un œuf tout blanc
D’où sort, inévitablement
Un autre qui en fait autant.
Cela peut
durer pendant très longtemps
Si l’on ne fait pas d’omelette avant.
!!Le Blaireau.
[img(33%,)[http://www.ebooks-bnr.com/ebooks/html/desnos_chantefables_et_chantefleurs_fichiers/image031]]
Pour faire ma barbe
Je veux un blaireau,
Graine de rhubarbe,
Graine de poireau.
Par mes poils de barbe !S’écrie le blaireau,
Graine de rhubarbe,
Graine de poireau,
Tu feras ta barbe
Avec un poireau,
Graine de rhubarbe,
T’auras pas ma peau.
!!L’Ours.
[img(33%,)[http://www.ebooks-bnr.com/ebooks/html/desnos_chantefables_et_chantefleurs_fichiers/image032]]
Le grand ours est dans la cage,
Il s’y régale de miel.
La grande ourse est dans le ciel,
Au pays bleu des orages.
Bisque ! Bisque ! Bisque !Rage !Tu n’auras pour tout potage
Qu’un balai dans ton ménage,
Une gifle pour tes gages,
Ta chambre au dernier étage
Et un singe en mariage  !
!!Le ~Martin-Pêcheur.
[img(33%,)[http://www.ebooks-bnr.com/ebooks/html/desnos_chantefables_et_chantefleurs_fichiers/image033]]
Quand Martin, Martin, Martin
Se lève de bon matin,
Le martin, martin-pêcheur
Se réveille de bonne heure.
Il va pêcher le goujon
Dans le fleuve, auprès des joncs,
Se régale d’alevins,
Boit de l’eau mais pas de vin.
Puis Martin, Martin, Martin
Va dormir jusqu’au matin.
Je souhaite de grand cœur
Devenir martin-pêcheur.
!!Le Lézard.
[img(33%,)[http://www.ebooks-bnr.com/ebooks/html/desnos_chantefables_et_chantefleurs_fichiers/image034]]
Lézard des rochers,
Lézard des murailles,
Lézard des semailles,
Lézard des clochers.
Tu tires la langue,
Tu clignes des yeux,
Tu remues la queue,
Tu roules, tu tangues.
Lézard
bleu diamant
Violet
reine-claude,
Et vert d’émeraude,
Lézard d’agrément ![img(33%,)[http://www.ebooks-bnr.com/ebooks/html/desnos_chantefables_et_chantefleurs_fichiers/image035]]
!!Le Dromadaire.
[img(33%,)[http://www.ebooks-bnr.com/ebooks/html/desnos_chantefables_et_chantefleurs_fichiers/image036]]
Il fait beau voir Jean de Paris
Avec ses douze méharis.
Il fait beau voir Jean de Bordeaux
Avec ses quatorze chameaux.
Mais j’aime mieux Jean de Madère
Avec ses quatre dromadaires.
Bien loin d’ici Jean de Madère
Voyage avec Robert Macaire
Et leur ami Apollinaire
Qui, de son temps, a su bien faire
Avec les quatre dromadaires.
!!Le Ver Luisant.
[img(33%,)[http://www.ebooks-bnr.com/ebooks/html/desnos_chantefables_et_chantefleurs_fichiers/image037]]
Ver luisant tu luis à minuit,
Tu t’allumes sous les étoiles
Et, quand tout dort, tu t’introduis
Dans la lune et ronge sa moelle.
La lune, nid des vers luisants,
Dans le ciel continue sa route.
Elle sème sur les enfants,
Sur tous les beaux enfants dormant,
Rêve sur rêve, goutte à goutte.
!!{{menubox big center{CHANTEFLEURS}}}
!!L’Hortensia.
[img(33%,)[http://www.ebooks-bnr.com/ebooks/html/desnos_chantefables_et_chantefleurs_fichiers/image038]]
La belle est au bois dormant,
Hortensia bleu,
Hortensia rouge.
La belle est au bois rêvant,
Hortensia rouge,
Hortensia rouge ou bleu.
La belle est au bois aimant,
Qui l’aime le mieux ?
!!L’Angélique.
[img(33%,)[http://www.ebooks-bnr.com/ebooks/html/desnos_chantefables_et_chantefleurs_fichiers/image039]]
Ravissante angélique
La mésange a chanté,
Disant dans sa musique
La douceur de l’été.
Angélique du soir,
Mésange des beaux jours,
Angélique d’espoir,
Angélique d’amour.
!!Le Cyclamen.
[img(33%,)[http://www.ebooks-bnr.com/ebooks/html/desnos_chantefables_et_chantefleurs_fichiers/image040]]
Le cyclamen de Clamecy,
Qui regrette tant la Savoie,
Clame par-ci, clame par-là
De toute sa voix.
Mais il est sur la bonne voie,
Le cyclamen reverra la Savoie.
!!Le Muguet.
[img(33%,)[http://www.ebooks-bnr.com/ebooks/html/desnos_chantefables_et_chantefleurs_fichiers/image041]]
Un bouquet de muguet,
Deux bouquets de muguet,
Au guet ! Au guet !Mes amis, il m’en souviendrait,
Chaque printemps au premier Mai.
Trois bouquets de muguet,
Gai ! Gai !Au premier Mai,
Franc bouquet de muguet.
!!La Tulipe.
[img(33%,)[http://www.ebooks-bnr.com/ebooks/html/desnos_chantefables_et_chantefleurs_fichiers/image042]]
Fanfan, Marceline et Philippe,
Nous étions une fine équipe,
Pipe en terre et tulipe en pot.
Tulipanpo, roi des nabots,
Nous a fait fumer la pipe,
Vive le pot de tulipe !
!!La Véronique.
[img(33%,)[http://www.ebooks-bnr.com/ebooks/html/desnos_chantefables_et_chantefleurs_fichiers/image043]]
La véronique et le taureau
Parlaient ensemble au bord de l’eau.
Le taureau dit : « Tu es bien
belle, »
La véronique : « Tu es beau »
La véronique est demoiselle
Mais le taureau n’est que taureau.
!!Le Soleil.
[img(33%,)[http://www.ebooks-bnr.com/ebooks/html/desnos_chantefables_et_chantefleurs_fichiers/image044]]
Soleil en terre, tournesol,
Dis-moi qu’as-tu fait de la lune ?
Elle est au ciel, moi sur le sol,
Mais nous avons même fortune
Car sur nous-mêmes nous tournons
Comme des fous au cabanon.
!!Le Bouton D’Or.
[img(33%,)[http://www.ebooks-bnr.com/ebooks/html/desnos_chantefables_et_chantefleurs_fichiers/image045]]
Un beau bateau, chargé jusqu’au sabord
De cent millions de boutons d’or,
Vient de Chine ou San-Salvador.
Le roi Nabuchodonosor
Il brait, il mange, il boit, il dort,
Il n’aura pas de boutons d’or.
!!Le ~Perce-Neige.
[img(33%,)[http://www.ebooks-bnr.com/ebooks/html/desnos_chantefables_et_chantefleurs_fichiers/image046]]
Violette de la Chandeleur,
Perce, perce, perce-neige,
Annonces-tu la Chandeleur,
Le soleil et son cortège
De chansons, de fruits, de fleurs ?
Perce, perce, perce-neige
À la Chandeleur.
!!Le Narcisse et La Jonquille.
[img(33%,)[http://www.ebooks-bnr.com/ebooks/html/desnos_chantefables_et_chantefleurs_fichiers/image047]]
Es-tu narcisse ou jonquille ?
Es-tu garçon, es-tu fille ?
Je suis lui et je suis elle,
Je suis narcisse et jonquille,
Je suis fleur et je suis belle
Fille.
!!Le Seringa.
[img(33%,)[http://www.ebooks-bnr.com/ebooks/html/desnos_chantefables_et_chantefleurs_fichiers/image048]]
À Seringapatam
Qu’on batte le tam-tam,
Qu’on sonne la trompette,
C’est aujourd’hui la fête,
Fête des seringas
Et des rutabagas.
Honneur aux seringas,
Honte aux rutabagas.
!!Le Coquelicot.
[img(33%,)[http://www.ebooks-bnr.com/ebooks/html/desnos_chantefables_et_chantefleurs_fichiers/image049]]
Le champ de blé met sa cocarde
Coquelicot.
Voici l’été, le temps me tarde
De voir l’arc-en-ciel refleurir.
L’orage fuit, il va mourir,
Nous irons te cueillir bientôt,
Coquelicot.
!!La Marguerite.
[img(33%,)[http://www.ebooks-bnr.com/ebooks/html/desnos_chantefables_et_chantefleurs_fichiers/image050]]
C’est sur la tour Quiquengrogne
Marguerite de Bourgogne,
Marguerite de Navarre,
J’entends sonner la fanfare :
Un peu, beaucoup, vraiment,
Un peu plus, doucement,
Et passionnément.
!!L’Iris.
[img(33%,)[http://www.ebooks-bnr.com/ebooks/html/desnos_chantefables_et_chantefleurs_fichiers/image051]]
L’iris au bord du rivage
Se reflétait dans l’étang,
Bel iris sauvage
Qui rêves au beau temps.
Iris mes beaux yeux
Tu parfumes les draps blancs,
Iris merveilleux,
Iris au bord de l’étang.
!!La Renoncule.
[img(33%,)[http://www.ebooks-bnr.com/ebooks/html/desnos_chantefables_et_chantefleurs_fichiers/image052]]
Coco ~Bel-Œil,
Marchand de couleurs
Et de cerfeuil,
Ho ! Coco ~Bel-Œil
Dis-moi le nom de cette fleur ?
C’est la renoncule
Pour ma sœur Ursule,
Pour mon frère Hercule
C’est la renoncule.
!!Le Mimosa.
[img(33%,)[http://www.ebooks-bnr.com/ebooks/html/desnos_chantefables_et_chantefleurs_fichiers/image053]]
Sur la route de ~Saint-Tropez,
Mimosa Monsieur, mimosa Madame
Sur la route de ~Saint-Tropez,
De ~Saint-Tropez à La Ciotat,
Cueillez le mimosa,
Cueillez-le pour l’offrir aux dames.
!!Le Glaïeul.
[img(33%,)[http://www.ebooks-bnr.com/ebooks/html/desnos_chantefables_et_chantefleurs_fichiers/image054]]
Père Glaïeul, où est ton fils ?
Il est au Cap, il est à Gand,
Il est à Nice et à Tunis,
Et il est à Senlis.
Il est perroquet dans une oasis,
Glaïeul Cardinal, beau glaïeul de Gand.
!!L’Églantine, l’Aubépine et la Glycine.
[img(33%,)[http://www.ebooks-bnr.com/ebooks/html/desnos_chantefables_et_chantefleurs_fichiers/image055]]
Églantine, aubépine,
Rouge, rouge, rouge et blanc.
Glycine,
L’oiseau vole en chantant.
Églantine, aubépine,
Bouge, bouge, bouge et vlan !Glycine,
L’oiseau vole en chantant.
Et vlan, vlan, vlan !
!!Le Chèvrefeuille.
[img(33%,)[http://www.ebooks-bnr.com/ebooks/html/desnos_chantefables_et_chantefleurs_fichiers/image056]]
Chèvrefeuille à midi s’endort.
Chèvrefeuille à minuit s’éveille.
Chèvrefeuille aimé des abeilles
En Messidor
Tu parfumes la nuit.
Bien malin celui
Qui peut la faire à l’oseille.
!!Le Bleuet.
[img(33%,)[http://www.ebooks-bnr.com/ebooks/html/desnos_chantefables_et_chantefleurs_fichiers/image057]]
C’est la reine des hirondelles
Qui porte collier de bluets,
Bluets des champs et des javelles,
Bluets.
C’est la reine des hirondelles
Qui s’éclaire avec des chandelles
Et des bluets.
!!La Rose.
[img(33%,)[http://www.ebooks-bnr.com/ebooks/html/desnos_chantefables_et_chantefleurs_fichiers/image058]]
Rose rose, rose blanche,
Rose thé,
J’ai cueilli la rose en branche
Au soleil de l’été
Rose blanche, rose rose,
Rose d’or,
J’ai cueilli la rose éclose
Et son parfum m’endort.
!!L’Edelweiss.
[img(33%,)[http://www.ebooks-bnr.com/ebooks/html/desnos_chantefables_et_chantefleurs_fichiers/image059]]
Là-haut sur le Mont Blanc
L’edelweiss y fleurit,
J’y vois toute la terre
Et la France et Paris.
Là-haut sur le Mont Blanc
L’edelweiss y fleurit,
Il fleurit, beau mystère,
Pour la France et Paris.
!!La Fleur De Pommier.
[img(33%,)[http://www.ebooks-bnr.com/ebooks/html/desnos_chantefables_et_chantefleurs_fichiers/image060]]
Joli rossignol et fleur de pommier,
Si la neige tombe au mois de Juillet,
Joli rossignol et fleur de pommier,
C’est que le soleil en Janvier brillait,
Joli rossignol et fleur de pommier.
!!Le Camélia et le Dahlia.
[img(33%,)[http://www.ebooks-bnr.com/ebooks/html/desnos_chantefables_et_chantefleurs_fichiers/image061]]
Un troupeau de camélias,
Puis un troupeau de dahlias
Ont traversé notre pelouse.
Dahlias et camélias,
L’an est un et les mois sont douze,
Camélias et dahlias.
!!La ~Belle-De-Nuit.
[img(33%,)[http://www.ebooks-bnr.com/ebooks/html/desnos_chantefables_et_chantefleurs_fichiers/image062]]
Quand je m’endors et quand je rêve
La belle-de-nuit se relève.
Elle entre dans la maison
En escaladant le balcon,
Un rayon de lune la suit,
~Belle-de-nuit, fleur de minuit.
!!Le Myosotis.
[img(33%,)[http://www.ebooks-bnr.com/ebooks/html/desnos_chantefables_et_chantefleurs_fichiers/image063]]
Ayant perdu toute mémoire
Un myosotis s’ennuyait
Voulait-il conter une histoire ?
Dès le début, il l’oubliait.
Pas de passé, pas d’avenir,
Myosotis sans souvenir.
!!Le Géranium.
[img(33%,)[http://www.ebooks-bnr.com/ebooks/html/desnos_chantefables_et_chantefleurs_fichiers/image064]]
Dans un pot un géranium,
Un poisson dans l’aquarium.
Géranium et poisson rouge,
Si tu bouges, si tu bouges,
Tu n’auras pas de rhum,
Géranium, géranium,
Géranium et poisson rouge.
!!La Capucine.
[img(33%,)[http://www.ebooks-bnr.com/ebooks/html/desnos_chantefables_et_chantefleurs_fichiers/image065]]
Un pied par-ci, un pied par-là,
Voici venir la capucine.
Un pied par-ci, un pied par-là,
Voici fleurir la capucine.
Capucine par-ci,
Capucine par-là,
Par-ci par-là.
!!Le Bégonia.
[img(33%,)[http://www.ebooks-bnr.com/ebooks/html/desnos_chantefables_et_chantefleurs_fichiers/image066]]
Le bégogo, le bégonia
Va au papa,
Va au palais,
Boit du tafa, boit du tafia,
Prend le baba, prend le balai.
Aimable bégonia,
Délicieux ratafia,
Semons le bégonia.
!!Le Coucou.
[img(33%,)[http://www.ebooks-bnr.com/ebooks/html/desnos_chantefables_et_chantefleurs_fichiers/image067]]
Coucous des bois et des jardins,
J’ai le cœur joyeux, j’ai le cœur
tranquille.
Coucou fleuri, coucou malin,
Je viendrai te cueillir demain.
J’ai le cœur joyeux, j’ai le cœur
tranquille,
De bon matin.
!!La Digitale.
[img(33%,)[http://www.ebooks-bnr.com/ebooks/html/desnos_chantefables_et_chantefleurs_fichiers/image068]]
La digitale au clair matin
Dit-il, dis-tu, dis-je ?
La digitale au clair matin
Dresse sur sa tige
Des grappes de fleurs cramoisies,
Dit-il, dis-tu, dis-je ?
Dis-je bien ainsi ?
Dis-je ?
!!La Fleur D’Oranger.
[img(33%,)[http://www.ebooks-bnr.com/ebooks/html/desnos_chantefables_et_chantefleurs_fichiers/image069]]
Fleur d’orage et fleur d’oranger,
J’ai peur de la nuit, j’ai peur du
danger.
Fleur d’oranger et fleur d’orage,
J’ai peur de la nuit et du mariage.
Fleur d’orage et fleur d’oranger,
Fleur d’orage.
!!Le Gardénia.
[img(33%,)[http://www.ebooks-bnr.com/ebooks/html/desnos_chantefables_et_chantefleurs_fichiers/image070]]
Dans un jardin en Angleterre
Il était un gardénia.
Pour en fleurir sa boutonnière,
Un vieux lord se l’appropria.
Depuis, au jardin, il n’y a,
N’y a plus de gardénia.
!!Le Genêt.
[img(33%,)[http://www.ebooks-bnr.com/ebooks/html/desnos_chantefables_et_chantefleurs_fichiers/image071]]
Je n’ai rien dans mes poches,
Pas d’anguille sous roches,
Je n’ai, je n’ai que des fleurs de genêt,
De genêt de Bretagne,
D’Espagne ou de Cocagne,
Je n’ai, je n’ai que des fleurs de genêt,
Jeunet.
!!La Giroflée.
[img(33%,)[http://www.ebooks-bnr.com/ebooks/html/desnos_chantefables_et_chantefleurs_fichiers/image072]]
Clous de girofle et giroflée,
Giroflée à cinq feuilles,
Sire Nicolas nous accueille,
Coiffé d’un chapeau huit reflets,
Dans son jardin de Viroflay,
Clous de girofle et giroflée.
!!La Jacinthe.
[img(33%,)[http://www.ebooks-bnr.com/ebooks/html/desnos_chantefables_et_chantefleurs_fichiers/image073]]
Toutes les lampes sont éteintes.
Comment voulez-vous que je voie
Combien vous me montrez de doigts ?
Dans la nuit fleurit la jacinthe,
Il fait froid,
Les lampes sont éteintes,
Prenez la jacinthe.
!!Le Jasmin.
[img(33%,)[http://www.ebooks-bnr.com/ebooks/html/desnos_chantefables_et_chantefleurs_fichiers/image074]]
Pour hier, aujourd’hui, demain,
Faites des bouquets de jasmin,
Cueillez, cueillez à pleines mains,
Jasmin d’Espagne ou de Madère,
Jasmin de Perse ou Cavalaire,
Cueillez des bouquets de jasmin.
!!La Lavande.
[img(33%,)[http://www.ebooks-bnr.com/ebooks/html/desnos_chantefables_et_chantefleurs_fichiers/image075]]
Lavandière, lavandière !As-tu vu le poisson bleu
Qui nageait dans la rivière ?
Il t’apportait la lavande,
La lavande en bouquet bleu,
Poisson bleu, fleurs de lavande,
Poisson bleu.
!!Le Lilas.
[img(33%,)[http://www.ebooks-bnr.com/ebooks/html/desnos_chantefables_et_chantefleurs_fichiers/image076]]
Mon premier lilas blanc
Que Lili cueille en branche,
Mon deuxième lilas quoi que vous en
pensiez,
Mon troisième lilas dont la tige se
penche,
Mon dernier lilas bien qui lilas le
dernier.
!!Le Lis, l’Amaryllis, le Volubilis, la Mélisse.
[img(33%,)[http://www.ebooks-bnr.com/ebooks/html/desnos_chantefables_et_chantefleurs_fichiers/image077]]
Monsieur de la Palice,
Dégourdi sans malice,
Cultive avec délices
Les lis, les amaryllis
Et les volubilis,
La réglisse pour Alice :
Méli, mélilot, mélisse.
!!Le Lotus.
[img(33%,)[http://www.ebooks-bnr.com/ebooks/html/desnos_chantefables_et_chantefleurs_fichiers/image078]]
Le lotus et la grenouille,
Il pleut, il pleut, il mouille,
Surveillent le caïman,
Il pleure, il pleure, il ment.
Mais le lotus élégamment
Protège la grenouille.
Il pleut, il pleut, il mouille.
!!La Marjolaine et La Verveine.
[img(33%,)[http://www.ebooks-bnr.com/ebooks/html/desnos_chantefables_et_chantefleurs_fichiers/image079]]
La marjolaine et la verveine
La marjoveine et la verlaine
La verjolaine et la marveine
Chez Catherine ma marraine
On fait son lit de marjolaine
Et de verveine.
!!La Pervenche et la Primevère
[img(33%,)[http://www.ebooks-bnr.com/ebooks/html/desnos_chantefables_et_chantefleurs_fichiers/image080]]
Doña Dolorès Primevère,
Lady Roxelane Pervenche
Un beau dimanche,
Montent en haut du belvédère.
Rêveuse pervenche,
Douce primevère,
Radieuse atmosphère.
!!L’Orchidée et La Pensée.
[img(33%,)[http://www.ebooks-bnr.com/ebooks/html/desnos_chantefables_et_chantefleurs_fichiers/image081]]
L’orchidée et la pensée
N’ont pas ombre de cervelle.
La pensée a peu d’idée,
Aussi l’orchidée a-t-elle
En tête peu de pensée,
Pas de pensée et peu d’or
Chidée.
[img(33%,)[http://www.ebooks-bnr.com/ebooks/html/desnos_chantefables_et_chantefleurs_fichiers/image082]]
!!La Pivoine.
[img(33%,)[http://www.ebooks-bnr.com/ebooks/html/desnos_chantefables_et_chantefleurs_fichiers/image083]]
Marchande de pivoines
Au faubourg Saint-Antoine,
Chausse tes gros sabots,
Couleur d’orange et de pivoine,
Et viens sur mon bateau,
Pivoine, pivoine,
Pêcher dans l’eau
Joyeux matelots.
!!Le Réséda.
[img(33%,)[http://www.ebooks-bnr.com/ebooks/html/desnos_chantefables_et_chantefleurs_fichiers/image084]]
— Où résida le réséda ?
Résida-t-il au Canada ?
Dans les campagnes de Juda ?
Ou sur les flancs du Mont Ida ?
— Pour l’instant, sur la véranda
Se trouve bien le réséda.
Oui-da !
!!Le Rhododendron, l’œillet et le Lilas.
[img(33%,)[http://www.ebooks-bnr.com/ebooks/html/desnos_chantefables_et_chantefleurs_fichiers/image085]]
Je me fais un édredon
Avec des rhododendrons,
Je me fais un oreiller
Avec des œillets œillés,
Et c’est avec des lilas
Que je fais mon matelas.
Je me couche alors
Et je dors.
!!La Sensitive.
[img(33%,)[http://www.ebooks-bnr.com/ebooks/html/desnos_chantefables_et_chantefleurs_fichiers/image086]]
Toucheras-tu la sensitive,
Mulot du matin,
Marchand de pépins ?
Tu as touché la sensitive !Le soleil s’éteint,
Ne touche plus la sensitive,
Jusqu’à demain matin
Coquin !
!!Le Souci.
[img(33%,)[http://www.ebooks-bnr.com/ebooks/html/desnos_chantefables_et_chantefleurs_fichiers/image087]]
Et pour qui sont ces six soucis ?
Ces six soucis sont pour mémoire.
Ne froncez donc pas les sourcils,
Ne faites donc pas une histoire,
Mais souriez, car vous aussi,
Vous aussi, aurez des soucis.
!!La Violette.
[img(33%,)[http://www.ebooks-bnr.com/ebooks/html/desnos_chantefables_et_chantefleurs_fichiers/image088]]
À Parme, à Parme on fait du bon jambon,
À Parme, à Parme où pousse la violette.
À Parme nous irons
Manger du bon jambon,
Respirer la violette,
À Parme, ohé ! la violette sent bon.
}}}
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!Charles Cros
+++*[L'éloge d'Alphonse Allais]
{{menubox{
Alphonse Allais reste le plus fidèle défenseur de la mémoire de son ami. Il l'aimait.
Lors d’un éloge funèbre qu’il lui consacre dans le cabaret Le Chat noir le 18 août 1888, il dit :
<<<
“Notre pauvre ami Charles Cros est mort. Le connaissant bien, je l’aimais beaucoup, et, quoique le sachant malade et affaibli depuis longtemps j’ai été douloureusement stupéfié de sa mort si brusque.
Pauvre Cros ! Je le revois encore le jour où je le rencontrai la première fois. C’était, si je ne me trompe, en 76… J’avais lu dans Le Rappel une chronique scientifique de Victor Meunier, qui semblait un conte de fées.
Un jeune homme venait d’inventer un instrument bizarre qui enregistrait la voix humaine et même tous les autres sons, et qui non seulement en marquait les vibrations, mais reproduisait ces bruits autant de fois qu’on le voulait. L’instrument s’appelait le paléographe. La théorie en était d’une simplicité patriarcale. Le lendemain, grâce à mon ami Lorin, je connaissais Charles Cros, l’inventeur du merveilleux appareil dont M. Edison devait prendre le brevet, l’année suivante.
Charles Cros m’apparut tout de suite tel que je le connus toujours, un être miraculeusement doué à tous points de vue, poète étrangement personnel et charmeur, savant vrai, fantaisiste déconcertant, de plus ami sûr et bon. Que lui manqua-t-il pour devenir un homme arrivé, salué, décoré ? Presque rien, un peu de bourgeoisisme servile et lâche auquel sa nature d’artiste noble se refusa toujours. Il écrivit des vers superbes qui ne lui rapportèrent rien, composa en se jouant ces monologues qui firent Coquelin Cadet, eut des idées scientifiques géniales, inventa le phonographe, la photographie des couleurs, le photophone.”
Car son projet à lui n’a pu aboutir à un appareil concret. Ce serait la conséquence du conflit de conscience de l’épouse du “mécène” de Charles Cros, la duchesse de Chaulnes, car selon elle, “Dieu seul pouvait créer la parole et que c’était blasphémer terriblement que d’oser vouloir s’égaler à lui en essayant de faire croire à une puissance impossible.”
<<<
}}}===
[<img(40%,)[Comtesse de Boigne d'après Isabey|http://www.gogmsite.net/_Media/adelaide-dosmond-comtesse_med.jpeg][https://www.wikiwand.com/fr/Adèle_d%27Osmond]]
{{menubox darkblue{La Comtesse de Boigne écrivit d'abord la huitième partie de ses mémoires, au moment même et en indiquant comment elle se trouvait renseignée. Ce fut ensuite qu'elle songea à revenir sur le passé.
RÉCITS D'UNE TANTE
MÉMOIRES DE LA COMTESSE DE BOIGNE NÉE D'OSMOND
«Lorsque le relieur auquel je venais de confier ces pages décousues s'informa de ce qu'il devait inscrire sur le dos du volume,je ne sus que répondre. //Mémoires//, cela est bien solennel; //Souvenirs//, madame de Caylus a rendu ce titre difficile à soutenir et de récentes publications l'ont grandement souillé. «//J'y songerai//» répondis-je.
Préoccupée de cette idée, je rêvai pendant la nuit qu'on demandait à mon neveu quels étaient ces deux volumes à agrafes. «//Ce sont des récits de ma tante//.» Va pour les récits de ma tante, m'écriai-je, en m'éveillant; et voilà comment ce livre a été baptisé: ''RÉCITS D'UNE TANTE''»}}}
!!!!!!Extraits du tome 4 de « Récits d'une tante » de la comtesse de Boigne//
[[Texte complet en ebook|http://gutenberg.org/ebooks/author/34033]]//
{{outline floatright small italic{Cliquer sur les images pour accéder aux notices}}}
!Benjamin Constant
!!!!!!//Troisième Glorieuse de Juillet//
[<img(33%,)[Benjamin Constant|https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/1/15/Benjamin_Constant.jpg?1528543769314][https://www.wikiwand.com/fr/Benjamin_Constant]]
Nous vîmes s'avancer, à pas lents et précédée d'un tambour, une troupe de gens armés faisant escorte à un brancard garni de matelas sur lequel était couché un homme en attitude de Tancrède d'Opéra. Il faisait signe de la main pour apaiser les cris que personne ne se disposait à pousser en son honneur. En passant sous ma fenêtre, ce modeste personnage leva la tête, et je reconnus la vilaine figuré de monsieur Benjamin Constant. Je ne puis exprimer l'impression que me causa cette vue. Les jours de grandeur et d'héroïsme me semblaient passés; la fausseté et l'intrigue allaient s'emparer du dénouement. Cet instinct ne m'a pas trompée.
!Chateaubriand
[>img[Pierre-Louis Delaval - Portrait de François-René vicomte de Chateaubriand vers 1828|https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/e/e9/Portrait_of_Francois_Rene_Vicomte_de_Chateaubriand%2C_1828.jpg][https://www.wikiwand.com/fr/Fran%C3%A7ois-Ren%C3%A9_de_Chateaubriand]]
Je reçus vers cette heure un billet de monsieur de Chateaubriand. Il me mandait avoir été en route pour venir chez moi lorsque son ovation populaire l'avait arrêté. Il n'avait pas encore inventé d'en faire un triomphe national et était plutôt embarrassé de ces cris poussés par quelques polissons des rues.
On l'avait mené au Luxembourg. Il avait été outré d'y trouver plusieurs pairs rassemblés sans qu'on eût songé à l'appeler, et, rentré chez lui, il avait écrit à Charles X pour lui demander à aller le trouver et à se mettre à sa disposition.
{{outline{
Monsieur de Chateaubriand est un homme qu'on n'acquiert qu'en se mettant complètement sous sa tutelle, et encore s'ennuierait-il bientôt de conduire dans une route facile. Il appellerait cela suivre une ornière et voudrait se créer des obstacles, pour avoir l'amusement de les franchir.
}}}
!!!!!Visite à Monsieur de Chateaubriand
[<img(40%,)[Miniature Mme Récamier d'après Gérard|http://s3-eu-west-1.amazonaws.com/lowres-picturecabinet.com/101/main/1/375804.jpg][https://www.wikiwand.com/fr/Juliette_R%C3%A9camier]]
[Mme Récamier] m'attendait, avec impatience, pour m'entretenir de monsieur de Chateaubriand.
Je découvris bientôt qu'il était outré contre Charles X qui n'avait pas répondu à sa lettre, indigné contre les pairs qui ne l'avaient pas choisi pour diriger la Chambre, furieux contre le Lieutenant énéral, qui n'avait pas déposé entre ses mains le pouvoir auquel les événements l'appelaient. De plus, il était censé malade. C'est sa ressource ordinaire lorsque son ambition reçoit un échec considérable, et peut-être au fond l'impression est-elle assez violente pour que le physique s'en ressente.
Madame Récamier me pressa fort d'aller chez lui chercher à le calmer. Nous frappâmes à la porte; il nous dit d'entrer. Nous le trouvâmes en robe de chambre et en pantoufles, un madras sur la tête, écrivant à l'angle d'une table.
Cette longue table, tout à fait disproportionnée à la pièce qui a forme de galerie, en tient la plus grande partie et lui donne l'air un peu cabaret. Elle était couverte de beaucoup de livres, de papiers, de quelques restes de mangeaille et de préparatifs de toilette peu élégante.
Monsieur de Chateaubriand nous reçut très bien.
Il était évident, cependant, que ce désordre et surtout ce madras le gênaient. C'était à bon droit, car ce mouchoir rouge et vert ne relevait pas sa physionomie assombrie.
Nous le trouvâmes dans une extrême âpreté.
Madame Récamier l'amena à me lire le discours qu'il préparait pour la Chambre: il était de la dernière violence. Je me rappelle, entre autres, un passage, inséré depuis dans une de ses brochures, où il représentait monsieur le duc d'Orléans s'avançant vers le trône deux têtes à la main; tout le reste répondait à cette phrase.
Nous écoutâmes cette lecture dans le plus grand silence et, quand il eut fini, je lui demandai si cette œuvre, dont je reconnaissais la supériorité littéraire, était, à son avis, celle d'un bon citoyen: //«Je n'ai pas la prétention d'être un bon citoyen!»// s'il croyait que ce fût le moyen de faire rentrer le Roi aux Tuileries: //«Dieu nous en garde! je serais bien fâché de l'y revoir!»//—//«Mais alors, ne serait-il pas plus prudent de se rallier à ce qui se présente comme pouvant arrêter ces calamités anarchiques, si raisonnables à prévoir, dont vous faites la terrifiante peinture?»// Madame Récamier profita de cette ouverture pour dire que j'avais été au ~Palais-Royal le matin. Elle se hasarda à ajouter qu'on y attachait un grand prix à son suffrage, à sa coopération. On comprenait les objections qu'il pourrait avoir à prendre une part active au gouvernement, mais on pensait qu'il consentirait peut-être à retourner à Rome.
Il se leva en disant: //«Jamais!»//; et il se mit à se promener à l'autre extrémité de la petite galerie.
Madame Récamier et moi continuâmes à causer, entre nous, des convenances de son séjour à Rome, des services qu'il pouvait y rendre à la religion, du rôle, tout naturel et si utile, que l'auteur du Génie du Christianisme avait à y jouer dans de pareils prédicaments, etc. Il feignait de ne pas nous écouter. Cependant il s'adoucissait, sa marche se ralentissait; lorsque tout à coup, s'arrêtant devant une planche chargée de livres et se croisant les bras, il s'écria: //«Et ces trente volumes, qui me regardent en face, que leur répondrais-je? Non... non... ils me condamnent à attacher mon sort à celui de ces misérables. Qui les connaît, qui les méprise, qui les hait plus que moi?»// Et alors, décroisant ses bras, appuyant les mains sur les bouts de cette longue table qui nous séparait, il fit une diatribe contre les princes et la Cour. Il laissa tomber sur eux les expressions de cet âpre mépris que sa haine sait enfanter, avec une telle violence que j'en fus presque épouvantée.
Le jour finissait, et, par la situation où il était placé, cette figure, coiffée de ce mouchoir vert et rouge, se trouvait seule éclairée dans la chambre, et avait quelque chose de satanique.
Après cette explosion, il se calma un peu, se rapprocha de nous, et prenant un ton plus tranquille: //«Quel français, //dit-il//, n'a pas éprouvé l'enthousiasme des admirables journées qui viennent de s'écouler? Et sans doute ce n'est pas l'homme qui a tant contribué à les amener qui a pu rester froid devant elles.»// Il me fit alors un tableau du plus brillant coloris de cette résistance nationale, et, s'admirant lui-même dans ce récit, il se laissa fléchir par ses propres paroles.
//«Je reconnais, dit-il en concluant, qu'il était impossible d'arriver plus noblement au seul résultat possible. Je l'admets. Mais moi, misérable serf attaché à cette glèbe, je ne puis m'affranchir de ce dogme de légitimité que j'ai tant préconisé. On aurait toujours le droit de me rétorquer mes paroles.»//
//«D'ailleurs, tous les efforts de cette héroïque nation seront perdus; elle n'est comprise par personne. Ce pays, si jeune et si beau, on voudra le donner à guider à des hommes usés, et ils ne travailleront qu'à lui enlever sa virilité!...»//
//«Ou bien on le livrera à ces petits messieurs //(c'est le nom qu'il donne spécialement à monsieur de Broglie et à monsieur Guizot, objets de sa détestation particulière)//, et ils voudront le tailler sur leur patron! Non, il faut à la France des hommes tout neufs, courageux, fiers, aventureux, téméraires, comme elle; se replaçant d'un seul bond à la tête des nations! Voyez comme elle-même en a l'instinct! Qui a-t-elle choisi pour ses chefs lorsqu'elle a été livrée à elle-même?... des écoliers... des enfants! Mais des enfants pleins de talents, de verve, d'entraînement, susceptibles d'embraser les imaginations, parce qu'ils sont eux-mêmes sous l'influence de l'enthousiasme!...»//
//«Tout au plus, faudrait-il quelque vieux nautonier pour leur signaler les écueils, non dans l'intention de les arrêter, mais pour stimuler leur audace.»// Le plan de son gouvernement se trouvait suffisamment expliqué par ces paroles. Monsieur de Chateaubriand le dirigeant avec des élèves des écoles et des rédacteurs de journaux pour séides, tel était l'idéal qu'il s'était formé, pour le bonheur et la gloire de la France, dans les rêveries de son mécontentement.
Cependant, il fallait en finir et sortir de l'épique où nous étions tombés. Je lui demandai s'il n'avait aucune réponse pour le ~Palais-Royal où j'irais le lendemain matin.
Il me dit que non ; sa place était fixée par ses précédents. Ayant depuis longtemps prévu les circonstances actuelles, il avait imprimé d'avance sa profession de foi. Il avait personnellement beaucoup de respect pour la famille d'Orléans. Il appréciait tous les embarras de sa position que, malheureusement, elle ne saurait pas rendre belle, parce qu'elle ne la comprendrait pas et ne voudrait pas l'accepter suffisamment révolutionnaire.
Je le quittai évidemment fort radouci; et il y a loin du discours qu'il m'avait lu, avec ces deux têtes à la main, à celui qu'il prononça à la Chambre et dans lequel il offrirait une couronne à monsieur le duc d'Orléans s'il en avait une à donner.
J'y retrouvai, en revanche, quelques-uns des sarcasmes amers contre les vaincus qu'il avait fait entrer dans son improvisation du bout de la table et dont l'éloquence, en le charmant, avait commencé à l'adoucir, entre autres l'expression de chasser à coup de fourche.
!!!!!Arrestation la duchesse de Berry
[<img(95%,)[http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b53006025b/f1.highres][https://www.wikiwand.com/fr/Marie-Caroline_de_Bourbon-Siciles_(1798-1870)]]
J'ignore si monsieur de Chateaubriand était dans la confidence de l'entreprise de madame la duchesse de Berry, mais, se soumettant en apparence aux frayeurs inspirées à madame de Chateaubriand par le choléra, il l'accompagna à Genève.
On le disait nommé gouverneur de monsieur le duc de Bordeaux et se rendant à Édimbourg. Je lui demandai si ce bruit avait quelque vérité: //«Moi! s'écria-t-il avec un accent de dédain inimitable, moi! et qu'irais-je faire, bon Dieu, entre cette mangeuse de reliques d'Édimbourg et cette danseuse de corde d'Italie?»// Je me sentis assez froissée de cette façon de parler pour en prendre congé de monsieur de Chateaubriand plus froidement. Je dirai dans quelles circonstances je l'ai revu et pourquoi je rappelle ce propos.
Monsieur de Chateaubriand rêva pour lors une résidence à Lugano. Il y conserverait le feu sacré de la liberté et ferait gémir une presse tout à fait indépendante sous les efforts de son génie. Il voulait placer dans cette petite république un levier avec lequel son talent soulèverait le monde.
Cette fantaisie le fit retourner en Suisse, avec assez d'empressement, après des adieux solennels à son ingrate patrie.
Nul, et je n'en excepte ni monsieur Thiers ni même monsieur Maurice Duval, ne ressentit une plus vive satisfaction de l'arrestation de madame la duchesse de Berry que monsieur de Chateaubriand. Son rêve sur le séjour de Lugano s'était dissipé en y regardant de plus près.
Cette presse libre, dont il espérait tirer de si splendides succès pour sa cause et surtout pour sa famosité personnelle, se trouvait soumise aux caprices d'un conseil de petits bourgeois, relevant lui-même d'une multitude intimant ses volontés à coups de pierres. On se procurerait une fort bonne chance d'être lapidé, dans une émeute suisse, en s'établissant à Lugano pour y faire de la politique légitimiste.
Privé d'ailleurs du tribut de louanges quotidiennes, libéralement fournies par le petit cercle où il passe exclusivement sa vie à Paris, monsieur de Chateaubriand périssait d'ennui et ne savait comment revenir après les adieux si pompeux adressés publiquement à sa patrie. Il avait beau se draper à l'effet dans le manteau d'un exil volontaire, on le remarquait peu; les génevois trouvent qu'on doit se tenir très heureux d'être à Genève et ne compatissaient point à des peines qu'ils ne comprenaient pas.
Dans l'embarras de ce dilemme, monsieur de Chateaubriand accueillit comme l'étoile du salut l'arrestation [de laDuchese de Berry] faite à Nantes.
De nouveaux devoirs, en lui imposant une nouvelle conduite, lui évitaient le petit ridicule d'une palinodie trop rapide. Oubliant ses griefs contre la princesse, il se jeta dans une voiture de poste et accourut à Paris pour lui porter secours.
Chemin faisant, il médita le texte d'une brochure qui parut incontinent après.
Un billet de madame Récamier m'annonça son retour et le désir qu'il avait de me voir chez elle.
J'y courus. Je les trouvai en tête à tête; il lui lisait le manuscrit de la prochaine publication, originairement destinée à être imprimée à Lugano, mais qu'il avait arrangée pour la situation actuelle.
Il continua à ma prière la lecture commencée.
Après une hymne très éloquente aux vertus maternelles de l'intrépide Marie-Caroline, lue avec émotion, il arriva à quelques phrases, admirablement bien écrites, sur madame la Dauphine; sa voix s'entrecoupa et son visage s'inonda de larmes.
J'avais encore dans l'oreille les expressions de mangeuse de reliques d'Édimbourg et de danseuse de corde d'Italie que, si récemment, je lui avais entendu appliquer à ces deux princesses, et je fus étrangement frappée de ce spectacle.
Cependant, monsieur de Chateaubriand était sincère en ce moment aussi bien que dans l'autre; mais il possède cette mobilité d'impression dont il est convenu en ce siècle que se fabrique le génie.
Éminemment artiste, il s'enflammait de son œuvre, et c'était à l'agencement de ses propres paroles qu'il offrait l'hommage de ses pleurs.
Ce n'est point comme un blâme que je cite ce contraste, mais parce que j'en ai conservé une vive impression et que les hommes de la distinction incontestable de monsieur de Chateaubriand méritent d'être observés avec plus d'attention que le vulgaire.
!!!!L'enfant de la honte
La faveur de la petite Rosalie [nouvelle-née de la duchesse de Berry] allait toujours en décroissant; mais elle fut entièrement mise de côté lorsque le père qu'on lui avait inventé, et que madame la duchesse de Berry ne s'attendait pas à trouver en Sicile, se présenta à bord de l' Agathe.
Ce pauvre petit enfant, repoussé de tout le monde, est mort bientôt après à Livourne, chez un agent d'affaires où on l'avait déposé comme un paquet également incommode et compromettant.
Je ne sais si le nom du véritable père demeurera un mystère pour l'histoire, quant à moi je l'ignore.
Faut-il en conclure, ainsi que monsieur de Chateaubriand me répondait un jour où je l'interrogeais à ce sujet: //«Comment voulez-vous qu'on le dise, elle-même ne le sait pas!»//
{{center{
!Choeur d'amour
}}}
Ici l'on passe
Des jours enchantés !
L'ennui s'efface
Aux coeurs attristés
Comme la trace
Des flots agités.
Heure frivole
Et qu'il faut saisir,
Passion folle
Qui n'est qu'un désir,
Et qui s'envole
Après le plaisir !
!!!!!Gérard de Nerval
!!!!!!//Odelettes//
!Chus pas capable de rien faire^^
//(Québécois)//^^
;Joanne
J’s’rai même pas capable de faire une coiffeuse !
Chus trop narveuse !
J’étais trop narveuse pour continuer l’école, ça fait qu’y m’ont dit d’apprendre un métier…
Mais chus pas capable de rien faire !
Ça sert à tien ! Chus pas capable de faire une coiffeuse !
J’peux pas me sarvir de mes deux mains, j’pense toujours à d’autre choses quand je travaille !
Chus pas capable de fixer mon attention sur c’que je fais !
Y’a quelque chose dans ma tête qui décroche tout le temps…
Si au moins j’étais intelligente comme moman, j’essayerais de m’en sortir…
Mais non,
il fallait que j’aie la tête de mon père…
Chus pas capable de rien faire !
!Chérubin
+++[Tout le texte du rôle]
<<forEachTiddler
where
' tiddler.tags.contains ("Chérubin")'
sortBy 'tiddler.title'
write
'"----\n<<tiddler [["+tiddler.title+"]]$))\n"'
>>
===
//Toutes ses scènes du rôle ://
669: [[Natacha|https://giga.gg/l/575b1aa817e6df873b8b483b]]
Bonjour Natacha,
Est-ce qu'on vous revoit vendredi, avec Jean, pour les poètes disparus (je pense que c'est toujours votre choix) ?
Je croyais avoir copié votre texte, mais je ne le retrouve pas. Voilà quelques citations que je viens de trouver sur internet (au cas où vous ne les auriez pas déjà).
Amicalement,
{{menubox{
!!!!Citations du Cercle des poètes disparus
;Robin Williams
* Nous avons déclaré la guerre, la bataille fait rage ! Et attention, les victimes pourraient en être vos cœurs et vos âmes.
* En dépit de tout ce qu'on peut vous raconter, les mots et les idées peuvent changer le monde.
* On lit ou on écrit de la poésie non pas parce que c'est joli. On lit et on écrit de la poésie parce que l'on fait partie de l'humanité, et que l'humanité est faite de passions. La médecine, le commerce, le droit, l'industrie sont de nobles poursuites, et sont nécessaires pour assurer la vie. Mais la poésie, la beauté, l'amour, l'aventure, c'est en fait pour cela qu'on vit.
**Pour citer Whitman : « //Ô moi ! Ô la vie ! Tant de questions qui m'assaillent sans cesse, ces interminables cortèges d'incroyants, ces cités peuplées de sots. Qu'y a-t-il de bon en cela ? Ô moi ! Ô la vie !// ».
**Réponse : que tu es ici, que la vie existe, et l'identité. Que le prodigieux spectacle continue et que tu peux y apporter ta rime. Que le prodigieux spectacle continue et que tu peux y apporter ta rime... Quelle sera votre rime ?
* Tout ça avait pour but d'illustrer le péril du conformisme, et la difficulté de préserver vos convictions, quoi qu'en pense les autres. [...] Nous avons tous besoin d'être accepté, mais soyez persuadé que vos convictions sont uniques, les vôtres, même si on les trouve anormales ou impopulaires, même si le troupeau dit « //C'est maaaaaaaaal// ». Robert Frost a dit : « //Deux routes s'offraient à moi, et là j'ai suivi celle où on n'allait pas, et j'ai compris toute la différence.// »
* Sucez la moelle de la vie, oui, mais n'avalez pas l'os. On doit savoir défier et savoir se méfier. Le bon marin doit savoir louvoyer. [...] C'est Dieu qui téléphone, tsss. Ah si ça avait été en PCV, là je m'inclinais.
* Je partis dans les bois car je voulais vivre sans me hâter, vivre intensément et sucer toute la moelle secrète de la vie. Je voulais chasser tout ce qui dénaturait la vie, pour ne pas, au soir de la vieillesse, découvrir que je n'avais pas vécu.
-----
;John Keating
: Les poètes disparus vouaient leurs réunions à sucer la moelle secrète de la vie. C'est une phrase de Thoreau que nous citions au début de chaque réunion. Nous nous réunissions dans la vieille grotte indienne et une fois là, nous lisions à tour du rôle du Thoreau, Whitman, Shelley, les plus grands. Quelques fois des vers de notre cru, et sous le charme du moment, nous laissions la poésie accomplir sa magie.
;Knox Overstreet
: Comment ? Des mecs un petit peu dingues qui venaient lire de la poésie ?
;John Keating
: Non, monsieur Overstreet, pas du tout dingues ! Ce n'était pas une loge secrète. Nous étions des romantiques. Et nous ne lisions pas de la poésie mais les vers exprimaient leur nectar sur nos langues, nos âmes s'élevaient. Les femmes s'évanouissaient, les dieux naissaient de nos mains. De belles soirées pour l'esprit, non ? Merci Monsieur Perry pour cette ballade en amnésie. Brûlez ça ! Surtout ma photo.
-----
;John Keating
:Le langage s'est surtout développé pour un motif ; quel est-il, Monsieur Anderson ? Êtes-vous un homme ou amibe ? Monsieur Perry ?
;Neil Perry
: Pour communiquer ?
;John Keating
: Non ! Pour séduire les femmes !
-----
}}}
[[Source : webnet|http://poesie.webnet.fr/lesgrandsclassiques/poemes/victor_hugo/clair_de_lune.html]]
!Clair de lune//
^^~~Victor HUGO (1802-1885)~~^^//
{{right{^^//Exemple de découpage pour la diction//^^ }}}
La lune était sereine et jouait sur les flots. -
La fenêtre enfin libre est ouverte à la brise,
La sultane regarde,
et la mer qui se brise,
Là-bas,
d'un flot d'argent __brode__ les noirs îlots.
De ses doigts en vibrant s'échappe la guitare.
Elle écoute...
Un bruit sourd frappe les sourds échos.
__Est-ce__ un lourd vaisseau turc qui vient des eaux de Cos,
Battant l'archipel grec de sa rame tartare ?
__Sont-ce__ des cormorans qui plongent tour à tour,
Et coupent l'eau,
qui roule en perles sur leur aile ?
__Est-ce__ un djinn qui là-haut siffle d'une voix grêle,
Et jette dans la mer les créneaux de la tour ?
__Qui__ trouble ainsi les flots près du sérail des femmes ? -
__Ni__ le noir cormoran, sur la vague bercé,
__Ni__ les pierres du mur,
__ni__ le bruit cadencé Du lourd vaisseau,
rampant sur l'onde avec des rames.
Ce sont des __sacs pesants__,
d'où partent des __sanglots__.
On verrait,
en sondant la mer qui les promène,
Se mouvoir dans leurs flancs
comme
une forme humaine... -
La lune était sereine et jouait sur les flots.
[[Source : webnet|http://poesie.webnet.fr/lesgrandsclassiques/poemes/paul_verlaine/clair_de_lune.html]]
!Clair de lune//
^^Paul VERLAINE (1844-1896)^^//
Votre âme est un paysage choisi
Que vont charmant
masques et bergamasques
Jouant du luth
et dansant
et quasi ''T''ristes sous leurs déguisements fantasques.
Tout en chantant sur le mode mineur
L'amour vainqueur
et la vie opportune,
Ils n'ont pas l'air de croire à leur bonheur
Et leur chanson
se mêle au clair de lune,
Au calme clair de lune
triste et beau,
__Qui__ fait rêver les oiseaux dans les arbres
__Et__ sangloter d'extase les jets d'eau,
Les grands jets d'eau sveltes parmi les marbres.
|nom|Korenbaum|
|prenom|Claudine|
|TEL|06 08 10 86 63|
|email|Claudine<korenbaum.c@gmail.com>|
/%|adresse||
|texte||
%/
!!!!!Distribuée dans :
<<forEachTiddler
where
'tiddler.tags.contains(["programmable"]) && tiddler.text.contains("Claudine") '
sortBy
'store.getTiddlerSlice(tiddler.title,"temps")'
descending
write
'"\n| ![["+tiddler.title+"]] |<<tiddler [["+tiddler.title+"::temps]]$)) |<<tiddler [["+tiddler.title+"::distribution]]$)) |" '
begin
'"| Textes | !durée | !distribution |h"'
>>
!!!!!12/8/18 Indications de jeu et modifications de texte pour Les Hébrides :
<<tiddler 'Les Zébrides'>>
!Claudine Cuisinier
{{small{
|nom|Cuisinier|
|prenom|Claudine |
|TEL| 06 81 87 21 19 |
|email|Claudine<clody7523@gmail.com>|
}}}
+++*[ ]
+++*[5 mars 2016]
<<<
;Les vidéos d'hier (4/3/16)
^^à :Jacques Turbé <jacques.turbe@gmail.com>^^
Bonjour Jacques,
Merci pour ce beau témoignage de l'après midi d'hier.
C'est très intéressant de se voir et instructif d'observer le "spectacle que l'on a offert".
Ainsi il est plus facile de se corriger.
Très contente d'avoir intégré votre groupe je te dis à la semaine rochaient.
<<<
===
===
66e: [[Licenciement - impro - Christel Dominique|https://giga.gg/l/5760a31bdbe5df4c398b4575]]
<<forEachTiddler
where
'tiddler.text.contains("Clips:") && tiddler.text.contains("$1") && tiddler.title != "VidéosAteliers" '
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'tiddler.title'
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'"|[["+tiddler.title+
"]]|"+store.getTiddlerSlice(tiddler.title,"Clips")+
"|\n" '
begin
'"| !Textes dits | !Vidéos en ligne |\n"'
>>
<<forEachTiddler
where
'tiddler.text.contains("$1") && tiddler.title != "VidéosAteliers" '
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'tiddler.title'
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'"|[["+tiddler.title+"]]| ^^//"+tiddler.modifier+"//^^ |"+store.getTiddlerSlice(tiddler.title,"$1")+"|\n" '
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'"| !Textes dits | !Auteurs | !Vidéos en ligne |\n"'
>>
/***
|Name:|CloseOnCancelPlugin|
|Description:|Closes the tiddler if you click new tiddler then cancel. Default behaviour is to leave it open|
|Version:|3.0.1a|
|Date:|27-Jun-2011|
|Source:|http://mptw.tiddlyspot.com/#CloseOnCancelPlugin|
|Author:|Simon Baird <simon.baird@gmail.com>|
|License:|http://mptw.tiddlyspot.com/#TheBSDLicense|
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//{{{
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handler_mptw_orig_closeUnsaved: config.commands.cancelTiddler.handler,
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this.handler_mptw_orig_closeUnsaved(event,src,title);
if (!story.isDirty(title) && !store.tiddlerExists(title) && !store.isShadowTiddler(title))
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}
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//}}}
{{center{
!Clérambard
MARCEL AYMÉ
^^//PIÈCE EN 4 ACTES//^^
}}}
!!!!!PERSONNAGES
{{center{
!!!!!!//PAR ORDRE D’ENTRÉE EN SCÈNE ://
Vicomte Octave de Clérambard
Comtesse Louise de Clérambard
Madame de Léré
Comte Hector de Clérambard
Le Curé
Le Moine – Saint François d’Assise
La Langouste
Madame Galuchon
Évelyne Galuchon
Étiennette Galuchon
Brigitte Galuchon
Maître Galuchon
Le premier Dragon
Le deuxième Dragon
Le troisième Dragon
Le Docteur
}}}
!!!ACTE PREMIER
Le décor représente une grande pièce dans l’hôtel particulier des Clérambard. Côté jardin, deux portes. Côté cour, une porte et une fenêtre, entre lesquelles est placé un bahut surmonté d’un portrait. Au fond, grande cheminée à hotte. Au premier plan, quatre métiers à tricoter. Fauteuils et canapé ont été repoussés vers le fond. Au milieu de la pièce, table basse sur laquelle sont, entassés des pulovères.
!!!!!SCÈNE PREMIÈRE
(La comtesse de Clérambard, sa mère Mme de Léré, son fils Octave sont assis chacun devant un métier à tricoter et travaillent. Le quatrième métier est inoccupé).
OCTAVE, s’arrêtant de travailler.
Je n’en peux plus. Je suis éreinté, abruti.
LOUISE
Octave, mon chéri, faites un effort. Je vous le demande dans votre intérêt.
OCTAVE
Non, maman, je ne peux pas. Je ne vois même plus mon tricot. Et puis, j’en ai assez. Et vous aussi, toutes les deux, vous en avez assez !
Mme de LÉRÉ
Ah ! mon pauvre enfant, moi j’en ai par-dessus la tête !
OCTAVE
Alors ? Vous voyez bien ! Et si encore je mangeais à ma faim ! Il y a des moments où la tête me tourne. Je suis sans forces. Non, vraiment, je n’en peux plus !
LOUISE
Octave, votre père va rentrer et il est dans un de ses mauvais jours. S’il vous surprend à flâner, il fera encore une colère.
Mme de LÉRÉ
Ça, on peut en être sûr. Les colères, c’est ce que ton mari réussit le mieux. Lui, au moins, il a cette distraction. Sans compter le plaisir qu’il éprouve à disposer de nous tous comme d’un bétail, parce qu’enfin il ne s’en prive pas.
LOUISE
Soyez juste, maman, Hector se tue au travail. Hier encore, il a veillé jusqu’à quatre heures du matin. S’il est irritable, c’est qu’il est fatigué et inquiet. Pensez à tous les soucis qui l’accablent, aux menaces toujours suspendues sur sa tête et sur les nôtres.
Mme de LÉRÉ
Ton mari a toujours été un être égoïste et brutal, même quand vous étiez fiancés et qu’il avait encore de quoi vivre à ne rien faire. Est-ce qu’il s’est jamais comporté comme un fiancé ? Est-ce qu’il a jamais eu pour toi une attention, un mot de tendresse ? Je suis sûr qu’il te témoignait moins d’égards qu’à ses chiens et à sa jument.
LOUISE, irritée.
Vous oubliez que vous m’avez vous-même jetée dans ses bras sans prendre mon avis. S’il était l’homme que vous dites, pourquoi ne m’avoir pas avertie alors ? À présent, il est trop tard… Mais vous me faites dire des choses que je n’ai jamais pensées, qui ne m’ont même pas effleurées, car depuis près de vingt-cinq ans que nous sommes mariés, pas une fois je n’ai regretté d’avoir épousé Hector.
OCTAVE
Non, maman, ne vous reprenez pas. Vous aviez raison tout à l’heure. Il est trop tard pour vous et trop tard pour moi puisque j’ai eu le malheur de naître, et de naître vicomte de Clérambard. Si je n’étais pas le rejeton d’une aussi illustre famille, j’aurais pu, au lieu de mener une vie de paria dans cette demeure historique, devenir employé de commerce, manger à ma faim, aller au café, au cinéma… sortir ! Ah ! être commis de magasin… valet de chambre… Être employé du gaz !
(Bruit d’un pas à l’extérieur, Octave se remet au travail).
!!!!!SCÈNE II
(Entre le comte de Clérambard, vêtu d’une vieille robe de chambre et coiffé d’un melon).
CLÉRAMBARD
Je viens de tuer un chat. Je l’ai mis à la cuisine. On le mangera demain à midi.
(Il s’assied devant le quatrième métier et se met au travail).
Mme de LÉRÉ
Ah ! Encore du chat ! Ce sera le troisième que vous nous aurez fait manger cette semaine. Vous pourriez trouver autre chose pour soutenir votre personnel.
CLÉRAMBARD
Vous êtes bien difficile, ma belle-mère. Pourtant M. de Léré, votre époux tant regretté, ne vous a pas habituée à une trop bonne chère. La preuve en est qu’il m’a fallu épouser votre fille sans dot. Oui, sans dot, sans un sou, sans même un trousseau ou une paire de draps !
Mme de LÉRÉ
Au moins n’avait-elle pas de dettes.
CLÉRAMBARD, il se lève et
donne un coup de gueule.
Qu’est-ce que vous dites ? Qu’est-ce que vous avez l’air de sous-entendre ? Allons, parlez !
LOUISE
Hector… Nous sommes pauvres, c’est entendu, et pauvres n’est pas assez dire. Mais nous n’en sommes tout de même pas réduits à manger du chat.
CLÉRAMBARD
Vous êtes idiote, ma pauvre femme, comme toujours. Et pourquoi ne pas manger du chat ? En 1457, mon aïeul Onuphre de Clérambard, assiégé dans la place de Blémont, a mangé du rat et du hibou. Et croyez, que s’il en avait eu à suffisance, il n’aurait pas capitulé !
LOUISE
Votre aïeul a été admirable, mais je pense qu’il ne faisait pas son ordinaire de rat ni de hibou. S’il s’est résolu à en manger, c’est qu’il était assiégé.
CLÉRAMBARD
Moi aussi, je suis assiégé ! Le château de mes pères a été vendu à l’encan, toutes mes terres y ont passé. Et dans le vieil hôtel des comtes de Clérambard, où j’ai dû me replier avec les miens, je suis assiégé par les créanciers, les huissiers, les porteurs d’hypothèques. Je me défends pied à pied à force de labeur, en espérant le miracle qui préserverait cette demeure de l’injure de tomber dans des mains étrangères. Pour sauver ces vieilles pierres, j’ai vendu mes meubles, j’ai condamné ma famille aux travaux forcés ; devenu tricoteur, emballeur, livreur, je suis encore le contremaître que vous haïssez.
LOUISE
Voyons, Hector, vous savez bien qu’ici personne n’a de haine contre vous et que vous pouvez au contraire compter sur notre affection à tous.
CLÉRAMBARD
Demandez donc à ma belle-mère ce qu’elle en pense. Demandez à mon fils !… Je sais de quoi je parle et mes prisonniers, je les connais. Parfaitement, mes prisonniers. Couché à deux heures du matin et levé à cinq, ce n’était pas assez d’être le plus misérable des forçats, il m’a fallu être garde-chiourme ! Oui, garde-chiourme ! Et vous voulez m’empêcher de manger du chat ?
Mme de LÉRÉ
Ah ! Mangez donc du chat ! Et mangez tout ! Je vous donne ma part.
CLÉRAMBARD
Et malgré tous mes efforts, je perds du terrain. La situation s’aggrave de jour en jour. Je n’en finis pas de boucher des trous, on me presse de tous les côtés et les créanciers se multiplient comme une portée de souris.
Mme de LÉRÉ
Je ne vous le fais pas dire. Si vous vendiez cette bicoque à courants d’air où il y a plus de place qu’il n’en faut pour cinquante personnes, nous pourrions enfin respirer.
CLÉRAMBARD
Cette demeure est dans ma famille depuis plus de quatre cents ans.
Mme de LÉRÉ
Est-ce que ça ne vous suffit pas ? Il me semble que quand on possède une chose depuis quatre siècles, on doit en être fatigué.
CLÉRAMBARD
Du reste, si je la vendais, il ne me resterait pas, une fois les créanciers payés, de quoi nous faire vivre plus de six mois.
Mme de LÉRÉ
Six mois de vacances ! Ah ! Vendez-la sans tarder. Six mois de repos… de vraie vie.
CLÉRAMBARD
Silence ! Ce n’est pas en rêvant qu’on travaille !
(Octave s’affaisse sur son métier).
LOUISE
Mon Dieu ! Il se trouve mal ! Octave !
Mme de LÉRÉ
Octave ! Mon chéri…
CLÉRAMBARD
Restez à vos places ! Je vous dis de rester à vos places, vous m’avez compris ? Quant à Octave, je fais le nécessaire.
(Il va à Octave, le redresse sur sa chaise et lui administre une paire de claques).
CLÉRAMBARD
Ça va mieux ? (Pas de réponse. Nouvelle paire de claques). Allons, au travail !
(Octave se remet au travail. Clérambard se rassied),
LOUISE
Oh ! Hector ! Vous n’allez pas l’obliger à travailler maintenant. Laissez-le se reposer.
CLÉRAMBARD
Je sais mieux que vous comment on doit s’y prendre avec lui. Octave est une nature indolente. Il a besoin d’être secoué.
Mme de LÉRÉ
Brute ! C’est révoltant ! Vous êtes une brute !
LOUISE
Hector, cet enfant est surmené. Le travail qu’il fournit est au-dessus de ses forces. À chaque instant, la tête lui tourne. Il tient à peine debout. Il est épuisé.
Mme de LÉRÉ
Épuisé et écœuré, surtout. Comment ne le serait-il pas ? À vingt-deux ans, le pauvre petit n’a guère à se féliciter de sa condition. Vous lui avez fait la pire des existences, comme si vous vous étiez juré de le punir de vos propres erreurs. Ce grand nom de Clérambard, dont vous êtes si fier, ne lui aura pas porté chance.
CLÉRAMBARD
À qui la faute, sinon à lui ? Alors que j’étais déjà pauvre, je me suis saigné aux artères pour qu’il fasse des études. Je voulais en faire un officier. Avec un nom comme le nôtre et un sabre au côté, il aurait pu espérer un brillant mariage. Cet imbécile n’a pas été fichu de passer son bachot. J’ai voulu ensuite qu’il s’engage dans l’armée. J’espérais que pour l’honneur des Clérambard, il irait se faire casser la tête dans une colonie. Le conseil de révision ne l’a pas pris. Alors ?
Mme de LÉRÉ
Il n’y a pas que le métier des armes. Si son père l’avait aidé…
CLÉRAMBARD
Avec quoi ? Vous oubliez qu’il n’est pas seul et que sur vos instances, j’ai accepté la charge d’une orpheline qui ne nous est rien. Car enfin, cette gamine n’est pour vous qu’une parente lointaine.
LOUISE
Elle est ma filleule.
Mme de LÉRÉ
D’ailleurs, Florence ne vous coûte rien. Mon amie Jeanne de Vermex l’a prise aux frais du couvent.
CLÉRAMBARD
Et le manque à gagner, vous ne le comptez pas ? J’ai calculé que si j’avais neuf enfants travaillant au tricot pendant dix heures par jour, il ne me faudrait pas quatre ans pour libérer l’hôtel de toute hypothèque.
Mme de LÉRÉ
Le temps de les faire tous périr à la tâche.
CLÉRAMBARD
J’ai d’ailleurs l’intention d’écrire à la Supérieure du couvent pour que Florence nous soit rendue.
LOUISE
Mais pourquoi ? Florence est mieux là-bas !
CLÉRAMBARD
En montant au grenier, je me suis aperçu que la toiture est endommagée. Il faut remplacer les tuiles et d’abord le latis. C’est une dépense à laquelle nous ne sommes pas en état de faire face. Je louerai un autre métier et Florence y travaillera pour assurer la réfection de la toiture.
LOUISE
Non, Hector, non !
CLÉRAMBARD
Comment, non ?
LOUISE
Florence avait la chance de vivre loin de notre enfer. Allez-vous, pour quelques tuiles, condamner aussi cette enfant aux travaux forcés ?
CLÉRAMBARD
J’y ai bien condamné mon fils ! Croyez-vous que je l’aie fait de gaieté de cœur ?
LOUISE
Pour une orpheline, nous sommes tenus de faire davantage que pour notre fils.
Mme de LÉRÉ
Elle est d’ailleurs trop jeune pour supporter les fatigues que vous nous imposez.
CLÉRAMBARD
Quand vous auriez raison toutes les deux et cent fois raison, je n’en serais pas moins obligé de me soumettre à la nécessité. La toiture doit être réparée. J’écrirai donc au couvent pour réclamer Florence.
Mme de LÉRÉ
C’est un attentat ! C’est un meurtre !
CLÉRAMBARD
Silence, nom de Dieu ! Soyez un peu plus au travail !
(Chacun travaille en silence. On frappe à la porte.)
CLÉRAMBARD
Entrez !
!!!!!SCÈNE III
(Entre un curé).
LE CURÉ
Pardonnez-moi, j’ai frappé en bas et, ne trouvant personne, je me suis permis de monter jusqu’ici.
LOUISE, elle se lève.
Vous avez bien fait, monsieur le Curé.
LE CURÉ
Madame la Comtesse… Madame… Monsieur le Comte…
CLÉRAMBARD
Bonjour. Vous restez longtemps ?
LE CURÉ
Je m’excuse…
CLÉRAMBARD
Restez si vous voulez, mais n’empêchez pas les gens de travailler. Nous ne sommes pas ici pour entendre des exhortations ni des oremus. Si peu qu’il nous soit payé, notre temps est précieux.
LOUISE
Asseyez-vous, monsieur le Curé.
LE CURÉ
Merci. Encore une fois, je vous demande pardon…
LOUISE
Je vous en prie, monsieur le Curé. C’est très aimable à vous de passer nous voir.
Mme de LÉRÉ
Mon gendre est d’un abord si peu agréable que nous n’osons pas encourager les visites. Nous sommes d’autant plus reconnaissants aux personnes qui veulent bien se risquer jusqu’ici.
(On entend des aboiements. Clérambard tend l’oreille et se tourne vers la porte).
LE CURÉ
En tant que prêtre de la paroisse, je pensais depuis longtemps à vous faire cette visite. Comment se porte le jeune vicomte ?
Mme de LÉRÉ
Très mal.
LOUISE
C’est-à-dire qu’il est un peu fatigué. Octave, monsieur le Curé, demande de vos nouvelles.
OCTAVE, dans un murmure.
Monsieur le Curé…
LE CURÉ, à Louise.
Je vois que vous êtes toujours très occupés.
LOUISE
Vous connaissez notre situation. Elle ne s’est pas améliorée.
LE CURÉ
Souvent, Dieu se plaît à éprouver celles de ses créatures qu’il a particulièrement distinguées.
Mme de LÉRÉ
Il est vraiment trop bon pour nous.
(Clérambard se lève et gagne la porte. Il sort).
!!!!!SCÈNE IV
LE CURÉ
Peut-être le terme de vos épreuves est-il plus proche que vous ne pensez. Justement, je suis venu vous entretenir d’un projet. Puisque monsieur le Comte est sorti, je vais être plus à l’aise pour vous exposer la chose. Vous connaissez Me Galuchon, l’avoué de la rue Fantin ?
LOUISE
Oui. Mon mari a eu affaire à lui.
LE CURÉ
Me Galuchon a trois filles. Il s’agirait de l’aînée.
LOUISE
Comment, de l’aînée ?
Mme de LÉRÉ
Monsieur le Curé veut dire que l’avoué souhaiterait marier sa fille aînée à Octave.
LE CURÉ
Les Galuchon sont très riches. Je n’oserais pas citer un chiffre, mais le père de Me Galuchon, qui était un maquignon habile et réputé, avait amassé une très grosse fortune. D’autre part, Mme Galuchon était une demoiselle Cudenot, de l’épicerie en gros Cudenot et c’est tout dire. Ce sont donc des gens fortunés. Excellents catholiques aussi. Moralité irréprochable. Reste évidemment qu’ils sont d’origine modeste. Le grand-père, je vous l’ai dit, était maquignon. Reste aussi que la jeune fille en question, bien qu’elle ne soit pas vraiment laide, est assez loin d’être jolie.
LOUISE
Et pour la consoler de sa disgrâce, les parents veulent en faire une vicomtesse ?
LE CURÉ
C’est une jeune fille très bien élevée. Grosse dot et des espérances du côté de son oncle le quincaillier. En outre, Me Galuchon laisse entendre qu’il aiderait monsieur le Comte à libérer l’hôtel de Clérambard de toute hypothèque.
Mme de LÉRÉ
Louise, il faut accepter. Peu importe l’avis de ton mari, Octave est majeur, il n’a pas besoin du consentement de son père. Ah ! qu’il se marie ! qu’il parte ! qu’il s’évade de ce bagne !
LOUISE
Accepter ? Vous n’y pensez pas, maman. Alors, le sang, la race, la naissance ne seraient qu’une marchandise ? J’aurais usé mes forces à des tâches écœurantes pour nous maintenir dans ces murs où s’inscrivent le nom et l’histoire des Clérambard et j’accepterais qu’un avoué achète tout, le nom et les murs, avec une poignée de billets ? Non. Je ne veux pas avoir souffert et manqué ma vie pour en venir là. Si ces pierres doivent nous échapper, que les créanciers nous les arrachent une à une et que je périsse à la tâche sans avoir à soupirer sur la vanité de mon calvaire.
Mme de LÉRÉ
Louise, pense à ton fils. Pense que tu tiens dans ta main les clés de sa prison. Rends-lui la liberté. (Louise paraît hésiter). Tu n’as pas le droit de t’arrêter à des considérations de naissance, qui ne sont plus rien dans la situation où nous sommes réduits. (À Octave). Octave, qu’en penses-tu ? Parle franchement.
OCTAVE
Mariez-moi, grand-mère. Mariez-moi tout de suite. Je veux m’en aller. Que ma femme soit chauve, qu’elle soit borgne, édentée, elle sera toujours pour moi la plus belle et la plus adorable des femmes si elle a pu m’arracher à mon existence de damné. Je suis prêt à l’aimer de toutes mes forces, mais qu’il se fasse vite, ce mariage, et qu’on en arrête la date sans perdre une minute, car je suis à bout de patience et de résistance.
LE CURÉ
On ne saurait être plus net.
LOUISE
Vous accepteriez d’entrer dans la famille des Galuchon, vous, vicomte de Clérambard, et d’avoir un oncle quincaillier ?
OCTAVE
Mais, bien sûr, maman, puisque je ne tricoterais plus de pulovères. Que pensez-vous que soit pour moi ce titre de vicomte que je porte dans l’ombre ? Peut-il être autre chose qu’une dérision dans l’état de misère où je me trouve ? Est-ce que vous croyez que je n’entends pas ricaner les gens sur mon passage et se moquer tout haut du vicomte de Clérambard qui s’en va vêtu comme un palefrenier ne voudrait pas l’être ? Ah ! Je vous assure que j’ai bien souvent souhaité pouvoir vendre mon nom et mon titre pour un complet neuf ou un bon repas.
LOUISE
Vous… Je n’en reviens pas.
Mme de LÉRÉ
Je t’en conjure, ne ferme pas à Octave cette porte de sortie. Pense aussi que ce mariage va permettre à ta filleule de rester au couvent et d’y passer deux années heureuses. Préfères-tu voir Florence ici, enchaînée à son banc de misère ?
LOUISE
Vous avez peut-être raison… Mais non, vous n’avez pas raison. Il vaudrait mieux dire, comme Hector, que nous nous rendons à l’extrême nécessité. Mariez-vous donc, mon pauvre enfant, et puissiez-vous ne regretter jamais de vous y être résolu dans un jour de découragement.
(Elle pleure dans son mouchoir).
LE CURÉ
Puisque vous êtes dans ces dispositions favorables, il ne reste plus qu’à convaincre monsieur le Comte. Demain dimanche, dans l’après-midi, Me Galuchon et sa famille seraient heureux de vous faire une visite.
LOUISE
Qu’ils viennent.
LE CURÉ
Je m’en vais tout de suite porter la bonne nouvelle à Mc Galuchon qui n’attend pas sans une certaine anxiété le résultat de ma démarche.
SCENE V
(Entre Clérambard qui va s’asseoir à son métier).
CLÉRAMBARD
Le salaud ! Je l’ai poursuivi jusqu’au grenier ! Ses aboiements devaient s’entendre sur la place.
LE CURÉ
Mais… Vous parlez peut-être de mon chien. Je l’avais laissé en bas, au rez-de-chaussée, pour ne pas vous en encombrer. Est-ce que…
CLÉRAMBARD
Il est mort.
LE CURÉ
Oh ! Par exemple ! Mon pauvre Papillon ! Mais comment la chose a-t-elle pu arriver ?
CLÉRAMBARD
Je l’ai étranglé. Avec une corde.
(Rire muet).
LE CURÉ
Monsieur le Comte ! Vous n’aviez pas le droit ! Vous saviez que ce chien était à moi et, même si vous l’aviez ignoré, rien ne vous autorisait à le tuer. Je vous répète que vous n’en aviez pas le droit !
CLÉRAMBARD
J’en avais parfaitement le droit ! Je suis chez moi, n’est-ce pas ? et libre de faire ce que bon me semble à l’égard d’un intrus, surtout s’il s’agit d’une sale bête qui montre les dents. Mais si vous voulez tout savoir, je vous dirai que je l’ai tué pour mon plaisir ! Ha ! Ha ! (Il éclate de rire). Pour mon plaisir ! Et comme il est bien gras, je m’en vais le mettre au saloir.
LE CURÉ
Je vous l’interdis. Sa dépouille m’appartient !
CLÉRAMBARD
Eh bien ! emportez-le, allez l’enterrer dans votre jardin de curé et qu’on n’en parle plus.
LOUISE
Hector ! C’est indigne ! Monsieur le Curé, je suis consternée !
Mme de LÉRÉ
Votre conduite est sans nom ! Vous êtes un homme abominable ! Vous me faites horreur !
CLÉRAMBARD
Assez ! Et tout le monde au travail !
LOUISE, à mi-voix.
Monsieur le Curé, vous ne saurez jamais à quel point je suis affligée par la mort de ce malheureux chien.
LE CURÉ, à mi-voix.
Je comprends qu’un acte aussi sauvage vous atteigne personnellement.
(Il parle bas. Entre un moine vêtu d’un manteau à capuchon et qui vient droit à Clérambard sur le devant de la scène).
CLÉRAMBARD
Qu’est-ce que vous voulez, vous, encore ?
LE MOINE
Je suis saint François d’Assise. Passant sur cette Terre, j’ai entendu les hurlements d’un pauvre chien à l’agonie et je suis venu voir ce qu’il en était. Pauvre bête, mais pauvre homme aussi. Comme je me trouvais dans votre grenier, j’ai voulu me faire connaître de vous. Je vous laisse ce livre qui vous parlera de ma vie. Quand vous l’aurez lu, pensez-y quelquefois et pensez surtout à vivre mieux que vous ne l’avez fait jusqu’ici.
(Ayant déposé un livre entre les mains de Clérambard, le moine sort).
CLÉRAMBARD
Qu’est-ce que ça signifie ? Vous avez vu ce moine ?
LE CURÉ, hargneux.
Non. Quel moine ?
CLÉRAMBARD
Un moine vêtu d’un manteau. (À Louise). Vous l’avez bien vu ?
LOUISE
Non. Il passait sur la place ?
CLÉRAMBARD
Mais non. Il était… (Clérambard se tait et regarde tout le monde d’un air inquiet. Puis il s’adresse à Mme de Léré). Vraiment, vous n’avez pas vu un moine ?
Mme de LÉRÉ
Vous avez rêvé.
CLÉRAMBARD, d’une voix mal assurée.
Mais non, je l’ai bien vu… (Au curé, d’un ton menaçant.) Je suis sûr de l’avoir vu.
LE CURÉ, effrayé.
Allons, il est temps que je me retire. Je vous souhaite le bonsoir.
LOUISE
Bonsoir, monsieur le Curé. Octave, reconduisez monsieur le Curé.
Mme de LÉRÉ
Je tiens à vous dire combien je suis navrée, monsieur le Curé. Je n’aurais pas été plus bouleversée s’il s’était agi de mon propre chien.
LE CURÉ
J’ai perdu là un bon compagnon et qui m’aimait bien.
OCTAVE
Croyez bien que, moi aussi, je suis désolé.
(Octave accompagne le Curé qui ouvre la porte. On entend des aboiements).
LE CURÉ
Papillon ! Il est vivant ! C’est lui ! C’est mon chien ! (Aboiements). Ah ! monsieur le Comte, vous avez voulu me faire peur !
CLÉRAMBARD, l’air égaré.
Moi ?
(Il se lève, court à la porte et, lentement, revient s’asseoir).
LE CURÉ
Ah ! Je suis heureux ! Oui, ma bonne bête, c’est ton maître. Oui, tu es content ? Là, là… Je ne te quitterai plus…
(Aboiements. Octave sort derrière le Curé).
Mme de LÉRÉ
Ah ! quel soulagement. J’ai cru mourir de confusion. Vraiment, gendre, vous avez des plaisanteries d’un goût détestable.
!!!!!SCÈNE VI
LOUISE
Vous paraissez abattu, tout d’un coup. Vous avez les yeux fiévreux et je vous trouve mauvaise mine. Seriez-vous malade ?
CLÉRAMBARD
Malade… Oh ! Non… Je suis plutôt…
LOUISE
Fatigué, n’est-ce pas ? Vous voyez, ce n’est pas impunément qu’on travaille comme vous le faites. Il arrive un moment où l’on est à bout de résistance, physiquement et moralement. Nous en sommes tous plus ou moins là et il est temps de chercher à nos ennuis une solution pratique. Nous travaillons comme des mercenaires pour nous maintenir dans ces murs et il est clair que nous n’arriverons à rien si nous ne sommes pas aidés. Le curé venait justement de la part de Me Galuchon en vue d’un mariage entre Octave et l’aînée de ses filles.
CLÉRAMBARD
Oui… (Silence). Mais ce moine, vous l’avez bien vu ? Il avait un livre à la main.
LOUISE
Quel moine ? Je n’ai pas vu de moine. Pourquoi me parlez-vous toujours de ce moine ?
CLÉRAMBARD
Un moine vêtu d’un grand manteau.
LOUISE
Où aurais-je pu voir un moine ?
CLÉRAMBARD
Enfin, ce livre n’est pas venu ici tout seul. Vous le voyez ce livre, au moins ?
LOUISE
Bien sûr. (Elle lui prend le livre des mains).
Tiens, vous achetez des livres, maintenant ?
CLÉRAMBARD
Moi ? Quelle supposition ! Vous pensez bien que je ne gâche pas de l’argent à acheter des livres. Du reste, je n’en ai jamais acheté. C’est justement ce que je vous dis. Ce livre n’est pas venu tout seul. Et le chien ? Le chien du curé !
Mme de LÉRÉ, sèche.
Louise vous parle de l’établissement de votre fils. Vous n’allez pas revenir sur cette mauvaise plaisanterie qui n’a d’ailleurs amusé personne.
LOUISE
La fille est laide. Elle est née Galuchon, et sa mère s’appelait Cudenot Cette demoiselle qu’on veut marier à Octave est la petite-fille d’un maquignon et d’un épicier. Oh ! Je sais bien, Hector, il y a de quoi être accablé et je comprends votre surprise. Mais nous ne sommes pas dans une situation à nous montrer difficiles. La dot sera très importante et l’avoué libérerait l’hôtel de Clérambard de toute hypothèque. Pourquoi ne pas accepter ?
CLÉRAMBARD, absent.
Pourquoi pas ?
LOUISE
Vous pensez bien, Hector, que ce n’est pas sans un grand déchirement que je me suis résolue à envisager pour Octave la possibilité de prendre femme dans un pareil milieu. Vous m’écoutez ?
CLÉRAMBARD
Quoi ?
LOUISE
Où êtes-vous ? Je vous disais…
Mme de LÉRÉ
Entrez !
!!!!!SCÈNE VII
(Entre une femme de trente-cinq ans, la Langouste, vêtue avec une recherche canaille et portant une cuvette en fer).
LA LANGOUSTE
Bonjour, messieurs-dames… Répondez pas tous à la fois… Je répète : Bonjour, messieurs-dames.
Mme de LÉRÉ, ajustant son lorgnon.
Madame… À qui ai-je l’honneur ?
LA LANGOUSTE
L’honneur ! (Rire). On m’appelle la Langouste parce que j’ai des taches de rousseur sur le ventre. Mon nom, c’est Léonie Vincent, mais le commissaire de police, lui, il dit la fille Vincent. Nuance. Vous saisissez, madame de Tralala ? Hier soir encore, monsieur le Commissaire, il me l’a chantée, la chanson des vaches. Une salope, il m’a dit. Voilà ce que vous êtes… La honte de la ville !
Mme de LÉRÉ
Qu’est-ce qui vous amène ?
LA LANGOUSTE
Je viens acheter un pulovère. On m’a dit que vous aviez un petit modèle tout ce qu’il y a de gentil et pas cher du tout.
Mme de LÉRÉ
Vous vous méprenez. Nous ne sommes pas des commerçants. Nous travaillons pour nos bonnes œuvres.
LA LANGOUSTE
Vous êtes sûre ? On m’avait pourtant bien dit…
CLÉRAMBARD, à Mme de LÉRÉ.
Vous mentez. Nous ne travaillons pas pour nos bonnes œuvres, mais parce que nous sommes dans la misère.
CLÉRAMBARD
Mme de LÉRÉ Vous qui prenez ordinairement tant de soin de le cacher, je ne vous comprends plus.
(Mme de Léré tourne le dos à la Langouste. Clérambard ouvre son livre).
LA LANGOUSTE, s’avançant vers Louise.
Madame la-Comtesse…
LOUISE, d’un ton froid.
Madame.
(La Langouste laisse tomber sa cuvette de fer et la ramasse).
Mme de LÉRÉ
Quel vacarme !
LA LANGOUSTE
Oh ! Excusez-moi, madame la Comtesse. Je suis confuse. Vous allez me demander ce que je fais avec une cuvette.
LOUISE
Non, je ne vous demande rien.
LA LANGOUSTE
Figurez-vous, chère madame la Comtesse, qu’il m’est arrivé un ennui. J’avais dans ma chambre une cuvette en faïence posée à même le plancher. Il faut vous dire que chez moi, il n’y a pas de table. Vous savez ce que c’est qu’un ménage de jeune fille. On se monte petit à petit et il manque toujours quelque chose. Ma cuvette était donc par terre. C’est un détail, mais vous allez voir. Cet après-midi, j’avais chez moi un militaire, un jeune homme de bonne famille, vous savez, distingué, de l’éducation et une belle nature de soldat. Voilà qu’en remettant sa culotte, il trébuche, il pose le pied dans ma cuvette.
LOUISE
Je vous en prie, nous en savons suffisamment.
LA LANGOUSTE
Tout ça pour vous expliquer qu’il m’a fallu racheter une cuvette. Pour une femme élégante, c’est indispensable, n’est-ce pas ? Aussi bien pour laver ses pieds, sa figure et son entresol que pour faire tremper son linge sale et ses épinards.
LOUISE
Hector !
CLÉRAMBARD, sursautant.
Quoi ?
LOUISE
C’est insupportable. Nous ne sommes plus chez nous.
CLÉRAMBARD, à la Langouste.
Qu’est-ce que vous voulez ?
LA LANGOUSTE
Acheter un pulovère.
CLÉRAMBARD
Qui vous a dit que j’en fabriquais ?
LA LANGOUSTE
Une personne de vos relations qui me veut du bien. Discrétion, n’est-ce pas ?
Mme de LÉRÉ
Je serais vraiment surprise que nous eussions des relations communes.
LA LANGOUSTE
Quand vous aurez mon expérience du mâle, chère madame, vous ne direz plus ça.
CLÉRAMBARD
Choisissez. Faites vite.
LA LANGOUSTE
Enfin, quelqu’un d’empressé. (Elle pose sa cuvette sur une chaise). Celui-là me plairait… C’est bien la forme que je cherchais, ça vous fait le pectoral coquin… Et le rouge, c’est la couleur de la Langouste. (Elle mesure les épaules, les manches). Il a l’air d’aller. Si je me retenais pas, je le mettrais tout de suite. C’est combien ?
CLÉRAMBARD
Soixante francs
LA LANGOUSTE
Ah ! Dites-donc ! Soixante francs, rien que ça… Vous me direz, j’ai l’air distingué, ça je veux bien, mais chez moi, c’est tout en surface. Faudrait quand même pas me prendre pour une femme du monde.
CLÉRAMBARD
Trop cher ? En voilà un à quarante.
LA LANGOUSTE
Il est trop moche.
Mme de LÉRÉ
Allez voir ailleurs. Vous verrez ce que vous aurez pour le prix.
LA LANGOUSTE
Je sais bien. Ah ! c’est pas facile. Trop petit, trop cher, trop moche. Pour les purées, il y a toujours quelque chose en trop et ça n’est jamais dans la poche. Si le commerce était mieux fait, c’est le client qui devrait faire son prix.
Mme de LÉRÉ
Joli raisonnement.
LA LANGOUSTE
N’empêche que mon raisonnement, il tient debout. Les jours de marché, sur la place, il y a un couple qui s’installe au pied de la statue. Pendant que l’homme joue de l’accordéon, la femme chante dans son porte-voix. Là, c’est le client qui fait son prix. Vous donnez cinq sous, dix, vingt, trente et rien du tout si vous voulez. Vous restez là le temps qu’il vous plaît, personne ne vous chicane sur l’heure et, au bout du compte, les chanteurs ont fait leurs affaires.
Mme de LÉRÉ
Comme ils ne donnent rien, ils ne risquent rien.
LA LANGOUSTE
Ils ne donnent rien ? Alors là, pardon. Les jours de marché, moi j’en rate pas une. Vous pouvez me voir au premier rang, presque à cheval sur l’accordéon. Je reste là une heure, des fois plus et quand je m’en vais, c’est toujours avec une chanson. Vous appelez ça rien ? Écoutez la dernière :
I’ m’surait un mèt’ quatre-vingts,
Il avait des petits yeux chafouins
Où était écrit mon destin.
I’ m’a lâchée la s’maine dernière,
Apprenant qu’j’allais être mère.
Ça va, je veux pas vous attrister.
Mme de LÉRÉ, à Louise.
Nous avons de la chance. Je vais préparer le dîner.
LA LANGOUSTE
C’est ça.
(Mme de Léré sort).
LA LANGOUSTE
Payée ou pas, elle est à moi, ma chanson. Elle s’usera pas. Elle tiendra le coup mieux que vos pulovères. Personne ne pourra me la casser ni me la cabosser. (Se touchant le front). Je la range dans le placard, ma chanson, et je la retrouve quand j’en ai envie. J’en ai de toutes sortes, vous savez, et je leur laisse pas le temps de se rouiller. Des fois, pour me faire rire, je me mets à chanter :
Anatole, Anatole,
Montre tes pistoles ;
Je serai ta Nana, ta Nana folle.
Ta p’tite Nana, à Nanatole.
Elle est drôle, hein ?
LOUISE
Nous ne sommes pas au cabaret. Voyons, Hector, servez cette personne et finissons-en.
CLÉRAMBARD, tendant à la
Langouste le pulovère de son choix.
Faites votre prix.
LA LANGOUSTE
Non, c’est vrai ? Vous, alors… Vous me plaisez, je vous le dis. Ça fait du bien de penser qu’en France, y a encore du monde qui sait vivre. Les manières raglan, je peux vous en parler, ça devient rare !
LOUISE
Hector ! Vous n’allez tout de même pas permettre à n’importe qui d’emporter notre travail pour une somme dérisoire ?
CLÉRAMBARD, haussant la voix.
Faites votre prix.
LOUISE
C’est stupide.
LA LANGOUSTE
Bon. Trente-cinq francs, ça irait ? (Clérambard approuve de la tête). Non, quand même, hein, c’est pas assez ? Qu’est-ce que vous diriez de quarante francs ? Tenez, je vais jusqu’à quarante-deux. Plus, je ne pourrais pas. (Clérambard approuve). Merci, dites. (Elle prend l’argent dans sa poche). Voilà quarante. Merci. Au revoir.
(Elle sort).
!!!!!SCÈNE VIII
LOUISE
Vraiment, Hector, vous faites tout d’un coup bon marché de nos efforts et de notre peine. Et je pense que si vous vouliez faire le généreux avec quelqu’un, vous auriez pu choisir une autre personne que cette créature. J’ai entendu dire qu’elle se vendait aux soldats de la garnison pour cinq francs. Il n’y avait aucune raison de faire pour elle ce que vous n’avez jamais fait pour personne.
CLÉRAMBARD
Foutez-moi la paix ! (Plus doucement). Allez aider votre mère. Et ce soir, vous vous reposerez. Nous ne travaillons pas après dîner.
(Louise sort en claquant la porte. Clérambard arpente la pièce).
!!!!!SCÈNE IX
(Entre la Langouste).
LA LANGOUSTE
Excusez, j’avais oublié ma cuvette. (Elle prend sa cuvette et se dirige vers la porte). Salut ! Et encore, merci, hein ? (En arrivant à la porte, elle se heurte à Octave qui rentre). Ah ! Mon Dieu ! Un homme ! Tout contre moi ! Mais c’est affreux ! Si mon fiancé l’apprenait ! Et mes parents ! Et mes amis ! Et mes domestiques ! J’espère que vous êtes un galant homme, que vous saurez vous taire.
(Elle rit).
OCTAVE, bafouillant.
Je vous demande pardon.
LA LANGOUSTE
Adieu, mignon.
(Elle sort. Un moment, Octave reste immobile, comme essoufflé, puis s’approche de son père).
OCTAVE, d’une voix
entrecoupée de rires nerveux.
La Langouste… C’était la Langouste… Là, sur le seuil… Elle m’a parlé… Tout près de moi… Elle me regardait… C’était la Langouste…
CLÉRAMBARD
Qu’est-ce que vous avez ?
OCTAVE, éperdu.
Elle était contre moi… J’ai senti sa cuisse… J’ai senti sa poitrine… (Criant). Sa poitrine !
CLÉRAMBARD
Allons, c’est bon, calmez-vous.
OCTAVE
Me calmer ! Mais comment voulez-vous que je sois calme ? Ah ! si vous saviez !
CLÉRAMBARD
Eh bien ?
OCTAVE
Il y a dix ans que je pense à cette fille, que je rêve d’aller chez elle, d’être à elle… J’étais encore un enfant… J’avais treize ans, douze ans… Je la rencontrais… Je connaissais sa maison, dans la ruelle aux Brebis… Je passais, je repassais, je respirais l’odeur de son couloir… Le soir, je n’arrivais pas à m’endormir… J’avais la fièvre… J’imaginais… J’imaginais… le diable sait ce que j’imaginais…
CLÉRAMBARD
Et maintenant ?
OCTAVE
Rien n’est changé, sauf que je suis plus impatient, plus timide aussi, plus honteux. Elle a beau avoir dix ans de plus, j’y pense plus que jamais. Et j’imagine toujours… J’imagine à n’en plus finir ! Tenez, hier encore, je suis passé par la ruelle aux Brebis et devant chez elle, à l’entrée de son couloir, je me suis arrêté, une fois de plus. J’avais les dents serrées, les jambes molles. J’étais glacé… (Se reprenant). Allons, je suis stupide. Je ne sais pas pourquoi je vous dis tout ça. Pour ce que ça peut vous faire…
CLÉRAMBARD
Vous avez bien fait. Je suis votre père.
OCTAVE
Enfin, je vais épouser une des filles Galuchon. La plus laide, mais c’est toujours ça. On travaille ce soir ?
CLÉRAMBARD
Non.
OCTAVE
Ah ! Tant mieux. Tiens, un livre. Vie de saint François d’Assise. Éditions du Ciel. C’est vous qui lisez ça ? Je vous préviens. Pour vous qui n’aimez pas lire, voilà un livre qui n’a rien d’attirant.
CLÉRAMBARD
Pourquoi ?
OCTAVE
François d’Assise, si j’ai bonne mémoire, était ce moine si débordant de charité qu’il aimait toutes les bêtes même les plus sauvages, et s’en faisait aimer.
CLÉRAMBARD
Vous êtes sûr ?
OCTAVE
Mais oui, j’en suis sûr. Vous paraissez déçu. Évidemment, un récit de chasse ou un roman policier conviendrait mieux à votre humeur.
CLÉRAMBARD
Laissez-moi. Allez-vous-en.
(Octave sort, Clérambard prend le livre et s’assied. Le jour baisse).
!!!!!SCÈNE X
(La nuit est presque faite. Assis à son métier, Clérambard tient le livre. Derrière lui, dans la hotte de la cheminée dont le manteau devient transparent, apparaît saint François d’Assise illustrant sa lecture).
CLÉRAMBARD
En 1182, naissait à Assise celui qui devait être saint François. (Ramage d’oiseaux).
LE MOINE
Fauvettes, coucous, mésanges, loriots, merles, rossignols, doux oiseaux, mes frères, quand je serai dans les villes, j’inviterai les hommes à venir vous voir dans vos bois. Je leur dirai qu’il ne suffit pas d’aimer son semblable et qu’il reste à aimer d’autres êtres si bons et si beaux qu’ils ont des voix de paradis et des ailes comme les anges de Dieu.
(Chant d’un merle).
LE MOINE
La forêt, c’est encore un peu du Paradis perdu. Dieu n’a pas voulu que le premier jardin fût effacé par le premier péché. Sur toute la surface de la terre, il a semé des forêts profondes où le pécheur puisse retrouver la bonne chance dans la compagnie des bêtes qui furent les témoins de son innocence.
(Ramage d’oiseaux).
LE MOINE
L’odeur des racines, le frisson des taillis et les chants des oiseaux endorment les puissances du mal qui veillent au fond de notre pauvre cœur. Dieu pousse même parfois la sollicitude jusqu’à placer des bandits au détour des sentiers afin d’aider les riches à se décharger d’un fardeau trop pesant pour marcher dans les voies du Seigneur.
(Chant d’un rossignol).
LE MOINE
Ah ! On frappe à ma poche. C’est vous, ami écureuil ? Vous arrivez bien, petit frère. J’ai une provision de noisettes. Ah ! le rusé. Le voilà déjà entré dans ma poche. C’est qu’il me chatouille !
(Le Moine rit aux éclats. Les oiseaux chantent. Hurlement d’un loup).
LE MOINE
Ah ! c’est le loup ! Bonjour, mon frère, bonjour. Tu parais bien malheureux. Allons, ne fais pas cette figure lamentable, mon pauvre loup. Je suis au courant, tu viens encore de manger un agneau. Eh bien, de quoi t’affliges-tu ? N’es-tu pas créé justement pour manger des agneaux ? Cette nécessité qui vous pousse sur la proie, elle vous dépasse de loin, toi et ton espèce ! Va, c’est l’ordre du monde et quand tu dévores un agneau, tu célèbres la gloire de Dieu, tu chantes sa force et sa bonté. C’est une chanson un peu rude à nos oreilles d’hommes, mais à celles de Dieu, elle n’est pas moins douce que le chant des oiseaux qui mangent des insectes.
(Le loup gémit doucement),
LE MOINE
Mon frère loup, tu n’as mérité aucune des malédictions qui t’accablent. Écoute le chant des oiseaux. C’est le tien. Tes hurlements, c’est ainsi que Dieu les perçoit. Écoute, loup…
(Le Moine disparaît. Ramage de tous les oiseaux. Cléram-bard poursuit sa lecture).
RIDEAU
!!!ACTE II
Même décor qu’au premier acte, sauf que les métiers à tricoter ont disparu.
SCENE PREMIÈRE
(Louise et Octave achèvent de mettre en bonne place le canapé et les fauteuils).
LOUISE
Vous ne me direz pas que c’est naturel.
OCTAVE
Je ne vois pas qu’il y ait de quoi se tourmenter.
LOUISE
Tout de même, voilà près de vingt-quatre heures qu’il est enfermé à clé clans cette pièce et qu’il ne veut voir personne, entendre personne. C’est à peine s’il me répond par une parole d’impatience quand j’essaie de lui parler à travers la porte.
OCTAVE
Que voulez-vous, il passe son dimanche comme il l’entend.
LOUISE
Sans manger ? Sans dormir ?
OCTAVE
Je ne sais pas s’il a dormi. En tout cas, il a très bien pu, cette nuit, faire un tour à la cuisine.
LOUISE
J’admire que vous soyez si tranquille. Ainsi, vous n’avez pas la moindre inquiétude ?
OCTAVE
Mais de quoi voulez-vous que je m’inquiète ? Papa n’est pas perdu, puisqu’on sait où il est.
LOUISE
Vous ne vous demandez pas ce qu’il peut faire, seul dans çette pièce, ni ce qu’il médite, ni quelles circonstances l’ont amené à s’enfermer ainsi ? Votre père n’est pas homme à jouer la comédie ! On peut être sûr que s’il a éprouvé le besoin de faire une sorte de retraite, c’est que des raisons graves l’y ont poussé. Il a tant de soucis, tant de sujets d’inquiétude…
OCTAVE
Hier soir, quand je l’ai quitté, il se préparait à lire un livre.
LOUISE
Allons donc ! Votre père a horreur de la lecture. Voyez-vous, Octave, je me demande si ce n’est pas la pensée de votre mariage qui l’occupe.
OCTAVE
Vous lui prêtez des sentiments de sollicitude qu’il ne m’a guère prodigués jusqu’à présent.
LOUISE
Hier soir, après le départ de monsieur le Curé, j’ai parlé à votre père de ce mariage Galuchon.
OCTAVE
Il était d’accord ?
LOUISE
C’est-à-dire qu’il avait l’air de l’envisager avec résignation. Mais depuis, justement, il a pu se reprendre ; en tout cas, hésiter. Ce sont peut-être ses scrupules qui le tourmentent maintenant.
OCTAVE
Qu’il se décide pour ou contre ! Dans une demi-heure, les Galuchon seront là. Il faudrait pourtant savoir si papa est consentant ou si je dois me passer de son consentement.
LOUISE, après un silence.
Octave, sincèrement, est-ce que l’idée de ce mariage ne vous est pas trop pénible ? Et pensez-vous pouvoir être heureux avec cette petite ?
OCTAVE
Pourquoi cette question ? Il est entendu que je ne fais pas un mariage d’amour. Je ne connais même pas la jeune fille, et le Curé ne nous a pas dissimulé qu’elle était laide.
LOUISE
C’est bien ce que je pensais. Ce mariage est pour vous le plus amer des sacrifices.
OCTAVE
Mais non ! Pas du tout ! Ah ! comme vous êtes compliquée et que vous me connaissez mal !
LOUISE
Heureusement, nous n’avons fait aucune promesse, et rien n’est plus facile que de se dégager.
OCTAVE
Me dégager ! Vous n’y pensez pas ! Écoutez, maman, je vous parle sans détour. Plutôt que de rester sous la coupe de mon père à mener une vie de chien, je serais encore heureux de m’échapper avec la première venue, même si elle était sans le sou, même si elle n’était pas jeune, même si… (un silence). J’espère maintenant vous avoir convaincue qu’il n’est pas question pour moi de faire un sacrifice.
LOUISE
Je veux vous croire.
SCENE II
(Entre Mme de Léré en tenue de ville. Chapeau à voilette baissée).
Mme de LÉRÉ, la mine bouleversée.
Mon Dieu ! Ah ! mes pauvres enfants ! Si vous saviez ! Non, c’est trop affreux ! C’est trop épouvantable !
LOUISE
Maman ! Que s’est-il passé ? Voyons, je vous en prie… parlez !
Mme de LÉRÉ
Oui, je vais parler… Il faut me pardonner, mais… Non, je n’ose pas vous le dire.
LOUISE
C’est Hector, n’est-ce pas ?
Mme de LÉRÉ, reniflant un sanglot.
Oui.
LOUISE
Il est mort ! Mon mari est mort ! Octave !
Mme de LÉRÉ
Mais non, qu’est-ce que tu vas supposer ! Hector se porte comme le Pont-Neuf.
LOUISE, s’asseyant.
Ah ! comme j’ai eu peur !
Mme de LÉRÉ
Ma pauvre chérie ! Vraiment, j’ai été stupide. Si j’avais pu prévoir…
OCTAVE
Alors ? Que s’est-il passé ?
Mme de LÉRÉ
Ah ! ce qui s’est passé… En rentrant des vêpres, j’ai pensé qu’Hector devait être encore enfermé ; je suis donc montée par le petit escalier et, en passant devant sa porte, je me suis arrêtée. Je l’entendais aller et venir dans la pièce. J’ai d’abord frappé… une fois, deux fois… J’ai appelé : « Hector, vous êtes là ? » Pas de réponse. J’ai crié : « Hector, puisque vous êtes là, répondez ! » Alors, il m’a répondu…
LOUISE
Que vous a-t-il dit ?
Mme de LÉRÉ
Il m’a dit… Non, je ne peux pas le répéter.
LOUISE
Il vous a expliqué pourquoi il s’était enfermé ?
Mme de LÉRÉ
Non. Oh ! non.
LOUISE
Il a peut-être parlé de sortir ou de rester encore ?
Mme de LÉRÉ
Mais non. Il m’a dit… Ah ! décidément… Je préfère le dire à l’oreille d’Octave.
(Elle vient à Octave et, tout bas, prononce un mot).
OCTAVE, riant d’un petit rire quinteux.
Hin ! hin !… Hin ! hin !… Hin !… hin !
Mme de LÉRÉ
Tu peux rire, mon garçon.
OCTAVE, à Louise.
Rassurez-vous, ce n’est rien de grave. Une parole d’impatience, simplement.
Mme de LÉRÉ
Ton mari se montre souvent grossier avec moi. Tout de même, il n’était pas encore allé jusque-là !
LOUISE
Je le disais à Octave tout à l’heure, Hector est très tourmenté. Il ne faut pas lui en vouloir. Mais vous êtes rentrée très tôt ?
Mme de LÉRÉ
Je ne suis restée qu’un quart d’heure à l’église. Je voulais rentrer assez tôt pour avoir le temps de préparer le thé à nos visiteurs. À propos, j’ai aperçu la famille Galuchon aux vêpres. Et j’ai vu l’aînée des trois filles. Ah ! elle n’est vraiment pas belle.
(Silence prolongé. Louise soupire. Octave a le regard fixe).
Mme de LÉRÉ
J’ai fait aussi une rencontre… une rencontre dont je me serais passée… La Langouste !
OCTAVE
Vous l’avez vue ? Où était-elle ?
Mme de LÉRÉ
Au coin de la ruelle aux Brebis. Elle venait à ma rencontre. Elle portait le pulovère rouge qu’Hector lui a vendu hier.
OCTAVE
Il lui va bien ?
Mme de LÉRÉ
Si tu crois que j’y ai pris garde ! Elle marchait :, cigarette au bec, les poings sur les hanches, en se dandinant…
(Tout en disant, Mme de Lérè fait quelques pas en se déhanchant).
Et voilà qu’en arrivant à ma hauteur, elle me lance : « Alors, on s’en va aux vêpres, toute seule avec son parapluie ? »
OCTAVE
Ha !
LOUISE
Vous ne lui avez pas répondu ?
Mme de LÉRÉ
Tu penses bien que non. Mais je suis devenue toute rouge. Ah ! quelle époque… Tiens… je vais me déshabiller et préparer notre réception.
LOUISE
Je vais vous aider.
Mme de LÉRÉ
Mais non. À quoi bon ?
!!!!!SCÈNE III
(Entre Clérambard, robe de chambre et chapeau melon. Mme de Léré le regarde de haut en bas, lui tourne le dos et sort. Octave se lève et va s’appuyer au bahut).
LOUISE
Hector, vous voilà enfin. J’étais si inquiète… J’essayais de deviner quel pouvait être votre état d’esprit dans cette solitude que vous prolongiez… J’imaginais vos soucis, votre tourment…
CLÉRAMBARD
Quels soucis ? Quel tourment ?
LOUISE
Hélas ! Ils ne vous manquent pas. La maison, le travail, les créanciers, une situation qui va s’aggravant…
CLÉRAMBARD
Je n’ai même pas pris le temps d’y songer. Tout ça est tellement dépassé !
LOUISE
Que voulez-vous dire ?
CLÉRAMBARD
Je veux dire que j’ai d’autres affaires en tête et d’une bien autre importance. Je me suis découvert tout d’un coup des créanciers auxquels je n’avais jamais pensé et qui ont pourtant fait preuve à mon égard d’une très grande patience. Mais ces créanciers à qui je dois tout, j’ai hâte de leur payer mes dettes… bien qu’à vrai dire j’aie la certitude de ne pouvoir jamais m’acquitter envers eux.
(Il s’assied dans un fauteuil).
LOUISE, timidement.
Vous devez être affamé ?
CLÉRAMBARD
Non, j’ai mangé.
OCTAVE, à Louise.
Qu’est-ce que je vous disais ?
LOUISE
Vous savez que vous êtes resté enfermé près de vingt-quatre heures ?
CLÉRAMBARD
C’est possible. Je n’avais plus la notion du temps.
LOUISE
Mais qu’est-ce que vous avez pu faire, seul pendant toute une nuit et tout un jour ?
CLÉRAMBARD
J’ai lu. (Un temps). Et j’ai pensé.
LOUISE
Pensé ? Mais à quoi ?
CLÉRAMBARD
Vous ne comprendriez pas. Il vous manque d’être préparée à certaines évidences. Mais rassurez-vous. Je ne vous laisserai pas dans l’ignorance. (Un temps). Je ne laisserai personne ici dans l’ignorance. Et d’abord, vous lirez ce livre.
(Il tire le livre de sa poche et le montre à Louise).
LOUISE
Vie de saint François d’Assise. Éditions du… du…
CLÉRAMBARD, d’une voix impatiente.
Du Ciel !
OCTAVE, prenant le livre
que lui tend Clérambard.
Oui, c’est le livre que vous vous proposiez de lire hier soir. Alors, vous l’avez lu ? Il ne vous a pas trop ennuyé ? Une vie de saint, j’imagine que ce n’est pas des plus folichons.
CLÉRAMBARD
Imbécile ! Malheureux imbécile ! J’ai bien peur que vous restiez pour la vie et pour l’éternité l’individu indécrottable que vous avez toujours été. Puissé-je me tromper ! Puissiez-vous, dans le troupeau des pécheurs, n’être pas un cancre obtus et paresseux comme vous l’étiez au lycée.
LOUISE
Soyez juste, Hector. En ces dernières années, Octave a beaucoup travaillé.
CLÉRAMBARD
Parce que j’étais là. (À Octave) : J’ai longuement pensé à vous, durant ces heures de solitude. J’ai pensé, entre autres choses, à votre salut. Je me suis demandé si je ne devais pas vous le faire faire à coups de pied au cul ou s’il était possible, malgré les apparences, d’éveiller votre âme à la vérité par des moyens mieux accordés avec ma tendresse de père. C’est ce que nous verrons par la suite. En tout cas, vous allez me faire le plaisir de lire ce livre aujourd’hui même.
OCTAVE
Je vous promets de le lire. (Il pose le livre sur le bahut, duquel il s’éloigne vivement). Maman ! Une araignée ! Là ! sur le bahut !
LOUISE
Oh ! elle est énorme ! (Elle avance la main pour se saisir d’un journal qui se trouve sur le bahut). Je vais la tuer !
CLÉRAMBARD, calme.
Laissez cette petite bête tranquille !
LOUISE
Oh ! je vous promets bien qu’elle ne m’échappera pas.
CLÉRAMBARD, il se lève, l’air menaçant.
Laissez cette petite bête tranquille, vous dis-je !
LOUISE
Mais qu’est-ce qui vous prend ? Je ne vais pas la laisser courir sur le bahut, tout de même ! Une araignée !
CLÉRAMBARD
Eh bien, oui, c’est une araignée… Et après ? Est-ce que toutes les bêtes du bon Dieu n’ont pas le droit de vivre et de respirer ? Je ne vois pas pourquoi vous écraseriez une araignée qui ne vous a rien fait. Si encore c’était pour la manger, je comprendrais. Il y a quelquefois des… des nécessités que nous… des nécessités qui nous dépassent. Mais ce n’est pas le cas. Alors ?
LOUISE
Alors ? Il me semble que la maison est suffisamment délabrée. Je veux au moins qu’elle soit propre.
CLÉRAMBARD
Tenez-la propre et laissez les araignées en paix.
LOUISE
Comme si c’était possible ! Comme si une maison pouvait être propre avec des araignées qui courent sur les meubles ! Il n’y a rien qui me dégoûte autant qu’une araignée.
CLÉRAMBARD
Âme vile.
LOUISE
Comment ?
CLÉRAMBARD
Âme vile.
LOUISE
Hector ! Comment pouvez-vous me traiter ainsi, moi, votre femme, et en présence d’Octave ?
CLÉRAMBARD
Araignée, ma sœur, sois la bienvenue chez nous. Hier encore, je n’étais qu’un pauvre ignorant et j’aurais laissé ma femme t’écraser. Mais depuis, un peu de lumière du ciel est descendu dans mon cœur. Je sais maintenant ce qu’un homme doit de tendresse et de respect à toutes les créatures de Dieu. Non, tu n’es pas une bête répugnante. Ton corps a la forme d’un bel ovale. Tes longues pattes poilues sont finement dentelées. Tu es comme la fleur d’un fil de la Vierge. (À Octave, sévèrement) : Est-ce vrai ?
OCTAVE
Mais certainement.
CLÉRAMBARD
Désormais, tu seras la joie de la maison et notre amitié en sera la douceur.
LOUISE
Ah ! l’horreur ! la voilà qui court sur le mur !
CLÉRAMBARD
Va, petite sœur, va. Tu es chez toi, libre d’aller et venir à ta volonté. Ici, tu n’as pas besoin de vivre cachée.
LOUISE
Ce serait pourtant prudent.
CLÉRAMBARD, il regarde sa femme
sévèrement et se tourne vers l’araignée.
Ta vie m’est aussi précieuse que celle de ma femme.
LOUISE
Je vous remercie, Hector. Voilà un compliment agréable à entendre. Mais je voudrais bien savoir pourquoi vous témoignez tout d’un coup tant de sympathie aux araignées. Hier encore, vous avez tué un pauvre chat qui ne demandait qu’à vivre. Et ce chien qu’il y a huit jours, vous avez jeté à l’eau après l’avoir égorgé sous les yeux d’Octave, que vous avait-il fait ? Je sais bien que vos instincts de chasseur cherchent à s’assouvir comme ils le peuvent. Mais puisque vous tuez si allègrement les chiens et les chats, il est juste que vous me passiez les araignées.
CLÉRAMBARD
Louise, j’attendais vos reproches, qui ne sont que trop justifiés. Il est vrai que je suis une brute, un tortionnaire, un tueur sadique tout éclaboussé du sang des bêtes innocentes, et qu’hier encore je prenais un mauvais plaisir à chasser, à tuer, à martyriser, à chercher dans le dernier regard de mes victimes l’affolement et le désespoir de la vie qui se sent tout près de chavirer dans la mort. Oui, j’ai tué des chats, j’ai tué des chiens, sans autre raison vraie que celle d’assouvir d’infâmes instincts. Je ne crois pas qu’un jour je puisse l’oublier. Mais je vous demande de m’en faire souvenir à chaque instant. Je n’ai jamais tué que de pauvres animaux, mais je ne doute guère que j’aie été capable de tuer des hommes, aussi bien, avec la même férocité. Que dis-je ? J’en suis sûr, puisque j’y ai déjà pensé.
LOUISE
Non, Hector, je ne vous crois pas.
CLÉRAMBARD
Je vous dis qu’il m’est arrivé d’y penser, et non pas une fois. Ah ! si vous saviez, Louise, quel homme j’étais. Heureusement, j’ai trouvé hier mon chemin de Damas. Désormais, je m’appliquerai à être l’ami des animaux et à les défendre tous, quels qu’ils soient.
LOUISE
Mon ami, vous tombez d’un excès dans l’autre…
CLÉRAMBARD, d’une voix dure.
Les araignées comme les autres, vous m’avez compris ? Ne doit-on pas défendre d’abord les plus petits, les plus faibles ?
(Long silence).
OCTAVE
Nos visiteurs ne vont plus tarder.
CLÉRAMBARD, attendri.
Elle est allée se nicher derrière le portrait. Peut-être qu’en ce moment, elle passe la tête en dehors du cadre pour regarder ce que je fais. Comme c’est charmant, ces petites bêtes !
OCTAVE
Vous savez que maître Galuchon et sa femme viennent nous faire une visite avec leurs trois filles ?
LOUISE
Il est bon que vous soyez là pour défendre les intérêts d’Octave.
CLÉRAMBARD
Est-ce que ce projet de mariage est déjà très avancé ?
LOUISE
Vous savez bien que non. Le Curé nous en a parlé hier pour la première fois.
CLÉRAMBARD
Tant mieux. Vous serez plus à l’aise pour faire comprendre aux Galuchon que ce mariage est impossible.
LOUISE
Ah ! vous n’en êtes plus partisan ? Prenez garde, Hector, de ne pas décider à la légère. Pensez à notre situation. Et qu’est-ce qui vous a fait changer d’avis ?
CLÉRAMBARD
J’ai décidé qu’Octave épouserait la Langouste.
LOUISE
La Langouste ! Allons, c’est une plaisanterie. (À Octave) : Votre père se moque de nous.
CLÉRAMBARD
Il ne s’agit pas d’une plaisanterie. Octave épousera la Langouste.
LOUISE
C’est vrai ? Vous êtes sérieux ? Voyons, Octave épouser cette fille… cette créature ! Non, Hector, il n’est pas possible qu’une idée aussi absurde germe dans une tête raisonnable. Vous avez donc perdu tout sens commun, toute dignité ?
CLÉRAMBARD
Je vous en prie, laissez là votre dignité.
LOUISE
Hier, ne l’avez-vous pas entendue dire elle-même que le commissaire de police lui a reproché d’être la honte de la ville ?
CLÉRAMBARD
Voilà qui témoigne justement pour elle !
LOUISE
Le commissaire est, en effet, mieux placé que personne pour témoigner de sa vie scandaleuse. Du reste, la réputation de cette fille à soldats est faite depuis longtemps. Vous ne l’ignorez pas. Et quelle tenue. Quelle vulgarité ! Il suffit de la voir et de l’entendre.
CLÉRAMBARD
Vous vous croyez peut-être supérieure à la Langouste ?
LOUISE
Vous n’allez tout de-même pas comparer la mère de votre fils à une prostituée ?
CLÉRAMBARD
Parfaitement, une prostituée, une douloureuse et humble fille que ses malheurs rendent digne d’amour et de respect. Ce sera pour nous un honneur qu’elle consente à épouser ce grand dadais qui n’est sûrement pas digne de lui laver les pieds.
LOUISE
Hector ! C’est de votre fils que vous parlez !
CLÉRAMBARD
Mon fils est un cornichon, mais c’est aussi un tombereau d’impureté. Mon fils est un tas de fumier. Comme moi, d’ailleurs. Comme sa mère.
LOUISE
Vous dites des choses révoltantes.
CLÉRAMBARD
Nous ne sommes que des hobereaux orgueilleux qui n’avons pas su préférer à une vaine gloriole les vraies richesses de l’âme.
LOUISE
C’est pour cette vaine gloriole que nous luttons tous depuis tant d’années, avec le courage du désespoir. Et voilà tout le cas que vous faites de nos efforts, de nos travaux et de nos peines. Non, Hector, il ne s’agit pas de gloriole, mais d’honneur et plus simplement d’honorabilité.
CLÉRAMBARD
Taisez-vous, femme frivole !
LOUISE
Pour arracher Octave à l’enfer de notre existence, je m’accommode à contrecœur d’une mésallliance avec la fille des Galuchon. Mais n’espérez pas que je compose pour lui faire épouser une catin !
CLÉRAMBARD
Dans son abjection, la Langouste est plus proche de Dieu que toutes les filles d’avoué du canton. Quand elle trousse humblement son pauvre jupon troué en prenant les cent sous d’un militaire, Dieu est là, tout près d’elle, et Il regarde son sacrifice avec bienveillance.
LOUISE
Hector, vous êtes stupide et vous êtes obscène.
CLÉRAMBARD
Sa misère et sa honte lui serviront de passeport pour entrer au Ciel. Là-haut, la boue de son existence giclera autour d’elle en étoiles glorieuses. Et vous, avec tout votre honneur et toute votre dignité, je vous vois comme un gros abcès gonflé d’impureté, un énorme abcès qui se cache sous des parchemins et des couronnes de comtesse, mais qui éclatera un jour, et ce jour-là, jour de colère, il éclatera avec un gargouillement de pourriture lâchée, et les anges du ciel se boucheront le nez pour ne pas sentir votre puanteur.
LOUISE
Taisez-vous, c’est abominable. Vous n’avez pas le droit de me traiter ainsi. Octave, défendez-moi ! Défendez votre mère !
OCTAVE
Calmez-vous, papa. Vous ne pensez pas ce que vous dites.
CLÉRAMBARD
Vous aussi, Octave, vous êtes un abcès. Mais vous aurez peut-être la chance d’avoir la plus humble des épouses et de partager sa honte aux regards de Dieu. Les gens vous montreront du doigt en ricanant. Ils diront que vous avez épousé une putain de la ruelle aux Brebis. On vous insultera. Et je compte bien qu’on nous insultera aussi.
OCTAVE
Vous avez l’air de vous en réjouir. Pour ma part, je me passerais bien d’être insulté.
CLÉRAMBARD
L’humilité est l’antichambre de toutes les perfections. Et c’est justement ce trésor-là, Octave, que la Langouste vous apportera en dot.
LOUISE
Assez de sottises. Essayez de retrouver un peu de bon sens et pensez au bonheur de votre fils.
CLÉRAMBARD
J’y pense. Mon désir est précisément qu’Octave vive selon son cœur, sans sacrifier à des intérêts d’argent. Devrait-il, parce que nous sommes pauvres, lier sa vie à celle d’une héritière pour laquelle il ne saurait éprouver qu’un sentiment de rancune ? Non, Octave épousera la femme qu’il aime.
LOUISE
La femme qu’il aime ?
CLÉRAMBARD, à Octave.
Vous aimez la Langouste, n’est-ce pas ?
OCTAVE
À vrai dire… Je me demande…
CLÉRAMBARD
Enfin, quoi, vous l’aimez.
OCTAVE, regard gêné vers Louise.
Je n’ai pas l’expérience qui me permettrait d’affirmer…
CLÉRAMBARD
Allons, c’est dit, je vais m’habiller et je descends lui demander sa main. À quoi bon attendre ?
LOUISE
Hector ! Hector !
(Clérambard sort).
SCENE IV
LOUISE
Il y va, n’en doutez pas. C’est incroyable ! Vous avez vu de quelle ardeur insensée il s’employait à prendre sa défense contre moi et à lui faire un mérite de son ignominie ? Avez-vous remarqué aussi quel étrange regard il avait ? (Silence). Eh bien, tant pis ! Si votre père a perdu la tête, moi j’ai la mienne sur les épaules. Octave, vous épouserez la fille de l’avoué et vous vous passerez du consentement de votre père.
OCTAVE sans chaleur.
Oui… (Regard fuyant). J’avoue avoir certain scrupule à décider contre la volonté de papa.
LOUISE
Certain scrupule ! (D’une voix sévère) : Octave ! Certain scrupule ? Vous ne me dites pas la vérité.
OCTAVE
Mais si, je vous assure.
LOUISE
Octave, vous me cachez quelque chose.
OCTAVE
Mais non, je ne vous cache rien du tout.
LOUISE
Octave, vous connaissez cette fille.
OCTAVE
Moi ? Où l’aurais-je connue ? Je ne lui ai jamais adressé la parole.
LOUISE
Vous la connaissez.
OCTAVE
Comment voulez-vous que ce soit possible ? Peut-être n’y avez-vous jamais pensé, mais je vis comme une bête de somme, sans même avoir un ami. Et vous en êtes à supposer que je peux entretenir des relations avec une femme.
LOUISE
Pourquoi votre père a-t-il affirmé que vous aimiez la Langouste ? Et pourquoi ne l’avez-vous pas démenti ?
OCTAVE
Vous savez bien qu’il n’accorde aucune attention à ce que je peux lui dire, sauf s’il y trouve un prétexte à me houspiller. Dès lors, à quoi bon un démenti ? J’aurais d’ailleurs mal choisi mon moment. Aujourd’hui papa a des idées si saugrenues ! Voyez pour l’araignée… A-t-il fait assez de bruit pour une simple araignée ?
LOUISE
Au fait, je n’y pensais plus à cette araignée. (Elle va au bahut et y prend le journal). Je viens, petite sœur.
(Louise monte sur une chaise, déplace le cadre et donne un coup sur le mur).
LOUISE
Je l’ai manquée. La voilà qui file sur le mur. Mais je l’aurai.
OCTAVE
Attention, vous allez tomber.
LOUISE, descendant de sa chaise.
Elle est là sur la plinthe. Ah ! je l’ai encore manquée ! Elle court sur le parquet.
OCTAVE
Elle est affolée.
(Louise et Octave se mettent à quatre pattes).
LOUISE
Empêchez-la de se couler sous un meuble !
OCTAVE
Oh ! À vous ! Ne la tuez pas, surtout, je veux l’avoir vivante.
LOUISE
Cette fois… Ah ! je l’ai !
(À genoux sur le parquet, ils se penchent sur leur prise).
OCTAVE
Attendez, je vais lui couper les pattes… J’ai justement mes ciseaux.
LOUISE
Mais non, pourquoi la faire souffrir ? Tuez-la, ou ce qui est encore mieux, jetez-la par la fenêtre, tout simplement. (D’un ton de reproche) : Oh ! Octave… Octave !…
OCTAVE
Je lui en laisse une, rien qu’une… Ah ! regardez-la sur une patte ! Regardez !
(Il éclate d’un petit rire de tête, saccadé, hystérique).
LOUISE, regardant son fils avec inquiétude.
Ne soyez pas si nerveux, mon chéri.
OCTAVE
Elle est si drôle ! (Il rit). Plus qu’une patte… Elle est tordante… Vous la voyez bien ?
LOUISE
Relevez-vous.
OCTAVE
Attendez, je lui coupe la tête. Ça y est… Hint hin !… Hin ! hin !…
(On entend des coups de marteau).
LOUISE
On frappe à la porte du bas. C’est la famille de l’avoué. Allez ouvrir, et faites-les monter tout doucement. Je vais remettre de l’ordre dans ma coiffure.
(Ils sortent par la porte du fond).
!!!!!SCÈNE V
(Entre Clérambard par l’autre porte. Il est en manches de chemise, pantalon, bretelles, chapeau melon).
CLÉRAMBARD
Qu’est-ce qu’on a encore fait de mon bouton de col ?… Personne ? (Souriant) : Mais si… Il y a ma petite sœur l’araignée. (Il voit le cadre de travers, le soulève). On a touché au cadre… Est-ce que… Araignée, où es-tu ? (Il jette un coup d’œil circulaire, aperçoit le journal laissé sur le plancher). Les brutes ! Ils l’ont tuée… Malgré tout ce que je leur ai dit… (Il se baisse). Oh ! ils lui ont coupé les pattes ! Assassins ! Tortionnaires ! Bourreaux ! (Il rassemble sur le journal les débris de l’araignée). Ma pauvre sœur, tu étais trop petite. Ils n’ont pas eu peur de ta faiblesse.
!!!!!SCÈNE VI
(Entre Mme de Léré, qui jette sur le salon un regard de maîtresse de maison).
CLÉRAMBARD, levant la tête
de sur son journal.
Vous faisiez partie de la bande, vous, bien entendu ?
Mme de LÉRÉ
La bande ? Avant de m’adresser la parole, commencez par me faire des excuses. Car je veux des excuses.
CLÉRAMBARD
Et moi, je veux savoir si vous avez prêté la main à l’assassinat de cette bête.
Mme de LÉRÉ
Quelle bête ?
CLÉRAMBARD, lui mettant
le journal sous le nez.
Cette bête-là !
Mme de LÉRÉ
Mais vous êtes dégoûtant ! Qu’est-ce que c’est que ces rognures d’insectes et pourquoi me mettez-vous ça sous le nez ? C’est écœurant.
CLÉRAMBARD, radouci.
N’est-ce pas ? Écœurant ? Vous êtes de mon avis. Pardonnez-moi si je vous ai soupçonnée. Je suis sûr que vous êtes incapable d’un mouvement de cruauté.
Mme de LÉRÉ
Je ne vois pas ce qui aurait pu vous faire supposer le contraire.
CLÉRAMBARD
De nous tous, c’est peut-être vous la plus proche de Dieu. Je compte d’ailleurs faire quelque chose pour vous. Mais d’abord, il faudra bien vous mettre dans la tête que vous êtes un être impur, pétri d’orgueil et de mensonge, un misérable ver de terre, un répugnant scorpion.
Mme de LÉRÉ
Vraiment ? Eh bien, moi, je vous tiens pour un mufle et un goujat !
CLÉRAMBARD
Vous voyez, vous en êtes encore à ne pouvoir supporter de vous entendre dire vos vérités, mais comptez sur moi ! Je vous aiderai.
Mme de LÉRÉ
Allez plutôt vous habiller. J’entends venir nos gens et vous êtes à moitié vêtu.
CLÉRAMBARD, regardant les
restes de l’araignée.
Quelle infamie, n’est-ce pas ? (Se dirigeant vers la porte) : Pauvre petite sœur !
(Il sort).
SCENE VII
(Mme de Léré remet un siège à l’alignement des autres. Louise entre la première, précédant Mme Galuchon. Viennent ensuite les trois filles Galuchon, Me Galuchon et Octave).
Mme GALUCHON
Je suis si contente… Et les petites se sont tant réjouies. N’est-ce pas, petites ?
LES TROIS FILLES
Oh ! oui, maman.
LOUISE
Je n’avais pas encore eu le plaisir de rencontrer ces jeunes filles. (D’un ton froid) : Elles sont charmantes.
Mme de LÉRÉ, à Mme Galuchon.
Bonjour, madame. Quel plaisir pour moi !… Voilà donc ces jeunes filles que j’ai tant désiré connaître !
Mme GALUCHON
Vous êtes trop bonne. Je vous présente Brigitte, la plus jeune… Étiennette… Évelyne, l’aînée.
(Les trois filles font une révérence).
Mme de LÉRÉ
Charmée, mesdemoiselles… Elles sont exquises.
Me GALUCHON, à Mme de Léré.
Je vous présente mes hommages, madame.
Mme de LÉRÉ
Bonjour, maître.
LOUISE
Asseyons-nous.
(Elle s’assied dans un fauteuil, Mme Galuchon auprès d’elle. En face, Mme de Léré et Me Galuchon).
Mme de LÉRÉ, montrant un
canapé aux jeunes filles.
Mesdemoiselles.
(Les jeunes filles s’asseoient. Octave reste debout).
LOUISE
Vous voudrez bien excuser mon mari. Ses affaires l’ont appelé en ville.
Me GALUCHON
Hélas ! pour un homme actif, les journées ne sont plus assez longues. Il faut prendre sur ses dimanches. Moi-même, j’ai à cinq heures un rendez-vous qui va m’obliger à partir avant ma femme. C’est pourquoi, si vous le permettez, nous aborderons sans trop tarder l’affaire qui nous amène.
LOUISE
Volontiers. Octave, conduisez donc ces jeunes filles en bas, voir la salle du duel.
Me GALUCHON
Ah ! la fameuse salle du duel !
LOUISE
Oui, on y voit encore l’endroit exact où, d’un coup d’épée, le vieux maréchal de Clérambard cloua contre la porte le baron de Malefroi qui l’avait provoqué. C’est une curiosité historique qui peut intéresser des jeunes filles.
Mme GALUCHON
Je crois bien ! Les petites vont être ravies… (Aux jeunes filles) : N’est-ce pas ?
LES TROIS FILLES
Oh ! oui, maman.
OCTAVE, aux jeunes filles.
Si vous voulez bien suivre votre guide ?
(Octave sort avec les filles Galuchon),
Mme GALUCHON
Le vicomte est plein d’enjouement.
Mme de LÉRÉ
C’est un garçon agréable. Il a surtout un caractère très affectueux.
!!!!!SCÈNE VIII
Me GALUCHON
Monsieur le Curé nous a fait part du bon accueil que vous avez bien voulu faire à ses suggestions.
De notre côté, nous ne sommes pas moins heureux que vous à l’idée d’une union si bien assortie et nous ne demandons qu’à faire le nécessaire pour la voir aboutir, (Un silence). Évelyne apportera en dot à votre fils un très joli domaine qui serait pour nos jeunes mariés une agréable résidence. Notez qu’ils vivraient tous les deux fort convenablement du revenu de cette propriété. (Long silence). En outre, une somme de cent mille francs compléterait la dot. Cent mille francs.
LOUISE
Maître, je regrette qu’hier soir, monsieur le Curé ne nous ait pas précisé le chiffre de la dot. Vous auriez ainsi évité un dérangement et une discussion qui semble bien ne devoir pas aboutir. J’en suis fâchée, mais votre proposition est tout simplement dérisoire, pour ne pas dire désinvolte.
Me GALUCHON
Oh ! madame… Désinvolte !
LOUISE
Vous ignorez peut-être que le nom de Clérambard appartient à l’histoire de France.
Me GALUCHON
Si j’ai été maladroit, ayez la bonté de me le pardonner. Je n’avais avancé ce premier chiffre de cent mille francs que pour amorcer l’entretien.
LOUISE
J’ai toujours entendu vanter votre intelligence, votre probité et les sentiments de piété qui sont en honneur dans votre famille. C’est ce qui m’avait d’ailleurs prévenue en faveur de ce projet, mais nous voilà si loin de compte qu’il vaut peut-être mieux n’y plus penser.
Me GALUCHON
Mais si ! Je suis sûr que nous pouvons nous entendre. Voyons, quelles sont au juste vos prétentions ?
LOUISE
Je ne vois pas qu’à moins d’un million, Octave puisse décemment faire de votre fille une vicomtesse de Clérambard.
Mme de LÉRÉ
C’est aussi mon opinion.
Me GALUCHON
Un million ! Grands dieux ! Savez-vous bien ce que c’est qu’un million ? Pensez-vous qu’il y ait rien au monde qui vaille d’être payé aussi cher ? Madame, vous aviez raison. Il n’y a pas d’accord possible entre nous.
Mme GALUCHON
Ne nous décourageons pas si vite, Eugène. La comtesse n’aura pas dit son dernier mot.
LOUISE
J’aurais souhaité passer sous silence certains aspects de la question. Mais puisque vous m’y obligez, je vous rappellerai que ce mariage ne se présente pas comme la conclusion d’une idylle. Vous imaginez bien que ce n’est pas de gaieté de cœur que l’héritier d’un grand nom et d’une illustre lignée se prépare à cousiner avec des maquignons et des épiciers, si honorables soient-ils.
Me GALUCHON
À vrai dire, ces considérations de naissance n’ont pas, dans notre milieu, l’importance que vous leur accordez dans le vôtre. Pour nous, un titre de vicomte n’est guère autre chose qu’un ornement.
LOUISE
Dans ces conditions, il est décidément préférable que nous en restions là.
Mme GALUCHON
Mon mari s’est laissé aller à sa vivacité et ses paroles ont sûrement trahi sa pensée. N’est-ce pas, Eugène ?
Me GALUCHON
C’est vrai, j’ai été trop vif et je ne songe pas à nier que l’aristocratie de la naissance m’ait toujours inspiré des sentiments d’estime. Mais un million, madame ! Un million !
LOUISE
J’aurais voulu aussi garder le silence sur une vérité douloureuse, ne doutant pas qu’au cours de l’entretien, elle serait constamment sous-entendue. Mais enfin, vous avez bien l’air de n’y pas penser. Quand un homme choisit une jeune fille pour en faire sa femme, c’est qu’il a été sensible à certaines séductions qui ne sont pas toutes du cœur ni de l’esprit.
Me GALUCHON
Je sais bien… je sais bien… N’oublions pas non plus que l’amour fait souvent des miracles.
LOUISE
Peut-être… Encore est-il nécessaire de créer les conditions du miracle. La promesse d’une compensation solide peut faire naître, en effet, dans le cœur d’un jeune homme un sentiment de reconnaissance à l’égard d’une jeune fille sans beauté et le conduire insensiblement à l’amour.
Me GALUCHON
Je ne dis pas le contraire… mais un million !
LOUISE, à Mme Galuchon.
Maman vous le disait tout à l’heure. Octave est un jeune homme très affectueux.
Mme de LÉRÉ
Oui, c’est un enfant plein de douceur, de bonté… Il a toutes les délicatesses du cœur.
Mme GALUCHON
Voilà bien le genre de mari qui conviendrait à notre petite Évelyne… Eugène…
Me GALUCHON
Oui, bien sûr. Je ne demande qu’à m’entendre… Si la comtesse voulait faire un sacrifice…
LOUISE
Croyez bien qu’il est déjà fait.
Me GALUCHON
Accordez-moi au moins une petite diminution.
(Louise a un mouvement de tête, marquant qu’elle est offensée).
Mme GALUCHON
Eugène…
Me GALUCHON
Allons, soit. Il faut en passer par où vous voulez, mais c’est dur.
SCENE IX
(Entrent les trois filles Galuchon et Octave).
Mme
de LÉRÉ
Voilà nos enfants. Hé bien, vous avez vu la salle historique ?
ÉVELYNE
Oui, madame. C’est vraiment très, très intéressant. Monsieur Octave nous a montré la grande porte et l’endroit où l’épée du comte de Clérambard est entrée dans le bois. C’est émouvant.
(Elle s’assied sur le canapé avec ses deux sœurs).
Mme GALUCHON
Évelyne est une enfant très sensible.
Mme de LÉRÉ
Octave l’est aussi.
Me GALUCHON
Dans ce temps-là, on n’y allait pas de main morte. Il devait y avoir par là-dessous quelque affaire de jupon.
Mme GALUCHON, à mi-voix.
Eugène… (Montrant les trois filles). Voyons.
LOUISE, à Galuchon.
Détrompez-vous, il s’agissait d’une querelle poétique. Le baron de Malefroi, qui se piquait d’être poète, ayant fait rimer rose avec prose, le maréchal de Clérambard s’en était indigné et avait composé l’épigramme que voici :
La rime qu’à rose
Le baron impose
Ne vaut, si j’en crois
La simple raison,
Faire Malefroi
Rimer avec con.
Me GALUCHON, riant.
Ha ! Ha !… C’est bien ce que je disais. Dans ce temps-là, on n’y allait pas de main morte. Ha ! ha ! ha ! Faire Malefroi rimer avec… Ha ! ha !
ÉVELYNE
C’est adorable ! Rimer avec con !
Mme GALUCHON, sévèrement.
Évelyne !… Ne lui en veuillez pas. Elle ignore absolument ce que signifie ce mot. Je puis vous le jurer.
Mme de LÉRÉ
Je n’en suis guère surprise. Soyez sûre que ma fille l’ignore aussi.
Me GALUCHON
La comtesse ?… Ha ! ha ! ha !… Vraiment, vous ne savez pas… Ha ha !
(Long silence. Louise paraît gênée).
Mme GALUCHON
Évelyne s’est toujours beaucoup intéressée à la poésie.
LOUISE
J’adore la poésie. Je ne vis que pour la poésie !
Mme GALUCHON
Vous savez qu’elle écrit des vers délicieux, absolument délicieux.
ÉVELYNE, protestant.
Oh ! maman !
Mme GALUCHON
Tenez, elle a composé dernièrement trois poèmes que M. le Chanoine Laugier a trouvés très bons. Il est pourtant difficile.
LOUISE
Je vous félicite, mademoiselle, et j’espère être admise à entendre des vers aussi excellents.
Mme de LERÉ
Pour ma part, je suis impatiente.
OCTAVE, d’une voix maussade.
Moi aussi.
Mme GALUCHON
Évelyne, tu vas réciter ton dernier poème.
ÉVELYNE
Mais, maman, j’ai peur d’ennuyer.
Mme de LÉRÉ
Votre modestie est de bon augure.
Me GALUCHON
Allons, mignonne, ne te fais pas prier davantage.
ÉVELYNE, se levant.
Je vais réciter « Premiers beaux jours ». (Elle tousse, puis récite).
Le printemps succède à l’hiver.
Voici fleurir la primevère
Et la modeste violette
Qui embaume les bois en fête.
Déjà les champs ont reverdi
Et les prés partout refleuri.
Naguère endormie, la nature
Revêt sa plus riche parure.
L’aubépine…
!!!!!SCÈNE X
(Évelyne, s’interrompt. Clérambard, redingote et chapeau melon, vient d’entrer. Il s’arrête devant sa femme et, lentement croise les bras).
CLÉRAMBARD
Où est votre sœur l’araignée ?
LOUISE, à mi-voix.
Voyons, Hector, vous n’allez pas, en ce moment…
CLÉRAMBARD, haussant la voix.
Où est votre sœur l’araignée ?
LOUISE
Mais je ne sais pas, moi. Elle doit être derrière le cadre.
Me GALUCHON
Vous avez perdu quelque chose ?
LOUISE
Non, ce n’est rien
Mme de LÉRÉ
Mais qu’est-ce qui se passe ?
CLÉRAMBARD
Elle n’est pas derrière le cadre.
LOUISE
Il faut qu’elle se soit cachée quelque part.
OCTAVE
Peut-être sous un meuble.
Mme de LÉRÉ
Mais enfin, de qui et de quoi parlez-vous ?
CLÉRAMBARD, à Louise et à Octave.
Non, votre sœur n’est pas sous un meuble. Où est votre sœur ?
LOUISE
Que voulez-vous que je vous dise ? Je n’étais pas chargée de la surveiller.
Mme de LÉRÉ
Quelle sœur ? On me cache quelque chose.
OCTAVE
Elle se sera tout bonnement échappée de la pièce.
CLÉRAMBARD
Non, elle ne s’est pas échappée. Et vous le savez bien, tous les deux, puisque vous l’avez tuée. Lâchement, sauvagement, après lui avoir arraché les membres.
LOUISE
Je vous en prie, Hector. À vous entendre, on croirait que nous sommes vraiment des meurtriers.
CLÉRAMBARD
Oui, vous êtes des meurtriers et des tortionnaires.
LOUISE
Toute cette histoire est grotesque.
CLÉRAMBARD
Non, elle est ignoble, elle est révoltante ! Mais j’entends qu’une pareille abomination ne se renouvelle pas dans ma maison, et j’exige qu’avant quinze jours, il y ait au moins trois toiles d’araignée dans chaque pièce. Assassiner une créature innocente qui venait chercher asile sous notre toit ! Deux monstres, voilà ce que vous êtes.
LOUISE
Pourquoi accusez-vous aussi Octave ? C’est moi qui ai tué l’araignée, mais lui n’y est pour rien.
CLÉRAMBARD
C’est vrai ?
LOUISE
Oui, c’est vrai.
CLÉRAMBARD
Octave ?
OCTAVE, gêné.
En effet, je n’y suis pour rien.
CLÉRAMBARD
Ah ! tant mieux, mon garçon. Vous m’ôtez un poids de sur le cœur. L’idée que vous aviez pu assassiner cette petite bête me tourmentait beaucoup. Je vous trouvais tellement indigne d’épouser celle que vous aimez que j’avais presque renoncé à ce projet. Mais puisque vous êtes innocent, je vais pouvoir demander sa main. (Sourire des Galuchon et frétillement d’Évelyne). Tenez, je veux oublier un moment le crime de votre mère et ne plus penser qu’à ce mariage. Je veux me réjouir de voir entrer dans notre famille une épouse aussi admirable. (Me Galuchon se lève, la main sur le cœur). Les voisins nous diront : « Comment, vous mariez votre fils à cette putain ? »
(Mme Galuchon pousse un cri. Louise s’empresse auprès d’elle).
Me GALUCHON
Monsieur, vous n’avez pas le droit de parler ainsi de ma fille.
ÉVELYNE
Mais, papa, puisque monsieur Octave m’épouse.
CLÉRAMBARD, à Octave.
Vous n’avez donc pas mis ces personnes au courant ?
OCTAVE
Comment voulez-vous ?
CLÉRAMBARD
Madame, et vous, monsieur, pardonnez-moi. Vous avez pu croire que je parlais de cette jeune demoiselle, mais c’est un malentendu. J’ai pour Octave de grandes ambitions et j’ai visé pour lui plus haut que votre fille.
Mme GALUCHON
Par exemple ! Nous faire cet affront !
(Louise l’apaise).
CLÉRAMBARD
Encore une fois, je vous demande pardon. (À Octave) : Soyez tranquille, je vous promets de plaider votre cause autant qu’il est possible.
(Il se dirige vers la porte).
RIDEAU
!!!ACTE III
Une pièce aux murs passés à la chaux. Au fond, un lit de fer, étroit. À gauche, un petit poêle de fonte à très long tuyau. À droite, escalier de trois marches accédant à la porte et, plus loin, une fenêtre étroite. Deux chaises, une cuvette de fer et un buffet bas, en bois blanc, complètent l’ameublement de la Langouste.
!!!!!SCÈNE PREMIÈRE
(La Langouste est assise sur le lit. Un dragon en manches de chemise et culotte rouge, boucle ses houseaux. Sur une chaise sont posés sa tunique, son sabre, son casque à crinière).
LE DRAGON
J’ai senti qu’avec cet homme-là, on allait s’entendre. Ça n’a pas traîné. Buzard et moi, on est tout de suite tombé copains. Il me dit : Alors ? Moi, je lui dis : Alors ?
(Il rit).
LA LANGOUSTE
Habille-toi vite.
LE DRAGON
Remarque bien, Buzard, je le connaissais déjà. Avant d’être là, il était au deuxième escadron, mais je le connaissais. Je savais même qu’il s’appelait Buzard.
LA LANGOUSTE
Donne-moi une cigarette.
LE DRAGON
Je peux pas. J’en ai plus que trois. Buzard, je ne mens pas. Je connaissais Buzard, mais dire qu’on était des copains, c’est pas vrai. On se connaissait, quoi.
LA LANGOUSTE
Tu nous endors, avec ta berceuse.
LE DRAGON
Quoi ?
LA LANGOUSTE
Je dis que tu nous endors.
LE DRAGON
Attends, tu vas voir… Tiens, tu voudrais pas me tenir le bout de ma ceinture ?
LA LANGOUSTE
Non, mais, dis, tu me prends pour ta femme de chambre, maintenant ?
LE DRAGON
Oh ! je te demandais ça… Je vais l’attacher au pied du lit.
LA LANGOUSTE
C’est bon. Je vais la tenir.
(La Langouste prend dans sa main une extrémité de la longue ceinture de flanelle bleue, dans laquelle le dragon s’enroule sans cesser de parler).
LE DRAGON
Pour t’en revenir à Buzard…
LA LANGOUSTE
Ah ! non, autre chose !
LE DRAGON
Attends, tu vas voir… Tous les deux, on se met à causer, Buzard…
LA LANGOUSTE
Passe la main avec ton Buzard. J’en ai jusque-là de ton Buzard !
LE DRAGON
Attends, tu vas voir. Buzard, il me parle de toi. Il dit : « Mon vieux, je connais une femme, mais alors une femme… » Moi je lui réponds : « Je demande pas mieux. » Mais voilà qu’hier, Nicolas…
LA LANGOUSTE
Quel Nicolas ?
LE DRAGON
Ben quoi, l’adjudant. L’adjudant Nicolas.
(Il enfile sa tunique).
LA LANGOUSTE
Ah ! assez ! Parle-moi plutôt de ta cambrousse. T’as une famille, t’as des parents, t’as des sœurs ?
LE DRAGON
Je vois pas pourquoi j’irais parler de mes sœurs à une putain.
LA LANGOUSTE
Elles doivent avoir la gueule fraîche, oui, tes sœurs. Je voudrais les voir, tiens.
LE DRAGON
T’occupe pas de mes sœurs. Mes sœurs, elles ont tout ce qu’il leur faut. Et pour ce qui est de Buzard, dis-toi bien une chose. C’est que si je n’avais pas connu Buzard, une supposition, je ne serais peut-être jamais venu chez toi. Et en tout cas, pas aujourd’hui.
LA LANGOUSTE, ricanant.
Sûrement que la journée m’aurait paru longue.
LE DRAGON, il boucle son ceinturon,
auquel est accroché son sabre, et prend une cigarette.
Chez toi, dans un sens, ce n’est peut-être pas cher… (Il allume sa cigarette). Mais si on veut bien réfléchir…
LA LANGOUSTE
Ça va. Fous le camp.
LE DRAGON
Sans parler de la chambre…
LA LANGOUSTE
Allez, bonsoir. Oublie pas ton panama.
LE DRAGON, il se coiffe de
son casque à crinière. ;
Chez toi, y a pas seulement une glace.
LA LANGOUSTE
T’inquiète pas. T’es tout ce qu’il y a de mignon.
LE DRAGON
Alors, bonsoir. (La main sur le bouton de la porte) : D’après ce que m’avait dit Buzard, j’aurais quand même cru que c’était autre chose. (Il ouvre la porte). Je crois que voilà du monde.
(Il disparaît, laissant la porte entrouverte).
!!!!!SCÈNE II
(Clérambard apparaît au haut des trois marches).
CLÉRAMBARD
Mademoiselle.
LA LANGOUSTE
Ah ! monsieur le Comte. C’est gentil de venir me voir. Entrez.
CLÉRAMBARD, il entre.
Je ne vous dérange pas ?
LA LANGOUSTE
Je suis toute seule. Ça tombe à pic. (Elle rit et avance une chaise). Tiens, assieds-toi mon gros lapin.
CLÉRAMBARD
Merci.
(Il prend le dossier de la chaise et reste debout).
LA LANGOUSTE
Alors, quoi, on a envie de s’amuser un peu ?
CLÉRAMBARD
À vrai dire, ma visite a un tout autre but.
LA LANGOUSTE
Oh ! alors, pardon. Excusez.
CLÉRAMBARD, regardant la chambre.
Je vous en prie. Comme c’est beau, chez vous ! On s’y sent déjà près du ciel. Vous, au moins, vous ne faites pas de mal aux araignées.
LA LANGOUSTE
C’est vrai que les toiles d’araignées, ce n’est pas ce qui manque ici. Bien sûr que je devrais les ôter, mais je finis par ne plus les voir. Et la vérité, c’est que les araignées ne me gênent pas.
CLÉRAMBARD
Ah ! j’avais raison, je le pressentais. Vous aimez les bêtes, les plus petites, les plus humbles, et vous les protégez de tout votre amour. Léonie Vincent, vous êtes un ange, une princesse du ciel et promise au ciel. Maintenant que je vous connais un peu plus, je me sens intimidé. Je ne sais plus si je peux me permettre encore de vous dire ce qui m’amène.
LA LANGOUSTE
Allez-y. Vous savez bien qu’avec la Langouste, il n’y a pas besoin de se gêner.
CLÉRAMBARD
Adorable humilité ! J’ai bien peur que ce malheureux soit indigne. (Soupir). Enfin, nous verrons bien… Je vais peut-être vous surprendre, et peut-être vous scandaliser.
LA LANGOUSTE
Me scandaliser, ça m’étonnerait. Je ne vois pas trop ce que vous pourriez me sortir.
CLÉRAMBARD
Est-ce que vous connaissez mon fils ?
LA LANGOUSTE
Attendez… Ce n’est pas lui que j’ai rencontrée chez vous hier au soir ? Un grand sifflet, l’air un peu andouille.
CLÉRAMBARD
Oui, je vois que vous le connaissez. C’est de lui, justement, qu’il s’agit. En deux mots, voilà toute l’affaire. Mon fils Octave vous aime.
LA LANGOUSTE
C’est facile. (Souriant). Une politesse en vaut une autre. Je le laisse faire son prix.
CLÉRAMBARD,
secouant la tête, l’air attendri. Loyale. Oh ! j’en étais sûr. Autant de plus à ajouter à vos mérites. Amour, humilité, bonté, loyauté. Mais je n’ai pas su me faire comprendre. Mon fils vous aime et désire vous épouser.
LA LANGOUSTE
Dites donc, j’aime pas qu’on se paie ma tête. Vos boniments au mariage, ça pourrait bien faire du vinaigre.
CLÉRAMBARD
Est-ce que j’ai la tête d’un homme qui plaisante ?
LA LANGOUSTE
Je me doute que ça ne doit pas vous arriver souvent.
CLÉRAMBARD
Octave vous aime depuis dix ans sans oser vous le dire.
LA LANGOUSTE
Alors, c’est vrai ? C’est sérieux ?
CLÉRAMBARD
Il vous aime aujourd’hui comme au premier jour.
LA LANGOUSTE
Depuis dix ans ! Pauvre môme. Il aurait quand même pu mieux tomber.
CLÉRAMBARD
Mieux tomber ! Ma pauvre enfant… L’humilité est une grande vertu, mais qui ne doit pas nous dissimuler le visage de la vérité. Vous avez cru d’abord à une plaisanterie de ma part. Pensez-vous qu’Octave vous fasse beaucoup d’honneur en demandant, votre main ? C’est mon devoir de vous avertir. Octave est une pauvre cervelle, un garçon sans volonté, et sans beaucoup de cœur non plus.
LA LANGOUSTE
Je ne vous crois pas. Votre fils n’est pas ce que vous dites.
CLÉRAMBARD
Hélas ! Non. Il est pire.
LA LANGOUSTE
N’importe comment, il vaut toujours mieux que moi.
CLÉRAMBARD
Mieux que vous ? Assurément non, mais sa vraie chance, ce serait de devenir votre mari.
LA LANGOUSTE
Vous me faites rire. Est-ce que je peux être une chance pour quelqu’un ?
CLÉRAMBARD
Une chance que pour ma part j’envie à Octave. Vous lui apporterez l’humilité, l’amour des araignées, la vertu de vos souffrances !
LA LANGOUSTE
Vous déraillez. Ce que je peux apporter à Octave, je le sais mieux que personne. Moi, ma vie, c’est vendre ma viande, me saouler, et les engueulades, les bagarres. Et si ça se trouve, la foire d’empoigne. J’ai déjà été en prison trois fois.
CLÉRAMBARD
Chère petite. En prison.
LA LANGOUSTE
Si j’étais mariée, je tiendrais pas une heure entre le pot-au-feu et le fer à repasser. Faudrait que je cavale. Au milieu de la nuit, en rentrant chez nous avec une biture au vin rouge, je flanquerais aussi bien une trempe à Octave.
CLÉRAMBARD
Mais oui ! Mais bien sûr !
LA LANGOUSTE
Quoi ?
CLÉRAMBARD
Vous êtes la femme qu’il faut à mon fils.
LA LANGOUSTE
Minute. Je me vois pas encore fiancée. Je me sens comme un charbonnier devant du linge blanc. Remarquez que mon mari, je l’aimerais bien, mais quoi, le sentiment, ça me pousse au vin rouge. Je me connais, mon époux, je lui ferais honte à tous les tournants de l’existence. C’est comme les personnes distinguées, je résisterais pas, je leur enverrais des grossièretés et des trucs cochons en pleine table. Et ça, monsieur le Comte, vous n’y pouvez rien, c’est le vice des putains.
CLÉRAMBARD
Pardonnez-moi, j’avais deviné une partie de vos mérites, mais je ne m’attendais pas à trouver chez vous une humilité aussi parfaite, un détachement aussi simple et aussi complet des vanités du monde.
LA LANGOUSTE
Vous me parlez drôlement. Je suis toujours à me demander si vous êtes sérieux.
CLÉRAMBARD
Je vous parle avec tout l’élan, toute l’ardeur que m’inspirent l’admiration, la joie de vous découvrir plus belle que je ne vous avais vue d’abord.
LA LANGOUSTE
Alors, vous me trouvez bien ?
CLÉRAMBARD
Je vous aime déjà comme ma fille.
LA LANGOUSTE, lui passant
un bras autour du cou.
Vrai ? Vous m’aimez un petit peu ?
(Elle se presse contre lui).
CLÉRAMBARD, lui prenant la taille
comme sans y penser.
Je vous aime pour toutes vos perfections.
LA LANGOUSTE
Moi aussi, je vous aime bien. Vous ne croyez pas que tous les deux, on est fait pour s’accorder ?
CLÉRAMBARD
Je l’ai compris au premier moment.
LA LANGOUSTE, la tête renversée en arrière,
elle le regarde avec des yeux provocants.
J’ai tellement besoin d’affection !
CLÉRAMBARD, la voix rauque.
Vous en aurez !
LA LANGOUSTE
Avec vous, on a envie d’être gentille.
(Elle rit).
CLÉRAMBARD
Soyez gentille.
LA LANGOUSTE
Mon gros loup !
(Clérambard la serre contre lui d’un mouvement brusque et se penche sur son visage. À cet instant, le chant d’un oiseau emplit la chambre. Clérambard écarte la Langouste et passe la main sur son front. Le chant cesse).
CLÉRAMBARD
Mon Dieu, pardonnez-moi. La nuit avait envahi mon cœur. J’étais près de céder à la plus abominable des tentations. Au bord de l’abîme où j’allais entraîner une créature innocente, j’ai été retenu par ce message mélodieux du petit pauvre d’Assise, mais je n’avais pas mérité une grâce aussi particulière. Seigneur, comme je suis faible encore et complaisant aux entreprises du démon ! Si je laisse un moment s’écarter de vous ma pensée, je ne suis plus que moi-même et, livré à mes instincts, livré à ma pauvre raison tremblante, je retombe à la boue, je retourne à la violence, à la chiennerie. Seigneur, pourquoi votre présence n’est-elle pas en moi à tout instant ? Hélas ! Je le vois bien, c’est qu’il me manque le secours de la prière, c’est que mes lèvres n’ont pas encore appris à murmurer sans cesse votre saint nom qui m’avertirait du danger. (À la Langouste après un silence). Ma pauvre enfant, vous qui pensiez vous abandonner à l’amitié d’un père, méprisez-moi comme je mérite de l’être. Je ne suis qu’une bête lubrique… Un cochon ! Un cochon !
LA LANGOUSTE, riant.
Vous n’avez pas vu que c’est moi qui vous ai cherché ? Naturellement que je n’aurais pas dû, mais je ne pensais pas non plus que vous étiez dans des idées de curés. Je me suis laissée aller aux habitudes du métier, sans réfléchir plus loin.
CLÉRAMBARD
Léonie, vous m’êtes à présent plus chère que jamais, mais n’essayez pas de me trouver des excuses. Vous me fâcheriez. Quand je pense que j’étais venu vous demander votre main pour mon fils et que je n’ai pas craint de serrer dans mes bras la femme dont j’espérais faire ma bru, je sens me monter au front le rouge de la honte. Ce crime que j’allais commettre, Léonie Vincent, savez-vous que ce n’était rien de moins qu’un inceste ?
LA LANGOUSTE
Qu’est-ce que vous allez chercher !
CLÉRAMBARD
À vrai dire, j’avais consenti à l’inceste. Que dis-je ? Mais je l’ai commis en esprit. Ah ! Misérable chair ! Je suis un satyre, un cochon incestueux !
LA LANGOUSTE
Mais non, mais non. Écoutez, même si vous aviez été jusqu’au bout, je vous assure que c’était peu de chose.
CLÉRAMBARD
N’essayez pas non plus de me rassurer. Dieu merci, je suis conscient de la noirceur de mon crime. Je n’entends d’ailleurs pas le tenir secret. Dussé-je en crever de honte, je le confesserai bien haut à ma femme, à ma belle-mère et, bien entendu, à mon fils.
LA LANGOUSTE
Dites donc, à propos, j’aimerais bien le voir, votre Octave.
CLÉRAMBARD
Je vous l’envoie tout de suite et je reviendrai le chercher un peu plus tard. Quel que soit l’accueil que vous ferez à Octave, j’ai à vous parler d’une autre chose qui me tient encore plus à cœur que ce mariage. À tout, à l’heure.
LA LANGOUSTE
Salut.
(Clérambard sort).
!!!!!SCÈNE III
(Léonie prend dans le tiroir du buffet un miroir à main et un poudrier. Tout en se maquillant, elle chante).
LÉONIE
Pendant vingt ans trimant à la fabrique,
Dans l’atelier aux vapeurs méphytiques
Il a donné ses forces sans compter,
Et maintenant, l’courageux ouvrier…
!!!!!SCÈNE IV
LA LANGOUSTE
Entrez !
M°GALUCHON, passant la tête par
l’entrebâillement de la porte.
Coucou, c’est votre petit Galuchon qui vient folâtrer. (Il entre). Ah ! J’ai eu peur. Je viens de croiser une ombre dans l’escalier. Heureusement, il faisait noir. Un client ?
LA LANGOUSTE
Ça me regarde.
Me GALUCHON
Je vous trouve plus excitante que jamais. Vous avez un air… Hou !
LA LANGOUSTE
Qu’est-ce qui te prend ? Tu ne viens jamais le dimanche.
GALUCHON
Je me suis échappé en prétextant un rendez-vous d’affaires. Depuis hier soir, je suis obsédé par le souvenir de notre dernière rencontre. Ce matin, je me suis levé à cinq heures, soi-disant pour expédier un travail, en réalité pour aller regarder vos photos. J’avais choisi les meilleures, celles que je cache dans un volume de droit canon. Hou ! Je n’en pouvais plus. Chez moi, à la messe, à table, en visite, je ne pensais qu’à ma Langouste. Je croyais la voir dans sa chambre, allongée sur son petit grabat. Tout me parlait d’elle. Dehors, je regardais les platanes. Leurs grosses branches fourchues s’ouvraient comme des cuisses.
(Il rit).
LA LANGOUSTE
T’as l’air bien malade.
Me GALUCHON
Dans le brouillard la colline s’arrondissait comme une croupe impérieuse.
LA LANGOUSTE
Ferme ça. Aujourd’hui, j’ai pas la tête à t’entendre divaguer.
Me GALUCHON
Vous avez raison, je perds du temps. Par devant nous, Galuchon Eugène, avoué, établi en la rue Fantin, a comparu en chemise et en pantalon, mais sans autre empêchement de voir ni de toucher, demoiselle Langouste, de son état fille publique, domiciliée ruelle aux Brebis où elle a boutique de délices, laquelle Langouste, de nous requise et pour la somme de quinze francs… (Il tire son portefeuille, donne de l’argent, mais, comme il veut l’enlacer, elle le repousse rudement). Oh ! Je vous ai fâchée ?
LA LANGOUSTE
Tu tombes mal. Je suis dans un bon jour.
Me GALUCHON
Je me suis pourtant conduit comme d’habitude. J’ai prononcé les paroles rituelles. J’ai avancé la main…
(Il refait le geste d’enlacer la Langouste).
LA LANGOUSTE
Enlève tes pattes.
Me GALUCHON, irrité.
Vous n’avez sans doute pas réfléchi que si je laisse ici quarante-cinq francs par semaine, j’achète certains droits qui ne peuvent pas être mis en discussion.
LA LANGOUSTE
Je discute pas. Je te dis de t’en aller.
Me GALUCHON
Vous n’allez tout de même pas me laisser partir comme ça ?
LA LANGOUSTE
Allons, dehors.
Me GALUCHON
Doucement, je viens de vous donner de l’argent.
LA LANGOUSTE
Quoi ? Quel argent ?
Me GALUCHON
Les quinze francs…
LA LANGOUSTE
Ça va, on n’en parlera plus.
Me GALUCHON
Ah ! Permettez ! Je n’admettrai pas…
!!!!!SCÈNE V
(La porte s’ouvre. Octave apparaît en haut des trois marches.)
OCTAVE
Oh ! Pardonnez-moi… Je ne croyais pas…
Me GALUCHON
Comment, c’est vous, monsieur Octave ? Fermez la porte. Votre présence en ces lieux est pour le moins surprenante.
OCTAVE
Maître, je suis confus, j’étais loin de penser…
Me GALUCHON
Bien sûr, vous ne pensiez pas me rencontrer ici. (À la Langouste). Laissez-nous parler un peu… Mon cher vicomte, je me demande lequel de nous deux est le plus surpris de la rencontre. À la réflexion, je crois bien que c’est moi. Notez que je ne vous fais pas de reproche et que, pour ma part, j’ai la conscience tranquille… Je trouve chez cette fille un délassement, une détente… l’oubli passager des fatigues et des soucis que je m’impose dans l’accomplissement de la tâche quotidienne. Où est le mal ? J’arrive à un âge où, après avoir assis solidement mes affaires et élevé dignement mes enfants, il m’est permis de penser un peu à moi. C’est bien votre sentiment ?
OCTAVE
Certainement, maître.
Me GALUCHON
Vous, mon cher vicomte, vous êtes un jeune homme de vingt-deux ans. C’est l’âge où l’on envisage sérieusement les problèmes difficiles que pose l’obligation d’asseoir convenablement son existence, de fonder une famille. Le temps n’est pas venu encore de chercher l’évasion dans des plaisirs frivoles où seul un homme mûr peut trouver matière à d’utiles réflexions. Vous n’avez donc pas les mêmes raisons que moi de venir ici et je suis sûr que vous ne vous y sentez pas pleinement autorisé par votre conscience.
OCTAVE
Oh ! ma conscience !
Me GALUCHON
Encore une fois, il n’est pas question de reproche. Je suis assez compréhensif pour admettre que ces sortes de jeux ne compromettent en rien votre sentiment loyal pour ma fille Évelyne. Ayons seulement la prudence de ne parler à personne de cette rencontre et nous finirons par l’oublier nous-mêmes. Vous venez souvent ?
OCTAVE
C’est la première fois.
Me GALUCHON, s’esclaffant.
Non ! Ah ! C’est trop drôle ! Vraiment, vous n’avez pas de chance. Allons, jeune homme, je ne vous retiens plus.
OCTAVE
Excusez-moi, mais papa doit venir me retrouver ici.
Me GALUCHON
Quoi ? Votre papa… Ah ! C’est du propre !
OCTAVE
Maître… Je dois vous dire la vérité. La femme que mon père veut me faire épouser… C’est elle.
Me GALUCHON
Comment ?
OCTAVE
En présence des jeunes filles il nous était difficile de vous renseigner plus précisément.
Me GALUCHON
C’est juste. Mais la comtesse aurait pu m’informer sans être entendue de ma femme ni de mes filles.
OCTAVE
Peut-être, mais c’était assez gênant.
Me GALUCHON
Ainsi donc, l’épouse que vous destine votre père, celle dont il entend faire une vicomtesse de Clérambard, serait cette fille publique ? Ah ! Je comprends que la comtesse ait eu honte de nous la nommer. Mais pourquoi veut-il que son fils épouse une catin ? Quelles raisons vous a-t-il données d’un choix aussi extravagant ?
OCTAVE
Je ne les ai pas comprises très clairement. Il m’a semblé qu’elles étaient surtout d’ordre moral et religieux.
Me GALUCHON
Vous vous moquez de moi ? Je voudrais savoir ce que peuvent bien faire ici la morale et la religion.
OCTAVE
Je ne sais pas.
Me GALUCHON
N’importe, n’est-ce pas ? Vous êtes décidé à épouser ma fille en vous passant du consentement de votre père ?
OCTAVE
Oui… Mais ce sera difficile. Je porte à mon père trop d’affection et de respect pour me dresser contre lui, et passer outre à sa volonté. Je ne peux pas lui faire cette peine.
Me GALUCHON
Allons donc ! Voilà ce que vous lui direz…
OCTAVE
Vous pourriez le lui dire vous-même. Vous auriez plus de chances de vous faire écouter et vos raisons auraient plus de poids que les miennes. Il va être là dans une minute.
Me GALUCHON
Oh ! Mais alors, je file. Surtout, ne vous laissez pas envelopper, ne vous engagez à rien… Venez me voir demain… (Haussant la voix pour la Langouste). Et vous, ne vous laissez pas prendre à cette histoire de mariage qui ne pourrait que vous attirer des ennuis. Adieu !
LA LANGOUSTE
Salut !
GALUCHON
Je pars le cœur lourd de regrets.
(Il sort).
SCENE VI
(La Langouste s’approche d’Octave).
LA LANGOUSTE
Qu’est-ce qu’il vient de me raconter, que je pourrais m’attirer des ennuis ?
OCTAVE
C’est qu’il veut me faire épouser sa fille.
LA LANGOUSTE
Laquelle ? La plus laide ?
OCTAVE
Bien sûr.
LA LANGOUSTE
Alors ?
OCTAVE
Je ne veux pas.
(Silence).
LA LANGOUSTE
C’est vrai ce qu’il a dit, ton père ? que depuis dix ans…
OCTAVE
Oui, depuis dix ans, j’attends le moment de me trouver seul avec vous. Quand j’ai commencé à venir en cachette rôder dans votre rue, j’étais encore un enfant. Il me tardait d’être un homme pour enfin oser. Mais l’audace devait toujours me manquer. Combien de fois m’est-il arrivé de venir jusqu’à l’entrée du couloir en comptant mes sous dans ma poche. Quelquefois, je voyais entrer un soldat. Il me semblait vous voir, vous, le corps en mouvement et disant des choses que je me répétais tout bas.
LA LANGOUSTE
C’est drôle, comme ça les travaille, les mômes. (Elle s’approche de lui, le frôle). Et maintenant ?
OCTAVE
Depuis que mon père m’a parlé de ce mariage, j’ai des moments de folie. Rien ne compte plus pour moi, famille, considération, argent, héritière, sécurité. Il n’y a plus de raison qui puisse me tenir. Je veux vous épouser, je veux me vautrer avec vous jusqu’à la fin de ma vie et tant pis pour l’hôtel de Clérambard, tant pis pour l’argent, tant pis pour le nom, tant pis pour tout. Je m’en fiche, pourvu qu’un jour je sois satisfait, rassasié, que je ne sente plus ce tourment, cette angoisse de chaque instant, que je me délivre de cette souffrance qui est en moi comme une bête… une sale bête d’araignée dégoûtante que je m’épuise à contenir.
(Il s’éponge le front).
LA LANGOUSTE
Ben, mon vieux.
OCTAVE
Vous voulez ? Hein, vous voulez ?
LA LANGOUSTE
J’ai pas dit ça.
OCTAVE
Vous couchez bien avec Galuchon.
(Silence).
LA LANGOUSTE
Alors t’avais pas autre chose à me dire ? Moi, je croyais qu’on allait entamer le duo. J’attendais des petits mots sucrés, de la chansonnette à l’émotion. Au lieu de ça…
!!!!!SCÈNE VII
(Clérambard frappe et entre).
CLÉRAMBARD
Ah ! Je viens d’avoir encore une scène avec votre mère. La pauvre femme ne comprend rien. Et ma belle-mère encore moins. Eh bien ! Qu’est-ce que vous pensez de mon fils, Léonie ?
OCTAVE, à son père.
Je veux l’épouser. C’est vous qui avez eu l’idée de ce mariage. Je veux l’épouser le plus tôt possible.
CLÉRAMBARD
Naturellement, mais vous n’êtes pas seul à en décider. Qu’en pensez-vous, Léonie ?
LA LANGOUSTE
Pour être franche, ce n’est pas ce que j’attendais.
CLÉRAMBARD
Voilà qui est clair et l’accent de votre voix ne trompe pas. (À Octave). Vous entendez ? Vous êtes indigne de Léonie. Je croyais qu’il y avait une petite chance, mais l’orgueil paternel m’aveuglait une fois de plus. Allons, vous n’avez plus rien à faire ici. Partez !
OCTAVE
Et moi, je veux l’épouser. Vous me l’avez promis. Je ne peux pas renoncer à elle. Je reste ici.
CLÉRAMBARD
Octave, ne m’échauffez pas les oreilles.
OCTAVE, il a un mouvement
vers la Langouste.
Je veux être à elle ! Je veux l’avoir, je veux coucher avec elle !
CLÉRAMBARD, il le rattrape
par le col et le gifle.
Voyez-vous ce cornichon ? Bouffi de suffisance ! Et avec ça, luxurieux comme pas un ! Je ne voudrais pas me flatter, Léonie, mais je crois que cet animal-là est encore plus répugnant que son père.
OCTAVE
Je ne renoncerai pas ! Je veux me vautrer sur son corps, je veux…
CLÉRAMBARD
Goujat ! Hors d’ici ! (Il prend Octave par le bras). Vous faites rougir votre père !
LA LANGOUSTE
Arrêtez, soyez pas méchant avec lui. D’abord, vous ne m’avez pas comprise. Ce que j’ai voulu dire, c’est que les gringalets dans son genre, c’est pas tout à fait mon type d’homme. N’empêche que quand il m’a causé d’amour, j’ai eu comme un coup de langueur dans le poitrail. Encore maintenant, j’en suis toute chose. J’ai les intérieurs en duvet de canard. Je ne savais plus où j’en étais. Je voulais prendre le temps de m’y reconnaître. Les affaires d’amour, c’est sérieux, surtout quand il y a le mariage à la clé.
CLÉRAMBARD
Vous avez raison, mais je n’admets pas le langage qu’il vient de tenir devant vous. Je n’admets pas ces rugissements de la lubricité.
LA LANGOUSTE
Parce que vous n’y connaissez rien. Pour moi, justement, c’est le cri de la passion, et c’est bien ce qui me fait réfléchir. Remarquez, quand vous êtes arrivé, Octave ne m’avait pas tout dit. Et l’amour, vous savez ce que c’est… Bien souvent, il suffit d’un rien. Un mot gazouillé, un retour des prunelles, on se trouve chaviré. Allons, viens, Octave, viens me roucouler ça dans l’oreille.
CLÉRAMBARD
Prenez garde, Léonie, ne perdez pas votre sang-froid.
LA LANGOUSTE, entraînant Octave
sur le devant de la scène.
Soyez tranquille, j’ai de la défense.
(Clérambard s’assied et, tirant son livre de sa poche, lit).
OCTAVE
Tout à l’heure, j’étais trop ému. Mes paroles ont pu vous faire croire qu’il s’agissait d’autre chose que d’un sentiment. J’étais trop ému et je n’ai pas su vous dire toute la tendresse…
LA LANGOUSTE
Ça va bien, range ton boniment, c’est trop tard. Et puis tu le dis mal. T’as pas encore attrapé le ton. Et ni l’air non plus. Tu voudrais me regarder en face, mais en douce, t’as l’œil qui coule dans mon corsage, qui s’enroule autour de ma viande. Ces trucs-là, tu sais, je m’y connais un peu !
OCTAVE
Alors quoi ?
LA LANGOUSTE
Je t’en veux pas, tu sais… Et même, tu me ferais plutôt de la peine. T’es qu’un pauvre môme, pas solide, des nerfs de fillette, avec ça, l’air pas bien nourri. Et depuis dix ans que tu te retiens, dis donc, ça doit te faire mal. C’est bon, je vais arranger ça. À partir de maintenant, on est fiancé. En attendant les sacrements, on se mariera un petit peu, de temps en temps. (Elle lui passe les bras autour du cou). Monsieur de Clérambard, je peux pas résister. J’ai vu le ciel dans les yeux d’Octave.
CLÉRAMBARD
Chers enfants.
!!!!!SCÈNE VIII
(Tandis qu’Octave et la Langouste sont encore embrassés, Louise et Mme de Léré apparaissent sur les marches. Les deux fiancés se désunissent).
LOUISE
Octave, rentrez à la maison, et qu’il soit bien entendu que vous ne remettrez pas les pieds chez cette fille.
CLÉRAMBARD
Octave, je vous prie de rester ici, auprès de votre fiancée. Je vous le disais tout à l’heure, votre mère ne voit pas où sont vos véritables intérêts. Pas plus d’ailleurs que votre grand-mère.
Mme de LÉRÉ
Gendre, vous devriez au moins, en face de cette fille, avoir la décence de ne pas médire de votre femme ni de la mère de votre femme. (À Octave). Viens, mon grand, rentre à la maison.
OCTAVE
Non, grand-mère, je ne peux pas.
LOUISE
Et pourquoi ne pourriez-vous pas ?
OCTAVE
Je suis déjà lié par ma promesse… D’ailleurs, papa ne veut pas.
LOUISE
Ne vous retranchez pas derrière l’autorité de votre père. Il n’y a personne qui puisse vous obliger à vous déshonorer si vous n’en avez pas vous-même le désir. Vous êtes majeur, vous comprenez fort bien que ce mariage est une infamie, qu’un homme propre et sain d’esprit, à plus forte raison un vicomte de Clérambard, ne peut pas accepter une telle déchéance. Et au fond de vous-même, vous ne l’acceptez pas ?
OCTAVE
Si.
Mme de LÉRÉ
Oh ! Octave !
LOUISE, à Octave.
Dois-je comprendre que vous êtes conscient de cette déchéance ?
(Octave soupire sans répondre autrement).
LA LANGOUSTE
Laissez-le tranquille, ce pauvre mignon. Vous êtes toujours à l’embêter. Quand ce n’est pas les uns, c’est les autres. Bien la peine d’avoir des parents !
Mme de LÉRÉ
Gardez vos réflexions pour vous. Elles sont déplacées.
LA LANGOUSTE
Ça se peut, mais moi, je défends mon fiancé.
CLÉRAMBARD
Ma pauvre Louise, quand je pense que vous étiez prête à marier ce garçon avec un sac d’écus !
Quelle leçon nous donnent ces enfants !
(Poussant la porte entrouverte, un dragon apparaît entre Louise et Mme de Léré).
LE DRAGON
Oh ! Pardon… Excusez… Je ne savais pas qu’il y avait du monde… Je repasserai…
(Mme de Léré s’étant retournée et comme elle le toise avec indignation, le dragon lui éclate de rire au nez, puis se retire).
Mme de LÉRÉ
Quelle horreur ! Il est vrai qu’en un pareil lieu, on se trouve exposé aux rencontres les moins rassurantes.
LA LANGOUSTE
Ne craignez rien, chère madame. Ce n’est pas à vous qu’il en avait.
LOUISE
Hector, je vous trouve d’une inconscience extraordinaire. Vous semblez avoir oublié tout d’un coup que notre situation matérielle est désespérée. Prenez le temps d’y réfléchir et comprenez que ce mariage est insensé. Qui donc alimenterait le ménage ?… Cette… personne continuerait-elle à recevoir des soldats ?
LA LANGOUSTE
Et alors ! Vous n’imaginez pas que mon trésor et moi, on va se laisser mourir de faim.
LOUISE
Qu’en dites-vous, Octave ? Vous ne répondez pas. Il y a là, pourtant, un problème qui se pose dès maintenant et qu’il faudra bien avoir résolu le jour de votre mariage. Mais je pense que la vérité commence à vous apparaître dans son évidence impitoyable et que vous comprenez déjà l’insanité de ce projet.
CLÉRAMBARD
Louise, vous parlez cette fois raisonnablement et votre inquiétude est des plus légitimes. Mais, rassurez-vous, car en homme pratique, j’ai pensé à tout. Dès demain, l’hôtel de Clérambard sera mis en vente. Avec le peu que nous laisserons les créanciers, nous achèterons une roulotte, un cheval, et nous nous en irons par les chemins et par les bois écouter la rumeur des hommes et la chanson des oiseaux. Nous laisserons là les soucis d’argent pour aller vivre dans la communion des gens et des bêtes en traçant derrière nous un sillon d’amour.
Mme de LÉRÉ
Vous ne prétendez tout de même pas nous faire vivre comme des romanichels ! (Montrant la Langouste). Et dans cette promiscuité.
LA LANGOUSTE
Dites donc, pas plus que vous.
LOUISE
Votre idée est absurde. Je ne vois pas qu’elle apporte à nos ennuis aucune espèce de solution. Dans votre roulotte, de quoi vivrons-nous ?
CLÉRAMBARD
C’est simple. Nous vivrons d’aumônes. Nous demanderons, au nom de Notre-Seigneur, la charité aux passants des villes. Nous irons dans les fermes et dans les champs implorer les paysans. Et à tous, nous parlerons de Dieu et du commandement d’amour.
Mme de LÉRÉ
De mieux en mieux, il ne vous suffit pas de jeter votre fils dans les bras d’une créature et de nous changer tous en romanichels. Vous voulez encore que votre famille vive de mendicité !
CLÉRAMBARD
Oui, c’est mon ambition, et je n’en vois pas de plus haute. J’ai beaucoup réfléchi en ces dernières vingt-quatre heures. Je me suis persuadé que la plus belle mission que se puisse proposer un homme est celle de mendier son pain et d’éveiller ainsi les sentiments d’amour, de compassion, de fraternité, qui sommeillent aux cœurs de nos semblables. Celui-ci qui demande la charité travaille plus pour son prochain que pour lui-même. Le monde souffre de n’avoir pas assez de mendiants pour rappeler aux hommes la douceur d’un geste fraternel. Nous serons justement ces tendres missionnaires et, chaque fois que nous tendrons la main, nous aurons la joie de nous dire qu’une étincelle d’amour jaillit entre les hommes.
LOUISE
Hector, je veux croire encore que la nuit suffira à dissiper vos rêveries. Mais si vous persistez dans ces projets, sachez que vous trouverez en moi un adversaire tenace et, si besoin est, une ennemie. Venez, maman.
(Louise et sa mère sont sur le point de sortir lorsque Clérambard les retient chacune par un bras).
CLÉRAMBARD
Louise, est-ce bien vous qui parlez d’être pour moi une ennemie ?
LOUISE
Le chagrin et la colère m’ont emportée au-delà de ma pensée. Non, Hector, même si vos extravagances m’obligent à défendre notre famille contre vous, je ne serai pas une ennemie puisque au fond de mon cœur je vous plaindrai encore et je vous aimerai. Il tient à vous seul que je sois demain comme hier la compagne obéissante et attentive à vos volontés. Mon dévouement vous a-t-il jamais manqué dans les jours difficiles que nous avons traversés ? N’avez-vous pas trouvé en moi, quand il le fallait, une auxiliaire sûre et empressée ?
CLÉRAMBARD
Je voulais justement vous le dire.
LOUISE
Eh bien, sachez-le, je n’ai pas changé. Mais vous, Hector, qu’est-ce donc qui vous a changé tout d’un coup, qui vous fait aujourd’hui parler et agir au mépris de vos préoccupations les plus chères, de vos soucis les plus poignants ? N’avez-vous pas conscience de cette transformation soudaine qui s’est opérée en vous ?
CLÉRAMBARD
Comment m’aurait-elle échappé puisqu’elle est pour moi une source de joie ineffable ? Louise ! Louise ! Vous qui m’avez si sûrement deviné, je vous sens maintenant bien proche de moi et je ne veux plus tarder de vous faire une révélation à laquelle je craignais de vous trouver mal préparée. Cette métamorphose, qui a frappé votre esprit, je la dois à un miracle. Vous me comprenez bien, Louise, un miracle !
LOUISE
Qu’entendez-vous par là ?
CLÉRAMBARD
Et que voulez-vous que j’entende, si ce n’est un miracle du ciel ?
(Louise et Mme de Léré, d’une part, Octave et la Langouste, d’autre part, se regardent en silence).
Mme de LÉRÉ
Hector, vous avez fourni ces dernières semaines un effort surhumain et vous êtes exténué. Soyez raisonnable, rentrez vous reposer.
CLÉRAMBARD, qui semble
n’avoir pas entendu.
C’était hier. Je venais d’étrangler le chien du curé. Je suis descendu reprendre ma place parmi vous. Alors, un moine est entré, et ce moine qui m’a remis un livre, c’était saint François d’Assisef
LOUISE, d’un ton prudent.
Vous avez pu vous méprendre.
CLÉRAMBARD, sortant
le livre de sa poche.
Ce livre que j’ai reçu de sa main, le voici ! Vous pouvez le voir, le toucher !
Mme de LÉRÉ
Oui, mais le moine, comment se fait-il que nous ne l’ayons pas vu ?
CLÉRAMBARD
Le curé s’est levé pour prendre congé, et, en sortant de la pièce il a trouvé son chien… (S’exaltant) mais vivant, aboyant. (Il crie). Il était vivant ! Le saint l’avait ressuscité ! Un miracle s’était accompli ! Un miracle !
(Suit un silence prolongé).
CLÉRAMBARD, il regarde tour à tour
chacun des assistants.
Vous êtes tous silencieux. Doutez-vous de mon témoignage ? Dites-le !
LOUISE, avec douceur.
Mais non, Hector, personne ici ne songe à mettre vos paroles en doute.
CLÉRAMBARD, regard soupçonneux.
Non, vous ne me croyez pas. (À Mme de Lèré et à Octave). Et vous ?… Et vous ?
Mme de LÉRÉ, avec un sourire de bonté.
Vous savez bien, Hector, que nous croyons tout ce que vous dites.
OCTAVE
Bien sûr.
CLÉRAMBARD, à la Langouste.
Vous non plus, vous ne me croyez pas.
LA LANGOUSTE
Je ne voudrais pas vous vexer, mais moi, votre histoire, je la trouve dure à avaler.
CLÉRAMBARD
Pourtant, le saint s’est manifesté tout à l’heure encore, ici-même… Oui, c’est une chose qu’il me faut vous confesser : alors que j’entretenais Léonie Vincent d’un mariage avec Octave, j’ai été assailli par tous les démons de la lubricité ! Une chaleur d’enfer s’est répandue dans ma chair et j’ai pris cette pauvre enfant dans mes bras, je l’ai serrée, pressée contre moi avec une ardeur insensée et j’allais me jeter et l’entraîner dans la damnation de la fornication et de l’inceste ! (Son visage s’éclaire). Heureusement…
LOUISE, d’une voix ferme.
Hector, je vous demande de rentrer à la maison avec notre fils.
CLÉRAMBARD
Laissez… Je vous disais qu’au moment de tomber dans la fornication, l’adultère, l’inceste…
LOUISE
Sortons.
(Elle sort avec Mme de Léré).
!!!!!SCÈNE IX
(D’abord interdit, Clérambard court à la porte, l’ouvre et poursuit son récit dans l’entrebâillement).
CLÉRAMBARD, haussant la voix à
mesure que s’éloignent les deux femmes.
C’est alors qu’un chant d’oiseau s’est élevé dans la chambre, un chant triste et mélodieux comme le doivent être les sanglots des anges du ciel ! Et ma chair brûlante s’est apaisée tout d’un coup ! Le repentir est entré en moi comme une eau froide et amère ! (Criant). Sauvé ! J’étais sauvé ! (Il reste un moment haletant, près de la porte). C’était lui ! C’était le petit pauvre ! (Il s’élance dans le couloir, laissant la porte ouverte. On entend ses vociférations qui vont déclinant). Il avait eu pitié de moi encore un coup ! Il avait eu pitié de mon âme en détresse ! Et il m’avait averti !
(Octave va fermer la porte et revient à la Langouste, l’air à la fois gêné et décidé).
RIDEAU
!!!ACTE IV
La cour de l’hôtel de Clérambard. À gauche, porte d’entrée en pan coupé, à laquelle on accède par un escalier de quatre marches. À droite, une roulotte de profil, dont la porte et l’escalier font face au pan coupé. Un arbre derrière la roulotte, et de chaque côté, des arbres dont on ne voit que les branchages formant comme une voûte au-dessus de la scène. Banc de pierre à droite, parallèle à la roulotte.
!!!!!SCÈNE PREMIÈRE
(La Langouste et Octave sont assis sur le banc de pierre).
LA LANGOUSTE
Arrête un peu de me tripoter. Je finis par avoir des bleus sur les cuisses.
OCTAVE
Je voudrais les voir.
LA LANGOUSTE
Au lieu de t’énerver quand c’est pas le moment, tu ferais mieux de prendre modèle sur ton père et de te conduire en gentleman. À quoi ça ressemble de penser toujours à ce que tu penses ! Tu ne peux pas me faire la conversation gentiment ? Je suis ta fiancée !
OCTAVE
Ma fiancée et bientôt ma femme… Ma femme de tous les soirs.
(Rire excité).
LA LANGOUSTE
Toi, dans le sentiment, tu penses tout de suite au traversin. La fleurette, c’est pas ton rayon. Enfin, c’est comme ça.
OCTAVE
Mais toi, tu m’aimes ?
LA LANGOUSTE
Ça se peut.
OCTAVE
Tu parais n’en être pas sûre.
LA LANGOUSTE
C’est pas ça… Quand je pense que j’ai un sentiment pour toi, ça m’étonne un peu. Ta dégaine de tocard, ta gueule pas bien franche, tes airs de cochonnier sournois, c’est pas que ça me porte sur la peau. Au fond, c’est peut-être pas du sentiment. Ce qu’il y a, c’est que je n’ai pas l’habitude d’être demandée en mariage. Ces trucs-là, ça me monte à la crête.
OCTAVE
Tu as tellement envie de ce mariage ?
LA LANGOUSTE
Ben…
(Clérambard, un carnet dans une main, un crayon dans l’autre, apparaît à la fenêtre de la roulotte).
CLÉRAMBARD
J’ai calculé que la vente de l’hôtel, une fois les créanciers satisfaits, doit rapporter trois mille cinq cents francs. Quand j’aurai payé la roulotte et le cheval, il nous restera donc au moment du départ quinze cents francs à distribuer aux pauvres.
LA LANGOUSTE
Moi, si j’étais de vous, je laisserais les pauvres se débrouiller. Si vous lâchez vos quinze cents francs, c’est vous qui devenez les pauvres.
CLÉRAMBARD
Mais c’est bien ce que nous voulons être.
(Il se replonge dans ses calculs et disparaît de la fenêtre).
OCTAVE
Pas moi ! (À la Langouste). Et pour la roulotte, non, merci. Coucher à cinq dans une cage à lapins, crever de faim les trois quarts du temps, n’avoir que des haillons sur le dos et tendre la main pour demander l’aumône, non et non. (Baissant la voix). Sans compter que j’en ai soupé de vivre sous la coupe de mon père.
LA LANGOUSTE
Moi, je ferai comme tu feras, pourvu qu’on se marie. Mais si tu refuses de suivre ta famille dans la roulotte, je ne vois pas comment les choses peuvent s’arranger. Ou alors, tu t’installes chez moi. Mais une fois mariés, qu’est-ce qu’on ferait ? Continuer le métier, ça se peut pas. Ce serait quand même une honte que pour cent sous, un militaire puisse s’offrir la vicomtesse de Clérambard. Et puis quoi, la vie serait pas tenable. Une supposition que tu rentres chez nous, que tu trouves un dragon dans ton lit, tu pourrais te froisser. Non, vois-tu, on n’a pas l’embarras du choix. Pour nous, le mariage, c’est la roulotte.
OCTAVE
J’ai dit non.
(Clérambard descend de la roulotte qu’il considère en prenant quelque peu de recul),
LA LANGOUSTE
Alors, trouve autre chose.
OCTAVE
On verra.
LA LANGOUSTE
On verra, c’est tout ce que tu sais dire. Naturellement qu’on verra. (Silence). Va falloir que je rentre chez moi. J’ai mon rendez-vous.
OCTAVE
Quel rendez-vous ?
LA LANGOUSTE
Mon client du mardi matin.
(Clérambard s’approche de la roulotte et se penche pour examiner un moyeu).
OCTAVE
Tu ne vas pas, tout de même, aller le retrouver ?
LA LANGOUSTE
Tu es drôle ! Avec lui, c’est mes vingt-cinq francs qui me tombent à chaque fois.
(Elle se lève).
OCTAVE
Reste ici. Je t’interdis d’aller le retrouver.
(Il la saisit par le bras).
LA LANGOUSTE
Qu’est-ce qui te prend ? Tu ne t’imagines pas que j’ai de l’argent à jeter par les fenêtres, non ?
OCTAVE
Tu es ma fiancée. Tu n’as pas le droit !
LA LANGOUSTE
Fiancée, c’est pas un métier. Faut manger. Allez, au revoir.
OCTAVE
Non ! c’est impossible… Papa ! (Clérambard se retourne). Léonie veut partir pour aller rejoindre un… un client !
CLÉRAMBARD
Vous avez l’air de vous en plaindre. Vous semblez n’avoir pas compris que si Léonie est la plus radieuse des fiancées, si elle répand ce parfum d’humilité qui est à mes yeux une dot inestimable, c’est qu’elle se soumet avec simplicité aux exigences de son métier. Considérez cette chance que vous avez si peu méritée et ne soyez pas si cornichon.
LA LANGOUSTE
T’entends ? C’est ton père qui te parle.
CLÉRAMBARD
Pourtant, Léonie, mieux vaut désormais oublier vos clients. Vous êtes déjà des nôtres. Tout à l’heure, l’hôtel sera vendu. Ce soir, nous serons sur les routes. Une autre clientèle vous attend, une clientèle d’égarés, aux cœurs endurcis par l’orgueil, la méfiance, la misère, l’ignorance. Par votre seul geste de lui demander l’aumône, vous l’avertirez de sa disgrâce. Vous aurez aussi à lui prêcher l’amour de Dieu, l’amour du prochain et l’amour de la croix. Vous deviendrez une vraie fille d’amour, une vraie fille de joie, car chacune de vos paroles sera pour ceux qui l’écouteront une source d’amour et de joie.
LA LANGOUSTE
Vous me dites ça. Il faudrait d’abord décider Octave.
CLÉRAMBARD
Octave fera ce que j’aurai décidé pour son bien. À vous dire la vérité, je n’ose pas fonder sur lui de grandes espérances. C’est une âme de pénombre que les vives clartés de l’amour effaroucheront peut-être toujours. Mais qui sait ? Je ne valais pas mieux que lui et Notre-Seigneur m’a fait miséricorde et le petit pauvre d’Assise m’a ouvert les yeux. Ayez confiance, mon garçon. Je suis sûr que vous ferez un mendiant très convenable.
OCTAVE
Non. Je ne veux pas être un claquedent, un miséreux, un paria. Soyez sûr que jamais je ne mettrai les pieds dans votre roulotte.
!!!!!SCÈNE II
(En tenue de ville, Mme de Léré débouche de la porte de l’hôtel. Elle a un mouvement de stupéfaction à la vue de la roulotte).
Mme de LÉRÉ
Qu’est-ce que c’est que ça ?
CLÉRAMBARD
C’est notre roulotte. Comment la trouvez-vous ?
Mme de LÉRÉ
Si c’est un cadeau que vous faites à cette personne… (Elle montre la Langouste). Vous avez bien choisi.
CLÉRAMBARD
Elle est pour Léonie, et pour nous tous… Venez voir l’intérieur.
Mme de LÉRÉ
Non, Hector, ce n’est pas la peine.
CLÉRAMBARD
Elle est compartimentée en deux chambres. En attendant que ces enfants-là soient mariés, vous dormirez avec Léonie dans la plus petite.
Mme de LÉRÉ
Vous pouvez y compter.
CLÉRAMBARD
Léonie vous parlera de la vie de saint François d’Assise, qu’elle connaît maintenant aussi bien que moi.
LA LANGOUSTE
Ah ! oui, ce qu’il était gentil, hein ? et doux et pas fier. Un garçon en or, ce petit saint François.
CLÉRAMBARD
Vous l’aimez, le petit pauvre d’Assise ?
LA LANGOUSTE
Et comment ! J’aurais voulu le connaître. On se serait. sûrement bien entendu, tous les deux. Je l’aurais jamais lâché.
CLÉRAMBARD
Chère enfant.
LA LANGOUSTE
Vous pouvez dormir qu’avec moi, il aurait manqué de rien, qu’il aurait été dorloté. Pour un homme en sucre, comme celui-là, je me serais mise en quatre. Au labeur et par tous les temps, « tu viens chéri, c’est pour les pauvres ». Lui, pendant ce temps-là, il se faisait du lard, c’était bien son tour. On se meublait gentiment, une salle à manger, une chambre à coucher. Tous les soirs l’apéro chez Jules, le vendredi au cinéma…
Mme de LÉRÉ
Ces façons de parler sont odieuses.
CLÉRAMBARD, à la Langouste.
Votre vision de la sainteté n’est pas encore tout à fait détachée de certaines aspirations profanes, mais j’y vois l’essentiel qui est l’amour.
Mme de LÉRÉ
Vous devriez avoir honte… Mais non, je ne veux pas me fâcher. À quoi bon ?… Hector, il faut que je vous demande de l’argent pour aller faire le marché.
CLÉRAMBARD
De l’argent ? Mais je n’en ai pas.
Mme de LÉRÉ
Comment ? Hier soir vous avez touché cent francs pour les deux pulovères… vous savez bien…
CLÉRAMBARD
C’est vrai. Je les ai donnés à des pauvres.
Mme de LÉRÉ
C’est trop fort ! Vous avez donné cet argent à des inconnus et l’idée ne vous est même pas venue qu’il vous fallait nourrir votre famille ?
CLÉRAMBARD
Non, je n’y ai pas pensé. À vivre dans une atmosphère de miracles, je perds un peu la notion des nécessités.
Mme de LÉRÉ
Alors ?
(Silence).
LA LANGOUSTE
Je vais toujours vous donner dix francs.
CLÉRAMBARD
Merci, mon enfant. Vous nous sauvez.
(Relevant sa jupe, la Langouste prend un billet dans son bas).
Mme de LÉRÉ, se plaçant entre la Langouste
et Clérambard, elle s’adresse à lui à mi-voix.
Vous n’allez pas accepter l’argent de cette fille !
CLÉRAMBARD
Soyons, sans orgueil, mon amie. Demain, ce soir, quand nous mendierons pour l’amour de Dieu, irons-nous demander leurs cartes de visite à ceux qui nous ferons l’aumône ? Nous serons trop heureux d’avoir pu leur inspirer une pensée fraternelle, surtout si ces gens sont des réprouvés.
(Prenant le billet de la Langouste, il le tend à Mme de Léré).
Mme de LÉRÉ
Non, Hector, rendez l’argent à cette demoiselle.
CLÉRAMBARD
Mais pas du tout, je le garde. Pendant que j’y pense, si vous avez quelques hardes à emporter dans la roulotte, ne tardez pas à faire votre balluchon. Dans une heure, je passe chez le notaire, où j’ai rendez-vous avec l’acquéreur, et aussitôt après nous prenons la route. Pour l’instant, je monte au grenier où j’espère trouver quelques objets utiles. (À la Langouste et à Octave). Venez avec moi, tous les deux, vous pourrez m’aider.
Mme de LÉRÉ
Octave, veux-tu rester une minute ?
OCTAVE
Bon.
(Clérambard entre dans l’hôtel, suivi de la Langouste).
SCENE III
Mme de LÉRÉ
Tu as entendu ce que vient de dire ton père. Es-tu toujours décidé à épouser cette fille, à monter dans la roulotte avec elle et à vivre de mendicité ?
OCTAVE
Non. Je reste ici.
Mme de LÉRÉ
Où, ici ? Dans une heure, nous n’aurons plus de maison. (Silence). Ou bien tu épouses Évelyne Galuchon et il n’y a plus de problème. Ou bien tu cherches une place d’employé de bureau ou d’employé de magasin à deux cents francs par mois, mais la trouveras-tu ? En tout cas, il est temps de prendre une décision.
OCTAVE
Je vais voir. Je vais réfléchir.
SCENE IV
(Entre Louise, en tenue de ville, venant du côté opposé à l’hôtel).
Mme de LÉRÉ à Louise.
Tu as vu cette roulotte ?
LOUISE
Oui. Tout à l’heure, quand je suis sortie, Hector était en train de la mettre en place.
Mme de LÉRÉ
Et tu sais qu’il a un acquéreur et que dans un moment…
LOUISE
Il m’a tout expliqué. Où est-il ?
Mme de LÉRÉ
Il est allé fouiller au grenier. (Silence). J’étais en train de dire à Octave…
OCTAVE, agacé.
Mais oui ! Je vous ai répondu que je réfléchirais…
(Il s’éloigne vers les arbres et disparaît).
Mme de LÉRÉ
Tu as vu maître Galuchon ?
LOUISE
Oui. Naturellement, il m’a démontré qu’il fallait faire venir le médecin aliéniste de toute urgence.
Mme de LÉRÉ
C’est ce que nous pensions toutes les deux.
LOUISE
Bien sûr. Faire interner Hector, c’est couper court à ses extravagances et sauver ce qui peut encore être sauvé. Quant à savoir s’il est vraiment fou, je suis loin de posséder une certitude.
Mme de LÉRÉ
Le médecin nous le dira.
LOUISE
Oh ! Un médecin aliéniste est toujours prêt à reconnaître un fou. Et celui qui va venir tout à l’heure est un ami de Galuchon. Autant dire que son opinion sera faite avant d’avoir vu Hector.
Mme de LÉRÉ
Il faut reconnaître que la conduite de ton mari ne laisse guère de place pour le doute.
LOUISE
Je ne suis pas de votre avis. Comment faire le départ entre la folie et l’exaltation ? D’un autre côté, si le docteur décrète qu’il est fou, qu’il faut l’interner, que faire ?
Mme de LÉRÉ
Bien sûr, c’est pénible.
(Silence),
LOUISE
Vous sortez ?
Mme de LÉRÉ
Justement, je vais chercher le curé. J’ai pensé qu’il pouvait raisonner Hector, le persuader, le ramener à la sagesse.
LOUISE
Hélas ! Mais vous avez raison, maman, il faut tout essayer.
Mme de LÉRÉ
J’y vais. Nous n’avons pas de temps à perdre.
(Mme de Léré sort. Louise, à pas lents, se dirige vers la porte de l’hôtel).
!!!!!SCÈNE V
(Clérambard, l’air égaré, sort de l’hôtel, tenant sous son bras un volumineux paquet d’où pend la queue d’un chien. En apercevant Louise, il pousse un cri).
CLÉRAMBARD
Ah ! c’est vous, Louise.
LOUISE, avec douceur.
Vous avez l’air désemparé. Auriez-vous un ennui ?
CLÉRAMBARD
Non, rien. Je n’ai rien. Laissez-moi.
LOUISE
Ne voulez-vous pas vous confier, me faire partager vos soucis ? Je voudrais tant vous aider ! (Après un silence, sur le ton de l’indignation) : Hector ! Oh ! Hector, vous venez encore de tuer un chien !
CLÉRAMBARD
Non ! Ce n’est pas vrai !
LOUISE
Pourquoi niez-vous ? La queue de cette pauvre bête dépasse de votre paquet.
CLÉRAMBARD
C’est le chien du curé… Non, justement, ce n’est pas le chien du curé. Ah ! je perds l’esprit.
LOUISE
Remettez-vous, mon pauvre Hector.
CLÉRAMBARD
Je viens de monter au grenier où je n’étais pas retourné depuis samedi et j’y ai trouvé le cadavre du chien que j’avais tué ce jour-là.
LOUISE
Ah ! bon, bon… Mais alors…
CLÉRAMBARD
J’avais cru étrangler le chien du curé et c’était un autre chien qui lui ressemblait… ou même qui ne lui ressemblait pas…
LOUISE
En somme, contrairement à ce que vous pensiez, il n’y a pas eu de miracle.
CLERAMBARD, furieux, il s’assied
sur une marche de la roulotte.
Non, il n’y a pas eu de miracle ! Vous voilà satisfaite ? Allons, dites-le ! Ne vous gênez pas !
LOUISE
Hector, je comprends votre désarroi, mais la vérité n’est-elle pas toujours un bien ? Prenez-en bravement votre parti : de ces soi-disant prodiges sur lesquels vous avez fondé toutes vos erreurs, il ne reste rien.
CLÉRAMBARD
Comment ? Rien ?
LOUISE
Mais non, rien. Vous pensez peut-être à l’apparition de saint François ? Du moment où elle n’est plus cautionnée par le miracle du chien ressuscité, il n’y a aucune raison d’y croire.
CLÉRAMBARD
Mais enfin, ce moine, je l’ai vu, je l’ai entendu.
LOUISE
Et après ? Vous avez vu un moine qui vous a dit être saint François. Où est le prodige ? C’était peut-être un voisin dont vous aviez tué le chat et qui a voulu vous donner une leçon. Ou bien c’était tout simplement une illusion.
CLÉRAMBARD, sortant
un livre de sa poche, il se lève.
Et ce livre ? Vie de saint François d’Assise… Éditions du Ciel !
LOUISE
Je viens de voir le même dans la vitrine du libraire.
CLÉRAMBARD, avec violence.
Et la couverture portait la mention « Éditions du Ciel » ?
LOUISE
Parfaitement. Éditions du Ciel.
CLÉRAMBARD, il se rassied
sur une marche de la roulotte.
Ah ! vous aviez raison. Il ne reste rien. (Rageur) : Rien ! rien ! rien !
LOUISE
Hector, je vous vois effondré, mais si vous saviez à quel danger vous venez d’échapper, vous auriez sûrement moins de regret.
CLÉRAMBARD
De quel danger parlez-vous ?
LOUISE
J’ose à peine vous le dire… Quand vous avez parlé de miracle, personne n’y a cru.
CLÉRAMBARD
Parbleu ! Je l’ai bien vu. Vous me preniez pour un fou.
LOUISE
C’est vrai, Hector. Moi-même, je craignais pour votre raison, à tel point que j’ai fait prier un médecin de passer vous voir. Il sera là tout à l’heure. (Long silence). Mettez-vous à ma place, Hector. S’il n’y avait eu que cette histoire de miracle, je ne me serais pas alarmée aussi facilement. Mais il y avait ce mariage avec une fille publique. Il y avait la vente de ce vieil hôtel que nous nous sommes acharnés durant tant d’années à disputer aux créanciers. Enfin, le départ en roulotte au hasard des chemins, cette vie de mendiants et de prêcheurs à laquelle vous nous condamniez. À eux seuls, des projets aussi extravagants suffisaient à nous faire douter de votre raison. (Silence). Vous ne dites rien. M’en voulez-vous encore ? (Silence).
CLÉRAMBARD
Mais ces projets, qui vous dit que j’y ai renoncé ? Et pourquoi y renoncerais-je ? Oui, pourquoi ? Pouvez-vous me le dire ?
LOUISE
Voyons, Hector, soyez logique. Puisqu’il n’y a pas eu de miracle, il faut bien tirer les conséquences de la vérité.
CLÉRAMBARD
Les conséquences ! Qu’est-ce que vous me chantez là ? Cette histoire de chien crevé n’a rien à faire avec le mariage d’Octave.
LOUISE
Tout de même, je pense qu’à présent, vous ne voyez plus la Langouste avec les mêmes yeux ?
CLÉRAMBARD
Léonie reste pour moi ce qu’elle était tout à l’heure, une admirable fille de joie aux vertus éclatantes et qui nous honore tous en acceptant d’épouser notre fils. Et ça, c’est un fait.
LOUISE
Hector ! Ayez pitié de votre femme ! C’est moi qui finirai par être folle ! Allez-vous me dire aussi que vous persistez dans cet absurde projet d’emmener votre famille dans une roulotte ? Hector !
CLÉRAMBARD
Eh bien, oui, je persiste ! Est-ce donc si surprenant ? Ai-je besoin d’un miracle pour aimer mon prochain, pour le servir et pour l’aider à marcher dans les voies du Seigneur ? Est-ce que la foi n’y suffit pas ? Vous n’avez pas l’air de comprendre ce que c’est que la foi.
LOUISE
Mais la foi, comment vous est-elle venue ?
CLÉRAMBARD
Que voulez-vous que ça me fasse ? J’ai la foi. Je ne veux rien savoir d’autre. Peu importe d’où elle me vient. Je crois en Dieu, je crois en Notre-Seigneur, je crois à saint François d’Assise. Je sais qu’à l’heure de la défaillance, ils ne m’abandonneront pas. Je sais qu’ils ne dédaignent pas de se pencher sur ce misérable cœur où j’essaie de retenir l’espérance, la foi et la charité. En trouvant ce chien au grenier, j’ai eu un moment d’égarement, j’ai douté. En vous écoutant parler, je me regardais glisser au plus noir de l’abîme, et tout à coup je me suis senti arrêté dans ma chute, je me suis senti soulevé, hissé vers la vérité et vers la lumière. À présent, je remercie Dieu qu’il n’y ait pas eu de miracle. Heureux ceux qui n’auront pas vu et qui auront cru ! Le miracle, c’est qu’il n’y en ait pas eu et que ma foi s’en trouve affermie, exaltée. Ah ! je voudrais déjà être parti !
LOUISE
Mon pauvre ami, vous oubliez qu’il faut compter avec les nécessités.
CLÉRAMBARD
Je vais enterrer ce malheureux chien derrière la maison.
(Il prend son paquet qu’il avait posé sur les marches de la roulotte).
LOUISE
Hector, ne voulez-vous pas comprendre mon anxiété ?
CLÉRAMBARD
Louis, ma chère femme, ma bien-aimée femme, je me suis trop souvent montré dur avec vous. Votre vie s’est écoulée dans la pauvreté, dans la peine, auprès d’un mari orgueilleux, borné et violent.
LOUISE
Cette vie de peine, de pauvreté, nous l’avons partagée. Je ne voudrais pas en avoir vécu d’autre. Ce que vous appelez orgueil et violence, c’était votre courage, votre volonté de surmonter la mauvaise chance. Mais maintenant, Hector, maintenant !
CLÉRAMBARD
Vous avez beaucoup à me pardonner, Louise. Pourtant, je ne pense qu’à vous demander de nouveaux sacrifices. Et je vous aime tant que je n’en ai ni honte ni regret. Au contraire.
(Il s’éloigne vers le fond de la scène, entre la roulotte et l’hôtel. Tandis que Louise le suit, les trois filles Galuchon entrent par la droite).
LOUISE
S’il ne s’agissait que de moi, vous pensez bien que je ne m’inquiéterais guère…
(Clérambard et Louise disparaissent derrière la maison).
SCENE VI
(Les trois filles Galuchon s’arrêtent et regardent la roulotte. Entre Octave qui les épie, caché derrière un arbre).
ÉTIENNETTE
C’est la fameuse roulotte… La comtesse en parlait tout à l’heure à papa.
BRIGITTE
Le comte est vraiment piqué.
(Les deux sœurs pouffent discrètement et, en compagnie d’Évelyne, s’approchent de la roulotte).
ÉVELYNE
Je ne vois pas ce qui vous fait rire. Cette idée de partir en roulotte, je la trouve extrêmement poétique. L’espace, la solitude, la nature…
BRIGITTE
Ah ! non, je t’en prie, on n’est pas en visite. Ici, tu n’as personne à épater.
ÉVELYNE
Mais je n’ai envie d’épater personne.
BRIGITTE
Non ? Alors tu t’entraînes.
(Brigitte et Étiennette éclatent de rire).
ÉVELYNE
Vous êtes deux pauvres idiotes.
OCTAVE, s’approchant des trois sœurs.
Bonjour. Agréable surprise. Deux jours sans vous voir, je commençais à languir.
ÉVELYNE
Ah ! vicomte, bonjour. Nous attendons papa qui s’est arrêté sur la place chez un client. Il vient faire une visite à vos parents.
OCTAVE
Mes parents vont être charmés. (S’adressant à Brigitte, la plus jolie des trois sœurs). Pour ma part, je le suis déjà. Vous vous intéressez à la roulotte ?
BRIGITTE
Bien sûr…
(Elle pouffe).
OCTAVE
Elle vous fait rire ? (Il s’approche de Brigitte). Eh bien, riez, riez.
ÉVELYNE
Je disais justement à mes sœurs, combien je trouve poétique l’idée de s’en aller ainsi dans une roulotte.
OCTAVE
Je la trouve surtout saugrenue. Ça vous amuserait de voir l’intérieur ?
ÉVELYNE
Mon Dieu…
BRIGITTE
Oh ! oui !
OCTAVE
Comme la roulotte est très encombrée pour l’instant, je vous la ferai visiter chacune à votre tour. (À Brigitte). Venez.
(Octave et Brigitte montent dans la roulotte).
!!!!!SCÈNE VII
(Évelyne et Étiennette restent côte à côte, le dos tourné à la roulotte).
ÉTIENNETTE
Je trouve qu’il aurait pu te faire monter la première.
ÉVELYNE
Mais non. Nous ne sommes pas encore fiancés officiellement. Il agit avec beaucoup de tact en faisant monter d’abord l’une de vous deux.
ÉTIENNETTE
Tu crois qu’il va t’embrasser, quand vous serez dans la roulotte ?
ÉVELYNE
C’est possible. Comme je dois devenir sa femme, je le subirai.
ÉTIENNETTE
Tu veux dire que ça ne te fera pas plaisir.
ÉVELYNE
Oh ! je n’éprouve aucune répulsion pour le vicomte. Mais j’en aime un autre.
ÉTIENNETTE
Non ! Ça, par exemple… Mais qui est-ce ?
ÉVELYNE
Un inconnu qui n’a de visage que pour moi… Un être sublime qui vit dans mes rêves et dans mes pensées. À la fois archange et démon, il est né de ma fièvre poétique…
ÉTIENNETTE
Tu te fiches de moi, dis ?
(Un dragon entre à bicyclette et met pied à terre auprès des jeunes filles. Il est en petite tenue).
LE DRAGON
Je vous demande pardon. C’est bien ici la maison de monsieur Lamberget ?
ÉVELYNE
Non. Vous êtes ici chez le comte de Clérambard.
LE DRAGON
Ah ! dites donc… un comte… Si je comprends bien, c’est votre patron ?
ÉVELYNE, sèchement.
Non. Nous n’avons pas de patron.
LE DRAGON
Oh ! Excusez… Remarquez, ça aurait pu se faire. Il y a des bonniches aussi bien habillées que vous. Je dirais même… (Silence). Je vois par exemple chez le colonel… Il faut vous dire que je suis l’ordonnance du colonel… Vous avez peut-être entendu parler ? Colonel de Séroleuse. Il y a chez lui une petite bonne… Elle s’appelle Anna. (Étiennette). Tenez, elle vous ressemble un peu.
ÉTIENNETTE, riant.
Vraiment ?
LE DRAGON
Parole… Une jolie frimousse comme la vôtre. Et roulée, ce que j’appelle roulée. Eh bien, n’est-ce pas, voilà une personne qui porte la toilette dans la divinité. (Un silence). Vous sortez le soir ?
ÉTIENNETTE, riant.
Non.
LE DRAGON
Remarquez que dans la journée, j’ai bien des moments de liberté.
ÉTIENNETTE
Mais la petite bonne du colonel ?
LE DRAGON
Elle est fière. Je dirais même qu’elle s’en croit un peu. Entre nous, mais alors entre nous, je crois que c’est monsieur Armand qui s’en occupe.
ÉVELYNE
Qui est monsieur Armand ?
(Me Galuchon entre par la droite. En voyant ses filles avec un dragon, il a un haut-le-corps).
LE DRAGON
Monsieur Armand, le fils du colonel. Tenez, pas plus tard qu’hier, je les ai surpris dans un couloir de la maison. Comme ça, il la tenait…
(Le dragon enlace Étiennette et l’embrasse. Elle se défend en riant).
Me GALUCHON, il arrive en courant.
Hé là ! militaire ! Allez-vous lâcher cette jeune fille !
LE DRAGON, lâchant Étiennette.
Vous êtes peut-être monsieur Lamberget ?
Me GALUCHON
Non ! Mais vous, vous êtes un voyou et un sacripant, indigne de porter l’uniforme !
LE DRAGON
Qu’est-ce que c’est que ces boniments-là ? Vous êtes saoul ?
Me GALUCHON
Comment ! Vous osez porter la main sur mes filles, et non content, vous m’insultez ! Ça vous coûtera cher, mon garçon.
LE DRAGON
Fallait le dire tout de suite que c’étaient vos filles. Remarquez qu’on ne faisait rien de mal.
Me GALUCHON
Au contraire, n’est-ce pas ? Salaud ! Allez, décampez !
LE DRAGON, enfourchant sa bécane.
Je n’ai pas de conseil à vous donner, mais vous avez tort de me traiter comme ça. Parce que, dites-vous bien une chose, c’est que je suis célibataire et que, dans le civil, j’ai un métier.
Me GALUCHON
Fichez-moi le camp !
LE DRAGON, il s’éloigne à bicyclette.
Je reviendrai !
(Il sort).
Me GALUCHON, à ses filles.
Qu’est-ce que c’est que cette histoire ? Comment avez-vous connu ce dragon ? Je veux tout savoir, de A jusqu’à Z, vous m’entendez ? Vous aviez rendez-vous, n’est-ce pas ?
ÉTIENNETTE
Mais non. Il est venu nous demander un renseignement.
Me GALUCHON
Un prétexte.
ÉTIENNETTE
Il s’est mis à parler de son colonel, de la bonne de son colonel et il a essayé de m’embrasser. C’est tout.
Me GALUCHON
C’est tout ? Ce n’est peut-être pas suffisant ? Ainsi, on ne peut pas vous laisser seules un quart d’heure sans que tous les voyous de la ville soient aussitôt à vos jupes ? Vous avez donc le vice dans la peau, toutes les trois ?... Mais… où est Brigitte ?
ÉVELYNE
Elle visite la roulotte avec le vicomte.
Me GALUCHON
Pourquoi n’êtes-vous pas avec eux ?
ÉVELYNE
Le vicomte a expliqué que la roulotte était trop encombrée et qu’il ne pouvait nous faire monter qu’une par une.
Me GALUCHON
Ah ! ça !
(Il court à l’escalier de la roulotte.)
!!!!!SCÈNE VIII
(Louise et Clérambard apparaissent au fond de la scène, au coin de la maison, tandis que Me Galuchon monte dans la roulotte).
LOUISE
J’ai bien peur que la foi et la charité n’aient jamais chez moi cette ardeur et cette violence de la passion…
(Louise s’interrompt et regarde la roulotte).
VOIX de Me GALUCHON,
venant de l’intérieur de la roulotte.
Misérable ! Criminelle ! Fille perdue ! Elle n’a même pas pensé à son père ! Ah ! la chienne ! Je voudrais l’avoir assommée, pendue, étranglée ! Sortiras-tu ? (Bruit, de gifles). Idiote !… Et vous, crapule, vous aviez calculé votre affaire, n’est-ce pas ? Vous êtes un vaurien et un suborneur !
(Brigitte descend de la roulotte en sanglotant).
CLÉRAMBARD
Mais qu’est-ce qui se passe ?
(La tête d’Octave apparaît à la fenêtre de la roulotte. Il a un sourire ironique et satisfait).
Me GALUCHON, apparaissant
au seuil de la roulotte.
Il se passe que votre fils vient de déshonorer ma cadette, là, dans la roulotte, et je peux même dire sous mes yeux.
LOUISE
Et vous n’avez rien fait pour l’en empêcher ?
Me GALUCHON
Mais je suis arrivé trop tard ! Le déshonneur était consommé. Ah ! je suis désespéré, je ne survivrai pas à ma honte. Si encore c’était Évelyne ! Mais il a choisi la plus jolie. Naturellement.
CLÉRAMBARD
Octave ! Allons, descendez de la roulotte et pressez-vous ! (Octave apparaît à l’entrée de la roulotte et descend les marches). Ici, gredin, voyou, scélérat ! Ainsi, vous avez trahi votre fiancée, vous avez osé lui faire cet affront ? Mais vous êtes donc possédé du démon !
OCTAVE, baissant la tête.
Ah ! punissez-moi, frappez-moi ! Je suis un misérable. J’ai cédé à un malheureux entraînement et maintenant je suis dévoré de honte et de regrets. Je voudrais me battre moi-même. Tenez, je voudrais mourir.
LOUISE, à mi-voix.
Octave, ne jouez pas la comédie. C’est odieux.
CLÉRAMBARD
Allons, mon fils, il ne faut pas désespérer de la miséricorde divine. Puisque vous vous repentez sincèrement, vos péchés vous seront remis. Et Me Galuchon vous pardonnera aussi. (À Me Galuchon, avec un sourire attendri). Il se repent.
Me GALUCHON
Je me fiche de son repentir. Ce n’est pas ça qui arrangera les choses.
OCTAVE
Oh ! Je suis prêt à réparer.
Me GALUCHON
Naturellement. C’est commode.
LOUISE
Je ne pense pas qu’il y ait autre chose à faire.
CLÉRAMBARD
Moi non plus.
Me GALUCHON, rageur.
Bien sûr ! (À Octave). Vous êtes content, hein ? Mais n’attendez pas que la dot soit aussi importante que celle qu’aurait eue Évelyne.
CLÉRAMBARD
La dot ? Mais nous ne voulons pas un sou. Octave et sa femme vivront avec nous dans la roulotte et n’auront que faire d’une dot.
LOUISE
N’exagérons rien, Hector. Nous ne pouvons pas imposer à une enfant aussi jeune un genre d’existence dont elle souffrirait sûrement. Ce serait méconnaître l’importance des responsabilités d’Octave.
Me GALUCHON
Bien sûr qu’il ne peut pas être question de faire vivre ma fille dans une roulotte. Pourtant, elle le mériterait bien !
!!!!!SCÈNE IX
(Les bras chargés d’objets hétéroclites, la Langouste débouche de l’hôtel).
LA LANGOUSTE
Vous voyez que dans votre grenier, il n’y a pas que des chiens crevés. (En arrivant près de la roulotte, elle laisse tomber son fardeau). Regardez ça : un manteau de cocher du temps de ma grand-mère, une lanterne, une bâche pour abriter le canasson un moule à gaufres pour les jours de fête, un collier de cheval, une gourde, un harmonica.
(Elle souffle dans l’harmonica).
CLÉRAMBARD
Ma chère enfant, j’ai à vous apprendre une pénible nouvelle.
LA LANGOUSTE
À moi ?
CLÉRAMBARD
Pendant que vous étiez au grenier, Octave a trahi votre amour et votre confiance.
Me GALUCHON
Vous n’allez tout de même pas lui dire…
CLÉRAMBARD
Elle a le droit de tout savoir. Léonie, votre fiancé s’est laissé terrasser par le démon de la concupiscence. Il a commis le péché de chair avec cette jeune fille.
LA LANGOUSTE
Dites donc, mais il se dessale.
LOUISE, à Hector, en
montrant Brigitte qui sanglote.
Vous voyez tout le chagrin qu’elle en a. Vraiment, vous auriez mieux fait de ne rien dire.
CLÉRAMBARD
Lui pardonnerez-vous un jour ?
LA LANGOUSTE
Cette question ! Moi, je ne cherche pas la petite bête. Un caprice comme ça, en passant, ce n’est pas ce qui engage la vie.
CLÉRAMBARD
Malheureusement si. Octave est tenu de réparer.
LA LANGOUSTE
Réparer quoi ?
CLÉRAMBARD
Il a péché avec cette jeune fille. Il doit l’épouser.
LA LANGOUSTE
Dites donc, mais il a péché aussi avec moi.
CLÉRAMBARD
Comment ? Octave vous a manqué de respect ?
LA LANGOUSTE
Depuis dix ans qu’il attendait, il avait des excuses. N’empêche. J’ai la priorité.
LOUISE
Ce n’est pas la même chose. (Montrant Brigitte). Elle est si jeune. C’est une enfant.
LA LANGOUSTE, après un silence.
D’accord. (À Octave). Puisque c’est ça, tu me dois cent sous. Et tu as de la chance que je ne t’aimais pas pour de vrai, parce que j’aime mieux te dire que ça ne se passerait pas comme ça, que je t’aurais déjà filé une leçon de maintien. Mais pour la Langouste, des tocards comme toi, c’est de la petite espèce, c’est du moins que rien, du déchet… Quand même, si j’ai un conseil à te donner, c’est de ne pas rester là devant moi, mais d’aller ailleurs te faire voir et tout de suite. (D’une voix dure). T’as compris, tocard ?
(Son visage et son attitude sont menaçants).
OCTAVE, qui prend le large.
C’est bon, je ne veux pas faire d’histoire.
LOUISE, à Me Galuchon.
Allons-nous-en. Nous avons à parler. Venez, jeunes filles.
(Tous entrent dans l’hôtel à la suite de Louise, sauf Clérambard et la Langouste qui restent seuls).
ÉTIENNETTE
Alors, nous, on ne la visite pas, la roulotte ?
!!!!!SCÈNE X
LA LANGOUSTE
Je n’ai plus rien à faire ici.
CLÉRAMBARD
Comment ! Mais vous avez tout à faire. J’ai besoin de vous. Nous avons tous besoin de vous ! Pensez que dans un quart d’heure, nous partons.
LA LANGOUSTE
Vous êtes gentil, mais je n’ai plus de raison de partir avec vous.
CLÉRAMBARD
Octave ne méritait pas d’avoir une femme telle que vous. N’y pensez donc plus.
LA LANGOUSTE
Si je pouvais… À vous, je peux bien le dire, Octave, je l’aimais. Vous me direz, je ne suis qu’une putain, vous n’aurez pas tort, mais je l’aimais quand même… Il y avait aussi l’idée du mariage qui me trottait par la tête, l’idée de faire une fin pendant qu’il était encore temps.
CLÉRAMBARD
Ce que je vous propose, Léonie, ce n’est pas une fin. C’est un commencement.
LA LANGOUSTE
Bien sûr, je ne dis pas… Remarquez que la Vierge, les anges, le bon Dieu, je serais plutôt pour. Mais je n’y crois guère…
CLÉRAMBARD
Ayez confiance. Vous avez découvert le petit pauvre d’Assise. Vous découvrirez Dieu… (Comme la Langouste se baisse pour ramasser le manteau de cocher, il l’en empêche). Laissez. Je vais monter tout ça dans la roulotte.
(Tandis que Clérambard monte dans la roulotte, la Langouste s’essuie les yeux et s’en va pleurer derrière la roulotte. Entrent Mme de Léré et le curé du premier acte).
Mme de LÉRÉ
Octave prétend que c’est en lisant la vie de saint François d’Assise que lui sont venues ces idées bizarres.
LE CURÉ
Je suppose que le comte a été touché par la grâce. Évidemment, c’est ennuyeux.
Mme de LÉRÉ
Oh ! monsieur le curé !
LE CURÉ
Je veux dire que s’il faut s’en féliciter pour lui-même, on doit admettre qu’il est en train d’en faire un mauvais usage pour les autres. La grâce ne dispose pas forcément à l’apostolat.
Mme de LÉRÉ
Si vous pouviez le remettre dans le bon chemin…
LE CURÉ
Vous me proposez une tâche difficile. Ce n’est pas une position avantageuse que d’avoir à combattre les bons sentiments dans le cœur d’un homme. Enfin, je ferai de mon mieux. (Apercevant Clérambard qui descend de la roulotte). Ah ! monsieur le Comte !
CLÉRAMBARD
Bonjour, Curé. Vous savez la nouvelle ? Il se prépare un orage d’amour qui va crever sur le monde.
LE CURÉ
On m’a fait part de vos projets. Je vous avoue qu’ils m’inquiètent. Faire vœu de pauvreté quand on a la charge d’une famille ne me semble pas un parti très sage. J’ose en effet vous rappeler que vous vous trouvez dans une situation matérielle des plus difficiles.
(Mme de Léré s’éloigne vers la gauche).
CLÉRAMBARD
Au contraire, elle est des plus faciles. Je suis déjà pauvre et je ne rêve qu’à être plus pauvre encore. J’ai hâte d’user mes vêtements, mes souliers, d’être affamé et grelottant. Ah ! n’avoir rien à soi ! être tout nu et crier sur les places : Venez à Jésus ! Venez à Dieu ! Venez avec vos enfants ! avec vos femmes ! avec vos amants ! avec vos bestiaux ! N’oubliez ni vos canaris, ni vos pékinois ! Tous à Jésus !
(La Langouste monte dans la roulotte).
LE CURÉ
Votre zèle m’apparaît des plus respectables, mais prenez garde d’être présomptueux. Rien ne vous a préparé à la tâche que vous prétendez assumér. Vous pouvez vous tromper et entraîner les autres dans l’erreur.
CLÉRAMBARD
Même si je reste fidèle, humblement fidèle à l’enseignement de l’Évangile ?
LE CURÉ
Malheureux ! Comment saurez-vous si vous lui êtes fidèle ? L’Évangile est une nourriture qui a besoin d’être accommodée, comme toutes les nourritures. Et l’Église, seule, a compris la nécessité de protéger les fidèles contre la parole du Christ. Elle seule sait les retenir sur la pente des interprétations dangereuses.
CLÉRAMBARD
Je n’ai pas l’intention de me priver des lumières de l’Église.
LE CURÉ
Tant mieux. Mais l’Église se méfie des francs-tireurs et à juste titre. D’autre part, en ce qui concerne les miracles…
CLÉRAMBARD
Vous avez raison, je m’étais trompé. Il n’y a pas eu de miracle.
LE CURÉ
Ah ! Vous n’y croyez plus !
CLÉRAMBARD
Non, pas à celui-là, mais je crois aux miracles passés et à venir, car il y en aura encore, j’en suis sûr. Il y en aura jusqu’à la fin des temps. Et je ne désespère pas qu’un jour Dieu me favorise d’un miracle. Ce n’est pas que j’en aie besoin pour assurer ma foi. Je n’en suis plus là. Mais je voudrais pouvoir en témoigner à la face du monde ! Ah ! de quelle ardeur je témoignerais ! Ce miracle-là, je le proclamerai d’un bout à l’autre de la terre, par les villes et par les campagnes ! Et on m’entendra gueuler dans les rues et aux carrefours et sur les places ! J’en étourdirai les passants, les hommes et les femmes, les curés aussi ! Et pour ceux qui oseraient ricaner, je me charge de leur frotter les oreilles !
LE CURÉ
Vous ne changerez jamais. Ni la foi, ni la charité, ni François d’Assise n’y feront rien. Vous resterez l’homme violent, excessif, intransigeant, que vous avez toujours été. C’est ce qui me fait peur pour vous, monsieur le Comte. Qui sait si vous n’allez pas, dans un mouvement de charité inconsidéré, vous enflammer pour des idées soi-disant généreuses et, disons le mot, révolutionnaires ?
CLÉRAMBARD
Pourquoi pas ? Il y a tant d’injustice dans le monde !
LE CURÉ
J’en étais sûr ! Vous voilà déjà parlant justice et injustice ! Sachez-le, Notre-Seigneur lui-même ne fondait aucune espérance sur la justice de ce bas-monde. Ce n’est que dans l’au-delà que la veuve et l’orphelin peuvent compter sur Lui.
CLÉRAMBARD
Curé, vous êtes en train d’interpréter les Évangiles. (Il se tourne vers la gauche). Louise ! Il est temps de nous préparer.
LE CURÉ
Monsieur le Comte, je crains bien qu’à votre insu, le démon de l’orgueil ne se dissimule déjà derrière vos bonnes intentions.
CLÉRAMBARD
Est-ce que Dieu, dans le cœur des hommes, ne réserve pas toujours la part du démon ?… Ah ! voilà le docteur… Cher docteur…
!!!!!SCÈNE XI
(Le docteur, entrant par la droite, vient à Clérambard. Louise et Me Galuchon entrent par la gauche. Viendront ensuite Mme de Léré et les trois filles Galuchon, puis Octave, tandis que la Langouste descendra de la roulotte).
LE DOCTEUR
Bonjour, monsieur le Comte. Comment, vous portez-vous ?
CLÉRAMBARD
Bonjour, docteur. Je me porte bien. Je me porte même tout à fait bien.
LE DOCTEUR
Je vous trouve pourtant mauvaise mine, comme si vous étiez surmené.
CLÉRAMBARD
Je suis en effet surmené et plus encore que vous ne pensez.
LE DOCTEUR
Je suppose que les soucis ne vous manquent pas. On m’a dit que vous pensiez à marier votre fils ?
(Le dragon cycliste entre par la gauche et met pied à terre près d’Octave).
CLÉRAMBARD
C’est-à-dire qu’il avait eu la chance de découvrir une femme exceptionnelle, un trésor d’humanité, qui couchait avec les soldats pour cent sous. (Il soupire). Cent sous ! Ah ! c’était bien la bru rêvée !
LE DOCTEUR
En effet !
CLÉRAMBARD
Vous êtes de mon avis, n’est-ce pas ? J’en suis heureux, docteur. Et c’est aussi votre opinion que je suis un dément ? Vous pensez qu’il faut qu’un homme soit hors de sens pour vouloir marier son fils à une prostituée, pour refuser la fortune et vouer sa famille à la mendicité ? Eh bien, vous avez raison, docteur. Je suis fou… Oui, je suis fou d’espérance ! Je suis fou d’amour ! Je me sens brûler d’une tendresse insensée pour tout ce qui vit, pour tout ce qui souffre et qui frémit dans ce monde et dans l’autre ! Il me semble que ma poitrine de brute n’est plus assez large pour contenir ce grand amour de Dieu et de ses créatures ! D’avoir tant rêvé au petit pauvre d’Assise, la folie est entrée en moi ! Je me suis donné à Jésus et je suis fou d’amour !
(Il est immobile, tourné vers la droite, et ses lèvres continuent à remuer).
LE DOCTEUR, à Louise.
Votre mari est très atteint : Mythomanie, perversion mentale, régression anormale de l’instinct de propriété, confusion des valeurs sociales… C’est très grave.
LOUISE
Non, docteur, vous vous trompez, vous ne comprenez rien au changement qui s’est opéré en lui dans ces derniers jours…
(Clérambard a un mouvement de stupeur).
CLÉRAMBARD, criant.
Regardez ! Le petit pauvre d’Assise dans sa robe de sainteté ! Deux anges se tiennent à ses côtés !
(Il tombe à genoux. – À l’exception du médecin et du curé, tous les assistants poussent un cri et tombent à genoux, les mains jointes).
LE DOCTEUR, au curé.
Qu’est-ce qui se passe ? (Souriant). C’est une folie contagieuse.
(Il se retourne et à son tour tombe à genoux).
LE CURÉ
Mais je ne vois rien du tout… Et moi qui ai la vue basse, j’ai justement oublié mes lunettes… Aurait, tiens, c’est ce que je dirai à Monseigneur… que j’avais oublié mes lunettes. Excellente idée… Mais je me demande ce qu’ils peuvent bien voir.
(Cependant, on entend le bruit que font les sabots d’un cheval).
LE CURÉ
Je vais tout de même m’approcher… Je ne vois toujours rien.
(Le curé fait quelques pas en avant. Les assistants lèvent les yeux comme s’ils suivaient du regard une ascension).
CLÉRAMBARD
Adorable vision ! Le plus doux des serviteurs de Dieu, le plus humble et le plus glorieux des pauvres bénissant notre roulotte de mendiants.
LE DRAGON
Vous avez vu les anges ? Ils ont attelé le cheval à la roulotte.
LA LANGOUSTE
Et le cheval, il a mangé dans la main du petit pauvre d’Assise.
OCTAVE
Et le saint lui a caressé l’encolure.
LOUISE
À présent, tout est clair, tout est simple. Moi aussi, j’ai hâte d’être pauvre et de prêcher l’amour.
CLÉRAMBARD
Debout ! Allons témoigner ! (Les assistants se lèvent et se dirigent vers la roulotte). Pressez-vous. Si les anges ont eux-mêmes attelé le cheval, c’est qu’il nous faut partir sans tarder.
Mme de LÉRÉ
Gendre, vous êtes un être exquis.
(Louise monte dans la roulotte, puis les filles Galuchon et Mme de Léré. Comme Octave paraît hésitant, son père le pousse un peu rudement. Suivent le docteur et la Langouste).
LE DRAGON
Dites donc, mais je n’ai pas de permission, moi.
CLÉRAMBARD
Dieu y pourvoira !… Allons, vite, ne lambinons pas.
Me GALUCHON
Et ma femme ?
CLÉRAMBARD
Nous la prendrons en passant.
(Tout le monde est monté, sauf Clérambard. À la fenêtre de la roulotte apparaissent les visages extatiques de Mme de Léré et du dragon. La Langouste, après avoir ôté l’escalier, s’assied à l’arrière, les pieds pendants, Louise est debout derrière elle. Clérambard s’en va vers le cheval).
LE CURÉ, demeuré à l’écart.
Singulier chargement. Un dragon, une fille publique, un avoué sans aveu, un docteur à moitié fou… Les emportements de la foi et de la charité, c’est très joli, mais je voudrais bien savoir ce que ce mélange-là aura donné dans un mois.
VOIX de CLÉRAMBARD, à l’avant.
Ioup ! hue !
(La roulotte s’ébranle. Clérambard vient la pousser à l’arrière. Ramage d’oiseaux. La roulotte sort).
RIDEAU.
<<foldHeadings closed>>
!Colloque sentimental
[img[http://img.over-blog.com/325x325/3/66/55/28/2010-2011/images.jpg-magritte.jpg]]
Dans le vieux parc solitaire et glacé
Deux formes ont tout à l'heure passé.
Leurs yeux sont morts et leurs lèvres sont molles,
Et l'on entend à peine leurs paroles.
Dans le vieux parc solitaire et glacé
Deux spectres ont évoqué le passé.
- Te souvient-il de notre extase ancienne?
- Pourquoi voulez-vous donc qu'il m'en souvienne?
- Ton coeur bat-il toujours à mon seul nom?
Toujours vois-tu mon âme en rêve? - Non.
Ah ! les beaux jours de bonheur indicible
Où nous joignions nos bouches ! - C'est possible.
- Qu'il était bleu, le ciel, et grand, l'espoir !
- L'espoir a fui, vaincu, vers le ciel noir.
Tels ils marchaient dans les avoines folles,
Et la nuit seule entendit leurs paroles.
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!Comme on voit sur la branche//
Pierre de Ronsard//
{{center{
Comme on voit sur la branche au mois de mai la rose,
En sa belle jeunesse, en sa première fleur,
Rendre le ciel jaloux de sa vive couleur,
Quand l’Aube de ses pleurs au point du jour l’arrose;
La grâce dans sa feuille, et l’amour se repose,
Embaumant les jardins et les arbres d’odeur;
Mais battue, ou de pluie, ou d’excessive ardeur,
Languissante elle meurt, feuille à feuille déclose.
Ainsi en ta première et jeune nouveauté,
Quand la terre et le ciel honoraient ta beauté,
La Parque t’a tuée, et cendres tu reposes.
Pour obsèques reçois mes larmes et mes pleurs,
Ce vase plein de lait, ce panier plein de fleurs,
Afin que vif et mort, ton corps ne soit que roses.
!!!!!!Pierre de Ronsard, //Amours//, 1560
}}}
{{center{[img(33%,)[http://arrosoirs-secateurs.com/IMG/jpg/PierredeR.jpg]]}}}
!Comme on voit sur la branche au mois de may la rose
!!!!!{{center{Pierre de RONSARD
(1524-1585)}}}
{{center{
Comme on voit sur la branche au mois de may la rose,
En sa belle jeunesse, en sa premiere fleur,
Rendre le ciel jaloux de sa vive couleur,
Quand l'Aube de ses pleurs au poinct du jour l'arrose ;
La grace dans sa feuille, et l'amour se repose,
Embasmant les jardins et les arbres d'odeur ;
Mais batue ou de pluye, ou d'excessive ardeur,
Languissante elle meurt, fueille à fueille déclose.
Ainsi en ta premiere et jeune nouveauté,
Quand la Terre et le Ciel honoraient ta beauté,
La Parque t'a tuee, et cendre tu reposes.
Pour obseques reçoy mes larmes et mes pleurs,
Ce vase plein de laict, ce panier plein de fleurs,
Afin que vif et mort ton corps ne soit que roses.
}}}
!^^Lettres persanes
^^Comment peut-on être Persan ?
^^//(Lettre 30) - Montesquieu, 1721//^^
!!!!!RICA AU MÊME, A SMYRNE
Les habitants de Paris sont d'une curiosité qui va jusqu'à l'extravagance.
Lorsque j'arrivai, je fus regardé comme si j'avais été envoyé du Ciel : vieillards, hommes, femmes, enfants, tous voulaient me voir.
Si je sortais, tout le monde se mettait aux fenêtres ; si j'étais au Tuileries, je voyais aussitôt un cercle se former autour de moi : les femmes mêmes faisaient un arc-en-ciel, nuancé de mille couleurs, qui m'entourait ; si j'étais aux spectacles, je trouvais d'abord cent lorgnettes dressées contre ma figure : enfin jamais homme n'a tant été vu que moi.
Je souriais quelquefois d'entendre des gens qui n'étaient presque jamais sortis de leur chambre, qui disaient entre eux : « //Il faut avouer qu'il a l'air bien persan.// » Chose admirable ! je trouvais de mes portraits partout ; je me voyais multiplié dans toutes les boutiques, tant on craignait de ne m'avoir pas assez vu.
Tant d'honneurs ne laissent pas d'être à charge : je ne me croyais pas un homme si curieux et si rare ; et, quoique j'aie très bonne opinion de moi, je ne me serais jamais imaginé que je dusse troubler le repos d'une grande ville où je n'étais point connu. Cela me fit résoudre à quitter l'habit persan et à en endosser un à l'européenne, pour voir s'il resterait encore dans ma physionomie quelque chose d'admirable. Cet essai me fit connaître ce que je valais réellement : libre de tous mes ornements étrangers, je me vis apprécié au plus juste. J'eus sujet de me plaindre de mon tailleur, qui m'avait fait perdre en un instant l'attention et l'estime publique : car j'entrai tout à coup dans un néant affreux. Je demeurais quelquefois une heure dans une compagnie sans qu'on m'eût regardé, et qu'on m'eût mis en occasion d'ouvrir la bouche. Mais, si quelqu'un, par hasard, apprenait à la compagnie que j'étais Persan, j'entendais aussitôt autour de moi un bourdonnement : « //Ah ! ah ! Monsieur est Persan ? c'est une chose bien extraordinaire ! Comment peut-on être Persan ?// »
!!!!!!De Paris, le 6 de la lune de Chalval, 1712
{{center{^^//<<storyViewer amour previous>><<storyViewer amour list>><<storyViewer amour next>>//^^
!Compagne savoureuse et bonne
}}}
Compagne savoureuse et bonne
À qui j'ai confié le soin
Définitif de ma personne,
Toi mon dernier, mon seul témoin,
Viens çà, chère, que je te baise,
Que je t'embrasse long et fort,
Mon coeur près de ton coeur bat d'aise
Et d'amour pour jusqu'à la mort :
::Aime-moi,
::Car, sans toi,
::Rien ne puis,
::Rien ne suis.
Je vais gueux comme un rat d'église
Et toi tu n'as que tes dix doigts ;
La table n'est pas souvent mise
Dans nos sous-sols et sous nos toits ;
Mais jamais notre lit ne chôme,
Toujours joyeux, toujours fêté
Et j'y suis le roi du royaume
De ta gaîté, de ta santé !
::Aime-moi,
::Car, sans toi,
::Rien ne puis,
::Rien ne suis.
Après nos nuits d'amour robuste
Je sors de tes bras mieux trempé,
Ta riche caresse est la juste,
Sans rien de ma chair de trompé,
Ton amour répand la vaillance
Dans tout mon être, comme un vin,
Et, seule, tu sais la science
De me gonfler un coeur divin.
::Aime-moi,
::Car, sans toi,
::Rien ne puis,
::Rien ne suis.
Qu'importe ton passé, ma belle,
Et qu'importe, parbleu ! le mien :
Je t'aime d'un amour fidèle
Et tu ne m'as fait que du bien.
Unissons dans nos deux misères
Le pardon qu'on nous refusait
Et je t'étreins et tu me serres
Et zut au monde qui jasait !
::Aime-moi,
::Car, sans toi,
::Rien ne puis,
::Rien ne suis.
!!!!!Paul Verlaine (1844-1896)
!!!!!!//Chansons pour elle (1891).//
!Complainte amoureuse
Oui dès l'instant que je vous vis
Beauté féroce, vous me plûtes
De l'amour qu'en vos yeux je pris
Sur-le-champ vous vous aperçûtes
Ah ! Fallait-il que vous me plussiez
Qu'ingénument je vous le dise
Qu'avec orgueil vous vous tussiez
Fallait-il que je vous aimasse
Que vous me désespérassiez
Et qu'enfin je m'opiniâtrasse
Et que je vous idolâtrasse
Pour que vous m'assassinassiez
//Alphonse Allais 1854-1905//
66i: [[Marie-Thérèse|https://giga.gg/l/57647c3ef9e5df75618b457a]] [[Dominique|https://giga.gg/l/57648247fce5dfc5698b457b]] [[André|https://giga.gg/l/57648652f6e5df839a8b4599]]
{{center{[img(40%,)[http://ekladata.com/7DTnuvTe9A7yEpzxP6sYLL10bfU.jpg]]}}}
!Conversation
{{center{
!!!!!Jean Tardieu
Comment ça va sur la terre ?
- Ça va, ça va bien.
Les petits chiens sont-ils prospères ?
- Mon dieu oui merci bien.
Et les nuages ?
- Ça flotte.
Et les volcans ?
- Ça mijote.
Et les fleuves ?
- Ça s’écoule.
Et le temps ?
- Ça se déroule.
Et votre âme ?
- Elle est malade
Le printemps était trop vert
Elle a mangé trop de salade.
[img(80%,)[http://p6.storage.canalblog.com/61/68/509972/40405161.jpg]]
}}}
!Coup de foudre^^
//~Jean-Pierre Martinez
//(Brèves du temps perdu)^^
/%
|auteur|Martinez|
|distribution|Brigitte Gérard|
|prochaines|93c|
|temps|12 mn|
%/{{did{Un homme entre avec circonspection dans ce qui est supposé être un appartement vide, et à vendre. Il est habillé façon VRP et tient une mallette à la main. N’étant visiblement pas chez lui, il attend, ne sachant pas très bien quoi faire. Puis il en profite pour examiner discrètement les lieux. Son jugement semble très favorable. Son portable sonne, il répond.}}}
;Lui
:Oui…? Oui, chérie… Oui, j’y suis… Non, la fille de l’agence n’est pas encore arrivée. Je suis un peu en avance. Une occasion pareille, tu penses bien. Je tenais absolument à être le premier. Oui, elle m’a dit qu’il y avait quelqu’un d’autre sur l’affaire… Non, non, c’était ouvert, alors j’en ai profité pour entrer… Ah, oui, je t’assure, c’est vraiment magnifique. Le coup de cœur, je te jure. Non, je crois que cette fois, c’est le bon. Et à ce prix là… Les propriétaires sont pressés, apparemment… Un divorce, il paraît… Excuse-moi, je vais devoir te laisser… Je l’entends qui arrive… Ok, je te rappelle après, d’accord…? Tchao…
{{did{Une femme entre. Elle est habillée un peu de la même façon que lui, au féminin, et porte également une mallette.}}}
;Elle
:Bonjour… Vous êtes bien…?
;Lui
:Oui…
;Elle
:Je me suis garée sur une place handicapés, mais bon… On n’en a pas pour très longtemps…
;Lui
:Non, bien sûr…
{{did{Elle jette un regard circulaire sur la pièce. Il semble un peu décontenancé.}}}
;Elle
:Ah, oui, c’est…
;Lui
:C’est la première fois que vous le voyez…?
;Elle
:Oui… Pourquoi ?
;Lui
:Non, non… Rien… Je…
{{did{Il se met à examiner les lieux lui aussi.}}}
;Elle
:Ce n’est pas très grand, évidemment, mais bon…
;Lui
:Pour un couple.
;Elle
:Oui.
;Lui
:Il y a pas mal de placards…
{{did{Ils semblent tous les deux un peu embarrassés.}}}
;Elle
:Il faut reconnaître qu’à ce prix-là, c’est une occasion à saisir.
;Lui
:Oui…
{{did{Elle a l’air attendrie par sa maladresse.}}}
;Elle
:Vous… Vous faites ça depuis longtemps…
;Lui
:Ça ?
;Elle
:Vous débutez, je me trompe ?
;Lui
:C’est à dire que… Pourquoi ?
;Elle
{{did{(amusée)}}} – Ça se voit un peu…
;Lui
:Ah, oui…?
;Elle
:Vous n’êtes pas très… Mais au contraire, hein… Ça fait six mois qu’on cherche, alors évidemment… Excusez-moi, mais… les agents immobiliers, on commence à connaître leur baratin… Alors là, ça me repose un peu…
;Lui
:Bien sûr…
;Elle
:Et puis c’est vrai qu’un appartement comme ça, à ce prix là… Il n’y a pas vraiment besoin d’en rajouter…
;Lui
:Non…
{{did{Elle reprend sa visite.}}}
;Elle
:Ah, oui, c’est… C’est très lumineux…
;Lui
:Oui, enfin…
;Elle
:Pardon ?
;Lui
:Surtout la journée…
;Elle
:Oui… C’est sûr que la nuit… Ça doit être un peu plus sombre…
;Lui
:Eh bien justement non.
;Elle
:Non ?
{{did{Cherchant visiblement quelque chose pour argumenter son propos, il se place face au public devant l’endroit supposé de la fenêtre.}}}
;Lui
:Vous avez vu cette enseigne lumineuse, sur le toit, là bas, juste en face…
;Elle
:Ah, non…
;Lui
:Pour la boîte de nuit, en bas ! Avant de vous coucher, vous avez intérêt à fermer les volets…
;Elle
:Ah, oui…
;Lui
:Le problème, c’est… qu’il n’y a pas de volets.
;Elle
:Ah, non…
;Lui
:En revanche, si vous êtes insomniaque, vous pouvez lire jusqu’au lendemain matin, vous n’avez même pas besoin d’allumer la lumière. Vous êtes insomniaque ?
;Elle
:Des fois…
;Lui
:L’avantage, c’est que vous ne serez pas réveillée à quatre heures du matin quand les clients quittent la boîte et s’en grillent une en chahutant avant de rentrer chez eux à moitié bourrés.
;Elle
:Je croyais que c’était la première fois que vous veniez ici… Vous avez l’air de bien connaître le voisinage…
;Lui
:Déformation professionnelle… Dans notre métier, on a l’œil pour tous ces petits inconvénients qui n’apparaissent généralement aux acheteurs imprudents qu’après avoir signé la promesse de vente…
;Elle
{{did{(perplexe)}}} – Il y a quand même une belle hauteur de plafond…
;Lui
:Oui…
;Elle
:Non…?
;Lui
:Si, si… C’est… C’est sûr que c’est très agréable, cette impression de volume…
;Elle
:Oui…
;Lui
:Mais il faut aussi penser au chauffage…
;Elle
:Le chauffage…
;Lui
:Plein nord, comme ça… Là, on est en été… Mais au mois de décembre…
;Elle
:Vous croyez ?
;Lui
:Quand on est chauffé au gaz, encore…
;Elle
:Oui…
;Lui
:Mais là, avec le chauffage électrique…
;Elle
:Ah, oui…
;Lui
:En plus il n’y a qu’un radiateur…
;Elle
:Mmm…
;Lui
:Et pas bien gros encore.
;Elle
:Non…
;Lui
:Allez savoir s’il marche, au moins…
{{did{Elle semble déstabilisée, mais en même temps intriguée.}}}
;Elle
:Vous êtes payé à la commission ?
;Lui
:Non, pourquoi ?
;Elle
:Comme ça… Enfin, la journée, ça a l’air plutôt calme, non ?
{{did{Il jette un nouveau regard par la fenêtre.}}}
;Lui
:Ouh, là… Vous avez vu, à droite ?
;Elle
:Quoi ?
;Lui
:L’école !
;Elle
:Ah, oui… Nous n’avons pas encore d’enfants mais… C’est vrai que ce serait pratique…
;Lui
:Mmm…
;Elle
:Non ?
;Lui
:Attendez l’heure de la récréation…
;Elle
:Vous voulez dire…
;Lui
:Vous ne travaillez pas chez vous, au moins ?
;Elle
:Si… Je… Je suis traductrice…
;Lui
:Croyez-moi… Une école… Quand on ne rentre chez soi que le soir, ça va… Mais quand on a besoin de tranquillité pour travailler pendant la journée…
;Elle
:À ce point là…?
;Lui
:Depuis combien de temps vous n’avez pas mis les pieds dans une cour de récréation ?
;Elle
:Je ne sais pas…
;Lui
:Croyez-moi, une école… Il vaut encore mieux habiter à côté d’une centrale nucléaire…
;Elle
:Ah, oui ?
;Lui
:Ça fait moins de bruit…
{{did{Elle reste un instant interloquée.}}}
;Elle
:Mais… Pourquoi vous me dites tout ça ? Votre métier, c’est de vendre des appartements, non ?
;Lui
:Vous m’êtes sympathique, je ne sais pas pourquoi… Je ne voudrais pas que… Et puis je finirai bien par trouver un autre pigeon…
;Elle
:Je vous remercie de votre honnêteté… Je suis très touchée…
;Lui
:Je vous en prie.
{{did{Elle insiste encore un peu.}}}
;Elle
:Et les toilettes ?
;Lui
:Dans la salle de bain…
;Elle
:Ça prend moins de place.
;Lui
:Mais ce n’est pas très commode… surtout si vous comptez agrandir la famille.
{{did{Elle renonce.}}}
;Elle
:D’accord… Je vais peut-être réfléchir encore un peu, alors…
;Lui
:Prenez tout votre temps… Je ne pense pas que ce genre de produits parte très rapidement, de toute façon…^;pElle
:Merci… Alors je vais y aller… Je suis garée sur une place handicapés…
;Lui
:Oui… Je crois qu’il y a un hôpital psychiatrique, pas très loin…
{{did{Elle le regarde un peu inquiète, se demandant visiblement un instant s’il ne viendrait pas de s’en échapper.}}}
;Elle
:Vous êtes un drôle d’agent immobilier, quand même…
;Lui
:Vous trouvez…?
;Elle
{{did{(troublé)}}} – J’y vais…
;Lui
{{did{(troublé aussi)}}} – Ok…
{{did{Elle s’en va. Il jette un regard circulaire sur l’appartement, avec un air beaucoup moins satisfait que la première fois. Son téléphone sonne.}}}
;Lui
:Oui…? Ah, c’est toi… Non, ce n’était pas l’agent immobilier, en fait, c’était… Écoute, je ne peux pas te raconter ça tout de suite, la fille de l’agence va arriver… Tout ce que je peux te dire, c’est que maintenant, on est les seuls sur les rangs… {{did{(Essayant de se remotiver)}}} C’est génial, non ? L’appartement…? {{did{(Il a un moment de flottement et jette un nouveau regard désenchanté autour de lui)}}} Écoute… Je me demande s’il est si bien que ça, finalement… Oui, je sais, c’est ce que je pensais, mais tu sais ce que c’est… Parfois, on a le coup de foudre, et… Mais non, je ne dis pas ça pour toi, évidemment… Je te parle de l’appartement ! Bon, on en reparle tout à l’heure, d’accord, j’entends des pas dans l’escalier…
{{did{Il range son portable dans sa poche et se tourne vers la porte. À sa grande surprise, c’est la femme qui revient.}}}
;Elle
:Vous croyez au coup de foudre…?
{{did{Il ne répond rien, interloqué. Elle se dirige vers lui, et lui roule un patin. On entend au loin le vacarme allant croissant des enfants qui sortent en récréation. Le noir se fait. Relayé par le flash de lumière intermittent de l’enseigne lumineuse.}}}
:
!!!!! N o i r .
:<<back>>
{{center{[img(30%,)[27 fév 18|http://preview.ibb.co/gwU1YS/Snapshot_279.png][https://photos.app.goo.gl/gH3EHkP7wCiDqSIt1]] [img(30%,)[Mardi 20 février 2018|http://image.ibb.co/g27P7c/Snapshot_256.png][https://photos.app.goo.gl/mNr5OYvVPx7DwkEA3]] [img(30%,)[6 février 2018|https://image.noelshack.com/fichiers/2018/06/4/1518097994-coup-desoleil.png][https://photos.app.goo.gl/JmH2M51VhX8t53ho2]]
[img(40%,)[Représentation du 18 janvier au Club Château-des-Rentiers|http://image.ibb.co/hNTenn/Snapshot_173.png][https://photos.app.goo.gl/AhqQeuDMgpxbtpgh2]] [img(40%,)[La scène, jouée par Jacqueline Maillan et Rosy Varte|http://preview.ibb.co/dfmeL7/Clipboard01.jpg][https://drive.google.com/open?id=0B6u4-mn-yHRWeHRuWEFUY1NOcDg]]}}}
!Coup de soleil
/%
|Representations|Mouffetard;Éloi;Malraux;Rentiers;JdArc;|
2017: (Dominique) Michèle Mady MarcelMithois scènes spectacle6
2018: M MarcelMithois scènes spectacle6
%/
!!!!!{{center{Marcel Mithois
ACTE II
//Arrangement pour Valentine et Brigitte//}}}
//(On sonne. Valentine, surprise, va ouvrir. Entre Une dame de l'âge de Valentine vêtue "chic démodé", gants, chapeau, voilette.)//
;Brigitte
:Madame Matignon ? //(Valentine fait signe que oui)// Brigitte Montillier. ne vous a pas parlé...
;Valentine.
:Ah! Mais oui, bien sûr... Quel plaisir de vous connaître. Asseyez-vous, je vous en prie. Je pensais que nous nous rencontrerions à l'heure du thé... mais, pourquoi pas à celle du petit déjeuner. Un café, peut-être ?
;Brigitte
:Non, merci... je suis tellement nerveuse...
;Valentine
:Jérôme doit être en train de plonger dans son bain. Il ne m'a parle qu'en coup de vent de ce projet... qui me paraît charmant. Et dans un cadre féérique ! Il parait que votre plantation de cannes à sucre est un ravissememt.
;Brigitte
:Elle est encore au nom de maman, mais j'en hériterai.
;Valentine
:Vous aussi vous avez votre maman ? Ah! j'en suis sûre... Aux Antilles, le climat doit être merveilleux! Je sens que je vais aller y taire une cure de jouvence.
;Brigitte
:Pauvre maman, elle commence à être un peu fatiguée. Le décalage horaire l'a beaucoup perturbée.
;Valentine
://(stupéfaite.)// Parce que vous avez aussi amené votre maman ? La pauvre! Etait-ce bien raisonnable ?
;Brigitte
:C'est qu'elle mourait d'envie de vous connaître, elle aussi.
;Valentine
:Et moi donc! Je serai ravie... Pauvre chère maman qui a été un peu décalée. Ah! les mariages ne rajeunissent pas les grand-mamans! Les mamans non plus d'ailleurs, n'est-ce pas, chère amie ?
;Brigitte
:Vous faites si jeune, chère madame. J'ai été surprise en vous voyant.
;Valentine
:Mais, moi aussi, j'ai été surprise... Vous aussi, vous faites très très jeune. C'est vrai que nous sommes à une époque où, nous, les grandes aînées, nous nous maintenons... Il faut tenir le coup, il faut lutter... hein ? Le dos au mur, luttons, chère amie, luttons. Car, soyons franches, c'est la lutte finale. Après, la lutte sera inutile. Dans quinze ans, dans vingt ans, ce sera le déluge, notre déluge... Enfin, parlons de choses plus gaies... Parlons des enfants. Je serai ravie de voir votre maman mais, ce qui me ravirait surtout, c'est de connaître ma future belle-fille... Elle vous ressemble ?
;Brigitte
:Je ne vous comprends pas bien.
;Valentine
://(fort, s'adressant à une sourde.)// Je disais que j'ai hâte de connaître Cerise.
;Brigitte
:Mais, Cerise, c'est moi.
;Valentine
:Je ne comprends pas bien.
;Brigitte
://(comme à une sourde.)// Je dis : Cerise, c'est moi...
;Valentine
://(se levant brusquement.)// Ah! Non. Pas ça! Pas vous! Pas à moi! (...) Ecoutez Mademoiselle...
;Brigitte
:Appelez-moi Cerise.
;Valentine
:Soit. Va pour Cerise. Mais vous, si jamais vous m'appelez belle-maman!... Ecoutez-moi Cerise... Et d'abord, vous ne croyez pas que Brigitte conviendrait mieux à votre... enfin, à votre physique...
;Brigitte
:C'est ce que je me tue à dire à Jérôme, mais il ne veut pas en démordre. C'est lui qui m'a baptisée Cerise la première fois que... Vous voyez ce que je veux dire... Je veux dire la première fois... Vous voyez ?
;Valentine
:Je pense que oui. Je vois... Oh! oui, je vois. La chaleur, les palétuviers, les moustiques, l'alcool de betterave, la sieste lourde... et une seule femme à bord. Oh! oui, je vois. J'ai beaucoup lu dans ma vie, ma chère Cerise... Et ce viol a eu lieu quand ?
;Brigitte
:Jérôme ne m'a pas violée...
;Valentine
:Lui, non... mais...
;Brigitte
:La chose... enfin cette chose se passa pour la première fois il y a six ans... Et pour moi, c'était vraiment la première fois... //(Stupéfaction de Valentine.)//
;Valentine
:Il y a six ans ? Mais Jérôme était un enfant! Mon petit! Mon bébé! Mais le pauvre, comment fuir ? Comment pouvait-il faire autrement dans cette brousse déserte, desséchée... Et ça s'est passé...
;Brigitte
:Dans les cannes à sucre... Mais, madame, après dix-huit mois d'hésitations, de combats intérieurs... Mon éducation, mes principes religieux m'ont beaucoup fait hésiter...
;Valentine
:Ah! Vous, vous avez hésité dix-huit mois ? Quel courage!... Quelle leçon!
;Brigitte
:Oh! Vous savez, Jérôme hésitait encore plus que moi.
;Valentine
:Je le comprends... Enfin, je veux dire, c’est un grand paresseux. Comme son père. Mais de vivre avec mon grand dadais de fils ne vous donne aucun complexe... à vous ?... Cette jeunesse....
;Brigitte
:Non. Je me suis persuadée une fois pour toutes que j'étais plus jeune que lui.
;Valentine
:Eh bien voilà! Il fallait y penser! J'avoue que je n'y avais pas songe... Vous m'ouvrez des horizons...
;Brigitte
:Nous vivions dans le péché, bien sûr... mais j’étais heureuse. Et, depuis un mois, il est très.... très impatient. Parce que, depuis sa demande officielle, nous sommes des étrangers l’un pour l'autre.
;Valentine
:Mon Dieu! Et pourquoi ?
;Brigitte
:Parce que je tiens à me marier en blanc. Je me marierai jeune fille. J'y tiens. Pas seulement pour maman mais pour ma paix intérieure.
;Valentine
:En blanc! Oh! Et puis, aux Dom Tom, le blanc, c’est presque de rigueur. En tout cas, c'est flatteur, le blanc, ça rajeunit. Le blanc, c’est bien. Seulement, voilà...
;Brigitte
://(coupant.)// Oh! Je sais ce qui vous chiffonne.
;Valentine
:(//hochant la tête.)// Oui, j'imagine!
;Brigitte
:C'est la différence...
;Valentine
:Et elle est de taille!
;Brigitte
:La différence de fortune - oui, je sais. Je suis une riche héritière et Jérôme est sans espérances... Il est, il faut l'avouer, un peu nonchalant.
;Valentine
:Je vous trouve indulgente.
;Brigitte
:Mais je ne le juge pas. Je l'aime tel qu'il est.
;Valentine
:Et en ce qui concerne la différence d'âge, ça ne vous fait pas peur ? Vous ne craignez pas le ridicule ? Je sais bien que, là-bas, sous les palétuviers, à part le qu'en-dira-t-on des tigres et des autruches.!..
;Brigitte
:Comme on dit chez nous à la ~Marie-Galante : "Ouché outou yami fi sol poussé pousse".
;Valentine
:Ils ont bien raison. //(A elle-même.)// S’il faut aller aussi loin! //(Haut.)// Mais Cerise, dans dix... dans vingt ans ?
;Brigitte
:Vingt ans de bon à prendre... Et puis, nous passerons, sans nous en apercevoir, de la passion à l'amour et de l'amour à la tendresse. Croyez-moi, il faut,prendre la vie...
;Valentine
:(//coupant.)// Je vous arrête, parce qu'alors là, le texte, je le connais par coeur. Eh bien, chère Cerise, je crois que rien ne me permet de faire obstacle à votre bonheur. Je m'incline d'autant plus profondément que je vois là le doigt de Dieu et ce doigt me fait... (De son index elle fait un geste grondeur.) Mais ça, c'est une autre question. Voulez-vous que j'aille chercher le fiancé, s'il est prêt ?
;Brigitte
://(se levant.)// Dites—lui de venir me prendre à l'hôtel... Nous devons aller au cimetière Montmartre... Maman veut faire le tour de quelques tombes familiales...
;Valentine
:Eh bien, "Gay Paris"... Enfin... bonne promenade et bon air.
;Brigitte
:Je peux vous embrasser ? //(Elles s'embrassent.)//
;Valentine
:Croyez-moi, obtenez de Jérôme, lors de vos prochains ébats, qu'il vous compare à un fruit plus conséquent...
;Brigitte
:Il ne voudra jamais. C'est lui qui a découvert que j'avais la bouche en cerise.
;Valentine
://(les yeux au ciel.)// Ah! Alors! Si cest lui qui l'a découvert! //(La porte une fois refermée.)// Il faut la mettre dans l’eau de vie! Quel réveil! Je voyais tout le temps Patrick en surimpression. Quel coup! Et quelle leçon...
!!!!!!//© , 1983 Avant-Scène Théâtre//
| ^^Spectacle 6^^<br>//17'// [[Misanthrope - I 1 - PHILINTE, ALCESTE.]] Jacques Gérard |
//[[Tout le texte|Antigone face à Créon]]//
<<tiddler 'Antigone face à Créon'>>
<<foldHeadings closed>>
[[Personnages]]
[[1.Le père et la jeune gouvernante]]
[[2. Cécile et son père]]
[[3.Le père et la jeune gouvernante]]
!CÉCILE OU L’ÉCOLE DES PÈRES<br>de<br>Jean Anhouil/%
|Description:|3 scènes avec le Père, la jeune gouvernante ou la fille|
%/
<<tiddler 'CÉCILE OU L’ÉCOLE DES PÈRES'>>
<html>
<header class="entry-header entry-header-01" style="margin: 0px; padding: 0px; border-width: 0px; border-style: solid; outline: 0px; font-size: 20px; vertical-align: baseline; background: 0px 0px rgb(230, 230, 230); display: block; color: rgb(102, 102, 102); font-family: Roboto, Arial, sans-serif; font-style: normal; font-variant-ligatures: normal; font-variant-caps: normal; font-weight: 400; letter-spacing: normal; orphans: 2; text-align: left; text-indent: 0px; text-transform: none; white-space: normal; widows: 2; word-spacing: 0px; -webkit-text-stroke-width: 0px; text-decoration-style: initial; text-decoration-color: initial;"><p class="g1-meta g1-meta-m entry-meta entry-meta-m" style="margin: 0px 0px 10px; padding: 0px; border-width: 0px; border-style: solid; outline: 0px; font-size: 15px; vertical-align: baseline; background: 0px 0px; line-height: 18px; font-family: Poppins, Roboto, Arial, sans-serif; font-weight: 400; text-transform: none; color: var(--g1-mtxt-color); display: flex; flex-wrap: wrap; align-items: center; justify-content: space-between;"><span class="entry-byline entry-byline-m entry-byline-with-avatar" style="margin: 0px 0px 4px; padding: 0px; border-width: 0px; border-style: solid; outline: 0px; font-size: 15px; vertical-align: baseline; background: 0px 0px;"><span class="entry-author" itemscope="" itemprop="author" itemtype="http://schema.org/Person" style="margin: 0px 10px 0px 0px; padding: 0px; border-width: 0px; border-style: solid; outline: 0px; font-size: 15px; vertical-align: baseline; background: 0px 0px; display: block;"><a href="https://www.lapoesie.org/auteur/andree-chedid/" title="Publications de Andrée Chedid" rel="author" style="cursor: pointer; text-decoration: none; border-width: 0px; border-style: solid; color: var(--g1-itxt-color);"><br class="Apple-interchange-newline"><img src="https://cdn.lapoesie.org/wp-content/uploads/ultimatemember/75/profile_photo-40x40.jpg?1561000106" data-lazy-src="https://cdn.lapoesie.org/wp-content/uploads/ultimatemember/75/profile_photo-40x40.jpg?1561000106" class="gravatar avatar avatar-40 um-avatar um-avatar-uploaded lazyloaded" width="40" height="40" alt="Andrée Chedid" data-default="https://cdn.lapoesie.org/wp-content/uploads/2018/12/default-avatar.png" onerror="if ( ! this.getAttribute('data-load-error') ){ this.setAttribute('data-load-error', '1');this.setAttribute('src', this.getAttribute('data-default'));}" data-pagespeed-url-hash="1743886238" onload="pagespeed.CriticalImages.checkImageForCriticality(this);" data-was-processed="true" style="margin: 0px 10px 0px 0px; padding: 0px; border-width: 0px; border-style: solid; outline: 0px; font-size: 15px; vertical-align: baseline; background: 0px 0px; max-width: 100%; height: auto; border-radius: 50%; opacity: 1; transition: opacity 0.175s ease-in-out 0s; float: left;"><strong itemprop="name" style="margin: 0px; padding: 0px; border-width: 0px; border-style: solid; outline: 0px; font-size: 15px; vertical-align: baseline; background: 0px 0px; font-weight: 600; position: relative; bottom: -12px;">Andrée Chedid</strong></a></span></span><span class="entry-stats entry-stats-m" style="margin: 0px 0px 0.25rem; padding: 2px 10px 2px 0px; border-width: 0px; border-style: solid; outline: 0px; font-size: 15px; vertical-align: baseline; background: 0px 0px; display: inline-block; clear: both; position: relative; z-index: 6;"><span class="entry-views entry-views-trending " style="margin: 0px 10px 0px 0px; padding: 0px; border-width: 0px; border-style: solid; outline: 0px; font-size: 15px; vertical-align: top; background: 0px 0px; display: inline-block;"><strong style="margin: 0px; padding: 0px; border-width: 0px; border-style: solid; outline: 0px; font-size: 15px; vertical-align: middle; background: 0px 0px; font-weight: 600; display: inline-block; color: rgb(191, 0, 41);">
</strong><span style="margin: 0px 0px 0px 4px; padding: 0px; border-width: 0px; border-style: solid; outline: 0px; font-size: 15px; vertical-align: middle; background: 0px 0px; display: inline-block;"> </span></span><span> </span><span class="entry-votes entry-votes-trending " style="margin: 0px 10px 0px 0px; padding: 0px; border-width: 0px; border-style: solid; outline: 0px; font-size: 15px; vertical-align: top; background: 0px 0px; display: inline-block;"><strong style="margin: 0px; padding: 0px; border-width: 0px; border-style: solid; outline: 0px; font-size: 15px; vertical-align: middle; background: 0px 0px; font-weight: 600; display: inline-block;"> </strong><span style="margin: 0px 0px 0px 4px; padding: 0px; border-width: 0px; border-style: solid; outline: 0px; font-size: 15px; vertical-align: middle; background: 0px 0px; display: inline-block;"> </span></span><span> </span><span class="entry-comments-link entry-comments-link-0" style="margin: 0px 10px 0px 0px; padding: 0px; border-width: 0px; border-style: solid; outline: 0px; font-size: 15px; vertical-align: top; background: 0px 0px; display: inline-block; pointer-events: auto;"><a href="https://www.lapoesie.org/andree-chedid/destination-arbre/#respond" style="cursor: pointer; text-decoration: none; border-width: 0px; border-style: solid; color: var(--g1-itxt-color); display: inline-block; position: relative;"><strong style="margin: 0px; padding: 0px; border-width: 0px; border-style: solid; outline: 0px; font-size: 15px; vertical-align: middle; background: 0px 0px; font-weight: 600; display: inline-block;">0</strong><span style="margin: 0px 0px 0px 4px; padding: 0px; border-width: 0px; border-style: solid; outline: 0px; font-size: 15px; vertical-align: middle; background: 0px 0px; display: inline-block; clip: rect(1px, 1px, 1px, 1px); position: absolute; height: 1px; width: 1px; overflow: hidden;">AVIS, CRITIQUES ET ANALYSES</span></a></span></span></p></header><div class="g1-content-narrow g1-typography-xl entry-content" itemprop="articleBody" style="margin: 0px; padding: 0px; border-width: 0px; border-style: solid; outline: 0px; font-size: 18px; vertical-align: baseline; background: 0px 0px rgb(230, 230, 230); line-height: 30px; overflow-wrap: break-word; word-break: break-word; box-sizing: border-box; color: rgb(102, 102, 102); font-family: Roboto, Arial, sans-serif; font-style: normal; font-variant-ligatures: normal; font-variant-caps: normal; font-weight: 400; letter-spacing: normal; orphans: 2; text-align: left; text-indent: 0px; text-transform: none; white-space: normal; widows: 2; word-spacing: 0px; -webkit-text-stroke-width: 0px; text-decoration-style: initial; text-decoration-color: initial;"><p style="margin: 0px auto 20px; padding: 0px; border-width: 0px; border-style: solid; outline: 0px; font-size: 18px; vertical-align: baseline; background: 0px 0px; max-width: 662px;">Parcourir l’Arbre<span> </span><br>Se lier aux jardins<span> </span><br>Se mêler aux forêts<span> </span><br>Plonger au fond des terres<span> </span><br>Pour renaître de l’argile</p><p style="margin: 0px auto 20px; padding: 0px; border-width: 0px; border-style: solid; outline: 0px; font-size: 18px; vertical-align: baseline; background: 0px 0px; max-width: 662px;">Peu à peu</p><p style="margin: 0px auto 20px; padding: 0px; border-width: 0px; border-style: solid; outline: 0px; font-size: 18px; vertical-align: baseline; background: 0px 0px; max-width: 662px;">S’affranchir des sols et des racines</p><p style="margin: 0px auto 20px; padding: 0px; border-width: 0px; border-style: solid; outline: 0px; font-size: 18px; vertical-align: baseline; background: 0px 0px; max-width: 662px;">Gravir lentement le fût</p><p style="margin: 0px auto 20px; padding: 0px; border-width: 0px; border-style: solid; outline: 0px; font-size: 18px; vertical-align: baseline; background: 0px 0px; max-width: 662px;">Envahir la charpente</p><p style="margin: 0px auto 20px; padding: 0px; border-width: 0px; border-style: solid; outline: 0px; font-size: 18px; vertical-align: baseline; background: 0px 0px; max-width: 662px;">Se greffer aux branchages</p><p style="margin: 0px auto 20px; padding: 0px; border-width: 0px; border-style: solid; outline: 0px; font-size: 18px; vertical-align: baseline; background: 0px 0px; max-width: 662px;">Puis dans un éclat de feuilles<span> </span><br>Embrasser l’espace<span> </span><br>Résister aux orages<span> </span><br>Déchiffrer les soleils<span> </span><br>Affronter jour et nuit</p><p style="margin: 0px auto 20px; padding: 0px; border-width: 0px; border-style: solid; outline: 0px; font-size: 18px; vertical-align: baseline; background: 0px 0px; max-width: 662px;">Evoquer ensuite<span> </span><br>Au cœur d’une métropole<span> </span><br>Un arbre un seul<span> </span><br>Enclos dans l’asphalte Éloigné des jardins<span> </span><br>Orphelin des forêts</p><p style="margin: 0px auto 20px; padding: 0px; border-width: 0px; border-style: solid; outline: 0px; font-size: 18px; vertical-align: baseline; background: 0px 0px; max-width: 662px;">Un arbre</p><p style="margin: 0px auto 20px; padding: 0px; border-width: 0px; border-style: solid; outline: 0px; font-size: 18px; vertical-align: baseline; background: 0px 0px; max-width: 662px;">Au tronc rêche</p><p style="margin: 0px auto 20px; padding: 0px; border-width: 0px; border-style: solid; outline: 0px; font-size: 18px; vertical-align: baseline; background: 0px 0px; max-width: 662px;">Aux branches taries</p><p style="margin: 0px auto 20px; padding: 0px; border-width: 0px; border-style: solid; outline: 0px; font-size: 18px; vertical-align: baseline; background: 0px 0px; max-width: 662px;">Aux feuilles longuement éteintes</p><p style="margin: 0px auto 20px; padding: 0px; border-width: 0px; border-style: solid; outline: 0px; font-size: 18px; vertical-align: baseline; background: 0px 0px; max-width: 662px;">S’unir à cette soif<span> </span><br>Rejoindre cette retraite<span> </span><br>Ecouter ces appels</p><p style="margin: 0px auto 20px; padding: 0px; border-width: 0px; border-style: solid; outline: 0px; font-size: 18px; vertical-align: baseline; background: 0px 0px; max-width: 662px;">Sentir sous l’écorce<span> </span><br>Captives mais invincibles<span> </span><br>La montée des sèves<span> </span><br>La pression des bourgeons<span> </span><br>Semblables aux rêves tenaces<span> </span><br>Qui fortifient nos vies</p><p style="margin: 0px auto 20px; padding: 0px; border-width: 0px; border-style: solid; outline: 0px; font-size: 18px; vertical-align: baseline; background: 0px 0px; max-width: 662px;">Cheminer d’arbre en arbre<span> </span><br>Explorant l’éphémère<span> </span><br>Aller d’arbre en arbre<span> </span><br>Dépistant la durée.</p></div>
</html>
!Danielle
|nom|Filière|
|prenom|Danielle|
|TEL|06 33 66 49 47|
|email||
|adresse|13 rue Littré 75006<br>ou 13 rue Visconti|
{{center{[img(33%,)[http://img.over-blog.com/600x428/1/92/07/41/2011-peintres/Corot/CorotForetFontainebleau.jpg]]}}}
!Dans la forêt
!!!!!{{center{Victor HUGO
(1802-1885)}}}
{{center{
De quoi parlait le vent ? De quoi tremblaient les branches ?
Était-ce, en ce doux mois des nids et des pervenches,
Parce que les oiseaux couraient dans les glaïeuls,
Ou parce qu'elle et moi nous étions là tout seuls ?
Elle hésitait. Pourquoi ? Soleil, azur, rosées,
Aurore ! Nous tâchions d'aller, pleins de pensées,
Elle vers la campagne et moi vers la forêt.
Chacun de son côté tirait l'autre, et, discret,
Je la suivais d'abord, puis, à son tour docile,
Elle venait, ainsi qu'autrefois en Sicile
Faisaient Flore et Moschus, Théocrite et Lydé.
Comme elle ne m'avait jamais rien accordé,
Je riais, car le mieux c'est de tâcher de rire
Lorsqu'on veut prendre une âme et qu'on ne sait que dire ;
J'étais le plus heureux des hommes, je souffrais.
Que la mousse est épaisse au fond des antres frais !
Par instants un éclair jaillissait de notre âme ;
Elle balbutiait : Monsieur... et moi : Madame.
Et nous restions pensifs, muets, vaincus, vainqueurs,
Après cette clarté faite dans nos deux coeurs.
Une source disait des choses sous un saule ;
Je n'avais encor vu qu'un peu de son épaule,
Je ne sais plus comment et je ne sais plus où ;
Oh ! le profond printemps, comme cela rend fou !
L'audace des moineaux sous les feuilles obscures,
Les papillons, l'abeille en quête, les piqûres,
Les soupirs, ressemblaient à de vagues essais,
Et j'avais peur, sentant que je m'enhardissais.
Il est certain que c'est une action étrange
D'errer dans l'ombre au point de cesser d'être un ange,
Et que l'herbe était douce, et qu'il est fabuleux
D'oser presser le bras d'une femme aux yeux bleus.
Nous nous sentions glisser vaguement sur la pente
De l'idylle où l'amour traître et divin serpente,
Et qui mène, à travers on ne sait quel jardin,
Souvent à l'enfer, mais en passant par l'éden.
Le printemps laisse faire, il permet, rien ne bouge.
Nous marchions, elle était rose, et devenait rouge,
Et je ne savais rien, tremblant de mon succès,
Sinon qu'elle pensait à ce que je pensais.
Pâle, je prononçais des noms, Béatrix, Dante ;
Sa guimpe s'entrouvrait, et ma prunelle ardente
Brillait, car l'amoureux contient un curieux.
Viens ! dis-je... - Et pourquoi pas, ô bois mystérieux ?
3 avril 1874
}}}
/%
|Representations|JdArc;|
%/
{{center{
[img(30%,)[23 fév 2018|http://preview.ibb.co/hDmfFx/Snapshot_267.png][https://photos.app.goo.gl/8sGNaanKYXnMekDR2]] [img(30%,)[mardi 19 février 2018|http://image.ibb.co/giq5DH/Snapshot_254.png][https://photos.app.goo.gl/HJUdBy2wsLjxwQKP2]]
!!!!L’Astronome de Didier Von Cauwelaert<br>^^(scène 1)^^
!Dans la salle d’attente du psychanalyste
!!!!!Mûre et Agnès
}}}
//^^( Découpage suggéré pour la diction )^^//
;MURE
://(au bout d’un moment.)//. Vous attendez ?
;AGNES.
:Non, non.
;MURE
://(un peu surprise)//. Ah bon.
://(Un temps.)// J’avais l’impression que vous attendiez.
;AGNES.
:Oui.
//Mûre la regarde d’une façon bizarre.
Agnès sourit, placide.
Un temps.//
;AGNES
://(tricotant)//. Je pense que ça doit être vous.
;MURE.
:Pardon ?
;AGNES.
:Que j’attendais.
;MURE.
:Comment cela ?
;AGNES.
:Il est cinq heures.
;MURE.
:Et alors ?
;AGNES.
:On devait se rencontrer à cinq heures.
//Un temps.
Mûre ôte ses lunettes noires, la regarde.//
;MURE.
:Je
:: ne comprends pas.
;AGNES.
:Eh bien… j’ai rendez-vous.
:Comme vous.
;MURE.
:A cinq heures ?
:C’est encore une secrétaire qui n’a rien compris…
:Vraiment !
:Quand on pense au nombre de chômeurs !
:Et elle n’est même pas là, il n’y a personne,
::elle est allée prendre le thé…
:Ah ! non…
:Et j’avais peur d’être en retard !
//(Sourire d’Agnès, qui la déconcerte.
Elle va s’asseoir.)//
:Vous habitez le quartier ?
;AGNES.
:Oui.
;MURE.
:Moi aussi,
:hélas !
:Je voulais aller chez ~Rosen-Beaulieu,
::il paraît qu’il est extraordinaire,
:seulement il ne prend que des gens de son quartier.
:Je n’allais pas déménager.
:Et puis même,
::il paraît qu’il y a une liste d’attente,
::ça prend des années…
:Bientôt il faudra inscrire les enfants avant leur naissance.
//(Elle prend une cigarette, se ravise, la remet dans son sac.)//
:Et à part ça,
:il est comment ? Ambrosetti…
;AGNES.
:Ah, je ne sais pas.
:Je ne l’ai jamais vu.
;MURE.
:Ah bon ?
:Vous aussi, c’est la première fois ?
;AGNES.
:Non, non.
;MURE.
:Qu’est-ce que ça veut dire, ça ?
:En plus, il annule les rendez-vous ?
;AGNES.
:Mais non, puisque nous sommes là.
;MURE
://(se contenant)//. Bon alors, écoutez,
:j’ai pris rendez-vous avec le docteur Ambrosetti __il y a quatre mois__, hein?
:Bon.
:J’estime…
::je dis bien : j’estime…
:Non,
:au moins, euh… il est là ?
//Agnès a un regard vers la porte du bureau.//
;AGNES.
:Oh, je ne pense pas.
;MURE.
:Vous ne pensez pas.
:Et pourquoi,
:il est en retard,
:il est mort,
:il est malade ?
;AGNES.
:Il est en analyse.
:En __auto__-analyse.
;MURE.
:Qu’est-ce qu’il a ?
;AGNES.
:De toute façon il ne reçoit plus que ses confrères.
:Ils s’analysent entre eux.
;MURE.
:Et nous, alors ?
;AGNES.
:Nous aussi.
:On s’analyse entre nous.
//Un temps.//
;MURE.
:Alors,
:on est là…
;AGNES.
:Oui.
://(Sourire.)// Mais ce n’est pas plus désagréable.
;MURE.
:Non,
:mais enfin c’est un peu inconséquent.
:Je prends rendez-vous avec un spécialiste,
:je remplis des fiches à n’en plus finir
::que j’envoie par la poste pour préparer l’entretien
:et…
;AGNES.
:Oh ! ça, rassurez-vous,
:je peux vous dire que c’est bien fait.
:Ils mettent les fiches dans un ordinateur
:et c’est l’ordinateur qui sélectionne…
::d’après les personnalités,
::les problèmes de chacun.
:Et les gens complémentaires se rencontrent.
:C’est comme une agence matrimoniale.
;MURE
://(la regarde)//. Et vous êtes complémentaire ?
;AGNES
://(souriant)//. Faut croire…
;MURE
://(ramassant son sac)//. Oui alors, c’est très gentil,
:mais je n’ai pas dépensé deux mille francs pour…
:pour…
:C’est un monde !
:On ne peut plus aller nulle part !
::Les avocats passent leur temps à défendre leurs confrères devant le Conseil de l’Ordre,
::les médecins se font soigner,
::les architectes se construisent des maisons…
:Et nous
:pendant ce temps
::on doit se mettre l’essence dans la voiture,
::on est obligés de se servir au restaurant,
::et quand on a mal à une dent
:::on se l’arrache ?
:On s’autogère, quoi !
:C’est ça, le communisme ?
;AGNES
://(tricotant)//. Oui,
:ils n’auraient peut-être pas dû nationaliser les professions libérales.
;MURE
://(vivement)//. Vous êtes contestataire ?
;AGNES.
:Oh moi, vous savez… J’ai deux enfants.
//Un temps.//
;MURE
://(poursuivant)//. Et c’est avec notre argent, encore.
:Un impôt de plus.
:Comme ça maintenant,
::même si on n’a pas besoin d’un avocat,
::on le paie.
:C’est ce qu’ils appellent la solidarité.
:D’ailleurs plus personne n’a envie de travailler.
::Autrefois on voulait __s’élever__,
::maintenant on veut être __couvert__.
:Mais le nivellement par le bas, ça n’a qu’un temps,
::ils commencent à s’en rendre compte.
:Vous allez voir,
::pour remonter le niveau intellectuel,
::ils vont finir par nous balancer un impôt sur la connerie.
::Au lieu de déclarer les revenus, on fera des tests.
::Les gens iront dans un isoloir, répondre à un questionnaire.
::Ca remplacera les élections.
:Ils ne voudront plus être cons,
::ça coûte trop cher,
::ils feront des efforts.
::Plus d’intellectuels,
::plus de professeurs :
:le fisc !
//(Un temps.)//
:Moi j’étais socialiste à cause de la droite.
;AGNES.
:Ils s’appellent Christophe et Guillaume.
;MURE.
:Ah bon.
://(La regardant.)// Hein ?
;AGNES.
:Mes enfants.
//Un temps.
Mûre hésite à poser son sac.//
;MURE.
:ET vous pensez qu’on a quelque chose à se dire ?
;AGNES.
:On va bien voir.
[…]
//Extrait de L’Astronome Didier Von Cauwelaert, Papiers, 1986, p.5-7. //
!Dans le serein de sa jumelle flamme//
^^Pierre de Ronsard^^//
{{center{
Dans le serein de sa jumelle flamme
Je vis Amour, qui son arc débandait,
Et sur mon coeur le brandon épandait,
Qui des plus froids les moelles enflamme.
Puis çà puis là près les yeux de ma dame
Entre cent fleurs un rets d’or me tendait,
Qui tout crépu blondement descendait
A flots ondés pour enlacer mon âme.
Qu’eussé-je fait ? l’Archer était si doux,
Si doux son feu, si doux l’or de ses noeuds,
Qu’en leurs filets encore je m’oublie :
Mais cet oubli ne me tourmente point,
Tant doucement le doux Archer me point,
Le feu me brûle, et l’or crêpe me lie.
!!!!!!Pierre de Ronsard, //Premier livre des Amours//
}}}
!Dans l’ignorance où je suis//
^^Choderlos de Laclos^^//
;Cécile (fille)
Mais, on ne me dit rien, de sorte que, dans l’ignorance où je suis, je commets bien des gaucheries.
Mais oui :
Ainsi hier, maman m’a dit de passer chez elle.
Si c’était le monsieur, me dis-je !
La main me tremblait et le coeur me battait ; en entrant chez maman, j’ai vu le monsieur en noir, debout près d’elle.
Toute tremblante, j’ai trouvé un fauteuil et je me suis assise, bien rouge et bien déconcertée.
J’y étais à peine que voilà cet homme à mes genoux.
J’ai alors perdu la tête.
Je me suis levée en jetant un cri perçant… comme lorsqu’il fait tonnerre.
Maman est partie d’un éclat de rire en me disant : «// eh bien, qu’avez-vous ? Donnez votre pied à monsieur… //»
Le monsieur était cordonnier.
Je ne peux pas vous rendre combien j’ai été honteuse.
!!!!!!Choderlos de Laclos, LES LIAISONS DANGEREUSES
!Dans ma maison
{{center{[img[http://cigalemistralavande.c.i.pic.centerblog.net/41e7ok71.gif]]
!!!!!//Jacques Prévert (1900-1977)//
"Dans ma maison vous viendrez
D'ailleurs ce n'est pas ma maison
Je ne sais pas à qui elle est
Je suis entré comme ça un jour
Il n'y avait personne
Seulement des piments rouges accrochés au mur blanc
Je suis resté longtemps dans cette maison
Personne n'est venu
Mais tous les jours et tous les jours
Je vous ai attendu
Je ne faisais rien
C'est-à-dire rien de sérieux
Quelque fois le matin
Je poussais des cris d'animaux
Je gueulais comme un âne
De toute mes forces
Et cela me faisait plaisir
Et puis je jouais avec mes pieds
C'est très intelligent les pieds
Ils vous emmènent très loin
Quand vous voulez aller très loin
Et puis quand vous ne voulez pas sortir
Ils restent là ils vous tiennent compagnie
Et quand il y a de la musique ils dansent
On ne peut pas danser sans eux
Il faut être bête comme l'homme l'est souvent
Pour dire des choses aussi bêtes
Que bête comme ses pied gai comme un pinson
Le pinson n'est pas gai
Il est seulement gai quand il est gai
Et triste quand il est triste ou ni gai ni triste
Est-ce qu'on sait ce que c'est un pinson
D'ailleurs il ne s'appelle pas réellement comme ça
C'est l'homme qui a appelé cet oiseau comme ça
Pinson pinson pinson pinson
Comme c'est curieux les noms
Martin Hugo Victor de son prénom
Bonaparte Napoléon de son prénom
Pourquoi comme ça et pas comme ça
Un troupeau de Bonapartes passe dans le désert
L'empereur s'appelle Dromadaire
Il a un cheval caisse et des tiroirs de course
Au loin galope un homme qui n'a que trois prénoms
Il s'appelle ~Tim-Tam-Tom et n'a pas de grand nom
Un peu plus loin encore il y a n'importe quoi
Et puis qu'est-ce que ça peut faire tout ça
Dans ma maison tu viendras
Je pense à autre chose mais je ne pense qu'à ça
Et quand tu seras entrée dans ma maison
Tu enlèveras tous tes vêtements
Et tu resteras immobile nue debout avec ta bouche rouge
Comme les piments rouges pendus sur le mur blanc
Et puis tu te coucheras et je me coucherais près de toi
Voilà
Dans ma maison qui n'est pas ma maison tu viendras."
}}}
/***
|Name|DatePlugin|
|Source|http://www.TiddlyTools.com/#DatePlugin|
|Documentation|http://www.TiddlyTools.com/#DatePluginInfo|
|Version|2.7.0|
|Author|Eric Shulman - ELS Design Studios|
|License|http://www.TiddlyTools.com/#LegalStatements <br>and [[Creative Commons Attribution-ShareAlike 2.5 License|http://creativecommons.org/licenses/by-sa/2.5/]]|
|~CoreVersion|2.1|
|Type|plugin|
|Requires||
|Overrides||
|Options|##Configuration|
|Description|formatted dates plus popup menu with 'journal' link, changes and (optional) reminders|
There are quite a few calendar generators, reminders, to-do lists, 'dated tiddlers' journals, blog-makers and GTD-like schedule managers that have been built around TW. While they all have different purposes, and vary in format, interaction, and style, in one way or another each of these plugins displays and/or uses date-based information to make finding, accessing and managing relevant tiddlers easier. This plugin provides a general approach to embedding dates and date-based links/menus within tiddler content.
!!!!!Documentation
>see [[DatePluginInfo]]
!!!!!Configuration
<<<
<<option chkDatePopupHideCreated>> omit 'created' section from date popups
<<option chkDatePopupHideChanged>> omit 'changed' section from date popups
<<option chkDatePopupHideTagged>> omit 'tagged' section from date popups
<<option chkDatePopupHideReminders>> omit 'reminders' section from date popups
<<option chkShowJulianDate>> display Julian day number (1-365) below current date
see [[DatePluginConfig]] for additional configuration settings, for use in calendar displays, including:
*date formats
*color-coded backgrounds
*annual fixed-date holidays
*weekends
<<<
!!!!!Revisions
<<<
2008.03.08 [2.7.0] in addModifiedsToPopup(), if a tiddler was created on the specified date, don't list it in the 'changed' section of the popup. Based on a request from Kashgarinn.
|please see [[DatePluginInfo]] for additional revision details|
2005.10.30 [0.9.0] pre-release
<<<
!!!!!Code
***/
//{{{
version.extensions.date = {major: 2, minor: 7, revision: 0, date: new Date(2008,3,8)};
config.macros.date = {
format: "YYYY.0MM.0DD", // default date display format
linkformat: "YYYY.0MM.0DD", // 'dated tiddler' link format
linkedbg: "#babb1e", // "babble"
todaybg: "#ffab1e", // "fable"
weekendbg: "#c0c0c0", // "cocoa"
holidaybg: "#ffaace", // "face"
createdbg: "#bbeeff", // "beef"
modifiedsbg: "#bbeeff", // "beef"
remindersbg: "#c0ffee", // "coffee"
holidays: [ "01/01", "052/10", "03/10", "03/12", "07/04", "05/09", "05/23", "07/24", "10/15" ], // NewYearsDay, IndependenceDay(US), Eric's Birthday (hooray!), Thanksgiving(US)
weekend: [ 1,0,0,0,0,0,1 ] // [ day index values: sun=0, mon=1, tue=2, wed=3, thu=4, fri=5, sat=6 ]
};
config.macros.date.handler = function(place,macroName,params)
{
// do we want to see a link, a popup, or just a formatted date?
var mode="display";
if (params[0]=="display") { mode=params[0]; params.shift(); }
if (params[0]=="popup") { mode=params[0]; params.shift(); }
if (params[0]=="link") { mode=params[0]; params.shift(); }
// get the date
var now = new Date();
var date = now;
if (!params[0] || params[0]=="today")
{ params.shift(); }
else if (params[0]=="filedate")
{ date=new Date(document.lastModified); params.shift(); }
else if (params[0]=="tiddler")
{ date=store.getTiddler(story.findContainingTiddler(place).id.substr(7)).modified; params.shift(); }
else if (params[0].substr(0,8)=="tiddler:")
{ var t; if ((t=store.getTiddler(params[0].substr(8)))) date=t.modified; params.shift(); }
else {
var y = eval(params.shift().replace(/Y/ig,(now.getYear()<1900)?now.getYear()+1900:now.getYear()));
var m = eval(params.shift().replace(/M/ig,now.getMonth()+1));
var d = eval(params.shift().replace(/D/ig,now.getDate()+0));
date = new Date(y,m-1,d);
}
// date format with optional custom override
var format=this.format; if (params[0]) format=params.shift();
var linkformat=this.linkformat; if (params[0]) linkformat=params.shift();
showDate(place,date,mode,format,linkformat);
}
window.showDate=showDate;
function showDate(place,date,mode,format,linkformat,autostyle,weekend)
{
if (!mode) mode="display";
if (!format) format=config.macros.date.format;
if (!linkformat) linkformat=config.macros.date.linkformat;
if (!autostyle) autostyle=false;
// format the date output
var title = date.formatString(format);
var linkto = date.formatString(linkformat);
// just show the formatted output
if (mode=="display") { place.appendChild(document.createTextNode(title)); return; }
// link to a 'dated tiddler'
var link = createTiddlyLink(place, linkto, false);
link.appendChild(document.createTextNode(title));
link.title = linkto;
link.date = date;
link.format = format;
link.linkformat = linkformat;
// if using a popup menu, replace click handler for dated tiddler link
// with handler for popup and make link text non-italic (i.e., an 'existing link' look)
if (mode=="popup") {
link.onclick = onClickDatePopup;
link.style.fontStyle="normal";
}
// format the popup link to show what kind of info it contains (for use with calendar generators)
if (autostyle) setDateStyle(place,link,weekend);
}
//}}}
//{{{
// NOTE: This function provides default logic for setting the date style when displayed in a calendar
// To customize the date style logic, please see[[DatePluginConfig]]
function setDateStyle(place,link,weekend) {
// alias variable names for code readability
var date=link.date;
var fmt=link.linkformat;
var linkto=date.formatString(fmt);
var cmd=config.macros.date;
if ((weekend!==undefined?weekend:isWeekend(date))&&(cmd.weekendbg!=""))
{ place.style.background = cmd.weekendbg; }
if (hasModifieds(date)||hasCreateds(date)||hasTagged(date,fmt))
{ link.style.fontStyle="normal"; link.style.fontWeight="bold"; }
if (hasReminders(date))
{ link.style.textDecoration="underline"; }
if (isToday(date))
{ link.style.border="1px solid black"; }
if (isHoliday(date)&&(cmd.holidaybg!=""))
{ place.style.background = cmd.holidaybg; }
if (hasCreateds(date)&&(cmd.createdbg!=""))
{ place.style.background = cmd.createdbg; }
if (hasModifieds(date)&&(cmd.modifiedsbg!=""))
{ place.style.background = cmd.modifiedsbg; }
if ((hasTagged(date,fmt)||store.tiddlerExists(linkto))&&(cmd.linkedbg!=""))
{ place.style.background = cmd.linkedbg; }
if (hasReminders(date)&&(cmd.remindersbg!=""))
{ place.style.background = cmd.remindersbg; }
if (isToday(date)&&(cmd.todaybg!=""))
{ place.style.background = cmd.todaybg; }
if (config.options.chkShowJulianDate) { // optional display of Julian date numbers
var m=[0,31,59,90,120,151,181,212,243,273,304,334];
var d=date.getDate()+m[date.getMonth()];
var y=date.getFullYear();
if (date.getMonth()>1 && (y%4==0 && y%100!=0) || y%400==0)
d++; // after February in a leap year
wikify("@@font-size:80%;<br>"+d+"@@",place);
}
}
//}}}
//{{{
function isToday(date) // returns true if date is today
{ var now=new Date(); return ((now-date>=0) && (now-date<86400000)); }
function isWeekend(date) // returns true if date is a weekend
{ return (config.macros.date.weekend[date.getDay()]); }
function isHoliday(date) // returns true if date is a holiday
{
var longHoliday = date.formatString("0MM/0DD/YYYY");
var shortHoliday = date.formatString("0MM/0DD");
for(var i = 0; i < config.macros.date.holidays.length; i++) {
var holiday=config.macros.date.holidays[i];
if (holiday==longHoliday||holiday==shortHoliday) return true;
}
return false;
}
//}}}
//{{{
// Event handler for clicking on a day popup
function onClickDatePopup(e)
{
if (!e) var e = window.event;
var theTarget = resolveTarget(e);
var popup = Popup.create(this);
if(popup) {
// always show dated tiddler link (or just date, if readOnly) at the top...
if (!readOnly || store.tiddlerExists(this.date.formatString(this.linkformat)))
createTiddlyLink(popup,this.date.formatString(this.linkformat),true);
else
createTiddlyText(popup,this.date.formatString(this.linkformat));
if (!config.options.chkDatePopupHideCreated)
addCreatedsToPopup(popup,this.date,this.format);
if (!config.options.chkDatePopupHideChanged)
addModifiedsToPopup(popup,this.date,this.format);
if (!config.options.chkDatePopupHideTagged)
addTaggedToPopup(popup,this.date,this.linkformat);
if (!config.options.chkDatePopupHideReminders)
addRemindersToPopup(popup,this.date,this.linkformat);
}
Popup.show(popup,false);
e.cancelBubble = true;
if (e.stopPropagation) e.stopPropagation();
return(false);
}
//}}}
//{{{
function indexCreateds() // build list of tiddlers, hash indexed by creation date
{
var createds= { };
var tiddlers = store.getTiddlers("title","excludeLists");
for (var t = 0; t < tiddlers.length; t++) {
var date = tiddlers[t].created.formatString("YYYY0MM0DD")
if (!createds[date])
createds[date]=new Array();
createds[date].push(tiddlers[t].title);
}
return createds;
}
function hasCreateds(date) // returns true if date has created tiddlers
{
if (!config.macros.date.createds) config.macros.date.createds=indexCreateds();
return (config.macros.date.createds[date.formatString("YYYY0MM0DD")]!=undefined);
}
function addCreatedsToPopup(popup,when,format)
{
var force=(store.isDirty() && when.formatString("YYYY0MM0DD")==new Date().formatString("YYYY0MM0DD"));
if (force || !config.macros.date.createds) config.macros.date.createds=indexCreateds();
var indent=String.fromCharCode(160)+String.fromCharCode(160);
var createds = config.macros.date.createds[when.formatString("YYYY0MM0DD")];
if (createds) {
createds.sort();
var e=createTiddlyElement(popup,"div",null,null,"created ("+createds.length+")");
for(var t=0; t<createds.length; t++) {
var link=createTiddlyLink(popup,createds[t],false);
link.appendChild(document.createTextNode(indent+createds[t]));
createTiddlyElement(popup,"br",null,null,null);
}
}
}
//}}}
//{{{
function indexModifieds() // build list of tiddlers, hash indexed by modification date
{
var modifieds= { };
var tiddlers = store.getTiddlers("title","excludeLists");
for (var t = 0; t < tiddlers.length; t++) {
var date = tiddlers[t].modified.formatString("YYYY0MM0DD")
if (!modifieds[date])
modifieds[date]=new Array();
modifieds[date].push(tiddlers[t].title);
}
return modifieds;
}
function hasModifieds(date) // returns true if date has modified tiddlers
{
if (!config.macros.date.modifieds) config.macros.date.modifieds = indexModifieds();
return (config.macros.date.modifieds[date.formatString("YYYY0MM0DD")]!=undefined);
}
function addModifiedsToPopup(popup,when,format)
{
var date=when.formatString("YYYY0MM0DD");
var force=(store.isDirty() && date==new Date().formatString("YYYY0MM0DD"));
if (force || !config.macros.date.modifieds) config.macros.date.modifieds=indexModifieds();
var indent=String.fromCharCode(160)+String.fromCharCode(160);
var mods = config.macros.date.modifieds[date];
if (mods) {
// if a tiddler was created on this date, don't list it in the 'changed' section
if (config.macros.date.createds && config.macros.date.createds[date]) {
var temp=[];
for(var t=0; t<mods.length; t++)
if (!config.macros.date.createds[date].contains(mods[t]))
temp.push(mods[t]);
mods=temp;
}
mods.sort();
var e=createTiddlyElement(popup,"div",null,null,"changed ("+mods.length+")");
for(var t=0; t<mods.length; t++) {
var link=createTiddlyLink(popup,mods[t],false);
link.appendChild(document.createTextNode(indent+mods[t]));
createTiddlyElement(popup,"br",null,null,null);
}
}
}
//}}}
//{{{
function hasTagged(date,format) // returns true if date is tagging other tiddlers
{
return store.getTaggedTiddlers(date.formatString(format)).length>0;
}
function addTaggedToPopup(popup,when,format)
{
var indent=String.fromCharCode(160)+String.fromCharCode(160);
var tagged=store.getTaggedTiddlers(when.formatString(format));
if (tagged.length) var e=createTiddlyElement(popup,"div",null,null,"tagged ("+tagged.length+")");
for(var t=0; t<tagged.length; t++) {
var link=createTiddlyLink(popup,tagged[t].title,false);
link.appendChild(document.createTextNode(indent+tagged[t].title));
createTiddlyElement(popup,"br",null,null,null);
}
}
//}}}
//{{{
function indexReminders(date,leadtime) // build list of tiddlers with reminders, hash indexed by reminder date
{
var reminders = { };
if(window.findTiddlersWithReminders!=undefined) { // reminder plugin is installed
// DEBUG var starttime=new Date();
var t = findTiddlersWithReminders(date, [0,leadtime], null, null, 1);
for(var i=0; i<t.length; i++) reminders[t[i].matchedDate]=true;
// DEBUG var out="Found "+t.length+" reminders in "+((new Date())-starttime+1)+"ms\n";
// DEBUG out+="startdate: "+date.toLocaleDateString()+"\n"+"leadtime: "+leadtime+" days\n\n";
// DEBUG for(var i=0; i<t.length; i++) { out+=t[i].matchedDate.toLocaleDateString()+" "+t[i].params.title+"\n"; }
// DEBUG alert(out);
}
return reminders;
}
function hasReminders(date) // returns true if date has reminders
{
if (window.reminderCacheForCalendar)
return window.reminderCacheForCalendar[date]; // use calendar cache
if (!config.macros.date.reminders)
config.macros.date.reminders = indexReminders(date,90); // create a 90-day leadtime reminder cache
return (config.macros.date.reminders[date]);
}
function addRemindersToPopup(popup,when,format)
{
if(window.findTiddlersWithReminders==undefined) return; // reminder plugin not installed
var indent = String.fromCharCode(160)+String.fromCharCode(160);
var reminders=findTiddlersWithReminders(when, [0,31],null,null,1);
createTiddlyElement(popup,"div",null,null,"reminders ("+(reminders.length||"none")+")");
for(var t=0; t<reminders.length; t++) {
link = createTiddlyLink(popup,reminders[t].tiddler,false);
var diff=reminders[t].diff;
diff=(diff<1)?"Today":((diff==1)?"Tomorrow":diff+" days");
var txt=(reminders[t].params["title"])?reminders[t].params["title"]:reminders[t].tiddler;
link.appendChild(document.createTextNode(indent+diff+" - "+txt));
createTiddlyElement(popup,"br",null,null,null);
}
if (readOnly) return; // omit "new reminder..." link
var link = createTiddlyLink(popup,indent+"nouvelle échéance...",true); createTiddlyElement(popup,"br");
var title = when.formatString(format);
link.title="add a reminder to '"+title+"'";
link.onclick = function() {
// show tiddler editor
story.displayTiddler(null, title, 2, null, null, false, false);
// find body 'textarea'
var c =document.getElementById("tiddler" + title).getElementsByTagName("*");
for (var i=0; i<c.length; i++) if ((c[i].tagName.toLowerCase()=="textarea") && (c[i].getAttribute("edit")=="text")) break;
// append reminder macro to tiddler content
if (i<c.length) {
if (store.tiddlerExists(title)) c[i].value+="\n"; else c[i].value="";
c[i].value += "<<reminder";
c[i].value += " day:"+when.getDate();
c[i].value += " month:"+(when.getMonth()+1);
c[i].value += " year:"+when.getFullYear();
c[i].value += ' title:"Enter a title" >>';
}
};
}
//}}}
<<back>>
!!!!Sommaire du calendrier :
<<tiddler 'Prochaines représentations'>>
!!!!Détail :
{{indent fine blue{
*''Programme prévu'' : cliquez sur le libellé choisi.
*''Lieu'' : avec l'adresse dans le programme vous avez un lien pour afficher le plan.
}}}
<html>
<iframe src="https://calendar.google.com/calendar/embed?showPrint=0&
showTabs=0&
showCalendars=0&
showTz=0&
mode=AGENDA&
height=600&
wkst=2&
bgcolor=%23FFFFFF&
src=77jlq68nq3kfp7bbqflj7ccokc%40group.calendar.google.com&
color=%238C500B&
ctz=Europe%2FParis" style="border-width:0" width="600" height="400" frameborder="0" scrolling="yes">
</iframe>
</html>
+++[Absences prévisionnelles]
<<tiddler Absences>>
===
{{small{//+++[Si pas de connection internet]//
/%
|14/12|~SaintÉloi|[[spectacle7]]|
%/
|18/01|Rentiers|[[spectacle6]]|
| 1/02 |--Malraux--|//[[spectacle7]](reporté)//|
|15/02|Mouffetard| //Plaisir de dire//<br>{{small bold{Première personne du féminin}}} |
|08/3|Jeanne d'Arc|[[spectacle6]]|
|22/03|Lauriston|[[spectacle7]]|
|29/03|Ave Maria|[[spectacle7]]|
^^
Didot ?
^^
{{center{
!De celui qui ne pense qu'en s'amie
!!!!!!//Clément MAROT (1497-1544)//
Toutes les nuits je ne pense qu'en celle
Qui a le corps plus gent qu'une pucelle
De quatorze ans, sur le point d'enrager,
Et au dedans un coeur (pour abréger)
Autant joyeux qu'eut oncque damoiselle.
Elle a beau teint, un parler de bon zèle,
Et le tétin rond comme une groselle :
N'ai-je donc pas bien cause de songer
Toutes les nuits ?
Touchant son coeur, je l'ai en ma cordelle,
Et son mari n'a sinon le corps d'elle :
Mais toutefois, quand il voudra changer,
Prenne le coeur : et pour le soulager
J'aurai pour moi le gent corps de la belle
Toutes les nuits.
!Delfica
{{center{[img(40%,)[Plaisir de Dire le 15/02/2018 au Club Mouffetard|http://image.ibb.co/cdv6iS/Snapshot_221.png][https://photos.app.goo.gl/EnXYtjxu5BD7q4aD3]]
La connais-tu, Dafné, cette ancienne romance
Au pied du sycomore, ou sous les lauriers blancs,
Sous l'olivier, le myrte, ou les saules tremblants
Cette chanson d'amour qui toujours recommence ? ...
Reconnais-tu le TEMPLE au péristyle immense,
Et les citrons amers où s'imprimaient tes dents,
Et la grotte, fatale aux hôtes imprudents,
Où du dragon vaincu dort l'antique semence ? ..
Ils reviendront, ces Dieux que tu pleures toujours !
Le temps va ramener l'ordre des anciens jours ;
La terre a tressailli d'un souffle prophétique ...
Cependant la sibylle au visage latin
Est endormie encor sous l'arc de Constantin
- Et rien n'a dérangé le sévère portique.
}}}
Puisque demain l'on se marie
Apprenons la même chanson
Puisque demain s'ouvre la vie
Dis-moi ce que nous chanterons
Nous forcerons l'amour
A bercer notre vie
D'une chanson jolie
Qu'à deux nous chanterons
Nous forcerons l'amour
Si tu le veux, ma mie
A n'être de nos vies
Que l'humble forgeron
Puisque demain l'on se marie
Apprenons la même chanson
Puisque demain s'ouvre la vie
Dis-moi ce que nous y verrons
Nous forcerons nos yeux
A ne jamais rien voir
Que la chose jolie
Qui vit en chaque chose
Nous forcerons nos yeux
A n'être qu'un espoir
A deux nous offrirons
Comme on offre une rose
Puisque demain l'on se marie
Apprenons la même chanson
Puisque demain s'ouvre la vie
Dis-moi encore où nous irons
Nous forcerons les portes
Des pays d'orient
A s'ouvrir devant nous
Devant notre sourire
Nous forcerons, ma mie
Le sourire des gens
A n'être plus jamais
Une joie qui soupire
Puisque demain s'ouvre la vie
Ouvrons la porte à ces chansons
Puisque demain l'on se marie
Apprenons la même chanson
!Demain, dès l'aube...//
^^Victor HUGO (1802-1885)^^//
Demain,
dès l'aube,
à l'heure où blanchit la campagne,
__Je partirai__.
Vois-tu,
__je sais__ que tu m'attends.
__J'irai__ par la forêt,
__j'irai__ par la montagne.
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.
Je marcherai
les yeux fixés
sur mes pensées,
Sans rien voir au dehors,
sans entendre aucun bruit,
Seul,
inconnu,
le dos courbé,
les mains croisées,
Triste,
et le jour pour moi sera comme la nuit.
Je ne regarderai
__ni__ l'or du soir qui tombe,
__Ni__ les voiles au loin descendant vers Harfleur,
Et __quand__ j'arriverai,
je mettrai sur ta tombe Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.
!Denise Loubières
|nom|Loubières|
|prenom|Denise|
|TEL|06 64 98 00 85|
|email|Denise<d.cadence27@gmail.com>|
!!!!!Distribuée dans :
<<forEachTiddler
where
'tiddler.tags.contains(["programmable"]) && tiddler.text.contains("Denise") '
sortBy
'store.getTiddlerSlice(tiddler.title,"temps")'
descending
write
'"\n| ![["+tiddler.title+"]] |<<tiddler [["+tiddler.title+"::temps]]$)) |<<tiddler [["+tiddler.title+"::distribution]]$)) |" '
begin
'"| Textes | !durée | !distribution |h"'
>>
!Depuis que tu es parti je suis heureuse^^
Anouilh//
(Colombe)//^^
COLOMBE
Hé bien! je ne te ferai plus de peine... Quel soulagement ! Les avons-nous assez portées tes peines, tes étemelles peines, pour tout... Ah! c’est beau d’être sensible ; je ne suis pas une brute. Au théâtre, cela me fait pleurer comme les autres, mais dans la vie, mon pauvre biquet, comme cela peut être encombrant!
Tu veux que je te dise tout? Depuis que tu es parti, je suis heureuse.
Je me réveille, il fait soleil, j’ouvre mes persiennes et il n’y a rien de tragique dans la rue, pour la première fois.
Le rempailleur de chaises qui est au coin du Crédit Lyonnais me crie: «//Bonjour Beauté! Je t’adore!//» Et je lui réponds: «//Bonjour!//» et ce n’est pan un drame pour toute la matinée de lui avoir répondu.
Et si le facteur sonne et que je lui ouvre en chemise, ce n’est pas un drame non plus. Je ne suis pas une femme perdue, figure-toi ! nous sommes une fille et un facteur contents l’un de l’autre, voilà tout : lui, que je sois en chemise et moi d’y être et que cela ait l’air de lui faire plaisir. El il repart tout guilleret parce qu’il se figure qu’il a vu quelque chose et qu’il aime mieux ça qu’un verre de vin, cet homme, et moi je suis contente d’être belle, enfin, sans honte et je fais mon ménage en dansant, en chemise, et je me lave toute nue dans ma cuisine, la fenêtre ouverte. Et tant pis si le monsieur d’en face prend ses jumelles; c’est un plaisir que le bon Dieu nous donne à tous les deux, voilà tout ; ce n’est pas pour cela que je suis une fille damnée et que je dois pleurer deux heures avec toi et te consoler.
Ah mon pauvre biquet ! tu ne le saura sans doute jamais, mais si tu pouvais te douter comme c’est facile, la vie - sans toi ! Comme c’est bon d’être soi enfin, telle que le bon Dieu vous a faite !
Armand m’aime comme je veux qu’on m’aime, et cela me suffit. En riant avec moi, en me disant que je suis belle, en me faisant des petits plaisirs et des petits cadeaux, en s’occupant de moi.
Celle que tu aimais, celle que tu essayais que je sois, tu l’avais imaginée tout seul. Ce n’était pas moi. Je veux qu’on m’aime, moi, maintenant, avec mes petites qualités et mes défauts. Je veux que cela fasse plaisir à quelqu’un de m’aimer. Toi, je ne t’ai jamais fait plaisir, et tu ne comprendras jamais rien aux femmes, mais c’est tout ce qu’elles savent faire sur la terre : plaisir. Il ne faut pas leur enlever ça. Maintenant je vais être en retard, Julien. Nous avons tout dit. Laisse-moi monter me déshabiller.
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<title>Dernière vision du Duc de Guermantes</title>
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<h1 class="tm8"><strong><span class="tm9"> </span></strong></h1>
<h1 class="tm8"><strong><span class="tm10"></span><span class="tm11">Dernière image du Duc de Guermantes</span></strong></h1>
<p class="Normal tm8"><strong><em><span class="tm12">Matinée chez la Princesse de Guermantes</span></em></strong></p>
<p class="Normal tm8"><strong><em><span class="tm12">(Proust, Le Temps retrouvé)</span></em></strong></p>
<p class="Normal tm8"><strong><em><span class="tm12"> </span></em></strong></p>
<p class="Normal"><span class="tm9"> </span></p>
<h2 class="tm8"><em><span class="tm13">Le délitement du couple</span></em></h2>
<p class="Normal"><span class="tm9"> </span></p>
<p class="Normal"><span class="tm14">« Je ne peux pas vous dire comme ça me fait plaisir de vous voir, reprit la duchesse.</span></p>
<p class="Normal tm15"><span class="tm14">Mon Dieu, quand est-ce que je vous avais vu la dernière fois...</span></p>
<p class="Normal"><span class="tm14"> </span></p>
<p class="Normal"><span class="tm14">— En visite chez Mme d'Agrigente où je vous trouvais souvent.</span></p>
<p class="Normal"><span class="tm14"> </span></p>
<p class="Normal"><span class="tm14">— Naturellement, </span></p>
<p class="Normal tm15"><span class="tm14">j'y allais souvent, mon pauvre petit, comme Basin l'aimait à ce <br />moment-là.</span></p>
<p class="Normal"><span class="tm14"> </span></p>
<p class="Normal"><span class="tm14">C'est toujours chez sa bonne amie du moment qu'on me rencontrait le plus parce qu'il me disait : « Ne manquez pas d'aller lui faire une visite. »
</span></p>
<p class="Normal"><span class="tm14"> </span></p>
<p class="Normal"><span class="tm14">Au fond,</span></p>
<p class="Normal tm15"><span class="tm14">cela me paraissait un peu inconvenant cette espèce de </span></p>
<p class="Normal tm15"><span class="tm14">« visite de digestion » </span></p>
<p class="Normal tm15"><span class="tm14">qu'il m'envoyait faire une fois qu'il avait consommé.</span></p>
<p class="Normal"><span class="tm14"> </span></p>
<p class="Normal"><span class="tm14">J'avais fini assez vite par m'y habituer,</span></p>
<p class="Normal tm15"><span class="tm14">mais ce qu'il y avait de plus ennuyeux c'est que j'étais obligée de <br />garder des relations après qu'il avait rompu les siennes.</span></p>
<p class="Normal tm16"><span class="tm14">Ça me faisait toujours penser au vers de Victor Hugo : </span></p>
<p class="Normal tm16"><span class="tm14">« Emporte le bonheur et laisse-moi l'ennui. » </span></p>
<p class="Normal"><span class="tm14"> </span></p>
<p class="Normal"><span class="tm14">Comme dans la poésie j'entrais tout de même avec un sourire,</span></p>
<p class="Normal tm15"><span class="tm14">mais vraiment ce n'était pas juste,</span></p>
<p class="Normal tm15"><span class="tm14">il aurait dû me laisser, à l'égard de ses maîtresses, <br />le droit d'être volage,</span></p>
<p class="Normal tm16"><span class="tm14">car, en accumulant tous ses laissés pour compte, </span></p>
<p class="Normal tm16"><span class="tm14">j'avais fini par ne plus avoir une après-midi à moi.</span></p>
<p class="Normal"><span class="tm14"> </span></p>
<p class="Normal"><span class="tm14"> </span></p>
<p class="Normal"><span class="tm14"> </span></p>
<p class="Normal"><span class="tm14">D'ailleurs, ce temps me semble doux </span></p>
<p class="Normal tm16"><span class="tm14">relativement au présent.</span></p>
<p class="Normal"><span class="tm14"> </span></p>
<p class="Normal"><span class="tm14"> </span></p>
<p class="Normal"><span class="tm14">Mon Dieu,</span></p>
<p class="Normal tm15"><span class="tm14">qu'il se soit remis à me tromper, </span></p>
<p class="Normal tm15"><span class="tm14">ça ne pourrait que me flatter parce que ça me rajeunit.</span></p>
<p class="Normal tm15"><span class="tm14">Mais je préférais son ancienne manière.</span></p>
<p class="Normal"><span class="tm14"> </span></p>
<p class="Normal"><span class="tm14">Dame,</span></p>
<p class="Normal tm15"><span class="tm14">il y avait trop longtemps qu'il ne m'avait trompée,</span></p>
<p class="Normal tm15"><span class="tm14">il ne se rappelait plus la manière de s'y prendre ! </span></p>
<p class="Normal tm15"><span class="tm14"> </span></p>
<p class="Normal"><span class="tm14">Ah ! mais nous ne sommes pas mal ensemble tout de même,</span></p>
<p class="Normal tm15"><span class="tm14">nous nous parlons,</span></p>
<p class="Normal tm15"><span class="tm14">nous nous aimons même assez »,</span></p>
<p class="Normal tm16"><span class="tm14">me dit la duchesse, craignant que je n'eusse compris qu'ils étaient tout à fait séparés,</span></p>
<p class="Normal"><span class="tm14">et comme on dit de quelqu'un qui est très malade : </span></p>
<p class="Normal tm15"><span class="tm14">« Mais il parle encore très bien, je lui ai fait la lecture ce matin pendant une heure »,</span></p>
<p class="Normal tm15"><span class="tm14">elle ajouta : « Je vais lui dire que vous êtes là, il voudra vous voir. » </span></p>
<p class="Normal"><span class="tm14"> </span></p>
<p class="Normal"><span class="tm14">Et elle alla près du duc qui, assis sur un canapé auprès d'une dame, causait avec elle.</span></p>
<p class="Normal"><span class="tm14"> </span></p>
<p class="Normal"><span class="tm14">Mais en voyant sa femme venir lui parler, il prit un air si furieux qu'elle ne put que se retirer.</span></p>
<p class="Normal"><span class="tm14"> </span></p>
<p class="Normal"><span class="tm14">« Il est occupé, je ne sais pas ce qu'il fait, nous verrons tout à l'heure », </span></p>
<p class="Normal"><span class="tm14">me dit Mme de Guermantes préférant me laisser me débrouiller. </span></p>
<p class="Normal"><span class="tm14"> </span></p>
<p class="Normal"><span class="tm14"> </span></p>
<p class="Normal PageBreak tm8"><span class="tm14">(...)</span></p>
<p class="Normal"><span class="tm14"> </span></p>
<p class="Normal tm8"><span class="tm14"> </span></p>
<h2 class="tm8"><em><span class="tm13">Dernier amour de vieillard</span></em></h2>
<p class="Normal tm8"><span class="tm9"> </span></p>
<p class="Normal"><span class="tm14">La vie de la duchesse ne laissait pas, d'être très malheureuse. (...)</span></p>
<p class="Normal"><span class="tm14"> </span></p>
<p class="Normal"><span class="tm14">Celui-ci qui, </span></p>
<p class="Normal tm15"><span class="tm14">depuis longtemps calmé par son âge avancé, </span></p>
<p class="Normal tm15"><span class="tm14">et quoiqu'il fût encore robuste, </span></p>
<p class="Normal"><span class="tm14">avait cessé de tromper Mme de Guermantes, </span></p>
<p class="Normal"><span class="tm14">s'était épris de Mme de Forcheville </span><span class="tm18">[</span><span
class="tm19">Odette</span><span class="tm18">]</span><span class="tm14"> </span></p>
<p class="Normal tm15"><span class="tm14">sans qu'on sût bien les débuts de cette liaison.</span></p>
<p class="Normal"><span class="tm14"> </span></p>
<p class="Normal tm15"><span class="tm14">Mais celle-ci avait pris des proportions telles que le vieillard, </span></p>
<p class="Normal tm16"><span class="tm14">imitant, dans ce dernier amour, la manière de celles qu'il avait eues autrefois, </span></p>
<p class="Normal tm15"><span class="tm14">séquestrait sa maîtresse au point que, </span></p>
<p class="Normal tm16"><span class="tm14">si mon amour pour Albertine avait répété, avec de grandes variations, l'amour de Swann pour Odette, </span></p>
<p class="Normal tm15"><span class="tm14">l'amour de M. de Guermantes rappelait celui que j'avais eu pour Albertine.</span></p>
<p class="Normal tm15"><span class="tm14"> </span></p>
<p class="Normal tm15"><span class="tm14">Il fallait qu'elle déjeunât, qu'elle dînât avec lui, il était toujours chez elle ; </span></p>
<p class="Normal tm16"><span class="tm14">elle s'en parait auprès d'amis qui sans elle n'eussent jamais été en relation avec le duc de Guermantes et qui venaient là pour le connaître,
</span></p>
<p class="Normal tm20"><span class="tm14">un peu comme on va chez une cocotte pour connaître un souverain son amant. (. ..)</span></p>
<p class="Normal"><span class="tm14"> </span></p>
<p class="Normal"><span class="tm14">Le vieux duc ne sortait plus, car il passait ses journées et ses soirées chez Odette.</span></p>
<p class="Normal"><span class="tm14"> </span></p>
<p class="Normal"><span class="tm14">Mais aujourd'hui, </span></p>
<p class="Normal tm15"><span class="tm14">comme elle-même s'était rendue à la matinée de la princesse de Guermantes, </span></p>
<p class="Normal"><span class="tm14">il était venu un instant pour la voir, </span></p>
<p class="Normal PageBreak tm15"><span class="tm14">malgré l'ennui de rencontrer sa femme.</span></p>
<p class="Normal"><span class="tm14"> </span></p>
<h2 class="tm8"><em><span class="tm13">Ravage du Temps</span></em></h2>
<p class="Normal"><span class="tm9"> </span></p>
<p class="Normal"><span class="tm14">Je ne l'eusse sans doute pas reconnu,</span></p>
<p class="Normal"><span class="tm14">si la duchesse,</span></p>
<p class="Normal tm15"><span class="tm14">quelques instants plus tôt,</span></p>
<p class="Normal"><span class="tm14">ne me l'eût clairement désigné en allant jusqu'à lui.</span></p>
<p class="Normal"><span class="tm14"> </span></p>
<p class="Normal"><span class="tm14">Il n'était plus qu'une ruine,</span></p>
<p class="Normal tm15"><span class="tm14">mais superbe,</span></p>
<p class="Normal tm16"><span class="tm14">et plus encore qu'une ruine,</span></p>
<p class="Normal tm16"><span class="tm14">cette belle chose romantique que peut être un rocher dans la tempête.</span></p>
<p class="Normal"><span class="tm14"> </span></p>
<p class="Normal"><span class="tm14">Fouettée de toutes parts par les vagues de souffrance,</span></p>
<p class="Normal tm15"><span class="tm14">de colère de souffrir,</span></p>
<p class="Normal tm15"><span class="tm14">d'avancée montante de la mer qui la circonvenaient,</span></p>
<p class="Normal"><span class="tm14">sa figure,</span></p>
<p class="Normal tm15"><span class="tm14">effritée comme un bloc,</span></p>
<p class="Normal"><span class="tm14">gardait le style,</span></p>
<p class="Normal"><span class="tm14">la cambrure que j'avais toujours admirés ;</span></p>
<p class="Normal"><span class="tm14"> </span></p>
<p class="Normal tm8"><span class="tm14"> elle était rongée comme une de ces belles têtes antiques trop abîmées mais dont nous sommes trop heureux d'orner un cabinet de travail.</span></p>
<p class="Normal tm8"><span class="tm14"> </span></p>
<p class="Normal"><span class="tm14">Elle paraissait seulement appartenir à une époque plus ancienne qu'autrefois,</span></p>
<p class="Normal tm15"><span class="tm14">non seulement à cause de ce qu'elle avait pris de rude et de rompu dans sa matière jadis plus brillante,</span></p>
<p class="Normal tm15"><span class="tm14">mais parce que à l'expression de finesse et d'enjouement avait succédé </span></p>
<p class="Normal tm16"><span class="tm14">une involontaire,</span></p>
<p class="Normal tm16"><span class="tm14">une inconsciente expression,</span></p>
<p class="Normal tm20"><span class="tm14">bâtie par la maladie,</span></p>
<p class="Normal tm21"><span class="tm14">de lutte contre la mort,</span></p>
<p class="Normal tm21"><span class="tm14">de résistance,</span></p>
<p class="Normal tm21"><span class="tm14">de difficulté à vivre.</span></p>
<p class="Normal"><span class="tm14"> </span></p>
<p class="Normal tm8"><span class="tm14">Les artères ayant perdu toute souplesse avaient donné au visage </span></p>
<p class="Normal tm8"><span class="tm14">jadis épanoui une dureté sculpturale.</span></p>
<p class="Normal"><span class="tm14"> </span></p>
<p class="Normal"><span class="tm14">Et sans que le duc s'en doutât,</span></p>
<p class="Normal tm15"><span class="tm14">il découvrait des aspects de nuque,</span></p>
<p class="Normal tm15"><span class="tm14">de joue,</span></p>
<p class="Normal tm15"><span class="tm14">de front,</span></p>
<p class="Normal"><span class="tm14">où l'être,</span></p>
<p class="Normal tm15"><span class="tm14">comme obligé de se raccrocher avec acharnement à chaque minute,</span></p>
<p class="Normal"><span class="tm14">semblait bousculé dans une tragique rafale,</span></p>
<p class="Normal tm15"><span class="tm14">pendant que les mèches blanches de sa chevelure moins épaisse venaient souffleter de leur écume le promontoire envahi du visage.</span></p>
<p class="Normal"><span class="tm14"> </span></p>
<p class="Normal"><span class="tm14">Et comme ces reflets étranges,</span></p>
<p class="Normal tm15"><span class="tm14">uniques,</span></p>
<p class="Normal tm16"><span class="tm14">que seule l'approche de la tempête où tout va <br />sombrer </span></p>
<p class="Normal tm15"><span class="tm22"></span><span class="tm14">donne aux roches qui avaient été jusque-là d'une autre couleur,</span></p>
<p class="Normal"><span class="tm22">je compris </span></p>
<p class="Normal tm15"><span class="tm22">que le gris plombé des joues raides et usées,</span></p>
<p class="Normal tm15"><span class="tm22">le gris presque blanc et moutonnant des mèches soulevées,</span></p>
<p class="Normal tm15"><span class="tm22">la faible lumière encore départie aux yeux qui voyaient à peine,</span></p>
<p class="Normal"><span class="tm22">étaient des teintes non pas irréelles,</span></p>
<p class="Normal tm15"><span class="tm22">trop réelles au contraire,</span></p>
<p class="Normal"><span class="tm22">mais fantastiques </span></p>
<p class="Normal tm15"><span class="tm22">et empruntées à la palette de l'éclairage,</span></p>
<p class="Normal tm16"><span class="tm22">inimitable </span></p>
<p class="Normal tm16"><span class="tm22">dans ses noirceurs effrayantes et prophétiques,</span></p>
<p class="Normal tm16"><span class="tm22"> </span></p>
<p class="Normal tm15"><span class="tm22"> </span></p>
<p class="Normal tm23"><span class="tm22">de la vieillesse,</span></p>
<p class="Normal tm23"><span class="tm22"> </span></p>
<p class="Normal PageBreak tm23"><span class="tm22">de la proximité de la mort.</span></p>
<p class="Normal"><span class="tm14"> </span></p>
<h2 class="tm8"><em><span class="tm13">La vieillesse</span></em></h2>
<p class="Normal"> </p>
<p class="Normal"><span class="tm14">Le duc ne resta que quelques instants,</span></p>
<p class="Normal tm15"><span class="tm14">assez pour que je comprisse qu'Odette,</span></p>
<p class="Normal tm15"><span class="tm14">toute à des soupirants plus jeunes,</span></p>
<p class="Normal tm15"><span class="tm14">se moquait de lui. </span></p>
<p class="Normal tm15"><span class="tm14"> </span></p>
<p class="Normal tm24"><span class="tm14">(...)</span></p>
<p class="Normal tm15"><span class="tm14"> </span></p>
<p class="Normal"><span class="tm14">Il était très vieux,</span></p>
<p class="Normal tm15"><span class="tm14">et quand il voulut passer la porte et descendre l'escalier pour sortir,</span></p>
<p class="Normal"><span class="tm14">la vieillesse,</span></p>
<p class="Normal tm15"><span class="tm14">qui est tout de même l'état le plus misérable pour les hommes </span></p>
<p class="Normal tm15"><span class="tm14">et qui les précipite de leur faîte le plus semblablement aux rois des tragédies grecques,</span></p>
<p class="Normal tm15"><span class="tm14"> </span></p>
<p class="Normal"><span class="tm14">la vieillesse,</span></p>
<p class="Normal tm15"><span class="tm14">en le forçant </span></p>
<p class="Normal tm16"><span class="tm14">à s'arrêter dans le chemin de croix que devient la vie des impotents menacés,</span></p>
<p class="Normal tm16"><span class="tm14">à essuyer son front ruisselant,</span></p>
<p class="Normal tm16"><span class="tm14">à tâtonner,</span></p>
<p class="Normal tm20"><span class="tm14">en cherchant des yeux une marche qui se dérobait,</span></p>
<p class="Normal tm15"><span class="tm14">parce qu'il aurait eu besoin </span></p>
<p class="Normal tm20"><span class="tm14">pour ses pas mal assurés,</span></p>
<p class="Normal tm20"><span class="tm14">pour ses yeux ennuagés,</span></p>
<p class="Normal tm15"><span class="tm14">d'un appui,</span></p>
<p class="Normal tm20"><span class="tm14">lui donnait à son insu </span></p>
<p class="Normal tm16"><span class="tm14">l'air de l'implorer </span></p>
<p class="Normal tm20"><span class="tm14">doucement et timidement </span></p>
<p class="Normal tm16"><span class="tm14">des autres,</span></p>
<p class="Normal"><span class="tm14"> </span></p>
<p class="Normal"><span class="tm14">la vieillesse l'avait fait encore plus qu'auguste,</span></p>
<p class="Normal"><span class="tm14"> </span></p>
<p class="Normal"><span class="tm14"> </span></p>
<p class="Normal tm8"><span class="tm14"></span><span class="tm22">suppliant</span><span class="tm14">.</span></p>
<p class="Normal tm8"><span class="tm14"> </span></p>
<p class="Normal tm8"><span class="tm14"> </span></p>
<p class="Normal tm8"><span class="tm14"> </span></p>
<p class="Normal tm8"><span class="tm14"> </span></p>
<p class="Normal tm8"><span class="tm14"> </span></p>
<p class="Normal tm8"><span class="tm14"> </span></p>
<p class="Normal tm8"><span class="tm14"> </span></p>
<p class="Normal tm8"><span class="tm14"> </span></p>
<p class="Normal tm8"><span class="tm14"> </span></p>
<p class="Normal tm8"><span class="tm14"> </span></p>
<p class="Normal tm8"><span class="tm14"> </span></p>
<p class="Normal tm8"><span class="tm14"> </span></p>
<p class="Normal tm8"><span class="tm14"> </span></p>
<p class="Normal tm8"><span class="tm14"> </span></p>
<p class="Normal tm8"><span class="tm14"> </span></p>
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<p class="Normal tm8"><span class="tm14">*** Fin ****</span></p>
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!!!!Dernières Vidéos
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{{center{[img(30%,)[Dernier filage|https://image.noelshack.com/fichiers/2018/06/4/1518099743-826-blandin.png][https://photos.app.goo.gl/yZdYX8CyXqOUkCCk2]]}}}
/%
|anciennes|Mouffetard;14/12/17_Éloi;Malraux;|
|temps|(1) 22 mn|
|prochaines|18/9/18_Épinettes<br>18/10/18_Lauriston|
|distribution|Gérard Yvonne Éveline Jacques|
%/
!!!!PERSONNAGES
<<<
Pelletier
Jacques
Mme Blandin ?
Un valet de chambre
<<<
+++[1. PELLETIER et MADAME BLANDIN]
//Un bureau d’homme qui sert de salon, ou plus exactement un salon qui sert de bureau à un homme.
Une porte au fond.
Une porte vitrée s’ouvrant sur la salle à manger, à gauche.
Une porte à droite au premier plan
Des livres — des tableaux — des photographies.
//(Au lever du rideau. Pelletier est seul en scène. Il se promène de long en large. Il regarde sa montre.)////
;PELLETIER
:Six heures et demie ! Je n’y comprends rien ! //(Il s’assied à son bureau)//. Il ne me semble pas possible qu’on l’ait fait attendre plus d’une heure. Oui, mais soyons juste… s’il a attendu une heure, il ne pourra pas être là avant dix mn ! C’est extrêmement difficile d’attendre !… Lire… écrire… non. Il devrait y avoir une chose à faire quand on attend… la même pour tout le monde… et qui ne servirait qu’à cela !… //(Il regarde sa montre.)// Que c’est long une minute ! //(Il sonne.)// Et dire que les années passent si vite !
://(Un instant après, Marie entre.)//
;PELLETIER
:Apportez moi le menu du dîner.
;MARIE
:Bien, monsieur.
://(Marie sort.)//
;PELLETIER //(fouillant dans sa poche.)//
:S’il est reçu… je lui donne cent francs… s’il est refusé, je… les lui donne tout de même !
://(Marie rentre et présente à Pelletier le menu.)//
;PELLETIER //(l’ayant parcouru.)//
:Merci… C’est parfait !… Oh, vous ne manquerez pas de servir les perdreaux entiers, n’est-ce pas… je ne veux pas que vous les coupiez !… D’ailleurs vous voudrez bien me faire un autre menu… sur lequel les truffes ne figureront pas ! Ce sera une surprise !… Vous avez monté du Champagne ?
;MARIE
:Oui, monsieur.
;PELLETIER
:Bien !… Quelle heure avez-vous ?
;MARIE
:Six heures trente-cinq, monsieur.
;PELLETIER
:Ah ! Bon, bon, bon… j’ai six heures trente-neuf, moi !… Ah ! Bon, j’avance !… Chut ! La porte de l’ascenseur… on va sonner… //(On sonne.)// Ça y est… c’est lui… allez vite !…
://(Marie sort,)//
;PELLETIER
:Enfin !… Si on l’a fait attendre une heure, il ne pouvait pas être là plus tôt, pauvre petit.
;MARIE//(rentrant.)//
:C’est Madame Blandin, monsieur.
;PELLETIER
:Comment, c’est… ce n’est pas monsieur Jacques ?
;MARIE
:Oh ! Non, c’est Madame Blandin, monsieur, je suis bien sûr !
;PELLETIER
:Mais je… qu’elle entre ! //(Marie remonte,)// Oh ! Pourquoi venir de force !
://(Marie a ouvert la porte et s’est effacée devant Madame Blandin qui est entrée.)//
;PELLETIER
:Bonjour !
://(Il ne retire pas les mains de ses poches,)//
;MADAME BLANDIN
:Bonjour !
;PELLETIER
:Comment allez-vous ?
;MADAME BLANDIN
:Bien… Tu m’en veux ?
;PELLETIER
:Je vous avais demandé de ne pas venir aujourd’hui !
;MADAME BLANDIN
:En refusant de me dire pourquoi ?
;PELLETIER
:C’est inexact ! Pas « en refusant », non, non, en vous priant de ne pas me demander pourquoi.
;MADAME BLANDIN
:Je ne vous l’ai pas demandé.
;PELLETIER
:Non, c’est vrai, hier vous ne me l’avez pas demandé… seulement, aujourd’hui vous venez pour me surveiller…
;MADAME BLANDIN
:Oh !…
;PELLETIER
:Pour me surprendre peut-être…
;MADAME BLANDIN
:Oh !…
;PELLETIER
:Dame ! Et vous me surprenez, je vous le jure !
;MADAME BLANDIN
:Vous vous trompez, mon ami… je passais devant chez vous…
;PELLETIER
:Par hasard ?
;MADAME BLANDIN
:Oui, par hasard… et je venais tout simplement vous rappeler que vous êtes invité à dîner jeudi chez les Fournier.
;PELLETIER
:Oh ! Oh ! Oh !…
;MADAME BLANDIN
:Quoi ?
;PELLETIER
:Voyons, voyons, voyons… nous sommes vendredi aujourd’hui; il y a donc samedi, dimanche, lundi, mardi et mercredi d’ici-là… cinq jours ! ! ! Et c’est tout ce que vous vous avez trouvé pour justifier votre visite !
;MADAME BLANDIN
:Je n’ai pas à justifier mes visites…
;PELLETIER
:Non… et c’est la première fois que cela vous arrive…
;MADAME BLANDIN
:Que voulez-vous, depuis une heure je traîne dans Paris sans savoir où aller…
;PELLETIER
:Fallait pas sortir !…
;MADAME BLANDIN
:J’étais dehors !
;PELLETIER
:Fallait rentrer !
;MADAME BLANDIN
:C’est facile à dire !
;PELLETIER
:Ce n’est pas tellement difficile à faire !
;MADAME BLANDIN
:Je suis obsédée, littéralement obsédé;e par la pensée que vous pouvez faire une chose que je ne dois pas savoir ! Ne m’en veuillez pas trop, que diable ! l’amour a des droits !
;PELLETIER
:Je vous l’accorde, mais il a aussi des devoirs. Et votre amour avait aujourd’hui le devoir de… de…
;MADAME BLANDIN
:De vous ficher la paix ?
;PELLETIER
:Je ne vous le fais pas dire !
;MADAME BLANDIN
:Merci bien !
;PELLETIER
:Viens là !… Écoute-moi… Tu m’as fait jurer hier que ce qui devait nous tenir éloignés l’un de l’autre aujourd’hui était une affaire de famille à laquelle tu ne pouvais pas prendre part. Je te l’ai juré, aie confiance en moi. Tu sais combien je t’aime… tu sais que…
;MADAME BLANDIN
:Toi aussi, aie confiance en moi… dis-moi ce que tu vas faire?
;PELLETIER
:Non… ça ne te regarde pas !
;MADAME BLANDIN
:Oh…
;PELLETIER
:Comprends-le comme je te le dis… et je te le dis très gentiment… ça ne te regarde pas… ! Tout ce que tu dois savoir, tu le sais !… Alors, sois tranquille.</p>
://(Un temps.)//
;MADAME BLANDIN
:Tu attends quelqu’un ?
;PELLETIER
:Je ne te répondrai pas !
;MADAME BLANDIN
:Tu attends sûrement quelqu’un, car depuis que je suis là tu as regardé quatre fois la pendule !
;PELLETIER
:Non… cinq fois !
;MADAME BLANDIN
:Je t’en supplie… rassure-moi… dis-moi la vérité ! Si ça doit me faire de la peine, je préfère le savoir, tant pis !… Dis ?… Dis ?… En tout cas, tu peux répondre à cette simple question : Est-ce que ça me ferait de la peine si je savais ce que tu vas faire ?
;PELLETIER
:J’espère que non !
;MADAME BLANDIN
:Un jour, tout de même, tu me le diras, n’est-ce pas ?
;PELLETIER
:Oui !
;MADAME BLANDIN
:Ah !… Quand ?
;PELLETIER
:Le vingt et un février 1962 !
;MADAME BLANDIN
:Qu’est-ce que c’est que cette date ?
;PELLETIER
:Mon premier centenaire !
://(Un temps.)//
;MADAME BLANDIN //(remettant sa voilette.)//
:Sais-tu ce que je crois ?
;PELLETIER
:Non…
;MADAME BLANDIN
:Eh ! bien, je crois que, tout ça, c’est un jeu que tu joues pour m’éprouver !… Seulement je te préviens que c’est un jeu dangereux !… Tu sais que je n’ai pas l’habitude de faire des menaces… mais, d’un autre côté, chacun a son caractère et il y a des gens nerveux qu’il est peut-être maladroit de pousser à bout !
;PELLETIER
:Oui ?
;MADAME BLANDIN
:Oui !… Qu’on fasse ça à une enfant… qu’on s’amuse à la faire enrager, passe encore… mais ce genre de plaisanteries n’est plus de mon âge ! Si tu as réellement l’intention de garder ton secret jusqu’en dix-neuf cent je ne sais plus combien… eh ! bien, mon ami, garde-le… seulement moi, je peux te jurer que jamais…
;PELLETIER
:Assez, Madeleine… cette discussion pourrait mal finir et, vraiment, cela n’en vaut pas la peine !… Tu me connais assez pour savoir que rien ne peut me faire parler quand je veux me taire !
;MADAME BLANDIN
:Cependant…
;PELLETIER
:Rien !
;MADAME BLANDIN
:Je te donne ma parole d’honneur que je regrette d’être venue et que je voudrais ne pas te questionner davantage… mais c’est plus fort que moi !… Il faut que réellement mon inquiétude soit grande aujourd’hui puisque, jusqu’à présent, je me suis inclinée, sans les discuter, devant toutes les exigences de notre situation… ça, reconnais-le ??0; //(Il regarde sa montre.)// Ne regarde pas tout le temps ta montre… je sais que tu veux que je m’en aille… mais avant de m’en aller, moi, je veux que tu comprennes bien ceci… Je ne t’ai jamais reparlé de notre mariage — que je souhaite tant — depuisque tu m’as fait comprendre qu’il fallait y renoncer à causede ton fils. Je tolère donc, par amour, une existence fort peu agréable, tu peux me croire. Car enfin, je suis fière de toi, tu le sais… je voudrais t’aimer en pleine lumière…et tout cela m’est refusé !… Par respect pour ce jeune homme, je ne peux venir chez toi que clandestinement, de cinq à sept !… Enfin, je dois faire taire sans cesse mon orgueil de femme…
;PELLETIER
:Il ne t’obéit guère !
;MADAME BLANDIN
:C’est bien, adieu !
;PELLETIER //(la prenant dans ses bras.)//
:Embrasse-moi !… Quelle histoire !
;MADAME BLANDIN
:C’est une femme que tu attends ?
;PELLETIER
:Grosse bête !
;MADAME BLANDIN
:En tous cas, après le dîner… tu pourrais me retrouver quelque part…
;PELLETIER
:Hier déjà je t’ai dit que non.
;MADAME BLANDIN
:Alors, c’est que tu ne dînes pas seul ?
;PELLETIER
:Évidemment !
;MADAME BLANDIN
:Tu dînes ici, chez toi ?
;PELLETIER
:Je ne sais pas encore…
://(Un temps.)//
;MADAME BLANDIN
:Je t’aime…
;PELLETIER
:Oh ! Ça, sûrement !… Chut !… Non.
;MADAME BLANDIN
:Si ! Si, on remue à côté ?
;PELLETIER
:C’est sans doute Émile qui met le couvert…
;MADAME BLANDIN
:Ah…
;PELLETIER
:Quoi ?
;MADAME BLANDIN
:Alors tu dînes là ?
;PELLETIER
:À demain !
;MADAME BLANDIN
:Un instant…
;PELLETIER
:Où vas-tu ?
;MADAME BLANDIN
:Je veux voir quelque chose…
;PELLETIER
:Madeleine, reste là…
;MADAME BLANDIN
:Non, je veux voir quelque chose !
://(Elle ouvre la porte de la salle à manger.)//
;PELLETIER
:Eh ! bien tu vas voir quelque chose, tant pis pour toi !
;MADAME BLANDIN //(qui est dans la salle à manger.)//
:Tiens ! Tiens ! Tiens !… Et quel menu ! Fichtre ! Du homard, des perdreaux, du Champagne… oh ! la, la la, la… //(Elle rentre en scène et referme la porte de la salle à manger.)//… et seulement deux couverts !
;PELLETIER
:Tu n’as pas questionné le valet de chambre ?
;MADAME BLANDIN
:Oh…
;PELLETIER
:Ça viendra !
;MADAME BLANDIN
:Tu me donnes ta parole d’honneur que ce n’est pas une femme ?
;PELLETIER
:Je te donne ma parole d’honneur que ce n’est pas une femme !
;MADAME BLANDIN
:C’est quelqu’un que tu connais très bien ?
;PELLETIER
:Sait-on jamais !
;MADAME BLANDIN
:C’est ton fils ?… Hein ?… C’est ton fils ! Dis ! Dis ?… Avoue que j’ai deviné, tout de suite ?… N’est-ce pas que c’est ton fils ?… Dis… maintenant que je le sais… pas ?… Dis ?… Dis ?… Dis ?
;PELLETIER
:Oui, là !
;MADAME BLANDIN
:Ah !… J’en étais certaine !
;PELLETIER
:Alors, tu es impardonnable d’être venue !
;MADAME BLANDIN
:Non, je plaisante !… Non, ça, vraiment, je ne m’;en doutais pas le moins du monde !… Je m’en doutais d’autant moins que quand tu as à voir ton fils… il te faut généralement un quart d’heure ! Et ce qui m’a empêchée de supposer que ce fût lui… c’est que cette fois-ci, il te faut la journée, le dîner et la soirée… Qu’est-ce qu’il y a donc, mon Dieu… pourquoi ce mystère… et pourquoi ce repas fantastique ?
;PELLETIER
:Oh ! Fantastique ! ! !
;MADAME BLANDIN
:Magnifique en tout cas !… Pourquoi ?</p>
;PELLETIER
:Tu ne comprendrais pas !
;MADAME BLANDIN
:Tu me l’expliqueras.
;PELLETIER
:Non…
;MADAME BLANDIN
:Pourquoi ?
;PELLETIER
:Je te connais, tu vas rire !
;MADAME BLANDIN
:Non, je te le jure.
;PELLETIER
:Ben… heu…
;MADAME BLANDIN
:Dis vite…
;PELLETIER
:Eh ! bien, voilà… Jacques passe aujourd’hui son baccalauréat !
;MADAME BLANDIN
:C’est pour ça ?
;PELLETIER
:Tu vois !
;MADAME BLANDIN
:Oh ! Écoute, il n’y a vraiment pas de quoi pleurer !
;PELLETIER
:Mais je ne te demande pas de pleurer… Je ne t’ai rien demandé !… Et encore une fois j’avais raison, ça ne te regardait pas ! Je m’en veux à présent de te l’avoir dit.
://(Un temps.)//
;MADAME BLANDIN
:C’est très important le baccalauréat ?
;PELLETIER
:Pas celui des autres… tu vois. !
://(Un temps.)//
;MADAME BLANDIN
:Tu l’aimes, hein, ton gosse ?
;PELLETIER
:Ne parlons pas de lui, veux-tu ?
://(Un temps.)//
;MADAME BLANDIN
:Dans le fond, tu l’aimes plus que moi !
;PELLETIER
:J’en ai peur !
;MADAME BLANDIN
:C’est charmant !
;PELLETIER
:Je suis de ton avis !
://(Un temps.)//
;MADAME BLANDIN
:Tu crois qu’il sera reçu ?
;PELLETIER
:S’il ne l’est pas là-bas… il le sera ici.
://(Un temps.)//
://(Madame Blandin se lève…)//
;PELLETIER
:C’est ça…
;MADAME BLANDIN
:À demain…
;PELLETIER
:Tu es fâchée ?
;MADAME BLANDIN
:Je suis jalouse !
;PELLETIER
:Ah ! Dame, il y a de quoi !… À demain.
://(Pelletier accompagne Mme Blandin qui s’en va.)//
://(La scène, un instant, reste vide.)//
===
+++[2. PELLETIER et JACQUES]
://(Pelletier et Marie rentrent en scène en même temps, l’un par la porte du fond, l’autre par la porte de la salle à manger.)//
;MARIE
:Monsieur, je voudrais savoir pour quelle heure est le dîner.
;PELLETIER
:Je me le demande !… Sept heures !… Est-il possible de faire attendre ainsi des enfants… et des parents !… Que voulez-vous, nous dînerons sitôt que monsieur Jacques sera là !…
;MARIE
:C’est à cause des perdreaux…
://(On sonne )//
;PELLETIER
:Vous pouvez les mettre !… Allez ouvrir.. enfin !… C’est toi ?
://(Jacques entre.)//
;JACQUES
:Oui, Papa !
;PELLETIER
:Eh ! Bien ?
;JACQUES
:Recalé !
;PELLETIER
:Oh !… Embrasse-moi tout de même !
://(Jacques embrasse son père.)//
;PELLETIER
:Mon pauvre petit !… Oh !… Et… quand l’as-tu su ?
;JACQUES
:Que j’étais recalé ?
;PELLETIER
:Oui…
;JACQUES
:À… cinq heures et demie,
;PELLETIER
:À cinq heures et demie ?
;JACQUES
:Oui, Papa…
;PELLETIER
:Oh ! Ce n’est pas possible ?
;JACQUES
:Mais si, Papa, pourquoi ?
;PELLETIER
:Oh !… Tu sais l’heure qu’il est ?
;JACQUES
:Oui, il doit être six heures…
;PELLETIER
:Non, mon petit, non… il est sept heures cinq !… Et j’attends depuis quatre heures !
;JACQUES
:Je te demande pardon, Papa.
;PELLETIER
://(Un temps.)// Assieds-toi, ne reste pas debout. Et, pourquoi as-tu été recalé ?
;JACQUES
:Ils m’ont posé des questions stupides !
;PELLETIER
:Ça m’étonne ! Peut-être t’ont-elles semblé stupides parce que tu les ignorais !… Quelles sontles questions auxquelles tu as mal répondu ?
;JACQUES
:D’abord, il m’a posé en histoire une question que je n’avais jamais étudiée…
;PELLETIER
:À qui la faute ? … À plusieurs reprises, cet hiver, mon petit, je t’ai proposé de t’appliquer davantage… tu ne me semblais pas au point… mais, chaque fois que je t’en ai fait l'observation, tu m’as juré que tout « allait très bien… ». Je te conseille de donner un bon coup de collier cet été afin d’être prêt, afin d’être complètement prêt en octobre prochain. C’est bien en octobre, n’est-ce pas, que tu repasses ?
;JACQUES
:Oui, on peut se représenter en octobre.
;PELLETIER
:Comment, on peut ?… Qu’est-ce que ça veut dire ?
;JACQUES
:Heu… ben…
;PELLETIER
:Parle…
;JACQUES
:Ben, ça veut dire que j’aimerais autant ne pas repasser.
;PELLETIER
:Qu’est-ce que tu dis ?
;JACQUES
:Oui, quoi… j’aimerais mieux en rester là ! Moi,je m’en fiche du baccalauréat !
;PELLETIER
:Oui, seulement, moi, je ne m’en fiche pas du baccalauréat !
;JACQUES
:Ça, c’est autre chose !
;PELLETIER
:Oui, et c’est même une chose qui a son importance !
;JACQUES
:Je voudrais profiter de la vie... , arrêter mes études !
;PELLETIER
:Oui, eh ! bien, ma volonté à moi est que tu les termines comme je l’entendrai !
;JACQUES
:Mais, Papa, laisse-moi t’expliquer…
;PELLETIER
:Non, assez ! À moi de parler maintenant !… //(Un temps.)// J’ai passé quinze années de ma vie à me priver de bien des choses pour te donner une éducation aussi forte que ma tendresse, et voilà le fruit de mes peines !… Est-ce que tu te rends compte de ce que j’ai fait pour toi ?…
;JACQUES
:Oui, quoi… tu as…
;PELLETIER
:Oh ! Non, ne me dis pas que j’ai fait ce qu’ont fait les autres pères.
;JACQUES
:Tu t’es privé ?
;PELLETIER
:Oui… mais tu ne t’en es jamais aperçu !… Je ne me plains pas ; je l’ai voulu… et je ne le regrette pas encore… Ah ! Mon petit bonhomme, tu ne t’es rendu compte de rien !… Ta mère est morte deux ans après ta naissance… il y a quatorze ans de cela, tu comprends ?
;JACQUES
:Quoi ?
;PELLETIER
:Quoi ?… J’avais trente-six ans, mon petit, et j’en ai cinquante, à présent ! J’étais jeune ; je ne le suis plus !… J’ai vieilli pour toi… je me suis consacré entièrement à toi !… Écoutebien… deux fois j’aurais pu me remarier… la première fois, tu étais trop petit… la seconde fois, tu étais trop grand… Penses-y de temps en temps !…
://(Un temps.)//
;JACQUES //(regarde la pendule et se lève.)//
:Au revoir. Papa…
;PELLETIER
:Quoi ?
;JACQUES
:Au revoir. Papa !
;PELLETIER
:Où vas-tu ?
;JACQUES
:Je dîne chez mon copain Mareuil… et il est déjà sept heures et demie…
;PELLETIER
:Ah ! Tu dînes chez Mareuil…
;JACQUES
:Oui, Papa… ça t’ennuie ?
;PELLETIER
:Du tout, mon enfant, du tout… c’est tout naturel… ça doit être sûrement naturel !
;JACQUES
:Et toi ?
;PELLETIER
:Moi ?… Oh ! Mon petit, ça se trouve bien… je ne dîne pas seul !
;JACQUES
:Ah !
;PELLETIER
:Oui… tiens, regarde ! //(Il ouvre la porte de la salle à manger.)// Tu vois !… Lis ce menu… tu vois, je ne dîne pas seul : deux couverts !…
;JACQUES //(vexé.)//
:Au revoir. Papa… à demain…
;PELLETIER
:À demain, mon petit… //(Jacques embrasse son père et sort.)//
:Et il me fait la tête !
://(Et après avoir pensé qu’il pourrait peut-ê;tre téléphoner à Madame Blandin — et, après y avoir renoncé, Pelletier entre dans la salle à manger, en disant :)//
:Marie, vous pouvez servir !
!!!!!R I D E A U
===
{{center{
!Deux jeunes femmes
//Deux jeunes femmes entrent en regardant autour d'elles avec circonspection.//
}}}
;LA PREMIÈRE, avec fougue et anxiété.
:Ah! tu me rends la vie, il me semble que je renais. Mais parle, parle donc!
;L'AUTRE.
:Ce n'est qu'une simple impression, tu sais, une simple impression que j'ai eue.?
;LA PREMIÈRE.
:Si tu l'as eue, ce n'est pas sans raison. Il était pâle? Ii avait un sourire triste?
;L'AUTRE.
:Il m'a semblé.
;LA PREMIÈRE.
:Je n'aurais pas dû le laisser partir, le cœur me le disait. Jusqu'à la porte, j'ai gardé sa main dans la mienne; il avait déjà fait un pas sur le seuil, et je ne me décidais pas encore à lâcher sa main. Nous nous étions embrassés pour la dernière fois, notre séparation était chose faite, et nos mains, nos mains ne voulaient pas encore se quitter. En rentrant, je me suis écroulée, brisée de douleur. Mais dis un peu, dis : il n'a pas fait d'allusion? .
;L'AUTRE.
:D'allusion à quoi?
;LA PREMIÈRE.
:Oui, je veux dire, en ayant l'air de parler en général, comme on fait souvent?
;L'AUTRE.
:Il ne parlait pas, il écoutait ce qu'on disait.
;LA PREMIÈRE.
:Eh! c'est qu'il sent bien, lui, tout le mal qu'on se fait avec ce maudit besoin de parler. Tant qu'au fond de nous subsiste la moindre incertitude, il faudrait rester bouche close, et pourtant, on parle sans savoir ce qu'on dit. Est-ce qu'il était triste? Il avait un sourire triste? Et autour de lui, que disait-on?
;L'AUTRE.
:J'ai oublié. Je ne voudrais pas, ma chérie, te donner des illusions. Tu sais ce qui arrive, on se trompe souvent; il était peut-être indifférent, et son sourire m'a paru triste tout de même. Ah! attends... Je me rappelle... quelqu'un avait dit...
;LA PREMIÈRE.
:Quoi?
;L'AUTRE.
:Quelqu'un avait prononcé une phrase... Attends : " Les femmes sont comme les rêves, elles ne sont jamais comme on les voudrait."
;LA PREMIÈRE.
:Ce n'est pas lui qui a prononcé cette phrase ?
;L'AUTRE.
:Non, non.
;LA PREMIÈRE.
:Ah! mon Dieu! Ai-je bien fait, ou ai-je mal fait? Moi qui me vantais de toujours agir à ma volonté. Je suis bonne, mais je pourrais devenir méchante, et alors, gare à lui!
;L'AUTRE.
:Je voudrais, ma chérie, ne pas te voir renoncer à être telle que tu es.
;LA PREMIÈRE.
:Précisément, comment suis-je? Je ne le sais plus, je te jure, je ne le sais plus. Je ne sens que mobilité, changement en moi. Rien n'a plus aucun poids. Je me tourne d'un côté, de l'autre, je ris, et puis tout d'un coup, je me réfugie dans un coin pour pleurer. Quel tourment! quelle angoisse! Et j'ai tout le temps envie de me cacher le visage pour ne plus me voir, tant j'ai honte de me voir changer ainsi.
{{small{
|borderless|k
|COMME CI (OU COMME ÇA)<br>de Pirandello|<<list filter "[tag[COMME CI (OU COMME ÇA)]]">> |
}}}
!Dom Juan, ou Le Festin de Pierre
!!!//Acte I scène 2// • Profession de foi
;DOM JUAN
Quoi? tu veux qu'on se lie à demeurer au premier objet qui nous prend, qu'on renonce au monde pour lui, et qu'on n'ait plus d'yeux pour personne?
La belle chose de vouloir se piquer d'un faux honneur d'être fidèle, de s'ensevelir pour toujours dans une passion, et d'être mort dès sa jeunesse à toutes les autres beautés qui nous peuvent frapper les yeux!
Non, non: la constance n'est bonne que pour des ridicules; toutes les belles ont droit de nous charmer, et l'avantage d'être rencontrée la première ne doit point dérober aux autres les justes prétentions qu'elles ont toutes sur nos cours.
Pour moi, la beauté me ravit partout où je la trouve, et je cède facilement à cette douce violence dont elle nous entraîne. J'ai beau être engagé, l'amour que j'ai pour une belle n'engage point mon âme à faire injustice aux autres; je conserve des yeux pour voir le mérite de toutes, et rends à chacune les hommages et les tributs où la nature nous oblige. Quoi qu'il en soit, je ne puis refuser mon cœur à tout ce que je vois d'aimable; et dès qu'un beau visage me le demande, si j'en avais dix mille, je les donnerais tous. Les inclinations naissantes, après tout, ont des charmes inexplicables, et tout le plaisir de l'amour est dans le changement.
On goûte une douceur extrême à réduire, par cent hommages, le cœur d'une jeune beauté, à voir de jour en jour les petits progrès qu'on y fait, à combattre par des transports, par des larmes et des soupirs, l'innocente pudeur d'une âme qui a peine à rendre les armes, à forcer pied à pied toutes les petites résistances qu'elle nous oppose, à vaincre les scrupules dont elle se fait un honneur et la mener doucement où nous avons envie de la faire venir.
Mais lorsqu'on en est maître une fois, il n'y a plus rien à dire ni rien à souhaiter; tout le beau de la passion est fini, et nous nous endormons dans la tranquillité d'un tel amour, si quelque objet nouveau ne vient réveiller nos désirs, et présenter à notre cœur les charmes attrayants d'une conquête à faire.
Enfin il n'est rien de si doux que de triompher de la résistance d'une belle personne, et j'ai sur ce sujet l'ambition des conquérants, qui volent perpétuellement de victoire en victoire, et ne peuvent se résoudre à borner leurs souhaits. Il n'est rien qui puisse arrêter l'impétuosité de mes désirs: je me sens un cœur à aimer toute la terre; et comme Alexandre, je souhaiterais qu'il y eût d'autres mondes, pour y pouvoir étendre mes conquêtes amoureuses.
!!!//Acte V, scène 2// • Éloge de l'hypocrisie
;DOM JUAN
... Si j'ai dit que je voulais corriger ma conduite et me jeter dans un train de vie exemplaire, c'est un dessein que j'ai formé par pure politique, un stratagème utile, une grimace nécessaire où je veux me contraindre, pour ménager un père dont j'ai besoin, et me mettre à couvert, du côté des hommes, de cent fâcheuses aventures qui pourraient m'arriver ...
;DOM JUAN
Il n'y a plus de honte maintenant à cela: l'hypocrisie est un vice à la mode, et tous les vices à la mode passent pour vertus. Le personnage d'homme de bien est le meilleur de tous les personnages qu'on puisse jouer aujourd'hui, et la profession d'hypocrite a de merveilleux avantages. C'est un art de qui l'imposture est toujours respectée; et quoiqu'on la découvre, on n'ose rien dire contre elle.
Tous les autres vices des hommes sont exposés à la censure, et chacun a la liberté de les attaquer hautement; mais l'hypocrisie est un vice privilégié, qui, de sa main, ferme la bouche à tout le monde, et jouit en repos d'une impunité souveraine. On lie, à force de grimaces, une société étroite avec tous les gens du parti. Qui en choque un, se les jette tous sur les bras; et ceux que l'on sait même agir de bonne foi là-dessus, et que chacun connaît pour être véritablement touchés, ceux-là, dis-je, sont toujours les dupes des autres; ils donnent hautement dans le panneau des grimaciers, et appuient aveuglément les singes de leurs actions.
Combien crois-tu que j'en connaisse qui, par ce stratagème, ont rhabillé adroitement les désordres de leur jeunesse, qui se sont fait un bouclier du manteau de la religion, et, sous cet habit respecté, ont la permission d'être les plus méchants hommes du monde? On a beau savoir leurs intrigues et les connaître pour ce qu'ils sont, ils ne laissent pas pour cela d'être en crédit parmi les gens; et quelque baissement de tête, un soupir mortifié, et deux roulements d'yeux rajustent dans le monde tout ce qu'ils peuvent faire.
C'est sous cet abri favorable que je veux me sauver, et mettre en sûreté mes affaires. Je ne quitterai point mes douces habitudes; mais j'aurai soin de me cacher et me divertirai à petit bruit. Que si je viens à être découvert, je verrai, sans me remuer, prendre mes intérêts à toute la cabale, et je serai défendu par elle envers et contre tous. Enfin c'est là le vrai moyen de faire impunément tout ce que je voudrai. Je m'érigerai en censeur des actions d'autrui, jugerai mal de tout le monde, et n'aurai bonne opinion que de moi. Dès qu'une fois on m'aura choqué tant soit peu, je ne pardonnerai jamais et garderai tout doucement une haine irréconciliable. Je ferai le vengeur des intérêts du Ciel, et, sous ce prétexte commode, je pousserai mes ennemis, je les accuserai d'impiété, et saurai déchaîner contre eux des zélés indiscrets, qui, sans connaissance de cause, crieront en public contre eux, qui les accableront d'injures, et les damneront hautement de leur autorité privée.
C'est ainsi qu'il faut profiter des faiblesses des hommes, et qu'un sage esprit s'accommode aux vices de son siècle.
<<gradient vert #def #eff>>
!OPÉRA PANIQUE
!!!!!//Alexandro Jadorowsky//
{{menubox{
+++*[Les deux pessimistes]
!!!Les deux pessimistes
<<<
://E et F, pessimistes opiniâtres, arrivent des côtés cour et jardin en ronchonnant.//
://Elles se rencontrent, s’arrêtent et se toisent avec agressivité.//
<<<
E- Tout va mal !
F- Tout va mal !
E- Qu’avez- vous dit?
F- J’ai dit : «//Tout va mal.//» Et vous?
E- Moi aussi j’ai dit : «//Tout va mal !// » Horreur ! Nous sommes d'acccord !
F- Ce n’est pas possible ! Que peut- on faire pour se mettre en saccord ?
E- J’ai une idée.
F- Elle est mauvaise.
E- Oui, elle est mauvaise.
F- Moi aussi, j’ai une idée !
E- Elle est mauvaise aussi !
F- Oui, elle est mauvaise aussi. Toutes nos idées seront mau- ses...
E.- Et nous resterons toujours d’accord.
F.- Il faut absolument que je trouve quelque chose qui aille bien. Comme ça, vous serez en désaccord avec moi... Tout va mal, sauf...
E.- //(Avide.)// Sauf?
F inspire profondément, retient son souffle, réfléchit, ne trouve rien, se dégonfle.
F.- Tout va mal.
E.- Oui, tout va mal... Merde ! Nous sommes d’accord !
://Pause.//
E.- Moi je dis : «//Non !// »
F.- Alors moi je dis : «//Oui !// »
E.- Il ne faut pas que ce soit un oui qui soit d’accord avec mon non, mais bien un oui qui s’oppose à mon non.
F.- C’est bien cela !
E.- Alors, vous êtes d’accord ?
F.- Ah non !
E.- Non ? Mais moi aussi j’ai dit : «//Non !// »
F.- Non quoi ?
E.- Non rien. Et vous ?
F.- //(Désespérée.)// Pareil. //(Soupir.)// Tout va mal.
E.- Oui, tout va mal.
E, F. - Merde !
://Pause.//
E.- //(Avec une conviction exagérée.)// Je suis en total désaccord avec vous !
F. - //(Même jeu.)// Et moi avec vous ! En total désaccord !
E. - Alors pour vous, tout va bien !
F- Vous venez de dire que vous étiez en désaccord avec moi ! Ergo, c’est vous qui trouvez que tout va bien !
E. - Ah non. Pour moi, tout va mal !
F- Pour moi tout va mal ! Nous sommes d’accord !
://Pause.//
F. - Comment faire pour se mettre en désaccord ?
E. - Il n’y a rien à faire. À moins que...
F. - Que l’une de nous disparaisse.
E. - Disparaissez !
F. - Non ! Vous, disparaissez !
E. - Oh, nous sommes enfin en désaccord ! Disparaissez !
F- Disparaissez !
://Elles commencent à se battre. Leurs coups sont identiques et sans énergie.//
://Epuisées, elles s’arrêtent.//
E- Nos forces sont égales.
F- On aura beau se battre toute la vie, aucune de nous deux ne ¦jurra éliminer l’autre.
E- Oui, la seule solution serait que l’une de nous disparaisse, ais c’est impossible.
F.- Oui, c’est impossible. Ce serait pourtant le seul moyen pour que tout aille bien.
E.- Donc, comme je l’ai toujours dit : tout va mal.
F.- C’est ce que je dis toujours : tout va mal.
E. - Nous sommes d’accord.
F. - C’est affreux !
://Noir.//
=== +++*[L’optimiste et la pessimiste]
!!!L’optimiste et la pessimiste
://Rencontre entre G et E, l’une optimiste et l’autre pessimiste inébranlables.//
G.- Comment allez- vous ?
E. - Très mal !
G.- Je vous comprends.
E. - Je n’ai nul besoin d’être comprise.
G.- Je vais essayer de ne pas vous comprendre.
E. - N’essayez rien avec moi.
G.- Je vais faire comme si vous n’existiez pas.
E. - J’existe !
G.- Belle journée.
E. - Il fait trop chaud.
G.- Oui, il fait trop chaud.
E. - Ne répétez pas ce que je dis.
G.- Il fait trop froid.
E. - Cessez de me contredire.
G.- C’est pour vous aider.
E. - Je n’ai pas besoin de votre aide.
G.- Je ne vous aide pas.
E. - Quoi ! Je ne mérite donc pas d’être aidée ?
G.- Si, mais vous ne voulez pas qu’on vous aide.
E. - Qu’est- ce que ça change, que je le veuille ou non ?
G. - En quoi puis- je vous aider ?
E. - En rien.
G. - Je vais essayer de vous amuser.
E. - Peine perdue.
G. - Une devinette : quelle est la différence... ?
E. - Que m’importe cette différence, puisque, hélas, il y en a une?
G. - Il était une fois...
E. - S’il était une fois, ce n’est plus. C’est bien triste.
G. - Quand un Juif rencontre un Écossais...
E. - Raciste !
G. - Ne vous fâchez pas.
E. - Pas d’interdits !
G. - Fâchez- vous !
E. - Pas d’ordres !
G. - Je me tais.
E. - Votre silence me dérange.
G. - Alors je parle.
E. - Arrêtez avec ce bruit !
G. - Je m’en vais.
E. - Vous m’abandonnez? C’est vexant.
=== +++*[Les deux optimistes]
!!!Les deux optimistes
://A et D, optimistes résolus, arrivent de côtés opposés, dansant et chantant gaiement.//
A, D. - //(Chantonnant.)// La vie est belle, la vie est belle.
D. - Tout le monde se dispute, sauf nous.
A.- C’est vrai. Qu’est- ce qu’on peut faire pour changer ça ?
://D réfléchit.//
D. - C’est très facile !
://Il sort une pomme de sa poche.//
D. - Tu vois cette pomme ?
A. - Je la vois.
D. - Alors, je la mets ici.
://Il la pose devant eux, sur le sol.//
D. - Maintenant, je dis : «Cette pomme est à moi.» Toi tu réponds : «Non, cette pomme est à moi ! » Et on se dispute.
A. - Bravo, j’ai compris !
D. - Bien, alors commençons. //(Faussement fâché.)// Cette pomme est à moi !
A. - //(Faussement fâché.)// Cette pomme est à toi !
D. - Non. «À moi» !
A. - Oui, à toi !
D. - //(Exaspéré.)// La pomme est à toi !
A. - Si tu me donnes la pomme, je ne peux pas me fâcher. Merci beaucoup.
://Il prend la pomme.//
A. - La vie est belle !
D. - Oui, très belle !
://A s’apprête à mordre la pomme.//
D la lui prend et la repose sur le sol.
D. - On s’est trompés. Reprenons.
A. - D’accord.
D. - Cette fois, c’est toi qui commences.
A. - D’accord. //(Faussement fâché.)// Cette pomme est à moi !
D. - //(Faussement fâché.)// Non, cette pomme est à moi !
A. - //(Généreux.)// D’accord, elle est à toi.
D. - //(Prenant la pomme.)// Merci beaucoup !
://Il partage la pomme en deux.//
://Il en donne une moitié à A.//
://Tous deux mangent, souriants.//
A. - La vie est belle !
D. - Oui, très belle !
://Pause.//
A, D. - Ce n’est pas possible !
A. - Maintenant qu’on a mangé la pomme, il faut trouver un autre sujet de discorde.
D. - J’ai une idée !
A. - Oui ?
D. - Tu tends la joue, comme ça... Moi, je te donne une gifle. Toi, tu te fâches, et on se dispute.
A. - Bravo, j’ai compris !
D. - Allons- y.
://A tend la joue.
D, faussement féroce, se prépare à don ner le coup, mais s’arrête.//
D. - Tu me fais de la peine.
A. - //(Tremblant.)// Frappe !
D. - Tu me fais vraiment de la peine !
A. - //(Tremblant davantage.)// Vas- y, casse- moi une dent !
D. - Je ne peux pas !
A. - //(Déçu.)// Et alors, comment on va faire pour se disputer?
D. - Insulte- moi, pour que je me mette en colère !
A. - Cochon ! Porc ! Goret ! Verrat !
D. - Encore, insulte- moi encore !
A. - Verrat ! Goret ! Porc ! Cochon !
D. - Encore ! Encore !
A. - Porchon ! Gorrat ! Cochoret !
D. - Ce n’est pas assez, je ne suis pas fâché.
A. - Je ne connais pas d’autres insultes...
D. - Ça ne fait rien, c’est le ton qui compte, pas le concept. Dit avec violence, tout devient une insulte.
A. - Je comprends... //(D’abord violent, puis au fur et à mesure de plus en plus tendrement.)// Pomme frite ! Bicyclette verte ! Saucisson sec ! Télescope ! Microscope ! Cravate ! Tomate ! Cerise ! Bouton ! Arbre ! Arbuste ! Petite fleur ! Lapin ! Poussin ! Mon ami !
://Ils tombent dans les bras l’un de l’autre.//
://Ils se séparent.//
D. - Ce n’est pas possible !
A. - On ne réussira jamais à se disputer ! o. - Jamais !
://D pleure.//
A. - //(Lui caressant la tête.)// Pauvre petit, ne pleure pas.
://Il se met à pleurer aussi.//
D. - //(Lui caressant la tête.)// Toi non plus, pauvre petit, ne pleure pas.
A, D. - //(Se consolant mutuellement.)// Ne pleure plus, pauvre petit, mon lapin, mon poussin, mon ami !
://Heureux, ils s’en vont ensemble, dansant et chantant gaiement.//
A, D. - La vie est belle ! La vie est belle !
://Noir.//
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+++*[Être ou ne pas être]
!!!Être ou ne pas être
://D, imitant Hamlet, a une balle blanche dans la main en guise de crâne.//
D. - //(Solennel.)// Etre ou ne pas être... Être et ne pas être, en même temps... Ne pas être mais être en train d’être... Être en cessant d’être... Être aujourd’hui, pas demain, après-demain si... Etre sur le point d’être... Être hors de l’être... Être dans le non-être... Ne pas être ici, mais être là-bas... Être là où l’on n’est pas... Ou ne pas être là où l’on est... Être les infinies formes de letre... N’être jamais... Etc., etc. Telle est la question !
://A, B, C, E, F et G, assis à cour et à jardin, l’applaudissent.//
://D salue avec une feinte modestie évidente.//
://Il s’assoit et fait mine de se démaquiller devant un miroir.//
D. - //(Se parlant à lui-même dans le miroir.)// Les yeux dans les yeux, avoue que tu es le meilleur !
G. - //(Myope et exagérément enthousiaste, s’avançant.)// Magnifique ! Formidable ! Sublime !
D. - //(Vaniteux.)// Hum, vous exagérez.
G. - Vous m’avez émue aux larmes. Vous êtes un génie ! Vous êtes le seul à pouvoir interpréter Hamlet de cette façon.
D. - //(Faussement tnodeste.)// Je n’ai aucun mérite. Tout le succès de mon interprétation, je le dois à cette belle voix dont j’ai été doté par le destin.
G. - C’est dommage que les autres spectateurs ne vous comprennent pas. Il n’y a que moi qui vous comprenne.
D. - //(Inquiet.)// Et que disent les autres spectateurs ?
G. - Ils prétendent que votre diction est nulle, qu’on ne saisit pas un mot de ce que vous dites, qu’on dirait que vous avez de la purée entre les dents... Ce ne sont que des sales menteurs !
D. - //(Blessé.)// Mais, comment ? Je me brosse les dents tous les matins et...
G. - Attendez, ce n’est pas tout ! Ces imbéciles se moquent de votre démarche.
D. - //(Très inquiet.)// De ma démarche ? Qu’est-ce qu’elle a, ma démarche?
G. - Rien, elle est divine. Mais les uns disent que vous marchez comme si vous aviez des cors aux pieds, et les autres que vous vous déplacez comme un clown, avec les pieds en canard.
D. - //(Se levant et marchant tel quelle l’a décrit.)// Oh, public injuste !
G. - Je les tuerai, ces vipères. Ils prétendent que vous n’avez aucune personnalité, que vous n’êtes qu’un acteur minable, vide et insignifiant. Qu’à chacune de vos phrases, c’est une telle pluie de postillons qu’il faut ouvrir son parapluie... Mais moi, et seulement moi, je sais que vous êtes un génie ! Donnez-moi un autographe, même si c’est le seul qu’on vous demande cette saison...
://D lui signe un autographe.//
://G s’en va.//
://D se laisse tomber sur sa chaise, complètement déprimé.//
=== +++*[La noyade]
!!!La noyade
://C est debout au centre de la scène.//
narrateur. - Un homme qui ne sait pas nager tombe dans une piscine.
://C tombe au sol et, comme s’il était dans une piscine, il gesticule pour ne pas se noyer.//
C. - Au secours ! Je me noie !
://A, B et D se placent dans la même disposition que dans la scène des «Nageurs» et s’approchent comment s’ils voidaient aider C, mais reculent aussitôt.//
B. - Halte ! Avant d’agir, il nous faut savoir si cet homme appelle à l’aide pour lui-même, pour nous, ou au nom de l’humanité tout entière s’adressant à un dieu qui fait la sourde oreille !
D. - Oui, attendez ! Ce n’est peut-être pas de l’aide que cet homme réclame! Dans la bouche d’un exhibitionniste, «au secours» peut vouloir dire «regardez-moi».
C. - Je me noie ! Aidez-moi, par pitié !
A. - Pitié, pitié, et puis quoi encore? Moi, j’affirme que si quelqu’un est là où il est, c’est qu’il l’a bien cherché. Chacun est responsable de ce qui lui arrive, puisqu’il a permis que cela lui arrive. Le monde n’est qu’une projection subjective...
C. - Je vous en supplie, faites quelque chose !
B. - Il ne suffit pas de claquer des doigts pour «faire quelque chose», ce n’est pas si facile! Ma situation matérielle et spirituelle est précaire. De quel droit m’ériger en sauveur, si je ne me suis pas encore tout à fait sauvé moi-même ?
://C tend la main vers A, B et D.//
C. - Donnez-moi la main ! Il suffit de tirer !
D. - Méfiance ! Dans quelle mesure cet homme se trouve-t-il réellement en danger? Qui nous dit qu’il n’a pas les pieds bien plantés au fond de la piscine, et que son intention en nous tendant la main n’est pas de nous entraîner dans son eau empoisonnée ?
://C s’enfonce sous l’eau, puis ressort en essayant de reprendre son souffle, à moitié noyé.//
C. - C’est un puits sans fond ! Les sardines carnivores me mordent les jambes ! Elles m’auront bientôt dévoré tout entier ! Sauvez-moi !
A. - Mon fils, si notre Père tout-puissant t’appelle à lui, ne t’accroche pas à la vie terrestre. Cesse de te débattre, prie, montre -toi digne de la bienveillance divine...
C. - Dieu, je l’emmerde ! Sauvez-moi, vous !
://AetD tentent de s’approcher, mais B les retient.//
B. - Que personne ne bouge ! Avant d’agir, il nous faut connaître les antécédents de ce citoyen. Qui nous dit qu’il est tombé à l’eau ? On l’y a peut-être jeté sur décision de justice !
D. - Et quand bien même il serait innocent, cet homme devrait se réjouir de son angoisse : avant de tomber à l’eau, sa vie était probablement un naufrage ; maintenant qu’il se noie, il se sent enfin vivre. Ce n’est pas moi qui viendrai interrompre, en le sauvant, ce processus de découverte de lui-même.
C. - Bande de salauds ! Si c’est comme ça, adieu et merci pour tout !
://Il se noie et flotte à plat ventre, mort.//
://A, B et D s’inquiètent et commencent à l’appeler à grands cris ://
B. - Holà, monsieur, restez correct !
D. - Débattez-vous, buvez la tasse, cessez de faire le mort !
A. - Criez : «Au secours», paresseux ! Faites votre devoir !
B. - Ne soyez pas fainéant : agitez les jambes, vomissez de l’eau !
D. - Ne nous rendez pas inutiles !
B. - Notre mission dans la vie, c’est de vous sauver.
A. - Il nous faut un homme qui se noie !
B. - Sans naufrage, la création perd son axe !
D. - Vous êtes le centre du système, appelez à l’aide, soyez responsable !
A. - Allez, essayez de saisir notre main. Mais que ce soit clair : on ne vous propose pas de la prendre, nous ne vous la donnerons pas. Il s’agit seulement d’essayer. Obtenir, c’est vulgaire ; ce qui compte, c’est d’essayer encore et toujours.
B. - Réveillez-vous et essayez !
D. - Oui, essayez !
A. - Essayez, s’il vous plaît !
://Ils tendent leur main avec tant d’ardeur qu’ils tombent à l’eau.//
B. - Au secours, je ne sais pas nager, sortez-moi de là !
D. - Ne m’enlevez pas les mots de la bouche, celui qui se noie, c’est moi ! A l’aide !
A. - Chers collègues, votre manque de respect me surprend. C’est moi, plus que quiconque, qui mérite d’être sauvé !
://Ils se battent pour monter sur C, qui flotte, inanimé.//
B. - Ordures !
D. - Enflures !
A. - Pourritures !
://Ils se battent et se noient.//
://Tous flottent à plat ventre, morts. Noir.//
=== +++*[Dialogue amoureux]
!!!Dialogue amoureux
E. - J’ai des réponses ! J’ai des réponses ! Mais personne n’a de question !
A. - Moi, j’ai une question !
E. - Enfin !
A. - Quelle est la seule réponse qui n’a pas de question ?
E. - Ça, c’est la seule question qui n’a pas de réponse !
A. - Alors dites-moi, quelle est la réponse qui répond à toutes les questions ?
E. - Je vous le dirai si vous, vous me dites quelle est la question qui est bonne pour toutes les réponses.
A. - //(Réfléchissant.)// Hmm... Comment est-ce que vos réponses pourraient ne plus être des questions ?
E. - Il faudrait pour cela que vos questions ne soient plus que des questions, et rien d’autre.
A. - Alors, au fond, toute question est une réponse.
E. - Et toute réponse, au fond, est une question. Voilà, c’est ça !
://Ils s’enlacent passionnément.//
A. - J’ai des réponses ! J’ai des réponses !
E. - J’ai des questions ! J’ai des questions
//Noir.//
=== +++*[La femme au fusil]
!!!La femme au fusil
://Noir.//
://F s’avance, traînant un fusil dont le canon fait deux mètres cinquante de long et dont la crosse porte une série de traits à la craie.//
F. - Adieu, monde cruel !
://Elle appuie le bout du canon sur sa tempe et allonge le bras pour tenter d’atteindre la gâchette.//
://Après plusieurs tentatives infructueuses ://
F. - //(Avec exaspération.)// À l’aide ! N’y a-t-il pas un homme qui puisse venir m’aider ?
://A s’avance.//
A. - Vous m’avez appelé, madame ?
F. - Oui. J’ai besoin de votre aide. Rendez-moi le service d’appuyer sur la gâchette.
A. - Vous plaisantez ? Si je réponds à votre requête, je vous fais sauter la cervelle.
F. - Oui, c’est bien ce que je veux. Si vous avez l’intention de m’aider, allez-y, faites-le. Ce n’est qu’un petit geste de l’index.
A. - Parce que vous croyez que c’est facile d’éliminer une personne, comme ça, sans raison? Qui pourrait assumer sans broncher pareille responsabilité ?
F. - Moi, je le pourrais.
A. - Ah oui ?
F. - Vous voulez que je vous le prouve ?
A. - //(Riant.)// Bien sûr !
F. - Tenez.
://Elle retourne le fusil et le tend vers A.//
://Il pose le bout du canon sur sa tempe en souriant.//
://F pose le doigt sur la gâchette.//
A. - Alors, qu’est-ce que vous ressentez ?
F. - Rien.
A. - Sérieusement, vous vous croyez réellement capable d’appuyer sur la gâchette ?
F. - Oui, bien sûr.
A. - Allons donc ! Essayez, pour voir.
://F presse la gâchette. Coup de feu.//
://A tombe mort.//
://F, à l’aide d’une craie, dessine un trait de plus sur la crosse.//
F. - Mort aux cons !
://Noir.//
===
<<gradient horiz #ffddee #ffeeee #ffddcc>>/%
|Description:|60 phrases dures à dire|
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**Agathe attaque Tac, Tac attaque Agathe.
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**Ah pourquoi pepita, sans répit m'épies tu? <br>Dans les bois pépita, pourquoi te tapies tu? <br>tu m'épies Pépita, c'est piteux de m'épier...<br>de m'épier pépita, ne peux-tu te passer?
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**Babylas baladin emballe bonnement des balles <br>tandis que Babette ballerine étoile du corps de ballet se balance mollement sur le bout d'une barre de bois.
#
**Bruno bêche Benoît bine; Bruno bine Benoît bêche.
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**C'est l'évadé du Nevada qui s'évada dans la vallée, <br>dans la vallée du Nevada qu'il dévala pour s'évader sur un vilain vélo volé qu'il a volé dans une villa <br>et le valet qui fut volé vit le vélo qui s'envola.<br>Si l'évade du Nevada s'est évadé dans la vallée c'est qu'il pensait qu'on l'y verra.<br>Il voulait pour se lever le divan de la Diva qui vit l'évadé s'affaler mais quand le valet le vit là, il se mit là pour l'éviter...<br>Et l'évadé du Nevada fut délavé dans la vallée par toute l'eau qui tombait là et l'on vit l'évadé vanné s'avouer que la vie d'évadé ne valait pas la vie d'avant car en vélo quand il y a du vent on est vidé, c'est évident! <br>Et l'évadé du Nevada a pédalé dans la vallée et l'évadé a dit là: <br>"Là je dis que vous m'en voulez car toute l'eau qui m'a lave, et toute l'eau que j'ai avalé m'a dégoûté de m'évader dans la vallée du Nevada".<br>Et voilà.
#
**C'est l'histoire d'un gars qui s'appelle Paul, <br>qui meurt de froid en pleine région polaire, <br>dans un amas de vêtements divers et décolorés, <br>recherchant vainement une pierre précieuse avec un outil inapproprié, <br>alors que sa fiancée tarde à lui téléphoner depuis sa voiture allemande.<br>''Moralité :'' <br>Paul se pèle au pôle dans une pile de pulls et de polos pâles.<br>Pas plus d'appel de la poule en Opel que d'opale dans la pelle à Paul.
#
**Ce chat chauve caché sous ces six chiches souches de sauge sèche.
#
**Chez les Papous, y'a des papas Papous et des pas papa Papous.
#
**Choisissons ces saucisses aux choux et sachons saisir ces anchois séchés.
#
**Cinq ou six officiers gascons passant certains soirs à Soissons marchandèrent des saucissons: Combien ces cinq saucissons ? A vingt sous c'est cent sous.
#
**Ciel, si ceci se sait, ces soins sont sans succès.
#
**Didon dîna, dit-on, de deux dodus dindons.
#
**Donne-lui à minuit huit fruits cuits et si ces huit fruits cuits lui nuisent, donne lui huit fruits crus.
#
**Gisèle gèle des aisselles sous l'échelle chez elle à Courchevel.
#
**Il faut qu'un sage garde-chasse sache chasser tous les chats qui chassent dans sa chasse.
#
**J'ai bu de bleus beaux globules.
#
**Je cherche ces chiots chez Sancho.<br> Je cherche ces chats chez Sacha.<br> Je cherche ces seize cent seize chaises chez Sanchez.<br>
#
**Je suis un original qui ne se désoriginalisera jamais.
#
**Je vais laisser mes chats lècher ça !
#
**Je veux et j'exige d'exquises excuses.
#
**Je veux et j'exige dix-huit chemises fines et six fichus fins !
#
**L'assassin sur son sein suçait son sang sans cesse
#
**L'énorme orme morne orne la morne vallée.
#
**L'huile de ces huit huiliers huilent l'ouie de l'huissier.
#
**La cavale au Valaque s'lave dans l'eau du lac<br>L'eau du lac lave la cavale au Valaque.
#
**La maman du manant manie nos manies maniaques sans manière.
#
**La pie pond sans piper devant le paon pompeux qui papote.
#
**Le dalaï lama a la dalle à Lima et casse la dalle à Dallas.<br> Du Lima au Mali et du Mali au Lima il lit mal, le dalaï lama.<br> La lame de la lime limant l'aimant qui le lie à la lie de l'ami de Lima qui l'aima<br> qui l'eut dit : c'est dali en lama l'ami du dalaï lama de l'Himalaya.<br>
#
**Le respectable spectre du spectacle inspecte l'estrade esquintée
#
**Les chemises de l'archiduchesse sont-elles sèches, archi-sèches ?
#
**Natacha n'attacha pas son chat Pacha qui s'échappa, celà facha Sacha qui chassa Natacha
#
**Ninon ne nous l'avait pas donné ni ne nous l'avait nommé
#
**Onze oncles, onze ongles, on jongle, l'ongle de l'oncle, l'angle de l'ongle.
#
**Papa boit dans les pins.<br>Papa peint dans les bois.<br>Dans les bois, papa boit et peint .
#
**Papier piano panier, papier piano panier, papier piano panier
#
**Petit pot de beurre, quand te dépetit pot de beurreriseras-tu ?- Je me dépetit pot de beurreriserai quand tous les petits pots de beurre se dépetit pot de beurreriseront.
#
**Pie niche haut <br> oie niche bas.<br> Où niche hibou? <br> Hibou niche ni haut ni bas.<br> Hibou niche pas
#
**Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes ?
#
**Qu'a bu l'âne au lac? <br> -L'âne au lac a bu l'eau
#
**Rat vit rôt, rôt tenta rat, rat mit patte à rôt, rot brûla pattes à rat, rat quitta rôt.
#
**Sage chasseur âgé aux yeux chassieux, sachez chasser sans chien chose aisée
#
**Sans bruit sur le miroir des lacs profonds et calmes le cygne chasse l'onde et glisse
#
**Si je mouille mes coudes, mes coudes se mouillent -ils? Oui, mes coudes se mouillent.
#
**Si six cents scies scient six cents cigares, six cent six scies scieront six cent six cigares.
#
**Si tu m'eusses cru,<br>Tu te fusses tu.<br>Te fusses-tu tu,<br>Tu m'eusses plus cru !
#
**Son sage chat, son sage chien, son sage singe.
#
**Suis-je chez ce cher Serge ?
#
**Sur six souches couchées séchaient seize chemises et soixante chaussettes toutes sens dessus dessous.
#
**Tas de riz, tas de rats, Tas de ris tentant, Tas de rats tentés, Tas de riz tentant tenta tas de rats tentés, Tas de rats tentés tâta tas de riz tentant.
#
**tonton toto, ton thé t'a t-il oté ta toux?
#
**Totor t'as tort, tu t'uses et tu te tues, pourquoi t'entêtes-tu ? En t'entêtant, t'entends Totor, tu te tues et t'as tort.
#
**Tout étant à tenter, toto, pour que tout aille, <br>ta tante et ton tonton t'ont oté tour à tour, ta toque et ton tutu, atout de ta beauté...<br>tant tentant son ton teint et ta tête et ta taille !
#
**Trois bonnes grosses grasses grand-mères aux beaux gros bras blancs croquent trois gros ronds radis roses.
#
**Trois tortues à triste tête trottaient sur trois toits très étroits.
#
**Trois très gras rats gris dans trois très gros trous creux.
#
**Trois très gros, gras, grands rats gris grattent.
#
**Un ange qui songeait à changer son visage pour donner le change, <br>se vit si changé, que loin de louanger ce changement, <br>il jugea que tous les autres anges jugeraient que jamais ange ainsi changé ne rechangerait jamais, <br>et jamais plus ange ne songea à se changer.
#
**Un chèque kitch c'est chic, un tchèque trotskiste çà choque
#
**Un jour Kiki la cocotte demande à Coco le concasseur de cacao de lui offrir un caraco kaki avec un col de caracul.<br>Coco le concasseur de cacao voulu bien offrir à Kiki la cocotte le caraco kaki mais sans col de caracul.<br>Or vint un coquin qui conquit le cœur de Kiki la cocotte.<br>Il offrit à Kiki la cocotte le caraco kaki avec le col de caracul ! conclusion : Coco le concasseur de cacao fut cocu.
#
**Un pêcheur péchait à l'ombre d'un pêché, <br>le pêché empêchait le pécheur de pécher, <br>le pécheur coupa le pêché, <br>le pêché n'empêcha plus le pécheur de pécher.
#
**Voici six chasseurs se séchant, sachant chasser sans chien.
>>
{{right small italic{[[atatheatre|http://www.atatheatre.com/Diction.htm]]}}}
{{blue small italic center{plus de 50 textes pour se gymnastiquer le bec}}}
!Tour de France//
animation de Natacha//^^
Jeudi 19 juillet Mouffetard^^
!!!!Textes envisagés :
*La droite et lecercle de Cummings
*Le trio de TÔPHER MILLS
*Les forçats de la route
*Le public
*L'aigle casqué
*Neruda
*Fignon
!Dis « a »
!!!!DEUXIEME NUIT /%
|Description:|MatteïVisniec - Elle et Lui. Ils se reposent dos contre dos ...|
%/
>//Dans la pénombre. Peut-être qu’ils viennent de faire l’amour. Ils se reposent assis par terre, dos contre dos, les têtes appuyées l'une contre l’autre. Elle mange des grains de raisin. Il tient une cigarette non allumée entre ses lèvres et un briquet entre ses doigts.//
;ELLE
: Dis «a».
;LUI
: a.
;ELLE
: Plus tendre «a».
;LUI
: a.
;ELLE
: A voix basse «a».
;LUI
: a.
;ELLE
: Je veux un a doux «a».
;LUI
: a.
;ELLE
: A haute voix mais doux «a».
;LUI
: a.
;ELLE
: Dis «a» comme si tu disais que lu m’aimes.
;LUI
: a.
;ELLE
: Dis «a» comme si tu disais que tu ne m’oublieras jamais.
;LUI
: a.
;ELLE
: Dis «a» comme si tu disais que je suis belle.
;LUI
: a !
;ELLE
: Dis «a» comme si tu disais que tu es un eon.
;LUI
: a.
;ELLE
: Dis «a» comme si tu disais que tu me désires.
;LUI
: a.
;ELLE
: Dis «a» comme si tu me disais «reste !».
;LUI
: a.
;ELLE
: Dis «a» comme si tu me disais «déshabille-toi !».
;LUI
: a !
;ELLE
: Dis «a» comme si tu me demandais pourquoi je suis en retard.
;LUI
: a.
;ELLE
: Dis «a» pour me dire bonjour.
;LUI
: a.
;ELLE
: Dis «a» pour me dire au revoir.
;LUI
: a.
;ELLE
: Dis «a» pour me demander si je t'ai apporté quelque chose.
;LUI
: a ?
;ELLE
: Dis «a» pour me dire que tu es heureux.
;LUI
: a.
;ELLE
: Dis «a» pour me dire que tu ne veux plus jamais me revoir.
;LUI
: a !
;ELLE
: Non, c'est pas ça ...
;LUI
: a !
;ELLE
: Ecoute, si tu n'obéis pas j'arrête le jeu.
;LUI
: a...
;ELLE
: Alors, dis «a» comme si lu me disais que tu ne veux plus jamais me revoir.
;LUI
: a ...
;ELLE
: Très bien. Maintenant, dis «a» comme si tu me disais que tu as très mal dormi sans moi, que t'as rcvè seulement de moi et que le matin tu t'es réveillé extrêmement fatigué et sans aucune envie de continuer à vivre.
;LUI
: a...
;ELLE
: Hm. Dis «a» pour me dire que tu as quelque chose de très important à me dire.
;LUI
: a.
;ELLE
: Dis «a» pour me dire d’arrêter de te demander de dire a.
;LUI
: a !
;ELLE
: Dis «a» pour dire que c’est merveilleux de parler seulement avec un a.
;LUI
: a.
;ELLE
: Demande-moi de dire «a».
;LUI
: a.
;ELLE
: Demande-moi de dire un «a» doux.
;LUI
: a.
;ELLE
: Demande-moi de dire un «a» doux à voix basse.
;LUI
: a.
;ELLE
: Demande-moi si je t'aime autant que tu m'aimes.
;LUI
: a...?
;ELLE
: Dis-moi que je te rends fou.
;LUI
: a !
;ELLE
: Et que tu en as assez !
;LUI
: a !
;ELLE
: Bon ... Est-ce que je veux un café ?
;LUI
: a ?
;ELLE
: Bien sûr que j'en veux.
://Il se lève et lui verse du café.//
;LUI
: a ?
;ELLE
: Un petit morceau, merci
;LUI
: (il lui tend son paquet de cigarettes) a ?
;ELLE
: Non, j'ai les miennes.
://Elle sort un paquet de cigarettes. Elle en prend une.//
;LUI
: //(il lui tend son briquet)// a ?
;ELLE
: Non, pas pour l'instant.
;LUI
: a ?
;ELLE
: Je ne sais pas ... Mais peut-être que je préfère quand meme qu'on mange à la maison.
;LUI
: a.
;ELLE
: D'accord, mais il y a de la sauce ?
;LUI
: a.
;ELLE
: Alors on sort.
;LUI
: a !
;ELLE
: Alors on reste.
;LUI
: a...
;ELLE
: Viens là ...
;LUI
: a...
;ELLE
: Regarde-moi droit dans les yeux.
;LUI
: a.
;ELLE
: Dis «a» dans ton esprit.
;LUI
: ...
;ELLE
: Plus doux ...
;LUI
: ...
;ELLE
: Plus fort. Et plus clair pour que je puisse le capter.
;LUI
: ...
;ELLE
: Maintenant dis «a» dans ton esprit comme si tu disais que tu m'aimes...
;LUI
: ...
;ELLE
: Encore une fois.
;LUI
: ...
;Elle
: Encore une fois.
;LUI
: ...
;ELLE
: Dis «a» dans ton esprit comme si lu disais que tu ne m'oublieras jamais ...
;LUI
: ...
;ELLE
: Dis «a» dans ton esprit comme si tu disais que je suis belle.
;LUI
: ...
;ELLE
: Et maintenant je vais te demander quelque chose ... Quelque chose de très important ... Et tu vas me répondre dans ton esprit. Tu es prêt ?
;LUI
: ...
;ELLE
: «a» ?
;LUI
: ...
;ELLE
: ...
;LUI
: ...
://Dans le noir//
://Le téléphone sonne. Il ne décroche pas. La cassette du répondeur se met en marche.//
:Michel, bonsoir, c'est encore ~Jean-Marc, bon, alors, à l'envoi que tu me feras parvenir donc pour la lettre de contrat d'auteur j'aurai besoin d'un relevé d'identité bancaire te concernant. Voilà. Si tu as besoin d’informations tu peux me rappeler chez Yolande ou ce soir chez moi. A bientôt.
;Don Diègue
Ô rage ! ô désespoir ! ô viellesse ennemie !
N'ai-je donc tant vécu que pour cette infamie ?
Et ne suis-je blanchi dans les travaux guerriers
Que pour voir en un jour flétrir tant de lauriers ?
Mon bras qu'avec respect tout l'Espagne admire,&
Mon bras, qui tant de fois a sauvé cet empire,
Tant de fois affermi le trône de son roi,
Trahit donc ma querelle, et ne fait rien pour moi ?
Ô cruel souvenir de ma gloire passée !
Oeuvre de tant de jours en un jour effacée !
Nouvelle dignité fatale à mon bonheur !
Précipice élevé d'où tombe mon honneur !
Faut-il de votre éclat voir triompher Le Comte,
Et mourir sans vengeance, ou vivre dans la honte ?
Comte, sois de mon prince à présent gouverneur ;
Ce haut rang n'admet point un homme sans honneur ;
Et ton jaloux orgueil par cet affront insigne
Malgré le choix du roi, m'en a su rendre indigne.
Et toi, de mes exploits glorieux instrument,
Mais d'un corps tout de glace inutile ornement,
Fer, jadis tant à craindre, et qui, dans cette offense,
M'as servi de parade, et non pas de défense,
Va, quitte désormais le derniers des humains,
Passe, pour me venger, en de meilleurs mains.
~~~~~~~~~~~~~~~~
@antolinos @j
!Don Juan et Elvire//
^^Acte I - fin de scène2 et scène 3^^//
+++^80%^*@[LE JEU]{{menubox green{À mon sens cette scène est double :
#Elle produit un portrait réaliste d'une femme profondément blessée, en qui subsistait néammoins une lueur d'espoir amoureux.<br>
#Elle est une satire par Molière des grande scènes de tragédie : la conduite du héros est toute contraire à celle du héros tragique, c'est la victime qui singe les grandes tirades du héros déchiré.
Le comique de la scène est au second degré : il provient de ce que les acteurs jouent leur partition le plus sérieusement du monde, mais dans le plus parfait contre-pied de ce à quoi on s'attend d'habitude !}}}
===
;DON JUAN.
://Tout guilleret, ravi de son plan//
:Ah ! Songeons à ce qui nous peut donner du plaisir.
:La personne qui m'occupe, est une jeune fiancée, la plus agréable du monde, qui a été conduite ici par celui même qu'elle y vient épouser ; et le hasard me fit voir ce couple d'amants, trois ou quatre jours avant leur voyage.
:Jamais je n'ai vu deux personnes être si contents l'un de l'autre, et faire éclater plus d'amour.
:La tendresse visible de leurs mutuelles ardeurs me donna de l'émotion ; j'en fus frappé au coeur, et mon amour commença par la jalousie.
:Oui, je ne pus souffrir d'abord de les voir si bien ensemble, le dépit alarma mes désirs, et je me figurai un plaisir extrême, à pouvoir troubler leur intelligence, et rompre cet attachement, dont la délicatesse de mon coeur se tenait offensée ; mais jusques ici tous mes efforts ont été inutiles, et j'ai recours au dernier remède.
:Cet époux prétendu doit aujourd'hui régaler sa maîtresse d'une promenade sur mer, sans t'en avoir rien dit, toutes choses sont préparées pour satisfaire mon amour,
:et j'ai une petite barque et des gens, avec quoi fort facilement je prétends enlever la belle.
;SGANARELLE.
:Ha ! Monsieur...
;DON JUAN.
:Hen ?
;SGANARELLE.
:C'est fort bien à vous, et vous le prenez comme il faut, il n'est rien tel en ce monde que de se contenter.
;DON JUAN.
:Prépare-toi donc à venir avec moi, et prends soin toi-même d'apporter toutes mes armes, afin que...
:Il aperçoit Dona Elvire.
:Ah ! Rencontre fâcheuse, traître, tu ne m'avais pas dit qu'elle était ici elle-même.
;SGANARELLE.
:Monsieur, vous ne me l'avez pas demandé.
;DON JUAN.
:Est-elle folle, de n'avoir pas changé d'habit, et de venir en ce lieu-ci avec son équipage de campagne ?
!!!SCÈNE III.//
Dona Elvire, Don Juan, Sganarelle.//
//Don Juan se tient à distance, sans la saluer, ni la regarder, et même se détournant.
Silence glaçant.//
;DONA ELVIRE.
:Me ferez-vous la grâce, Don Juan, de vouloir bien me reconnaître, et puis-je au moins espérer que vous daigniez tourner le visage de ce côté ?
;DON JUAN.
://Sans aucun égard.// Madame, je vous avoue que je suis surpris, et que je ne vous attendais pas ici.
;DONA ELVIRE.
:+++^80%^*@[Oui, je vois bien que vous ne m'y attendiez pas]{{menubox green{Dans cette réplique elle dit sa douleur,<br>mais en ne manifestant que colère contre elle-même, dans l'espoir fou - peut-être - d'obtenirune protestation d'amour de Don Juan.}}}=== ; et vous êtes surpris, à la vérité, mais tout autrement que je ne l'espérais, et la manière dont vous le paraissez me persuade pleinement ce que je refusais de croire. J'admire ma simplicité, et la faiblesse de mon coeur, à douter d'une trahison, que tant d'apparences me confirmaient. J'ai été assez bonne, je le confesse, ou plutôt assez sotte pour me vouloir tromper moi-même, et travailler à démentir mes yeux et mon jugement. J'ai cherché des raisons pour excuser à ma tendresse le relâchement d'amitié qu'elle voyait en vous ; et je me suis forgé exprès cent sujets légitimes d'un départ si précipité, pour vous justifier du crime dont ma raison vous accusait. Mes justes soupçons chaque jour avaient beau me parler, j'en rejetais la voix qui vous rendait criminel à mes yeux, et j'écoutais avec plaisir mille chimères ridicules qui vous peignaient innocent à mon coeur ; mais enfin cet abord ne me permet plus de douter, et le coup d'oeil qui m'a reçue m'apprend bien plus de choses, que je ne voudrais en savoir. Je serai bien aise pourtant d'ouïr de votre bouche les raisons de votre départ. Parlez, Don Juan, je vous prie, et voyons de quel air vous saurez vous justifier !
;DON JUAN.
//Fuyant toute relation, ne serait-ce qu'oculaire, avec Dona Elvire.//
:Madame, voilà Sganarelle, qui sait pourquoi je suis parti.
;SGANARELLE.
:Moi, Monsieur, je n'en sais rien, s'il vous plaît.
;DONA ELVIRE.
:Hé bien, Sganarelle, parlez, il n'importe de quelle bouche j'entende ses raisons.
:DON JUAN, //faisant signe d'approcher à Sganarelle.//
:Allons, parle donc à Madame.
;SGANARELLE.
:Que voulez-vous que je dise ?
;DONA ELVIRE.
:Approchez, puisqu'on le veut ainsi, et me dites un peu les causes d'un départ si prompt.
;DON JUAN.
:Tu ne répondras pas ?
;SGANARELLE.
:Je n'ai rien à répondre, vous vous moquez de votre serviteur.
;DON JUAN.
:Veux-tu répondre, te dis-je ?
;SGANARELLE.
:Madame...
;DONA ELVIRE.
:Quoi ?
:SGANARELLE, se retournant vers son maître.
:Monsieur...
;DON JUAN.
:Si...
;SGANARELLE.
:Madame, les conquérants, Alexandre et les autres mondes sont causes de notre départ ; voilà, Monsieur, tout ce que je puis dire.
;DONA ELVIRE.
:Vous plaît-il, Don juan, nous éclaircir ces beaux mystères ?
;DON JUAN.
:Madame, à vous dire la vérité.
;DONA ELVIRE.
:Ah, que vous savez mal vous défendre pour un homme de Cour, et qui doit être accoutumé à ces sortes de choses !
:J'ai pitié de vous voir la confusion que vous avez.
:*+++^80%^*@[Que ne vous armez-vous le front d'une noble effronterie ?]
{{menubox green{Autant que des piques rageuses d'une femme blessée, commence içi une satire par Molière du style amphigourique des tragédies.
*On peut imaginer que Dona Elvire exagère sa singerie, et qu'à chaque pique lancée, elle laisse un temps de suspens pour goûter la confusion dans laquelle elle enfonce Don Juan.
*Du même coup, le spectateur peut savourer la satire.
}}}===
:*Que ne me jurez-vous que vous êtes toujours dans les mêmes sentiments pour moi,
:*que vous m'aimez toujours avec une ardeur sans égale,
:*et que rien n'est capable de vous détacher de moi que la mort !
:*Que ne me dites-vous que des affaires de la dernière conséquence vous ont obligé à partir sans m'en donner avis,
:*qu'il faut que malgré vous vous demeuriez ici quelque temps,
:*et que je n'ai qu'à m'en retourner d'où je viens, assurée que vous suivrez mes pas le plus tôt qu'il vous sera possible :
:*qu'il est certain que vous brûlez de me rejoindre,
:*et qu'éloigné de moi, vous souffrez ce que souffre un corps qui est séparé de son âme ?
:Voilà comme il faut vous défendre, et non pas être interdit comme vous êtes.
;DON JUAN.
:+++^80%^*@[Je vous avoue, Madame, que je n'ai point le talent de dissimuler, et que je porte un coeur sincère]{{menubox green{Non seulement Don Juan joue la comédie, mais il montre le plus ostensiblement possible qu'il la joue.
Son expression, son ton, son maintien démentent constamment les scrupules qu'il profère.}}}===. Je ne vous dirai point que je suis toujours dans les mêmes sentiments pour vous, et que je brûle de vous rejoindre, puisque enfin il est assuré que je ne suis parti que pour vous fuir ; non point par les raisons que vous pouvez vous figurer, mais par un pur motif de conscience, et pour ne croire pas qu'avec vous davantage je puisse vivre sans péché. Il m'est venu des scrupules, Madame, et j'ai ouvert les yeux de l'âme sur ce que je faisais. J'ai fait réflexion que, pour vous épouser, je vous ai dérobée à la clôture d'un couvent, que vous avez rompu des voeux, qui vous engageaient autre part, et que le Ciel est fort jaloux de ces sortes de choses. Le repentir m'a pris, et j'ai craint le courroux céleste. J'ai cru que notre mariage n'était qu'un adultère déguisé, qu'il nous attirerait quelque disgrâce d'en haut, et qu'enfin je devais tâcher de vous oublier, et vous donner moyen de retourner à vos premières chaînes. Voudriez-vous, Madame, vous opposer à une si sainte pensée, et que j'allasse, en vous retenant, me mettre le Ciel sur les bras, que par...
;DONA ELVIRE.
:+++^80%^*@[Ah ! Scélérat, c'est maintenant que je te connais tout entier]{{menubox green{Içi, c'est le cri tragique de l'héroïne sacrifiée des grandes tragédies !
Dona Elvire ne joue plus.
Déchirée et vengeresse !}}}===, et pour mon malheur, je te connais lorsqu'il n'en est plus temps, et qu'une telle connaissance ne peut plus me servir qu'à me désespérer ; mais sache que ton crime ne demeurera pas impuni, et que le même Ciel dont tu te joues, me saura venger de ta perfidie.
;DON JUAN.
:Madame.
;DONA ELVIRE.
:+++^80%^*@[Il suffit. Je n'en veux pas ouïr davantage]{{menubox green{Pour rester dans une idée de satire de la part de Molière, on peut peut-être jouer cette réplique à contre-pied :
*accents tragiques quand elle prétend au contraire s'abstenir de reproches,
*calme olympien quand elle appelle la vengeance du ciel
}}}===, et je m'accuse même d'en avoir trop entendu. C'est une lâcheté que de se faire expliquer trop sa honte, et sur de tels sujets, un noble coeur, au premier mot, doit prendre son parti. N'attends pas que j'éclate ici en reproches et en injures, non, non, je n'ai point un courroux à exhaler en paroles vaines, et toute sa chaleur se réserve pour sa vengeance. Je te le dis encore, le Ciel te punira, perfide, de l'outrage que tu me fais ; et si le Ciel n'a rien que tu puisses appréhender, appréhende du moins la colère d'une femme offensée.
;SGANARELLE.
:Si le remords le pouvait prendre !
;DON JUAN, //après une petite réflexion.//
:Allons songer à l'exécution de notre entreprise amoureuse.
;SGANARELLE.
:Ah, quel abominable maître me vois-je obligé de servir !
/%
|exercice|groupe expérience|
|niveau|120 Début|
%/
!Le corbeau et le renard
!!!!!//Donner vie à une fable//
*Je commence à la réciter platement : vos remarques ? Que faudrait-il faire ?
*//[''SI'' un volontaire : il la dit, on le loue, on commente la gestuelle...]//
*En ligne : pairs à Cour impairs à Jardin - J C - face à face (toujours arriver ensemble)
*Pour chaque séquence, une ligne après l'autre, chacun sugère une manière de jouer dont pourront s'inspirer ceux d'en face.
*À la fin, ceux qui seraient tentés peuvent s'exercerà interprèter la fable en solo.
+++[La fable]
{{center{
!!!!!La Fontaine
#Maître Corbeau, sur un arbre perché,<br>-----
#Tenait en son bec un fromage.<br>-----
#Maître Renard, par l'odeur alléché,<br>-----
#Lui tint à peu près ce langage :<br>-----
#"Hé ! bonjour, Monsieur du Corbeau.<br>Que vous êtes joli ! que vous me semblez beau !<br>-----
#Sans mentir, si votre ramage<br>Se rapporte à votre plumage,<br>Vous êtes le Phénix des hôtes de ces bois. "<br>-----
#A ces mots le Corbeau ne se sent pas de joie ;<br>-----
#Et pour montrer sa belle voix,<br>Il ouvre un large bec, laisse tomber sa proie.<br>-----
#Le Renard s'en saisit, et dit : <br>-----
# "Mon bon Monsieur,<br>Apprenez que tout flatteur<br>Vit aux dépens de celui qui l'écoute :<br>-----
#Cette leçon vaut bien un fromage, sans doute. "<br>-----
#Le Corbeau, honteux et confus,<br>Jura, mais un peu tard, qu'on ne l'y prendrait plus.
}}}
{{center{^^//<<storyViewer amour previous>><<storyViewer amour list>><<storyViewer amour next>>//^^
[img(40%,)[https://arbrealettres.files.wordpress.com/2015/03/arthur-hacker-9-800x600.jpg][https://arbrealettres.wordpress.com/tag/philippe-godet/]]
!Double Amour
!!!!!!//Philippe Ernest Godet (1850 - 1919)//
Mystère étrange de l’amour !
J’aime deux belles en ce monde :
L’une est vive, rieuse et blonde
Comme le jour ;
L’autre est triste, rêveuse et brune
Comme le soir,
Et près d’elle, j’aime à m’asseoir
Au clair de lune.
Et s’il me fallait dire un jour
Laquelle des deux je préfère,
Mon coeur vous répondrait : Mystère…
Mystère étrange de l’amour !
D’un sourire joyeux la blonde
M’a cent et cent fois enchanté ;
D’une pétillante clarté
Son oeil m’inonde ;
La brune, d’un regard voilé,
Profond et tendre,
M’accueille, et mon coeur est troublé
De lui parler et de l’entendre.
L’une, la blonde est la Gaité;
Pas d’instant qu’elle ne sourie.
L’Autre plus classe en sa beauté
….La Rêverie!
Et s’il me fallait dire un jour
Laquelle des deux je préfère,
Mon coeur vous répondrait : Mystère…
Mystère étrange de l’amour !
}}}
!!!!!!{{center{^^//<<storyViewer amour previous>><<storyViewer amour list>><<storyViewer amour next>>//^^Philippe Ernest Godet 1850-1922
Le Coeur et les Yeux, Poésies. (Troisième Édition)
Neuchâtel, Librairie A.G. Berthoud}}}
!Douce Maîtresse//
^^Pierre de Ronsard^^//
{{center{
Douce Maîtresse, touche,
Pour soulager mon mal,
Ma bouche de ta bouche
Plus rouge que coral ;
Que mon col soit pressé
De ton bras enlacé.
Puis, face dessus face,
Regarde-moi les yeux,
Afin que ton trait passe
En mon coeur soucieux,
Coeur qui ne vit sinon
D’Amour et de ton nom.
Je l’ai vu fier et brave,
Avant que ta beauté
Pour être son esclave
Du sein me l’eût ôté ;
Mais son mal lui plaît bien,
Pourvu qu’il meure tien.
Belle, par qui je donne
A mes yeux, tant d’émoi,
Baise-moi, ma mignonne,
Cent fois rebaise-moi :
Et quoi ? faut-il en vain
Languir dessus ton sein ?
Maîtresse, je n’ai garde
De vouloir t’éveiller.
Heureux quand je regarde
Tes beaux yeux sommeiller,
Heureux quand je les vois
Endormis dessus moi.
Veux-tu que je les baise
Afin de les ouvrir ?
Ha ! tu fais la mauvaise
Pour me faire mourir !
Je meurs entre tes bras,
Et s’il ne t’en chaut pas !
Ha ! ma chère ennemie,
Si tu veux m’apaiser,
Redonne-moi la vie
Par l’esprit d’un baiser.
Ha ! j’en sens la douceur
Couler jusques au coeur.
J’aime la douce rage
D’amour continuel
Quand d’un même courage
Le soin est mutuel.
Heureux sera le jour
Que je mourrai d’amour !
!!!!!!Pierre de Ronsard, //Second livre des Amours//
}}}
!LES HUÎTRES
!!!!Roland Dubillard
{{small blue italic{Lu en octobre 2012 à ~Port-Royal}}}
;UN
: Prenez d'abord une huître.
;DEUX
: Une seule ?
;UN
: Une huître est toujours seule.
;DEUX
: C'est comme moi.
;UN
: C'est comme nous.
;DEUX
: C'est comme tout le monde. Tout le monde est seul. Je la prends, votre huître. C'est bientôt les fêtes. Ça l'amusera.
;UN
: Ce qui compte c'est l'huître. je veux dire : ce qu'il y a dedans. Parce que l'extérieur, c'est des coquilles qui se rechargent. On n'est jamais sûr avec quoi ça a été rechargé. Pas toujours avec de l'huître, quelque fois c'est du mou de veau, mais j'ai des vrais citrons.
;DEUX
: Vous n'auriez pas un...
;UN
: Pas la peine. Pour l'ouvrir, il _y a un bouton, _y a qu'a appuyer dessus. Attention, y'a des fois ça gicle.
;DEUX
: Ah oui. Tout ça c'est préfabriqué. Et le citron ?
;UN
: Pas besoin de l'ouvrir. C'est un citron en poudre. Ça se dissout tout seul, dans l'eau de l'huître.
;DEUX
: Pfuit !...
;UN
: Excusez-moi de vous interrompre entre deux huîtres ; mais...
;DEUX
: C'est du muscadet ?
;UN
: Mais il me semble, et ne croyez-vous pas, que vous avez un drôle de nez.
;DEUX
: Moi ? Je ne m'occupe pas de mon nez. J'ai trop de travail. Je l'ai perdu de vue.
;UN
: C'est tout de même un drôle de nez.
;DEUX
: Je sais. Il ressemble à mon fils. Il fait ce qu'il veut.
;UN
: Où est-il, au fait, votre fils ?
;DEUX
: Oh ! pas au milieu de ma figure. Mais c'est bien pareil.
;UN
: Le mien fait des études.
;DEUX
: Mon nez aussi. Il prépare son bac.
;UN
: Un nez qui prépare son bac, c'est un drôle de nez.
;DEUX
: Forcément, avec les bacs d'aujourd'hui : bac sciences à l'huile, bac lettres à la Molotov... que sais_ je ? Toutes sortes de bacs : le nez hésite, le nez tourne, le nez ne sait plus où il va. Vous-même, excusez-moi de vous interrompre entre deux huîtres, mais... Vous avez un drôle de fils.
;UN
: Je sais. Il est bouché. Il a une sorte de rhume. Il fait du latin et de la pâte à modeler. Pour son bac. En réalité, ce qui n'arrange rien, c'est que c'est une fille.
;DEUX
: Comment vous en êtes-vous rendu compte ?
;UN
: On me l'a dit. Elle a passé des tests. Et puis son bac, n'est-ce pas... depuis qu'elle chante. Avec ses cheveux et sa bouche en même temps...
;DEUX
: Oui, mon fils aussi chante. Elle chante bien ?
;UN
: Elle chante du nez, à cause de son rhume.
;DEUX
: Vous la voyez souvent ?
;UN
: En louchant, quelquefois. Je l'ai pratiquement toujours au milieu de la figure.
;DEUX
: Faites-voir.
;UN
: L'éducation des enfants, vous comprenez, c'est de moins en moins les parents qui s'en occupent.
;DEUX
: Oui. Au fond, votre nez n'est pas intéressant.
;UN
: Vous, vous avez un drôle de nez
;DEUX
: Pas vous.
;UN
: Mon nez !... C'est parce qu'il a oublié d'apporter sa guitare électrique.
;DEUX
: Au fond, vous l'aimez bien.
;UN
: Bien sûr. On aime toujours son nez. Mais quand on réfléchit : à quoi ça sert, d'aimer son nez ?
;UN
: Ça ne sert à rien. Vous avez déjà essayé d'aimer autre chose, vous ?
;DEUX
: Oui. Ça ne servait à rien non plus.
;UN
: Et mes huîtres ? Vous ne les aimez pas ?
;DEUX
:Oui et non. Voyez-vous je crois bien qu'elles n'apprécient pas que je les aime. En tout cas, il n'y a que moi qui y mets du mien.
-----
!PSYCHOTHÉRAPIE D'UNE PENDULE
!!!!Roland Dubillard
{{small blue italic{Lu en octobre 2012 à Port-Royal}}}
;UN
: je suis une pendule.
;DEUX
:je le vois bien. Ça me semble normal, d'être une pendule, pour une pendule. De quoi vous plaignez—vous ?
;UN
: Je ne suis pas comme les autres. je suis peut-être une pendule comme les autres, mais mes aiguilles tournent en sens inverse inverse de celui des aiguilles d'une montre.
;DEUX
:C'est une impression que vous avez.
;UN
: Oui. Depuis longtemps. C'est pour ça que j'ai pensé que la psychanalyse me ferait du bien. On m'a dit que c'était un peu votre spécialité.
;DEUX
:C'est une de mes deux spécialités, en effet. je soigne surtout les schizophrènes, mais je soigne aussi les pendules. Ainsi, vous avez « l'impression » que vos aiguilles tournent dans le mauvais sens.
;UN
: Depuis longtemps, oui, mais maintenant c'est plus qu'une impression : je sais que c'est vrai. Depuis que je me suis regardée dans la glace. Tic tac tic tac tic tac...
;DEUX
:Ne dites pas tic tac. Vous croyez que je ne vous crois pas, quand vous me dites que vous êtes une pendule ? Mais vous êtes une pendule. Je vous vois, là, devant moi, et qu'est-ce que je vois ? — une pendule. Ça vous arrive quelquefois, ça ? de vous demander : voyons, et si je n'étais pas une pendule, au fond ?...
;UN
: Tic tac tic tac tic tac... Non. Ça, ça ne Tic tac...
;DEUX
:Arrêtez-vous.
;UN
: je ne m'arrête jamais.
;DEUX
:Réfléchissez. Ça ne vous arrive pas, ça ? d'avoir la tentation de vous arrêter ? Oh... pas longtemp n'est-ce pas, on ne remarquerait rien...
;UN
: Non, pas vraiment. Mais si je continue, je crois bien que ça m'arrivera, oui, comme ça, malgré moi...
;DEUX
:Pleurez, pleurez, ça vous soulagera. Y a-t-il d'autres pendules dans votre famille ?
;UN
: Bien sûr. Il y en a deux. Dans mon salon. Enfin je dis « mon salon ». D'ailleurs, comment je le saurais, que mes aiguilles tournent dans le mauvais sens, si je n'avais pas d'autres pendules pour me comparer.
;DEUX
:C'est tout à fait juste, en effet. Bien. Et, en dehors des moments où vous vous regardez dans la glace, vous n'éprouvez pas ce sentiment de marcher à l'envers par rapport aux autres pendules. Ou si ?
;UN
: Non. Mais je vois bien que les gens qui veulent savoir l'heure ne me regardent pas. Ils préfèrent regarder les autres pendules.
;DEUX
:Bien. Vous voyez que vous pouvez fort bien ne pas dire tic-tac, quand ça vous plaît. — Est-ce que vous sonnez quelquefois ?
;UN
: Non. je n'ose pas. J'aurais trop honte. — Peut-être que je ne m'en aperçois pas.
;DEUX
:Et vos deux petites amies, dans le salon, elles ne sonnent pas non plus ?
;UN
: Non... peut-être que je ne m'en aperçois pas. Peut-être que je suis une pendule sourde...
;DEUX
:Si vous étiez sourde... je ne, je ne... Dites-le...
;UN
: Vous ne m'entendriez pas...
;DEUX
:Vous n'avez jamais très confiance en vous, hein ?
;UN
: Tic tac tic tac...
;DEUX
:Vous pouvez fumer, si vous voulez.
;UN
: je ne fume pas.
;DEUX
:Les pendules fument, pourtant... Non ?... Voyons, dans votre enfance, vous a-t-on reproché d'avancer ; je veux dire : d'aller trop vite ? Dans le sens normal, n'est-ce pas, mais trop vite.
;UN
:Rappelle pas. Mais je me souviens d'avoir rêvé que c'était moi qui tournais, tandis que mes aiguilles restaient immobiles. Je tournais autour de leur axe, comme une roue, et alors, là, oui, j'avançais, mais pas dans le temps : dans l'espace, sur une route en pente. L'accélération, vous savez, la vitesse que je prenais sur cette pente dont je ne voyais pas le terme oh là là cette pente de plus en plus raide, une pente en vrille, en entonnoir, oh là là cette vitesse, quel vertige ! Un vertige tellement intense que je me réveillais en sonnant de toutes mes forces. Ou plutôt en rêvant que j'avais sonné de toutes mes forces, comme un réveil-matin.
;DEUX
:A quoi vous fait penser ce gouffre qui vous entraîne, contre lequel vous voudriez bien résister, mais sans en avoir les forces... hein ? A quoi... Dites...
;UN
:Tic tac tic tac.
;DEUX
:Ne dites pas tic tac... A quoi ça vous fait penser Vous voyez pas ?... Le Temps ! Le Temps irréversible Le temps qui tourne en s'enfonçant comme une vrille, et comment s'enfoncent les vrilles ? En tournant, et en tournant dans quel sens ? Le sens des aiguillas d'une montre ! mais n'allons pas trop vite. Secouez-vous un peu. Dites tic-tac. Eh bien, eh bien, vous voyiez bien que vous vous arrêtez, quelquefois. Vous êtes arrêtée. Allons, allons, un petit effort... tic tac
;UN
: Tic tac...
;DEUX
:Voilà. ---Dites-moi, en venant me voir, vous espèrez bien obtenir un résultat, n'est-ce pas ?
;UN
: Oui : que mes aigurilles tournent dans le bons sens...
;DEUX
:Soit. Et à votre avis,au cas où nous obtiendrions ce en résultat quel sentiment cela vous causerait-il ?
;UN
: Un sentiment de soulagement. Car je me sens coupable d'indiquer l'heure qu'il ne faut pas, l'heure qu'il n'est plus... et depuis le temps que ça dure, c'est l'heure qu'il était il y a depuis plus de deux siècles que j'indique en ce moment. Pensez : une pendule Louis XV... Ça ne me rajeunit pas. Bien sûr, je ne devrais pas me sentir responsable de celle perversion qui fait tourner mes aiguilles en direction du passé. Mais j'en ai honte comme si je le faisais exprès, je vous jure. Oui, je pense que je le fais exprès, par méchanceté, par un désir de vengeance à l'égard de je ne sais qui. Oh, il y a des fois, je voudrais m'arrêter pour de bon. Seulement, quand je m'arrête, je me sens abandonnée, bonne pour la ferraille. Ma vie n'a plus de raison d'être. Catatonique, en quelque sorte. Heureusement, il se trouve toujours une clef qui me remonte, qui me rend du ressort, avant que vienne la rouille.
;DEUX
:N'éprouvez-vous pas le sentiment d'accomplir une fonction qui vous justifie ?
;UN
: Si, bien sûr, j'indique l'heure ; à !'envers, mais je !'indique. Et même, à minuit et à midi, je l'indique exactement. Midi, minuit, c'est le seul point commun que j'ai avec les autres pendules du salon.
;DEUX
:Ces pendules, dans le salon, est-ce comme vous même que vous les re gardez, c'est-à-dire dans la glace ?
;UN
: Non. Elles sont sur la cheminée, en face de moi. La glace, elles lui tournent le dos.
;DEUX
:Et vous ?
;UN
: Moi, je suis dans la glace, derrière les autres très loin, sur mon buffet Louis Quinze.
;DEUX
:Et vous voyez vos aigurilles tourner à !'inverse des leurs...
;UN
: Oui.
;DEUX
:Quelle heure est-il ?
;UN
: Tic tac tic lac... Midi moins vingt.
;DEUX
:Moi je n'ai qu'à regarder votre cadran pour y lire qu'il est midi vingt. Nous verrons ça la semaine prochaine. Non, non, vous me paierez quand vous voudrez.
;UN
: Il me semble que je vais déjà mieux. Tic tac tic tac...
;DEUX
:C'est ça : tic tac, je vous raccompagne.
;UN
: Au revoir, docteur. Tic tac ( ... )
;DEUX
:Tic tac tic tac. {{blue italic{(Sortie de la pendule)}}}.
;UN
: Ouf ! Ce que j'en ai assez de ces malades ! Ils m'énervent ! On dirait qu'il n'y a qu'eux qui comptent ! Et moi, alors ? Est-ce que je vais chez le psychiatre, moi ? Car, à la fin, moi aussi, je suis une pendule ! Et je ne demande rien à personne !
!{{center{^^//<<storyViewer amour previous>><<storyViewer amour list>><<storyViewer amour next>>//^^
Dès lors je sais l'ardeur
qui scelle sa vie
à ma vie
}}}
{{center{
!!!!!!//Extrait des Fleurs du silence<br>d'Ernest Ganay//
Il est parti me regardant
Et portant
Ses doigts à ses yeux
Mais je savais déjà quels regardes très bien
Unissaient sa vie
A ma vie.
Il est parti me regardant
Et posant
Ses doigts sur mes lèvres
Mais je savais déjà quelles longues fièvres
Unissaient sa vie
A ma vie.
Il est parti en me regardant
Et plaçant
Sa main sur son coeur
Puis il a clos les yeux...
Dès lors, je sais l'ardeur
Qui scelle sa vie
A ma vie
/%
|exercice|groupe déplacement synchronisation|
|niveau|150 Moins facile|
%/
!Déplacements coordonnés
!!!!Alignement par taille
#Les acteurs debout se mélangent, et au top de l'animateur doivent le plus vite possible faire une ligne droite allant du plus petit au plus grand par ordre de taille croissante.
#Même chose mais en variant les temps dans lesquels la réalisation de l'exercice est demandée: lents, voire très lents, rapides puis très rapides (par ex. en divisant le temps chaque fois par 2).
>On remarque la fonction magique du travail sur le tempo: la transformation de l'acteur y est totale dès lors qu'il sait qu'il a une tâche à exécuter en 15", 10" ou 5". Aussi, dans une scène est-il toujours insuffisant de définir la tâche, mais il faut également définir le tempo qui engage correctement dans cette tâche. Bien que chaque acteur ait de par son tempérament, son tempo-rythme propre, il s'agit de le lui faire travailler.
!!!!Déplacements équidistants
#Déplacements de tous, sur tout l’espace de la scène, en obligeant les acteurs à conserver, en permanence, une distance égale entre eux malgré l'imprévisibilité de leurs déplacements. Demander au groupe de s'immobiliser quand il juge de lui-même que la consigne est parfaitement atteinte.
#Reprise de l'exercice mais cette fois-ci chacun se sent en danger par rapport à tous les autres.
!!!!Ligne comme un seul homme
#Les acteurs, en ligne frontale, se tiennent par les épaules ou la taille afin de mieux percevoir les micro-mouvements du corps des autres.
#Sans top ni consultation des uns par les autres, tous doivent faire un pas en avant comme un seul homme.
!!!!Déplacement silencieux
#Les acteurs assis se lèvent ensemble et, sans aucun bruit, posent leur chaise à lm devant eux;
#si un seul fait du bruit, tous recommencent, ce qui impose une sensibilité et une responsabilité de groupe.
!!!!Faire passer tout en marchant
#Les acteurs marchent vivement en cercle les uns derrière les autres.
#Un acteur leader du cercle invente un geste sans cesser de marcher; le plus vite et le plus exactement possible, #celui qui le suit le reprend, de même pour le suivant et ainsi de suite...
#Quand le cercle entier a fait le geste, et que le leader aperçoit son geste revenir par celui qui le précède, le leader lance un nouveau geste qui sera repris de la même façon et ainsi de suite...
>Le cercle ne doit ni s'élargir ni se resserrer.
>Varier les rythmes.
|je|[[Michèle]]|
|vie|Action !|
|d|2:00|
!Déshabillez-moi
{{center{
Déshabillez-moi, déshabillez-moi
Oui, mais pas tout de suite, pas trop vite
Sachez me convoiter, me désirer, me captiver
Déshabillez-moi, déshabillez-moi
Mais ne soyez pas comme tous les hommes, trop pressés.
Et d'abord, le regard
Tout le temps du prélude
Ne doit pas être rude, ni hagard
Dévorez-moi des yeux
Mais avec retenue
Pour que je m'habitue, peu à peu...
Déshabillez-moi, déshabillez-moi
Oui, mais pas tout de suite, pas trop vite
Sachez m'hypnotiser, m'envelopper, me capturer
Déshabillez-moi, déshabillez-moi
Avec délicatesse, en souplesse, et doigté
Choisissez bien les mots
Dirigez bien vos gestes
Ni trop lents, ni trop lestes, sur ma peau
Voilà, ça y est, je suis
Frémissante et offerte
De votre main experte, allez-y...
Déshabillez-moi, déshabillez-moi
Maintenant tout de suite, allez vite
Sachez me posséder, me consommer, me consumer
Déshabillez-moi, déshabillez-moi
Conduisez-vous en homme
Soyez l'homme... Agissez!
Déshabillez-moi, déshabillez-moi
Et vous... déshabillez-vous!
}}}
{{center{
!Désirs
!!!!!!//Guy de Maupassant//
Le rêve pour les uns serait d’avoir des ailes,
De monter dans l’espace en poussant de grands cris,
De prendre entre leurs doigts les souples hirondelles,
Et de se perdre, au soir, dans les cieux assombris.
D’autres voudraient pouvoir écraser des poitrines
En refermant dessus leurs deux bras écartés ;
Et, sans ployer des reins, les prenant aux narines,
Arrêter d’un seul coup les chevaux emportés.
Moi ; ce que j’aimerais, c’est la beauté charnelle :
Je voudrais être beau comme les anciens dieux,
Et qu’il restât aux coeurs une flamme éternelle
Au lointain souvenir de mon corps radieux.
Je voudrais que pour moi nulle ne restât sage,
Choisir l’une aujourd’hui, prendre l’autre demain ;
Car j’aimerais cueillir l’amour sur mon passage,
Comme on cueille des fruits en étendant la main.
Ils ont, en y mordant, des saveurs différentes ;
Ces arômes divers nous les rendent plus doux.
J’aimerais promener mes caresses errantes
Des fronts en cheveux noirs aux fronts en cheveux roux.
J’adorerais surtout les rencontres des rues,
Ces ardeurs de la chair que déchaîne un regard,
Les conquêtes d’une heure aussitôt disparues,
Les baisers échangés au seul gré du hasard.
Je voudrais au matin voir s’éveiller la brune
Qui vous tient étranglé dans l’étau de ses bras ;
Et, le soir, écouter le mot que dit tout bas
La blonde dont le front s’argente au clair de lune.
Puis, sans un trouble au coeur, sans un regret mordant,
Partir d’un pied léger vers une autre chimère.
– Il faut dans ces fruits-là ne mettre que la dent :
On trouverait au fond une saveur amère.
}}}
{{groupbox center{
!Désolé pour LA MOQUETTE...
!!!!!Bertrand Blier
}}}
//Le rideau se lève sur un océan de moquette.
La Bourgeoise La Clocharde Le Vérificateur
Boris, le mari de la Bourgeoise Le Clochard
De quelle couleur est cette moquette ? C’est difficile à dire. C’est la lumière qui déterminera sa couleur.
L’action se passe en hiver. La nuit est déjà tombée.
Une diagonale sépare la scène en deux parties : une zone froide, éclairée en bleu, qu’on appellera “la rue”, et une zone chaude, éclairée en jaune, qu’on appellera “la maison”.
Il faut que la séparation entre les deux zones soit d’une grande précision, comme s’il y avait une vitre. Mais il n’y a pas de vitre. De même qu’il n’y a pas de meubles, pas d’accessoires, rien. Juste de la moquette, partout, et, au loin, les lumières de la ville, quelques tours de bureaux, qui s’éteindront progressivement, au fur et à mesure que la nuit s’épaissira et que sera étouffée la rumeur de circulation, laissant juste hurler, de temps en temps, une sirène de police, et scintiller, entre les nuages, les publicités lumineuses.
Une clocharde, côté rue, est assise par terre, en vrac, les jambes écartées. Elle est emmitouflée dans un vieux manteau pourri.
Une bourgeoise, côté maison, une bourgeoise pomponnée, est absolument pétrifiée par ce qu’elle est en train de voir, là, devant chez elle : la Clocharde se cure le nez. Non seulement elle se cure le nez mais elle a l’air très satisfaite de ce qu’elle en extrait. Elle se demande si elle ne va pas le becter.//
;LA BOURGEOISE.
: Vous allez pas manger vos loups ?
;LA CLOCHARDE.
: Pourquoi pas ? J’ai rien cl’autre ! Ça vous pose un problème ?
;LA BOURGEOISE.
: Ben c’est-à-dire que oui ! Tout de même ! Tout de même !
;LA CLOCHARDE.
: Tout de même quoi ?
;LA BOURGEOISE.
: Je sais bien qu’on vit à une époque où le noir on vous explique que c’est du blanc mais tout de même !
;LA CLOCHARDE.
: On a plus le droit de becter ses loups ?
;LA BOURGEOISE.
: Ah, le droit, si ! Vous en avez parfaitement le droit ! Vous avez tous les droits !
;LA CLOCHARDE.
: Vous votre seul droit c’est de fermer votre gueule !
;LA BOURGEOISE.
: Oui ben justement je l’ouvre !
;LA CLOCHARDE.
: Pour dire quoi ?
;LA BOURGEOISE.
: Rien. Je ne dis rien.
;LA CLOCHARDE.
: Ouf ! Vous m’avez fait peur ! J’ai vu le moment où vous alliez vous plaindre... Y a eu un moment, je me suis dit : “Merde ! C’est pas vrai ! Elle va quand même pas se plaindre ?”
;LA BOURGEOISE.
: De quoi voulez-vous que je me plaigne ?
;LA CLOCHARDE.
: Est-ce que je fume ?
;LA BOURGEOISE.
: Non.
;LA CLOCHARDE.
: Je pourrais fumer...
;LA BOURGEOISE.
: Oui ben c’est pas la peine, ça va très bien comme ça.
;LA CLOCHARDE.
: Je pourrais écraser mes mégots sur votre moquette, si je voulais !
;LA BOURGEOISE.
: Non merci. Sans façon.
;LA CLOCHARDE.
: Je pourrais me soûler la gueule aussi ! Vomir ! Sur votre moquette !
;LA BOURGEOISE.
: Mais c’est pas ma moquette, merde !
;LA CLOCHARDE.
: C’est quand même vous qui la payez !
;LA BOURGEOISE.
: Mon mari ! C’est mon mari qui la paie ! Nuance !
;LA CLOCHARDE.
: Oui mais tout de même ça vous fait chier que votre mari soit obligé de payer pour une moquette qui est pas à vous !
;LA BOURGEOISE //(qui fait mine d’avancer)//.
: Je peux y aller sur votre moquette...
;LA CLOCHARDE (//qui tend une main//).
: Ah ben oui, bonne idée ! Venez ! Il fait un froid cassant...
;LA BOURGEOISE //(qui s’empresse de reculer)//.
: Je préfère rester chez moi. Il fait chaud, chez moi, il fait bon. Je me sens protégée. Je me demande même si je suis pas un peu enceinte...
;LA CLOCHARDE.
: Oui. Moi aussi. Je sens venir comme une nausée. .. D’ailleurs j’ai pas mes règles. (Elle regarde entre ses cuisses.) Non. J’ai pas mes règles... Dans quelques mois, sur votre moquette, va y avoir quelque chose de vagissant, un merveilleux petit être, l’aura même pas de papa... Forcément, sur votre moquette, on dort tellement profondément, moi les mecs ils me passent dessus, une fois sur deux je me réveille pas... (Elle s’allonge confortablement. . J Tiens, vous me donnez sommeil, avec vos jérémiades, je crois que je vais piquer un roupillon... Je sens que ça remue, dans mon ventre, je suis en train de donner la vie...
: //Elle s'endort aussitôt. Léger ronflement.//
;LA BOURGEOISE.
: Elle est complètement con cette loi ! C’est pas de la moquette qu’il faut leur donner, c’est des maisons !
;LE VÉRIFICATEUR //(un petit bonhomme en gris, qui arrive en silence, avec sa serviette en carton bouilli)//.
: Vous contestez la loi ?
//En fait, il était là depuis un moment. C’est une pièce où les personnages arrivent avant d’arriver.//
;LA BOURGEOISE.
: Qui ça ? Moi ? Pas du tout !
;LE VÉRIFICATEUR.
: Vous me semblez bien nerveuse...
;LA BOURGEOISE.
: Oui. En effet. Je suis un peu nerveuse.
;LE VÉRIFICATEUR.
: C’est la loi qui vous rend nerveuse ?
;LA BOURGEOISE.
: Non. Absolument pas. La loi n’y est pour rien.
;LE VÉRIFICATEUR.
: Non parce que y a des gens qu’elle rend nerveux...
;LA BOURGEOISE.
: Oui. Je sais. J’en ai entendu parler. Mais moi je suis d’accord.
;LE VÉRIFICATEUR.
: Rien ne vous gêne dans cette loi ?
;LA BOURGEOISE.
: Rien.
;LE VÉRIFICATEUR.
: Non parce que si y a quelque chose qui vous gêne moi j’en réfère aux autorités et les autorités s’occupent de vous !
;LA BOURGEOISE.
: Mais enfin, quand on peut faire quelque chose pour atténuer la misère du monde, on est forcément pour !
;LE VÉRIFICATEUR.
: Alors pourquoi vous êtes nerveuse ?
;LA BOURGEOISE.
: Mon mari ne rentre pas.
;LE VÉRIFICATEUR.
: Comment ça ?
;LA BOURGEOISE.
: Mon mari ne rentre pas ! Il est vingt-deux heures trente et il ne rentre pas !
;LE VÉRIFICATEUR.
: Mais d’où il ne rentre pas ?
;LA BOURGEOISE.
: Mais du bureau ! de son travail !
;LE VÉRIFICATEUR.
: Mais moi non plus je ne rentre pas ! Pour moi aussi il est vingt-deux heures trente ! Moi aussi j’ai une femme qui m’attend !
;LA BOURGEOISE.
: Oui mais moi je me suis pomponnée ! J’ai mis des dessous ! J’ai fait livrer des sushis ! Vous les voyez les sushis !
;LE VÉRIFICATEUR //(qui s’approche)//.
: Je peux vous en piquer un ?
;LA BOURGEOISE.
: Ah ben non ! Pas question ! Ils sont pour mon mari !
;LE VÉRIFICATEUR //(qui recule, humilié)//.
: Merci. Merci beaucoup, madame.
;LA BOURGEOISE //(emmerdée)//.
: Ben aussi faut comprendre...
;LE VÉRIFICATEUR //(toujours en reculant, direction la sortie)//.
: Peut-être un jour vous me supplierez d’accepter un de vos sushis, et de rester pour dîner, et peut-être même pour davantage... quand votre mari vous aura quittée...
//Exit le Vérificateur. Panique de la Bourgeoise.//
;LA BOURGEOISE.
: Pourquoi il m’a dit ça ? Pourquoi il m’a dit ça ?
;LA CLOCHARDE //(sans même ouvrir un œil)//.
: Probablement il a des informations...
;LA BOURGEOISE.
: Sur qui ?
;LA CLOCHARDE.
: Sur Boris.
;LA BOURGEOISE //(furieuse)//.
: Comment vous le savez qu’il s’appelle Boris ?
;LA CLOCHARDE.
:Z’arrêtez pas de gueuler son nom dans toute la maison, surtout quand il se repose en lisant son journal ! “Boris ! Tu peux m’apporter le peignoir de bain ? Boris ! Qu’est-ce que tu fous ? T’es où ? Pourquoi t’es pas avec moi ? T’aurais pu me frotter le dos !” Et le pauvre Boris, excédé...
;LA BOURGEOISE.
: Comment vous le savez qu’il est excédé ?
;LA CLOCHARDE.
: J’habite devant chez vous ! On partage la même moquette ! Vous, vous croyez que je dors, mais parfois je fais semblant ! Et je vous regarde, à travers les trous de mon manteau ! Et je le vois, le pauvre Boris, toujours les yeux au ciel... “Boris ! Tu voudrais pas qu’on ait un chien ! Martine elle en a un ! Je voudrais le même ! Un york !” (Maintenant elle est debout, furieuse et menaçante.) Le matin, ça me réveille ! “Boris ! Tu peux m’apporter une tasse de café ? J’ai pas envie de me lever !” Et l’autre il apporte la tasse de café ! Et moi j’ai pas de café ! Juste un vieux fond de picrate ! Merde, alors ! Vous êtes pas obligée de me réveiller, je pourrais faire la grasse matinée ! J’ai que ça à faire la grasse matinée ! Me blottir dans mes rêves ! C’est tout ce que j’ai mes rêves !
Silence. On dirait que la Bourgeoise est un peu touchée par la misère de la Clocharde.
;LA BOURGEOISE.
: Ils sont comment vos rêves ?
;LA CLOCHARDE.
: Pas mal... Pas mal... Surtout ceux avec Boris...
;LA BOURGEOISE.
: Vous rêvez de mon Boris ?
;LA CLOCHARDE.
: Il s’invite dans mes rêves ! Comme un cambrioleur ! Probablement ça le fait marrer de faire saliver une pauvre femme qui a plus rien pour séduire, même pas un bâton de rouge ! Salaud ! Moi j’en ai rien à foutre d’un mec qui laisse tomber sa femme, moi ça m’intéresse pas ! S’il en laisse tomber une, il en laissera tomber deux ! Et la deuxième ça sera moi ! Non merci !
;LA BOURGEOISE.
: Comment vous le savez qu’il va me laisser tomber ?
;LA CLOCHARDE.
: Vous voyez bien qu’il rentre pas...
;LA BOURGEOISE.
: Peut-être il a eu un accident !
;LA CLOCHARDE.
: On vous aurait téléphoné. Moi je crois plutôt qu’il a une poule. Il arrive pas à la quitter. Elle le retient avec ses cuisses. Hôtel Ibis. Une petite piaule. Reste encore un petit peu. J’ai envie de te garder. Comme ça les minutes passent. On va bien tenir jusqu’au divorce.
;LA BOURGEOISE //(sonnée)//.
: Mais qu’est-ce que je vais devenir ?
;LA CLOCHARDE.
: Ben vous allez être seule. Comme moi. On est des sœurs, maintenant. Des sœurs en infortune. Sauf que vous, vous avez chaud, alors que moi, je me les gèle.
;LA BOURGEOISE.
: Vous voulez un sushi ?
;LA CLOCHARDE.
: Vous avez pas quelque chose de chaud ?
;LA BOURGEOISE.
: Ma main...
//Timidité de la Clocharde. Elle prend la main que lui tend la Bourgeoise. ..//
Vous la sentez la bonne chaleur ?
;LA CLOCHARDE.
: Vous êtes en train de vous faire baiser.
;LA BOURGEOISE.
: Par qui ?
;LA CLOCHARDE.
: Par moi. Parce que je vous tire et je prends votre place !
//Et elle joint le geste à la parole. La Bourgeoise se retrouve dans la rue et la Clocharde dans la maison.
La Clocharde jette son manteau à l’autre.//
Tenez ! Vous allez en avoir besoin !
//Dessous elle porte une petite robe très chic et un long collier de perles.//
;LA BOURGEOISE //(folle de rage)//.
:Oh mais ça va pas se passer comme ça !
;LA CLOCHARDE.
: Oh mais si ça va se passer comme ça !
//La Bourgeoise s’élance vers sa maison. Elle s’emplafonne dans la baie vitrée. Y a-t-il une baie vitrée ? En tout cas le bruit était bien réel, et, la pauvre, elle s’est fait très mal au nez.//
Vous êtes complètement con ! C’est un truc à déclencher l’alarme !
//Et l’alarme se déclenche ! Assourdissante !//
;La Clocharde, //paniquée//.
:Bon alors qu’est-ce que je fais, maintenant ?
;LA BOURGEOISE.
: 24 B 56 !
//L’autre compose le code. Elle le compose très nerveusement. Soulagement du silence qui revient.
Elle a eu très peur. Elle en a encore des secousses dans l’arrière-train.//
;LA CLOCHARDE.
: Ne me faites plus jamais ça ! Sinon j’appelle le service des plaintes et je leur dis que vous en avez une à formuler !
;LA BOURGEOISE.
: Mais je ne me plains de rien !
;LA CLOCHARDE.
: Vous êtes sûre ?
;LA BOURGEOISE.
: Tout à fait sûre !
;LA CLOCHARDE.
: La moquette vous convient ?
;LA BOURGEOISE //(qui se vautre aussitôt, à plat ventre, sur le sol)//.
: Je la trouve très confortable !
;LA CLOCHARDE.
: Encore heureux ! Avec le pognon que ça nous coûte !
//Et elle débouche une bouteille de champagne. Quelle bouteille de champagne ? En tout cas on a bien entendu sauter le bouchon. Et maintenant on entend bien couler le liquide dans la flûte, et le pétillement des bulles.//
;LA BOURGEOISE
: (//qui, malgré le moelleux de la moquette, a un mal fou à s habituer à sa nouvelle situation de clocharde, et, par-ticulièrement, à la formidable puanteur du manteau dans lequel elle essaie de s’enrouler pour lutter contre le froid//).
: Mais je peux pas rester là !
;LA CLOCHARDE
: (qui, elle, s’habitue très bien au champagne, à la chaleur et au confort).
: Et pourquoi ça vous pouvez pas rester là ?
;LA BOURGEOISE.
: Mais je suis pas habituée ! La misère je suis pas habituée !
;LA CLOCHARDE.
: Personne est habitué !
!^^Jean Giraudoux
^^ELECTRE
;Électre ~~//(Fille)//~~
C’est justement ce que je ne peux pas supporter d’elle,
qu’elle m’ait mis au monde.
C’est là ma honte.
Il me semble que par elle, je suis entrée dans la vie d’une façon équivoque et que sa maternité m’est qu’une complicité qui nous lie.
J’aime tout ce qui, dans ma naissance revient à mon père.
J’aime ses yeux, son cerne de futur père, j’aime cette surprise qui le remua le jour où je suis née, à peine perceptible, mais d’où je me sens issue plus que des souffrances et des efforts de ma mère.
Je suis née la nuit d’un profond sommeil, de sa maigreur de neuf mois, des consolations qu’il prit avec d’autres femmes pendant que ma mère me portait, du sourire paternel qui suivit ma naissance.
Tout ce qui est de cette naissance du côté de ma mère,
je le hais.
!ENTRE NOUS LE BILLARD
;UN
:Vous dormez ?
;DEUX
:Non. Et vous ?
;UN
:Ce que vous êtes bête ! Puisque je vous parle, je ne peux pas dormir J
;DEUX
:Oui, eh bien moi, ce n’est pas parce que je vous parle que je ne peux pas dormir, je vous assure.
;UN
:Alors, pourquoi vous ne dormez pas, je vous le demande.
;DEUX
:Parce que c’est pas possible de dormir couché sur un billard.
;UN
:Mais venez donc à ma place
:venez-y donc ! Si vous croyez que c’est plus facile de dormir quand on est couché dessous !
;DEUX
:Ça ! Vous êtes drôle ! Personne vous obligeait à vous coucher sous le billard ! C’est vous qui avez voulu. Je ne vois pas pourquoi vous avez tenu à vous mettre dessous, vous seriez aussi bien à côté ! A côté ce n’est pas plus par terre que dessous. Puisque de toute façon il fallait que vous vous couchassiez par terre, moi à votre place je n’aurais pas choisi spécialement le dessous du billard.
;UN
:Je suis bien tranquille que vous auriez fait comme moi. Parce que vous êtes comme moi, voui avez l’habitude de dormir dans un lit. Sur le billard, je suis sûr que c’est aussi dur que par terre. Seulement un billard ça ressemble à un lit. C’est pour ça que voui vous êtes mis dessus. Et c’est aussi pourquoi je me suis mis dessous. Je préfère dormir sous quelque chose qui ressemble à un lit, plutôt que de dormir n’importe où, là où ça ne ressemble à rien.
;DEUX
:Je ne vous savais pas aussi esclave du confort.
;UN
:Je le suis. Et notez bien que ce n’est pas au confort matériel que je tiens, c’est au confort moral. Ça me fait du bien d’être le plus près possible de ce qui ressemble le plus possible à un lit, pour dormir. Bien sûr, je préférerais être dessus. Et même dedans. Si vous aviez un cercueil à me proposer, sûrement que je préférerais me coucher dedans. Parce que si c’était possible, c’est dedans quelque chose que j’aimerais dormir, même si ça ne ressemblait pas exactement à un lit. Je tiens au dedans plus qu’au lit. Entre coucher sous un lit, même très confortable, et coucher dans un cercueil même très dur, eh bien je préférerais coucher dans un cercueil.
;DEUX
:Vous ne voulez vraiment pas prendre ma place ?
;UN
:Mais non. Un billard, vous savez, qu’on soit couché dessus ou dessous ! Ce qu’il faudrait, c’est qu’on puisse se coucher dedans. Un lit, ce n’est pas dessus, qu’on se couche. C’est dedans. Un billard, non. Vous êtes presque aussi mal que moi.
;DEUX
:Quand même, c’est mieux de dormir sur un billard ou dessous, que de dormir à un endroit quelconque, sur le plancher. Je n’irai pas jusqu’à dire
:sous le plancher, parce que là, c’est vraiment quelque chose de spécial.
;UN
:Un billard, c’est mieux que rien. Mais il faut croire que ça ne suffit pas.
;DEUX
:Pour dormir ?
;UN
:Oui.
;DEUX
:Non. Vous dormez, vous ?
;UN
:Moi ? Non. Et vous ?
;DEUX
:Moi non plus.
;UN
:Ah ça, on peut dire que nous sommes bons, tous les deux.
;DEUX
:Oui. Elle doit bien dormir, votre femme, là-haut, dans la chambre.
;UN
:Oui. La vôtre aussi.
;DEUX
:Ça fait plaisir.
;UN
:Ça fait plaisir, oui. Mais, ce n’est pas un plaisir énorme, quand même.
;DEUX
:Non. Ça m’est arrivé, des plaisirs qui m’empêchaient de dormir. Des plaisirs qui valaient la peine que je ne dormisse pas. Mais là, c’est pas le plaisir qui m’empêche de dormir.
;UN
:Non. C’est pas le billard non plus, faut dire.
;DEUX
:Pauvre billard, il fait ce qu’il peut.
;UN
:Qu’est-ce que vous voulez ! Dans ce petit lit de rien du tout, dans cette petite chambre de rien du tout, dans ce petit hôtel de rien du tout de Bar-le-Duc, je n’allais tout de même pas dormir avec votre femme !
;DEUX
:Non. Surtout que la présence de votre femme dans le même lit n’aurait pas arrangé la situation.
;UN
:Sûrement qu’elle aurait piqué une crise de jalousie, vous pensez.
;DEUX
:Et puis moi aussi. Vous pensez bien que si je vous avais su dans le lit, eh bien dans le lit vous n’auriez pas tardé à vous apercevoir que moi aussi, j’y aurais été.
;UN
:C’est pour le coup que j ’y serais allé de ma crise de jalousie à vous savoir dans le même lit que ma femme.
;DEUX
:Et la mienne, de femme, si vous croyez quelle n’aurait pas été jalouse, de me savoir dans le même lit que la vôtre.
;UN
:J’aurais fait mon possible pour la distraire.
;DEUX
:Jaloux comme vous l’auriez été ? Vous n’auriez même pas fait attention à ma femme.
;UN
:Ni vous à la mienne.
;DEUX
:Oui, au fond, tous les quatre, jaloux comme on l’aurait été, jamais on n’aurait été aussi fidèles.
;UN
:C’est vrai. Au fond, on aurait peut-être dû... Non.
;DEUX
:Non.
;UN
:Non, parce que de toute façon, on n’aurait pas pu dormir.
;DEUX
:On n’aurait pas pu.
;UN
:Remarquez, c’est pas qu’on dorme tellement non plus, ici.
;DEUX
:Non. Mais toutes les deux, là-haut, elles doivent bien dormir.
;UN
:Ce qu’on est bon, tout de même.
;DEUX
:Oui, on est bon.
;UN
:Si seulement on était sûr quelles dorment. DEUX
:Oui. Ça, moi, à leur place, j’aurais des remords. Je me dirais
:ces pauvres bichons, ce qu’ils doivent mal dormir, avec leur billard.
;UN
:Ça sûrement. Et il y a rien qui empêche de dormir comme les remords.
;DEUX
:Pauvres bibiches. Sûrement qu’elles ne dorment pas.
;UN
:Nous, on n’a pas de remords à avoir.
;DEUX
:Au fond, on est mieux qu’elles.
;UN
:Oui. Ah ben ça y est, voilà que j’ai des remords. Vous voyez, on s’est payé la satisfaction d’être bon, et puis en plus, on est moins embêté qu’elles.
;DEUX
:Oui. Ça m’embête de penser qu’elles ont des remords. Remarquez, maintenant qu’on a du remords de leur avoir donné du remords, c’est nous les plus embêtés.
;UN
:C’est vrai. Mais si on pense ça, eh ben ça va nous enlever nos remords. Alors c’est comme si on n’avait rien fait.
;DEUX
:Le plus simple, ce serait d’aller voir en douce si elles dorment.
;UN
:Et puis zut. Si leurs remords les empêchent de dormir, eh bien nous non plus on ne dort pas.
;DEUX
:Et comme de toute façon, nous, c’est sur un billard qu’on ne dort pas, on a l’avantage.
;UN
:Surtout moi. Parce que moi, c’est pas sur un billard que je ne dors pas. C’est dessous.
;DEUX
:Vous n’allez pas recommencer. Allez, allez, dormez.
;UN
:Comment dites-vous ?
;DEUX
:Je dis :dormez.
;UN
:C’est bien ce que j’avais entendu. Vous ne le dites pas bien. Essayez de me le dire sur un ton plus autoritaire. Des fois que je ne pourrais pas m’empêcher d’obéir, ça m’arrangerait.
;DEUX
:Dormez ! Non mais dites donc ! Voulez-vous dormir ! Et tout de suite ! et plus vite que ça ! Allez allez ! Dormez !... Vous dormez ?
;UN
:Non.
;DEUX
:Vous savez, moi, l’autorité, je n’en ai jamais eu beaucoup.
;UN
:C’est ce que je constate.
;DEUX
:Si on essayait plutôt de compter quelque chose ?
;UN
:Des moutons ?
;DEUX
:Eh ! Où voulez-vous trouver des moutons à cette heure-ci ?
;UN
:C’est vrai. Faudrait quelque chose qui ressemble à des moutons. Des boutons, ça ferait pas l’affaire ? J’en ai plein ma chemise et plein mon veston.
;DEUX
:Les boutons et les moutons, ça devrait se ressembler, mais ça ne se ressemble pas. Oh là là ce que j’ai sommeil.
;UN
:Eh bien dormez. Sur votre billard, ça ne doit pas être bien difficile.
;DEUX
:Ce que vous êtes puéril. Vous me rappelez mon voisin du dessus et mon voisin du dessous, chez moi, à Paris. Celui du dessus, dans l’escalier, il ne me salue pas, parce qu’il me considère comme son inférieur, et celui du dessous, il ne me salue pas non plus, parce que d’habiter en dessous, ça lui donne des complexes.
;UN
:Eh bien ils ont raison. Moi je trouve que chacun devrait avoir sa maison. Les voisins, c’est fait pour habiter à côté, pas au-dessous, ni au-dessus.
;DEUX
:Commencez pas à parler politique. Pour ça, il faudrait qu’il y ait des maisons, et puis qu’on ne soit pas obligé de coucher sur des billards.
;UN
:Ou dessous.
;DEUX
:Les billards, c’est pas fait pour dormir. C’est fait pour rouler.
;UN
:Et encore
:faut être une bille.
;DEUX
:Vous dormez ?
;UN
:Non, et vous ?
;DEUX
:Moi non plus. Si on faisait une partie ?
;UN
:De billard ?
;DEUX
:La seule façon raisonnable de ne pas dormir sur un billard, c’est d’y faire une partie, de billard !
;UN
:Oui, mais, pour ça, il ne suffit pas de ne pas pouvoir dormir, il faut pouvoir y jouer, au billard !
;DEUX
:Le billard on l’a !
;UN
:Oui, mais pas les billes.
;DEUX
:Et puis je ne sais pas jouer.
;UN
:Alors, ne m’empêchez pas de dormir.
;DEUX
:Vous non plus. D’ailleurs, je n’ai pas sommeil.
;UN
:Moi non plus. Alors on s’en va ?
;DEUX
:On s’en va. Venez donc. J’ai repéré un cimetière pas loin.
!!!!!Roland Dubillard - Les diablogues et autres inventions à deux voix
!//Los sombreros - //EPO Te Quiero
| !? [[sur Youtube|https://youtu.be/KxWCMh9e2wc]] |
UN DOS TRES
EPO Te quiero
Grâce toi je serais numero Uno
EPO Te quiero
Grâce toi j'aurais le plus beau des maillots
Sur les chemins de la France
Je profite des beaux jours
Faut pas trop que je me dépense
Si je veux gagner le tour
Je me ballade en bicyclette
Sans efforts et sans complexes
Loin devant le peloton
Je fredonne une chanson
EPO Te quiero
Grâce toi je serais numero Uno
La la la la ...
EPO Te quiero
Grâce toi je vais plus vite que tornado
Quand j'ai un petit coup de pompe
A Vélo
Je m'arrête au bord d'un champ
De Pavot
Alors je sort de ma gourde
EPO
Un bon vieux remede d'autan
Et quand vient la fin de l'étape
On m'acclame comme un héros
Le champagne moi je m'en tape
Je préfére mon EPO
EPO Te quiero
Grâce toi je serais numero Uno
La la la la ...
EPO Te quiero
Grâce toi j'aurais le plus beau des maillots
Attention tous en selle
Tous le matins avec EPO prenez une longueur d'avance
Un produit que le monde entier nous envie
Pour vous et votre vélo
C'est EPO qu'il vous faut
Merci a toi mon EPO
EPO Te quiero
Grâce toi je serais numero Uno
La la la la ...
EPO Te quiero
Grâce toi j'aurais le plus beau des maillots
Plus mignon
que Laurent Fignon
EPO
Et plus fort
que Poulidor
EPO
Bien plus dingue
que Virenque
et plus beau que Bernard Hinault
Merci a toi mon E P O
!ESPÈCES MENACÉES
!!!!!Ray Cooney
{{small{
|~Marie-France Gérard |
}}}
;MARIE
:Mais qu'est-ce qu'il fout…Mais qu'est-ce qu'il fout, ce con ! Aaah !...Mais qu'est-ce que t'as fabriqué ? //(Yvon la regarde, interdit)// T'as presque une heure de retard, Yvon Jacques et Sylvie vont arriver d'une minute à l'autre... //(Yvon la regarde sans rien dire, toujours aussi hébété)// Et puis, va te changer... Tu ne vas pas rester comme ça pour dîner... //(Yvon regarde ailleurs, même jeu)// Je me suis fait du souci, moi, je ne savais pas si je devais faire partir le gigot... Yvon, réponds-moi! Dis quelque chose!
;YVON
:Pages jaunes !
;MARIE
:Quoi?
;YVON
:Pages jaunes ! Bottin ! //(Yvon se précipite vers la console et revient avec le bottin des pages jaunes.)//
;MARIE
:Pourquoi, pages jaunes?
;YVON
://(en cherchant)// Agences de voyages Non fermées à cette heure-ci ! Air France !//(Il feuillette rapidement les pages.)//
;MARIE
:Tu as eu un accident, c'est ça. hein ? Je ne sais pas pourquoi mais je le sentais...
;YVON
://(en lisant)// " Transports aériens " - Air Afrique... Air France 01 44 08 22 22.//(Yvon balance le bottin par-dessus son épaule, et va prendre le téléphone sur le bureau)//
;MARIE
:Pourquoi : Air France?
;YVON
://( en composant le numéro)// 01.44.08.22.22
;MARIE
:Yvon ! Jacques et Sylvie viennent dîner, ici, ce soir !
;YVON
://(au téléphone)// Air France ?
;MARIE
:Pour ton anniversaire !
;YVON
://(au téléphone)// Je voudrais deux billets d'avion, s'il vous plaît.
;MARIE
:Des billets d'avion?
;YVON
://(au téléphone)// Pour ce soir.
;MARIE
:Ce soir ?!
;YVON
://(au téléphone)// N'importe où !
;MARIE
:Yvon!
;YVON
://(au téléphone)// Oui, n'importe où... Mais très loin
;MARIE
:Mais qu'est-ce qui te prend ! Jacques et Sylvie vont arriver...
;YVON
://(au téléphone)// Pardon ? Quelle heure ? Quittez pas. //(A Marie)// Combien de temps pour aller à Roissy ?
;MARIE
:Tu as bu !
;YVON
:En taxi.
;MARIE
:Souffle ! //(Elle se penche près de son visage)// Pastis ! Tu as bu !
;YVON
:Il est... //(Il consulte sa montre)// 19 heures 30.
;MARIE
:Raccroche!
;YVON
:Taxi. 20 heures. Roissy 21 heures. //(Au téléphone)// Embarquement 22 heures.
;MARIE
:Yvon, pour l'instant. J'essaie de rester calme…
;YVON
://(au téléphone)// C'est ça, n'importe quel vol à partir de 22 heures.
;MARIE
:... Mais, je sens que je ne vais pas tarder à exploser
;YVON
:Va faire les valises. Et prends les passeports. //(Il indique le bureau)//
;MARIE
:Yvon !
;YVON
:Et une seule valise Une petite. //(Au téléphone)// En première, évidemment...
;MARIE
:Yvon, je vais pleurer.
;YVON
://(à Marie)// Tu prends juste une poignée de slips, on achètera le reste à l'arrivée.
;MARIE
:À l'arrivée où ?
;YVON
://(au téléphone)// Buenos Aires ? Formidable. Il fait beau là-bas ?... 22 heures 15 Ça nous laisse un quart d'heure pour le Duty-Free. C'est parfait.
;MARIE
:Yvon, s'il te plaît...
;YVON
://(au téléphone)// Non, je règle en espèces, à l'aéroport.
;MARIE
:C'est ton anniversaire.
;YVON
://(au téléphone)// Non, pas de retour. Deux allers simples. On ne revient pas. Monsieur et madame Lemouél, Yvon et Marie. Oui, dans une heure et demie. Merci beaucoup. Très aimable, au revoir. //(Yvon raccroche.)//
;MARIE
:Yvon…
;YVON
:Tsss... Tsss... ]'sss... //(Il redécroche le téléphone et compose une nouvelle fois le numéro A Marie)// Brosse à dents, dentifrice, rasoir, ça suffit. //(Au téléphone)// Allô, les Taxis Bleus ? Je voudrais une voiture le plus vite possible. Deux personnes pour Roissy... 01 54 08 36 66. C'est à Saint-Maur, 152 rue Pierre-Brossolette, oui... un gros pavillon avec des volets fuchsia... Quinze minutes ? Merci.
;MARIE
:Yvon...
;YVON
:Marie, écoute...
;MARIE
:Non, toi tu m'écoutes ! Tu as bu, tu n'as pas l'habitude et tu as disjoncté !
;YVON
:Je n'ai pas disjoncté.
;MARIE
:Si Tu as disjoncté. Je ne sais pas ce qui te prend, mais, il est hors de question que l'on aille à Buenos-Aires ce soir parce que Jacques et Sylvie viennent dîner ici pour ton anniversaire, c'est clair? //(Pendant ce qui suit, Yvon prend la serviette et l'ouvre pour en montrer le contenu à sa femme)// On te donne beaucoup trop de travail au bureau. Tu es surmené, c'est pas grave. Mais il faut que tu te reposes. Tu as besoin de calme...//(Soudain, elle découvre le contenu de la serviette. elle pousse un cri)// Qu'est-ce que c'est que ça ?
;YVON
:Sept millions trois cent cinquante mille francs.
;MARIE
:C'est quoi ?
;YVON
:Nouveaux.
;MARIE
:Mais c'est quoi ?
;YVON
:Des sous. De l'argent. En liquide. Sept millions trois cent cinquante mille francs. En billets de cinq cents. Quatorze mille sept cents billets de 500 francs. Sept millions trois cent cinquante mille francs, nouveaux, en billets anciens.
;MARIE
:Mais c'est quoi ?
;YVON
:C'est une grosse somme, Marie, passeports ! //( Il va lui-même chercher les passeports dans le bureau. Marie feuillette les liasses de billets qui sont entourés d'élastiques. Il est évident que ce sont des billets usagés. )//
;MARIE
:Tu peux me dire ce que fait cet argent dans ta serviette ?
;YVON
:Ce n'est pas ma serviette.
;MARIE
:Qu'est ce que tu racontes ?
;YVON
:Je suis descendu de RER à Saint-Maur, comme d'habitude, j'ai pris la rue de la République , comme d'habitude, ma serviette à la main, Ils sont où les passeports ?
;MARIE
:Tiroir du bas... Ensuite ?
;YVON
:J'avais un peu froid, alors je me suis dit : je vais mettre mes gants et mon écharpe, ils étaient dans ma serviette - je me suis arrêté. J'ai ouvert ma serviette, mais ce n'était pas ma serviette.
;MARIE
:Pas ta serviette ?
;YVON
:Ah ! Passeports.
;MARIE
:Comment ça : " pas ta serviette " ?
;YVON
:J'ai dû faire l'échange dans le RER et prendre celle-là par erreur. Ou c'est quelqu'un d'autre qui a pris la mienne par erreur et qui m'a laissé la sienne. //(Il va vers la serviette.)//
;MARIE
: : Pourquoi tu ne l'as pas rendue tout de suite ?
;YVON
:Rendue à qui ? J'étais sous le choc. Qu'est-ce que tu ferais, toi, si tu ouvrais ton sac à main pour te refaire une beauté et que tu tombais sur sept millions trois cent cinquante mille francs ?
;MARIE
:Comment connais-tu le montant exact ?
;YVON
:Je les ai comptés.
;MARIE
:Tu les as comptés ! En plein milieu de la rue de la République.. .
;YVON
:Non. À La Chope de Rodez.
;MARIE
:Je savais que tu avais bu.
;YVON
:J'avais besoin d'un remontant, J'avais les larmes aux yeux. Qu'est ce que l'aurais fait, toi ?
;MARIE
:J'aurais rapporté l'argent à la police.
;YVON
:Moi, j'ai commandé un grand Ricard et puis je me suis enfermé dans les toilettes.
;MARIE
:Dans les toilettes ?
;YVON
:Pour vérifier que c'était vrai Je me suis assis et j'ai compté.
;MARIE
:Yvon !
;YVON
:Ensuite, je suis retourné au bar et j'ai bu mon Ricard.
;MARIE
:Et puis?
;YVON
:Et puis ? J'en ai pris un deuxième. Là-dessus, je suis retourné aux toilettes et j 'ai recompté.
;MARIE
:Et ça t'a pris une heure ?
;YVON
:Je ne vais pas te mentir, j'en ai bu un troisième et je suis redescendu une troisième fois aux waters pour recompter. J'y croyais pas !
;MARIE
:Yvon !
;YVON
:Marie !... On n'aura jamais une autre occasion comme celle-là. Il faut sauter dessus. //(Il revient à la serviette et défait une des liasses)//
;MARIE
:Mais on ne peut pas émigrer... comme ça !
;YVON
:Mais si on peut Ça c'est pour le Duty-Free, //(Il fourre quelques billets dans sa poche)//
;MARIE
:Ce n'est pas notre argent, Yvon !
;YVON
:Maintenant, si ! Va faire les valises.
;MARIE
:Mais. Yvon, c'est du vol !
;YVON
:Pas du tout J'ai longuement réfléchi, assis sur les waters. Cet argent doit être de l'argent sale. Forcément Des liasses de billets usagés entourés d'élastiques, ça sent la magouille, t'es d'accord? Cet argent n'a pas été déclaré, pas d'impôt, pas de TVA... du black Cet argent n'existe pas et comme il n'existe pas, je n'ai pas pu le voler.
;MARIE
:Mais...
;YVON
:Marie, J'ai ma conscience pour moi. Ça fait 20 ans qu'on me paye une misère pour compter le pognon des autres et ben, c'est fini ! Là, je viens de toucher mes indemnités,,, Avec ça, tout est possible On recommence une nouvelle vie au soleil... On file à Buenos-Aires On ouvre n'importe quoi, un petit resto., tiens, un bar à cidre et si ça marche, on fait galette !
;MARIE
:Mais la police...
;YVON
:Comment veux-tu que la police sache quelque chose... Le type qui a perdu cet argent, risque pas de porter plainte... Va faire la valise, j'te dis.
;MARIE
:Yvon... Je veux dîner avec Jacques et Sylvie Je veux manger notre gigot Je veux rester ici au 152 rue Pierre-Brossolette, Je veux me lever demain matin et ouvrir les volets sur notre jardin et puis descendre et donner à manger à notre chat. Je veux...
;YVON
:Marie, tu ne comprends pas. On ne peut pas rester ici. Je peux plus retourner au bureau. Je suis grillé !
;MARIE
:C'est pas trop tard...
;YVON
:Mais si ! J'ai la serviette d'Al Capone et Al Capone a la mienne dans laquelle il ya les papiers du bureau avec l'adresse du bureau. Lundi matin. Al Capone va débouler pour s'occuper de sa serviette et de celui qui l'a récupérée. J'ai tendance à penser qu'il serait plus raisonnable que nous soyons à quelques milliers de kilomètres.., dans un pays comme l'Argentine en train de servir des crêpes sous un nom d'emprunt.., un nom de crêpier... Le Goff par exemple...
;MARIE
:Mais Yvon. Il nous retrouvera. Qu'on s'appelle Le Goff. Dupont ou Durand.
;YVON
:Comment ? Il ne saura pas où on est.
;MARIE
:Mais la police ? Interpol ?
;YVON
:Oublie Interpol. Il ne peut pas aller à la police pour les raisons que je t'ai déjà expliquées. Al Capone a truandé la société de sept millions trois cent cinquante mille francs et il vient de se faire avoir comme un gamin par ton petit Yvon, Marie Lemouél
;MARIE
:Je ne t'ai jamais vu comme ça.
;YVON
:C'est parce que j'attendais le bon moment pour déployer mes ailes, Marie. Voila pourquoi !
;MARIE
:Mais moi je t'aimais comme tu étais avant, un peu veule, une sorte de... chiffe molle.
;YVON
:Cet homme n'existe plus
;MARIE
:Je ne veux pas y aller.
;YVON
:Comment ça ?
;MARIE
:Je ne veux pas aller en Argentine.
;YVON
:Ne sois pas idiote On est allés trois fois à Marbella. Tu as adoré. C'est pareil, c'est la même langue.
;MARIE
:C'était des vacances, pas de l'émigration,
;YVON
:Écoute, si tu n'aimes pas l'Argentine, on n'y passera qu'une nuit je ne peux pas te dire mieux et on ira ailleurs en Australie. Aux Antilles. À Bali. Tiens on achètera Bali Ça doit pas être bien grand. Ça doit pas être bien cher...
;MARIE
:Mais moi je suis contente ici, Yvon je ne veux pas déménager. Et Peluche ?
;YVON
:Ils prennent les chats dans les avions, tu sais,
;MARIE
:Et la famille ?
;YVON
:Quelle famille ? On n'a pas de famille.
;MARIE
:André et Maude.
;YVON
:Maude, c'est ta cousine germaine, on ne l'a pas vue depuis vingt ans..
;MARIE
:Je lui envoie une carte de vœux tous les ans.
;YVON
:Cette année, tu l'enverras de Buenos-Aires Signé Le Goff. Ça les changera. Les valises !
;MARIE
:Attends, juste une minute ! Je vais quand même prendre mon maillot de bain, tu sais celui de Marbella.
!!!!!!//Rideau//
!EXCUSES À UN AMI NE PAS LUI RENDRE VISITE
//MEI YAOCHEN (1002-1060)//
S’il te plaît,
ne te sens pas offensé
si je tarde à venir.
Tu me connais
trop bien pour cela.
Sur mes genoux
ma fillette
et devant moi mon garçonnet
qui commence juste à parler
et babille sans arrêt.
Accrochés à ma tunique
ils me suivent pas à pas.
Ainsi je n’arrive
qu’au seuil de ma porte !
Entouré de tant d’amour
et de tendresse,
comment avancer plus loin ?
je|[[Gérard]]|
vie|Une première déception|
|d|5:30|
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[img(15%,)[https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/5/5c/S%C3%A9ch%C3%A9_-_Les_Muses_fran%C3%A7aises%2C_I%2C_1908.djvu/page131-800px-S%C3%A9ch%C3%A9_-_Les_Muses_fran%C3%A7aises%2C_I%2C_1908.djvu.jpg]]
!ÉGLOGUE //Enfin, cher Clidamis//
Enfin, cher Clidamis, l’amour vous importune ;
Vous suivez le parti de l’aveugle fortune :
L’exemple des mortels qu’elle a précipités
Du suprême degré de leur prospérité ;
Des trônes renversés, des familles éteintes.
Qui troublent l’univers par leurs trop justes plaintes ;
La foule des héros qu’elle traîne au cercueil.
’ont pu vous garantir de ce funeste écueil.
Pour elle vous quittez votre innocente vie,
Qui de tant de douceur avait été suivie ;
Pour elle vous quittez cet aimable séjour,
Où règnent pour jamais l’innocence et l’amour.
Le désir des grandeurs étouffe votre flamme ;
La cour et ses appas me chassent de votre âme,
Ma cabane n’est plus digne de vous loger :
Vous êtes courtisan et n’êtes plus berger.
Et bien, cher Clidamis, suivez votre génie.
Acquérez, s’il se peut, une gloire infinie,
J’y consens, j’y consens : mes amoureux soupirs
Ne troubleront jamais vos fastueux plaisirs.
Qu’un éternel oubli soit le prix de mes peines ;
Renoncez à mon cœur pour des chimères vaines.
À de lâches devoirs sacrifiez des jours
Dont les mains de l’amour devaient filer le cours.
Malgré tant de serments, soyez traître et parjure,
Je souffrirai mes maux sans plainte et sans murmure
C’est un faible secours que les emportements.
Et vous serez puni par vos propres tourments,
Pour moi, dans un désert, exempte de naufrage,
Je vous contemplerai dans le fort de l’orage ;
Et peut-être qu’un jour, de ce tranquille port,
Je vous verrai l’objet des caprices du sort.
De là je vous verrai, sur la mouvante roue,
Tantôt au firmament et tantôt dans la boue.
L’aveugle déité dont vous suivez le char
Sème indifféremment ses faveurs au hasard.
Son inconstante humeur ne peut être arrêtée :
Je la connais, berger ; pour vous je l’ai quittée.
Je sais quels sont les biens dont elle peut combler :
Et que c’est dans ses bras que l’on doit plus trembler.
Quand des siècles entiers de tourments et de peines,
Vous auront rebuté de vos poursuites vaines,
Et que vous trouverez que cent malheurs nouveaux
Seront l’unique fruit de tous ces longs travaux ;
Peut-être Clidamis, que mon triste ermitage
Ne vous paraîtra plus un si méchant partage.
Vous trouverez alors que nos prés et nos bois
Sont un plus beau séjour que les Palais des rois ;
Et, rappelant enfin dedans votre mémoire
De tendres plaisirs, la bienheureuse histoire,
Vous direz, mais trop tard, qu’ils sont plus précieux
Que l’éclat décevant qui s’étale à vos yeux :
Tous les soins sont bannis des demeures champêtres,
On y vit sans sujets, mais on y vit sans maîtres :
C’est le séjour heureux du véritable amour,
L’asile des plaisirs qu’on bannit de la Cour :
Et l’amour qui chérit l’ombre et la solitude,
Vous abandonnera parmi la multitude :
Ne le cherchez jamais sous les lambris dorés.
La fortune et l’amour ont leurs droits séparés :
Où l’une veut régner, il faut que l’autre cède.
Hé ! quel est donc hélas ! l’amour qui vous possède ?
Pourquoi vouloir quitter un maître si charmant,
Qui pour vous rendre heureux, vous avait fait amant ?
Ah ! revenez à moi, songez que je vous aime,
Ou plutôt, Clidamis, revenez à vous-même :
De votre propre cœur écoutez mieux la voix,
Consultez le Berger pour la dernière fois.
Cet aimable captif avait trop de tendresse,
Pour céder aux appas d’une aveugle déesse :
Il est né pour avoir un plus illustre appui,
Et le Destin n’a point d’esclaves tels que lui.
!JOUISSANCE
Aujourd’hui dans tes bras j’ai demeuré pâmée ;
Aujourd’hui, cher Tirsis, ton amoureuse ardeur
Triomphe impunément de toute ma pudeur
Et je cède aux transports dont mon âme est charmée.
Ta flamme et ton respect m’ont enfin désarmée ;
Dans nos embrassements je mets tout mon bonheur,
Et je ne connais plus de vertu ni d’honneur
Puisque j’aime Tirsis et que j’en suis aimée.
Ô vous, faibles esprits, qui ne connaissez pas
Les plaisirs les plus doux que l’on goûte ici-bas,
Apprenez les transports dont mon âme est ravie.
Une douce langueur m’ôte le sentiment,
Je meurs entre les bras de mon fidèle amant
Et c’est dans cette mort que je trouve la vie…
!MADRIGAL //En vain tu veux me secourir//
En vain tu veux me secourir,
Raison, je ne veux pas guérir,
De ces maux mon cœur est complice.
Cessez de tourmenter mes esprits abattus.
Faux honneur, faux devoir. Si l’amour est un vice,
C’est un vice plus beau que toutes les vertus.
!ARTICLES D’UNE INTRIGUE DE GALANTERIE
Un amant qui voudrait aspirer à me plaire
Doit avoir l’esprit délicat
Et craindre surtout d’être ingrat
À la moindre faveur que je lui voudrai faire ;
Paraître fort soumis quand je suis en colère,
Croire mon courroux important.
Car de rien quelquefois je me fais une affaire
Et je veux qu’on en fasse autant.
Comme on croit qu’un poulet est un mets agréable
Oui nourrit bien souvent l’amour,
J’en veux avoir un par jour
Ou qu’on m’en donne au moins une excuse valable.
Ce n’est pas qu’un poulet soit toujours véritable,
Mais, sur le devoir d’un amant.
La pure vérité souvent est moins aimable
Qu’un mensonge dit galamment.
Bien qu’on ait cru toujours l’affreuse jalousie
Le partage des vrais amants,
Je blâme ces dérèglements
Qui, d’une passion, font une frénésie.
Pour moi je veux aimer sans soins et sans envie.
Sans crainte et sans précaution ;
Rien ne peut sur ce point troubler ma fantaisie :
J’ai mes attraits pour caution.
Je ne puis approuver les maximes des belles
Qui recommandent le secret ;
Un amant est assez discret
Quand on veut s’en tenir aux simples bagatelles.
Et puis, fût-il d’humeur à conter des nouvelles,
Il faudrait bien s’en consoler,
Car vouloir retenir les langues infidèles
C’est les contraindre de parler.
Quand on voudra changer d’amant ou de maîtresse
Pendant un mois on le dira
Et puis après on changera
Sans qu’on soit accusé d’erreur ou de faiblesse.
Mais on conservera toujours de la tendresse,
On se rendra de petits soins.
Car, entre deux amants, quand un grand amour cesse
Il faut être amis tout au moins.
!MADRIGAL //Quand on voit deux amants...//
Quand on voit deux amants d’esprit assez vulgaire,
Trouver dans leurs discours de quoi se satisfaire,
Et se parler incessamment,
Les beaux esprits, de langue bien disante,
Disent avec étonnement :
Que peut dire cette innocente ?
Et que répond ce sot amant ?
Taisez-vous, beaux esprits, votre erreur est extrême ;
Ils se disent cent fois tour à tour : Je vous aime.
En amour, c’est parler assez élégamment.
!LE SANSONNET ET LE COUCOU
Un sansonnet, jargonneur signalé,
De captif qu’il était, devenu volontaire,
De désirs amoureux, se trouva régalé.
C’est de l’indépendance, une suite ordinaire.
Il dresse son petit grabat.
Dans un buisson de noble-Épine.
Un coucou, fameux scélérat.
Qui comme chacun sait, ne vit que de rapine.
Qui va de nid, en nid, croquant les œufs d’autrui.
Et les remplissant d’œufs de lui.
Au nid du Sansonnet traduisit son lignage :
Notre ami jargonneur, ignorait cet usage,
Il fut dès sa jeunesse élevé parmi nous.
Et vivait par hasard, en honnête ménage,
Où l’on ne pariait point des ruses des Coucous.
Frère du rossignol il disait en lui-même,
Couvant les nouveaux œufs avec un soin extrême,
Vous vous vantez d’être le Roi des bois.
Mais si jamais, ma famille est Eclose,
Ha ! Foi de Sansonnet, c’est bien à cette fois,
Que vous aurez la gorge close
Dans votre art de Rossignoler.
Vous donnez dos leçons, à tout ce que nous sommes,
Mais mes petits sauront parler.
Comme parlent Messieurs les hommes.
Ces petits longtemps attendus.
Et de tous malheurs défendus.
Il plut à l’Éternel, de donner la lumière,
À nos Sansonnets prétendus
Maître oiseleur, d’espèce singulière
Se promet d’exercer son métier doctement,
Le plumage Coucou, blessait un peu sa vue.
Mais il espérait en la mue,
Les Pères, comme on sait, se flattent aisément.
Le voilà donc, tenant école de Ramage,
Il n’est dictons, ni quolibets.
Qu’apprennent tels oiseaux en Cage.
Qu’il ne siffle aux Coucous réputés Sansonnets.
« Parlez, leur disait-il, parlez l’humain langage,
« C’est le plus éloquent de tous. »
Coucou, répondent les Coucous.
Il n’en peut tirer autre chose.
Quoiqu’il entonne ou qu’il propose,
Coucous, ne disent que coucou.
Le Sansonnet, pensa devenir fou.
Depuis quand, disait-il, cette métamorphose,
Comment œufs de Coucou, sont-ils sortis de moi,
Du temps que j’augmentai l’espèce volatille
Tout oiseau n’engendrait qu’oiseau semblable à soi,
C’est depuis que j’habite, en humaine famille
Que la nature a fait cette nouvelle Loi.
Mais quoi, reprenait-il, dans cette loi nouvelle,
La nature se trompe et n’est plus naturelle.
Pourquoi ? moi, Sansonnet engendrer des Coucous.
Pourquoi ? couver des œufs que ne sont point à nous.
Pourquoi ?... sans doute il eût poussé loin le murmure.
Mais un Milan passant par là :
Quoi, lui dit-il, ce n’est que pour cela
Que tu vas de pourquoi, fatiguer la nature.
Hé ! mon ami, ton mal est devenu commun.
Parmi les Animaux, je n’en connais aucun
Qui ne puisse s’attendre à pareille aventure.
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!El Desdichado
!!!!!//Gérard de NERVAL (1808-1855)///%
|Description:|Gérard de NERVAL -Je suis le Ténébreux, - le Veuf, - l'Inconsolé|
%/[img[http://p2.storage.canalblog.com/21/09/58962/16329830_p.jpg]]
+++^90%^*[Présentation]
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!Présentation générale
Ce poème est certainement le plus célèbre de Nerval. Il est en tout cas très caractéristique de la manière de l’écrivain francilien par ce mélange de mélancolie, de références ésotériques et de mystère. Il produit le charme des rêves par ses images à forte valeur symbolique (ou archétypale) et sa musique verlainienne avant l’heure. Ce sonnet des Chimères est comme une introduction poétique à Aurélia, il baigne dans le même climat d’imaginaire onirique. Ce sont ces œuvres de la fin qui ont conduit les surréalistes à voir dans Nerval non un romantique secondaire, mais un écrivain majeur qui avait tenté d’explorer les profondeurs de l’inconscient et d’abolir les frontières entre rêve et réalité.
Cette pièce liminaire des Chimères a sans doute été écrite en 1853 et a été publiée dans Le Mousquetaire du 10 décembre de la même année. Une version manuscrite de ce poème porte aussi le titre évocateur et moins intertextuel de Le Destin. Cette précision nous aide sans doute à mieux comprendre les intentions de son auteur.
El Desdichado a donc été composé au cours des années où les troubles psychiques de Nerval lui ont valu plusieurs internements dans la clinique du docteur Blanche avant de déboucher sur le probable suicide par pendaison. Ce poème se nourrit de toute la vie réelle, confuse, rêvée, recomposée de son auteur. Placé en tête du recueil, il possède une valeur introductive certaine cherchant à orienter la lecture de cette insolite compilation, étrange ouverture sur ces étranges arcanes que sont Les Chimères.
Pour mieux comprendre El Desdichado, il convient d’examiner brièvement ce recueil des Chimères, groupement de douze sonnets, publié en 1854, en dernière partie des Filles du feu.
Que peut signifier ce titre ? Quelles indications recèle-t-il sur les intentions de Nerval ?
Dans la mythologie grecque, la chimère est un monstre à l’aspect composite anthropozoomorphe, Nerval veut peut-être suggérer la complexité incompréhensible de son moi intime, la trame confuse de ses racines psychologiques telles qu’il les évoque justement dans le sonnet qui nous intéresse…
En héraldique, la chimère est une figure imaginaire. Or El Desdichado laisse une part importante à cette science symbolique du blason, champ d’expression artistique et système cohérent d’identification non seulement des personnes, mais aussi en partie des lignées. Nous retrouvons là la quête douloureuse d’identité qui taraude Nerval, nous y reviendrons.
Enfin dans le langage courant, la chimère désigne une douce folie, une idée extravagante, un pur produit de l’imagination, avec une connotation négative. C’est justement Don Quichotte qui est hanté par ses chimères. Nerval pourrait désigner ainsi les troubles de la personnalité1 dont il souffre en même temps que son rattachement volontaire à une lignée chevaleresque d’un autre temps, redonnant ainsi un sens laudatif à sa quête d’une « impossible étoile »2.
Pour terminer, il n’est pas inutile de souligner que ce recueil est un choix de douze des sonnets écrits antérieurement par Nerval. Ce nombre a une valeur symbolique dans la tradition hébraïque comme signifiant l’univers dans son déroulement cyclique spatio-temporel, ou dans sa complexité interne pour la tradition alchimique. Les douze Chimères pourraient donc annoncer, sous forme poétique, la tentative de résumer une démarche ésotérique et syncrétique qui recherche la vérité au travers des mythes. Nerval a d’ailleurs affirmé que ces sonnets avaient été « composés dans un état de rêverie supernaturaliste, comme diraient les Allemands […] ils perdraient de leur charme à être expliqués ».
}}}
=== +++^90%^*[Éclaircissements]
{{menubox BGTertiaryLight{
!Éclaircissements préalables
De même, le sonnet lui-même nécessite quelques éclaircissements avant d’en proposer une interprétation globale.
En effet, ce poème pose plus de questions qu’il n’en résout.
Il est allusif par ses connotations ésotériques, ses allusions à la vie de son auteur et à ses connaissances illuministes.
Il est intertextuel : il renvoie à d’autres textes comme à l’Ivanhoe de Walter Scott, ou au mythe d’Orphée…
C’est la pièce liminaire des Chimères comme indiqué plus haut : il peut s’agir alors d’une forme d’art poétique en même temps que d’une déclaration d’intention.
D’où la nécessité de tenter quelques explications préalables.
;D’abord le titre
: El desdichado est un mot espagnol dérivé par le privatif des de dicha qui signifie chance, bonheur. Le desdichado serait donc le malchanceux, le malheureux. Les commentateurs ont retenu en fait « déshérité » à la suite de Walter Scott. Cette traduction est plus suggestive que la précédente. Pourquoi ? Ce terme a été emprunté par Nerval au roman Ivanhoe de Walter Scott. Nerval, en bon romantique, est fasciné par le Moyen-âge. Dans cette évocation de l’Angleterre médiévale, un mystérieux chevalier, compagnon de Richard Cœur de Lion, dépossédé de son château par Jean Sans Terre, se présente sans armoiries dans un tournoi ; son bouclier, à côté d’un chêne déraciné portait le mot espagnol « Desdichado »3. La question est de savoir pourquoi ce personnage éminemment romanesque a séduit le poète. Nerval a pu y voir une similitude avec sa propre situation familiale : le pouvoir seigneurial des Labrunie a été aboli par l’Ancien Régime. De même comme le mystérieux chevalier scottien, Il se voit lui aussi privé de ses racines nobiliaires qui l’apparentent aux Biron et aux Lusignan cités plus loin. Surtout, Nerval voit dans ce chevalier errant un frère dont il partage la détresse et le dénuement psychologique. Le chevalier privé de sa terre a aussi perdu son identité.
;Dans le premier vers Je suis le Ténébreux, – le Veuf, – l’Inconsolé
:on notera l’importance des majuscules :
:*Le Ténébreux est celui qui appartient à l’enfer, l’épithète est relayée par le « soleil noir ».
:*Le Veuf : une note de Nerval, « olim : Mausole ? » peut nous mettre sur la voie. Olim en latin signifie autrefois. Quant à Mausole, il s’agit d’un satrape en l’honneur de qui sa sœur et épouse, Artémise II, fit bâtir un somptueux tombeau, le Mausolée d’Halicarnasse, l’une des sept merveilles du monde. Nerval y voit donc son rattachement esthétique au domaine des morts (une des pistes qui parcourt tout le sonnet) en même temps que sa solitude affective, reprise dans l’Inconsolé. La détermination des trois adjectifs substantivés par l’article défini « le » souligne la forte identification de Nerval à ces types.
:Dans la préface des Filles du Feu dédiée à Alexandre Dumas, il écrivait, non sans dérision : « Ainsi, moi, le brillant comédien naguère, le prince ignoré, l’amant mystérieux, le déshérité, le banni de liesse, le beau ténébreux, adoré des marquises comme des présidentes, moi, le favori bien indigne de madame Bouvillon, je n’ai pas été mieux traité que ce pauvre Ragotin, un poétereau de province, un robin ! ». Nous retrouvons dans ces propos bien des qualificatifs du 1er quatrain, preuve s’il en est qu’ils formaient un tout pour notre poète.
;Vers 2. Le Prince d’Aquitaine à la Tour abolie
: Qui est ce prince d’Aquitaine ? Sans doute le Prince noir, le vainqueur de Poitiers. Nerval y reconnaît en lui la couleur noire du malheur, celui qui sème la désolation sur son passage, le massacreur de Limoges, le vainqueur de plusieurs sièges (un premier sens de la tour abolie ?). Quant à la « tour abolie », elle peut renvoyer, d’après le dictionnaire des symboles, à deux significations, la rupture de l’équilibre, de la continuité entre la terre (y compris les mondes souterrains) et le ciel, ou le symbolisme médiéval de la vigilance et de l’ascension. Dans les deux cas, il s’agit d’un retour brutal au sol après une tentative de s’élever jusqu’au ciel. C’est aussi l’arcane XVI du tarot (la tour foudroyée de la Maison-Dieu) à interpréter comme la chute des constructions de l’orgueil humain.
;Vers 3. Ma seule Étoile est morte, – et mon luth constellé
:L’étoile est aussi l’arcane XVII du tarot. C’est l’Étoile de Vénus, étoile double de l’espérance et de l’amour. Le luth constellé renvoie bien sûr à l’Étoile et évoque en même temps l’instrument qui accompagnait le troubadour célébrant la fin’amor. Le thème amoureux croise pour la première fois la célébration poétique.
;Vers 4. Porte le Soleil noir de la Mélancolie.
:Le Soleil est l’arcane XIX du tarot, c’est l’arcane de l’illumination totale sous lequel pour la première fois l’homme n’est plus seul. Le psychanalyste Carl Gustav Jung y décèle pour sa part la voie solaire de l’extraversion et de l’action, par opposition à la voie lunaire de l’introversion, de la contemplation et de l’intuition4. Comme la tour abolie évoquait la mort, de même l’oxymore du soleil noir est une vision de fin du monde. Cet oxymore, dans lequel le soleil devient le symbole de sa propre négation, pourrait, à la lumière de la théorie psychanalytique junguienne, marquer l’impossibilité d’être au monde, et l’aliénation par blocage entre deux comportements opposés et exclusifs (introversion et extraversion). La mélancolie dont l’étymologie grecque renvoie à la noirceur de la bile, et qui est donc une continuation du soleil noir, est peut-être une reprise d’une tradition iconographique médiévale, qui y voyait une manifestation de l’acédie ou péché de paresse. Ici la mélancolie serait l’image de l’impuissance créatrice du poète, du luth devenu muet sous les attaques de la folie.
;Vers 6. Rends-moi le Pausilippe et la mer d’Italie,
:Le Pausilippe (Posilipo) est une colline à l’Ouest de Naples. Il offre une vue magnifique sur le Vésuve et la baie de Naples. Ce paysage napolitain est pour Gérard, un lieu privilégié, à cause du bonheur qu’il lui a procuré. Dans Myrtho, le deuxième sonnet des Chimères, Nerval unit le personnage éponyme et le lieu : « Je pense à toi, Myrtho, divine enchanteresse, / Au Pausilippe altier, de mille feux brillant, »… or une des dédicaces du poème était : « à J-y Colonna », autrement dit Jenny Colon. De plus ce prénom féminin évoque le myrte, plante qui symbolisait la déesse de l’amour, Aphrodite.
:Le Pausilippe abrite aussi la "grotte du Pausilippe" (ou "grotta Vecchia"), au débouché de laquelle se trouve le tombeau présumé de Virgile. Cette mention annonce sans doute la descente d’Orphée aux enfers telle que Virgile l’a dépeinte dans le Livre IV des Géorgiques.
;Vers 7. La fleur qui plaisait tant à mon cœur désolé,
:La fleur est sans doute l’ancolie, fleur de couleur mauve et violette, symbole de la tristesse et emblème de la folie.
;Vers 8. Et la treille où le Pampre à la Rose s’allie.
:L’alliance de la rose au pampre est une évocation de paysage italien où les vignes (pampre) s’unissent aux roses… Notons que dans d’autres vignobles comme dans le Bordelais, un rosier est souvent planté en tête des rangées de ceps. Le symbolisme de cette alliance est remarquable puisque la rose est l’image de l’amour, et même du don de l’amour, de l’amour pur… La vigne est l’image de la connaissance ; par Dionysos, celle des mystères de la mort, et par le vin qu’elle produit, l’ivresse sacrée de la poésie…
;Vers 9. Suis-je Amour ou Phébus ?… Lusignan ou Biron ?
:Amour est fils de Vénus, déesse de l’amour. Phébus est le nom grec latinisé d’Apollon, c’est le dieu de la clarté solaire, de la beauté, de la raison, des arts et plus précisément de la musique et de la poésie. Enfin, c’est un des dieux de la divination, consulté, entre autres, à Delphes, où il rendait ses oracles par la Pythie. Il est parfois suivi des muses, il joue aussi de la cithare, sorte de lyre.
:Lusignan et Biron : Nerval pensait descendre d’une ancienne famille du Périgord, apparentée aux Biron et Lusignan. Lusignan était un comte de Poitou qui devint roi de Chypre et qui, selon la légende épousa la fée Mélusine (abréviation de la Mère de Lusignan).
;Vers 10. Mon front est rouge encor du baiser de la Reine ;
:Qui est la Reine ? La majuscule nous indique qu’il s’agit sans doute d’un symbole ou d’une allégorie. La note d’un manuscrit des Chimères vient nous éclairer. Nerval a porté « Reine Candace », nom générique des reines d’Éthiopie. Cette reine est donc la mythique Reine de Saba. Rappelons que Nerval avait d’ailleurs composé pour Jenny Colon un opéra intitulé la Reine de Saba.
;Vers 11. J’ai rêvé dans la Grotte où nage la sirène…
:Nerval fait allusion à la grotte des sirènes, à Tivoli, en Italie, à moins qu’il ne s’agisse de celle de Capri. Nous sommes encore dans un univers légendaire.
;Vers 12-13. Et j’ai deux fois vainqueur traversé l’Achéron
:Modulant tour à tour sur la lyre d’Orphée L’Achéron est le fleuve qui entoure les enfers dans la mythologie antique. Nerval évoque les deux crises de démence, celles de 1851 et de 1853 qu’il a vécues comme une « petite mort ». Tel Orphée, il est revenu par deux fois des domaines infernaux sans pour autant, comme lui, pouvoir ramener la bien-aimée morte en 1842… Notons qu’Orphée est le modèle du poète qui chante en s’accompagnant de la lyre5.
;Vers 14. Les soupirs de la Sainte et les cris de la Fée. La Sainte et la Fée décrivent dans l’imaginaire de Nerval l’ambivalence féminine jusque-là impossible à concilier : la Sainte pourrait renvoyer à l’image maternelle et à un éternel féminin idéalisé, tandis que la Fée reprendrait le personnage légendaire de Mélusine et l’amour-passion, l’envoûtement par le philtre comme dans Tristan et Yseut, l’amour maléfique, l’amour vécu comme une souffrance (à noter le terme de cris).
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=== +++^90%^*[Explication d’ensemble]
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!Explication d’ensemble
Les éclaircissements donnés plus haut ne sont que des interprétations probables. Toutes pourtant nous ramènent à trois thèmes qui s’entrelacent : folie, amour et poésie.
Ce poème présente une forte coloration autobiographique au point d’y percevoir une biographie rêvée et une vie mise en perspective.
La première allée, comme pour toute autobiographie, utilise l’axe du temps : passé, présent et futur. Le passé est prédominant, le présent est celui de l’énonciation (avec une valeur gnomique toutefois : le « je suis » est tout autant le présent de l’écriture que l’affirmation d’un moi pérenne). Le futur est suggéré par l’élan vital retrouvé du dernier tercet, l’épithète « vainqueur » appelant une suite vers des « lendemains qui chantent »6.
L’évocation du passé fait penser à Vie antérieure de Baudelaire, même si la référence diverge : Grèce mythique pour Baudelaire, Moyen-âge pour Nerval. Ce qui les rapproche est en fait cet apparent trouble de la mémoire, la paramnésie, qui les conduit à se croire des avatars, à posséder une âme qui transcende le temps, surtout pour Nerval.
La deuxième voie est la corrélation qui existe entre l’amour et la création poétique. L’amour ou l’éternel féminin est l’unique source d’inspiration, mais doit passer au creuset de la souffrance pour s’épurer et s’épanouir.
La troisième est la mise en valeur des missions de la poésie réorientée vers une forme de connaissance mystique, et devenant par là-même voie de salut. L’alchimie poétique opère la transmutation de l’expérience douloureuse et mortifère en résurrection victorieuse, en accession à une vie transcendée et unifiée. La poésie passe successivement par les étapes du calmant à la douleur de vivre, du voyage dans le temps pour s’épanouir dans le chant sacré qui introduit au mystère.
Malgré l’aspect général décousu et les images flamboyantes ou obscures, nous pouvons discerner une progression logique entre les strophes :
''1er quatrain :'' l’affirmation appuyée du désespoir (Je suis…), l’évocation médiévale.
''2e quatrain : ''le désir de bonheur retrouvé, l’association avec la douceur italienne.
''1er tercet :'' la quête de l’identité profonde (Suis-je…), le retour vers le Moyen-âge et l’Antiquité.
''2e tercet :'' la poésie victorieuse du malheur et de la fatalité, l’exploitation du mythe orphique.
En quelque sorte, l’amoureux meurt pour faire naître le poète mystique dans le dernier tercet. La place de ce sonnet en tête des Chimères est donc un art poétique qui expose quels sont les domaines de son inspiration ainsi que la vocation de son chant, c’est aussi la mise en œuvre de ces intentions par un réseau de symboles hétérogène, mais convergent7, et des allusions personnelles (comme placées hors du temps et de l’espace). Cette biographie poétique devient ainsi rêvée au sens où elle résulte d’une construction onirique, mais aussi où elle espère un avenir apaisé et radieux. On peut y voir la reconstruction d’une vie qui réinterprète ou s’approprie l’expérience chrétienne : Nerval nous fait vivre sa pâque, son passage purificateur d’une faute originelle à l’avènement d’une vie spiritualisée et pacifiée par un baptême dans la mort. Il devient lui-même une figure christique qui ne dit pas son nom.
Dans ce parcours initiatique, nous nous garderons bien de faire de Nerval un héros de la connaissance, rimbaldien avant l’heure, même s’il a été initié à cette aventure périlleuse par la traduction du premier Faust de Goethe. Nous y verrons plutôt, à travers son voyage dans les mythologies et les théosophies, le pathétique parcours humain d’un esprit qui se défait et sombre dans ses angoisses délétères. Nous nous garderons bien de ne pas confondre folie et génie. La grandeur de Nerval (comme celle de Lautréamont, son frère ricanant et blasphémateur) ne réside pas dans ses obsessions névrotiques, mais dans sa lucidité et l’acceptation de son destin jusqu’à la mort. Ce qui donne tout son prix à Nerval, c’est d’avoir essayé de dominer la confusion de son esprit par un art vigilant, une expression pure, souple, mélodieuse. Ce sonnet, son chef-d’œuvre poétique, révèle densité, ellipses, émotions contenues et surtout images profondes et archétypales.
}}}
=== +++^90%^*[Notes]
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!Notes
1 Le premier traumatisme de Gérard Labrunie (Nerval est un pseudonyme emprunté à une petite propriété familiale) remonte à ses deux ans lorsque sa mère mourut, en Silésie lors d’un voyage avec son mari, médecin de la Grande Armée.
Le second ébranlement affectif remonte à sa dix-neuvième année, un amour non satisfait pour une cousine, Sophie de Lamaury.
Se situe ensuite l’échec de sa passion pour Jenny Colon, cantatrice légère et comédienne.
Il en résulte le sentiment d’une faute diffuse : Nerval se croit coupable de ces morts ou de ces échecs.
Il semble aussi que Nerval ait souffert secrètement d’une impuissance physiologique.
Quoi qu’il en soit, cette misère affective cumulée à des recherches ésotériques se transforme en rêves délirants à la signification ambiguë. Ce sont des folies extatiques suivies de rechutes, d’angoisses, de paniques, d’hallucinations terribles. Les frontières entre la réalité et le monde des rêves s’estompent. Le songe lui apparaît comme un moyen de passer d’une sphère à l’autre, de saisir le sens réel que cachent nos aventures terrestres, de percer les « portes d’ivoire ou de corne qui nous séparent du monde invisible ». Ces crises ont en même temps la valeur d’épreuves purificatrices, d’expiation de cette culpabilité diffuse.
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2 L’Homme de la Mancha de Jacques Brel où le chanteur désigne ainsi l’idéal de vie démodé du fantasque chevalier épris notamment de Dulcinée/Aldonza, un modèle ambivalent de l’éternel féminin.
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3 “His suit of armour was formed of steel, richly inlaid with gold, and the device on his shield was a young oak-tree pulled up by the roots, with the Spanish word Desdichado, signifying Disinherited”.
Son armure était formée d’acier, incrustée richement d’or, et son bouclier portait un jeune chêne déraciné, avec le mot espagnol Desdichado, signifiant Déshérité.
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4 Évoquée indirectement ici par le monde de la nuit, des ténèbres et des étoiles.
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5 D’où le terme de lyrisme.
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6 Les lendemains qui chantent est le titre de l’autobiographie de Gabriel Péri, député communiste fusillé par l’occupant en 1941. Ce titre provient des derniers mots de sa lettre d’adieu écrite la veille de son exécution.
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7 Le recours à l’occultisme, aux mythologies, aux légendes, au savoir alchimique, est autant le signe d’une confusion mentale chez un malade que la tentative d’accéder à une connaissance cachée, libératrice, et épanouissante. C’est cette ambiguïté qui rend le poème si poignant surtout lorsqu’on connaît la défaite finale et l’issue fatale de l’entreprise.
}}}
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Je suis le Ténébreux, - le Veuf, - l'Inconsolé,
Le Prince d'Aquitaine à la Tour abolie :
Ma seule Étoile est morte, - et mon luth constellé
Porte le Soleil noir de la Mélancolie.
Dans la nuit du Tombeau, Toi qui m'as consolé,
Rends-moi le Pausilippe et la mer d'Italie,
La fleur qui plaisait tant à mon coeur désolé,
Et la treille où le Pampre à la Rose s'allie.
Suis-je Amour ou Phoebus ?... Lusignan ou Biron ?
Mon front est rouge encor du baiser de la Reine ;
J'ai rêvé dans la Grotte où nage la Sirène...
Et j'ai deux fois vainqueur traversé l'Achéron :
Modulant tour à tour sur la lyre d'Orphée
Les soupirs de la Sainte et les cris de la Fée.
!« Elle avait pris ce pli dans son âge enfantin »
{{center{
!!!!!!//Victor Hugo - Les Contemplations (1830-1855)//
[img(50%,)[https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/5/59/Maison_de_Victor_Hugo_Leopoldine_Chatillon_27122012.jpg/640px-Maison_de_Victor_Hugo_Leopoldine_Chatillon_27122012.jpg]]
Elle avait pris ce pli dans son âge enfantin
De venir dans ma chambre un peu chaque matin ;
Je l’attendais ainsi qu’un rayon qu’on espère ;
Elle entrait et disait : Bonjour, mon petit père ;
Prenait ma plume, ouvrait mes livres, s’asseyait
Sur mon lit, dérangeait mes papiers, et riait,
Puis soudain s’en allait comme un oiseau qui passe.
Alors, je reprenais, la tête un peu moins lasse,
Mon œuvre interrompue, et, tout en écrivant,
Parmi mes manuscrits je rencontrais souvent
Quelque arabesque folle et qu’elle avait tracée,
Et mainte page blanche entre ses mains froissée
Où, je ne sais comment, venaient mes plus doux vers.
Elle aimait Dieu, les fleurs, les astres, les prés verts,
Et c’était un esprit avant d’être une femme.
Son regard reflétait la clarté de son âme.
Elle me consultait sur tout à tous moments.
Oh ! que de soirs d’hiver radieux et charmants
Passés à raisonner langue, histoire et grammaire,
Mes quatre enfants groupés sur mes genoux, leur mère
Tout près, quelques amis causant au coin du feu !
J’appelais cette vie être content de peu !
Et dire qu’elle est morte ! Hélas ! que Dieu m’assiste !
Je n’étais jamais gai quand je la sentais triste ;
J’étais morne au milieu du bal le plus joyeux
Si j’avais, en partant, vu quelque ombre en ses yeux.
!!!!!!//Novembre 1846, jour des Morts.//
}}}
!« Elle était déchaussée, elle était décoiffée »
{{center{
[img(90%,)[http://mfs3.cdnsw.com/fs/Root/ve50-Elle_etait_dechaussee_.jpg]]
!!!!!!Victor Hugo - Les Contemplations (1830-1855)
XXI
Elle était déchaussée, elle était décoiffée,
Assise, les pieds nus, parmi les joncs penchants ;
Moi qui passais par là, je crus voir une fée,
Et je lui dis : Veux-tu t’en venir dans les champs ?
Elle me regarda de ce regard suprême
Qui reste à la beauté quand nous en triomphons,
Et je lui dis : Veux-tu, c’est le mois où l’on aime,
Veux-tu nous en aller sous les arbres profonds ?
Elle essuya ses pieds à l’herbe de la rive ;
Elle me regarda pour la seconde fois,
Et la belle folâtre alors devint pensive.
Oh ! comme les oiseaux chantaient au fond des bois !
Comme l’eau caressait doucement le rivage !
Je vis venir à moi, dans les grands roseaux verts,
La belle fille heureuse, effarée et sauvage,
Ses cheveux dans ses yeux, et riant au travers.
}}}
!!!!27 janvier 96
En cette journée si triste
Qui voit mon coeur pleurer
Je sais bien qu'il existe
En ton âme égarée
Une lueur d'espoir
Perdue à l'horizon
Qui reflète en miroir
De brèves illusions
!!!!^^//Éva, 27/01/96//^^
{{homeTitle center{EN PASSANT - Raymond Queneau}}}
{{groupbox italic{
;Personnages :
:*//ACTE I : //Irène Joachim Le Passant La Mendiante
:*//ACTE II : //Sabine Etienne Le Mendiant La Passante
}}}
!ACTE I
{{groupbox italic{
Un couloir de métro. Une mendiante, debout contre le mur du fond, tend la main. Un passant lui donne vingt sous.
}}}
;La Mendiante //(désagréable)//
:Vous avez de la bonté de reste, mon brave.
;Le Passant
:Excusez-moi ! Je n’avais pas l’intention de vous froisser.
;La Mendiante
:Il n’y a pas de mal.
;Le Passant
:Qu’est-ce que vous voulez ! je ne faisais que passer.
://(Il sort. Il reviendra. Ce sera toujours le même Passant. Il changera simplement de couvre-chef. Cette fois-ci, par exemple, il porte un feutre mou.)//
://Un temps.//
://(Entrent une femme et un monsieur avec une grosse valise.)//
;Irène //(s'arrêtant excédée)//
:J’en ai assez.
;Joachim //(posant sa valise)//
:J’en ai marre.
;Irène //(avec mépris)//
:De quoi ?
;Joachim
:Je te dis que j’en ai marre. Il pèse au moins vingt kilos de plumes, ton fourgon. Qu’est-ce que tu as mis dedans ?
;Irène
:Il s’agit bien de cela !
;Joachim
:De quoi s’agit-il alors ?
;Irène
:Tu me le demandes ?
;Joachim
:Il paraît.
;Irène
:Je suis fatiguée.
;Joachim
:Et moi donc.
;Le Passant //entre.//
://(Il a un bicorne d'employé à la Banque de France. Aux trois quarts de sa course, il s'arrête et dit aimablement.)//
:Qu’est-ce que j’encaisse aujourd’hui... mais je ne fais que passer. //(Il sort.)//
;Irène //(à Joachim)//
:M’aimes-tu ?
;Joachim
:Comme si c’était un endroit pour poser une question pareille. J’ai même une vague impression qu’il y a un courant d’air.
;Irène //(très sérieuse)//
:M’aimes-tu ?
;Joachim
:Je me demande ce que tu as bien pu entasser dans cet objet. //(Il soupèse la valise.)// Je n’en peux plus. //(Il repose la valise.)//
;Irène //(encore plus sérieuse)//
:M’aimes-tu ?
;Joachim
:Oui, bien sûr. Heureusement qu’elle est solide, sans ça tout le contenu se débinerait sur le parquet.
;Irène
:Je me demande si tu m’aimes.
;Joachim
:Je suis content que tu aies perdu l’autre, tu sais, la mallette en peau de porc, parce que alors, celle-là, je n’aurais même pas pu la traîner jusqu’ici.
;Irène
:Parfois je te regarde et il me semble que je vois à travers toi, comme si tu n’existais plus pour moi.
;Joachim
:Je comprends ça. En ce moment par exemple, j’ai l’impression d’être tout à fait transparent. La fatigue m’a vidé.
;Irène
:Au fond tu ne m’aimes pas.
;Joachim
:Mais si, mais si. Seulement, après un effort comme celui-là permets-moi de me reposer.
;Le Passant rentre.
://(Chapeau haut de forme. Il a l'air très pressé. A la Mendiante.)//
:Pas le temps de mettre la main au gousset. Ce sera pour une autre fois.
;La Mendiante
:Vous êtes trop bon, mon bon monsieur./
;Le Passant
:Vous comprenez, je ne fais que passer. //(Il sort.)//
;Irène //(gros soupir)//
;Joachim
:Eh bien ? Tu te trouves mal ? Ce serait plutôt à moi. Il faut que j’en mette un rude coup pour trimballer ton armoire.
;Irène
:Je voudrais que tu m’écoutes. J’ai quelque chose de grave à te dire.
;Joachim
:Ici ?
;Irène
:Ici.
;Joachim
:Ici ? entre la valise, la mendigote et le courant d’air ?
;Irène
:Oui.
;Joachim //(il s'assoit sur la valise)//
:Je t’écoute.
;Irène
:Tu ne m’aimes pas.
;Joachim
:C’est une affirmation, une question ou une négation ?
;Irène
:Tu ne m’aimes pas. Cela se voit.
;Joachim
://(se levant brusquement)//
:Grands Dieux ! Ça se voit ? Comment ?
;Irène
:Non, tu ne m’aimes pas ! tu ne m’aimes pas ! tu ne m’aimes pas ! //(Elle s'énerve et veut pleurer.)// Tu es une pierre brute, un rocher, un polichinelle, une pelle dans un coin, un coin de trottoir, une page d’arithmétique avec des gribouillis dessus, mais tu n’es pas un amoureux.
;Le Passant entre.
://(Casquette. Mains dans les poches, il siffle un refrain à la mode. Et sort)//.
;Irène
:La vie avec toi devient ennuyeuse extraordinairement. Tu m’accables de ta grisaille et il fait froid dans ton voisinage. //(Joachim prend la valise et va la porter — péniblement — près de la Mendiante. Il s'assoit dessus et reste là, auditeur attentif.)// Je meurs de froid ! Je meurs d’ennui ! Ah ! n’importe quel homme serait plus chaleureux que toi ! Mais réponds donc.
;Joachim
:Qu’est-ce que tu veux que je te dise ?
;Irène
:Tu es une brute.
://(Silence.)//
;Irène
:N’importe quel homme serait plus tendre, plus ardent...
;Joachim
:Des idées.
;La Mendiante
:Des idées, ce n’est jamais ce qui nous manque à nous autres femmes.
;Joachim
:On ne vous demande pas votre avis.
;Irène
:N’importe quel homme...
;Joachim, //(se prenant la tète à deux mains)//
:Tu deviens plus fatigante que la valise.
;Irène
:N’importe quel homme...
://(Entre le Passant tète nue.)//
;Irène
:Hep !
://(Le Passant s'arrête.)//
;Irène
:Passant !
://(Le Passant se désigne du doigt interrogativement.)//
;Irène //(incline la tête affirmativement)//.
://(Le Passant s’approche.)//
;Irène
:Monsieur... euh... pourriez-vous me dire l’heure ?
;Le Passant
://(il regarde sa montre-bracelet)//
:Il est quatre heures trente-cinq.
;Joachim //(assis sur la valise)//
:Vous croyez ?
;Le Passant //(à Irène)//
:En effet ce n’est pas très vraisemblable.
://(Il regarde sa montre attentivement.)// Pourtant c’est bien cela.
;Irène //(regardant aussi)//.
;Le Passant
:Oui. Quatre heures trente-cinq.
;Joachim //(assis sur sa valise)//
:Ce n’est pas possible.
;Le Passant //(à Irène)//
:Vous croyez ?
;Irène
:Votre montre est peut-être arrêtée.
;Le Passant
://(porte sa montre à son oreille. Il écoute attentivement)//.
;La Mendiante
:Tic tac, tic tac, tic tac.
;Le Passant
:On dirait pourtant qu’elle marche.
;Irène
:Non, c’est l’écho.
;Le Passant
:Vous croyez ?
://(Il écoute.)//
;La Mendiante
:Tic tac, tic tac, tic tac.
;Irène
:Vous savez bien... De même que nous percevons la lumière d’astres éteints depuis des millions d’années, de même...
://(Le Passant écoute encore sa montre.)//
;La Mendiante
://(se tait)//.
;Le Passant
:C’est exact. Elle s’est arrêtée.
:Tant pis.
;Le Passant
:Je peux m’informer de l’heure auprès de ce monsieur.
;Irène
:Laissez. C’est mon mari.
;Le Passant
:Et il n’a pas de montre ?
;Irène
:Si.
;Le Passant
:Elle ne marche pas non plus ?
;Irène
:Je ne veux pas le savoir.
;Le Passant
:Vous ne voulez pas que je le lui demande ?
;Irène
:Je vous en prie... non.
;Le Passant
:Je m’incline... Je ne suis que trop heureux de pouvoir obtempérer à l’un de vos désirs et, regrettant infiniment de ne pouvoir vous fournir le renseignement demandé, je vous prie de croire, Madame, à l’expression de mes sentiments dévoués. //(Il s'incline.)//
;Irène //(s’incline également)//.
://(Le Passant fait mine de s’éloigner.)//
;Irène //(le retenant)//
:Monsieur.
;Le Passant //(revenant aussitôt)//
:Madame ?
;Irène
:Cette montre...
;Le Passant
:Oui ?...
;Irène
:Elle est jolie.
;Le Passant
:Vous trouvez ?
;Irène
:Oui, élégante même.
;Le Passant
:Elle est carrée.
;Irène
:Le chic n’est pas forcément rond.
;Le Passant
:C’est ce que j’ai toujours vaguement pensé.
;Irène
:Il y a longtemps que vous l’avez ?
;Le Passant
:Voyons voir //(il réfléchit)//... Depuis un certain temps déjà... //(il réfléchit encore)//. Mais maintenant... Comment voulez-vous que je sache !
;Irène
:C’est un cadeau ?
;Le Passant
:Oui.
;Irène
:De votre femme ?
;Le Passant
:Non.
;Irène
:Vous êtes marié ?
;Le Passant
://(Il recule de deux pas pour examiner Irène — surtout les jambes : Irène doit porter une jupe fort courte. Réflexion faite.)// Non. //(Il se rapproche. Un temps.)//
;Irène
:Une amie ?
;Le Passant
:Non.
;Irène //(avec vivacité)//
:Un souvenir de famille ?
;Le Passant
:Non //(avec décision)//. Un cadeau de mon masseur.
;Irène
:J’aimerais bien en connaître la marque.
;Le Passant
://(examinant sa montre)//
:Il y a écrit dessus Electra. Ça doit être ça.
;Irène
:Suisse ?
;Le Passant
:Je ne vois pas de petit drapeau.
;Irène
:N’importe.
;Le Passant
:Vous ne tenez pas spécialement à ce qu’elle soit suisse ?
;Irène
:Non, pas du tout.
;Le Passant
:En tout cas, elle ne marche plus.
;Irène
:Vous avez peut-être oublié de la remonter.
;Le Passant //(tourne le remontoir indéfiniment)//.
;La Mendiante
:Il y a des gens que ça gêne, une montre qui ne marche pas.
;Joachim
:Il y en a même que ça agace. Ils finissent par grincer des dents et en fin de compte ça les fait arriver en retard.
;Le Passant //(lassé de tourner le remontoir)//
:Le mécanisme a l’air bousillé. D’ailleurs je ne me souviens plus si elle a jamais marché. Je ne la regardais jamais. Il a fallu que vous attiriez mon attention sur elle pour que...
;Irène //(d'un ton très conventionnel)//
:Une montre, c’est bien utile pourtant.
;Le Passant
:Oui. Cela sert à mesurer le temps.
;Irène
:Et ce n’est pas commode.
;Le Passant //(également très conventionnel)//
:Il paraît qu’il y a des montres qui indiquent les jours de la semaine, les mois et même les années.
;La Mendiante //(à Joachim)//
:J’en ai vu des comme ça au marché aux puces.
;Joachim
:Vous m’y conduirez ?
;Irène //(au Passant)//
:Nous irons ensemble, si vous voulez. On y découvre des objets charmants.
;Le Passant
:Et tellement baroques. Une fois j’y ai trouvé un petit bout de papier.
:Oui. Un petit bout de papier. C’était tout //(rêveur)//. Etrange, n’est-ce pas ? //(Brusquement.)// Mais... vous avez bien dit tout à l’heure, « nous irons ensemble » ?
;Irène
:Oui je vous ai bien dit à l’instant « nous irons ensemble ».
;La Mendiante
:Ce soir il est trop tard.
;Joachim
:Evidemment.
;Le Passant
:Alors, il nous faut prendre rendez-vous ?
;Irène
:Non?
;Le Passant
:Je serais ravi.
;Irène
:On y va le dimanche en général.
;Le Passant
:Et quel jour sommes-nous ?
;Irène
:Jeudi.
;La Mendiante
:Vendredi.
;Joachim
:Samedi.
;Le Passant //(il regarde en l’air)//
:Je ne suis pas suffisamment calé en astronomie... //(Avec vivacité.)// Vous aimez les étoiles ?
;Irène
://(avec modestir)// Voui.
;Le Passant
:Comme nous allons bien nous entendre !
;Irène
:Parfois je les regarde avec tant d’insistance que le vertige me prend et j’ai l’impression que je vais tomber dans le ciel.
;Le Passant
:Lequel n’est après tout qu’un grand trou, une sorte de fosse, un abîme comme les autres.
;Irène
:Mais... vous avez bien dit tout à l’heure « Comme nous allons bien nous entendre ».
;Le Passant
:Oui. Je vous ai bien dit à l’instant « Comme nous allons bien nous entendre ».
;Irène //(rêveusement)//
:Nous...
;Le Passant
:Oui : nous.
;Irène
:Nous, et les étoiles.
;Le Passant
:Ça fait beaucoup. Elles sont nombreuses.
;Irène
:Des centaines.
;Le Passant
:Des milliers.
;Joachim
:Des millions.
;La Mendiante
:Des milliards.
;Irène
:Vous croyez ?
;Le Passant
:Il y a des spécialistes qui le disent. Mais ce qui m’intéresse, c’est leur désordre.
;Irène
:Elles ont été jetées dans l’espace comme des dés sur un tapis vert.
;Le Passant
:Et personne n’a gagné.
;La Mendiante
:Jamais ils ne vont y arriver.
://(Silence.)// //(La Mendiante secoue Joachim qui s'était endormi.)//
;Joachim
:Où en sont-ils ?
;La Mendiante
:Ils sont un peu perdus.
;Joachim
:Déjà ?
;Irène
://(reprenant la conversation, de nouveau très conventionnelle)//
:Vous êtes joueur, monsieur ?
;Le Passant
:Bah ! j’aime bien une petite belote de temps en temps.
;Irène
:J’adore le poker.
;Le Passant //(mentant effrontément)//
:Moi aussi.
;Irène
:Bien vrai ?
;Le Passant
:Oui. Et je parie que vous aimez tricher.
;Irène
:Oui.
;Le Passant
:Nous nous entendrons parfaitement ; moi aussi.
;Joachim
:Résumons : Visite du marché aux puces le matin, petit poker pour personnes billes le soir, contemplation du ciel étoilé après minuit, voilà un emploi du temps déjà fort avancé. Mais ils ne savent pas encore quoi faire de leur après-midi.
;La Mendiante
:Ils pourraient aller se promener.
;Irène
:S’il veut.
;Joachim
:Ils pourraient aller au cinéma.
;Le Passant
:Si elle veut.
;Joachim et La Mendiante //(en chœur)//
:Que veulent-ils ?
;Irène et Le Passant //(en chœur)//
:Nous promener.
;Irène
:Oui c’est cela.
;Le Passant
:Nous prendrons le métro.
;Irène
:Un dimanche après-midi. Nous nous heurterons aux parents qui vont montrer les grands-mères aux petits-enfants attristés.
;Le Passant
:Nous allons en première classe. C’est moi qui paie.
;Irène
:Nous brûlerons toutes les stations. Nous ne descendrons pas avant le terminus.
;Le Passant
:Et là nous sommes bien obligés de mettre pied à terre. Nous surgissons à la surface du sol. Nous regardons autour de nous.
;Irène
:Que voyons-nous ? Déjà... les boulevards extérieurs... les fortifications...
;Le Passant
:L’herbe pousse sur les talus... Des citoyens se reposent ; ils montrent leur ventre au soleil, le gilet déboutonné.
;Irène
:Des filles à gros chignons ont de petits tabliers rouges.
;Le Passant
:Là-bas près de l’octroi partent les omnibus, traînes par de fougueux coursiers.
;Irène
:Des cavaliers armés forment la garde. Les routes ne sont pas sûres.
;Le Passant
:Nous hésiterons entre celui peint en bleu qui part pour Orléans et celui peint en vert qui part pour l’Océan.
;Irène
:Nous prendrons le vert. Les cavaliers caracolent et tirent des coups de pistolet en l’air, dans la joie du départ.
;Le Passant
:Les campagnes défilent à droite et à gauche, et les villages. Sur la route qui se déroule, il n’y aura bientôt plus que nous, nous seuls.
;Irène
:Lorsque nous serons arrivés, sur la grève, nous baignerons nos chevaux dans la mer...
;Le Passant
:Aux rayons du soleil couchant.
;Irène
:Si quelque barque passe près du rivage, nous la rattraperons dans un crawl parfait et les marins nous recueilleront.
;Le Passant
:Sur ce grand voilier trois-mâts, partant pour les Antilles avec un jazz à bord et plusieurs caisses de whisky.
;Irène
:Nous passerons nos journées couchés à l’arrière sur des cordages et, tandis que les exocets volant hors de l’eau viendront choir sur le pont, le capitaine, assis en face de nous à une petite table, fera d’interminables parties de lexicon en sacrant copieusement lorsqu’il perd.
;Le Passant
:Les nuits viendront, alors les nègres musiciens taperont sur leurs calebasses et souffleront dans leurs cuivres jusqu’à ce qu’enfin le jour sorte à l’horizon en hissant hors des ténèbres sa grosse chaude boule rouge lumineuse.
;Irène
:Nous arriverons dans ces pays où nous n’aurions jamais espéré vivre avec leurs villes plus larges que des Paris, leurs avenues plus palmées que la procession du jour des Rameaux, leurs métros en or fin et leurs taxis d’argent.
;Le Passant
:Dans les rues il y aura des bénitiers pleins de lait où vont boire les lionnes et des grands mâts glacés où s’enroulent les serpents.
;Irène
:Nous serons seuls au milieu d’une foule joyeuse et colorée, escortée de grands cris et des harmonicas.
;Le Passant
:Nous nous plongerons dans l’étang du bonheur et nous y marinerons à longueur de journée, imputrescible-ment.
;Irène
:Nous nous raconterons nos souvenirs d’enfance et nous aurons des rêves, inéluctablement.
;Le Passant
:Toute chose pour nous sera déjà vue, chaque geste manqué, chaque mot un lapsus - imperceptiblement.
;Irène
:Notre avenir s’effritera entre nos mains et nous resterons jeunes... jeunes... jeunes — incalculablement.
;Le Passant
:Il n’y aura plus de soirs d’été, ni de matins d’hiver, et nos couchers de soleil auront lieu à midi invraisemblablement.
;Irène
:Nous reprendrons les fragments heureux de notre passé et nous les revivrons avec obstination - retour éternellement.
;Le Passant
:Tu seras ma sandale ailée, mon tapis volant, mon langage magique.
;Irène
:Tu seras mon grand mur sans affiches, mon quai des brumes, mon voyage sans retour...
;Le Passant
:Nous existerons ensemble.
;Irène
:Nous existons ensemble.
;Le Passant
://(la prend dans ses bras)//
:Je t’aime.
;Irène
:Je t’aime.
://(A ce moment violente sonnerie de sonnette.)//
;La Mendiante
:Ah, on va fermer boutique.
;Joachim //(qui s'était de nouveau endormi)//
:Qu’est-ce que c’est ?
;La Mendiante
:Le balai.
;Joachim
:Le balai ?
;La Mendiante
:Le dernier métro, pochetée.
://(Elle sort. Nouvelle sonnerie de sonnette. Irène et le Passant se regardent les yeux dans les yeux. Ils ne bougent point. Joachim se lève, prend sa valise et commence à se diriger vers la droite. Il appelle.)//
;Joachim
:Irène !
://(D’un ton très naturel, sans autorité, comme une chose qui va de soi.)//
://(Irène ne bouge pas.)//
;Joachim
:Irène !
://(Irène ne bouge pas. Sonnerie de sonnette.)//
;Joachim
:Irène ! Tu entends. C’est le dernier métro.
://(A ces mots, elle sursaute.)//
;Irène
:Comment ?
;Joachim
:Je te dis que c’est le dernier métro.
;Irène
:Ah ! //(au Passant)// Monsieur... //(elle se dégage)// Monsieur... Excusez-moi... Vous comprenez... //(elle s'éloigne)// le dernier métro.
://(Elle est à la hauteur de Joachim. Ils sortent ensemble. De son côté le Passant s'est éloigné.)//
://(Se retournant, avec un geste désolé)//... le dernier métro...
;Le Passant
://(geste non moins désolé)//
:... Qu’est-ce que vous voulez... Je ne faisais que passer...
://(Ils sortent chacun de leur côté.)//
{{bold center{
:RIDEAU
}}}
<<back>>
:
!ACTE II
{{groupbox italic{
:Même couloir de métro. Un mendiant, debout contre le mur du fond, tend la main. Une passante lui donne vingt sous.
}}}
;Le Mendiant //(désagréable)//
:Vingt ronds ! Qu’est-ce que vous voulez que je fasse de vingt ronds ! //(S’indignant.)// Non mais, qu’est-ce que vous voulez que je fasse de vingt ronds !
;La Passante //(timidement)//
:Les économiser.
;Le Mendiant
:Si c’est pas malheureux d’entendre des sophismes pareils !
;La Passante
:Excusez-moi, je ne faisais que passer.
://(Elle sort. Elle reviendra. Ce sera toujours la même passante. Elle changera simplement d’atours. Lar exemple, cette fois-ci, elle porte un chapeau quelconque.)//
://(Entrent un monsieur et une dame. Le monsieur porte une grosse valise.)//
;Sabine
:Tu ne pourrais pas te presser un peu ?
;Étienne //(posant la valise)//
:Qu’est-ce que tu veux, elle est diablement lourde.
;Sabine //(avec mépris)//
:Lourde ? Une plume !
;Étienne
:Je voudrais t’y voir.
;Sabine
:Comment cela, m’y voir... Comme si ce n’était pas le rôle des hommes de porter les fardeaux.
;Étienne
:Je te l’accorde.
;Sabine //(ironique)//
:Tu n’as pas à me l’accorder. C’est comme cela.
;Étienne //(méditatif)//
:Oui... Oui... //(Objectivement)//
:N’empêche quelle est bien lourde.
;Sabine
:Mauviette !
://(La Passante entre. Elle a un châle sur la tête, un châle très voyant, rouge et jaune. Aux trois quarts de sa course, elle s'arrête et dit :)//
:La bonne aventure, ce sera pour demain. D’ailleurs... je ne fais que passer.
://(Elle sort.)//
;Étienne //(à Sabine)//
:M’aimes-tu ?
;Sabine
:Comme si c’était un endroit pour poser une question pareille ! En plein courant d’air !
;Étienne
://(d’une voix très calme)//
:Tu peux bien me répondre. M’aimes-tu ?
;Sabine
:Alors ? et cette valise ? Tu ne t’es pas encore assez reposé ?
;Étienne
://(de plus en plus calme)//
:M’aimes-tu ?
;Sabine
:J’aurais dû emporter une seconde valise.
;Étienne
:Je me demande si tu m’aimes.
;Sabine
:J’ai été idiote de t’écouter. Il aurait fallu prendre aussi la petite mallette, tu sais bien, celle en peau de porc. Il y a des tas de choses que je n’ai pu mettre dans celle-ci et qui vont me manquer.
;Étienne
:Parfois j’ai l’impression que je ne suis pour toi qu’une ombre, un fantôme.
:Tout juste ! Car les fantômes n’ont guère de biceps !
;Étienne
:Au fond, tu ne m’aimes pas. Sabine
:Mais si, mais si. Tu m’embêtes, à la fin. Allons, reprends ta valise, et en route.
;Étienne
://(soulève la valise et la laisse retomber)//
:C’est lourd.
;Sabine
://(levant les bras au ciel et tapant du pied)//
:Ma mère ! Ma mère ! Quel mari m’as-tu donné là !
;La Passante
://(entre. Somptueuse. Manteau de fourrure. Très pressée.//
://Au Mendiant)//
:Pas le temps d’ouvrir mon sac à main. Ce sera pour une autre fois.
;Le Mendiant //(avec servilité)//
:Mais comment donc, princesse, mais comment donc !
;La Passante
:Que voulez-vous, je ne fais que passer.
;Étienne
:Je voudrais que tu m écoutés. J ai quelque chose de grave à te dire.
;Sabine
:Ici ?
;Étienne
:Ici.
;Sabine
:Ici? Entre la valise, le mendigot et le courant d’air ?
;Étienne
:Oui.
;Sabine
://(s'assoit sur la valise)// Je t’écoute.
;Étienne Tu ne m’aimes pas.
://(Elle sort.)//
;Étienne //(gros soupir)//
;Sabine
:Eh bien ? Tu te trouves mal ? Il ne manquerait plus que cela pour me rendre tout à fait ridicule.
;Sabine
:Tu dis cela pour me faire pleurer ou pour me faire rire ?
;Étienne
:Je le vois bien, que tu ne m’aimes pas.
;Sabine
:Quel niais ! Comme si tu ne voyais pas que ce que je voulais bien te laisser voir !
;Étienne
:Peut-être. Je sens bien que j’ai moins de valeur a tes yeux qu’une pince à ongles, une maille de bas qui file, un talon de chaussure, une adresse de couturier, une panne d’ascenseur...
://(La Passante traverse la scène en traînant la savate et en chantonnant une rengaine.)//
;Étienne //(d'une voix lointaine)//
:Dans ton voisinage, je me sens devenir une sorte de brouillard, une espèce de fumée grise qui se soutient à peine, emportée par le vent, une manière de rien.
;Sabine
:Tu m’exaspères, à la fin. Si tu ne veux plus porter cette valise, je vais le faire, moi. //(Elle soulève la valise avec difficulté, fait quelques pas.)// Moi, je vais le faire. //(Elle est obligée de la poser à terre, près du Mendiant. Elle s'assoit dessus.)//
;Le Mendiant
:Madame, si vous croyez que je vais vous proposer de charrier ce pesant bagage pour une somme même considérable, détrompez-vous ! //(Avec orgueil)// Je suis un mendiant, moi, madame, je ne travaille pas !
;Sabine
:Je ne vous parle pas.
;Étienne
://(toujours d'une voix lointaine)//
:Je meurs de froid auprès d’elle, mal-aimé que je suis... notre vie ensemble... est-ce là l’amour?
;Sabine //(au Mendiant)//
:Non mais, vous l’entendez ?
;Le Mendiant
:Il est peut-être un peu souffrant ?
;Étienne
:...l’amour... l’amour...
;Sabine
:Ce qu’il peut être bête quand il veut.
;Le Mendiant Et il veut souvent ?
;Étienne
:N’importe quelle autre femme...
;Sabine
:Je voudrais bien voir cela.
;Le Mendiant
:Jalouse ?
;Étienne
:N’importe quelle autre femme.
;Sabine
:Laissez-moi rire.
://(Entre la Passante, tête nue, cheveux au vent.)//
;Étienne
:Mademoiselle !
://(Elle continue son chemin.)//
;Étienne
:Mademoiselle...
://(Elle s arrête et se retourne.)//
;Étienne
:Mademoiselle...
;La Passante Monsieur ?
;Étienne
:Mademoiselle... euh... pourriez-vous me dire... quel temps fait-il ?
://( C’est bien la première fois que l’on m'accoste de cette façon.)//
;Étienne
:Mademoiselle, je vous en prie, ne vous méprenez pas sur mon compte, je voudrais réellement savoir : quel temps fait-il ?
;La Passante
:Rien de plus facile que de répondre à votre question. //(Elle ouvre son sac et en sort un objet rond et plat, un peu plus grand qu'une montre. Elle le consulte.)// 11G millimètres. Beau fixe.
;Le Mendiant //(imitant le bruit du vent)//
:Ouououououh... ouououououh...
;Étienne
:Vous entendez ?
;La Passante
:Pourtant l’aiguille est bien sur le beau fixe.
;Le Mendiant
:Ouououououh... ouououououh...
;Étienne
:Le vent souffle en tempête.
;La Passante
:Cet appareil est peut-être détraqué.
;Le Mendiant
:Ouououououh... ouououououh...
;Étienne //(levant la tête)//
:Les nuages courent à la surface du ciel comme des lévriers dératés.
;Le Mendiant
://( )//uououououh...
;La Passante
:Je m’excuse. Il est cassé.
;Étienne
:Tant pis.
;La Passante
:Vous pourriez demander ce renseignement à ces gens.
;Étienne
:A ce mendiant ?
;Le Mendiant
:Soyez poli, hein.
;La Passante
:A cette dame ?
:Alors... il annonce le temps qu’il fera, non celui qu’il fait.
;La Passante
:Vous en êtes sûr ?
;Étienne
:C’est ce que l’on m’a enseigné à l’école.
;La Passante
:Mais on vous a bien appris aussi que l’on ne pouvait connaître l’avenir...
;Étienne
:Oui. Que croire ?
;La Passante //(geste de désespoir)//
:Je ne sais plus.
;Étienne //(avec obstination)//
:Si votre baromètre annonce le beau temps à venir, peut-être n’est-il pas détraqué ?
;La Passante
://(elle sort l’appareil de son sac)//
:Il est maintenant à 748 millimètres. Pluie.
;Étienne //(triomphant)//
:Et vous voyez bien qu’il ne pleut pas ! C’est donc qu’en ce moment il fait beau !
;La Passante
:Mais tout à l’heure... il va pleuvoir...
;Étienne
:N’y pensons pas.
;Sabine
:Je le reconnais bien là.
;Étienne //(avec vivacité)//
:C’est très élégant cet objet.
;La Passante
:Vous trouvez ?
;Étienne
:Oui. C’est tout plat. Je me demande comment ça marche.
;La Passante
:Oh ! c’est très perfectionné, il y a très peu de mécanique dedans.
;Étienne
:Un cadeau ?
;La Passante
:Oui.
;Étienne
:Euh... d’un monsieur?
;La Passante
:Oui.
;Étienne
:Un monsieur... plus grand que
:moi ?
;La Passante
:Voui.
;Étienne
:Plus... élégant?
;La Passante
:Vvvoui.
;Étienne
:Plus... beau? plus jeune? plus riche ?
;La Passante
:Fffui.
;Étienne
:Moi, à sa place, je ne perdrais quand même pas tout espoir.
;Sabine
:C'est cela ! donnez-lui des conseils !
;La Passante
:Monsieur... vous savez... cela fait deux ans et cinq mois que je ne l’ai pas vu.
;Étienne
:Vous l’aimez toujours ?
;La Passante //(très conventionnelle)//
:Les chiffres sont très joliment dessinés, n’est-ce pas ?
;Étienne
:Oui, et les lettres aussi.
:Tempête... Variable... Beau fixe... S’il était fixe, il ne bougerait jamais, et il change tout le temps... le temps.
;Étienne
:Cela vous rend triste ?
;La Passante
:Un peu.
;Étienne
:Moi aussi.
;Sabine
:Pas moi.
;Le Mendiant
:Et moi, je m’en tapotille le colo-quint.
;La Passante //(de nouveau très conventionnelle)//
:C’est très utile, vous savez, un baromètre.
;Étienne
:Oui. //(Comme un écolier qui récite une leçon.)// Ainsi que nous le disions tout à 1'heure, cela sert à prévoir le temps.
;La Passante
:Et ce n’est pas commode.
;Étienne
:Tout ce mélange de cumulus, d’anticyclones et d’isobares, quelle pagaïe ! Allez vous retrouver là-dedans !
;La Passante
:La neige, les coups de soleil, les arcs-en-ciel, les brumes, quelle versatilité !
;Étienne
:Et encore nous négligeons l’aspect il ici m o métrique de la question.
;La Passante
:Vous vous intéressez à la météo-lologie, monsieur?
;Étienne
:Un peu. Je possède un parapluie.
;La Passante
:II paraît qu’il y a des petites maisons baromètres d’où il sort un petit bonhomme avec un riflard s il doit tomber de l’eau et un petit bonhomme en caleçon de bain s’il doit tomber du soleil.
;Le Mendiant
:J’en ai vu des comme ça au Marché aux Puces.
:Vous m’y conduirez ?
;Étienne //(à la Passante)//
:Nous irons ensemble si vous voulez. On y découvre des objets ravissants.
;La Passante
:Et tellement curieux. Une fois j’y ai trouvé un petit fragment de chose. Oui. Un petit fragment de chose. C était tout. //(Rêveuse.)// Singulier, n’est-ce pas ? //(Brusquement.)// Mais... vous avez bien dit à l’instant « nous irons ensemble » ?
;Étienne
:Oui, je vous ai bien dit tout à l’heure « Nous irons ensemble ».
;Le Mendiant
:Ce soir, il est trop tard.
:Heureusement.
;La Passante
:Alors, il nous faut prendre rendez-vous ?
;Étienne
:Je n’osais...
;La Passante
:Mais si...
;Étienne
:On y va le dimanche en général.
;La Passante
:Mais il faut qu’il fasse beau temps.
;Étienne
:Et quel temps fera-t-il ?
:Vilain !
;Sabine
:Affreux !
;La Passante
:Beau !
;Étienne
:Superbe !
;Le Mendiant
:S’ils ne sont pas de mon avis, ils n’ont qu’à consulter leur baromètre.
;Sabine
:Ils n’ont pas de tête.
;Étienne
://(regardant au loin)// Pas de nuages à l’horizon, nous devons avoir bon espoir.
:J’ai confiance.
;Étienne
:Je regrette de ne pas souffrir de rhumatismes, cela permet de prévoir le temps.
;La Passante
:Les petites grenouilles aussi, sur leur échelle.
;Étienne
:Les poules dans la poussière.
;La Passante
:Les hirondelles dans leur vol.
;Étienne
:Les feuilles retournées de l’alisier
;La Passante
:Les languettes étendues de la collerette du géastre.
;Étienne
:Les fleurs fermées du liseron.
;La Passante
:Vous aimez la campagne,' monsieur ? Les fleurs, les animaux, la Nature ?
;Étienne //(avec ferveur)//
:Oui.
;Sabine
:Le sale menteur.
;La Passante
:Comme nous allons bien nous entendre.
;Étienne
:Oui... j’aime les bêtes... les grosses, les petites... les arbres... les centenaires et les sous-arbrisseaux... les pierres... les rochers et les cailloux...
;La Passante
:J’aime les grands orages au bord de la mer... les grands éclats de soleil au sommet des montagnes...
;Étienne //(interrompant)//
:Vous avez bien dit à l’instant « comme nous allons bien nous entendre » ?
;La Passante
:Oui. Je vous ai bien dit tout à l’heure « Comme nous allons bien nous entendre ».
;Étienne //(rêveusement)//
:Nous...
;La Passante
:Oui. Nous.
;Sabine
://(haussant les épaules)//
:Eux !
;Étienne
:Oui. Nous.
;La Passante
:Partons.
;Étienne
:Partons ensemble.
;Le Mendiant
:Ils ont l’air décidés.
;Sabine
:Je voudrais bien voir ça.
:Nous sortirons dans la rue et nous nous trouverons dans la nuit.
;Étienne
:Mais il y aura de la lune, des étoiles... des étoiles plus grosses qu’à l’ordinaire... qui éclaireront mieux qu’à l’ordinaire...
;La Passante
:Nous marcherons droit devant nous.
;Étienne
:Nous traverserons des banlieues silencieuses alourdies de leur labeur et au petit jour nous arriverons à la lisière d’une immense forêt.
;La Passante
:Des arbres démesurés et noirs la composent, des oiseaux y nichent qu’on ne voit jamais.
:Nous pénétrerons dans cette forêt. Nous rencontrerons parfois une harde de sangliers poursuivis par des chasseurs disparaissant derrière les futaies et que nous ne reverrons jamais... parfois des bûcherons au travail, des gens qui n’auront pas lu le journal depuis des années...
;La Passante
:...et parfois dans de vastes clairières un berger surveille son troupeau. Il sait le temps qu’il fera, lui ! et il soigne les blessures en prononçant des paroles...
;Étienne
:...et parfois des nains bienveillants, rubiconds et timides, qui se sauveront à notre approche.
:Nous reviendrons toujours vers les sous-bois où dorment des dolmens et des allées couvertes.
;Étienne
:Nous devrons traverser des torrents sur des pierres jetées dans le courant.
;La Passante
:Et nous remonterons l’autre flanc du vallon à travers les broussailles et les taillis.
;Étienne
:Nous marcherons des jours et des jours, en chantant parfois...
;La Passante
:Et souvent silencieux.
:Un jour, au crépuscule, nous nous engagerons dans un sentier semé de sable fin qu’aucune trace de pas n’aura creusé avant nous.
;La Passante
:Et voici qu’apparaîtra...
;Étienne
:Un château.
;La Passante
:Tout blanc et crénelé.
;Étienne
:Le pont-levis s’abaissera de lui-même.
;La Passante Nous entrerons.
:Tout l’Univers sera résumé dans ses pièces sans nombre, et développées nos deux existences.
;La Passante
:Tel couloir est le chemin du Soleil arpenté pesamment par le mille-pattes de ses rayons, les routes enfin raccordées de nos deux vies.
;Étienne
:Telle antichambre est le grand soc glacé du monde, la plaine et le désert, la base commune de nos désirs associés.
;La Passante
:Tel salon est le repos des êtres, le calme des choses, la nuit des espaces, la paix de notre union.
:Telle cuisine est le bouillonnement sans fin des Océans, l’absorption des planètes, la déglutition des nébuleuses, la rouge lave de nos passions.
;La Passante
:Telle fenêtre donne sur l’ensemble des cristaux, telle autre sur les hasards de notre destin.
;Étienne
:Telle porte est l’aurore, telle autre est la couronne.
;La Passante
:Nous serons seuls et maîtres au milieu de la cohue des atomes et les dédales parfaits du labyrinthe ne nous sépareront jamais.
:Le monde soumis à nous ne se pourra jamais révolter contre l’excellence de nos liens.
;La Passante
:Nous persisterons dans notre être double à travers toute transformation, tout devenir.
;Étienne
:Tu seras ma lampe inextinguible, mon beau souci, mon palais enchanté.
;La Passante
:Tu seras ma mille et deuxième nuit, mon jour qui se lève, mon visiteur du soir.
;Étienne
:Nous existerons ensemble.
:Nous existons ensemble.
;Étienne
://(la prenant dans ses bras)//
:Je t’aime.
;La Passante
:Je t’aime.
://(A ce moment, violente sonnerie de sonnette.)//
;Le Mendiant
:Ah ! on va fermer boutique.
://(se réveillant)//
:Je crois bien que je m’étais endormie.
;Le Mendiant
:C’est le balai.
;Sabine
:Le balai ?
;Le Mendiant
:Le dernier métro, petite dinde.
://(Il sort. Nouvelle sonnerie de sonnette. Étienne et la Passante se regardent dans les yeux. Ils ne bougent point. Sabine se lève.)//
;Sabine //(sèchement)//
:Étienne !
://(Étienne ne bouge pas.)//
;Sabine
:Étienne !
://(Étienne ne bouge pas.)//
://(Nouvelle sonnerie de sonnette.)//
;Sabine
:Étienne, tu entends ? Le dernier métro !
://(A ces mots, il sursaute.)//
;Étienne
:Pardon ?
;Sabine
:Je te dis que c’est le dernier métro.
;Étienne
:Ah ! //(A la Passante.)// Mademoiselle... mademoiselle... excusez-moi... vous comprenez... //(Il fait quelques pas en arrière.)// ...le dernier métro. //(Il prend la valise et sort avec Sabine.)// //(Se retournant avec un geste désolé)// ...le dernier métro.
;La Passante //(geste non moins désolé)//
:Qu’est-ce que vous voulez... je ne faisais que passer. //(Ils sortent chacun de leur côté.)//
{{center bold{
RIDEAU
}}}
<<back>>
<<foldHeadings closed>>
{{groupbox small{
Texte paru printemps 1944. dans L’Arbalète, n" 8,
Deux actes aux personnages étrangement symétriques constituent //''En passant''//: la dispute d’un couple dans un douloir de métro sous le regard d’un(e) mendiant(e) et la participation d’un(e) passante).
Au final, après que l’amant malheureux ait cru retrouver le bonheur avec ropportun(e) passant(e), la sonnette du dernier métro rappelle chacun à ses occupations légitimes : le couple poursuit son chemin, le mendiant mendie et le passant passe.
On retrouve là les thèmes si chers à l’esprit qué-nien: chacun garde scrupuleusement son rôle social après avoir vainement tenté die s’en évader par le rêve.
//En passant// fut publié pour la première fois en 1944 dans la revue L’Arbalète, n°8.
Queneau, En passant
ISBN 2.85197.327.4 69 F
}}}
671: [[s_André|https://giga.gg/l/577ad706fce5dfd5028b45a6]] [[t_Michèle|https://giga.gg/l/577ae1dedde5dfd2078b45a5]]
!En regardant la moisson
!!!!!{{center{Po Kiu-yi
(772-846)}}}
{{center{Pour les paysans, peu de mois sans travail :
Mais, au cinquième mois, ils font double labeur.
Pendant la nuit, le vent du Sud se lève :
Le blé couvre les pentes de son or.
Epouses et filles, le panier sur l'épaule,
Jeunes garçons, les pots de boisson à la main,
En file vont aux champs pour porter le repas.
Les hommes valides sur les collines du Sud,
Les pieds cuits par les vapeurs de la terre embrasée,
Le dos brûlé par Ses rayons du soleil de feu,
Sont si fourbus qu'ils oublient la chaleur,
Mais trouvent encore trop court ce jour d'été.
Voici encore des femmes misérables,
Auprès des moissonneurs, un enfant sur le bras ;
Leur main droite ramasse les épis tombés,
Un panier déchiré à l'épaule gauche.
J'ai écouté ce qu'elles se disent entre elles :
A les entendre qui n'aurait mal ?
« Nos champs familiaux ont été vendus pour payer l'impôt
Ma glane devra suffire aux ventres creux. »
Et moi, aujourd'hui par suite de quels mérites
N'ai-je jamais peiné aux champs et aux mûriers ?
Mon salaire officiel est de trois mille boisseaux,
Et à la fin de l'an, j'ai du grain en surplus.
A cette pensée, la honte me monte au front :
De tout le jour, je ne puis l'oublier.
}}}
|widetable borderless|k
| //En répétition :// |c
| !<br>{{bold{[[Figaro 2019 • actes II et III ]]}}}<br> |
| |
!!!!Pour ~Port-Royal :
| ![[Les Zébrides]] |
| ![[Coup de foudre]] |
| ![[La noyade]] |
| ![[Le temps des cerises]] |
| ![[Assurance-Vie]] |
| ![[Jeux de scène]] ? |
| ![[Knock – Les consultations]] ? |
!!!!Après :
| [[Garde à Vue]] |
!L'enfant en moi
!!!!!{{center{Louise Harter}}}
+++*@[Diction]
|<<tiddler 'Enfant en moi##Diction'>> |
===
{{center{
Il est aux anges il se régale
Quand nous nous défoulons au bal
C'est lui qui marqué tous les pas
Il est heureux mon enfant roi
Lorsque je ploie sous le chaînon
Du poids trop lourd de la raison
Il a des gestes de tendresse
Il me soutient l'enfant sagesse
Lorsque je souffre d'abandon
Et de pertes d'illusions
Il gomme de mon front les rides
Il me console l'enfant candide
Quand arrive l'âge adulte
Le temps d'outrages le temps d'insultes
Il sait calmer mes douleurs
C'est un enfant guérisseur
Il a des pouvoirs suprêmes
Avec le simple mot JE T'AIME
Il peut tracer de beaux parcours
C'est un magique enfant Amour
Cela paraît bien désuet
A notre époque un conte de fée?
C'est portant la meilleure recette
Pour faire de la vie une fête
C’est un pur infantilisme
Peut-être un peu de gâtisme
Mais il est lumière et joie
L'enfant que l'on a en soi.
}}}
/%
!!!!!!Diction
{{{
Il est aux anges
il se régale Quand nous nous défoulons au bal
C'est lui qui marqué tous les pas
Il est heureux
mon enfant roi
Lorsque je ploie sous le chaînon Du poids trop lourd de la raison
Il a des gestes de tendresse
Il me soutient
l'enfant sagesse
Lorsque je souffre d'abandon Et de pertes d'illusions
Il gomme de mon front les rides
Il me console
l'enfant candide
Quand arrive l'âge adulte
Le temps d'outrages
le temps d'insultes
Il sait calmer mes douleurs
C'est un enfant
guérisseur
Il a des pouvoirs suprêmes
Avec le simple mot
JE T'AIME
Il peut tracer de beaux parcours
C'est un magique
enfant Amour
Cela paraît bien désuet A notre époque
un conte de fée?
C'est portant la meilleure recette Pour faire de la vie une fête
C’est un pur infantilisme
Peut-être un peu de gâtisme
Mais
il est lumière et joie
L'enfant
que l'on a en soi.
}}}
!!!!!!Z
%/
{{center{^^//<<storyViewer amour previous>><<storyViewer amour list>><<storyViewer amour next>>//^^
!Épigramme
!!!!!!//Isaac de BENSERADE (1613-1691)//
Je mourrai de trop de désir,
Si je la trouve inexorable ;
Je mourrai de trop de plaisir,
Si je la trouve favorable.
Ainsi je ne saurais guérir
De la douleur qui me possède :
Je suis assuré de périr
Par le mal ou par le remède.
}}}
//Dans la jolie chambre à coucher d’un charmant foyer conjugal à Vizinpeux-la-Bellepoule, dans le Val de Grâce de Marne//
:— Dis-moi, mon chéri, est-ce que tu m’aimes ?
:— Quelle question ! Bien sûr que je t’aime, ma chérie.
:— Un peu ?
:— Bien plus qu’un peu.
:— Alors, beaucoup ?
:— Bien plus que beaucoup.
:— Passionnément, alors ?
:— Bien plus que passionnément.
:— Alors, à la folie ?
:— Bien plus qu’à la folie.
:— À en mourir, alors ?
:— Oui, à en mourir.
:— Alors, prouve-le-moi, mon chéri.
:— Tout de suite, ma chérie.
//Il prend un revolver, se fait sauter la cervelle et s’écroule définitivement pour le compte final.//
:— Pauvre chéri ! C’est pourtant vrai qu’il m’aimait à en mourir.
{{center{^^//<<storyViewer amour previous>><<storyViewer amour list>><<storyViewer amour next>>//^^
!Et la mer et l'amour ont l'amer pour partage
!!!!!!//Pierre de MARBEUF (1596-1645)//
Et la mer et l'amour ont l'amer pour partage,
Et la mer est amère, et l'amour est amer,
L'on s'abîme en l'amour aussi bien qu'en la mer,
Car la mer et l'amour ne sont point sans orage.
Celui qui craint les eaux qu'il demeure au rivage,
Celui qui craint les maux qu'on souffre pour aimer,
Qu'il ne se laisse pas à l'amour enflammer,
Et tous deux ils seront sans hasard de naufrage.
La mère de l'amour eut la mer pour berceau,
Le feu sort de l'amour, sa mère sort de l'eau,
Mais l'eau contre ce feu ne peut fournir des armes.
Si l'eau pouvait éteindre un brasier amoureux,
Ton amour qui me brûle est si fort douloureux,
Que j'eusse éteint son feu de la mer de mes larmes.
}}}
{{center{^^//<<storyViewer amour previous>><<storyViewer amour list>><<storyViewer amour next>>//^^
!Et seulement en vous tout mon rond se parfait
!!!!!!//Pierre de Ronsard<br>« Les amours de Marie »//
Ma plume sinon vous ne sait autre sujet,
Mon pied sinon vers vous ne sait autre voyage,
Ma langue sinon vous ne sait autre langage,
Et mon œil sinon vous ne connait autre objet.
Si je souhaite rien, vous êtes mon souhait,
Vous êtes le doux grain de mon plaisant dommage,
Vous êtes le seul but où vise mon courage,
Et seulement en vous tout mon rond se parfait.
}}}
/%
|exercice|volontaires impros individuel|
|niveau|Plutôt difficile|
%/
!!!Exemples de situations à représenter
#On fait ce qu’on fait, on sait qu’on le fait, mais est-ce qu’on sait ce qu’on fait ?
#Un jour la mer s’est retirée, elle n’est jamais revenue
#L’insecte dans le pantalon
#L’insecte dans le pull
#L’insecte dans les cheveux
#porter des livres
#La préparation d’une soupe,
#une tâche ménagère,
#un courrier à rédiger
#assiette brisée
#balle qui roule
#salle d’attente chez le dentiste
#du vent et un volet qui claque
#le bateau s’incline avant de couler ( s’intéresser au rapport entre l’action et l’objet )
!!!!^^Exercice :
^^Deux interprétations contrastées pour Huit Femmes
{{small{
<<<
Chaque extrait sera joué deux fois :
# Pour une mise en scène style Comédie loufoque
# Pour une mise en scène style Thriller dramatique
Les comédiens jouent rapprochés et sont filmés en gros plan.
<<<
}}}
!!!1. Pierrette
;Pierrette
:Je m'excuse, Mesdames… Je ne me serais jamais permis de venir ici, chez mon frère, sans être invitée, et surtout par un temps pareil.
:Mais… j'ai reçu ce matin un coup de téléphone…. Sûrement une affreuse plaisanterie, mais… on m'a dit : "Venez vite…"
:… votre frère a été assasiné !..." On a raccroché. Alors j'ai appelé ici… mais votre appareil doit être en dérangement.
:Tout d'un coup, bêtement, j'ai eu peur…Le boulanger m'a déposée en bas…
:…sur la route et… Mais pourquoi vous me ragardez toutes comme ça ? C'est une plaisanterie, n'est-ce pas ?
:Répondez !
!!!2. Suzon Gaby
;SUZON
:Maman, j'ai vu d'autres choses sous ton lit…
;GABY
:Qu'est-ce que tu as vu ?
;SUZON
:Tes valises. Remplies, prêtes à partir. Tu comptais faire un voyage ?
;GABY
:Ca ne te regarde pas !
;SUZON
:…Maman,dis-moi juste une seule chose : est-ce que papa était mon vrai père ?
;GABY
:Laisse-moi, je n'ai pas envie de parler de ça !
;SUZON
:Maman, j'ai le droit de savoir. Tu as épousé papa lorsque tu étais enceinte… Dis-moi !...
;GABY
:Mais ça n'a plus d'importance tout ça. C'est du passé. Marcel t'a élevée comme si tu étais sa fille !
;SUZON
:Qui est mon père ?
;GABY
:C'est un homme que j'ai aimé… Tu as ses yeux… Ses pommettes aussi…
:Ses expressions… Parfois, quand tu souris, je suis émue…
:Je te regarde mais c'est lui que je vois à travers toi…
;SUZON
:Où est-il maintenant ?
;GABY
:Il est mort avant ta naissance… Un accident de voiture… Il n'y a pas eu un jour sans que je pense à lui… Et te voir, c'est à la fois… Te voir près de moi, c'est à la fois une joie et une souffrance…
!!!3. Augustine Gaby
;AUGUSTINE
:J'en entends de bien belles ! C'est pas joli tout ça ! Pfff ! Pauvre Marcel ! Il était bien à plaindre avec vous toutes !
;GABY
:Tu l'aurais volontiers consolé, n'est-ce pas ?
;AUGUSTINE
:Tu te défoules sur moi… c'est ça ? Ca t'a mise en colère quand… quand tu as surpris Marcel et Louise en train de forniquer. C'est pour ça que tu t'es vengée, plus tard, dans la nuit… Pan !
;GABY
:Mais comment oses-tu parler comme ça devant mes filles ?
;AUGUSTINE
:Ah, mais tes filles, elles sont jolies ! Catherine est la méchanceté et la paresse réunies. Ses romans lui ont tourné la tête : et Suzon va avoir un marmot ! Bravo ! Quand je pense que Mademoiselle nous a interrogées comme la justice descendue de son socle !
;GABY
:Ah, ça suffit !
;AUGUSTINE
:Autrefois, on respectait les jeunes filles… parce que les jeunes filles se respectaient !
:Alors évidemment, maintenant, elles vont au café, au cinéma, elles fument, elles portent des pantalons, elles font du camping, et elles se font engrosser à tout bout de champ… Quelle misère ! Ta négligence…
dans l'éducation de tes enfants porte ses fruits ! Tu leur as donné un bel exemple, hein !
;GABY
:Mais si tu connais si bien les enfants, pourquoi t'en as pas une douzaine ?
;AUGUSTINE
:Ah, ben, parce qu'on m'a respectée, moi !
!!!4. Mamy Augustine
;MAMY
:Mais, qu'est-ce qu'elle m'a dit, Gaby ?
;AUGUSTINE
:Mais tu sais bien, elle t'a accusée d'avoir assassiné papa. Mais pourquoi ça te fait rire ? Ta fille te dit des horreurs et…
;MAMY
:Mais ce ne sont pas des horreurs ma chérie ! C'est la vérité !
;AUGUSTINE
:Mais qu'est-ce que tu racontes… Tu as perdu la tête? Pourquoi est-ce que tu aurais tué papa ?
;MAMY
:Il y a différentes sortes de femmes, Augustine. Il y a aussi différentes époques, différentes générations…
:Ton père… ton père m'assurait une vie à l'abri de tout problème. Tous mes besoins étaient comblés… tous mes caprices… Il n'était encore qu'au début de sa carrière, mais… il s'apprêtait à gagner des fortunes… dont tu ne peux même pas imaginer l'ampleur. Il était brillant... Il m'a toujours traitée avec délicatesse. Mais je ne pouvais pas le sentir !
:Est-ce que tu imagines ce que c'est de passer sa vie auprès d'un homme que tu n'aimes pas ? Et auquel en plus tu n'as rien à reprocher ? De savoir que tu ne pourras jamais t'en défaire ? A l'époque, y avait pas de divorce, pas de spération comme aujourd'hui... Alors c'est vrai... oui... Oui, je t'ai privée d'un père et... et de son argent.
:C'est ça qui m'a fait le plus souffrir…
;AUGUSTINE
:C'est ça qui t'a fait le plus souffir ? Tu as souffert ? TOI ? Tu oses me dire ça, alors que je ne me suis jamais remise de la mort de papa ?
;MAMY
:Pardon, ma chérie, pardon…
;AUGUSTINE
:Je vais te tuer !
;MAMY
:Non ! … Oh, si !
!!!5. Catherine Mamy Augustine
;CATHERINE
:Alors, écoutez-moi. Je vais vous raconter un beau conte de Noël… Il était une fois un brave homme, entouré de huit femmes… qui le martyrissaient ! Il luttait, luttait… maais elles étiaent toujours les plus fortes. Hier soir, ce pauvre homme s'est couché, plus fatigué, plus ruiné, plus trompé que la veille...
:Et la ronde de ses huit femmes a recommencé. Heureusement, sa fille, Catherine, cachée…
:A tout vu et tout entendu !
:A 10 heures, premier tableau : sa belle-mère, qu'il a recueillie chez lui, lui refuse ses titres.
;MAMY
:Mon cher Marcel, je sais que vous êtes ruiné… Je m'apprêtais à vous donner mes titres… mais malheureusement on me les a volés.
;CATHERINE
:Une générosité peut sauver cet homme, mais la vieille est avare, elle préfère faire croire qu'on les lui a volés plutôt que de les lui donner ! Deuxième tableau : à 10 heures et demi, Augustine, la vipère de service…
:...vient faire sa cour et baver les derniers potins...
;AUGUSTINE
:Enfin, j'aime beaucoup ma sœur !... Non, non, non… J'aime beaucoup ma sœur… C'est une femme… Mais disons que nous sommes très, très différentes.
!!!6. Catherine Suzon
;CATHERINE
:Tu ne veux pas me répondre, ça te gêne ?
;SUZON
:Oh, mais arrête avec tes questions !... On dirait que tu es complètement obsédée !
;CATHERINE
:Oh ! … Pardon ! Excuse-moi d'insister… C'est vrai que je ne me doutais pas que tu étais frigide !
;SUZON
:Frigide ? Ca veut dire quoi, ce nouveau mot ?
;CATHERINE
:Frigide. Ca veut dire que tu es comme un frigidaire : trop froide pour prendre du plaisir… Aïe !
;SUZON
:Aïe ! … mais je…
;CATHERINE
:Je te préviens, Suzon ! Le temps où tu me foutais des baffes quand tu voulais, c'est fini maintenant, je suis grande, je peux me défendre ! Alors, la prochaine fois que tu lèves la main sur moi, j'irai tout dire à ton English : que t'es une frigide !
;SUZON
:Eh bien, je m'en fous, parce que de toutes façons, t'es même pas ma vraie sœur !
;CATHERINE
:Qu'est-ce que tu racontes ! …
;SUZON
:Maman m'a dit que papa était pas mon vrai père…
;CATHERINE
:C'est pas vrai !
;SUZON
:De toutes façons, ça m'arrange que Marcel, ce soit pas mon vrai père.
;CATHERINE
:Oh, mais comment tu peux dire ça ?
;SUZON
:Tu jures de le dire à personne ?
;CATHERINE
:Je te le jure..
;SUZON
:Ce bébé que j'ai dans le ventre… eh bien, c'est Marcel qui me l'a fait !
!!!7. Augustine Louise
;AUGUSTINE
:Oh ! Louise ! Vous m'avez fait peur.
:Madame Chanel a repris connaissance ?
;LOUISE
:Oui ! … La balle ne l'a même pas touchée.
;AUGUSTINE
:L'assassin n'a pas voulu la tuer…
:Enfin, à mon avis, il a voulu l'impressionner pour qu'elle se taise.
;LOUISE
:En tout cas, je suis drôlement crevée, moi…
;AUGUSTINE
:C'est le service de Monsieur qui vous a épuisé…
;LOUISE
:Peut-être… Mais vous qui écoutez aux portes, vous avez dû l'entendre avoir du plaisir… Hein ?
;AUGUSTINE
:Oui… Enfin… je ne sais pas… Mais… d'ailleurs, à ce propos… enfin… je voulais… je voulais vous demander quelque chose, Louise…
;LOUISE
:Oui ?
;AUGUSTINE
:Non… excusez-moi !
;LOUISE
:Mais si… dites-moi.
;AUGUSTINE
:Non, je voulais vous demandez… comment… Comment séduit-on un homme ?
;LOUISE
:Vous me demandez, à moi, la bonne, comment j'ai séduit Marcel ?
;AUGUSTINE
:S'il vous plaît…
;LOUISE
:Mais vous savez, Mademoiselle… la féminité, le charme… la séduction… ce sont des choses qui ne s'apprennent pas. Ce sont des armes qu'on a ou qu'on n'a pas… Mais on peut peut-être faire un effort, je sais pas, la coiffure, les lunettes…
!!!8.Chanel Gaby Suzon Pierrette
;MADAME CHANEL
:Eh bien voilà… j'aime Pierrette ! Et je voulais la protéger…
;GABY
:Mais… Mais c'est impossible… Mais Chanel… vous aimez les femmes !
;MADAME CHANEL
:Et alors ? C'est interdit ? Est-ce que vous avez jamais eu à vous plaindre de moi ?
;GABY
:Mais c'est… Il faut vous soigner vous êtes malade !
;SUZON
:Maman ! La vie privée de Chanel ne nous regarde pas !
;MADAME CHANEL
:J'étais jalouse… de l'amour de Pierrette pour son frère !
;PIERRETTE
:Mais tu es folle, Chanel, il n'y a jamis rien eu entre Marcel et moi, ce n'était que de la tendresse ! Enfants peut-être, comme tous les frères et sœurs… Mais…
;MADAME CHANEL
:Pardonne-moi, Pierrette !
;GABY
:Madame Chanel…. Vous qui aviez toute ma confiance !
:Vous à qui j'ai laissé l'honneur d'élever mes filles !
;MADAME CHANEL
:Je n'ai rien à me reprocher, Madame ! Et sachez que si vos filles n'avaient eu que vos attentions, elles n'auraient pas eu grand-chose !
;GABY
:C'est la dernière fois que j'entends des propos pareils, et surtout d'une personne de… de votre nature… Quand la police viendra, je ne vous épargnerai pas Madame Chanel !
;MADAME CHANEL
:Comme vous voudrez, Madame ! Je n'ai plus rien à cacher, moi.
!!!9. Toutes sauf Catherine & Pierrette
;GABY
:Madame Chanel, puisque vous êtes la plus courageuse, voici la clef.
;MADAME CHANEL
:Merci, Madame !
;AUGUSTINE À GABY
:Tu aurais pu consulter les autres, non ?
;GABY
:Je fais ce que je crois être mon devoir.
;AUGUSTINE À GABY
:Ton devoir !
;GABY:
:Ne laissez entrer personne, Madame Chanel
;AUGUSTINE
:Ah ! Non alors ! Si Madame Chanel entre, nous devons toutes entrer.
;LOUISE
:C'est évident. Ou personne ou tout le monde.
;MAMY
:Il ne faut toucher à rien !
;LOUISE
:A cause des empreintes…
;MADAME CHANEL
:Voulez-vous insinuer, Mesdames, que j'ai demandé la clef dans ce but ? Très bien. Dans ce cas-là…
;MAMY
:Oh ! Madame Chanel, ne soyez pas susceptible…
;MADAME CHANEL
:Je n'ai jamais été susceptible. C'est pour ça que je sers depuis quinze ans dans cette maison… On peut me dire ce qu'on veut. Tout m'est égal. Je suis ici pour gagner mon pain. C'est tout… D'ailleurs je préfère ne pas être montée… Je peux bien vous le dire... J'avais peur comme vous... Alors, cette clef, qui la garde ? Personne ? Bon ! je la pose là !
;LOUISE
:Cet homme qui rôde, peut-être, autour de nous …
;MADAME CHANEL
:Un homme ? Pourquoi un homme ?
;MAMY
:Qu'est-ce que ça peut être d'autre ?
;MADAME CHANEL
:Mais… une femme !
;AUGUSTINE
:C'est honteux… Vous avez l'air de m'accuser !
;GABY
:Quand on a la conscience tranquille…
;AUGUSTINE
:Tu me détestes, n'est-ce pas ?
;GABY
:Non, tu m'es indifférente !
;AUGUSTINE
:Vous l'entendez ?
;MAMY
:Augustine, ma chérie, tais-toi ! … Gab, excuse-la…
;GABY
:Evidemment, ta petite chouchoute, tu la couves !
;AUGUSTINE
:Mais, oui, Maman, donne raison à Gab… Elle est riche à présent…, très riche, et elle va nous mettre dehors… Alors, fais ta cour, Maman, sauve ton bifteck…. Vous n'osez rien lui dire parce que vous êtes toutes des lâches…. Mais, moi, je dirai des choses à la police... Des choses que je sais...
;GABY
:Quelles choses ?
;AUGUSTINE
:C'est mon affaire.
;SUZON
:On ne calomnie pas quelqu'un sans preuve. Méfie-toi…
;AUGUSTINE
:C'est une coalition contre moi ! Ta mère m'attaque de front…
;GABY
;Tu préfères, toi, attaquer de dos ?
;AUGUSTINE
:Que je suis malheureuse… Tout le monde dit que je suis une idiote, une laissée pour compte, un fruit sec… Mais qu'est-ce que j'ai au monde comme consolation ? Dites-moi…
!!!10. Catherine Suzon Mamy //(le cadeau)//
;Catherine
:Tu m'apportes un cadeau pour Noël ?
Oui, des chocolats !
;Catherine
:Eh bien ! Vrai ! Tu ne t'es pas creusé la cervelle !
Je croyais qu'à quinze ans, on aimait les chocolats.
;Catherine
:Quinze ans ! Et le pouce ! J'en aurai seize en février.
Tu m'as l'air en pleine forme !
;Catherine
:"Ca gaze, ça carbure, ça fonctionne…"
En un mot, ça "boume" !
;Catherine
:Dis donc, l'Angleterre t'a drôlement dessalée !
Tu devrais frapper à la porte de Papa…
;Catherine
:Il n'est pas encore réveillé ? Quel flemmard ! On le vire ?
"Le virer !"
;Mamy
:Catherine ! Enfin, du moment que ça fait rire ta mère ! Dans cette maison, le respect n'étouffe personne.
;Catherine
:Oh ! Mais je le respecte, mon père ! A ma manière, voilà tout ! Et surtout, je l'admire. Il s'habille comme à Londres, il est gai, il conduit comme un champion, il brasse des fortunes comme un chercheur d'or… Nous avons de la chance, Suzon… Notre père, c'est un héros de roman... Tu sais qu'il m'a promis d'apprendre à conduire ?... On s'entend bien tous les deux... On est deux complices... Et puis, c'est le seul homme de la maison ! //(Augustine entre)// Tiens, voilà la plus belle !
<<foldHeadings closed>>
!Exercices de theatre et d'improvisation
!!!!{{center{Par Yves Brette}}}
+++*[Phrases]
1 On fait ce qu’on fait, on sait qu’on le fait, mais est-ce qu’on sait ce qu’on fait ?
2 Un jour la mer s’est retirée, elle n’est jamais revenue 3 L’insecte dans le pantalon
3 L’insecte dans le pull
4 L’insecte dans les cheveux=== +++*[Mise en scène]
Actions physiques qui accompagnent une phrase
:Une personne est assise sur scène sur le proscenium, côté jardin, face public. Elle lit et ne doit pas intervenir verbalement durant le jeu. Une autre personne entre fond de scène côté jardin et va évoluer suivant un tracé en forme de triangle.
:elle doit partant des coulisses aller côté cour porter des livres, ensuite se diriger à côté, juste derrière ou devant le comédien assis puis retourner en coulisse. Il a une phrase à prononcer et il conviendra de chercher à quel endroit durant le trajet le texte sera dit. Suivant l’endroit l’impact sera différent.
* « tu m’as déçu »
* « j’attendrai le temps qu’il faudra »
* « je ne viendrai pas, même si tu me demandes à genoux »
:Le maître de jeu proposera à son grès d’autres situations mettant en scène d’autres actions physiques.
5 porter des livres
6 La préparation d’une soupe,
7 une tâche ménagère,
8 un courrier à rédiger etc.…=== +++*[Scénarios]
9 dans une salle où des gens attendent. Au centre une table basse ; sur la table une boite fermée ( de bonbons, mystérieuse, paquet cadeau ) les gens qui sont assis dans cette salle n’ont pas de consigne concernant la boite. Un acteur entre avec pour mission secrète d’ouvrir la boite et de prendre possession de ce qu’il y a dedans. Les acteurs, piégés, évoquent leur sentiments, émotions, blocages, frustrations, réprobation, etc.…
10 Chaque personne dans la salle évoque des souvenirs d’enfance avec des parents imaginaires.=== +++*[Improvisation dans le bus, une place libre à côté de quelqu’un…]
11 oui/discussion
12 Non/ mon ami va arriver
13 Au moment de s’asseoir une personne lui pique la place
14 La personne d’à côté change de place
15 Après s’être assis une personne arrive et demande à récupérer sa place
16 Demande à prendre sa place à cause d’un malaise.=== +++*[Grommelot]
Improviser en grommelant. Cet exercice, qui débarrasse l’acteur du texte mais pas de l’énergie de ce texte, permet de se concentrer sur la cohérence entre le geste et son sens
17 2 voyous dans un parc.
18 une fille et un garçon se rencontrent.
19 un enfant malheureux.
20 le clochard qui fait les poubelles.
21 le maître et ses élèves.=== +++*[Avant, pendant, après]
C’est une pièce en trois actes qu’il faut créer, qui peut se jouer à plusieurs, ou à deux, ou seul. La réflexion à avoir c’est que le même sentiment évolue d’un jour à l’autre. Donc, pour ne pas écraser un jeu, rendre une pièce plate, pâteuse, il faut apprendre à varier l’expression du sentiment qui anime le personnage incarné.
22 Avant avec une copine, stratégies, jeu de la vérité, clarté, émotion, volonté <br>Pendant : face à face, dans le lit, il rentre tard, en attendant l’ascenseur, en dansant <br>Après
au travers d’un texte anodin « Bonjour… T’as pris le courrier ? Ils ont dit que la guerre serait bientôt finie… J’ai préparé un… »=== +++*[Les gestes qui vont avec les mots]
24 Une pierre
25 Un oiseau
26 Les petites choses fines
27 La porte de la chambre de mes parents
28 Le vent dans les arbres
29 Le bout de mes pieds qui joue dans le sable
30 Les cacahuètes
31 Le silence
32 L’air marin
33 La solitude=== +++*[La famille]
;Une table avec posés des photos de tous les parents, enfants absents.
34 émotion
35 histoires de jalousie
36 de frustration
37 d’amour
38 de haine
38b d’injustice. === +++*[Le corps : Joindre un sentiment à une posture. ]
39 Les yeux fermés
40 La bouche ouverte
41 La main gauche incontrôlable
42 Les jambes serrées
43 Les mains jointes
44 Ne tenant pas en place
45 Guettant quelque chose
46 En marchant
47 Hiératique
48 Complètement mou
49 Endormi
50 Déséquilibré=== +++*[Impro . Personnages contraires]
51 IL y a le riche, le pauvre,
52 le chef, le soumis,
53 le plus âgé, le plus jeune,
54 le perdant, le gagnant.=== +++*[Impro. La meute des hommes loups ]
55 avec le chef, ses femelles, toute une hiérarchie.=== +++*[L’événement et l’action]
23 assiette brisée
56 balle qui roule
57 salle d’attente chez le dentiste
58 du vent et un volet qui claque
59 le bateau s’incline avant de couler ( s’intéresser au rapport entre l’action et l’objet )=== +++*[Respiration]
60 Arriver haletant, s’asseoir, ranger quelques affaires, apaiser son souffle et dire « j’y suis »
61 Assis en paix ; soudain le téléphone sonne . Une nouvelle déroutante, existante.
62 A deux :elle arrive, essoufflée, il là reçoit, adapte son rythme au sien, puis, progressivement, modifie la pulsation de sa partenaire.=== +++*[Improvisation « aux trois peintures »]
Chaque tableau sera utilisé comme une fenêtre . C'est un jeu collectif ou apparaît un meneur, donc des conflits, jeu de pouvoir thèmes=== +++*[Les actions physiques]
>L’un est en train de développer une action, ex laver les carreaux, quand l’autre entre et réagit dès que le premier lui dit « bonjour monsieur » Celui qui entre peut intervenir avant ou après
63 En lavant les carreaux
64 En glissant la main dans le slip
65 A quatre pattes
66 En dansant
67 En se nettoyant le nez
68 En pleurant
69 En riant
70 En écoutant derrière la porte
71 En cherchant quelque chose sur soi avec frénésie
72 En priant
73 En buvant un coup
74 En se mettant du parfum
75 En faisant des gestes violents contre une personne imaginaire
76 En classant des affaires
77 En s’épilant
78 En faisant le ménage=== +++*[La respiration : Ce que je dis n’est pas ce que je pense. ]
>Ex.: « je n’ai pas peur » mais mon halètement trahit la panique intérieure que je veux maîtriser ??
79 Je bous d’impatience…
80 Cela fait deux heures que j’attend, deux heures de trop…
81 Je me moque de ce que vous dites… ??
82 Non merci je n’ai pas faim… === +++*[Le geste et la parole]
>je fais d’abord le geste qui exprime ou l’intention de ce que je vais dire, ou le sentiment caché.
83 Viens, tu fais comme tu veux
84 Ça m’est égal
85 Je suis d’accord avec vous
86 Je suis très heureux
87 Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfant
88 Il y a des petites choses qui n’ont pas de prix<br>je dis la phrase comme je la ressens puis j’exprime par un geste que je regrette le ton de cette phrase.=== +++*[Gestes sans dire le texte]
89 préparer une mise en scène à partir d’un texte inconnu du public<br>jouer la scène en disant le texte mentalement<br>questionner le public sur ce qu’il a saisi du propos<br>rejouer la scène cette fois avec le texte dit à haute voix<br>évaluer l’apport de la mise en geste sur le texte=== +++*[Lutter contre le pathos, ]
90 jouer une scène avec une balle, imposer à l’acteur une action physique qui n’ait aucun rapport avec l’intrigue===
/***
|Name|ExportTiddlersPlugin|
|Source|http://www.TiddlyTools.com/#ExportTiddlersPlugin|
|Documentation|http://www.TiddlyTools.com/#ExportTiddlersPluginInfo|
|Version|2.9.6|
|Author|Eric Shulman|
|License|http://www.TiddlyTools.com/#LegalStatements|
|~CoreVersion|2.1|
|Type|plugin|
|Description|interactively select/export tiddlers to a separate file|
!!!!!Documentation
>see [[ExportTiddlersPluginInfo]]
!!!!!Inline control panel (live):
><<exportTiddlers inline>>
!!!!!Revisions
<<<
2011.02.14 2.9.6 fix OSX error: use picker.file.path
2010.02.25 2.9.5 added merge checkbox option and improved 'merge' status message
|please see [[ExportTiddlersPluginInfo]] for additional revision details|
2005.10.09 0.0.0 development started
<<<
!!!!!Code
***/
//{{{
// version
version.extensions.ExportTiddlersPlugin= {major: 2, minor: 9, revision: 6, date: new Date(2011,2,14)};
// default shadow definition
config.shadowTiddlers.ExportTiddlers='<<exportTiddlers inline>>';
// add 'export' backstage task (following built-in import task)
if (config.tasks) { // TW2.2 or above
config.tasks.exportTask = {
text:'export',
tooltip:'Export selected tiddlers to another file',
content:'<<exportTiddlers inline>>'
}
config.backstageTasks.splice(config.backstageTasks.indexOf('importTask')+1,0,'exportTask');
}
config.macros.exportTiddlers = {
$: function(id) { return document.getElementById(id); }, // abbreviation
label: 'export tiddlers',
prompt: 'Copy selected tiddlers to an export document',
okmsg: '%0 tiddler%1 written to %2',
failmsg: 'An error occurred while creating %1',
overwriteprompt: '%0\ncontains %1 tiddler%2 that will be discarded or replaced',
mergestatus: '%0 tiddler%1 added, %2 tiddler%3 updated, %4 tiddler%5 unchanged',
statusmsg: '%0 tiddler%1 - %2 selected for export',
newdefault: 'export.html',
datetimefmt: '0MM/0DD/YYYY 0hh:0mm:0ss', // for 'filter date/time' edit fields
type_TW: "tw", type_PS: "ps", type_TX: "tx", type_CS: "cs", type_NF: "nf", // file type tokens
type_map: { // maps type param to token values
tiddlywiki:"tw", tw:"tw", wiki: "tw",
purestore: "ps", ps:"ps", store:"ps",
plaintext: "tx", tx:"tx", text: "tx",
comma: "cs", cs:"cs", csv: "cs",
newsfeed: "nf", nf:"nf", xml: "nf", rss:"nf"
},
handler: function(place,macroName,params) {
if (params[0]!='inline')
{ createTiddlyButton(place,this.label,this.prompt,this.togglePanel); return; }
var panel=this.createPanel(place);
panel.style.position='static';
panel.style.display='block';
},
createPanel: function(place) {
var panel=this.$('exportPanel');
if (panel) { panel.parentNode.removeChild(panel); }
setStylesheet(store.getTiddlerText('ExportTiddlersPlugin##css',''),'exportTiddlers');
panel=createTiddlyElement(place,'span','exportPanel',null,null)
panel.innerHTML=store.getTiddlerText('ExportTiddlersPlugin##html','');
this.initFilter();
this.refreshList(0);
var fn=this.$('exportFilename');
if (window.location.protocol=='file:' && !fn.value.length) {
// get new target path/filename
var newPath=getLocalPath(window.location.href);
var slashpos=newPath.lastIndexOf('/'); if (slashpos==-1) slashpos=newPath.lastIndexOf('\\');
if (slashpos!=-1) newPath=newPath.substr(0,slashpos+1); // trim filename
fn.value=newPath+this.newdefault;
}
return panel;
},
togglePanel: function(e) { var e=e||window.event;
var cme=config.macros.exportTiddlers; // abbrev
var parent=resolveTarget(e).parentNode;
var panel=cme.$('exportPanel');
if (panel==undefined || panel.parentNode!=parent)
panel=cme.createPanel(parent);
var isOpen=panel.style.display=='block';
if(config.options.chkAnimate)
anim.startAnimating(new Slider(panel,!isOpen,e.shiftKey || e.altKey,'none'));
else
panel.style.display=isOpen?'none':'block' ;
if (panel.style.display!='none') {
cme.refreshList(0);
cme.$('exportFilename').focus();
cme.$('exportFilename').select();
}
e.cancelBubble = true; if (e.stopPropagation) e.stopPropagation(); return(false);
},
process: function(which) { // process panel control interactions
var theList=this.$('exportList'); if (!theList) return false;
var count = 0;
var total = store.getTiddlers('title').length;
switch (which.id) {
case 'exportFilter':
count=this.filterExportList();
var panel=this.$('exportFilterPanel');
if (count==-1) { panel.style.display='block'; break; }
this.$('exportStart').disabled=(count==0);
this.$('exportDelete').disabled=(count==0);
this.displayStatus(count,total);
if (count==0) { alert('No tiddlers were selected'); panel.style.display='block'; }
break;
case 'exportStart':
this.go();
break;
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this.deleteTiddlers();
break;
case 'exportHideFilter':
case 'exportToggleFilter':
var panel=this.$('exportFilterPanel')
panel.style.display=(panel.style.display=='block')?'none':'block';
break;
case 'exportSelectChanges':
var lastmod=new Date(document.lastModified);
for (var t = 0; t < theList.options.length; t++) {
if (theList.options[t].value=='') continue;
var tiddler=store.getTiddler(theList.options[t].value); if (!tiddler) continue;
theList.options[t].selected=(tiddler.modified>lastmod);
count += (tiddler.modified>lastmod)?1:0;
}
this.$('exportStart').disabled=(count==0);
this.$('exportDelete').disabled=(count==0);
this.displayStatus(count,total);
if (count==0) alert('There are no unsaved changes');
break;
case 'exportSelectAll':
for (var t = 0; t < theList.options.length; t++) {
if (theList.options[t].value=='') continue;
theList.options[t].selected=true;
count += 1;
}
this.$('exportStart').disabled=(count==0);
this.$('exportDelete').disabled=(count==0);
this.displayStatus(count,count);
break;
case 'exportSelectOpened':
for (var t=0; t<theList.options.length; t++) theList.options[t].selected=false;
var tiddlerDisplay=this.$('tiddlerDisplay');
for (var t=0; t<tiddlerDisplay.childNodes.length;t++) {
var tiddler=tiddlerDisplay.childNodes[t].id.substr(7);
for (var i=0; i<theList.options.length; i++) {
if (theList.options[i].value!=tiddler) continue;
theList.options[i].selected=true; count++; break;
}
}
this.$('exportStart').disabled=(count==0);
this.$('exportDelete').disabled=(count==0);
this.displayStatus(count,total);
if (count==0) alert('There are no tiddlers currently opened');
break;
case 'exportSelectRelated':
// recursively build list of related tiddlers
function getRelatedTiddlers(tid,tids) {
var t=store.getTiddler(tid); if (!t || tids.contains(tid)) return tids;
tids.push(t.title);
if (!t.linksUpdated) t.changed();
for (var i=0; i<t.links.length; i++)
if (t.links[i]!=tid) tids=getRelatedTiddlers(t.links[i],tids);
return tids;
}
// for all currently selected tiddlers, gather up the related tiddlers (including self) and select them as well
var tids=[];
for (var i=0; i<theList.options.length; i++)
if (theList.options[i].selected) tids=getRelatedTiddlers(theList.options[i].value,tids);
// select related tiddlers (includes original selected tiddlers)
for (var i=0; i<theList.options.length; i++)
theList.options[i].selected=tids.contains(theList.options[i].value);
this.displayStatus(tids.length,total);
break;
case 'exportListSmaller': // decrease current listbox size
var min=5;
theList.size-=(theList.size>min)?1:0;
break;
case 'exportListLarger': // increase current listbox size
var max=(theList.options.length>25)?theList.options.length:25;
theList.size+=(theList.size<max)?1:0;
break;
case 'exportClose':
this.$('exportPanel').style.display='none';
break;
}
return false;
},
displayStatus: function(count,total) {
var txt=this.statusmsg.format([total,total!=1?'s':'',!count?'none':count==total?'all':count]);
clearMessage(); displayMessage(txt);
return txt;
},
refreshList: function(selectedIndex) {
var theList = this.$('exportList'); if (!theList) return;
// get the sort order
var sort;
if (!selectedIndex) selectedIndex=0;
if (selectedIndex==0) sort='modified';
if (selectedIndex==1) sort='title';
if (selectedIndex==2) sort='modified';
if (selectedIndex==3) sort='modifier';
if (selectedIndex==4) sort='tags';
// unselect headings and count number of tiddlers actually selected
var count=0;
for (var t=5; t < theList.options.length; t++) {
if (!theList.options[t].selected) continue;
if (theList.options[t].value!='')
count++;
else { // if heading is selected, deselect it, and then select and count all in section
theList.options[t].selected=false;
for ( t++; t<theList.options.length && theList.options[t].value!=''; t++) {
theList.options[t].selected=true;
count++;
}
}
}
// disable 'export' and 'delete' buttons if no tiddlers selected
this.$('exportStart').disabled=(count==0);
this.$('exportDelete').disabled=(count==0);
// show selection count
var tiddlers = store.getTiddlers('title');
if (theList.options.length) this.displayStatus(count,tiddlers.length);
// if a [command] item, reload list... otherwise, no further refresh needed
if (selectedIndex>4) return;
// clear current list contents
while (theList.length > 0) { theList.options[0] = null; }
// add heading and control items to list
var i=0;
var indent=String.fromCharCode(160)+String.fromCharCode(160);
theList.options[i++]=
new Option(tiddlers.length+' tiddlers in document', '',false,false);
theList.options[i++]=
new Option(((sort=='title' )?'>':indent)+' [by title]', '',false,false);
theList.options[i++]=
new Option(((sort=='modified')?'>':indent)+' [by date]', '',false,false);
theList.options[i++]=
new Option(((sort=='modifier')?'>':indent)+' [by author]', '',false,false);
theList.options[i++]=
new Option(((sort=='tags' )?'>':indent)+' [by tags]', '',false,false);
// output the tiddler list
switch(sort) {
case 'title':
for(var t = 0; t < tiddlers.length; t++)
theList.options[i++] = new Option(tiddlers[t].title,tiddlers[t].title,false,false);
break;
case 'modifier':
case 'modified':
var tiddlers = store.getTiddlers(sort);
// sort descending for newest date first
tiddlers.sort(function (a,b) {if(a[sort] == b[sort]) return(0); else return (a[sort] > b[sort]) ? -1 : +1; });
var lastSection = '';
for(var t = 0; t < tiddlers.length; t++) {
var tiddler = tiddlers[t];
var theSection = '';
if (sort=='modified') theSection=tiddler.modified.toLocaleDateString();
if (sort=='modifier') theSection=tiddler.modifier;
if (theSection != lastSection) {
theList.options[i++] = new Option(theSection,'',false,false);
lastSection = theSection;
}
theList.options[i++] = new Option(indent+indent+tiddler.title,tiddler.title,false,false);
}
break;
case 'tags':
var theTitles = {}; // all tiddler titles, hash indexed by tag value
var theTags = new Array();
for(var t=0; t<tiddlers.length; t++) {
var title=tiddlers[t].title;
var tags=tiddlers[t].tags;
if (!tags || !tags.length) {
if (theTitles['untagged']==undefined) { theTags.push('untagged'); theTitles['untagged']=new Array(); }
theTitles['untagged'].push(title);
}
else for(var s=0; s<tags.length; s++) {
if (theTitles[tags[s]]==undefined) { theTags.push(tags[s]); theTitles[tags[s]]=new Array(); }
theTitles[tags[s]].push(title);
}
}
theTags.sort();
for(var tagindex=0; tagindex<theTags.length; tagindex++) {
var theTag=theTags[tagindex];
theList.options[i++]=new Option(theTag,'',false,false);
for(var t=0; t<theTitles[theTag].length; t++)
theList.options[i++]=new Option(indent+indent+theTitles[theTag][t],theTitles[theTag][t],false,false);
}
break;
}
theList.selectedIndex=selectedIndex; // select current control item
this.$('exportStart').disabled=true;
this.$('exportDelete').disabled=true;
this.displayStatus(0,tiddlers.length);
},
askForFilename: function(here) {
var msg=here.title; // use tooltip as dialog box message
var path=getLocalPath(document.location.href);
var slashpos=path.lastIndexOf('/'); if (slashpos==-1) slashpos=path.lastIndexOf('\\');
if (slashpos!=-1) path = path.substr(0,slashpos+1); // remove filename from path, leave the trailing slash
var filetype=this.$('exportFormat').value.toLowerCase();
var defext='html';
if (filetype==this.type_TX) defext='txt';
if (filetype==this.type_CS) defext='csv';
if (filetype==this.type_NF) defext='xml';
var file=this.newdefault.replace(/html$/,defext);
var result='';
if(window.Components) { // moz
try {
netscape.security.PrivilegeManager.enablePrivilege('UniversalXPConnect');
var nsIFilePicker = window.Components.interfaces.nsIFilePicker;
var picker = Components.classes['@mozilla.org/filepicker;1'].createInstance(nsIFilePicker);
picker.init(window, msg, nsIFilePicker.modeSave);
var thispath = Components.classes['@mozilla.org/file/local;1'].createInstance(Components.interfaces.nsILocalFile);
thispath.initWithPath(path);
picker.displayDirectory=thispath;
picker.defaultExtension=defext;
picker.defaultString=file;
picker.appendFilters(nsIFilePicker.filterAll|nsIFilePicker.filterText|nsIFilePicker.filterHTML);
if (picker.show()!=nsIFilePicker.returnCancel) var result=picker.file.path;
}
catch(e) { alert('error during local file access: '+e.toString()) }
}
else { // IE
try { // XPSP2 IE only
var s = new ActiveXObject('UserAccounts.CommonDialog');
s.Filter='All files|*.*|Text files|*.txt|HTML files|*.htm;*.html|XML files|*.xml|';
s.FilterIndex=defext=='txt'?2:'html'?3:'xml'?4:1;
s.InitialDir=path;
s.FileName=file;
if (s.showOpen()) var result=s.FileName;
}
catch(e) { // fallback
var result=prompt(msg,path+file);
}
}
return result;
},
initFilter: function() {
this.$('exportFilterStart').checked=false; this.$('exportStartDate').value='';
this.$('exportFilterEnd').checked=false; this.$('exportEndDate').value='';
this.$('exportFilterTags').checked=false; this.$('exportTags').value='';
this.$('exportFilterText').checked=false; this.$('exportText').value='';
this.showFilterFields();
},
showFilterFields: function(which) {
var show=this.$('exportFilterStart').checked;
this.$('exportFilterStartBy').style.display=show?'block':'none';
this.$('exportStartDate').style.display=show?'block':'none';
var val=this.$('exportFilterStartBy').value;
this.$('exportStartDate').value
=this.getFilterDate(val,'exportStartDate').formatString(this.datetimefmt);
if (which && (which.id=='exportFilterStartBy') && (val=='other'))
this.$('exportStartDate').focus();
var show=this.$('exportFilterEnd').checked;
this.$('exportFilterEndBy').style.display=show?'block':'none';
this.$('exportEndDate').style.display=show?'block':'none';
var val=this.$('exportFilterEndBy').value;
this.$('exportEndDate').value
=this.getFilterDate(val,'exportEndDate').formatString(this.datetimefmt);
if (which && (which.id=='exportFilterEndBy') && (val=='other'))
this.$('exportEndDate').focus();
var show=this.$('exportFilterTags').checked;
this.$('exportTags').style.display=show?'block':'none';
var show=this.$('exportFilterText').checked;
this.$('exportText').style.display=show?'block':'none';
},
getFilterDate: function(val,id) {
var result=0;
switch (val) {
case 'file':
result=new Date(document.lastModified);
break;
case 'other':
result=new Date(this.$(id).value);
break;
default: // today=0, yesterday=1, one week=7, two weeks=14, a month=31
var now=new Date(); var tz=now.getTimezoneOffset()*60000; now-=tz;
var oneday=86400000;
if (id=='exportStartDate')
result=new Date((Math.floor(now/oneday)-val)*oneday+tz);
else
result=new Date((Math.floor(now/oneday)-val+1)*oneday+tz-1);
break;
}
return result;
},
filterExportList: function() {
var theList = this.$('exportList'); if (!theList) return -1;
var filterStart=this.$('exportFilterStart').checked;
var val=this.$('exportFilterStartBy').value;
var startDate=config.macros.exportTiddlers.getFilterDate(val,'exportStartDate');
var filterEnd=this.$('exportFilterEnd').checked;
var val=this.$('exportFilterEndBy').value;
var endDate=config.macros.exportTiddlers.getFilterDate(val,'exportEndDate');
var filterTags=this.$('exportFilterTags').checked;
var tags=this.$('exportTags').value;
var filterText=this.$('exportFilterText').checked;
var text=this.$('exportText').value;
if (!(filterStart||filterEnd||filterTags||filterText)) {
alert('Please set the selection filter');
this.$('exportFilterPanel').style.display='block';
return -1;
}
if (filterStart&&filterEnd&&(startDate>endDate)) {
var msg='starting date/time:\n'
msg+=startDate.toLocaleString()+'\n';
msg+='is later than ending date/time:\n'
msg+=endDate.toLocaleString()
alert(msg);
return -1;
}
// if filter by tags, get list of matching tiddlers
// use getMatchingTiddlers() (if MatchTagsPlugin is installed) for full boolean expressions
// otherwise use getTaggedTiddlers() for simple tag matching
if (filterTags) {
var fn=store.getMatchingTiddlers||store.getTaggedTiddlers;
var t=fn.apply(store,[tags]);
var tagged=[];
for (var i=0; i<t.length; i++) tagged.push(t[i].title);
}
// scan list and select tiddlers that match all applicable criteria
var total=0;
var count=0;
for (var i=0; i<theList.options.length; i++) {
// get item, skip non-tiddler list items (section headings)
var opt=theList.options[i]; if (opt.value=='') continue;
// get tiddler, skip missing tiddlers (this should NOT happen)
var tiddler=store.getTiddler(opt.value); if (!tiddler) continue;
var sel=true;
if ( (filterStart && tiddler.modified<startDate)
|| (filterEnd && tiddler.modified>endDate)
|| (filterTags && !tagged.contains(tiddler.title))
|| (filterText && (tiddler.text.indexOf(text)==-1) && (tiddler.title.indexOf(text)==-1)))
sel=false;
opt.selected=sel;
count+=sel?1:0;
total++;
}
return count;
},
deleteTiddlers: function() {
var list=this.$('exportList'); if (!list) return;
var tids=[];
for (i=0;i<list.length;i++)
if (list.options[i].selected && list.options[i].value.length)
tids.push(list.options[i].value);
if (!confirm('Are you sure you want to delete these tiddlers:\n\n'+tids.join(', '))) return;
store.suspendNotifications();
for (t=0;t<tids.length;t++) {
var tid=store.getTiddler(tids[t]); if (!tid) continue;
var msg="'"+tid.title+"' is tagged with 'systemConfig'.\n\n";
msg+='Removing this tiddler may cause unexpected results. Are you sure?'
if (tid.tags.contains('systemConfig') && !confirm(msg)) continue;
store.removeTiddler(tid.title);
story.closeTiddler(tid.title);
}
store.resumeNotifications();
alert(tids.length+' tiddlers deleted');
this.refreshList(0); // reload listbox
store.notifyAll(); // update page display
},
go: function() {
if (window.location.protocol!='file:') // make sure we are local
{ displayMessage(config.messages.notFileUrlError); return; }
// get selected tidders, target filename, target type, and notes
var list=this.$('exportList'); if (!list) return;
var tids=[]; for (var i=0; i<list.options.length; i++) {
var opt=list.options[i]; if (!opt.selected||!opt.value.length) continue;
var tid=store.getTiddler(opt.value); if (!tid) continue;
tids.push(tid);
}
if (!tids.length) return; // no tiddlers selected
var target=this.$('exportFilename').value.trim();
if (!target.length) {
displayMessage('A local target path/filename is required',target);
return;
}
var merge=this.$('exportMerge').checked;
var filetype=this.$('exportFormat').value.toLowerCase();
var notes=this.$('exportNotes').value.replace(/\n/g,'<br>');
var total={val:0};
var out=this.assembleFile(target,filetype,tids,notes,total,merge);
if (!total.val) return; // cancelled file overwrite
var link='file:///'+target.replace(/\\/g,'/');
var samefile=link==decodeURIComponent(window.location.href);
var p=getLocalPath(document.location.href);
if (samefile) {
if (config.options.chkSaveBackups) { var t=loadOriginal(p);if(t)saveBackup(p,t); }
if (config.options.chkGenerateAnRssFeed && saveRss instanceof Function) saveRss(p);
}
var ok=saveFile(target,out);
displayMessage((ok?this.okmsg:this.failmsg).format([total.val,total.val!=1?'s':'',target]),link);
},
plainTextHeader:
'Source:\n\t%0\n'
+'Title:\n\t%1\n'
+'Subtitle:\n\t%2\n'
+'Created:\n\t%3 by %4\n'
+'Application:\n\tTiddlyWiki %5 / %6 %7\n\n',
plainTextTiddler:
'- - - - - - - - - - - - - - -\n'
+'| title: %0\n'
+'| created: %1\n'
+'| modified: %2\n'
+'| edited by: %3\n'
+'| tags: %4\n'
+'- - - - - - - - - - - - - - -\n'
+'%5\n',
plainTextFooter:
'',
newsFeedHeader:
'<'+'?xml version="1.0"?'+'>\n'
+'<rss version="2.0">\n'
+'<channel>\n'
+'<title>%1</title>\n'
+'<link>%0</link>\n'
+'<description>%2</description>\n'
+'<language>en-us</language>\n'
+'<copyright>Copyright '+(new Date().getFullYear())+' %4</copyright>\n'
+'<pubDate>%3</pubDate>\n'
+'<lastBuildDate>%3</lastBuildDate>\n'
+'<docs>http://blogs.law.harvard.edu/tech/rss</docs>\n'
+'<generator>TiddlyWiki %5 / %6 %7</generator>\n',
newsFeedTiddler:
'\n%0\n',
newsFeedFooter:
'</channel></rss>',
pureStoreHeader:
'<html><body>'
+'<style type="text/css">'
+' #storeArea {display:block;margin:1em;}'
+' #storeArea div {padding:0.5em;margin:1em;border:2px solid black;height:10em;overflow:auto;}'
+' #pureStoreHeading {width:100%;text-align:left;background-color:#eeeeee;padding:1em;}'
+'</style>'
+'<div id="pureStoreHeading">'
+' TiddlyWiki "PureStore" export file<br>'
+' Source'+': <b>%0</b><br>'
+' Title: <b>%1</b><br>'
+' Subtitle: <b>%2</b><br>'
+' Created: <b>%3</b> by <b>%4</b><br>'
+' TiddlyWiki %5 / %6 %7<br>'
+' Notes:<hr><pre>%8</pre>'
+'</div>'
+'<div id="storeArea">',
pureStoreTiddler:
'%0\n%1',
pureStoreFooter:
'</div><!--POST-BODY-START-->\n<!--POST-BODY-END--></body></html>',
assembleFile: function(target,filetype,tids,notes,total,merge) {
var revised='';
var now = new Date().toLocaleString();
var src=convertUnicodeToUTF8(document.location.href);
var title = convertUnicodeToUTF8(wikifyPlain('SiteTitle').htmlEncode());
var subtitle = convertUnicodeToUTF8(wikifyPlain('SiteSubtitle').htmlEncode());
var user = convertUnicodeToUTF8(config.options.txtUserName.htmlEncode());
var twver = version.major+'.'+version.minor+'.'+version.revision;
var v=version.extensions.ExportTiddlersPlugin; var pver = v.major+'.'+v.minor+'.'+v.revision;
var headerargs=[src,title,subtitle,now,user,twver,'ExportTiddlersPlugin',pver,notes];
switch (filetype) {
case this.type_TX: // plain text
var header=this.plainTextHeader.format(headerargs);
var footer=this.plainTextFooter;
break;
case this.type_CS: // comma-separated
var fields={};
for (var i=0; i<tids.length; i++) for (var f in tids[i].fields) fields[f]=f;
var names=['title','created','modified','modifier','tags','text'];
for (var f in fields) names.push(f);
var header=names.join(',')+'\n';
var footer='';
break;
case this.type_NF: // news feed (XML)
headerargs[0]=store.getTiddlerText('SiteUrl','');
var header=this.newsFeedHeader.format(headerargs);
var footer=this.newsFeedFooter;
break;
case this.type_PS: // PureStore (no code)
var header=this.pureStoreHeader.format(headerargs);
var footer=this.pureStoreFooter;
break;
case this.type_TW: // full TiddlyWiki
default:
var currPath=getLocalPath(window.location.href);
var original=loadFile(currPath);
if (!original) { displayMessage(config.messages.cantSaveError); return; }
var posDiv = locateStoreArea(original);
if (!posDiv) { displayMessage(config.messages.invalidFileError.format([currPath])); return; }
var header = original.substr(0,posDiv[0]+startSaveArea.length)+'\n';
var footer = '\n'+original.substr(posDiv[1]);
break;
}
var out=this.getData(target,filetype,tids,fields,merge);
var revised = header+convertUnicodeToUTF8(out.join('\n'))+footer;
// if full TW, insert page title and language attr, and reset all MARKUP blocks...
if (filetype==this.type_TW) {
var newSiteTitle=convertUnicodeToUTF8(getPageTitle()).htmlEncode();
revised=revised.replaceChunk('<title'+'>','</title'+'>',' ' + newSiteTitle + ' ');
revised=updateLanguageAttribute(revised);
var titles=[]; for (var i=0; i<tids.length; i++) titles.push(tids[i].title);
revised=updateMarkupBlock(revised,'PRE-HEAD',
titles.contains('MarkupPreHead')? 'MarkupPreHead' :null);
revised=updateMarkupBlock(revised,'POST-HEAD',
titles.contains('MarkupPostHead')?'MarkupPostHead':null);
revised=updateMarkupBlock(revised,'PRE-BODY',
titles.contains('MarkupPreBody')? 'MarkupPreBody' :null);
revised=updateMarkupBlock(revised,'POST-SCRIPT',
titles.contains('MarkupPostBody')?'MarkupPostBody':null);
}
total.val=out.length;
return revised;
},
getData: function(target,filetype,tids,fields,merge) {
// output selected tiddlers and gather list of titles (for use with merge)
var out=[]; var titles=[];
var url=store.getTiddlerText('SiteUrl','');
for (var i=0; i<tids.length; i++) {
out.push(this.formatItem(store,filetype,tids[i],url,fields));
titles.push(tids[i].title);
}
// if TW or PureStore format, ask to merge with existing tiddlers (if any)
if (filetype==this.type_TW || filetype==this.type_PS) {
var txt=loadFile(target);
if (txt && txt.length) {
var remoteStore=new TiddlyWiki();
if (version.major+version.minor*.1+version.revision*.01<2.52) txt=convertUTF8ToUnicode(txt);
if (remoteStore.importTiddlyWiki(txt)) {
var existing=remoteStore.getTiddlers('title');
var msg=this.overwriteprompt.format([target,existing.length,existing.length!=1?'s':'']);
if (merge) {
var added=titles.length; var updated=0; var kept=0;
for (var i=0; i<existing.length; i++)
if (titles.contains(existing[i].title)) {
added--; updated++;
} else {
out.push(this.formatItem(remoteStore,filetype,existing[i],url));
kept++;
}
displayMessage(this.mergestatus.format(
[added,added!=1?'s':'',updated,updated!=1?'s':'',kept,kept!=1?'s':'',]));
}
else if (!confirm(msg)) out=[]; // empty the list = don't write file
}
}
}
return out;
},
formatItem: function(s,f,t,u,fields) {
if (f==this.type_TW)
var r=s.getSaver().externalizeTiddler(s,t);
if (f==this.type_PS)
var r=this.pureStoreTiddler.format([t.title,s.getSaver().externalizeTiddler(s,t)]);
if (f==this.type_NF)
var r=this.newsFeedTiddler.format([t.saveToRss(u)]);
if (f==this.type_TX)
var r=this.plainTextTiddler.format([t.title, t.created.toLocaleString(), t.modified.toLocaleString(),
t.modifier, String.encodeTiddlyLinkList(t.tags), t.text]);
if (f==this.type_CS) {
function toCSV(t) { return '"'+t.replace(/"/g,'""')+'"'; } // always encode CSV
var out=[ toCSV(t.title), toCSV(t.created.toLocaleString()), toCSV(t.modified.toLocaleString()),
toCSV(t.modifier), toCSV(String.encodeTiddlyLinkList(t.tags)), toCSV(t.text) ];
for (var f in fields) out.push(toCSV(t.fields[f]||''));
var r=out.join(',');
}
return r||"";
}
}
//}}}
/***
!!!Control panel CSS
//{{{
!css
#exportPanel {
display: none; position:absolute; z-index:12; width:35em; right:105%; top:6em;
background-color: #eee; color:#000; font-size: 8pt; line-height:110%;
border:1px solid black; border-bottom-width: 3px; border-right-width: 3px;
padding: 0.5em; margin:0em; -moz-border-radius:1em;-webkit-border-radius:1em;
}
#exportPanel a, #exportPanel td a { color:#009; display:inline; margin:0px; padding:1px; }
#exportPanel table {
width:100%; border:0px; padding:0px; margin:0px;
font-size:8pt; line-height:110%; background:transparent;
}
#exportPanel tr { border:0px;padding:0px;margin:0px; background:transparent; }
#exportPanel td { color:#000; border:0px;padding:0px;margin:0px; background:transparent; }
#exportPanel select { width:98%;margin:0px;font-size:8pt;line-height:110%;}
#exportPanel input { width:98%;padding:0px;margin:0px;font-size:8pt;line-height:110%; }
#exportPanel textarea { width:98%;padding:0px;margin:0px;overflow:auto;font-size:8pt; }
#exportPanel .box {
border:1px solid black; padding:3px; margin-bottom:5px;
background:#f8f8f8; -moz-border-radius:5px;-webkit-border-radius:5px; }
#exportPanel .topline { border-top:2px solid black; padding-top:3px; margin-bottom:5px; }
#exportPanel .rad { width:auto;border:0 }
#exportPanel .chk { width:auto;border:0 }
#exportPanel .btn { width:auto; }
#exportPanel .btn1 { width:98%; }
#exportPanel .btn2 { width:48%; }
#exportPanel .btn3 { width:32%; }
#exportPanel .btn4 { width:24%; }
#exportPanel .btn5 { width:19%; }
!end
//}}}
!!!Control panel HTML
//{{{
!html
<!-- target path/file -->
<div>
<div style="float:right;padding-right:.5em">
<input type="checkbox" style="width:auto" id="exportMerge" CHECKED
title="combine selected tiddlers with existing tiddlers (if any) in export file"> merge
</div>
export to:<br>
<input type="text" id="exportFilename" size=40 style="width:93%"><input
type="button" id="exportBrowse" value="..." title="select or enter a local folder/file..." style="width:5%"
onclick="var fn=config.macros.exportTiddlers.askForFilename(this); if (fn.length) this.previousSibling.value=fn; ">
</div>
<!-- output format -->
<div>
format:
<select id="exportFormat" size=1>
<option value="TW">TiddlyWiki HTML document (includes core code)</option>
<option value="PS">TiddlyWiki "PureStore" HTML file (tiddler data only)</option>
<option value="TX">TiddlyWiki plain text TXT file (tiddler source listing)</option>
<option value="CS">Comma-Separated Value (CSV) data file</option>
<option value="NF">RSS NewsFeed XML file</option>
</select>
</div>
<!-- notes -->
<div>
notes:<br>
<textarea id="exportNotes" rows=3 cols=40 style="height:4em;margin-bottom:5px;" onfocus="this.select()"></textarea>
</div>
<!-- list of tiddlers -->
<table><tr align="left"><td>
select:
<a href="JavaScript:;" id="exportSelectAll"
onclick="return config.macros.exportTiddlers.process(this)" title="select all tiddlers">
all </a>
<a href="JavaScript:;" id="exportSelectChanges"
onclick="return config.macros.exportTiddlers.process(this)" title="select tiddlers changed since last save">
changes </a>
<a href="JavaScript:;" id="exportSelectOpened"
onclick="return config.macros.exportTiddlers.process(this)" title="select tiddlers currently being displayed">
opened </a>
<a href="JavaScript:;" id="exportSelectRelated"
onclick="return config.macros.exportTiddlers.process(this)" title="select tiddlers related to the currently selected tiddlers">
related </a>
<a href="JavaScript:;" id="exportToggleFilter"
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filter </a>
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– </a>
<a href="JavaScript:;" id="exportListLarger"
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+ </a>
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</select><br>
<!-- selection filter -->
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selection filter
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<div class="box">
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!end
//}}}
***/
{{menubox center medium{
!Estivales Seniors^^
//à la Mairie du 5ème//
Mardi 21 août^^
<<
15h00 à 17h00
Entrée latérale, rue Clotaire
<<
''Séance d'expression corporelle''
^^//Animation : Jacques Turbé//^^
[[?|ExpressionCorporelle]]
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!Exercices d'expression corporelle
<<tiddler IndexExpressionCorporelle>>
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|Name:|ExtentTagButtonPlugin|
|Description:|Adds a New tiddler button in the tag drop down|
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|Date:|27-Jun-2011|
|Source:|http://mptw.tiddlyspot.com/#ExtendTagButtonPlugin|
|Author:|Simon Baird <simon.baird@gmail.com>|
|License|http://mptw.tiddlyspot.com/#TheBSDLicense|
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// Thanks Saq, you're a genius :)
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!!!!VALAAM - Michel Jullien,
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un livre « physiquement injurié », intitulé L’Ile aux troncs, et où ce qui est décrit se mâche en images à chaque ligne.
Donc : mai 1945. Le pouvoir soviétique « invita » bel et bien quelques centaines d’amputés à s’en aller végéter à Valaam, une île du lac Lagoda, coupée du reste du monde par les glaces neuf mois par an. Pas beaux à voir, pénibles à entendre, impossibles à recaser, ces troncs pourtant encore hommes gênaient la légende de la Grande Guerre patriotique. Des macules sur le drapeau. La Sibérie eût été un peu sévère ; un monastère désaffecté fit l’affaire. Et c’est sur Valaam, donc, que le lecteur va faire la connaissance de Kotik et Piotr, sortes de Bouvard et Pécuchet mâtinés de don Quichotte et Sancho Panza, mais rudement diminués côté membrures, et carburant comme c’est pas possible à la vodka, tous deux épris chastement d’une icône médaillée, celle de l’aviatrice Natalia, princesse aux ailes de métal, as du dézingage céleste. C’est dans cette cour interdite de miracles que Michel Jullien déploie sa prose redoutable qui, pour donner vie et cadence à ces deux « rabroués de l’armée », épouse avec gouaille et précision le clopinement mental de nos héros raccourcis.
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;VALAAM
À ce point que, de bonne foi, on n’aurait pu prétendre à un hasard. En effet, on vit sortir un mutilé de sa cellule, héros de l’île parmi d’autres, diminué sous le fessier avec un déhanchement inoubliable, une espèce de pendule volontaire, le corps oscillant d’avant en arrière à chacun de ses pas qu’il effectuait sur les mains, agile, plutôt souple et sans que rien ne pesât, les épaules comme elles travaillent aux arceaux, un magnétisme terrien à peine empesé, les deux bras enroulés dans un fichu de laine, les paumes servant de talon, le poignet efficace, en soutènement, actif, un grand moignon à lui tout seul se balançant entre deux foulées, le buste qu’il envoyait au sol comme un plot, une potiche mobile avec un peu de poussière flottant autour des hanches à chaque nouvelle tombée, un bassin qui servait de bollard. Voilà pour lui tandis que son voisin de droite chiquait sur le pas de sa cahute, un homme court lui aussi, pareil, grognard hilare, sans jambes non plus, coupées moins long peut-être, un têtard tenu debout, non pas assis mais se soleillant dans une banne en osier – et cela lui faisait une espèce de jupe à l’envers quadrillée d’ombres et de jours, heureux effets sous les canisses –, de commerce avec un barbichu, le voisin, sympathique, cancanier, diminué sous le ventre, un riverain de la colonie, silencieux déclameur de Pouchkine (il ânonnait les premiers vers de Poltava, emberlificoté au huitième), même mal, pareil amputé posé comme une bourriche sur une planche à roulettes; encore, il manquait une roue sur les quatre si bien qu’un angle de la planche s’invitait dans la terre et que, dessus, le corps penchait avec. À deux pas, un autre, enroulé dans une veste ouatinée, en retrait sans rien faire sinon se lisser le nez avec un évident respect introspectif qu’on n’aurait su sonder – s’il se le frotte ou si le principal n’est pas de se respirer délicieusement le bout des doigts, leurs humeurs coriaces, la réglisse encroûtée sous les pouces? –, même allure, quillé dans la luzerne, homme piédouche à lui seul. Passons-le. Ensuite, comme des serre-livres sans rien d’autre au milieu, deux adossés, deux roux, double souche en étai, jumeaux des heures, l’un se décrottant les ongles à la pointe du couteau, l’autre épuçant du doigt des groupes de caractères imprimés de longtemps sur une feuille de journal huit fois lue. Et ça recommençait dans l’abri limitrophe, tout à côté, sur le pas de sa cahute, un autre «samovar» – c’est leur nom à tous, samovary, on les appelle ainsi, courtauds comme l’ustensile, ventrus, une pièce de vaisselle que l’on pose dans un coin avec le grand réservoir qu’est le corps, le vase et son couvercle qui fait la tête, et puis des anses sur les côtés pour les bras, théières et cafetières n’ont pas beaucoup de pieds –, celui-ci accoté à sa murette couverte de papier goudron, les yeux fermés avec un beau sourire dessous, la tête au ciel et les bras en ailettes lui soutenant la nuque, se basanant la pomme d’Adam aux premiers chauds du printemps. Et non loin tout reprend, deux joueurs d’échecs en vis-à-vis, à même le sol, cinq autour menton bas, les bras croisés, les yeux louchant sur la partie, le damier garni de pièces en bois tourné, des bouchons de pin taillés maison, encore vingt-trois sur l’échiquier, les têtes grossièrement figurées, cheval, reine et, plus bas, le buste des figurines qui ressemblait en miniature à la morphologie uniforme de l’endroit, interrompue, sans reste, le bas du ventre perdu dans un socle épaté. Les cavaliers, les pions de la même taille, le roi à leur image, aucune jambe pour personne, la tour elle-même comme s’il lui manquait le bon piétement. Les estropiés ont un avantage plastique: leur bedon passe inaperçu. Mais en même temps, c’est bizarre, ce qu’il leur reste de corpulence évoque un éléphantiasis mal cerné. La partie d’échecs languissait. Les deux adversaires jouaient un pion entre de longs intervalles quand les témoins penchés sur le damier avançaient à voix basse leurs pronostics pour les trois prochains tours. Le jeu était couvert par les accords d’Igor Netcheporenko, mélomane à l’orthodontie déplorable, mi, la, qui mâchouillait à vide dès les premières mesures des Bateliers de la Volga – «Ho hisse!» –, chant populaire gratouillé sur une guimbarde choyée dans l’île bien que personne ne l’écoutât, à cause qu’on lui reconnaissait une guibole en trophée; personne pour apprécier le chant d’Igor mais son seul instrument servait de mascotte à la communauté, de contre-effigie, une balalaïka, un caisson, pas de bras, la rosace centrale qui faisait la bouille et une jambe en l’air. «Ho hisse!» jusqu’au dernier couplet, avec reprise, tandis qu’à l’échiquier Anton Varlav acculait de ses pions le dernier fou de son adversaire. Tout près, sans qu’il y eût de rapport d’un groupe à l’autre, trois «samovars» étaient à repriser leurs frusques, deux à battre du linge, dont Evgeny, résident de l’île, un fameux maigrichon ayant pour lui d’être si effilé que la perte motrice pouvait passer inaperçue, un gars efflanqué, tuilé d’omoplates, toujours très paisseau d’apparence au point que divisé d’un hémisphère il semblait debout, Evgeny, émondé comme les autres, surnommé par ici le « cadran solaire». Toute une horlogerie camarade. On disait d’Evgeny Lientrof que son torse donnait les heures quand son nez indiquait l’ombre des minutes, les secondes. D’ailleurs il portait une montre, un modèle allemand, brisé, sans verre, aiguilles courbes, n’importe, un butin de 45. Son pas de porte jouxtait celui de Sokolov, l’âme aux couleurs, un naturaliste, espèce de barbouilleur se reprenant tous les jours sur un carré de choux en mal d’azote, son éternel motif, même cadrage, même empan, le comestible a tempera, les choux, variété souffreteuse du potager communautaire où rien ne donnait. Alors il les peignait plus gras qu’en vérité, de feuille, de trognon, de souvenir, les radicelles imaginaires comprises dans le tableau, sans gouache, sans tube ou aquarelle car tout manquait à la confrérie des samovars, rien qu’avec des pigments du cru, terre et vase d’ici, glands pilés, huile de martre, liants de moka, si bien que ses compositions étaient d’allure roussie, choux bistres, potassés, choux tabac, des lavis potagers que son voisin Fedor appréciait contre l’original. Fedor posté devant les lavis, benoîtement quoique plein de bon sens: «C’est bien fait mais pourquoi les peindre puisqu’ils existent déjà ?»
Prenez une gare, un hall de gare avec du monde à attendre; on ne le sait pas mais il s’y trouve à chaque instant un pianiste, un électricien, un amateur d’échecs, un comptable, un médecin, un peintre, un géomètre, une femme enceinte qui ne le sait pas encore, une autre oui, etc., comme ici – non, aucune femme ici. Ainsi la parade reprenait de baraque en baraque tandis qu’on remontait l’allée, la suivante hébergeant un ancien typographe plein d’une morne habitude d’esprit qui était d’attendre, sans rien avoir à dire, Andreï Mindin, le nez fruité dans une face blême avec, pour seule qualité d’expression, l’onglet d’une langue poinçonnée entre les dents. Son gourbi épaulait celui d’un ancien ouvrier d’une unité de peaux, un atelier de Vsevolojsk – moufles, semelles, tabliers, façonnage des brodequins, talonnettes et ceintures –, Iakov Afanassiev, auprès de qui chacun à la veillée recueillait des souvenirs de métier. Suivait un nouveau foyer, celui d’un cul-de-jatte insignifiant, un renfermé, un invalide des plus sombres sans tellement partager l’ordinaire des résidents – c’est pourquoi on le tenait en mauvaise amitié, à cause de sa ronchonnerie légendaire, ses dons de rouscaille, sa passion des anicroches, ses pleurs pour un oui pouvant virer en rixe, Vassili Boumilov, barbu –, puis d’autres encore à la suite, même infirmité, genoux étêtés, jambes équarries, cuisses élidées, le comptoir des vétérans de 41, de 42 à 45, des braves ayant disséminé leurs membres à leur corps défendant, en Pologne, qui en Tchécoslovaquie, en Hongrie, en Roumanie, en Allemagne, un peu partout mais la plupart en Russie. À force d’aller sur les bras, beaucoup ressemblaient à des marabouts, la tête dans les épaules, ils en avaient le pli.
Et le travelling des hommes-souches se prolongeait, nouveau foyer, vingt-deuxième cellule, voici justement celle d’après, la vingt-troisième, celle de Pavel Tchechnev devant lequel on parlait bas, Pavel des petits soins qui apportait la gêne, l’œil comme les chiens voudraient savoir pleurer, la plus navrante figure de l’île, parmi les plus malheureux combattants de l’Union soviétique, le corps diminué mais l’âme fichée d’un chagrin comme aucun patriote, aucun rescapé, un sapeur, un engagé pour qui les quatre années de feu s’étaient prolongées d’un petit temps additionnel après la paix, Tchechnev des brigades de démineurs. Retour de Berlin, ceux-là encore avaient opéré sur des routes, dans des usines rompues ou sur des voies de chemin de fer, certains au bout du compte avaient tâté un engin explosif endormi depuis la victoire, passé le 9 mai 45, une semaine, deux, parfois six mois plus tard, inconsolables, des amputés de la paix, éplorés mutilés, hachés longtemps après le cessez-le-feu. La colonie avait le sien, Pavel Tchechnev de la vingt-troisième cellule, cuisant déveinard, suprême infirme plus totémique que quiconque en l’île.
!!!!Forêt obscure (Forest Dark), de Nicole Krauss,
traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Paule Guivarch, L’Olivier, 288 p., 23 €.
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Ici, c’est à leurs labyrinthes intérieurs que se cognent d’abord les personnages principaux, Epstein et Nicole. Cette dernière est confrontée à un double drame : l’inspiration la fuit et son mariage part à vau-l’eau. Où va-t-elle ? Elle – « l’écrivaine de renommée internationale », la mère de famille accomplie, l’ex-championne de l’organisation – n’en sait plus rien. « J’avais l’impression que le premier plan et l’arrière-plan s’étaient inversés, et que tout ce que je réussissais à voir était ce que l’esprit refoule normalement, à savoir, l’infinie étendue d’incompréhension qui entoure le minuscule îlot de ce que nous sommes capables de saisir. »
Quant à Epstein, le puissant homme d’affaires new-yorkais, il s’est soudain dépouillé de tous ses biens et, constatant « le lent tarissement de son intérêt pour les choses qui jadis le captivaient », il a disparu du jour au lendemain, sans explication. Epstein et Nicole ne se concertent pas, mais leurs quêtes alternent et se répondent, comme en écho. Toutes deux passant par l’Hôtel Hilton de Tel-Aviv, porte ouverte sur un ailleurs neuf et possiblement régénérant « pour ceux qui viennent boire à l’authenticité du monde ».
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;EXTRAIT
« A l’époque de sa disparition, Epstein habitait depuis trois mois à Tel-Aviv. Personne n’avait vu son appartement. Sa fille Lucie lui avait rendu visite avec ses enfants, mais Epstein les avait installés au Hilton et les y rejoignait au moment des somptueux petits-déjeuners où il se contentait d’avaler quelques gorgées de thé. Lorsque Lucie lui avait demandé s’ils pouvaient aller chez lui, il s’était dérobé, prétextant la petitesse et la modestie des lieux, peu dignes, lui avait-il dit, de recevoir des invités. Encore mal remise du récent divorce de ses parents, elle l’avait regardé en plissant les yeux – rien chez Epstein n’avait jamais été petit ni modeste –, mais, malgré ses doutes, elle avait dû accepter, comme elle avait accepté tous les changements intervenus dans la vie de son père. » Page 13
!!!!Les Fureurs invisibles du cœur de John Boyne
(The Heart’s Invisible Furies), traduit de l’anglais (Irlande) par Sophie Aslanides, JC Lattès, 592 p., 23,90 €.
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traverser en compagnie de Cyril Avery, le héros-narrateur, la seconde moitié du XXe siècle, et se heurter avec lui, à chacune des étapes de sa vie, au contrôle social exercé par une Eglise catholique intolérante. Mais le voyage procure au lecteur un bonheur de lecture rare, tant le récit se déploie avec grâce et vélocité. Réussissant à adopter le point de vue de l’enfant, de l’adolescent puis de l’homme qu’il a été, le narrateur, au seuil de la mort, conserve suffisamment de distance pour relater les faits avec humour, sans jamais minorer les souffrances suscitées par la multiplication des interdits.
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;1945
:''Le coucou dans le nid''
:Les bonnes gens de Goleen
Bien longtemps avant que nous ne sachions qu’il était le père de deux enfants de deux femmes différentes, l’une à Drimoleague et l’autre à Clonakilty, le père James Monroe, devant l’autel de l’église Notre-Dame de l’Étoile de la mer, dans la paroisse de Goleen, à l’ouest de Cork, accusa ma mère d’être une putain.
Toute la famille occupait le second rang, et mon grand-père était assis à l’extrémité de la rangée ; il astiquait avec son mouchoir la plaque de bronze gravée à la mémoire de ses parents, clouée au dos du banc devant lui. Il portait son costume du dimanche, repassé la veille au soir par ma grand-mère, qui enroula son rosaire autour de ses doigts crochus et bougea les lèvres en silence jusqu’à ce qu’il pose sa main sur la sienne pour qu’elle se tienne tranquille. Mes six oncles, aux cheveux noirs couverts de brillantine parfumée à la rose, étaient assis à côté d’elle en ordre croissant d’âge et de stupidité. Chacun était de trois centimètres plus petit que son voisin de droite et les écarts étaient visibles depuis le fond. Les garçons faisaient de leur mieux pour garder les yeux ouverts ce matin-là. La veille ils étaient allés au bal à Skull. Ils étaient rentrés imbibés d’alcool, et n’avaient dormi que quelques heures avant d’être réveillés par leur père pour assister à la messe.
Au bout de la rangée, sous une sculpture en bois marquant la dixième station du chemin de croix, était assise ma mère, dont le ventre frémissait de terreur en pensant à ce qui allait arriver. Elle osait à peine lever les yeux.
La messe commença de manière habituelle, me raconta-t-elle, les rites effectués d’un air las par le curé et le Kyrie dissonant chanté par les fidèles. William Finney, un voisin de ma mère originaire de Ballydevlin, s’avança avec affectation jusqu’au pupitre pour les deux premières lectures, s’éclaircit la voix dans le micro avant de se mettre à énoncer chaque mot avec une telle intensité dramatique qu’on aurait dit qu’il jouait sur la scène de l’Abbey Theatre. Le père Monroe, qui transpirait abondamment sous le poids de ses vêtements sacerdotaux et de sa fureur, poursuivit avec l’Alléluia et l’Évangile avant d’inviter tout le monde à s’asseoir. Trois enfants de chœur aux joues rouges rejoignirent leur banc en échangeant des regards impatients. Peut-être avaient-ils lu avant la messe les notes du prêtre dans la sacristie, ou l’avaient-ils entendu répéter son discours pendant qu’il enfilait sa soutane. Ou savaient-ils seulement de quelle cruauté cet homme était capable et se réjouissaient-ils que, ce jour-là, elle ne soit pas dirigée contre eux.
« Les membres de ma famille sont tous de Goleen, aussi loin qu’on remonte dans le temps, commença-t-il en contemplant les cent cinquante têtes levées et la seule et unique qui était baissée. J’ai un jour entendu une rumeur terrible selon laquelle mon arrière-grand-père avait de la famille à Bantry, mais jamais il ne m’en a été fourni une quelconque preuve. » Un rire admiratif monta de l’assemblée ; un peu de bigoterie locale n’a jamais fait de mal à personne. « Ma mère, poursuivit-il, une femme pleine de bonté, aimait cette paroisse. Elle a été rappelée sans avoir jamais dépassé les quelques kilomètres à l’ouest de Cork, et pas un instant elle ne l’a regretté. “Ce sont des gens bien qui vivent ici, me disait-elle toujours. Des gens bons, honnêtes, catholiques.” Et, jamais, je n’ai eu une raison de douter de ses paroles. Jusqu’à aujourd’hui. »
L’assistance fut parcourue d’un frisson.
« Jusqu’à aujourd’hui, répéta le père Monroe lentement, en secouant la tête pour marquer sa peine. Catherine Goggin se trouve-t-elle parmi nous ce matin ? » Il regarda partout comme s’il n’avait aucune idée de l’endroit où elle pouvait être assise, bien qu’elle occupât la même place tous les dimanches matin depuis seize ans. En quelques instants, toutes les têtes, celles des hommes, des femmes et des enfants, se tournèrent dans sa direction. Toutes, sauf celles de mon grand-père et de mes six oncles, qui regardaient fixement droit devant eux, et de ma grand-mère, qui baissa la sienne au moment précis où ma mère leva les yeux – deux expressions inverses du déshonneur.
« Catherine Goggin, te voici, dit le curé, en souriant et en lui faisant signe d’approcher. Viens donc par ici, près de moi… en bonne fille obéissante. »
Ma mère se leva lentement et se dirigea vers l’autel, un endroit où elle n’était allée que pour recevoir la communion. Son visage n’était pas écarlate, me raconterait-elle des années plus tard, mais pâle. Ce jour-là, il faisait chaud dans l’église, où se mêlaient la moiteur de l’été et la respiration de paroissiens fébriles, et elle se sentait chancelante sur ses jambes. Elle eut peur de perdre connaissance – on la laisserait peut-être là, sur le sol de marbre, jusqu’à ce qu’elle agonise d’humiliation, pour servir d’exemple aux filles de son âge. Elle jeta un coup d’œil nerveux au père Monroe, croisant son regard vindicatif avant de détourner les yeux.
« N’est-elle pas le portrait même de l’innocence…, fit le père Monroe, en contemplant ses fidèles et affichant un demi-sourire. Quel âge as-tu, Catherine ? demanda-t-il.
— Seize ans, mon père.
— Dis-le plus fort. Pour que les bonnes gens qui se trouvent au fond de l’église puissent t’entendre.
— Seize ans, mon père.
— Seize ans. Maintenant, lève la tête et regarde tes voisins. Ta mère et ton père, de bons chrétiens, qui ont toujours mené une vie respectable, et font honneur à leurs parents avant eux. Tes frères, que nous savons tous être des jeunes gens parfaitement honnêtes, travailleurs, qui n’ont jamais détourné une fille du droit chemin. Les vois-tu, Catherine Goggin ?
— Oui, mon père.
— Si je dois encore te demander de parler plus fort, ce sera avec une gifle qui t’enverra de l’autre côté de l’autel, et personne dans l’église ne m’en tiendra rigueur.
— Oui, mon père, répéta-t-elle plus fort.
— “Oui.” C’est la seule fois que tu énonceras ce mot dans une église, t’en rends-tu compte, fillette ? Il n’y aura jamais de jour de noce pour toi. Je vois que tes mains se posent sur ton gros ventre. Y a-t-il là un secret que tu cherches à cacher ? »
Un cri de surprise étouffé monta de l’assistance. C’était bien ce que les paroissiens avaient soupçonné, bien entendu – aurait-il pu s’agir d’autre chose ? – mais ils attendaient la confirmation. Des regards s’échangèrent entre amis et ennemis, les conversations déjà prêtes dans leurs têtes. Les Goggin, souffleraient-ils. Ça ne m’étonne pas du tout de cette famille. Lui est à peine capable d’écrire son nom sur un bout de papier et elle, elle est vraiment spéciale.
« Je ne sais pas, mon père, répondit ma mère.
— Tu ne sais pas. Bien sûr que tu ne sais pas. Évidemment, tu n’es rien d’autre qu’une petite putain ignorante qui n’a pas plus de cervelle qu’un lapin dans un clapier. Et la morale qui va avec, pourrais-je ajouter. Vous toutes, jeunes filles, poursuivit-il d’une voix plus forte en se tournant face aux habitants de Goleen, qui se figèrent sur leurs bancs tandis qu’il pointait son index vers eux. Jeunes filles, regardez bien Catherine Goggin, et apprenez ce qu’il advient aux jeunes filles qui prennent des libertés avec leur vertu. Elles se retrouvent avec un enfant dans le ventre et pas de mari pour prendre soin d’elles. »
L’église fut parcourue d’une clameur. Une fille de l’île de Sherkin s’était fait engrosser l’année précédente. Le scandale avait été inouï. Un événement similaire s’était produit à Skibbereen au moment de Noël deux ans auparavant. Goleen allait-elle devoir vivre aussi sous le sceau de la honte ? Si cela arrivait, la nouvelle serait connue dans tout l’ouest de Cork avant l’heure du thé.
« Bon, Catherine Goggin, reprit le père Monroe en posant une main sur son épaule et en serrant sa clavicule très fort entre ses doigts. Devant Dieu, ta famille et toutes les bonnes gens de cette paroisse, tu vas nommer le gamin qui a péché avec toi. Tu dois le nommer de manière à ce qu’il soit obligé de confesser son acte pour être pardonné aux yeux de Dieu. Et après cela, tu quitteras cette église, cette paroisse et plus jamais tu ne terniras le nom de Goleen, as-tu entendu ? »
Elle leva les yeux et se tourna vers mon grand-père, dont le visage était aussi figé qu’une statue de granit, qui regardait fixement le Jésus crucifié derrière l’autel.
« Ton pauvre papa ne peut pas t’aider, trancha le curé qui avait suivi son regard. À l’évidence, il ne veut plus rien avoir à faire avec toi. Il me l’a dit lui-même hier soir lorsqu’il est venu au presbytère me rapporter la honteuse nouvelle. Et que personne ici ne blâme Bosco Goggin, car il a élevé ses enfants comme il convenait, il les a élevés dans le respect des valeurs catholiques. Comment peut-il être rendu responsable de la présence d’un fruit pourri dans un tonneau où tous les autres sont bons ? Donne-moi le nom du gamin tout de suite, Catherine Goggin, donne-moi son nom pour que nous puissions te bannir, et ne plus voir ton ignoble visage. Ou peut-être ne sais-tu pas comment il s’appelle ? Ils ont été trop nombreux pour que tu aies une certitude ? »
Un bruissement de mécontentement parcourut les bancs de l’église. Même si elle était avide de commérages, l’assemblée trouvait que le curé allait un peu trop loin, car il associait tous leurs fils à l’acte immoral qu’il dénonçait. Le père Monroe, qui avait fait des centaines de sermons dans cette église au cours des deux dernières décennies et qui savait parfaitement identifier l’état d’esprit de ses ouailles, battit légèrement en retraite.
« Non, non, je vois qu’il reste une once de décence morale chez toi, il n’y a eu qu’un seul garçon. Mais tu vas me donner son nom immédiatement, Catherine Goggin, ou je saurai pourquoi tu te tais.
— Je ne le dirai pas, fit ma mère en secouant la tête.
— Pardon ?
— Je ne le dirai pas, répéta-t-elle.
— Comment ça ? Le temps de la timidité est révolu ; ne le comprends-tu pas ? Le nom de ce garçon, fillette, ou je jure devant la croix que je te chasserai de cette maison de Dieu à coups de fouet, pour ta plus grande honte. »
Elle leva la tête et parcourut l’église des yeux. On se serait cru dans un film, me raconterait-elle plus tard, avec tous les paroissiens retenant leur souffle, en se demandant vers qui elle allait pointer le doigt accusateur, chaque mère priant pour que ce ne soit pas son fils. Ou pire, son mari.
Elle ouvrit la bouche, parut sur le point de livrer un nom, puis changea d’avis et secoua la tête.
« Je ne le dirai pas, répéta-t-elle à mi-voix.
— Alors, tu n’as plus rien à faire ici », ordonna le père Monroe, avant de se glisser derrière elle et de lui asséner un puissant coup de pied dans le dos qui l’envoya dévaler les marches de l’autel, les bras tendus devant elle – même à ce stade précoce de mon développement, elle tenait à me protéger à tout prix. « Quitte ces lieux, espèce de gourgandine, quitte Goleen, emporte ton infamie ailleurs. Il y a des maisons à Londres qui sont faites pour les filles comme toi, avec des lits où tu pourras te coucher et écarter les jambes pour que tout le monde puisse satisfaire tes besoins licencieux. »
L’assistance étouffa un cri d’horreur réjouie en entendant ces paroles, les jeunes gens émoustillés par ces descriptions, et tandis qu’elle se relevait, le curé s’avança et la traîna jusqu’à la porte de l’église, la bouche et le menton couverts de bave, le visage rouge d’indignation, et peut-être que son excitation était même visible pour ceux qui savaient où la chercher du regard. Ma grand-mère se retourna mais mon grand-père lui donna une tape sur le bras et elle reprit sa place. Mon oncle Eddie, le plus jeune des six et le plus proche en âge de ma mère, se leva et cria : « Allez, ça suffit comme ça. » Immédiatement, mon grand-père se leva et fit taire son fils en lui envoyant un droit dans la mâchoire. Ma mère ne put rien voir d’autre après cela ; le père Monroe l’abandonna dans le cimetière et lui signifia qu’elle devait quitter le village dans l’heure, qu’à partir de ce jour-là le nom de Catherine Goggin ne serait plus entendu ni prononcé dans la paroisse de Goleen.
Elle resta sur le sol, me dit-elle, pendant quelques minutes, sachant que la messe allait durer encore une bonne demi-heure, avant de se relever pour prendre la direction de la maison. Un sac tout prêt devait l’attendre à côté de la porte.
« Kitty. »
Entendant une voix dans son dos, elle se retourna et eut la surprise de voir mon père approcher d’un pas nerveux. Elle avait remarqué sa présence au dernier rang, bien sûr, tandis que le curé la traînait vers les portes, et pour sa défense, elle avait lu le remords sur son visage.
« Tu n’en as pas fait assez ? demanda-t-elle, en portant la main à sa bouche avant de regarder le sang sous ses ongles mal coupés.
— Je n’ai jamais voulu ça. Je suis navré que tu aies ces ennuis, vraiment, je t’assure.
— Que j’aie ces ennuis ? fit-elle. Dans un monde différent, ils seraient les nôtres.
— Allez, Kitty, lança-t-il, employant le nom qu’il lui donnait depuis qu’elle était enfant. Ne dis pas ça. Tiens, voici un peu d’argent, ajouta-t-il, en lui tendant deux livres irlandaises. Cela devrait t’aider à prendre un nouveau départ. »
Elle les contempla quelques instants avant de les brandir et de les déchirer d’un geste lent. « Ah, Kitty, tu n’es pas obligée de…
— Peu importe ce qu’a dit cet homme, je ne suis pas une putain, affirma-t-elle, écrasant les morceaux de billets dans sa main avant de les lui jeter à la figure. Prends ton argent. Avec un peu de scotch tu pourras les rafistoler et acheter à ma tante Jean une jolie robe pour son anniversaire.
— Bon sang, Kitty, baisse la voix !
— C’est la dernière fois que tu l’entends, lâcha-t-elle en se détournant, prête à rentrer chez elle avant de prendre le bus pour Dublin. Bonne chance à toi. »
Là-dessus, elle prit congé de Goleen, l’endroit où elle était née, un endroit qu’elle ne reverrait pas avant plus de soixante ans, jusqu’au jour où elle se retrouverait dans ce même cimetière avec moi pour chercher, parmi les tombes, celles des membres de la famille qui l’avaient bannie.
Un aller sans retour
Elle avait ses économies : quelques billets qu’elle avait réussi à mettre de côté au cours des dernières années, cachés dans une chaussette au fond du tiroir de sa commode. Une vieille tante, décédée depuis trois ans au moment de la disgrâce de ma mère, lui donnait quelques pennies lorsqu’elle faisait une course pour elle, et avec le temps, ils s’étaient accumulés. Et il restait un peu d’argent de sa communion, un peu plus de sa confirmation. Elle n’avait jamais été dépensière. Elle n’avait pas de grands besoins, et les choses qu’elle aurait pu aimer, elle ne savait même pas qu’elles existaient.
Comme elle s’en doutait, un sac l’attendait à la maison, prêt, à côté de la porte, avec son manteau et son chapeau jetés par-dessus. Elle les prit et les déposa sur l’accoudoir du canapé, c’était des vieilleries héritées de quelqu’un d’autre. À Dublin, les habits du dimanche qu’elle avait sur le dos auraient plus de valeur. Elle ouvrit le sac et vérifia que sa chaussette-porte-monnaie était bien là ; elle la trouva, cachée avec autant de soin que son grand secret – jusqu’à la veille au soir, lorsque sa mère était entrée dans sa chambre sans frapper et l’avait surprise devant le miroir, son chemisier ouvert, la main caressant son ventre rebondi avec un mélange de peur et de fascination.
Le vieux chien installé devant la cheminée leva les yeux et la gratifia d’un long bâillement, mais ne s’empressa pas de venir la rejoindre en frétillant, dans l’espoir de recevoir une caresse ou une flatterie.
Elle alla dans sa chambre et la balaya une dernière fois du regard. Il y avait des livres, mais elle les avait tous lus, elle en trouverait à l’autre bout de son voyage. Une petite statue en porcelaine de sainte Bernadette était posée sur sa table de nuit, et juste pour agacer ses parents, elle la retourna face au mur. Il y avait également une petite boîte à musique, qui lui venait de sa mère, où elle rangeait ses souvenirs et ses trésors. Elle se mit à les trier tandis que la ballerine enchaînait des pirouettes sur l’air d’Esmeralda de Pugni, puis se ravisa, décidant que ces objets appartenaient à une autre vie. Elle referma la boîte d’une main assurée, et la danseuse s’inclina avant de disparaître.
Bien, se dit-elle en sortant de la maison pour la dernière fois. Elle marcha jusqu’au bureau de poste, s’assit dans l’herbe sèche en attendant l’arrivée d’un autocar et monta à l’arrière, à côté d’une fenêtre ouverte. Elle respira avec application pendant tout le trajet pour ne pas avoir la nausée, le long de la voie caillouteuse qui la mena à Ballydehob, puis Leap, ensuite à Bandon et Innishannon, avant de prendre la route sinueuse vers le nord pour entrer dans Cork – une ville qu’elle ne connaissait pas mais son père disait toujours qu’elle était peuplée de joueurs, de protestants et d’ivrognes.
Pour deux pence, elle but un bol de soupe à la tomate et une tasse de thé dans un café sur Lavitt’s Quay puis remonta à pied les berges du fleuve Lee jusqu’à Parnell Place, où elle acheta un billet d’autocar pour Dublin.
« Voulez-vous un retour ? demanda le chauffeur, tout en farfouillant dans sa sacoche pour trouver de la monnaie. C’est plus économique, si vous comptez revenir.
— Je ne reviendrai pas », répondit-elle, lui prenant le billet des mains pour ranger soigneusement dans son sac ce souvenir avec la date du début de sa nouvelle vie tamponnée à l’épaisse encre noire. Elle avait la vague impression que ce papier aurait une certaine valeur.
Pas loin de Ballincollig
Une personne moins forte aurait pu être effrayée ou contrariée au moment où l’autocar démarra, mais ma mère ne l’était pas. Elle avait la ferme conviction que les seize années passées à Goleen, où on ne lui avait témoigné que du mépris, on l’avait ignorée ou traitée comme si elle était moins importante que chacun de ses six frères, l’avait menée à ce saut vers l’indépendance. Bien qu’elle fût jeune, elle avait déjà presque accepté son état, qu’elle avait découvert à l’épicerie de Davy Talbot, alors qu’elle se trouvait à côté d’une pile de dix cartons d’oranges ; elle avait senti mon pied encore informe donner un petit coup dans sa vessie. Ce minuscule instant d’inconfort aurait pu être dû à n’importe quoi, mais elle savait qu’il deviendrait moi, un jour. Elle n’envisagea pas une interruption de grossesse clandestine, bien qu’il circulât parmi certaines filles du village une rumeur au sujet d’une veuve à Tralee qui faisait des choses terribles avec du sel d’Epsom, des poires à succion en caoutchouc et une paire de forceps. Pour six shillings, disaient-elles, on pouvait être allégée d’un ou deux kilos en deux ou trois heures. Non, elle savait ce qu’elle ferait lorsque je naîtrais. Elle devait simplement attendre mon arrivée pour concrétiser son Grand Dessein.
L’autocar pour Dublin était plein, et au premier arrêt, un jeune homme monta à bord, portant une valise marron ; il jeta un coup d’œil aux quelques places libres. Il s’arrêta un instant à côté de ma mère. Elle sentit son regard appuyé mais n’osa pas se tourner de peur que ce soit quelqu’un qui, connaissant sa famille, ait déjà appris la nouvelle de son bannissement ; il lui suffirait de voir son visage pour faire une remarque acerbe. Mais rien ne fut dit, et il poursuivit son chemin. C’est seulement lorsque le car eut parcouru sept ou huit kilomètres qu’il revint près d’elle.
« Je peux ? demanda-t-il en désignant le siège à côté du sien.
— Vous n’avez pas une place au fond ?
— Le gars à côté de moi mange des sandwichs à l’œuf et l’odeur me donne mal au cœur. »
Elle haussa les épaules et enleva son manteau pour qu’il puisse s’asseoir, tout en l’observant à la dérobée. Il portait un costume en tweed avec une cravate dont le nœud n’était pas serré autour de son col et une casquette, qu’il enleva et tint entre ses mains. Il devait avoir deux ou trois ans de plus qu’elle, décida-t-elle, dix-huit ou dix-neuf ans peut-être, et bien que ma mère fût ce qu’on appelait en ce temps-là « un joli petit lot », entre sa grossesse et les événements terribles de la matinée, elle n’était pas d’humeur à badiner. Les garçons du village avaient souvent essayé de lui faire les yeux doux, mais elle n’était pas intéressée, ce qui lui avait valu une réputation de vertu qui, ce jour-là, avait volé en éclats. De certaines on disait qu’il ne fallait qu’un tout petit encouragement pour qu’elles passent aux actes, se dénudent ou embrassent, mais Catherine Goggin n’avait jamais été de ces filles-là. Ces garçons auraient un choc, songea-t-elle, lorsqu’ils apprendraient sa disgrâce et plus d’un regretterait de ne pas avoir persévéré pour la séduire. Une fois qu’elle ne serait plus là, ils raconteraient qu’elle avait toujours été une gourgandine et ma mère en était fort contrariée, car la personne que leur imagination sordide inventerait et celle qu’elle était n’auraient guère en commun que le nom.
« Il fait doux, déclara le garçon assis à côté d’elle.
— Pardon ? demanda-t-elle en se tournant vers lui.
— J’ai dit qu’il faisait doux, répéta-t-il. Agréable pour cette période de l’année.
— Si vous voulez.
— Hier, il pleuvait et le ciel ce matin paraissait chargé d’averses. Mais pas une goutte n’est tombée. Le temps est magnifique.
— Vous vous intéressez donc tellement au temps qu’il fait ? demanda-t-elle, percevant la pointe de sarcasme dans sa voix, sans s’en préoccuper.
— C’est une seconde nature, chez moi. J’ai grandi dans une ferme.
— Moi aussi. Mon père a passé la moitié de sa vie à regarder le ciel ou à renifler l’air du soir pour essayer de deviner ce qui arriverait le lendemain. On dit qu’il pleut toujours à Dublin. À votre avis, c’est vrai ?
— Nous le découvrirons bien assez vite. Vous irez jusqu’au bout ?
— Je vous demande pardon ? »
Son visage vira au rouge écarlate, de la base de son cou jusqu’au bout de ses oreilles, à une vitesse qui la fascina. « Jusqu’à Dublin, s’empressa-t-il de préciser. Allez-vous jusqu’à Dublin ou descendez-vous avant ?
— Vous voulez ma place près de la fenêtre ? C’est ça ? Parce que je vous la laisse volontiers, ça m’est égal.
— Non, non, pas du tout. Pour savoir, c’est tout. Je suis très bien à ma place. À moins que vous ne vous mettiez à manger des sandwichs à l’œuf.
— Je n’ai rien à manger. Mais je le regrette.
— J’ai la moitié d’un jambon cuit dans ma valise, répondit-il. Voulez-vous que je vous en coupe une tranche ?
— Je ne pourrais pas manger dans l’autocar. Cela me donnerait envie de vomir.
— Est-ce que je peux vous demander votre nom ?
— Pourquoi vous voulez le connaître ? hésita ma mère.
— Pour que je puisse vous appeler par votre nom. »
Elle le regarda droit dans les yeux et elle remarqua à cet instant-là quel beau jeune homme il était. Un visage pareil à celui d’une fille, me raconta-t-elle par la suite. Une peau parfaite qui n’avait jamais connu le feu du rasoir. De longs cils. Des cheveux blonds qui lui couvraient le front et lui tombaient dans les yeux quoi qu’il fasse pour les discipliner. Quelque chose dans sa manière d’être lui fit penser qu’il ne représentait pas la moindre menace. Elle se radoucit, baissant enfin la garde.
« Je m’appelle Catherine. Catherine Goggin.
— Heureux de faire votre connaissance. Je m’appelle Seán MacIntyre.
— D’où venez-vous, Seán ?
— D’un endroit pas loin de Ballincollig. Vous savez où ça se trouve ?
— J’en ai entendu parler mais je n’y suis jamais allée. Je ne suis jamais allée nulle part, en fait.
— Eh bien, vous allez quelque part, maintenant. En route pour la grande ville.
— Oui, c’est ça… » Elle se tourna pour regarder par la fenêtre les champs qui défilaient, les enfants qui travaillaient dans le foin et sautaient pour leur faire de grands signes en voyant le car. « Vous montez et descendez souvent ? s’enquit Seán quelques instants plus tard.
— Je quoi ? fit-elle, en fronçant les sourcils.
— À Dublin, dit-il en portant sa main à son visage ; peut-être se demandait-il pourquoi tous ses propos semblaient être compris de travers. Est-ce que vous faites souvent cette route ? Vous avez de la famille, là-bas ?
— Je ne connais personne passé l’ouest de Cork. Dublin sera une grande découverte pour moi. Et pour vous ?
— Je n’y suis jamais allé, mais un de mes amis s’y est installé il y a un mois et a rapidement trouvé un travail à la Brasserie Guinness. Il m’a assuré qu’il y en avait un pour moi là-bas, si je voulais.
— Et les employés ne passent pas leur temps à boire la bière ?
— Ah non, évidemment, il y a des règles. Des chefs et tout. Des gars qui s’assurent que personne ne tète au biberon. Mais d’après mon ami l’odeur qui règne dans cet endroit rend à moitié dingue. Le houblon, l’orge, la levure, et je ne sais plus quoi d’autre. Il dit qu’on la sent dans tout le quartier et que les gens qui habitent à côté ont l’air complètement abruti.
— Ils sont probablement tous imbibés. Et ça ne leur a pas coûté un penny.
— Il faut quelques jours pour s’habituer à la puanteur, et à ce que dit mon ami, on a parfois une nausée du tonnerre.
— Mon père aime bien boire une Guinness de temps en temps, dit ma mère, se rappelant le goût amer des bouteilles aux étiquettes jaunes que mon grand-père rapportait parfois à la maison et qu’elle avait goûtées, un jour où il avait le dos tourné. Il va au pub tous les mercredis et vendredis soir, avec la régularité d’une horloge. Le mercredi, il se limite à trois pintes avec ses copains et rentre à la maison à une heure convenable, mais le vendredi soir, il se cuite. Il arrive souvent à 2 heures du matin et fait lever ma mère pour qu’elle lui prépare une assiette de saucisses et de boudin noir, et si elle dit non, il menace de la frapper.
— C’était vendredi soir tous les soirs, avec mon père, confia Seán.
— C’est la raison pour laquelle vous partez ? » Il haussa les épaules. « En partie, reprit-il après un long silence. Il s’est passé deux ou trois petites choses à la maison, pour être honnête. Il valait mieux que je m’en aille.
— Quel genre de choses ? questionna-t-elle, intriguée.
— Vous savez, je crois que je préférerais tourner la page, si ça ne vous ennuie pas.
— Bien sûr. Ça ne me regarde pas, de toute manière.
— Ce n’était pas ce que je voulais dire.
— Je sais. Tout va bien. »
Il ouvrit la bouche pour ajouter quelque chose, mais leur attention fut détournée par un petit garçon qui courait dans le couloir. Il portait une coiffe d’Indien et poussait les cris inspirés par sa tenue, des hurlements terribles qui auraient donné la migraine à un sourd. Le chauffeur finit par rugir de fureur et annonça que si quelqu’un ne maîtrisait pas cet enfant, il ferait demi-tour et ramènerait tout le monde à Cork, sans remboursement pour personne.
« Et vous, Catherine ? demanda Seán lorsque la paix fut revenue. Qu’est-ce qui vous amène à la capitale ?
— Si je vous en parle, commença ma mère, qui avait déjà l’impression qu’elle pouvait faire confiance à cet étranger, vous me promettez de ne rien me dire de méchant ? J’ai entendu beaucoup de paroles cruelles aujourd’hui et, pour être franche, je n’ai pas la force d’en entendre davantage.
— J’essaie de ne jamais dire de choses méchantes.
— Je vais avoir un bébé, annonça ma mère, en le regardant droit dans les yeux, sans la moindre honte. Je vais avoir un bébé et je n’ai pas de mari pour m’aider à l’élever. Du coup, c’est la guerre, inutile de le préciser. Mon père et ma mère m’ont mise à la porte et le curé a affirmé que j’étais la honte de Goleen, que je devais partir et ne jamais revenir. »
Seán hocha la tête, mais cette fois, malgré l’indécence du sujet de la conversation, il ne rougit pas. « Ces choses arrivent parfois, j’imagine. Personne n’est parfait.
— Lui, il l’est, rétorqua ma mère, en désignant son ventre. Pour le moment, en tout cas. »
Seán sourit et regarda droit devant lui. Après cela, ils ne se parlèrent plus pendant un certain temps ; ils somnolèrent sans doute un peu, ou l’un d’eux ferma les yeux pour le faire croire. Plus d’une heure s’était écoulée lorsque ma mère se tourna vers son compagnon de voyage et le toucha d’une main légère sur le bras.
« Qu’est-ce que tu sais de Dublin ? » demanda-t-elle. Peut-être venait-elle de se rendre compte qu’elle n’avait pas la moindre idée de ce qu’elle allait y faire, ni de l’endroit où elle irait une fois arrivée.
« Je sais que c’est là que siège le Dáil Éireann, que le cœur de la ville est traversé par la Liffey et que le magasin Clerys se trouve sur une grande et longue rue nommée d’après Daniel O’Connell.
— Il doit y avoir une rue comme ça dans chaque comté d’Irlande.
— Probablement. Tout comme il y a une Shop Street. Et une Main Street.
— Et une Bridge Street.
— Et une Church Street.
— Que Dieu nous préserve des Church Streets, ajouta ma mère en riant, et Seán rit aussi – deux enfants gloussant bêtement de leur irrévérence. J’irai en enfer pour avoir dit ça, ajouta-t-elle lorsqu’ils eurent retrouvé leur calme.
— C’est sûr, nous irons tous en enfer. Et moi encore plus certainement.
— Pourquoi donc ?
— Parce que je suis un mauvais bougre », lâcha-t-il avec un clin d’œil et elle rit à nouveau. Elle eut envie d’aller aux toilettes et se demanda dans combien de temps ils s’arrêteraient. Elle me raconta par la suite que ce fut le seul instant, pendant le temps qu’ils passèrent ensemble, où elle ressentit quelque chose qui ressemblât à une attirance pour Seán. Dans sa tête, elle eut une brève vision d’eux amoureux, quittant le bus, se mariant dans le mois suivant et m’élevant comme leur fils. Un joli rêve, je suppose, mais qui ne se réaliserait jamais.
« Tu ne me donnes pas l’impression d’être un mauvais bougre.
— Ah, tu devrais me voir, quand je commence.
— Je m’en souviendrai. Alors, parle-moi de cet ami. Depuis quand est-il à Dublin ?
— Un peu plus d’un mois, répondit Seán.
— Et tu le connais bien ?
— Oui. Nous nous sommes rencontrés il y a deux ou trois ans, quand son père a acheté la ferme voisine de la nôtre et depuis, nous sommes les meilleurs amis du monde.
— J’imagine, s’il t’a trouvé un travail. La plupart des gens cherchent pour eux, pas pour les autres. »
Il hocha la tête et se mit à contempler le plancher, puis ses ongles, puis le paysage. « Portlaoise, fit-il en remarquant un panneau au passage. Nous approchons, on dirait.
— Est-ce que tu as des frères ou des sœurs qui penseront à toi ?
— Non, je suis enfant unique. Après ma naissance, ma mère ne pouvait plus en avoir d’autre et père ne lui a jamais pardonné. Il va voir ailleurs. Il a plusieurs petites amies et personne ne dit jamais rien parce que d’après le curé, un homme a le droit de s’attendre à ce que sa femme lui donne une maison pleine d’enfants, et un champ stérile ne peut être semé.
— Ah les curés… toujours compréhensifs, hein ? » Seán fronça les sourcils. Son espièglerie n’allait pas jusqu’à moquer le clergé. « J’ai six frères, lui dit-elle au bout d’un moment. Cinq d’entre eux ont de la paille à la place du cerveau. Le seul pour lequel j’ai de l’affection, mon plus jeune frère Eddie, veut devenir curé.
— Quel âge a-t-il ?
— Un an de plus que moi. Dix-sept ans. Il entre au séminaire en septembre. Je ne crois pas qu’il sera heureux là-bas, parce que je sais très bien qu’il aime vraiment les filles. Mais c’est le plus jeune, tu vois, et la ferme a déjà été divisée entre les deux aînés ; les deux suivants vont devenir maîtres d’école, et le cinquième ne peut pas travailler parce qu’il est un peu bête dans sa tête. Il ne reste plus qu’Eddie, et il devra forcément devenir curé. La famille est très enthousiaste, bien sûr. Je suppose que tout ça va me manquer, ajouta-t-elle avec un soupir. Les visites, les habits, l’ordination par l’évêque. Tu crois qu’ils laissent les filles-mères écrire des lettres aux frères séminaristes ?
— Je ne sais rien de cette vie-là, répondit Seán en secouant la tête. Est-ce que je peux te poser une question, Catherine ? Tu pourras m’envoyer paître si tu n’as pas envie de répondre.
— Vas-y.
— Est-ce que le papa a refusé de prendre une part de responsabilité dans… enfin, tu vois… pour le bébé ?
— Tu ne crois pas si bien dire. Il est très soulagé que je sois partie. Il y aurait un meurtre si quelqu’un découvrait qui il était.
— Et tu n’es pas inquiète du tout ?
— Pourquoi inquiète ?
— De la manière dont tu vas t’en sortir ? »
Elle sourit. Il était innocent, gentil et peut-être un peu naïf, et en son for intérieur, elle se demanda si une grande ville comme Dublin était bien indiquée pour un garçon comme lui. « Bien sûr que je suis inquiète. Je suis morte d’inquiétude. Mais je suis excitée aussi. Je détestais la vie à Goleen. Ça me va, de quitter ce village.
— Je comprends ce que tu veux dire. L’ouest de Cork, ça attaque drôlement quand on y reste trop longtemps.
— Comment s’appelle ton ami ? Celui qui travaille chez Guinness ?
— Jack Smoot.
— Smoot ?
— Oui.
— Drôle de nom.
— Il y a des Néerlandais dans sa famille, je crois. Il y en avait, autrefois.
— Tu penses qu’il pourra me trouver un emploi à moi aussi ? Peut-être un travail dans un bureau. »
Seán regarda au loin et se mordit la lèvre. « Je ne sais pas. Pour être honnête avec toi, je préférerais ne pas lui demander. Il s’est déjà décarcassé pour nous trouver un logement, alors que ça ne fait qu’une semaine qu’il a une paye.
— Bien sûr, je n’aurais pas dû te poser la question. Je pourrai toujours aller voir moi-même un jour, si rien d’autre ne se présente. Je vais dessiner une pancarte et me l’accrocher autour du cou. Fille honnête cherche un emploi. Aura besoin d’un long congé dans environ quatre mois. Mais je ne devrais sans doute pas plaisanter avec ça…
— Tu n’as rien à perdre, j’imagine.
— Tu crois qu’il y a du travail à Dublin ?
— Il ne te faudra pas longtemps pour trouver. Tu es une… enfin, tu vois ce que je veux dire… tu es une…
— Une quoi ?
— Tu es jolie, fit Seán en haussant les épaules. Et les patrons aiment ça, n’est-ce pas ? Tu peux toujours être vendeuse.
— Vendeuse…, répéta ma mère, pensive, en hochant lentement la tête.
— Oui, vendeuse.
— Peut-être, oui. »
Trois petits canards
De l’avis de ma mère, Jack Smoot et Seán MacIntyre étaient totalement différents, et elle fut très surprise qu’ils soient si amis. Alors que Seán était sociable et aimable à un point confinant à l’innocence, Smoot était plus sombre et plus réservé, enclin à de longues périodes d’introspection qui parfois tournaient au désespoir.
« Le monde est un lieu terrible, lui confiait-il, quelques semaines après leur rencontre. Quel malheur d’y être nés.
— Malgré tout, le soleil brille, répondait-elle alors avec un sourire. Il y a au moins ça. »
Alors que l’autocar approchait de Dublin, Seán se mit à s’agiter sur son siège en regardant par la fenêtre, les yeux écarquillés devant les rues et les bâtiments nouveaux, bien plus grands et denses que tout ce qu’il avait connu. Lorsque le chauffeur se gara sur Aston Quay, Seán fut le premier à s’emparer de sa valise et, impatient, dut attendre que les passagers rassemblent leurs bagages. Lorsqu’il descendit enfin, il jeta un regard affolé autour de lui, jusqu’à ce qu’il aperçoive, en face, un jeune homme qui, sortant de la salle d’attente à côté du grand magasin McBirney, se dirigeait vers lui. Son visage se fendit alors d’un sourire soulagé.
« Jack ! » rugit-il, la voix presque cassée par l’émotion tandis que l’homme, d’un ou deux ans plus âgé que lui, approchait. Ils se tinrent face à face quelques instants, le visage radieux, puis échangèrent une poignée de main chaleureuse et Smoot, dans un rare moment d’allégresse, arracha à Seán son bonnet et le lança en l’air d’un geste joyeux.
« Tu as réussi, se réjouit-il.
— Tu doutais de moi ?
— Je ne savais pas trop. Je me disais que je pourrais bien me retrouver planté là comme un couillon. »
Ma mère s’approcha, ravie comme tout le monde de sortir à l’air frais. Sans savoir qu’un plan avait été échafaudé quelque part entre Newbridge et Rathcoole, Smoot ne lui accordait aucune attention et n’en avait que pour son ami. « Et ton père ? demanda-t-il. As-tu…
— Jack, je te présente Catherine Goggin », déclara Seán lorsqu’elle s’arrêta à côté de lui, faisant de son mieux pour rester discrète. Smoot la dévisagea ; pourquoi lui présentait-on cette jeune fille ?
« Bonjour, dit-il après une courte pause.
— Nous nous sommes rencontrés dans l’autocar, précisa Seán. Nous étions assis côte à côte.
— Ah oui ? fit Smoot. Vous venez rendre visite à un proche ?
— Pas exactement, répondit ma mère.
— Catherine se retrouve en mauvaise posture, expliqua Seán. Ses parents l’ont mise à la porte, alors elle est venue à Dublin tenter sa chance. »
Smoot hocha la tête, et eut l’air de réfléchir, la langue collée à l’intérieur de la joue. Il avait les cheveux noirs, aussi noirs que ceux de Seán étaient blonds, et son visage était piqueté de minuscules cicatrices. Voyant ses épaules larges, ma mère l’imagina en train de transporter des tonneaux de Guinness, courbé sous l’air empesté des odeurs de houblon et d’orge. « Ils sont nombreux à tenter l’aventure, répondit-il enfin. Il y a des opportunités, bien sûr. Mais certains ne réussissent pas et finissent par choisir la grande traversée en bateau.
— Depuis que je suis enfant, je fais souvent le même rêve : si je pose le pied sur un bateau, il coulera et je me noierai », révéla ma mère, inventant cette fable de toutes pièces. Elle raconta ce rêve uniquement pour faire avancer le plan qu’elle avait mis au point avec Seán. Elle n’avait à aucun moment eu peur auparavant, me confia-t-elle, mais une fois arrivée dans la ville, l’idée de se retrouver seule la terrorisa.
Smoot ne trouva rien à répondre et se contenta de lui adresser un long regard dédaigneux avant de se tourner vers son ami.
« Bon, mettons-nous en route, fit-il, enfonçant ses mains dans ses poches et congédiant ma mère d’un signe de tête. Nous allons là où nous logeons, puis nous sortirons manger quelque chose. Je n’ai rien avalé d’autre qu’un sandwich aujourd’hui, je pourrais dévorer un petit protestant si quelqu’un voulait bien lui verser un peu de sauce sur la tête.
— Très bonne idée », acquiesça Seán. Smoot pivota et ouvrit la marche, Seán suivit deux pas derrière lui sa valise à la main, tandis que Catherine avançait quelques mètres en arrière. Smoot leur lança un coup d’œil, fronça les sourcils et ils s’arrêtèrent tous les deux. Il les regarda comme s’ils avaient perdu l’esprit puis repartit et ils lui emboîtèrent le pas. Finalement, il se retourna vers eux, les poings sur les hanches, perplexe.
« Il se passe quelque chose qui m’échappe ?
— Écoute Jack, avoua Seán. La pauvre Catherine est seule au monde. Elle n’a pas de travail, ni tellement d’argent pour vivre jusqu’à ce qu’elle en trouve un. Je lui ai dit que peut-être, elle pourrait rester avec nous quelques jours, le temps qu’elle trouve une solution. Ça ne t’ennuie pas, hein ? »
Pendant quelques instants, Smoot se tut, et ma mère reconnut un mélange de déception et de ressentiment sur son visage. Elle se demanda si elle ne devrait pas dire que tout allait bien, qu’elle ne voulait pas les déranger et qu’elle allait les laisser tranquilles ; mais Seán s’était montré si gentil dans le bus, et si elle ne le suivait pas, où irait-elle ?
« Vous vous connaissez de là-bas ? C’est ça ? demanda Smoot. C’est une blague que vous me faites ?
— Non Jack, nous venons de nous rencontrer, je t’assure.
— Attends une minute, intervint Smoot, qui se mit à plisser les yeux en observant le ventre de ma mère, qui, cinq mois après ma conception, commençait à s’arrondir. Es-tu… ? Est-ce bien… ? »
Ma mère leva les yeux au ciel. « Je devrais publier une annonce dans le journal, vu l’intérêt que provoque mon ventre aujourd’hui.
— Ah…, fit Smoot, le visage plus sombre que jamais. Seán, est-ce que tu as quelque chose à voir avec ça ? Tu cherches à m’embarquer dans une histoire à dormir debout ?
— Mais non ! Je t’assure, nous nous connaissons à peine. Nous étions assis l’un à côté de l’autre dans le car.
— Et j’étais déjà à cinq mois à ce moment-là, précisa ma mère.
— Si c’est vrai, pourquoi on prendrait une responsabilité quelconque ? Tu ne portes pas d’alliance, à ce que je vois, ajouta-t-il en désignant la main gauche de ma mère.
— Non, effectivement. Et j’ai peu de chance d’en porter une un jour.
— Tu cherches à te faire épouser par Seán, c’est ça ? »
Ma mère ouvrit la bouche, à la fois offensée et prête à éclater de rire. « Absolument pas. Combien de fois faut-il vous le répéter, nous venons de nous rencontrer. Je ne vais pas me jeter à la tête de quelqu’un après un voyage en car !
— Non, mais tu n’hésites pas à demander à un inconnu de te rendre service.
— Jack, s’il te plaît, intervint Seán d’une voix douce. Elle est seule. Nous savons ce que ça fait, tous les deux… Je me suis dit qu’un peu de charité chrétienne ne nous ferait pas de mal.
— Toi et ton putain de Dieu, rétorqua Smoot en secouant la tête – et ma mère, si forte fût-elle, blêmit en entendant cette obscénité, car à Goleen, les gens n’utilisaient pas ce genre de mot.
— C’est seulement pour quelques jours, insista Seán. Juste le temps qu’elle trouve une solution.
— Mais il y a très peu de place, dit Smoot d’une voix abattue. A priori, on ne devait être qu’à deux, dans ce logement. » Il y eut un long silence. « Allez, viens, fit-il, en capitulant d’un haussement d’épaules. Apparemment, je n’ai pas mon mot à dire dans cette affaire, alors, je vais prendre mon mal en patience. Quelques jours, tu as dit ?
— Quelques jours, répéta ma mère.
— Le temps que tu trouves une solution.
— Pas plus longtemps.
— Mmm », marmonna-t-il, avant de se mettre à marcher à grands pas, Seán et ma mère sur les talons.
L’appartement de Chatham Street
En avançant vers le pont, ma mère regarda par-dessus la balustrade pour contempler la Liffey, dont les impétueux flots marron et vert sale filaient vers la mer d’Irlande comme s’ils voulaient quitter la ville le plus vite possible, laissant les curés, les pubs et la politique loin derrière. Ma mère inspira par le nez, fit la grimace et déclara que cette eau était bien moins propre que celle à l’ouest de Cork.
« Là-bas, raconta-t-elle, on pouvait se laver les cheveux dans les torrents. Et beaucoup de gens le font, bien sûr. Mes frères se lavent dans une petite rivière derrière la ferme tous les samedis matin, en se partageant un seul morceau de savon Lifebuoy. Quand ils reviennent, propres comme des sous neufs, ils brillent sous le soleil d’été. Un jour, Maisie Hartwell a été surprise en train de les épier, et son père lui a mis une trempe. Bien fait. Elle voulait voir leur zizi.
— On ne te retient pas, si tu préfères repartir, déclara Smoot, avant de se retourner et d’écraser son mégot sous sa chaussure.
— Allez, Jack…, souffla Seán, et la déception perceptible dans sa voix était si touchante que ma mère espéra qu’elle n’aurait jamais à répondre à une prière énoncée sur ce ton.
— C’était une plaisanterie », dit Smoot, après s’être fait si discrètement réprimander.
Il secoua la tête et poursuivit sa route. Elle eut tout loisir d’observer la ville, dont elle avait entendu parler toute sa vie, cette ville qui était censée regorger de putains et d’athées, mais qui ressemblait beaucoup à chez elle, sauf que les voitures étaient plus nombreuses, les constructions, plus grandes, et les vêtements, plus jolis. À Goleen, il n’y avait que des travailleurs, leurs femmes et leurs enfants. Personne n’était riche, personne n’était pauvre et le monde préservait sa stabilité en faisant circuler quelques centaines de livres d’une entreprise à l’autre, de la ferme à l’épicerie, du salaire à la caisse du pub. Mais ici, elle voyait des rupins en costumes noirs à fines rayures arborant des moustaches sophistiquées, des dames apprêtées, des dockers et des marins, des vendeuses et des cheminots. Un avocat, en grande tenue, passa à côté d’eux sur le chemin des Four Courts, sa robe en popeline noire volait dans son sillage comme une cape, sa perruque blanche gonflée menaçait de s’envoler. De la direction opposée approchèrent deux jeunes séminaristes, tellement ivres qu’ils ne marchaient plus droit, puis un petit garçon au visage noirci de charbon et un homme habillé en femme – elle n’avait jamais vu une créature pareille. Oh, si seulement j’avais un appareil photo ! songea-t-elle. Ça leur couperait le sifflet, là-bas, à Goleen ! Lorsqu’ils arrivèrent au carrefour, elle se tourna pour contempler O’Connell Street et vit la haute colonne dorique située à mi-chemin et la statue trônant fièrement au sommet ; elle gardait le nez levé de manière à ne pas avoir à respirer la puanteur du peuple.
« C’est la colonne Nelson ? demanda-t-elle en la montrant du doigt, et Smoot et Seán levèrent les yeux.
— Exactement, répondit Smoot. Comment tu le sais ?
— Je suis allée à l’école. Je sais même écrire mon nom. Et compter jusqu’à dix. C’est un bien beau monument, en tout cas, non ?
— C’est un tas de vieilles pierres qui est là pour célébrer la victoire des Britanniques dans une nouvelle bataille, dit Smoot, ignorant son sarcasme. Ils devraient renvoyer ce salopard d’où il vient, si tu veux mon avis. Ça fait plus de vingt ans que l’Irlande est indépendante, et nous avons toujours un mort venu du Norfolk en train de nous regarder de haut, d’observer chacun de nos faits et gestes.
— Moi, je trouve qu’il embellit la rue, déclara-t-elle, uniquement pour l’énerver.
— Vraiment ?
— Oui.
— Eh bien, tant mieux pour toi. »
Mais elle n’approcherait pas Horatio de plus près ce jour-là, car ils allaient dans la direction opposée, pour prendre Westmoreland Street, et passer devant les grilles de Trinity College. Ma mère contempla les élégants jeunes hommes rassemblés sous la voûte dans leurs beaux habits et ressentit un pincement de jalousie au creux du ventre. De quel droit fréquentaient-ils un endroit pareil alors qu’il lui serait toujours interdit ?
« Je suis sûr qu’ils sont snobs comme des pots de chambre, tous ces gars, dit Seán, suivant son regard. Et qu’ils sont tous protestants, bien sûr. Jack, est-ce que tu as rencontré des étudiants de ce college ?
— Oh, je les connais tous. Tu imagines bien, on sort dîner ensemble tous les soirs, on lève notre verre à la santé du roi et on répète que Churchill est un grand bonhomme. »
Ma mère sentit l’agacement la gagner. Ce n’était pas elle qui avait eu l’idée de partager leur logement pendant quelques nuits, c’était Seán, un acte de charité chrétienne, en plus ; mais maintenant que tout le monde était d’accord, elle ne voyait pas pourquoi Smoot devait se montrer si grossier. Ils poursuivirent sur Grafton Street avant de prendre Chatham Street à droite, et s’arrêtèrent enfin devant une petite porte rouge à côté d’un pub. Smoot sortit une clé en laiton de sa poche et se tourna vers eux.
« Pas de propriétaire qui habite sur place, dieu merci. Mr Hogan passe le samedi matin prendre l’argent du loyer, je le rejoins à l’extérieur et il ne parle que de cette fichue guerre. Il est à fond pour les Allemands. Il voudrait bien qu’ils prennent leur revanche. Cet abruti pense que ce ne serait que justice si les Anglais se faisaient casser les reins, mais qu’est-ce qui se passerait ensuite, je lui dis, quel sera le pays suivant ? Ce sera nous. D’ici Noël, nous serions tous en train de saluer Hitler et de descendre Henry Street au pas de l’oie avec le bras tendu. Mais bon, on n’en arrivera pas là, cette sale guerre est presque finie. Bref, je paie un loyer de trois shillings par semaine », ajouta-t-il en regardant Catherine, et même si elle comprit le message, elle ne manifesta pas pour autant son approbation. Sept jours dans une semaine, autrement dit, cinq pence par jour. Deux ou trois jours : quinze pence. Rien à redire, décida-t-elle.
« Un penny la photo ! s’écria un gamin qui descendait la rue avec un appareil suspendu autour du cou. Un penny la photo !
— Seán ! s’exclama ma mère en le tirant par le bras. Regarde ! Un ami de mon père à Goleen avait un appareil comme celui-là. Est-ce que tu t’es déjà fait prendre en photo ?
— Non.
— Faisons-le, allez ! fit-elle avec enthousiasme. Pour fêter notre premier jour à Dublin.
— Un penny perdu, grogna Smoot.
— Ça sera un joli souvenir, dit Seán en donnant un penny à l’enfant. Allez, Jack. Il faut que toi aussi, tu sois sur la photo. »
Ma mère se plaça à côté de Seán mais lorsque Smoot s’approcha, il la poussa d’un coup de coude et l’obturateur se déclencha au moment précis où elle se tournait vers lui, irritée.
« Vous l’aurez dans trois jours, annonça le gamin. C’est quoi, l’adresse ?
— Ici, dit Smoot. Tu peux la glisser dans la boîte aux lettres.
— On n’en aura qu’une ? demanda ma mère.
— Elles valent un penny chacune, répondit le garçon. Si vous en voulez une autre, ça vous coûtera plus cher.
— Une, ce sera parfait. » Elle le laissa pour emboîter le pas à Smoot qui venait d’ouvrir la porte.
L’escalier était étroit, ils devaient monter en file indienne. Le papier peint était jaune et décollé par endroits, des deux côtés. Il n’y avait pas de main courante, et au moment où ma mère saisit son sac, Seán le prit et lui fit signe de passer devant.
« Monte entre nous. Il ne faudrait pas que tu tombes et que le bébé soit blessé. »
Elle lui sourit, reconnaissante, et arrivée sur le palier, elle entra dans une petite pièce avec une baignoire en étain dans un coin, un évier, et collé contre le mur le plus éloigné, le plus énorme canapé que ma mère ait jamais vu de sa vie. Comment donc avait-on réussi à le monter ? Mystère. Il avait l’air si rebondi et confortable qu’il fallut qu’elle se retienne pour ne pas se laisser tomber au milieu des coussins moelleux et s’imaginer que toutes ses aventures des vingt-quatre dernières heures n’étaient qu’un mauvais rêve.
« Eh bien, voilà l’appartement, annonça Smoot, un peu gauche, regardant autour de lui avec une certaine fierté. Les robinets fonctionnent quand ils veulent, ces saloperies, mais l’eau est froide, et c’est emmerdant de remplir le seau et de le traîner jusqu’à la baignoire chaque fois qu’il faut se laver. Pour les toilettes, on peut aller dans un des pubs du quartier. Mais il faut donner l’impression de chercher quelqu’un, sinon, on se fait mettre dehors.
— Faut-il vraiment des saloperies et des emmerdant à tout bout de champ, Mr Smoot ? demanda ma mère en lui souriant. Je ne suis pas choquée, je vous rassure, mais c’est juste pour savoir à quoi m’attendre. »
Smoot la regarda longuement. « Tu n’aimes pas ma façon de parler, Kitty ? fit-il, et le sourire de ma mère disparut instantanément.
— Ne m’appelez pas comme ça. C’est Catherine, mon nom.
— Eh bien, j’essaierai de surveiller mes manières, si ça t’offense tellement, Kitty. Je surveillerai mes putain de s… et de em… maintenant que nous avons une… » Il s’arrêta et désigna d’un mouvement de tête le ventre de ma mère. « Une dame à la maison. »
Elle déglutit, prête à sortir ses griffes, mais que pouvait-elle faire ? Il lui procurait un toit…
« C’est magnifique, finit par dire Seán pour faire retomber la tension. Très confortable.
— Oui », dit Smoot en lui souriant. Ma mère se demanda si elle gagnerait un jour l’amitié de Jack comme Seán y était parvenu, mais pour l’instant, elle ne voyait pas comment. Jetant un coup d’œil à travers une porte entrouverte, elle aperçut un lit une place. « Peut-être, hésita-t-elle, peut-être que c’était une erreur. Il n’y a pas assez de place pour nous trois ici. Mr Smoot a sa chambre, et le canapé t’était destiné, Seán, je suppose. Ce ne serait pas juste que je t’en prive. »
Seán, les yeux rivés sur ses chaussures, ne dit rien.
« Tu peux dormir tête-bêche avec moi, assura Smoot en regardant son ami, dont le visage était écarlate. Et Kitty peut prendre le canapé. »
Le malaise devint si perceptible que ma mère ne sut plus quoi penser. Des minutes passèrent, me raconta-t-elle, et ils restèrent plantés tous les trois au milieu du salon, sans dire un mot.
« Bon, eh bien, fit-elle, soulagée d’avoir réussi à trouver une idée. Est-ce que quelqu’un a faim ? Je crois que j’ai assez d’argent pour vous offrir un dîner de remerciement. »
Journaliste, peut-être
Deux semaines plus tard, le jour où parvint à Dublin la nouvelle qu’Adolf Hitler s’était mis une balle dans la tête, ma mère entra dans un magasin de bijoux bon marché sur Coppinger Row et s’acheta une alliance – un petit anneau doré avec une minuscule pierre. Elle n’avait toujours pas quitté l’appartement de Chatham Street, mais était parvenue à une entente tacite avec Jack Smoot qui s’accommodait de sa présence en l’ignorant, la plupart du temps. Pour se rendre utile, elle maintenait le logement propre et dépensait le peu d’argent qu’elle avait pour faire en sorte qu’un repas soit servi le soir lorsqu’ils rentraient du travail. Seán avait trouvé un emploi à la brasserie Guinness, même s’il n’y était pas particulièrement heureux.
« Je passe la moitié de la journée à transporter des sacs de houblon. » Un soir, il s’était plongé dans la baignoire pour détendre ses muscles. Ma mère était assise sur le lit dans la chambre voisine, lui tournant le dos, mais la porte était entrouverte pour qu’ils puissent se parler. Cette chambre était étrange, songea-t-elle. Rien sur les murs à part une croix de sainte Brigitte et une photographie du pape Pie XII. À côté se trouvait la photo qui avait été prise le jour de leur arrivée à Dublin. Le gamin n’avait guère réussi son cliché : bien que Seán fût souriant et que Smoot parût presque humain, son corps à elle était coupé en deux verticalement, et elle avait la tête tournée vers la droite, contrariée que Smoot l’ait ainsi poussée. Dans une seule commode, les vêtements des deux jeunes gens étaient mélangés – apparemment peu importait qui possédait quoi. Et le lit était à peine assez grand pour une personne, alors, pour eux deux, tête-bêche… Ce n’était pas surprenant qu’elle entende, la nuit, des bruits bizarres provenant de cette pièce. Les pauvres garçons devaient avoir beaucoup de mal à trouver le sommeil.
« Mes épaules sont couvertes de bleus, poursuivit Seán, j’ai mal au dos et j’ai des migraines terribles à cause des odeurs. Je vais peut-être me mettre bientôt à chercher autre chose, parce que je ne sais pas combien de temps je vais pouvoir tenir.
— En tout cas, on dirait que Jack s’y plaît.
— Il est plus robuste que moi.
— Qu’est-ce que tu voudrais faire d’autre ? »
Seán prit son temps avant de répondre et elle l’écouta barboter dans la baignoire. Je me demande si, en son for intérieur, elle n’eut pas envie de se retourner, de poser les yeux sur le corps du jeune homme et de lui proposer, sans la moindre gêne, de l’y rejoindre ? Il avait été gentil avec elle et il était très charmant, du moins, c’est ce qu’elle me raconta. Elle aurait eu du mal à ne pas éprouver pour lui quelque chose proche de l’attachement.
« Je ne sais pas, lâcha-t-il enfin.
— J’ai comme l’impression que tu sais, en fait.
— J’ai une idée, fit-il, un peu gêné. Mais je ne sais pas si j’en aurais les capacités.
— Dis-moi.
— Tu ne riras pas ?
— Peut-être que si. Ça me ferait du bien de rire un bon coup.
— Eh bien, tu vois, les journaux, reprit-il après une courte pause. Le Irish Times, bien sûr, et le Irish Press. Je crois que je pourrais écrire des choses pour eux.
— Quel genre de choses ?
— Des nouvelles. J’ai écrit un peu, quand j’étais à Ballincollig. Des histoires, des textes de ce genre. Quelques poèmes. Mauvais, pour la plupart, mais quand même. Je progresserais sans doute si on m’en donnait l’occasion.
— Tu veux dire que tu serais journaliste ?
— Oui, tu trouves que c’est bête ?
— Pas du tout. Il faut bien que quelqu’un le fasse, non ?
— Jack trouve que ce n’est pas une bonne idée.
— Quelle importance ? Il n’est pas ta femme, si ? Tu peux prendre tes décisions tout seul.
— Je ne sais même pas si on m’embaucherait. Mais Jack ne veut pas rester chez Guinness éternellement, lui non plus. Son projet, c’est d’ouvrir son propre pub.
— C’est exactement ce dont Dublin a besoin. Un pub de plus.
— Pas ici. À Amsterdam.
— Quoi ? s’étonna ma mère. Pourquoi là-bas ?
— Je suppose que c’est son côté néerlandais. Il n’est jamais allé à Amsterdam mais il n’en a entendu dire que du bien.
— Quel bien ?
— Que c’est différent de l’Irlande.
— En voilà une grande révélation ! Il y a des canaux et des rivières là-bas, non ?
— Ce ne sont pas ces différences-là qui comptent, pour lui. »
Il n’ajouta rien d’autre, et ma mère commença à s’inquiéter – peut-être s’était-il endormi et enfoncé sous l’eau.
« J’ai une nouvelle moi aussi, lui annonça-t-elle, espérant qu’il répondrait vite sinon elle n’aurait d’autre choix que de se retourner.
— Vas-y.
— J’ai un entretien pour un emploi demain matin.
— C’est pas vrai !
— Si », fit-elle tandis qu’il recommençait ses ablutions, avec le petit morceau de savon qu’elle avait offert à Smoot, en partie pour le remercier de lui avoir permis de s’installer sous leur toit, et en partie pour l’encourager à se laver plus souvent.
« Félicitations. Où vas-tu passer cet entretien ?
— Au Dáil1.
— Au quoi ?
— Au Dáil. Sur Kildare Street. Tu sais bien, le parlement.
— Je sais ce qu’est le Dáil, répondit Seán en riant. Je suis surpris, c’est tout. De quel travail s’agit-il ? Tu vas devenir TD ? Nous allons avoir notre premier Taoiseach2 femme ?
— Je serais serveuse dans le salon de thé. Je dois rencontrer une certaine Mrs Hennessy à 11 heures, et elle va m’évaluer.
— Eh bien, c’est une très bonne nouvelle. Est-ce que tu crois que… »
Une clé fut introduite dans la serrure, resta coincée un instant, fut ressortie puis réintroduite, et lorsque ma mère entendit Smoot entrer dans l’autre pièce, elle se déplaça un peu sur le lit pour qu’il ne remarque pas sa présence. Elle garda les yeux fixés sur la fissure dans le mur qui ressemblait au tracé du Shannon dans les Midlands.
« Te voici, dit-il, avec une tendresse dans la voix qu’elle n’avait jamais perçue auparavant. Quelle jolie scène pour m’accueillir à la maison…
— Jack, l’interrompit Seán précipitamment, son ton de voix lui aussi différent. Catherine est là. »
Ma mère se retourna et jeta un coup d’œil du côté de la pièce principale au moment où Smoot leva les yeux et elle eut, comme elle me le raconta par la suite, le regard tiraillé entre le beau torse nu de Seán, musclé et glabre, dans l’eau sale, et le visage de Smoot, sur lequel on lisait une contrariété de plus en plus marquée. Troublée, ne parvenant pas à comprendre exactement quelle faute elle avait commise, elle tourna à nouveau le dos aux jeunes hommes, heureuse de pouvoir cacher son visage empourpré.
« Bonsoir Jack, s’écria-t-elle gaiement.
— Kitty.
— Libéré du bagne ? »
Un long silence s’installa dans le salon ; ma mère brûlait d’envie de se retourner. Les deux garçons ne parlaient pas, mais même dans le silence, elle se rendait compte qu’ils échangeaient, même si ce n’était que par le regard. Puis, Seán prit la parole.
« Catherine venait juste de me dire qu’elle a un entretien d’embauche demain matin. Au salon de thé du Dáil, tu arrives à y croire ?
— Je crois volontiers tout ce qu’elle raconte. C’est vrai, Kitty ? Tu vas donc rejoindre les rangs des femmes qui travaillent ? Grands dieux, la prochaine étape, c’est l’Irlande unifiée.
— Si je me présente bien, répondit Catherine, ignorant ses railleries, si j’impressionne la patronne, avec un peu de chance, la place sera à moi.
— Catherine, je sors du bain, déclara Seán un peu fort. Alors ne te retourne pas.
— Je vais tout simplement fermer la porte et te laisser te sécher. Tu veux des vêtements propres ?
— Je vais les chercher. » Smoot entra dans la chambre et prit le pantalon de Seán posé sur le dossier d’une chaise, une chemise propre, des sous-vêtements et des chaussettes dans le tiroir de la commode. Il resta là, les bras chargés pendant une demi-minute en contemplant Catherine, jusqu’à ce qu’elle finisse par lever les yeux vers lui.
« Est-ce qu’ils n’auront pas un problème, à ton avis ? Les gens du Dáil ?
— Quel problème ? » Elle remarqua la manière dont il tenait les vêtements de Seán dans ses bras d’un geste protecteur, les sous-vêtements sur le devant comme s’il cherchait à la mettre mal à l’aise.
« Avec ça, fit-il en pointant un doigt vers le ventre de ma mère.
— J’ai acheté une alliance, répondit-elle en tendant sa main gauche pour la lui montrer.
— Si tu crois que ça fera illusion. Et qu’est-ce qui se passera quand l’enfant sera né ?
— J’ai un Grand Dessein.
— Tu n’arrêtes pas de répéter ça. Tu nous diras un jour de quoi il s’agit ou il faut qu’on devine ? »
Ma mère ne répondit pas et Smoot s’éloigna.
« J’espère que tu le décrocheras, marmonna-t-il en passant près d’elle, pour qu’eux seuls puissent entendre. J’espère que tu auras ce fichu boulot et qu’ensuite, tu t’en iras d’ici en vitesse pour nous laisser tranquilles. »
Entretien d’embauche au Dáil Éireann
Lorsque ma mère arriva au Dáil le matin suivant, l’alliance était bien visible sur le quatrième doigt de sa main gauche. Elle donna son nom au garde posté à l’entrée, un individu bien bâti dont l’expression suggérait qu’il aurait préféré se trouver n’importe où ailleurs. Il consulta le registre des visiteurs du jour puis secoua la tête et déclara qu’elle ne s’y trouvait pas.
« J’y suis, dit ma mère, se penchant pour lui montrer le nom inscrit à côté de 11 heures – pour Mrs C. Hennessy.
— Je lis Gogan. Catherine Gogan.
— Ce n’est qu’une faute d’orthographe. Mon nom est Goggin, pas Gogan.
— Si vous n’avez pas de rendez-vous, je ne peux pas vous laisser passer.
— Garde, répondit ma mère en le gratifiant d’un sourire enjôleur. Je vous assure que je suis bien la Catherine Gogan que Mrs Hennessy attend. Quelqu’un a écrit mon nom de travers, voilà tout.
— Et comment suis-je censé le savoir ?
— Eh bien, je vais patienter ici, et si aucune Catherine Gogan ne se présente, me permettrez-vous d’entrer à sa place ? Elle aura laissé passer sa chance et je serai en meilleure position pour mon entretien. »
Le garde soupira. « Oh là là, j’en ai pourtant assez à la maison.
— Assez de quoi ?
— Je viens travailler pour échapper à ce genre de choses.
— Quel genre de choses ?
— Passez et fichez-moi la paix, lança-t-il en la poussant presque pour la faire entrer. La salle d’attente se trouve à gauche. Ne vous avisez pas d’aller ailleurs, sinon je vous rattraperai, je suis aussi rapide que la chiasse qui sort du cul de l’oie.
— Charmant », répliqua ma mère, en se glissant entre les portes pour se diriger vers la pièce qu’il lui avait indiquée. Elle entra, s’assit et contempla le faste de l’endroit. Son cœur battait la chamade.
Quelques minutes plus tard, la porte s’ouvrit et une femme d’environ cinquante ans entra ; elle était mince comme un saule et ses cheveux noirs étaient coupés très court.
« Miss Goggin ? Je suis Charlotte Hennessy.
— C’est Mrs Goggin, en fait », s’empressa de rectifier ma mère en se levant, et en un instant, une mine déconcertée fit disparaître l’expression chaleureuse du visage de la dame.
« Oh, fit-elle en remarquant le ventre de ma mère. Oh…
— C’est un plaisir de faire votre connaissance. Je vous remercie de prendre le temps de me recevoir. J’espère que l’emploi est toujours vacant. »
La bouche de Mrs Hennessy s’ouvrit et se referma plusieurs fois comme celle d’un poisson jeté sur le pont d’un bateau, se tortillant jusqu’à ce qu’il ne reste plus une étincelle de vie en lui. « Mrs Goggin…, commença-t-elle – elle s’interrompit et lui indiqua en souriant qu’elles devraient s’asseoir. Il l’est toujours, oui, mais je crains qu’il y ait un malentendu.
— Oh ? fit ma mère.
— Je cherchais une jeune fille pour le salon de thé, voyez-vous. Pas une femme mariée avec un enfant en route. Nous ne pouvons pas donner un emploi à des femmes mariées, ici au Dáil Éireann. Une femme mariée doit être à la maison auprès de son mari. Le vôtre ne travaille pas ?
— Mon mari travaillait, oui, dit ma mère en la regardant droit dans les yeux et en faisant légèrement trembler sa lèvre inférieure, un numéro qu’elle avait répété toute la matinée devant le miroir de la salle de bains.
— Et il a perdu son emploi ? Je suis désolée, mais je ne peux rien faire pour vous. Toutes nos employées sont célibataires. Ce sont des jeunes filles comme vous, naturellement, mais elles ne sont pas mariées. Telle est la préférence de ces messieurs les représentants.
— Il n’a pas perdu son emploi, Mrs Hennessy, rectifia ma mère, qui sortit son mouchoir de sa poche pour se tamponner les yeux. Il a perdu… la vie.
— Oh ma chère, je suis tellement désolée, assura Mrs Hennessy en portant une main à sa gorge tant elle était choquée. Le pauvre homme. Que lui est-il arrivé, si ça ne vous ennuie pas que je pose la question ?
— C’est la guerre qui lui est arrivée, Mrs Hennessy.
— La guerre ?
— La guerre. Il est allé combattre, comme son père avait combattu avant lui et son grand-père encore avant. Les Allemands l’ont eu. Il y a moins d’un mois. Déchiqueté par une grenade. Tout ce qui me reste de lui, c’est sa montre et ses fausses dents. Celles du bas. »
Telle était l’histoire qu’elle avait concoctée et même à ses propres yeux, elle paraissait risquée. Ils étaient nombreux, surtout dans cette honorable institution, à ne pas avoir une haute opinion des Irlandais partis se battre aux côtés des Anglais. Mais l’histoire avait une résonance héroïque et, sans pouvoir l’expliquer, elle avait décidé que c’était la bonne tactique.
« Ma pauvre petite, quel malheur, reconnut Mrs Hennessy, et lorsqu’elle prit la main de ma mère pour la serrer, celle-ci sut qu’elle avait déjà parcouru la moitié du chemin. Et vous qui êtes sur le point de fonder une famille… Quelle tragédie.
— Si j’avais le temps de penser aux tragédies, c’en serait une. Mais je ne peux pas me le permettre, voilà la vérité. Il faut que je me soucie de ce petit-là, dit ma mère en posant une main protectrice sur son ventre.
— Vous n’allez pas le croire, mais la même chose est arrivée à ma tante Jocelyn pendant la Première Guerre mondiale. Elle était mariée à mon oncle Albert depuis un an seulement et devinez, il s’est enrôlé avec les Anglais et s’est fait tuer à Passchendaele. Le jour où elle apprit la nouvelle fut aussi le jour où elle découvrit qu’elle allait avoir un enfant.
— Pardonnez-moi de vous poser la question, Mrs Hennessy, mais comment votre tante Jocelyn a-t-elle surmonté tout cela ? s’enquit ma mère. A-t-elle fini par s’en sortir ?
— Oh, ne vous en faites pas pour elle, affirma Mrs Hennessy. Jamais on n’a vu femme plus positive. Elle a avancé, un jour après l’autre. Mais les gens fonctionnaient ainsi, en ce temps-là. Des femmes fortes, toutes sans exception.
— Des femmes magnifiques, Mrs Hennessy. Je suis certaine que je pourrais en apprendre beaucoup de votre tante Jocelyn. »
La directrice du salon de thé sourit de plaisir, puis son sourire perdit de son intensité. « Mais je ne sais pas si cela va pouvoir se faire. Me pardonnez-vous si je vous demande à combien vous êtes du terme ?
— Trois mois.
— Trois mois. Il s’agit d’un poste à plein temps. Je suppose que vous seriez obligée de partir après la naissance du bébé. »
Ma mère acquiesça. Bien entendu, avec son Grand Dessein, elle savait que cela ne se passerait pas ainsi, mais chaque chose en son temps. Elle tenait sa chance et elle ne la laisserait pas passer.
« Mrs Hennessy, vous me paraissez tellement gentille. Vous me rappelez ma défunte mère, qui a pris soin de moi chaque jour de sa vie jusqu’à ce qu’elle succombe au cancer l’an dernier…
— Oh, ma chère, quelles épreuves vous avez connues !
— Je vois la même bonté sur votre visage, Mrs Hennessy. Permettez-moi d’abandonner toute dignité et de me jeter à vos pieds. J’ai besoin d’un travail, Mrs Hennessy, j’en ai tellement besoin pour mettre de l’argent de côté, pour l’enfant lorsqu’il ou elle arrivera. Je n’ai presque rien. Si vous écoutez votre cœur et me donnez cet emploi pour les trois prochains mois, je travaillerai comme un cheval de trait et vous n’aurez aucune raison de regretter votre décision. Et quand viendra le moment, peut-être que vous pourrez publier une nouvelle annonce et trouver une jeune fille qui aura besoin qu’on lui donne sa chance, comme moi aujourd’hui. »
Mrs Hennessy se redressa, et ses yeux se remplirent de larmes. Quand j’y repense aujourd’hui, je me demande pourquoi ma mère postulait pour un emploi au Dáil alors qu’elle aurait pu aller sur l’autre rive de la Liffey pour passer une audition à l’Abbey Theatre.
« Puis-je vous demander si vous êtes en bonne santé ? demanda enfin Mrs Hennessy.
— Je vais parfaitement bien, assura ma mère. Je n’ai pas été malade un seul jour de toute ma vie. Pas même ces six derniers mois. »
Mrs Hennessy soupira et jeta un regard circulaire, comme si tous les hommes dans leurs cadres dorés pouvaient lui donner un conseil. Un portrait de W. T. Cosgrave était accroché au-dessus de son épaule et il semblait fusiller ma mère du regard, signifiant qu’il n’était dupe d’aucun de ses mensonges et que s’il avait pu s’extraire de la toile qui le retenait prisonnier, il l’aurait chassée à coups de bâton.
« Et la guerre est presque finie, reprit ma mère au bout d’un moment, d’une manière un peu inattendue, compte tenu de leur conversation. Avez-vous su qu’Hitler s’était donné la mort ? Les perspectives sont bien meilleures pour nous tous. »
Mrs Hennessy hocha la tête. « J’ai appris, oui, fit-elle en haussant les épaules. Bon débarras, si Dieu veut bien me pardonner de dire une chose pareille. Nous allons vers des temps plus cléments, j’espère. »
Prolongation de séjour
« Alors, c’est vous qui décidez, déclara ma mère à Seán et Smoot ce soir-là tandis qu’ils étaient tous les trois installés au Brazen Head pour manger un bon ragoût, qu’ils répartirent entre leurs assiettes. Je peux m’en aller la semaine prochaine quand j’aurai reçu ma première paye, ou je peux rester dans l’appartement de Chatham Street jusqu’après la naissance du bébé et vous donner un tiers de ce que je gagne pour payer ma part du loyer. J’aimerais bien rester, le logement est confortable et vous êtes les deux seules personnes que je connaisse à Dublin. Mais vous avez été très gentils avec moi depuis mon arrivée et je ne veux pas abuser de votre hospitalité.
— Moi, je veux bien, approuva Seán avec un sourire. Je suis heureux comme ça. Mais c’est le logement de Jack, alors, c’est lui qui décide. »
Smoot prit une tranche de pain dans l’assiette posée au milieu de la table et la passa sur le bord de son bol. Il la mit dans sa bouche et mâcha soigneusement avant d’avaler puis il but une gorgée de sa pinte.
« On t’a supportée jusque-là, Kitty. Quelques mois de plus, ça ne changera pas grand-chose. »
Le salon de thé
L’emploi dans le salon de thé du Dáil était bien plus difficile que ma mère ne l’avait imaginé et, comme c’était à prévoir dans un lieu pareil, chaque fille devait apprendre à se montrer diplomate avec les élus. Toute la journée, des relents d’odeurs corporelles et de fumée de cigarette accompagnaient les TD qui entraient et sortaient, exigeant un gâteau à la crème ou un éclair avec leur tasse de café en donnant l’impression d’ignorer les bonnes manières. Certains faisaient du charme aux filles, mais n’avaient pas l’intention que leur badinage mène où que ce soit ; d’autres l’espéraient, au contraire, et pouvaient devenir agressifs s’ils étaient repoussés. Des filles avaient été séduites puis licenciées lorsque l’homme s’était lassé d’elles ; d’autres avaient refusé une proposition indécente et avaient été congédiées. Si l’on se faisait repérer par un TD, cela ne menait apparemment qu’à une seule issue, le bureau de placement. Seulement quatre femmes étaient élues au Dáil à cette époque-là et ma mère les appelait les MayBes – Mary Reynolds de Sligo-Leitrim et Mary Ryan de Tipperary, Bridget Redmont de Waterford et Bridget Rice de Monaghan. Elles étaient les pires, me raconta-t-elle, car elles ne voulaient pas être vues en train de parler aux serveuses au cas où l’un des élus hommes viendrait leur demander de réchauffer son déjeuner ou de l’aider à recoudre un bouton sur sa manche de chemise.
Mr de Valera ne venait pas souvent, me dit-elle. Il se faisait apporter son thé dans son bureau par Mrs Hennessy en personne, mais de temps en temps, il passait la tête quand il cherchait quelqu’un et s’asseyait avec certains des députés d’arrière-ban, pour juger de l’ambiance qui régnait dans le groupe. Grand, maigre, l’air un peu idiot, il était toujours d’une politesse irréprochable et une fois, il réprimanda un de ses ministres de second rang pour avoir appelé ma mère d’un claquement de doigts, ce qui lui valut sa gratitude éternelle.
Les filles avec qui elle travaillait montraient une grande sollicitude pour ma mère. Elle avait dix-sept ans, un époux fictif mort dans une guerre qui avait fini par se terminer, et un enfant on ne peut plus réel prêt à venir au monde. Elles la considéraient avec un mélange de fascination et de pitié.
« Et ta pauvre maman est morte aussi, à ce que j’ai entendu ? demanda une fille plus âgée, Lizzie, alors qu’elles se trouvaient ensemble devant l’évier en train de faire la vaisselle.
— Oui, répondit ma mère. Un accident terrible.
— On m’a dit que c’était un cancer.
— Oh oui, se reprit-elle. Je voulais dire un malheur terrible. Qu’elle ait eu le cancer.
— Apparemment c’est de famille, déclara Lizzie, qui devait être le boute-en-train de service. Tu n’es pas inquiète de l’avoir un jour, toi aussi ?
— Eh bien, je n’y avais jamais pensé, avoua ma mère, s’interrompant dans sa tâche pour y réfléchir. Mais maintenant que tu l’as dit, je ne penserai plus à rien d’autre. » Pendant un moment, me raconta-t-elle, elle se demanda si effectivement, elle ne risquait pas de développer la maladie, jusqu’à ce qu’il lui revienne que sa mère, ma grand-mère, était vivante et bien portante, et qu’elle se trouvait à 370 kilomètres de là, à Goleen, à l’ouest de Cork, avec son mari et ses six fils sans cervelle. Après cela, elle se détendit.
Le Grand Dessein
À la mi-août, Mrs Hennessy convoqua ma mère dans son bureau et lui dit qu’à son avis, le temps était venu pour elle de quitter son emploi.
« Est-ce parce que j’étais en retard ce matin ? demanda ma mère. C’est la première fois que cela arrive. Mais un homme était planté devant ma porte au moment où je partais, et il avait une telle mine qu’on aurait dit qu’il projetait de m’assassiner. Je n’ai pas voulu sortir seule tant qu’il était là. Je suis remontée, j’ai guetté à la fenêtre et il m’a fallu attendre vingt minutes avant qu’il tourne les talons et s’en aille dans Grafton Street.
— Ce n’est pas parce que tu étais en retard, dit Mrs Hennessy, en secouant la tête. Tu as toujours été ponctuelle, Catherine, contrairement à certaines filles. Non, j’estime que le temps est venu, c’est tout.
— Mais j’ai encore besoin du salaire, protesta-t-elle. Je dois penser à mon loyer à payer et mon enfant et…
— Je sais et je compatis, mais regarde-toi une minute, tu es très imposante. Il ne doit plus te rester que quelques jours, maintenant. Est-ce que tu sens un changement ?
— Non, répondit-elle. Pas encore.
— En fait, poursuivit Mrs Hennessy, j’ai eu… est-ce que tu veux bien t’asseoir, Catherine, grands dieux, et reposer tes jambes. Pour commencer, tu ne devrais pas rester debout, dans ton état. Je disais… j’ai eu des plaintes de la part de certains TD.
— Ils se sont plaints de moi ?
— Oui, de toi.
— Mais j’ai toujours été parfaitement polie. Sauf à l’égard de ce rustre de Donegal, qui se colle à moi chaque fois qu’il passe et m’appelle son coussin.
— Oh, je le sais bien, acquiesça Mrs Hennessy. Ne t’ai-je pas supervisée moi-même pendant ces trois mois ? Tu aurais un emploi à vie ici s’il n’y avait pas, disons, le fait que tu vas avoir d’autres responsabilités très bientôt. Tu es exactement ce que je recherche. Tu étais née pour le rôle. »
Ma mère sourit, décidant de prendre la chose comme un compliment bien qu’elle ne fût pas complètement certaine que c’en fût un.
« Non, ils ne se plaignent pas de tes manières. Mais de ton état. Ils prétendent que voir une femme si avancée dans sa grossesse les dégoûte de leur pâtisserie.
— Seriez-vous en train de vous moquer de moi ?
— C’est ce qu’ils ont affirmé. »
Ma mère rit et secoua la tête. « Qui a dit des choses pareilles ? Voulez-vous bien me donner des noms, Mrs Hennessy ?
— Non, je ne veux pas.
— Serait-ce l’une des MayBes ?
— Je ne dirai rien.
— Mais de quel parti, alors…
— Des deux. Et quelques autres de Fianna Fáil, pour ne rien te cacher. Enfin, tu sais comment ils sont. Les Blueshirts ne semblent pas tellement dérangés par ton état.
— S’agit-il de cette petite fouine qui se fait appeler ministre de…
— Catherine, je refuse d’entrer dans les détails avec toi, insista Mrs Hennessy en levant la main pour lui intimer le silence. Tu es à quelques jours seulement du terme, au plus une semaine, et il est dans ton intérêt de ne pas être constamment debout. S’il te plaît, accepte ma décision sans faire d’histoire, veux-tu ? Tu as été formidable, vraiment et…
— D’accord, accepta ma mère, comprenant qu’il valait mieux pour elle ne pas la supplier davantage. Vous avez été très gentille avec moi, Mrs Hennessy. Vous m’avez donné un emploi quand j’en avais besoin et je sais que ce n’était pas une décision des plus faciles. Je finirai la journée et je partirai en gardant dans mon cœur une place particulière pour vous. »
Mrs Hennessy soupira de soulagement et se rassit sur sa chaise. « Merci. C’est bien, Catherine. Tu feras une mère formidable, tu sais. Et si jamais tu as besoin de quelque chose…
— Eh bien, il y a quelque chose, en fait. Après la naissance du bébé, est-ce que je pourrai revenir, à votre avis ?
— Revenir où ? Ici, au Dáil ? Oh non, ça ne serait pas possible. Et qui s’occuperait du bébé ? »
Ma mère regarda par la fenêtre et prit une profonde inspiration. Elle allait énoncer son Grand Dessein à haute voix pour la première fois. « Sa mère s’occupera de lui. Ou d’elle. Selon que c’est un garçon, ou une fille.
— Sa mère ? répéta Mrs Hennessy, sans comprendre. Mais…
— Je ne vais pas garder le bébé, Mrs Hennessy. Toutes les dispositions sont prises. Après la naissance, une sœur rédemptoriste bossue va venir à l’hôpital et elle emportera l’enfant. Il sera adopté par un couple qui habite à Dartmouth Square.
— Dieu tout-puissant ! s’écria Mrs Hennessy. Et quand toutes ces décisions ont-elles été prises, si je peux me permettre de poser la question ?
— Le jour où j’ai découvert que j’étais enceinte. Je suis trop jeune, je n’ai pas d’argent, et je ne pourrai jamais élever cet enfant. Je ne suis pas sans cœur, je vous assure, mais le bébé sera en bien meilleure posture si je renonce à lui pour qu’il soit confié à une famille qui pourra lui offrir un bon foyer.
— Eh bien, répondit Mrs Hennessy, pensive. J’imagine que ce genre de choses arrive. Mais es-tu certaine que tu pourras vivre avec cette décision ?
— Non, mais je pense néanmoins que c’est la meilleure option. L’enfant aura plus de chances d’avoir une belle vie avec eux qu’avec moi. Ils ont de l’argent. Et je n’ai pas un sou.
— Et ton mari ? Est-ce ce qu’il aurait voulu ? »
Ma mère ne put se résoudre à mentir une fois encore à cette femme si bonne, et peut-être la honte se lut-elle sur son visage.
« Aurais-je raison de soupçonner qu’il n’y a jamais eu de Mr Goggin ? demanda enfin Mrs Hennessy.
— Vous auriez raison, fit ma mère à mi-voix.
— Et l’alliance ?
— Je l’ai achetée moi-même. Dans un magasin sur Coppinger Row.
— J’y avais bien pensé. Aucun homme n’aurait le bon goût de choisir un bijou aussi élégant. »
Ma mère leva les yeux, sourit un peu et découvrit avec surprise que Mrs Hennessy commençait à pleurer. Elle fouilla dans sa poche et lui tendit un mouchoir.
« Est-ce que ça va ? demanda-t-elle, étonnée par ce soudain déferlement d’émotion.
— Ça va, affirma Mrs Hennessy. Parfaitement bien.
— Mais vous pleurez.
— Un tout petit peu.
— S’agit-il de quelque chose que j’ai dit ? »
Mrs Hennessy leva les yeux et déglutit avec peine. « Pouvons-nous considérer cette pièce comme l’équivalent d’un confessionnal ? Et décider que ce qui sera dit ici restera entre nous ?
— Bien sûr. Vous avez été d’une extrême gentillesse. J’espère que vous savez que je vous porte une immense affection et un grand respect.
— Je te remercie, Catherine. J’ai toujours plus ou moins su que l’histoire que tu m’avais racontée n’était pas tout à fait vraie, et je voulais te montrer la compassion qui ne m’a jamais été témoignée lorsque je me suis trouvée dans ta situation. Peut-être que tu ne seras pas surprise d’apprendre qu’il n’y a jamais eu de Mr Hennessy non plus. » Elle tendit sa main gauche et elles regardèrent toutes les deux son alliance. « Je l’ai achetée pour quatre shillings dans un magasin sur Henry Street en 1913. Je ne l’ai jamais enlevée depuis.
— Avez-vous eu un enfant aussi ? Avez-vous été obligée de l’élever seule ?
— Pas tout à fait, répondit Mrs Hennessy d’une voix hésitante. Je viens de Westmeath, tu le savais ?
— Oui, vous me l’avez dit, un jour.
— Je n’y ai jamais remis les pieds depuis que je suis partie. Mais je ne suis pas venue à Dublin pour avoir mon bébé. Je l’ai mis au monde à la maison. Dans la chambre où j’avais dormi toutes les nuits depuis ma naissance, la chambre où le pauvre enfant a été conçu.
— Et que lui est-il arrivé ? demanda ma mère. Était-ce un garçon ?
— Non, une fille. Une jolie petite fille. Elle n’a pas survécu longtemps. Maman a coupé le cordon et papa l’a emmenée dans le jardin derrière, où se trouvait un seau. Il l’a maintenue sous l’eau pendant une ou deux minutes, assez longtemps pour la noyer. Ensuite, il l’a jetée dans une tombe qu’il avait creusée quelques jours auparavant, l’a recouverte de terre et ce fut tout. Personne n’en a jamais rien su. Ni les voisins, ni le curé, ni les Gardaí3.
— Jésus Marie Joseph, fit ma mère horrifiée.
— Je n’ai même pas pu la tenir dans mes bras. Maman m’a lavée et ils m’ont déposée au bord de la route un peu plus tard ce jour-là, m’ordonnant de ne jamais revenir.
— J’ai été dénoncée depuis la chaire, expliqua ma mère. Le curé de la paroisse m’a traitée de putain.
— Ces gars-là n’ont pas plus de jugeote qu’une cuillère en bois. Je n’ai jamais vu pire cruauté que celle des curés. Ce pays… » Elle ferma les yeux et secoua la tête, et ma mère crut qu’elle allait se mettre à hurler.
« C’est une histoire terrible. Je suppose que le papa du bébé n’a pas proposé de vous épouser ? »
Mrs Hennessy eut un rire amer. « Il n’aurait pas pu, de toute manière. Il était déjà marié.
— Sa femme a-t-elle appris la chose ? »
Mrs Hennessy la regarda fixement et lorsqu’elle parla, sa voix était à peine audible, déformée par la honte et la haine. « Elle était parfaitement au courant. Ne t’ai-je pas dit qu’elle a coupé le cordon ? »
Ma mère resta silencieuse quelques instants, et lorsqu’elle finit par comprendre, elle porta la main à sa bouche et eut l’impression qu’elle allait vomir.
« Comme je l’ai dit, ce genre de choses arrive, reprit Mrs Hennessy. Ta décision est prise, Catherine ? Tu vas renoncer à cet enfant ? »
Ma mère ne trouva pas la force de parler mais elle hocha la tête.
« Alors, accorde-toi deux semaines après pour reprendre des forces et ensuite, reviens me voir. Nous dirons aux gens que le bébé est mort et bientôt, ils auront oublié toute l’affaire.
— Ça passera ?
— Ça passera auprès d’eux, répondit-elle en tendant le bras pour prendre la main de ma mère dans la sienne. Mais je suis navrée de te le dire, Catherine, pour toi, ça ne passera jamais. »
Violence
Le soir tombait lorsque ma mère prit le chemin de la maison ce soir-là. En arrivant dans Chatham Street, elle remarqua avec inquiétude une silhouette qui sortait en titubant du Clarendon. C’était l’homme dont la présence devant sa porte, ce matin-là, avait causé son retard au travail. Il était obèse, avait le visage ridé et rougi par la boisson, et une barbe de deux ou trois jours qui lui donnait l’air d’un vagabond.
« Te voici donc, fit-il en s’approchant d’elle tandis qu’elle se dirigeait vers la porte d’entrée – l’odeur de whisky était tellement forte qu’elle eut un mouvement de recul. Grosse comme un cachalot et deux fois plus laide. »
Sans un mot, elle sortit la clé de sa poche et essaya, malgré sa nervosité, de l’insérer correctement dans la serrure.
« Il y a des chambres au-dessus, n’est-ce pas ? demanda l’homme en levant les yeux vers la fenêtre. Un paquet ou seulement une ?
— Seulement une. Alors si vous cherchez un logement, je crains que vous vous trompiez.
— Cet accent… Tu viens de la région de Cork, c’est ça ? D’où exactement ? Bantry ? Drimoleague ? J’ai connu une fille de Drimoleague, autrefois. Une femme de rien qui suivait tous les hommes qui le lui demandaient. »
Ma mère détourna les yeux et essaya à nouveau d’actionner la clé, tout en jurant intérieurement contre cette serrure qui se grippait. Elle tordit le métal d’un geste brusque.
« Si vous vouliez bien vous écarter de la lumière, lui demanda-t-elle en se tournant pour le regarder droit dans les yeux.
— Seulement un logement, dit-il en se grattant le menton pensivement. Alors, tu vis avec eux, c’est ça ?
— Avec qui ?
— C’est un arrangement bien curieux.
— Avec qui ? insista-t-elle.
— Avec les pédales, bien sûr. Mais qu’est-ce qu’ils peuvent bien avoir à faire avec toi ? Ils ne s’intéressent pas aux femmes, ni l’un ni l’autre. » Il regarda son gros ventre et secoua la tête. « C’est l’un d’eux qui t’a fait ça ? Non, ils en seraient incapables. Et probablement, tu ne sais même pas qui est responsable, hein, sale petite putain. »
Ma mère se retourna vers la porte et cette fois, la clé fonctionna. Mais avant qu’elle ait le temps d’entrer, il la bouscula, pénétra dans le hall, et elle resta plantée sur le seuil, sans trop savoir quoi faire. Lorsqu’il commença à monter l’escalier, elle reprit ses esprits et se mit en colère.
« Descendez tout de suite, l’interpella-t-elle. C’est un logement privé, vous m’entendez ? Je vais appeler les Gardaí !
— Appelle qui tu veux, rien à foutre ! » rugit-il, et elle examina la rue, sans voir âme qui vive. Rassemblant tout son courage, elle le suivit dans l’escalier, et le trouva en train de secouer la poignée de la porte.
« Ouvre cette porte tout de suite », ordonna-t-il en pointant un index sur elle, et elle ne put s’empêcher de remarquer la terre incrustée sous ses ongles longs. Il est fermier, décida-t-elle. Et son accent était de la région de Cork aussi, mais pas de l’ouest de Cork, sinon elle aurait été capable de l’identifier. « Ouvre la porte tout de suite, gamine, ou je passe mon pied à travers.
— Pas question. Et vous allez sortir d’ici immédiatement ou alors je… »
Il lui tourna le dos, la repoussant d’un geste de la main, et envoya un coup puissant dans la porte qui s’ouvrit en grand et alla cogner derrière, contre le mur. Une casserole tomba dans la baignoire en un fracas assourdissant. Le salon était désert, mais au moment précis où il entra avec ma mère sur les talons, des voix crispées se firent entendre dans la chambre.
« Sors de là, Seán MacIntyre ! rugit l’homme, tellement ivre qu’il titubait. Sors de là tout de suite, que je te corrige pour t’apprendre la morale. Je t’avais prévenu de ce que je ferais si je vous attrapais à nouveau tous les deux ensemble. »
Il brandit son bâton – ma mère ne l’avait même pas remarqué – et l’abattit sur la table avec une force telle que ma mère sursauta à chaque coup. Son père à elle avait un bâton identique et nombre de fois, elle l’avait vu se déchaîner comme une furie sur l’un de ses frères. Il avait essayé de l’utiliser contre elle le soir où son secret avait été révélé mais, Dieu merci, ma grand-mère l’en avait empêché.
« Vous vous trompez d’adresse, s’écria ma mère. C’est de la folie !
— Sors de là ! éructa l’homme à nouveau. Sors ou je viens te chercher moi-même. Tout de suite !
— Partez ! » insista ma mère, en le tirant par la manche. Mais il l’écarta violemment et elle tomba contre le fauteuil. Une douleur fulgurante lui traversa le dos et remonta le long de sa colonne vertébrale comme une souris courant se mettre à l’abri. L’homme se jeta sur la porte de la chambre, l’ouvrit brusquement et là, sous les yeux de ma mère ahurie, se trouvaient Seán et Smoot, nus comme des vers, adossés à la tête du lit, blêmes de terreur.
« Bon sang, lâcha l’homme en se détournant avec une expression de dégoût. Sors de là tout de suite, espèce de sale petite pourriture.
— Papa, dit Seán en sautant du lit, et ma mère ne put s’empêcher de regarder son corps nu tandis qu’il se précipitait pour enfiler un pantalon et une chemise. Papa, s’il te plaît, descendons et… »
Dans le salon, avant qu’il ne puisse dire un mot de plus, l’homme, son propre père, l’attrapa par la nuque et projeta sa tête violemment contre l’unique étagère fixée au mur et sur laquelle il n’y avait que trois livres, une Bible, un exemplaire d’Ulysse, et une biographie de la reine Victoria. On entendit un bruit terrible et Seán laissa échapper un gémissement qui semblait monter du plus profond de son être. Lorsqu’il se retourna, son visage était tout blanc et une marque noire se forma sur son front, palpitant un instant comme si elle était incertaine de ce qu’on attendait d’elle, puis elle devint rouge et le sang se mit à couler. Ses jambes se dérobèrent et il s’écroula. L’homme tendit le bras et le tira d’une seule main vers la porte, puis se mit à le rouer de coups de pied, de coups de bâton, tout en blasphémant.
« Laissez-le ! » hurla ma mère en se jetant sur l’homme tandis que Smoot sortait de la chambre avec une crosse de hurling. Il fonça droit sur leur assaillant. Il n’avait pas mis le moindre vêtement et même dans ce moment affreusement dramatique, ma mère fut choquée par la quantité de poils recouvrant son torse, si différent de celui de Seán, de mon père ou de mes oncles, et par le membre long, encore luisant, qui ballottait entre ses jambes.
L’homme beugla lorsque la crosse l’atteignit dans le dos mais le coup était insignifiant. Il repoussa Smoot avec une telle force que celui-ci partit en arrière, bascula par-dessus le canapé et alla s’échouer contre la porte de la chambre où les garçons avaient été amants depuis le jour de leur arrivée à Dublin, comprenait-elle soudain. Elle avait entendu parler de gens comme ça. Les garçons à l’école se moquaient d’eux tout le temps. Ce n’était donc pas surprenant, que Smoot n’ait jamais voulu d’elle dans cet appartement. Il devait être leur nid d’amour, et elle était le coucou venu le coloniser.
« Jack ! » cria ma mère, tandis que Peadar MacIntyre – car tel était son nom – attrapait à nouveau son fils par la nuque et bourrait son corps de coups de pied avec une force si barbare qu’elle entendait ses côtes se briser. « Seán ! » s’égosilla-t-elle. Mais lorsque la tête du jeune homme pivota, elle vit dans ses yeux grands ouverts qu’il avait déjà quitté ce monde. Malgré tout, elle refusa qu’il lui soit fait plus de mal, et elle traversa la pièce aussi vite qu’elle put, déterminée à obliger l’homme à lâcher sa proie. Mais dès sa première tentative, il la saisit par un bras et d’un mouvement preste, lui asséna un coup de pied redoutable qui l’expédia dans l’escalier. À chaque marche, me dit-elle plus tard, elle avait l’impression de se rapprocher de la mort.
Elle finit sa course en s’écrasant sur le sol, et resta pendant un moment les yeux rivés au plafond, cherchant son souffle. Dans son ventre, je protestai vigoureusement contre cette violence et décidai que le moment était venu. Ma mère laissa échapper un hurlement féroce lorsque je commençai à sortir de son ventre pour entamer mon premier voyage.
Elle se mit debout, regarda autour d’elle. Une autre femme dans sa situation aurait peut-être ouvert la porte et se serait jetée dans Chatham Street, en appelant à l’aide. Pas Catherine Goggin. Seán était mort, elle en était certaine, mais elle entendait Smoot là-haut supplier qu’on lui laisse la vie sauve, les bruits de coups qui s’abattaient sur la tête du jeune homme, les hurlements de douleur, les jurons tandis que le père de Seán se déchaînait sur lui aussi.
Gémissant à chaque mouvement, elle se hissa sur la première marche, puis sur la suivante, jusqu’à ce qu’elle parvienne à mi-chemin. Elle cria quand je lui fis sentir ma présence et quelque chose dans sa tête, me raconta-t-elle bien plus tard, lui dit que si j’avais attendu neuf mois, je pouvais bien attendre encore neuf minutes. Elle poursuivit son ascension, entra dans l’appartement la sueur lui coulant sur le visage, de l’eau et du sang dégoulinant le long de ses jambes, effrayée par l’image de la folle qui apparut dans le miroir en face d’elle – une folle aux cheveux hirsutes, à la lèvre fendue et à la robe déchirée. Depuis la chambre, les cris de Smoot étaient de plus en plus faibles et les coups de pied et de bâton ne cessaient pas. Elle passa par-dessus le corps de Seán, regarda rapidement les yeux ouverts au milieu de ce visage autrefois si beau et dut se retenir pour ne pas éclater en sanglots.
J’arrive, lui dis-je tandis qu’elle progressait sans se laisser détourner de son but, cherchant des yeux une arme dans la pièce. Elle trouva la crosse que Smoot avait abandonnée. Es-tu prête à m’accueillir ?
Il ne fallut pas plus d’un coup, Dieu la bénisse, et Peadar MacIntyre s’écroula. Il n’était pas mort mais inconscient. Il vivrait encore huit ans, avant de s’étrangler avec une arête de poisson dans son pub habituel, après que le jury l’avait laissé en liberté, décidant que son crime avait été commis sous l’effet de la provocation extrême que constituait le fait d’avoir un fils mentalement dérangé. Ma mère et moi, nous nous jetâmes sur le corps de Smoot, défiguré par les coups. Sa respiration était irrégulière, il était à l’agonie.
« Jack », cria-t-elle, prenant son visage dans ses bras, avant d’émettre un hurlement à glacer le sang alors que tout son corps lui disait de pousser, de pousser maintenant. Et ma tête commença à émerger entre ses jambes. « Jack, reste avec moi. Ne meurs pas. Tu m’entends, Jack ? Ne meurs pas !
— Kitty, articula Smoot, les syllabes à peine reconnaissables, entre les dents cassées et les chairs meurtries.
— Et putain, arrête de m’appeler Kitty ! hurla-t-elle, criant à nouveau tandis que mon corps continuait à sortir pour rencontrer la nuit d’été.
— Kitty, chuchota-t-il, les paupières mi-closes, et elle le secoua malgré la douleur qui la transperçait.
— Tu dois vivre, Jack ! Tu dois vivre ! »
Ensuite, elle dut perdre connaissance, car le silence s’installa dans la pièce, jusqu’à ce qu’une minute plus tard, profitant du calme revenu, je me fraye un chemin avec mon corps minuscule jusqu’à la moquette crasseuse de l’appartement de Chatham Street, dans une mare gluante de sang et de placenta. J’attendis quelques instants de retrouver mes esprits avant de déployer mes poumons pour la première fois dans un cri assourdissant, qui dut être entendu par les hommes dans le pub en bas, puisqu’ils montèrent l’escalier quatre à quatre pour découvrir la cause d’un tel raffut. J’annonçai au monde que j’étais arrivé, que j’étais né, que j’en faisais enfin partie.
!!!!Pleurer des rivières, d’Alain Jaspard
Héloïse d’Ormesson, 192 p., 17 €.
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Pleurer des rivières est le titre du premier roman d’Alain Jaspard, réalisateur et scénariste (Les Givrés, 1979, mais il a donné des contes aussi, et des histoires de mots : La Belle Lisse Poire du prince de Motordu, d’après Pef, 2005). Un premier roman à 77 ans, comme je le comprends !
Tout est très scénique, genre page de gauche l’action, page de droite le dialogue, et on mixe. Très réel : Jaspard a été voir les campements, le Ruisseau- Mirabeau à Marseille, Argenteuil, la confiance (quand on arrive en ami, on laisse la voiture ouverte et les clés dessus), les flags, les commis d’office, les vies de près. Très tendre : deux couples qui s’aiment, chacun à sa manière. Une Gitane blonde, de Marseille, et son ferrailleur de mari, très bon mari, bien sous tous rapports, rapports inclus, sept et bientôt huit enfants – aimés, mais à nourrir. Il tombe pour aider son meilleur pote, vole du cuivre avec lui, bousille son camion gagne-pain, se fait prendre.
Un avocat commis d’office, qui aime ce qu’il fait et (et, et pas mais) joue de la guitare et rêve d’ouvrir un bistrot, l’aide à s’en sortir sans passer par la case prison. Sa femme à lui écrit des livres pour enfants, pour réhabiliter les poux, les crapauds qui préfèrent rester crapauds que devenir princes charmants. Mais elle n’a pas d’enfants, elle en veut, elle a tout essayé, elle pleure des rivières. La bobo va voir la Gitane, elles deviennent amies, vraiment amies. L’une a trop, l’autre pas assez d’enfants. Donc ? Donc. Vases communicants, elles ont l’air de deux sœurs, blondes et fines, l’accouchement de l’une se fait avec la carte vitale de l’autre. La nouvelle « maman » est folle de bonheur, la vraie aussi parce qu’au moins la huitième est sortie de galère. C’est tout cadeau entre belles et timides personnes. C’est heureux. Enfin, presque, car le mari ferrailleur a eu de quoi s’acheter le camion qui lui permet de vivre. Alors nous, on a un nom pour ça : trafic d’être humain. Vous ne saurez pas la fin, ni comment la Gitane parle au tribunal, classieux, tout simplement. Mais la fin on s’en fiche, on se laisse entraîner par les rivières.
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!!!!!!!naissances
Il la couvrait de baisers, arrachait son fichu, dénouait sa natte, une cascade de boucles fauves dégringolait en ribambelles sur son dos, le vent s’en mêlait, chaleureux. Il l’allongea sur un lit de sable et d’herbes du printemps, il releva sa longue jupe orangée, découvrit ses seins, deux minuscules tétons roses, son ventre, ses cuisses, c’était la première fois qu’il voyait tant de beauté. Elle souleva ses reins, il enleva sa culotte, parcourut de ses lèvres sa peau blanche, elle souriait, elle attendait. Quand il la pénétra avec une tendresse maladroite elle eut mal, elle poussa un cri. Il se figea mais ce fut elle qui appuya sur ses fesses pour qu’il continue son va-et-vient, petit à petit elle sentit son corps s’emplir de douceur, elle fut submergée, comme noyée de plaisir, son souffle se mua en gémissements. Il jouit vite, trop vite, dans un long râle. Pas elle.
Il se laissa rouler sur le dos, elle l’embrassa. Ils restèrent immobiles et muets un long moment, des bouffées de guitare parvenaient du campement, des oiseaux sifflaient dans le marais, le soleil se faufilait au travers du bouquet de tamaris faisant danser des taches claires sur leur peau. Elle toucha son sexe humide, visqueux, sa main était rouge de sang.
Toute sa vie elle s’en souviendrait: il ramassa sa culotte blanche et se dirigea vers le marais, elle le regardait marcher les fesses à l’air, elle riait. Il rinça sa bite dans l’eau saumâtre puis trempa la culotte, revint vers elle et s’en servant de linge lava son ventre, son cul, sa chatte. Et il lécha son ventre, salé, frais.
Ils rêvèrent un moment. Très loin, des Gitans venus d’Andalousie chantaient de courtes phrases musicales implorantes qu’ils appellent des saetas, flèches décochées vers une madone de plâtre peint surgie des flots de la Méditerranée – ce « chant profond » déchirant de mysticisme, mélange de cultures de réprouvés Berbères, Juifs, Nègres des négriers de Cadix, ravalés par la rapacité populaire au rang de nomades voleurs de poules et diseuses de bonne aventure, qui fit passer un tremblement de désir dans le dos de Mériem.
C’est elle qui recommença. Elle voulait connaître ce sexe dur de l’homme qui l’avait déflorée, elle se pencha sur lui, contempla cette drôle de chose toute molle, s’en amusa, la caressa, la prit dans sa bouche, l’amour ça s’apprend vite, la chose molle au goût salé devint vite très dure, elle rit encore, fière de son pouvoir. Il voulut voir son cul, elle se mit sur le ventre, il submergea cette croupe laiteuse de baisers, le cœur battant la chamade, il la prit comme ça, à quatre pattes, sa joue dans le sable, les mains crispées sur des touffes d’herbe, dans le tintamarre d’une multitude multicolore de colliers, de boucles, de bracelets de pacotille. Haletants, gémissants. Là elle jouit.
La fête dura deux semaines, le temps du pèlerinage. Chaque jour ils retrouvaient leur bouquet de tamaris, leur lit de sable, ils l’avaient attendri en le couvrant de brassées d’herbe sèche. C’était encore PAGE 2 | Alain Jaspard, Pleurer des rivières | Éditions Héloïse d’Ormesson, 2018 des enfants, leurs jouets c’était leur corps, leurs jeux étaient érotiques, il y avait le soleil, le marais, les oiseaux, les guitares, les chants. Ce serait les plus beaux jours de leur vie.
On les maria le jour de ses quinze ans, lui n’en avait guère plus, à la va-vite, dans une petite église de Marseille. Quelques semaines plus tard, elle mit au monde son premier enfant.
!!!!!!!chapitre 1
C’est marrant à quoi ça tient une histoire.
À une diode. Une pièce minuscule, la plus misérable qu’on trouve sur un engin motorisé. Une diode à deux balles. Une diode défectueuse.
Sans cette diode, donc défectueuse, je serais pas là devant ma machine à rassembler les tenants et les aboutissants de toute l’affaire, je serais tranquille pépère, usant et abusant des avantages des retraités dans mon pavillon de Ris-Orangis, matant du soir au matin et du matin au soir des DVD sur mon Sony extra-large.
Je suis bien placé pour la raconter cette histoire vu que Marguerite elle a quinze ans de moins que moi, elle bosse encore, elle bosse à l’hôpital Louis-Mourier de Colombes et c’est là qu’elle était aux premières loges, elle a tout suivi, tout ce gâchis.
Une diode donc.
C’était à Bagneux, la nuit du lundi au mardi, le premier mardi du mois quand on met les encombrants sur le trottoir, faut pas trop traîner, y’a du monde sur le coup, des Roms, des Kosos, souvent ça chauffe, y a de la marave dans l’air, le manche de pioche est pas loin. Sammy et l’Arabe avaient rempli le Mercedes jusqu’à la gueule, des frigos, des gazinières, des meubles en tôle, un peu de cuivre même, rien que de la ferraille, la ferraille c’est son job, à Sammy. Il avait ramené l’Arabe à sa moto et s’en revenait à quatre heures du matin tout guilleret sur Argenteuil quand la durite d’eau a pété, le radiateur s’est mis à chauffer, à fumer et là, va savoir pourquoi, la diode qui doit s’allumer sur le tableau de bord pour prévenir quand il y a ce genre de mauvais coup a pas fonctionné et quand la bielle a fondu, le moteur s’est explosé, la camionnette s’est mise à tanguer, divaguer, tituber, elle a grimpé sur le trottoir, toute la ferraille valdinguait dans un boucan pas possible, elle s’est empéguée un phare sur un lampadaire dans un barouf de vaisselle cassée.
Elle fumait de partout, elle glougloutait, elle grésillait, elle pschittait, on aurait dit une symphonie pour huit casseroles et un autocuiseur, son phare rescapé éclairait un mur tout graphité de « foc la police » et autres insanités. Un ultime gargouillis. Rideau.
La neige s’est mise à tomber, les flocons virevoltaient dans la lumière jaune du phare borgne, c’était poétique, mais la poésie quand tu viens d’emplafonner ton gagne-pain dans un lampadaire, c’est très superflu. Sammy a allumé une clope. « Saloperie de diode! » Il a appelé Franck qui a râlé d’abord, c’est pas une heure pour réveiller les gens. Mais il s’est extrait des bras chauds et moelleux de Mériem, s’est habillé, a réchauffé un fond de cafetière, a versé le café dans une Thermos, Mériem a marmonné dans son sommeil, elle sentait que Franck n’était plus dans le lit et puis elle s’est rendormie. Franck a enfilé une veste en cuir, noué un cache-nez, pris son chapeau, il s’est retourné pour regarder Mériem qui respirait doucement, ses cheveux blonds répandus sur les draps, on dirait une étoile dorée comme celle qui décore le haut du sapin à l’église, il l’a trouvée belle, a éteint la lumière, il est sorti en prenant soin de fermer sans bruit la porte de la caravane pour pas réveiller les enfants.
Le Ford a démarré tout de suite dans le nuage de fumée noire et âcre d’un diesel fatigué. ArgenteuilBagneux, c’est pas la porte à côté. Il a pris l’autoroute, franchi le pont d’Argenteuil, il a descendu la bretelle PAGE 4 | Alain Jaspard, Pleurer des rivières | Éditions Héloïse d’Ormesson, 2018 de Gennevilliers, continué sur la rocade vers Nanterre. Ça roulait tout seul. À cette heure-là les hommes dorment, rêvent, baisent, souffrent, expirent au fond de leur lit. Le retour ça sera une autre affaire, les hommes iront au boulot en flots continus, s’ajoutera à ça la neige qui commence à former une couche sur la chaussée, tracter une camionnette ça sera pas du gâteau.
Franck conduit prudemment, il a ouvert la glace pour désembuer le pare-brise, le Ford a plus de vingt ans mais Franck le bichonne, le poupoule, le Ford c’est son gagne-pain, quand tu fais dans la ferraille ton camion c’est ta vie.
Sammy c’est son pote mais c’est pas un chanceux, ça non. Il enchaîne les emmerdes depuis quarante ans, il les enchaîne tellement que sa femme s’est fait la paire il y a belle lurette, bon il en a eu d’autres, c’est un bel homme taillé comme dans du bois, une belle moustache, des beaux cheveux, vaillant au lit, mais ça suffit pas pour retenir une femme, surtout quand tu alternes les infidélités, les cuites, les baffes et les séjours au placard. Et voilà qu’il avait une emmerde de plus. Franck allume un cigarillo et se dit qu’il a de la chance, il court pas, il aime sa Mériem et sa Mériem l’aime, Dieu leur a donné sept enfants, ça fait beaucoup mais quand un enfant arrive on va pas le renvoyer à l’expéditeur. La ferraille c’est dur, c’est sûr qu’il roule pas sur l’or, mais il est libre, il est son propre patron et ça, ça n’a pas de prix.
Sammy était frigorifié. À cinq heures du mat, sous la neige et sans chauffage, il est dur à la peine c’est certain, mais là il grelottait, tentait de se réchauffer en se donnant des grandes claques dans le dos, en battant la semelle sur le pavé, en frottant ses mains, aucun rade ouvert à la ronde et pas même un reste de gnôle dans le fin fond de la camionnette. Franck l’a installé dans la cabine du Ford, lui a passé sa veste, son cache-col, lui a servi un gobelet de café encore brûlant. Ils sont restés comme ça tous les deux à fumer en silence dans le camion, le moteur ronflait doucement, on ne voyait plus rien au-dehors à cause de la neige et de la buée sur les vitres. Sammy répétait « Putain de diode, putain de saloperie de diode! » et c’est tout.
Au bout d’un moment Franck a ouvert la portière, il a jeté son mégot, il est sorti pour dégager le Mercedes. Ça a été plus facile qu’il aurait cru, il a croché l’arrière de la camionnette avec une barre de traction pour l’extraire du lampadaire, l’a tirée sur la chaussée, ça dérapait un peu sur la neige, mais il manœuvrait bien, avant arrière, avant arrière, ensuite il a croché l’avant. Et ils sont partis comme ça, Sammy dans la camionnette pour maintenir le volant bien droit, heureusement le warning fonctionnait.
Sur l’A86 la neige se transformait en boue noire fondant sous les pneus des voitures, la visibilité était très mauvaise, les phares se reflétaient sur la chaussée, sur les carrosseries, Franck faisait attention à ne pas freiner, gardait ses distances. Ils sont arrivés au campement sans encombre. Il faisait nuit noire, tout le monde dormait encore. Ils ont garé le Ford et le Mercedes à côté de la caravane de Sammy et ils sont entrés. Sammy a allumé un chauffage électrique à air pulsé, il a enfilé un gros pull et a préparé du café.
Très vite il a fait chaud, ils ont bu le café, ils ont rempli les tasses avec le calva, ça a réchauffé tout de suite, ils ont remis ça, une deuxième tasse, en fumant une clope et Franck est allé se coucher. Il s’est déshabillé sans faire de bruit, s’est glissé sous les draps, s’est encastré dans les reins de Mériem, elle ne s’est pas réveillée.
Ça sent bon trouva Franck avant de s’endormir, le tabac, le calva, la femme.
Au matin ils ont ouvert le capot du Mercedes et là c’était la cata, le moteur était mort, archi-mort, mort et enterré, le radiateur valait pas mieux et tous les circuits avaient pété. Le temps de dégoter un bon moteur à la casse, de le monter, ça allait demander deux ou trois mois pendant lesquels Sammy ne pourrait plus bosser, sans compter que ça sera pas donné. Emprunter un camion, ça se fait pas chez les ferrailleurs, l’outil de travail c’est personnel, un camion c’est comme une femme ça se prête pas, un camion ne connaît que son maître. On verra ça plus tard. Pour l’heure ils ont transbahuté la ferraille dans le Ford en pataugeant dans la neige noirâtre. L’Arabe est venu leur donner la main, et aussi des gars du campement. Ensuite ils sont partis chez le ferrailleur au port de Gennevilliers attendre leur tour devant la bascule. Ils sont restés un bon moment dans le vacarme du grappin qui enfournait la ferraille dans le compacteur hydraulique, les énormes cubes une fois compressés étaient gerbés à des dix mètres de haut, des camions chargeaient les blocs d’acier et les emportaient dans une aciérie quelque part en Espagne. Quand vint leur tour ils ont pesé le PAGE 5 | Alain Jaspard, Pleurer des rivières | Éditions Héloïse d’Ormesson, 2018 camion plein, l’ont déchargé dans la fosse, ont pesé le camion vide, ça leur faisait une tonne quatre cents et des brouettes, une bonne fournée faut bien dire, le cours du « moins de six millimètres » était pas mauvais, à 244,56 la tonne. Plus quelques kilos de cuivre, Sammy allait se faire dans les quatre cents euros une fois payé l’Arabe et le gazole, c’était plutôt une bonne journée. Kevin, le gars de la fosse, leur a donné le bon de réception que Sammy a changé au guichet contre des espèces, on a pas trop le droit de payer en cash mais bon. Il a sorti quelques billets pour payer l’Arabe.
Avec tout ça Sammy était une fois de plus dans la mouise. Il se mit en quête d’un moteur dans les casses de Vitry, de Villejuif, de Thiais, les meilleures d’après lui, mais soit les moteurs étaient trop antiques, soit ils coûtaient un bras. Il se fit engager sur les gros chantiers de Gennevilliers mais ça ne lui plaisait pas, il était allergique au ciment à ce qu’il prétendait.
Et un soir il s’en vint chercher Franck, il avait une affaire en or, il voulait lui en parler, mais dans un coin tranquille, il l’emmena au Café des Sports. Son idée à Sammy c’était un gadjo qui bossait de temps en temps comme électro sur les tournages de film qui la lui avait refilée, dans une brasserie de la porte de Clignancourt, bourré comme un Polonais. C’était un coup pas très réglo mais qui devait rapporter un bon paquet, ce qui lui permettrait de réparer le Mercedes. Le hic c’est que pour l’affaire il avait besoin d’un camion. Il comprenait bien Sammy, que Franck ne prêtait jamais son camion, normal, mais que sachant quand même que Franck ne se mettait jamais sur des coups douteux, même un peu, disons… pas très légaux… bref, Franck ne ferait que conduire le Ford tandis que lui, Sammy, s’occuperait avec le gadjo du délicat de l’affaire. Il s’embrouillait un peu Sammy pour expliquer le filon; il pensait bien que Franck, l’illégal c’était pas son genre. D’un autre côté, dans le campement un service ça ne se refuse pas.
C’était quoi son affaire? demanda Franck.
Le cuivre. C’était le cuivre. Le cuivre qui se vendait au cours actuel à huit mille euros la tonne. Bon, c’était quoi la combine? redemanda Franck. Sammy lui expliqua. Franck refusa tout net: la récup’ oui, voleur non, c’était niet.
Mais Sammy avait besoin de travailler. Les hommes du campement étaient presque tous dans le bâtiment, ils bossaient à la tâche et l’été ils embarquaient toute la smala dans les caravanes et ils roulaient vers la Bretagne ou le Sud-Ouest où il y avait de l’ouvrage dans les exploitations agricoles ou pour remplacer les ouvriers sur les chantiers pendant leurs congés. Ils vendaient aussi sur les marchés. Quelques jeunes rempaillaient les chaises des bourgeois. Ils revenaient en septembre pour remettre les enfants à l’école. Il n’y avait plus dans le campement que Franck et Sammy qui étaient dans la ferraille. Franck emmenait bien son pote de temps en temps dans ses expéditions, mais déjà c’était dur de s’en sortir tout seul, alors s’il fallait partager les bénéfices, Franck n’arriverait pas à s’en sortir. Sammy en avait bien conscience, il essayait bien des petits boulots par-ci par-là, mais en dehors de la ferraille, il était pas bon à grand-chose.
Il revint à la charge, il expliqua de quoi il retournait, l’affaire du gadjo électro.
Y’avait un feuilleton pour la télé qui se tournait dans un château du côté de Montfort-L’Amaury.
C’était l’histoire d’une famille catho de la haute, ça se passait entre les deux guerres, c’était un académicien célèbre qui avait écrit l’histoire. Chaque mois l’équipe de tournage passait quelques jours dans le château, avec tout un fatras de matos pas possible. Il fallait éclairer non seulement l’intérieur, mais aussi l’extérieur du château, faire comme s’il y avait du soleil, c’était avec des énormes projecteurs, il y en avait une bonne vingtaine. L’électricité qui alimentait ces projecteurs, le gadjo disait les « projos », était fournie par un groupe électrogène monté sur un camion. Afin que le bruit du moteur du groupe ne vienne pas perturber le tournage, le camion était garé à bonne distance du château, dans le parc. Et sur ce camion étaient branchés des dizaines et des dizaines de câbles électriques, dont certains gros comme le bras, qui couraient sur des centaines de mètres. Et en plus, à côté du groupe électrogène, y’avait un autre camion bourré de câbles, en cas. T’imagines les kilos de cuivre qu’il y a là-dedans? À une heure une heure et demie, ça dépend des jours, toute l’équipe de tournage monte dans des voitures et aussi dans un bus pour aller casser la croûte à dix bornes de là, dans un resto où ils ont leurs habitudes.
Ils ferment les portes du château, mais laissent les projos et les câbles dehors. Et ils reviennent PAGE 6 | Alain Jaspard, Pleurer des rivières | Éditions Héloïse d’Ormesson, 2018 une heure et demie plus tard. Et là, ils s’aperçoivent que les câbles se sont envolés et sont déjà loin. Y’a aucun risque, il dit Sammy. Franck ne fait que prêter son camion, le conduit lui-même puisqu’il ne veut pas le confier à un autre. Il y a au moins trois ou quatre mille euros à se faire.
Franck n’est pas chaud. Des petits larcins bien sûr, de temps en temps ça lui arrive, mais là, c’est trop gros, trop dangereux. C’est re-niet.
Le malheur avec Franck, c’est son sens de l’amitié, dire non à un pote, il a du mal. Il faut bien dire aussi qu’il n’a pas les moyens de faire travailler Sammy. Sammy qui a fini par dégotter un moteur pour le Mercedes, un bon moteur, une super affaire, chez un casseur sérieux de Vitry. Mais pas donné. Avec l’argent du cuivre, il pourrait se le payer et retourner à la ferraille.
Franck, tout ça, ça le perturbe, ça l’empêche de dormir, ça le tourneboule.
Sammy le sent bien, qui remet ça, un coup en or, aucun risque, pour venir en aide à un ami, un vrai pote.
Et c’est ainsi qu’un beau matin les voilà tapis sur une petite butte à surveiller à la jumelle un château où fourmillent des comédiens, des techniciens, par un beau soleil du printemps. Tout ce petit monde s’agite, tandis qu’ils attendent, couchés dans l’herbe, l’heure de la pause-déjeuner. D’énormes projecteurs sont installés devant toutes les fenêtres, même celles du premier étage, ceux-là sont montés sur des praticables à plus de quatre mètres de haut. Ils ne cessent de s’allumer et de s’éteindre, à croire que l’opérateur ne sait pas trop bien comment s’y prendre. Des jolies comédiennes aux jambes nues en robes claires d’avant-guerre, des comédiens en smokings blancs boivent du thé, ou du café, ou de la bière, de loin ils ne peuvent pas bien voir, dans des gobelets de plastique, devant une sorte de buvette, entre un camion et une caravane de luxe. Un à un les projecteurs se rallument. Sammy, attiré comme un insecte par ces lumières porteuses de richesse, ces lumières qui vont lui payer son diesel, salive de désir. Brusquement, comme une volée de moineaux, tous les acteurs grimpent le perron et disparaissent dans le château.
Quelques instants après, des bouffées d’une musique d’autrefois pleine de violons montent jusqu’à eux.
Dix fois, peut-être douze, la musique s’arrête un long moment puis repart, toujours au même endroit, ta ta ti, ta ta ti… à trois temps, une valse, ils la connaissent, le violon c’est dans leurs tripes, ils pensent que c’est leurs ancêtres qui l’ont inventé.
Et soudain, plus de musique, les projecteurs s’éteignent et la volée de moineaux jaillit sur le perron, s’engouffre dans un bus, suivie bientôt par les techniciens, un assistant ferme les portes du château à double tour, les électros et machinos verrouillent les camions et les caravanes, et en quelques instants, un rodéo de voitures s’élance à la suite du bus, disparaît. C’est le silence, juste les oiseaux, une lointaine rumeur d’autoroute, un tracteur peut-être dans le lointain.
Ils ont une heure devant eux.
[…]
!!!!François, portrait d’un absent, de Michaël Ferrier,
Gallimard, « L’Infini », 256 p., 20 €.
>Au fil de la quinzaine de chapitres (en fait quatorze, un préambule, une ouverture et une coda) qui composent François, portrait d’un absent, ce n’est ni vraiment une biographie, ni tout à fait un récit, ni même un tombeau, qui se dégage, mais plutôt une musique. Un rythme, des thèmes qui reviennent, une atmosphère, plusieurs mouvements. C’est dans le silence, pourtant, dans la blancheur de l’hiver et du gypse, que naît le livre, à la fin de l’année 2013, quand un coup de fil surprend Michaël Ferrier au milieu de la nuit tokyoïte (il vit au Japon) pour lui annoncer la mort accidentelle de son ami François Christophe. Quelque 240 pages et quelques années plus tard, la voix de l’ami abandonné s’éteint dans une éruption de blancs divers et contradictoires. Des blancs lugubres, ravis et énervés. Des blancs jeunes, des blancs tristes, des blancs seuls – une lumière. Car « le blanc n’est même pas une couleur, c’est la condition de toute couleur, la lumière personnifiée », peut-on lire dans les toutes dernières pages de ce livre admirablement aérien et fragile, chronique d’une amitié trop tôt interrompue.
>Bribes d’autoportrait
>Depuis Mémoires d’outre-mer (Gallimard, prix Franz Hessel 2015), la production littéraire de Michaël Ferrier semble prendre un tour plus personnel. Une certaine distance aussi avec le Japon, point de départ de la plupart de ses précédents livres. En réalité, une main pour le bord, une main pour soi, notamment depuis Sympathie pour le fantôme (Gallimard, 2010), il compose une œuvre de traverse, à cheval entre l’ici et l’ailleurs, l’un et l’autre, hantée par la disparition et la mémoire, traversée par des thèmes musicaux et des scènes de cinéma. Une vibration en entraîne une autre, une note est émise parce qu’une précédente résonne, fondu au noir, fondu au blanc, une scène s’enchaîne à la suivante. Ce livre ne fait pas exception, de l’internat du lycée Lakanal au Japon, de la trajectoire artistique heurtée de François Christophe, réalisateur de cinéma puis de fictions radiophoniques, à des anecdotes et des souvenirs plus intimes d’où émergent, en creux, des bribes d’autoportrait.
>Au titre des évitements et des délicieuses échappées typiques de son écriture, on signalera notamment ces pages nombreuses et éparpillées dans ce récit où Michaël Ferrier dit l’amitié sans jamais en faire ni un traité ni l’éloge. L’amitié ne s’écrit pas, elle se raconte, semble finalement démontrer François, portrait d’un absent au gré des saynètes et des digressions – surtout elle se raconte à deux, ce que ce livre donne miraculeusement l’impression de faire jusqu’à son titre (qui est un emprunt au titre d’un film documentaire de François Christophe, justement). Et c’est en s’estompant, parfois presque en s’absentant, que l’ami qui reste fait une place à l’ami qui est parti, qu’il l’accompagne, qu’il lutte contre l’oubli, « cette seconde mort », « le vrai tombeau », dont la littérature pourrait être l’antidote.
>Le temps partagé
>Car des ténèbres, celle-ci sait extraire la lumière, l’aura qui entoure un être aimé, sa présence, celle qu’il laisse derrière lui et qui subsiste. Ainsi en va-t-il de François Christophe, auquel Michaël Ferrier trouve une remarquable épithète homérique, « François à la fenêtre », pour dire son énergie, sa curiosité, sa façon d’être sur le pont, penché, à moitié dehors, à moitié dedans. Pour dire son corps, également, car la manière dont l’ami décrit le corps de l’ami (précise, photographique, matérielle, comme un sculpteur malaxant l’argile) dit très justement le temps partagé, un regard, une persistance, une attention.
>« Prends garde aux dragons du fond de l’eau », écrit un poète chinois du VIIIe siècle (après un rêve prémonitoire) en pensant à son ami Li Bai, un autre poète – qui mourra noyé, ivre, pour avoir tenté d’attraper le reflet de la lune dans l’eau. Ce vers, Michaël Ferrier n’a jamais eu l’occasion de le dire à François, emporté avec sa fille par une vague violente sur un rivage de l’île de la Graciosa, dans les Canaries.
>Bien entendu, à la fin de ce livre, le lecteur aura certainement cette impression qu’il n’est pas besoin de trop disserter sur les mérites littéraires (évidents) de François, portrait d’un absent, tant sa délicatesse et sa sincérité semblent repousser tout commentaire. Néanmoins, dans la musique des souvenirs, dans l’équilibre ténu de ce livre, dans l’ondulation des « particules blanches sur fond blanc », il faut le dire, il y a bien l’écriture réussie d’un mystère et d’une joie : l’amitié. Comme si, au bout du compte, l’essentiel n’était pas dans ce qu’on raconte d’un ami mais dans le ton et les modulations de la voix de celui qui en fait le portrait.
;Premières pages
Ça arrive comme une vague. Cette nuit-là, j’ai compris ce qu’était une voix blanche. La voix de Jérôme était blanche. Maintenant, les souvenirs affluent. Ça arrive comme une vague.
La voix est blanche et la chambre est noire. La maison est endormie dans le froid de décembre. L’hiver de Tokyo est toujours sec et froid : il ne te protégera pas. Le téléphone sonne. La mort surgit souvent ainsi, en pleine nuit. C’est un hurlement, ou un appel. L’écran lumineux m’indique que c’est Jérôme et que l’appel vient de Paris, mais la voix au bout du fil semble n’appartenir à personne et n’être reliée à rien. Elle est étrange, cette voix, elle n’est pas tout à fait calme, elle garde son calme, ce qui n’est pas la même chose. Elle est aux prises avec quelque chose d’immense et de profond – quelque chose comme une lame de fond. Alors, Jérôme m’annonce la nouvelle. Il me l’annonce doucement, presque délicatement, comme s’il recouvrait un corps, comme s’il dépliait un drap : François est mort cette nuit, il est mort noyé, dans la mer qui borde l’île de La Graciosa, au large des Canaries. Et puis l’autre nouvelle, dans la foulée, la même, une autre, je ne sais plus. Car il y a pire, si c’est possible : François n’est pas mort seul, sa petite fille, Bahia, est morte avec lui. Tous les deux emportés, engloutis par la vague – Sylvia restée seule, abandonnée, sur le rivage. Ça arrive comme une vague.
Jérôme, mon ami. Depuis l’adolescence lui aussi, comme François. Il est maintenant directeur d’un grand journal du soir, le « quotidien de référence » comme on dit : pas le genre à perdre son sang-froid donc, mais là, pas moyen, l’émotion lui noue la gorge, elle ne laisse rien passer, sauf ce filet de voix glacé. Jérôme m’a appelé tout de suite. Je le remercie muettement, je ne sais pas comment il a trouvé le courage de le faire, de m’annoncer la nouvelle de la manière la plus soigneuse, la plus ténue possible, avec une justesse qui n’appartient qu’à lui.
Mais cette voix alors, je n’ai jamais entendu ça… Il y a un timbre propre à chaque désastre, une acoustique de la détresse. Même avec les milliers de kilomètres qui nous séparent, je ressens physiquement une grande violence, la pression qui s’exerce à l’autre bout du monde sur sa cage thoracique. D’habitude, Jérôme a une voix calme, posée : la détermination des diphtongues, l’ampleur des labiales, le souffle narquois des nasales, toute la gamme de sa voix se déploie sur un ton aimable, conciliant, avec la patine d’un grand journaliste habitué à gérer les bouillonnements du monde. C’est une voix d’alto, douce et large : il l’enfle rarement, ne la force jamais. Très peu de mouvements brusques dans cette voix : sa vitalité ne se mue jamais en une véhémence, et il ne cherche jamais non plus à lui donner une inflexion caressante ou une ambiguïté calculée. Décantée de toute dureté, elle s’orne même en fin de phrase d’une pointe d’accent d’Ollioules, comme une branche de thym, qui lui donne une saveur particulière et une grande légèreté.
Mais aujourd’hui, François est mort. « François est mort », dit-il, et la voix de Jérôme est morte avec lui. C’est maintenant une voix sans timbre, sans qualité spécifique, une voix hantée par l’absence. Sans hauteur, sans durée, sans intensité. Une voix d’où toute musique se serait absentée. Plus rien en elle qui sonne ou qui résonne, plus rien qui s’élève, qui retentit. Toute la richesse de la matière sonore semble s’être dissoute, ou diluée, comme s’il pouvait y avoir une articulation sans voix, et une voix sans articulation, une voix absolument neutre, terrassée. C’est ça, la mort : il ne retrouve pas le secret de sa voix. Il ne retrouve plus en elle ce qui pourrait chanter.
!!!!La Chance de leur vie, d’Agnès Desarthe
L’Olivier, 302 p., 19 €.
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Agnès Desarthe réinvente l’Amérique
Dans « La Chance de leur vie », l’écrivaine installe une famille française en Caroline du Nord. Tout peut arriver. Ou rien. Un grand antiroman américain.
Aussi intelligent que sensuel, La Chance de leur vie observe, de ses phrases courtes qui réussissent à malaxer ensemble la perplexité, l’empathie, le sens du tragique, la sauvagerie et la drôlerie, ce qu’être touché signifie. Métaphoriquement et littéralement. D’où le ballet de mains chorégraphié par Agnès Desarthe tout au long de ce roman splendide, qui exalte l’amour du secret et croit en la vérité des gestes et des corps.
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;EXTRAIT
« Nous voici prélevés, se dit Sylvie. Prélevés hors de notre vie. Hors du temps. Nous avons changé d’espace et quelque chose s’est coupé, une entrave, une amarre. Un sentiment étourdissant d’aléatoire nous a envahis. Comme un après-midi au cimetière. On marche lentement entre les tombes, on s’arrête, on écoute un discours bouleversant ou ennuyeux, on se sourit, les uns les autres, visages connus, visages inconnus, on pleure, on rit, on piétine, on prélève une poignée de terre, de sable, on entend au loin la rumeur de la ville, on n’a aucun rendez-vous, on respire l’humus, les bourgeons duveteux si c’est le printemps, les feuilles mortes si c’est l’automne, lorsqu’elles poussent un dernier soupir olfactif, dégageant un parfum de rentrée des classes et donc d’enfance, on attend, on pense au mort, à la morte, on n’y parvient que brièvement, on est étrangement dissipé, on a chaud, on a froid, on est trempé par la pluie, le confort et l’inconfort alternent, comme dans la vie mystérieuse des nourrissons.
Sylvie se souvint d’une époque où elle vivait ainsi, chaque jour, dans un oubli de soi et des autres. Cela paraissait si loin. Que s’était-il passé depuis ?
“Protégez mes parents”, marmonna Lester. »
Pages 49-50
!!!!La Première Année, de Jean-Michel Espitallier
Inculte, 156 p., 17,90 €.
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L’écrivain a perdu sa compagne, morte d’un cancer.
Livre du creux et de l’empreinte, qui mène très au-delà des larmes inévitables aux premières pages. Jean-Michel Espitallier, dans son deuil, mobilise spontanément les puissances de la poésie contemporaine.
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;EXTRAIT
« La seconde perte consiste à m’accrocher et à voir disparaître, malgré moi, les ultimes traces de ton corps : l’odeur de tes cheveux sur l’oreiller, les exhalaisons des huiles essentielles dans le lit, ton parfum sur le col de ton manteau… Une seconde disparition. La disparition des preuves, comme dans les histoires de crimes parfaits. La disparition de ta disparition.
Il y eut un moment où tu étais morte depuis cinq minutes, puis six heures, puis une longue journée, puis deux. En voici trente-huit.
Ici, à la maison, c’est Pompéi.
L’anodin devenu l’essentiel.
Nous sommes partis à l’hôpital vers 17 heures, ce funeste samedi 17 janvier. Il faisait presque nuit. Aujourd’hui, à 17 heures, il fait grand jour et le soleil est encore haut dans le ciel. (…)
Ta mort est disproportionnée. Elle ne peut s’inscrire dans ma vie. J’ai en tête l’image d’une pièce de Lego, trop grande, beaucoup trop grande pour s’imbriquer dans une pièce plus petite. Je suis cette pièce plus petite. Beaucoup trop petite. » Pages 107-108
!!!!Arcadie, d’Emmanuelle Bayamack-Tam
P.O.L, 440 p., 19 €.
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Le paradis perdu d’Emmanuelle Bayamack-Tam
A Liberty House vit une belle bande d’inadaptés hédonistes. Jusqu’à quand ? « Arcadie », délicieux roman qui célèbre les noces de l’écriture et de la vie.
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;1. Il y eut un soir et il y eut un matin : premier jour
Nous arrivons dans la nuit, après un voyage éprouvant dans la Toyota hybride de ma grand-mère : il a quand même fallu traverser la moitié de la France en évitant lignes à haute tension et antennes-relais, tout en endurant les cris de ma mère, pourtant emmaillotée de tissus blindés. De l’accueil reçu le soir même et de mes premières impressions quant aux lieux, je ne me rappelle pas grand-chose. Il est tard, il fait noir, et je dois partager le lit de mes parents parce qu’on ne m’a pas encore prévu de chambre – en revanche, je n’ai rien oublié de mon premier matin à Liberty House, de ce moment où l’aube a pointé entre les rideaux empesés sans vraiment me tirer du sommeil.
Allongés sur le dos, les mains mollement nouées dans leur giron, un masque de satin sur leurs visages de cire, mes parents me flanquent comme deux gisants paisibles. Cette paix, je ne l’ai jamais connue avec eux. De jour comme de nuit, il a fallu que je fasse avec les souffrances de ma mère et les soucis torturants de mon père, leur agitation permanente et stérile, leurs visages convulsés et leurs discours anxieux. Du coup, bien que je sois impatiente à l’idée de me lever et de découvrir mon nouveau foyer, je reste là, à écouter leur souffle, à me faire petite pour mieux jouir de leur chaleur et partager voluptueusement leurs draps. Du dehors, des trilles guillerets me parviennent comme si des nichées de passereaux invisibles s’associaient à ma joie d’être en vie. C’est le premier matin et je suis neuve aussi. Je finis par me lever et m’habiller sans bruit pour descendre l’escalier de marbre, notant au passage l’usure des marches en leur milieu, comme si la pierre avait fondu. Je m’agrippe respectueusement à la rampe de chêne, elle-même assombrie et polie par les milliers de mains moites qui l’ont empaumée, sans compter les milliers de cuisses juvéniles qui l’ont triomphalement enfourchée pour une propulsion express jusque dans le hall d’entrée. Au moment même où j’effleure le bois verni, je suis assaillie de visions suggestives : Mädchen in Uniform, kilts retroussés sur des jambes gainées de laine opaque, chevelures nattées, rires aigus des filles entre elles. Il y a là quelque chose qui tient aux lieux eux-mêmes, à leur imprégnation par un siècle d’hystérie pubertaire et d’amitiés saphiques – mais je n’en comprendrai la raison que plus tard, quand j’aurai connaissance de la destination première de la bâtisse où je viens tout juste d’emménager. Pour l’heure, je me contente de descendre l’escalier à petits pas et de humer comme une odeur de religion dans le grand hall au dallage bicolore. Oui, ça sent l’encaustique, le parchemin, la cire fondue et la dévotion, mais je m’en fous complètement : ouste, à moi la liberté, l’air vivifiant du dehors, l’évaporation de la rosée, le petit matin rien que pour moi.
Arcady me surprend sur le perron majestueux et surmonté de sa marquise à la ferronnerie compliquée, immobile, interdite face à tant de beauté : la pinède en pente douce, les plants de myrtilliers, le soleil que les arbres filtrent en faisceaux poudreux, l’appel voilé d’un coucou, le détalement furtif d’un écureuil sur un lit de mousses et de feuilles.
– Ça te plaît ?
– Oui ! C’est trop bien !
– Prends, c’est à toi.
Je ne me le fais pas dire deux fois, et je détale moi aussi sous les grands arbres, en direction du poudroiement magique de la lumière, à la recherche de cet oiseau invisible dont les roucoulements rencontrent si bien ma propre émotion. Moyennant quoi, je ne tarde pas à tomber sur ma grand-mère, plongée dans la contemplation perplexe d’un gros tumulus de terre meuble au pied d’un pin. Elle jette à peine un regard dans ma direction :
– C’est quoi, tu crois ? Une tombe ? On dirait que quelqu’un a creusé récemment. Ça ne me dit rien qui vaille, moi, ce truc, cette maison, cet Arcady…
Je serais toute disposée à me prêter au jeu des élucubrations macabres si ma grand-mère n’était pas nue comme un ver sous la feuillée. Naturiste dans l’âme, elle ne perd pas une occasion pour se désaper, mais j’espérais quand même qu’elle attendrait un peu avant de tomber sa robe à sequins. Pour ma part, je suis habituée à voir Kirsten déambuler dans le plus simple appareil. Un de mes premiers souvenirs, c’est de m’être trouvée nez à nez avec sa vulve alors que je sortais de ma chambre. Mon regard arrivait à peu près à la hauteur du piercing industriel qui transperçait l’une de ses grandes lèvres, une sorte de rivet doré du plus bel effet, et je n’ai pas pu m’empêcher d’y porter la main pour m’en emparer fermement, suscitant des hurlements compréhensibles :
– Lâche ça, Farah, ce n’est pas un jouet !
Comme je devais avoir trois ans, j’ai tiré de plus belle sur cet objet fascinant. Bang, premier souvenir, première gifle. J’ai hurlé moi aussi, suscitant l’irruption affolée de mes parents. Prenant illico la mesure du drame qui venait de se jouer, Marqui m’a hissée dans ses bras avec une dignité réprobatrice :
– Kirsten, quand même, allez enfiler quelque chose, je ne sais pas moi, une culotte, un tee-shirt ! Vous êtes fatigante !
<<foldHeadings closed>>
!FRAMBOISE
Elle s'appelait Françoise,
Mais on l'appelait Framboise !
Une idée de l'adjudant
Qui en avait très peu, pourtant,
(des idées)...
Elle nous servait à boire
Dans un bled du Maine-et-Loire ;
Mais ce n'était pas Madelon...
Elle avait un autre nom,
Et puis d'abord pas question
De lui prendre le menton...
D'ailleurs elle était d'Antibes !
Quelle avanie !
Avanie et Framboise
Sont les mamelles du Destin !
Pour sûr qu'elle était d'Antibes !
C'est plus près que les Caraïbes,
C'est plus près que Caracas.
Est-ce plus loin que Pézenas ?
Je n'sais pas :
Et tout en étant Française,
L'était tout de même Antibaise :
Et bien qu'elle soit Française,
Et, malgré ses yeux de braise,
Ça ne me mettait pas à l'aise
De la savoir Antibaise,
Moi qui serais plutôt pour...
Quelle avanie...
Avanie et Framboise
Sont les mamelles du Destin !
Elle avait peu d'avantages :
Pour en avoir d'avantage,
Elle s'en fit rajouter
A l'institut de beauté
(Ah - ahah ! )
On peut, dans le Maine-et-Loire,
S'offrir de beaux seins en poire...
L'y a à l'institut d'Angers
Qui opère sans danger :
Des plus jeunes aux plus âgés,
On peut presque tout changer,
Excepté ce qu'on ne peut pas...
Quelle avanie...
Avanie et Framboise
Sont les mamelles du Destin !
"Davantage d'avantages,
Avantagent d'avantage"
Lui dis-je, quand elle revint
Avec ses seins Angevins...
(deux fois dix ! )
"Permets donc que je lutine
Cette poitrine angevine..."
Mais elle m'a échappé,
A pris du champ dans le pré
Et je n'ai pas couru après...
Je ne voulais pas attraper
Une Angevine de poitrine !
Moralité :
Avanie et mamelles
Sont les framboises du Destin !
!FROM TWO TO TWO
What time is it ? Quelle heure est-il ?
Deux heur's moins deux : Two to two
Quelle heure est-il ? What time is it ?
Deux heures deux : Two two
De deux moins deux à deux heur's deux voyons
ce qui se pass'
Consacrons-y notre class'
From two to two to two two. De deux heur's
moins deux à deux heur's deux
Daddy on his bike is riding to town
Papa à vélo-o se rend à la ville
From two to two to two two. De deux heur's
moins deux à deux heur's deux
My sister is swimming across the pool
Ma sœur, en nageant traverse la piscine.
From two to two to two two. De deux heur's
moins deux à deux heur's deux
Grannie is in bed eating her pudding
Grand-mère est au li-it, mangeant son pudding
From two to two to two two. De deux heur's
moins deux à deux heur's deux
Dreaming uncle John is petting the dog
Rêveur, oncle Joh-hon, caresse le chien.
Et maintenant vous possédez tout un
voca-bu-lai-air'
Vous pouvez grâce à tous ces mots tenir
"conversation"
Vous mélanger formant des phrases de mille
manié-èr'
Mille "signi-fi-qua-tion"
From two to two to two two. De deux heur's
moins deux à deux heur's deux
The dog is swimming, he's swimming to town
le chien nage, nage jusqu'à la ville
From two to two to two two. De deux heur's
moins deux à deux heur's deux
Grannie on her bike rides across the pool
Grand-mère à vélo traverse la piscine
From two to two to two two. De deux heur's
moins deux à deux heur's deux
My sister's in bed, she eats uncle John
Ma sœur est au lit, ell' mange Oncle John
From two to two to two two. De deux heur's
moins deux à deux heur's deux
Daddy is dreaming he pets his pudding
Papa en rêvant caresse son pudding. ....
!Auteurs de fables
>Notices préparées pour la séance publique "//Plaisir de Dire//" du 19 juillet, consacrée aux fables, de La Fontaine bien sûr, mais aussi de tout autre auteur.
!!!!!Site à visiter :
{{menubox{
*[[Rue des fables|http://www.ruedesfables.net/tous-les-fabulistes/]]
}}}
!!!!Notices
+++^80%^*[Jacques Prévert 1900 1977]
Jacques Prévert est un poète, scénariste, parolier
Poète populaire avec son langage familier et ses jeux sur les mots (calembours, inventions burlesques, néologismes, lapsus volontaires…) qui paraissent faciles, mais dont il fait un usage savant.
Prévert s'en prend aux stéréotypes du langage, à tout ce qui est figé, imposé :
"//A tout seigneur tout honneur//", "//Qui aime bien châtie bien//", etc.
Il les détourne de leur sens :
:"//Cent fois sur le métier remettez votre ouvrage à demain, si on ne vous paie pas le salaire d'aujourd'hui" […], //"
ou bien il invente des aphorismes :
:"//Quand les éboueurs font grève, les orduriers sont indignés" […]//".
===
+++^80%^*[Robert Desnos ]
Il n'a pas de culture savante ; il s'est construit en vrac, pataugeant dans l'immédiat de la vie qu'il mange à pleine dents, et les rêves des nuits qu'il note au tout premier réveil. Desnos monte dans la nacelle surréaliste sans se faire prier, car il a déjà expérimenté à sa façon l'écriture automatique, forme d'expression aussi peu contrôlée que possible. En 1922, c'est certain, il a rejoint l'aventure Surréaliste
===
+++^80%^*[Jean-Louis Aubert]
dit l'abbé Aubert, 1731 et mort le 10 novembre 1814 dans la même ville, est un fabuliste, poète, journaliste et critique français.
Aubert publie un recueil de Fables qui eut un grand succès. Grimm dit : « //Elles sont juste bonnes pour les enfants, et ne s'autorisent pas à être trop difficiles //»
Voltaire au contraire les recommande.
===
+++^80%^*[Antoine HOUDAR de LA MOTTE]
1672 1731
Il écrivit des opéras et des ballets. Poète et fabuliste, une mauvaise traduction de l’Iliade. le prix d’éloquence et une fois le prix de poésie.
un des fondateurs de celui de Mme de Lambert ; Il remplaça Thomas Corneille écrivit, discours de réception : //De l’influence des grands écrivains sur la perfection des langues//.
;Voltaire.
:«// Il prouva que dans l’art d’écrire on peut être encore quelque chose au second rang. //»
===
+++^80%^*[Jean-Pierre Claris de Florian]
1755 1794
Ses fables sont unanimement considérées comme les meilleures après celles de Jean de La Fontaine.
Taine critique la sentimentalité douce qui règne dans son recueil :
« //Florian, en manchettes de dentelles, discret, gracieux, coquettement tendre, aimable comme le plus aimable des abbés de cour, proposait aux dames mignonnes et fardées, en façon de fables, de jolies énigmes, et leur arrangeait un bouquet de moralités fades; il peignait d'après l’Émile la tendresse conjugale, les leçons maternelles, le devoir des rois, l'éducation des princes//. »
Les morales de certains de ses apologues sont encore citées couramment, comme
:« //Pour vivre heureux, vivons cachés// » (Le Grillon),
:« //Chacun son métier, les vaches seront bien gardées// » (Le Vacher et le Garde-chasse) ou
:« //L'asile le plus sûr est le sein d'une mère// » (La Mère, l'Enfant et les Sarigues).
Les expressions :
:« //éclairer sa lanterne //»
ou
:« //rira bien qui rira le dernier// »
elles sont tirées respectivement des fables //Le Singe qui montre la lanterne magique// et //Les Deux Paysans et le Nuage//.
===
+++^80%^*[Henri-Michel-Alfred Rieu de Montvaillant]
1826 1906
Il a écrit en français et en provençal, sous l'influence de Frédéric Mistral.
===
+++^80%^*[Anouilh]
En 1967, au cours de l'été, Anouilh écrit 47 fables, dans l'esprit de celles de La Fontaine,
Certaines seront montées sous forme de spectacle de marionnettes au théâtre de la Gaité-Montparnasse en 1968 sous le titre de ''Chansons Bêtes''.
===
!Auteurs de fables
((Trouver des fables(^
*Entrer le nom de l'auteur précédé du mot "fables" dans le champ de recherche de votre navigateur internet.
>Peu de fables passeront au travers de vos filets, mais dans votre pioche probablement très peu seront susceptibles de passer la rampe aujourd'hui !
))) +++^*@[Sites à visiter]
{{menubox{
*[[Rue des fables|http://www.ruedesfables.net/tous-les-fabulistes/]]
}}}
===
!!!!Antiques
:Avianus
:Babrius
:Bidpai (Panchatantra)
:Ésope
:Hésiode
:Ovide
:Phèdre
:Vichnou-Sarma
!!!!Médiévaux
:Eudes de Cheriton
:Heinrich der Glichesaere
:Luqman
:Maximus Planudes
:Romulus (fabuliste)
:Saadi
:Jean de Capoue
!!!!~XVe-XVIe siècles
:Abstémius
:Gabriele Faerno
:Guillaume Guéroult
:Philibert Guide
:Robert Henryson
!!!!~XVIIe siècle
:Isaac de Benserade
:Antoine Furetière
:Jean de La Fontaine
:Antoine Houdar de La Motte
:Charles Perrault
!!!!~XVIIIe siècle
:François-Jean Willemain d'Abancourt
:Esprit-Jean de Rome d'Ardène
:L'Abbé Aubert
:Jean-Jacques Boisard
:Robert Dodsley
:Antoine-Pierre Dutramblay
:Pierre de Frasnay
:Jean-Pierre Claris de Florian
:Christian Fürchtegott Gellert
:Giovanni Battista Casti
:Charles Gildon
:Johann Wilhelm Ludwig Gleim
:Carlo Gozzi
:Nicolas Grozelier
:Friedrich von Hagedorn
:Ewald Christian von Kleist
:Antoine Le Bailly
:Gotthold Ephraim Lessing
:Tomás de Iriarte
:Mancini-Nivernois
:Félix María Samaniego
:Jean-Joseph Vadé
:Alexandre Soumarokov
!!!!~XIXe siècle
:Étienne Azéma
:Jean-François Boisard
:Marcellin Caze
:Étienne Gosse
:Louis Héry
:Louis-François Jauffret
:Ivan Krylov
:Pierre Lachambeaudie
:Désiré-François Le Filleul Des Guerrots
:Jules Soliste Milscen
:Rafael Pombo
:Auguste Rigaud
:Cyrille Rigaud
:Charles-Guillaume Sourdille de la Valette
:Jean-Pons-Guillaume Viennet
:Jacques-Melchior Villefranche
!!!!~XXe siècle
:Alphonse Allain
:Jean Anouilh
:Hilaire Belloc
:Italo Calvino
:Ernesto Djédjé
:Pierre Gamarra
:Roger Kervyn de Marcke ten Driessche
:Demian Bedny
:Sergueï Mikhalkov
:Charles de Leusse
!Auteurs de fables
>La séance publique "//Plaisir de Dire//" du 19 juillet dera consacrée aux fables, de La Fontaine bien sûr, mais aussi de tout autre auteur.
!!!!!Site à visiter :
{{menubox{
*[[Rue des fables|http://www.ruedesfables.net/tous-les-fabulistes/]]
}}}
!!!!Notices
+++^80%^*[Jacques Prévert 1900 1977]
Jacques Prévert est un poète, scénariste, parolier
Poète populaire avec son langage familier et ses jeux sur les mots (calembours, inventions burlesques, néologismes, lapsus volontaires…) qui paraissent faciles, mais dont il fait un usage savant.
Prévert s'en prend aux stéréotypes du langage, à tout ce qui est figé, imposé :
"//A tout seigneur tout honneur//", "//Qui aime bien châtie bien//", etc.
Il les détourne de leur sens :
:"//Cent fois sur le métier remettez votre ouvrage à demain, si on ne vous paie pas le salaire d'aujourd'hui" […], //"
ou bien il invente des aphorismes :
:"//Quand les éboueurs font grève, les orduriers sont indignés" […]//".
===
+++^80%^*[Robert Desnos ]
Il n'a pas de culture savante ; il s'est construit en vrac, pataugeant dans l'immédiat de la vie qu'il mange à pleine dents, et les rêves des nuits qu'il note au tout premier réveil. Desnos monte dans la nacelle surréaliste sans se faire prier, car il a déjà expérimenté à sa façon l'écriture automatique, forme d'expression aussi peu contrôlée que possible. En 1922, c'est certain, il a rejoint l'aventure Surréaliste
===
+++^80%^*[Jean-Louis Aubert]
dit l'abbé Aubert, 1731 et mort le 10 novembre 1814 dans la même ville, est un fabuliste, poète, journaliste et critique français.
Aubert publie un recueil de Fables qui eut un grand succès. Grimm dit : « //Elles sont juste bonnes pour les enfants, et ne s'autorisent pas à être trop difficiles //»
Voltaire au contraire les recommande.
===
+++^80%^*[Antoine HOUDAR de LA MOTTE]
1672 1731
Il écrivit des opéras et des ballets. Poète et fabuliste, une mauvaise traduction de l’Iliade. le prix d’éloquence et une fois le prix de poésie.
un des fondateurs de celui de Mme de Lambert ; Il remplaça Thomas Corneille écrivit, discours de réception : //De l’influence des grands écrivains sur la perfection des langues//.
;Voltaire.
:«// Il prouva que dans l’art d’écrire on peut être encore quelque chose au second rang. //»
===
+++^80%^*[Jean-Pierre Claris de Florian]
1755 1794
Ses fables sont unanimement considérées comme les meilleures après celles de Jean de La Fontaine.
Taine critique la sentimentalité douce qui règne dans son recueil :
« //Florian, en manchettes de dentelles, discret, gracieux, coquettement tendre, aimable comme le plus aimable des abbés de cour, proposait aux dames mignonnes et fardées, en façon de fables, de jolies énigmes, et leur arrangeait un bouquet de moralités fades; il peignait d'après l’Émile la tendresse conjugale, les leçons maternelles, le devoir des rois, l'éducation des princes//. »
Les morales de certains de ses apologues sont encore citées couramment, comme
:« //Pour vivre heureux, vivons cachés// » (Le Grillon),
:« //Chacun son métier, les vaches seront bien gardées// » (Le Vacher et le Garde-chasse) ou
:« //L'asile le plus sûr est le sein d'une mère// » (La Mère, l'Enfant et les Sarigues).
Les expressions :
:« //éclairer sa lanterne //»
ou
:« //rira bien qui rira le dernier// »
elles sont tirées respectivement des fables //Le Singe qui montre la lanterne magique// et //Les Deux Paysans et le Nuage//.
===
+++^80%^*[Henri-Michel-Alfred Rieu de Montvaillant]
1826 1906
Il a écrit en français et en provençal, sous l'influence de Frédéric Mistral.
===
+++^80%^*[Anouilh]
En 1967, au cours de l'été, Anouilh écrit 47 fables, dans l'esprit de celles de La Fontaine,
Certaines seront montées sous forme de spectacle de marionnettes au théâtre de la Gaité-Montparnasse en 1968 sous le titre de ''Chansons Bêtes''.
===
/%
|exercice|volontaire impro|
|niveau|Plutôt difficile|
%/
!!!Faire autre chose en même temps
*Rejouer une impro avec une balle, ou toute autre action physique sans rapport avec l’intrigue
/%
|exercice|groupe déplacement|
|niveau|02 Début|
%/
!Faisons connaissance
Assis là où vous êtes :
#À l'appel de votre numéro, vous vous lèverez
#gagnerez le milieu de la salle assez lentement pour vous y rejoindre __exactement tous ensemble__ joyeusement
#chacun son tour énoncerez fortement votre prénom
#vous enlacerez avec bonheur
#et crierez au reste du groupe : "Nous sommes le numéro «x» !
#vous reviendrez assez lentement pour vous asseoir __exactement ensemble__ sur votre siège de départ.
!Faisons un rêve - Sacha Guitry
/%
|Description:|Guitry - Le troisième acte montre les amants qui s’éveillent après une nuit d’amour...|
%/ +++^90%^*[Faisons un rêve(1934)]
La pièce est jouée pour la première fois le 3 octobre 1916 au Théâtre des Bouffes-Parisiens. Dans ce contexte historique de guerre, elle se propose de distraire et de faire sourire et s’inscrit dans la lignée du vaudeville* avec le Mari (interprété par Raimu), la Femme (Charlotte Lysès), Lui (Sacha Guitry) et le Valet de chambre (Georges Barrai). Il y a des reprises en 1918, en 1921 et en 1931. En 1936, Guitry en fait un film. C’est une de ses pièces les plus souvent jouées car pleine de gaieté et construite avec habileté. Assez curieusement, Sacha Guitry avait écrit un quatrième acte qu’il supprima dès la seconde représentation mais qu’il a pourtant tenu à conserver lors de la première publication de la pièce en 1934.
Le premier acte permet au séducteur d’obtenir la promesse d’un rendez-vous ; le deuxième est un soliloque*, Lui est seul en scène, d’abord monologuant puis parlant à la Femme au téléphone, puis dans le vide, car elle est en route et arrive. Le troisième acte montre les amants qui s’éveillent après une nuit d’amour...
=== +++^90%^*[Commentaire]
Si on parle beaucoup d’amour et de désir, on ne peut pas montrer grand-chose, sauf en ce début d’acte III une image suggestive : « Ils sont, Elle et Lui, couchés - et ils dorment enlacés. » Un bruit hors scène les réveille et suscite une inquiétude de courte durée - ce n’est pas un cambrioleur. Mais l’émotion repart de plus belle puisque c’est déjà le matin. Elle est affolée et Lui s’amuse de la situation, menant un faux dialogue : « demandez-moi... », répliquant par des monosyllabes : « Oh ! Oui. », « Oh ! Si ! », jouant avec les mots : « un exquis fait - acquis », modulant, comme un metteur en scène, la lumière : « IIouvre les rideaux, et le soleil, qui n'attendait que ce signal, fait, radieux, son entrée. »
Par un effet de répétition, il insiste sur « le côté charmant » de l’aventure. Sans calcul, il promet le mariage pour tout arranger. Et comme des enfants, ils se remettent au lit pour le plaisir de se réveiller amoureux. Coup de théâtre inattendu et prévisible, le Mari arrive !
=== +++^90%^*[Du texte à la scène : Bernard MURAT]
Faisons un rêve est un vrai soleil de théâtre. Il y a là un regard à la Jules Renard, sur les hommes et les femmes, un style race, contrasté, nerveux, ciselé. Si l'on trouve bien le rythme, tout est mis sur la table avec brio : le mariage, l'adultère, le mensonge... L'œuvre est culottée avec ses personnages délicieusement menteurs et lâches. Ce qui plaît aussi à nos contemporains, c’est qu'on est à l'écart des exagérations machistes ou féministes. Guitry place le balancier au milieu du plateau de la guerre des sexes.
C'est un huis clos. J'adore le théâtre enfermé. Nous avions conçu un décor*solaire, très miel, avec des rideaux fermés. Cela se passe sur un mètre carré! Le véritable espace* de jeu, c 'est le lit (André Roussin le reprendra trente ans plus tard dans Nina/ C'est un duel interne où deux cœurs se battent. Quand l'homme passe au tutoiement, tout est exprimé... Quelle élégance ! Pour rendre visibles ces accidents de parcours cpn si • succèdent selon une planification diabolique, il faut une pulsion particulière. Ce pourrait être très bavard, mais non, ilfaut suivre le fil ronge, le western ! En même temps, il n'y a tpi'une façon de le jouer. Beaucoup de metteurs en scène ramènent de l'idéologie là où il n'y en a pas ! Il ne faut pas mettre de distanciation non plus mais jouer avec plus de vérité, de sincérité. Avec l'apport du cinéma, les acteurs ne théâtralisent plus, et c’est tant mieux. L'important, c'est la sensibilité. La pièce parle du désir. C'est ce qu'ilfaut montrer et jouer. Dans cette sensibilité, ilfaut trouver la ligne de crête que j'appelle la ligne d'honneur de l'acteur. C'est à la fois tellement sensuel et tellement écrit ! L'essentiel, c’est le désir, ce qui pousse l'homme et lafemme l’un vers l'autre.
J’ai pensé à Woody Allen parce que c’est très jazzy. Nous sommes en 1919, les gens ont besoin d'oubli, d'amour, de rire, mais ils ont encore le sens du danger. La joie de vivre retrouvée doit se sentir partout, jusque dans les costumes. L'acteur doit trouver l'équilibre entre des directions contradictoires. Par exemple, la femme est réelle avec le mari, et imaginaire face à l'amant. Je ne sais pas, dans lefond, si on dirige un acteur ! Mettre en scène une pièce, c'est mettre debout un texte couché sur le papier. A ux comédiens je dis seulement : « Avec Guitry et Feydeau, méfiez-vous, n’allez pas trop vite. Allez fort. Cela ne veut pas dire -.parlez plus fort. Mais jouez plus fort, plus large. »
===
!!!Acte III<br>Elle, Lui, le Valet de chambre
;Elle.
: Ce n’est peut-être qu’un cambrioleur.
;Lui.
:Oui, mais... un assassin, c’est un cambrioleur qu’on dérange donc...
//Il prend son revolver.//
;Elle.
: Oh ! Mon Dieu !
;Lui.
:Alors... adieu, peut-être... Embrasse-moi... //(Ils s’embrassent.)// Bouche-toiles oreilles pour ne pas entendre si je tire... Us viennent d’ouvrir le bahut... cest là-dedans quon met les balais. Quest-ce qu’ils vont faire avec ça ?... Pourvu qu’ils ne soient pas une douzaine... On m’a dit qu’il fallait toujours tirer le premier... //(Il est allé à pas de loup jusqu’à la porte du fond, il l'ouvre brusquement en disant.)// Haut les mains !
//Il se trouve nez à nez avec son valet de chambre.//
;Le Valet DE CHAMBRE.
:Mais oui, monsieur.
;Lui.
:Comment, c’est vous, espèce d’idiot !
;Le Valet DE CHAMBRE.
:Mais oui, monsieur.
;Lui.
:Qu’est-ce que vous faites là ?
;Le Valet DE CHAMBRE.
:Je fais le ménage, monsieur.
;Lui.
:Le ménage ?... À cette heure-ci !... Je vais vous flanquer dehors, moi, pour vous apprendre à faire le ménage pendant la nuit...
;Le Valet DE CHAMBRE.
:Mais, monsieur, il est huit heures.
;Lui.
:Huit heures de quoi ?
;Le Valet DE CHAMBRE.
:Mais du matin, monsieur.
;Lui.
:Oh ! Nom de Dieu !
;Le VALET DE CHAMBRE.
:Je regrette d’avoir réveillé Monsieur.
;Lui.
:Je regrette que vous ne l’ayez pas fait plus tôt !
//Il lui ferme la porte au nez. Mais U la fait claquer si violemment qu'Elle croit à un coup de feu.//
;Elle.
: Ah !
;Lui.
:Qu’cst-ce qu’il y a ?
;Elle.
: Vous l’avez tué ?
;Lui.
:Non, c’est mon valet de chambre... et je ne le tue jamais...
;Elle.
: Comment, c’est votre valet de chambre qui est là ?...
;Lui.
:Oui, mais il n’y a peut-être pas de quoi tellement s’en réjouir... car... demandez-moi pourquoi il est là, mon valet de chambre...
;Elle.
: Pourquoi est-il là, votre valet de chambre ?
;Lui.
:Parce qu’il fait le ménage !... Maintenant,par curiosité, demandez-moi pourquoi il fait le ménage ?
;Elle.
: Parce qu’il est fou.
;Lui.
:Non. Parce qu’il est huit heures du matin.
;Elle.
: Quoi ?
;Lui.
:Et maintenant, puisqu’on joue aux questions... demandez-moi si ce n’est pas une plaisanterie ?
;Elle.
: Ce n’est pas une plaisanterie ?
;Lui.
:Non... regardez bien la fenêtre... une, deux... trois !
//Il ouvre les rideaux, et le soleil, qui n'attendait que ce signal, fait, radieux, son entrée. Elle pousse un grand cri.//
;Elle.
: Oh !... Nous avons dormi toute la nuit !!!
;Lui.
:Comme des anges !
;Elle.
: Oh ! Mon Dieu ! Mon Dieu ! Mon Dieu !
;Lui.
:Mon amour adoré... ne nous affolons pas... surtout, ne nous affolons pas...
;Elle.
: Mais, mon ami, il ne s’agit pas de savoir s’il faut ou non s’affoler... il est huit heures du matin... et nous avons passé la nuit ensemble... ce n’est pas un problème à résoudre ça... c’est un fait !
;Lui.
:C’est un fait... c’est un fait - acquis... c’est même un fait exquis... Eh bien ! devant un exquis fait - acquis, il ne faut pas s’affoler...
;Elle.
: Qu’est-ce qu’il faut faire ?
;Lui.
:Il faut s’asseoir comme ça... et tâcher de ne pas rire, si on peut...
;Elle.
: Rire ?
;Lui.
:Oui.
;Elle.
: Vous avez envie de rire, vous ?
;Lui.
:Oh ! Oui.
;Elle.
: Eh bien ! pas moi !
;Lui.
:Oh ! Si !
;Elle.
: Ah ! Non... Vous trouvez ça drôle !
;Lui.
:Oh ! Oui !
;Elle.
: Mais vous ne vous rendez pas compte...
;Lui.
:Mais si.
;Elle.
: Vous vous rendez compte que je suis mariée et que j’ai découché ?
;Lui.
:Oui.
;Elle.
:Vous vous rendez compte de ce qui va se passer ?
;Lui.
:Je me rends compte de tout, mon amour, mais vous, vous ne vous rendez pas compte d’une chose, c’est qu’en ce moment vous êtes dans mon lit... avec une chemise de nuit à moi... et que c’est un spectacle ravissant !... Vous ne vous rendez pas compte que nous sommes en train de vivre des minutes incomparables... inoubliables... charmantes...
;Elle.
: Ah ! Vous trouvez que c’est charmant ?
;Lui.
:Ah ! Mais oui, par exemple !
;Elle.
: C’est abominable, voyons...
;Lui.
:Oui, aussi... Une aventure a d’ordinaire plusieurs côtés. Eh bien ! la nôtre a un côté abominable et un côté charmant. Ne m’en veuillez pas trop - chacun a son caractère - ne m’en veuillez pas trop, si malgré moi je vois d’abord le côté charmant de notre aventure !
;Elle.
: Comment... comment... il est huit heures du matin.. .je ne suis pas encore rentrée chez moi...
;Lui.
:Ça, c’est le côté abominable...
;Elle.
: Nous avons passé toute la nuit ensemble.
;Lui.
:Ça, c’est le côté charmant de l’aventure...
;Elle.
: Quand je vais rentrer chez moi...
;Lui.
:Qu est-ce que vous allez prendre !... Ça, c’est le côté abominable... mais lorsque je vous demande : « Qu’est-ce que tu prends, le matin ?» - avouez que ça, c’est le côté charmant ! -Qu’est-ce que tu prends, mon chéri ? Veux-tu du thé, du chocolat ?
;Elle.
: Est-ce que je sais...
;Lui.
:Bon, alors, tu auras du café au lait... //(À la porte du fond.)// Emile, deux cafés au lait complets - deux !
!!!!!!Extrait tiré de : Faisons un rêve, Paris, L'avant-scène théâtre, n" 1247,2008. © Ayants droit Sacha Guitry
!Figaro
+++[Tout le texte du rôle]
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//Toutes ses scèn
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''Le Mariage de Figaro''
ou ''La Folle Journée''
Texte établi par Édouard Fournier, Laplace, 1876
//(Œuvres complètes, pp. 104-164)//.}}}{{outline floatright BGPrimaryPale center{
!!!Figaro 2018//
Version 1 du 14 juin//
Scènes qui seront représentées
le 20 décembre.
Les +++[pastilles jaunes]@@ (cliquables) @@=== masquent
les fragments coupés,
ou le [[texte original|Figaro intégral]]
lorsqu'il a été modifié.
<<foldHeadings opened>>
}}}
|//[[ ? Texte en continu|Figaro2018-version imprimable]]//|
/%
|Representations|Mouffetard;Saint-Éloi;Malraux;Rentiers;|
%/
!''LA FOLLE JOURNÉE
OU
LE MARIAGE DE FIGARO''
+++[ . . . ]
!{{enormous{ACTE PREMIER}}}
//Le théâtre représente une chambre à demi démeublée ; un grand fauteuil de malade est au milieu. Figaro, avec une toise, mesure le plancher. Suzanne attache à sa tête, devant une glace, le petit bouquet de fleurs d’orange, appelé chapeau de la mariée.//
!!!!Scène I - Suzanne apprend à Figaro que le Comte prétend exercer l'ancien droit du seigneur
<<tiddler lmf101>>
!!!!Scène II - Figaro nommé Courrier des Dépêches fourbit son plan
<<tiddler lmf102>>
!!!!Scène III - Bartholo (dehors) allié à Marceline contre Figaro
<<tiddler lmf103>>
!!!!Scène IV Marceline dévoile son plan à Bartholo
<<tiddler lmf104>>
!!!!Scène V Affrontement de Suzon et Marceline
<<tiddler lmf05>>
!!!!Scène VI Colère de Suzanne
<<tiddler lmf106>>
!!!!Scène VII Suzanne, Chérubin et le ruban
<<tiddler lmf107>>
!!!!Scène VIII Le Comte tente de séduire Suzanne, CHÉRUBIN caché
<<tiddler lmf108>>
!!!!Scène IX Le COMTE et CHÉRUBIN cachés, SUZANNE, BAZILE.
<<tiddler lmf109>>
!!!!Scène X CHÉRUBIN, SUZANNE, FIGARO, LA COMTESSE, LE COMTE, FANCHETTE, BASILE.
<<tiddler lmf110>>
!!!!Scène XI CHÉRUBIN, FIGARO, BASILE.
<<tiddler lmf111>>
===
!{{enormous{ACTE DEUXIÈME}}}
//Le théâtre représente une chambre à coucher superbe, un grand lit en alcôve, une estrade au-devant. La porte pour entrer s’ouvre et se ferme à la troisième coulisse à droite ; celle d’un cabinet, à la première coulisse à gauche. Une porte, dans le fond, va chez les femmes. Une fenêtre s’ouvre de l’autre côté.//
!!!!Scène I SUZANNE ; LA COMTESSE
<<tiddler lmf201>>
!!!!Scène II FIGARO, SUZANNE, LA COMTESSE
<<tiddler lmf202>>
!!!!Scène III SUZANNE ; LA COMTESSE
<<tiddler lmf203>>
!!!!Scène IV CHÉRUBIN, l’air honteux ; SUZANNE, LA COMTESSE
<<tiddler lmf204>>
!!!!Scène V CHÉRUBIN ; LA COMTESSE
<<tiddler lmf205>>
!!!!Scène VI CHÉRUBIN, LA COMTESSE, SUZANNE
<<tiddler lmf206>>
!!!!Scène VII CHÉRUBIN, à genoux ; LA COMTESSE
<<tiddler lmf207>>
!!!!Scène VIII CHÉRUBIN, à genoux ; LA COMTESSE, assise ; SUZANNE
<<tiddler lmf208>>
!!!!Scène IX CHÉRUBIN, à genoux ; LA COMTESSE
<<tiddler lmf209>>
!!!!Scène X CHÉRUBIN, LA COMTESSE ; LE COMTE, en dehors
<<tiddler lmf210>>
!!!!Scène XI LA COMTESSE, seule
<<tiddler lmf211>>
!!!!Scène XII LE COMTE, LA COMTESSE
<<tiddler lmf212>>
!!!!Scène XIII LE COMTE, LA COMTESSE ; SUZANNE
<<tiddler lmf213>>
!!!!Scène XIV SUZANNE, CHÉRUBIN
<<tiddler lmf214>>
!!!!Scène XV SUZANNE, seule
<<tiddler lmf215>>
!!!!Scène XVI LE COMTE, LA COMTESSE
<<tiddler lmf216>>
!!!!Scène XVII LA COMTESSE, LE COMTE, SUZANNE
<<tiddler lmf217>>
!!!!Scène XVIII LA COMTESSE, assise ; SUZANNE
<<tiddler lmf218>>
!!!!Scène XIX LA COMTESSE, SUZANNE, LE COMTE
<<tiddler lmf219>>
!!!!Scène XX SUZANNE, FIGARO, LA COMTESSE, LE COMTE.
<<tiddler lmf220>>
!!!!Scène XXI FIGARO, SUZANNE, LA COMTESSE, LE COMTE, ANTONIO.
<<tiddler lmf221>>
!!!!Scène XXII BASILE, BARTHOLO, MARCELINE, FIGARO, LE COMTE, ~GRIPE-SOLEIL, LA COMTESSE, SUZANNE, ANTONIO ; valets du Comte, ses vassaux.
<<tiddler lmf222>>
!!!!Scène XXIV SUZANNE, LA COMTESSE.
<<tiddler lmf224>>
!!!!Scène XXV LA COMTESSE, seule.
<<tiddler lmf225>>
!!!!Scène XXVI LA COMTESSE, SUZANNE.
<<tiddler lmf226>>
!{{enormous{ACTE TROISIÈME}}}
//Le théâtre représente une salle du château appelée salle du trône, et servant de salle d’audience, ayant sur le côté une impériale en dais, et, dessous, le portrait du Roi.//
+++[ . . . ]
!!!!Scène I, II, III LE COMTE ; PÉDRILLE
<<tiddler lmf301-2-3>>===
!!!!Scène IV LE COMTE, seul, marche en rêvant.
<<tiddler lmf304>>
!!!!Scène V LE COMTE, FIGARO.
<<tiddler lmf305>>
!!!!Scène VI - VII Le COMTE, un laquais, FIGARO.
<<tiddler lmf306-7>>
!!!!Scène VIII LE COMTE, seul.
<<tiddler lmf308>>
!!!!Scène IX SUZANNE, LE COMTE.
<<tiddler lmf309>>
!!!!Scène X SUZANNE, FIGARO.
<<tiddler lmf310>>
!!!!Scène XI LE COMTE rentre seul.
<<tiddler lmf311>>
!!!!Scène XII BARTHOLO, MARCELINE, BRID’OISON.
<<tiddler lmf312>>
!!!!Scène XIII BARTHOLO, MARCELINE, BRID’OISON ; FIGARO
<<tiddler lmf313>>
!!!!Scène XIV BARTHOLO, MARCELINE, LE COMTE, BRID’OISON, FIGARO, UN HUISSIER.
<<tiddler lmf314>>
!!!!Scène XV Les acteurs précédents, ANTONIO, les valets du château, les paysans et paysannes en habits de fête, LE COMTE BRI,D’OISON, le greffier, MARCELINE, BARTHOLO, FIGARO
<<tiddler lmf315>>
!!!!Scène XVI LE COMTE, MARCELINE, BARTHOLO, FIGARO, BRID’OISON.
<<tiddler lmf316>>
!!!!Scène XVII BARTHOLO, FIGARO, MARCELINE, BRID’OISON, SUZANNE, ANTONIO, LE COMTE.
<<tiddler lmf317>>
!!!!Scène XVIII BARTHOLO, ANTONIO, SUZANNE, FIGARO, MARCELINE, BRID’OISON.
<<tiddler lmf318>>
!!!!Scène XIX BARTHOLO, SUZANNE, FIGARO, MARCELINE, BRID’OISON.
<<tiddler lmf319>>
!!!!Scène XX BRID’OISON, seul.
<<tiddler lmf320>>
!{{enormous{ACTE QUATRIÈME}}}
(( . . . (
//Le théâtre représente une galerie ornée de candélabres, de lustres allumés, de fleurs, de guirlandes, en un mot, préparée pour donner une fête. Sur le devant, à droite, est une table avec une écritoire ; un fauteuil derrière.//
)))
!!!!Scène I FIGARO, SUZANNE.
<<tiddler lmf401>>
!!!!Scène II FIGARO, SUZANNE, LA COMTESSE.
<<tiddler lmf402>>
+++[ . . . ]
!!!!Scène III SUZANNE, LA COMTESSE.
<<tiddler lmf403>>
!!!!Scène IV Une jeune bergère, CHÉRUBIN en fille, FANCHETTE et beaucoup de jeunes filles habillées comme elle, et tenant des bouquets ; LA COMTESSE, SUZANNE.
<<tiddler lmf404>>
!!!!Scène V Les jeunes filles, Chérubin au milieu d’elles ; FANCHETTE, ANTONIO, LE COMTE, LA COMTESSE, SUZANNE.
<<tiddler lmf405>>
!!!!Scène VI Les jeunes filles, CHÉRUBIN, ANTONIO, FIGARO, LE COMTE, LA COMTESSE, SUZANNE.
<<tiddler lmf406>>
!!!!Scène VII CHÉRUBIN, LE COMTE, LA COMTESSE.
<<tiddler lmf407>>
!!!!Scène VIII LE COMTE, LA COMTESSE.
<<tiddler lmf408>>
!!!!Scène IX LE COMTE, LA COMTESSE, assis. et Tous pour la remise de l toque à la nouvelle mariée
<<tiddler lmf409>>
!!!!Scène X Tous les Acteurs précédents, excepté la Comtesse et Suzanne ; BASILE tenant sa guitare ; ~GRIPPE-SOLEIL.
<<tiddler lmf410>>
!!!!Scène XI Les acteurs précédents, excepté BASILE.
<<tiddler lmf411>>
!!!!Scène XII ~GRIPPE-SOLEIL, FIGARO, MARCELINE, LE COMTE.
<<tiddler lmf412>>
!!!!Scène XIII FIGARO, MARCELINE.
<<tiddler lmf413>>
!!!!Scène XIV FIGARO, FANCHETTE, MARCELINE.
<<tiddler lmf414>>
!!!!Scène XV XVI FIGARO, MARCELINE.
<<tiddler lmf415-16>>
!{{enormous{ACTE CINQUIÈME}}}
//Le théâtre représente une salle de marronniers, dans un parc ; deux pavillons, kiosques, ou temples de jardins, sont à droite et à gauche ; le fond est une clairière ornée, un siège de gazon sur le devant. Le théâtre est obscur.//
!!!!Scène I FANCHETTE
<<tiddler lmf501>>
!!!!Scène II FIGARO, BASILE, ANTONIO, BARTHOLO, BRID’OISON, ~GRIPPE-SOLEIL ; troupe de valets et de travailleurs.
<<tiddler lmf502>>
!!!!Scène III FIGARO
<<tiddler lmf503>>
!!!!Scène IV FIGARO, LA COMTESSE avec les habits de Suzon, SUZANNE avec ceux de la Comtesse, MARCELINE.
<<tiddler lmf504>>
!!!!Scène V FIGARO, LA COMTESSE, SUZANNE.
<<tiddler lmf505>>
!!!!Scène VI FIGARO, CHÉRUBIN, LE COMTE, LA COMTESSE, SUZANNE.
<<tiddler lmf506>>
!!!!Scène VII FIGARO, LE COMTE, LA COMTESSE, SUZANNE.
<<tiddler lmf507>>
!!!!Scène VIII FIGARO, SUZANNE, dans l’obscurité.
<<tiddler lmf508>>
!!!!Scène IX LE COMTE, FIGARO, SUZANNE.
<<tiddler lmf509-10>>
!!!!Scène XI PÉDRILLE, LE COMTE, FIGARO.
<<tiddler lmf511>>
!!!!Scène XII XIII Les précédents, BRID’OISON, BARTHOLO, BASILE, ANTONIO, ~GRIPPE-SOLEIL
<<tiddler lmf512-13>>
!!!!Scène XIV XV Les précédents, LE COMTE, CHÉRUBIN.
<<tiddler lmf214-15>>
!!!!Scène XVI Les précédents, ANTONIO, FANCHETTE.
<<tiddler lmf516>>
!!!!Scène XVII Les précédents, MARCELINE.
<<tiddler lmf517>>
!!!!Scène XVIII Les précédents, SUZANNE.
<<tiddler lmf518>>
!!!!Scène XIX Tous les précédents, LA COMTESSE.
<<tiddler lmf519>>
!VAUDEVILLE
<<tiddler lmfVaudeville>>
===
<<foldHeadings closed>>
/%
|auteur|Beaumarchais|
|distribution|Éveline Yvonne Michèle Claudine Denise Nic Gérard Jacques|
|temps|65 mn|
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''Le Mariage de Figaro''
ou ''La Folle Journée''
Texte établi par Édouard Fournier, Laplace, 1876
//(Œuvres complètes, pp. 104-164)//.}}}{{outline floatright BGPrimaryPale center{
!!!Figaro 2019//
Version 1 du 14 juin//
Scènes qui seront représentées
le 20 décembre.
Les +++[pastilles jaunes]@@ (cliquables) @@=== masquent
les fragments coupés,
ou le [[texte original|Figaro intégral]]
lorsqu'il a été modifié.
<<foldHeadings opened>>
[[Liste des modifications apportées|Modifications du texte de Figaro]]
}}}
|//[[ ? Texte en continu|Figaro2018-version imprimable]]//|
!''LA FOLLE JOURNÉE
OU
LE MARIAGE DE FIGARO''
+++[ . . . ]
!{{enormous{ACTE PREMIER}}}
//Le théâtre représente une chambre à demi démeublée ; un grand fauteuil de malade est au milieu. Figaro, avec une toise, mesure le plancher. Suzanne attache à sa tête, devant une glace, le petit bouquet de fleurs d’orange, appelé chapeau de la mariée.//
!!!!Scène I - Suzanne apprend à Figaro que le Comte prétend exercer l'ancien droit du seigneur
<<tiddler lmf101>>
!!!!Scène II - Figaro nommé Courrier des Dépêches fourbit son plan
<<tiddler lmf102>>
!!!!Scène III - Bartholo (dehors) allié à Marceline contre Figaro
<<tiddler lmf103>>
!!!!Scène IV Marceline dévoile son plan à Bartholo
<<tiddler lmf104>>
!!!!Scène V Affrontement de Suzon et Marceline
<<tiddler lmf05>>
!!!!Scène VI Colère de Suzanne
<<tiddler lmf106>>
!!!!Scène VII Suzanne, Chérubin et le ruban
<<tiddler lmf107>>
!!!!Scène VIII Le Comte tente de séduire Suzanne, CHÉRUBIN caché
<<tiddler lmf108>>
!!!!Scène IX Le COMTE et CHÉRUBIN cachés, SUZANNE, BAZILE.
<<tiddler lmf109>>
!!!!Scène X CHÉRUBIN, SUZANNE, FIGARO, LA COMTESSE, LE COMTE, FANCHETTE, BASILE.
<<tiddler lmf110>>
!!!!Scène XI CHÉRUBIN, FIGARO, BASILE.
<<tiddler lmf111>>
===
!{{enormous{ACTE DEUXIÈME}}}
//Le théâtre représente une chambre à coucher superbe, un grand lit en alcôve, une estrade au-devant. La porte pour entrer s’ouvre et se ferme à la troisième coulisse à droite ; celle d’un cabinet, à la première coulisse à gauche. Une porte, dans le fond, va chez les femmes. Une fenêtre s’ouvre de l’autre côté.//
!!!!Scène I SUZANNE ; LA COMTESSE
<<tiddler lmf201>>
!!!!Scène II FIGARO, SUZANNE, LA COMTESSE
<<tiddler lmf202>>
!!!!Scène III SUZANNE ; LA COMTESSE
<<tiddler lmf203>>
!!!!Scène IV CHÉRUBIN, l’air honteux ; SUZANNE, LA COMTESSE
<<tiddler lmf204>>
!!!!Scène V CHÉRUBIN ; LA COMTESSE
<<tiddler lmf205>>
!!!!Scène VI CHÉRUBIN, LA COMTESSE, SUZANNE
<<tiddler lmf206>>
!!!!Scène VII CHÉRUBIN, à genoux ; LA COMTESSE
<<tiddler lmf207>>
!!!!Scène VIII CHÉRUBIN, à genoux ; LA COMTESSE, assise ; SUZANNE
<<tiddler lmf208>>
!!!!Scène IX CHÉRUBIN, à genoux ; LA COMTESSE
<<tiddler lmf209>>
!!!!Scène X CHÉRUBIN, LA COMTESSE ; LE COMTE, en dehors
<<tiddler lmf210>>
!!!!Scène XI LA COMTESSE, seule
<<tiddler lmf211>>
!!!!Scène XII LE COMTE, LA COMTESSE
<<tiddler lmf212>>
!!!!Scène XIII LE COMTE, LA COMTESSE ; SUZANNE
<<tiddler lmf213>>
!!!!Scène XIV SUZANNE, CHÉRUBIN
<<tiddler lmf214>>
!!!!Scène XV SUZANNE, seule
<<tiddler lmf215>>
!!!!Scène XVI LE COMTE, LA COMTESSE
<<tiddler lmf216>>
!!!!Scène XVII LA COMTESSE, LE COMTE, SUZANNE
<<tiddler lmf217>>
!!!!Scène XVIII LA COMTESSE, assise ; SUZANNE
<<tiddler lmf218>>
!!!!Scène XIX LA COMTESSE, SUZANNE, LE COMTE
<<tiddler lmf219>>
!!!!Scène XX SUZANNE, FIGARO, LA COMTESSE, LE COMTE.
<<tiddler lmf220>>
!!!!Scène XXI FIGARO, SUZANNE, LA COMTESSE, LE COMTE, ANTONIO.
<<tiddler lmf221>>
!!!!Scène XXII BASILE, BARTHOLO, MARCELINE, FIGARO, LE COMTE, ~GRIPE-SOLEIL, LA COMTESSE, SUZANNE, ANTONIO ; valets du Comte, ses vassaux.
<<tiddler lmf222>>
!!!!Scène XXIV SUZANNE, LA COMTESSE.
<<tiddler lmf224>>
!!!!Scène XXV LA COMTESSE, seule.
<<tiddler lmf225>>
!!!!Scène XXVI LA COMTESSE, SUZANNE.
<<tiddler lmf226>>
!{{enormous{ACTE TROISIÈME}}}
//Le théâtre représente une salle du château appelée salle du trône, et servant de salle d’audience, ayant sur le côté une impériale en dais, et, dessous, le portrait du Roi.//
+++[ . . . ]
!!!!Scène I, II, III LE COMTE ; PÉDRILLE
<<tiddler lmf301-2-3>>===
!!!!Scène IV LE COMTE, seul, marche en rêvant.
<<tiddler lmf304>>
!!!!Scène V LE COMTE, FIGARO.
<<tiddler lmf305>>
!!!!Scène VI - VII Le COMTE, un laquais, FIGARO.
<<tiddler lmf306-7>>
!!!!Scène VIII LE COMTE, seul.
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!!!!Scène IX SUZANNE, LE COMTE.
<<tiddler lmf309>>
!!!!Scène X SUZANNE, FIGARO.
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!!!!Scène XI LE COMTE rentre seul.
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!!!!Scène XII BARTHOLO, MARCELINE, BRID’OISON.
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!!!!Scène XIII BARTHOLO, MARCELINE, BRID’OISON ; FIGARO
<<tiddler lmf313>>
!!!!Scène XIV BARTHOLO, MARCELINE, LE COMTE, BRID’OISON, FIGARO, UN HUISSIER.
<<tiddler lmf314>>
!!!!Scène XV Les acteurs précédents, ANTONIO, les valets du château, les paysans et paysannes en habits de fête, LE COMTE BRI,D’OISON, le greffier, MARCELINE, BARTHOLO, FIGARO
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!!!!Scène XVI LE COMTE, MARCELINE, BARTHOLO, FIGARO, BRID’OISON.
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!!!!Scène XIX BARTHOLO, SUZANNE, FIGARO, MARCELINE, BRID’OISON.
<<tiddler lmf319>>%/
!!!!Scène XX BRID’OISON, seul.
<<tiddler lmf320>>
!{{enormous{ACTE QUATRIÈME}}}
(( . . . (
//Le théâtre représente une galerie ornée de candélabres, de lustres allumés, de fleurs, de guirlandes, en un mot, préparée pour donner une fête. Sur le devant, à droite, est une table avec une écritoire ; un fauteuil derrière.//
)))
!!!!Scène I FIGARO, SUZANNE.
<<tiddler lmf401>>
!!!!Scène II FIGARO, SUZANNE, LA COMTESSE.
<<tiddler lmf402>>
+++[ . . . ]
!!!!Scène III SUZANNE, LA COMTESSE.
<<tiddler lmf403>>
!!!!Scène IV Une jeune bergère, CHÉRUBIN en fille, FANCHETTE et beaucoup de jeunes filles habillées comme elle, et tenant des bouquets ; LA COMTESSE, SUZANNE.
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!!!!Scène VII CHÉRUBIN, LE COMTE, LA COMTESSE.
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!!!!Scène VIII LE COMTE, LA COMTESSE.
<<tiddler lmf408>>
!!!!Scène IX LE COMTE, LA COMTESSE, assis. et Tous pour la remise de l toque à la nouvelle mariée
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!!!!Scène X Tous les Acteurs précédents, excepté la Comtesse et Suzanne ; BASILE tenant sa guitare ; ~GRIPPE-SOLEIL.
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!!!!Scène XIII FIGARO, MARCELINE.
<<tiddler lmf413>>
!!!!Scène XIV FIGARO, FANCHETTE, MARCELINE.
<<tiddler lmf414>>
!!!!Scène XV XVI FIGARO, MARCELINE.
<<tiddler lmf415-16>>
!{{enormous{ACTE CINQUIÈME}}}
//Le théâtre représente une salle de marronniers, dans un parc ; deux pavillons, kiosques, ou temples de jardins, sont à droite et à gauche ; le fond est une clairière ornée, un siège de gazon sur le devant. Le théâtre est obscur.//
!!!!Scène I FANCHETTE
<<tiddler lmf501>>
!!!!Scène II FIGARO, BASILE, ANTONIO, BARTHOLO, BRID’OISON, ~GRIPPE-SOLEIL ; troupe de valets et de travailleurs.
<<tiddler lmf502>>
!!!!Scène III FIGARO
<<tiddler lmf503>>
!!!!Scène IV FIGARO, LA COMTESSE avec les habits de Suzon, SUZANNE avec ceux de la Comtesse, MARCELINE.
<<tiddler lmf504>>
!!!!Scène V FIGARO, LA COMTESSE, SUZANNE.
<<tiddler lmf505>>
!!!!Scène VI FIGARO, CHÉRUBIN, LE COMTE, LA COMTESSE, SUZANNE.
<<tiddler lmf506>>
!!!!Scène VII FIGARO, LE COMTE, LA COMTESSE, SUZANNE.
<<tiddler lmf507>>
!!!!Scène VIII FIGARO, SUZANNE, dans l’obscurité.
<<tiddler lmf508>>
!!!!Scène IX LE COMTE, FIGARO, SUZANNE.
<<tiddler lmf509-10>>
!!!!Scène XI PÉDRILLE, LE COMTE, FIGARO.
<<tiddler lmf511>>
!!!!Scène XII XIII Les précédents, BRID’OISON, BARTHOLO, BASILE, ANTONIO, ~GRIPPE-SOLEIL
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!!!!Scène XIV XV Les précédents, LE COMTE, CHÉRUBIN.
<<tiddler lmf214-15>>
!!!!Scène XVI Les précédents, ANTONIO, FANCHETTE.
<<tiddler lmf516>>
!!!!Scène XVII Les précédents, MARCELINE.
<<tiddler lmf517>>
!!!!Scène XVIII Les précédents, SUZANNE.
<<tiddler lmf518>>
!!!!Scène XIX Tous les précédents, LA COMTESSE.
<<tiddler lmf519>>
!VAUDEVILLE
<<tiddler lmfVaudeville>>
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<<foldHeadings closed>>
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[[ ? Scènes qui seront représentées le 20 décembre|Figaro 2018]].}}} {{small{Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais
Le Mariage de Figaro ou La Folle Journée
Texte établi par Édouard Fournier, Laplace, 1876 //(Œuvres complètes, pp. 104-164)//.}}}
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|Representations|Mouffetard;Saint-Éloi;Malraux;Rentiers;|
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OU
LE MARIAGE DE FIGARO}}}
!{{enormous{ACTE PREMIER}}}
//Le théâtre représente une chambre à demi démeublée ; un grand fauteuil de malade est au milieu. Figaro, avec une toise, mesure le plancher. Suzanne attache à sa tête, devant une glace, le petit bouquet de fleurs d’orange, appelé chapeau de la mariée.//
!Scène I - Suzanne apprend à Figaro que le Comte prétend exercer l'ancien droit du seigneur
<<tiddler lmf101>>
!Scène II - Figaro nommé Courrier des Dépêches fourbit son plan
<<tiddler lmf102>>
!Scène III - Bartholo (dehors) allié à Marceline contre Figaro
<<tiddler lmf103>>
!Scène IV Marceline dévoile son plan à Bartholo
<<tiddler lmf104>>
!Scène V Affrontement de Suzon et Marceline
<<tiddler lmf05>>
!Scène VI Colère de Suzanne
<<tiddler lmf106>>
!Scène VII Suzanne, Chérubin et le ruban
<<tiddler lmf107>>
!Scène VIII Le Comte tente de séduire Suzanne, CHÉRUBIN caché
<<tiddler lmf108>>
!Scène IX Le COMTE et CHÉRUBIN cachés, SUZANNE, BAZILE.
<<tiddler lmf109>>
!Scène X CHÉRUBIN, SUZANNE, FIGARO, LA COMTESSE, LE COMTE, FANCHETTE, BASILE.
<<tiddler lmf110>>
!Scène XI CHÉRUBIN, FIGARO, BASILE.
<<tiddler lmf111>>
!{{enormous{ACTE DEUXIÈME}}}
//Le théâtre représente une chambre à coucher superbe, un grand lit en alcôve, une estrade au-devant. La porte pour entrer s’ouvre et se ferme à la troisième coulisse à droite ; celle d’un cabinet, à la première coulisse à gauche. Une porte, dans le fond, va chez les femmes. Une fenêtre s’ouvre de l’autre côté.//
!Scène I SUZANNE ; LA COMTESSE
<<tiddler lmf201>>
!Scène II FIGARO, SUZANNE, LA COMTESSE
<<tiddler lmf202>>
!Scène III SUZANNE ; LA COMTESSE
<<tiddler lmf203>>
!Scène IV CHÉRUBIN, l’air honteux ; SUZANNE, LA COMTESSE
<<tiddler lmf204>>
!Scène V CHÉRUBIN ; LA COMTESSE
<<tiddler lmf205>>
!Scène VI CHÉRUBIN, LA COMTESSE, SUZANNE
<<tiddler lmf206>>
!Scène VII CHÉRUBIN, à genoux ; LA COMTESSE
<<tiddler lmf207>>
!Scène VIII CHÉRUBIN, à genoux ; LA COMTESSE, assise ; SUZANNE
<<tiddler lmf208>>
!Scène IX CHÉRUBIN, à genoux ; LA COMTESSE
<<tiddler lmf209>>
!Scène X CHÉRUBIN, LA COMTESSE ; LE COMTE, en dehors
<<tiddler lmf210>>
!Scène XI LA COMTESSE, seule
<<tiddler lmf211>>
!Scène XII LE COMTE, LA COMTESSE
<<tiddler lmf212>>
!Scène XIII LE COMTE, LA COMTESSE ; SUZANNE
<<tiddler lmf213>>
!Scène XIV SUZANNE, CHÉRUBIN
<<tiddler lmf214>>
!Scène XV SUZANNE, seule
<<tiddler lmf215>>
!Scène XVI LE COMTE, LA COMTESSE
<<tiddler lmf216>>
!Scène XVII LA COMTESSE, LE COMTE, SUZANNE
<<tiddler lmf217>>
!Scène XVIII LA COMTESSE, assise ; SUZANNE
<<tiddler lmf218>>
!Scène XIX LA COMTESSE, SUZANNE, LE COMTE
<<tiddler lmf219>>
!Scène XX SUZANNE, FIGARO, LA COMTESSE, LE COMTE.
<<tiddler lmf220>>
!Scène XXI FIGARO, SUZANNE, LA COMTESSE, LE COMTE, ANTONIO.
<<tiddler lmf221>>
!Scène XXII BASILE, BARTHOLO, MARCELINE, FIGARO, LE COMTE, ~GRIPE-SOLEIL, LA COMTESSE, SUZANNE, ANTONIO ; valets du Comte, ses vassaux.
<<tiddler lmf222>>
!Scène XXIII Les acteurs précédents, excepté Le COMTE.
<<tiddler lmf223>>
!Scène XXIV SUZANNE, LA COMTESSE.
<<tiddler lmf224>>
!Scène XXV LA COMTESSE, seule.
<<tiddler lmf225>>
!Scène XXVI LA COMTESSE, SUZANNE.
<<tiddler lmf226>>
!{{enormous{ACTE TROISIÈME}}}
//Le théâtre représente une salle du château appelée salle du trône, et servant de salle d’audience, ayant sur le côté une impériale en dais, et, dessous, le portrait du Roi.//
!Scène I, II, III LE COMTE ; PÉDRILLE
<<tiddler lmf301-2-3>>
!Scène IV LE COMTE, seul, marche en rêvant.
<<tiddler lmf304>>
!Scène V LE COMTE, FIGARO.
<<tiddler lmf305>>
!Scène VI - VII Le COMTE, un laquais, FIGARO.
<<tiddler lmf306-7>>
!Scène VIII LE COMTE, seul.
<<tiddler lmf308>>
!Scène IX SUZANNE, LE COMTE.
<<tiddler lmf309>>
!Scène X SUZANNE, FIGARO.
<<tiddler lmf310>>
!Scène XI LE COMTE rentre seul.
<<tiddler lmf311>>
!Scène XII BARTHOLO, MARCELINE, BRID’OISON.
<<tiddler lmf312>>
!Scène XIII BARTHOLO, MARCELINE, BRID’OISON ; FIGARO
<<tiddler lmf313>>
!Scène XIV BARTHOLO, MARCELINE, LE COMTE, BRID’OISON, FIGARO, UN HUISSIER.
<<tiddler lmf314>>
!Scène XV Les acteurs précédents, ANTONIO, les valets du château, les paysans et paysannes en habits de fête, LE COMTE BRI,D’OISON, le greffier, MARCELINE, BARTHOLO, FIGARO
<<tiddler lmf315>>
!Scène XVI LE COMTE, MARCELINE, BARTHOLO, FIGARO, BRID’OISON.
<<tiddler lmf316>>
!Scène XVII BARTHOLO, FIGARO, MARCELINE, BRID’OISON, SUZANNE, ANTONIO, LE COMTE.
<<tiddler lmf317>>
!Scène XVIII BARTHOLO, ANTONIO, SUZANNE, FIGARO, MARCELINE, BRID’OISON.
<<tiddler lmf318>>
!Scène XIX BARTHOLO, SUZANNE, FIGARO, MARCELINE, BRID’OISON.
<<tiddler lmf319>>
!Scène XX BRID’OISON, seul.
<<tiddler lmf320>>
!{{enormous{ACTE QUATRIÈME}}}
//Le théâtre représente une galerie ornée de candélabres, de lustres allumés, de fleurs, de guirlandes, en un mot, préparée pour donner une fête. Sur le devant, à droite, est une table avec une écritoire ; un fauteuil derrière.//
!Scène I FIGARO, SUZANNE.
<<tiddler lmf401>>
!Scène II FIGARO, SUZANNE, LA COMTESSE.
<<tiddler lmf402>>
!Scène III SUZANNE, LA COMTESSE.
<<tiddler lmf403>>
!Scène IV Une jeune bergère, CHÉRUBIN en fille, FANCHETTE et beaucoup de jeunes filles habillées comme elle, et tenant des bouquets ; LA COMTESSE, SUZANNE.
<<tiddler lmf404>>
!Scène V Les jeunes filles, Chérubin au milieu d’elles ; FANCHETTE, ANTONIO, LE COMTE, LA COMTESSE, SUZANNE.
<<tiddler lmf405>>
!Scène VI Les jeunes filles, CHÉRUBIN, ANTONIO, FIGARO, LE COMTE, LA COMTESSE, SUZANNE.
<<tiddler lmf406>>
!Scène VII CHÉRUBIN, LE COMTE, LA COMTESSE.
<<tiddler lmf407>>
!Scène VIII LE COMTE, LA COMTESSE.
<<tiddler lmf408>>
!Scène IX LE COMTE, LA COMTESSE, assis. et Tous pour la remise de l toque à la nouvelle mariée
<<tiddler lmf409>>
!Scène X Tous les Acteurs précédents, excepté la Comtesse et Suzanne ; BASILE tenant sa guitare ; ~GRIPPE-SOLEIL.
<<tiddler lmf410>>
!Scène XI Les acteurs précédents, excepté BASILE.
<<tiddler lmf411>>
!Scène XII ~GRIPPE-SOLEIL, FIGARO, MARCELINE, LE COMTE.
<<tiddler lmf412>>
!Scène XIII FIGARO, MARCELINE.
<<tiddler lmf413>>
!Scène XIV FIGARO, FANCHETTE, MARCELINE.
<<tiddler lmf414>>
!Scène XV XVI FIGARO, MARCELINE.
<<tiddler lmf415-16>>
!{{enormous{ACTE CINQUIÈME}}}
//Le théâtre représente une salle de marronniers, dans un parc ; deux pavillons, kiosques, ou temples de jardins, sont à droite et à gauche ; le fond est une clairière ornée, un siège de gazon sur le devant. Le théâtre est obscur.//
!Scène I FANCHETTE
<<tiddler lmf501>>
!Scène II FIGARO, BASILE, ANTONIO, BARTHOLO, BRID’OISON, ~GRIPPE-SOLEIL ; troupe de valets et de travailleurs.
<<tiddler lmf502>>
!Scène III FIGARO
<<tiddler lmf503>>
!Scène IV FIGARO, LA COMTESSE avec les habits de Suzon, SUZANNE avec ceux de la Comtesse, MARCELINE.
<<tiddler lmf504>>
!Scène V FIGARO, LA COMTESSE, SUZANNE.
<<tiddler lmf505>>
!Scène VI FIGARO, CHÉRUBIN, LE COMTE, LA COMTESSE, SUZANNE.
<<tiddler lmf506>>
!Scène VII FIGARO, LE COMTE, LA COMTESSE, SUZANNE.
<<tiddler lmf507>>
!Scène VIII FIGARO, SUZANNE, dans l’obscurité.
<<tiddler lmf508>>
!Scène IX LE COMTE, FIGARO, SUZANNE.
<<tiddler lmf509-10>>
!Scène XI PÉDRILLE, LE COMTE, FIGARO.
<<tiddler lmf511>>
!Scène XII XIII Les précédents, BRID’OISON, BARTHOLO, BASILE, ANTONIO, ~GRIPPE-SOLEIL
<<tiddler lmf512-13>>
!Scène XIV XV Les précédents, LE COMTE, CHÉRUBIN.
<<tiddler lmf214-15>>
!Scène XVI Les précédents, ANTONIO, FANCHETTE.
<<tiddler lmf516>>
!Scène XVII Les précédents, MARCELINE.
<<tiddler lmf517>>
!Scène XVIII Les précédents, SUZANNE.
<<tiddler lmf518>>
!Scène XIX Tous les précédents, LA COMTESSE.
<<tiddler lmf519>>
!VAUDEVILLE
<<tiddler lmfVaudeville>>
<<foldHeadings closed>>
!FIGARO 2018
<<forEachTiddler
where
' tiddler.tags.contains ("16-06")'
sortBy 'tiddler.title'
write
'"----\n<<tiddler [["+tiddler.title+"]]$))\n"'
>>
/%note%/ccc
http://ateliertheatre.tiddlyspot.com
<<permaLink>>
/%
|exercice|groupe concentration déplacement|
|niveau|Plutôt difficile|
%/
!Figures de groupe
#Tout le monde marche dans tous les sens.
#Au top, le groupe doit former une figure annoncée,de la manière la plus fluide et synchronisée possible
#*Tous commencent en même temps et atteignent leur nouvelle place en même temps.
##Un cercle,
##un triangle,
##un coeur,
##la lettre Z
#Quand une figure est correctement exécutée, la faire tourner lentement sans la déformer sur le plateau.
{{center{
Fleur de quinze ans, si Dieu vous sauve et gard,
J'ai en amour trouvé cinq points expres.
Premierement il y a le regard
Puis le devis et le baiser après,
L'attouchement suit le baiser de près,
Et tous ceux la tendent au dernier point,
Qui est, je ne le diray point ;
Mais s'il vous plait en ma chambre vous rendre,
Je me mettray volontiers en pourpoint,
Voire tout nud, pour le vous faire apprendre.
}}}
^^@textes @30avril @antolinos @geneviève^^
/***
|Name|FoldHeadingsPlugin|
|Source|http://www.TiddlyTools.com/#FoldHeadingsPlugin|
|Version|1.1.2|
|Author|Eric Shulman|
|License|http://www.TiddlyTools.com/#LegalStatements|
|~CoreVersion|2.1|
|Type|plugin|
|Description|automatically turn headings into slider-like panels that can be folded/unfolded with a single click|
This plugin defines a macro that automatically converts heading-formatted content into sliders that let you expand/collapse their content by clicking on individual headings.
!!!!!Usage
<<<
{{{
<<foldHeadings opened|closed tag tag tag...>>
}}}
where: ''opened'' or ''closed'' is a keyword indicating the initial state of the sections (default: opened), and ''tag tag tag...'' is an optional list of tags to match, so that the foldable effect is only applied to tiddlers that contain one (or more) of the indicated tags.
When you place the macro in a tiddler, any heading-formatted content (i.e, "!" through "!!!!!") in that tiddler will automatically become //'fold-able'//, allowing you to expand/collapse the content that follows each heading simply by clicking on that heading. Each content section begins with the first element following a heading, and continues until either another heading is found or the end of the tiddler is reached. For example:
{{{
<<foldHeadings closed>>
}}}
is embedded in ''this'' tiddler in order to make all the headings it contains 'fold-able'. Note that the macro has been placed at the //end// of the tiddler because it only operates on *rendered* content. Thus, only headings that //precede// it in the same tiddler will become fold-able, as any headings that //follow// it are not actually rendered until //after// the macro has been processed.
You can further limit the effect of the macro within the tiddler by surrounding several headings in a "CSS class wrapper" ("""{{classname{...}}}""") or other containing DOM element (e.g., """@@display:inline;...@@""") and then embedding the {{{<<foldHeadings>>}}} macro inside that container (at the end)... only those headings that are also within that container will be made fold-able, instead of converting ''all'' the headings in that tiddler.
Conversely, if you want the fold-able ability to apply to the headings in //all// tiddlers, ''without having to alter //any// of those individual tiddlers'', you can add the macro to the end of your [[ViewTemplate]], so that it will be invoked after the content in each tiddler has been rendered, causing all headings they contain to automatically become fold-able. For example:
{{{
<span macro="foldHeadings closed"></span>
}}}
You can also limit this effect to selected tiddlers by specifying one or more tags as additional macro parameters. For example:
{{{
<span macro="foldHeadings closed systemConfig"></span>
}}}
is only applied to headings contained in //plugin tiddlers// (i.e., tiddlers tagged with <<tag systemConfig>>), while headings in other tiddlers remain unaffected by the macro, even though it is embedded in the common [[ViewTemplate]] definition.
<<<
!!!!!Revisions
<<<
2009.11.30 [1.1.2] corrected CSS 'text-weight' to 'font-weight'
2009.01.06 [1.1.1] removed hijack of scrollToSection() (see [[SectionLinksPlugin]] for equivalent code)
2008.11.17 [1.1.0] added hijack of 'scrollToSection()' function (see [[CoreTweaks]] and http://trac.tiddlywiki.org/ticket/784)
2007.12.06 [1.0.2] fix handling for empty sections when checking for sliderPanel/floatingPanel
2007.12.02 [1.0.1] fix handling when content following a heading is already a sliderPanel/floatingPanel
2007.12.01 [1.0.0] initial release
<<<
!!!!!Code
***/
//{{{
version.extensions.FoldHeadingsPlugin= {major: 1, minor: 1, revision: 2, date: new Date(2009,11,30)};
config.macros.foldHeadings = {
guideText: "opened|closed className",
showtip: "afficher '%0'",
hidetip: "masquer '%0'",
showlabel: " + ",
hidelabel: " x ",
html: "<span style='float:right;font-weight:normal;font-size:80%;' class='TiddlyLinkExisting'>%0 </span>",
handler: function(place,macroName,params) {
var show=params[0] && params.shift().toLowerCase()!="closed";
if (params.length) { // if filtering by tag(s)
var here=story.findContainingTiddler(place);
if (here) var tid=store.getTiddler(here.getAttribute("tiddler"));
if (!tid || !tid.tags.containsAny(params)) return; // in a tiddler and not tagged... do nothing...
}
var elems=place.parentNode.getElementsByTagName("*");
var heads=[]; for (var i=0; i<elems.length; i++) { // get non-foldable heading elements
var n=elems[i].nodeName; var foldable=hasClass(elems[i],"foldable");
if ((n=="H1"||n=="H2"||n=="H3"||n=="H4"||n=="H5")&&!foldable)
heads.push(elems[i]);
}
for (var i=0; i<heads.length; i++) { var h=heads[i]; // for each heading element...
// find start/end of section content (up to next heading or end of content)
var start=end=h.nextSibling; while (end && end.nextSibling) {
var n=end.nextSibling.nodeName.toUpperCase();
if (n=="H1"||n=="H2"||n=="H3"||n=="H4"||n=="H5") break;
end=end.nextSibling;
}
if (start && hasClass(start,"sliderPanel")||hasClass(start,"floatingPanel")) continue; // heading is already a slider!
var span=createTiddlyElement(null,"span",null,"sliderPanel"); // create container
span.style.display=show?"inline":"none"; // set initial display state
h.parentNode.insertBefore(span,start); // and insert it following the heading element
// move section elements into container...
var e=start; while (e) { var next=e.nextSibling; span.insertBefore(e,null); if (e==end) break; e=next; }
// set heading label/tip/cursor...
h.title=(show?this.hidetip:this.showtip).format([h.textContent])
h.innerHTML=this.html.format([show?this.hidelabel:this.showlabel])+h.innerHTML;
h.style.cursor='pointer';
addClass(h,"foldable"); // so we know it been done (and to add extra styles)
h.onclick=function() {
var panel=this.nextSibling; var show=panel.style.display=="none";
// update panel display state
if (config.options.chkAnimate) anim.startAnimating(new Slider(panel,show));
else panel.style.display = show?"inline":"none";
// update heading label/tip
this.removeChild(this.firstChild); // remove existing label
var fh=config.macros.foldHeadings; // abbreviation for readability...
this.title=(show?fh.hidetip:fh.showtip).format([this.textContent])
this.innerHTML=fh.html.format([show?fh.hidelabel:fh.showlabel])+this.innerHTML;
}
}
}
}
if (story.scrollToSection) {
Story.prototype.foldheadings_scrollToSection=Story.prototype.scrollToSection;
Story.prototype.scrollToSection=function(title,section) {
var e=this.foldheadings_scrollToSection.apply(this,arguments);
// if scrolling to a folded section heading, click to expand it
if (e && hasClass(e,'foldable') && e.nextSibling.style.display=='none') e.onclick();
}
}
//}}}
// //<<foldHeadings closed>>
/***
|Name|FontSizePlugin|
|Created by|SaqImtiaz|
|Location|http://lewcid.googlepages.com/lewcid.html#FontSizePlugin|
|Version|1.0|
|Requires|~TW2.x|
!Description:
Resize tiddler text on the fly. The text size is remembered between sessions by use of a cookie.
You can customize the maximum and minimum allowed sizes.
(only affects tiddler content text, not any other text)
Also, you can load a TW file with a font-size specified in the url.
Eg: http://lewcid.googlepages.com/lewcid.html#font:110
!Demo:
Try using the font-size buttons in the sidebar, or in the MainMenu above.
!Installation:
Copy the contents of this tiddler to your TW, tag with systemConfig, save and reload your TW.
Then put {{{<<fontSize "font-size:">>}}} in your SideBarOptions tiddler, or anywhere else that you might like.
!Usage
{{{<<fontSize>>}}} results in <<fontSize>>
{{{<<fontSize font-size: >>}}} results in <<fontSize font-size:>>
!Customizing:
The buttons and prefix text are wrapped in a span with class fontResizer, for easy css styling.
To change the default font-size, and the maximum and minimum font-size allowed, edit the config.fontSize.settings section of the code below.
!Notes:
This plugin assumes that the initial font-size is 100% and then increases or decreases the size by 10%. This stepsize of 10% can also be customized.
!History:
*27-07-06, version 1.0 : prevented double clicks from triggering editing of containing tiddler.
*25-07-06, version 0.9
!Code
***/
//{{{
config.fontSize={};
//configuration settings
config.fontSize.settings =
{
defaultSize : 150, // all sizes in %
maxSize : 600,
minSize : 40,
stepSize : 40
};
//startup code
var fontSettings = config.fontSize.settings;
if (!config.options.txtFontSize)
{config.options.txtFontSize = fontSettings.defaultSize;
saveOptionCookie("txtFontSize");}
setStylesheet(".tiddler .viewer {font-size:"+config.options.txtFontSize+"%;}\n","fontResizerStyles");
setStylesheet("#contentWrapper .fontResizer .button {display:inline;font-size:105%; font-weight:bold; margin:0 1px; padding: 0 3px; text-align:center !important;}\n .fontResizer {margin:0 0.5em;}","fontResizerButtonStyles");
//macro
config.macros.fontSize={};
config.macros.fontSize.handler = function (place,macroName,params,wikifier,paramString,tiddler)
{
var sp = createTiddlyElement(place,"span",null,"fontResizer");
sp.ondblclick=this.onDblClick;
if (params[0])
createTiddlyText(sp,params[0]);
createTiddlyButton(sp," + ","increase font-size",this.incFont);
createTiddlyButton(sp," = ","reset font-size",this.resetFont);
createTiddlyButton(sp," – ","decrease font-size",this.decFont);
}
config.macros.fontSize.onDblClick = function (e)
{
if (!e) var e = window.event;
e.cancelBubble = true;
if (e.stopPropagation) e.stopPropagation();
return false;
}
config.macros.fontSize.setFont = function ()
{
saveOptionCookie("txtFontSize");
setStylesheet(".tiddler .viewer {font-size:"+config.options.txtFontSize+"%;}\n","fontResizerStyles");
}
config.macros.fontSize.incFont=function()
{
if (config.options.txtFontSize < fontSettings.maxSize)
config.options.txtFontSize = (config.options.txtFontSize*1)+fontSettings.stepSize;
config.macros.fontSize.setFont();
}
config.macros.fontSize.decFont=function()
{
if (config.options.txtFontSize > fontSettings.minSize)
config.options.txtFontSize = (config.options.txtFontSize*1) - fontSettings.stepSize;
config.macros.fontSize.setFont();
}
config.macros.fontSize.resetFont=function()
{
config.options.txtFontSize=fontSettings.defaultSize;
config.macros.fontSize.setFont();
}
config.paramifiers.font =
{
onstart: function(v)
{
config.options.txtFontSize = v;
config.macros.fontSize.setFont();
}
};
//}}}
À Madame de Fontaine-Martel
Voltaire 1732
Ô très singulière Martel, J'ai pour vous estime profonde ;
C'est dans votre petit hôtel, C'est sur vos soupers que je fonde Mon plaisir,
:le seul bien réel Qu'un honnête homme ait en ce monde.
Il est vrai qu'un peu je vous gronde ;
Mais,
:malgré cette liberté, Mon cœur vous trouve, en vérité, Femme à peu de femmes seconde ;
Car
:sous vos cornettes de nuit,
:Sans préjugés et sans faiblesse,
:Vous logez esprit qui séduit,
Et qui tient fort à la sagesse.
Or votre sagesse n'est pas Cette pointilleuse harpie
:Qui raisonne sur tous les cas,
:Et qui, triste sœur de l'Envie,
::Ouvrant un gosier édenté,
::Contre la tendre volupté
:Toujours prêche, argumente et crie
Mais celle qui
:si doucement,
:Sans efforts et sans industrie,
:Se bornant toute au sentiment,
Sait jusqu'au dernier moment Répandre un charme sur la vie.
Voyez-vous pas de tous côtés De très décrépites beautés,
:Pleurant de n'être plus aimables,
:Dans leur besoin de passion Ne pouvant rester raisonnables,
:S'affolier de dévotion,
:Et rechercher l'ambition D'être bégueules respectables ?
Bien loin de cette triste erreur, Vous avez, au lieu de vigiles,
:Des soupers longs, gais et tranquilles ;
:Des vers aimables et faciles,
Au lieu des fatras inutiles De Quesnel et de le Tourneur ;
:Voltaire, au lieu d'un directeur ;
Et, pour mieux chasser toute angoisse,
:Au curé préférant Campra,
Vous avez loge à l'opéra Au lieu de banc dans la paroisse :
Et ce qui rend mon sort plus doux,
:C'est que ma maîtresse,
:chez vous,
La liberté,
:se voit logée ;
Cette liberté mitigée,
:À l'œil ouvert,
:au front serein,
:À la démarche dégagée,
N'étant ni prude, ni catin,
Décente, et jamais arrangée ;
Souriant d'un souris badin À ces paroles chatouilleuses
:Qui font baisser un œil malin À mesdames les précieuses.
C'est là qu'on trouve la gaîté,
Cette sœur de la liberté,
:Jamais aigre dans la satire,
:Toujours vive dans les bons mots,
:Se moquant quelquefois des sots,
:Et très souvent, mais à propos,
Permettant au sage de rire.
Que le ciel bénisse le cours D'un sort aussi doux que le vôtre !
Martel,
l'automne de vos jours Vaut mieux que le printemps d'une autre.
/***
|''Name:''|ForEachTiddlerPlugin|
|''Version:''|1.0.8 (2007-04-12)|
|''Source:''|http://tiddlywiki.abego-software.de/#ForEachTiddlerPlugin|
|''Author:''|UdoBorkowski (ub [at] abego-software [dot] de)|
|''Licence:''|[[BSD open source license (abego Software)|http://www.abego-software.de/legal/apl-v10.html]]|
|''Copyright:''|© 2005-2007 [[abego Software|http://www.abego-software.de]]|
|''TiddlyWiki:''|1.2.38+, 2.0|
|''Browser:''|Firefox 1.0.4+; Firefox 1.5; InternetExplorer 6.0|
!Description
Create customizable lists, tables etc. for your selections of tiddlers. Specify the tiddlers to include and their order through a powerful language.
''Syntax:''
|>|{{{<<}}}''forEachTiddler'' [''in'' //tiddlyWikiPath//] [''where'' //whereCondition//] [''sortBy'' //sortExpression// [''ascending'' //or// ''descending'']] [''script'' //scriptText//] [//action// [//actionParameters//]]{{{>>}}}|
|//tiddlyWikiPath//|The filepath to the TiddlyWiki the macro should work on. When missing the current TiddlyWiki is used.|
|//whereCondition//|(quoted) JavaScript boolean expression. May refer to the build-in variables {{{tiddler}}} and {{{context}}}.|
|//sortExpression//|(quoted) JavaScript expression returning "comparable" objects (using '{{{<}}}','{{{>}}}','{{{==}}}'. May refer to the build-in variables {{{tiddler}}} and {{{context}}}.|
|//scriptText//|(quoted) JavaScript text. Typically defines JavaScript functions that are called by the various JavaScript expressions (whereClause, sortClause, action arguments,...)|
|//action//|The action that should be performed on every selected tiddler, in the given order. By default the actions [[addToList|AddToListAction]] and [[write|WriteAction]] are supported. When no action is specified [[addToList|AddToListAction]] is used.|
|//actionParameters//|(action specific) parameters the action may refer while processing the tiddlers (see action descriptions for details). <<tiddler [[JavaScript in actionParameters]]>>|
|>|~~Syntax formatting: Keywords in ''bold'', optional parts in [...]. 'or' means that exactly one of the two alternatives must exist.~~|
See details see [[ForEachTiddlerMacro]] and [[ForEachTiddlerExamples]].
!Revision history
* v1.0.8 (2007-04-12)
** Adapted to latest TiddlyWiki 2.2 Beta importTiddlyWiki API (introduced with changeset 2004). TiddlyWiki 2.2 Beta builds prior to changeset 2004 are no longer supported (but TiddlyWiki 2.1 and earlier, of cause)
* v1.0.7 (2007-03-28)
** Also support "pre" formatted TiddlyWikis (introduced with TW 2.2) (when using "in" clause to work on external tiddlers)
* v1.0.6 (2006-09-16)
** Context provides "viewerTiddler", i.e. the tiddler used to view the macro. Most times this is equal to the "inTiddler", but when using the "tiddler" macro both may be different.
** Support "begin", "end" and "none" expressions in "write" action
* v1.0.5 (2006-02-05)
** Pass tiddler containing the macro with wikify, context object also holds reference to tiddler containing the macro ("inTiddler"). Thanks to SimonBaird.
** Support Firefox 1.5.0.1
** Internal
*** Make "JSLint" conform
*** "Only install once"
* v1.0.4 (2006-01-06)
** Support TiddlyWiki 2.0
* v1.0.3 (2005-12-22)
** Features:
*** Write output to a file supports multi-byte environments (Thanks to Bram Chen)
*** Provide API to access the forEachTiddler functionality directly through JavaScript (see getTiddlers and performMacro)
** Enhancements:
*** Improved error messages on InternetExplorer.
* v1.0.2 (2005-12-10)
** Features:
*** context object also holds reference to store (TiddlyWiki)
** Fixed Bugs:
*** ForEachTiddler 1.0.1 has broken support on win32 Opera 8.51 (Thanks to BrunoSabin for reporting)
* v1.0.1 (2005-12-08)
** Features:
*** Access tiddlers stored in separated TiddlyWikis through the "in" option. I.e. you are no longer limited to only work on the "current TiddlyWiki".
*** Write output to an external file using the "toFile" option of the "write" action. With this option you may write your customized tiddler exports.
*** Use the "script" section to define "helper" JavaScript functions etc. to be used in the various JavaScript expressions (whereClause, sortClause, action arguments,...).
*** Access and store context information for the current forEachTiddler invocation (through the build-in "context" object) .
*** Improved script evaluation (for where/sort clause and write scripts).
* v1.0.0 (2005-11-20)
** initial version
!Code
***/
//{{{
//============================================================================
//============================================================================
// ForEachTiddlerPlugin
//============================================================================
//============================================================================
// Only install once
if (!version.extensions.ForEachTiddlerPlugin) {
if (!window.abego) window.abego = {};
version.extensions.ForEachTiddlerPlugin = {
major: 1, minor: 0, revision: 8,
date: new Date(2007,3,12),
source: "http://tiddlywiki.abego-software.de/#ForEachTiddlerPlugin",
licence: "[[BSD open source license (abego Software)|http://www.abego-software.de/legal/apl-v10.html]]",
copyright: "Copyright (c) abego Software GmbH, 2005-2007 (www.abego-software.de)"
};
// For backward compatibility with TW 1.2.x
//
if (!TiddlyWiki.prototype.forEachTiddler) {
TiddlyWiki.prototype.forEachTiddler = function(callback) {
for(var t in this.tiddlers) {
callback.call(this,t,this.tiddlers[t]);
}
};
}
//============================================================================
// forEachTiddler Macro
//============================================================================
version.extensions.forEachTiddler = {
major: 1, minor: 0, revision: 8, date: new Date(2007,3,12), provider: "http://tiddlywiki.abego-software.de"};
// ---------------------------------------------------------------------------
// Configurations and constants
// ---------------------------------------------------------------------------
config.macros.forEachTiddler = {
// Standard Properties
label: "forEachTiddler",
prompt: "Perform actions on a (sorted) selection of tiddlers",
// actions
actions: {
addToList: {},
write: {}
}
};
// ---------------------------------------------------------------------------
// The forEachTiddler Macro Handler
// ---------------------------------------------------------------------------
config.macros.forEachTiddler.getContainingTiddler = function(e) {
while(e && !hasClass(e,"tiddler"))
e = e.parentNode;
var title = e ? e.getAttribute("tiddler") : null;
return title ? store.getTiddler(title) : null;
};
config.macros.forEachTiddler.handler = function(place,macroName,params,wikifier,paramString,tiddler) {
// config.macros.forEachTiddler.traceMacroCall(place,macroName,params,wikifier,paramString,tiddler);
if (!tiddler) tiddler = config.macros.forEachTiddler.getContainingTiddler(place);
// --- Parsing ------------------------------------------
var i = 0; // index running over the params
// Parse the "in" clause
var tiddlyWikiPath = undefined;
if ((i < params.length) && params[i] == "in") {
i++;
if (i >= params.length) {
this.handleError(place, "TiddlyWiki path expected behind 'in'.");
return;
}
tiddlyWikiPath = this.paramEncode((i < params.length) ? params[i] : "");
i++;
}
// Parse the where clause
var whereClause ="true";
if ((i < params.length) && params[i] == "where") {
i++;
whereClause = this.paramEncode((i < params.length) ? params[i] : "");
i++;
}
// Parse the sort stuff
var sortClause = null;
var sortAscending = true;
if ((i < params.length) && params[i] == "sortBy") {
i++;
if (i >= params.length) {
this.handleError(place, "sortClause missing behind 'sortBy'.");
return;
}
sortClause = this.paramEncode(params[i]);
i++;
if ((i < params.length) && (params[i] == "ascending" || params[i] == "descending")) {
sortAscending = params[i] == "ascending";
i++;
}
}
// Parse the script
var scriptText = null;
if ((i < params.length) && params[i] == "script") {
i++;
scriptText = this.paramEncode((i < params.length) ? params[i] : "");
i++;
}
// Parse the action.
// When we are already at the end use the default action
var actionName = "addToList";
if (i < params.length) {
if (!config.macros.forEachTiddler.actions[params[i]]) {
this.handleError(place, "Unknown action '"+params[i]+"'.");
return;
} else {
actionName = params[i];
i++;
}
}
// Get the action parameter
// (the parsing is done inside the individual action implementation.)
var actionParameter = params.slice(i);
// --- Processing ------------------------------------------
try {
this.performMacro({
place: place,
inTiddler: tiddler,
whereClause: whereClause,
sortClause: sortClause,
sortAscending: sortAscending,
actionName: actionName,
actionParameter: actionParameter,
scriptText: scriptText,
tiddlyWikiPath: tiddlyWikiPath});
} catch (e) {
this.handleError(place, e);
}
};
// Returns an object with properties "tiddlers" and "context".
// tiddlers holds the (sorted) tiddlers selected by the parameter,
// context the context of the execution of the macro.
//
// The action is not yet performed.
//
// @parameter see performMacro
//
config.macros.forEachTiddler.getTiddlersAndContext = function(parameter) {
var context = config.macros.forEachTiddler.createContext(parameter.place, parameter.whereClause, parameter.sortClause, parameter.sortAscending, parameter.actionName, parameter.actionParameter, parameter.scriptText, parameter.tiddlyWikiPath, parameter.inTiddler);
var tiddlyWiki = parameter.tiddlyWikiPath ? this.loadTiddlyWiki(parameter.tiddlyWikiPath) : store;
context["tiddlyWiki"] = tiddlyWiki;
// Get the tiddlers, as defined by the whereClause
var tiddlers = this.findTiddlers(parameter.whereClause, context, tiddlyWiki);
context["tiddlers"] = tiddlers;
// Sort the tiddlers, when sorting is required.
if (parameter.sortClause) {
this.sortTiddlers(tiddlers, parameter.sortClause, parameter.sortAscending, context);
}
return {tiddlers: tiddlers, context: context};
};
// Returns the (sorted) tiddlers selected by the parameter.
//
// The action is not yet performed.
//
// @parameter see performMacro
//
config.macros.forEachTiddler.getTiddlers = function(parameter) {
return this.getTiddlersAndContext(parameter).tiddlers;
};
// Performs the macros with the given parameter.
//
// @param parameter holds the parameter of the macro as separate properties.
// The following properties are supported:
//
// place
// whereClause
// sortClause
// sortAscending
// actionName
// actionParameter
// scriptText
// tiddlyWikiPath
//
// All properties are optional.
// For most actions the place property must be defined.
//
config.macros.forEachTiddler.performMacro = function(parameter) {
var tiddlersAndContext = this.getTiddlersAndContext(parameter);
// Perform the action
var actionName = parameter.actionName ? parameter.actionName : "addToList";
var action = config.macros.forEachTiddler.actions[actionName];
if (!action) {
this.handleError(parameter.place, "Unknown action '"+actionName+"'.");
return;
}
var actionHandler = action.handler;
actionHandler(parameter.place, tiddlersAndContext.tiddlers, parameter.actionParameter, tiddlersAndContext.context);
};
// ---------------------------------------------------------------------------
// The actions
// ---------------------------------------------------------------------------
// Internal.
//
// --- The addToList Action -----------------------------------------------
//
config.macros.forEachTiddler.actions.addToList.handler = function(place, tiddlers, parameter, context) {
// Parse the parameter
var p = 0;
// Check for extra parameters
if (parameter.length > p) {
config.macros.forEachTiddler.createExtraParameterErrorElement(place, "addToList", parameter, p);
return;
}
// Perform the action.
var list = document.createElement("ul");
place.appendChild(list);
for (var i = 0; i < tiddlers.length; i++) {
var tiddler = tiddlers[i];
var listItem = document.createElement("li");
list.appendChild(listItem);
createTiddlyLink(listItem, tiddler.title, true);
}
};
abego.parseNamedParameter = function(name, parameter, i) {
var beginExpression = null;
if ((i < parameter.length) && parameter[i] == name) {
i++;
if (i >= parameter.length) {
throw "Missing text behind '%0'".format([name]);
}
return config.macros.forEachTiddler.paramEncode(parameter[i]);
}
return null;
}
// Internal.
//
// --- The write Action ---------------------------------------------------
//
config.macros.forEachTiddler.actions.write.handler = function(place, tiddlers, parameter, context) {
// Parse the parameter
var p = 0;
if (p >= parameter.length) {
this.handleError(place, "Missing expression behind 'write'.");
return;
}
var textExpression = config.macros.forEachTiddler.paramEncode(parameter[p]);
p++;
// Parse the "begin" option
var beginExpression = abego.parseNamedParameter("begin", parameter, p);
if (beginExpression !== null)
p += 2;
var endExpression = abego.parseNamedParameter("end", parameter, p);
if (endExpression !== null)
p += 2;
var noneExpression = abego.parseNamedParameter("none", parameter, p);
if (noneExpression !== null)
p += 2;
// Parse the "toFile" option
var filename = null;
var lineSeparator = undefined;
if ((p < parameter.length) && parameter[p] == "toFile") {
p++;
if (p >= parameter.length) {
this.handleError(place, "Filename expected behind 'toFile' of 'write' action.");
return;
}
filename = config.macros.forEachTiddler.getLocalPath(config.macros.forEachTiddler.paramEncode(parameter[p]));
p++;
if ((p < parameter.length) && parameter[p] == "withLineSeparator") {
p++;
if (p >= parameter.length) {
this.handleError(place, "Line separator text expected behind 'withLineSeparator' of 'write' action.");
return;
}
lineSeparator = config.macros.forEachTiddler.paramEncode(parameter[p]);
p++;
}
}
// Check for extra parameters
if (parameter.length > p) {
config.macros.forEachTiddler.createExtraParameterErrorElement(place, "write", parameter, p);
return;
}
// Perform the action.
var func = config.macros.forEachTiddler.getEvalTiddlerFunction(textExpression, context);
var count = tiddlers.length;
var text = "";
if (count > 0 && beginExpression)
text += config.macros.forEachTiddler.getEvalTiddlerFunction(beginExpression, context)(undefined, context, count, undefined);
for (var i = 0; i < count; i++) {
var tiddler = tiddlers[i];
text += func(tiddler, context, count, i);
}
if (count > 0 && endExpression)
text += config.macros.forEachTiddler.getEvalTiddlerFunction(endExpression, context)(undefined, context, count, undefined);
if (count == 0 && noneExpression)
text += config.macros.forEachTiddler.getEvalTiddlerFunction(noneExpression, context)(undefined, context, count, undefined);
if (filename) {
if (lineSeparator !== undefined) {
lineSeparator = lineSeparator.replace(/\\n/mg, "\n").replace(/\\r/mg, "\r");
text = text.replace(/\n/mg,lineSeparator);
}
saveFile(filename, convertUnicodeToUTF8(text));
} else {
var wrapper = createTiddlyElement(place, "span");
wikify(text, wrapper, null/* highlightRegExp */, context.inTiddler);
}
};
// ---------------------------------------------------------------------------
// Helpers
// ---------------------------------------------------------------------------
// Internal.
//
config.macros.forEachTiddler.createContext = function(placeParam, whereClauseParam, sortClauseParam, sortAscendingParam, actionNameParam, actionParameterParam, scriptText, tiddlyWikiPathParam, inTiddlerParam) {
return {
place : placeParam,
whereClause : whereClauseParam,
sortClause : sortClauseParam,
sortAscending : sortAscendingParam,
script : scriptText,
actionName : actionNameParam,
actionParameter : actionParameterParam,
tiddlyWikiPath : tiddlyWikiPathParam,
inTiddler : inTiddlerParam, // the tiddler containing the <<forEachTiddler ...>> macro call.
viewerTiddler : config.macros.forEachTiddler.getContainingTiddler(placeParam) // the tiddler showing the forEachTiddler result
};
};
// Internal.
//
// Returns a TiddlyWiki with the tiddlers loaded from the TiddlyWiki of
// the given path.
//
config.macros.forEachTiddler.loadTiddlyWiki = function(path, idPrefix) {
if (!idPrefix) {
idPrefix = "store";
}
var lenPrefix = idPrefix.length;
// Read the content of the given file
var content = loadFile(this.getLocalPath(path));
if(content === null) {
throw "TiddlyWiki '"+path+"' not found.";
}
var tiddlyWiki = new TiddlyWiki();
// Starting with TW 2.2 there is a helper function to import the tiddlers
if (tiddlyWiki.importTiddlyWiki) {
if (!tiddlyWiki.importTiddlyWiki(content))
throw "File '"+path+"' is not a TiddlyWiki.";
tiddlyWiki.dirty = false;
return tiddlyWiki;
}
// The legacy code, for TW < 2.2
// Locate the storeArea div's
var posOpeningDiv = content.indexOf(startSaveArea);
var posClosingDiv = content.lastIndexOf(endSaveArea);
if((posOpeningDiv == -1) || (posClosingDiv == -1)) {
throw "File '"+path+"' is not a TiddlyWiki.";
}
var storageText = content.substr(posOpeningDiv + startSaveArea.length, posClosingDiv);
// Create a "div" element that contains the storage text
var myStorageDiv = document.createElement("div");
myStorageDiv.innerHTML = storageText;
myStorageDiv.normalize();
// Create all tiddlers in a new TiddlyWiki
// (following code is modified copy of TiddlyWiki.prototype.loadFromDiv)
var store = myStorageDiv.childNodes;
for(var t = 0; t < store.length; t++) {
var e = store[t];
var title = null;
if(e.getAttribute)
title = e.getAttribute("tiddler");
if(!title && e.id && e.id.substr(0,lenPrefix) == idPrefix)
title = e.id.substr(lenPrefix);
if(title && title !== "") {
var tiddler = tiddlyWiki.createTiddler(title);
tiddler.loadFromDiv(e,title);
}
}
tiddlyWiki.dirty = false;
return tiddlyWiki;
};
// Internal.
//
// Returns a function that has a function body returning the given javaScriptExpression.
// The function has the parameters:
//
// (tiddler, context, count, index)
//
config.macros.forEachTiddler.getEvalTiddlerFunction = function (javaScriptExpression, context) {
var script = context["script"];
var functionText = "var theFunction = function(tiddler, context, count, index) { return "+javaScriptExpression+"}";
var fullText = (script ? script+";" : "")+functionText+";theFunction;";
return eval(fullText);
};
// Internal.
//
config.macros.forEachTiddler.findTiddlers = function(whereClause, context, tiddlyWiki) {
var result = [];
var func = config.macros.forEachTiddler.getEvalTiddlerFunction(whereClause, context);
tiddlyWiki.forEachTiddler(function(title,tiddler) {
if (func(tiddler, context, undefined, undefined)) {
result.push(tiddler);
}
});
return result;
};
// Internal.
//
config.macros.forEachTiddler.createExtraParameterErrorElement = function(place, actionName, parameter, firstUnusedIndex) {
var message = "Extra parameter behind '"+actionName+"':";
for (var i = firstUnusedIndex; i < parameter.length; i++) {
message += " "+parameter[i];
}
this.handleError(place, message);
};
// Internal.
//
config.macros.forEachTiddler.sortAscending = function(tiddlerA, tiddlerB) {
var result =
(tiddlerA.forEachTiddlerSortValue == tiddlerB.forEachTiddlerSortValue)
? 0
: (tiddlerA.forEachTiddlerSortValue < tiddlerB.forEachTiddlerSortValue)
? -1
: +1;
return result;
};
// Internal.
//
config.macros.forEachTiddler.sortDescending = function(tiddlerA, tiddlerB) {
var result =
(tiddlerA.forEachTiddlerSortValue == tiddlerB.forEachTiddlerSortValue)
? 0
: (tiddlerA.forEachTiddlerSortValue < tiddlerB.forEachTiddlerSortValue)
? +1
: -1;
return result;
};
// Internal.
//
config.macros.forEachTiddler.sortTiddlers = function(tiddlers, sortClause, ascending, context) {
// To avoid evaluating the sortClause whenever two items are compared
// we pre-calculate the sortValue for every item in the array and store it in a
// temporary property ("forEachTiddlerSortValue") of the tiddlers.
var func = config.macros.forEachTiddler.getEvalTiddlerFunction(sortClause, context);
var count = tiddlers.length;
var i;
for (i = 0; i < count; i++) {
var tiddler = tiddlers[i];
tiddler.forEachTiddlerSortValue = func(tiddler,context, undefined, undefined);
}
// Do the sorting
tiddlers.sort(ascending ? this.sortAscending : this.sortDescending);
// Delete the temporary property that holds the sortValue.
for (i = 0; i < tiddlers.length; i++) {
delete tiddlers[i].forEachTiddlerSortValue;
}
};
// Internal.
//
config.macros.forEachTiddler.trace = function(message) {
displayMessage(message);
};
// Internal.
//
config.macros.forEachTiddler.traceMacroCall = function(place,macroName,params) {
var message ="<<"+macroName;
for (var i = 0; i < params.length; i++) {
message += " "+params[i];
}
message += ">>";
displayMessage(message);
};
// Internal.
//
// Creates an element that holds an error message
//
config.macros.forEachTiddler.createErrorElement = function(place, exception) {
var message = (exception.description) ? exception.description : exception.toString();
return createTiddlyElement(place,"span",null,"forEachTiddlerError","<<forEachTiddler ...>>: "+message);
};
// Internal.
//
// @param place [may be null]
//
config.macros.forEachTiddler.handleError = function(place, exception) {
if (place) {
this.createErrorElement(place, exception);
} else {
throw exception;
}
};
// Internal.
//
// Encodes the given string.
//
// Replaces
// "$))" to ">>"
// "$)" to ">"
//
config.macros.forEachTiddler.paramEncode = function(s) {
var reGTGT = new RegExp("\\$\\)\\)","mg");
var reGT = new RegExp("\\$\\)","mg");
return s.replace(reGTGT, ">>").replace(reGT, ">");
};
// Internal.
//
// Returns the given original path (that is a file path, starting with "file:")
// as a path to a local file, in the systems native file format.
//
// Location information in the originalPath (i.e. the "#" and stuff following)
// is stripped.
//
config.macros.forEachTiddler.getLocalPath = function(originalPath) {
// Remove any location part of the URL
var hashPos = originalPath.indexOf("#");
if(hashPos != -1)
originalPath = originalPath.substr(0,hashPos);
// Convert to a native file format assuming
// "file:///x:/path/path/path..." - pc local file --> "x:\path\path\path..."
// "file://///server/share/path/path/path..." - FireFox pc network file --> "\\server\share\path\path\path..."
// "file:///path/path/path..." - mac/unix local file --> "/path/path/path..."
// "file://server/share/path/path/path..." - pc network file --> "\\server\share\path\path\path..."
var localPath;
if(originalPath.charAt(9) == ":") // pc local file
localPath = unescape(originalPath.substr(8)).replace(new RegExp("/","g"),"\\");
else if(originalPath.indexOf("file://///") === 0) // FireFox pc network file
localPath = "\\\\" + unescape(originalPath.substr(10)).replace(new RegExp("/","g"),"\\");
else if(originalPath.indexOf("file:///") === 0) // mac/unix local file
localPath = unescape(originalPath.substr(7));
else if(originalPath.indexOf("file:/") === 0) // mac/unix local file
localPath = unescape(originalPath.substr(5));
else // pc network file
localPath = "\\\\" + unescape(originalPath.substr(7)).replace(new RegExp("/","g"),"\\");
return localPath;
};
// ---------------------------------------------------------------------------
// Stylesheet Extensions (may be overridden by local StyleSheet)
// ---------------------------------------------------------------------------
//
setStylesheet(
".forEachTiddlerError{color: #ffffff;background-color: #880000;}",
"forEachTiddler");
//============================================================================
// End of forEachTiddler Macro
//============================================================================
//============================================================================
// String.startsWith Function
//============================================================================
//
// Returns true if the string starts with the given prefix, false otherwise.
//
version.extensions["String.startsWith"] = {major: 1, minor: 0, revision: 0, date: new Date(2005,11,20), provider: "http://tiddlywiki.abego-software.de"};
//
String.prototype.startsWith = function(prefix) {
var n = prefix.length;
return (this.length >= n) && (this.slice(0, n) == prefix);
};
//============================================================================
// String.endsWith Function
//============================================================================
//
// Returns true if the string ends with the given suffix, false otherwise.
//
version.extensions["String.endsWith"] = {major: 1, minor: 0, revision: 0, date: new Date(2005,11,20), provider: "http://tiddlywiki.abego-software.de"};
//
String.prototype.endsWith = function(suffix) {
var n = suffix.length;
return (this.length >= n) && (this.right(n) == suffix);
};
//============================================================================
// String.contains Function
//============================================================================
//
// Returns true when the string contains the given substring, false otherwise.
//
version.extensions["String.contains"] = {major: 1, minor: 0, revision: 0, date: new Date(2005,11,20), provider: "http://tiddlywiki.abego-software.de"};
//
String.prototype.contains = function(substring) {
return this.indexOf(substring) >= 0;
};
//============================================================================
// Array.indexOf Function
//============================================================================
//
// Returns the index of the first occurance of the given item in the array or
// -1 when no such item exists.
//
// @param item [may be null]
//
version.extensions["Array.indexOf"] = {major: 1, minor: 0, revision: 0, date: new Date(2005,11,20), provider: "http://tiddlywiki.abego-software.de"};
//
Array.prototype.indexOf = function(item) {
for (var i = 0; i < this.length; i++) {
if (this[i] == item) {
return i;
}
}
return -1;
};
//============================================================================
// Array.contains Function
//============================================================================
//
// Returns true when the array contains the given item, otherwise false.
//
// @param item [may be null]
//
version.extensions["Array.contains"] = {major: 1, minor: 0, revision: 0, date: new Date(2005,11,20), provider: "http://tiddlywiki.abego-software.de"};
//
Array.prototype.contains = function(item) {
return (this.indexOf(item) >= 0);
};
//============================================================================
// Array.containsAny Function
//============================================================================
//
// Returns true when the array contains at least one of the elements
// of the item. Otherwise (or when items contains no elements) false is returned.
//
version.extensions["Array.containsAny"] = {major: 1, minor: 0, revision: 0, date: new Date(2005,11,20), provider: "http://tiddlywiki.abego-software.de"};
//
Array.prototype.containsAny = function(items) {
for(var i = 0; i < items.length; i++) {
if (this.contains(items[i])) {
return true;
}
}
return false;
};
//============================================================================
// Array.containsAll Function
//============================================================================
//
// Returns true when the array contains all the items, otherwise false.
//
// When items is null false is returned (even if the array contains a null).
//
// @param items [may be null]
//
version.extensions["Array.containsAll"] = {major: 1, minor: 0, revision: 0, date: new Date(2005,11,20), provider: "http://tiddlywiki.abego-software.de"};
//
Array.prototype.containsAll = function(items) {
for(var i = 0; i < items.length; i++) {
if (!this.contains(items[i])) {
return false;
}
}
return true;
};
} // of "install only once"
// Used Globals (for JSLint) ==============
// ... DOM
/*global document */
// ... TiddlyWiki Core
/*global convertUnicodeToUTF8, createTiddlyElement, createTiddlyLink,
displayMessage, endSaveArea, hasClass, loadFile, saveFile,
startSaveArea, store, wikify */
//}}}
/***
!Licence and Copyright
Copyright (c) abego Software ~GmbH, 2005 ([[www.abego-software.de|http://www.abego-software.de]])
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are permitted provided that the following conditions are met:
Redistributions of source code must retain the above copyright notice, this
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CONTRACT, STRICT LIABILITY, OR TORT (INCLUDING NEGLIGENCE OR OTHERWISE) ARISING IN
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DAMAGE.
***/
! François Scalion de VIRBLUNEAU
!Françoise Pégouret
|nom|Pégouret|
|prenom|Françoise|
|TEL|06 20 85 21 06|
|adresse||
|email|Françoise <f.pegouret@gmail.com>|
!L'Avare
Quatre versions de l'acte II scène 5, sur YouTube :
# [[CompagnieNeoVent|https://www.youtube.com/watch?v=3vAKQwwHtxg]]
# [[Théâtre de l'Echo du Robec - Darnétal|https://youtu.be/UeadKEa7m1k?t=2969]]
# [[Comédie Française - Gérard GIROUDON (Harpagon) et Muriel MAYETTE (Frosine)|https://youtu.be/mHkMDbYPm_Q?t=2812]]
# [[Compagnie Colette Roumanoff|https://youtu.be/W-wXWlaX7Kk?t=2381]]
<<<
Les quatre Frosine apportent des choses intéressantes.
Je trouve les Harpagon 2 et 4 trop "bonnasses".
Regardez comme les actrices font passer les //tirades//,
et le jeu non verbal des acteurs !
<<<
!!GRAPHOLOGIE^^
//de Catherine Blanchard//^^
>//L'Amour existe, je l'ai rencontré hier à 16 h 00 au supermarché et je n'étais même pas coiffée.//
;Elle.
:Bonjour, je connais quelqu'un depuis plusieurs mois, un homme très gentil
:et je voudrais être sûre de ses sentiments avant d'aller plus loin...
;Lui.
:Mais c'est tout naturel mademoiselle...
:Grâce à la graphologie, je peux mettre en lumière certains traits de caractère...
:si vous avez un mot écrit de sa main...
;Elle.
:Heu oui
:j'ai apporté... sa dernière lettre...
;Lui.
:Montrez... belle écriture... beaux jambages...
;Elle.
: Oui... il est très beau... très grand :
:1 mètre 80...
;Lui.
:Des pleins, des déliés...
:il est sûr de lui.
;Elle.
: Très, très.
;Lui.
:Voyons voir... //« Paulette... »//
;Elle.
: C'est mon prénom
;Lui.
:Il vous appelle par votre prénom... c' est un affectueux...
;Elle.
: Oui, il est très affectueux !
;Lui.
://«Pauvre gourde ! »// Ah ! Il vous connaît bien...
;Elle.
: Oui... il m'appelle toujours comme ça !
;Lui.
://« Pauvre gourde, tu t'es encore gourrée de date, ton chèque de 500 balles est arrivé trop tard, conclusion, faut que tu m'en fasses un autre sinon gare à toi ! »//
:On sent qu'il vous est très attaché et qu'il a besoin de vous.
;Elle.
: Ah bon, où ça ?
;Lui.
:Ça se voit très bien dans la forme de ses T...
:Regardez : Tu, Ton chèque, gare à Toi !
;Elle.
: Ah ! vous voyez tout ça dans ses //« T »//...
;Lui.
:Oui, et ça se confirme par ses //« F »//... //« Faut pas que tu me fasses faux bond maintenant ou je te fous sur la figure... »//
:Il vous aime vraiment et sincèrement...
:Regardez l'arrondi de son //« F »//...
;Elle.
: Oui, il est bien rond son //« F »//,
:c'est formidable de pouvoir lire entre les lignes comme ça...
:Remarquez je me doutais qu'il m'aimait, mais c'est difficile de croire au bonheur, depuis le temps que j'espérais rencontrer quelqu'un...
:Alors nous deux c'est du solide ?
;Lui.
:Ça, il est pas près de vous quitter à la manière dont il vous met les points sur les //« i »// ...
://« Si tu veux qu'on se voit samedi, tâche de t'habiller un peu mieux, on dirait ma grand-mère... »//
:Quand il pense à vous, ça lui rappelle sa famille... C'est bon signe !
;Elle.
: Oui...
:Ce n'est pas gênant la différence d'âge ?
;Lui.
:Non ...
://«et puis surtout boucle-là, ça t'évitera de dire des c... »//
:J'arrive pas à lire là...
:mais la boucle du //« b »// boucle-la, il veut vous protéger...
:entre vous il n'y a pas besoin de mots...
;Elle.
:Ça il n'a jamais voulu me dire qu'il m'aimait ... jamais...
;Lui.
:...Et il termine par... //« Oublie pas ta voiture si tu veux que je te ramène. Salut »//...
;Elle.
: Salut c'est un peu froid ?
;Lui.
:Non Le //« s »// touche le //« a »// ... Ça veut dire qu'il vous embrasse...
;Elle
:Merci, merci beaucoup.
:Voilà mon chèque...
;Lui.
:Au revoir Mademoiselle.
//(Elle sort.)//
:Elle a bien l'écriture d'une gourde !
!GRIFOUILLIS
dans le fouillis gris
La douleur
des fois c'est à vomir, trop à voir, à ressentir,
mon cœur a mal à la tête et ma tête a
des haut-le-cœur.
Mais les amibes de nos amis sont nos amibes, et
quand ceux que j'aime s'abîment et tombent
dans leurs petits abîmes, avec eux je tombe
et j'ai peur de les perdre,
c'est toujours pareil, un beau jour de
calendrier, il y a eu quelque chose
de cassé,
aucune vitre ne me reste tellement elle
a été brisée, qui, la vitre,
quelle vitre, quelle huître,
le vitrier est un ouvrier,
l'huîtrier est un oiseau,
et les huîtriers du Congo tombent
de vertige des roseaux,
rien à faire quoi qu'on dise,
se taire,
je ne suis pas le aujourd'hui, je suis
le hier, et demain je
le refuse des deux mains.
Dès demain, j'essaierai
mais qu'est-ce que j'essaierai…
!!!!!!//(Extrait de Soleil de nuit)//
!GeorgesRibemont-Dessaignes
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/%
|exercice|groupe déplacement imagination|
|niveau|220 Facile|
%/
!La Grande Promenade
//Ecoute, travail corporel en rapport avec l'imagination//
;Objectifs
• Adaptation du corps et des mouvements à des éléments extérieurs
;Déroulement
Les participants sont répartis sur l'aire de travail, en mouvement de marche "neutre", détendus mais concentrés. Le meneur va promener les participants qui doivent mimer les différentes marches proposées. Exemple de promenade :
#Vous marchez dans la rue, sur un trottoir. La température est agréable. Un vent léger traverse la rue.
#Il y a de plus en plus de monde et vous vous retrouvez à marcher au milieu d'une foule.
#Il se met à pleuvoir, de grosses flaques se forment sur le trottoir.
#Toute cette eau devient celle de la mer.
##Vous marchez avec de l'eau jusqu'au chevilles,
##puis jusqu'au genoux,
##puis jusqu'à mi-cuisse.
#Vous sortez de la mer et vous errez sur une plage de sable fin.
#Le sable se transforme en galets brûlants. Il fait très chaud.
#Les galets (de goudron) se transforment peu à peu en une boue épaisse. La boue se transforme en goudron chaud.
#Il fait de plus en plus froid. Vous marchez à présent dans la neige.
#La neige fond. Vous êtes sur un sol mouillé et glissant.
#En file indienne vous devez traverser la salle sur un pont de singe... avec un vent latéral
#Le fond de la salle est la poupe d'un navire qui coule lentement :la proue où il y a les deux chaloupes s'enfonce et le bateau gite à babord. Vous essayez de gagner les chaloupes, mais la coursive est étroite
#* ... attention les chaloupes ne pourront embarquer que la moitié d'entre vous !
<<<
Ce parcours doit être parcouru très lentement. La voix du meneur sera posée, sans caractère trop dramatique. Laissez au participant le temps du ressenti, le temps de trouver la marche adaptée.
Bien expliquer aux participant que c'est leur corps qui est sollicité et qu'ils doivent "sentir" le terrain imaginaire sous leurs pieds. Ils doivent avoir leur corps en éveil.
Le travail de cet exercice est autant mental que physique : les participants doivent visualiser chaque sensation jusqu'à (par l'intellectualisation) la ressentir. Ex. : "Quand il fait froid, que se passe-t-il au niveau de mes épaules ?" Il s'agit d'avoir froid, de ressentir cette sensation de froid et, de là, découlera la démarche appropriée.
<<<
{{homeTitle center{Grande scène de Marceline}}}
;Figaro
:Sans l'aveu de mes nobles parens?
;Bartholo
:Nommez-les, montrez-les.
;Figaro
:Qu'on me donne un peu de temps: je suis bien près de les revoir; il y a quinze ans que je les cherche.
;Bartholo
:Le fat! c'est quelqu'enfant trouvé!
;Figaro
:Enfant perdu, Docteur; ou plutôt enfant volé.
;Le Comte
:Volé, la preuve? il crierait qu'on lui fait injure!
;Figaro
:Monseigneur, quand les langes à dentelles, tapis brodés et joyaux d'or trouvés sur moi par les brigands, n'indiqueraient pas ma haute naissance, la précaution qu'on avait prise de me faire des marques distinctives, témoignerait assez combien j'étais un fils précieux: et cet hiéroglyphe à mon bras... //(il veut se dépouiller le bras droit.)//
;Marceline
:Une spatule à ton bras droit?
;Figaro
:D'où savez-vous que je dois l'avoir?
;Marceline
:Dieux! c'est lui!
;Figaro
:Oui, c'est moi.
;Bartholo
:Et qui? lui!
;Marceline
:C'est Emmanuel.
;Bartholo
:Tu fus enlevé par des Bohémiens?
;Figaro
:Tout près d'un château. Bon Docteur, si vous me rendez à ma noble famille, mettez un prix à ce service; des monceaux d'or n'arrêteront pas mes illustres parens.
;Bartholo
:Voilà ta mère.
;Figaro
:...Nourrice?
;Bartholo
:Ta propre mère.
;Le Comte
:Sa mère!
;Figaro
:Expliquez-vous.
;Marceline
:Voilà ton père.
;Figaro
:Oh oh oh! aye de moi.
;Marceline
:Est-ce que la nature ne te l'a pas dit mille fois?
;Figaro
:Jamais.
;Le Comte
:Sa mère!
;Brid'Oison
:C'est clair, i-il ne l'épousera pas.
;Bartholo
:Ni moi non plus.
;Marceline
:Ni vous! et votre fils? vous m'aviez juré...
;Bartholo
:J'étais fou. Si pareils souvenirs engageaient, on serait tenu d'épouser tout le monde.
;Brid'Oison
:E-et si l'on y regardait de si près, per-ersonne n'épouserait personne.
;Bartholo
:Des fautes si connues! une jeunesse déplorable!
;Marceline
:Oui, déplorable, et plus qu'on ne croit! je n'entends pas nier mes fautes, ce jour les a trop bien prouvées! mais qu'il est dur de les expier après trente ans d'une vie modeste! j'étais née, moi, pour être sage, et je la suis devenue sitôt qu'on m'a permis d'user de ma raison. Mais dans l'âge des illusions, de l'inexpérience et des besoins, où les séducteurs nous assiégent, pendant que la misère nous poignarde, que peut opposer une enfant à tant d'ennemis rassemblés? Tel nous juge ici sévèrement, qui, peut-être, en sa vie a perdu dix infortunées!
;Figaro
:Les plus coupables sont les moins généreux! c'est la règle.
;Marceline
:Hommes plus qu'ingrats, qui flétrissez par le mépris les jouets de vos passions, vos victimes! c'est vous qu'il faut punir des erreurs de notre jeunesse; vous et vos magistrats, si vains du droit de nous juger, et qui nous laissent enlever, par leur coupable négligence, tout honnête moyen de subsister. Est-il un seul état pour les malheureuses filles? Elles avaient un droit naturel à toute la parure des femmes; on y laisse former mille ouvriers de l'autre sexe.
;Figaro
:Ils font broder jusqu'aux soldats!
;Marceline
:Dans les rangs mêmes plus élevés, les femmes n'obtiennent de vous qu'une considération dérisoire; leurées de respects apparens, dans une servitude réelle; traitées en mineures pour nos biens, punies en majeures pour nos fautes! ah! sous tous les aspects, votre conduite avec nous fait horreur ou pitié!
;Figaro
:Elle a raison!
;Le Comte
:Que trop raison!
;Brid'Oison
:Elle a, mon-on Dieu, raison.
;Marceline
:Mais que nous sont, mon fils, les refus d'un homme injuste? ne regarde pas d'où tu viens, vois où tu vas; cela seul importe à chacun. Dans quelques mois, ta fiancée ne dépendra plus que d'elle-même; elle t'acceptera, j'en réponds: vis entre une épouse, une mère tendres, qui te chériront à qui mieux mieux. Sois indulgent pour elles, heureux pour toi, mon fils; gai, libre; et bon pour tout le monde: il ne manquera rien à ta mère.
;Figaro
:Tu parles d'or, maman, et je me tiens à ton avis. Qu'on est sot en effet! il y a des mille mille ans que le monde roule; et dans cet océan de durée où j'ai par hasard attrapé quelques chétifs trente ans qui ne reviendront plus, j'irais me tourmenter pour savoir à qui je les dois! tant pis pour qui s'en inquiète. Passer ainsi la vie à chamailler, c'est peser sur le collier sans relâche, comme les malheureux chevaux de la remonte des fleuves, qui ne reposent pas, même quand ils s'arrêtent, et qui tirent toujours quoiqu'ils cessent de marcher. Nous attendrons....
;Le Comte
:Sot événement qui me dérange!
;Brid'Oison
:Et la noblesse et le château? vous impo-osez à la justice?
;Figaro
:Elle allait me faire faire une belle sottise, la justice! après que j'ai manqué, pour ces maudits cent écus, d'assommer vingt fois Monsieur, qui se trouve aujourd'hui mon père! mais, puisque le ciel à sauvé ma vertu de ces dangers, mon père, agréez mes excuses... Et vous, ma mère, embrassez-moi... le plus maternellement que vous pourrez.
://(Marceline lui saute au cou.)//
{{center{^^//<<storyViewer amour previous>><<storyViewer amour list>><<storyViewer amour next>>//^^
[img(30%,)[http://i.skyrock.net/2603/74072603/pics/3253358756_2_13_OYSJ1lFt.jpg][http://cleopatre1955.skyrock.com/3253358756-posted-on-2015-06-18.html]]
!Green
!!!!!!//Paul VERLAINE (1844-1896)//
Voici des fruits, des fleurs, des feuilles et des branches
Et puis voici mon coeur qui ne bat que pour vous.
Ne le déchirez pas avec vos deux mains blanches
Et qu'à vos yeux si beaux l'humble présent soit doux.
J'arrive tout couvert encore de rosée
Que le vent du matin vient glacer à mon front.
Souffrez que ma fatigue à vos pieds reposée
Rêve des chers instants qui la délasseront.
Sur votre jeune sein laissez rouler ma tête
Toute sonore encore de vos derniers baisers ;
Laissez-la s'apaiser de la bonne tempête,
Et que je dorme un peu puisque vous reposez.
}}}
{{center {
!Gymnastiquez Votre Bec !
!!!!Règles du jeu
♙ ((Préparation(^
*Chacun d'entre vous va recevoir une fiche sur laquelle figurent 10 phrases plus ou moins faciles à prononcer (toutes les fiches ne sont pas identiques).
*Choisissez une phrase que vous vous sentez capables de dire sans commettre la moindre faute de prononciation.
*Exercez-vous pendant quelques instants à la dire (à mi-voix).
*Nos comédiens vont dire chacun la phrase qu'ils ont choisie.
*Le premier d'entre vous à se lancer dans le jeu devra répéter la phrase dite par un des comédiens : si vous ne commettez pas d'erreur, vous avez la main.
))) ♘ ((Jeu(^
Tous ceux qui n'ont pas encore été éliminés peuvent jouer.
*Pour prendre la main, vous devez répéter la phrase de celui qui tient actuellement la main sans la moindre erreur et plus rapidement (au plus 2 essais).
**//Si vous dites sa phrase moins vite mais sans erreur, vous restez dans le jeu.//
**//Si vous commettez une (ou des) erreurs de prononciation, vous êtes éliminés du jeu.//
*Quand vous prenez la main, vous annoncez le numéro de la phrase que vous avez choisie sur votre fiche pour que le texte soit affiché aux yeux de tous sur l'écran.
*Vous dites alors votre phrase ''fort'' (tout le monde doit pouvoir l'entendre), le plus vite possible, et sans erreur (au plus 2 essais)
))) ♛ ((Gagnant(^
*Vous êtes le gagnant si personne n'a réussi à répéter votre phrase sans erreur et plus vite que vous.
*Le gagnant pourra nous offrir une démonstration de ses talents de comédien (texte qu'il connaît, petite improvisation, ou lecture d'une phrase l'ayant amusé)...{{center{
//(on vous pardonnera vos éventuelles erreurs)//
''...et tout le monde vous applaudira !''}}}
))) ♚
!!!!Plus de 50 phrases pour s'exercer !
((1.(^ {{enormous{{{enormous{Agathe attaque Tac, <br>Tac attaque Agathe.
))) • ((2.(^ {{enormous{Babylas baladin emballe bonnement des balles <br>tandis que Babette ballerine étoile du corps de ballet <br>se balance mollement sur le bout d'une barre de bois.
))) • ((3.(^ {{enormous{Bruno bêche, Benoît bine; <br>Bruno bine, Benoît bêche.
))) • ((4.(^ {{enormous{Chat vit rôt, <br>rôt tenta chat, <br>chat mit patte à rôt, <br>rot brûla pattes à chat, <br>chat quitta rôt.
))) • ((5.(^ {{enormous{Chez les Papous, y'a des papas Papous <br>et des pas papa Papous.
))) • ((6.(^ {{enormous{Choisissons ces saucisses aux choux<br>et sachons saisir ces anchois séchés.
))) • ((7.(^ {{enormous{Ciel, si ceci se sait, <br>ces soins sont sans succès.
))) • ((8.(^ {{enormous{Un chèque kitch c'est chic, <br>un tchèque trotskiste çà choque
))) • ((9.(^ {{enormous{Un pêcheur péchait à l'ombre d'un pêché, <br>le pêché empêchait le pécheur de pécher, <br>le pécheur coupa le pêché, <br>le pêché n'empêcha plus le pécheur de pécher.
))) • ((10.(^ {{enormous{Voici six chasseurs se séchant, <br>sachant chasser sans chien.
?
))) • ((11.(^ {{enormous{Didon dîna, dit-on, de deux dodus dindons.
))) • ((12.(^ {{enormous{Donne-lui à minuit huit fruits cuits <br>et si ces huit fruits cuits lui nuisent, <br>donne lui huit fruits crus.
))) • ((13.(^ {{enormous{Gisèle gèle des aisselles sous l'échelle chez elle à Courchevel.
))) • ((14.(^ {{enormous{Il faut qu'un sage garde-chasse sache chasser tous les chats qui chassent dans sa chasse.
))) • ((15.(^ {{enormous{J'ai bu de bleus beaux globules.
))) • ((16.(^ {{enormous{Je suis un original qui ne se désoriginalisera jamais.
))) • ((17.(^ {{enormous{Je vais laisser mes chats lècher ça !
))) • ((18.(^ {{enormous{Totor t'as tort, tu t'uses et tu te tues, pourquoi t'entêtes-tu ? <br>En t'entêtant, t'entends Totor, tu te tues et t'as tort.
))) • ((19.(^ {{enormous{Trois bonnes grosses grasses grand-mères aux beaux gros bras blancs croquent trois gros ronds radis roses.
))) • ((20.(^ {{enormous{Trois très gras rats gris dans trois très gros trous creux.
?
))) • ((21.(^ {{enormous{L'assassin sur son sein suçait son sang sans cesse
))) • ((22.(^ {{enormous{L'énorme orme morne orne la morne vallée.
))) • ((23.(^ {{enormous{L'huile de ces huit huiliers huilent l'ouïe de l'huissier.
))) • ((24.(^ {{enormous{La cavale au Valaque s'lave dans l'eau du lac ; <br>l'eau du lac lave la cavale au Valaque.
))) • ((25.(^ {{enormous{La maman du manant manie nos manies maniaques sans manière.
))) • ((26.(^ {{enormous{La pie pond sans piper devant le paon pompeux qui papote.
))) • ((27.(^ {{enormous{Le respectable spectre du spectacle inspecte l'estrade esquintée
))) • ((28.(^ {{enormous{Suis-je chez ce cher Serge ?
))) • ((29.(^ {{enormous{Sur six souches couchées séchaient seize chemises <br>et soixante chaussettes toutes sens dessus dessous.
))) • ((30.(^ {{enormous{Tas de riz, tas de rats, <br>Tas de ris tentant, Tas de rats tentés, <br>Tas de riz tentant tenta tas de rats tentés, <br>Tas de rats tentés tâta tas de riz tentant.
))) • ((31.(^ {{enormous{Je veux et j'exige dix-huit chemises fines et six fichus fins !
))) • ((32.(^ {{enormous{Les chemises de l'archiduchesse sont-elles sèches, archi-sèches ces chemises-là ?
))) • ((33.(^ {{enormous{Natacha n'attacha pas son chat Pacha qui s'échappa, <br>cela fâcha Sacha qui chassa Natacha
))) • ((34.(^ {{enormous{Ninon ne nous l'avait pas donné ni ne nous l'avait nommé
))) • ((35.(^ {{enormous{Onze oncles, onze ongles, on jongle, l'ongle de l'oncle, l'angle de l'ongle.
))) • ((36.(^ {{enormous{Papa boit dans les pins. <br>Papa peint dans les bois. <br>Dans les bois, papa boit et peint .
))) • ((37.(^ {{enormous{Papier piano panier, <br>papier piano panier, <br>papier piano panier
))) • ((38.(^ {{enormous{Petit pot de beurre, quand te dépetit pot de beurreriseras-tu ? <br>- Je me dépetit pot de beurreriserai quand tous les petits pots de beurre se dépetit pot de beurreriseront.
))) • ((39.(^ {{enormous{Pie niche haut, <br>oie niche bas. <br>Où niche hibou? <br>Hibou niche ni haut ni bas. <br>Hibou niche pas
))) • ((40.(^ {{enormous{Trois très gros, gras, grands rats gris grattent.
))) • ((41.(^ {{enormous{Ah pourquoi Pépita, sans répit m'épies tu?<br>Dans les bois Pépita, pourquoi te tapies tu?<br> tu m'épies Pépita, c'est piteux de m'épier...<br>de m'épier Pépita, ne peux-tu te passer?
))) • ((42.(^ {{enormous{Ce chat chauve caché sous ces six chiches souches de sauge sèche.
))) • ((43.(^ {{enormous{Je veux et j'exige d'exquises excuses.
))) • ((44.(^ {{enormous{Sage chasseur âgé aux yeux chassieux, <br>sachez chasser sans chien chose aisée
))) • ((45.(^ {{enormous{Sans bruit sur le miroir des lacs profonds et calmes le cygne chasse l'onde et glisse
))) • ((46.(^ {{enormous{Si je mouille mes coudes, mes coudes se mouillent -ils? <br>Oui, mes coudes se mouillent
))) • ((47.(^ {{enormous{Si six cents scies scient six cents cigares, <br>six cent six scies scieront six cent six cigares.
))) • ((48.(^ {{enormous{Si tu m'eusses cru, tu te fusses tu. <br>Te fusses-tu tu, tu m'eusses plus cru !
))) • ((49.(^ {{enormous{Son sage chat, <br>son sage chien, <br>son sage singe.
))) • ((50.(^ {{enormous{Tout étant à tenter, toto, pour que tout aille, <br>ta tante et ton tonton t'ont ôté tour à tour, ta toque et ton tutu, atout de ta beauté...<br>tant tentant son ton teint et ta tête et ta taille !
))) • ((51.(^ {{enormous{C'est l'histoire d'un gars qui s'appelle Paul, <br>qui meurt de froid en pleine région polaire, <br>dans un amas de vêtements divers et décolorés, <br>recherchant vainement une pierre précieuse avec un outil inapproprié, <br>alors que sa fiancée tarde à lui téléphoner depuis sa voiture allemande.''<br>
__''Moralité :''__
«Paul se pèle au pôle dans une pile de pulls et de polos pâles. Pas plus d'appel de la poule en Opel que d'opale dans la pelle à Paul.»
))) • ((52.(^ {{enormous{Je cherche ces chiots chez Sancho. <br>Je cherche ces chats chez Sacha. <br>Je cherche ces seize cent seize chaises chez Sanchez.
))) • ((53.(^ {{enormous{Le Dalaï Lama a la dalle à Lima et casse la dalle à Dallas. <br>Du Lima au Mali et du Mali au Lima il lit mal, le Dalaï Lama. <br>La lame de la lime limant l'aimant qui le lie à la lie de l'ami de Lima qui l'aima qui l'eut dit : <br>c'est dali en lama l'ami du Dalaï Lama de l'Himalaya.
))) • ((54.(^ {{enormous{Un ange qui songeait à changer son visage pour donner le change, <br>se vit si changé, que loin de louanger ce changement, <br>il jugea que tous les autres anges jugeraient que jamais ange ainsi changé ne rechangerait jamais, <br>et jamais plus ange ne songea à se changer.
))) • ((55.(^ {{enormous{Un jour Kiki la cocotte demande à Coco le concasseur de cacao de lui offrir un caraco kaki avec un col de caracul. <br>Coco le concasseur de cacao voulu bien offrir à Kiki la cocotte le caraco kaki mais sans col de caracul. <br>Or vint un coquin qui conquit le cœur de Kiki la cocotte. <br>Il offrit à Kiki la cocotte le caraco kaki avec le col de caracul ! <br>''Conclusion :'' <br>Coco le concasseur de cacao fut cocu.
))) • ((57.(^ {{enormous{C'est l'évadé du Nevada qui s'évada dans la vallée, <br>dans la vallée du Nevada qu'il dévala pour s'évader sur un vilain vélo volé qu'il a volé dans une villa, <br>et le valet qui fut volé vit le vélo qui s'envola.<br>Si l'évadé du Nevada s'est évadé dans la vallée c'est qu'il pensait qu'on l'y verra.<br>Il voulait pour se lever le divan de la Diva qui vit l'évadé s'affaler, <br>mais quand le valet le vit là, il se mit là pour l'éviter...<br>Et l'évadé du Nevada fut délavé dans la vallée par toute l'eau qui tombait là, <br>et l'on vit l'évadé vanné s'avouer que la vie d'évadé ne valait pas la vie d'avant, <br>car en vélo quand il y a du vent on est vidé, c'est évident!
Et l'évadé du Nevada a pédalé dans la vallée et l'évadé a dit là: <br>" Là je dis que vous m'en voulez car toute l'eau qui m'a lavé, et toute l'eau que j'ai avalé m'a dégoûté de m'évader dans la vallée du Nevada ".<br>
Et voilà.)))
}}}
<<foldHeadings closed>>
.
!Gérard Baranes
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|nom|Baranes|
|prenom|Gérard |
|TEL| 06 50 79 52 65 - Fixe : 01 72 31 98 21 |
|email|Gérard <g.baranes@laposte.net>|
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>>
Gérard <virina.baranes@orange.fr>
|Hommage à Jean|[[Nuit d'Octobre]] //Musset// (abandonné)|
ArtDeDire3: Le cœur de Hjalmar, de Leconte de Lisle
((Objectifs2016(^
;Faire du théâtre
*Apprendre de beaux textes de théâtre : j'apprends et je dis pour le plaisir des textes de théâtre classique : Mithridate, Horace... j'aime ça.
*Continuer à avoir des projets
*Changer
*Je ne suis pas chaud pour les exercices de base )))
+++*[ ]
+++*@[1 janvier 2016 11:53]
BONNE ANNEE BONNE SANTE DE LA JOIE ET DU BONHEUR AUX ACTIVITEES.
31 décembre 2015 10:32
<<<
Bonne année 2016, et à la poursuite de nos nouvelles aventures théatrales ! :)
Notre nouveau “cahier” de travail :
ateliertheatre.tiddlyspot.com/
<<<
===
+++*@[25 décembre 2015 15:28]
JOYEUX NOEL
>à toi et aux tiens aussi !
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!!!!Dernières vidéos
|<<forEachTiddler where 'tiddler.text.contains("VIDÉO|") && tiddler.tags.contains ("Gérard")' sortBy 'tiddler.title'>> |
/%
!z%/
!Ha ! main qui doucement me déchirez le coeur
!!!!!//François Scalion de VIRBLUNEAU (15??-15??)//
Ha ! main qui doucement me déchirez le coeur,
Et qui tenez ma main en l'amoureux cordage,
Main où nature veut montrer son bel ouvrage,
Et où le ciel versa sa bénigne faveur,
Las ! au lieu de ce gant qui reçoit tant d'honneur
Que d'embrasser ce qui m'enflamme le courage,
Permettez qu'à présent j'aie cet avantage
Que d'être le gardien d'une telle valeur.
Si vous aimez le froid, je suis la froideur même,
Si vous cherchez le chaud, j'ai un feu si extrême
Qu'il enflammerait bien l'air, la terre et les cieux.
Faites donc, je vous prie, que mon désir advienne,
Ou si vous refusez, je supplierai les dieux,
Ô délicate main, que le gant je devienne !
//Le grand hall du musée.
Des visiteurs s’éparpillent le long des cimaises. On entend des bribes de conversations.//
!!!!Miró
FEMME 1
:Oh, on dirait papa !
FEMME 2
:Papa ?
FEMME 1
:Oui avec son gros œil.
FEMME 2
:Pauvre papa !
FEMME 1
:Pourquoi pauvre papa ?
FEMME 2
:Quand même…
FEMME 1
:C’est un Miró, tu sais combien ça coûte un Miró ?!
!!!!Les musées et les croissants
LOUIS
:Je n’aime pas les musées. J’aime l’ambiance des musées.
PAUL
:C’est comme moi, je n’aime pas les croissants, j’aime l’odeur des croissants.
LOUIS
:L’odeur et l’ambiance c’est pas pareil, Paul.
PAUL
:Non, ce sont les musées et les croissants qui ne sont pas pareils, Louis.
LOUIS
:Si tu veux.
!!!!Les Kandinsky
LA FEMME ÉLÉGANTE
:Mais où sont les Kandinsky ? Ça fait deux heures que je les cherche.
HOMME 1
:Qui ?
LA FEMME ÉLÉGANTE
:Je cherche les Kandinsky !
GROUPE DE VISITEURS
:Qui ?
LA FEMME ÉLÉGANTE
:Les Kandinsky de Kandinsky. Kandinsky c’est le peintre, les Kandinsky ce sont les tableaux. Je cherche les Kandinsky…
GROUPE DE VISITEURS
:Ah.
LA FEMME ÉLÉGANTE
:Je ne suis pas folle il y a bien des Kandinsky à cet étage… Où sont les Kandinsky, je ne les trouve plus…
!!!!Le Gréco
PAULA
:Quand tu penses que le Greco n’était même pas connu à son époque.
CHARLES
:Qui ?
PAULA
:Le Greco.
CHARLES
:Je ne vois pas.
!!!!L'extincteur
FRANÇOISE
:C’est un extincteur.
ANTONIN
:Non ?
FRANÇOISE
:Je te dis que c’est un extincteur.
ANTONIN
:Pas sûr, Françoise.
FRANÇOISE
:Bon, on y retourne.
!!!!Les amateurs d’art
JEAN-ALAIN
:Pour moi c’est le cœur du romantisme en peinture.
MICHELINE
:J’aime pas.
JEAN-ALAIN
:Pourquoi ?
MICHELINE
:Trop marron.
JEAN-ALAIN
:Trop marron ?
MICHELINE
:Oui, ça me rappelle l’automne.
JEAN-ALAIN
:L’automne, ce n’est pas marron Micheline.
MICHELINE
:Ah bon ?! La nature ne devient pas marron en automne ?
JEAN-ALAIN
:Mais non, je dirais plutôt qu’elle roussit, qu’elle jaunit, qu’elle se couvre d’or.
MICHELINE
:C’est la fête quoi ?
JEAN-ALAIN
:Oui, on peut éprouver une certaine joie devant toutes ces couleurs flamboyantes.
MICHELINE
:Je te rappelle que papa est mort un 18 octobre !
JEAN-ALAIN
:Mais Micheline…
MICHELINE
:Vous êtes vraiment des monstres les amateurs d’art !!
<<foldHeadings closed>>
{{center{[img(33%,)[http://t1.gstatic.com/images?q=tbn:ANd9GcSSaN79qa_mJ2-oQqvcXxjy534ifg5thGEeexzG7ykG0Y5lckM0mhQadC8]]}}}
!Harmonie du soir
!!!!!{{center{Charles BAUDELAIRE
//(1821-1867)//}}}
{{center{
Voici venir les temps où vibrant sur sa tige
Chaque fleur s'évapore ainsi qu'un encensoir ;
Les sons et les parfums tournent dans l'air du soir ;
Valse mélancolique et langoureux vertige !
Chaque fleur s'évapore ainsi qu'un encensoir ;
Le violon frémit comme un coeur qu'on afflige ;
Valse mélancolique et langoureux vertige !
Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir.
Le violon frémit comme un coeur qu'on afflige,
Un coeur tendre, qui hait le néant vaste et noir !
Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir ;
Le soleil s'est noyé dans son sang qui se fige.
Un coeur tendre, qui hait le néant vaste et noir,
Du passé lumineux recueille tout vestige !
Le soleil s'est noyé dans son sang qui se fige...
Ton souvenir en moi luit comme un ostensoir !
}}}
+++*[Analyse]
!Analyse
« Harmonie du Soir », issu des Fleurs du Mal de Baudelaire, est l’avant dernier poème du cycle de l’amour spirituel inspiré par Madame Sabatier.
Madame Sabatier, considérée par Baudelaire comme une muse, une madone, s’oppose à la figure de Jeanne Duval, amante de Baudelaire à laquelle est consacrée le cycle de l’amour charnel et orageux.
Dans ce poème, Baudelaire évoque l’atmosphère harmonieuse d’un crépuscule (I) qui s’apparente à une célébration religieuse (II). Mais Baudelaire intériorise ce paysage crépusculaire afin d’y fixer son état d’âme (III).
!!!I – L’atmosphère harmonieuse du poème
L’harmonie de ce poème repose sur sa profonde unité.
!!!!A – L’unité des diverses sensations
Dans « Harmonie du Soir », les sons, les parfums et les images se font écho, illustrant la théorie des correspondances de Baudelaire.
On retrouve ainsi le champ lexical des sens avec des termes relatifs aux différentes sensations :
– sensations auditives : « les sons » (v.3), « violon (v.6 et 9), « valse » (v. 4 et 7)
– sensations olfactives : « fleur » (v.2 et 5), « encensoir » (v.2 et 5), « parfums (v.3)
– sensations visuelles : les mouvements sont décrits : « valse », « tournent », « s’évapore ». On relève des références au soleil et à la luminosité : « le soleil » (v.12 et 15), « lumineux » (v.14)
Ces différentes sensations se fondent dans l’air du soir, créant une harmonie profonde.
C’est ainsi que les sons et les parfums vibrent tous les deux :
– « vibrant sur sa tige », « s’évapore » (le parfum des fleurs)
– « le violon frémit » (sons)
Ils se mêlent dans l’air où ils « tournent » comme une « valse », laissant une impression de « vertige ».
La fusion des sons et parfums qui « tournent » dans l’air est accentuée par le chiasme au vers 4 :
« Valse mélancolique et langoureux vertige »
A B B A
« Valse » et « vertige » se répondent en début et fin de vers tandis que les deux adjectifs (mélancolique et langoureux) s’entremêlent au milieu du vers.
Notez la répétition de la syllabe « lan » dans « mélancolique et langoureux » qui tend à confondre les deux adjectifs.
Ce chiasme dessine ainsi une boucle qui évoque le mouvement de la valse et souligne le vertige des sens.
!!!!B – Une composition musicale
Le caractère musical de ce poème provient en partie des effets tirés du pantoum.
Le pantoum est une forme poétique d’origine malaise.
Il s’agit d’un poème constitué de quatrains qui se caractérise par le retour de certains vers : le deuxième et le quatrième vers d’un quatrain deviennent le premier et le troisième vers du quatrain suivant.
La répétition des mêmes vers crée ici un refrain enivrant. La lecture du poème devient incantatoire.
Par ailleurs, le mouvement du pantoum suggère, sur le plan musical, le tournoiement de la valse et des parfums évoqués par Baudelaire dans le poème.
Vous pouvez également remarquer qu’il n’y a que deux rimes dans ce pantoum : « ige » et « oir ».
La répétition de ces seules rimes tout au long des quatre quatrains crée un rythme lancinant et rend présent de façon quasi obsessionnelle les deux motifs principaux du poème : le soir et le vertige.
!!!II – Les comparaisons religieuses (ou les correspondances verticales)
!!!!A – Le vocabulaire religieux
L’harmonie du crépuscule est présentée comme une cérémonie religieuse.
On retrouve ainsi dans ce poème de nombreuses comparaisons d’éléments de la nature à des objets religieux : encensoir, reposoir; ostensoir.
* L’encensoir est une boîte à parfums où l’on fait brûler de l’encens au cours de certaines cérémonies.
La boîte contenant l’encens est suspendue à une chaîne, ce qui permet de la balancer en direction du prêtre.
La comparaison de Baudelaire (« Chaque fleur s’évapore ainsi qu’un encensoir ») se fonde sur deux éléments communs : le parfum et le mouvement de balancement.
* Le reposoir est un petit autel sur lequel on dépose l’Hostie qui représente le corps du Christ.
Au vers 8, Baudelaire compare le ciel à un reposoir (« Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir »), donnant au ciel une présence divine.
ostensoir harmonie du soir baudelaire
un ostensoir
* Au vers final, Baudelaire ait apparaître l’image d’un ostensoir : « Ton souvenir en moi luit comme un ostensoir ».
L’ostensoir est un objet en or dans lequel est placé l’Hostie. Cet objet de forme circulaire a des rayons en métal à l’image des rayons du soleil.
La métaphore du dernier vers est ainsi double :
– Baudelaire fait de la femme aimée son soleil intérieur
– La femme aimée représente également une présence divine au centre de son souvenir.
!!!!B – Du mouvement à la contemplation
On observe deux tendances dans ce poème :
1- Des vers 1 à 10, le poème souligne le mouvement :
« vibrant sur sa tige », « s’évapore », « tournent », « valse », « vertige », « frémit ».
La lecture du poème donne une impression de mouvement et de vertige.
2 – A partir du vers 11, le poème va vers une immobilisation : « triste et beau », « grand reposoir », « qui se fige ».
La tranquillité, le repos transparaît dans le choix du terme « reposoir ».
Ce passage du mouvement au repos et au calme marque le passage de la célébration à la contemplation.
!!!III – La correspondance entre le paysage et l’état d’âme du poète
Le paysage contemplé par Baudelaire est intériorisé. Cela veut dire que le crépuscule décrit devient intérieur et permet de représenter l’état d’âme de Baudelaire.
!!!!A – La souffrance du poète
La souffrance de Baudelaire apparaît pour la première fois au vers 6 :
« Le violon frémit comme un cœur qu’on afflige«
La douleur est soulignée phonétiquement par la diérèse sur le terme violon.
Afin de respecter la métrique du vers, le lecteur doit en effet prononcer le terme violon en trois syllabes distinctes : vi-o-lon. Le hiatus produit un son désagréable qui souligne l’affliction du poète.
De même, l’ assonance en « i » , son aigu, fait entendre l’acuité de la souffrance :
Le violon frémit comme un coeur qu’on afflige
Valse mélancolique et langoureux vertige !
Le lecteur comprend alors que la mélancolie évoquée dans le premier quatrain (« Valse mélancolique et langoureux vertige ») n’est pas seulement celle du soir mais également celle du poète.
L’image du cœur, qui apparaît au vers 6 comme un simple élément de comparaison est repris par le poète au vers 10 :
« Un cœur tendre, qui hait le néant vaste et noir ! »
La souffrance se fait plus intense : on perçoit dans ce vers l’angoisse de Baudelaire.
Au premier degré, le néant représente la nuit qui tombe. Mais Baudelaire intériorise ce paysage et la nuit représente dès lors son néant intérieur, la peur profonde de ne plus aimer et de ne plus être aimé.
!!!!B – La sublimation de la souffrance (le dépassement de la souffrance)
On peut parler de sublimation de la souffrance car Baudelaire parvient à métamorphoser sa souffrance, à la dépasser grâce à la poésie.
D’une part, la souffrance de Baudelaire est transfigurée par la beauté de l’évocation poétique. Son état d’âme se fixe sur un paysage intérieur qui l’apaise.
D’autre part, à travers son poème, Baudelaire parvient à recueillir le souvenir et à faire renaître le passé (« Du passé lumineux recueille tout vestige. »).
Le vers final du pantoum s’achève ainsi sur l’image du culte de la femme aimée :
« Ton souvenir en moi luit comme un ostensoir »
Le tutoiement de la femme aimée (« Ton souvenir ») et la présence du poète (« en moi ») clôt le poème sur l’image d’un entrecroisement des coeurs.
La femme est divinisée.
Ainsi, « Harmonie du Soir » ne s’achève pas sur l’image sombre de la nuit qui avance mais sur l’image lumineuse du soleil intérieur du poète.
===
!Harmonie imitative de la langue française
/%
|Description:|L'alphabet en exercice de diction|
%/''
+++^90%^*@[A]
[...] A l'instant qu'on l'appelle, arrivant plein d'audace,
Au haut de l'alphabet l'A s'arroge sa place,
Alerte, agile, actif, avide d'apparat,
Tantôt, à tout hasard, il marche avec éclat ;
Tantôt d'un accent grave acceptant des entraves,
Il a dans son pas lent l'allure des esclaves,
A s'adonner au mal quand il est résolu,
Avide, atroce, affreux, arrogant, absolu,
Il attroupe, il aveugle, il avilit, il arme,
Il assiège, il affame, il attaque, il allarme,
Il arrête, il accable, il assomme, il abat,
Mais il n'est pas toujours accusé d'attentat ;
Avenant, attentif, accessible, agréable,
Adroit, affectueux, accomodant, affable,
Il préside à l'amour ainsi qu'à l'amitié ;
Des attraits, des appas, il prétend la moitié ;
A la tête des arts à bon droit on l'admire ;
Mais sur-tout il adore, et si j'ose le dire,
A l'aspect du Très-haut sitôt qu'Adam parla
Ce fut apparemment l'A qu'il articula.
=== - +++^90%^*@[B]
Balbutié bientôt par le Bambin débile,
Le B semble bondir sur sa bouche inhabile ;
D'abord il l'habitue au bon-soir, au bon-jour ;
Les baisers, les bonbons sont brigués tour-à-tour.
Il demande sa balle, il appelle sa bonne ;
S'il a besoin de boire, aussitôt il ordonne ;
Son babil par le B ne peut être contraint,
Et d'un bobo, s'il boude, on est sûr qu'il se plaint.
Mais du bégue irrité la langue embarrassée,
Par le B qui la brave, à chaque instant blessée,
Sur ses bords, malgré lui, semble le retenir,
Et tout en balançant, brûle de le bannir.
=== - +++^90%^*@[C]
Le C rival de l'S, avec une cédille,
Sans elle, au lieu du Q dans tous nos mots fourmille,
De tous les objets creux il commence le nom ;
Une cave, une cuve, une chambre, un canon,
Une corbeille, un coeur, un coffre, une carrière,
Une caverne enfin le trouvent nécessaire ;
Par-tout, en demi-cercle, il court demi-courbé,
Et le K, dans l'oubli, par son choc est tombé.
=== - +++^90%^*@[D]
A décider son ton pour peu que le D tarde,
Il faut, contre les dents, que la langue le darde ;
Et déjà, de son droit, usant dans le discours
Le dos tendu sans cesse, il décrit cent détours.
=== - +++^90%^*@[E]
L'E s'évertue ensuite, élancé par l'haleine,
Chaque fois qu'on respire, il échappe sans peine ;
Et par notre idiôme, heureusement traité,
Souvent, dans un seul mot, il se voit répété.
Mais c'est peu qu'il se coule aux syllabes complettes ;
Interprète caché des consonnes muettes,
Si l'une d'elles, seule, ose se promener,
Derrière ou devant elle on l'entend résonner.
=== - +++^90%^*@[F]
Fille d'un son fatal que souffle la menace
L'F en fureur frémit, frappe, froisse, fracasse ;
Elle exprime la fougue et la fuite du vent ;
Le fer lui doit sa force, elle fouille, elle fend ;
Elle enfante le feu, la flamme et la fumée,
Et féconde en frimats, au froid elle est formée ;
D'une étoffe qu'on froisse, elle fournit l'effet,
Et le frémissement de la fronde et du fouet.
=== - +++^90%^*@[G]
Le G, plus gai, voit l'R accourir sur ses traces ;
C'est toujours à son gré que se groupent les graces ;
Un jet de voix suffît pour engendrer le G ;
Il gémit quelquefois, dans la gorge engagé,
Et quelquefois à l'I dérobant sa figure,
En joutant à sa place, il jase, il joue, il jure ;
Mais son ton général qui gouverne par-tout,
Paraît bien moins gêné pour désigner le goût.
=== - +++^90%^*@[H]
L'H, au fond du palais hazardant sa naissance
Halète au haut des mots qui sont en sa puissance ;
Elle heurte, elle happe, elle hume, elle hait,
Quelquefois par honneur, timide, elle se tait.
=== - +++^90%^*@[I]
L'I droit comme un piquet établit son empire ;
Il s'initie à l'N afin de s'introduire ;
Par l'I précipité le rire se trahit,
Et par l'I prolongé l'infortune gémit.
=== - +++^90%^*@[K]
Le K partant jadis pour les Kalendes grecques,
Laissa le Q, le C, pour servir d'hypothèques ;
Et revenant chez nous, de vieillesse cassé,
Seulement à Kimper il se vit caressé.
=== - +++^90%^*@[L]
Mais combien la seule L embellit la parole !
Lente elle coule ici, là légère elle vole ;
Le liquide des flots par elle est exprimé,
Elle polit le style après qu'on l'a limé ;
La voyelle se teint de sa couleur liante,
Se mêle-t-elle aux mots ? c'est une huile luisante
Qui mouille chaque phrase, et par son lénitif
Des consonnes, détruit le frottement rétif ;
=== - +++^90%^*@[M, N]
Ici I'M, à son tour, sur ses trois pieds chemine,
Et l'N à ses côtés sur deux pieds se dandine ;
L'M à mugir s'amuse, et meurt en s'enfermant,
L'N au fond de mon nez s'enfuit en résonnant ;
L'M aime à murmurer, l'N à nier S'obstine ;
L'N est propre à narguer, l'M est souvent mutine ;
L'M au milieu des mots marche avec majesté,
L'N unit la noblesse à la nécessité.
=== - +++^90%^*@[O]
La bouche s'arrondit lorsque l'O doit éclore,
Et par force, on déploie un organe sonore,
Lorsque l'étonnement, conçu dans le cerveau,
Se provoque à sortir par cet accent nouveau.
Le cercle lui donna sa forme originale,
Il convient à l'orbite aussi-bien qu'à l'ovale ;
On ne saurait l'ôter lorsqu'il s'agit d'ouvrir,
Et si-tôt qu'il ordonne il se fait obéir.
=== - +++^90%^*@[P]
Le P plus pétulant à son poste se presse
Malgré sa promptitude il tient à la paresse ;
Il précède la peine, et prévient le plaisir,
Même quand il pardonne, il parvient à punir ;
Il tient le premier rang dans le doux nom de père,
Il présente aux mortels le pain, si nécessaire !
Le poinçon et le pieu, la pique et le poignard,
De leur pointe, avec lui, percent de part en part ;
Et des poings et des piés il fait un double usage,
Il surprend la pudeur et la peur au passage.
Là, de son propre poids il pèse sur les mots ;
Plus loin, il peint, il pleure et se plaît aux propos :
Mais c'est à bien pousser que son pouvoir s'attache,
Et pour céder à l'F il se fond avec l'H.
=== - +++^90%^*@[Q]
Enfin du P parti je n'entens plus les pas,
Le Q traînant sa queue, et querellant tout bas,
Vient s'attaquer à l'U qu'à chaque instant il choque,
Et sur le ton du K calque son ton baroque.
=== - +++^90%^*@[R]
L'R en roulant, approche et tournant à souhait,
Reproduit le bruit sourd du rapide rouet ;
Elle rend, d'un seul trait, le fracas du tonnerre,
La course d'un torrent, le cours d'une rivière ;
Et d'un ruisseau qui fuit sous les saules épars,
Elle promène en paix les tranquilles écarts.
Voyez-vous l'Éridan, la Loire, la Garonne,
L'Euphrate, la Dordogne et le Rhin et le Rhône,
D'abord avec fureur précipitant leurs flots
S'endormir sur les prés qu'ont ravagés leurs eaux ?
L'R a su par degrés vous décrire leur rage...
Elle a de tous les chars, la conduite en partage ;
Par-tout, vous l'entendrez sur le pavé brûlant
Presser du fier Mondor le carosse brillant,
Diriger de Phryné la berline criarde,
Et le cabriolet du fat qui se hazarde ;
La brouette en bronchant lui doit son soubressault,
Et le rustre lui fait traîner soin chariot ;
Le barbet irrité contre un pauvre en désordre,
L'avertit par une R avant que de le mordre ;
L'R a cent fois rongé, rouillé, rompu, raclé,
Et le bruit du tambour par elle est rappellé.
=== - +++^90%^*@[S]
Mais c'est ici que l'S en serpentant s'avance,
A la place du C sans cesse elle se lance ;
Elle souffle, elle sonne, et chasse à tout moment
Un son qui s'assimile au simple sifflement.
=== - +++^90%^*@[T]
Le T tient au toucher, tape, terrasse et tue ;
On le trouve à la tête, aux talons, en statue :
C'est lui qui fait au loin retentir le tocsin ;
Peut-on le méconnaître au tic-tac du moulin ?
De nos toits, par sa forme, il dicta la structure,
Et tirant tous les sons du sein de la nature,
Exactement taillé sur le type du Tau
Le T dans tous les temps imita le marteau.
=== - +++^90%^*@[U, V]
Le V vient ; il se voue à la vue, à la vie ;
Vain d'avoir, en consonne, une vogue suivie,
Il peint le vol des vents, et la vélocité ;
Il n'est pas moins utile, en voyelle, usité,
Mais des lèvres hélas ! le V s'évadait vite,
Et l'humble U se ménage une modeste fuite ;
Le son nud qu'il procure, un peu trop continu,
Est du mépris parfait un signe convenu.
=== - +++^90%^*@[X,Y , Z]
Renouvelé du Xi, l'X excitant la rixe,
Laisse derrière lui l'Y grec, jugé prolixe,
Et, mis, malgré son zèle, au même numéro
Le Z usé par l'S est réduit à zéro.
===
''
!!!!!!Antoine-Pierre-Augustin de PIIS (1755-1832)
{{center{
!Heureux qui comme Ulysse
!!!!!Joachim Du Bellay<br>//Les Regrets//
}}}
{{menubox{
Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage,
Ou comme cestuy-là qui conquit la toison,
Et puis est retourné, plein d'usage et raison,
Vivre entre ses parents le reste de son âge !
Quand reverrai-je, hélas, de mon petit village
Fumer la cheminée, et en quelle saison
Reverrai-je le clos de ma pauvre maison,
Qui m'est une province, et beaucoup davantage ?
Plus me plaît le séjour qu'ont bâti mes aïeux,
Que des palais Romains le front audacieux,
Plus que le marbre dur me plaît l'ardoise fine :
Plus mon Loire gaulois, que le Tibre latin,
Plus mon petit Liré, que le mont Palatin,
Et plus que l'air marin la doulceur angevine.
{{tiny right{''Joachim DU BELLAY'' (1522-1560)
Recueil : Les Regrets}}}}}}
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|Source:|http://mptw.tiddlyspot.com/#HideWhenPlugin|
|Author:|Simon Baird <simon.baird@gmail.com>|
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!Art de Dire<br>//Classe publique de Jean Antolinos//
!!!!!//Jeudi 17 mars//
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where 'tiddler.text.contains("HommageJean") && tiddler.title !="HommageJean" && tiddler.title !="bandeau" '
sortBy 'tiddler.title'
write '"|[["+tiddler.title+"]]|"+store.getTiddlerSlice(tiddler.title,"HommageJean")+"|\n" '
begin '"| !Récitants | !Poèmes |\n"'
>>
>Vous pouvez venir librement aux séances hebdomadaires ''//Art de Dire//'' de Jean, les vendredis de 14:00 à 15:30 à Mouffetard.
/%
!orga
;Organisation de la rencontre
*La rencontre aura lieu de 14:15 à 16:15 précises. Il est demandé à tous les récitants d'arriver à 14:00 pour
**remettre les textes à dire à Jean,
**organiser le tour de prise de parole,
**mettre la "classe" en place, autour de Jean, face au public.
;Cette rencontre n'est pas un récital de poésie, mais une __classe publique__:
*Les "élèves" peuvent être aussi bien débutants que chevronnés : ce n'est pas un concours où on félicite la performance, mais une réunion où on encourage un progrès. Le premier critère est le plaisir : de dire, de partager, d'apprendre.
*les "élèves" garantissent leur présence pendant toute la durée de la "classe",
*le passage de chacun
*#commence par la diction au public du texte choisi, en respectant la contrainte de temps ;
*#ménage un temps pour les remarques, indications ou conseils de Jean, du public, ou des autres récitants) ;
*#permet un deuxième essai de diction du texte (le plus ouvent partiel) pour prendre en compte les suggestios reçues.
<<<
;Contraintes de temps
La limite de temps oblige à une certaine discipline collective.
:S'il y a 20 récitants le 17 mars (effectif actuel des inscrits !), on ne peut accorder plus de ''6 minutes par tour'' pour les 2 heures de la rencontre.
|borderless|k
|Par exemple :| //Diction du texte ://| |environ '2' minutes |
|| //Remarques et suggestions de perfectionnement ://||au moins '2' minutes |
|| //Diction "corrigée" ://||au plus '2' minutes |
* les commentaires porteront sur la prestation : les aspects qui auront été jugés particulièrement réussis, les améliorations conseillées pour le prochain essai.
**Éviter les appréciations globales, les considérations générales, les digressions sur l'oeuvre présentée, etc.
**Et bien sûr, s'interdire tout jugement sur les capacités présumées du récitant !
**Le Maître de Jeu garde à tout moment la capacité d'interrompre pour donner une directive, réguler une discussion, ou gérer le temps de la séance.
;La récompense !
En fin de séance, le public pourra demander à un récitant dont la prestation aurait particulièrement plu, d'offrir un deuxième passage (sur le même texte ou un autre texte de son choix).
Et bien sûr les applaudissements s'adressent à tous ceux qui auront participé, et les remerciements à Jean.
<<<
!emails
;Adresses mails
<<forEachTiddler
where 'tiddler.text.contains("HommageJean") && tiddler.title !="HommageJean" && tiddler.text.contains("|email") '
sortBy 'tiddler.title'
write 'store.getTiddlerSlice(tiddler.title,"email")+"\n" '
>>
!TEL
<<forEachTiddler
where 'tiddler.text.contains("HommageJean") && tiddler.title !="HommageJean" && tiddler.text.contains("|TEL") '
sortBy 'tiddler.title'
write '"|[["+tiddler.title+"]]|"+store.getTiddlerSlice(tiddler.title,"TEL")+"|\n" '
begin '"| !Récitants | !Téléphones |\n"'
>>
!z
%/
!Hou-la-la!
{{center{[img[http://medias.psychologies.com/storage/images/famille/education/autorite-transmission/articles-et-dossiers/parents-aimer-et-punir/alain-braconnier-psychanalyste-quand-l-enfant-se-fait-tyran/739839-2-fre-FR/Alain-Braconnier-psychanalyste-Quand-l-enfant-se-fait-tyran_imagePanoramique647_286.jpg]]}}}
|dit|[[Jacques]] le 4/3/2016|
{{twocolumns{
;Refrain:
<<<
Attention dégagez les alentours
Mon père et ma mère se font l’amour
Prenez garde aux retombées dans l’atmosphère
Mon père et ma mère s’envoient en l’air.
<<<
Debout sur la table dans la cuisine
Entre confiture et margarine
Avec une pincée de poivre et de sel
Et de leurs nombril ruisselle du miel
Mais ce qui fait un boucan d’enfer
C’est ce qu’ils font dans le frigidaire
Tout ça en cachette pour ne pas être vus
De nous tous les enfants bien entendu
Mais ‘faut pas nous prendre pour des andouilles
En nous racontant des carabistouilles
« Hou-la-la! » crie mon papa
« En avant ! » crie ma maman
;Refrain:
<<<
Attention dégagez les alentours
Mon père et ma mère se font l’amour
Prenez garde aux retombées dans l’atmosphère
Mon père et ma mère s’envoient en l’air.
<<<
Une nuit où je ronflais comme une bouilloire
Voilà que j’entends au loin des bruits bizarres
Ca rugit, ça brame, ça miaule et ça gémit
Et puis ça se pâme en tombant sur le lit
C’est alors que j’entends ma maman
Murmurer à papa tendrement
« Si tu m’ouvres encore la boîte à malices
Je te ré-emmène aux jardins des délices »
C’est vrai qu’à eux deux leurs ébats érotiques
C’est la moitié du réchauffement climatique
« Inch Allah ! » crie mon papa
« Vas-y Fernand », crie ma maman
;Refrain:
<<<
Attention dégagez les alentours
Mon père et ma mère se font l’amour
Prenez garde aux retombées dans l’atmosphère
Mon père et ma mère s’envoient en l’air.
<<<
//Couplet parlé//
Car il y a des jours où c’est de la folie
Ils font partout l’amour mais pas dans leur lit
A califourchon au sommet du ~Mont-Blanc
Ou à reculons à Rome au Vatican
Mais après tout qu’importe la manière
Si c’est ainsi qu’ils s’aiment c’est leur affaire
D’ailleurs ils ont l’air de tellement s’amuser
Qu’il paraît que c’est ainsi que je suis né
D’ailleurs ils ont l’air d’avoir tant de plaisir
Qu’il paraît que je suis l’enfant de leurs désirs
L’enfant de leurs délires
}}}
!!!!!!//© Raphy Rafaël//
!!!!!//''Légende de la barre flottante (marge droite)''
*@@ ^ @@ Retour en haut de page
*@@ I @@ Index des contenus (bascule sur Page Accueil)
*@@ + = - @@ Taille des caractères//
<<top>>
[[I|Index]]
/%
<<newTiddler>><<renameButton 'N'>>
%/
<<fontSize>>
/***
|Name|HoverMenuPlugin|
|Created by|SaqImtiaz|
|Location|http://tw.lewcid.org/#HoverMenuPlugin|
|Version|1.11|
|Requires|~TW2.x|
!Description:
Provides a hovering menu on the edge of the screen for commonly used commands, that scrolls with the page.
!Demo:
Observe the hovering menu on the right edge of the screen.
!Installation:
Copy the contents of this tiddler to your TW, tag with systemConfig, save and reload your TW.
To customize your HoverMenu, edit the HoverMenu shadow tiddler.
To customize whether the menu sticks to the right or left edge of the screen, and its start position, edit the HoverMenu configuration settings part of the code below. It's well documented, so don't be scared!
The menu has an id of hoverMenu, in case you want to style the buttons in it using css.
!Notes:
Since the default HoverMenu contains buttons for toggling the side bar and jumping to the top of the screen and to open tiddlers, the ToggleSideBarMacro, JumpMacro and the JumpToTopMacro are included in this tiddler, so you dont need to install them separately. Having them installed separately as well could lead to complications.
If you dont intend to use these three macros at all, feel free to remove those sections of code in this tiddler.
!To Do:
* rework code to allow multiple hovering menus in different positions, horizontal etc.
* incorporate code for keyboard shortcuts that correspond to the buttons in the hovermenu
!History:
*03-08-06, ver 1.1.2: compatibility fix with SelectThemePlugin
*03-08-06, ver 1.11: fixed error with button tooltips
*27-07-06, ver 1.1 : added JumpMacro to hoverMenu
*23-07-06
!Code
***/
/***
start HoverMenu plugin code
***/
//{{{
config.hoverMenu={};
//}}}
/***
HoverMenu configuration settings
***/
//{{{
config.hoverMenu.settings={
align: 'right', //align menu to right or left side of screen, possible values are 'right' and 'left'
x: 3, // horizontal distance of menu from side of screen, increase to your liking.
y: 120 //vertical distance of menu from top of screen at start, increase or decrease to your liking
};
//}}}
//{{{
//continue HoverMenu plugin code
config.hoverMenu.handler=function()
{
if (!document.getElementById("hoverMenu"))
{
var theMenu = createTiddlyElement(document.getElementById("contentWrapper"), "div","hoverMenu");
theMenu.setAttribute("refresh","content");
theMenu.setAttribute("tiddler","HoverMenu");
var menuContent = store.getTiddlerText("HoverMenu");
wikify(menuContent,theMenu);
}
var Xloc = this.settings.x;
Yloc =this.settings.y;
var ns = (navigator.appName.indexOf("Netscape") != -1);
function SetMenu(id)
{
var GetElements=document.getElementById?document.getElementById(id):document.all?document.all[id]:document.layers[id];
if(document.layers)GetElements.style=GetElements;
GetElements.sP=function(x,y){this.style[config.hoverMenu.settings.align]=x +"px";this.style.top=y +"px";};
GetElements.x = Xloc;
GetElements.y = findScrollY();
GetElements.y += Yloc;
return GetElements;
}
window.LoCate_XY=function()
{
var pY = findScrollY();
ftlObj.y += (pY + Yloc - ftlObj.y)/15;
ftlObj.sP(ftlObj.x, ftlObj.y);
setTimeout("LoCate_XY()", 10);
}
ftlObj = SetMenu("hoverMenu");
LoCate_XY();
};
window.old_lewcid_hovermenu_restart = restart;
restart = function()
{
window.old_lewcid_hovermenu_restart();
config.hoverMenu.handler();
};
setStylesheet(
"#hoverMenu .imgLink, #hoverMenu .imgLink:hover {border:none; padding:0px; float:right; margin-bottom:2px; margin-top:0px;}\n"+
"#hoverMenu .button, #hoverMenu .tiddlyLink {border:none; font-weight:bold; background:#18f; color:#FFF; padding:0 5px; float:right; margin-bottom:4px;}\n"+
"#hoverMenu .button:hover, #hoverMenu .tiddlyLink:hover {font-weight:bold; border:none; color:#fff; background:#000; padding:0 5px; float:right; margin-bottom:4px;}\n"+
"#hoverMenu .button {width:100%; text-align:center}"+
"#hoverMenu { position:absolute; width:7px;}\n"+
"\n","hoverMenuStyles");
config.macros.renameButton={};
config.macros.renameButton.handler = function(place,macroName,params,wikifier,paramString,tiddler)
{
if (place.lastChild.tagName!="BR")
{
place.lastChild.firstChild.data = params[0];
if (params[1]) {place.lastChild.title = params[1];}
}
};
config.shadowTiddlers["HoverMenu"]="<<top>>\n<<toggleSideBar>><<renameButton '>' >>\n<<jump j '' top>>\n<<saveChanges>><<renameButton s 'Save TiddlyWiki'>>\n<<newTiddler>><<renameButton n>>\n";
//}}}
//end HoverMenu plugin code
//Start ToggleSideBarMacro code
//{{{
config.macros.toggleSideBar={};
config.macros.toggleSideBar.settings={
styleHide : "#sidebar { display: none;}\n"+"#contentWrapper #displayArea { margin-right: 1em;}\n"+"",
styleShow : " ",
arrow1: "«",
arrow2: "»"
};
config.macros.toggleSideBar.handler=function (place,macroName,params,wikifier,paramString,tiddler)
{
var tooltip= params[1]||'toggle sidebar';
var mode = (params[2] && params[2]=="hide")? "hide":"show";
var arrow = (mode == "hide")? this.settings.arrow1:this.settings.arrow2;
var label= (params[0]&¶ms[0]!='.')?params[0]+" "+arrow:arrow;
var theBtn = createTiddlyButton(place,label,tooltip,this.onToggleSideBar,"button HideSideBarButton");
if (mode == "hide")
{
(document.getElementById("sidebar")).setAttribute("toggle","hide");
setStylesheet(this.settings.styleHide,"ToggleSideBarStyles");
}
};
config.macros.toggleSideBar.onToggleSideBar = function(){
var sidebar = document.getElementById("sidebar");
var settings = config.macros.toggleSideBar.settings;
if (sidebar.getAttribute("toggle")=='hide')
{
setStylesheet(settings.styleShow,"ToggleSideBarStyles");
sidebar.setAttribute("toggle","show");
this.firstChild.data= (this.firstChild.data).replace(settings.arrow1,settings.arrow2);
}
else
{
setStylesheet(settings.styleHide,"ToggleSideBarStyles");
sidebar.setAttribute("toggle","hide");
this.firstChild.data= (this.firstChild.data).replace(settings.arrow2,settings.arrow1);
}
return false;
}
setStylesheet(".HideSideBarButton .button {font-weight:bold; padding: 0 5px;}\n","ToggleSideBarButtonStyles");
//}}}
//end ToggleSideBarMacro code
//start JumpToTopMacro code
//{{{
config.macros.top={};
config.macros.top.handler=function(place,macroName)
{
createTiddlyButton(place,"^","jump to top",this.onclick);
}
config.macros.top.onclick=function()
{
window.scrollTo(0,0);
};
config.commands.top =
{
text:" ^ ",
tooltip:"jump to top"
};
config.commands.top.handler = function(event,src,title)
{
window.scrollTo(0,0);
}
//}}}
//end JumpToStartMacro code
//start JumpMacro code
//{{{
config.macros.jump= {};
config.macros.jump.handler = function (place,macroName,params,wikifier,paramString,tiddler)
{
var label = (params[0] && params[0]!=".")? params[0]: 'jump';
var tooltip = (params[1] && params[1]!=".")? params[1]: 'jump to an open tiddler';
var top = (params[2] && params[2]=='top') ? true: false;
var btn =createTiddlyButton(place,label,tooltip,this.onclick);
if (top==true)
btn.setAttribute("top","true")
}
config.macros.jump.onclick = function(e)
{
if (!e) var e = window.event;
var theTarget = resolveTarget(e);
var top = theTarget.getAttribute("top");
var popup = Popup.create(this);
if(popup)
{
if(top=="true")
{createTiddlyButton(createTiddlyElement(popup,"li"),'Top ?','Top of TW',config.macros.jump.top);
createTiddlyElement(popup,"hr");}
story.forEachTiddler(function(title,element) {
createTiddlyLink(createTiddlyElement(popup,"li"),title,true);
});
}
Popup.show(popup,false);
e.cancelBubble = true;
if (e.stopPropagation) e.stopPropagation();
return false;
}
config.macros.jump.top = function()
{
window.scrollTo(0,0);
}
//}}}
//end JumpMacro code
//utility functions
//{{{
Popup.show = function(unused,slowly)
{
var curr = Popup.stack[Popup.stack.length-1];
var rootLeft = findPosX(curr.root);
var rootTop = findPosY(curr.root);
var rootHeight = curr.root.offsetHeight;
var popupLeft = rootLeft;
var popupTop = rootTop + rootHeight;
var popupWidth = curr.popup.offsetWidth;
var winWidth = findWindowWidth();
if (isChild(curr.root,'hoverMenu'))
var x = config.hoverMenu.settings.x;
else
var x = 0;
if(popupLeft + popupWidth+x > winWidth)
popupLeft = winWidth - popupWidth -x;
if (isChild(curr.root,'hoverMenu'))
{curr.popup.style.right = x + "px";}
else
curr.popup.style.left = popupLeft + "px";
curr.popup.style.top = popupTop + "px";
curr.popup.style.display = "block";
addClass(curr.root,"highlight");
if(config.options.chkAnimate)
anim.startAnimating(new Scroller(curr.popup,slowly));
else
window.scrollTo(0,ensureVisible(curr.popup));
}
window.isChild = function(e,parentId) {
while (e != null) {
var parent = document.getElementById(parentId);
if (parent == e) return true;
e = e.parentNode;
}
return false;
};
//}}}
!Huissier
+++[Tout le texte du rôle]
<<forEachTiddler
where
' tiddler.tags.contains ("Huissier")'
sortBy 'tiddler.title'
write
'"----\n<<tiddler [["+tiddler.title+"]]$))\n"'
>>
===
//Toutes ses scènes du rôle ://
!!!!Gaby Augustine Madame Chanel Louise
{{groupbox small{''Exercice :''
<<<
Chaque distribution prend un parti :
*Soit //comédie// : faire rire le public.
*Soit //suspense// : amener le public à suspecter chacune.
<<<
? Trouver un dispositif scénique qui permette au public de suivre à tout moment les réactions de chacun
? Typer à la caricature, à tout moment, les réactions de son personnage au fil des échanges.
://La scène sera filmée en plan rapproché, tour à tour, sur chacune de ses protagonistes//
}}}
;Gaby
:Madame Chanel, puisque vous êtes la plus courageuse, voici la clef.
;Madame Chanel
:Merci, Madame !
;Augustine à Gaby
:Tu aurais pu consulter les autres, non ?
;Gaby
:Je fais ce que je crois être mon devoir.
;Augustine à Gaby
:Ton devoir !
;Gaby
:Ne laissez entrer personne, Madame Chanel
;Augustine
:Ah ! Non alors ! Si Madame Chanel entre, nous devons toutes entrer.
;Louise
:C'est évident. Ou personne ou tout le monde.
;Mamy
:Il ne faut toucher à rien !
;Louise
:A cause des empreintes…
;Madame Chanel
:Voulez-vous insinuer, Mesdames, que j'ai demandé la clef dans ce but ? Très bien. Dans ce cas-là…
;Mamy
:Oh ! Madame Chanel, ne soyez pas susceptible…
;Madame Chanel
:Je n'ai jamais été susceptible. C'est pour ça que je sers depuis quinze ans dans cette maison… On peut me dire ce qu'on veut. Tout m'est égal. Je suis ici pour gagner mon pain. C'est tout… D'ailleurs je préfère ne pas être montée… Je peux bien vous le dire... J'avais peur comme vous... Alors, cette clef, qui la garde ? Personne ? Bon ! je la pose là !
;Louise
:Cet homme qui rôde, peut-être, autour de nous …
;Madame Chanel
:Un homme ? Pourquoi un homme ?
;Mamy
:Qu'est-ce que ça peut être d'autre ?
;Madame Chanel
:Mais… une femme !
;Augustine
:C'est honteux… Vous avez l'air de m'accuser !
;Gaby
:Quand on a la conscience tranquille…
;Augustine
:Tu me détestes, n'est-ce pas ?
;Gaby
:Non, tu m'es indifférente !
;Augustine
:Vous l'entendez ?
;Mamy
:Augustine, ma chérie, tais-toi ! … Gab, excuse-la…
;Gaby
:Evidemment, ta petite chouchoute, tu la couves !
;Augustine
:Mais, oui, Maman, donne raison à Gab… Elle est riche à présent…, très riche, et elle va nous mettre dehors… Alors, fais ta cour, Maman, sauve ton bifteck…. Vous n'osez rien lui dire parce que vous êtes toutes des lâches…. Mais, moi, je dirai des choses à la police... Des choses que je sais...
;Gaby
:Quelles choses ?
;Augustine
:C'est mon affaire.
;Suzon
:On ne calomnie pas quelqu'un sans preuve. Méfie-toi…
;Augustine
:C'est une coalition contre moi ! Ta mère m'attaque de front…
;Gaby
:Tu préfères, toi, attaquer de dos ?
;Augustine
Que je suis malheureuse… Tout le monde dit que je suis une idiote, une laissée pour compte, un fruit sec… Mais qu'est-ce que j'ai au monde comme consolation ? Dites-moi…
<html>
<head>
<meta http-equiv=Content-Type content="text/html; charset=windows-1252">
<link rel=File-List href="Hymne_fichiers/filelist.xml">
<style id="Conducteur 30 avril_29655_Styles">
<!--table
{mso-displayed-decimal-separator:"\,";
mso-displayed-thousand-separator:" ";}
.font529655
{color:black;
font-size:14.0pt;
font-weight:400;
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font-family:Calibri, sans-serif;
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.font629655
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.xl1529655
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.xl6329655
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.xl6429655
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.xl7029655
{padding-top:1px;
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font-family:Calibri, sans-serif;
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padding-right:1px;
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font-size:14.0pt;
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text-decoration:none;
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<!--Les informations suivantes ont été générées par l'Assistant Publier en tant
que page Web de Microsoft Office Excel.-->
<!--SI vous republiez le même élément à partir d'Excel, toutes les informations
entre les balises DIV seront remplacées.-->
<!----------------------------->
<!--DÉBUT DE LA SORTIE À PARTIR DE L'ASSISTANT PUBLIER EN TANT QUE PAGE WEB
D'EXCEL -->
<!----------------------------->
<div id="Conducteur 30 avril_29655" align=center x:publishsource="Excel">
<table border=0 cellpadding=0 cellspacing=0 width=665 style='border-collapse:
collapse;table-layout:fixed;width:498pt'>
<col class=xl6429655 width=118 style='mso-width-source:userset;mso-width-alt:
4181;width:88pt'>
<col width=379 style='mso-width-source:userset;mso-width-alt:13482;width:284pt'>
<col class=xl6329655 width=168 style='mso-width-source:userset;mso-width-alt:
5973;width:126pt'>
<tr height=102 style='mso-height-source:userset;height:76.2pt'>
<td height=102 class=xl6529655 width=118 style='height:76.2pt;width:88pt'>Tous</td>
<td class=xl6629655 width=379 style='width:284pt'>Plus Plus, Plus Plus pour
vot'plaisir nous sommes <br>
Plus Plus, Plus Plus, réunis sur cett'scène <br>
Plus Plus, Plus Plus, not'bande de vieux jeunots <br>
Vous entraîne, c'est nous les Septuas Plus Plus</td>
<td class=xl6729655 width=168 style='width:126pt'>Chanté <br>
sur l'air de FrouFrou <br>
(accéléré vif)</td>
</tr>
<tr height=78 style='mso-height-source:userset;height:58.2pt'>
<td height=78 class=xl6529655 style='height:58.2pt'>Jacques</td>
<td class=xl6829655 width=379 style='width:284pt'><font class="font629655">Geneviève,</font><font
class="font529655"> <br>
Notre joyeuse douairière <br>
Plus dévergondée qu'elle n'en a l'air</font></td>
<td class=xl6929655>Parlé</td>
</tr>
<tr height=34 style='mso-height-source:userset;height:25.8pt'>
<td height=34 class=xl7029655 style='height:25.8pt'>Tous</td>
<td class=xl7129655 width=379 style='width:284pt'>Notre première Septua Plus
Plus</td>
<td class=xl7229655></td>
</tr>
<tr height=73 style='height:54.6pt'>
<td height=73 class=xl6529655 style='height:54.6pt'>Geneviève</td>
<td class=xl6829655 width=379 style='width:284pt'><font class="font629655">Marie-France
</font><font class="font529655"><br>
Plaideuse émérite venue de la danse <br>
Elle sait oser toutes les extravagances</font></td>
<td class=xl6929655>Parlé</td>
</tr>
<tr height=25 style='height:18.6pt'>
<td height=25 class=xl7029655 style='height:18.6pt'>Tous</td>
<td class=xl7329655>Une Septua Plus Plus de plus</td>
<td class=xl7229655>Parlé</td>
</tr>
<tr height=73 style='height:54.6pt'>
<td height=73 class=xl6529655 style='height:54.6pt'>Marie-France</td>
<td class=xl6829655 width=379 style='width:284pt'><font class="font629655">Éveline</font><font
class="font529655"> <br>
Fausse discrète mais vrai caméléon <br>
Que le moindre rôle met en ébullition</font></td>
<td class=xl6929655>Parlé</td>
</tr>
<tr height=25 style='height:18.6pt'>
<td height=25 class=xl7029655 style='height:18.6pt'>Tous</td>
<td class=xl7329655>Une Septua Plus Plus de plus</td>
<td class=xl7229655>Parlé</td>
</tr>
<tr height=97 style='height:72.6pt'>
<td height=97 class=xl6529655 style='height:72.6pt'>Éveline<span
style='mso-spacerun:yes'> </span></td>
<td class=xl6829655 width=379 style='width:284pt'><font class="font629655">Michèle</font><font
class="font529655"> <br>
C'est elle qui nos lacunes repère <br>
Pour que nos talents soient en lumière</font></td>
<td class=xl6929655>Parlé</td>
</tr>
<tr height=25 style='height:18.6pt'>
<td height=25 class=xl7029655 style='height:18.6pt'>Tous</td>
<td class=xl7329655>Pas encore Septua mais déjà Plus Plus</td>
<td class=xl7229655>Parlé</td>
</tr>
<tr height=97 style='height:72.6pt'>
<td height=97 class=xl6529655 style='height:72.6pt'>Jacques</td>
<td class=xl6829655 width=379 style='width:284pt'><font class="font629655">Jean</font><font
class="font529655"> <br>
De l'art théâtral son exigence et sa pratique <br>
Nous obligent et nous inspirent</font></td>
<td class=xl6929655>Parlé</td>
</tr>
<tr height=26 style='height:19.2pt'>
<td height=26 class=xl6529655 style='height:19.2pt'>Michèle</td>
<td class=xl7429655>Jacques</td>
<td class=xl6929655>Parlé</td>
</tr>
<tr height=25 style='height:18.6pt'>
<td height=25 class=xl7029655 style='height:18.6pt'>Geneviève</td>
<td class=xl7529655>Plein d'entrain, il renoue avec la scène</td>
<td class=xl7229655>Parlé</td>
</tr>
<tr height=24 style='height:18.0pt'>
<td height=24 class=xl7029655 style='height:18.0pt'>Marie-France</td>
<td class=xl7529655>Fédérant nos talents il nous entraîne<span
style='mso-spacerun:yes'> </span></td>
<td class=xl7229655>Parlé</td>
</tr>
<tr height=24 style='height:18.0pt'>
<td height=24 class=xl7029655 style='height:18.0pt'>Éveline<span
style='mso-spacerun:yes'> </span></td>
<td class=xl7529655>Et mène le jeu pour, public aimable</td>
<td class=xl7229655>Parlé</td>
</tr>
<tr height=25 style='height:18.6pt'>
<td height=25 class=xl6529655 style='height:18.6pt'>Michèle</td>
<td class=xl7629655>Vous faire partager un moment agréable.</td>
<td class=xl6929655>Parlé</td>
</tr>
<tr height=25 style='height:18.6pt'>
<td height=25 class=xl7029655 style='height:18.6pt'>Tous</td>
<td class=xl7329655>Un Septua Plus Plus de plus</td>
<td class=xl7229655>Parlé</td>
</tr>
<tr height=169 style='height:126.6pt'>
<td height=169 class=xl6529655 style='height:126.6pt'> </td>
<td class=xl6629655 width=379 style='width:284pt'>Plus Plus, Plus Plus pour
vot'plaisir nous sommes <br>
Plus Plus, Plus Plus, réunis sur cett'scène <br>
Plus Plus, Plus Plus, not'bande de vieux jeunots <br>
Vous entraîne, c'est nous les Septuas Plus Plus</td>
<td class=xl6729655 width=168 style='width:126pt'>Chanté<br>
avec le public</td>
</tr>
<![if supportMisalignedColumns]>
<tr height=0 style='display:none'>
<td width=118 style='width:88pt'></td>
<td width=379 style='width:284pt'></td>
<td width=168 style='width:126pt'></td>
</tr>
<![endif]>
</table>
</div>
<!----------------------------->
<!--FIN DE LA SORTIE À PARTIR DE L'ASSISTANT PUBLIER EN TANT QUE PAGE WEB
D'EXCEL-->
<!----------------------------->
</body>
</html>
{{center{[img(33%,)[http://www.certiferme.com/imgs/contenu/recette_photo/blog-33123-bonne-fete-a-toutes-les-sylvie-tres-belle-journee-051112095723-107471580.jpg]]}}}
!Hymne à la très bonne, à la très belle
!!!!!{{center{Charles BAUDELAIRE
(1821-1867)}}}
{{center{
A la très chère, à la très belle
Qui remplit mon coeur de clarté,
A l'ange, à l'idole immortelle,
Salut en l'immortalité !
Elle se répand dans ma vie
Comme un air imprégné de sel,
Et dans mon âme inassouvie
Verse le goût de l'éternel.
Sachet toujours frais qui parfume
L'atmosphère d'un cher réduit,
Encensoir oublié qui fume
En secret à travers la nuit,
Comment, amour incorruptible,
T'exprimer avec vérité ?
Grain de musc qui gis, invisible,
Au fond de mon éternité !
A la très bonne, à la très belle
Qui fait ma joie et ma santé,
A l'ange, à l'idole immortelle,
Salut en l'immortalité !
}}}
{{center{^^//<<storyViewer amour previous>><<storyViewer amour list>><<storyViewer amour next>>//^^
!Hélas ! j'aurai passé près d'elle inaperçu
!!!!!!//Félix ARVERS (1806-1850)//
Mon âme a son secret, ma vie a son mystère,
Un amour éternel en un moment conçu :
Le mal est sans espoir, aussi j'ai dû le taire,
Et celle qui l'a fait n'en a jamais rien su.
Hélas ! j'aurai passé près d'elle inaperçu,
Toujours à ses côtés, et pourtant solitaire.
Et j'aurai jusqu'au bout fait mon temps sur la terre,
N'osant rien demander et n'ayant rien reçu.
Pour elle, quoique Dieu l'ait faite douce et tendre,
Elle suit son chemin, distraite et sans entendre
Ce murmure d'amour élevé sur ses pas.
À l'austère devoir, pieusement fidèle,
Elle dira, lisant ces vers tout remplis d'elle
" Quelle est donc cette femme ? " et ne comprendra pas.
}}}
!<<storyViewer 'LE MARIAGE DE FIGARO'>>
^^//FIGARO, SUZANNE.//^^
;Figaro
:Dix-neuf pieds sur vingt-six.
;Suzanne
:Tiens, Figaro, voilà mon petit chapeau: le trouves-tu mieux ainsi?
;Figaro
:Sans comparaison, ma charmante. Ô! que ce joli bouquet virginal élevé sur la tête d'une belle fille, est doux le matin des noces à l'oeil amoureux d'un époux!...
;Suzanne
:Que mesures-tu donc là, mon fils?
;Figaro
:Je regarde, ma petite Suzanne, si ce beau lit que Monseigneur nous donne aura bonne grace ici.
;Suzanne
:Dans cette chambre?
;Figaro
:Il nous la cède.
;Suzanne
:Et moi je n'en veux point.
;Figaro
:Pourquoi?
;Suzanne
:Je n'en veux point.
;Figaro
:Mais encore?
;Suzanne
:Elle me déplaît.
;Figaro
:On dit une raison.
;Suzanne
:Si je n'en veux pas dire?
;Figaro
:Ô! quand elles sont sûres de nous!
;Suzanne
:Prouver que j'ai raison serait accorder que je puis avoir tort. Es-tu mon serviteur, ou non?
;Figaro
:Tu prends de l'humeur contre la chambre du château la plus commode, et qui tient le milieu des deux appartemens. La nuit, si Madame est incommodée elle sonnera de son côté; zeste, en deux pas, tu es chez elle. Monseigneur veut-il quelque chose? il n'a qu'à tinter du sien; crac, en trois sauts me voilà rendu.
;Suzanne
:Fort bien! mais quand il aura tinté le matin, pour te donner quelque bonne et longue commission; zeste, en deux pas il est à ma porte; et crac, en trois sauts....
;Figaro
:Qu'entendez-vous par ces paroles?
;Suzanne
:Il faudrait m'écouter tranquillement.
;Figaro
:Eh qu'est-ce qu'il y a? Bon dieu!
;Suzanne
:Il y a, mon ami, que las de courtiser les beautés des environs, monsieur le comte Almaviva veut rentrer au château, mais non pas chez sa femme; c'est sur la tienne, entends-tu, qu'il a jeté ses vues, auxquelles il espère que ce logement ne nuira pas. Et c'est ce que le loyal Bazile, honnête agent de ses plaisirs, et mon noble maître à chanter, me répète chaque jour en me donnant leçon.
;Figaro
:Bazile! ô mon mignon! si jamais volée de bois vert appliquée sur une échine a duement redressé la moelle épinière à quelqu'un....
;Suzanne
:Tu croyais, bon garçon! que cette dot qu'on me donne était pour les beaux yeux de ton mérite?
;Figaro
:J'avais assez fait pour l'espérer.
;Suzanne
:Que les gens d'esprit sont bêtes!
;Figaro
:On le dit.
;Suzanne
:Mais c'est qu'on ne veut pas le croire.
;Figaro
:On a tort.
;Suzanne
:Apprends qu'il la destine à obtenir de moi, secrètement, certain quart-d'heure, seul à seule, qu'un ancien droit du seigneur.... Tu sais s'il était triste!
;Figaro
:Je le sais tellement que si monsieur le Comte en se mariant n'eût pas aboli ce droit honteux, jamais je ne t'eusse épousée dans ses domaines.
;Suzanne
:Hé bien! s'il l'a détruit, il s'en repent; et c'est de ta fiancée qu'il veut le racheter en secret aujourd'hui.
;Figaro
:Ma tête s'amollit de surprise; et mon front fertilisé....
;Suzanne
:Ne le frotte donc pas!
;Figaro
:Quel danger?
;Suzanne
:S'il y venait un petit bouton; des gens superstitieux....
;Figaro
:Tu ris, friponne! Ah! s'il y avait moyen d'attrapper ce grand trompeur, de le faire donner dans un bon piége, et d'empocher son or!
;Suzanne
:De l'intrigue, et de l'argent; te voilà dans ta sphère.
;Figaro
:Ce n'est pas la honte qui me retient.
;Suzanne
:La crainte?
;Figaro
:Ce n'est rien d'entreprendre une chose dangereuse; mais d'échapper au péril en la menant à bien: car, d'entrer chez quelqu'un la nuit, de lui souffler sa femme, et d'y recevoir cent coups de fouet pour la peine, il n'est rien plus aisé; mille fois coquins l'ont fait. Mais.... //(on sonne de l'intérieur.)//
;Suzanne
:Voilà Madame éveillée; elle m'a bien recommandé d'être la première à lui parler le matin de mes noces.
;Figaro
:Y a-t-il encore quelque chose là-dessous?
;Suzanne
:Le berger dit que cela porte bonheur aux épouses délaissées. Adieu mon petit Fi, Fi, Figaro; rêve à notre affaire.
;Figaro
:Pour m'ouvrir l'esprit, donne un petit baiser.
;Suzanne
:À mon amant aujourd'hui? Je t'en souhaite! Et qu'en dirait demain mon mari?
:{{italic{Figaro l'embrasse.}}}
;Suzanne
:Eh bien! eh bien!
;Figaro
:C'est que tu n'as pas d'idée de mon amour.
;Suzanne
:Quand cesserez-vous, importun, de m'en parler du matin au soir?
;Figaro
:Quand je pourrai te le prouver du soir jusqu'au matin. //(on sonne une seconde fois.)//
;Suzanne
:Voilà votre baiser, Monsieur; je n'ai plus rien à vous.
;Figaro
:Ô! mais ce n'est pas ainsi que vous l'avez reçu.
<<storyViewer 'LE MARIAGE DE FIGARO'>>
<<storyViewer 'LE MARIAGE DE FIGARO'>>
^^//MARCELINE, BARTHOLO, SUZANNE.//^^
;Suzanne
:L'épouser! l'épouser! qui donc? mon Figaro?
;Marceline,
:Pourquoi non? vous l'épousez bien!
;Bartholo
:Le bon argument de femme en colère! nous parlions, belle Suzon, du bonheur qu'il aura de vous posséder.
;Marceline
:Sans compter Monseigneur, dont on ne parle pas.
;Suzanne
:Votre servante, Madame; il y a toujours quelque chose d'amer dans vos propos.
;Marceline,
:Bien la vôtre, Madame; où donc est l'amertume? n'est-il pas juste qu'un libéral seigneur partage un peu la joie qu'il procure à ses gens?
;Suzanne
:Qu'il procure?
;Marceline
:Oui, madame.
;Suzanne
:Heureusement la jalousie de Madame est aussi connue, que ses droits sur Figaro sont légers.
;Marceline
:On eût pu les rendre plus forts, en les cimentant à la façon de Madame.
;Suzanne
:Oh cette façon, Madame, est celle des dames savantes.
;Marceline
:Et l'enfant ne l'est pas du tout! Innocente comme un vieux juge!
;Bartholo
:Adieu, jolie fiancée de notre Figaro.
;Marceline,
:L'accordée secrète de Monseigneur.
;Suzanne
:Qui vous estime beaucoup, Madame.
;Marceline,
:Me fera-t-elle aussi l'honneur de me chérir un peu, Madame?
;Suzanne
:À cet égard Madame n'a rien à désirer.
;Marceline,
:C'est une si jolie personne que Madame!
;Suzanne
:Hé mais assez pour désoler Madame.
;Marceline,
:Surtout bien respectable!
;Suzanne
:C'est aux duègnes à l'être.
;Marceline,
:Aux duègnes! aux duègnes!
;Bartholo
:Marceline!
;Marceline
:Allons, Docteur; car je n'y tiendrais pas. Bon jour, Madame. //(une révérence.)//
<<storyViewer 'LE MARIAGE DE FIGARO'>>
<<storyViewer 'Scènes du Misanthrope'>>
{{center{[img[http://www.bibliolettres.com/francais/Moliere/Le_Misanthrope_acte_I_scene_2.jpg]]}}}
;ORONTE
:J’ai su là-bas que, pour quelques emplettes
:Éliante est sortie, et Célimène aussi :
:Mais, comme l’on m’a dit que vous étiez ici,
:J’ai monté, pour vous dire, et d’un cœur véritable,
:Que j’ai conçu pour vous, une estime incroyable ;
:Et que, depuis longtemps, cette estime m’a mis
:Dans un ardent désir d’être de vos amis.
:Oui, mon cœur, au mérite, aime à rendre justice,
:Et je brûle qu’un nœud d’amitié nous unisse :
:Je crois qu’un ami chaud, et de ma qualité,
:N’est pas, assurément, pour être rejeté.
:C’est à vous, s’il vous plaît, que ce discours s’adresse.
//En cet endroit Alceste paraît tout rêveur,
et semble n’entendre pas qu’Oronte lui parle.//
;ALCESTE
:À moi, Monsieur ?
;ORONTE
:À vous. Trouvez-vous qu’il vous blesse ?
;ALCESTE
:Non pas, mais la surprise est fort grande pour moi,
:Et je n’attendais pas l’honneur que je reçoi.
;ORONTE
:L’estime où je vous tiens ne doit point vous surprendre,
:Et de tout l’univers, vous la pouvez prétendre.
;ALCESTE
:Monsieur...
;ORONTE
:l’État n’a rien qui ne soit au-dessous
:Du mérite éclatant que l’on découvre en vous.
;ALCESTE
:Monsieur...
;ORONTE
:Oui, de ma part, je vous tiens préférable
:À tout ce que j’y vois de plus considérable.
;ALCESTE
:Monsieur...
;ORONTE
:Sois-je du Ciel écrasé, si je mens ;
:Et pour vous confirmer ici, mes sentiments,
:Souffrez qu’à cœur ouvert, Monsieur, je vous embrasse,
:Et qu’en votre amitié, je vous demande place.
:Touchez là, s’il vous plaît, vous me la promettez
:Votre amitié ?
;ALCESTE
:Monsieur...
;ORONTE
:Quoi ! vous y résistez ?
;ALCESTE
:Monsieur, c’est trop d’honneur que vous me voulez faire ;
:Mais l’amitié demande un peu plus de mystère,
:Et c’est, assurément, en profaner le nom,
:Que de vouloir le mettre à toute occasion.
:Avec lumière et choix, cette union veut naître,
:Avant que nous lier, il faut nous mieux connaître ;
:Et nous pourrions avoir telles complexions,
:Que tous deux, du marché, nous nous repentirions.
;ORONTE
:Parbleu, c’est là-dessus, parler en homme sage,
:Et je vous en estime, encore, davantage :
:Souffrons, donc, que le temps forme des nœuds si doux.
:Mais, cependant, je m’offre entièrement à vous ;
:S’il faut faire à la cour, pour vous, quelque ouverture,
:On sait, qu’auprès du Roi, je fais quelque figure,
:Il m’écoute, et dans tout, il en use, ma foi,
:Le plus honnêtement du monde, avecque moi.
:Enfin, je suis à vous, de toutes les manières ;
:Et, comme votre esprit a de grandes lumières,
:Je viens, pour commencer, entre nous, ce beau nœud,
:Vous montrer un sonnet, que j’ai fait depuis peu,
:Et savoir s’il est bon qu’au public je l’expose.
;ALCESTE
:Monsieur, je suis mal propre à décider la chose,
:Veuillez m’en dispenser.
;ORONTE
:Pourquoi ?
;ALCESTE
:J’ai le défaut
:D’être un peu plus sincère, en cela, qu’il ne faut.
;ORONTE
:C’est ce que je demande, et j’aurais lieu de plainte,
:Si m’exposant [22] à vous, pour me parler, sans feinte,
:Vous alliez me trahir, et me déguiser rien.
;ALCESTE
:Puisqu’il vous plaît ainsi, Monsieur, je le veux bien.
;ORONTE
:Sonnet... C’est un sonnet. L’espoir... C’est une dame,
:Qui, de quelque espérance, avait flatté ma flamme.
:L’espoir... Ce ne sont point de ces grands vers pompeux,
:Mais de petits vers doux, tendres, et langoureux.
//À toutes ces interruptions il regarde Alceste.//
;ALCESTE
:Nous verrons bien.
;ORONTE
:L’espoir... Je ne sais si le style
:Pourra vous en paraître assez net, et facile ;
:Et si, du choix des mots, vous vous contenterez.
;ALCESTE
:Nous allons voir, Monsieur.
;ORONTE
:Au reste, vous saurez,
:Que je n’ai demeuré qu’un quart d’heure à le faire.
;ALCESTE
:Voyons, Monsieur, le temps ne fait rien à l’affaire.
;ORONTE
:L’espoir, il est vrai, nous soulage,
:Et nous berce un temps, notre ennui :
:Mais, Philis, le triste avantage,
:Lorsque rien ne marche après lui !
;PHILINTE
:Je suis déjà charmé de ce petit morceau.
;ALCESTE, bas.
:Quoi ! vous avez le front de trouver cela beau ?
;ORONTE
:Vous eûtes de la complaisance,
:Mais vous en deviez moins avoir ;
:Et ne vous pas mettre en dépense
:Pour ne me donner que l’espoir.
;PHILINTE
:Ah ! qu’en termes galants, ces choses-là sont mises !
;ALCESTE, bas.
:Morbleu, vil complaisant, vous louez des sottises [23] ?
;ORONTE
:S’il faut qu’une attente éternelle
:Pousse à bout, l’ardeur de mon zèle,
:Le trépas sera mon recours.
:Vos soins ne m’en peuvent distraire
:Belle Philis, on désespère,
:Alors qu’on espère toujours.
;PHILINTE
:La chute en est jolie, amoureuse, admirable.
;ALCESTE, bas.
:La peste de ta chute ! Empoisonneur au diable [24] ,
:En eusses-tu fait une à te casser le nez.
;PHILINTE
:Je n’ai jamais ouï de vers si bien tournés.
;ALCESTE
:Morbleu...
;ORONTE
:Vous me flattez, et vous croyez, peut-être...
;PHILINTE
:Non, je ne flatte point.
;ALCESTE, bas.
:Et que fais-tu, donc, traître ?
;ORONTE
:Mais, pour vous, vous savez quel est notre traité ;
:Parlez-moi, je vous prie, avec sincérité.
;ALCESTE
:Monsieur, cette matière est toujours délicate,
:Et, sur le bel esprit, nous aimons qu’on nous flatte :
:Mais un jour, à quelqu’un, dont je tairai le nom,
:Je disais, en voyant des vers de sa façon,
:Qu’il faut qu’un galant homme ait toujours grand empire
:Sur les démangeaisons qui nous prennent d’écrire ;
:Qu’il doit tenir la bride aux grands empressements
:Qu’on a de faire éclat de tels amusements ;
:Et que, par la chaleur de montrer ses ouvrages,
:On s’expose à jouer de mauvais personnages.
;ORONTE
:Est-ce que vous voulez me déclarer, par là,
:Que j’ai tort de vouloir...
;ALCESTE
:Je ne dis pas cela :
:Mais je lui disais, moi, qu’un froid écrit assomme,
:Qu’il ne faut que ce faible, à décrier un homme ;
:Et qu’eût-on, d’autre part, cent belles qualités,
:On regarde les gens, par leurs méchants côtés.
;ORONTE
:Est-ce qu’à mon sonnet, vous trouvez à redire ?
;ALCESTE
:Je ne dis pas cela ; mais, pour ne point écrire,
:Je lui mettais aux yeux, comme dans notre temps,
:Cette soif a gâté de fort honnêtes gens.
;ORONTE
:Est-ce que j’écris mal ? et leur ressemblerais-je ?
;ALCESTE
:Je ne dis pas cela ; mais, enfin, lui disais-je,
:Quel besoin, si pressant, avez-vous de rimer ?
:Et qui, diantre, vous pousse à vous faire imprimer ?
:Si l’on peut pardonner l’essor d’un mauvais livre,
:Ce n’est qu’aux malheureux, qui composent pour vivre.
:Croyez-moi, résistez à vos tentations,
:Dérobez au public, ces occupations ;
:Et n’allez point quitter, de quoi que l’on vous somme,
:Le nom que, dans la cour, vous avez d’honnête homme,
:Pour prendre, de la main d’un avide imprimeur,
:Celui de ridicule, et misérable auteur.
:C’est ce que je tâchai de lui faire comprendre.
;ORONTE
:Voilà qui va fort bien, et je crois vous entendre.
:Mais ne puis-je savoir ce que dans mon sonnet...
;ALCESTE
:Franchement, il est bon à mettre au cabinet [25] ;
:Vous vous êtes réglé sur de méchants modèles,
:Et vos expressions ne sont point naturelles.
:Qu’est-ce que nous berce un temps, notre ennui,
:Et que rien ne marche après lui ?
:Que ne vous pas mettre en dépense,
:Pour ne me donner que l’espoir ?
:Et que Philis, on désespère,
:Alors qu’on espère toujours ?
:Ce style figuré, dont on fait vanité,
:Sort du bon caractère, et de la vérité ;
:Ce n’est que jeu de mots, qu’affectation pure,
:Et ce n’est point ainsi, que parle la nature.
:Le méchant goût du siècle, en cela, me fait peur,
:Nos pères, tous grossiers [26] , l’avaient beaucoup meilleur ;
:Et je prise bien moins, tout ce que l’on admire,
:Qu’une vieille chanson, que je m’en vais vous dire.
<<<
:Si le Roi m’avait donné
:Paris sa grand’ville,
:Et qu’il me fallût quitter
:L’amour de ma mie ;
:Je dirais au roi Henri
:"Reprenez votre Paris,
:J’aime mieux ma mie, au gué,
:J’aime mieux ma mie.
<<<
:La rime n’est pas riche, et le style en est vieux :
:Mais ne voyez-vous pas, que cela vaut bien mieux
:Que ces colifichets [27] , dont le bon sens murmure,
:Et que la passion parle là, toute pure ?
<<<
:Si le Roi m’avait donné
:Paris sa grand’ville,
:Et qu’il me fallût quitter
:L’amour de ma mie ;
:Je dirais au roi Henri,
:"Reprenez votre Paris,
:J’aime mieux ma mie, au gué,
:J’aime mieux ma mie."
<<<
:Voilà ce que peut dire un cœur vraiment épris.
://(À Philinte )//
:Oui, Monsieur le rieur, malgré vos beaux esprits,
:J’estime plus cela que la pompe fleurie
:De tous ces faux brillants, où chacun se récrie.
;ORONTE
:Et moi, je vous soutiens que mes vers sont fort bons.
;ALCESTE
:Pour les trouver ainsi, vous avez vos raisons ;
:Mais vous trouverez bon, que j’en puisse avoir d’autres
:Qui se dispenseront de se soumettre aux vôtres.
;ORONTE
:Il me suffit de voir que d’autres en font cas.
;ALCESTE
:C’est qu’ils ont l’art de feindre ; et moi, je ne l’ai pas.
;ORONTE
:Croyez-vous, donc, avoir tant d’esprit en partage ?
;ALCESTE
:Si je louais vos vers, j’en aurais davantage.
;ORONTE
:Je me passerai bien que vous les approuviez.
;ALCESTE
:Il faut bien, s’il vous plaît, que vous vous en passiez.
;ORONTE
:Je voudrais bien, pour voir, que de votre manière
:Vous en composassiez sur la même matière.
;ALCESTE
:J’en pourrais, par malheur, faire d’aussi méchants ;
:Mais je me garderais de les montrer aux gens.
;ORONTE
:Vous me parlez bien ferme, et cette suffisance...
;ALCESTE
:Autre part que chez moi, cherchez qui vous encense.
;ORONTE
:Mais, mon petit Monsieur, prenez-le un peu moins haut.
;ALCESTE
:Ma foi, mon grand Monsieur, je le prends comme il faut.
;PHILINTE,
://se mettant entre deux.//
:Eh ! Messieurs, c’en est trop, laissez cela, de grâce.
;ORONTE
:Ah ! j’ai tort, je l’avoue, et je quitte la place ;
:Je suis votre valet, Monsieur, de tout mon cœur.
;ALCESTE
:Et moi, je suis, Monsieur, votre humble serviteur.
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!Le Misanthrope
!!!!!!Acte 2 Scène 1 - ALCESTE, CÉLIMÈNE.
:[img(40%,)[http://www.larousse.fr/encyclopedie/data/images/1312745-Moli%C3%A8re_le_Misanthrope.jpg]]
;ALCESTE
:Madame, voulez-vous que je vous parle net ?
:De vos façons d’agir, je suis mal satisfait :
:Contre elles, dans mon cœur, trop de bile s’assemble,
:Et je sens qu’il faudra que nous rompions ensemble.
:Oui, je vous tromperais, de parler autrement,
:Tôt, ou tard, nous romprons, indubitablement ;
:Et je vous promettrais, mille fois, le contraire,
:Que je ne serais pas en pouvoir de le faire.
;CÉLIMÈNE
:C’est pour me quereller, donc, à ce que je voi,
:Que vous avez voulu me ramener chez moi ?
;ALCESTE
:Je ne querelle point ; mais votre humeur, Madame,
:Ouvre, au premier venu, trop d’accès dans votre âme ;
:Vous avez trop d’amants, qu’on voit vous obséder [1] ,
:Et mon cœur, de cela, ne peut s’accommoder.
;CÉLIMÈNE
:Des amants que je fais, me rendez-vous coupable ?
:Puis-je empêcher les gens, de me trouver aimable ?
:Et lorsque, pour me voir, ils font de doux efforts,
:Dois-je prendre un bâton, pour les mettre dehors ?
;ALCESTE
:Non, ce n’est pas, Madame, un bâton qu’il faut prendre,
:Mais un cœur, à leurs vœux, moins facile, et moins tendre.
:Je sais que vos appas vous suivent en tous lieux,
:Mais votre accueil retient ceux qu’attirent vos yeux ;
:Et sa douceur offerte à qui vous rend les armes,
:Achève, sur les cœurs, l’ouvrage de vos charmes.
:Le trop riant espoir que vous leur présentez,
:Attache, autour de vous, leurs assiduités ;
:Et votre complaisance, un peu moins étendue,
:De tant de soupirants chasserait la cohue.
:Mais, au moins, dites-moi, Madame, par quel sort,
:Votre Clitandre a l’heur de vous plaire si fort ?
:Sur quel fonds de mérite, et de vertu sublime,
:Appuyez-vous, en lui, l’honneur de votre estime ?
:Est-ce par l’ongle long, qu’il porte au petit doigt [2] ,
:Qu’il s’est acquis, chez vous, l’estime où l’on le voit ?
:Vous êtes-vous rendue, avec tout le beau monde,
:Au mérite éclatant de sa perruque blonde ?
:Sont-ce ses grands canon [3] s, qui vous le font aimer ?
:L’amas de ses rubans a-t-il su vous charmer ?
:Est-ce par les appas de sa vaste rhingrave [4] ,
:Qu’il a gagné votre âme, en faisant votre esclave ?
:Ou sa façon de rire, et son ton de fausset,
:Ont-ils, de vous toucher, su trouver le secret ?
;CÉLIMÈNE
:Qu’injustement, de lui, vous prenez de l’ombrage !
:Ne savez-vous pas bien, pourquoi je le ménage ?
:Et que, dans mon procès, ainsi qu’il m’a promis,
:Il peut intéresser tout ce qu’il a d’amis ?
;ALCESTE
:Perdez votre procès, Madame, avec constance,
:Et ne ménagez point un rival qui m’offense [5] .
;CÉLIMÈNE
:Mais, de tout l’univers, vous devenez jaloux.
;ALCESTE
:C’est que tout l’univers est bien reçu de vous.
;CÉLIMÈNE
:C’est ce qui doit rasseoir votre âme effarouchée,
:Puisque ma complaisance est sur tous épanchée :
:Et vous auriez plus lieu de vous en offenser,
:Si vous me la voyiez, sur un seul, ramasser.
;ALCESTE
:Mais, moi, que vous blâmez de trop de jalousie,
:Qu’ai-je de plus qu’eux tous, Madame, je vous prie ?
;CÉLIMÈNE
:Le bonheur de savoir que vous êtes aimé.
;ALCESTE
:Et quel lieu de le croire, a mon cœur enflammé ?
;CÉLIMÈNE
:Je pense qu’ayant pris le soin de vous le dire,
:Un aveu de la sorte, a de quoi vous suffire.
;ALCESTE
:Mais qui m’assurera que, dans le même instant,
:Vous n’en disiez, peut-être, aux autres tout autant ?
;CÉLIMÈNE
:Certes, pour un amant, la fleurette est mignonne,
:Et vous me traitez, là, de gentille personne.
:Hé bien, pour vous ôter d’un semblable souci,
:De tout ce que j’ai dit, je me dédis ici :
:Et rien ne saurait plus vous tromper, que vous-même ;
:Soyez content.
;ALCESTE
:Morbleu, faut-il que je vous aime ?
:Ah ! que si, de vos mains, je rattrape mon cœur,
:Je bénirai le Ciel, de ce rare bonheur !
:Je ne le cèle pas, je fais tout mon possible
:À rompre, de ce cœur, l’attachement terrible ;
:Mais mes plus grands efforts n’ont rien fait, jusqu’ici,
:Et c’est, pour mes péchés, que je vous aime ainsi.
;CÉLIMÈNE
:Il est vrai, votre ardeur est, pour moi, sans seconde.
;ALCESTE
:Oui, je puis, là-dessus, défier tout le monde,
:Mon amour ne se peut concevoir, et jamais,
:Personne n’a, Madame, aimé comme je fais.
;CÉLIMÈNE
:En effet, la méthode en est toute nouvelle,
:Car vous aimez les gens, pour leur faire querelle ;
:Ce n’est qu’en mots fâcheux, qu’éclate votre ardeur,
:Et l’on n’a vu jamais, un amour si grondeur [6] .
;ALCESTE
:Mais il ne tient qu’à vous, que son chagrin ne passe ;
:À tous nos démêlés, coupons chemin, de grâce,
:Parlons à cœur ouvert, et voyons d’arrêter...
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SCÈNE XXII.
^^//FIGARO, LE COMTE, MARCELINE, ANTONIO, BAZILE, ~GRIPE-SOLEIL.//^^
;Marceline
:Ne l'ordonnez pas, Monseigneur; avant de lui faire grace, vous nous devez justice. Il a des engagemens avec moi.
;Le Comte,
:Voilà ma vengeance arrivée.
;Figaro
:Des engagemens? de quelle nature? expliquez-vous?
;Marceline
:Oui, je m'expliquerai, malhonnête!
://(La Comtesse s'assied sur une bergère; Suzanne est derrière elle.)//
;Le Comte.
:De quoi s'agit-il, Marceline?
;Marceline
:D'une obligation de mariage.
;Figaro
:Un billet, voilà tout, pour de l'argent prêté.
;Marceline
:Sous condition de m'épouser. Vous êtes un grand seigneur, le premier juge de la province....
;Le Comte.
:Présentez-vous au tribunal; j'y rendrai justice à tout le monde.
;Bazile
:En ce cas, votre grandeur permet que je fasse aussi valoir mes droits sur Marceline?
;Le Comte
:Ah! voilà mon fripon du billet.
;Figaro
:Autre fou de la même espèce!
;Le Comte
:Vos droits! vos droits! il vous convient bien de parler devant moi, maître sot!
;Antonio
:Il ne l'a, ma foi, pas manqué du premier coup: c'est son nom.
;Le Comte
:Marceline, on suspendra tout jusqu'à l'examen de vos titres, qui se fera publiquement dans la grand'salle d'audience. Honnête Bazile! agent fidèle et sûr! allez au bourg chercher les gens du siége.
;Bazile
:Pour son affaire?
;Le Comte
:Et vous m'amènerez le paysan du billet.
;Bazile
:Est-ce que je le connais?
;Le Comte.
:Vous résistez!
;Bazile
:Je ne suis pas entré au château pour en faire les commissions.
;Le Comte
:Quoi donc?
;Bazile
:Homme à talent sur l'orgue du village, je montre le clavecin à Madame, à chanter à ses femmes, la mandoline aux pages; et mon emploi, surtout, est d'amuser votre compagnie avec ma guitare, quand il vous plaît me l'ordonner.
;gripe-soleil
:J'irai bien, Monsigneu, si cela vous plaira?
;Le Comte
:Quel est ton nom et ton emploi?
;gripe-soleil
:Je suis ~Gripe-Soleil, mon bon signeu; le petit patouriau des chèvres, commandé pour le feu d'artifice. C'est fête aujourd'hui dans le troupiau; et je sais ous-ce-qu'est toute l'enragée boutique à procès du pays.
;Le Comte
:Ton zèle me plaît; vas-y; mais vous, //(à Bazile)// accompagnez Monsieur en jouant de la guitare, et chantant pour l'amuser en chemin; il est de ma compagnie.
;gripe-soleil
:Oh, moi, je suis de la...
://(Suzanne l'apaise de la main en lui montrant la Comtesse.)//
;Bazile
:Que j'accompagne ~Gripe-Soleil en jouant?
;Le Comte
:C'est votre emploi! partez, ou je vous chasse. //(Il sort.)//
!!!!2.23
//Les Acteurs précédents, excepté le Comte.//
;Bazile
:Ah! je n'irai pas lutter contre le pot de fer, moi qui ne suis...
;Figaro
:Qu'une cruche.
;Bazile
:Au lieu d'aider à leur mariage, je m'en vais assurer le mien avec Marceline. //(à Figaro)//
;Figaro
:Conclure! oh! va, ne crains rien; quand même tu ne reviendrais jamais... tu n'as pas l'air en train de chanter; veux-tu que je commence?... allons, gai! haut la-mi-la pour ma fiancée. //(il se met en marche à reculons, danse en chantant la Séguedille suivante; Bazile accompagne, et tout le monde le suit.)//
!!!!!séguedille
:::La sagesse
:::De ma Suzon,
:::Zon, zon, zon,
:::Zon, zon, zon,
:::Zon, zon, zon,
:::Zon, zon, zon.
:::Aussi sa gentillesse
:::Est maîtresse
:::De ma raison;
:::Zon, zon, zon,
:::Zon, zon, zon,
:::Zon, zon, zon,
:::Zon, zon, zon.
://(Le bruit s'éloigne, on n'entend pas le reste.)//
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//SCÈNE X.//
^^//SUZANNE, FIGARO.//^^
;Figaro
:Suzanne, Suzanne! où cours-tu donc si vîte en quittant Monseigneur?
;Suzanne
:Plaide à présent, si tu le veux; tu viens de gagner ton procès. //(elle s'enfuit.)//
;Figaro
:Ah! mais, dis donc...
//SCÈNE XI.//
;Le Comte
:« Tu viens de gagner ton procès »
://(Il sort.)//
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^^//BARTHOLO, MARCELINE, BRID'OISON.//^^
;Marceline
:Monsieur, écoutez mon affaire.
;Brid'Oison
:Eh bien! pa-arlons-en verbalement.
;Bartholo
:C'est une promesse de mariage.
;Marceline
:Accompagnée d'un prêt d'argent.
;Brid'Oison
:J'en-entends, et cætera, le reste.
;Marceline
:Non, Monsieur, point d'et cætera.
;Brid'Oison
:J'en-entends; vous avez la somme?
;Marceline
:Non, Monsieur, c'est moi qui l'ai prêtée.
;Brid'Oison
:J'en-entends bien, vou-ous redemandez l'argent?
;Marceline
:Non, Monsieur; je demande qu'il m'épouse.
;Brid'Oison
:Hé mais, j'en-entends fort bien; et lui, veu-eut-il vous épouser?
;Marceline
:Non, Monsieur; voilà tout le procès!
;Brid'Oison
:Croyez-vous que je ne l'en-entende pas, le procès?
;Marceline
:Non, Monsieur; //(à Bartholo)// Quoi! c'est vous qui nous jugerez?
;Brid'Oison
:Est-ce que j'ai a-acheté ma charge pour autre chose?
;Marceline
:C'est un grand abus que de les vendre!
;Brid'Oison
:Oui, l'on-on ferait mieux de nous les donner pour rien. Contre qui plai-aidez-vous?
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^^//BARTHOLO, MARCELINE, BRID'OISON, FIGARO rentre en se frottant les mains.//^^
;Marceline
:Monsieur, contre ce malhonnête-homme.
;Figaro
:Je vous gêne, peut-être.—Monseigneur revient dans l'instant, monsieur le Conseiller.
;Brid'Oison
:J'ai vu ce ga-arçon-là quelque part.
;Figaro
:Chez madame votre femme, à Séville, pour la servir, monsieur le Conseiller.
;Brid'Oison
:Dan-ans quel temps?
;Figaro
:Un peu moins d'un an avant la naissance de monsieur votre fils le cadet, qui est un bien joli enfant, je m'en vante.
;Brid'Oison
:Oui, c'est le plus jo-oli de tous. On dit que tu-u fais ici des tiennes?
;Figaro
:Monsieur est bien bon. Ce n'est-là qu'une misère.
;Brid'Oison
:Une promesse de mariage! A-ah! le pauvre benêt!
;Figaro
:Monsieur...
;Brid'Oison
:A-t-il vu mon-on secrétaire, ce bon garçon?
;Figaro
:N'est-ce pas Double-main, le greffier?
;Brid'Oison
:Oui, c'est qu'il mange à deux rateliers.
;Figaro
:Manger! je suis garant qu'il dévore. Oh que oui, je l'ai vu, pour l'extrait et pour le supplément d'extrait; comme cela se pratique, au reste.
;Brid'Oison
:On-on doit remplir les formes.
;Figaro
:Assurément, Monsieur: si le fond des procès appartient aux plaideurs, on sait bien que la forme est le patrimoine des tribunaux.
;Brid'Oison
:Ce garçon-là n'è-est pas si niais que je l'avais cru d'abord. Hé bien, l'ami, puisque tu en sais tant; nou-ous aurons soin de ton affaire.
;Figaro
:Monsieur, je m'en rapporte à votre équité, quoique vous soyez de notre justice.
;Brid'Oison
:Hein?... Oui, je suis de la-a justice. Mais si tu dois, et que tu-u ne payes pas?...
;Figaro
:Alors Monsieur voit bien que c'est comme si je ne devais pas.
;Brid'Oison
:San-ans doute.—Hé mais, qu'est-ce donc qu'il dit?
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//SCÈNE XIV.//
^^//BARTHOLO, MARCELINE, LE COMTE, BRID'OISON, FIGARO, UN HUISSIER.//^^
;L'Huissier
:Monseigneur, Messieurs.
;Le Comte
:En robe ici, seigneur Brid'oison! ce n'est qu'une affaire domestique: l'habit de ville était trop bon.
;Brid'Oison
:C'è-est vous qui l'êtes, monsieur le Comte. Mais je ne vais jamais san-ans elle; parce que la forme, voyez-vous; la forme! Tel rit d'un juge en habit court, qui-i tremble au seul aspect d'un procureur en robe. La forme, la-a forme!
;Le Comte
:Faites entrer l'audience.
;L'Huissier
:L'audience.
//SCÈNE XV.//
^^//LES ACTEURS PRÉCÉDENS, ANTONIO, LES VALETS DU CHÂTEAU, LES PAYSANS ET PAYSANNES, en habits de fête.//^^
;Brid'Oison
:Double-main, a-appelez les causes.
;Double-Main
:Noble, très-noble, infiniment noble, dom Pedro George, Hidalgo, baron de Los altos, y montes fieros, y otros montes, jeune auteur dramatique. Il est question d'une comédie mort-née, que chacun désavoue et rejette sur l'autre.
;Le Comte
:Ils ont raison tous deux. Hors de cour. S'ils font ensemble un autre ouvrage, pour qu'il marque un peu dans le grand monde, ordonné que le noble y mettra son nom, le poëte son talent.
;Double-Main
:André Pétrutchio, laboureur; contre le receveur de la province. Il s'agit d'un forcement arbitraire.
;Le Comte
:L'affaire n'est pas de mon ressort. Je servirai mieux mes vassaux, en les protégeant près du roi. Passez.
;Double-Main
://(Bartholo et Figaro se lèvent.)//
:Barbe-Agar-Raab-Magdelène-Nicole-Marceline de Verte-allure... nom de baptême en blanc?
;Figaro
:Anonyme.
;Brid'Oison
:A-anonyme! Què-el patron est-ce-là?
;Figaro
:C'est le mien.
;Double-Main
:Contre anonyme Figaro. Qualités?
;Figaro
:Gentilhomme.
;Le Comte
:Vous êtes gentilhomme? //(le greffier écrit)//
;Figaro
:Si le ciel l'eût voulu, je serais fils d'un prince.
;Le Comte
:Allez.
;L'Huissier
:Silence, Messieurs.
;Double-Main
:...Pour cause d'opposition faite au mariage dudit Figaro pour lui-même; si la cour le permet, contre le voeu de l'usage, et la jurisprudence du siége.
;Figaro
:L'usage, maître Double-main, est souvent un abus; le client un peu instruit sait toujours mieux sa cause que certains avocats, qui, suant à froid, criant à tue tête, et connaissant tout, hors le fait, s'embarrassent aussi peu de ruiner le plaideur, que d'ennuyer l'auditoire et d'endormir Messieurs; plus boursoufflés après que s'ils eussent composé l'oratio pro Murena; moi je dirai le fait en peu de mots. Messieurs...
;Double-Main
:En voilà beaucoup d'inutiles, car vous n'êtes pas demandeur, et n'avez que la défense; avancez, Docteur, et lisez la promesse.
;Figaro
:Oui, promesse!
;Bartholo
:Elle est précise.
;Brid'Oison
:I-il faut la voir.
;Double-Main
:Silence donc, Messieurs.
;L'Huissier
:Silence.
;Bartholo
:Je soussigné, reconnais avoir reçu de damoiselle, &c.... Marceline de Verte-allure, dans le château d'Aguas-Frescas, la somme de deux mille piastres fortes cordonnées; laquelle somme je lui rendrai à sa réquisition, dans ce château; et je l'épouserai, par forme de reconnaissance, &c.....
;Le Comte
:Avant d'aller plus loin, Avocat, convient-on de la validité du titre?
;Brid'Oison
:Qu'oppo... qu'oppo-osez-vous à cette lecture?
;Figaro
:OU
;Le Comte
:OU
;Bartholo
:ET
;Figaro
:OU
;Brid'Oison
:Dou-ouble-main, lisez vous-même.
;Double-Main
:OU
;Brid'Oison
:Un pâ-âté? je sais ce que c'est.
;Bartholo
:ET
;Figaro
:OU
;Le Comte
:Comment juger pareille question?
;Bartholo
:OU
;Figaro
:J'en demande acte.
;Bartholo
:Et nous y adhérons. Un si mauvais refuge ne sauvera pas le coupable: examinons le titre en ce sens. //(il lit)//, c'est dans lequel.
:Il prendra deux gros de rhubarbe
;Figaro
:Point du tout: la phrase est dans le sens de celle-ci; Ou la maladie vous tuera je l'épouserai....
;Bartholo
:Sans virgule.
;Figaro
:Elle y est. C'est, virgule, Messieurs, ou bien je l'épouserai.
;Bartholo
:Sans virgule, Messieurs.
;Figaro
:Elle y était, Messieurs. D'ailleurs, l'homme qui épouse est-il tenu de rembourser?
;Bartholo
:Oui; nous nous marions séparés de biens.
;Figaro
:Et nous de corps, dès que mariage n'est pas quittance. //(les juges se lèvent et opinent tout bas.)//
;Bartholo
:Plaisant acquittement!
;Double-Main
:Silence, Messieurs.
;L'Huissier
:Silence.
;Bartholo
:Un pareil fripon appelle cela payer ses dettes!
;Figaro
:Est-ce votre faute, Avocat, que vous plaidez?
;Bartholo
:Je défends cette demoiselle.
;Figaro
:Continuez à déraisonner; mais cessez d'injurier. Lorsque, craignant l'emportement des plaideurs, les tribunaux ont toléré qu'on appelât des tiers, ils n'ont pas entendu que ces défenseurs modérés deviendraient impunément des insolens privilégiés. C'est dégrader le plus noble institut. //(Les juges continuent d'opiner bas.)//
;Antonio
:Qu'ont-ils tant à balbucifier?
;Marceline
:On a corrompu le grand juge, il corrompt l'autre, et je perds mon procès.
;Bartholo
:J'en ai peur.
;Figaro
:Courage, Marceline.
;Double-Main
:Ah, c'est trop fort! je vous dénonce; et pour l'honneur du tribunal, je demande qu'avant faire droit sur l'autre affaire, il soit prononcé sur celle-ci.
;Le Comte
:Non, Greffier, je ne prononcerai point sur mon injure personnelle; un juge espagnol n'aura point à rougir d'un excès, digne au plus, des tribunaux asiatiques; c'est assez des autres abus! J'en vais corriger un second en vous motivant mon arrêt: tout juge qui s'y refuse, est un grand ennemi des lois! Que peut requérir la demanderesse? mariage à défaut de paiement; les deux ensemble impliqueraient.
;Double-Main
:Silence, Messieurs.
;L'Huissier
:Silence.
;Le Comte
:Que nous répond le défendeur? qu'il veut garder sa personne; à lui permis.
;Figaro
:J'ai gagné.
;Le Comte
:Mais comme le texte dit: laquelle femme je paierai à la première réquisition, ou bien j'épouserai,
;Figaro
:J'ai perdu.
;Antonio
:Superbe arrêt.
;Figaro
:En quoi superbe?
;Antonio
:En ce que tu n'es plus mon neveu. Grand merci, Monseigneur.
;L'Huissier
:Passez, Messieurs. //(le peuple sort.)//
;Antonio
:Je m'en vas tout conter à ma nièce. //(il sort.)//
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^^//LE COMTE, allant de côté et d'autre; MARCELINE, BARTHOLO, FIGARO, BRID'OISON.//^^
;Marceline
:Ah! je respire.
;Figaro
:Et moi, j'étouffe.
;Le Comte
:Au moins je suis vengé, cela soulage.
;Figaro
:Et ce Bazile qui devait s'opposer au mariage de Marceline, voyez comme il revient!—//(au Comte qui sort)// Monseigneur, vous nous quittez?
;Le Comte
:Tout est jugé.
;Figaro
:C'est ce gros enflé de Conseiller...
;Brid'Oison
:Moi, gro-os enflé!
;Figaro
:Sans doute. Et je ne l'épouserai pas: je suis gentilhomme une fois. //(le Comte s'arrête.)//
;Bartholo
:Vous l'épouserez.
;Figaro
:Sans l'aveu de mes nobles parens?
;Bartholo
:Nommez-les, montrez-les.
;Figaro
:Qu'on me donne un peu de temps: je suis bien près de les revoir; il y a quinze ans que je les cherche.
;Bartholo
:Le fat! c'est quelqu'enfant trouvé!
;Figaro
:Enfant perdu, Docteur; ou plutôt enfant volé.
;Le Comte
:Volé, la preuve? il crierait qu'on lui fait injure!
;Figaro
:Monseigneur, quand les langes à dentelles, tapis brodés et joyaux d'or trouvés sur moi par les brigands, n'indiqueraient pas ma haute naissance, la précaution qu'on avait prise de me faire des marques distinctives, témoignerait assez combien j'étais un fils précieux: et cet hiéroglyphe à mon bras... //(il veut se dépouiller le bras droit.)//
;Marceline
:Une spatule à ton bras droit?
;Figaro
:D'où savez-vous que je dois l'avoir?
;Marceline
:Dieux! c'est lui!
;Figaro
:Oui, c'est moi.
;Bartholo
:Et qui? lui!
;Marceline
:C'est Emmanuel.
;Bartholo
:Tu fus enlevé par des Bohémiens?
;Figaro
:Tout près d'un château. Bon Docteur, si vous me rendez à ma noble famille, mettez un prix à ce service; des monceaux d'or n'arrêteront pas mes illustres parens.
;Bartholo
:Voilà ta mère.
;Figaro
:...Nourrice?
;Bartholo
:Ta propre mère.
;Le Comte
:Sa mère!
;Figaro
:Expliquez-vous.
;Marceline
:Voilà ton père.
;Figaro
:Oh oh oh! aye de moi.
;Marceline
:Est-ce que la nature ne te l'a pas dit mille fois?
;Figaro
:Jamais.
;Le Comte
:Sa mère!
;Brid'Oison
:C'est clair, i-il ne l'épousera pas.
;Bartholo
:Ni moi non plus.
;Marceline
:Ni vous! et votre fils? vous m'aviez juré...
;Bartholo
:J'étais fou. Si pareils souvenirs engageaient, on serait tenu d'épouser tout le monde.
;Brid'Oison
:E-et si l'on y regardait de si près, per-ersonne n'épouserait personne.
;Bartholo
:Des fautes si connues! une jeunesse déplorable!
;Marceline
:Oui, déplorable, et plus qu'on ne croit! je n'entends pas nier mes fautes, ce jour les a trop bien prouvées! mais qu'il est dur de les expier après trente ans d'une vie modeste! j'étais née, moi, pour être sage, et je la suis devenue sitôt qu'on m'a permis d'user de ma raison. Mais dans l'âge des illusions, de l'inexpérience et des besoins, où les séducteurs nous assiégent, pendant que la misère nous poignarde, que peut opposer une enfant à tant d'ennemis rassemblés? Tel nous juge ici sévèrement, qui, peut-être, en sa vie a perdu dix infortunées!
;Figaro
:Les plus coupables sont les moins généreux! c'est la règle.
;Marceline
:Hommes plus qu'ingrats, qui flétrissez par le mépris les jouets de vos passions, vos victimes! c'est vous qu'il faut punir des erreurs de notre jeunesse; vous et vos magistrats, si vains du droit de nous juger, et qui nous laissent enlever, par leur coupable négligence, tout honnête moyen de subsister. Est-il un seul état pour les malheureuses filles? Elles avaient un droit naturel à toute la parure des femmes; on y laisse former mille ouvriers de l'autre sexe.
;Figaro
:Ils font broder jusqu'aux soldats!
;Marceline
:Dans les rangs mêmes plus élevés, les femmes n'obtiennent de vous qu'une considération dérisoire; leurées de respects apparens, dans une servitude réelle; traitées en mineures pour nos biens, punies en majeures pour nos fautes! ah! sous tous les aspects, votre conduite avec nous fait horreur ou pitié!
;Figaro
:Elle a raison!
;Le Comte
:Que trop raison!
;Brid'Oison
:Elle a, mon-on Dieu, raison.
;Marceline
:Mais que nous sont, mon fils, les refus d'un homme injuste? ne regarde pas d'où tu viens, vois où tu vas; cela seul importe à chacun. Dans quelques mois, ta fiancée ne dépendra plus que d'elle-même; elle t'acceptera, j'en réponds: vis entre une épouse, une mère tendres, qui te chériront à qui mieux mieux. Sois indulgent pour elles, heureux pour toi, mon fils; gai, libre; et bon pour tout le monde: il ne manquera rien à ta mère.
;Figaro
:Tu parles d'or, maman, et je me tiens à ton avis. Qu'on est sot en effet! il y a des mille mille ans que le monde roule; et dans cet océan de durée où j'ai par hasard attrapé quelques chétifs trente ans qui ne reviendront plus, j'irais me tourmenter pour savoir à qui je les dois! tant pis pour qui s'en inquiète. Passer ainsi la vie à chamailler, c'est peser sur le collier sans relâche, comme les malheureux chevaux de la remonte des fleuves, qui ne reposent pas, même quand ils s'arrêtent, et qui tirent toujours quoiqu'ils cessent de marcher. Nous attendrons....
;Le Comte
:Sot événement qui me dérange!
;Brid'Oison
:Et la noblesse et le château? vous impo-osez à la justice?
;Figaro
:Elle allait me faire faire une belle sottise, la justice! après que j'ai manqué, pour ces maudits cent écus, d'assommer vingt fois Monsieur, qui se trouve aujourd'hui mon père! mais, puisque le ciel à sauvé ma vertu de ces dangers, mon père, agréez mes excuses... Et vous, ma mère, embrassez-moi... le plus maternellement que vous pourrez.
://(Marceline lui saute au cou.)//
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^^//BARTHOLO, FIGARO, MARCELINE, BRID'OISON, SUZANNE, ANTONIO, LE COMTE.//^^
;Suzanne
:Monseigneur, arrêtez; qu'on ne les marie pas: je viens payer Madame avec la dot que ma maîtresse me donne.
;Le Comte
:Au diable la maîtresse! Il semble que tout conspire...
://(Il sort.)//
<<storyViewer 'LE MARIAGE DE FIGARO'>>
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//SCÈNE XVIII.//
^^//BARTHOLO, ANTONIO, SUZANNE, FIGARO, MARCELINE, BRID'OISON.//^^
;Antonio
:Ah! oui, payer! Tiens, tiens.
;Suzanne
:J'en vois assez; sortons, mon oncle.
;Figaro
:Non, s'il vous plaît. Que vois-tu donc?
;Suzanne
:Ma bêtise et ta lâcheté.
;Figaro
:Pas plus de l'une que de l'autre.
;Suzanne
:Et que tu l'épouses à gré, puisque tu la caresses.
;Figaro
:Je la caresse; mais je ne l'épouse pas.
://(Suzanne veut sortir, Figaro la retient.)//
;Suzanne
:Vous êtes bien insolent d'oser me retenir!
;Figaro
:C'est-il çà de l'amour? Avant de nous quitter, je t'en supplie, envisage bien cette chère femme-là.
;Suzanne
:Je la regarde.
;Figaro
:Et tu la trouves?
;Suzanne
:Affreuse.
;Figaro
:Et vive la jalousie! elle ne vous marchande pas.
;Marceline
:Embrasse ta mère, ma jolie Suzanette. Le méchant qui te tourmente est mon fils.
;Suzanne
:Vous sa mère! //(elles restent dans les bras l'une de l'autre.)//
;Antonio
:C'est donc de tout à l'heure?
;Figaro
:...Que je le sais.
;Marceline
:Non, mon coeur entraîné vers lui ne se trompait que de motif; c'était le sang qui me parlait.
;Figaro
:Et moi, le bon sens, ma mère, qui me servait d'instinct quand je vous refusais, car j'étais loin de vous haïr; témoin l'argent...
;Marceline
:Il est à toi: reprends ton billet, c'est ta dot.
;Suzanne
:Prends encore celle-ci.
;Figaro
:Grand merci.
;Marceline
:Fille assez malheureuse, j'allais devenir la plus misérable des femmes, et je suis la plus fortunée des mères! Embrassez-moi, mes deux enfans; j'unis dans vous toutes mes tendresses. Heureuse autant que je puis l'être, ah! mes enfans, combien je vais aimer!
;Figaro
:Arrête donc, chère mère! arrête donc! voudrais-tu voir se fondre en eau mes yeux noyés des premières larmes que je connaisse? elles sont de joie, au moins. Mais quelle stupidité! j'ai manqué d'en être honteux: je les sentais couler entre mes doigts, regarde; //(il montre ses doigts écartés)//
;Marceline
:O mon ami!
;Suzanne
:Mon cher ami!
;Brid'Oison
:Eh bien! moi! je suis donc bê-ête aussi!
;Figaro
:Chagrin, c'est maintenant que je puis te défier; atteins-moi, si tu l'oses, entre ces deux femmes chéries.
;Antonio
:Pas tant de cajoleries, s'il vous plaît. En fait de mariage dans les familles, celui des parens va devant, savez. Les vôtres se baillent-ils la main?
;Bartholo
:Ma main! puisse-t-elle se dessécher et tomber, si jamais je la donne à la mère d'un tel drôle!
;Antonio
:Vous n'êtes donc qu'un père marâtre? //(à Figaro)// En ce cas, not' galant, plus de parole.
;Suzanne
:Ah! mon oncle...
;Antonio
:Irai-je donner l'enfant de not' soeur à sti qui n'est l'enfant de personne?
;Brid'Oison
:Est-ce que cela-a se peut, imbécille? on-on est toujours l'enfant de quelqu'un.
;Antonio
:Tarare!... il ne l'aura jamais. //(il sort.)//
//SCÈNE XIX.//
^^//BARTHOLO, SUZANNE, FIGARO, MARCELINE, BRID'OISON.//^^
;Bartholo
:Et cherche à présent qui t'adopte. //(il veut sortir.)//
;Marceline
:Arrêtez, Docteur, ne sortez pas.
;Figaro
:Non, tous les sots d'Andalousie sont, je crois, déchaînés contre mon pauvre mariage!
;Suzanne
:Bon petit papa, c'est votre fils.
;Marceline
:De l'esprit, des talens, de la figure.
;Figaro
:Et qui ne vous a pas coûté une obole.
;Bartholo
:Et les cent écus qu'il m'a pris?
;Marceline
:Nous aurons tant de soin de vous, papa!
;Suzanne
:Nous vous aimerons tant, petit papa!
;Bartholo
:Papa! bon papa! petit papa! voilà que je suis plus bête encore que Monsieur, moi. //(montrant Brid'oison)// Qu'est donc devenu Monseigneur?
;Figaro
:Courons le joindre; arrachons-lui son dernier mot. S'il machinait quelqu'autre intrigue, il faudrait tout recommencer.
;tous ensemble
://(Ils entraînent Bartholo dehors.)//
//SCÈNE XX.//
;Brid'Oison
:Plus bê-ête encore que Monsieur! on peut se dire à soi-même ces-es sortes de choses-là, mais... i-ils ne sont pas polis du tout dan-ans cet endroit-ci. //(il sort.)//
:{{italic bold center{Fin du troisième Acte.}}}
<<storyViewer 'LE MARIAGE DE FIGARO'>>
<<storyViewer 'LE MARIAGE DE FIGARO'>>
^^//SUZANNE, LE COMTE.//^^
;Suzanne
:Monseigneur... pardon, Monseigneur.
;Le Comte
:Qu'est-ce qu'il y a, Mademoiselle ?
;Suzanne
:Vous êtes en colère!
;Le Comte
:Vous voulez quelque chose apparemment ?
;Suzanne
:C'est que ma maîtresse a ses vapeurs. J'accourais vous prier de nous prêter votre flacon d'éther. Je l'aurais rapporté dans l'instant.
;Le Comte
:Non, non, gardez-le pour vous-même. Il ne tardera pas à vous être utile.
;Suzanne
:Est-ce que les femmes de mon état ont des vapeurs, donc? c'est un mal de condition qu'on ne prend que dans les boudoirs.
;Le Comte
:Une fiancée bien éprise, et qui perd son futur...
;Suzanne
:En payant Marceline, avec la dot que vous m'avez promise...
;Le Comte
:Que je vous ai promise, moi?
;Suzanne
:Monseigneur, j'avais cru l'entendre.
;Le Comte
:Oui, si vous consentiez à m'entendre vous-même.
;Suzanne
:Et n'est-ce pas mon devoir d'écouter son Excellence?
;Le Comte
:Pourquoi donc, cruelle fille! ne me l'avoir pas dit plutôt?
;Suzanne
:Est-il jamais trop tard pour dire la vérité?
;Le Comte
:Tu te rendrais sur la brune au jardin?
;Suzanne
:Est-ce que je ne m'y promène pas tous les soirs?
;Le Comte
:Tu m'as traité ce matin si durement !
;Suzanne
:Ce matin?—et le Page derrière le fauteuil?
;Le Comte
:Elle a raison, je l'oubliais. Mais pourquoi ce refus obstiné, quand Bazile, de ma part?...
;Suzanne
:Quelle nécessité qu'un Bazile?...
;Le Comte
:Elle a toujours raison. Cependant il y a un certain Figaro à qui je crains bien que vous n'ayez tout dit!
;Suzanne
:Dame! oui, je lui dis tout,—hors ce qu'il faut lui taire.
;Le Comte
:Ah charmante! et tu me le promets? si tu manquais à ta parole, entendons-nous, mon coeur: point de rendez-vous; point de dot, point de mariage.
;Suzanne
:Mais aussi; point de mariage, point de droit du seigneur, Monseigneur.
;Le Comte
:Où prend-elle ce qu'elle dit? d'honneur j'en rafollerai! mais ta maîtresse attend le flacon...
;Suzanne
:Aurais-je pu vous parler sans un prétexte?
;Le Comte
:Délicieuse créature !
;Suzanne
:Voilà du monde.
;Le Comte
:Elle est à moi. //(il s'enfuit.)//
;Suzanne
:Allons vîte rendre compte à Madame.
<<storyViewer 'LE MARIAGE DE FIGARO'>>
<<storyViewer 'Scènes du Misanthrope'>>
{{center{[img[https://i.ytimg.com/vi/N8NXcB3gLi4/hqdefault.jpg]]}}}
{{bold medium center{Le Misanthrope - ACTE III - Arsinoé et Célimène}}}
!!!Scène II
!!!!!Célimène, Acaste, Clitandre
;CÉLIMÈNE
:Encore ici ?
;CLITANDRE
:L'amour retient nos pas.
;CÉLIMÈNE
:Je viens d'ouïr entrer un carrosse là-bas.
:Savez-vous qui c'est ?
;CLITANDRE
:Non.
!!!Scène III
!!!!!Célimène, Acaste, Clitandre, Basque
;BASQUE
:Arsinoé, madame,
:Monte ici pour vous voir.
;CÉLIMÈNE
:Que me veut cette femme ?
;BASQUE
:Éliante là-bas est à l'entretenir.
;CÉLIMÈNE
:De quoi s'avise-t-elle, et qui la fait venir ?
;ACASTE
:Pour prude consommée en tous lieux elle passe,
:Et l'ardeur de son zèle…
;CÉLIMÈNE
:Oui, oui, franche grimace.
:Dans l'âme elle est du monde ; et ses soins tentent tout
:Pour accrocher quelqu'un, sans en venir à bout.
:Elle ne saurait voir qu'avec un œil d'envie
:Les amants déclarés dont une autre est suivie ;
:Et son triste mérite, abandonné de tous,
:Contre le siècle aveugle est toujours en courroux.
:Elle tâche à couvrir d'un faux voile de prude
:Ce que chez elle on voit d'affreuse solitude ;
:Et, pour sauver l'honneur de ses faibles appas,
:Elle attache du crime au pouvoir qu'ils n'ont pas.
:Cependant un amant plairait fort à la dame,
:Et même pour Alceste elle a tendresse d'âme.
:Ce qu'il me rend de soins outrage ses attraits ;
:Elle veut que ce soit un vol que je lui fais ;
:Et son jaloux dépit, qu'avec peine elle cache,
:En tous endroits sous main contre moi se détache
:Enfin je n'ai rien vu de si sot à mon gré ;
:Elle est impertinente au suprême degré,
:Et…
!!!Scène IV
!!!!!Arsinoé, Célimène
;CÉLIMÈNE
:Ah ! quel heureux sort en ce lieu vous amène ?
:Madame, sans mentir, j'étais de vous en peine.
;ARSINOÉ
:Je viens pour quelque avis que j'ai cru vous devoir.
;CÉLIMÈNE
:Ah ! mon Dieu ! que je suis contente de vous voir !
:Clitandre et Acaste sortent en riant.
:Scène V
:Arsinoé, Célimène
;ARSINOÉ
:Leur départ ne pouvait plus à propos se faire.
;CÉLIMÈNE
:Voulons-nous nous asseoir ?
;ARSINOÉ
:Il n'est pas nécessaire.
:Madame, l'amitié doit surtout éclater
:Aux choses qui le plus nous peuvent importer ;
:Et, comme il n'en est point de plus grande importance
:Que celles de l'honneur et de la bienséance,
:Je viens, par un avis qui touche votre honneur,
:Témoigner l'amitié que pour vous a mon cœur.
:Hier j'étais chez des gens de vertu singulière,
:Où sur vous du discours on tourna la matière ;
:Et là, votre conduite, avec ses grands éclats,
:Madame, eut le malheur qu'on ne la loua pas.
:Cette foule de gens dont vous souffrez visite,
:Votre galanterie, et les bruits qu'elle excite,
:Trouvèrent des censeurs plus qu'il n'aurait fallu,
:Et bien plus rigoureux que je n'eusse voulu.
:Vous pouvez bien penser quel parti je sus prendre ;
:Je fis ce que je pus pour vous pouvoir défendre ;
:Je vous excusai fort sur votre intention,
:Et voulus de votre âme être la caution.
:Mais vous savez qu'il est des choses dans la vie
:Qu'on ne peut excuser, quoiqu'on en ait envie ;
:Et je me vis contrainte à demeurer d'accord
:Que l'air dont vous vivez vous faisait un peu tort ;
:Qu'il prenait dans le monde une méchante face ;
:Qu'il n'est conte fâcheux que partout on n'en fasse ;
:Et que, si vous vouliez, tous vos déportements
:Pourraient moins donner prise aux mauvais jugements.
:Non que j'y croie au fond l'honnêteté blessée ;
:Me préserve le ciel d'en avoir la pensée !
:Mais aux ombres du crime on prête aisément foi
:Et ce n'est pas assez de bien vivre pour soi.
:Madame, je vous crois l'âme trop raisonnable
:Pour ne pas prendre bien cet avis profitable,
:Et pour l'attribuer qu'aux mouvements secrets
:D'un zèle qui m'attache à tous vos intérêts.
;CÉLIMÈNE
:Madame, j'ai beaucoup de grâces à vous rendre,
:Un tel avis m'oblige ; et, loin de le mal prendre,
:J'en prétends reconnaître à l'instant la faveur,
:Par un avis aussi qui touche votre honneur ;
:Et, comme je vous vois vous montrer mon amie,
:En m'apprenant les bruits que de moi l'on publie,
:Je veux suivre, à mon tour, un exemple si doux,
:En vous avertissant de ce qu'on dit de vous.
:En un lieu, l'autre jour, où je faisais visite,
:Je trouvai quelques gens d'un très rare mérite,
:Qui, parlant des vrais soins d'une âme qui vit bien,
:Firent tomber sur vous, madame, l'entretien.
:Là, votre pruderie et vos éclats de zèle
:Ne furent pas cités comme un fort bon modèle ;
:Cette affectation d'un grave extérieur,
:Vos discours éternels de sagesse et d'honneur,
:Vos mines et vos cris aux ombres d'indécence
:Que d'un mot ambigu peut avoir l'innocence,
:Cette hauteur d'estime où vous êtes de vous,
:Et ces yeux de pitié que vous jetez sur tous,
:Vos fréquentes leçons et vos aigres censures
:Sur des choses qui sont innocentes et pures ;
:Tout cela, si je puis vous parler franchement,
:Madame, fut blâmé d'un commun sentiment.
:À quoi bon, disaient-ils cette mine modeste,
:Et ce sage dehors que dément tout le reste ?
:Elle est à bien prier exacte au dernier point ;
:Mais elle bat ses gens, et ne les paye point.
:Dans tous les lieux dévots elle étale un grand zèle ;
:Mais elle met du blanc, et veut paraître belle.
:Elle fait des tableaux couvrir les nudités ;
:Mais elle a de l'amour pour les réalités.
:Pour moi, contre chacun je pris votre défense,
:Et leur assurai fort que c'était médisance ;
:Mais tous les sentiments combattirent le mien,
:Et leur conclusion fut que vous feriez bien
:De prendre moins de soin des actions des autres,
:Et de vous mettre un peu plus en peine des vôtres ;
:Qu'on doit se regarder soi-même un fort long temps
:Avant que de songer à condamner les gens ;
:Qu'il faut mettre le poids d'une vie exemplaire
:Dans les corrections qu'aux autres on veut faire ;
:Et qu'encore vaut-il mieux s'en remettre, au besoin,
:À ceux à qui le ciel en a commis le soin.
:Madame, je vous crois aussi trop raisonnable,
:Pour ne pas prendre bien cet avis profitable,
:Et pour l'attribuer qu'aux mouvements secrets
:D'un zèle qui m'attache à tous vos intérêts.
;ARSINOÉ
:À quoi qu'en reprenant on soit assujettie,
:Je ne m'attendais pas à cette repartie,
:Madame ; et je vois bien, par ce qu'elle a d'aigreur,
:Que mon sincère avis vous a blessée au cœur.
;CÉLIMÈNE
:Au contraire, madame ; et, si l'on était sage,
:Ces avis mutuels seraient mis en usage.
:On détruirait par là, traitant de bonne foi,
:Ce grand aveuglement où chacun est pour soi.
:Il ne tiendra qu'à vous qu'avec le même zèle
:Nous ne continuions cet office fidèle,
:Et ne prenions grand soin de nous dire, entre nous,
:Ce que nous entendrons, vous de moi, moi de vous.
;ARSINOÉ
:Ah ! madame, de vous je ne puis rien entendre ;
:C'est en moi que l'on peut trouver fort à reprendre.
;CÉLIMÈNE
:Madame, on peut, je crois, louer et blâmer tout ;
:Et chacun a raison, suivant l'âge ou le goût.
:Il est une saison pour la galanterie,
:Il en est une aussi propre à la pruderie.
:On peut, par politique, en prendre le parti,
:Quand de nos jeunes ans l'éclat est amorti ;
:Cela sert à couvrir de fâcheuses disgrâces.
:Je ne dis pas qu'un jour je ne suive vos traces ;
:L'âge amènera tout ; et ce n'est pas le temps,
:Madame, comme on sait, d'être prude à vingt ans.
:?
;ARSINOÉ
:Certes, vous vous targuez d'un bien faible avantage,
:Et vous faites sonner terriblement votre âge.
:Ce que de plus que vous on en pourrait avoir,
:N'est pas un si grand cas pour s'en tant prévaloir ;
:Et je ne sais pourquoi votre âme ainsi s'emporte,
:Madame, à me pousser de cette étrange sorte.
;CÉLIMÈNE
:Et moi, je ne sais pas, madame, aussi pourquoi
:On vous voit en tous lieux vous déchaîner sur moi.
:Faut-il de vos chagrins sans cesse à moi vous prendre ?
:Et puis-je mais des soins qu'on ne va pas vous rendre ?
:Si ma personne aux gens inspire de l'amour,
:Et si l'on continue à m'offrir chaque jour
:Des vœux que votre cœur peut souhaiter qu'on m'ôte,
:Je n'y saurais que faire, et ce n'est pas ma faute ;
:Vous avez le champ libre, et je n'empêche pas
:Que, pour les attirer, vous n'ayez des appas.
;ARSINOÉ
:Hélas ! et croyez-vous que l'on se mette en peine
:De ce nombre d'amants dont vous faites la vaine
:Et qu'il ne nous soit pas fort aisé de juger
:À quel prix aujourd'hui l'on peut les engager ?
:Pensez-vous faire croire, à voir comme tout roule,
:Que votre seul mérite attire cette foule ?
:Qu'ils ne brûlent pour vous que d'un honnête amour,
:Et que pour vos vertus, ils vous font tous la cour ?
:On ne s'aveugle point par de vaines défaites,
:Le monde n'est point dupe ; et j'en vois qui sont faites
:À pouvoir inspirer de tendres sentiments,
:Qui chez elles pourtant ne fixent point d'amants ;
:Et de là nous pouvons tirer des conséquences,
:Qu'on n'acquiert point leurs cœurs sans de grandes avances ;
:Qu'aucun, pour nos beaux yeux, n'est notre soupirant,
:Et qu'il faut acheter tous les soins qu'on nous rend.
:Ne vous enflez donc pas d'une si grande gloire,
:Pour les petits brillants d'une faible victoire ;
:Et corrigez un peu l'orgueil de vos appas,
:De traiter pour cela les gens de haut en bas.
:Si nos yeux enviaient les conquêtes des vôtres,
:Je pense qu'on pourrait faire comme les autres,
:Ne se point ménager, et vous faire bien voir
:Que l'on a des amants quand on en veut avoir.
;CÉLIMÈNE
:Ayez-en donc, madame, et voyons cette affaire ;
:Par ce rare secret efforcez-vous de plaire ;
:Et sans…
;ARSINOÉ
:Brisons, madame, un pareil entretien,
:Il pousserait trop loin votre esprit et le mien ;
:Et j'aurais pris déjà le congé qu'il faut prendre,
:Si mon carrosse encore ne m'obligeait d'attendre.
;CÉLIMÈNE
:Autant qu'il vous plaira vous pouvez arrêter,
:Madame, et là-dessus rien ne doit vous hâter.
:Mais, sans vous fatiguer de ma cérémonie,
:Je m'en vais vous donner meilleure compagnie ;
:Et monsieur, qu'à propos le hasard fait venir,
:Remplira mieux ma place à vous entretenir.
<<storyViewer 'Scènes du Misanthrope'>>
!INDISCRÉTION
;UN
:B-I, bi, B-E, be, R-ON, ron. Biberon.
;DEUX
:V-EN, ven, T-I, ti, L-A, la, T-E, teur\ Ventilateur.
;UN
:A-S, pi, R-I, ri, N-E, ne
:aspirine.
;DEUX
:N-ON, nom, D’-UN, d’un, P-E,pe, T-I, tit, B-O, bo, N-O, nomme
:nom d’un petit bonhomme.
;UN
:Je me demande pourquoi il a écrit tout ça à l’envers.
;DEUX
:Sans doute pour qu’on puisse pas lire facilement. Ça doit être son journal intime.
;UN
:Croyez ? Alors ne devrait pas le laisser traîner sur la table du salon.
;DEUX
:G-E,je, D-É, dé, P-EN, pense, T-RO, trop, D-AR, dar, G-EN.^wt. Je dépense trop d’argent.
;UN
:Pas étonnant, s’il a acheté tout ça le même jour, un tonneau d’huile de foie de morue, un biberon, un ventilateur et de l’aspirine. C est que tout ça, ça coûte cher.
;DEUX
:L-A, la, L-U, lu, X-U, xu, R-E, re, M-E, me, D-É, dé, V-O, vo, R-E, re. La luxure me dévore.
;UN
:Il a écrit ça ?
;DEUX
:À l’envers, oui.
;UN
:Georges ?
;DEUX
:Oui. Et puis ça continue comme ça
:L-A, la, C-OU, cou Z-I, zi, N-E, ne, P-O,po, L-ETTE, Une, la cousine Paulette...
;UN
:Bon, eh ben écoutez, reposez ça sur la table. On va finir par être indiscret.
;DEUX
:Oui. Ça nous regarde pas. Passez-moi les magazines, que je les remette dessus. Voilà.
;UN
:Voilà. Non... Ils n’étaient pas comme ça, ces magazines. Ça m’aurait frappé.
;DEUX
:Oui, moi aussi. Celui-là, il devait être en dessous. C’est pas une chose qu’on montre.
;UN
:Faites voir. Non, décidément, je ne vois pas l’intérêt qu’on peut trouver à ce genre de photo.
;DEUX
:Y a des gens à qui ça fait quelque chose.
;UN
:Je ne savais pas que Georges était comme ça.
;DEUX
:Le Petit Chasseur Français. Voilà. C’est sûrement celui-là qui était au-dessus.
;UN
:Oui, c’était celui-là. Eh bien, c’est pour ça
:je me disais, qu’est-ce qu’il a, Georges ? à avoir tout le temps mauvaise mine... C’est la luxure qui le dévore.
;DEUX
:Moi, je ne veux pas le savoir. On n’aurait pas dû lire. C’est nous les plus dégoûtants.
;UN
:Dites donc ! Il n’a qu’à le ranger mieux que ça, son journal intime. Et puis ça lui apprendra à nous faire patienter, comme il dit, dans son salon. Patienter, je vous demande un peu.
;DEUX
:Patienter, oui. Qu’est-ce que ça veut dire. Patienter quoi ?
;UN
:Je vous dis qu’il se prend pour un docteur.
;DEUX
:Oui, ça je comprends, que, quand on est docteur, puisqu’on a des patients, on les fasse patienter, ils sont faits pour ça, sans ça y aurait aucune raison qu’on les appelle des patients. Mais nous, faudrait tout de même pas que Georges nous prenne pour ses patients.
;UN
:Et puis alors, pour me calmer les nerfs, on peut dire que vous l’avez, le pompon !
;DEUX
:Qu’est-ce que je vous ai fait ?
;UN
:Vous aviez bien besoin de me parler de la cousine Paulette.
;DEUX
:Ah, ça, je me demande bien quel rôle il lui fait jouer, Georges, dans son journal intime. Seulement, vous m’avez dit qu’il fallait pas continuer. Résultat
:on saura jamais.
;UN
:Vous auriez mieux fait de ne rien lire du tout.
;DEUX
:Vous êtes drôle, vous ! Si j’avais su à l’avance que c’était le nom de Paulette que je lisais, je l’aurais pas lu. Je me serais arrêté juste avant.
;UN
:Y a rien de pire que le doute. Ah tenez, je vais faire une partie de carotte, ça me calmera.
;DEUX
:Une partie de carotte ? Vous avez apporté des carottes ?
;UN
:Mais non. J’ai apporté mon couteau.
;DEUX
:C’est pas le tout d’avoir un couteau, pour éplucher des carottes, il faut aussi des carottes.
;UN
:Vous savez pas ce que c’est que jouer à la carotte ? Tenez, regardez comment on fait. Et rhan ! Pfuit ! Boum, badaboum. Raté.
;DEUX
:Ah, c’est ça, jouer à la carotte !
;UN
:Oui. On jette le couteau, et puis quand il arrive à destination, il faut qu’il se plante. Là, il s’est pas planté ; parce que c’est le manche qui est arrivé le premier. Alors, forcément, comme les manches, c’est pas fait pour se planter, il est tombé par terre. Il s’est bien planté par terre, mais ça, ça ne compte pas.
;DEUX
:Ça a beau ne pas compter, ça a tout de même fait tomber une bonne moitié de la peinture de la porte.
;UN
:Oui. C’est curieux. Même quand c’est le manche du couteau qui porte, en général, ça fait un trou, mais la peinture bouge pas. Attendez, je vais essayer encore un coup.
;DEUX
:Au fait, je me demande sur quoi elle s’ouvre, cette porte que vous avez tapé dedans. Parce que de ce côté-là, c’est plus l’appartement de Georges. C’est le mur mitoyen.
;UN
:Venez m aider, j arrive pas à arracher mon couteau du plancher.
;DEUX
:Oh, ben évidemment ! Le plancher vient avec.
;UN
:Ah, oui ça se soulève. Eh ben il va en faire une bobine, Georges, en voyant que je lui ai bousillé son parquet.
;DEUX
:Mais non. Attendez que je vous aide. C’est une trappe. Glissez votre pied, des fois que votre couteau lâcherait et que ça retombe. Vous soulevez avec moi ?
;UN
:Allez-y !
//Efforts.//
:Eh bien oui, vous voyez, c’est une cachette. Probablement que c’est là qu’il range son journal intime, d’habitude. C’est pour ça qu’il l’aura apporté sur la table du salon, et puis il l’aura oublié là.
;DEUX
:C’est un peu grand, pour un petit cahier de rien du tout, ce grand trou. D’ailleurs il est plein de boîtes.
;UN
:Oui. Attrapez-en une, qu’on voie ce que c’est. Je tiens le couvercle.
;DEUX
:Oui, eh bien allez, refermez-le en vitesse. Je sais ce que c’est.
;UN
:C’est pas possible...
;DEUX
:Si, si, les boîtes vertes c’est de la morphine, les boîtes roses c’est du thon, mais du thon au LSD. Vite ! vite ! Oui mais :doucement ! doucement ! faites pas de bruit, des fois qu’il entendrait.
;UN
:Voilà. Mettez-vous dessus, pour que j’arrache mon couteau.
;DEUX
:Qu’est-ce que vous en pensez, hein ?
;UN
:Je pense qu’on a encore commis une indiscrétion.
;DEUX
:Moi, ça ne m’étonne pas. Je me disais
:qu’est-ce qu’il a Georges, à avoir tout le temps mauvaise mine ? Ben y a pas à chercher plus loin. Il se drogue.
;UN
:Allez, allez, oublions tout ça. On n’est pas censé le savoir. Ah, j’ai pas de chance, avec l’indiscrétion. A chaque fois que je me trouve tout seul dans l’appartement de quelqu’un, je ne peux rien faire qui ne soit pas indiscret. Faut toujours que je mette le nez dessus, s’il y a des choses pas avouables.
;DEUX
:Moi aussi. Et puis croyez-moi, Georges, c’est pas une exception. Dans tous les appartements, c’est pareil. Partout il y a des choses cachées. Je ne connais personne qui ne cache pas quelque chose de pas avouable, dans son salon ou dans sa salle de bains.
;UN
:Moi non. Moi, y en a une partie dans mon matelas, et une autre partie à Biarritz, dans un arbre.
;DEUX
:Moi, ce que j’ai à cacher, je le cache dans ma tête, c’est plus sûr. N’empêche que je n’aurais jamais cru que Georges, c’était à ce point-là. Lui qui nous fait tout le temps la morale. Vous curez pas les ongles avec votre couteau ! J’ai horreur de ça.
;UN
:Qu’est-ce que ça vous fait ?
;DEUX
:Ça me fait, je peux pas dire ce que ça me fait. Ça me fait une impression métaphysique dans la colonne vertébrale.
;UN
:Bon. Eh bien je vais continuer ma partie de carotte.
;DEUX
:C’est ça. Non, écoutez ! prenez pas une autre porte pour taper dedans, suffit qu’il y en ait une d’abîmée.
;UN
:Vous avez raison. Eh Rhan ! pfiiit, boum, badaboum.
;DEUX
:Zéro.
;UN
:Zéro. Pourtant il aurait dû se planter. C’est la pointe qui a percuté.
;DEUX
:Oui. Elle a encore fait tomber une grande plaque de peinture, mais elle s’est pas plantée. Pour moi, c’est pas une porte en bois.
;UN
:Tenez ! toute tordue, elle est, la pointe. C’est pas normal.
;DEUX
:Ah ben oui, venez voir. C’est une porte blindée.
;UN
:C’est peut-être son coffre-fort, à Georges.
;DEUX
:On va bien voir. Il a dû oublier de la fermer à clef, le choc de votre couteau l’a fait s’entrouvrir.
;UN
:Ouvrez.
;DEUX
:Vous croyez qu’on ouvre ?
;UN
:Bien sûr... peut-être qu’on a été assez indiscret pour aujourd’hui...
;DEUX
:Oh, tant pis, j’ouvre.
;UN
:Bien attrapé
:c’est une penderie.
;DEUX
:Oui. C’est les robes de sa femme.
;UN
:Les robes de sa femme... Voire...
;DEUX
:Oui. Voire. Vaut mieux refermer, hein ?
;UN
:Oui, refermez. Remarquez, si on nous demande quelque chose, on pourra toujours dire qu’on n’y a vu que des robes pendues à leurs cintres. On peut très bien ne pas avoir remarqué qu’il y avait des femmes dedans. Comme en plus, elles sont mortes, je ne vois pas ce qu’on aurait pu faire pour elles.
;DEUX
:Eh ben ! Moi je sens que j’aurai du mal à avoir l’air naturel devant Georges, tout à l’heure.
;UN
:Je me disais aussi :mais qu’est-ce qu’il a donc, Georges, à avoir mauvaise mine comme ça ? Eh bien ça s’explique. Il a mauvaise mine parce qu’il a des remords.
;DEUX
:Vous y arriverez, vous, à faire comme si vous n’aviez rien vu ?
;UN
:Oh, écoutez, hein ?.. soyez pas hypocrite
Vous non plus, vous n’avez pas très bonne mine, en ce moment.
;DEUX
:Vous non plus.
;UN
:Alors. Au fond, tout le monde le sait bien, que tout le monde est pareil.
!!!!!Roland Dubillard - Les diablogues et autres inventions à deux voix
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^^//FIGARO, SUZANNE.//^^
;Figaro
:Hé bien! amour, es-tu contente? elle a converti son Docteur, cette fine langue dorée de ma mère! malgré sa répugnance il l'épouse, et ton bourru d'oncle est bridé; il n'y a que Monseigneur qui rage; car enfin notre hymen va devenir le prix du leur. Ris donc un peu de ce bon résultat.
;Suzanne
:As-tu rien vu de plus étrange?
;Figaro
:Ou plutôt d'aussi gai. Nous ne voulions qu'une dot arrachée à l'Excellence; en voilà deux dans nos mains qui ne sortent pas des siennes. Une rivale acharnée te poursuivait; j'étais tourmenté par une furie; tout cela s'est changé, pour nous, dans la plus bonne des mères. Hier j'étais comme seul au monde, et voilà que j'ai tous mes parens, pas si magnifiques, il est vrai, que je me les étais galonnés; mais assez bien pour nous, qui n'avons pas la vanité des riches.
;Suzanne
:Aucune des choses que tu avais disposées, que nous attendions, mon ami, n'est pourtant arrivée!
;Figaro
:Le hasard a mieux fait que nous tous, ma petite; ainsi va le monde; on travaille, on projette, on arrange d'un côté; la fortune accomplit de l'autre: et depuis l'affamé conquérant qui voudrait avaler la terre, jusqu'au paisible aveugle qui se laisse mener par son chien, tous sont le jouet de ses caprices; encore l'aveugle au chien est-il souvent mieux conduit, moins trompé dans ses vues, que l'autre aveugle avec son entourage.—Pour cet aimable aveugle, qu'on nomme Amour... //(il la reprend tendrement à bras le corps.)//
;Suzanne
:Ah! c'est le seul qui m'intéresse!
;Figaro
:Permets donc que, prenant l'emploi de la folie, je sois le bon chien qui le mène à ta jolie mignone porte; et nous voilà logés pour la vie.
;Suzanne
:L'Amour et toi?
;Figaro
:Moi et l'Amour.
;Suzanne
:Et vous ne chercherez pas d'autre gîte?
;Figaro
:Si tu m'y prends, je veux bien que mille millions de galans....
;Suzanne
:Tu vas exagérer; dis ta bonne vérité.
;Figaro
:Ma vérité la plus vraie!
;Suzanne
:Fi donc, vilain! en a-t-on plusieurs?
;Figaro
:Oh! que oui. Depuis qu'on a remarqué qu'avec le temps vieilles folies deviennent sagesse, et qu'anciens petits mensonges assez mal plantés ont produit de grosses, grosses vérités; on en a de mille espèces: et celles qu'on sait, sans oser les divulguer: car toute vérité n'est pas bonne à dire: et celles qu'on vante, sans y ajouter foi; car toute vérité n'est pas bonne à croire: et les sermens passionnés, les menaces des mères, les protestations des buveurs, les promesses des gens en place, le dernier mot de nos marchands; cela ne finit pas. Il n'y a que mon amour pour Suzon qui soit une vérité de bon aloi.
;Suzanne
:J'aime ta joie, parce qu'elle est folle; elle annonce que tu es heureux. Parlons du rendez-vous du Comte.
;Figaro
:Ou plutôt n'en parlons jamais; il a failli me coûter Suzanne.
;Suzanne
:Tu ne veux donc plus qu'il ait lieu?
;Figaro
:Si vous m'aimez, Suzon; votre parole d'honneur sur ce point: qu'il s'y morfonde; et c'est sa punition.
;Suzanne
:Il m'en a plus coûté de l'accorder, que je n'ai de peine à le rompre: il n'en sera plus question.
;Figaro
:Ta bonne vérité?
;Suzanne
:Je ne suis pas comme vous autres savans; moi, je n'en ai qu'une.
;Figaro
:Et tu m'aimeras un peu?
;Suzanne
:Beaucoup.
;Figaro
:Ce n'est guère.
;Suzanne
:Et comment?
;Figaro
:En fait d'amour, vois-tu, trop n'est pas même assez.
;Suzanne
:Je n'entends pas toutes ces finesses; mais je n'aimerai que mon mari.
;Figaro
:Tiens parole, et tu feras une belle exception à l'usage. //(il veut l'embrasser.)//
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<<storyViewer 'LE MARIAGE DE FIGARO'>>
^^//TOUS LES ACTEURS PRÉCÉDENS, excepté la Comtesse et Suzanne, BAZILE tenant sa guitare, ~GRIPE-SOLEIL.//^^
;Bazile //entre en chantant sur l'air du Vaudeville de la fin. //(Air noté.)
<<<
:"Coeurs sensibles, coeurs fidèles,
:Qui blâmez l'Amour léger,.
:Cessez vos plaintes cruelles;
:Est-ce un crime de changer?
:Si l'Amour porte des ailes,
:N'est-ce pas pour voltiger?
:N'est-ce pas pour voltiger?
:N'est-ce pas pour voltiger?
<<<
;Figaro
:Oui, c'est pour cela justement qu'il a des ailes au dos; notre ami, qu'entendez-vous par cette musique?
;Bazile
:Qu'après avoir prouvé mon obéissance à Monseigneur, en amusant Monsieur, qui est de sa compagnie, je pourrai à mon tour réclamer sa justice.
;~Gripe-Soleil.
:Bah! Monsigneu! il ne m'a pas amusé du tout: avec leux guenilles d'ariettes....
;Le Comte.
:Enfin, que demandez-vous, Bazile?
;Bazile
:Ce qui m'appartient, Monseigneur, la main de Marceline; et je viens m'opposer....
;Figaro
:Y a-t-il long-temps que Monsieur n'a vu la figure d'un fou?
;Bazile
:Monsieur, en ce moment même.
;Figaro
:Puisque mes yeux vous servent si bien de miroir, étudiez-y l'effet de ma prédiction. Si vous faites mine seulement d'approximer Madame....
;Bartholo
:Eh pourquoi? laisse-le parler.
;Brid'Oison
:Fau-aut-il que deux amis?...
;Figaro
:Nous amis!
;Bazile
:Quelle erreur!
;Figaro,
:Parce qu'il fait de plats airs de chapelle?
;Bazile
:Et lui, des vers comme un journal?
;Figaro,
:Un musicien de guinguette!
;Bazile
:Un postillon de gazette!
;Figaro,
:Cuistre d'oratorio!
;Bazile
:Jockey diplomatique!
;Le Comte
:Insolens tous les deux!
;Bazile
:Il me manque en toute occasion.
;Figaro
:C'est bien dit, si cela se pouvait!
;Bazile
:Disant par-tout que je ne suis qu'un sot.
;Figaro
:Vous me prenez donc pour un écho?
;Bazile
:Tandis qu'il n'est pas un chanteur que mon talent n'ait fait briller.
;Figaro
:Brailler.
;Bazile
:Il le répète!
;Figaro
:Et pourquoi non, si cela est vrai? es-tu un prince, pour qu'on te flagorne? souffre la vérité, coquin! puisque tu n'as pas de quoi gratifier un menteur: ou si tu la crains de notre part, pourquoi viens-tu troubler nos noces?
;Bazile
:M'avez-vous promis, oui ou non, si dans quatre ans vous n'étiez pas pourvue, de me donner la préférence?
;Marceline
:À quelle condition l'ai-je promis?
;Bazile
:Que si vous retrouviez un certain fils perdu, je l'adopterais par complaisance.
:{{italic{Tous ensemble.}}}
:Il est trouvé.
;Bazile
:Qu'à cela ne tienne.
:{{italic{Tous ensemble, montrant Figaro.}}}
:Et le voici.
;Bazile
:J'ai vu le diable!
;Brid'Oison,
:Et vou-ous renoncez à sa chère mère!
;Bazile
:Qu'y aurait-il de plus fâcheux que d'être cru le père d'un garnement?
;Figaro
:D'en être cru le fils; tu te moques de moi!
;Bazile
:Dès que Monsieur est de quelque chose ici, je déclare, moi, que je n'y suis plus de rien.
://(Il sort.)//
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//SCÈNE XI.//
^^//LES ACTEURS PRÉCÉDENS, excepté BAZILE.//^^
;Bartholo
:Ha! ha! ha! ha!
;Figaro,
:Donc à la fin j'aurai ma femme!
;Le Comte,
:Moi, ma maîtresse. //(Il se lève.)//
;Brid'Oison,
:Et tou-out le monde est satisfait.
;Le Comte.
:Qu'on dresse les deux contrats; j'y signerai.
:{{italic{Tous ensemble.}}}
:Vivat! //(Ils sortent.)//
;Le Comte.
:J'ai besoin d'une heure de retraite.
://(Il veut sortir avec les autres.)//
//SCÈNE XII.//
^^//~GRIPE-SOLEIL, FIGARO, MARCELINE, LE COMTE.//^^
;~Gripe-Soleil
:Et moi, je vas aider à ranger le feu d'artifice sous les grands maronniers, comme on l'a dit.
;Le Comte
:Quel sot a donné un tel ordre?
;Figaro
:Où est le mal?
;Le Comte,
:Et la Comtesse, qui est incommodée, d'où le verra-t-elle l'artifice? c'est sur la terrasse qu'il le faut, vis-à-vis son appartement.
;Figaro
:Tu l'entends, Gripe-soleil? la terrasse.
;Le Comte.
:Sous les grands maronniers! belle idée! //(en s'en allant, à part)// Ils allaient incendier mon rendez-vous!
<<storyViewer 'LE MARIAGE DE FIGARO'>>
<<storyViewer 'LE MARIAGE DE FIGARO'>>
^^//FIGARO, MARCELINE.//^^
;Figaro
:Quel excès d'attention pour sa femme! //(Il veut sortir.)//
;Marceline
:Deux mots, mon fils. Je veux m'acquitter avec toi; un sentiment mal dirigé m'avait rendue injuste envers ta charmante femme: je la supposais d'accord avec le Comte, quoique j'eusse appris de Bazile qu'elle l'avait toujours rebuté.
;Figaro
:Vous connaissiez mal votre fils, de le croire ébranlé par ces impulsions féminines. Je puis défier la plus rusée de m'en faire accroire.
;Marceline
:Il est toujours heureux de le penser, mon fils; la jalousie....
;Figaro
:....N'est qu'un sot enfant de l'orgueil, ou c'est la maladie d'un fou. Oh! j'ai là-dessus, ma mère, une philosophie.... imperturbable; et si Suzanne doit me tromper un jour, je lui pardonne d'avance; elle aura long-temps travaillé.... //(Il se retourne et aperçoit Fanchette qui cherche de côté et d'autre.)//
<<storyViewer 'LE MARIAGE DE FIGARO'>>
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^^//FIGARO, FANCHETTE, MARCELINE.//^^
;Figaro
:Eeeh.... ma petite cousine qui nous écoute!
;Fanchette
:Oh! pour ça non: on dit que c'est malhonnête.
;Figaro
:Il est vrai; mais comme cela est utile, on fait aller souvent l'un pour l'autre.
;Fanchette
:Je regardais si quelqu'un était là.
;Figaro
:Déjà dissimulée, friponne! vous savez bien qu'il n'y peut être.
;Fanchette
:Et qui donc?
;Figaro
:Chérubin.
;Fanchette
:Ce n'est pas lui que je cherche, car je sais fort bien où il est; c'est ma cousine Suzanne.
;Figaro
:Et que lui veut ma petite cousine?
;Fanchette
:À vous, petit cousin, je le dirai.—C'est... ce n'est qu'une épingle que je veux lui remettre.
;Figaro,
:Une épingle! une épingle!... et de quelle part, coquine? à votre âge vous faites déjà un mét... //(il se reprend, et dit d'un ton doux)// Vous faites déjà très-bien tout ce que vous entreprenez, Fanchette; et ma jolie cousine est si obligeante....
;Fanchette
:À qui donc en a-t-il de se fâcher? je m'en vais.
;Figaro,
:Non, non, je badine; tiens, ta petite épingle est celle que Monseigneur t'a dit de remettre à Suzanne, et qui servait à cacheter un petit papier qu'il tenait; tu vois que je suis au fait.
;Fanchette
:Pourquoi donc le demander, quand vous le savez si bien?
;Figaro,
:C'est qu'il est assez gai de savoir comment Monseigneur s'y est pris pour t'en donner la commission.
;Fanchette
:Pas autrement que vous ne dites: tiens, petite Fanchette, rends cette épingle à ta belle cousine, et dis-lui seulement que c'est le cachet des grands maronniers.
;Figaro
:Des grands?...
;Fanchette
:Maronniers..
;Figaro
:Il faut obéir, ma cousine: heureusement personne ne vous a vue. Faites donc joliment votre commission; et n'en dites pas plus à Suzanne que Monseigneur n'a ordonné.
;Fanchette
:Et pourquoi lui en dirais-je? il me prend pour un enfant, mon cousin. //(Elle sort en sautant.)//
<<storyViewer 'LE MARIAGE DE FIGARO'>>
<<storyViewer 'LE MARIAGE DE FIGARO'>>
^^//FIGARO, MARCELINE.//^^
;Figaro
:Hé bien, ma mère!
;Marceline
:Hé bien, mon fils!
;Figaro,
:Pour celui-ci!... il y a réellement des choses...
;Marceline
:Il y a des choses! hé! qu'est-ce qu'il y a?
;Figaro,
:Ce que je viens d'entendre, ma mère, je l'ai là comme un plomb.
;Marceline,
:Ce coeur plein d'assurance n'était donc qu'un ballon gonflé? une épingle a tout fait partir!
;Figaro
:Mais cette épingle, ma mère, est celle qu'il a ramassée!...
;Marceline,
:La jalousie! oh, j'ai là-dessus, ma mère, une philosophie.... imperturbable; et si Suzanne m'attrape un jour, je le lui pardonne....
;Figaro,
:Oh, ma mère! on parle comme on sent: mettez le plus glacé des juges à plaider dans sa propre cause, et voyez-le expliquer la loi!—Je ne m'étonne plus s'il avait tant d'humeur sur ce feu!—Pour la mignonne aux fines épingles, elle n'en est pas où elle le croit, ma mère, avec ses maronniers! si mon mariage est assez fait pour légitimer ma colère, en revanche, il ne l'est pas assez pour que je n'en puisse épouser une autre, et l'abandonner...
;Marceline
:Bien conclu! abymons tout sur un soupçon. Qui t'a prouvé, dis-moi, que c'est toi qu'elle joue, et non le Comte? L'as-tu étudiée de nouveau, pour la condamner sans appel? sais-tu si elle se rendra sous les arbres, à quelle intention elle y va, ce qu'elle y dira, ce qu'elle y fera? je te croyais plus fort en jugement.
;Figaro,
:Elle a raison, ma mère, elle a raison, raison, toujours raison! mais accordons, maman, quelque chose à la nature; on en vaut mieux après. Examinons en effet, avant d'accuser et d'agir. Je sais où est le rendez-vous. Adieu, ma mère.
://(Il sort)//.
<<storyViewer 'LE MARIAGE DE FIGARO'>>
!!!!IV.16 Solidarité féminine
;Marceline
:Adieu: et moi aussi, je le sais. Après l'avoir arrêté, veillons sur les voies de Suzanne; ou plutôt avertissons-la; elle est si jolie créature! Ah! quand l'intérêt personnel ne nous arme pas les unes contre les autres, nous sommes toutes portées à soutenir notre pauvre sexe opprimé, contre ce fier, ce terrible.... //(en riant)// et pourtant un peu nigaud de sexe masculin.
://(Elle sort.)//
:{{italic center bold{Fin du quatrième Acte.}}}
<<storyViewer 'LE MARIAGE DE FIGARO'>>
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//SCÈNE II.//
^^//FIGARO, SUZANNE, LA COMTESSE.//^^
;La Comtesse
:Ah! j'avais raison de le dire; en quelque endroit qu'ils soient, croyez qu'ils sont ensemble. Allons donc, Figaro, c'est voler l'avenir, le mariage et vous-même, que d'usurper un tête à tête. On vous attend, on s'impatiente.
;Figaro
:Il est vrai, Madame, je m'oublie. Je vais leur montrer mon excuse.
://(Il veut emmener Suzanne)//.
;La Comtesse
:Elle vous suit.
//SCÈNE III.//
^^//SUZANNE, LA COMTESSE.//^^
;La Comtesse
:As-tu ce qu'il nous faut pour troquer de vêtement?
;Suzanne
:Il ne faut rien, Madame; le rendez-vous ne tiendra pas.
;La Comtesse
:Ah! vous changez d'avis?
;Suzanne
:C'est Figaro.
;La Comtesse
:Vous me trompez.
;Suzanne
:Bonté divine!
;La Comtesse
:Figaro n'est pas homme à laisser échapper une dot.
;Suzanne
:Madame! eh! que croyez-vous donc?
;La Comtesse
:Qu'enfin, d'accord avec le Comte, il vous fâche à présent de m'avoir confié ses projets. Je vous sais par coeur. Laissez-moi. //(elle veut sortir.)//
;Suzanne
:Au nom du Ciel espoir de tous! vous ne savez pas, Madame, le mal que vous faites à Suzanne! après vos bontés continuelles et la dot que vous me donnez!...
;La Comtesse
:Hé mais... je ne sais ce que je dis! en me cédant ta place au jardin, tu n'y vas pas, mon coeur; tu tiens parole à ton mari; tu m'aides à ramener le mien.
;Suzanne
:Comme vous m'avez affligée!
;La Comtesse
:C'est que je ne suis qu'une étourdie. //(elle la baise au front)// Où est ton rendez-vous?
;Suzanne
:Le mot de jardin m'a seul frappée.
;La Comtesse
:Prends cette plume, et fixons un endroit.
;Suzanne
:Lui écrire!
;La Comtesse
:Il le faut.
;Suzanne
:Madame! au moins, c'est vous...
;La Comtesse
:Je mets tout sur mon compte. //(Suzanne s'assied; la Comtesse dicte.)//
:{{italic{Chanson nouvelle, sur l'air:... Qu'il fera beau ce soir sous les grands maronniers!... Qu'il fera beau ce soir...}}}
;Suzanne
:Sous les grands maronniers!... après?
;La Comtesse
:Crains-tu qu'il ne t'entende pas?
;Suzanne
:C'est juste. //(elle plie le billet)// Avec quoi cacheter?
;La Comtesse
:Une épingle, dépêche; elle servira de réponse. Écris sur le revers: renvoyez-moi le cachet.
;Suzanne
:Ah!... le cachet... celui-ci, Madame, est plus gai que celui du brevet.
;La Comtesse
:Ah!
;Suzanne
:Je n'ai pas d'épingle à présent!
;La Comtesse
:Prends celle-ci. //(le ruban du Page tombe de son sein à terre)// Ah! mon ruban!
;Suzanne
:C'est celui du petit voleur! vous avez eu la cruauté!...
;La Comtesse
:Fallait-il le laisser à son bras? c'eût été joli! donnez donc.
;Suzanne
:Madame ne le portera plus, taché du sang de ce jeune homme.
;La Comtesse
:Excellent pour Fanchette... le premier bouquet qu'elle m'apportera.
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^^//UNE JEUNE BERGÈRE, Chérubin en fille, LA COMTESSE, SUZANNE.//^^
;Fanchette
:Madame, ce sont les filles du bourg qui viennent vous présenter des fleurs.
;La Comtesse
:Elles sont charmantes: je me reproche, mes belles petites, de ne pas vous connaître toutes. //(montrant Chérubin)// Quelle est cette aimable enfant qui a l'air si modeste?
;Une Bergère
:C'est une cousine à moi, Madame, qui n'est ici que pour la noce.
;La Comtesse
:Elle est jolie. Ne pouvant porter vingt bouquets, fesons honneur à l'étrangère. //(elle prend le bouquet de Chérubin, et le baise au front)// Ne trouves-tu pas, Suzon... qu'elle ressemble à quelqu'un?
;Suzanne
:À s'y méprendre, en vérité.
;Chérubin
:Ah! ce baiser-là m'a été bien loin!
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^^//LES JEUNES FILLES, Chérubin au milieu d'elles, FANCHETTE, ANTONIO, LE COMTE, LA COMTESSE, SUZANNE.//^^
;Antonio
:Moi je vous dis, Monseigneur, qu'il y est; elles l'ont habillé chez ma fille; toutes ses hardes y sont encore, et voilà son chapeau d'ordonnance que j'ai retiré du paquet. //(il s'avance, et regardant toutes les filles il reconnaît Chérubin, lui enlève son bonnet de femme, ce qui fait retomber ses longs cheveux en cadenette; il lui met sur la tête le chapeau d'ordonnance, et dit:)// Eh! parguenne, v'là notre officier.
;La Comtesse
:Ah! Ciel!
;Suzanne
:Ce friponneau!
;Antonio
:Quand je disais là-haut que c'était lui!...
;Le Comte
:Hé bien, Madame!
;La Comtesse
:Hé bien, Monsieur! vous me voyez plus surprise que vous, et, pour le moins, aussi fâchée.
;Le Comte
:Oui; mais tantôt, ce matin?
;La Comtesse
:Je serais coupable, en effet, si je dissimulais encore. Il était descendu chez moi. Nous entamions le badinage que ces enfans viennent d'achever; vous nous avez surprises l'habillant; votre premier mouvement est si vif! il s'est sauvé, je me suis troublée; l'effroi général a fait le reste.
;Le Comte
:Pourquoi n'êtes-vous pas parti?
;Chérubin
:Monseigneur...
;Le Comte
:Je punirai ta désobéissance.
;Fanchette
:Ah! Monseigneur, entendez-moi. Toutes les fois que vous venez m'embrasser, vous savez bien que vous dites toujours: Si tu veux m'aimer, petite Fanchette, je te donnerai ce que tu voudras.
;Le Comte
:Moi! j'ai dit cela?
;Fanchette
:Oui, Monseigneur. Au lieu de punir Chérubin, donnez-le-moi en mariage, et je vous aimerai à la folie.
;Le Comte
:Être ensorcelé par un page!
;La Comtesse
:Hé bien! Monsieur, à votre tour; l'aveu de cette enfant, aussi naïf que le mien, atteste enfin deux vérités: que c'est toujours sans le vouloir, si je vous cause des inquiétudes, pendant que vous épuisez tout, pour augmenter et justifier les miennes.
;Antonio
:Vous aussi, Monseigneur? Dame! je vous la redresserai comme seule sa mère, qui est morte... Ce n'est pas pour la conséquence; mais c'est que Madame sait bien que les petites filles, quand elles sont grandes...
;Le Comte
:Il y a un mauvais génie qui tourne tout ici contre, moi!
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//SCÈNE VI.//
^^//LES JEUNES FILLES, Chérubin, ANTONIO, FIGARO, LE COMTE, LA COMTESSE, SUZANNE.//^^
;Figaro
:Monseigneur, si vous retenez nos filles, on ne pourra commencer ni la fête ni la danse.
;Le Comte
:Vous, danser! vous n'y pensez pas. Après votre chûte de ce matin, qui vous a foulé le pied droit!
;Figaro
:Je souffre encore un peu; ce n'est rien. //(aux jeunes filles)// Allons, mes belles, allons.
;Le Comte
:Vous avez été fort heureux que ces couches ne fussent que du terreau bien doux!
;Figaro
:Très-heureux, sans doute; autrement...
;Antonio
:Puis il s'est pelotonné en tombant jusqu'en bas.
;Figaro
:Un plus adroit, n'est-ce pas, serait resté en l'air! //(aux jeunes filles)// Venez-vous, Mesdemoiselles?
;Antonio
:Et pendant ce temps le petit Page galopait sur son cheval à Séville?
;Figaro
:Galopait, ou marchait au pas...
;Le Comte
:Et vous aviez son brevet dans la poche?
;Figaro
:Assurément; mais quelle enquête? //(aux jeunes filles)// Allons donc, jeunes filles!
;Antonio
:En voici une qui prétend que mon neveu futur n'est qu'un menteur.
;Figaro
:Chérubin!... //(à part)// peste du petit fat!
;Antonio
:Y es-tu maintenant?
;Figaro
:J'y suis... j'y suis... Hé! qu'est-ce qu'il chante?
;Le Comte
:Il ne chante pas; il dit que c'est lui qui a sauté sur les giroflées.
;Figaro,
:Ah! s'il le dit.... cela se peut; je ne dispute pas de ce que j'ignore.
;Le Comte.
:Ainsi vous et lui?...
;Figaro
:Pourquoi non? la rage de sauter peut gagner: voyez les moutons de Panurge; et quand vous êtes en colère, il n'y a personne qui n'aime mieux risquer....
;Le Comte.
:Comment, deux à la fois!...
;Figaro
:On aurait sauté deux douzaines; et qu'est-ce que cela fait, Monseigneur, dès qu'il n'y a personne de blessé? //(aux jeunes filles)// Ah ça, voulez-vous venir, ou non?
;Le Comte
:Jouons-nous une comédie? //(on entend un prélude de fanfare.)//
;Figaro
:Voilà le signal de la marche. À vos postes, les belles, à vos postes. Allons, Suzanne, donne-moi le bras. //(Tous s'enfuient, Chérubin reste seul la tête baissée.)//
//SCÈNE VII.//
^^//Chérubin, LE COMTE, LA COMTESSE.//^^
;Le Comte,
:En voit-on de plus audacieux? //(au Page)// Pour vous, monsieur le sournois, qui faites le honteux, allez vous rhabiller bien vîte; et que je ne vous rencontre nulle part de la soirée.
;La Comtesse.
:Il va bien s'ennuyer.
;Chérubin
:M'ennuyer! j'emporte à mon front du bonheur pour plus de cent années de prison.
://(Il met son chapeau et s'enfuit.)//
<<storyViewer 'LE MARIAGE DE FIGARO'>>
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//SCÈNE VIII.//
^^//LE COMTE, LA COMTESSE.//^^
^^////(La Comtesse s'évente fortement, sans parler.)////^^
;Le Comte.
:Qu'a-t-il au front de si heureux?
;La Comtesse,
:Son... premier chapeau d'officier, sans doute; aux enfans tout sert de hochet.
://(Elle veut sortir)//.
;Le Comte.
:Vous ne nous restez pas, Comtesse?
;La Comtesse.
:Vous savez que je ne me porte pas bien.
;Le Comte.
:Un instant pour votre protégée, ou je vous croirais en colère.
;La Comtesse.
:Voici les deux noces, asseyons-nous donc pour les recevoir.
;Le Comte,
:La noce! il faut souffrir ce qu'on ne peut empêcher.
://(Le Comte et la Comtesse s'asseyent vers un des côtés de la galerie.)//
//SCÈNE IX.//
^^//LE COMTE, LA COMTESSE, assis; l'on joue les folies d'Espagne d'un mouvement de marche. //(Symphonie notée.)////^^
!!!!MARCHE.
''les gardes-chasse,'' //fusil sur l'épaule.//
''l'alguazil, les prud'hommes, Brid'Oison.''
''les paysans et paysannes''//, en habits de fête.//
''deux jeunes filles'' //portant la toque virginale, à plumes blanches.//
''deux autres,'' //e voile blanc.//
''deux autres'', //les gants et le bouquet de côté.//
''Antonio'' donne la main à ''Suzanne'', comme étant celui qui la marie à ''Figaro''.
''d'autres jeunes filles'' //portent une autre toque, un autre voile, un autre bouquet blanc, semblables aux premiers, pour// ''Marceline''.
''Figaro'' //donne la main à// ''Marceline'', //comme celui qui doit la remettre au// ''docteur'', //lequel ferme la marche, un gros bouquet au côté. Les jeunes filles, en passant devant le Comte, remettent à ses valets tous les ajustemens destinés à // ''Suzanne'' //et à //''Marceline''.
''les paysans et paysannes'' //s'étant rangés sur deux colonnes à chaque côté du sallon, on danse une reprise du fendango// (air noté) //avec des castagnettes; puis on joue la ritournelle du duo, pendant laquelle// ''Antonio'' //conduit// ''Suzanne'' //au// ''comte''; //elle se met à genoux devant lui.//
//Pendant que //''le Comte'' //lui pose la toque, le voile, et lui donne le bouquet, deux jeunes filles chantent le duo suivant.//
<<<
(Air noté.)
:Jeune épouse, chantez les bienfaits et la gloire
:D'un maître qui renonce aux droits qu'il eut sur vous:
:Préférant au plaisir la plus noble victoire,
:Il vous rend chaste et pure aux mains de votre époux.
<<<
''Suzanne'' //est à genoux, et pendant les derniers vers du duo, elle tire //''le Comte'' //par son manteau et lui montre le billet qu'elle tient; puis elle porte la main qu'elle a du côté des spectateurs à sa tête, où //''le Comte'' //a l'air d'ajuster sa toque; elle lui donne le billet.//
''le comte'' //le met furtivement dans son sein; on achève de chanter le duo; la fiancée se relève, et lui fait une grande révérence.//
''Figaro'' //vient la recevoir des mains du// ''Comte'' //et se retire avec elle, à l'autre côté du sallon, près de //''Marceline''.
//(On danse une autre reprise du fendango pendant ce temps.)//
''le comte'', //pressé de lire ce qu'il a reçu, s'avance au bord du théâtre et tire le papier de son sein; mais en le sortant il fait le geste d'un homme qui s'est cruellement piqué le doigt; il le secoue, le presse, le suce, et regardant le papier cacheté d'une épingle, il dit://
;Le Comte.
://(Pendant qu'il parle, ainsi que Figaro, l'orchestre joue pianissimo.)//
:Diantre soit des femmes, qui fourent des épingles par-tout! //(il la jette à terre, puis il lit le billet et le baise.)//
;Figaro,
:C'est un billet doux, qu'une fillette aura glissé dans sa main en passant. Il était cacheté d'une épingle, qui l'a outrageusement piqué.
//La danse reprend;// ''le Comte'' //qui a lu le billet le retourne;
il y voit l'invitation de renvoyer le cachet pour réponse.
Il cherche à terre, et retrouve enfin l'épingle qu'il attache
à sa manche.//
;Figaro,
:D'un objet aimé tout est cher. Le voilà qui ramasse l'épingle. Ah! c'est une drôle de tête!
://Pendant ce temps, Suzanne a des signes d'intelligence avec la Comtesse. La danse finit; la ritournelle du duo recommence.//
://(Figaro conduit Marceline au Comte, ainsi qu'on a conduit Suzanne; à l'instant où le Comte prend la toque, et où l'on va chanter le duo, on est interrompu par les cris suivans.)//
;L'Huissier, //criant à la porte.//
:Arrêtez donc, Messieurs, vous ne pouvez entrer tous... Ici les gardes! les gardes! //(Les gardes vont vîte à cette porte.)//
;Le Comte,
:Qu'est-ce qu'il y a?
;L'Huissier
:Monseigneur, c'est monsieur Bazile entouré d'un village entier, parce qu'il chante en marchant.
;Le Comte.
:Qu'il entre seul.
;La Comtesse.
:Ordonnez-moi de me retirer.
;Le Comte.
:Je n'oublie pas votre complaisance.
;La Comtesse.
:Suzanne?... elle reviendra. //(à part à Suzanne)//
;Marceline
:Il n'arrive jamais que pour nuire.
;Figaro
:Ah! je m'en vais vous le faire déchanter!
<<storyViewer 'LE MARIAGE DE FIGARO'>>
{{homeTitle center{Ivresse solitaire au clair de lune}}}
{{center{[img(80%,)[https://enkidoublog.files.wordpress.com/2014/08/pc3aacheur-solitaire-sur-le-fleuve-en-hiver-ma-yuan-1195-song-du-sud-dc3a9tail-dun-rouleau-vertical-soie-141-x-36cm-tokyo-national-museum.jpg?w=584&h=310]]}}}
{{center{
+++*[Version Dominique Holzey IVRESSE]
!IVRESSE SOLITAIRE AU CLAIR DE LUNE
!!!!!{{center{Ll PO (701 - 762)
//Sur notre terre exilé
Traduction de Dominique Holzey
Orphée, La Différence//}}}
{{center{
Une cruche de vin parmi les fleurs,
Je bois seul sans compagnon
Je lève ma coupe pour inviter la lune,
Avec mon ombre nous voici trois.
Or la lune ne sait pas boire,
Et l’ombre inutilement me suit.
Lune, ombre, compagnes d’un instant,
Joyeusement célébrons le printemps !
Je chante et la lune vacille,
Je danse et l’ombre s’affole.
Tant que nous sommes éveillés, réjouissons-nous !
L’ivresse venue, nous nous disperserons.
Puissent nos jeux insouciants durer à jamais !
Un jour, nous nous retrouverons sur la voie lactée.
}}}
=== +++*[Version Paul Demiéville LIBATION]
!LIBATION SOLITAIRE AU CLAIR DE LUNE
!!!!!{{center{Ll PO (701 - 762)
Traduction Paul Demiéville
//Anthologie de la poésie chinoise classique (Gallimard)//
}}}
{{center{
Parmi les fleurs un pot de vin :
Je bois tout seul sans un ami.
Levant ma coupe, je convie le clair de lune ;
Voici mon ombre devant moi : nous sommes trois.
La lune, hélas, ne sait pas boire ;
Et l’ombre en vain me suit.
Compagnes d’un instant, ô vous, la lune et l’ombre !
Par de joyeux ébats, faisons fête au printemps !
Quand je chante, la lune indolente musarde ;
Quand je danse, mon ombre égarée se déforme.
Tant que nous veillerons, ensemble égayons-nous ;
Et, l’ivresse venue, que chacun s’en retourne.
Que dure à tout jamais notre liaison sans âme :
Retrouvons-nous sur la lointaine Voie Lactée !
}}}
===
}}}
{{center{
| ^^Vidéo du 1er avril à télécharger<br>(jusqu'au 17/4/2016)^^|![[Isaac chante Aragon|http://weezo.net/ateliertheatre/apy]]|
!Il n'aurait fallu
//Refrain ://
{{red{Il n'aurait fallu
Qu'on moment de plus
Pour que la mort vienne
Mais une main nue
Alors est venue
Qui a pris la mienne}}}
Qui donc a rendu
Leurs couleurs perdues
Aux jours aux semaines
Sa réalité
A l'immense été
Des choses humaines
Moi qui frémissais
Toujours je ne sais
De quelle colère
Deux bras ont suffi
Pour faire à ma vie
Un grand collier d'air
Rien qu'un mouvement
Ce geste en dormant
Léger qui me frôle
Un souffle posé
Moins ... une rosée
Contre mon épaule
Un front qui s'appuie
A moi dans la nuit
Deux grands yeux ouverts
Et tout m'a semblé
Comme un champ de blé
Dans cet univers
Un tendre jardin
Dans l'herbe où soudain
La verveine pousse
Et mon coeur défunt
Renaît au parfum
Qui fait l'ombre douce
//Refrain//
}}}
{{center{
!Il n'y a pas d'amour heureux
}}}
Rien n'est jamais acquis à l'homme Ni sa force
Ni sa faiblesse ni son coeur Et quand il croit
Ouvrir ses bras son ombre est celle d'une croix
Et quand il croit serrer son bonheur il le broie
Sa vie est un étrange et douloureux divorce
Il n'y a pas d'amour heureux
Sa vie Elle ressemble à ces soldats sans armes
Qu'on avait habillés pour un autre destin
À quoi peut leur servir de se lever matin
Eux qu'on retrouve au soir désoeuvrés incertains
Dites ces mots Ma vie Et retenez vos larmes
Il n'y a pas d'amour heureux
Mon bel amour mon cher amour ma déchirure
Je te porte dans moi comme un oiseau blessé
Et ceux-là sans savoir nous regardent passer
Répétant après moi les mots que j'ai tressés
Et qui pour tes grands yeux tout aussitôt moururent
Il n'y a pas d'amour heureux
Le temps d'apprendre à vivre il est déjà trop tard
Que pleurent dans la nuit nos coeurs à l'unisson
Ce qu'il faut de malheur pour la moindre chanson
Ce qu'il faut de regrets pour payer un frisson
Ce qu'il faut de sanglots pour un air de guitare
Il n'y a pas d'amour heureux
!!!!!Louis Aragon
!!!!!!//La Diane Française//
66o:[[Mady 1|https://giga.gg/l/576ef10b17e6df124e8b4dea]] [[Mady 2|https://giga.gg/l/576ef4b4f7e5df08818b463c]]
!Il pleure dans mon coeur
{{center{
!!!!!!Paul Verlaine<br>(1844-1896)
^^[[Ma lecture|https://giga.gg/l/5752a23efbe5df0b0d8b456c]]^^
/%
|Description|Il pleure dans mon coeur Comme il pleut sur la ville |
|auteur|Paul Verlaine|
%/
Il pleure dans mon coeur
Comme il pleut sur la ville ;
Quelle est cette langueur
Qui pénètre mon coeur ?
Ô bruit doux de la pluie
Par terre et sur les toits !
Pour un coeur qui s'ennuie,
Ô le chant de la pluie !
Il pleure sans raison
Dans ce coeur qui s'écoeure.
Quoi ! nulle trahison ?...
Ce deuil est sans raison.
C'est bien la pire peine
De ne savoir pourquoi
Sans amour et sans haine
Mon coeur a tant de peine !
}}}
!Il pleut//
^^Francis Carco^^//
{{right{//À Éliane.// }}}
Il pleut
— c’est merveilleux.
Je t’aime.
Nous resterons à la maison :
Rien ne nous plaît plus que nous-mêmes Par ce temps d’arrière-saison.
Il pleut.
Les taxis vont
et viennent.
On voit rouler les autobus
Et les remorqueurs sur la Seine Font un bruit...
qu’on ne s’entend plus !
C’est merveilleux :
il pleut.
J’écoute La pluie dont le crépitement Heurte la vitre goutte à goutte...
Et tu me souris tendrement.
Je t’aime.
Oh ! ce bruit d’eau qui pleure,
Qui sanglote comme un adieu.
Tu vas me quitter tout à l’heure :
On dirait
qu’il pleut
dans tes yeux.
/***
|Name|ImageSizePlugin|
|Source|http://www.TiddlyTools.com/#ImageSizePlugin|
|Version|1.2.1|
|Author|Eric Shulman - ELS Design Studios|
|License|http://www.TiddlyTools.com/#LegalStatements <br>and [[Creative Commons Attribution-ShareAlike 2.5 License|http://creativecommons.org/licenses/by-sa/2.5/]]|
|~CoreVersion|2.1|
|Type|plugin,formatter|
|Requires||
|Overrides|'image' formatter|
|Description|adds support for resizing images|
This plugin adds optional syntax to scale an image to a specified width and height and/or interactively resize the image with the mouse.
!!!!!Usage
<<<
The extended image syntax is:
{{{
[img(w+,h+)[...][...]]
}}}
where ''(w,h)'' indicates the desired width and height (in CSS units, e.g., px, em, cm, in, or %). Use ''auto'' (or a blank value) for either dimension to scale that dimension proportionally (i.e., maintain the aspect ratio). You can also calculate a CSS value 'on-the-fly' by using a //javascript expression// enclosed between """{{""" and """}}""". Appending a plus sign (+) to a dimension enables interactive resizing in that dimension (by dragging the mouse inside the image). Use ~SHIFT-click to show the full-sized (un-scaled) image. Use ~CTRL-click to restore the starting size (either scaled or full-sized).
<<<
!!!!!Examples
<<<
{{{
[img(100px+,75px+)[imgfor\swot.jpg]]
}}}
{{{
[<img(34%+,+)[imgfor\swot.jpg]]
[<img(21% ,+)[imgfor\swot.jpg]]
[<img(13%+, )[imgfor\swot.jpg]]
[<img( 8%+, )[imgfor\swot.jpg]]
[<img( 5% , )[imgfor\swot.jpg]]
[<img( 3% , )[imgfor\swot.jpg]]
[<img( 2% , )[imgfor\swot.jpg]]
[img( 1%+,+)[imgfor\swot.jpg]]
}}}
{{tagClear{
}}}
!!!!!Code
***/
//{{{
version.extensions.ImageSizePlugin= {major: 1, minor: 2, revision: 1, date: new Date(2009,2,24)};
//}}}
//{{{
var f=config.formatters[config.formatters.findByField("name","image")];
f.match="\\[[<>]?[Ii][Mm][Gg](?:\\([^,]*,[^\\)]*\\))?\\[";
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var width=lookaheadMatch[3];
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// Simple bracketted link
var e = w.output;
if(link) { // LINKED IMAGE
if (config.formatterHelpers.isExternalLink(link)) {
if (config.macros.attach && config.macros.attach.isAttachment(link)) {
// see [[AttachFilePluginFormatters]]
e = createExternalLink(w.output,link);
e.href=config.macros.attach.getAttachment(link);
e.title = config.macros.attach.linkTooltip + link;
} else
e = createExternalLink(w.output,link);
} else
e = createTiddlyLink(w.output,link,false,null,w.isStatic);
addClass(e,"imageLink");
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{ try{x=eval(x.substr(2,x.length-4))} catch(e){displayMessage(e.description||e.toString())} }
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{ try{y=eval(y.substr(2,y.length-4))} catch(e){displayMessage(e.description||e.toString())} }
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if(tooltip) img.title = tooltip;
// GET IMAGE SOURCE
if (config.macros.attach && config.macros.attach.isAttachment(src))
src=config.macros.attach.getAttachment(src); // see [[AttachFilePluginFormatters]]
else if (config.formatterHelpers.resolvePath) { // see [[ImagePathPlugin]]
if (config.browser.isIE || config.browser.isSafari) {
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this.src=config.formatterHelpers.resolvePath(this.src,false);
return false;
});
} else
src=config.formatterHelpers.resolvePath(src,true);
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w.nextMatch = this.lookaheadRegExp.lastIndex;
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this.sizing=false;
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return false;
};
}
//}}}
!Imagine de John Lennon
!!!!!!//Paroles et traduction de «Imagine»//
|borderless|k
|Imagine there's no heaven,| Imagine qu'il n'y a aucun Paradis,|
|It's easy if you try,| C'est facile si tu essaies,|
|No hell below us,| Aucun enfer en-dessous de nous,|
|Above us only sky,| Au dessus de nous, seulement le ciel,|
|Imagine all the people,| Imagine tous les gens,|
|Living for today...| Vivant pour aujourd'hui...|
|Imagine there's no countries,| Imagine qu'il n'y a aucun pays,|
|It isn't hard to do,| Ce n'est pas dur à faire,|
|Nothing to kill or die for,| Aucune cause pour laquelle tuer ou mourir,|
|No religion too,| Aucune religion non plus,|
|Imagine all the people,| Imagine tous les gens,|
|Living life in peace...| Vivant leurs vies en paix...|
|You may say I'm a dreamer,| Tu peux dire que je suis un rêveur,|
|But I'm not the only one,| Mais je ne suis pas le seul,|
|I hope some day you'll join us,| J'espère qu'un jour tu nous rejoindra,|
|And the world will live as one.| Et que le monde vivra uni|
|Imagine no possessions,| Imagine aucune possession,|
|I wonder if you can,| Je me demande si tu peux,|
|No need for greed or hunger,| Aucun besoin d'avidité ou de faim,|
|A brotherhood of man,| Une fraternité humaine,|
|Imagine all the people,| Imagine tous les gens,|
|Sharing all the world...| Partageant tout le monde...|
|You may say I'm a dreamer,| Tu peux dire que je suis un rêveur,|
|But I'm not the only one,| Mais je ne suis pas le seul,|
|I hope some day you'll join us,| J'espère qu'un jour tu nous rejoindra,|
|And the world will live as one.| Et que le monde vivra uni|
<<back>>
/%
|exercice|groupe impros synchronisation|
|niveau|420 Moins facile|
%/
{{homeTitle center{Exercices d'improvisation sans paroles}}}
!!!!Les clones
*Un joueur fait ce qui lui passe par la tête.
*les autres l'imitent
!!!!La corde à tirer
:Les deux équipes tirent une corde invisible jusqu'à ce que l'une gagne !
!!!!Le monstre
:Les joueurs forment un groupe compact représentatnt un monstre aux têtes et membres multiqles,
*qui se déplace,
*gémit,
*s'étale ou se recroqueville.
!!!!Le diamant
En triangle tous tournés vers un sommet. Celui qui ne voit pas les autres est le meneur, que les autres imitent.
S'il tourne le meneur devient celui qui à un sommet n'a plus de visibilité.
| //Transitions douces et synchronisées// |
!!!! Lieu non dit
*Un premier joueur se déplace dans un lieu à découvrir, il peut manipuler des objets propres à ce lieu.
*Quand un autre joueur a compris, il entre en rapport avec le premier et ils continuent l'action ensemble.
!!!! Hypnotisme colombien
*Le nez a une vingtaine de centimètres de la paume de son partenaire, le joueur suit celle-ci dans tous ses méandres en gardant la distance.
*L'exercice se complique lorsque le deuxième présente aussi sa paume,
*ou que l'on forme un cercle de 3.
SE GÉRER SOI-MÊME
PRENDRE EN COMPTE DES AUTRES
066 L'un bouge, les autres pas
1
Groupes de cinq ou six. Chaque groupe travaille indépendamment.
Règle :
Il doit consaamment y avoir une personne et une seule en mouvement dans le groupe.
* Si une personne cesse de bouger, un autre doit immédiatement commencer à bouger.
* Si quelqu'un d'immobile commence à bouger, alors celui qui auparavant bougeait s'immobilise.
2
"Foutre dans la merde !"
Même règle, mais en cherchant à créer des problèmes à leurs partenaires pour les faire se planter :
- Ils peuvent faire semblant de s'arrêter ou de ne pas s'arràter,
- faire croire aux autres qu'ils vont se mettre à bouger alors que non.
Tout ce qu'ils peuvent faire pour générer des moments de surprise et des erreurs est bon. Toutefois le groupe DOIT respecter la ràgle d'avoir toujours une personne (et une seule) en mouvement.
* Quand il y a un problàme, la tàche du groupe consiste à prendre ensemble et instantanément une décision pour rétablir l'ordre dans l'exercice.
>> Veillons les uns sur les autres
068 dire oui - Le coiffeur
1.
A assise sur une chaise joue le rôle d'une cliente du salon de coiffure.
B juste derrière la chaise joue le rôle d'un coiffeur.
La cliente veut se faire couper les cheveux. Le coiffeur doit proposer tout type de style et de coupe pour comprendre exactement ce que veut la cliente.
Consigne : la cliente doit refuser tout ce que le coiffeur lui propose. La cliente doit dire non à tout d'une manière non agressive, mais poliment.
2.
Nouvelle consigne : Même scène, mais maintenant la cliente doit accepter tout ce que propose le coiffeur. Elle accueille toutes les propositions avec enthousiasme, pas seulement dire oui, mais dire oui c'est génial.
2 minutes par phase.
>> Dire non est une fausse sécurité qui ferme les portes. Dire oui ouvre les portes, et fait avancer l'histoire.
070 Attitude enthousiaste - Oui, c'est génial !
Chaque paire de comédiens part à l'aventure. L'un propose une action, par exemple nous marchons dans le désert. L'autre répond immédiatement avec un grand enthousiasme : Oui, c'est génial ! Puis elle répète la proposition, par exemple : Oui, c'est génial, nous marchons dans le désert.
Quand on éprouve le besoin de changer d'action, on alterne. C'est l'autre qui propose la prochaine action, construite à partir de celle qu'on était en train de faire, toujours avec les mêmes règles.
>> L'enthousiasme est communicatif, et fait avancer. L'énergie engendrée aide à être plus spontané.
072 Oui, et.
On raconte ensemble une histoire, par paire ou en petit groupe. Chacun ajoute une phrase à l'histoire. Il dit oui et répète la proposition du précédent, et ajoute Et et propose l'action suivante.
Pièges à éviter :
* Oui, mais
* Vouloir imposer une direction.
* Poser une question.
* Faire des propositions compliquées, ou trop longues
075 Rester soudés
1.
Le groupe fait face au coach.
Le coach propose un lieu. Il demande « Qu'est-ce qui se passe au départ ? »
N'importe qui peut proposer la première action de l'aventure. Toutes les propositions doivent-être fait sous la forme de NOUS ou ON, Jamais JE ou ELLE ou IL. Chaque fois qu'une proposition est faite, les autres comédiens doivent dire OUI, et répéter la proposition qui vient d'être faite.
2.
Cette fois, les comédiens peuvent choisir de dire NON. Dans ce cas, ils quittent le groupe, et viennent s'asseoir près du coach. Le but devient maintenant de garder le groupe soudé le plus longtemps possible.
>> Le vrai Oui est toujours spontané. Le Non est un choix qui nous apprend quelque chose sur nous-même.
078 Se connecter à l'autre - « Et qu'est-ce qui se passe maintenant ? » par paire.
L'un propose une action.
* Soit l'autre répond Oui, et on la joue jusqu'à ce qu'il ait besoin d'une autre idée. Alors il demande : « Et qu'est-ce qui se passe maintenant ? »
* Soit il répond Non, et les rôles sont inversés. C'est le premier qui demande au deuxième : « Et qu'est-ce qui se passe maintenant ? »
* Juste faire l'action. Résister à l'envie de conduire une histoire qu'on a en tête.
* Impliquer le corps dans l'action aide à rester au présent.
* Éviter le danger ou baisser les enjeux fait touujours s'étioler la narration.
>>
LES MASQUES ET L'ART D'ÊTRE AU PRÉSENT
088. Simplicité physique - 2 chaises
2 chaises face au public à environ 2 mètres l'une de l'autre.
Deux comédiens de chaque côté de la scène.
Ils ne jouent pas, ils vont faire jouer la chaise dont ils sont responsable.
Tour à tour, ils s'approcheront de leur chaise, en modifieront la position, et reviendront à leur place.
Ils bougent leur chaise en réaction au mouvement de l'autre chaise. Ils doivent résister à l'envie d'animer leur chaise.
On demande au public ce qu'ils ont vu.
>> Les blancs et les vides sont remplis de sens : le public projette du sens sur ce qu'il voit.
>> Le comédien n'a pas à expliquer. En laissant des vides, on offre au public un espace à remplir avec leur imagination.
>> Les petits mouvements isolés sont plus puissant que les mouvements amples ou complexes.
090. Être au présent - Le toucher du ninja
1
Par paire.
Face à face, à une distance à laquelle on peut facilement toucher l'autre.
But : toucher les avant-bras de son partenaire
• On avance la main pour toucher,
• ou on décale son épaule pour éviter une attaque.
On ne peut bouger ni les pieds ni les jambes.
Chaque touché rapporte un point.
Celui qui a 3 points gagne, et les comédiens se séparent et cherchent de nouveaux adversaires.
2
Consigne supplémentaire :
• Se toucher aussi calmement et lentement que possible.
On se regarde dans les yeux, en essayant de détecter l'instant ou le partenaire n'est plus connecté, et à ce moment là on attaque calmement.
> Être attentif à chaque instant. Il s'agit d'attention, pas de concentration. L'attention concerne la cible, la concentration moi.
092. 3 chaises
1
3 chaises alignées, assez proches, au milieu de la scène.
Trois comédiens viennent s'y asseoir.
Ils vont se concerter pour improviser une scène.
Seule contrainte : À la fin, les trois personnages doivent quitter la scène ensemble.
2
Même chose, en s'interdisant de parler.
> Pas d'écoute sans une forte connexion entre les personnes.
096. Va et vient
1
Par paire, face à face, à 5 mètres de distance.
À chaque instant, on a le choix, autant qu'on veut, à n'importe quel moment, en se regardant dans les yeux pendant tout l'exercice :
• Avancer vers l'autre,
• S'éloigner de l'autre,
• Rester immobile.
2
On essaie de duper son partenaire, en contrariant ce qu'on pense être son prochain mouvement.
> Se rapprocher et s'éloigner est la dynamique constante de toute scène. La dramaturgie à son niveau le plus fondamental.
098. Agon -
Exercice sans paroles
Le public indique au comédien l'activité manuelle qui devra l'occuper pendant toute la scène.
Il commence.
Le public indique une émotion qui devra l'habiter.
Le comédien continue, mais maintenant tout son corps et ses gestes devront exprimer cette émotion.
Le public indique alors une émotion contraire à la précédente.
Le comédien poursuit son occupation, mais en exprimant maintenant cette nouvelle émotion.
Enfin, on laisse maintenant le comédien libre de jouer et de se déplacer entre ces deux pôles émotionnels extrêmes.
> Quand nous voyons un personnage lutter entre deux pôles opposés, nous sommes témoins de son agon. Jouer avec l'agon permet de créer des personnages plus réels.
|Contenus par catégories|h
{{menubox center{<<tag pièces>> <<tag sketches>> <<tag scènes>> <<tag monologues>> <<tag poésies>> <<tag chansons>> <<tag documents>> <<tag auteurs>>
<<tag exercices>> <<tag ExpressionCorporelle>> <<tag jeu>> <<tag PoésieChinoise>> <<tag 'La Fontaine'>> <<tag vidéos>> <<tag Bac2019>>
|Index analytiques|h
:[[auteurs]] • [[pièces]] • [[scènes]] • [[sketches]] • [[monologues]] • [[poésies]] • [[La Fontaine]] • [[chansons]]
{{center{//<<tiddler CopyRights>>//}}}
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► +++[Aide]
^^Ce cahier archive tous les textes issus du [[Cahier Atelier Théâtre|http://ateliertheatre.tiddlyspot.com]].^^
^^Par contre, les textes (vers ou prose) utilisés dans l'atelier //Plaisir de dire// depuis juillet 2019 sont maintennant archivés dans le carnet [[Plaisir de Dire|http://dire.tiddlyspot.com/]]^^
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<<tiddler HoverAide>>
^^
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+++[TOUS]
<<forEachTiddler
where
' tiddler.tags.contains ("ExpressionCorporelle")'
sortBy 'store.getTiddlerSlice(tiddler.title,"niveau")'
write
'"| [["+tiddler.title+"]]|"+store.getTiddlerSlice(tiddler.title,"exercice")+"|//"+store.getTiddlerSlice(tiddler.title,"niveau")+"//|\n"'
>>
=== ? +++[Tout le groupe]
<<forEachTiddler
where
' tiddler.tags.contains ("ExpressionCorporelle") && tiddler.text.contains("groupe") '
sortBy 'store.getTiddlerSlice(tiddler.title,"niveau")'
write
'"| [["+tiddler.title+"]]|"+store.getTiddlerSlice(tiddler.title,"exercice")+"|//"+store.getTiddlerSlice(tiddler.title,"niveau")+"//|\n"'
>>
=== ? +++[Volontaires]
<<forEachTiddler
where
' tiddler.tags.contains ("ExpressionCorporelle") && tiddler.text.contains("volontaire") '
sortBy 'store.getTiddlerSlice(tiddler.title,"niveau")'
write
'"| [["+tiddler.title+"]]|"+store.getTiddlerSlice(tiddler.title,"exercice")+"|//"+store.getTiddlerSlice(tiddler.title,"niveau")+"//|\n"'
>>
=== ? +++[En cercle]
<<forEachTiddler
where
' tiddler.tags.contains ("ExpressionCorporelle") && tiddler.text.contains("cercle") '
sortBy 'store.getTiddlerSlice(tiddler.title,"niveau")'
write
'"| [["+tiddler.title+"]]|"+store.getTiddlerSlice(tiddler.title,"exercice")+"|//"+store.getTiddlerSlice(tiddler.title,"niveau")+"//|\n"'
>>
=== ? +++[En lignes]
<<forEachTiddler
where
' tiddler.tags.contains ("ExpressionCorporelle") && tiddler.text.contains("lignes") '
sortBy 'store.getTiddlerSlice(tiddler.title,"niveau")'
write
'"| [["+tiddler.title+"]]|"+store.getTiddlerSlice(tiddler.title,"exercice")+"|//"+store.getTiddlerSlice(tiddler.title,"niveau")+"//|\n"'
>>
=== ? +++[individuel]
<<forEachTiddler
where
' tiddler.tags.contains ("ExpressionCorporelle") && tiddler.text.contains("individuel") '
sortBy 'store.getTiddlerSlice(tiddler.title,"niveau")'
write
'"| [["+tiddler.title+"]]|"+store.getTiddlerSlice(tiddler.title,"exercice")+"|//"+store.getTiddlerSlice(tiddler.title,"niveau")+"//|\n"'
>>
===
-----
+++[Émotions]
<<forEachTiddler
where
' tiddler.tags.contains ("ExpressionCorporelle") && tiddler.text.contains("émotion") '
sortBy 'store.getTiddlerSlice(tiddler.title,"niveau")'
write
'"| [["+tiddler.title+"]]|"+store.getTiddlerSlice(tiddler.title,"exercice")+"|//"+store.getTiddlerSlice(tiddler.title,"niveau")+"//|\n"'
>>
=== ? +++[Concentration]
<<forEachTiddler
where
' tiddler.tags.contains ("ExpressionCorporelle") && tiddler.text.contains("concentration") '
sortBy 'store.getTiddlerSlice(tiddler.title,"niveau")'
write
'"| [["+tiddler.title+"]]|"+store.getTiddlerSlice(tiddler.title,"exercice")+"|//"+store.getTiddlerSlice(tiddler.title,"niveau")+"//|\n"'
>>
=== ? +++[Synchronisation]
<<forEachTiddler
where
' tiddler.tags.contains ("ExpressionCorporelle") && tiddler.text.contains("synchronisation") '
sortBy 'store.getTiddlerSlice(tiddler.title,"niveau")'
write
'"| [["+tiddler.title+"]]|"+store.getTiddlerSlice(tiddler.title,"exercice")+"|//"+store.getTiddlerSlice(tiddler.title,"niveau")+"//|\n"'
>>
=== ? +++[Gestuelle]
<<forEachTiddler
where
' tiddler.tags.contains ("ExpressionCorporelle") && tiddler.text.contains("gest") '
sortBy 'store.getTiddlerSlice(tiddler.title,"niveau")'
write
'"| [["+tiddler.title+"]]|"+store.getTiddlerSlice(tiddler.title,"exercice")+"|//"+store.getTiddlerSlice(tiddler.title,"niveau")+"//|\n"'
>>
=== ? +++[Mouvements]
<<forEachTiddler
where
' tiddler.tags.contains ("ExpressionCorporelle") && tiddler.text.contains("mouvement") '
sortBy 'store.getTiddlerSlice(tiddler.title,"niveau")'
write
'"| [["+tiddler.title+"]]|"+store.getTiddlerSlice(tiddler.title,"exercice")+"|//"+store.getTiddlerSlice(tiddler.title,"niveau")+"//|\n"'
>>
=== ? +++[Déplacements]
<<forEachTiddler
where
' tiddler.tags.contains ("ExpressionCorporelle") && tiddler.text.contains("déplacement") '
sortBy 'store.getTiddlerSlice(tiddler.title,"niveau")'
write
'"| [["+tiddler.title+"]]|"+store.getTiddlerSlice(tiddler.title,"exercice")+"|//"+store.getTiddlerSlice(tiddler.title,"niveau")+"//|\n"'
>>
=== ? +++[Improvisations]
<<forEachTiddler
where
' tiddler.tags.contains ("ExpressionCorporelle") && tiddler.text.contains("impro") '
sortBy 'store.getTiddlerSlice(tiddler.title,"niveau")'
write
'"| [["+tiddler.title+"]]|"+store.getTiddlerSlice(tiddler.title,"exercice")+"|//"+store.getTiddlerSlice(tiddler.title,"niveau")+"//|\n"'
>>
===
/***
|Name|InlineJavascriptPlugin|
|Source|http://www.TiddlyTools.com/#InlineJavascriptPlugin|
|Documentation|http://www.TiddlyTools.com/#InlineJavascriptPluginInfo|
|Version|1.9.5|
|Author|Eric Shulman|
|License|http://www.TiddlyTools.com/#LegalStatements|
|~CoreVersion|2.1|
|Type|plugin|
|Description|Insert Javascript executable code directly into your tiddler content.|
''Call directly into TW core utility routines, define new functions, calculate values, add dynamically-generated TiddlyWiki-formatted output'' into tiddler content, or perform any other programmatic actions each time the tiddler is rendered.
!!!!!Documentation
>see [[InlineJavascriptPluginInfo]]
!!!!!Revisions
<<<
2009.04.11 [1.9.5] pass current tiddler object into wrapper code so it can be referenced from within 'onclick' scripts
2009.02.26 [1.9.4] in $(), handle leading '#' on ID for compatibility with JQuery syntax
|please see [[InlineJavascriptPluginInfo]] for additional revision details|
2005.11.08 [1.0.0] initial release
<<<
!!!!!Code
***/
//{{{
version.extensions.InlineJavascriptPlugin= {major: 1, minor: 9, revision: 5, date: new Date(2009,4,11)};
config.formatters.push( {
name: "inlineJavascript",
match: "\\<script",
lookahead: "\\<script(?: src=\\\"((?:.|\\n)*?)\\\")?(?: label=\\\"((?:.|\\n)*?)\\\")?(?: title=\\\"((?:.|\\n)*?)\\\")?(?: key=\\\"((?:.|\\n)*?)\\\")?( show)?\\>((?:.|\\n)*?)\\</script\\>",
handler: function(w) {
var lookaheadRegExp = new RegExp(this.lookahead,"mg");
lookaheadRegExp.lastIndex = w.matchStart;
var lookaheadMatch = lookaheadRegExp.exec(w.source)
if(lookaheadMatch && lookaheadMatch.index == w.matchStart) {
var src=lookaheadMatch[1];
var label=lookaheadMatch[2];
var tip=lookaheadMatch[3];
var key=lookaheadMatch[4];
var show=lookaheadMatch[5];
var code=lookaheadMatch[6];
if (src) { // external script library
var script = document.createElement("script"); script.src = src;
document.body.appendChild(script); document.body.removeChild(script);
}
if (code) { // inline code
if (show) // display source in tiddler
wikify("{{{\n"+lookaheadMatch[0]+"\n}}}\n",w.output);
if (label) { // create 'onclick' command link
var link=createTiddlyElement(w.output,"a",null,"tiddlyLinkExisting",wikifyPlainText(label));
var fixup=code.replace(/document.write\s*\(/gi,'place.bufferedHTML+=(');
link.code="function _out(place,tiddler){"+fixup+"\n};_out(this,this.tiddler);"
link.tiddler=w.tiddler;
link.onclick=function(){
this.bufferedHTML="";
try{ var r=eval(this.code);
if(this.bufferedHTML.length || (typeof(r)==="string")&&r.length)
var s=this.parentNode.insertBefore(document.createElement("span"),this.nextSibling);
if(this.bufferedHTML.length)
s.innerHTML=this.bufferedHTML;
if((typeof(r)==="string")&&r.length) {
wikify(r,s,null,this.tiddler);
return false;
} else return r!==undefined?r:false;
} catch(e){alert(e.description||e.toString());return false;}
};
link.setAttribute("title",tip||"");
var URIcode='javascript:void(eval(decodeURIComponent(%22(function(){try{';
URIcode+=encodeURIComponent(encodeURIComponent(code.replace(/\n/g,' ')));
URIcode+='}catch(e){alert(e.description||e.toString())}})()%22)))';
link.setAttribute("href",URIcode);
link.style.cursor="pointer";
if (key) link.accessKey=key.substr(0,1); // single character only
}
else { // run script immediately
var fixup=code.replace(/document.write\s*\(/gi,'place.innerHTML+=(');
var c="function _out(place,tiddler){"+fixup+"\n};_out(w.output,w.tiddler);";
try { var out=eval(c); }
catch(e) { out=e.description?e.description:e.toString(); }
if (out && out.length) wikify(out,w.output,w.highlightRegExp,w.tiddler);
}
}
w.nextMatch = lookaheadMatch.index + lookaheadMatch[0].length;
}
}
} )
//}}}
// // Backward-compatibility for TW2.1.x and earlier
//{{{
if (typeof(wikifyPlainText)=="undefined") window.wikifyPlainText=function(text,limit,tiddler) {
if(limit > 0) text = text.substr(0,limit);
var wikifier = new Wikifier(text,formatter,null,tiddler);
return wikifier.wikifyPlain();
}
//}}}
// // GLOBAL FUNCTION: $(...) -- 'shorthand' convenience syntax for document.getElementById()
//{{{
if (typeof($)=='undefined') { function $(id) { return document.getElementById(id.replace(/^#/,'')); } }
//}}}
/***
|Name:|InstantTimestampPlugin|
|Description:|A handy way to insert timestamps in your tiddler content|
|Version:|1.0.10a|
|Date:|27-Jun-2011|
|Source:|http://mptw.tiddlyspot.com/#InstantTimestampPlugin|
|Author:|Simon Baird <simon.baird@gmail.com>|
|License:|http://mptw.tiddlyspot.com/#TheBSDLicense|
!!Usage
If you enter {ts} in your tiddler content (without the spaces) it will be replaced with a timestamp when you save the tiddler. Full list of formats:
* {ts} or {t} -> timestamp
* {ds} or {d} -> datestamp
* !ts or !t at start of line -> !!timestamp
* !ds or !d at start of line -> !!datestamp
(I added the extra ! since that's how I like it. Remove it from translations below if required)
!!Notes
* Change the timeFormat and dateFormat below to suit your preference.
* See also http://mptw2.tiddlyspot.com/#AutoCorrectPlugin
* You could invent other translations and add them to the translations array below.
***/
//{{{
config.InstantTimestamp = {
// adjust to suit
timeFormat: 'DD/0MM/YY 0hh:0mm',
dateFormat: 'DD/0MM/YY',
translations: [
[/^!ts?$/img, "'!!{{ts{'+now.formatString(config.InstantTimestamp.timeFormat)+'}}}'"],
[/^!ds?$/img, "'!!{{ds{'+now.formatString(config.InstantTimestamp.dateFormat)+'}}}'"],
// thanks Adapted Cat
[/\{ts?\}(?!\}\})/ig,"'{{ts{'+now.formatString(config.InstantTimestamp.timeFormat)+'}}}'"],
[/\{ds?\}(?!\}\})/ig,"'{{ds{'+now.formatString(config.InstantTimestamp.dateFormat)+'}}}'"]
],
excludeTags: [
"noAutoCorrect",
"noTimestamp",
"html",
"CSS",
"css",
"systemConfig",
"systemConfigDisabled",
"zsystemConfig",
"Plugins",
"Plugin",
"plugins",
"plugin",
"javascript",
"code",
"systemTheme",
"systemPalette"
],
excludeTiddlers: [
"StyleSheet",
"StyleSheetLayout",
"StyleSheetColors",
"StyleSheetPrint"
// more?
]
};
TiddlyWiki.prototype.saveTiddler_mptw_instanttimestamp = TiddlyWiki.prototype.saveTiddler;
TiddlyWiki.prototype.saveTiddler = function(title,newTitle,newBody,modifier,modified,tags,fields,clearChangeCount,created) {
tags = tags ? tags : []; // just in case tags is null
tags = (typeof(tags) == "string") ? tags.readBracketedList() : tags;
var conf = config.InstantTimestamp;
if ( !tags.containsAny(conf.excludeTags) && !conf.excludeTiddlers.contains(newTitle) ) {
var now = new Date();
var trans = conf.translations;
for (var i=0;i<trans.length;i++) {
newBody = newBody.replace(trans[i][0], eval(trans[i][1]));
}
}
// TODO: use apply() instead of naming all args?
return this.saveTiddler_mptw_instanttimestamp(title,newTitle,newBody,modifier,modified,tags,fields,clearChangeCount,created);
}
// you can override these in StyleSheet
setStylesheet(".ts,.ds { font-style:italic; }","instantTimestampStyles");
//}}}
/***
|''Name:''|IntelliTaggerPlugin|
|''Version:''|1.0.2 (2007-07-25)|
|''Type:''|plugin|
|''Source:''|http://tiddlywiki.abego-software.de/#IntelliTaggerPlugin|
|''Author:''|Udo Borkowski (ub [at] abego-software [dot] de)|
|''Documentation:''|[[IntelliTaggerPlugin Documentation]]|
|''~SourceCode:''|[[IntelliTaggerPlugin SourceCode]]|
|''Licence:''|[[BSD open source license (abego Software)]]|
|''~CoreVersion:''|2.0.8|
|''Browser:''|Firefox 1.5.0.2 or better|
***/
/***
!Version History
* 1.0.2 (2007-07-25):
** Feature: "Return" key may be used to accept first tag suggestion (beside "Alt-1")
** Bugfix: Keyboard shortcuts (Alt+3 etc.) shifted
* 1.0.1 (2007-05-18):
** Improvement: Speedup when using TiddlyWikis with many tags
* 1.0.0 (2006-04-26):
** Initial release
!Source Code
***/
// /%
if(!version.extensions.IntelliTaggerPlugin){if(!window.abego){window.abego={};}if(!abego.internal){abego.internal={};}abego.alertAndThrow=function(s){alert(s);throw s;};if(version.major<2){abego.alertAndThrow("Use TiddlyWiki 2.0.8 or better to run the IntelliTagger Plugin.");}version.extensions.IntelliTaggerPlugin={major:1,minor:0,revision:2,date:new Date(2007,6,25),type:"plugin",source:"http://tiddlywiki.abego-software.de/#IntelliTaggerPlugin",documentation:"[[IntelliTaggerPlugin Documentation]]",sourcecode:"[[IntelliTaggerPlugin SourceCode]]",author:"Udo Borkowski (ub [at] abego-software [dot] de)",licence:"[[BSD open source license (abego Software)]]",tiddlywiki:"Version 2.0.8 or better",browser:"Firefox 1.5.0.2 or better"};abego.createEllipsis=function(_2){var e=createTiddlyElement(_2,"span");e.innerHTML="…";};abego.isPopupOpen=function(_4){return _4&&_4.parentNode==document.body;};abego.openAsPopup=function(_5){if(_5.parentNode!=document.body){document.body.appendChild(_5);}};abego.closePopup=function(_6){if(abego.isPopupOpen(_6)){document.body.removeChild(_6);}};abego.getWindowRect=function(){return {left:findScrollX(),top:findScrollY(),height:findWindowHeight(),width:findWindowWidth()};};abego.moveElement=function(_7,_8,_9){_7.style.left=_8+"px";_7.style.top=_9+"px";};abego.centerOnWindow=function(_a){if(_a.style.position!="absolute"){throw "abego.centerOnWindow: element must have absolute position";}var _b=abego.getWindowRect();abego.moveElement(_a,_b.left+(_b.width-_a.offsetWidth)/2,_b.top+(_b.height-_a.offsetHeight)/2);};abego.isDescendantOrSelf=function(_c,e){while(e){if(_c==e){return true;}e=e.parentNode;}return false;};abego.toSet=function(_e){var _f={};for(var i=0;i<_e.length;i++){_f[_e[i]]=true;}return _f;};abego.filterStrings=function(_11,_12,_13){var _14=[];for(var 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e=window.event;}var tag=this.getAttribute("tag");if(_73){_73.call(this,tag,e);}return false;};var _b2=function(_b3){createTiddlyElement(_b3,"span",null,"tagSeparator"," | ");};var _b4=function(_b5,_b6,_b7,_b8,_b9){if(!_b6){return;}var _ba=_b8?abego.toSet(_b8):{};var n=_b6.length;var c=0;for(var i=0;i<n;i++){var tag=_b6[i];if(_ba[tag]){continue;}if(c>0){_b2(_b5);}if(_b9&&c>=_b9){abego.createEllipsis(_b5);break;}c++;var _bf="";var _c0=_b5;if(_b7<10){_c0=createTiddlyElement(_b5,"span",null,"numberedSuggestion");_b7++;var key=_b7<10?""+(_b7):"0";createTiddlyElement(_c0,"span",null,"suggestionNumber",key+") ");var _c2=_b7==1?"Return or ":"";_bf=" (Shortcut: %1Alt-%0)".format([key,_c2]);}var _c3=config.views.wikified.tag.tooltip.format([tag]);var _c4=(_78(tag)?"Remove tag '%0'%1":"Add tag '%0'%1").format([tag,_bf]);var _c5="%0; Shift-Click: %1".format([_c4,_c3]);var btn=createTiddlyButton(_c0,tag,_c5,_ae,_78(tag)?"currentTag":null);btn.setAttribute("tag",tag);}};var _c7=function(){if(_71){window.scrollTo(0,ensureVisible(_71));}if(_77()){window.scrollTo(0,ensureVisible(_77()));}};var _c8=function(e){if(!e){var e=window.event;}if(!_71){return;}var _cb=resolveTarget(e);if(_cb==_77()){return;}if(abego.isDescendantOrSelf(_71,_cb)){return;}abego.IntelliTagger.close();};addEvent(document,"click",_c8);var _cc=Story.prototype.gatherSaveFields;Story.prototype.gatherSaveFields=function(e,_ce){_cc.apply(this,arguments);var _cf=_ce.tags;if(_cf){_ce.tags=_cf.trim();}};var _d0=function(_d1){story.focusTiddler(_d1,"tags");var _d2=abego.getTiddlerField(story,_d1,"tags");if(_d2){var len=_d2.value.length;abego.setRange(_d2,len,len);window.scrollTo(0,ensureVisible(_d2));}};var _d4=config.macros.edit.handler;config.macros.edit.handler=function(_d5,_d6,_d7,_d8,_d9,_da){_d4.apply(this,arguments);var _db=_d7[0];if((_da instanceof Tiddler)&&_db=="tags"){var _dc=_d5.lastChild;_dc.onfocus=function(e){abego.IntelliTagger.assistTagging(_dc,_da);setTimeout(function(){_d0(_da.title);},100);};_dc.onkeyup=function(e){if(!e){var e=window.event;}if(e.altKey&&!e.ctrlKey&&!e.metaKey&&(e.keyCode>=48&&e.keyCode<=57)){_8b(e.keyCode==48?9:e.keyCode-49,_dc,_da);}else{if(e.ctrlKey&&e.keyCode==32){_8b(0,_dc,_da);}}if(!e.ctrlKey&&(e.keyCode==13||e.keyCode==10)){_8b(0,_dc,_da);}setTimeout(function(){abego.IntelliTagger.assistTagging(_dc,_da);},100);return false;};_81(_dc);}};var _e0=function(e){if(!e){var e=window.event;}var _e3=resolveTarget(e);var _e4=_e3.getAttribute("tiddler");if(_e4){story.displayTiddler(_e3,_e4,"IntelliTaggerEditTagsTemplate",false);_d0(_e4);}return false;};var _e5=config.macros.tags.handler;config.macros.tags.handler=function(_e6,_e7,_e8,_e9,_ea,_eb){_e5.apply(this,arguments);abego.IntelliTagger.createEditTagsButton(_eb,createTiddlyElement(_e6.lastChild,"li"));};var _ec=function(){if(_71&&_72&&!abego.isDescendantOrSelf(document,_72)){abego.IntelliTagger.close();}};setInterval(_ec,100);abego.IntelliTagger.displayTagSuggestions=function(_ed,_ee,_ef,_f0,_f1){_74=_ed;_75=abego.toSet(_ee);_76=_ef;_72=_f0;_73=_f1;if(!_71){_71=createTiddlyElement(document.body,"div",null,"intelliTaggerSuggestions");_71.style.position="absolute";}_ac();abego.openAsPopup(_71);if(_77()){var w=_77().offsetWidth;if(_71.offsetWidth<w){_71.style.width=(w-2*(_6e+_6f))+"px";}abego.moveBelowAndClip(_71,_77());}else{abego.centerOnWindow(_71);}_c7();};abego.IntelliTagger.assistTagging=function(_f3,_f4){var _f5=_90(_f3);var s=_f3.value;if(_7d(_f3)){s=_7a(s);}var _f7=s.readBracketedList();var _f8=_f7.length>0?abego.filterStrings(abego.internal.getTagManager().getPartnerRankedTags(_f7),_f5,_70):_a0(_f5,_70);abego.IntelliTagger.displayTagSuggestions(_a9(_f5,_f7),_f7,_f8,_f3,function(tag,e){if(e.shiftKey){onClickTag.call(this,e);}else{_85(tag,_f3,_f4);}});};abego.IntelliTagger.close=function(){abego.closePopup(_71);_71=null;return false;};abego.IntelliTagger.createEditTagsButton=function(_fb,_fc,_fd,_fe,_ff,id,_101){if(!_fd){_fd="";}if(!_fe){_fe="";}if(!_ff){_ff="editTags";}var _102=createTiddlyButton(_fc,_fd,_fe,_e0,_ff,id,_101);_102.setAttribute("tiddler",(_fb instanceof Tiddler)?_fb.title:String(_fb));return _102;};abego.IntelliTagger.getSuggestionTagsMaxCount=function(){return 100;};config.macros.intelliTagger={label:"intelliTagger",handler:function(_103,_104,_105,_106,_107,_108){var _109=_107.parseParams("list",null,true);var _10a=_109[0]["action"];for(var i=0;_10a&&i<_10a.length;i++){var _10c=_10a[i];var _10d=config.macros.intelliTagger.subhandlers[_10c];if(!_10d){abego.alertAndThrow("Unsupported action '%0'".format([_10c]));}_10d(_103,_104,_105,_106,_107,_108);}},subhandlers:{showTags:function(_10e,_10f,_110,_111,_112,_113){_b4(_10e,_74,_76?_76.length:0,_76,abego.IntelliTagger.getSuggestionTagsMaxCount());},showFavorites:function(_114,_115,_116,_117,_118,_119){_b4(_114,_76,0);},closeButton:function(_11a,_11b,_11c,_11d,_11e,_11f){var _120=createTiddlyButton(_11a,"close","Close the suggestions",abego.IntelliTagger.close);},version:function(_121){var t="IntelliTagger %0.%1.%2".format([version.extensions.IntelliTaggerPlugin.major,version.extensions.IntelliTaggerPlugin.minor,version.extensions.IntelliTaggerPlugin.revision]);var e=createTiddlyElement(_121,"a");e.setAttribute("href","http://tiddlywiki.abego-software.de/#IntelliTaggerPlugin");e.innerHTML="<font color=\"black\" face=\"Arial, Helvetica, sans-serif\">"+t+"<font>";},copyright:function(_124){var e=createTiddlyElement(_124,"a");e.setAttribute("href","http://tiddlywiki.abego-software.de");e.innerHTML="<font color=\"black\" face=\"Arial, Helvetica, sans-serif\">© 2006-2007 <b><font color=\"red\">abego</font></b> Software<font>";}}};})();config.shadowTiddlers["IntelliTaggerStyleSheet"]="/***\n"+"!~IntelliTagger Stylesheet\n"+"***/\n"+"/*{{{*/\n"+".intelliTaggerSuggestions {\n"+"\tposition: absolute;\n"+"\twidth: 600px;\n"+"\n"+"\tpadding: 2px;\n"+"\tlist-style: none;\n"+"\tmargin: 0;\n"+"\n"+"\tbackground: #eeeeee;\n"+"\tborder: 1px solid DarkGray;\n"+"}\n"+"\n"+".intelliTaggerSuggestions .currentTag {\n"+"\tfont-weight: bold;\n"+"}\n"+"\n"+".intelliTaggerSuggestions .suggestionNumber {\n"+"\tcolor: #808080;\n"+"}\n"+"\n"+".intelliTaggerSuggestions .numberedSuggestion{\n"+"\twhite-space: nowrap;\n"+"}\n"+"\n"+".intelliTaggerSuggestions .intelliTaggerFooter {\n"+"\tmargin-top: 4px;\n"+"\tborder-top-width: thin;\n"+"\tborder-top-style: solid;\n"+"\tborder-top-color: 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[[Licence|http://tiddlywiki.abego-software.de/#%5B%5BBSD%20open%20source%20license%5D%5D]].";config.shadowTiddlers["IntelliTaggerPlugin Documentation"]="[[Documentation on abego Software website|http://tiddlywiki.abego-software.de/doc/IntelliTagger.pdf]].";config.shadowTiddlers["IntelliTaggerPlugin SourceCode"]="[[Plugin source code on abego Software website|http://tiddlywiki.abego-software.de/archive/IntelliTaggerPlugin/Plugin-IntelliTagger-src.1.0.2.js]]\n";(function(){var _126=restart;restart=function(){setStylesheet(store.getTiddlerText("IntelliTaggerStyleSheet"),"IntelliTaggerStyleSheet");_126.apply(this,arguments);};})();}
// %/
!L'interprétation juste et naturelle
Il arrive, pour interpréter un rôle, que le comédien porte toute son attention sur l'émotion qu'il veut exprimer, comme la peur, la tristesse ou la joie. C'est une erreur.
:*De nombreuses expériences de ce genre ont démontré qu'il est impossible d'exprimer une émotion en se concentrant sur l'émotion elle-même.
:*La concentration doit plutôt se porter vers le sujet ou l'action qui provoque l'émotion.
Il est nécessaire de viser le plus possible l'interprétation juste et naturelle. Sinon, l'interprétation devient un jeu forcé : "// Il faut que je reproduise la peur! //".
Cette simple réflexion dresse une barrière infranchissable pour interpréter le sentiment désiré.
!Intervention
!!!!!//Henri Michaux//
[img[http://1.bp.blogspot.com/_ZyV6dZDU-bw/SUUnh5UCS5I/AAAAAAAAAJE/GW-QtaFDI5A/s320/sc00080a7c.jpg]]
Autrefois, j'avais trop le respect de la nature. Je me mettais devant les
choses
et les paysages et je les laissais faire.
Fini, maintenant "j'interviendrai"
J'étais donc à Honfleur et je m'y ennuyais.
Alors résolument, j'y mis du chameau. Cela ne paraît pas fort indiqué.
N'importe, c'était mon idée. D'ailleurs, je la mis à exécution avec la plus
grande prudence. Je les introduisis d'abord les jours de grande affluence, le
samedi sur la place du Marche'. L'encombrement devint indescriptible et les
touristes disaient : " Ah ! ce que ça pue ! Sont-ils sales les gens d'ici ! "
L'odeur gagna le port et se mit à terrasser celle de la crevette. On sortait
de la foule plein de poussières et de poils d'on ne savait quoi.
Et la nuit, il fallait entendre les coups de pattes des chameaux quand ils
essayaient de franchir les écluses , gong ! gong ! sur le métal et les madriers !
L'envahissement par les chameaux se fit avec suite et sûreté.
On commençait à voir les Honfleurais loucher à chaque instant avec
ce regard soupçonneux spécial aux chameliers, quand ils inspectent
leur caravane pour voir si rien ne manque et si on peut continuer à faire
route ; mais je dus quitter Honfleur le quatrième jour.
J'avais lancé également un train de voyageurs. Il partait à toute allure de
la Grand-Place, et résolument s'avançait sur la mer sans s'inquiéter de la
lourdeur du matériel ; il filait en avant, sauvé par la foi.
Dommage que j'aie dû m'en aller, mais je doute fort que le calme renaisse
tout de suite en cette petite ville de pêcheurs de crevettes et de moules.
(Mes propriétés)
/%
|exercice|Intro|
|niveau|00 Début|
%/
!Intro
#Les Septuas
#Précautions
#*Sécurité Physique
#*Vos images
#**L'album ? 2sept
!Isaac
{{small{
|nom|Harari|
|prenom|Isaac|
|email|Isaac <harari.isaac@orange.fr>|
|TEL| 06 18 71 36 83 |
|adresse|7 rue Cardinal Lemoine 75005|
|site|http://www.harari-aquarelles.fr|
}}}
!!!!!Distribué dans :
<<forEachTiddler
where
'tiddler.tags.contains(["programmable"]) && tiddler.text.contains("Isaac") '
sortBy
'store.getTiddlerSlice(tiddler.title,"temps")'
descending
write
'"\n| ![["+tiddler.title+"]] |<<tiddler [["+tiddler.title+"::temps]]$)) |<<tiddler [["+tiddler.title+"::distribution]]$)) |" '
begin
'"| Textes | !durée | !distribution |h"'
>>
|Hommage Jean|[[Kaléidoscope]] //Verlaine//|
ArtDeDire2: 669[[L'invitation au voyage]] //Baudelaire//|
ArtDeDire3:
!!!!Dernières vidéos
|<<forEachTiddler where 'tiddler.text.contains("VIDÉO|") && tiddler.tags.contains ("Isaac")' sortBy 'tiddler.title'>> |
/%
!z%/
!J'ai voulu lui parler, et ma voix s'est perdue
{{center{^^//<<storyViewer amour previous>><<storyViewer amour list>><<storyViewer amour next>>//^^
!!!!!!//Jean Racine//
}}}
;NERON
:Narcisse, c'en est fait, Néron est amoureux.
;NARCISSE
:Vous !
;NERON
: Depuis un moment ; mais pour toute ma vie,
:J'aime, que dis-je aimer, j'idolâtre Junie.
;NARCISSE
:Vous l'aimez !
;NERON
{{indent{ Excité d'un désir curieux,
Cette nuit je l'ai vue arriver en ces lieux,
Triste, levant au ciel ses yeux mouillés de larmes,
Qui brillaient au travers des flambeaux et des armes,
Belle, sans ornement, dans le simple appareil
D'une beauté qu'on vient d'arracher au sommeil.
Que veux-tu ? Je ne sais si cette négligence,
Les ombres, les flambeaux, les cris et le silence,
Et le farouche aspect de ses fiers ravisseurs,
Relevaient de ses yeux les timides douceurs,
Quoi qu'il en soit, ravi d'une si belle vue,
J'ai voulu lui parler, et ma voix s'est perdue :
Immobile, saisi d'un long étonnement,
Je l'ai laissé passer dans son appartement.
J'ai passé dans le mien. C'est là que, solitaire,
De son image en vain j'ai voulu me distraire.
Trop présente à mes yeux je croyais lui parler ;
J'aimais jusqu'à ses pleurs que je faisais couler.
Quelquefois, mais trop tard, je lui demandais grâce :
J'employais les soupirs, et même la menace.
Voilà comme, occupé de mon nouvel amour,
Mes yeux, sans se fermer, ont attendu le jour.}}}
{{center{[img(33%,)[http://cache.marieclaire.fr/data/photo/w1000_c17/18s/femme-colere-jalousie-vintage.jpg]]}}}
!J'ignore la jalousie
!!!!!{{center{Louise Harter}}}
{{center{
Et bien je le confesse j'ai bien des défauts
Des moyens des petits mais aussi des gros
Étant sans malice et sans prétention
De la jalousie je n'ai pas l'aiguillon
“ Qui borne ses désirs est toujours assez riche ”
Je me contente parfois d'une poignée de pois chiches
De quignon de pain bien chaud et croustillant
Quand mon porte-monnaie me refuse un croissant
Et le paradoxe c'est moi que l'on envie
Car le soleil tout le temps brille
À la belle saison il m'invite au réveil
À flâner dans les bois découvrir des merveilles
Les sublimes concerts donnés par les oiseaux
La grâce inimitable des souples roseaux
Je dois à ses caresses un joli teint cuivré
Je dois à ses promesses des rêves de liberté
Pour moi le bonheur tient à peu de choses
Accepter la vie et ses métamorphoses
Voir dans la chenille le futur papillon
L'étoffe d'un génie sur chaque nourrisson
Pourquoi pleurer gémir vouloir davantage
Habitants de la terre nous sommes de passage
On n'emportera rien à l'ultime voyage
Ni billet de retour ni visa ni bagages
J'ignore la jalousie foyer d'intrigues de souffrances
Quand on ne m'aime plus je prend de la distance
M'abreuve de poésie ma source de jouvence
Ma philosophie ma devise ma chance.
}}}
!JE HAIS LES CINTRES//
^^Pierre Desproges^^//^^
6'45^^
O vertige de la penderie béante sur l'alignement militaire des pelures incertaines aux senteurs naphtalines...
Je hais les cintres.
Le cintre agresse l'homme. Par pure cruauté.
Le cintre est le seul objet qui agresse l'homme par pure cruauté.
Le cintre est un loup pour l'homme.
Il y a des objets qui agressent l'homme parce que c'est leur raison d'être.
Prenez la porte. (Non. Ne partez pas. C'est une façon de parler.)
Prenez la porte. Une porte. Il arrive que l'homme prenne la porte dans la gueule. Bon.
Mais il n'y a pas là la moindre manifestation de haine de la part de la porte à l'encontre de l'homme.
L'homme prend la porte dans la gueule parce qu'il faut qu'une porte soit ouverte, ou bleue.
Le cintre, lui, est foncièrement méchant.
Personnellement, l'idée d'avoir à l'affronter m'est odieuse.
Il arrive cependant que la confrontation homme-cintre soit inévitable.
Quelquefois, plus particulièrement aux temps froids, l'envie de porter un pantalon se fait irrésistible.
L'homme prend alors son courage et la double porte du placard à deux mains.
Il est seul. Il est nu. Il est grand.
Son maintien est digne, face au combat qu'il sait maintenant inéluctable.
Son buste est droit. Ses jambes, légèrement arquées. Ses pieds nus arc-boutés au sol.
Comme un pompier face au feu, il est beau dans sa peur.
Les portes du placard s'écartent dans un souffle.
Les cintres sont là, accrochés à leur tringle dans la pénombre hostile.
On dirait un rang de vampires agrippés à la branche morte d'un chêne noir dans l'attente silencieuse du poulain égaré au tendre flanc duquel ils ventouseront leur groin immonde pour aboucher son sang clair en lentes succions gargouillées et glaireuses, jusqu'à ce que mort s'ensuive.
Cependant, l'attitude de l'homme n'est pas menaçante.
Simplement, il veut son pantalon. Le gris, avec des pinces devant et le petit revers.
L'oeil averti de l'homme a repéré le pantalon gris.
Il est prisonnier du troisième cintre en partant de la gauche.
C'est un cintre particulièrement dangereux. Sournois.
Oh. Il ne paie pas de mine.
En bois rose, les épaules tombantes, il ferait plutôt pitié.
Mais regardez bien son crochet. C'est une poigne de fer. Elle ne lâchera pas sa proie.
L'homme bande. Surtout ses muscles.
Il avance d'un demi-pas feutré, pour ne pas éveiller l'attention de l'ennemi.
C'est le moment décisif.
De la réussite de l'assaut qui va suivre dépendra l'issue du combat.
Avec une agilité surprenante pour un homme de sa corpulence, l'homme bondit en avant.
Sa main gauche, vive comme l'éclair, repousse le cintre pendu à gauche du cintre rose, tandis que sa main droite se referme impitoyablement sur ce dernier.
La riposte du cintre est foudroyante.
Au lieu d'accentuer sa pression sur la tringle, il s'en échappe brutalement, entraînant dans sa chute le pantalon, le gris, avec les pinces devant et le petit revers, celui-là même que l'homme veut ce matin parce que, non, parce que bon.
A terre, le cintre rose est blessé.
Rien n'est plus dangereux qu'un cintre blessé.
Dans son inoubliable "J'irai cracher sur vos cintres", Ernest Hemingway n'évite-t-il pas d'aborder le sujet ?
Un silence qui en dit long, non ?
L'homme, à présent, est à genoux dans le placard.
De sa gorge puissante monte le long cri de guerre de l'homme des penderies.
"Putain de bordel de merde de cintre à la con, chié."
Le cintre rose a senti le désarroi de l'homme. Il va l'achever.
Il s'accroche dans le bois d'un autre cintre tombé qui s'accroche à son tour dans la poignée d'une valise.
Il fait noir. La nuit, tous les pantalons sont gris.
L'homme, vaincu, n'oppose plus la moindre résistance.
Le nez dans les pantoufles, il sanglote, dans la position du prieur d'Allah, la moitié antérieure de son corps nu prisonnière du placard, l'autre offerte au regard de la femme de ménage espagnole.
Il souffre.
Quelques gouttes de sueur perlent à sa paupière.
Il n'est qu'humilité, désespoir et dégoût.
Quelques couilles de plomb pendent à son derrière.
Il a soif, il a froid, il n'a plus de courroux.
"Donne-lui tout de même un slip", dit mon père.
!JE REGARDE DE MON CABINET SOUS LES COMBLES DANS MA COMMANDERIE
//XIE TIAO (464-499)
(Extrait)//
Ma maison aux poutres croisées
est loin du monde.
Jusqu’à l’horizon
s’étalent les chaînes des falaises
et les vallées sinueuses.
Ma fenêtre encadre un tableau
de cimes embrumées
et de montagnes lointaines.
Dans le jardin, les arbres feuillus
inclinent leur couronne,
devant le soleil qui se lève
et les oiseaux se dispersent.
Au crépuscule, un singe solitaire
crie son amertume.
Près du petit étang
j’ai savouré du vin
et maintenant, rafraîchi par la brise,
je pince les cordes
de mon luth.
!JE SUIS NE AU CHILI
!!!!!!//Paroles et musique de Boby Lapointe, 1971 //
Je suis né au Chili maman était au lit et mon Papa auchi,
mais il n'y resta pas car maman le tapa et Papa s'épata (Ah !)
il lui dit : lefait est que nous allons fêter l'enfant que je t'ai fait.
"Il but tant de pots tôt qu'il buta à un poteau, et typez le topo :
Maman dans le coma, papa dans le moka et moi ne comme aquo :
tout noué tout ténu, tout menu et tout nu, né tout nu ça nous tue
car de mon corps palot le soleil bouffait la peau sans vous belle Paula
qui de vos mains de fée en cette fin de mai me graissates le dercheme.
...Et je veux rendre à ma façon grâce à votre graisse à masser.
Votre saindoux pour le corps c'est ce que mes vers pour l'âme sont.
De tout ce qu'à ma peau me fites, combien fus-je épaté de fois !
Combien à vous qui m'épates mon bon petit coeur confies doit !
Absolument pas liée à vos voisins de palier, mais n'entendant piailler
à poil sur la terrasse sans chapeau tête rase sans que je m'arrêtasse
enjambant le balcon en un radical bon vous traitates d'un sale ton :
ma mère dans le coma, mon père dans le moka qui me laissaient comaco.
Sortant je ne sais d'où un morceau de saindoux vous massates soudain
ma peau pietre de vos froids doigts sans rides, vos belles mains;
c'est de vos si jolies phalanges ouatées que vous m'avez oté au citron et aux mich' (oui)
...De tout ce qu'à ma peau me fites, combien fus-je épaté de fois !
Combien à vous qui m'épates mon bon petit coeur confus doit !
...Et j'ai rendu à ma façon grâce à votre graisse à masser.
Votre saindoux pour le corps c'est ce que mes vers pour l'âme sont.
!JE VEUX VOIR MIOUSSOV !...
>Nous sommes dans le hall de la maison de repos //« Les Tournesols »//. Choura, employée, est justement occupée à disposer dans un vase un énorme bouquet de tournesols quand Zaitsev entre. C"est un homme d'un certain âge dont la principale caractéristique est une immense bonté. Ce qui n'exclut pas une opiniâtreté dont on se rendra compte très vite Zaitsev est vêtu comme quelqu'un qui vient du dehors et il porte des caoutchoucs pardessus ses chaussures. Il sourit aimablement à Choura.
;ZAITSEV
: Bonjour Mademoiselle.
;CHOURA
:Bonjour Monsieur. Vous désirez ?
;ZAITSEV
: C'est bien ici la maison de repos //(c Les Tournesols )// ?
;CHOURA
:Vous voulez dire la célèbre maison de repos //« Les Tournesols »// ? Oui, c'est bien ici.
;ZAITSEV
: Et c'est bien ici que le camarade Mioussov fait actuellement sa cure ?
;CHOURA
:Evidemment ! Quiconque s'est reposé une fois aux Tournesols ne peut plus se reposer ailleurs !
;ZAITSEV
//(soulagé)//
:Parfait. Merci beaucoup. Il commence à enlever ses caoutchoucs.
;CHOURA
:Qu'estce que vous faites ? Pourquoi Ôtezvous vos caoutchoucs ?
;ZAITSEV
: Mais je...
;CHOURA
:Remettezles !
;ZAITSEV
: Très bien...
://(Il les remet.)//
:C'était uniquement pour ne pas salir vos tapis...
;CHOURA
:D'abord, qui êtesvous ?
;ZAITSEV
: Je suis Zai'tsev.
;CHOURA
:Et qui c'est ça Za'itsev ?
;ZAITSEV
: C'est moi. Za'itsev, employé au Service de I'Approvisionnement. Il faut absolument que je voie le camarade Mioussov pour une affaire urgente. Urgente mais courte, rassurezvous. Le temps de lui faire signer le bon et je disparais !...
://(Il commence à Ôtez ses caoutchoucs.)//
:C'est bien simple, vous n' aurez ja mais vu quelqu'un disparaitre aussi vite !
;CHOURA
:Encore une fois, Monsieur, remettez vos caoutchoucs !
;ZAITSEV
: Je vous répète que c'est pour une affaire urgente !
;CHOURA
:Aux Tournesols, la seule affaire urgente, est de ne rien faire. C'est une maison de repos, ça se voit non ! M. Mioussov a travaillé pendant six jours et il se repose le septième, un point c'est tout ! Le règlement intérieur interdit formellement de déranger la clientèle, sauf en cas d'incendie. Si vous avez tellement besoin de voir M. Mioussov, vous n'avez qu'à aller demain à son bureau.
;ZAITSEV
: Demain ? Mais c'est aujourd°hui que je dois le voir ! Tout de suite ! Réfléchissez ! Demain nous serons le lundi EL n'estce pas ?
;CHOURA
:Je ne peux rien vous dire à ce sujet.
;ZAITSEV
: Et aprèsdemain nous serons le mardi 9 ?
;CHOURA
:ça ne me regarde pas.
;ZAITSEV
: Je vous en prie, faites un effort ! Mardi 9, le Dépôt ferme pour réfection générale. Il me faut donc la peinture pour demain lundi, le 8, mais je ne pourrai l'avoir que si je présente le bon de livraison au Service de Comptabilité du Dépôt avant neuf heures du matin! Oui, je sais ce que vous allez me dire, que la crèche n'ouvre que le 15. Mais il faut bien quatre ou cinq jours pour que ça sèche, vous comprenez ?
;CHOURA
:Je n'essaye même pas.
;ZAITSEV
: Vous verrez dans dix minutes vous n°y penserez même plus !
;CHOURA
:Pour la dernière fois, Monsieur, remettez vos caoutchoucs et allezvous en ! ZAITSEV
//(indigné)//
. M'en aller ? Mais je n'aurai jamais ma peinture !
;CHOURA
:On vit très bien sans peinture. Estce que j'en ai, moi ? Za/tsev a un de ses caoutchoucs à la main. Il fait un pas vers Choura.
;ZAITSEV
://(solennel)//
. Ecoutezmoi, écoutezmoi bien !
://(Il s'anime peu à peu, brandissant toujours son caoutchouc, jusqu'à parvenir au pur lyriSme.)//
:Il ne s'agit pas d'une plaisanterie ! Il s'agit de la nouvelle crèche qui doit ouvrir le 15 au matin sans faute dans la Lioubianka. Après des semaines d'une lutte acharnée j°ai réussi, moi, Za'itsev, à enlever tout un lot de petits lits d'enfants. 150 petits lits absolument adorables avec leurs 150 petits sommiers à ressorts, leurs 150 petites tables de nuit, leurs 150 petits portemanteaux et leurs 150 petites chaises hautes comme ça !
://(Geste à 30 centimètres du sol.)//
:C'est bien simple, vous en auriez les larmes aux yeux ! " CHOURA
//(agacée)//
:Eh bien vous les avez, vos lits ! Alors de quoi vous plaignezvous ? 7
;ZAITSEV
://(douloureux)//
:Mes lits ? C'est justement là que mon drame commence ! Si vous pouviez les voir ! ils sont d'une couleur... C'est bien simple, d'une couleur qui ne devrait pas avoir le droit d'être une couleur! Avezvous déjà vu une grenouille malade ?... Qu'estce que je dis, une grenouille malade ! Ce serait trop beau ! Un crapaud malade, oui ! Un vieux crapaud tout verruqueux, tout couvert de taches jaunâtres, en train de crever dans la boue ! Maman... les crapauds...
;CHOURA
://(écœurée)//
:Ah non, ça suffit ! Elle est encore longue, votre histoire de crapauds ? C'est dégoûtant !
;ZAITSEV
://(triomphant)//
:Ça vous dégoûte, hein ? Et cent cinquante petits enfants, alors, vous croyez que ça ne les dégoûtera pas ? Mais ils ne pourront jamais dormir dans de pareilles horreurs ! Ils vont se réveiller en sursaut, tout couverts de sueur et en proie à des cauchemars épouvantables ! C'est cela que vous voulez ?
;CHOURA
//(exaspérée)//
:Mais je ne veux rien, moi ! Et vous, au fait, qu'estce que vous voulez ?
;ZAITSEV
://(grave)//
:Je veux cinquante kilos de peinture blanche émaillée ! Je veux voir Mioussov !
;CHOURA
:Non.
;ZAITSEV
: Je vous le demande comme à un citoyen conscient de ses responsabilités !
;CHOURA
:je n'ai aucune responsabilité dans le domaine de la peinture blanche émaillée !
;ZAITSEV
: Alors je vous le demande d'homme à homme !
;CHOURA
:Grossier "personnage !
;ZAITSEV
: D'homme à femme, je voulais dire ! C'est à la femme que je m'adresse ! A la mère !
;CHOURA
:Je ne suis pas mère et ce n'est pas en vous regardant que je vais changer d°avis !
;ZAITSEV
://(ulcéré)//
:Puisqu'il en est ainsi...
://(Il remet son caoutchouc.)//
:Vous n'avez pas de cœur. Mademoiselle !
;CHOURA
:Non, Monsieur, j'ai des ordres.
;ZAITSEV
://(il a mis son caoutchouc)//
:Alors vous me laissez partir ?
;CHOURA
:Si ça ne tenait qu'à moi, vous seriez déjà en Mandchourie !
;ZAITSEV
: En Mandchourie ! Très bien. Combien coûte une journée de repos dans votre maison ? CHOURA
://(étonnée)//
:43 roubles 50 kopeks. Pourquoi ?
;ZAITSEV
://(suffoqué)//
:43 roubles 50 kopeks ? Et vos clients trouvent encore le moyen de se détendre ? Eh bien l... Enfin, passons... Nous disons 43 roubles 50 kopeks pour 24 heures. Bon... Arrondissons à 44 roubles, ce sera plus facile... 44 divisés par 24, ça fait... ça fait...
://(Court calcul sous /"œi7 ahuri de Choura.)//
:ça fait en gros 1 rouble virgule 9. Arrondissons à 2 roubles l'heure. Parfait.
://(Il se fouille.)//
:Les voici.
;CHOURA
://(stupéfaite)//
:Hein ? Quoi ? Qu'estce que c'est ?
;ZAITSEV
: 2 roubles. J'achète une heure de repos dans votre maison. Étant donné que je n'y resterai que vingt minutes environ, vous faites un énorme bénéfice !
;CHOURA
:Mais vous êtes fou ! Alors vous crOyez que nous vendons du repos au détail, comme des œufs par exemple ? C'est 43 roubles 50 kopeks ou rien !
;ZAITSEV
://(outré)//
:43 roubles 50 kopeks ? Vous ne pensez tout de même pas que 1'Administration va me rembourser une somme pareille ?
;CHOURA
:Mais je ne pense rien ! Fichezmoi la paix, à la fin ! Tout ce que je vous demande, c'est de partir! Partez l
;ZAITSEV
: Sans ma peinture ? Et mes enfants, alors ? Vour connaissez mal Za'itsev ! C'est une question d'honneur !
://(Soupir.)//
:Très bien, je vais vous les donner...
://(Il tire son portefeuille de sa poche.)//
:43 roubles 50 kopeks pour voir Mioussov, alors qu'on peut voir le tombeau de Lénine gratuitement !
;CHOURA
:Un instant ! Êtesvous salarié ?
;ZAITSEV
: Naturellement.
;CHOURA
:Faitesmoi voir votre certificat de travail.
;ZAITSEV
: Voilà... Je vais vous le donner, je vais vous le donner, mon certificat de travail !
://(Il fouille dans son portefeuû/e, puis dans ses poches.)//
:Allons bon, j' ai dû l'oublier dans mon autre veste ! ... Mais j'ai ma carte d'identité, ça revient au même...
;CHOURA
:Pas du tout. Je regrette, mais nous ne pouvons pas vous admettre aux Tournesols.
;ZAITSEV
://(atterré)//
:Quoi ? Mais ma carte d'identité indique ma profession ! Regardez vousmême ! Za'itsev, employé au service de 1'Approvisionnement ! Puisque je suis employé, je suis salarié et puisque je suis salarié j'ai un certificat de travail, évidemment !
;CHOURA
:ça, c'est vous qui le dites. Tout ce que je vois, moi, c'est que vous n'avez pas de certificat de travail.
;ZAITSEV
: Je vous répète que je l'ai oublié à la maison.
;CHOURA
:Eh bien allez le chercher!
;ZAITSEV
://(horrifié)//
:Mais j'habite en banlieue, de l'autre côté de Moscou !
;CHOURA
:C'est ma faute peutêtre ?
;ZAITSEV
: Je vous en supplie, soyez raisonnable ! Demain nous serons le lundi f3 et le Dépôt ferme le mardi 9 au matin pour réfection générale. Il faut absolument que " le bon de' livraison...
//L"entrée de Mme Doudkina lui coupe la parole. Mme Doudkina est une femme charmante, encore désirable et douée d"un tempérament romanesque pratiquement i7/imité. La sincérité de chacune de ses paroles ou de ses réactions ne doit faire aucun doute pour le spectateur.
Mme DOUDKINA ne cherche jamais à être amusante. Si elle l'est, c'est tout à fait à son insu.//
;Mme DOUDKINA
://(aimable)//
:Bonjour, ma petite Choura. C'est vous le portier, maintenant ?
;CHOURA
:Il m'a demandé de le remplacer pendant quelques instants. Bonjour Madame Doudkina. Soyez la bienvenue aux Tournesols ! Mme DOUDKINA. Merci Choura. Ma chambre est prête ?
;CHOURA
:Elle n'attend plus que vous.
;Mme DOUDKINA
:C'est bien celle que j'avais demandée, n'estce pas ?
;CHOURA
:Bien sûr. La grande rose du sudest.
;Mme DOUDKINA
://(surprise)//
:La grande rose du sudest, sûre ? Il me semble que j'avais parlé de la grande bleue du sudouest...
;CHOURA
:Non, non, pas du tout. La grande bleue du sudouest, c'était la dernière fois, rappelezvous, mais vous n'en aviez pas été complètement satisfaite...
;Mme DOUDKINA
:Ah oui ? Comment se faitil ?
;CHOURA
:Je ne me souviens plus très bien. Quelque chose dans l'ouest qui ne vous plaisait pas...
;Mme DOUDKINA
:Quelque chose dans l'ouest qui ne me plaisait pas ? Comme c'est curieux !...
://(Elle sourit en haussant les épaules.)//
:Après tout pourquoi pas ? Il est tellement difficile de savoir ce qu'on aime et pourquoi on l'aime !... Va pour la grande rose du nordest !
;CHOURA
:Du sudest.
;Mme DOUDKINA
://(rieuse)//
:Si vous voulez. De toute manière, j'ai toujours éprouvé une certaine difficulté, à distinguer ma droite de ma gauche... A propos, Monsieur Mioussov est arrivé ?
;CHOURA
:Ce matin très tÔt, mais il n'est pas encore descendu de sa chambre.
;Mme DOUDKINA
:Merci, Choura. A tout à l'heure.
;CHOURA
:Au revoir Mme Doudkina... Vous êtes encore là, vous ! ... Sortie de Mme Doudkina.
;ZAITSEV
: Je vous fais remarquer que vous n'avez pas t demandé à cette dame son certificat de travail.
;CHOURA
://(choquée)//
:Vous plaisantez ? C'est Madame Doudkina ! La femme du célèbre professeur Doudkine !
;ZAITSEV
: La femme du célèbre professeur Doudkine, mais pas le célèbre professeur Doudkine luimême !
;CHOURA
://(agacée)//
:C'est la même chose ! Le professeur Doudkine est beaucoup trop occupé pour se reposer et c'est sa femme qui se repose à sa place, voilà tout.
;ZAITSEV
: C'est tellement naturel.
;CHOURA
:Et maintenant si vous voulez vous en aller, vous me rendrez service. J'ai du travail.
;ZAITSEV
: Une dernière question. Imaginons que ce soit moi la femme du professeur Doudkine. Estce que vous m'auriez laissé entrer ?
;CHOURA
://(ahurie)//
:En voilà une question bête ! Vous n'êtes Dâs et vous ne serez jamais la femme du professeur Doudkine !
;ZAITSEV
: Oui, c'est bien possible. Bon, imaginons autre chose.. CHOURA. Allonsy nous avons tout le temps !
;ZAITSEV
: Imaginons que ce n'est pas Doudkine qui est professeur mais sa femme Madame Doudkina. Làdessus Doudkine se présente chez vous sans certificat de travail. Estce que vous le laissez entrer quand même ?
;CHOURA
:Naturellement, là où passe l'aiguille passe le fil!
;ZAITSEV
://(rêveur)//
:Là où passe l'aiguille passe le fil... C'est intéressant... Alors c'est bien décidé ? Vous me laisser partir ?
;CHOURA
:Moi, je vous laisse partir ? Vous plaisantez ! je vous adjure, je vous conjure, je vous supplie de partir !
;ZAITSEV
: Et mes 150 petits enfants ?
;CHOURA
:Mangezles !
;ZAITSEV
://(sec)//
:Très bien. Dans ce cas, excusezmoi et au revoir.
;CHOURA
:Ne cherchez pas à me faire peur!
;ZAITSEV
: Et encore merci pour votre chaleureux accueil. Sortie digne mais douloureuse de Za/'tsev. Choura pousse un soupir de soulagement puis appelle à la cantonade :
;CHOURA
:Eh bien, Philippe, vous n'avez pas encore fini cette tasse de thé ? Je dois monter préparer les chambres !
;VOIX DU PORTIER
:Allezy je surveille d'ici ! J'ai fini dans cinq minutes !
;CHOURA
:C'est ce que vous m'avez déjà dit il y a un quart d'heure l
;VOIX DU PORTIER
:je ne peux pas boire le thé chaud, ce n'est pas de ma faute !
;CHOURA
:Eh bien souffler dessus !
//Choura hausse les épaules et va pour sortir de scène, quand Mioussov fait son entrée. Mioussov est un fonctionnaire sans doute important et ça se voit. Il n"est nullement désagréable, /j/ a simplement une juste idée de luimême. Au demeurant c'est un très brave homme épris principalement de sa tranqw7/ité. "//
;MIOUSSOV
:Bonjour Choura. Toujours le sourire.
;CHOURA
:Avec vous toujours.
;MIOUSSOV
:Vous avez les journaux du matin ?
;CHOURA
:Vous les trouverez sur la table, Monsieur Mioussov. Vous n'avez besoin de rien d'autre ?
;MIOUSSOV
://(épanoui)//
:D'un bon fauteuil, c'est tout ! Vos bains chauds à l'essence de pin me font toujours un effet extraordinaire !
://(Il se laisse tomber voluptueusement dans un fauteuil, prend un journal au hasard, l'ouvre.)//
:Un bon bain, un bon fauteuil, un bon journal, voilà ce qui fait les beaux dimanches ! Merci, Choura...
;CHOURA
:A tout à l'heure, Monsieur Mioussov. Elle sort. Un temps assez court. Mioussov jette un vague regard à son journal en chantonnant à mivoix. .
;Mme DOUDKINA
:paraît alors derrière lui. Elle jette un rapide regard autour d'elle, comme pour s"assurer qu"i/s sont bien seuls — descend vers lui qui ne l'a pas encore vue.
;Mme DOUDKINA
:Ah : vous êtes là, Mioussov ! Je vous cherchais ! Mioussov sursaute légèrement, jette son journal et se lève en manifestant une joie peutêtre un peu forcée.
;MIOUSSOV
:Madame Doudkina ! Quelle heureuse surprise ! Comment allezvous, chère amie ? œ
;Mme DOUDKINA
:Ne m'en parlez pas, je sens que je vais devenir folle !
;MIOUSSOV
:Mais non, voyons ! Pourquoi ?
;Mme DOUDKINA
:Il sait tout! "
;MIOUSSOV
:Qui ?
;Mme DOUDKINA
:Qui voulezvous que ce soit ? Mon mari, bien sûr ! Il sait tout !
;MIOUSSOV
://(surpris)//
:Il sait tout ? Tout quoi ?
;Mme DOUDKINA
:Tout !
;MIOUSSOV
://(aimable)//
:Le professeur Doudkine est un grand savant. Les savants savent toujours tout. Ce n'est pas grave !
;Mme DOUDKINA
:Mioussov, je vous en prie, ne faites pas l'enfant ! Vous avez devant vous une femme affolée ! Songez que c'est sans doute la dernière fois que je vous vois vivant !
;MIOUSSOV
://(ahuri)//
:Pardon ?
;Mme DOUDKINA
:Mon ami, mon pauvre ami ! Tout est arrivé si vite !...
;MIOUSSOV
:Mais enfin, de quoi parlezvous ?
;Mme DOUDKINA
:C'est vrai que vous ne pouvez pas savoir ! Cela s'est produit ce matin même, à la maison, juste au moment où je venais d'appeler une voiture pour venir ici vous rejoindre !
;MIOUSSOV
://(les yeux ronds)//
:Me rejoindre ? Moi ? Mais, ma chère amie, il n'a jamais été question...
;Mme DOUDKINA
:Soudain le voilà qui sort de son cabinet !
;MIOUSSOV
:Qui ?
;Mme DOUDKINA
:Mon mari, évidemment ! Doudkine ! Du premier coup d'œil il voit que j'ai deux valises à la " main. Rien ne lui échappe !
://« Où vastu donc de si bon matin, Zola ? » //me demandetil d'une voix glacée. Je me sens défaillir mais je me raidis de toutes mes forces, je me force à sourire et je lui réponds d'un voix . aussi calme que possible :
://« Mais je vais aux Tournesols, mon chéri, tout simplement ! »//
;MIOUSSOV
:Eh bien ?
;Mme DOUDKINA
:Voulez-vous me dire alors qui me fera mon café ?
;MIOUSSOV
://(perdu)//
:Hein ? ... Vous voulez qu'on vous fasse un café ? ...
;Mme DOUDKINA
://(agacée)//
:Mais non, voyons ! Pas moi ! Doudkine ! C'est Doudkine qui me demande :
://(« Voulezvous me dire alors qui me fera mon café ? »//
;MIOUSSOV
:.....
;Mme DOUDKINA
:Tout cela sur un ton qui n'a l'air de rien mais qui me fait frissonner! Et avec un de ces regards ! ... Je me raidis encore et je lui réponds : //« Mais Doumia, évidemment ! »//
;MIOUSSOV
:Qui c'est ça Doumia ?
;Mme DOUDKINA
:Notre femme de chambre.
://« Vous 10 ' , vous devriez pourtant savoir que le dimanche est son jour de congé »// me lancetil à la figure dans un sourire cruel. Je sens le sol se dérober sous moi mais je me raidis de plus en plus tout en m'efforçant de garder un visage impassible.
://« Voyons, mon chéri, ne soyez pas de mauvaise foi ! Vous êtes assez grand pour vous servir d'un réchaud à gaz !»//, lui disje dans un doux sourire. Alors il me foudroie littéralement d'un regard glacial et il me répond... c'est horrible ! Avezvous une cigarette ?
;MIOUSSOV
:Quelle drôle d'idée de vous demander ça !
;Mme DOUDKINA
://(agacée)//
:C'est moi qui vous le demande ! Je voudrais une cigarette.
;MIOUSSOV
:Oh pardon !
://(Il se fouMe en vain.)//
:Je n'en ai pas sur moi, voulezvous que...
;Mme DOUDKINA
://(nerveuse)//
:C'est inutile. De toute manière, je ne fume pas... Où en étaisje ?
;MIOUSSOV
:Au réchaud à gaz.
;Mme DOUDKINA
:Ah oui ! Alors il me répond :
://« Excusezmoi, mon amie, j'avais oublié le réchaud à gaz. Joli têteàtête que vous m'offrez là pour passer le dimanche ! »//
:Vous vous rendez compte, Mioussov ?
;MIOUSSOV
:Ma foi, je suis un peu de son avis. Il est bien évident qu'un têteàtête avec un réchaud à gaz...
;Mme DOUDKINA
://(le coupe)//
:Si vous aviez vu le regard qui accompagnait ses paroles, vous trembleriez comme une feuille ! j'avale péniblement ma salive mais mon regard ne vacille pas.
://« De toute manière, lui disje, étant donné que vous passerez ce dimanche comme les autres, le nez enfoui dans vos livres, je ne vois pas très bien quelle différence vous pourriez faire entre ma présence et celle d'un réchaud à gaz ! »// Je réussis à avancer d'un pas vers lui, j'effleure son front de mes lèvres froides et je commence à descendre l'escalier. C'était terrible, Mioussov ! Je le sentais derrière moi, penché sur la rampe qu'il étreignait de ses deux mains crispées, comme si elles avaient été nouées autour de mon cou ! Alors il me dit :
://« J'espère que vous passerez une bonne journée aux Tournesols ! »//
:Alors là, n'en pouvant plus, je me retourne vers lui d'un bloc, livide, la voix rauque...
;LE PORTIER
://(passant)//
:Bonjour, Madame Doudkina.
;Mme DOUDKINA
:Taisezvous ! Je remonte de deux marches, je le regarde droit dans les yeux et je lance :
://« Si vous pensez que je vais y rejoindre mon amant ditesle tout de suite, ce sera plus simple!»//
;MIOUSSOV
://(ahuri)//
:Hein ? Quoi ?
;Mme DOUDKINA
:Il éclate de rire, un rire effrayant, caverneux l,.
://« Vous, un amant ? »//me répondil.
://« Allons, mon amie, soyez raisonnable ! Personne ne pourrait imaginer une chose pareille ! ... »//
:L'insulte après la torture, Mioussov i Tout cela pour "faire croire que j'ai quarante ans quand j'en ai à peine trentehuit ! Du coup je me redresse comme un serpent prêt à mordre.
://« Ah c'est comme ça ? »// lui disje d'une voix sifflante.
://« Eh bien c'est ce que nous allons voir ! »//
:Làdessus je dévale l'escalier en courant, ou presque, je saute dans la voiture qui m'attendait et j°accours ici à tombeau ouùert pour vous prévenir !
;MIOUSSOV
://(étonné)//
:Moi ? Pour me prévenir de quoi ?
;Mme DOUDKINA
:Je connais votre grand courage, mon ami, mais vous ne savez pas, cette fois, à qui vous avez affaire ! Vous n'avez encore jamais vu un Doudkine fou de colère et de douleur ! C'est horrible ! Or, il va accourir ici, c'est évident l
;MIOUSSOV
:Mais non voyons ! Pour quoi faire ?
;Mme DOUDKINA
://(outrée)//
:Pour quoi faire ? Pour venger son honneur, il me semble ! Ne m'atil pas jeté à la figure que je n'allais aux Tournesols que pour retrouver mon amant 7
;MIOUSSOV
:Pardon, chère amie, pardon ! C'est vous qui avez parlé d'un amant, ce n'est pas lui !
;Mme DOUDKINA
:Je n'ai fait qu'avouer| Je n'ai fait que céder à l'horrible pression qu'il exerçait sur moi| Quelle différence 7 De toute manière nous sommes perdus ! Vous êtes perdu, mon pauvre grand ami l
;MIOUSSOV
://(nerveux)//
:Mais pas du toutf Je n'ai rien à voir dans toute cette histoire l
;Mme DOUDKINA
:Rien à voir, vraiment ? Vous ne m'avez peutêtre pas invitée à faire cette promenade en barque, dimanche dernier ? Vous n'avez peutêtre pas insisté pour m'accompagner au piano pendant que je chantais //« La Truite »//? Et le soir, dans le petit salon, vous ne m'avez peutêtre pas dit d'une voix tremblante de désir que j'étais une femme intelligente, cultivée et sensible 7
;MIOUSSOV
://(effaré)//
:Comment ? Une voix tremblante de désir, moi ? Mais jamais de la vie ! J'étais un peu enrhumé, c'est tout ! Et puis c'est le genre de choses qu'on dit toujours aux femmes quand on est un homme bien élevé ! Cela ne prouve rien, voyons.
;Mme DOUDKINA
://(grave et tendre)//
:Allons Mioussov, allons mon ami, cessez de vous donner tant de peine pour tenter de mettre ma conscience en repos ! Le mal est fait, maintenant et vous êtes arrivé à vos fins, homme terrible que vous êtes ! Vous avez fait lever en moi une grande vague noire qui m'a submergée !
;MIOUSSOV
://(affolé)//
:Une grande vague noire qui vous a submergée.., Vous ne parlez pas sérieusement ?
;Mme DOUDKINA
://(les yeux baissés)//
:je vous aime.
;MIOUSSOV
://(sursautant)//
:Quoi ? Allons, chère amie, chère Madame Doudkina, je vous en prie, un peu de sang froid ! Ne vous affolez pas, ce n'est pas grave ! ça va passer tout de suite ! C'est un malentendu, voilà, un affreux malentendu ! Je verrai le professeur Doudkine. Je lui parlerai, je lui expliquerai...
;Mme DOUDKINA
:Lui parler 7 Lui expliquer ? Il ne vous laissera même pas le temps d'ouvrir la bouche, mon pauvre Mioussov !
;MIOUSSOV
://(la gorge serrée)//
:Pas le temps d'ouvrir la bouche ?
;Mme DOUDKINA
:Rassurezvous, ce sera tout de même moi qui supporterai le châtiment le plus lourd ! Vous, vous n'êtes qu'un comparse sans intérêt ! Evidemment il tirera quelques coups de feu dans votre direction, mais c°est tout !
://(Hochement de tête...)//
:Tandis que moi ! ...
;MIOUSSOV
://(atterré)//
:Quelques coups de feu dans ma direction ? Vous êtes sûre ?
;Mme DOUDKINA
://(le regard perdu)//
:Tandis que moi, je devrai supporter pendant toute ma vie le poids écrasant de son mépris et ses silences chargés de reproches muets ! Si vous saviez comme je vous envie !
;MIOUSSOV
://(brusquement révolté)//
:Mais enfin, pourquoi votre mari tireraitil des coups de feu sur moi ? Je n'ai rien fait ! C'est de la démence ! Je proteste ! Nous sommes ici dans une maison de repos !
;Mme DOUDKINA
:Maison de repos ou pas, il s'en moque un peu ! Vous ne le connaissez pas c'est une force de la nature ! Il nage jusqu'à la midécembre entre les glaçons et je l'ai vu couper une allumette à quinze pas l
;MIOUSSOV
://(perdu)//
:Mais alors, que faire ? Il faut absolument que je fasse quelque chose l
;Mme DOUDKINA
://(ardente)//
:Vous avez un bon cheval ? Alors fuyez pendant qu'il en est encore temps ! Vite !
;MIOUSSOV
://(exaspéré)//
:Un bon cheval ? Que voulezvous que je fasse d'un cheval à Moscou ? J'habite au quatrième étage ! Et puis de toute manière je ne sais pas monter à cheval l
;Mme DOUDKINA
://(les yeux clos)//
:Pauvre homme ! Et ça veut séduire l
;MIOUSSOV
:Sans compter que j'ai payé ma journée d'avance ! 43 roubles 50 kopeks !
://(Nouvelle criSe de 11 \. trévolte.)//
:Non, non et non, là ! C'est tout de même trop bête ! Je ne bougerai pas d'ici ! Je suis venu aux Tournesols pour me reposer, j'ai le droit de me reposer, et je me reposerai, un point c'est tout ! Coûte que coûte ! Quant à votre professeur, qu'il essaye seulement de m'en empêcher et j'en ferai de la bouillie ! _ Vous entendez bien ? De la bouillie ! S'il n'a jamais vu un Mioussov en colère je lui en ferai voir un, moi !
://(On entend un coup de sonnette. Il sursaute, la voix brusquement angoissée.)//
:Ce n'est pas déjà lui, tout de même ?
;Mme DOUDKINA
:Pourquoi pas ? ...
://(Grave.)//
:Adieu, Mioussov, adieu mon ami. Je suis sûre que votre dernière pensée sera pour moi. Merci ! Elle sort rapidement, le visage enfoui dans ses mains. On entend un nouveau coup de sonnette. Il arrache brusquement Mioussov à la sorte d"hébétitude dans laquelle l'avait plongé la sortie dramatique de Mme Doudkina sursaute de nouveau.
;MIOUSSOV
:C'est sûrement lui !
Il sort rapidement, en même temps que le portier entre en scène par une autre porte pour aller ouvrir.
;LE PORTIER
:Voilà, voilà ! Je viens !
://(Il sort un instant. Puis le visiteur paraît — c"est Zaitsev — le portier le suit.)//
:Vous désirez quelque chose, Monsieur ?
;ZAITSEV
://(aimable)//
:Bonjour, mon ami. C'est bien ici la maison... Je veux dire la célèbre maison de repos //« Les Tournesols »// ?
;LE PORTIER
:C'est bien ici. Vous désirez ?
;ZAITSEV
://(jovial et sûr de lui)//.
:Il parait que quiconque s'est reposé une fois aux //«Tournesols»// ne peut plus se reposer ailleurs ! Alors voilà, je viens me reposer !
://(Il sort son portefeuMe.)//
:Le temps de vous verser 43 roubles 50 kopeks et je commence tout de suite !
;LE PORTIER
:Pardon, Monsieur, mais qui êtes vous ?
;ZAITSEV
://(avec une belle assurance)//
:Moi ? Mais je suis Za'itzev, voyons !
;LE PORTIER
:Za'itsev. Je ne connais pas.
;ZAITSEV
://(feignant la surprise)//
:Ah non ? Comme c'est curieux ! ... Et Klava lgniatiouk, vous connaissez, j'espère ?
;LE PORTIER
://(cherchant)//
:Klava lgniatiouk ?
;ZAITSEV
://(très inquiet)//
:Ne me dites pas que vous ne connaissez pas Klava lgniatiouk ! C'est impossible ! Vous devez connaitre Klava lgniatiouk ! je vous en prie, · faites un effort ! Vous ne lisez donc pas les journaux ?
://(Il en sort de sa poche deux ou trois qu'il vient évidemment d'acheter et les brandit sous le nez du portier.)//
:Ils en parient tous ! Klava lgniatiouk obtient le titre de meilleure tractoriste de l'année ! La médaille d'or de la Promotion Agricole décernée à K.lava lgniatiouk ! Honneur à Klava lgniatiouk!
;LE PORTIER
://(brusquement illuminé)//
:Klava lgniatiouk ! Mais bien sûr, voyons ! Qui ne connait pas Klava lgniatiouk ! C'est une camarade célèbre !
;ZAITSEV
://(soulagé. Il remet les journaux dans sa poche.)//
:Eh bien je suis son mari !
;LE PORTIER
://(ébloui//
:Son mari ? Vous êtes le mari de Klava lgniatiouk ? Mais c'est merveilleux !
;ZAITSEV
://(évasif)//
:Faut s'y faire...
;LE PORTIER
://(empressé)//
:Je vous en prie, Monsieur, débarrassezvous, enlevez votre écharpe, voilà. Votre manteau, votre bonnet voilà !
;ZAITSEV
: Mes caoutchoucs voilà.
;LE PORTIER
:Attendez, je vais vous aider !
://(Il fait asseoir Zaitsev, lui Ôte ses caoutchoucs.)//
:Le mari de Klava 4 lgniatiouk aux //« Tournesols )//, c'est la Directrice qui va être contente !
://(Les caoutchoucs de Zaitsev à la main, il se redresse et crie.)//
:Vera Karpovna ! Vera Karpovna !
;ZAITSEV
://(inquiet)//
:Qu'estce que vous faites ?
;LE PORTIER
:J'appelle la Directrice !
;ZAITSEV
://(embêté)//
:je vous en prie, mon ami, ce n'est pas la peine. Je suis un mari tout à fait modeste, je vous assure. ça me gêne...
;LE PORTIER
:Mais non, voyons, mais non !
://(Il crie.)//
:Vera Karpovna ! Vera Karpovna !
://(Brusquement à Za/tsev.)//
:A propos, comment se faitil que vous vous appeliez Za'itsev, puisq ue vous êtes le mari de Klava Igniatiouk ?
;ZAITSEV
://(pris de court)//
:Za'itsev c'est mon nom de jeune fille... Enfin, vous voyez ce que je veux vous dire. Alors je l'ai gardé... Par modestie !
;LE PORTIER
:Je comprends ! Je comprends parfaitement ! C'est merveilleurx !
://(Il hurle.)//
:Vera Karpovna ! Vera Karpovna !
Làdessus, Vera Karpovna fait son entrée, une entrée nettement réprobatrice.
;LA DIRECTRICE
:Eh bien, Philippe, qu'avezvous à hurler ainsi ? Êtesvous dans une maison de repos ou dans un arbre, en train de croasser comme un écureuil. LE PORTIER
://(radieux)//
:Excusezmoi, Vera Karpovna, mais devinez qui est là ! Il regarde Zaitsev avec admiration. La Directrice le regarde, elle aussi mais beaucoup plus froidement. Tout à fait froidement, même.
;LA DIRECTRICE
:Je ne vois vraiment pas.
;LE PORTIER
:Le mari de Klava lgniatiouk. Changement à vue de la Directrice dont le visage exprime aussitôt la plus heureuse surpriSe.
;LA DIRECTRICE
:La célèbre Klava lgniatiouk dont tout le monde parle ? Mais c'est merveilleux ! Soyez le bienvenu aux
://( Tournesols )//
, camarade lgniatouk !
;ZAITSEV
://(ennuyé)//
:Merci beaucoup, mais je tiens à préciser que je m'appelle Za'itsev. Enfin, que je m'appelle
://(c aussi )//
)//
:Zai'tsev.
;LA DIRECTRICE
://(étonnée)//
:Ah oui ?
;LE PORTIER
:Za'itsev, c'est son nom de jeune fille. Il l'a gardé par modestie.
;LA DIRECTRICE
://(déconcertée)//
:Pardon ?...
://(Elle rit brusquement.)//
:Ah oui, je comprends ! C'est le nom de jeune fille de votre mère que vous avez repris ? Voilà, il est vrai, un geste d'une rare modestie ! C'est vraiment très bien de votre part, cher Monsieur lgniatouk !
;ZAITSEV
: Zai'tsev l
;LA DIRECTRICE
:Cher Monsieur Za"itsev. Inutile de vous dire combien nous sommes heureux de vous recevoir aux
://(c Tournesols )//
)//
:Vous ne pouviez d'ailleurs pas mieux choisir ! Quiconque s'est reposé une fois aux
://(c Tournesols })//
:ne peut plus se reposer ailleurs !
;ZAITSEV
: Oui, oui, je sais. A propos, figurezvous que je viens de m'apercevoir de quelque chose d°assez ennuyeux. Je crois bien que j'ai oublié à la maison mon certificat de travail...
;LA DIRECTRICE
://(amusée)//
:La belle affaire ! Vous pensez bien, cher Monsieur, que nous n'exigeons les certificats de travail que de nos clients ordinaires ! Les personnalités, c'est autre chose ! Avec ou sans certificat, vous êtes ici chez vous. Nous allons vous préparer la meilleu ré cha m bre q ui nous reste.
://(Au portier.)//
:Philippe, voyez tout de suite cela avec Choura.
;LE PORTIER
:Oui, Madame. Sortie de Philippe.
;LA DIRECTRICE
:Au fait, j'espère que votre charmante femme sera également des nÔtres ?
;ZAITSEV
: Non, non, certainement pas. Elle est en Ukraine, chez sa mère.
;LA DIRECTRICE
://(surprise)//
:En Ukraine ? Je croyais qu'elle était arrivée depuis trois jours à Moscou pour suivre des cours de 1°Académie Timiriazev ! ' F t
;ZAITSEV
://(ahuri)//
:Ma femme ?
;LA DIRECTRICE
:Mais oui ! Klava lgniatiouk ! C'est écrit en toute lettre dans les journaux.
;ZAITSEV
: Hein ? ... Ah oui, parfaitement ! Excusezmoi j'embrouille tout ! C'est l'autre qui est en Ukraine ! l
;LA DIRECTRICE
://(les yeux ronds)//
:L'autre ?
;ZAITSEV
://(il patauge lamentab/ement)//
:Oui. Euh ! ... Il faut dire que j'ai été marié deux fois. D'abord avec ma femme... Enfin la première... Rosa Eréméèvna, celle qui est en Ukraine chez sa mère... et ensuite avec Klava lgniatiouk qui, elle, est à Moscou à 1'Académie Timiriazev. Voilà ! Seulement, comme tout cela est très récent, il m'arrive encore de les confondre...
;LA DIRECTRICE
://(compatissante)//
:Je comprends, je comprends très bien. D'autant plus que vous paraissez un peu surmené, un peu nerveux...
;ZAITSEV
: Oui, je...
://(Il s'éponge le front.)//
:Je ne me sens pas très bien.
;LA DIRECTRICE
:Il était temps que vous arriviez aux //« Tournesols »// ! Mais soyez tranquille, quand vous en sortirez vous ne vous reconnaîtrez plus vous-même !
;ZAITSEV
://(s'éponge encore le front)//
:Ça ne m'étonnerait pas !
;LA DIRECTRICE
:Nous allons nous occuper de vous tout de suite. Pour commencer, on va vous conduire sur le toit.
;ZAITSEV
: Sur le toit ? Pour quoi faire ?
;LA DIRECTRICE
:Cela vous détendra merveilleusement, vous verrez. Il est aménagé en solarium.
;ZAITSEV
: Mais il pleut !
;LA DIRECTRICE
://(doucement autoritaire)//
:Allons, ne discutez pas, cher Monsieur. Un solarium est toujours un solarium, même quand il pleut. Faitesmoi confiance ! Nous voyons tous les jours des cas dans le genre du vôtre...
://(Elle appelle.)//
:Philippe ! Philippe !
;ZAITSEV
://(nerveux)//
:Écoutez Madame, je suis désolé mais je n'ai pas le temps de monter sur votre toit. Ce sera pour une autre fois, pour aujourd'hui, je me contenterai de voir Mioussov... ?.
;LA DIRECTRICE
://(surpriSe)//
:Pardon ?
;ZAITSEV
://(nerveux)//
:Je veux voir Mioussov ! Il faut absolument que je voie Mioussov !
;LA DIRECTRICE
://(apaisante)//
:Mais oui, mais oui ! Je comprends. Monsieur Mioussov est indiscutablement un homme qui mérite d'être vu. C'est promis, on vous le montrera !
://(Entrée de Philippe.)//
:philippe, je vous confie Monsieur lgniatiouk...
;ZAITSEV
: Za'itsev !
;LA DIRECTRICE
:Za'itsev. C'est un cas urgent. Conduisezle immédiatement sur le toit.
;ZAITSEV
: Je ne veux pas aller sur le toit.
;LA DIRECTRICE
://(apaisante)//
:Mais oui, mais oui, je comprends très bien...
://(A phi/jopej Vous veillerez auparavant à ce qu'on lui donne un pyjama et des pantoufles.
;ZAITSEV
://(révulsé)//
:Un pyjama ? Des pantoufles ? Il n'en est pas question l
;LA DIRECTRICE
://(aimable)//
:C'est compris dans nos conditions, cher Monsieur, et c'est un des éléments de base de notre cure. Vous retrouverez vos vêtements demain matin, nettoyés, désinfectés et repassés.
;ZAITSEV
://(affolé)//
:Demain ? Vous n'y pensez pas ! Demain nous sommes le lundi g et le Dépôt ferme le mardi 9 pour réfection générale ! Dès que j'aurai vu Mioussov il faudra que je rentre à Moscou ! Je ne peux pas y aller en pyjama et en pantoufles, tout de même !
;LA DIRECTRICE
://(aimable mais ferme)//
:Cher Monsieur, vous avez droit à 24 heures de cure, comme tous nos clients, et vous les aurez ! Je vous en prie, ne vous énervez pas.
;ZAITSEV
://(énervé)//
:Je ne m'éverve pas ! C'est le dépôt qui ferme mardi pour réfection générale ! LE PORTIER
://(le prend poliment par le bras)//
:Je vais vous conduire sur le toit.
;ZAITSEV
://(se dégageant)//
:Laissezmoi tranquille ! Je suis capable de trouver un toit tout seul ! Je n'en veux pas, de votre toit, estce clair ? Je veux voir Mioussov !
;LA DIRECTRICE
://(apaisante)//
:Eh bien ! Monsieur Mioussov est justement sur le toit l
;ZAITSEV
://(sursautant/. Il est sur le toit ? Menezmoi immadiatement sur le toit !
;LE PORTIER
:Par ici, Monsieur Igniatiouk...
;ZAITSEV
://(criant)//
:Za'itsev ! On entend un coup de sonnette.
;LA DIRECTRICE
:Allez ouvrir, Philippe. Je conduirai moimême Monsieur lgniatiouk.
;ZAITSEV
://(exaspéré)//
:Zaitsev !
Il sortent. On entend un nouveau coup de sonnette.
;LE PORTIER
:Voilà ! Voilà l
Il sort. Bruit de la porte qui s'ouvre. K/ava lgniatiouk paraît. C"est une belle jeune fille au regard décidé, jeune, solide et saine, qui n"a aucun rapport avec une starlette sophistiquée ni avec une quelconque jeune première bêlante. Le portier la suit.
;KLAVA
:Bonjour ! C'est bien ici la maison de repos //« Les Tournesols »
? LE PORTIER
://(mécaniquement)//
:Vous voulez dire la célèbre maison de repos
://( Les Tournesols )//
:? Oui, c'est bien ici. Vous désirez ?
;KLAVA
:Je suis étudiante. Je voudrais me reposer chez vous pendant vingtquatre heures.
;LE PORTIER
://(mécaniquement/. Nous vous remercions d'avoir choisi notre maison. Soyez la bienvenue. Quiconque s'est reposé une fois aux
://(c Tournesols )//
)//
:ne peut plus se reposer ailleurs... Vous avez votre certificat de travail ?
;KLAVA
:J'ai même une prise en charge complète signé par la Direction de 1'Académie. La voici... Pendant qu'elle cherche dans son sac, le portier se prépare à noter le tout dans une sorte de grand livre comme il y en a dans les hôtels.
;LE PORTIER
:Le nom de 1'Académie, je vous prie ?
;KLAVA
:Académie d'Agriculture supérieure Timiriazev.
;LE PORTIER
:Votre nom ?
;KLAVA
:lgniatiouk, prénom : Klava. A ces mots le portier bondit de sa chaise avec une telle impétuosité que K/ava n"est pas maîtresse d"un mouvement de recul. LE PORTEUR. lgniatiouk ? Vous êtes Klava lgniatiouk ?
;KLAVA
:Mais oui ! Vous me connaissez ?
;LE PORTIER
://(enthousiaste)//
:Si je vous connais ? Qui ne connait pas Klava lgniatiouk ? KLAVA
://(riant)//
:Mon Dieu, à peu près tout le monde l
;LE PORTIER
:Allons donc, les journaux ne parlent que de vous ! Klava lgniatiouk, la meilleure... euh... Je ne sais plus quoi... KLAVA
://(riantl. Tractoriste.
;LE PORTIER
:Klava lgniatiouk, qui vient d'obtenir la mécaille d'or du:. de... Je ne sais plus quoi... KLAVA
://(riantl. De la Prorhotion Agricole. Ma célébrité ne me semble pas encore très au point l
;LE PORTIER
:Ah ! si ! si ! Et avec ça, belle et drue comme un épi de blé! Ah on peut dire qu'il en a, de la chance l
;KLAVA
:Qui ça ?
;LE PORTIER
://(riant)//
:Je n'ai rien dit, je n'ai rien dit! C'est une surprise ! Vous verrez ça tout à l'heure. Pour le moment il est sur le toit... chut !
://(Il crie.)//
:Vera Karpovna ! Vera Karpovna !
;KLAVA
:Qu'estce que vous faites ?
;LE PORTIER
:J'appelle la Directrice.
;KLAVA
:Je vous en prie, ne dérangez personne pour moi, j'ai cela en horreur!
;LE PORTIER
:Vous êtes aussi modeste que lui ! C'est merveilleux !
;KLAVA
:Que qui ?
;LE PORTIER
:Non, non, c'est une surprise !
://(Il hurle.)//
:Vera Karpovna ! Vera Karpovna ! Apparition de la Directrice. Elle regarde sévèrement le portier.
;LA DIRECTRICE
:Décidément Philippe, vous avez la manie de pousser des hurlements dès que j'ai tourné le dos ! Vous feriez bien de demander un bon pour une cure complète, vous aussi !
;LE PORTIER
://(regarde K/ava épanouâ Excusezmoi Vera Karpovna. Devinez qui est là ? La Directrice regarde K/ava, puh Philippe.
;LA DIRECTRICE
:Vous êtes ridicule ! Comment voulezvous que je devine ?
;LE PORTIER
:Klava lgniatiouk ! Deuxième changement à vue de la Directrice, dont le visage exprime soudain la plus heureuse surprise.
;LA DIRECTRICE
:La grande Klava lgniatiouk ? C'est vous ?
;KLAVA
://(gênée)//
:Oui, Madame... enfin, oui et non. Je ne suis pas la grande Klava lgniatiouk. Je suis Klava lgniatiouk, tout simplement...
;LA DIRECTRICE
://(émue)//
:Tout simplement ! ... Comme elle a bien dit ça... Venez, que je vous regarde un peu mon enfant... Adorable ! Vous êtes adorable ! Mon petit cœur ! Elle l'embrasse spontanément.
;KLAVA
://(gênée)//
:Merci beaucoup, Madame, je suis vraiment touchée mais...
;LA DIRECTRICE
://(riant)//
:Oui, oui, je sais, vous êtes modeste ! C'est promis, je ne recommencerai plus.
://(Émue.)//
:Chère enfant, vous êtes entrée dans cette maison comme un rayon de soleil !
://(Elle l'embrasse encore.)//
:Pardon, c'est plus fort que moi !
://(De plus en plus émue.)//
:Avezvous encore votre mère, Klava ?
;KLAVA
:Mais oui Madame.
;LA DIRECTRICE
:Ah oui, c'est vrai ! En Ukraine !
;KLAVA
://(étonnée)//
:Non, Madame. En Lettonie.
;LA DIRECTRICE
://(déconcertée)//
:En Lettonie, vous m'étonnez...
://(Soudain...)//
:Excusezmoi, j'embrouille tout comme une vieille femme ! C'est la mère de l'autre qui est en Ukraine, bien sûr!
;KLAVA
:La mère de qui ?
;LA DIRECTRICE
://(vivement)//
:De personne, de personne ! Ne faites pas attention, il y a des moments où je dis n'importe quoi ! ... Bref, vous avez encore votre mère. Quel dommage ! ... Enfin, je veux dire quel dommage pour moi. J'aurais tellement aimé la remplacer.
://(Émue.)//
:Mon petit pigeon !
://(Elle l'embrasse une troisième fois. K/ava semble débordée.)//
:Je vais vous faire préparer tout de suite un bon bain chaud à l'essence de pin. Car vous êtes bien venue pour suivre notre cure de relaxation, naturellement ?
;KLAVA
:A vrai dire, Madame, je crois n'avoir besoin d'aucune cure spéciale. Je suis venue ici uniquement pour... Enfin pour... pour... pas pour prendre des bains en tout cas.
://(Dans un joli sourire un peu confus.)//
:Voyezvous, je... j'attends mon mari.
;LA DIRECTRICE
://(émue)//
:
://(c J'attends mon mari ! l)//
:Comme elle a bien dit ça ! Ma colombe !
://(Elle /"embrasse une quatrième fois.)//
:Eh bien non, petite Klava, vous n'attendez pas votre mari !
;KLAVA
:Mais si ! Pourquoi ?
;LA DIRECTRICE
:Parce que c'est votre mari qui vous attend !
;KLAVA
://(heureuse)//
:Quoi Kostia ? Kostia est déjà ici ? Vous en êtes sûre ?
;LA DIRECTRICE
:C'est moimême qui l'ai reçu il y a à peine cinq minutes.
;KLAVA
://(ravie)//
:Mon Dieu, que je suis heureuse ! Où estil ?
;LA DIRECTRICE
:Sur le toit.
;KLAVA
://(étonnée)//
:Sur le toit ? Qu'estce qu'il fait, sur le toit ?
;LA DIRECTRICE
:Il faut vous dire que ce n'est pas un toit comme les autres. Exactement, c'est un toitterrasse aménagé en solarium. Il n'y a rien de tel pour les nerveux !
;KLAVA
:Mais Kostia n'est pas nerveux !
;LA DIRECTRICE
:Pas nerveux ? Mon pigeon, mais votre cher mari présente des signes indiscutables d'hyperémotivité à tendance obsessionnelle ! Ce n'est pas grave, remarquez bien, pas grave du tout. Mais le fait est là !
;KLAVA
://(frappée)//
:Mon Dieu !
;LA DIRECTRICE
:Par exemple il se fâche tout rouge quand on lui demande de monter sur le toit, il bredouille des mots sans suite au sujet de je ne sais quel DépÔt et il est littéralement hanté par l'idée fixe de voir un certain Mioussov...
;KLAVA
:Qui ?
;LA DIRECTRICE
:Mioussov. Vous pouvez lui dire n'importe quoi, il vous répond automatique :
://(c Je veux voir Mioussov I)//
)//
:Et avec des yeux !...
;KLAVA
:Pourquoi ditil cela ? Nous ne connaissons aucun Mioussov !
;LA DIRECTRICE
:Moi, je le connais très bien. Monsieur Mioussov est un homme charmant, certes, mais enfin bien entre nous, il n'a vraiment rien d'extraordinaire ! Rien en tout cas qui justifie qu'on se mette dans des états pareils ! Non ! Il est comme tous les grands nerveux !
://(Elle braque sur son front un index tendu.)//
:C'est làdedans, voilà tout, planté comme un piquet ! Il veut voir Mioussov !
;KLAVA
:C'est incroyable ! Lui, le garçon le plus équilibré de la terre !
;LA DIRECTRICE
:Passe encore qu'il veuille voir Mioussov, ça peut arriver à tout le monde, mais le plus ennuyeux c'est quand on a le malheur de l'appeler par son nom. Alors là il devient franchement méchant !
;KLAVA
://(tombant des nues)//
:Kostia, méchant ?
;LA DIRECTRICE
:Vous lui dites :
://( Comment allezvous Monsieur lgniatiouk ? )//
:et il retrousse les babines ! Ce n'est pas grave, remarquez bien, pas grave du tout, mais le fait est là !
;KLAVA
:lgniatiouk ! Vous avez appelé Kostia
://( Monsieur lgniatiouk )//
:?
;LA DIRECTRICE
:Evidemment !
;KLAVA
://(éclate de rire)//
:Mais il ne s'appelle pas lgniatiouk !
;LA DIRECTRICE
://(ahurie)//
:Pardon ?
;KLAVA
://(toujours riant)//
:C'est moi qui m'appelle lgniatiouk! C'est mon nom de jeune fille ! l
;LA DIRECTRICE
:Votre nom de jeune fille ? ...
://(Elle sursaute.)//
:Mon enfant, mon pigeon, ma colombe, ne me dites pas que vous n'êtes pas mariée ! Quelle horreur !
;KLAVA
:Rassurezvous, Madame, je le suis. Je le suis bel et bien ! Seulement Kostia a dû partir si vite après le mariage, le soir même exactement, que nous n'avons pas eu le temps de faire établir nos nouvelles cartes d'identité !
;LA DIRECTRICE
://(soulagée)//
:Je comprends maintenant pourquoi il a repris le nom de sa mère !
;KLAVA
:Tamirov l
;LA DIRECTRICE
:Zaïtsev !
L"entrée de Mme Doudkina lui coupe la parole. Mme Doudkina semble fébrile et passablement égarée.
;Mme DOUDKINA
:Ah, vous êtes là, Vera Karpovna ! Dieu soit loué ! Peutêtre pourrezvous me dire où il est, vous !
;LA DIRECTRICE
://(aimable)//
:Qui cela, chère Zola Doudkina ?
;Mme DOUDKINA
:Mioussov ! Je veux voir Mioussov !
;LA DIRECTRICE
:Avezvous pensé à jeter un coup d'œil dans la salle de billard ? C'est toujours là qu'on trouve les gens quand ils ne sont nulle part ailleurs.
;Mme DOUDKINA
:Dans la salle de billard ? Le malheureux, il cherche à s'étourdir ! Sortie de Mme Doudkina, toujours fébrile et égarée.
;LA DIRECTRICE
:C'est Zola Doudkina, la femme du célèbre professeur Doudkine. Une femme tout à fait charmante. Incurable, mais charmante !
;KLAVA
:Elle veut voir Mioussov elle aussi, vous avez remarqué ?
;LA DIRECTRICE
:Oui. C'est peutêtre contagieux, il faudra que j'en parle au docteur Kirilof. Revenons à votre cher Kostia...
;KLAVA
:Il est chauffeurmécanicien dans la Marine Marchande mais il est passionné par la question du matériel agricole. C'est un garçon tellement jeune, tellement efficace ! P
;LA DIRECTRICE
:Ah oui ? Quel âge atil ?
;KLAVA
:Bientôt trente ans.
;LA DIRECTRICE
:Oh ! vous en êtes sûre ?
;KLAVA
:Evidemment ! Pourquoi ?
;LA DIRECTRICE
:Je lui aurais donné un peu plus... dans les cinquante, cinquantetrois...
;KLAVA
://(atterrée)//
:Mon Dieu ! C'est affreux !
;LA DIRECTRICE
:N'exagérons rien, mon enfant. Evidemment, il y a ces poches sous les yeux et cette calvitie qui ne font pas très jeune, mais le regard lui est resté particulièrement vif !
;KLAVA
://(la gorge nouée)//
:Kostia est.,. chauve ? C'est vrai !
;LA DIRECTRICE
://(apaisante)//
:Chauve ! Chauve ! Sur le haut, oui, mais il en a encore autour!
;KLAVA
://(bouleversée)//
:Mon pauvre Kostia ! Mon pauvre chéri ! Comme il a dû souffrir ! C'est 1'Arctique !
;LA DIRECTRICE
:Il a de l'arthrite ?
;KLAVA
:Non ! L'Arctique ! L'océan ! Il y est resté pendant dixhuit mois !
;LA DIRECTRICE
:Dans l'océan Arctique ! Quelle drôle d'idée !
;KLAVA
://(les larmes dans la voix)//
:Ce n'est pas sa faute ! Le soir même de notre mariage il a été convoqué d'urgence à la Direction Centrale de la Marine Marchande et affecté immédiatement sur le briseglace
://( Farlaf )//
:qui appareillait le lendemain pour le Cercle Polaire ! Il a eu tout juste le temps de m'envoyer un télégramme !
;LA DIRECTRICE
:Mon pauvre pigeon ! Elle lui tend son mouchoir, K/ava s'essuie les yeux.
;Mme DOUDKINA
:rentre par la porte par laquelle elle est était sortie, toujours dans le même état.
;Mme DOUDKINA
://(sombre)//
:Il n'est pas dans la salle de billard. Pourquoi seraitil dans la salle de billard ? Elle sort par la porte par laquelle elle est entrée. K/ava rend son mouchoir à la Directrice. Elle semble plus calme.
;KLAVA
:Làdessus je reste deux mois sans nouvelles puis je reçois un autre télégramme. Ils avaient brisé l'axe de leur gouvernail l
;LA DIRECTRICE
:Ah, ces jeunes gens !
;KLAVA
:Ils dérivaient dans les mers polaires ! Ils ont dû camper sur la banquise pendant des mois pour réparer l'avarie !
;LA DIRECTRICE
:La voilà l'explication, ma . colombe ! Camper sur une banquise ! C'est un homme qui a souffert, bien sûr ! D°aiileurs ça se voit tout de suite !
;KLAVA
:Finalement ils sont revenus à Arkhangelsk. Quand il est arrivé à la maison je me trouvais à trois cents kilomètres de là ! Quand je suis revenue, il était reparti, naturellement, mais il m'avait laissé un mot sur la table.
>//Nouvelle permission dans trois semaines. Rendezvous dimanche 7 à la maison de repos « Les Tournesols ». Je t'aime Kostia. )//
:... Je me précipite ici le cœur battant et c'est pour apprendre...
://(Les larmes la gagnent de nouveau.)//
: ... qu'il est chauve, qu'il a des idées fixes et des... des poches sous les yeux !
;LA DIRECTRICE
://(apaisante)//
:De toutes petites poches, ma colombe, et de toutes petites idées fixes. Quant aux cheveux, ça ne compte pas ! A quoi cela sertil d'avoir des cheveux ? On passe sa vie à les regarder tomber ! Allons, séchez vos larmes et allez vous reposer. On vous préviendra quand votre cher petit mari sera sorti " du solarium. Le portier vous le montrera.
;KLAVA
:Me le montrera ? ... Pourquoi ?
;LA DIRECTRICE
:Simple précaution ! Vous ne l'avez pas revu depuis dixhuit mois. Le portier, lui, l'a vu ce matin.
://(K/ava sanglote.)//
:Mon petit pigeon, ma colombe, calmezvous, voyons ! C'est 1'Arctique, que voulezvous, c'est 1'Arctique ! Entrée de Choura.
;CHOURA
:Vous m'avez demandé de descendre, Madame ?
;LA DIRECTRICE
:Oui, mais il y a si longtemps que je ne sais plus pourquoi. En attendant que ça me revienne, voici une jeune femme que je vous confie comme un vase précieux...
;CHOURA
:Mais c'est Klava lgniatiouk !
;LA DIRECTRICE
:Oui. Vous la connaissez ?
;CHOURA
://(enthousiaste.)//
:Qui ne con naît pas Klava lgniatiouk ? J'ai vu sa photographie dans les journaux. Elle a gagné une médaille d'or de je ne sais plus quoi...
;KLAVA
://(triStement/. La Médaille d'or de la Promotion Agricole.
;LA DIRECTRICE
:Préparezlui un bon bain chaud à l'essence de pin et veillez sur elle. Je monterai dans une heure prendre de ses nouvelles...
://(A K/ava.)//
:Allez, petite Klava, et ne vous inquiétez pas, ce n'est pas grave. K/ava se remet à pleurer de plus belle.
;CHOURA
://(étonnée)//
:Elle a une médaille en or et elle pleure ?
;LA DIRECTRICE
:Ne vous occupez pas de ça, occupezvous de son bain ! Choura se dirige vers la porte, soutenant à demi K/ava qui semble effondrée. Elle se retourne avant de sortir.
;KLAVA
:Si vous le revoyez avant moi, diteslui surtout bien que ça ne fait rien! Je l'aime... Elle sort, toujours soutenue par Choura.
;LA DIRECTRICE
://(seule)//
:Quel drame affreux !
://(A ce moment Mioussov paraît sur le seuil d"une des portes.)//
:Ah ! cher Monsieur Mioussov, cher ami, je suis bien aise de vous voir ! Il y a justement quelqu'un qui vous cherche !
;MIOUSSOV
:Quelqu'un qui me cherche ! ... Mioussov ne répond rien. Ses yeux s'agrandissent démesurément, il pousse un cri perçant de terreur et disparaît en faisant c/aqueh la porte. La Directrice hoche la tête.
;LA DIRECTRICE
://(seule)//
:Celuilà aussi a quelque chose...
Et elle sort à son tour. Zaitsev entre. Il est en pantoufles et en pyjama. Il semble harassé. // vient vers la table basse où se trouvent les journaux et se laisse tomber dans un fautew7.
;ZAITSEV
://(seul)//
:Ah ! Quelle maison. Pas de Mioussov ! Pas de Mioussov sur le toit, pas de Mioussov dans la salle manger, pas de Mioussov dans 'la bibliothèque, pas de Mioussov dans la chambre de Mioussov, en un mot, pas de Mioussov ! Et quand je demande où est Mioussov, on me répond chaque fois :
://(c Mioussov ? Il était encore là, il y a cinq minutes ! )//
)//
:
://(Hochement de tête pessimiste.)//
:Quelle maison ! Dieu sait ce qui va m'arriver ! Me voilà maintenant le mari de... comment s'appelleteile déjà ? ... Ah oui, Klava ! Klava lgniatiouk ? Usurpation d'identité, escroquerie, diffamation, et caetera, et caetera... Tout ça pour cinquante kilos de peinture blanche émaillée ! Et on dit que les fonctionnaires n'aiment pas les histoires ! ... Entrée, derrière lui de la Directrice.
;LA DIRECTRICE
://(enjouée)//
:Ah, vous êtes là, vous ! Za/tsev se relève d"un bond, comme poussé par un ressort.
;ZAITSEV
://(dans un cri)//
:Non !
://(Il la reconnaît.)//
:Oh pardon ! je croyais que... Je ne savais pas que... Oui, oui, je suis là ! Je le reconnais. Bonjour Madame. LA DIR ECTRICE
://(sourcils froncés)//
:Excusez moi, cher Monsieur, mais ne seriezvous pas encore un tout, tout petit peu nerveux ? Il serait peutêtre bon que vous ayez un entretien avec le docteur Kirilof...
;ZAITSEV
://(vivement)//
:Non, non, surtout pas ! ça va mieux, beaucoup mieux ! Seulement vous savez ce que c'est : les soucis, les affaires... LA DIRECTRIVE
://(compréhensive/. L'Arctique l
;ZAITSEV
: Quoi ? ...
;LA DIRECTRICE
:L'océan. L'océan arctique.
;ZAITSEV
://(ahurâ L'océan arctique ? ... Et alors ?
;LA DIRECTRICE
://(entendue)//
:Vous n'aimez pas beaucoup qu'on vous en parle, évidemment l
;ZAITSEV
: De quoi ?
;LA DIRECTRICE
:De l'océan arctique.
;ZAITSEV
: Je dois vous dire que ce n'est pas mon sujet préféré de conversation, mais enfin si vous y tenez...
;LA DIRECTRICE
:Je comprends, mon pauvre ami, je comprends ! Dériver dans les mers polaires et camper pendant des mois sur une banquise, quel affreux destin !
://(Zaitsev ouvre des yeux ronds.)//
:Vous avez vu des ours, naturellement ?
;ZAITSEV
://(perdu)//
:Des ours ? Mon Dieu oui, deux ou trois fois... le dimanche.
;LA DIRECTRICE
://(émue)//
:Quelle horreur ! Comme vous avez dû souffrir ! ZATSEV. Vous savez quand on est bien couvert. "" LA DIRECTRICE. Mais c'est dangereux !
;ZAITSEV
: Il ne faut pas passer la main, c'est tout.
;LA DIRECTRICE
:Faire réparer des gouvernails à des jeunes gens dans des conditions pareilles, c'est inhumain !
://(Le bras tendu vers Zaitsev.)//
:Voilà dans quel état ils vous reviennent !
://(Brusquement souriante et apaisante.)//
:Rassurezvous, ce n'est pas grave, pas grave du tout ! Nous vous sortirons de là ! Vous avez bien pris votre bain à l'essence de pin, j°espère ?
;ZAITSEV
://(sec)//
:C'estàdire que deux individus horriblement musclés m'ont arraché du solarium sans me fournir la moindre explication et m'ont jeté dans une baignoire pleine jusqu'au bord d'une chose bouillante qui ressemblait à de la confiture d'abricots !
;LA DIRECTRICE
://(aimable)//
:Bien sûr ! C'est ça, le bain à l'essence de pin !
;ZAITSEV
://(révolté)//
:Une coutume barbare, oui ! Un acte de sauvagerie, voilà ce que c'est ! Je n'ai pas payé 43 18 " roubles 50 kopeks pour me faire enduire de résine, Madame ! Je veux voir Mioussov !
;LA DIRECTRICE
:Vous ne l'avez pas encore vu ? Il était là ii y a cinq minutesl
;ZAITSEV
://(soupir résigné)//
:Cinq minutes ! Naturellement ! LA DIRECTRICE, Vous devriez jeter un coup d'œil dans la salle de billard. C'est toujours là que sont les gens quand ils ne sont nulle part ailleurs !
;ZAITSEV
://(indiquant une direction)//
:C'est par là ?
;LA DIRECTRICE
://(en indiquant une autre)//
:Par là, vous prenez le premier couloir à droite, le deuxième à gauche, vous descendez les cinq marches qui sont devant vous, vous tournez à gauche, vous voyez une porte bleue... verte, plutôt... enfin, quand je dis verte... une porte vertbleu, voilà... ou bleueverte. Bref, vous continuez tout droit...
;ZAITSEV
://(nerveux)//
:Merci, je trouverai tout seul. C'est une salle avec des billards, évidemment !
;LA DIRECTRICE
:Non. Des ping pong.
://(Dans un sourire entendu.)//
:Peutêtre d'ailleurs n'arriverezvous pas jusquelà ? Peutêtre aurezvous en chemin, une grosse, grosse surprise ! Qui sait ?
;ZAITSEV
://(inquiet)//
:Ah oui ? ... C'est que je n'aime pas beaucoup les grosses surprises, surtout dans mon état. De quoi s'agitil ?
;LA DIRECTRICE
://(rieuse)//
:Oh ! non, cherchez, devinez ! Ce n'est pas difficile, vous devez certainement vous y attendre ! A quoi peut bien rêver l'oiseau tombé du nid... '
;ZAITSEV
://(de plus en plus inquiet)//
:Je ne vois pas du tout... Vous ne pouvez vraiment pas préciser ?
;LA DIRECTRICE
:Non, non, je risquerais d'amortir le choc ! Or, vous avez besoin d'un choc, c'est évident !
;ZAITSEV
: je vous jure que non !
;LA DIRECTRICE
://(apaisante)//
:Vous verrez. Après, vous ne serez plus le même homme !
;ZAITSEV
: Justement !
://(Il va pour sortir, visiblement tracassé par cette histoire de surprise. Il se retourne sur le seui7 de la porte.)//
:Ditesmoi au moins par quelle lettre ça commence...
;LA DIRECTRICE
:Quoi ?
;ZAITSEV
: La grosse surprise...
;LA DIRECTRICE
:Par un
://( A )//
:!
;ZAITSEV
://(cherchant désespérément)//
:Par un
://( A )//
... Par un
://(c A )//
)//
... Il faut que je trouve un dictionnaire... Il sort en proie à ce nouveau problème. V
;LA DIRECTRICE
://(seule)//
:C'était
://(
://( amour », évidemment ! Il aurait dû deviner tout de suite ! Ce malheureux fait de l'asthénie cérébrale, il faut que j'en parle sans tarder au docteur Kirilof ! Amour, c'était un A... Elle va pour sortir, mais le Portier entre.
;LE PORTIER
:C'était un A... A propos Vera Karpovna, estce que vous connaissez un nommé Galoutchine ? Ou Galouchkine ?
;LA DIRECTRICE
:Tchine ou Ckine ? Ce n'est pas du tout la même chose ! LE PORTEIR. Tchine, je crois, Galoutchine.
;LA DIRECTRICE
:Je ne connais aucun Galoutchine.
;LE PORTIER
:Galouchkine, alors ?
;LA DIRECTRICE
:Non plus. Pourquoi ?
;LE PORTIER
:Il vient de téléphoner pour dire qu'il arrivait. Il sera là pour le déjeuner, peutêtre même un petit peu ava nt.
;LA DIRECTRICE
:Eh bien, que vouiezvous que j'y fasse ?
;LE PORTIER
:Je vous demande ça pour dire à la cuisinière de préparer un gâteau à la crème et aux amandes pilées dans le cas où ce Tchine ou Chkine serait un homme célèbre. On ne sait jamais... El ~ i
;LA DIRECTRICE
:C'est peutêtre un homme célèbre. Je ne les connais pas tous. Dites toujours à la cuisinière de faire le gâteau.
;LE PORTIER
:Bien Madame.
;LA DIRECTRICE
:Et prévenez le docteur Kirilof que j'irai le voir après sa consultation. Sortie du Portier. Dans son mouvement il croise K/ava lgniatiouk qui entrait. Il sort.
;KLAVA
://(entrant)//
:Pardon de vous déranger Madame, mais je n°arrive pas à trouver mon mari ! J'ai beau courir partout.
;LA DIRECTRICE
:Il était ici il y a à peine cinq minutes, ma colombe ! Vous n'avez vraiment pas de chance ! Il est allé à la salle de billard !
;KLAVA
:Mais il ne sait pas jouer au billard !
;LA DIRECTRICE
:C'est pour voir Mioussov. De toute manière il n'y a plus de billards.
;KLAVA
://(inquiète)//
:Et comment l'avezvous trouvé ?
;LA DIRECTRICE
:Avezvous déjà vu un homme planté au milieu d'une voie de chemin de fer en train de regarder avec des yeux exorbités une locomotive foncer sur lui ?
;KLAVA
:Non...
;LA DIRECTRICE
:Eh bien c'est exactement ça !
;KLAVA
://(la gorge nouée)//
:Mon Dieu !
;LA DIRECTRICE
://(apaisante)//
:Ce n'est pas grave, remarquez, pas grave du tout, mais je vais tout de même le signaler au docteur Kirilof. J'avoue que j'attendais un meilleur résultat de son séjour en solarium et surtout de son bain à l'essence de pin. Je crois que je vais lui en faire préparer un autre...
;KLAVA
:Vous lui avez dit que j'étais arrivée ?
;LA DIRECTRICE
:Pas exactement car je compte beaucoup sur le choc. Il a besoin d'un choc. Mais je le lui ai laissé entendre... Choura ! ...
;KLAVA
:Et alors ?
;KLAVA
://(angoissée)//
:C'est affreux ! Il a tout oublié, même moi ! Mon pauvre Kostia !... Dans la salle de billard, avezvous dit ? Où estelle 7
;LA DIRECTRICE
://(indiquant la direction)//
:Par là. Vous prenez le premier couloir à droite, le deuxième à gauche, vous...
;KLAVA
://(nerveuse)//
:Merci, je trouverai toute seule ! Sortie rapide de K/ava. La Directrice hoche la tête.
;LA DIRECTRICE
://(seule)//
:La voilà qui s'énerve elle aussi ! Tout le monde s'énerve ! Il n'y a plus que moi qui...
://(Une porte claque tout près en coulisses, comme un coup de fusil. Elle sursaute nerveusement.)//
:Qu'estce que c'est ? ...
://(Tout de suite Mme Doudkina paraît sur le seuil d"une des portes. La Directrice réussit in extremis un sourire mécanique.)//
:Chère Zola Doudkina, chère amie, vous savez l'immense plaisir que j'éprouve chaque fois à vous voir, mais je vous en prie, évitez de faire claquer les portes si fort. Nous sommes dans une maison de repos. q
;Mme DOUDKINA
://(sombre)//
:C'est le courant d'air Vera Karpovna. Pouvezvous me dire où est Mioussov ? Je veux voir Mioussov !
;LA DIRECTRICE
:Je sais, je sais. Vous n'êtes pas la seule d'ailleurs. Tout le monde veut voir Mioussov ! Vous devriez jeter un coup d'œil dans la salle de billard. C'est toujours là que...
;Mme DOUDKINA
://(sombre et tendue)//
:Il n'est pas dans la salle de billard !
;LA DIRECTRICE
://(aimable)//
:Eh bien, vous le verrez tout à l'heure dans la salle à manger pour le repas de midi ! A propos, je vous signale qu'il y aura un gâteau à la crème et aux amandes pilées, celui que vous aimez tellement !
;Mme DOUDKINA
://(douloureuse)//
:Celui que j'aime tellement n°est pas un gâteau à la crème, Vera Karpovna ! Je vous en supplie, ménagez ma pudeur et tâchez de me comprendre à demimot ! Il se prépare des choses terribles... Je viens de téléphoner chez moi !
;LA DIRECTRICE
://(polie)//
:Le professeur Doudkine est en bonne santé, j'espère ?
;Mme DOUDKINA
:Le professeur Doudkine n'est pas à la maison ! Le professeur Doudkine est sorti ! Il est en marche, Vera Karpovna ! En marche vers les
://( Tournesols I)//
:Vous comprenez ce que cela signifie ?
;LA DIRECTRICE
://(ravie)//
:Alors, c'est vrai, cette fois ? Le professeur vient déjeuner avec nous ? Chère Zola Doudkina, chère amie, quelle heureuse nouvelle !
://(Elle /"embrasse.)//
:Le célèbre professeur Doudkine aux
://(c Tournesols )//
)//
:! C'est merveilleux ! Il faut que je prévienne tout de suite la cuisinière !
://(Elle l'embrasse encore.)//
:Merci, merci, merci ! Elle sort rapidement. Mme Doudkina a un sourire amer, le regard perdu.
;Mme DOUDKINA
://(seule)//
:Zola Vasilievna Doudkina, tu hurles dans le désert ! ... Pauvre, Pauvre cher Mioussov ! Elle rêve. Za/tsev entre par la porte qu"i/ avait prise pour sortit
;ZAITSEV
://(à luimême, accablé)//
:Il n'est pas dans la salle de billard, mais, naturellement, il y était encore il y a cinq minutes ! J'ai dû naitre cinq minutes trop tard ! ... Et cette grosse surprise de la Directrice, qu'estce que ça peut bien être ?
://(Il aperçoit Mme Doukkina toujours perdue dans ses pensées, la regarde un instant avec un mélange d'espoir et d'appréhension, se décide enfin.)//
:Excusezmoi, Madame...
;Mme DOUDKINA
://(léger sursaut)//
:Monsieur ? ... Vous désirez quelque chose ?
;ZAITSEV
: Oui, mais je voudrais d'abord vous poser une question. Euh... Estce que vous avez quelque chose qui commence par
://( A )//
:?
;Mme DOUDKINA
://(étonnée)//
:Quelque chose qui commence par
://(c A )//
)//
:? Où ça, Monsieur ?
;ZAITSEV
: Justement, je ne sais pas... Votre nom, peutêtre ou votre prénom...
;Mme DOUDKINA
:Pas du tout. Mes initiales sont Z.V.D. Monsieur. Vous m'excuserez de ne pas vous en dire davantage, mais je suis actuellement tenue à une certaine discrétion...
;ZAITSEV
://(soulagé)//
:Je vousen prie, je vous en prie ! Du moment que ça ne commence pas par
://(c A )//
)//
:! ... Voici donc ce que je voulais vous demander. Connaissezvous par hasard un certain Mioussov ?
;Mme DOUDKINA
://(dans un grand élan)//
:Mioussov ? Vous me demandez si je connais Mioussov ? Moi ?
://(Elle se domine et encha/he d'une voix indifférente.)//
:Mioussov, ditesvous ? Je crois effectivement avoir aperçu ce Monsieur deux ou trois fois dans cette maison... Comme ça en passant !
;ZAITSEV
: Vous avez de la chance ! Peutêtre alors pouvezvous me dire où il se trouve ? Je le cherche en vain depuis un temps infini et il faut absolument que je le voie !
;Mme DOUDKINA
://(frappée)//
:Ah ! ... Vous vouiez voir Mioussov !
;ZAITSEV
: j'ose même dire que c'est une question de vie ou de mort !
;Mme DOUDKINA
:Plus un mot, Monsieur, j'ai compris !
;ZAITSEV
: Ah bon !
;Mme DOUDKINA
://(très émue)//
:Que je vous regarde ! ...
://(Elle le regarde comme S"/"/ était une aurore boréale. Tête de Zaitsev.)//
:Comme c'est beau !
;ZAITSEV
://(gêné)//
:Je vous en prie, Madame ! ... Il est vrai que j'ai une certaine personnalité, surtout dans le ré19 T ! T i l. ! ! i ! i S 9 ! l. ; i ! ! gard, mais enfin...
;Mme DOUDKINA
://(ardente et retenue)//
:ii a peur, n'estce pas ? Il vous a appelé ? Et vous, ami fidèle, vous êtes accouru aussitôt ! Votre foyer, votre femme, vos enfants peutêtre, vous avez tout abandonné pour lui ! Quelle noblesse, Monsieur ! Monsieur ? ...
;ZAITSEV
://(débordé)//
:Moi, Madame ? Euh... Zaïtsev, Zai'tsev, employé au Service de I'Ap... r
;Mme DOUDKINA
:Zai'tsev ! je n'oublierai jamais ce nomlà !
;ZAITSEV
: Vous êtes très aimable mais je crains qu'il n'y ait une légère confusion. jamais le camarade Mioussov ne m'a appelé... C'est plutôt moi qui...
;Mme DOUDKINA
:Cette discrétion vous honore, Monsieur, mais elle est sans objet !
://(Pudique.)//
:Vous avez devant vous 1'Hélène infortunée de cette nouvelle guerre de Troie...
;ZAITSEV
://(perdu)//
:Enchanté Madame...
;Mme DOUDKINA
:Ne me condamnez pas trop vite ! C'est tellement fragile, une femme ! Un seul instant d'égarement c'est toute une vie qui s'écroule !
://(Dans une sorte de révolte douloureuse ! Aussi pourquoi êtes vous toujours là à rôder autour de nous avec des yeux luisants comme des loups ? Que voulezvous ? Que cherchezvous ?
;ZAITSEV
://(il nage)//
:Moi ? De la peinture Madame. Cinquante kilogs de peinture blanche émaillée. C'est pour les enfants...
;Mme DOUDKINA
://(soupir)//
:Les enfants ! Que n'en ai je eu, moi aussi ! Rien de tout cela ne serait arrivé ! ...
://(Une main sur le bras de Zaitsev.)//
:Merci en tout cas d'être venu si vite. Soyez prudent ! Je sais hélas que votre sacrifice sera inutile mais soyez prudent quand même ! C'est une force de la nature. Il nage jusqu'à la midé cembre entre les glaçons et il coupe une allumette à quinze pas !
;ZAITSEV
: Mioussov ?
;Mme DOUDKINA
:Non, l'autre ! Le monstre ! Il est en marche !
://(Un doigt sur les lèvres.)//
:Je ne vous connais pas, je ne vous ai jamais vu ! Courage ! Sortie rapide et dramatique de Mme Doudkina. Zaitsev ferme les yeux.
;ZAITSEV
://(seu//. je me demande jusqu'à quel point ils avaient le droit d'appeler ça une maison de repos... Entrée de K/ava lgniatiouk, un peu nerveuse elle aussi.
;KLAVA
://(à ellemême)//
:Il n'est pas dans la salle de billard, il n'y" a personne dans la salle de billard, pas même des billards ! Où estil, mon Dieu ? ...
://(Elle aperçoit Zaitsev qui ne lui prête aucune attention.)//
:Pardon, Monsieu r...
;ZAITSEV
:/sursautant/. Hein ? Quoi ? ...
://(Il se reprend.)//
:Excusezmoi, Mademoiselle, je suis un peu... sensible. C'est le... le repos, certainement. Je ne suis pas encore habitué. Au début, ça énerve ! En quoi puisje vous être utile ?
;KLAVA
:Pouvezvous me dire où on peut trouver les gens, dans cette maison ?
;ZAITSEV
:/arner)//
.7 Où on peut trouver les gens ? Nulle part, Mademoiselle ! je parle des gens qu'on cherche, bien sûr. Pour les autres il n'y a pas de problème ! Croyezmoi, ces
://(l Tournesols )//
)//
:sont u n étrange établissement, Tout ce que la Direction est capable de faire pour 43 roubles 50 kopeks, c'est de vous trainer sur le toit et de vous précipiter ensuite dans la compote d'abricots ! Après ça, débrouillez.vous ! Vos soucis personnels, votre honneur de fonctionnaire, vos cent cinquante petits enfants ! ... Si je comprends bien, vous cherchez quelqu'un, vous aussi ?
;KLAVA
:Mon mari, nous devons nous rejoindre ici et je sais qu'il est déjà arrivé. Seulement voilà, il semble s'être volatilisé !
;ZAITSEV
: Un mari ça devrait pouvoir se trouver, tout de même ! Vous le connaissez ? Vous l'avez déjà vu ?
;KLAVA
://(étonnée)//
:Mon mari ? Oui, évidemment !
;ZAITSEV
: Tandis que moi, je n'ai jamais vu le mien !
;KLAVA
:Votre mari ?
;ZAITSEV
: L'homme que je cherche, je veux dire. Je ne l'ai jamais vu, pas même de loin — c'est la première fois que j'ai affaire à ce Mioussov !
;KLAVA
://(frappée)//
:Que nom avezvous dit ? Mioussov ?
;ZAITSEV
: Oui, Mioussov. Pourquoi ?
;KLAVA
:Mon mari aussi veut absolument voir ce Mioussov, paraitil !
;ZAITSEV
: Beaucoup de gens veulent voir Mioussov. C'est un camarade très, très important !
;KLAVA
:Estce que... estce qu'il a un rapport quelconque avec la Marine Marchande ?
;ZAITSEV
: Avec la Marine Marchande ? Mioussov ? Il est Directeur du Centre Urbain de Distribution des Matériaux de Construction et d'Entretien des Edifices et Monuments Publics ! Le C.U.D.M.C.E.M.E.P. ! KLAVA /désemparée/. Alors je ne comprends pas... Je comprends de moins en moins...
;ZAITSEV
: ça c'est la spécialité de la maison ! Vous entrez et c'est fini, vous ne comprenez plus rien ! ...
://(Sourire.)//
:Maintenant excusezmoi, mais je dois continuer mes recherches...
;KLAVA
:Et moi les miennes !
://(Elle lui tend la main.l j'ai été très heureuse de vous connaitre.
;ZAITSEV
://(lui serrant la main)//
:Oh, ditesmoi savezvous ce que nous devrions faire ? Un pacte d'assistance réciproque. Si vous rencontrez Mioussov vous me le gardez et si je tombe sur votre mari je vous le ramène !
;KLAVA
://(riant)//
:Entendu !
;ZAITSEV
: Comment s'appelletil, au fait ?
;KLAVA
:Kostia. Kostia Galouchine.
;ZAITSEV
: Galouchine. C'est noté... Vous savez je suis sûr que nous allons nous porter bonheur. Pour ce genre de choses j'ai un flair étonnant ! Ce n°est pas vous qui commencez par un
://( A )//
:?
;KLAVA
://(étonnée)//
:Par un quoi ?
;ZAITSEV
: Par un
://( A )//
:Il paraît qu'une grosse surprise m'attend ici, aux
://( Tournesols )//
, et qu'elle commence par un
://(c A )//
)//
:Naturellement elle sera mauvaise. Je n'ai jamais eu de chance avec les grosses surprises. Ni avec les petites d'ailleurs !
;KLAVA
://(amusée)//
:Soyez en tout cas rassuré, en ce qui me concerne, je n'ai absolument rien qui commence par un
://( A )//
:Ni mon nom ni mon prénom.
;ZAITSEV
: J'en étais sûr !
;KLAVA
:Ma profession, à la rigueur, mais c'est tout.
;ZAITSEV
: Votre profession ?
;KLAVA
:L'agriculture. Je suis ingénieur agronome. Je m'appelle Klava lgniatiouk.
://(Le malheureux Zaitsev semble se décomposer brusquement — il ouvre des yeux immenses et plein d'horreur. Ses lèvres s'agitent sans prononcer aucune parole audible. K/ava s'inquiète.)//
:Mais qu'avezvous ? Vous vous sentez mal ?
;ZAITSEV
: Kla... Klava lgniatiouk ? ... La... la médaille d'or de la Pro.., Promotion ag... agricole ? C'est... C'est vous ?
;KLAVA
:Mais oui...
;ZAITSEV
: ça y est... la grosse surprise... Il s'effondre aux pieds de K/ava, évanoui
;KLAVA
://(affolée)//
:Monsieur ! Voyons Monsieur ! Ne faites pas ça !
://(Elle s'agenouille près de lui, lui tape dans le creux des mains.)//
:Mais qu'avezvous ? Qu'estce qu'il y a ? Monsieur I! Revenez ! Faites un effort, je vous en prie ! Je ne suis pas médecin, je suis ingénieur V @ mC * W 20 l. agronome ! /E//e se met à crier.)//
:Quelqu'un, vite ! Au secours ! Au secours ! Une porte s'ouvre à toute volée. C'est la Directrice.
;LA DIRECTRICE
://(dans le mouvementl. Qu'estce qu...
://(Elle voit Zaitsev étendu par terre. Son visage s'éclaire d"un vaste sourire.)//
:Merveilleux. Il a eu le choc !
://(Elle embrasse K/ava.)//
:Mon pigeon, ma colombe, comme je suis heureuse !
://(Elle crie.)//
:Docteur Kiriiof ! Docteur Kirilof !
://(A K/ava.)//
:Personnellement, voyezvous, j'ai toujours été partisan du choc. On obtient des résultats étonnants !
://(Elle crie.)//
:Le docteur va être ravi ! Maintenant, aidezmoi à le mettre dans un fauteuil. /K/ava obéit machinalement. Zaitsev est hissé dans le fauteuil.)//
:Vous ne trouvez pas qu'il a déjà bien meilleure mine ?
;KLAVA
://(sans opinion)//
:Beuh...
;LA DIRECTRICE
://(péremptoire)//
:Il a une mine magnifique !
://(Elle crie.)//
:Docteur Kirilof ! Docteur Kirilof ! Une porte s'ouvre et le Docteur Kiri/of paraît. Il se trouve que le Docteur Kirilof est une jeune femme. La gravité de sa fonction sociale se lit sur son charmant visage. Le Docteur Kirùof est un agréable échantillon de la
://(l jeune médecine )//
)//
:effiCiente, aux diagnostics foudroyants. Dr KIRILOF
://(calme)//
:Vous m'avez appelé Vera Karpovna ?
;LA DIRECTRICE
:Oui Docteur. Venez voir !... Le Docteur fait un pas vers Za/tsev, lui jette à distance un bref regard, se retourne vers la Directrice. Il y a dans sa voix une nuance de reproche. Dr KIRILOF. Syncope vulgaire sar)//
s aucun intérêt ! Appliquez les soins d'usage !
;LA DIRECTRICE
:C'est que, Docteur, il s'agit du cas que je vous exposais tout à l'heure... C'est le mari de Klava lgniatiouk. L"intérêt du Docteur semble brusquement éveillé. Dr KIRILOF
://(regardant Zaltsev)//
:Ah !
;LA DIRECTRICE
://(désignant K/ava)//
:Et voilà Klava lgniatiouk. Dr KIRILOF
://(regardant K/ara)//
:Ah ah ! ...
://(Son regard va alternativement du viSage de Za/tsev à celui de K/ava. Le jeu de scène doit être net. PuiS i7 hoche la tête.)//
:Oui, évidemment...
://(A K/ava.)//
:Vous sentezvous en état de répondre à quelques questions, Madame ?
;KLAVA
:Mais oui, Docteur, bien sûr ! Dr KIRILOF. Estil tombé tout de suite en vous voyant ?
;KLAVA
:Tout de suite ? Oh non ! Nous étions en train de bavarder, je lui ai dit à un certain moment :
://( Je suis Klava lgniatiouk. )//
:Alors il est devenu tout pâle et il est tombé ! Dr KIRILOF. Vous avez donc l'impression que ce fut pour lui une véritable révélation ? Il ne s'en doutait même pas ?
;KLAVA
:De quoi, Docteur ? Dr KIRILOF. Que vous étiez Klava lgniatiouk...
;KLAVA
://(déconcertée)//
:Non, bien sûr !
;LA DIRECTRICE
://(émue)//
:Mon pauvre pigeon... Dr KIRILOF
://(rêveur)//
:Très intéressant...
://(A K/ava./ Et jusquelà il ne vous avait jamais fait l'effet d'un homme... Comment diraisje... Psychiquement décalé ?
;KLAVA
:Psychiquement décalé ? ... Mon Dieu, non... Il faut dire aussi que je l'ai si peu vu ! Dr KIRILOF
://(compatiSsant)//
:Oui je sais...
;LA DIRECTRICE
://(émue)//
:Mon pauvre pigeon ! Le Docteur tire de la pochette de sa blouse blanche une paire de lunettes à monture sombre qu'il chausse gravement, puiS il prend le pouls de Za/tsev. Dr KIRILOF. Aucune tachicardie...
://(Il retrousse une paupière de Zaitsev, puiS les lèvres.)//
:Chlorose accentuée des tissus sousdermiques, évidemment, mais il fallait s'y attendre...
://("Il tape sur le genou gauche de Zaitsev qui replie aussitôt la jambe droite et i7 dit.)//
:Réflexes normaux, étant donné la situation... Sous réserve bien entendu d'un examen plus approfondi, je pense qu'il n'y a pas lieu de s'inquiéter outre mesure. Symptomatologiquement il ne semble y avoir rien de très alarmant... KLAVA ©enti//e/. Ah bon, tant mieux ! J'ai beau ne l'avoir connu que pendant quelques instants, j'ai vraiment beaucoup de sympathie pour lui ! J'aurais été navrée qu'il lui arrive quelque chose de grave. Discret étonnement du Docteur devant un tel détachement. Il échange avec la Directrice un bref regard. Dr KIRILOF. Entendonsnous bien, Madame, si ce n'est pas grave, c'est tout de même important. Il a beaucoup souffert, vous vous en doutez !
;KLAVA
://(dans une petite moue)//
:Je dois dire que je 1°ai trouvé un peu... enfin, un peu chétif. Dr KIRILOF
://(nuance de froideurl. Chétif ? ... Disons le mot exact, l'organisme est épuisé. La privation prolongée de toute espèce de crudités ou de légumes frais et l'exposition aux basses températures ont provoqué une carence à peu près totale des vitamines Cl, C2, K6. Je ne vous cache pas que ses muqueuses sont dans un état particulièrement déplorable et cela ne date certainement pas d'hier. je m'étonne même que vous ne vous en soyez pas aperçue.
;KLAVA
://(ahurie)//
:Moi, Docteur ? Pourquoi voulezvous que je m'intéresse à des muqueuses, je suis ingénieur agronome ! Dr KIRILOF
://(très froid)//
:Il me semble tout de même qu'étant donné les circonstances... enfin passons !
://(Nouveau regard bref entre la Directrice et lui.)//
:De toute façon il s'en sortira, c'est le principal. Je compte naturellement sur vous pour l'y aider.
;KLAVA
://(sursautant)//
:Sur moi ? Vous plaisantez, docteur ! Dr KIRILOF
://(glacé)//
:Jamais dans l'exercice de ma profession, Madame ! Ou alors, je préviens !
;KLAVA
://(révoltée)//
:Mais enfin, ce que vous me demandez est parfaitement... parfaitement ridicule ! Il existe des infirmières dont c'est le métier de soigner les gens ! Moi, j'ai mon travail, mes études, ma vie de femme !
;LA DIRECTRICE
://(choquée)//
:Mon pigeon voyons !
;KLAVA
://(lancée)//
:Mais oui, Madame, ma vie de femme ! Et même de femme amoureuse, je ne crains pas de le préciser ! Après les dixhuit mois d'absence de mon mari j'ai tout de même droit à quelques compensations, vous ne croyez pas ? J'ai vingtcinq ans, moi, figurezvous ! Je ne me sens pas du tout d'humeur à m'installer au chevet d'un vieux Monsieur dévitaminé ! Dr KIRILOF
://(ulcéré)//
:Très bien, Madame, très bien, je n'insiste pas ! C'est évidemment un point de vue...
://(A la Directrice.)//
:Dans ces conditions, Vera Karpovna, vous voudrez bien établir pour ce malheureux une demande d'admission dans une clinique d'Etat.
://(Regard vers
;ZAITSEV
:qui s'agite faiblement.)//
:Ah, le voilà qui reprend connaissance ! ... Il se penche vers /u/ Zaiïsev ouvre un œil encore embrumé sur le monde extérieur. La blouse blanche du Docteur le replonge d'un seul coup dans son idée fixe.
;ZAITSEV
://(légèrement bredouillant)//
:Ah, c'est blanc ça, c'est le magasinier ! ... Cinquante kilos ! J'en veux cinquante kilos, tout de suite ! Dépêchezvous ! Dr KIRILOF. Cinquante kilos ? ...
://(Il se tourne vers K/ava.)//
:Cinquante kilos de quoi, à votre avis ?
;KLAVA
://(agacée)//
:Mais je n'en sais rien, Docteur !
;ZAITSEV
://(au Docteur.)//
:Docteur ? Pourquoi Docteur ? Vous n'êtes pas le magasinier ? Dr KIRILOF
://(un peu vexé)//
:Je suis le Docteur Kirilof !
;LA DIRECTRICE
://(apaisante)//
:Allons, cher Monsieur et client, cher ami, rappelezvous ! Vous êtes ici à la célèbre maison de repos //« Les Tournesols )//...
://(Zaibev ouvre des yeux égarés.)//
:Moi, je suis Vera Karpovna, votre bonne Directrice, vous vous souvenez ? ... Je vois que ça vient, je vois que ça vient!...
://Zaîtsev se souvient. Il jaillit hors de son fauteuil.//
;ZAITSEV
://(étreignant le Docteur)//
://« Les Tournesols »// ! Au secours ! je veux rentrer chez moi ! je veux rentrer chez moi !
;Dr KIRILOF
:Mais oui, mais oui, vous rentrerez chez vous tout à l'heure, c'est promis ! Allons, calmezvous ! ... Tcr€z regardez plutôt qui est là...
://Il se tourne vers Klava.//
;ZAITSEV
: Qui... qui c'est ça ?
;Dr KIRILOF ET LA DIRECTRICE.
:C'est Klava lgniatiouk !
;ZAITSEV
://(dans un cri)// Klava lgniatiouk ! Encore ! Non ! Non !
://(Il veut se précipiter dehors. Le Docteur et la Directrice le retiennent de justesse. Il se débat.)//
:Lâchezmoi ! Lâchezmoi !
://(Ils le ramènent vers le fauteuil dans lequel i7 se laisse tomber en gémissant.)//
:je ne le ferai plus, c'est promis !
://(Il se tourne vers K/ava, suppliant, les mains jointes.)//
:C'était pour les enfants ! C'était pour les enfants !
//Il se laisse aller sur le dossier du fauteuil et ferme les yeux. Le Docteur Kiri/of regarde K/ava.
;Dr KIRILOF
:Je ne savais pas que vous aviez des enfants !
;KLAVA
:Moi ? Mais je n'ai pas d'enfants, Docteur ! C'est lui qui en a !
;Dr KIRILOF
://(pincé)//
:Ah bon... Et de qui ?
;KLAVA
://(parfaitement indifférente)//
:Je ne sais pas du tout. Il ne m'a absolument rien dit à ce sujet!
;Dr KIRILOF
:Et pas un seul instant vous n'avez eu la curiosité de lui poser la question ?
;KLAVA
://(étonnée)//
:Mais cela ne me regarde pas, Docteur ! Il peut bien avoir des enfants de n'importe qui, que voulezvous que ça me fasse ? Léger sursaut du Docteur qui ferme les yeux.
;Dr KIRILOF
:Quelle génération !
;LA DIRECTRICE
://(doucement réprobatrice)//
:Mon petit pigeon, mon petit pigeon ! ...
://(Elle pose la main sur le bras du Docteur...)//
:Docteur, puisje vous dire un mot en particulier ? ...
://(Elle l'entraîne un peu à l'écart, baisse la voix.)//
:La vérité c'est qu'il a été marié deux fois. Seulement, Klava ne le sait pas, vous comprenez ? C'est lui qui me l'a dit... Dr KIRILOF
://(bas)//
:Ah bon... De toute manière, d'ailleurs, cela lui serait absolument égal! Je n°ai jamais vu un pareil cynisme !
;LA DIRECTRICE
://(bas)//
:Ne la jugez pas trop sévèrement. C'est un petit oiseau tombé du nid ! Dr KIRILOF
://(bas)//
:Drôle de nid, permettezmoi de vous le dire, et drôle d'oiseau.
://(Il revient vers K/ava.)//
:Revenons à la médecine pure, Madame. Je pense qu'il est urgent de provoquer la dissociation des liaisons anormales des cellules nerveuses de notre malade. je préconise donc un électrochoc de faible amplitude. Y voyezvous un inconvénient, Madame ?
;KLAVA
://(étonnée)//
:Moi ? Pas le moindre, docteur ! C'est vous que cela regarde ! Pourquoi me demandezvous ça ? Dr KIRILOF
://(froid)//
:Parce que c'est l'usage, Madame ! Et permettezmoi d'ajouter que vous prenez la chose avec une légèreté que je déplore !
://(Il vient vers Zaitsev qui est plongé dans une sorte de torpeur, le prend par le bras pour l'aider à se lever.)//
:Allons, mon pauvre ami, venez avec moi...
;ZAITSEV
://(sursaut de terreurl. Où ? A la police ?
;Dr KIRILOF
:Mais non voyons ! Dans mon cabinet.
;ZAITSEV
: Je ne veux pas aller dans votre cabinet ! Je veux voir Mioussov !
://(La Directrice le prend par /"autre bras. Il résiste.)//
:Je vous dis que je veux voir Mioussov !
;LA DIRECTRICE
://(apaisante)//
:Mais oui, mais oui. Mioussov est justement dans le cabinet du Docteur !
;ZAITSEV
: Il est donc dans le cabinet du Docteur! Conduisezmoi tout de suite dans le cabinet du Docteur !
://(Il se laisse entraîner. Avant de sortir, il tourne la tête vers K/ava.)//
:C'était pour les enfant ! C'était pour les enfants ! Ils sortent tous les trois. K/ava reste seule, visiblement dépassée par les évènements. Elle s'assied dans un fauteuil épuisée, et ferme les yeux un instant, ses doigts pressés contre ses tempes. Entre Kostia Galouchine, un grand garçon sympathique au visage jeune, bien qu'un peu buriné et hâlé par la vie au grand air. Il aperçoit K/ava
://(de dos)//, pousse une sorte de cri sauvage, se rue vers elle et la serre frénétiquement contre lui.
;KOSTIA
:Klava ! Klavoutchka Klavoutchienska ! Klavioutchetchka ! Mon amour ! Il la couvre de baisers, l'étouffe. A demi submergée par cette attaque brusque, elle a un réflexe de défense, tente de se dégager.
;KLAVA
://(elle le reconnaît, pousse un cri de joie)//
:Kostia !
://(Elle se jette contre lui, le couvre de baisers.)//
:Kostinka ! Kostiouchka ! Kostetchka ! Kostiadoucka ! Ma vie ! Ils restent silencieux, enfouis dans les bras l'un de l'autre, littéralement soudés. a,,e2 Au lever du rideau K/ava et Kostia sont exactement dans la même position. Une porte s'ouvre et Madame Doudkina paraît sur le seui7.
;Mme DOUDKINA
:Excusezmoi, vous n'avez pas vu Mioussov ? Ils ne lui répondent rien pour la bonne raison qu'ils ne /"ont même pas entendue. Mme Doudkina a un hochement de tête plein d'amertume et disparaît par la même porte. Kostia et K/ava se séparent sans se lâcher. La jeune femme caresse tendrement la joue du garçon.
;KLAVA
://(bouleversée)//
:Toi ! C'est toi ! ... KOSTIA
://(bouleversé)//
:C'est moi, Klavoutchka...
;KLAVA
://(se serre contre lui)//
:Kostiadouchka ! Ma vie !
;KOSTIA
:Mon amour!
;KLAVA
:Dixhuit mois sans toi, et la terre a pu tourner ! ...
://(Brusque changement de ton. Elle recule pour le regarder.)//
:Laissemoi voir un peu... Mais elle est folle ! Elle est complètement folle !
;KOSTIA
:Qui ?
;KLAVA
:Vera Karpovna !
;KOSTIA
:Qui est Vera Karpovna ?
;KLAVA
:La Directrice ! Tu n'es pas chauve ! KOSTIA
://(étonné)//
:Pourquoi veuxtu que je sois chauve ! ?
;KLAVA
:Tu n'es pas nerveux ! Tu n'as pas de poches sous les yeux ! Comment t°appellestu ? KOSTIA
://(ahuri)//
:Hein ?
;KLAVA
:je t'en prie, Kostia, sois gentil et dismoi com22 ment tu t'appelles l
;KOSTIA
:Mais enfin, Klava, qu'estce qui te prend ? ...
;KLAVA
:Disle moi! Disle moi ! KOSTIA
://(énervé)//
:Galouchine, évidemment ! Tu devrais le savoir mieux que personne !
;KLAVA
://(ravie)//
:Galouchine ! C'est bien ça ! Tu l'as dit du premier coup ! // fronce les sourcils, la tient un peu à distance.
;KOSTIA
:Regardemoi, Klava ! Saistu que tu me fais peur ? Je reritre au bout de dixhuit mois d'absence après avoir réparé un gouvernail dans des conditions effroyables par 36 degrés audessous de zéro et la première chose que tu fais c'est de me demander comment je m'appelle ! Tu l'avais donc oublié ? ...
;KLAVA
:Mais non ! C°est la Directrice... KOSTIA
://(la coupe)//
:La Directrice n'a rien à voir làdedans ! je trouve ton comportement bizarre, et j'exige des explications ! Il s'est passé des choses en mon absence, hein ?
;KLAVA
:Rien du tout, idiot !
://(Elle se calme, sourit.)//
:Nous voilà en train de nous chamailler et tu arrives à peine ! je t'en prie, ne commence pas tout de suite avec ta jalousie ! je suis ta Klava, ta petite pomme chérie, ta Klavoutchenska pour la vie et je t'aime, voilà tout ! Tu ne sais pas encore que je t'aime, grand imbécile de briseur de glace ?
;KOSTIA
:Si mais, tout de même, avoue que c'est un accueil curieux pour un mari qui revient du Pôle Nord après...
;KLAVA
://(le coupe)//
:Après dixmois d'absence, je le sais aussi bien que toi ! Parce que si tu as compté les mois, moi j'ai compté les minutes ! Il se peut en effet que ce soit un accueil curieux pour un mari mais je n'y suis pour rien ! je te répète que c'est la Directrice...
;KOSTIA
:Klava, je t'en prie !
;KLAVA
://(criantl. ... La Directrice qui m'a dit que tu étais fou, là !
://(Sursaut de Kostia.)//
:Tu es content maintenant ? KOSTIA
://(sec)//
:Avoue qu'il y a de quoi!... Alors tu me trouves fou ?
;KLAVA
:Pas moi ! La Directrice ! Elle m'a raconté des choses affreuses... Que tu avais perdu tes cheveux, que tu tenais des propos sans queue ni tête, que tu avais l'air d'avoir cinquantetrois ans...
://(Nouveau sursaut de Kostia.)//
:Tu as un peu changé, évidemment, tu es plus... plus viril, plus mûri tu as peutêtre des petites rides au coin des yeux mais, tout de même, elle voit les choses en noir!
;KOSTIA
:PlutÔt, oui.
://(Brusquement.)//
:Au fait, comment at elle pu vo'r tout cela ? Elle me connait ?
;KLAVA
:Bien sûr. Tu lui as parlé en arrivant.
;KOSTIA
:La seule personne que j'ai vue c'est une dame que j'ai rencontrée dans le jardin et à qui j'ai demandé où je pouvais te trouver et qui m'a envoyé dans la salle de billard !
;KLAVA
:Dans la salle de billard ! Alors, c'est elle. KOSTIA
://(indigné)//
:Alors elle ne m'a même pas vu pendant une minute et cela lui suffit pour trouver que je fais cinquantetrois ans ? Excusemoi, Klava, mais tu as choisi une. drÔle de maison pour me retrouver après dixhuit mois d°absence l
;KLAVA
://(câbrée)//
:Je te fais remarquer que c'est toi qui m'as donné l'adresse ! Pourquoi n'estu pas venu directement chez nous ? KOSTIA
://(hoche la tête)//
:Je ne sais pas exactement... Il y a un parc, ici. Après tout ce temps passé sur la banquise, j'avais besoin de voir des arbres...
://(Il la regarde ému.)//
:Tu étais sous un arbre la première fois que je t'ai vue, Klavoutchka...
;KLAVA
://(bouleversée)//
:Kostiadouchka ! Elle se jette dans ses bras. Ils s"étreignent. C"est le moment précis, bien entendu, que choisit la Directrice pour entrer. Elle sursaute devant le spectacle du couple enlacé.
;LA DIRECTRICE
:Oh !
;KLAVA
://(radieuse)//
:Regardez, Madame ! Il n'est pas chauve, il n'a pas de poches sous les yeux et il a trente ans !
;LA DIRECTRICE
://(sèche)//
:Je vois, en effet ! Permettezmoi simplement de vous dire qu'il n'est pas de très bon goût de le faire remarquer avec une pareille ostentation. Surtout ici !
://( Les Tournesols )//
:sont une maison... enfin je veux dire que les
://( Tournesols )//
:ne sont pas une maison !
;KLAVA
://(interloquée)//
:Mais Madame...
;LA DIRECTRICE
:Il suffit.
://(Elle foudroie Kostia du regard, passe, marche dignement vers une autre porte, se retourne avant de sortir.)//
:J'admets que vous ayez certaines excuses et que vous apparteniez à une génération avide de plaisirs immédiats, mais il me semble tout de même que vous auriez pu au moins attendre les résultats de l'électrochoc !
;KLAVA
:Pourquoi ?
;LA DIRECTRICE
:Pourquoi ? ... Vous me décevez vraiment beaucoup, ma colombe !
://(Les yeux au ciel.)//
:Et quand je dis ma
://( colombe )//
:!... Elle sort. Kostia regarde K/ava.
;KOSTIA
:Qu'estce qu'elle a voulu dire avec son électrochoc ?
;KLAVA
://(déconcertée)//
:Je ne vois pas... J°ai toujours beaucoup de mal à la comprendre...
://(Elle rit.)//
:Tant pis i Je ne suis pas venue ici pour comprendre cette dame, je suis venue pour toi, mon marin chéri ! Viens, racontemoi tout, ton voyage, ton séjour làbas... Estce que je t'ai beaucoup manquée, au moins, sur ton maudit briseglace ? Estce que tu as été très malheureux sans ta Klavoutchka ?
;KOSTIA
:Tu le demandes ! J'ai été horriblement malheureux !
;KLAVA
:C'est merveilleux ! Raconte, mon amour, raconte !
;KOSTIA
:Dixhuit mois, Klava ! Cinq cent quarantesept jours loin de toi, sans compter les nuits ! Et ce sont des nuits polaires, ça n'en finit plus ! Je pensais sans cesse à toi ! Au gouvernail, bien sûr, mais surtout à toi ! ... Je.fermais les yeux très fort et je me disais :
://(c Kostia, Kostia, il y a làbas une Russie, faite de terre et d'arbres, et dans cette Russie il y a une Klavoutchka qui t'attend ! Tiens bon, Kostia ! ... )//
)//
:Mais parfois aussi, les jours de cafard, je me disais au contraire:
://( Pauvre idiot, tu penses comme elle t'attend, ta Klavoutchka ! )//
;KLAVA
://(outrée)//
:Oh ! Et tu pouvais supporter de t'entendre te dire des choses pareilles sur mon compte ? KOSTIA. Si tu étais assise sur une calotte glaciale pendant des semaines, en têteàtête avec des boites de conserve et un gouvernail cassé, tu crois que tu pourrais penser uniquement à des choses amusantes ? Moi en tout cas je ne pouvais pas ! Tiens, ce matin encore...
;KLAVA
:Eh bien ? KOSTIA. Quand j'ai acheté le journal en arrivant à la gare et que j'ai vu qu'il parlait de toi, j'ai pensé tout de suite :
://( Maintenant qu'elle a une médaille d'or pourquoi voudraitelle encore d'un chauffeur mécanicien de la Marine Marchande ! )//
;KLAVA
://(tendre, souriante)//
:Que tu es bête, Kostiadouchka, et comme tu sais bien être bête ! Tu me vois en train de dormir avec une médaille d'or dans mes bras ? A ce moment entrée de Choura.
;CHOURA
://(à K/ava)//
:Excusezmoi de vous déranger mais votre bain est prêt, camarade Igniatiouk I 23 KOSTIA. Galouchine !
;CHOURA
://(le regarde)//
:Pardon ?
;KLAVA
://(sourire)//
:je vous expliquerai plus tard. Estce que le bain ne peut pas attendre un peu ?
;CHOURA
:On y a déjà mis l'essence de pin.
;KLAVA
:Alors, j'y vais. De toute façon, cela ne peut pas me faire de mal !
;CHOURA
:Nos bains à l'essence de pin n'ont jamais fait de mal à personne, camarade lgniatiouk.
;KOST1A
://(agacé)//
:Galouchine !
://Choura le regarde en fronçant les sourcils.//
;CHOURA
:C'est vous, Galouchine ?
;KOSTIA
:Oui, et elle aussi !
;CHOURA
:C'est votre sœur ? KOSTIA
://(agacé)//
:C'est ma femme !
;CHOURA
://(perplexe)//
:Votre femme ? Elle s'appelle lgniatiouk !
;KOSTIA
:Elle s'appelle lgniatiouk mais elle devrait s'appeler Galouchine.
;CHOURA
:Alors pourquoi ne s'appelletelle pas Galouchine ? KOSTIA
://(exapéré)//
:Parce qu'elle s'appelle lgniatiouk.
://(A K/ava.)//
:Tu vois comme c'est agréable !
;KLAVA
:Ce n'est pas de ma faute. Je t'en prie, Kostiadouchka, ne recommence pas avec cette histoire.
://(A Chourà.)//
:C'est un peu compliqué, je vous expliquerai plus tard. Indiquezmoi la salle de bains, vous serez gentille.
;CHOURA
:je vais vous conduire.
;KLAVA
:A tout de suite, mon chéri. Je te retrouve ici... Les deux femmes vont pour sortir. Choura se retourne.
;CHOURA
:Et excusezmoi, camarade lgniatiouk.
;KOSTIA
://(criantl)//
:Gaiouchine !
://(Choura lève les yeux au ciel et sort derrière K/ava. Resté seul, Kostia, très énervé, fait quelques pas au hasard, prend un journal sur la table basse, /"ouvre, le rejette rageusement.)//
:Klava lgniatiouk ! Toujours Klava lgniatiouk ! je suis Klava lgniatiouk, de la Marine Marchande !
://Il recommence à se promener dans un état de grande agitation, le regard sombre et tapant de son poing droit dans la paume de sa main gauche. Une porte s"ouvre devant lui et Mioussov paraît, le regard craintif. Il sursaute en se trouvant nez à nez avec Kostia.
;MIOUSSOV
:Doudkine !
;KOSTIA
:Qu'estce que vous dites ?
;MIOUSSOV
://(tremblant)//
:Je vous en prie ! Si vous... Si vous êtes Doudkine, ditesle tout de suite et que ce soit fini !Voilà une heure que je me cache dans le placard à balais! Ce n'est pas une vie !
;KOSTIA
:je suis Galouchine,
;MIOUSSOV
:Qui ?
;KOSTIA
:Galouchine !
;MIOUSSOV
:Vous n'êtes pas le professeur Doudkine celui qui coupe les allumettes ? Vous en êtes sûr ?
;KOSTIA
:je vous répète que je suis Galouchine ! Rien d'autre !
;MIOUSSOV
://(encore tout remué)//
:Eh bien tant mieux ! Merci et excusezmoi, Monsieur Lagouchine... Non, Goulachine ! ... Chagouline ! Chaliapine... Il sort par la même porte. Kostia hausse les épaules.
;KOSTIA
:Quelle maison !
://Le Portier entre par une autre porte.//
;LE PORTIER
:Bonjour Monsieur, Excusezmoi mais je ne vous ai pas vu entrer, j'étais allé boire une tasse de thé et je ne supporte pas le thé chaud. Vous venez pour vous reposer ?
;KOSTIA
:Si on veut !
;LE PORTIER
//mécaniquement//.
:Nous vous remercions d'avoir choisi notre maison. Soyez le bienvenu. Quiconque s'est reposé une fois aux
//« Tournesols »// ne peut plus se reposer ailleurs... Vous avez votre certificat de travail ?
;KOSTIA
:J'ai une prise en charge pour vingtquatre heures du Ministère de la Marine Marchande.
://(Il la lui tend.)//
:La voici. Je vous ai d'ailleurs téléphoné ce matin.
;LE PORTIER
:Ah oui, parfaitement ! Au fait, c'est Tchine, ou Ckine ?
;KOSTIA
:Pardon ?
;LE PORTIER
:Votre nom, je veux dire, c'est Gabuchine ou Galoutchkine ?
;KOSTIA
:"Ni Tchine ni Chkine. Chine. Galouchine.
;LE PORTIER
://(un peu déçu)//
:Ah bon...
://(Dans un sourire commercial.)//
:Mais peu importe, soyez quand même le bienvenu. Monsieur Galouchine. Vous vous plairez certainement beaucoup aux //« Tournesols »//
:Vous verrez, c'est une maison pleine de gens célèbres. Par exemple, nous attendons pour le déjeuner un grand savant, le professeur Doudkine ! KOSTIA. Ah oui, celui qui coupe les allumettes !
;LE PORTIER
://(un peu surpris)//
:Le professeur Doudkine ? ...
://(Hochant la tête.)//
:Il a dû inventer un nouveau procédé... Estce que vous connaissez aussi la célèbre camarade Klava lgniatiouk qui vient d'obtenir la.,. médaille d'or de je ne sais plus quoi. KOSTIA. Je connais, je connais !
;LE PORTIER
:Eh bien elle se repose ici avec son mari ! KOSTIA
://(frappé)//
:Son mari ? Comment pouvezvous le savoir ?
;LE PORTIER
:C'est lui qui me l'a dit ! KOSTIA
://(tendu)//
:Attention, mon ami, je vous demande de peser soigneusement vos paroles ! Vous dites bien que quelqu'un vous a dit, à vous, portier, qu'il était le mari de Kiava lgniatiouk ?
://(Acquiescement du Portier.)//
:Cet homme, vous l'avez vu ? ...
;LE PORTIER
:Bien sûr, un petit chauve très bien, très distingué. Un peu nerveux, mais très distingué ! Maintenant, comme ii y a une énorme différence d'âge entre eux, c'est peutêtre pour ça... KOSTIA. Pour ça quoi ?
;LE PORTIER
:C'est peutêtre pour ça qu'il est nerveux... Moi, en tout cas, je le serais. Kostia fait un effort terrible pour se dominer. KOSTIA. Je vois.,. Ils sont venus ici pour se rejoindre, certainement,.. C'est votre impression, n'estce pas ?
;LE PORTIER
:Bien sûr! Un bon petit dimanche aux //« Tournesols »//
, ça ne se refuse pas ! C'est une maison tellement tranquille ! Un vrai petit nid ! Kostia serre les poings, respire un bon coup mais réussit encore à se dominer. KOSTIA. Je vous remercie.
;LE PORTIER
://(poh/. Il n'y a pas de quoi. KOSTIA
://(hurlant brusquement/. Il n'y a pas de quoi mais je vous remercie quand même ! Sursaut du portier. Au même instant, une porte s'ouvre à la volée et le Docteur Kiri/of entre en coup de vent, essouf/é. Il jette autour de lui un regard rapide. Dr KIRILOF
://(voix essouf/ée)//
:Philippe, vous ne l'avez pas vu ? Il a réussi à s'échapper juste au moment où il entrait dans la salle de physiothérapie !
;LE PORT1ER
:Qui cela, Docteur ?
;Dr KIRILOF
:Le mari de Klava lgniatiouk ! KOSTIA. Le mari de Klava lgniatiouk, c'est moi ! Le Docteur Kiri/of lui lance un mauvais regard. I 4 q 24 i r KIRILOF
://(sèchement)//
:Je vous en prie, jeune homme, ce n'est pas le moment de plaisanter ! Il sort rapidement, laissant Kostia suffoqué. E PORTIER. ça, c'est le docteur tout craché ! Il a horreur des blagues. Moi aussi j'ai essayé de le faire rire deux ou trois fois, mais finalement j'y ai renoncé !
://(OSTIA
://(crispé)//
:Parce que, pour vous tous, le fait que je me prétende le mari de Klava lgniatiouk ne peut être qu'une blague ?
;LE PORTIER
://(souriantl. Ben voyons ! Remarquez que ça aurait marché sûrement si personne ne connaissait l'autre, le vrai. Vous êtes ma! tombé, voilà tout, Monsieur Galouchkine ! KOSTIA
://(morne)//
:Chine.
://(Dans un sourire amer.)//
:Vous avez raison, mon ami, je suis mal tombé... Qu'il s'agisse de femmes, d'océans ou de gouvernails, je tombe toujours mal ! Croyezmoi l'absence est la maladie mortelle de l'amour...
://(Dans un vague haussement d'épaules.)//
:Que faire contre cela ? Pourquoi se débattre ? A quoi bon insister ? ...
;LE PORTIER
:Bah ; ce n'est pas bien grave ! Vous en trouverez une autre, voilà tout !
://(Kostia le regarde.)//
:Une autre blague. KOSTIA
://(le regard perdu)//
:Ah oui, une autre blague ! ... Une autre Klavoutchka ! ...
;LE PORTIER
:Vous savez, je ne voudrais pas vous effrayer, mais vous devriez prendre un bon bain à l'essence de pin !
://(Appelant.)//
:Choura ! Choura ! ... C'est le docteur Kiri/of qui entre. Dr KIRILOF
://(sévère)//
:Eh bien, Philippe, qu'avezvous à crier comme un cochon qu'on égorge ?
;LE PORTIER
:Excusezmoi, Docteur, mais il s'agit d'un cas urgent !
://(Il lui désigne Kostia toujours immobile, le regard fixe.)//
:'Là ! ...
;Dr KIRILOF
:Personne ne vous a jamais dit qu'on ne montre pas les gens du doigt ?
://(Elle regarde Kostia.)//
:Bonjour cher Monsieur. Je suis le Docteur Kirilof...
://(Silence de Kostia. Elle élève un peu la voix.)//
:Bonjour, je suis le Docteur Kirilof ! ...
://(Silence de Kostia. Elle crie.)//
:Je suis le Docteur Kirilof !
://(Silence de Kostia. Elle se retourne vers le portier.)//
:État prostratif dû probablement à un choc du subsconscient. Solarium et bain à l'essence de pin, tout de suite !
;LE PORTIER
:C'est ce que j'avais préconisé, docteur. Dr KIRILOF
://(bref regard vers Kostia)//
:Il a l'air en très mauvais état. Qui estce ?
;LE PORTIER
:Il avait téléphoné tout à l'heure pour annoncer son arrivée. C'est un nommé Galoutchine. KOSTIA
://(mécaniquement, voix morne)//
:Chine.
;LE PORTIER
:Chine. De la Marine Marchande.
;Dr KIRILOF
:Lui aussi ? Eh bien bravo ! lis font du joli travail, dans la Marine Marchande ! Rien que des épaves ! Emmenezle et dites qu'on me prévienne si cela ne va pas mieux après le bain.
;LE PORTIER
://(en regardant Kostià)//
:ça va pas être commode.
://(Il vient vers Kostia, le prend genuinent par le bras.)//
:Allons, venez, Monsieur. On va vous mettre sur le toit. KOSTIA. je ne veux pas qu'on me mette sur le toit.
;LE PORTIER
:Il le faut. KOSTIA
://(résistantl. Je ne veux pas.
;LE PORTIER
://(le tirant)//
:Juste cinq minutes ! KOSTIA
://(résistant,)//
:Je ne veux pas.
;LE PORTIER
://(le tirant toujoursl. C'est pour votre bien ! KOSTIA
://(résistant)//
:je ne veux pas. Découragé, le portier se tourne vers le Docteur.
;LE PORTIER
:Il ne veut pas ! Dr KIRILOF
://(agacé)//
:Demandezlui ce qu'il veut alors, ce sera plus simple !
;LE PORTIER
:Alors qu'estce que vous voulez ? KOSTIA. Je veux voir Klava Igniatiouk ! Dr KIRILOF
://(satisfait)//
:Ah, voilà au moins quelque chose de positif ! KOSTIA
://(avec force)//
:Je suis le mari de Klava Igniatiouk ! Dr KIRILOF
://(apaisant)//
:Mais oui, mais oui, ne vous énervez pas... Vous me l'avez déjà dit. Vous vous appelez Galouchine, mais vous êtes le mari de Klava lgniatiouk, voilà ! KOSTIA. Oui monsieur. Dr KIRILOF
://(aimable)//
:C'est tout à fait normal ! ... Vous la connaissez depuis longtemps ? KOSTIA
://(amer)//
:On ne connaît jamais personne ! J'ai cru la connaitre, ça oui,.. Autrefois ! ... Il y a longtemps, si longtemps ! ... Dr KIRILOF
://(attentif et doux)//
:Je vois. Dans une autre vie, en somme ? ... KOSTIA
://(amerl. C'est le mot juste. Dans une autre vie ! ...
;Dr KIRILOF
:Et vous voulez absolument la revoir ? KOSTIA /ardent/. Oui ! Pour lui dire que je ne veux plus la voir ! Dr KIRILOF
://(aimable)//
:Je comprends. Je comprends parfaitement... KOSTIA
://(douloureux)//
:Vous ne pouvez pas comprendre ! Elle m'a tué, Docteur ! Je suis mort ! Dr KIRILOF
://(apaisant)//
:Ce n'est pas grave ! Pas grave du tout ! Et maintenant, allez vite sur le toit ! KOSTIA. je ne veux pas aller sur le toit ! Je veux voir Klava ! Dr KIRILOF
://(aimable)//
:Mais elle est sur le toit, justement ! KOSTIA. Elle est sur le toit ? Je veux aller sur le toit!
;LE PORTIER
://(ob/igeant/. Je vais vous conduire, Monsieur Galouchkine. KOSTIA. Chine ! Il sort sous la conduite du Portier. Le Docteur hoche la tête, visiblement préoccupé. C'est alors que la Directrice entre.
;LA DIRECTRICE
:Alors, Docteur, vous l'avez retrouvé ?
;Dr KIRILOF
:Qui?
;LA DIRECTRICE
:Le mari de Klava lgniatiouk.
;Dr KIRILOF
:Non, mais j'en ai trouvé un autre !
;LA DIRECTRICE
:Un autre mari ?
;Dr KIRILOF
:Oui, et il n'est pas en meilleur état que le premier ! il s°imagine qui l'a épousée dans une autre vie et qu'elle l'a tué !
;LA DIRECTRICE
:Quelle horreur !
;Dr KIRILOF
:C'est un cas préoccupant, Vera Karpovna, je ne vous le cache pas. Obsession sexuelle, sans doute, à base de fixation onirique... Sortie du Docteur. La Directrice hoche la tête.
;LA DIRECTRICE
://(atterrée)//
:Et tout ça aux
://(c Tournesols » ! ... La porte d'entrée s"ouvre alors à la volée et le Professeur Doudkine entre en courant. Bien entendu, il n"est pas du tout l'image d"un homme qui nage entre les glaçons et qui coupe des allumettes à quinze pas. Là encore, /"/magination de Mme Doudkina a fait merveille. Le Professeur Doudkine est un homme tout à fait charmant et de bonne compagnie, bien que très agité en ce moment précis — à signaler qu'il tient à la main un énorme bouton de porte, une poignée plus exactement. Pr DOUDKINE
://(dans le mouvementl. Ma femme ! Où est ma fem me ? La Directrice n"a pas été maîtresse d"un sursaut devant cette irruption brutale. C,)//
:l ! ij. l:, t ' S '":'j ·4 ' ! r t,,, ! M.': r 3 'i î' C '.P" 4 .. 'S b ; h i' L, ! F · ! 25
;LA DIRECTRICE
:Encore un ! Je vous en prie. Monsieur ne vous énervez pas ! Vous êtes ici dans une maison de repos ! Que voulezvous ? Pr DOUDKINE. Je veux voir ma femme ! Où estelle ?
;LA DIRECTRICE
:Mais je n'en sais rien ! Qui êtesvous ? Pr DOUDKINE. Je suis le professeur Doudkine ! Changement à vue de la Directrice.
;LA DIRECTRICE
://(ravie)//
:Le célèbre professeur Doudkine ? je suis ravie de vous connaitre, professeur ! C'est un grand honneur pour nous ! Permettezmoi de me présenter. Je suis Vera Karpovna, Directrice des
://(c Tournesols ». Quiconque s'est reposé une fois aux
://( Tournesols )//
:ne peut... Pr DOUDKINE
://(la coupe, nerveux)//
:je suis au courant. Où est ma femme ? Excusezmoi, mais c'est urgent, terriblement urgent !
;LA DIRECTRICE
:Chère Zola Vassilievna, comme elle va être heureuse de vous voir ! Pr DOUDKINE
://(sombre)//
:Cela m'étonnerait, Madame, cela m'étonnerait beaucoup ! Tant pis pour elle, elle n'avait qu'à venir moins souvent aux //« Tournesols »//
:! Quand on épouse un homme on l'épouse tous les jours de la semaine, dimanches compris l
;LA DIRECTRICE
:Professeur, savezvous que vous m'effrayez ? Pr DOUDKINE
://(sombre)//
:Mais il y a de quoi, Madame ! Ditesmoi où est Zola ou je ne réponds plus de rien ! Où estelle ?
;LA DIRECTRICE
://(inquiète)//
:Mais je ne sais pas ! N'importe où ! ...
://(Soudain.)//
:Ah ! professeur, qu°avezvous à la main ? Pr DOUDKINE
://(étonné)//
:Moi ? ...
://(Il ouvre la main, regarde le bouton de porte.)//
:Ah oui, c'est une poignée de porte...
://(Il le met dans sa poche.)//
:J'ai dû tirer trop fort. C'est l'énervement ! Pour la dernière fois, Madame, où est ma femme ? Quel est le numéro de sa chambre ? Vite !
;LA DIRECTRICE
://(affolée)//
:Le 64... c'est au bout du couloir. Vous tournez à gauche... Non, à droite, vous montez les trois marches... trois ou quatre, je ne sais plus très bien, vous... Pr DOUDKINE
://(nerveux)//
:Merci, je trouverai tout seul ! Il sort en courant. La Directrice reste un instant abasourdie puis elle sursaute, court vers la porte par laquelle il vient de sortir, l'ouvre.
;LA DIRECTRICE
://(criant)//
:Porfesseur, professeur, estce que vous déjeunez avec nous ?
://(Pas de réponse. Elle referme la porte, accablée.)//
:Quel aff reux dimanche ! Retour de K/ava par une autre porte. Elle a autour d'elle un regard surpris.
;KLAVA
:Pardon, Madame, vous n'avez pas vu mon mari ?
;LA DIRECTRICE
://(égarée)//
:Quel mari ?
://(Se reprend.)//
:Ah oui, votre mari ! ... Excusezmoi, mon pigeon, mais j'en vois tellement ! ... Non, celuilà je ne l'ai pas vu. Tout ce que je peux dire c'est qu'il s'est sauvé.
;KLAVA
://(stupéfaite)//
:Sauvé ? ... Comment cela, sauvé ? " LA DIRECTRICE. En courant. Mais on finira sûrement par le rattraper, soyez tranquille. Ce n'est pas grave, pas grave du tout. Excusezmoi, mais il faut que j'aille dans la chambre de Zola Doudkina. Je suis très inquiète. Les gens sont plutôt bizarres, aujourd'hui, vous ne trouvez pas ? ça doit être la nouvelle lune !... Elle sort par la porte que le professeur a prise pour sortir.
;KLAVA
://(seule)//
:Mais pourquoi s'estil sauvé ? Pourquoi ? Mon Dieu ! ... Elle va pour sortir, mais Kostia entre à ce moment, le visage sombre. Il est revêtu d"un superbe pyjama. KOSTIA. Ah, te voilà enfin. Klava lgniatiouk !
;KLAVA
://(heureuse)//
:Kostiadouchka ! Je savais bien que tu ne t'étais pas sauvé ! Elle lui saute au cou, il la repousse. KOSTIA. Arrière ! Ne me touche pas !
;KLAVA
://(interdite)//
:Mais qu'estce que tu as ? ... Pourquoi estu en pyjama ? KOSTIA
://(sombre)//
:Je suis en pyjama, parce qu'il faut être en pyjama pour aller sur le toit. Mais tu n'étais pas sur le toit ! Encore un mensonge ! Au fait, comment vatil ?
;KLAVA
:Qui ? KOSTIA.
://(dans un ricanement)//
:Ton
://(c mari », bien sûr l
;KLAVA
://(ahurie)//
:Mon... mari ? Tu... me demandes comment va mon mari ? KOSTIA
://(sarcastique)//
:Cela t'étonne ?
;KLAVA
:Bine sûr que ça m'étonne ! Qu'estce que tu as ? Qu'estce qui te prend ? C'est toi, mon mari ! KOSTIA
://(amer, écœuré)//
:Moi. Laisse moi rire ! Moi, je suis le malheureux chauffeur mécanicien de la Marine Marchande qu'on expédie au Pôle Nord pour réparer des gouvernails ! Comment la célèbre Klava lgniatiouk pourraitelle se contenter de si peu ? Une médaille d'or de la Promotion Agricole, ça ne se touche pas avec des mains pleines de cambouis ! Ce qu'il faut, c'est un homme influent et distingué d'un certain âge, un petit chauve qui n'a rien d'autre à faire ! Un fonctionnaire, probablement ! Un de ces inutiles sociaux qui passent leur vie à roucouler auprès des femmes des autres et à leur acheter des paquets de bonbons !
://(Elle le regarde avec des yeux ronds de stupeur — Il ricane.)//
:Oh ! tu peux les ouvrir, tes grands yeux innocents ! Je les connais, tes grands yeux, maintenant, et je connais ton innocence ! Un gouffre, un abîme, un monstre d'hypocrisie, une... Une Messaline décorée, voilà ce que tu es !
;KLAVA
://(qui commence à s"énerver)//
:Tu as fini ? KOSTIA. j'ai fini, oui ! Tout est fini entre nous, Klava ! Et maudit soit le jour où je t'ai vue pour la première fois sous cet arbre ! J'aurais mieux fait de me crever les yeux! Il fait un pas pour sortir. Elle en fait un elle aûssi; le saïsit par le bras, le fait pirouetter face à elle.
;KLAVA
://(furieuse)//
:Pas si vite, Kostia Galouchine ! Ce serait trop facile ! J'ai écouté tes divagations avec beaucoup de patience, maintenant, c°est toi qui vas m'écouter ! Si tu t'imagines que je t'ai attendu pendant dixhuit mois en me rongeant les poings pour m'entendre traiter de Messaline décorée, tu te trompes ! Tu vas t'expliquer, et vite ! J'en ai assez, moi, de tes scènes de jalousie à propos de tout et de rien ! De qui parlestu ? De quoi ? Quel fonctionnaire chauve ? Quel homme influent et distingué d'un certain âge ? Quels paquets de bonbons ? Eh bien, réponds ! KOSTIA
://(glacé)//
:Si l'un de nous deux doit répondre à |°autre, c'est toi, Klava ! Mais je n'ai déjà perdu que trop de temps à t'écouter !
://(Il tire de la poche de son pyjame un mince paquet de feui7/ets naiVement noués d"une faveur.)//
:Tiens, je te les rends !
;KLAVA
:Qu'estce que c'est ? KOSTIA. Les télégrammes mensongers que tu m'as envoyés à bord du
://( Farlaf )//
:Prendsles, tu pourras toujours les recopier pour un autre ! Une sirène ne se contente jamais d'un seul marin !
;KLAVA
://(furieuse)//
:Ah, c'est comme ça...
://(Elle lui arrache les télégrammes.)//
:Après les fonctionnaires, les marins, hein ? Eh bien, c'est entendu, Kostia Galouchine ! Je te jure que je te donnerai raison ! Et maintenant, vaten, je ne veux plus te voir! Plus jamais ! La Directrice entre à ce moment, sans qu'ils y prennent garde et, debout sur le seuil, écoute bouche bée la fin de la scène. ! Ia t a \ ! 26 KOSTIA. C°est moi qui ne veux plus te voir !
;KLAVA
:Pardon, c'est moi ! KOSTIA. Dès qu'on m'aura rendu mes vêtements, je quitterai cette maison !
;KLAVA
:Le plus tôt sera le mieux ! KOSTIA. Je m'engagerai dans les sousmarins atomiques !
;KLAVA
:Tu peux même t'engager dans les cosmonautes si ça te chante ! KOSTIA. Adieu !
;KLAVA
:Adieu !
://(Kostia se détourne, marche vers la porte, bouscule la Directrice et sort. K/ava entre les larmes et la colère.)//
:Imbécile ! Imbécile !
;LA DIRECTRICE
://(ravie, fonce sur elle)//
:Mon pigeon, ma colombe !
://(Elle la serre dans ses bras.)//
:Vous avez rompu, Dieu soit loué! La voix du devoir a été la plus forte ! Je le savais ! Je savais que cet horrible garçon ne pouvait être qu'une erreur passagère de vos sens, une minute d'égarement sexuel ! Qui pourrait vous en blâmer ? Il est tellement charmant !
;KLAVA
:Estce qu'il y a ici un homme influent et distingué d'un certain âge ? Un fonctionnaire de préférence ?
;LA DIRECTRICE
://(en toute innocence)//
:Aux //« Tournesols »//
:? Mais il n'y a que ça, mon petit oiseau ! Monsieur Mioussov, par exemple...
;KLAVA
:Mioussov ? Encore Mioussov ? Parfait, ce sera donc Mioussov !
://(Elle sort en courant et en pleurant.)//
:Je veux voir Mioussov ! Je veux voir Mioussov ! Elle est sortie. La Directrice fronce les sourcils, rêveuse.
;LA DIRECTRICE
:C'est quand même curieux, cette manie qu'ils ont tous ! ...
://(Une porte s'ouvre alors et Mioussov paraît plus exactement c'est la tête de Mioussov qui paraît dans l'entrebâillement. Il jette un regard circonspect dans la pièce, voit que la Directrice est seule, se décide alors à entrer. Il traîne d"ai//eurs une jambe, il a la main posée à la hauteur du rein et il grimace en marchant. La Directrice se retourne.)//
:Ah ! vous voilà, cher Monsieur Mioussov ? Je parlais justement de vous à l'instant même avec une charmante jeune femme l
;MIOUSSOV
://(sombre)//
:Il n'y a pas de femmes charmantes, Vera Karpovna. Ce sont autant de pièges mortels tendus sous nos pas... Vous ne voulez pas m'aider à m'asseoir ?
;LA DIRECTRICE
:Mais bien sûr !
://(Elle l'aide. Il gémit.)//
:Que vous estil arrivé, cher ami ? Vous vous êtes fait mal ?
;MIOUSSOV
://(s'asseyant.)//
:C'est le... Ale ! ... le placard à balais qui est trop petit.
://(Il est assis. //soupire.)//
:Merci. Ce que c'est bon ! Ah ! que je suis bien. Je resterais des heures comme ça !
;LA DIRECTRICE
:Je ne voudrais pas être indiscrète, cher Monsieur Mioussov, ce n'est pas mon genre, mais que faisiezvous dans le placard à balais ?
;MIOUSSOV
:Rien. je... je cherchais à me détendre.
;LA DIRECTRICE
:Ah... Elle le regarde fixement. Il s'en aperçoit.
;MIOUSSOV
://(inquiet/. Pourquoi me regardezvous comme cela ? Je n'ai rien pris l
;LA DIRECTRICE
://(aimable)//
:Mais non, bien sûr ! Je... j'avais envie de mieux vous voir, voilà tout... comme ça, pour voir ! MIOUSSÔV. j'ai quelque chose de spécial ?
;LA DIRECTRICE
:Non, justement. C'est même curieux... Enfin ! Reposezvous tranquillement, cher ami, et à tout à l'heure pour le déjeuner.
://(Elle va vers la porte, se retourne.)//
:A propos, cette fois, vous ne serez pas à ma droite. je suis désolée mais c'est la place de nos hôtes d'honneur, et elle revient de droit au Professeur Doudkine !
;MIOUSSOV
://(défait)//
:Qui ? Doud... Doudkine ? Il est ici ?
;LA DIRECTRICE
:Il est arrivé, ii y a cinq minutes, et dans un état d'excitation incroyable !
;MIOUSSOV
://(avale péniblement sa salive)//
:Vous... Vous êtes sûre qu'il n'est pas armé ? LA DIRECTRICE /stupéfaite)//
:Armé ? Il est professeur de langues orientales !
://(Elle rit.)//
:Tout ce qu'il avait, c'était une poignée de porte qu'il avait arrachée sans même s'en rendre compte ! Quel homme distrait, croyezvous ! Elle sort. Cramponné aux accoudoirs de son fauteuil, Mioussov tente vainement de se relever. MIOUSSOV /affo/é)//
:Sans même s'en rendre compte ! ... Une poignée de porte ! C'est affreux ! Il faut que j'aille dans mon placard ! Il faut que j'aille dans mon placard ! Il se tire péniblement de son fauteuil et se dirige rapidement, mais toujours en boitillant, vers la porte du couloir. Au moment où il y parvient, une autre porte s'ouvre à la volée derrière lui. Il pousse un cri déchirant et se retourne d'un bloc. Choura
://(c'est elle qui vient d"entrer/ le regarde d'un air étonné. Elle porte sur les bras une pile de draps fraîchement repasstSs. Il est clair qu"e//e n"avait d'autre solution que d'ouvrir la porte d'un grand coup de pied.
;CHOURA
:Quelque chose qui ne va pas, Monsieur Mioussov ?
;MIOUSSOV
://(vexé d'avoir eu peur/. Quelque chose qui ne va pas ! Quelque chose qui ne va pas ! Ce qui ne va pas, c'est votre manière d'entrer !
;CHOURA
://(étonnée)//
:j'ai une manière d'entrer, moi ?
;MIOUSSOV
://(fébrile)//
:J'ai une manière d°entrer... Une manière déplorable ! Dans le dos des gens et à la vitesse d'un obus ! On n'a pas idée ! Pourquoi ne pas enfoncer carrément les portes, pendant que vous y êtes ? j'ai des nerfs, moi, figurezvous ! Je veux bien affronter le danger, mais les yeux dans les yeux ! A propos, vous n'auriez pas dans la maison un placard à balais un peu plus grand que celui du couloir ?
;CHOURA
://(ahurie)//
:Un quoi ?
;MIOUSSOV
://(fébrde)//
:Un placard à balais ! Je ne tiens pas spécialement aux balais, d'ailleurs. Ni au placard. j'aimerais mieux quelque chose de plus flatteur. Une armoire, par exemple, un coffreàbois, un grand bahut ancien... Vous avez ça ?
;CHOURA
://(perdue)//
:C°est pour emporter ?
;MIOUSSOV
://(fébrile)//
:C'est pour m'y mettre.
;CHOURA
:Hein ?
;MIOUSSOV
://(fébrile)//
:Je ne sais pas où me mettre i
;CHOURA
://(de plus en plus ahurie)//
:Mais vous avez une chambre !
;MIOUSSOV
://(fébrile)//
:Une chambre ! On voit bien que vous n'avez jamais été aimée l
;CHOURA
:Oh ! ...
;MIOUSSOV
:Ce n'est pas une chambre qu'il me faut. Dans mon état, c'est une position de repli ! Une position de repli où je ne sois pas trop replié, voilà tout !
://(Sa pile de draps toujours sur les bras, Choura ouvre des yeux ronds.)//
:Mais vous n'avez rien prévu de ce genre, évidemment ? La sécurité de vos clients, ça vous passe audessus de la tête !
;CHOURA
:Et si vous preniez un autre bain à l'essence de pin, Monsieur Mioussov ?
;MIOUSSOV
://(sarcastique)//
:Bravo ! Excellente idée ! Je vais aller me mettre tout nu dans une baignoire pleine de résine gluante pour lui faciliter les choses ! Un homme qui coupe déjà les allumettes à quinze pas l
;CHOURA
://(commence à s'inquiéter)//
:Dites, vous ne voulez pas que j'aille chercher le docteur Kirilof ? MIOUSSO /touj'ours fébrile)//
:Non ! Tout ce qu'il me faut, c'est un bb'%l&àrd ! Vous n'avez pas de placard, n'en par|o'Nm]jqL@fe'ei·face, voilà tout i Les yeux dans les yeux ! On )//
!eUn:Z,i[q' qui aura le dernier mot ! Je lui $5big rue Buffon 7 " 27 ! ! P ! P L, . F ! F ! f ! I ! F ! ! ! apprendrai à me connaître, moi, à ce sauvage !
://(Bombant le torse.)//
:Haut fonctionnaire, d'accord, mais ça n'empêche pas la musculature ! je suis tout de même un homme qui donne à réfléchir, non ?
://(Silence apeurc§ de Choura. Il la regarde férocement.)//
:Je ne suis pas un homme qui donne à réfléchir ?
;CHOURA
://(un pas en arrière)//
:Oh si, Monsieur Mioussov ! Oh si ! MIOUSSOV lse rassure un peu)//
:Je vous fais peur, hein ?
;CHOURA
://(smcère)//
:Oh oui, Monsieur Mioussov !
;MIOUSSOV
:Tout est là ! Quand on fait peur on n'a plus peur et quand on a peur on ne fait plus peur l
;CHOURA
://(très inquiète)//
:Oui, Monsieur Mioussov ! Estce que je peux m'en aller 7
;MIOUSSOV
:Non... Ici !
://(Il la regarde en fronçant les sourcils, puis tend soudain vers elle un index impérieux.)//
:^ Vous êtes le professeur ! Sursaut de Choura qui recule d'un pas.
;CHOURA
:Hein ? Quoi ?
;MIOUSSOV
://(sombre)//
:Vous êtes le professeur et je vous ai pris votre femme !
;CHOURA
://(affolée)//
:Ma... ma femme ? Mais je ne suis pas mariée, Monsieur Mioussov !
;MIOUSSOV
://(péremptoire)//
:Je vous ai pris votre femme et vous arrivez ici pour me tuer ! Vous êtes une force de la nature ! Vous vous attendez à trouver une loque humaine qui va crier grâce et se trainer à vos genoux. Eh bien non, justement ! Je fais face, les yeux dans les yeux !
://(Il marche sur elle, menaçant. Elle recule, les yeux écarquillés.)//
:Professeur, écoutezmoi bien ! Je vous jure sur ce que j'ai de plus sacré, que je n'ai jamais effleuré même par la pensée, le corsage de votre femme ! Cela dit, vous ne me faites pas peur, mettezvous bien ça dans la tête ! Vous arrachez les poignées de porte, hein ? Eh bien moi, un jour, j'ai cassé une chaise ! Comme ça, d'un seul coup !
://(Mauvais.)//
:Vous avez encore quelque chose à dire ?
;CHOURA
://(bredoui//ante)//
:Moi ? Mais non, Monsieur Mioussov ! Je vous en prie, laissezmoi m'en aller !
;MIOUSSOV
://(sec et glacé)//
:En tout cas, vous êtes prévenu ! Un seul geste de menace, un seul mot malsonnant, une seule Musion à ce qui ne s'est pas passé entre votre femme et moi et je vous jette par la fenêtre ! C'est clair ? CHOURA lterrorisé)//
:Oui, Monsieur Mioussov... Il tend le bras vers la porte qu'elle a laissée ouverte. MIOUSSOV /terrib/e)//
:Alors, sortez ! Et vite !
;CHOURA
:Oui, Monsieur Mioussov ! Elle file à fond de train et disparait en emportant ses draps.
;MIOUSSOV
://(seul, très naturel)//
:Et voilà, c'est aussi simple que ça ! Qu'il y vienne ! Courte réflexion, se gratte la tête. Il va vers la porte. ZaiZsev entre derrière lui.
;ZAITSEV
: Pardon, je voudrais vous poser une question. Êtesvous...
;MIOUSSOV
://(terrorisé)//
:Non ! Je ne le suis pas l
;ZAITSEV
://(étonné)//
:Vous n'êtes pas qui ?
;MIOUSSOV
:Je ne suis pas Mioussov !
;ZAITSEV
://(dans un cri de victoire)//
:Mioussov ! Enfin, je vous tiens ! Je savais bien que je finirais par vous trouver !
;MIOUSSOV
://(recroquevA//é dans son fauteuil)//
:Pitié ! je suis un homme malade ! Au nom de ce que vous avez de plus cher, épargnezmoi !
;ZAITSEV
: Rassurezvous, ce sera vite fait ! Je n'aime pas laisser traîner ce genre de chose. Cela ne m'amuse d'ailleurs pas spécialement, croyezle bien, de venir assommer les gens un dimanche ! Seulement, voilà, il y a les enfants l
;MIOUSSOV
://(défait/. Ah, il y a des... des enfants ?
;ZAITSEV
: Cent cinquante !
;MIOUSSOV
:C'est énorme.
;ZAITSEV
: C'est beaucoup.
;MIOUSSOV
://(sursautant)//
:Comment avezvous fait ?
;ZAITSEV
: J'ai ouvert une crèche.
;MIOUSSOV
:j'avais pas pensé à ça.
;ZAITSEV
: Et les enfants, pour moi, c'est sacré ! Je veux qu'ils puissent dormir tranquillement dans leurs petits lits blancs, vous comprenez ? Comment le pourraientils au milieu d'une horreur pareille ? MIOUSSOV /supp/iant/. Mais il n'y a pas d'horreur ! Tout ce que j'ai fait c'est de l'accompagner au piano pendant qu'elle chantait
://(c La Truite » ! Elle aime
://(l La Truite )//
)//
:ce n'est pas ma faute !
;ZAITSEV
://(surpris)//
:De quoi parlezvous ? Quelle truite ? ça n'a aucun rapport !
;MIOUSSOV
:Je vois, vous pensez à cette malheureuse promenade en barque ! Mais c'était moi qui ramais ! Alors comment voulezvous avec les deux mains prises.
;ZAITSEV
: Excusezmoi, camarade Mioussov, mais je ne comprends pas un mot de ce que vous me dites et je suis très pressé. Finissonsen ! Avec moi vous allez comprendre tout de suite. // porte la main à sa poche, sans s doute pour y prendre le bon de livraison.
;MIOUSSOV
:Non ! Ne tirez pas ! Ne tirez pas !
://(Il se met à hurler.)//
:Au secours ! Au secours !
;ZAITSEV
://(stupéfait)//
:Qu'estce que vous avez ? Qu'estce 'qui vous prend ?
;MIOUSSOV
://(hurlant)//
:Au secours !
://Une porte s"ouvre et le Docteur Kirilof paraît. Il reconnait Zaitsev.//
;Dr KIRILOF
:Le voilà, c'est lui ! A l'aide ! Entrée du Portier et de la Directrice.
;LA DIRECTRICE
:Philippe, attrapezle !
://ZAITSEV veut s'enfuir, mais le portier le rattrape et le ceinture. La Directrice et le Docteur accourent pour lui prêter main forte.//
;Dr KIRILOF
:A la salle de Physiothérapie pour l'électrochoc, vite ! Il est en pleine crise ! Tiré, poussé, porté, Zaitsev franchit la porte malgré sa résistance héroiQue. Ils sortent tous. On entend encore la voix de Za/'tsev. VOIX DE ZAITSEV. Je veux voir Mioussov ! je veux voir Mioussov !... Mioussov est resté caché derrière un meuble à quatre pattes. On entend off la voix de Mme Doudkina qui entre tout de suite en chantonnant.
;Mme DOUDKINA
://(chantant)//
:Qui donc estu, grand feu qui me dévores et tu ris de l'hiver? Qui donc estu, printemps qui vient d'éclore et fleuris le désert ? Toi, bel oiseau...
;MIOUSSOV
://(en se relevant)//
:Madame Doudkina, il faut que je vous parle.
;Mme DOUDKINA
://(reprenant/. Toi, bel oiseau qui chantes sur la branche de ce vieil arbre mort. Ma mimine a mangé mon mou, il en est mort... mort.
://(Mioussov 'lève les yeux au plafond et donne des sjgnes d'impatience, pendant qu"e//e poursuit imperturbablement. Elle se retourne vers Mioussov.)//
:Vous ne trouvez pas que mon médium s'est amélioré ? § i 28
;MIOUSSOV
:Il est bien question de votre médium ! Doudkine est ici ?
;Mme DOUDKINA
:Ah oui ? je ne l'ai pas encore vu.
;MIOUSSOV
:Moi, je l'ai vu, j'étais assis là, dans ce fauteuil. Il m'a sauté à la gorge en hurlant : « Mioussov ! Enfin je vous tiens. )//
)//
:Il écumait et les yeux lui sortaient de la bouche !
;Mme DOUDKINA
://(souriÏe attendri)//
:Cher Alexis, je le reconnais bien là ! Toujours impétueux comme un torrent de montagne !
;MIOUSSOV
://(ind©né/. Applaudissezle, pendant que vous y êtes ! Il a failli me tuer ! Je n'ai pu lui échapper que par miracle en courant me jeter dans le placard à balais ! Elle se dresse, une main posée sur sa gorge.
;Mme DOUDKINA
://(incrédule)//
:Ce n'est pas vrai, n'estce pas ? C'est un jeu ? Dans un placard à balais, vous, Mioussov ?
;MIOUSSOV
:Dans un placard à balais, parfaitement ! Moi, Mioussov, Directeur du C.U.D.M.C.E.M.E.P ! Elle reste un instant à le regarder comme si elle ne /"avait jamais vu.
;Mme DOUDKINA
://(lentement, dou/oureusement/. Malheureux que vous êtes ! Profanateur ! Alors, je vous choisis, je vous désigne pour vivre un grand amour, je fais éclater jusqu'au sublime votre misérable vie de cloporte et vous, vous allez vous cacher dans un placard à balais...
://(Les yeux clos.)//
:Oh , Mioussov, Mioussov, comme vous êtes petit !
;MIOUSSOV
://(en colère)//
:Moins petit que le placard, malheureusement ! J'ai les reins en compote, moi, Zola Vassilievna Doudkina ! Et tout ça pour quoi ? Pour rien ! Vous m'excuserez de vous le dire aussi franchement, mais je ne suis pas venu aux « Tournesols )//
)//
:pour vivre un grand amour ! Je suis venu pour me reposer, comme tous les dimanches ! Mme DOUDKINE
://(pleine de mépris/. Vous et vos dimanches, vous me faites pitié !
;MIOUSSOV
://(se cabre)//
:Eh bien ! je les trouve très bien, mes dimanches ! je passe six jours de la semaine à les attendre, mes dimanches ! Ce n'est pas pour servir de cible à un fou meurtrier armé jusqu'aux dents,
;Mme DOUDKINA
:C'est la vie ! Deux beaux mâles, une belle femelle et le sang coule!
;MIOUSSOV
:Je ne suis pas un beau mâle ! ça c'est vous qui le dites pour me faire du tort ! Il ne s'est rien passé entre nous ! Rien !
;Mme DOUDKINA
://(écœurée)//
:Entre nous ! Comme vous êtes vif et bas, Mioussov !
://(La main posée à la hauteur du cœur.)//
:Et là, savezvous ce qui s'est passé, là ?
;MIOUSSOV
:je ne veux pas le savoir ! Je ne sais qu'une chose, c'est que votre mari finira certainement par me tuer !
;Mme DOUDKINA
:Cela v2 de soi!
;MIOUSSOV
://(suffoqué)//
:Cela va de soi, vraiment ? Vous trouvez ça tout naturel ? Eh bien moi pas du tout ! Je vous prie d'aller parler immédiatement au professeur et de rétablir la vérité !
;Mme DOUDKINA
://(calme)//
:Certainement pas mon ami.
://(Dans un sourire.)//
:C'est tellement ennuyeux, la vérité dans l'amour ! Pour la rendre supportable, il faut la farder de temps en temps, comme les jeunes filles trop pâles qu'on veut marier !
;MIOUSSOV
:Eh bien, moi j'irai trouver la police ! Je me considère en état de légitime défense !
;Mme DOUDKINA
://(cinglante)//
:Eh bien allezy ! Allez dire à ces Mesieurs que Zola Vassilievna Doudkina vous fait peur et que vous lui préférez un placard à balais ? Ils se feront un plaisir de placer un factionnaire devant la porte, le dimanche ! MIOUSSOV lembêté)//
:Voyons, chère amie, ne nous énervons pas... Loin de moi la pensée de... de sousestimer le... l'intérêt affectueux que vous avez bien voulu m'accorder, mais mettezvous à ma place ! Tout ce que je vous demande, c'est de glisser un petit mot au professeur... Un tout petit mot !
://(Il lui prend la main.)//
:Je vous en prie ! Les grandes émotions, les grands amours, les grands destins, tout ce qui est grand m'est formellement interdit ! Zola ! Zola ! Zozo... Zozo, le poutou à Zozo...
;Mme DOUDKINA
:Lâchezmoi ou je crie !
://(Elle retire sa main, le regarde en hochant triStement la tête.)//
:Mioussov, Mioussov, comment aije pu vous aimer !
;MIOUSSOV
:Mais je ne sais pas, justement !...A.!ors c'est promis ? Vous parlerez au professeur ?
;Mme DOUDKINA
:Je verrai... Je réfléchirai...
;MIOUSSOV
:Zoi'a Vassilievna, dites oui, je vous en prie ! Vous m'affolez !
;Mme DOUDKINA
://(grave)//
:Trop tard, hélas ! Adieu ! Elle s"en va dignement. Mioussov la regarde partir, désespéré.
;MIOUSSOV
://(seul)//
:Elle ne parlera pas. Cette femme est un vampire qui se vautre dans le sang de ses victimes !
://(Hochant la tête.l Je plais, voilà. Je plais trop ! C'est terrible de plaire à ce point !
://(On entend un bruit de voix confus.)//
:On vient ! je ne peux plus entrer dans le placard !
://(Il avise alors l'horloge ancienne, l'ouvre.)//
:On a enlevé le balancier ! C°est merveilleux ! // s'enferme dans l'horloge au moment où Za/tsev entre, soutenu par le docteur Kiri/of — // ne semble pas être en très bon état. — Il .marche en dodelinant la tête et traînant les pieds avec un sourhe dune affligeante niaisérie. \ Dr KIRILOF
://(apaisant/. Voilà ! Encore un petit effort et ' nous y sommes ! Comment vous sentezvous ?
;ZAITSEV
://(dans un sourire idiotl. Je suis bien content !
;Dr KIRILOF
:Vous voyez que ce n'est pas terrible, un électrochoc ! Les gens se font un tas d'idées làdessus, mais finalement ce n'est rien du tout. Ca a très bien marché. ça a très bien marché. Attention à la marche.
;ZAITSEV
://(dans le même sourNe idiotl. Je suis bien content ! Dr k|r|pof. Vous voilà débarrassé de vos phantasmes et de vos psychoses hallucinatoires ! Plus d'idées fixes, plus d'angoisses conjugales, plus de Mioussov ! Vous savez de nouveau qui vous êtes ! ... Qui êtesvous ?
;ZAITSEV
://(dans le même sourire idiot)//
:Je suis bien content ! Dr K1R!LOF
://(un peu déçu)//
:Evidemment, on ne peut pas arriver à la guérison totale du premier coup, mais il y a déjà une amélioration évidente.
;ZAITSEV
://(dans le même sourNe idiotl. je suis bien content !
;Dr KIRILOF
:Je vous en ferai encore un petit quand vous vous réveillerez. Pour le moment, il faut dormir. Vous allez faire un bon dodo dans votre joli petit lit blanc. je reviendrai voir dans une heure. Quelque chose d'obscur semble se déclencher soudain dans les profondeurs psychiques de Zaitsev. — Il reste un instant immobi7e, le regard étrangement fixe, puiS...
;ZAITSEV
: Petit lit blanc...
://(Très vite.)//
:Petit lit blanc, petit lit blanc, petit lit blanc,...
://(Lentement, avec application.)//
:Petit lit blanc...
://(Détachant les syllabes.)//
:petit... lit... blanc...
://(Dans un sursaut.)//
:Petit lit blanc ! ...
://(Tout lui revient, i7 hurle,)//
:Petit lit blanc ! Les enfants ! J°en veux cinquante kilos ! Mioussov ! Où est Mioussov ? Je veux voir Mioussov ! Dr KIRILOF
://(affolé)//
:ça recommence encore ? Mais c'est impossible, voyons, vous êtes guéri ! Je vous dis que vous êtes guéri ! Je vous dis que vous êtes guéri !
;ZAITSEV
:/criant/. je veux voir Mioussov ! Le docteur tente de le retenir. // le bouscule, le jette 29 r r )//
:dans un fauteuil et se sauve. Le docteur perd ses lunettes et les cherche par terre. Dr KIRILOF
://(seul criant)//
:Rattrapezle ! Rattrapezle !,.\, Entré en coup de vent de la Directrice, par une autre " porte.
;LA DIRECTRICE
://(inquiète)//
:Docteur ! Vous avez perdu quelque chose ? '
;Dr KIRILOF
:Il s'est encore sauvé !
;LA DIRECTRICE
:Qui ?
;Dr KIRILOF
:Toujours le même ! C'est effrayant ! Un homme guéri ! ...
://(Dans un brusque sursaut d'énergie.)//
:Il faut le rattraper, Vera Karpovna ! Je n'ai pas encore dit mon dernier mot ! Ah, c'est comme ça ? Eh bien cette fois je lui ferai des ultrasons ! Les deux femmes sortent rapidement. Alors la porte de l'horloge s'ou vre timidement et Mioussov inspecte les environs — rassuré, il sort de sa cachette et se livre aussitôt à une gymnastique respiratoire rationnelle, flexion des jambes accompagnée d'extension latérale des bras.
;MIOUSSOV
://(faisant sa gymnastique)//
:Des ultrasons ! Elle ferait mieux de l'électrocuter tout de suite, oui ! Ce Doudkine est un danger public ! Rien que la façon qu'il a de hurler :
://( Mioussov ! Je veux voir Mioussov ! )//
:j'ai failli tomber à la renverse !
://(Regard vers l'horloge.)//
:... Manière de parler, évidemment, parce que pour tomber, làdedans ! Tout de même, quand je pense que j'aurai passé mon dimanche entre un placard à balais et une horloge !... Bon, ça va mieux. Je crois que je ferais aussi bien de ne pas m'attarder. Rentrons à la maison !
://(Il va vers /"hor/oge et en ouvre la porte — Il sursaute, surpris, i7 affecte un petit air détaché. Il sifflote et referme la porte de l'horloge.)//
:Très jolie petite chose, vraiment, tout à fait curieuse ! Travail ukrainien de la fin du siècle dernier, certainement...
://(Sourit à K/ava.)//
:Vous vous intéressez aussi aux horloges anciennes. Mademoiselle ?
;KLAVA
://(tendue)//
:Moi, Monsieur ? Pas du tout je cherche quelqu'un.
;MIOUSSOV
://(ga/ant/. S'il est en mon pouvoir de vous aider...
;KLAVA
://(tendue)//
:Estce que vous conna ssez Monsieur Mioussov ?
;MIOUSSOV
://(sursaut)//
:Mioussov ? Non, non, je ne connais pas ! ... Enfin, pas très bien, De vue seulement, de réputation...
;KLAVA
://(tendue)//
:C'est un fonctionnaire d'un certain âge, influent et distingué, n'estce pas ?
;MIOUSSOV
:Pour ça oui ! Une distinction assez peu banale, même, et qu'on apprécie beaucoup dans les hautes sphères. Quant à son influence, elle coule de source ! N'oublions pas que Vladimir Mioussov est Directeur du C.U.D.M.C.E.M.E.P. ! Ajoutez à cela qu'il est un grand ami des Arts, qui joue du piano comme un ange, qu'il chantonne aussi à l'occasion — fort bien, ma foi ! — qu'il est en outre un excellent rameur et vous aurez une idée à peu près exacte du personnage...
;KLAVA
://(sur un ton de rage contenue)//
:Bref, pas du tout le genre lourdaud avec des grandes mains rugueuses et un morceau d'éponge en guise de cervelle !
;MIOUSSOV
://(surpris)//
:Oh non, certainement pas !
;KLAVA
:Parfait, c'est exactement ce qu'il me faut ! Vous ne pouvez vraiment pas me dire où je p.:ux le trouver ?
;MIOUSSOV
:C'est pas possible. Quand f"'éSt pas possible, c'est impossible. Et si c'est impossible, c'est pas possible... De quoi s'agitil ?
;KLAVA
://(dans un petit sourire)//
:C'est personnel. Tout à fait personnel. Ce que je peux vous dire, c'est qu'il ne le regret,tera pas.
;MIOUSSOV
://(remué)//
:Ah...
://(Ultime hésitation, il se décide.)//
:Je suis Mioussov !
;KLAVA
://(stupéfaite)//
:Vous ?
;MIOUSSOV
:Oui, Mademoiselle. Tout le monde ici pourra vous le confirmer, je suis Mioussov ! Vladimir Mioussov !
;KLAVA
:Pourquoi ne l'avezvous pas dit tout de suite ?
;MIOUSSOV
://(gêné)//
:Eh bien voilà... D'abord je ne voulais pas me risquer à la légère. J'ai été très sollicité, ces derniers temps. Et puis, disons le mot, je me dois d'observer une certaine prudence. J'ai des ennemis...
;KLAVA
://(le regarde)//
:Alors, vous êtes Mioussov...
://(Petite moue.)//
:... ça ne sera pas facile, pas facile du tout ! ...
;MIOUSSOV
://(inquiet)//
:Ah non ?
;KLAVA
:Et puis vous n'êtes pas chauve !
;MIOUSSOV
://(navré)//
:Il fallait être chauve ?
;KLAVA
://(rageuse)//
:Personnellement cela m'est égal mais ce grand imbécile a été formel !
://( Ce qu'il te faut, m'atil dit, c'est un fonctionnaire d'un certain âge, influent, distingué et chauve ! )//
:C'est tout ce que mérite une Messaline décorée, paraîtil car je suis une Messaline décorée !
;MIOUSSOV
:C'est pas possible ! ...
;KLAVA
://(lancée)//
:Du moment qu'il aime tellement les précisions je tenais à lui prouver que je les aime moi aussi, vous comprenez.
;MIOUSSOV
:C'est votre droit.
;KLAVA
:Mais vous n'êtes pas chauve.
;MIOUSSOV
:Avec un peu de patience, ça peut s'arranger.
;KLAVA
:Enfin tant pis, on peut toujours essayer comme ça ! Je n'ai pas le temps d'attendre.
;MIOUSSOV
:Moi non plus.
;KLAVA
:Comment me trouvezvous ?
;MIOUSSOV
://(perdu)//
:Pardon ?
;KLAVA
://(agacée)//
:Oui comment me trouvezvous ? Jeune, jolie, charmante, désirable ?
;MIOUSSOV
:Mais Mademoiselle... Oui, évidememnt !
;KLAVA
:Eh bien ditesle moi ! Faitesmoi la cour !
;MIOUSSOV
:Que je vous... Comme en France, quoi ? Oui, oui... Euh... Je... Je... c'estàdire que vous me prenez un peu au dépourvu. Je sors d'une horloge, moi !... Enfin je veux dire que je sors d'admirer une horloge. Ce n'est pas du tout pareil ! ... Euh... Croyezvous que c'est bête ! D'habitude pourtant je me débrouille assez bien !
;KLAVA
://(glacée)//
:Ah oui ?
;MIOUSSOV
://(timide)//
:Estce que... Estce que je peux vous tenir la main ? En général cela m'aide beaucoup...
;KLAVA
://(lui tendant la main)//
:Voilà.
;MIOUSSOV
:Merci.
://(//./ui prend la main.)//
:Oui, vouS êtes jolie ! Oui, vous êtes jeune, charmante et désirable ! Jamais je n'avais caressé une main aussi petite, une peau aussi douce ! Et pourtant, vous savez, on en voit dans 1'Administration ! Vous êtes... Vous êtes... Euh... Elle /"écoute, le regard perdu à nù//e lieues de lui.
;KLAVA
://(indifférente)//
:Continuez. Après ?
;MIOUSSOV
:Eh bien je... euh... remarquez que si je connaissais votre prénom cela m'aiderait aussi...
;KLAVA
:Klava.
;MIOUSSOV
://(inspiré)//
:Klava ! Comme c'est joli Klava ! Tendre comme un bouquet au printemps, frais comme un bouquet de cresson ! Klava ! Klava !
://(Brusquement porté à la température voulue il couvre sa main de baisers fougueux.)//
:Klava, je vous aime ! Moi, Mioussov, directeur du C.U.D.M.C.E.M.E.P. je vous aime ! Tout ce que je possède est à vous ! Choisissez ! Que voulezvous ? Du ciment ! Des agglomérés ? Des briques réfractaires ? Vous aurez tout, vous entendez ? Tout ! O Klava, Klava !
;KLAVA
://(toujours aussi froide)//
:Prenezmoi dans vos bras. P ë t Y 30 F i É
;MIOUSSOV
://(éperdu)//
:Moi ? Mon Dieu mais qu'estce qui m'arrive ?
://(Il la prend gauchement dans ses bras.)//
:Comme ça ?
;KLAVA
://(agacée)//
:Non ! ... Enfin, oui, comme vous voudrez ! Aucune importance ! ... Maintenant, dites
://( Klavoutchka )//
...
;MIOUSSOV
:Pardon ?
;KLAVA
:Dites
://(c Klavoutchka )//
)//
:!
;MIOUSSOV
://(bêtement)//
:Klavoutchka.
;KLAVA
:Mieux que ça, voyons ! Comme lui ! Il le dit si bien, lui :
://(Heureuse.)//
:Klavoutchka !
://(Rieuse.)//
:Klavoutchka !
://(Tendre.)//
:Klavoutchka...
://(Amoureuse.)//
:Klavoutchka...
;MIOUSSOV
:C'est que c'est terriblement difficile, vous savez ! Je n'ai pas encore l'habitude...
://(Il essaye quand même.)//
:Klavoutchka ! ... Klavoutchka !
;KLAVA
://(agacée)//
:Mais non ! Pas Klavoutchka Klavoutchka !
://(Tendre.)//
:Klavoutchka...
;MIOUSSOV
://(docile)//
:Klavoutchka...
;KLAVA
:Dites Voutchka
;MIOUSSOV
:Vodka Voutchka
;KLAVA
:Chka
;MIOUSSOV
:Chka
;KLAVA
:A
;MIOUSSOV
:A...
;KLAVA
://(résignée)//
:Bon, n'en parlons plus ! Essayons
://( Ma petite pomme )//
, ça ira peutêtre mieux !
;MIOUSSOV
:Essayez quoi ?
;KLAVA
://(exaspérée)//
:Ma petite pomme ! Ah ça c'est de la tarte.
;MIOUSSOV
://(perdu)//
:Ma petite pomme ? Bon...
://(Il essaye.)//
:Ma petite pomme, ma petite pomme, ma petite pomme d'arrosoir. Elle le repousse avec une brusque violence.
;KLAVA
://(violente)//
:Taisezvous ! Vous ne savez pas, vous ne saurez jamais ! Il n'y a que lui qui sait !
;MIOUSSOV
:Vous... Vous ne voulez pas que j'essaye encore une fois ? Il me semble que ça vient... ma petite pomme... à l'anglaise. Il fait le geste de la prendre dans ses bras.
;KLAVA
://(mouvement de recul)//
:Ne me touchez pas ou je vous giffle !
;MIOUSSOV
://(ahurit Hein ? Mais c'est vous qui avez insisté pour que... Elle se calme, ferme un instant les yeux.
;KLAVA
:Oui je sais. Tout cela est ma faute et je vous demande pardon. J'avais perdu la tête. je voulais... Il me semblait... Enfin je croyais que...
://(Elle le regarde, hoche la tête d'un air désolé.)//
:Mais non, c'est impossible, je n'y arriverai jamais ! C'est ce grand imbécile que j'aime, vous comprenez ? C'est ce grand imbécile que j'aimerai toujours !
;MIOUSSOV
://(pincé)//
:Il est évidement que si vous tenez absolument à un imbécile je ne peux pas faire l'affaire !
;KLAVA
://(genti7/e)//
:Oh non, ça se voit tout de suite ! Vous, vous êtes tout à fait charmant, gentil, bien élevé, intelligent ! ...
://(Elle l'embrasse gentiment sur la joue.)//
:Excusezmoi mais c'est vraiment tout ce que je peux faire pour vous !
://(Petit sourire confus.)//
:... et pardon de vous avoir dérangé, Monsieur Mioussov. Elle sort. Mioussov lève les bras au plafond.
;MIOUSSOV
://(seul)//
:Mais qu'estce qu'elles ont, toutes ces femmes ? Je leur plais, elles m'environnent, elles m'assaillent de toutes parts, et la minute d'après elles s'en vont ! C'est bien simple, si ce n'était pas moi qui le disais, je ne le croirais pas.
://(Hochant la tête.)//
:Finalement c°est encore dans mon horloge que je suis le mieux !
://(Il va vers l'horloge, en ouvre la porte pour y entrer — à ce moment, apparition de Kostia. Mioussov sursaute, surpris, puis affecte un petit air déplacé, sifflote, referme la porte.)//
:Très jolie petite chose, vraiment, tout à fait curieuse ! Travail ukrainien de la fin du siècle dernier, certainement...
://(Souriant à Kostia.)//
:Bonjour! Je crois que nous nous sommes déjà rencontrés... Vous vous intéressez aussi aux horloges anciennes ? KOSTIA
://(rude)//
:Moi ? Ah non, alors ! Je suis venu pour lire !
;MIOUSSOV
://(embêté mais po///. Je vous en prie... KOSTIA
://(sombre)//
:Au moins quand on lit on ne pense à rien l
;MIOUSSOV
:Avec la presse actuelle vous ne risquez pas grand chose I!! KOSTIA
://(prend une revue sur la table, lit un titre au hasard
://( Dmitri Ougarof qui représentera I'U.R.S.S. aux prochains championnats du Monde de patinage artistique sur glace... )//
:
://(Rejette la revue d'un air dégouté.)//
:Merci, assez de glace comme ça !
://(A Mioussov.)//
:J'en sors, vous comprenez !
;MIOUSSOV
://(indifférentl. Vous êtes patineur ?
;KOSTIA
:Marin. J'arrive du PÔle Nord.
;MIOUSSOV
://(i'ndifférent/. Comment ça va, làbas ? Pas trop frais ? KOSTIA
://(sombre)//
:Juste ce qu'il faut pour faire un pôle. Moins cinquante en hiver, moins quarantehuit en été.
;MIOUSSOV
://(hochant la tête)//
:L'enfer, quoi ! KOSTIA
://(sombre)//
:J'y suis resté dixhuit mois mais si j'avais pu deviner ce qui m'attendait au retour j°y serais resté dixhuit ans !
;MIOUSSOV
:Qu'estce qui vous attendait donc, au retour ? KOSTIA
://(sombre)//
:Personne l
;MIOUSSOV
://(étonné)//
:Ah bon... KOSTIA
://(amer)//
:Une ombre, une apparence trompeuse, un mirage du passé ! J'ai refermé les bras sur un fantôme. C'est bien fait pour moi ! Un modeste marin n'a pas à s'amouracher d'un ingénieur agronome !
;MIOUSSOV
://(choqué)//
:D'un ingénieur agronome ? KOST1A
://(inconscient de la méprise)//
:Elle m'avait si souvent juré que cela ne changerait rien entre nous et elle a une si jolie façon de jurer!...
;MIOUSSOV
:J'aime mieux ça ! C'est une femme ingénieur agronome ! KOSTIA
://(tristement)//
:Ma femme. Elle est partie... Mioussov hoche la tête.
;MIOUSSOV
://(compatissant)//
:Que voulezvous que je vous dise, elles partent toutes ! Elles commencent par se pendre à votre cou sans crier gare et la minute d'après c'est tout juste si elles ne vous giflent pas !
;KOSTIA
:Comme vous les connaissez bien !
;MIOUSSOV
:Oh oui ! On en voit vous savez dans 1'Administration ! ... Tenez, il y a à peine dix minutes, juste avant que vous n°arriviez, il y en a une qui entre ici. Je ne l'avais jamais vue. Très jolie, d'ailleurs, je le reconnais, et tout à fait charmante ! KOSTIA
://(morne)//
:Elles sont toujours charmantes, la première fois ! ... MIOUSSOV, Bref, elle entre. Bon. Elle me regarde d'un drÔle d'air, mais je ne bronche pas. Bon. Alors, tenezvous bien, elle vient carrément vers moi et elle me dit :
://(c Vous êtes Monsieur Mioussov, n'estce pas ? Faitesmoi la cour!»
;KOSTIA
:C'est effrayant !
;MIOUSSOV
:Elle avait dû entendre parler de moi. je plais beaucoup, c'est indiscutable. Il y a même des moments où ça me gêne... Bref, elle me dit :
://( Faitesmoi ! { i i ! C : ! ^ . £ F 31 la cour. » — Moi, n'estce pas, je n'avais aucune raison de refuser. Je lui fais donc la cour. C'est une des deux ou trois petites choses au ministère dans lesquelles je me débrouille assez bien. Brusquement elle me dit : « Prenezmoi dans vos bras ! )//
:' KOSTIA
://(outré)//
:Comme ça !
;MIOUSSOV
:Comme ça ! Et attendez, ce n'est pas tout ! Vous allez rire. Je la prends dans mes bras, naturellement, alors elle me dit :
://(c Et maintenant, appelezmoi Klavoutchka ! )//
)//
:KOSTIA
://(debout, dans un cri)//
:Klavoutchka ?
;MIOUSSOV
:Klavoutchka ! Elle s'appelle Klava. Klavoutchka c'est son diminutif, Klava, Klavoutchka ! KOSTIA
://(éc/atant/. Alors, c'est vous, hein ?
://(Il lui saure à la gorge, le saisit par le revers de son pyjama, le secoue comme un prunier.)//
:Le fonctionnaire influent et distingué. C'est vous ! Enfin, je vous tiens ! espèce de fauxchauve l
;MIOUSSOV
://(affolé)//
:Mais lâchezmoi, voyons ! lâchezmoi ! Qu'estce qui vous prend ? KOSTIA
://(hurlant et le secouantl. je suis Galouchine !
;MIOUSSOV
://(affolé)//
:Vous me l'avez déjà dit ! Qui c'est Galouchine ? KOSTIA
://(hurlant et le secouant)//
:C'est son mari !
;MIOUSSOV
://(défaillant, à demi étranglé)//
:Hein ? Quoi ? Mais je ne savais pas, moi ! je ne savais pas !
;KOSTIA
:Alors tu as pris ma Kiava dans tes bras hein ? Ma Klavoutchka, ma Klavoutchenska, ma Klavoutchetchka, ma petite pomme !
://(Il recommence à le secouer.)//
:Et après ? Parle ! Qu'estce que tu lui as dit, qu'estce qu'elle t'a répondu, qu'estce que vous avez fait ?
;MIOUSSOV
://(terroriSé)//
:Rien, Monsieur Galouchine, rien du tout, je vous jure ! Elle m'a dit brusquement... Si vous m'étranglez je ne pourrai jamais vous le dire ! Je vous en prie, Monsieur Galouchine.
://(Kostia desserre un peu son étreinte mais sans le lâcher complètement.)//
:Elle m'a dit brusquement :
://(c Impossible, je n'y arriverai jamais ! C'est ce grand imbécile que j'aime, c'est ce grand imbécile que j'aimerai toujours ! )//
)//
:et elle est partie ! KOSTIA
://(frappé)//
:Elle a dit :
://( Ce grand imbécile )//
:? Vous en êtes sûr ?
;MIOUSSOV
:Oui, Monsieur Galouchine.
;KOSTIA
:Elle a "dit : {
://( C'est ce grand imbécile que j'aime, c'est ce grand imbécile que j'aimerai toujours ! )//
)//
:? Elle l'a dit vraiment ? MiOUSSOV. Oui, Monsieur Galouchine. KOSTIA
://(dans un brusque cri de joie)//
:Mais c'est moi ! le grand imbécile, c'est moi ! ça a toujours été moi ! MlOûSSOV. Oui, Monsieur Gaiouchine, le grand imbécile c'est vous. KOSTIA
://(radieux)//
:Mais c'est merveilleux ! Elle m'aime !
://(De joie, cètte fois, il recommence à secouer Mioussov.)//
:C'est moi qu'elle aime ! Elle m'a toujours aimé ! Elle m'aimera toujours !
://(Il attire soudainement Mioussov contre lui, le serre à l'étouffer, /"embrasse.)//
:Merci, merci, merci !
://(Il lâche Mioussov qui s'écroule dans un fauteuil, et sort en hurlant.)//
:Klavoutchka ! Klavoutchka ! Klavoutchka ! Miousso v halète dans son fauteuil, cherchant désespérément à reprendre sa respiration.
;MIOUSSOV
://(seul)//
:Ho... Ho.., Horrible ! C'est ho... horrible ! ... Tous ces... ces maris qui... veulent me tuer ! Galouchine, Doudkine, Staline, tous ! Je plais trop, voilà, je plais trop !
://(Debout dans un cri/ Mon horloge ! Où est mon horloge ? Il se rue vers /"hcr/oge, en ouvre la porte au moment précis où la Directrice en ouvre une autre. Il a une sorte de hoquet.
;LA DIRECTRICE
:Cher ami, cher monsieur Mioussov, j'ignorais que vous vous intéressiez aux meubles anciens ! Mon horloge vous plaît ?
;MIOUSSOV
://(nerveux)//
:Oui, oui, beaucoup. Pratiquement, je ne peux plus m'en passer ! Très jolie petite chose !
;LA DIRECTRICE
://(ravie)//
:N'estce pas ? C'est du travail ukrainien de la fin du siècle dernier!
;MIOUSSOV
://(nerveux)//
:Ah oui ! je n'aurai pas cru.
;LA DIRECTRICE
:Nous en avons une autre toute pareille, d'ailleurs, juste un peu plus large.
;MIOUSSOV
://(intéressé)//
:Plus large ? Large comment ?
://(Geste.)//
:Comme ça ?
;LA DIRECTRICE
:Au moins !
;MIOUSSOV
:Je veux la voir. Je veux la voir tout de suite ! Où estelle ? J'y vais.
://(Fait un pas.)//
:Où est le grenier ?
;LA DIRECTRICE
:En haut. Vous prenez le couloir, vous le suivez, vous tournez à droite... non, à gauche... vous voyez un escalier, vous continuez tout droit, vous traversez la salle de billard, vous...
;MIOUSSOV
://(nerveux)//
:Merci je trouverai tout seul ! Il part en courant et sort. La Directrice hoche la tête en souriant avec indulgence.
;LA DIRECTRICE
://(seule)//
:Ah, ces tempéraments d'artistes ! Et puis cellelà a encore son balancier d'époque ! Il va être ravi ! Entrée précipitée du Docteur Kir//ot
;Dr KIRILOF
:Vous ne l'avez pas vu, Vera Karpovna ?
;LA DIRECTRICE
:Qui cela, Docteur ?
;Dr KIRILOF
:Le mari de Klava lgniatiouk !
;LA DIRECTRICE
:Ah non !
;Dr KIRILOF
:Moi non plus ! C'est décourageant ! Je suis prête, mon assistance est prête, l'appareil à ultrasons est prêt, il ne manque que lui !
;LA DIRECTRICE
:Quel dommage ! Je suis vraiment navrée !
;Dr KIRILOF
:Et moi donc ! Un sujet aussi exceptionnellement agité, vous pensez, je ne retrouverai jamais le pareil ! Entre alors le Professeur Doudkine. Il est très nerveux, lui aussi. Pr DOUDKINE
://(dès /"entrée)//
:Ah ! vous êtes là, Madame ! Je n'arrive pas à trouver ma femme et je ne sais pas dans quelle langue vous dire que c'est urgent, de plus en plus urgent ! Où estelle ? ...
;LA DIRECTRICE
:Un instant, Professeur, que je vous présente... Le célèbre Docteur Kirilof... Le célèbre Professeur Doudkine...
;Dr KIRILOF
:Enchanté, Professeur. Pr DOUDKINE
://(pressé)//
:Très heureux !
://(A la Directrice.)//
:Alors où estelle ?
;LA DIRECTRICE
:Vous êtes certain qu'elle n'est pas dans sa chambre ? Pr DOUDKINE
://(criSpé)//
:Comment pourraisje en être certain puisque je ne sais même pas où est sa chambre ? Vous m'aviez dit le 64 !
;LA DIRECTRICE
:Eh bien oui! Pr DOUDKINE. Eh bien non, justement ! Elle n'est pas au 64 ! Plus exactement il n'y a pas de 64 !
;LA DIRECTRICE
:Pas de 64 ? Mais si, voyons, puisqu'il y a un 65 ? Pr DOUDKINE. Un 65, oui, mais pas de 64 ? 'Dr KIRILOF. Excusezmoi, Vera Karpovna, mais n'estce pas justement au 64 que vous avez fait installer la nouvelle lingerie ?
;LA DIRECTRICE
:La nou... Ah ! mais oui, c'est vrai ! La nouvelle lingerie ! Je vous prie d'excuser mon étourderie, Professeur. Vous avez parfaitement raison, elle n'est pas au 64 ! Elle ne peut pas être au 64 ! ¶ l. t ! t ! ! ! 32 Z j Pr DOUDKINE
://(exaspéré)//
:je le sais, Madame ! Ce que je ne sais pas c'est où elle est !
;LA DIRECTRICE
:Avezvous pensé à jeter un coup d'œil dans la salle de bil... Pr DOUDKINE
://(exaspéré)//
:Oui ! Voilà près de trois quart d'heure que j'en jette, des coups d'œil ! Dans la salle de billard, dans le salon, dans les escaliers, dans les couloirs, partout ! Je veux voir ma femme, vous entendez ? Je veux voir ma femme !
;LA DIRECTRICE
://(apaisante)//
:Mais oui, mais oui, je comprends parfaitement... Voyons... Euh... A ce moment, entrée en trombe du portier.
;LE PORTIER
://(essoutlé)//
:Docteur Kiriiof, Vera Karpovna, venez vite ! On l'a vu ! Pr DOUDKINE. Qui... ma femme ? ...
;LE PORTIER
:Non ! Le mari de Klava Igniatiouk ! Il sortait du placard à balais !
;LA DIRECTRICE
://(frappée)//
:Mon Dieu ! Lui aussi ? 'X Dr KIRILOF
://(très excité)//
:Cette fois, je le tiens ! Venez, ' Vera Karpovna ! Elle empoigne la Directrice par la main et l'entraîne irrésistiblement.
;LA DIRECTRICE
://(emportée)//
:A propos, Professeur, estce que vous déjeunez avec nous ? Les deux femmes et le portier sortent en coup de vent. Pr DOUDKINE. incroyable ! J'aurai tout déchiffré dans ma vie, l'écriture cunéiforme, les hiéroglyphes, les tablettes de la Mer Morte, tout, sauf les femmes !
://(Entre alors Kostia qui traverse en regardant autour de lui.)//
:Pardon, Monsieur, vous n'auriez pas aperçu ma femme, par hasard, Madame Doudkina ? ...
;KOSTIA
:Votre femme ? Je n'arrive déjà pas à trouver la mienne, alors vous pensez ! Il ouvre une porte pour sortir, s'efface pour laisser passer quelqu'un qui allait entrer. VOIX DE Mme DOUDKINA. Ale... Elle entre et Kostia sort tout de suite derrière elle. Pr DOUDKINE. Zola ! Te voilà enfin ! Où diable étaistu ? Elle le regarde un instant sans répondre.
;Mme DOUDKINA
://(grave)//
:Ainsi c'est vous, Alexis ! Surtout n'espérez pas me surprendre. Je savais que votre folie homicide vous pousserait jusqu'ici. N'espérez pas non plus m'effrayer. je suis prête ! Pr DOUDKINE
://(patient)//
:Écoute, Zo'iatchka, cesse de me dire
://(c vous )//
)//
, tu seras gentille, et parlons sérieusement. Où sont tes clefs ?
;Mme DOUDKINA
:Vous tremblez de me perdre, n'estce pas ? Il fallait trembler plus tôt ! Vous avez cru longtemps que les professeurs de langues orientales étaient audessus du commun des mortels, mon ami ! Vous voulez vraiment savoir si j'ai un amant ? Vous le voulez ? Pr DOUDKINE
://(toujours patient/. Je voudrais savoir où sont tes clefs. Les clefs de l'appartement.
;Mme DOUDKINA
:Eh bien oui, j'en ai un ! Ici même ! Pr DOUDKNE
://(un peu moins patient/. Bon, c'est entendu ! Maintenant, donnemoi tes clefs !
;Mme DOUDKINA
:Et un amant qui ne vous craint pas ! Un amant prêt à tout pour me garder et qui vous attend de pied ferme ! Et maintenant allez lui jeter votre gant au visage, si vous l'osez ! Pr DOUDKINE /s'énerve/. Veuxtu m'écouter, oui ou non ?
;Mme DOUDKINA
://(cinglante)//
:Allez, mais allez donc, invincible Doudkine ! Qu'attendezvous ? Pr DOUDKINE
://(éclate)//
:Très bien, c'est entendu, j'irai ! Après l'incendie !
;Mme DOUDKINA
://(ironique)//
:Mais bien sûr ! Tous les prétextes vous sont bons, comme d'habitude !
://(Petit ricanement qui s'interrompt net. Brusque changement de ton.)//
:Quel incendie ! Il y a un incendie ? Pr DOUDKINE. Non, mais il va y en avoir un !
;Mme DOUDKINA
:Où ? Pr DOUDKINE. A la maison !
;Mme DOUDKINA
://(la gorge nouée)//
:A la maison ? Pourquoi ? ...
://(Silence du Professeur.)//
:... Toi, ru as encore fait une bêtise ! Pr DOUDKINE. Zoi'atcha, je te jure que ce n'est pas ma faute ! J'aurais parié n'importe quoi que j'avais mis mes clefs dans ce manteau ! Malheureusement elles étaient restées dans l'autre ! Làdessus je sors pour aller acheter des cigarettes et dès que je suis sur le palier, pan, voilà un courant d'air qui referme la porte ! J'ai eu beau la secouer, rien à faire ! Le seul résultat que j'ai obtenu, c'est d'arracher la poignée !
;Mme DOUDKINA
:Bref, on ne peut pas te laisser seul cinq minutes !
://(Le Professeur baisse la tête.)//
:De toute manière ce n'est pas une porte qui se referme qui peut provoquer un incendie ! Pr DOUDKINE
://(embêté)//
:Non, c'est le café...
;Mme DOUDKINA
:Quel café ? ... Pr DOUDKINE. Le café qui est resté sur le réchaud à gaz...
;Mme DOUDKINA
://(sursautl. Avec le gaz allume ? Pr DOUDKINE
://(thnide)//
:Evidemment, puisque c'était pour le faire chauffer...
;Mme DOUDKINA
://(furieuse)//
:Une cafetière toute neuve ! Pr DOUDKINE
://(embêté)//
:Si encore il ne s'agissait que de la cafetière ! ... Ce qui m'ennuie le plus c°est cette petite fuite qu'il y a au tuyau d'arrivée du réchaud !
;Mme DOUDKINA
:Pourquoi ? Pr DOUDKINE
://(navré)//
:Parce que le gaz est un hydrogène bicarboné qui contient 36% de méthane, et que le méthane, lui, est un hydrocarbure saturé !
;Mme DOUDKINA
:ça veut dire quoi, ça ? Pr DOUDKINE
://(honteux)//
:ça veut dire que ça explose...
;Mme DOUDKINA
:ça exp...
://(Dans un cri.)//
:... Mes rideaux ! Mes robes ! Ma salle à manger en bouleau de Carélie ! Mon vison !
://(Dans un autre cri.)//
:Mon chat ! Pr DOUDKINE. Tu oublies mon étude sur les premiers alphabets cananéens du 2" millénaire !
;Mme DOUDKINA
://(furieuse)//
:Va au diable avec tes alphabets ! Tu es un monstre ! Tu as tué Raspoutine ! Pr DOUDKINE. Raspoutine en a vu d'autres. A la première alerte il filera par la chatière de la porte de service ! Mme DOUDKINE. Et mon vison ? Il filera aussi par la chatière ? Pr DOUDKINE. Je suis désolé, Zoi'atchka, mais aussi pourquoi me laissestu seul tous les dimanches ? Tu sais bien que je suis distrait, comme tous les savants !
;Mme DOUDKINA
:Un savant qui ne sait pas qu'il faut éteindre le gaz avant de sortir, est un âne ! Tu es un âne, Doudkine ! Un âne savant, mais un âne ! Pourquoi n'astu pas alerté tout de suite le concierge, espèce de cruche ? Pr DOUDKINE. Il n'y a pas de concierge le dimanche.
;Mme DOUDKINA
:Le gérant, alors, imbécile ! Pr DOUDKINE. Il n'y a pas de gérant non plus. ii n'y a personne, même pas les voisins. lis sont tous allés au match de football pour voir jouer le fils aîné des Platiniuski !
;Mme DOUDKINA
:Et c'est le jour que tu choisis, toi, pour mettre le feu à la maison ! Pr DOUDKINE. Il n'y aura pas le feu si nous agissons vite. Zola ! Encore une fois, où sont tes clefs ? Tu les as bien prises ce matin en partant, au moins ?
;Mme DOUDKINA
:Evidemment ! J'ai une tête, moi !
://(Elle 33 ! !'"1 i .i ! i..i 0 ' \ ¶i·j l' "r P :S b . F ·q H. S.,9., 'i ;E" i 0 3. i.P k' 2 ·K. '§ '4.'. ' h. q E, ii p :. T :i,' les sort de la poche de sa robe de chambre.)//
:... la preuve ! Pr DOUDKINE
://(les prenant soulagé)//
:Alors tout va bien ! Avec la voiture, un dimanche, j'en ai à peine pour vingt minutes pour retourner à la maison. A tout à l'heure, chérie ! Il file par la porte. Brusque appel angoissé de Mme Doudkina.
;Mme DOUDKINA
:Alexis, non !
://(Elle court vers lui)//
:Je ne veux pas que tu ailles làbas, c'est trop dangereux ! Reste ! Rendsmoi mes clef s ! Pr DOUDKINE
://(touché)//
:Mais je ne crains rien, voyons l
;Mme DOUDKINA
:Et si tu sautes ? Je vais devenir folle, moi ! Reste, Alliocha, reste, je t'en prie ! Je veux bien tout perdre, mais pas toi ! Pr DOUDKINE
://(tendrement)//
:Je te répète qu'il n'y a encore aucun danger. Pas avant deux bonnes heures, en tout cas !
;Mme DOUDKINA
:Il n'y a qu'à téléphoner d'ici aux pompiers ! Pr DOUDKINE
://(souriant)//
:Croismoi, nous serions ridicules. Il n'y a vraiment pas de quoi téléphoner aux pompiers ! Allons, sois raisonnable et laissemoi faire...
://(Il s"embrasse, s'en va, se retourne.)//
:... et merci de m'avoir appelé
://(
://( Alliocha »... il y avait si longtemps... Il lui sourit et sort. Mme Doudkina ferme les yeux.
;Mme DOUDKINA
://(seule)//
:Un héros ! j'ai épousé un héros ! Mon vison, mon chat, mon mari, je risque de tout perdre d'un seul coup ! C'est affreux ! Elle tire un mouchoir de sa robe de chambre et se tamponne les yeux. Entrée de la Directrice.
;LA DIRECTRICE
:Zola Vassilievna, chère amie, qu'a donc le professeur ? Je viens de le croiser dans le parc, je lui demande s'il déjeune avec nous et il me répond sans s'arrêter :
://(c Je vous dirai ça quand j'aurai éteint le gaz ! )//
)//
:Je ne vois pas très bien le rapport...
://(Changement de ton.)//
:Mais qu'avezvous ? Vous pleurez ?
;Mme DOUDKINA
://(en larmes)//
:Raspoutine est mort !
;LA DIRECTRICE
://(ahurie)//
:Oui, bien sûr ! Vous ne le saviez pas ? ...
;Mme DOUDKINA
://(en larmes)//
:Mon mari est parti pour essayer de le sauver, mais il arrivera trop tard, je le sens !
;LA DIRECTRICE
:Oh ! oui, je le crains.
;Mme DOUDKINA
://(brusquement)//
:... je vais téléphoner aux pompiers ! Elle sort rapidement, suivie d'un long regard perplexe de la Directrice.
;LA DIRECTRICE
://(seule)//
:Pourquoi veutelle téléphoner ça aux pompiers ? Mais qu'estce qu'elle a ? Qu'estce qu'ils on tous ? On entend à ce moment un bruit confus de discussion animée puis, tout de suite, une porte s"ouvre et K/ava paraît, traînant derrière elle Kostia qui tente vainement de la retenir par le bras.
;KLAVA
://(tentant de se dégager)//
:Laissemoi tranquille ! Tu m'ennuies.
;KOSTIA
:Mais je te fais des excuses, ma petite pomme.
;KLAVA
:Y a plus de petite pomme.
;KOSTIA
:Ma petite pomme ! Elle sort. Kostia sur ses talons, sans avoir prêté la moindre attention à la Directrice.
;LA DIRECTRICE
://(seule)//
:Et ces deuxlà qui recommencent ! Une jeune femme mariée à un héros de I'Arctique qui se laisse appeler devant tout le monde
://(c ma petite pomme » par une espèce de... de... Je sais qu'il est charmant, mais tout de même ! ... A ce moment, entrée du Portier, bousculé par Rosa Eréméèvna qui arrive sur ses talons. Rosa Eréméèvna est une brave femme solidement plantée, simple et directe, qui ne s'embarrasse pas de formules. ROSA EREMEEVNA. Alors, c'est pour bientÔt cette Directrice ?
;LA DIRECTRICE
://(digne)//
:C'est moi,
://( cette )//
:Directrice, Madame !
;LE PORTIER
://(sévère)//
:Je vous avais dit d'attendre dans le jardin pendant que j'allais voir! ROSA
://(rude)//
:Mais moi aussi je veux voir. je veux voir mon mari d'abord, et vite, et puis je veux voir ce qu'il peut bien faire dans cette drôle de maison !
;LA DIRECTRICE
://(choquée)//
:puisje savoir ce que vous appelez une drôle de maison, Madame ?
;ROSA
:j'appelle drôle de maison, une maison qui prend 43 roubles 50 kopeks à un honnête père de famille pour lui faire passer un bon dimanche, Madame. Ne dites pas que ce n'est pas vrai, vos prix sont affichés sur la porte !
;LA DIRECTRICE
://(choquée)//
:Mais nous n'avons pas à en rougir, Madame ! Ce sont des prix homologués !
;ROSA
:Ils sont peutêtre gromokogués, comme vous dites, mais ils sont surtout exorbitants ! Pour 43 roubles 50 kopeks, moi qui vous parle, je fais manger cinq personnes à la maison pendant huit jours, Madame, et avec un gros gâteau tous les dimanches l
;LE PORTIER
:Vous leur donnez peutêtre aussi des bains à l'essence de pin. ROSA
://(ahurie)//
:A quoi ?
;LA DIRECTRICE
:A l'essence de pin de /'Oura/ l
;LE PORTIER
:Suractivée !
;LA DIRECTRICE
:Puisje vous demander Madame, sans indiscrétion, ce que vous avez sur votre toit ? ROSA
://(ahurie)//
:Des cheminées, comme tout le monde !
;LE PORTIER
:Et bien nous, nous avons un solarium ! ROSA
://(agacée)//
:Pour 43 roubles 50 kopeks, vous lui devez bien ça !
;LE PORTIER
://(qui suit son idée)//
:Nous avons une salle de billard.
;LA DIRECTRICE
:Un parc avec un jet d'eau.
;LE PORTIER
:Trois lignes téléphoniques.
;LA DIRECTRICE
:Groupées... ROSA
://(exaspérée)//
:Vous allez me chercher mon mari ou je vais le chercher moimême ?
;LA DIRECTRICE
:Mais qui est votre mari, Madame ?
;ROSA
:je suis Rosa Eréméèvna, la femme de Za'itsev.
;LA DIRECTRICE
:L'ukrainienne ! Allez chercher Monsieur Zai'tsev et si vous le trouvez, enfermezle dans mon bureau. Quel affreux dimanche !
;LE PORTIER
:Bien, Madame.
://(Il va vers la porte, se retourne, lance triomphalement à Rosa.)//
:... Un jardin d'hiver, une salle de physiothérapie, un ascenseur et un jeu de croquet! Il sort. La Directrice sourit à Rosa.
;LA DIRECTRICE
:Excusezle, chère Madame ! Philippe est très attaché à la maison.
;ROSA
:Mettezvous à ma place.
;LA DIRECTRICE
:Mettezvous à la mienne.
;ROSA
:je vais en Ukraine soigner ma mère, ça n'en finit plus, je réussis enfin à rentrer chez moi et qu'estce que je vois en arrivant à la maison ? Personne ! Làdessus, heureusement, je rencontre Chnikof dans l'escalier. Vous connaissez Chnikof...
;LA DIRECTRICE
:Non, pas encore.
;ROSA
:C'est notre voisin de palier. Celui qui a des verrues.
://(c Ah ! vous voilà enfin, Rosa Eréméèvna ! )//
)//
:qu'il me dit,
://( vous cherchez vos trois gosses ? Ne vous inP ·œ œ 34 quiétez pas, ils sont chez nous ! Votre mari nous les a laissés en partant ! )//
;LA DIRECTRICE
://(outrée)//
:Il a abandonné son foyer en laissant ses enfants à des voisins, comme une vieille bicyclette 7 Comme vous avez dû souffrir ?
;ROSA
:C'est surtout quand j'ai appris qu'il passait son dimanche dans une maison à 43 roubles 50 kopeks que j'ai souffert. Je ne vous cache pas que je suis très inquiète l
;LA DIRECTRICE
://(grave et triste)//
:Comme je vous comprends, Chère et malheureuse Rosa Eréméèvna, comme je vous comprends ! ROSA
://(frappée)//
:Pourquoi ditesvous cela ? Vous savez quelque chose !
://(Silence douloureux mais éloquent de la Directrice.)//
:Il n'est pas seul ici, n'estce pas ? Il est avec... avec une femme ?
://(La Directrice ferme les yeux et soupire.)//
:Je m'en doutais ! Comment estelle ? Jeune, évidemment ?
;LA DIRECTRICE
://(triste)//
:Si ce n'était que ça ! ROSA
://(angoissée)//
:Moi, je trouve que c'est déjà beaucoup ! Elle est aussi autre chose ?
;LA DIRECTRICE
://(triste)//
:Elle est célèbre !
;ROSA
:Mon Dieu !
;LA DIRECTRICE
://(triste)//
:Médaille d'or de la Promotion Agricole ! Meilleure tractoriste de l'année ! Ingénieur Agronome ! Lauréate de 1'Académie Timiriazev i Et ce n'est pas tout !
;ROSA
:Qu'estce qu'elle est encore ?
;LA DIRECTRICE
://(triSte)//
:Jolie comme le jour, belle comme la nuit ! ROSA
://(douloureuse)//
:C'est horrible !
;LA DIRECTRICE
://(triste)//
:Des cheveux d'or ! Un visage de rêve ! Des yeux de gazelle, un regard de feu, des dents de perle, un cou de cygne, une poitrine de marbre, une taille de guêpe, des jambes de déesse...
://(Làdessus écrasée par cette descr/>tion, Rosa Eréméèvna, tombe sur le pouf que lui approche la Directrice.)//
:Manqué ! ...
://(La Directrice a un sourire ravi.)//
:... Elle a eu le choc, c'est le principal !
://(Criant.)//
:Docteur Kirilof ! Docteur Kirilof
://(C"est le portier qui entre.)//
:Philippe, conduisez vite cette pauvre madame Za'itsev chez le Docteur, vous serez gentil. Ils soulèvent Rosa Eréméèvna.
;LE PORTIER
://(hochant la tête)//
:Ce Za"itsev, tout de même ! Deux femmes pour lui seul, alors qu'il y a tellement de pauvres gens qui manquent de tout... Ils vont vers la porte. — Entrée de Mme Doudkina.
;Mme DOUDKINA
://(soulagée)//
:C'est fait, Vera Karpovna, j'ai eu les pompiers !
://(Changement de ton.)//
:Qui est cette dame ? Elle est morte ?
;LA DIRECTRICE
:Non. C'est Raspoutine qui est mort. En 1916 ! Elle sort aveç le portier en portant Rosa.
;Mme DOUDKINA
://(seule)//
:Evidemment qu'il est mort en 1916 ! Pourquoi me ditelle ça ? Elle hausse les épaules et, tout en chantonnant, choisit deux ou trois revues sur la table — comme elle va repartir, une porte s'entr'ouvre prudemment, laissant apparaître le visage inquiet de Mioussov.
;MIOUSSOV
://(bas)//
:Zola Vassilievna ! Vous êtes seule ?
;Mme DOUDKINA
:Rassurezvous, intrépide Mioussov, mon mari n'est pas ici pour le moment. Il est allé éteindre un incendie !
;MIOUSSOV
:Eteindre un incendie il n'est pas pompier. Je le croyais professeur de langues orientales ?
;Mme DOUDKINA
:Sachez qu'il professe aussi l'héroïsme, Monsieur Mioussov ! Il n'est pas de cette race de pleutres qui sortent des placards à balais, lui! MIOUSSOV lagacéj." Oh ! Je vous en prie, hein, ce n'est pas le moment ! D'abord, je ne sors pas d'un placard à balais, je sors d'une horloge, d'une horloge avec son contrepoids, ce qui n'est pas à la portée du premier venu ! Croyezmoi !
;Mme DOUDKINA
://(cinglante)//
:Vous êtes sorti de ma vie, en tout cas, et de mes pensées !
;MIOUSSOV
://(soudain illuminé)//
:Qu'estce que vous dites, c'est vrai ?
://(Epanoui ! Vous ne m'aimez plus ?
;Mme DOUDKINA
:Oh non l
;MIOUSSOV
://(soulagé)//
:Mais c'est merveilleux ! Merci Zola Vassilievna, merci !
://(Il l'embrasse spontanément sur les deux joues.)//
:Vous verrez comme nous allons être heureux tous les deux, chacun de notre côté !
://(Se laisse tomber, détendu, dans un fauteuM)//
:Alors ! ... Vous avez tout dit au professeur, naturellement ? Il est au courant ?
;Mme DOUDKINA
://(froide)//
:Non.
;MIOUSSOV
://(debout)//
:Quoi ?... Mais alors, il n'y a rien de changé.
;Mme DOUDKINA
://(froide)//
:Les choses suivront leur cours, Mioussov.
;MIOUSSOV
://(indigné)//
:Mais vous êtes un assassin l
;Mme DOUDKINA
:Je suis une femme que vous avez bafouée, piétinée et qui se venge ! Retournez dans votre placard !
;MIOUSSOV
://(affolé)//
:Mais je ne peux pas, il y a déjà quelqu'un l
;Mme DOUDKINA
://(grave)//
:Eh bien ! Tassezvous ! Elle s'éloigne d"un pas rapide. Exit Mme Doudkina.
;MIOUSSOV
://(seul)//
:ça n'a pas de nom ! Ce que je suis en train de subir n'a pas de nom ! Dans aucune langue ! ou alors orientale. Je...
://(On entend un bruit de voix confus. Il sursaute.)//
:On vient ! C'est lui ! Il bondit vers /"hor/oge et s'y enferme. Une porte s'ouvre et K/ava paraît, suivie comme tout à /"heure par Kostia.
;KLAVA
://(en marche)//
:Laissemoi tranquille, nous n'avons plus rien à nous dire ! KOSTIA
://(en marche)//
:Arrêtetoi, au moins ! Tu marches, tu marches !
;KLAVA
://(en marche)//
:Les Messalines, ça marche !
;KOSTIA
:Ah ! c'est comme ça !
://(Il la saisit à pleins bras par la taille — la soulève, la dépose assez rudement dans un fauteuil.)//
:Et maintenant, tu vas m'écouter l.
;KLAVA
://(furieuse)//
:Espèce de brute i Sauvage ! Esquimau !
;KOSTIA
:Tout ce que tu voudras, mais tu vas m'écouter, Klava lgniatiouk.
;KLAVA
://(furieuse)//
:Plus jamais !
://(Elle se lève. Il la repousse dans le fauteuil où elle retombe.)//
:Tu peux me battre si tu veux, je ne t'écouterai pas !
://(Elle met ses deux mains contre ses oreilles, bien serrées, rentre la tête dans les épaules.)//
:Je ne t'écouterai pas, je ne t'écouterai pas ! Il s'agenow7/e près d"e//e. KOSTIA
://(doucement)//
:Alors tu veux que je sois malheureux ?...
://(Silence de K/ava.)//
:Je ne suis plus ton Kostiadouchka, ton marin chéri, ton grand imbécile de briseur de glace ?...
://(Silence de K/ava.)//
:Tu ne m'aimes plus ? C'est bien vrai ?
://(Silence de K/ava.)//
:Moi, je t'aime toujours, comme avant, peutêtre encore plus qu'avant l...
://(SHence de K/ava)//
:Et pourtant tu as changé, tu sais ! Pas beaucoup, bien sûr, mais tout de même l... Tu t'es un peu épaissie, un peu empâtée... Elle Ôte brusquement ses mains de ses oreilles, le foudroie du regard, se dresse d"un bond.
;KLAVA
://(indignée)//
:Epaissie, moi ? Empâtée ? j'ai perdu deux kilos ! KOSTIA
://(riant)//
:Je savais bien que tu m'écoutais l
;KLAVA
://(suffoquée)//
:Oh !... Tu devrais avoir honte de teni t ! F W 35 T~ ~ dre des pièges pareils à une femme ! KOSTIA
://(riant)//
:Rassuretoi, tu n'as jamais été aussi belle !
://(Il se lève, la prend dans ses bras.)//
:Je t'aime, ma petite pomme, je t'aime, je t'aime et je te demande pardon ! Je te jure que je ne serai plus jamais jaloux ! Toi, dans les bras d'un autre ? Mais c'est grotesque ! C'est à mourir de rire !
;KLAVA
:N'exagère pas dans l'autre sens, maintenant !
;KOSTIA
:En tout cas, c'est fini. Tu ne m'en veux plus ?
;KLAVA
://(vaincue)//
:Tu es redevenu le marin le plus aimé de toute la Marine Marchande...
;KOSTIA
:Alors, rendsles moi...
;KLAVA
:Quoi ?
;KOSTIA
:Tes télégrammes. Ce sont mes lettres d'amour, à moi !
;KLAVA
://(les sort de sa poche)//
:Les voilà, grand imbécile ! Il les prend, serre K/ava contre lui à /"étouffer. Ils s'embrassent — Entrée de la Directrice.
;LA DIRECTRICE
://(choquée)//
:Encore !
;KLAVA
://(se dégage vivement, confuse)//
:Pardon, Madame, je suis désolée...
;LA DIRECTRICE
://(pincée)//
:Vous n'en aviez vraiment pas l'air !
://(A Kostia.)//
:Quant à vous, jeune homme, votre impudeur passe les bornes ! Vous êtes charmant, c'est entendu, mais tout de même !...
://(Se retourne vers K/ava.)//
:Mon pigeon, ma colombe, préparezvous à recevoir un choc terrible. Rosa Eréméèvna est ici !
;KLAVA
://(étonnée)//
:Qui estce ?
;LA DIRECTRICE
:La première femme de votre mari.
;KLAVA
://(sursaut)//
:Hein ? KOSTIA
://(suffoqué)//
:Qu'estce que c'est que cette histoire idiote ?
;LA DIRECTRICE
:Vous, taisezvous !
://(A K/ava.)//
:Et non seulement votre mari a épousé Rosa Eréméèvna en premières noces, mon pauvre pigeon, mais il lui a fait trois enfants !
;KLAVA
:Trois enfants, mon Dieu !...
://(Regarde Kostia avec horreur.)//
:Trois enfants... KOSTIA
://(exaspéré)//
:Quels trois enfants ? Tu ne vas pas écouter cette vieille folle, tout de même ?
;LA DIRECTRICE
:Rosa Eréméèvna n'est ni vieille ni folle, jeune homme !
;KOSTIA
:C'est de vous que je parle !
;LA DIRECTRICE
://(suffoquée)//
:Oh !
;KLAVA
://(tendue)//
:Je te préviens que ce n'est pas avec des insultes que tu t'en tireras ! Expliquetoi, et vite ! Qui est cette Rosa Eréméèvna ? La porte s"ouvre alors à la volée et Rosa paraît. ROSA
://(dramatique)//
:Je veux voir Klava lgniatiouk. Où est Klava Igniatiouk ?
;LA DIRECTRICE
://(un pas vers elle)//
:Estce que vous avez bien pris... ROSA
://(/"écarte d'un geste)//
:Laissezmoi tranquille avec votre bain ! Où est Klava lgniatiouk ?
;KLAVA
:Je suis Klava lgniatiouk. Et vous, qui êtesvous ?
;ROSA
:Je suis Rosa Eréméèvna ! KOSTIA
://(exaspéré)//
:J'affirme que je n'ai jamais fait un seul enfant à cette dame !
;LA DIRECTRICE
://(à Kostia)//
:Mais il ne s'agit pas de vous ! Taisezvous donc !
;KOSTIA
;//(furieux)//
:Il s'agit de qui, alors ?
;ROSA.
:Il s'agit de Nicolas !
;KOSTIA
:je m'appelle Galouchine !
;LA DIRECTRICE
:Alors taisezvous ! ROSA
://(à K/ava)//
:Je veux voir Nicolas ! Où est Nicolas ?
;KLAVA
:Mais qui est Nicolas ? 36 ROSA
://(dramatique)//
:C'est le mari que vous m'avez volé et le père que vous avez volé à mes enfants !
;KLAVA
://(ahurie)//
:Moi ?
;LA DIRECTRICE
:Quel affreux dimanche ! KOSTIA
://(sévère)//
:Toi, oui ! Il me semble que c'est assez clair! Où estil, ce Nicolas ?
;KLAVA
://(en colère)//
:Comment veuxtu que je le sache ? Je n'ai jamais approché un seul Nicolas de ma vie !
;ROSA
:Alors comment avezvous fait pour l'attirer dans une maison à 43 roubles 50 kopeks, hein ?
;KOSTIA
:Oui, comment astu fait ? ROSA
://(douloureuse)//
:Jamais encore il n'avait dépensé autant d'argent d'un seul coup depuis qu'il a acheté sa bicyclette ! /Dans un grand élan.)//
:Rendezle moi, Klava lgniatiouk ! Rendezle moi et je vous pardonne ! Vous n'êtes pas faite pour lui ! Vous êtes belle, d'accord, vous êtes jeune, fraiche, bien faite, intelligente, cultivée, mais c'est tout ! Savezvous seulement faire le riz au potiron.
;KLAVA
://(perdue)//
:Non...
;LA DIRECTRICE
:C'est très simple. Vous prenez un potiron, vous le coupez en quatre...
;ROSA
:Et je ne parle pas de la différence d'âge ! C'est une honte qu'une belle fille comme vous s'amuse à débaucher un père de famille de cinquante ans passés, rhumatisant et chauve !
;KOSTIA
://(dans un cr/)//
:Il est chauve ?
;ROSA
:Parfaitement ! Et il ne s'en cache pas !
;KOSTIA
://(avide)//
:Fonctionnaire ?
;ROSA
:Fonctionnaire !
;KOSTIA
://(avide)//
:Distingué ?
;ROSA
:Très distingué !
;KOSTIA
://(explosion de fureur sauvage)//
:C'est lui !
://(A K/ava.)//
:Le voilà, ton fameux fonctionnaire ! Cette fois tu es prise la main dans le sac !
;KLAVA
://(exaspérée)//
:Toi, ne recommence pas avec cette histoire ou je te jure que tu t'en repentiras !
;KOSTIA
:Recommencer ? J'aimerais mieux me casser les deux bras et les deux jambres que recommencer avec toi ! Le pôle nord, et vite ! ! Il lui tend ses télégrammes.)//
:Tiens les voilà ! Je n'en veux plus! J'en suis guéri à jamais, des petites pommes !
;KLAVA
://(les lui arrache)//
:Imbécile ! Entrée rapide de Zaitsev que Choura et le Docteur Kirilof tiennent solidement, chacune par le bras. Dr KIRILOF
://(triomphant/. Cette fois, je le tiens !
;ROSA
:Nicolas !
;ZAITSEV
://(atterré)//
:Rosa ! Tu es en pyjama ! Je te croyais en Ukraine.
;ROSA
:Et ça t'arrangerait, hein ? Eh bien non, je ne suis pas en Ukraine !
;ZAITSEV
: Qu'estce que tu fais ici ?
;ROSA
:Et toi ?
;ZAITSEV
: Moi ?.. Je ... je cherche de la peinture ! ça se voit non.
;ROSA
:Moi je vais te dire ce que tu fais, moi ! Tu te livres à des orgies répugnantes et audessus de tes moyens !
;KOSTIA
://(le poing tendu)//
:Avec ma petite pomme !
;ZAITSEV
://(ahurit Hein ?...
://(A Rosa.)//
:Orgie ? Quelle orgie ? ROSA
://(le bras tendu vers K/ava)//
:Et ça, qu'estce que c'est ? Un cou de cygne, des yeux de biche, une taille de guêpe, une poitrine de marbre, tout ça à ton âge, ce n'est peutêtre pas une orgie ? "
;KOSTIA
:C'est une orgie, c'est moi qui vous le dis !
;KLAVA
://(furieuse)//
:Toi, Galouchine, taistoi ! b : i * ^ :J«= «t.= t , «:zsm =mFp:g± :>hµâ :" ZST ~ = Z=T =F" :AC!5&. ¶e ~ &u. *b ":=|!e *""œmË', =4'754 ~* '¥ ^. . ,µ9' 3masm.,. màkuŒE2È =E..>CLF^... _" .,~.2¥!E. = = .* ' mCSµ ==!ŒNœ: . >CLSW, 7 ŒC îlS ;t' CRL~F Z== W.* ,u ,,, = =Œ; :=e 'C: 'mœiœ ' W =m =m : . T==E ==. 4111T "mmr' '== =""' & >=m &l|=" _jmàw'.2 e à==. ' ;j" 'ŒQL_F =l!m=k. ± =WŒ %2Eµ .. =E '*· Œ.:mm ·aE ,"' ' "àE=E! = "=E'H|iŒF'· & :jFES=K= " m==. : :E5 a:zsz :b* 2'TR:::I||Ë " _# 3H=~ 'RL= _. = ✠= =m=" gTT=ù:m mÀr ~119e 'N1|\1=f :;CEµ =&rœ. :_ '. Z&'TSE'r Œ œ!E *ÎkE = =m! = = %1E Z _& '3H= dï= * =¶È qe ==|||NE" , Ë >G"%24 àwmœ = . _a ~1NQ= *= , mèmgE œ m¥ . =mm=3uk.' :.DC=u:"' * ŒUN } "me'"s 3r €:RL.:F '%== . _4 :JFE=*Œ "'. W E "W' = ' <" µ ~=:,. =' Z4TSE,à Z" _= QE ' "~S=_ . àŒA > zjn' e Z4TSE4 Z" = œhrszi "~b _ ="e .je mam = ZF=¥' 3 M+ e ~ = S:r" =%" E ~'" 7 =" :=r "T aûr3" =jr=TTE = siemœ = 37". 3ct'e e "=m mcju~' e i :jem=r* 'àu" =c t < . &" ' àCSA d'ar= murm ' À ""l I 0
;LA DIRECTRICE
:Vous n'avez rien à voir làdedans ! KOSTIA
://(suffoqué)//
:ça alors !
;ZAITSEV
: C'est ma faute !
://(A Rosa.)//
:Klava lgniatiouk n'y est pour rien, Rosa. C'est moi qui ai tout fait !
;ROSA
:Ne me prends pas pour une idiote, Nicolas ! J'ai eu trois enfants l
;ZAITSEV
: Je te répète que je cherchais de la peinture !... Je...
://(A Choura.)//
:Vous pouvez me lâcher, je ne me sauverai pas.
;CHOURA
:Un homme qui se cache dans un placard à balais, ça ne se lâche pas comme ça ! ROSA
://(stupéfaite)//
:Dans un placard à balais ?...
;CHOURA
:C'est là qu'on l'a retrouvé, tout recroquevillé !
;Dr KIRILOF
:Exactement dans la position du fœtus. Un cas très intéressant !
;ROSA
:Ah, vous trouvez !
://(A Zaitsev, ind/gnée.)//
:Alors, pour 43 roubles 50 kopeks tout ce que vous trouvez à lui faire faire c'est d'aller se recroqueviller comme un fœtus dans un placard à balais. Mais tu es complètement idiot pardessus le marché, mon pauvre Nicolas !
://(A Choura.)//
:Alors vous le lâchez, oui ?
://(Impressionnée, Choura le lâche.)//
:Et vous aussi, l'infirmière ! Dr KIRILOF
://(pincé)//
:je suis le Docteur Kirilof et cet homme a besoin de soins ! ROSA
://(rude)//
:Les docteurs, dans ma famille, on les enterre ! Lâchezle !
://(Le Docteur le lâche.)//
:Toi, maintena nt, tâche de trouver une bonne excuse, et vite !
;LA DIRECTRICE
:Soyez indulgente, Rosa Eréméèvna ! Son excuse, c'est 1'Arctique ! ROSE. Quel article ?
;LA DIRECTRICE
:L'Arctique ! L'océan ! Croyezvous qu'un homme puisse dériver dans les mers polaires et camper impunément sur une banquise pendant dix huit mois ? Non, mille fois non! ROSA
://(ahurie)//
:Qu'estce qu'elle raconte ?
;ZAITSEV
: Je sais pas. Chaque fois qu'elle me rencontre, elle me parle de l'océan Arctique ! Je ne sais pas ce qu'elle a !
;LA DIRECTRICE
:Comment ? C'est vous qui m'en avez parlé le premier !
;ZAITSEV
: Jamais de la vie !
;LA DIRECTRICE
://(perdue)//
:Je sais ce que je dis, tout de même ! Je ne suis pas folle !
://(Silence général lourd de signification. Angoissée, elle se tourne vers le Docteur.)//
:Docteur, je veux la vérité ! Comment étaient mes derniers tests ?
;Dr KIRILOF
:Plutôt encourageants, Vera Karpovna.
;LA DIRECTRICE
://(rassurée)//
:Merci, Docteur ! Mais alors qui est le mari de Klava lgniatiouk? KOSTIA
://(hurlant)//
:Le mari de Klava lgniatiouk, c'est moi Galouchine l
;ZAITSEV
: Et moi je suis Zai'tsev, je cherchais de la peinl turc... i '
;ROSA
:ça, on le sait !
;ZAITSEV
: Et les bons, c'est le camarade Mioussov qui les délivre, tu comprends, et il VÎEtlt toujours ici le dimanP che ! je voulais voir Mioussov ! Seulement, on ne m°a pas laissé entrer. Je ne suis pas célèbre ! En sortant, j'ai vu le nom de Klava' lgniatiouk, gros comme ça dans les journaux ! Alors, je me suis fait passer pour ! son mari, le mari de Klava lgniatouik, voilà ! c'est tout ! C'est clair !
://(Silence général.)//
:Un enfant de deux ans aurait compris ça depuis le début de la matinée !...
://(Le silence se prolonge. Il a un hochement de tête résigné.)//
:Bon, alors je reprends tout depuis le début ! Demain nous sommes le lundi 8 et aprèsdemain le mardi 9. La peinture faut que ça sèche et le Dépôt... TOUS
://(ravis)//
:Ah, tout s'explique ! ROSA
://(large sourire de fierté)//
:Et tu es rentré ! Têtu.i comme une mule, bon comme le pain, je te reconnais bien là ! Embrasse moi, Nicolas !
;KLAVA
://(riantl. Pardon, sa femme d'abord !
://(Elle l'embrasse.)//
:J'aime les gens de votre trempe, Monsieur Ka'itsev, ceux qui tracent leur sillon jusqu'au bout, quoi qu'il arrive, comme les tracteurs ! KAITSEV
://(ému)//
:Merci, Klava lgniatiouk ! KOSTIA
://(épanoui/. Galouchine i
;KLAVA
://(le toise, glacée)//
:Qui cela, Galouchine ? KOSTIA
://(épanoui)//
:Toi ! Tu es Klava Galouchine !
;KLAVA
:Ah non, alors ! C'est fini et bien fini ! KOSTIA
://(atterré)//
:Klava !
;KLAVA
:Tu es guéri des petites pommes, hein ? Eh bien moi je suis dégoûtée des briseglace ! Et elle sort.
;KOSTIA
:Klavoutchka ! Klavoutchka !
://Il se rue à sa poursuite. C'est alors que retentissent quelques coups de poing précipités qui viennent de l'horloge, en même temps qu'on entend la voix haletante de Mioussov.//
:VOIX DE MIOUSSOV.
:Ouvrez ! Ouvrez !
://Ils regardent tous, effarés. Choura saisit convulsivement le bras du docteur.//
;CHOURA
:Docteur, c'est l'horloge qui parle !
;VOIX DE MIOUSSOV.
:Ouvrez ! Ouvrez ! J'étouffe !
;LA DIRECTRICE
://(calme)//
:Eh bien, Choura, allez ouvrir !
://Choura s'approche craintivement de l'horloge et en ouvre la porte, Mioussov en sort, titubant, cherchant à reprendre son souffle.//
;ZAITSEV
: Mioussov.
;LA DIRECTRICE
:Cher ami, je ne voudrais pas avoir l'air de me mêler de ce qui ne me regarde pas mais je vous signale que vous étiez dans 1°horloge !
;MIOUSSOV
://(désinvolte et essoufflé)//
:Oui, je... cherchais l'heure.
;ZAITSEV
://(décidé)//
:Camarade Mioussov, je suis désolé de vous déranger un dimanche, mais j'ai absolument besoin de votre signature ! Voilà de quoi il s'agit. Je cherche de la peinture... mioussov. Oui, oui, j'ai entendu... Vous avez le bon de livraison ?
;ZAITSEV
: Vous pensez ! Il lui donne le bon. ROSA
://(à Za/tsev)//
:Tu vois comme c'est simple ! Ce n'était vraiment pas la peine de faire tant d'histoires l
;ZAITSEV
: Signez ici, camarade Mioussov... et ici... et ici... et ici...
;MIOUSSOV
://(à Zai'tsev)//
:Vous avez un stylo ?
;ZAITSEV
://(atterré)//
:Un stylo ? Je n'ai pas de stylo !
://(A la Directrice qui est la plus proche de lui)//
:Vous avez un stylo ?
;LA DIRECTRICE
:Non !
://(A Rosa qui est près d'elle.)//
:Vous avez un stylo ?
;ROSA
:Non !
://(A qui est près d'elle.)//
:Vous avez un stylo ?
;CHOURA
:Non !
://(Au Docteur.)//
:Vous avez un stylo ?
;Dr KIRILOF
:j'ai un stylo mais je ne le prête pas.
://(A Mioussov.)//
:Vous avez un stylo ?
;MIOUSSOV
:Non !
://(A Zaltsev)//
:Vous avez un stylo ?
;CHOURA
:je n'ai pas de stylo.
;ZAITSEV
://(debout, angoissé)//
:Un stylo ! Je veux un stylo ! Vous n'allez pas briser ma carrière pour un stylo, tout de même ! Un stylo ! Un stylo !
;TOUS
://(criantl. Un stylo ! Un stylo !
Ils se précipitent tous dehors par des portes différentes et en désordre. Làdessus, le professeur Doudkine entre tranquillement. Zaitsev se rue sur /u/
;ZAITSEV
: Pardon, Monsieur, vous avez un stylo ?
;Pr DOUDKINE
://(aimable)//
:Mais oui, Monsieur !
://(Lui tend son stylo.)//
:Voici...
;ZAITSEV
://(le tend à Mioussov)//
:Voilà !
;MIOUSSOV
:Parfait...
://(Cordial.)//
:Je vais vous en mettre cent kilos !
;ZAITSEV
://(ébloui)//
:C'est trop !
;MIOUSSOV
://(cordial)//
:Vous boirez le reste à ma santé !
://(Il signe, épanoui.)//
:Quel dimanche, croyezvous ! Quand je pense que je vous ai pris pour le Professeur Doudkine ! Fautil être bête !
://(Riant et signant. Doudkine le regarde, étonné, Mioussov lui rend le stylo.)//
:Merci beaucoup, Monsieur !... Monsieur ?... Pr DOUDKINE. Professeur Doudkine.
;MIOUSSOV
://(machina/ement/. Encha n...
://(Dans un cri ! Doudkine !
Il tombe comme une masse. Làdessus, i7s rentrent tous, chacun brandissant un stylo.
Ils regardent tous Mioussov évanoui. Le rideau se ferme.
Le rideau se relève. Mioussov et le professeur Doudkine se serrent la main et se contragu/ent au milieu d"un joyeux brouhaha général. Entrée de Kostia portant K/ava dans ses bras. Le rideau se ferme.
Le rideau se relève. Le portier circule avec un plateau plein de petits verres de vodka. Ils en prennent tous un rapidement, toujours dans le même brouhaha. Musique russe très rythmée. Entrée de Madame Doudkina qui brandit un superbe chat de gouttière.
;Mme DOUDKINA
://(criant, ravie)//
:Raspoutine est vivant !
Le rideau se ferme.
Le rideau se relève. La musique russe est au maximum d'intensité sonore. Ils viennent tous sur un rang vers le devant de la scène, tendent leur verre dans un même geste vers le public.
;TOUS. Za zdorovié !
Ils boivent tous ensemble et, d'un même geste, jettent leur verre pardessus leur épaule. La musique contihue.
Le rideau se ferme. C"est la...
!!!!!FIN
!^^Yves Sauvageau
^^JEAN ET MARIE
;JEAN (Garçon)
Envoie-donc, Marie… Je me ronge les sangs, puis ça fait un bon bout de temps, à cause de toi.
Tu le sais là.
Je devrais pas te le dire, tu vas rire de moi.
Je mets peut-être la charrie devant les boeufs en te disant ça, mais… Ah ! je dois être rouge comme une tomate… tu dois me trouver niaiseux, hein ?
En tout cas, c’est clair comme de l’eau de roche.. puis, c’est pas te conter fleurette si je te dis que… que… J’ai les deux pieds dans la même bottine, bonyenne !…
Je te cours après, Marie.
Je pense à toi et c’est pas d’hier.
Gêne-toi pas, ris-moi ne pleine face, j’ai le dos large.
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|nom|Turbé|
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|HommageJean|[[Les Ingénus]] //Paul Verlaine//|
|ArtDeDire2 |[[Le mot et la chose]] //Gabriel-Charles de Lattaignant//<br>[[Compagne savoureuse et bonne - Verlaine]]<br>[[Vieille chanson du jeune temps]] //Hugo//|
ArtDeDire3: La jeune veuve, de Jean de La Fontaine
+++^^*@[À faire]
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!!!!Dernières vidéos
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{{homeTitle center{Jacques Brel}}}
!Je Hais Les Dimanches//
^^Aznavour^^//
Tous les jours de la semaine Sont vides et sonnent le creux
Bien pire que la semaine Y a le dimanche prétentieux
Qui veut paraître rose Et jouer les généreux
Le dimanche qui s'impose Comme un jour bienheureux
Je hais les dimanches !
Je hais les dimanches !
Dans la rue y a la foule
Des millions de passants
Cette foule qui coule D'un air indifférent
Cette foule qui marche Comme à un enterrement
L'enterrement d'un dimanche Qui est mort depuis longtemps.
Je hais les dimanches !
Je hais les dimanches !
Tu travailles toute la semaine et le dimanche aussi
C'est peut-être pour ça que je suis de parti-pris
Chéri,
si simplement tu étais près de moi Je serais prête à aimer tout ce que je n'aime pas.
Les dimanches de printemps Tout flanqués de soleil
Qui effacent en brillant Les soucis de la veille
Dimanche plein de ciel bleu Et de rires d'enfants
De promenades d'amoureux Aux timides serments
Et de fleurs aux branches
Et de fleurs aux branches
Et parmi la cohue
Des gens, qui, sans se presser, Vont à travers les rues
Nous irions nous glisser Tous deux, main dans la main
Sans chercher à savoir Ce qu'il y aura demain
N'ayant pour tout espoir
Que d'autres dimanches
Que d'autres dimanches
Et tous les honnêtes gens Que l'on dit bien-pensants
Et ceux qui ne le sont pas Et qui veulent qu'on le croie
Et qui vont à l'église Parce que c'est la coutume
Qui changent de chemise Et mettent un beau costume
Ceux qui dorment vingt heures Car rien ne les en empêche
Ceux qui se lèvent de bonne heure Pour aller à la pêche
Ceux pour qui c'est le jour D'aller au cimetière
Et ceux qui font l'amour Parce qu'ils n'ont rien à faire
Envieraient notre bonheur
Tout comme j'envie le leur
D'avoir des dimanches
De croire aux dimanches
D'aimer les dimanches
Quand je hais les dimanches ...
{{center{^^//<<storyViewer amour previous>><<storyViewer amour list>><<storyViewer amour next>>//^^
!Je chante et pleure, et veux faire et défaire
!!!!!!//Abraham de VERMEIL (1555-1620)//
Je chante et pleure, et veux faire et défaire,
J'ose et je crains, et je fuis et je suis,
J'heurte et je cède, et j'ombrage et je luis,
J'arrête et cours, je suis pour et contraire,
je veille et dors, et suis grand et vulgaire,
Je brûle et gèle, et je puis et ne puis,
J'aime et je hais, je conforte et je nuis,
Je vis et meurs, j'espère et désespère ;
Puis de ce tout étreint sous le pressoir,
J'en tire un vin ores blanc, ores noir,
Et de ce vin j'enivre ma pauvre âme,
Qui chancelant d'un et d'autre côté,
Va et revient comme esquif tempêté,
Veuf de nocher, de timon et de rame.
}}}
{{center{[img(33%,)[http://www.danielbrouillette.com/wp-content/uploads/2016/02/image-14.jpeg]]}}}
!Je dédie à tes pleurs, à ton sourire
!!!!!{{center{Émile VERHAEREN
(1855-1916)}}}
{{center{
Je dédie à tes pleurs, à ton sourire,
Mes plus douces pensées,
Celles que je te dis, celles aussi
Qui demeurent imprécisées
Et trop profondes pour les dire.
Je dédie à tes pleurs, à ton sourire,
A toute ton âme, mon âme,
Avec ses pleurs et ses sourires
Et son baiser.
Vois-tu, l'aube blanchit le sol, couleur de lie ;
Des liens d'ombre semblent glisser
Et s'en aller, avec mélancolie ;
L'eau des étangs s'éclaire et tamise son bruit,
L'herbe rayonne et les corolles se déplient,
Et les bois d'or s'affranchissent de toute nuit.
Oh ! dis, pouvoir, un jour,
Entrer ainsi dans la pleine lumière ;
Oh ! dis, pouvoir, un jour,
Avec des cris vainqueurs et de hautes prières,
Sans plus aucun voile sur nous,
Sans plus aucun remords en nous,
Oh ! dis, pouvoir un jour
Entrer à deux dans le lucide amour !...
}}}
66o: [[Jacques|https://giga.gg/l/576ed1f6f8e5df67868b4580]]
{{center{^^//<<storyViewer amour previous>><<storyViewer amour list>><<storyViewer amour next>>//^^
!Je l’aime bien…
!!!!!!//Olivier de MAGNY (1529-1561)//
Ie l’ayme bien, pource qu’elle a les yeux
Et les sourcils de couleur toute noire,
Le teint de rose, & lestomac d’yuoire,
L’aleine douce, & le riz gracieux.
Ie l’ayme bien, pour son front spacieux,
Où l’amour tient le siege de sa gloire,
Pour sa faconde & sa riche memoire,
Et son esprit plus qu’autre industrieux.
Ie l’ayme bien, pource qu’elle est humaine,
Pource qu’elle est de sçauoir toute pleine,
Et que son cœur d’auarice n’est poingt.
Mais qui me fait l’aymer d’vne amour telle,
C’est pour autant qu’el’ me tient bien en point
Et que ie dors quand ie veux auec elle.
}}}
!Je mourrais de plaisir…//
^^Pierre de Ronsard^^//
{{center{
Je mourrais de plaisir voyant par ces bocages
Les arbres enlacés de lierres épars,
Et la lambruche errante en mille et mille parts
Ès aubépins fleuris près des roses sauvages.
Je mourrais de plaisir oyant les doux langages
Des huppes, et coucous, et des ramiers rouards
Sur le haut d’un futeau bec en bec frétillards,
Et des tourtres aussi voyant les mariages.
Je mourrais de plaisir voyant en ces beaux mois
Sortir de bon matin les chevreuils hors des bois,
Et de voir frétiller dans le ciel l’alouette.
Je mourrais de plaisir, où je meurs de souci,
Ne voyant point les yeux d’une que je souhaite
Seule, une heure en mes bras en ce bocage ici.
!!!!!!Pierre de Ronsard
}}}
!Je ne suis plus ton lapin//
^^Matéi Visniec^^//
>Elle. Lui.
;Elle
: J'en étais sûre.
;Lui :
: T'étais sûre de quoi ?
;Elle
: J 'étais sûre que tu allais t`allumer une cigarette.
;Lui :
: Et alors ?
;Elle
: Vous faites, tous, toujours, la même chose.
;Lui :
: Tous, qui ?
;Elle
: Après l'amour vous allumez tous une cigarette.
;Lui :
: Et alors ?
;Elle
: Dès que vous sortez du corps d'une femme, vous allumez une cigarette. C'est automatique. Comme si vous sortiez d'un bureau de tabac.
;Lui :
: Ecoute... Il y a des gens qui fument, c'est tout.
;Elle
: De toute façon, elles ont raison...
;Lui :
: Qui '.?
;Elle
: Celles qui disent qu'après 1'amour le mâle ne pense qu'à se barrer.
;Lui :
: Mais je ne veux pas me barrer.
;Elle
: Mais si.
;Lui :
: Mais non. Je suis bien. C'est tout.
;Elle
: Alors pourquoi tu ne dis rien ?
;Lui
:Ecoute, on peut pas parler tout le temps.
;Elle
: De toute façon, tu ne penses plus à moi.
;Lui :
: Mais je ne pense pas du tout. Je suis bien. Cest tout. Tu veux une bouffée ?
://(Elle prend une bou/fée)//
;Elle
: Tu es de toute façon déjà loin.
;Lui :
: Je ne suis pas aussi loin que ça, je suis avec toi.
;Elle
: Oui, mais tu ne penses plus à moi. Tu es vidé.
;Lui :
: Je suis vidé parce que je suis bien. Et je ne pense pas, je suis bien, et c'est tout.
;Elle
: Oui, mais tu es vidé.
;Lui :
: Je ne suis pas aussi vidé que ça. Je suis content. C'est tout.
;Elle
: De toute façon je sens comme tu t'é1oignes. Tu te vides et tu t'éloignes. Tout à l`heure tu étais tendre. Et maintenant tu es inerte comme un désert.
;Lui :
: Ecoute, tu peux me laisser tranquille deux minutes ?
;Elle
: Sans problème. De toute façon, tout est vide maintenant autour de toi. Et ça se sent.
;Lui :
: Ça se sent, quoi ?
;Elle
: Le vide. Je le sens. Le vide qu'il y a en toi. C'est pour ça que tu es déjà loin. Parce que tu es vidé, et que le vide s'étend maintenant tout autour de toi. Il n'y a plus de tendresse, plus de dialogue, rien. C'est le vide. Et ça fait mal. Mais ce n'est pas grave.
://(Elle reprend une bouffée)//
;Lui :
: Je ne comprends rien. Vraiment. Je suis bien, j'avais envie de ne penser à rien pendant deux minutes, et du coup tu me sors tout ça, le vide, le désert...
;Elle
: Cest pour ça que tu avais envie de ne penser à rien. Parce que tu es vidé. Et parce que tu avais envie de faire le vide autour de toi aussi. Autrement dit, de partir. Partir tout de suite après l'amour, c'est une façon de faire le vide autour de soi. Chez toi, les petits moments de tendresse accidentelles annoncent le vide. Mais ce n'est pas grave. Tu peux partir. Je te comprends.
;Lui :
: Mais je n'ai pas envie de partir. Je te jure.
;Elle
: Mais tu n'as pas envie de parler non plus.
;Lui :
: Non, parce que je voulais rester tranquille deux minutes.
;Elle
: Bon, alors reste tranquille, moi, je m'en vais.
;Lui :
: Attends... Où tu vas ? Elle 1 Je m'en vais. Je te laisse te reposer. T'as envie A d'etre seul, seul dans ton désert, seul avec ton désert, donc je te laisse seul. Mais je te comprends. Tu es fait comme ça. Au revoir.
://(Elle ne bouge pas)//
;Lui
:Ecoute, vraiment, tu es trop compliquée pour moi.
;Elle
: Ne me parle pas. Je ne suis plus là.
://(Pause)//
:Voilà, donc tu es d'accord. Donc, j'avais raison. Je ne suis qu'un désert pour toi. Maintenant que t'as fait l'amour, je ne suis plus ton lapin, je suis un lapin dans un désert. Et tu es content que je sois partie.
;Lui :
: Tu déconnes.
;Elle
: Ne me parle pas. Je ne suis pas là.
://(Pause)//
:Regarde comme tu te tais.
://(Pause)//
;Lui :
: Bon, allez, fiche le camp. Si tu veux partir, pars.
;Elle
: Voilà, maintenant que t'as atteint ton but, tu peux même redevenir vulgaire.
;Lui :
: T`es fatigante, à la fin.
;Elle
: C'est toujours comme ça que tu agis, après l'amour?
;Lui :
: Ecoute, moi, après 1'amour, je n'agis pas. Je ne parle pas, je ne fais rien. Je me détends.
;Elle
: Tu te détends. _. Et tu fumes.
;Lui :
: Oui, je me détends. Et je fume. Il y en a qui mangent une pastèque ou qui boivent un verre. Et moi, je fume. C'est interdit, peut-être ?
;Elle
: Non, mais tu devrais avoir honte.
;Lui :
: Pourquoi ?
;Elle
: L'après amour c'est important, pour une femme. Et c'est après l'amour que l'homme a l'occasion de montrer qu'il n'est pas un animal.
;Lui :
: Et il doit faire quoi, à ton avis, l'homme, pour montrer qu'il n'est pas un animal après l'amour ?
://(Elle se met à pleurnicher)//
;Elle
:Je ne sais pas...
;Lui :
: Et parce que tu ne sais pas, tu pleures... Tu étais bien, tout à l'heure, dans mes bras.
;Elle
: Oui, mais tu n'es plus là.
;Lui :
: Tu as aimé, tout à l'heure.
;Elle
: J 'ai aimé, mais ça ne change rien.
;Lui :
: T'as joui... T'as été heureuse... J
;Elle
: Jouir, ça ne change rien. Etre heureuse deux minutes, ça ne change rien.
;Lui :
: Et tu veux changer quoi ?
;Elle
: Tout... Et tout de suite.
;Lui :
: Tu ne pourras jamais changer ÇA.
;Elle
: Mais si.
;Lui :
: Viens, reste tranquille deux minutes avec moi... Ne pense a rien. Tu verras... Ça fait du bien. Tu ne pourras jamais changer ÇA. .. Je t'aime.
!Je n’ai plus peur du dimanche soir//
^^Grand Corps Malade^^//
« Parce qu’avec toi le temps a pris de nouvelles dimensions
Que ma routine s’est égarée dans ces changements de direction
Parce que les jours de la semaine se mélangent dans ce bazar
Parce que c’est toi, parce que t’es là
Je n’ai plus peur du dimanche soir
Parce que ça arrive tellement souvent que je sois en pic de sentiments
Et que ma pudeur accepte quand même
De te le faire comprendre gentiment
Parce qu’il paraît que l’homme s’habitue vite, s’habitue trop
Et qu’moi je sais que mes deux mains ne se lasseront jamais de ta peau
Quand je vois tout ce qu’on a construit
Je me dis que 10 ans c’est tellement long
Et puis je me dis que c’est tellement court
À chaque fois que s’affiche ton prénom
Parce que le temps n’a pas d'emprise sur la couleur de tes yeux
Parce que le vent éteint une petite flamme mais attise un grand feu
Parce qu’on s’est tant rapprochés que nos souvenirs se ressemblent
Parce que quand la vie n’est pas simple
C’est tellement mieux d’être ensemble
Parce que je sais que le lundi, je vais te parler et te voir
Parce que c’est toi, parce que t’es là
Je n’ai plus peur du dimanche soir
Je l’ai dans la tête comme une mélodie alors
Mes envies dansent
Dans notre histoire, rien n’est écrit
Mais tout semble comme une évidence
Parfois elle aime mes mots
Mais cette fois, c’est elle que mes mots aiment
Et sur ce coup là, c’est elle
Je la trouve elle, l’plus beau thème
Parce que je te chambre sur tes manies
Mais que je pourrais plus me passer d’elles
Parce que je me moque de tes défauts
Mais qu’ils me sont devenus essentiels
Parce qu’avant de te regarder partir
Je te vois te maquiller dans le miroir
Parce que c’est toi, parce que t’es là
Je n’ai plus peur du dimanche soir
Parce qu’on est libres quand on est forts
Et plus forts quand nos liens se soudent
Qu’une mauvaise passe devient alors moins profonde que le creux du coude
Parce que tous les nuages du monde n'empêchent pas les pleines lunes
Et que chaque fois qu’elles brillent
C’est nos débuts qui se rallument
Parce que tu sais ce que j’aime, parce que je sais ce que tu veux
Et que c’est quand même une première fois
Dès qu’on est seuls tous les deux
Parce que 120 mois plus tard, je viens encore juste de te rencontrer
Parce que tu es mon plan A et que tu seras aussi mon plan B
Après 10 ans d’un beau voyage où je me rappelle de chaque seconde
Après 10 ans qui ont vu naître les quatre plus beaux yeux du monde
C’est toi qui as trouvé le plus beau thème de notre histoire
Parce que c’est toi, parce que t’es là
Je n’ai plus peur du dimanche soir
Je l’ai dans la tête comme une mélodie alors
Mes envies dansent
Dans notre histoire, rien n’est écrit
Mais tout sonne comme une évidence
Parfois elle aime mes mots
Mais cette fois, c’est elle que mes mots aiment
Et sur ce coup-là, c’est elle
Qui a trouvé le plus beau thème
Je n’ai plus peur du dimanche soir. »
|je|[[Livia]]|
|vie|L'indépendance|
|d|2:00|
14 LIVIA Je pars Denise Jallais
[img[https://www.babelio.com/users/AVT_Denise-Dubois-Jallais_4313.jpeg]]
!Je peux me consumer de tout l'enfer du monde
{{center{
Je peux me consumer de tout l'enfer du monde
Jamais je ne perdrai cet émerveillement
Du langage
Jamais je ne me réveillerai d'entre les mots
Je me souviens du temps où je ne savais pas lire
Et le visage de la peur était la chaisière aux Champs-Elysées
Il n'y avait à la maison ni l'électricité ni le téléphone
En ce temps là je prêtais l'oreille aux choses usuelles
Pour saisir leurs conversations
J'avais des rendez-vous avec des étoffes déchirées
J'entretenais des relations avec des objets hors d'usage
Je ne me serais pas adressé à un caillou comme à un moulin à café
J'inventais des langues étrangères afin
De ne plus me comprendre moi-même
Je cachais derrière l'armoire une correspondance indéchiffrable
Tout cela se perdit comme un secret le jour
Où j'appris à dessiner les oiseaux
Qui me rendra le sens du mystère oh qui
Me rendra l'enfance du chant
Quand la première phrase venue
Est neuve comme une paire de gants
Je me souviens de la première automobile à la Porte Maillot
Il fallait courir pour la voir
C'était un peu comme cela pour tout
J'aimais certains noms d'arbres comme des enfants
Que les Bohémiens m'auraient volés
J'aimais un flacon pour son étiquette bleue
J'aimais le sel répandu sur le vin renversé
J'aimais les taches d'encre à la folie
J'aurais donné mon âme pour un vieux ticket de métro
Robert Doisneau - Ballade en Nerva Sport - 1935
Robert Doisneau - Les frères, rue du Docteur Lecène - Paris XII - 1934
Je répétais sans fin des phrases entendues
Qui n'avaient jamais pour moi le même sens ni le même poids
Il y avait des jours entiers voués à des paroles apparemment
Insignifiantes
Mais sans elles la sentinelle m'eût passé son arme à travers le corps
Ô qui n'a jamais échangé ses yeux contre ceux du miroir
Et payé le droit d'enjamber son ombre avec des grimaces
Celui-là ne peut me comprendre ni
Qu'on peut garder dans sa bouche une couleur
Tenir une absence par la main
Sauter à pieds joints par-dessus quatre heures de l'après-midi
Nous n'avons pas le même argot
Je n'ai pas oublié le parfum de la désobéissance
Jusqu'à aujourd'hui je peux le sentir quand je m'assieds sur les bancs
Jusqu'à aujourd'hui je peux appeler une bicyclette ma biche
Pour faire enrager les passants
Je n'ai pas oublié le jeu de Rêve-qui-peut
Que personne autre que moi n'a joué
Je n'ai pas oublié l'art de parler pour ne rien être
On a bien pu m'apprendre à lire il n'est pas certain
Que je lise ce que je lis
J'ai bien pu vivre comme tout le monde et même
Avoir plusieurs fois failli mourir
Il n'est pas certain que tout cela ne soit une feinte
Une sorte de grève de la faim
Il y a celui qui profile
Il y a l'homme machinal
Celui qu'on croise et qui salue
Celui qui ouvre son parapluie
Qui revient un pain sous le bras
Il y a celui qui essuie
Ses pieds à la porte en rentrant
Il y a celui que je suis
Robert Doisneau - Musicien sous la pluie
Bien sûr et que je ne suis pas
}}}
!!!!!Aragon
|je|[[Christiane]]|
|vie|Tout simplement femme|
|d|1:30|
!Je suis comme je suis
{{center{
(Hahaha)
Je suis comme je suis,
Je suis faite comme ça,
Quand j’ai envie de rire
Oui, je ris aux éclats.
J’aime celui qui m'aime,
Est-ce ma faute à moi
Si ce n’est pas le même
Que j’aime à chaque fois?
Je suis comme je suis,
Je suis faite comme ça,
Que voulez-vous de plus?
Que voulez-vous de moi?
(Hahaha)
Je suis faite pour plaire,
Et n’y puis rien changer,
Mes talons sont trop hauts,
Ma taille trop cambrée,
Mes seins beaucoup trop durs,
Et mes yeux trop cernés,
Et puis après,
Qu’est-ce que ça peut vous faire?
Je suis comme je suis,
Je plais à qui je plais,
Qu’est-ce que ça peut vous faire ce qui m’est arrivé?
Oui j’ai aimé quelqu’un,
Oui quelqu’un m’a aimé,
Comme les enfants qui s’aiment,
Simplement savent aimer,
Aimer aimer...
Pourquoi me questionner?
Je suis là pour vous plaire,
Et n’y puis rien changer.
}}}
!!!!10 janvier 2006
//(j'ai adoré l'écrire celui-là)//
"Je t'aime à la folie,
Je t'aime avec raison.
Je t'aime avec magie,
Je t'aime à ma façon.
Les mots ne disent plus rien :
J'écris peut-être en vain.
Ce qu'exprime mon cœur,
N'a aucune valeur.
Sentiments irréels,
Dont je rêve la nuit ?
Ou amour éternel,
Ne sombrant dans l'oubli ?
Tu ne fais qu'exister,
Mais cela me suffit.
Je ne fais que t'aimer,
Et heureuse je suis."
{{center{<<storyViewer amour >>
[img(30%,)[http://www.poemes-amour.com/wp-content/uploads/2013/09/U.jpg][http://www.poemes-amour.com/2013/11/merveillette-fente-poeme-erotique-pierre-ronsard/]]
!Je te salue, Ô merveillette fente
!!!!!!//Pierre de Ronsard//
Je te salue, Ô merveillette fente,
Qui vivement entre ces flancs reluis;
Je te salue, Ô bienheureux pertuis,
Qui rend ma vie heureusement contente!
C’est toi qui fais que plus ne me tourmente
L’archer volant qui causait mes ennuis;
T’ayant tenu seulement quatre nuits
Je sens sa force en moi déjà plus lente.
Ô petit trou, trou mignard, trou velu,
D’un poil folet mollement crespelu,
Qui à ton gré domptes les plus rebelles:
Tous vers galans devraient, pour t’honorer,
A beaux genoux te venir adorer,
Tenant au poing leurs flambantes chandelles!
//Pierre de Ronsard (1570)//
}}}
!Je vis, je meurs ; je me brûle et me noie//
^^Louise LABÉ (1524-1566)^^//
{{orange{Je vis }}}, {{purple{je meurs }}};
{{orange{je me brûle}}} et {{purple{me noie}}} ;
:{{orange{J'ai chaud extrême}}} {{purple{en endurant froidure}}} :
:La vie m'est {{orange{et trop molle}}} {{purple{et trop dure}}}.
:J'ai {{purple{grands ennuis}}} {{orange{entremêlés de joie}}}.
Tout à un coup {{orange{je ris}}} et {{purple{je larmoie}}},
Et {{orange{en plaisir}}} :
{{purple{maint grief tourment j'endure}}} ;
:{{purple{Mon bien s'en va, et à jamais il dure}}} ;
:Tout en un coup {{purple{je sèche}}} {{orange{et je verdoie}}}.
Ainsi Amour inconstamment me mène ;
Et,
:{{purple{quand je pense avoir plus de douleur}}},
:Sans y penser {{orange{je me trouve hors de peine}}}.
Puis,
:{{orange{quand je crois ma joie être certaine}}},
:{{orange{Et être au haut de mon désiré heur}}},
{{purple{Il me remet en mon premier malheur}}}.
!Je vous envoye un bouquet que ma main//
^^Pierre de Ronsard^^//
{{center{
Je vous envoye un bouquet que ma main
Vient de trier de ces fleurs épanies,
Qui ne les eust à ce vespre cuillies,
Cheutes à terre elles fussent demain.
Cela vous soit un exemple certain
Que vos beautés, bien qu’elles soient fleuries,
En peu de tems cherront toutes flétries,
Et comme fleurs, periront tout soudain.
Le tems s’en va, le tems s’en va, ma Dame,
Las ! le tems non, mais nous nous en allons,
Et tost serons estendus sous la lame :
Et des amours desquelles nous parlons,
Quand serons morts, n’en sera plus nouvelle :
Pour-ce aimés moy, ce-pendant qu’estes belle.
!!!!!!Pierre de Ronsard, //Second livre des Amours//
}}}
Le vendredi à Plaisir de Dire
|TEL|06 15 66 66 94|
!~Jean-Pierre
{{small{
|nom|Buffard|
|prénom|~Jean-Pierre|
|TEL| 06 05 55 92 06 |
|email|~Jean-Pierre<jeanpierre.buffard@gmail.com>|
|adresse|66 rue de Tolbiac 75013|
}}}
!Jeanne
{{center{
[img(40%,)[http://media.paperblog.fr/i/307/3073762/jeanne-victor-hugo-L-1.jpeg]]
Sais-tu, Jeanne, à quoi je rêve?
C’est au mouvement d’oiseau
De ton pied blanc qui se lève
Quand tu passes le ruisseau.
Et sais-tu ce qui me gêne?
C’est qu’au travers l’horizon,
Jeanne, une invisible chaîne
Me tire vers ta maison.
Et sais-tu ce qui m’ennuie?
C’est l’air charmant et vainqueur,
Jeanne, dont tu fais la pluie
Et le beau temps dans mon coeur.
Et sais-tu ce qui m’occupe,
Jeanne? c’est que j’aime mieux
La moindre fleur de ta jupe
Que tous les astres des cieux.
}}}
!Jeunes gens, prenez garde aux choses que vous dites//
^^Victor HUGO (1802-1885)^^//
Jeunes gens,
prenez garde aux choses que vous dites.
__Tout__ peut sortir d'un __mot__ qu'en passant vous perdîtes.
Tout,
la haine et le deuil !
- Et ne m'objectez pas
Que vos amis sont sûrs
... et que vous parlez bas... -
Ecoutez bien ceci :
Tête-à-tête,
en pantoufle,
Portes closes,
chez vous,
sans un témoin qui souffle,
__Vous dites__
à l'oreille au plus mystérieux De vos amis de coeur,
__ou,__
si vous l'aimez mieux,
__Vous murmurez__ : tout seul,
croyant presque vous taire,
Dans le fond d'une cave
à trente pieds sous terre,
__Un mot__ désagréable à quelque individu ;
Ce mot >
que vous croyez que l'on n'a pas entendu,
Que vous disiez si bas dans un lieu sourd et sombre,
__Court__ à peine lâché,
part, bondit, sort de l'ombre !
Tenez, il est dehors ! Il connaît son chemin.
Il marche, il a deux pieds, un bâton à la main,
De bons souliers ferrés, un passeport en règle ;
- Au besoin, il prendrait des ailes, comme l'aigle ! -
Il vous échappe, il fuit, rien ne l'arrêtera.
Il suit le quai, franchit la place, et caetera,
Passe l'eau sans bateau dans la saison des crues,
__Et va__, >
tout à travers un dédale de rues,
__Droit__ chez l'individu dont vous avez parlé.
Il sait le numéro,
l'étage ;
__il a la clé__,
Il monte l'escalier, ouvre la porte, passe, Entre, arrive, et, __railleur__,
regardant l'homme en face,
__Dit__ :
- Me voilà ! je sors de la bouche d'un tel. - !!!
Et c'est fait.
Vous avez __un ennemi mortel.__
!Jeux de scène
/%
|auteur|Victor Haïm|
|distribution|Michèle - Jacques|
|temps|(2) 22 mn|
|prochaines|{{green italic small{18/9/18_Épinettes ?}}}|
%/
!!!!//Victor Haïm//
{{floatright gray{Si 1F 1H remplacer {{{Gertrude/GUERRETROUDE}}}
par {{{Gérard/GUERHARTD}}}
}}}
;HORTENSE
:C'est magique ! Il n'y a rien. C'est mal éclairé. Il n'y a pas de décor. Et c'est magique.
;GUERRETROUDE
:C'est ta présence.
;HORTENSE
:Tu étais là ?
;GUERRETROUDE
:Depuis longtemps.
;HORTENSE
:Cachée dans le noir ?
;GUERRETROUDE
:Pourquoi cachée ?
;HORTENSE
:Je ne t'ai pas vue.
;GUERRETROUDE
:J'aime m'abstraire. Me dissoudre. Je fais corps avec ce lieu.
:Putain de lieu. Un théâtre.
;HORTENSE
:Alors, nous y voilà. C'est là.
;GUERRETROUDE
:Tu ressens déjà des émotions ?
;HORTENSE
:Plein ! Je te dis : c'est magique.
;GUERRETROUDE
:Très bien pour la lumière Baptiste, laisse comme ça aujourd'hui.
:Tu es belle… Tu as une mine. D'où viens-tu ?
;HORTENSE
:De Grèce. Alors, c'est vrai ? Tu me trouves en forme ?
;GUERRETROUDE
:Très femme. Très érotiquement femme.
;HORTENSE
:Tant mieux.
;GUERRETROUDE
:Bien; On va travailler.
;HORTENSE
:J'ai hâte, j'ai hâte !
;GUERRETROUDE
:En état de désir ! Il faut être en état de désir.
;HORTENSE
:Je me dis toujours : si tu n'es pas en état de désir avant d'attaquer un rôle comme celui-ci, autant rester en vacances. Le degré zéro de la vie, quoi !
;GUERRETROUDE
:C'est bien, dans un sens, que tu sois en état de désir…. Mais tu vas, ici, à partir du moment où on va mettre le texte encore vertical à l'horizontale, réprimer ce désir.
;HORTENSE
:Ah bon ? Tu crois ? Bon… Si tu veux.
;GUERRETROUDE
:Moi, je ne veux rien. C'est ma pièce qui agit comme un tyran. Il y a du sadisme dans la relation entre mon texte
:et ton désir que mes mots de te pénètrent.
:Un temps, il va se refuser.
;HORTENSE
:Très bien. Très bien. Tout ce que tu me dis, je l'imprime. Je suis une actrice qui se nourrit. Qui a besoin de nourriture.
;GUERRETROUDE
:Nous irons lentement. La pénétration est lente. Elle sera indélébile. Elle te marquera à tout jamais. Tu ne sortiras pas de cette aventure telle que tu étais en y entrant.
;HORTENSE
:J'en suis consciente, Gertrude, et je m'en réjouis, tu sais. Tes mots sont comme des coups de baguette. Ils me transforment.
;GUERRETROUDE
:Ca me fait plaisir ce que tu me dis là, Hortense.
;HORTENSE
:Les acteurs sont au service des auteurs. J'ai été interviewée par un journal grec. J'ai dit ça. Exactement, les acteurs sont au service des auteurs.
;GUERRETROUDE
:Tu le penses vraiment ?
;HORTENSE
:Gertrude, Comment peux-tu me poser une question pareille ? Bien sûr.
;GUERRETROUDE
:Bon. Je peux te demander une faveur ?
;HORTENSE
:Dis-moi.
;GUERRETROUDE
:Peux-tu m'appeler par mon prénom dans la prononciation originelle ?
;HORTENSE
:C’est-à-dire ?
;GUERRETROUDE
:Avec le juste accent nordique, tu vois ? J'ai un nom nordique. Alors, fais-moi plaisir : prononce-le à la nordique : Guerretroude !
;HORTENSE
:Ah bon ? C'est nouveau . Tu y tiens ?
;GUERRETROUDE
:S'il te plaît.
;HORTENSE
:D'accord. Mais… Ca peut m'échapper… L'habitude, tu vois…
;GUERRETROUDE
:Je souhaite justement que tu chasses tes habitudes. Tes habitudes, tu les mets à la porte de ta pensée. Les habitudes tuent une actrice inventive. Tu vois ?
;HORTENSE
:D'aaaacord ! C'est pour moi que tu demandes ça, finalement !C'est pour que je me débarrasse des réflexes, des trucs du métier, c'est ça ?
;GUERRETROUDE
:C'est ça…
;HORTENSE
:Je comprends.
;GUERRETROUDE
:D'accord, d'accord. Commençons.
;HORTENSE
:Tu ne vas pas dans la salle ?
;GUERRETROUDE
:C'est prématuré !
;HORTENSE
:Pourquoi ?
;GUERRETROUDE
:Pourquoi ? Dans la salle, je suis investie d'un pouvoir de juge. Or, je ne suis pas encore un juge. Je suis une chercheuse. Comme toi. En tant que chercheuse, j'utilise un microscope. Je veux dire : je dois te voir dans le détail. Voir l'invisible en quelque sorte. Si je suis loin, je peux ressentir des ondes, mais pas le non-dit de ton être, c'est à dire ce qu'il y a de plus précieux dans la première étape de notre travail. Tu comprends ?
;HORTENSE
:Là, il faut que je dise que je comprends, sinon, c'est la guerre bactériologique qui commence…. Ecoute Guerretroude, comment est-ce que je ne comprendrais pas ça ?
;GUERRETROUDE
:On va, si tu veux bien, avancer à petits pas… Pense à une vision stallitaire du texte…
;HORTENSE
:Oui… Tu veux dire, euh…
;GUERRETROUDE
:Mon texte, tu l'as lu et relu… Il t'apparaît en réduction. Un peu comme une vision de la terre. Une image très éloignée. Parcellaire…. Car tu es à des milliers de kilomètres de la planète.
;HORTENSE
:La planète, c'est ton texte, c'est bien ça ?
;GUERRETROUDE
:Oui.
;HORTENSE
:Tu veux dire que j'en suis loin ?
;GUERRETROUDE
:Je veux dire que tu es loin et proche à la fois.
;HORTENSE
:Ah, d'accord !
;GUERRETROUDE
:Je m'explique… Tu as lu. Tu as saisi une série de propositions qui ne constituent que l'écume des choses… Si tu étais à bord d'un vaisseau spatial, tu serais éblouie par la beauté des continents. Tu aurais une connaissance absolument privilégiée de la Terre. La Terre t'apparaîtrait bleutée, avec des traces légères, comme la fumée d'une cigarette, qui nimbent la géographie d'une pellicule blanche et grise.
;HORTENSE
:C'est très joli ça. Si je pouvais savoir où elle veut en venir ?
;GUERRETROUDE
:Or, ta vision privilégiée, exceptionnelle, elle génère des incertitudes. Je veux dire : si je te demandais de me dire s'il y a des vagues sur le lac Michigan, tu pourrais me répondre oui ?
;HORTENSE
:Non.
;GUERRETROUDE
:Ta vision est globale. Elle t'éblouit, mais tu es dans l'impossibilité patente de cerner un détail d'importance. Tu es incapable de me dire si le lac Michigan est serein ou impétueux...
;HORTENSE
:Qu'est-ce que ça peut faire si je ne passe pas mes vacances au bord du lac Michigan ?
;GUERRETROUDE
:Bon. Tu as décidé d'être triviale et de me faire rigoler…
;HORTENSE
:Pas du tout ! Ne te vexe pas. Simplement, excuse-moi, je ne comprends pas ce que tu veux dire…
;GUERRETROUDE
:Heureusement que je connais ton humour, parce que… autrement, je me demanderais "de quoi je me mêle". Bon… Revenonsà nos moutons !
;HORTENSE
:OK. D'accord.
;GUERRETROUDE
:Tu es une comédienne très physique. Ca ne te déplaît pas ?
;HORTENSE
:C'est vrai, on le dit… Je ne sais jamais si c'est ma tête qui commande ou si c'est mon corps.
;GUERRETROUDE
:Ne te pose pas la question !
;HORTENSE
:Tu crois ?
;GUERRETROUDE
:Ne te pose pas la question. Qu'est-ce que ça t'apporterait ? Tu as laissé agir ton instinct. Je dirais même que c'est ton instinct qui t'a agi. Le mental impose à ta gestuelle la kyrielle de signes qui se sont révélés en parfaite adéquation avec ton affect. Est-ce que tu as eu à t'en plaindre?
;HORTENSE
:Sûrement pas ! Sûrement pas !
;GUERRETROUDE
:Ce que je veux dire, c'est que ton personnage, enfin, celui qui agit, doit immédiatement se mouvoir dans une prise de geste… comme on dit une prise de parole.
;HORTENSE
:D'accord Gertrude… Guerretroude, d'accord… Alors tu souhaites quoi ?
;GUERRETROUDE
:Que tu te laisses complètement envahier par la gestuelle qui est la tienne, celle d'un personnage, non susceptible d'être reproduite par un autre sujet.
;HORTENSE
:Je vois, je vois.
;GUERRETROUDE
:Fais-toi confiance. Tu doutes ?
;HORTENSE
:Non, non. Je t'assure. Cela dit, sans le doute, hein… serions-nous des artistes ?
;GUERRETROUDE
:Ca va être dur !
;HORTENSE
:Ca va être dur !
;GUERRETROUDE
:Tu t'es tout de même aperçue que la pièce était initiée par sa finitude ?
;HORTENSE
:Oui ! J'adore ça ! Au cinéma, ils appellent ça un feed-back.
;GUERRETROUDE
:Ca va être dur !
;HORTENSE
:Voyons voir… J'avais une questionà te poser sur le début justement
;GUERRETROUDE
:Laisse le texte.
;HORTENSE
:Pardon ?
;GUERRETROUDE
:Ne prends pas le manuscrit à la main. C'est une attitude dont nous pouvons faire l'économie à partir du moment où elle s'affiche comme parasitaire.
;HORTENSE
:Mais je ne connais pas le texte !
;GUERRETROUDE
:Justement. C'est ce que je souhaite. Nous commençons par le détruire. La destruction commence par la négation de ce qui est. Donc, tu le nies…
;HORTENSE
:Ah bon ?
;GUERRETROUDE
:Il faut que tu sois… du verbe être. Or, là, ce que tu cherches à m'imposer quelque part, c'est le devennir d'un objet qui n'existe pas. Ne cherche pas -et c'est très important dans mon œuvre- ne cherche pas à créer ce qui a pour dessein -D.E. deux S. E. I. N.- de te créer. Tu comprends ?
;HORTENSE
:Ca va être très dur.
;GUERRETROUDE
:Elle ne comprends pas ce que je lui dis. Il faudra que je me mette à son niveau. Et ça, ce serait de la démagogie.
;HORTENSE
:Si je lui demande de m'expliquer ce qu'elle veut me dire, de deux choses l'une : ou bien elle avoue qu'elle s'exprime mal, et c'est impossible, jamais elle ne reconnaîtra une chose pareille, ou bien elle va me dire que je ne comprends rien, et ça, c'est tout à fait possible. C'est même certain.
;GUERRETROUDE
:Je peux savoir ce qu'on attend ?
;HORTENSE
:Je… je me demandais : par quoi veux-tu que je commence ?
;GUERRETROUDE
:Tu sais de quoi il s'agit…
;HORTENSE
:Bien sûr. C'est l'histoire…
;GUERRETROUDE
:Ne me parle pas d'histoire. Parle-moi de ton état.
:Plus j'y pense, ma charie, plus je crois que ma méthode -si je puis employer ce terme iconoclaste- est la bonne. On va se livrer, tout d'abord, à une impro. On ne va pas se limiter dans le temps.Si ça nous prend trois semaines, ça nous prendra trois semaines. Si ça nous prend quatre mn, ça nous prendra quatre mn. Ce que je veux, c'est que tu ne t'occupes pas de ton personnage. Il y a toi.
:Tu ne vois rien. Tu avances comme une somnanbule dans les méandres de ce que j'ai conçu, et qui n'est pas une histoire, pas une anecdote, pas une aventure, pas un récit, pas une interrogation monologuée, tu vois ?
;HORTENSE
:Ce n'est rien, alors ?
;GUERRETROUDE
:Qu'est-ce que tu veux dire par là ?
;HORTENSE
:Ta pièce, c'est quoi ?
;GUERRETROUDE
:Ne te pose pas la question ! Surtout ne te pose pas la question !
;HORTENSE
:Bon, Alors, qu'est-ce que je fais ?
;GUERRETROUDE
:Tu t'épuises ! Je veux dire : quelque part, il faut que tu t'épuises. Tu vas marcher à tâtons, jusqu'à ce que tu t'épuises.
;HORTENSE
:Ah, d'accord…
;GUERRETROUDE
:L'épuisement de l'acteur est parfois la condition à remplir pour éprouver le sens, et presser la phrase pour qu'elle crache le sens. Je veux qu'une phrase de toi s'expulse de ton corps, au moment où tu te sentiras en train de mourir de fatigue. Et ce sera juste. Tu es d'accord ?
;HORTENSE
:Faut voir.
:...
:Qu'est-ce que je fais ?
;GUERRETROUDE
:Je te l'ai dit. Tu laisses venir. Imprègne-toi de sensations. Laisse-toi bombarder par des particules d'émotions en pensant juste à la situation intrinsèque.
;HORTENSE
:Je ne dis pas ton texte,donc.
;GUERRETROUDE
:Non, non.
;HORTENSE
:Bon.
;GUERRETROUDE
:Attends. N'atttaque pas tout de suite. Laisse faire. Laisse venir…
;HORTENSE
:D'accord. J'essaye.
;GUERRETROUDE
:Bien. Tu es aveugle. N'oublie pas que tu es aveugle.
;HORTENSE
:D'accord.
://Un très long temps. Hortense est absolument immobile, les yeux femiés. Il ne se passe rien.//
;GUERRETROUDE
:Qu'est-ce que tu sens ?
;HORTENSE
:Euh.. . Eh bien, je ne sais pas exactement. J'ai l'impression que je vais m'endormir !
;GUERRETROUDE
:C'est incroyable, tu n'es pas dans le coup ?
;HORTENSE
:Je fais ce que je peux.
;GUERRETROUDE
:Tu n'as rien à faire. Tu n'as qu'à laisser venir.
;HORTENSE
:Ça ne vient pas.
;GUERRETROUDE
:C'est parce que tu penses ! Tu penses trop... Je veux dire.
;HORTENSE
:Excuse-moi.
;GUERRETROUDE
:Évacue le questionnement.
;HORTENSE
:Ah, bon. ..
;GUERRETROUDE
:À quoi tu penses ?
;HORTENSE
:Là, tout de suite ?
;GUERRETROUDE
:Quand tu es immobile, les yeux fermés, oui, à quoi tu penses ?
;HORTENSE
:Je fais comme chez le psy. ..
;GUERRETROUDE
:Le psy. Tu vois un psy ?
;HORTENSE
:Oui. .. Ben oui. Tu as l'air contrariée.
;GUERRETROUDE
:Tu es dispersée. C'est une sorte d'affection grave chez toi.
;HORTENSE
:Je me soigne.
;GUERRETROUDE
:Je t'en prie ! Je t'en prie. Quelle autorité t'a demandé de te soigner ? Quel gourou t'a ordonné de te soigner ? Pourquoi te soigner ? Tu as quoi ? Un mal de vivre ? Des angoisses ? Des interrogations métaphysiques ? Tu veux devenir quoi ? Une méduse ?Tu veux vivre en flottant entre deux eaux, comme une sardine bousillée par la pollution ? C'est ça ? Mais où aije mis les pieds ? Où ? Te soigner ! Te soigner ! Je rêve !
;HORTENSE
:Je le sens que mes glandes surrénales. ..
;GUERRETROUDE
://(la coupant)// Fous-moi la paix avec tes glandes surrénales !
;HORTENSE
:Tu as tort de monter sur tes grands chevaux. Tant que je ne constate pas une montée d'adrénaline, laquelle adrénaline est sécrétée par les glandes surrénales, eh bien, je ne ressens rien, et encore moins la sensation d'être aveugle, et même qu'être aveugle, me fait carrément. .. Me. .. Me bloque ! C'est ça. Ça me bloque ! Pourquoi est-ce que tu veux tout à coup, que je sois aveugle ? Je vais jouer ta pièce les yeux fermés ? Tu veux que je me cogne aux meubles ? Remarque, ça peut faire rire ! Le malheur des autres, ça fait rire ! Tous les comiques le savent. C'est le malheur qui fait rire !
;GUERRETROUDE
:Quelle petitesse ! Quelle étroitesse d'esprit !
;HORTENSE
:Pourquoi ? Parce que je dis que ta pièce va faire rire si je me cogne aux meubles ? J'avance : bing ! Je me paye le décor ! Je peux faire mieux ! Je peux me prendre les pieds dans le tapis. ça, on va se tordre. Tu devrais être contente. Il n'y a pas tellement d'occasions de se tordre dans ta pochade !
://Elle est soudain terrorisée par le mot qu 'elle vient de lâcher. //
;GUERRETROUDE
:Ma pochade ?Tu as lâché le mot. Est-ce qu'il dépasse ta pensée ?
;HORTENSE
:Alors là, excuse-moi, tu es dans la nullité intégrale. Degré zéro. Comment une intellectuelle comme toi, couverte de prix littéraires, couverte d'honneurs, traduite en trois cents langues.. Comment peux-tu ....
;GUERRETROUDE
:Trente !
:Trente langues. ..
;HORTENSE
:D'accord, trente. . . Comment peux-tu poser la question la plus convenue, en un mot, la plus extraordinairement creuse, qui consiste à me demander si le mot que j'emploie dépasse ma pensée ? Comment est-ce possible ? Comment un mot forgé par la pensée peut-il dépasser ce qui le construit ? C'est profond comme question !
;GUERRETROUDE
:Dis-donc ! Tu m'épates !
;HORTENSE
:Qu'est-ce que tu crois ! Il m'arrive de réfléchir ! Il m'arrive même de me dire : je décide de ne pas réfléchir. Ce qui est un sacré effort intellectuel ! Il n'y a pas que toi qui fumes par les oreilles ! Tu m'as dit que je pensais trop tout àl'heure. .. Eh ! c'était bien vu !
;GUERRETROUDE
:Donc, tu as dit le mot. .. Pochade. Tu ne le retires pas ?
;HORTENSE
:Je me suis tou jours demandé à quoi ça servait de retirer ce qu'on a dit. C'est dit. C'est dit.
;GUERRETROUDE
:Tu sais ce que c'est une pochade ? Une petite œuvre, légère, vite écrite, sans valeur littéraire.
;HORTENSE
:Ah bon ? C'est ça? Eh bien alors, un coup de bol : j'ai trouvé le mot juste du premier coup !
;GUERRETROUDE
://(après un silence. Calme)// Hortense, je te demande de bien vouloir me rendre le texte de ma pièce. Je te remercie de renoncer au rôle. D'ailleurs, une actrice de ton envergure ne peut pas donner sa pleine mesure, dans une œuvre mineure, une œuvrette, écrite pendant un coma éthylique par une lesbienne dépressive élevée dans une famille monoparentale socialement marginalisée. //(Elle tend la main. Hortense lui remet le manuscrit. )// Merci.
;HORTENSE
:Je t'en prie.
://Gertrude s'adresse à Baptiste, entendue cette fois par Hortense qui se coiffe, se poudre, etc.//
;GUERRETROUDE
:Bon. Tu es libre, mon petit Baptiste.
:On ne répète pas demain.
:On ne répète plus.
:On arrête là.
:Une petite semaine de réflexion... Non, quarante-huit heures... Le temps de trouver la comédienne qui va reprendre le rÔle de notre chère Hortense. Oui. . . Quarante-huit heures.
;HORTENSE
:(//à Baptiste, entendue de Gertrude)// Merci, cher Baptiste. Merci pour tout. Et peut-être à une autre fois. .. J'ai envie de jouer une bonne pièce. Ça se trouve. Je ne dis pas que c'est facile, mais ça se trouve.
;GUERRETROUDE
://(s'adressant également à Baptiste et entendue d'Hortense)// Tu as dû en voir toi, des pièces de toutes sortes, depuis le temps que tu es sur ton perchoir, maître du temps, seigneur du jour et de la nuit, sorcier, grand sorcier, qui fait souffler le vent et gronder l'orage !
;HORTENSE
:J'espère, mon cher Baptiste, que je reviendrai dans ce lieu magique. J'aime ce théâtre. Cette odeur. Il me semblé que les murs vibrent, non seulement à cause des mots, mais aussi par toute cette avalanche de sentiments qui les imprègnent.
;GUERRETROUDE
:Parfois, les murs doivent pleurer. . . Comme on disait, à une époque très lointaine, au temps d'Aristophane ou d'Eschyle : les murs ont la parole. Mais ils ne la prennent pas.
;HORTENSE
://(oubliant peu à peu Baptiste pour s'adresser à Gertrude) //On imagine le mur du théâtre, se fissurant, ou s'écroulant, pour protester contre la médiocrité de l'auteur.
;GUERRETROUDE
:Baptiste ?
:Il est parti !
;HORTENSE
:Il est parti !
!!!!{{center{FIN}}}
^^//Publié le 20 août 2008 par Maltern
Yoshi Oïda
Tierno Bokar
Peter Brook 2004//^^
!Conseils pour pratiquer avec d’autres comédiens.
<<<
//Ce texte pourrait s’intituler « conseils à un jeune comédien ». Oïda parle avec bonheur, d’un certains nombre de non dits, car ils concernent un travail de préparation du comédien, travail d’école pourrait-on dire et de formation préalable. Il est surprenant de voir les convergences entre l’enseignement de Jouvet sur le « comédien désincarné » et ce qu’ Oïda dit de l’égoïsme, ou égocentrisme à abandonner pour jouer, bien qu’il enracine ses considérations dans une autre tradition culturelle. L’alliance de la rigueur et du plaisir dans le jeu est aussi une notion qui vise avec un certain humour certaines conceptions technicistes de la formation de l’acteur.//
<<<
« L'étape suivante consiste à travailler avec des partenaires pour approfondir l'écoute et la communication. On peut prendre n'importe lequel des exercices en solo, comme celui du mouvement symétrique, et le pratiquer dans un échange avec un partenaire. Les mouvements d'arts martiaux aussi sont utiles dans cette perspective, puisque toute science du combat repose sur la réaction à l'autre. Pourtant une différence existe : les arts martiaux se fondent sur le besoin de tuer ou de se défendre, tandis que la relation entre des acteurs n'est pas basée sur le conflit. Bien au contraire. Le contact entre des acteurs est un échange sensible équilibré.
Si le travail avec des partenaires est un bon moyen de développer un véritable contact humain sur le plateau, ce n'est pas le seul avantage. Si on improvise tout seul, il est difficile de rester créatif pendant plus de quelques minutes. A deux, il en va tout autrement. Mon partenaire fait "quelque chose" et comme il a fait cette action, je suis amené à faire "autre chose". Ensuite, comme j'ai fait "ceci", mon partenaire peut réagir par "cela". Les actions découlent de ce qu'a fait le partenaire. Il est plus facile de tenir une improvisation quand on travaille ainsi.
Dans le cas d'une improvisation à deux (peut-être quelque chose de simple comme marcher dans le même espace), on doit être attentif à ce que fait son partenaire, sinon cela produit un effet très bizarre chez le spectateur. On dirait deux vidéos différentes qui se déroulent en même temps. Il n'y a pas de relation entre les deux personnes. Mais quand on "observe" l'autre, tous ses sens en éveil, un véritable échange humain se produit.
On commence à marcher en prenant conscience de son corps et de sa relation à la terre et au ciel, puis on se met à investir l'espace. Ce faisant, on essaie de sentir les autres personnes dans l'espace. En réalité, deux phénomènes opèrent simultanément : on reste conscient de son corps dans l'espace et en même temps on établit un contact avec les autres interprètes. On travaille dans trois directions en même temps : vers le haut, vers le bas et autour de soi. On imagine ensuite qu'un autre « moi » existe dans le monde et que cet autre "moi" se contente d'observer ce qui se passe : comment on est situé physiquement et comment on établit le contact avec les autres. Désormais on a trois niveaux d'activité et de conscience : la présence physique dans l'espace, la relation aux autres et cet observateur silencieux.
Deux personnes engagent une "conversation", chacune ne se servant que d'une main. Comme dans une vraie conversation, les partenaires "écoutent" et réagissent à ce que "dit" l'autre personne. Pour autant, cette conversation ne revient pas à un langage de signes ou à un jeu de charades, où l'on essaie de deviner les mots. Il s'agit plutôt de concentrer toute son existence dans cette main-là qui devient semblable à un animal étrange communiquant avec un autre animal étrange. Quand on découvre la vie sincère de cette créature et qu'elle s'avère capable de créer une relation réelle et variée avec l'autre animal, c'est fascinant à observer.
De prime abord il n'y a rien à voir dans la réalité. Simplement deux mains qui s'incurvent, se tortillent et se font des signes de doigts. Mais c'est la relation entre les deux petits "comédiens" qui est intéressante à regarder. La première main fait un saut de côté, en réaction l'autre se retourne lentement, et du coup un tremblement de quelques secondes agite la première main. Et ainsi de suite. C'est l'échange en soi qui est intéressant. Le "jeu" ne préexiste pas dans la main de chaque acteur ; il s'établit dans l'air entre les deux mains. Ce type de jeu ne relève ni du récit, ni de la psychologie, ni de l'émotion, mais de quelque chose d'autre, quelque chose de plus fondamental qu'il est très difficile d'expliquer exactement. Mais quand on observe cet échange entre les deux mains, quelque chose d'intéressant se passe. Quelque chose de vivant.
Tel est le niveau de jeu le plus essentiel l'échange vivant entre deux personnes.
Hors des répétitions, les acteurs s'efforcent très souvent de jouer la "situation" de leur propre personnage, en oubliant les autres interprètes. Dans ces conditions, il est très difficile de découvrir comment fouiller et faire avancer cette scène concrètement. Il manque l'échange essentiel entre son personnage et les autres personnages. Dans la vie de tous les jours, nous échangeons constamment des paroles et des actions avec les autres. C'est la réalité humaine et nous devons l'intégrer dans notre jeu. C'est dans cet échange vivant de sons et de mouvements que l'histoire et les émotions deviennent visibles.
Normalement, quand on joue une situation donnée, on essaie d'engager son être entier (corps, esprit et émotions) dans ce moment, mais il peut s'avérer intéressant de simplement jouer sur ces trois éléments. D'abord, on peut jouer une situation donnée avec le partenaire en associant réactions physiques et paroles. Puis retirer l'expression du corps et du visage, et essayer de jouer la scène exactement de la même manière. Initialement on aura l'impression de simplement échanger des relations sensibles avec son partenaire, puisque le corps est hors du coup. Pourtant, les muscles garderont la mémoire de leur engagement physique et le corps se sentira éveillé et vivant. C'est une chose très importante à vivre pour les acteurs. Même quand on ne bouge pas, ou qu'on n'engage pas le corps dans l'expression théâtrale, il ne doit pas être "endormi" pour autant. Pour en revenir à l'exercice, on devrait s'efforcer d'avoir aussi fortement la sensation de "bouger" que lorsqu'on représente la scène dans un engagement musculaire extrême.
Il se peut que « rien » ne se passe dans le corps. Il se peut que « rien » ne se passe dans la voix. Mais un grand "mouvement" se fait à l'intérieur. Ce qui est très différent d'avancer dans une scène par la « pensée ». Dans ce cas, seuls les idées et les processus psychologiques sont à l’œuvre, alors que le corps demeure sans vie. Les exercices décrits nous permettent quant à eux de vivre une sorte de mobilisation physique invisible, où le corps « bouge » de l'intérieur. Dans ce cas, le corps est complètement engagé dans la scène jouée.
A cet égard, il est intéressant de travailler sur une scène de dialogue d'un texte classique. D'ordinaire, les acteurs voudraient sans doute décider d'avance ce qui est censé « se passer » dans la scène, pour ensuite trouver le parcours psychologique approprié à la scène. A l'inverse, il faut s'efforcer d'oublier le « sens » et la situation émotionnelle, et de se concentrer uniquement sur deux choses. D'abord, « chanter » le texte ; faire une mélodie avec les mots. Et ensuite trouver plaisir à échanger la mélodie avec l'autre acteur intervenant dans la scène.
Peu importe où va la mélodie, parfois elle va monter, parfois descendre, il suffit d'apprécier l'échange. L'idée n'est pas de créer un environnement sonore intéressant, ou de constituer une belle musique. Ce qui importe, c'est que les acteurs trouvent vraiment un plaisir intense à cet échange humain. Car le plaisir des acteurs rejaillit sur le public et lui donne du plaisir en retour.
Les acteurs ont toujours du plaisir à être sur scène. Même quand ils sont en train de s’entre-tuer, ou qu'ils sont plongés dans la désolation, les acteurs se régalent de la situation. Du coup, le spectateur aussi prend du plaisir à la représentation, même s'il est inondé de larmes. De surcroît, les acteurs se réjouissent de leur relation aux autres acteurs, même quand les personnages qu'ils jouent se haïssent et se détestent. Et quand ils se réjouissent vraiment de cet échange, le spectateur commence à trouver le même plaisir à les regarder et les écouter.
Devant un public, les acteurs doivent trouver le moyen de rendre crédible et naturel dans le contexte de la pièce leur « échange de mots ». Ces mots sont effectivement censés faire sens logiquement et émotionnellement et comme arriver à les rendre complètement naturels et indispensables n'est pas une tâche facile, les acteurs consacrent beaucoup de temps à comprendre les racines psychologiques de leur personnage ou d'une scène donnée. Mais s'ils se contentent de cette dimension du travail et ignorent le plaisir de jouer ensemble, il n'y a pas en retour grand plaisir à escompter pour le public. Si l'on veut que les spectateurs soient satisfaits aussi bien humainement qu'intellectuellement, les acteurs doivent se débrouiller pour prendre plaisir au contact et à l'échange avec leurs camarades de plateau. Les deux niveaux de jeu doivent être intégrés : la précision psychologique et le plaisir des acteurs. Et cela doit passer par le texte ou par la structure de la pièce.
Naturellement, on ne peut pas faire simplement ce qu'on veut sur scène. Il faut savoir très clairement quelle histoire exactement on va raconter et respecter le fil de l'histoire ainsi que l'univers de la pièce. On ne doit pas perdre de vue la nature essentielle de son personnage ou oublier la réalité de sa situation. Cela n'empêche pas pour autant le plaisir d'échanger librement avec les autres acteurs. La vie réelle est pleine d'événements inattendus et nous entraîne constamment dans des directions inhabituelles. Notre jeu devrait bénéficier de la même fraîcheur.
Quand je parle "d'échange", je ne suis pas absolument certain de ce qui est effectivement échangé entre les acteurs, ou de quelle en est l'origine. Mais je suis sûr que cela diffère de la compréhension affective ou psychologique. Par exemple, quand l'échange passe par le son, il est évident que c'est plus que du bruit qui est "échangé". Puisque cet exercice exige de l'acteur une réaction directe à ce que propose son partenaire, sans entente préliminaire (du style : "Si je fais ceci, tu peux faire cela"), on doit travailler à un niveau plus profond que celui du seul intellect. Ainsi, chaque fois que l'on "échange", quelque chose à l'intérieur de soi "change" en réaction. Ainsi, pendant que s'échangent les sons et les mouvements, l'être intime est en constante évolution.
[…] Parfois, au cours d'un exercice ou d'une improvisation privilégiant la dimension relationnelle, il arrive qu'un des acteurs se retire et accuse un autre de bloquer le jeu. Prétextant que si l'exercice déraille ou n'arrive pas à se développer, c'est de la faute de l'autre. Ce genre de prise de position ne fait pas avancer le travail. La faute ne revient pas à l'autre personne ; si un exercice n'aboutit pas, c'est la responsabilité conjuguée des deux acteurs. Mais il est toujours difficile de reconnaître ses propres faiblesses. Mieux vaut d'ailleurs avoir une autre vision des choses.
Il faut impérativement arrêter de juger si quelqu'un est meilleur ou plus mauvais que soi. On ne voit pas bien les choses, et cela n'avance à rien. Il faut partir du principe que les autres sont comme vous, établir le contact avec eux, et alors quelque chose se passera. Vous progresserez ensemble sans porter de jugement.
Zeami [1] insiste sur l'importance qu'il y a à considérer objectivement son travail et à apprendre des autres acteurs. Même un très bon acteur aura des points faibles, mais il ou elle en sera conscient. On devrait être conscient de ses forces comme de ses faiblesses. Si on ne perçoit pas sa propre faiblesse, on cessera de progresser comme acteur. De plus, on devrait toujours observer les autres acteurs, même ceux qui ont moins de métier, car même un acteur "inférieur" aura des bons côtés dans son travail. Apprendre de cette façon des autres interprètes aide à acquérir de nouvelles techniques et de nouvelles approches.
Un jour j'ai dit à mon professeur de kyogen[2] que j'avais un ami qui voulait venir étudier avec lui. Je lui ai expliqué que j'avais essayé de le dissuader, et mon professeur me demanda immédiatement pourquoi.
« Parce qu'il est paresseux, et que je suis sûr qu'il ne va pas persévérer », ai-je répondu.
Ça a rendu mon professeur furieux. « Vous êtes un égoïste ! Même si votre ami ne vient qu'une fois, il pourrait tirer profit de l'expérience. Vous essayez de penser à sa place. Vous êtes un égoïste et c'est pour ça que vous n'êtes pas un bon acteur. »
Je ne m'étais pas rendu compte que j'étais égoïste, ou que cela pouvait avoir des incidences sur mes qualités d'acteur. Je m'étais simplement dit que, si je continuais à m'entraîner, je finirais par devenir un bon acteur. Maintenant je m'entendais dire que c'était mon caractère égoïste qui gênait mon développement professionnel. Je me suis donc employé à changer mon caractère. J'ai essayé de faire très attention à ce que je pouvais dire ou faire. J'ai essayé d'éviter les actes égoïstes.
Mais j'avais également remarqué qu'il y avait dans les parages un certain nombre d'acteurs extrêmement égoïstes qui pourtant s'avéraient être très bons. Et puis aussi qu'il y avait des gens gentils et généreux de nature qui étaient incapables de jouer. J'ai trouvé cette situation très déconcertante. Cela m'a fait réfléchir.
En apparence les gens peuvent avoir l'air égoïste, sans pour autant l'être le moins du monde. Il peut arriver à quelqu'un d'être absorbé par ce qu'il fait au point d'en oublier le monde extérieur et de ne plus se soucier des détails et des rituels mineurs de la vie quotidienne. Vu de l'extérieur, cela peut sembler très égocentrique. Mais comme ces gens ont toute leur attention prise par leur travail d'acteur, cela transparaît sur le plateau.
D'un autre côté, des êtres en apparence aimables et attentionnés peuvent très bien être totalement imbus d'eux-mêmes. Dans leur soif d'approbation, ils s'inquiètent beaucoup de l'opinion et des critiques des autres. Redoutant de passer pour des gens difficiles, ils passent leur temps à se demander comment ils sont perçus. Et comme ils sont obnubilés par leur effet sur les autres, ils ne peuvent pas donner toute leur attention à ce qui se passe réellement autour d'eux. Dans une pratique théâtrale, ce type d'individus est incapable de se concentrer sur la marche souhaitable du spectacle. Au contraire, ils se tracassent constamment pour des broutilles. Et la qualité de leur jeu s'en ressent.
Néanmoins, je me doute bien que le premier type d'acteur (le soi-disant égoïste) ne peut pas vraiment devenir un grand comédien. A un moment, il devient évident que quelque chose doit changer.
Pour être un grand acteur, on doit trouver un équilibre entre soi et le monde extérieur. On doit se concentrer pleinement sur soi-même et sur ce qu'on fait. Et en même temps ne pas perdre de vue le monde alentour. Et faire en sorte que la conscience se prolonge au-delà de soi. Mais ainsi prendre en compte les autres ne signifie pas dépendre de leurs opinions. On ne doit pas être troublé par la critique et ne pas essayer de faire les choses dans le seul but d'être aimé des gens.
Il faut essayer au contraire d'établir une harmonie entre son propre trajet intérieur et le monde extérieur tel qu'il est perçu. On fait ce qu'il est nécessaire de faire pour soi, et en même temps on est en union avec les autres. C'est un processus inconscient facile à mettre en route, inutile donc de faire intervenir la tête. On se concentre pleinement sur sa tâche, tout en réagissant inconsciemment à son entourage immédiat. Un équilibre s'établit entre soi et les autres.
Dans les arts martiaux, l’objectif premier est de se protéger. Dans un combat, le seul moyen de se sauver est de battre l'adversaire. Et dans certains cas, le seul moyen de le battre, c'est de le tuer. Si au cours d'un duel on pense à sa survie, on a peu de chances de gagner, puisqu'on se concentre sur autre chose que le mouvement de la lutte. Il faut, au contraire, fixer son attention sur sa relation à l'opposant et sur les actions et les parades simples comme : « Il arrive d'au-dessus, je dois me tourner de cette façon. Il attaque par là, où est l'ouverture ? »
Si en plus, on se dit : « Je veux survivre ! », on ne parvient pas à cette intensité de concentration. On est incapable de gérer l'échange de la lutte. Le secret est simple : on ne peut gagner que lorsque on est prêt à mourir.
Il en va de même au théâtre. Beaucoup d'entre nous deviennent acteurs parce qu'ils recherchent le succès, ou qu'ils ont besoin des applaudissements du public. Mais si on veut recueillir des applaudissements, il faut oublier l'idée de les rechercher. C'est extrêmement difficile puisque être acteur c'est aussi avoir ce besoin d'applaudissements. »
[Yoshi Oïda, L’acteur invisible, pp 104-114, Actes Sud 98]
[1] Zeami (1363 - 1443)) de son nom d'origine Kanze Motokiyo, est un acteur, auteur et théoricien japonais du Nô. Il a énoncé tous les grands principes du Nô tel qu'on le joue encore aujourd'hui, et a fixé l'ensemble des composantes de cet art : costumes, masques, musique, gestuelle codifiée. Il est l’auteur de près de 90 pièces et de traités. Le plus célèbre, La transmission de la fleur artistique, transmis par des générations d’acteurs traditionnels, ne deviendra public qu’en 1909. Il y expose l’art de faire fleurir l'interprétation d'un personnage. A 59 ans il se détache du monde flottant, et se retire dans un couvent.
[2] Les acteurs de kyogen ont une technique propre, et un répertoire qui est joué entre deux pièces de Nô ou en intermède pendant que les acteurs Nô se changent. Le Nô est historique et tragique, le kyogen est populaire, ses personnages sont ceux du commun, et son intrigue comique. Les techniques sont très rigoureuses et le répertoire fixe, mais le jeu repose sur l’improvisation. On dit que le Nô renvoie à ce que nous voudrions être et le Kyogen à ce que nous sommes. Il se joue sans masque.
!Jouissance et étreinte
{{center{
!!!!!!//Marie-Catherine-Hortense de Villedieu (1658)//
[img[http://img.over-blog.com/208x300/4/11/64/92/Dessins/Picasso_L-etreinte.jpg]]
^^Picasso L'étreinte^^}}}
{{menubox small{L’année de ses dix-huit ans, Marie-Catherine-Hortense fait la rencontre décisive de son existence en tombant éperdument amoureuse d’Antoine de Boësset, sieur de Villedieu, fils d’un célèbre musicien du roi Louis XIII. Commence une liaison tumultueuse célébrée par l’écrivaine dans un sonnet jugé scandaleusement libertin, Jouissance.}}}
{{center{
Aujourd'hui dans tes bras j'ai demeuré pâmée,
Aujourd'hui, cher Tirsis, ton amoureuse ardeur
Triomphe impunément de toute ma pudeur
Et je cède aux transports dont mon âme est charmée.
Ta flamme et ton respect m'ont enfin désarmée ;
Dans nos embrassements, je mets tout mon bonheur
Et je ne connais plus de vertu ni d'honneur
Puisque j'aime Tirsis et que j'en suis aimée.
O vous, faibles esprits, qui ne connaissez pas
Les plaisirs les plus doux que l'on goûte ici-bas,
Apprenez les transports dont mon âme est ravie !
Une douce langueur m'ôte le sentiment,
Je meurs entre les bras de mon fidèle Amant,
Et c'est dans cette mort que je trouve la vie.
}}}
{{small{Dessin : Pablo Picasso, L'étreinte (1903), plume et encre brun foncé sur papier. Collection d'art Nestlé déposée au Musée Jenisch Vevey
[[Source|http://humourdemanuit.over-blog.com/article-jouissance-et-etreinte-70919426.html]]}}}
{{homeTitle center{Jouons avec la langue !}}}
!!!!IMPOSSIBLE À PRONONCER !
*Les chaussettes de l'archiduchesse sont-elles sèches? Archi-sèches ?
*Un chasseur sachant chasser doit savoir chasser sans son chien.
( d'où le slogan : André, un chausseur sachant chausser !)
*Cinq chiens chassent six chats.
*Di-moi gros gras grand grain d'orge,
:quand te dé-gros-gras-grand-grain-d'orgeriseras-tu?
:Je me dé-gros-gras-grand-grain-d'orgeriserai
:quand tous les gros gras grands grains d'orge
:se seront dé-gros-gras-grand-grain-d'orgerisés.
(idem avec petit pot de beurre)
*Pourquoi les alliés ne se désolidariseraient-ils pas ?
*Suis-je bien chez ce cher Serge?
*Seize chaises sèchent.
*Seize jacinthes sèchent dans seize sachets secs.
* La roue sur la rue roule ; la rue sous la roue reste.
*Trois gros rats gris dans trois gros trous ronds rongent trois gros croûtons ronds.
*Si six scies scient six cyprès, six cent six scies scient six cent six cyprès !
*Si ces six saucissons ci sont six sous, ces six saucissons ci sont sans souci.
*Je troque trente trucs turcs contre treize textes tchèques.
*Avez-vous déjà vu un ver allant vers un verre en verre vert à l'envers?
*Passe ta pâte à papa, et tape ta pâte à tapas !
*Il cherche ses chaises chez Sanchez.
*Quarante carottes crues croient que croquer crée des crampes.
*Je suis passé chez SOSH.
*Le plat plein ploie sous le poids ou ne ploie point ?
*Six cent cinq saints sont sans scie ; si six cent cinq saints avaient une scie, six cent cinq saints scieraient sans soucis.
!!!!IMPOSSIBLE À RÉPÉTER !
*Panier, piano, ...
*Pruneau cuit, pruneau cru, ...
*Poche plate, plate poche, ...
*Je veux et j'exige d'exquises excuses ...
*Trois petites truites crues, ...
*As tu été à Tahiti? ...
*Un dragon gradé dégrade un gradé dragon, ...
*Trois tortues trottaient sur un trottoir très étroit, ...
*Son chat chante sa chanson, ...
*Chouette chaussures! ...
*Douze douches douces, ...
*Un plein plat de blé pilé, ...
*Six saucisses sèches, ...
*Seize chaises sèchent, ...
*Fruits frais, fruits frits, fruits cuits, fruits crus.
*Jésus loge chez Zachée, ....
*Blé brulé, ...
*Petit, peux-tu péter ?
*Truite crue, truite cuite,...
!!!!CONTREPÈTERIE PAR RÉPÉTITION
*L'abeille coule, l'abeille coule, l'abeille coule, ...
*La grosse cloche sonne, ...
*Compter, compter, compter, ....
*Oh ! le sale !, Oh ! le sale !, Oh ! le sale !, ...
*Hop ! La salle !, Hop ! La salle !, Hop ! La salle !, ...
*Narco, narco, narco ....
*Je nais, je nais, je nais, .... mais dit en espagnol ou en italien !
!!!!INCOMPRÉHENSIBLE EN APPARENCE
*Où niche la pie? La pie niche haut.
: Où niche l'oie? L'oie niche bas.
: Où niche l'hibou? L'hibou niche ni haut ni bas : l'hibou niche au chaud ou niche pas.
*Tas de riz, tas de rats.
:Tas de riz tentant, tas de rats tentés.
:Tas de riz tentant tenta tas de rats tentés.
:Tas de rats tentés tâta tas de riz tentant.
*Si mon tonton tond ton tonton, ton tonton est tondu par mon tonton,
:Si ma tata tâte ta tata, ta tata est tâtée par ma tata.
*Tenté, tonton tâtonna le téton de tata.
:Tentant de tâter le téton de tonton, tata,
:étant tentée, tâtonna le téton de tonton.
:Tata, tentant tonton, tonton tâtonna le téton de tata.
*Mémémé mèmèmè papapa
(mes mémés m'aimaient mais pas papa)
*Rat vit riz,
:Rat mit patte à ras,
:Rat mit patte à riz,
:Riz cuit patte à rat.
*Chat vit rôt.
:Rôt plut à chat.
:Chat mit patte à rôt.
:Rôt brûla patte à chat.
:Chat retira patte et quitta rôt.
*Latte ôtée, trou au toit
:Latte remise, trou y'a p(l)us.
*latoté murgaté troucifi rassimi chalipri (latte ôtée, mur gâté, trou s'y fit, rat s'y mit, chat l'y prit.)
*murusé troucifé rassimè (Mur usé, trou s'y fait, rat s'y met)
*Ton tontonté tatioté tatou , oui monté maotématou. (Tonton, ton thé t'a-t-il ôté ta toux ? oui, mon thé m'a ôté ma toux.)
*Cabu lanolac, lanola cabulo (Qu'à bu l'âne au lac? L'âne au lac a bu l'eau.)
*Yamamoto kadératé (Y'a ma moto qu'a des ratés)
* Takati takité (Ta Cathy t'as quitté ?)
* Le blé s'moud-il ? L'habit s'coud-il?
:Oui l'blé s'moud, l'habit s'coud.
* Vos laitues naissent-elles?
:Oui, mes laitues naissent.
:Si vos laitues naissent,
:Mes laitues naîtront.
*Ah pourquoi Pépita sans répit m'épies-tu,
:Dans le puits Pépita pourquoi te tapis-tu
:Tu m'épies sans pitié, c'est piteux de m'épier
:De m'épier Pépita, pourrais-tu te passer ? (en alexandrins!)
*L'Arabe Ali est mort au lit.
:Moralité : Maure Ali, t'es mort alité.
*Tu t'entêtes à tout tenter, tu t'uses et tu te tues à tant t'entêter.
*C'est pas beau, mais tentant, de tenter de tâter, de téter les tétons de tata quand tonton n'est pas là.
*Marcel porc tua ; sel n'y mit, ver s'y mit : porc gâta.
*Monter des cendres, et descendre mon thé !
*Tu t'entêtes à tout tenter, tu t'uses et tu te tues à tant t'entêter.
*C'est pas la colle qui chie qui colle c'est la colle qui pousse la colle qui chie qui colle (Proverbe menuisier)
!!!!RÉPÉTITIONS DE SONS
*Quand un cordier cordant doit accorder sa corde,
:Pour sa corde accorder six cordons il accorde,
:Mais si l'un des cordons de la corde décorde,
:Le cordon décordé fait décorder la corde,
:Que le cordier cordant avait mal accordée.
*Chez les Papous il y a des Papous papas, des Papous pas papas, des Papous à poux et des Papous pas à poux.
:Donc chez les Papous il y a :
: - des Papous papas à poux
: - des Papous papas pas à poux
: - des Papous pas papas à poux
: - et des Papous pas papas pas à poux.
*Didon dîna, dit-on, de dix dos dodus de dix dodus dindons.
*Didon, dit-on, dota Didot d'un doux dindon dadais dodu du dos
*Si six scies scient six cyprès,
:Six cent six scies scient six cent six cyprès.
*Cette taxe fixe excessive est fixée exprès à Aix par le fisc.
* La pipe au papa du Pape Pie pue (Prévert).
: - Que lit Lili sous ces lilas là? Lili lit l'Iliade.
* Dans ta tente ta tante t'attend.
*Angèle et Gilles en gilet gèlent.
*Natacha n'attacha pas son chat Pacha qui s'échappa, ce qui fâcha Sacha. Sachant sa chatte pas chaste, Sacha s'attacha à chasser ce chat Pacha !
*L'assassin sur son sein suçait son sang sans cesse.
* Que c'est crevant de voir crever une crevette sur la cravate d'un homme crevé dans une crevasse.
*Como como ? Como como como ! (en espagnol et en portugais : Comment je mange ? Je mange comme je mange !)
*C'est là que les Athéniens s'atteignirent,
:que les Perses se percèrent,
:que les Satrapes s'attrapèrent,
: et que les Mèdes s'emmerdèrent...
*Qu'a ouï l'ouïe de l'oie de Louis ?
: Elle a ouï ce que toute oie oit... (Raymond Devos)
*Bob abat le beau boa au bas du baobab
!!!!HOMONYMES
*Il était une fois, une marchande de foie qui vendait du foie dans la ville de
:Foix. Elle m'a dit "ma foi, c'est la dernière fois que je vends du foie dans la
:ville de Foix.
*Ce ver vert sévère sait verser ses verres verts (ou : les vers verts levèrent le verre vert vers le ver vert).
*Trois gros rats gris dans trois gros trous ronds rongent trois gros
:croûtons ronds.
*Il m'eût plus plu qu'il plût plus tôt.
!!!!QUASI HOMONYMES
*Un pâtissier qui pâtissait chez un tapissier qui tapissait,
:dit un jour au tapissier qui tapissait :
:vaut-il mieux pâtisser chez un tapissier qui tapisse
:ou tapisser chez un pâtissier qui pâtisse?
* Poisson sans boisson, c'est poison !
!!!!JEUX DE MOTS
*Mon père est maire de Mamers et mon frère est masseur (et j'ai des frères qui bégayent, car Mamère est maire de Bègles !).
!!!!DOUBLE SENS (OLORIMES)
*Le général Joffrin nous dit: A Toul, ai perdu mon dentier.
:En général j'offre un outil à tous les pères du monde entier.
*Gal, amant de la reine, alla, tour magnanime,
:galamment de l'arène à la tour Magne à Nîmes.
*Viens dans mon sein doux pour y goûter la vie d'ange.
:Viens dans mon saindoux pourri, goûter la vidange.
*Les jeux de mots laids sont pour les gens bêtes,
:Les jeux de mollets sont pour les jambettes.
*étonnamment monotone et lasse
:est ton âme en mon automne, hélas!
:-Et ma blême araignée, ogre illogique et las,
:aimable, aime à régner au gris logis qu'elle a !
mon premier est un oiseau
mon second : ce que dit à son père le fils Dumas quand il veut que ses gens regarde l'heure par le trou de la serrure
mon tout est ce qui dit un parisien en rentrant de promenade le dimanche
Geai
Père Dumas, montre à nos gens l'heure au trou !
(J'ai perdu ma montre à Nogent le Rotrou)
<<foldHeadings closed>>
{{homeTitle center{J’ai envie de me foutre en l’air}}}
''1'' .- Ça va ?
:''2'' .- Non
''1'' .- Qu’est-ce qui va pas ?
:''2'' .- J’ai envie de me foutre en l’air.
''1'' .- Encore !
:''2'' .- Pourquoi “encore” ?
''1'' .- Y a un an...
:''2'' .- Y a un an ?
''1'' .- Ou deux...
:''2'' .- Deux ou un ?
''1'' .- On s’est croisés...
:''2'' .- Toi et moi ?
''1'' .- Voilà.
:''2'' .- Où ça ?
''1'' .- Ici, pas loin...
:''2'' .- Tu pourrais préciser ? Ça m’aiderait.
''1'' .- Au coin, devant la brasserie...
:''2'' .- Ça m’étonnerait.
''1'' .- Devant la charcuterie alors.
:''2'' .- Y a un an tout roulait pour moi.
''1'' .- Pourtant tu m’as dit...
:''2'' .- “J’ai envie de me foutre en l’air” ?
''1'' .- Exactement.
:''2'' .- Y a un an ?
''1'' .- Deux peut-être.
:''2'' .- Un ou deux ?
''1'' .- Attends, c’était juste avant Noël...
:''2'' .- Avant Noël ?
''1'' .- Ou Pâques, une fête avec vacances scolaires.
:''2'' .- La Toussaint ?
''1'' .- Peut-être.
:''2'' .- Pardon, mais c’est des nanas comme toi qui...
''1'' .- Des nanas comme moi qui ?
:''2'' .- Laisse...
''1'' .- Non non non, va va va va, ça m’intéresse.
:''2'' .- Des nanas comme toi qui poussent des nanas comme moi à...
''1'' .- Attends attends, c’est pas clair. Des nanas comme moi qui ?
:''2'' .- Toi ça va ?
''1'' .- Ouais, moi tu sais...
:''2'' .- Non je sais pas, ça va ou ça va pas ?
''1'' .- Aujourd’hui ?
:''2'' .- Aujourd’hui puisqu’on est aujourd’hui et que demain, paraît-il, sera un autre jour.
''1'' .- Bonne remarque, très bonne remarque.
:''2'' .- Alors ?
''1'' .- Alors quoi ?
:''2'' .- Ça va ?
''1'' .- Eh bien écoute, aujourd’hui donc, je te croise et tu sais combien j’apprécie nos...
:''2'' .- Nos ?
''1'' .- Nos trop rares joutes oratoires...
:''2'' .- T’appelles ça comme ça ?
''1'' .- Tellement vivifiantes...
:''2'' .- Ouais.
''1'' .- Pour moi en tout cas, pour moi. Tu sais quoi ?
:''2'' .- Non mais je m’en fous.
''1'' .- Je vais noter dans mon agenda à la date d’aujourd’hui qu’on s’est croisés ce jour entre la charcuterie et la brasserie, comme ça si par bonheur on se recroise l’an prochain et que...
:''2'' .- L’an prochain t’auras changé de carnet.
''1'' .- C’est juste, c’est juste.
:''2'' .- Ecoute, note quand même sur ton agenda puis range-le chez toi dans un tiroir de commode, comme ça si on se recroise...
''1'' .- Pourquoi dis-tu si ?
:''2'' .- Pardon ?
''1'' .- Pourquoi dis-tu si ? C’est dur à dire.
:''2'' .- Quoi ?
''1'' .- Pourquoi dis-tu si.
:''2'' .- C’est dur à dire ?
''1'' .- Je trouve, non ?
:''2'' .- Non. Pourquoi dis-ti su ? Bon bon, on parlait de quoi ?
''1'' .- Je sais plus.
:''2'' .- En tout cas hein, tant qu’on a la santé...
''1'' .- C’est ça.
:''2'' .- Bise.
''1'' .- Bise. Bonjour chez toi.
:''2'' .- J’ai plus de chez-moi.
''1'' .- Pourquoi dis-tu ça ?
:''2'' .- Les spectres n’ont pas de chez-eux.
''1'' .- C’est juste, c’est juste.
{{center{^^//<<storyViewer amour previous>><<storyViewer amour list>><<storyViewer amour next>>//^^
!J’ai le coeur si plein de joie<br>chanson
!!!!!!//Bernard de Ventadour//
J’ai le cœur si plein de joie,
Qu’il transmute Nature :
C’est fleur blanche, vermeille et jaune
Qu’est pour moi frimas;
Avec le vent et la pluie
S’accroît mon bonheur.
Aussi mon Prix grandit, monte;
Et mon chant s’épure.
J’ai tant d’amour au cœur
De joie et de douceur,
Que gelée me semble fleur,
Et neige, verdure.
Je puis aller sans habits,
Nu dans ma chemise,
Car pur amour me protège
De la froide bise.
Mais est fol qui, hors mesure,
Devient indiscret.
J’eus donc souci de moi-même
Dès que j’eus requis
D’amour la toute belle
Dont j’attends tel honneur.
En lieu d’un pareil trésor
Je ne voudrais Pise.
D’amitié elle m’écarte!
Mais j’ai confiance,
Car d’elle j’ai du moins conquis
La belle apparence.
Et j’en ai, en la quittant,
Tant d’aise en mon âme
Que le jour de la revoir
Serai sans tristesse.
Mon cœur est près d’Amour :
Donc l’esprit là-bas court,
Mais le corps ici, ailleurs,
Est loin d’elle, en France.
Je garde bonne espérance,
- Qui m’aide bien peu -
Car mon âme est balancée
Comme nef sur l’onde.
Du souci qui me déprime
Où m’abriterai-je?
La nuit il m’agite et jette
Sur le bord du lit :
Je souffre plus d’amour
Que l’amoureux Tristan
Qui endura maints tourments
Pour Iseult la blonde.
Ah Dieu! que ne suis-je aronde
Pour traverser l’air,
Voler dans la nuit profonde
Jusqu’en sa demeure?
Bonne dame si joyeuse,
Votre amant se meurt;
Je crains que mon cœur se fonde
Si mon mal ne cesse…
Dame, je joins les mains,
Je prie : je vous adore.
Beau corps aux fraîches couleurs,
Bien cruel vous m’êtes!
Au monde il n’est rien à quoi
Mon esprit tant songe
- Si j’entends rien dire d’elle -
Que mon cœur ne tourne,
Que mon front ne s’en éclaire,
De quoi que je parle;
Aussitôt vous penserez
Que je voudrais rire.
Si pur est mon amour,
Que maintes fois je pleure,
C’est pour moi les soupirs
Ont saveur meilleure.
Messager, va et cours,
Dis moi à la plus belle
Que je pâtis pour elle
Douleur et martyre.
}}}
!Kaléidoscope
{{center{
!!!!!Paul VERLAINE (1844-1896)
[img(50%,)[http://www.poetes.com/verlaine/images/kaleid.jpg]]
!!!!!!//(A Germain Nouveau)//
Dans une rue, au coeur d'une ville de rêve
Ce sera comme quand on a déjà vécu :
Un instant à la fois très vague et très aigu...
Ô ce soleil parmi la brume qui se lève !
Ô ce cri sur la mer, cette voix dans les bois !
Ce sera comme quand on ignore des causes ;
Un lent réveil après bien des métempsycoses :
Les choses seront plus les mêmes qu'autrefois
Dans cette rue, au coeur de la ville magique
Où des orgues moudront des gigues dans les soirs,
Où les cafés auront des chats sur les dressoirs
Et que traverseront des bandes de musique.
Ce sera si fatal qu'on en croira mourir :
Des larmes ruisselant douces le long des joues,
Des rires sanglotés dans le fracas des roues,
Des invocations à la mort de venir,
Des mots anciens comme un bouquet de fleurs fanées !
Les bruits aigres des bals publics arriveront,
Et des veuves avec du cuivre après leur front,
Paysannes, fendront la foule des traînées
Qui flânent là, causant avec d'affreux moutards
Et des vieux sans sourcils que la dartre enfarine,
Cependant qu'à deux pas, dans des senteurs d'urine,
Quelque fête publique enverra des pétards.
Ce sera comme quand on rêve et qu'on s'éveille,
Et que l'on se rendort et que l'on rêve encor
De la même féerie et du même décor,
L'été, dans l'herbe, au bruit moiré d'un vol d'abeille.}}}
/%
|Representations|8/3/18_JdArc;22/3/18_Lauriston;24/5/18_Éloi;|
%/
*[img(30%,)[27 fév 2018|http://preview.ibb.co/jb5uL7/Snapshot_274.png][https://photos.app.goo.gl/BXmrpzaCly8WSyFz2]] [img(30%,)[Mardi 20 février 18|https://image.ibb.co/d8dQDH/Snapshot_259.png][https://photos.app.goo.gl/8qSnqncf07KmgTT03]] [img(30%,)[Dernier filage|https://image.ibb.co/h9BLMH/826_Knock.png][https://photos.app.goo.gl/XmOgiTuHAWOgiEyA2]]
*[[Extrait par Louis Jouvet|https://compagnieaffable.com/2015/10/21/knock-de-jules-romains-knock-la-dame-en-noir/]]
*[[KNOCK / Jules Romains / Cie du Berger au Théâtre de l'Epée de Bois|https://youtu.be/hCwKG8EJ0Dw?t=3620]]
*[[Knock - La Dame En Noir lu par François Périer|https://youtu.be/TP1qFc1g0zU?t=2370]]
*[[KNOCK joué à l'OLYMPIA d'ARCACHON / LA DAME EN NOIR|https://ibb.co/jT5fMH]]
*[[Knock o il trionfo della medicina|https://youtu.be/WGhG9Q5Y_PE?t=2523]]
!Knock – La Dame En Noir<br>^^//Jules Romains//^^
;KNOCK :
:Ah! voici les consultants. //(A la cantonade.)// Une douzaine, déjà? Prévenez les nouveaux arrivants qu’après onze heures et demie je ne puis plus recevoir personne, au moins en consultation gratuite. C’est vous qui êtes la première, madame? //(Il fait entrer la dame en noir et referme la porte.)// Vous êtes bien du canton?
;LA DAME EN NOIR :
:Je suis de la commune.
;KNOCK :
:De ~Saint-Maurice même?
;LA DAME :
:J’habite la grande ferme qui est sur la route de Luchère.
;KNOCK :
:Elle vous appartient?
;LA DAME :
:Oui, à mon mari et à moi
;KNOCK :
:Si vous l’exploitez vous-même, vous devez avoir beaucoup de travail?
;LA DAME :
:Pensez, monsieur! dix-huit vaches, deux bœufs, deux taureaux, la jument et le poulain, six chèvres, une bonne douzaine de cochons, sans compter la basse-cour.
;KNOCK :
:Diable! Vous n’avez pas de domestiques?
;LA DAME :
:Dame si. Trois valets, une servante, et les journaliers dans la belle saison.
;KNOCK :
:Je vous plains. Il ne doit guère vous rester de temps pour vous soigner?
;LA DAME :
:Oh! non.
;KNOCK :
:Et pourtant vous souffrez.
;LA DAME :
:Ce n’est pas le mot. J’ai plutôt de la fatigue.
;KNOCK :
:Oui, vous appelez ça de la fatigue. //(Il s’approche d’elle.)// Tirez la langue. Vous ne devez pas avoir beaucoup d’appétit.
;LA DAME :
:Non.
;KNOCK :
:Vous êtes constipée.
;LA DAME :
:Oui, assez.
;KNOCK, il l’ausculte :
:Baissez la tête. Respirez. Toussez. Vous n’êtes jamais tombée d’une échelle, étant petite?
;LA DAME :
:Je ne me souviens pas.
;KNOCK, il lui palpe et lui percute le dos, lui presse brusquement les reins :
:Vous n’avez jamais mal ici le soir en vous couchant? Une espèce de courbature?
;LA DAME :
:Oui, des fois.
;KNOCK, il continue de I’ausculter :
:Essayez de vous rappeler. Ça devait être une grande échelle.
;LA DAME :
:Ça se peut bien.
;KNOCK, très affirmatif :
:C’était une échelle d’environ trois mètres cinquante, posée contre un mur. Vous êtes tombée à la renverse. C’est la fesse gauche, heureusement, qui a porté.
;LA DAME :
:Ah oui!
;KNOCK :
:Vous aviez déjà consulté le docteur Parpalaid?
;LA DAME :
:Non, jamais.
;KNOCK :
:Pourquoi ?
;LA DAME :
:Il ne donnait pas de consultations gratuites.
://Un silence.//
;KNOCK, la fait asseoir :
:Vous vous rendez compte de votre état?
;LA DAME :
:Non.
;KNOCK, il s’assied en face d’elle :
:Tant mieux. Vous avez envie de guérir, ou vous n’avez pas envie?
;LA DAME :
:J’ai envie.
;KNOCK :
:J’aime mieux vous prévenir tout de suite que ce sera très long et très coûteux.
;LA DAME :
:Ah! mon Dieu! Et pourquoi ça?
;KNOCK :
:Parce qu’on ne guérit pas en cinq minutes un mal qu’on traîne depuis quarante ans.
;LA DAME :
:Depuis quarante ans?
;KNOCK :
:Oui, depuis que vous êtes tombée de votre échelle.
;LA DAME :
:Et combien que ça me coûterait?
;KNOCK :
:Qu’est-ce que valent les veaux, actuellement?
;LA DAME :
:Ca dépend des marchés et de la grosseur. Mais on ne peut guère en avoir de propres à moins de quatre ou cinq cents francs.
;KNOCK :
:Et les cochons gras?
;LA DAME :
:Il y en a qui font plus de mille.
;KNOCK :
:Eh bien! ça vous coûtera à peu près deux cochons et deux veaux.
;LA DAME :
:Ah! là! là! Près de trois mille francs? C’est une désolation, Jésus Marie!
;KNOCK :
:Si vous aimez mieux faire un pèlerinage, je ne vous en empêche pas.
;LA DAME :
:Oh! un pèlerinage, ça revient cher aussi et ça ne réussit pas souvent. //(Un silence.)// Mais qu’est-ce que je peux donc avoir de si terrible que ça?
;KNOCK, avec une grande courtoisie :
:Je vais vous l’expliquer en une minute au tableau noir. //(Il va au tableau et commence un croquis.)// Voici votre moelle épinière, en coupe, très schématiquement, n’est-ce pas? Vous reconnaissez ici votre faisceau de Turck et ici votre colonne de Clarke. Vous me suivez? Eh bien! quand vous êtes tombée de l’échelle, votre Turck et votre Clarke ont glissé en sens inverse //(il trace des flèches de direction)// de quelques dixièmes de millimètre. Vous me direz que c’est très peu. Évidemment. Mais c’est très mal placé. Et puis vous avez ici un tiraillement continu qui s’exerce sur les multipolaires. //(Il s’essuie les doigts.)//
;LA DAME :
:Mon Dieu! Mon Dieu!
;KNOCK :
:Remarquez que vous ne mourrez pas du jour au lendemain. Vous pouvez attendre.
;LA DAME :
:Oh! là! là! J’ai bien eu du malheur de tomber de cette échelle!
;KNOCK :
:Je me demande même s’il ne vaut pas mieux laisser les choses comme elles sont. L’argent est si dur à gagner. Tandis que les années de vieillesse, on en a toujours bien assez. Pour le plaisir qu’elles donnent!
;LA DAME :
:Et en faisant ça plus… grossièrement, vous ne pourriez pas me guérir à moins cher?… à condition que ce soit bien fait tout de même.
;KNOCK :
:Ce que je puis vous proposer, c’est de vous mettre en observation. Ça ne vous coûtera presque rien. Au bout de quelques jours vous vous rendrez compte par vaus-même de la tournure que prendra le mal, et vous vous déciderez.
;LA DAME :
:Oui, c’est ça.
;KNOCK :
:Bien. Vous allez rentrer chez vous. Vous êtes venue en voiture?
;LA DAME :
:Non, à pied.
;KNOCK, tandis qu’il rédige l’ordonnance, assis à sa table :
:Il faudra tâcher de trouver une voiture. Vous vous coucherez en arrivant. Une chambre où vous serez seule, autant que possible. Faites fermer les volets et les rideaux pour que la lumière ne vous gêne pas. Défendez qu’on vous parle. Aucune alimentation solide pendant une semaine. Un verre d’eau de Vichy toutes les deux heures, et, à la rigueur, une moitié de biscuit, matin et soir, trempée dans un doigt de lait. Mais j’aimerais autant que vous vous passiez de biscuit. Vous ne direz pas que je vous ordonne des remèdes coûteux! A la fin de la semaine, nous verrons comment vous vous sentez. Si vous êtes gaillarde, si vos forces et votre gaieté sont revenues, c’est que le mal est moins sérieux qu’on ne pouvait croire, et je serai le premier à vous rassurer Si, au contraire, vous éprouvez une faiblesse générale, des lourdeurs de tête, et une certaine paresse à vous lever, l’hésitation ne sera plus permise, et nous commencerons le traitement. C’est convenu?
;LA DAME, soupirant :
:Comme vous voudrez.
;KNOCK, désignant I’ordonnance :
:Je rappelle mes prescriptions sur ce bout de papier. Et j’irai vous voir bientôt. //(Il lui remet l’ordonnance et la reconduit. A la cantonade.)// Mariette, aidez madame à descendre l’escalier et à trouver une voiture.
!!!!!//Scène 5 [[La Dame en violet|http://www.jacques-ramel.com/textes-theatre/Knock-dame-en-violet.pdf]] //
:://[[Extrait vidéo du film avec Louis Jouvet|blob:https://www.dailymotion.com/6cd0db7d-e52b-4c00-a52c-2cac56123076]], pour qui Jules Romains a écrit la pièce.//
!Knock – La Dame En Violet//
Jules Romains//
/%
|Representations|24/5/18_Éloi;|
%/
;KNOCK//(appelle)//
:Marinette ! Faites entrer le patient suivant.
//Marinette sort, puis revient dans le cabinet du Dr KNOCK avec la Dame en Violet; //
;LA DAME //(avec emphase)//
:Vous devez bien être étonné, docteur, de me voir ici.
;KNOCK
:Un peu étonné, madame.
;LA DAME
:Qu’une dame Pons, née demoiselle Lempoumas, vienne à une consultation gratuite, c’est en effet assez extraordinaire.
;KNOCK
:C’est surtout flatteur pour moi.
;LA DAME
:Vous vous dites peut-être que c’est là un des jolis résultats du gâchis actuel, et que, tandis qu’une quantité de malotrus et de marchands de cochons roulent carrosse et sablent le champagne avec des actrices, une demoiselle Lempoumas, dont la famille remonte sans interruption jusqu’au XIII siècle et a possédé jadis la moitié du pays, et qui a des alliances avec toute la noblesse et la haute bourgeoisie du département, en est réduite à faire la queue, avec les pauvres et pauvresses de SaintMaurice ? Avouez, docteur, qu’on a vu mieux.
;KNOCK //(la fait asseoir)//
:Hélas oui, madame.
;LA DAME
:Je ne vous dirai pas que mes revenus soient restés ce qu’ils étaient autrefois, ni que j’aie conservé la maisonnée de six domestiques et l’écurie de quatre chevaux qui étaient de règle dans la famille jusqu’à la mort de mon oncle. J’ai même du vendre, l’an dernier, un domaine de cent soixante hectares, la Michouille, qui me venait de ma grand-mère maternelle. Il est vrai qu’avec les impôts et les réparations, il ne me rapportait plus qu’une somme ridicule. J’en avais assez, assez, assez ! Ne croyez-vous pas, docteur, que, tout compte fait,j’ai eu raison de me débarrasser de ce domaine ?
;KNOCK //(qui n’a cessé d’être parfaitement attentif)//
:Je le crois, madame, surtout si vous avez bien placé votre argent.
;LA DAME
:Aie ! Vous avez touché le vif de la plaie ! Je me demande jour et nuit si je l’ai bien placé, et j’en doute, j’en doute terriblement. J’ai acheté un tas d’actions de charbonnages. Docteur, que pensez-vous des Charbonnages ?
;KNOCK
:Ce sont, en général, d’excellentes valeurs, un peu spéculatives peut-être, sujettes à des hausses inconsidérées suivies de baisses inexplicables.
;LA DAME
:Ah ! mon Dieu ! Vous me donnez la chair de poule. J’ai l’impression de les avoir achetées en pleine hausse. Et j’en ai pour plus de cinquante mille francs. D’ailleurs, c’est une folie de mettre une somme pareille dans les charbonnages, quand on n’a pas une grosse fortune.
;KNOCK
:Il me semble, en effet, qu’un tel placement ne devrait jamais représenter plus du dixième de l’avoir total.
;LA DAME
:Ah ? Pas plus du dixième ? Mais s’il ne représente pas plus du dixième, ce n’est pas une folie proprement dite ?
;KNOCK
:Nullement.
;LA DAME
:Vous me rassurez, docteur.
;KNOCK
:Moi aussi, Madame.
;LA DAME
:J’en avais besoin. Vous ne sauriez croire quels tourments me donne la gestion de mes quatre sous. Je voudrais ne plus penser toute la journée à mes locataires, à mes fermiers et à mes titres. Je ne puis pourtant pas, à mon âge, courir les aventures amoureuses — ah ! ah ! ah ! — ni entreprendre un voyage autour du monde. Mais vous attendez, sans doute, que je vous explique pourquoi j’ai fait la queue à votre consultation gratuite ?
;KNOCK
:Quelle que soit votre raison, madame, elle est certainement excellente.
;LA DAME
:Voilà ! J’ai voulu donner l’exemple. Je trouve que vous avez eu là, docteur, une belle et noble inspiration. Mais, je connais mes gens. J’ai pensé
:"Ils n’en ont pas l’habitude, ils n’iront pas. Et ce monsieur en sera pour sa générosité"
:Et je me suis dit
:"S’ils voient qu’une dame Pons, demoiselle Lempoumas, n’hésite pas à inaugurer les consultations gratuites, ils n’auront plus honte de s’y montrer."
:Car mes moindres gestes sont observés et commentés. C’est bien naturel.
;KNOCK
:Votre démarche est très louable, madame. Je vous en remercie.
;LA DAME //(se lève, faisant mine de se retirer)//
:Je suis enchantée, docteur, d’avoir fait votre connaissance. Je reste chez moi toutes les après-midi. Il vient quelques personnes. Nous faisons salon autour d’une vieille théière Louis XV que j’ai héritée de mon aïeule. Il y aura toujours une tasse de côté pour vous.
;KNOCK s’incline.
://Elle avance encore vers la porte)//
;LA DAME
:Vous savez que je suis réellement très, très tourmentée avec mes locataires et mes titres. Je passe des nuits sans dormir. C’est horriblement fatigant. Vous ne connaîtriez pas, docteur, un secret pour faire dormir ?
;KNOCK
:Il y a longtemps que vous souffrez d’insomnie ?
;LA DAME
:Très, très longtemps.
;KNOCK
:Vous en aviez parlé au docteur Parpalaid ?
;LA DAME
:Oui, plusieurs fois.
;KNOCK
:Que vous a-t-il dit ?
;LA DAME
:De lire chaque soir trois pages du Code civil. C’était une plaisanterie. Le docteur n’a jamais pris la chose au sérieux.
;KNOCK
:Peut-être a-t-il eu tort. Car il y a des cas d’insomnie dont la signification est d’une exceptionnelle gravité.
;LA DAME
:Vraiment ?
;KNOCK
:L’insomnie peut être due à un trouble essentiel de la circulation intracérébrale, particulièrement à une altération des vaisseaux dite "en tuyau de pipe". Vous avez peut-être, madame, les artères du cerveau en tuyau de pipe.
;LA DAME
:Ciel ! En tuyau de pipe ! L’usage du tabac, docteur, y serait-il pour quelque chose ? Je fume un peu.
;KNOCK
:C’est un point qu’il faudrait examiner. L’insomnie peut encore provenir d’une attaque profonde et continue de la substance grise par la névroglie.
;LA DAME
:Ce doit être affreux. Expliquez-moi cela, docteur.
;KNOCK //(très posément)//
:Représentez-vous un crabe, ou un poulpe, ou une gigantesque araignée en train de vous grignoter, de vous suçoter et de vous déchiqueter doucement la cervelle.
;LA DAME
:Oh !
://(Elle s’effondre dans un fauteuil)//
:Il y a de quoi s’évanouir d’horreur. Voilà certainement ce que je dois avoir. Je le sens bien. Je vous en prie, docteur, tuez-moi tout de suite. Une piqûre, une piqûre ! Ou plutôt ne m’abandonnez pas. Je me sens glisser au dernier degré de l’épouvante.
://(Un silence)//
:Ce doit être absolument incurable ? et mortel ?
;KNOCK
:Non.
;LA DAME
:Il y a un espoir de guérison ?
;KNOCK
:Oui, à la longue.
;LA DAME
:Ne me trompez, docteur. Je veux savoir la vérité.
;KNOCK
:Tout dépend de la régularité et de la durée du traitement.
;LA DAME
:Mais de quoi peut-on guérir ? De la chose en tuyau de pipe, ou de l’araignée ? Car je sens bien que, dans mon cas, c’est plutôt l’araignée.
;KNOCK
:On peut guérir de l’un et de l’autre. Je n’oserais peut-être pas donner cet espoir à un malade ordinaire, qui n’aurait ni le temps ni les moyens de se soigner, suivant les méthodes les plus modernes. Avec vous, c’est différent.
;LA DAME //(se lève)//
:Oh ! je serai une malade très docile, docteur, soumise comme un petit chien. Je passerai partout où il faudra, surtout si ce n’est pas trop douloureux.
;KNOCK
:Aucunement douloureux, puisque c’est à la radioactivité que l’on fait appel. La seule difficulté, c’est d’avoir la patience de poursuivre bien sagement la cure pendant deux ou trois années, et aussi d’avoir sous la main un médecin qui s’astreigne à une surveillance incessante du processus de guérison, à un calcul minutieux des doses radioactives – et à des visites presque quotidiennes.
;LA DAME
:Oh ! moi, je ne manquerai pas de patience. Mais c’est vous, docteur, qui n’allez pas vouloir vous occuper de moi autant qu’il faudrait.
;KNOCK
:Vouloir, vouloir ! Je ne demanderais pas mieux. Il s’agit de pouvoir. Vous demeurez loin ?
;LA DAME
:Mais non, à deux pas. La maison qui est en face du poids public.
;KNOCK
:J’essayerai de faire un bond tous les matins jusque chez vous. Sauf le dimanche. Et le lundi à cause de ma consultation.
;LA DAME
:Mais ce ne sera pas trop d’intervalle, deux jours d’affilée ? je resterai pour ainsi dire sans soins du samedi au mardi ?
;KNOCK
:Je vous laisserai des instructions détaillées. Et puis, quand je trouverai une minute, je passerai le dimanche matin ou le lundi aprèsmidi.
;LA DAME
:Ah ! tant mieux ! tant mieux ! //(Elle se lève)// Et qu’est-ce qu’il faut que je fasse tout de suite ?
;KNOCK
:Rentrez chez vous. Gardez la chambre. J’irai vous voir demain matin et je vous examinerai plus à fond.
;LA DAME
:Je n’ai pas de médicaments à prendre aujourd’hui ?
;KNOCK //(debout)//
:Heu... si. //(Il bâcle une ordonnance)// Passez chez le pharmacien M. Mousquet et priez-le d’exécuter cette première petite ordonnance.
;LA DAME //(en sortant)//
:Merci, Docteur, merci.
;KNOCK
:Au revoir, chère Madame, merci infiniment.
!~KNOCK- Les consultations gratuites^^
//Jules Romains//^^
/%
|anciennes|8/3/18_JdArc;24/5/18_Éloi;18/9/18_Épinettes|
|auteur|Jules Romains|
|temps| 22 mn |
|prochaines|8/3/18_JdArc; 24/5/18_Éloi;18/9/18_Épinettes; 18/10/18_Lauriston; 93c|
|distribution|Jacques - Éveline- Michèle|
%/
+++![Knock – La Dame En Noir]
;KNOCK :
:Ah! voici les consultants. //(A la cantonade.)// Une douzaine, déjà? Prévenez les nouveaux arrivants qu’après onze heures et demie je ne puis plus recevoir personne, au moins en consultation gratuite. C’est vous qui êtes la première, madame? //(Il fait entrer la dame en noir et referme la porte.)// Vous êtes bien du canton?
;LA DAME EN NOIR :
:Je suis de la commune.
;KNOCK :
:De ~Saint-Maurice même?
;LA DAME :
:J’habite la grande ferme qui est sur la route de Luchère.
;KNOCK :
:Elle vous appartient?
;LA DAME :
:Oui, à mon mari et à moi
;KNOCK :
:Si vous l’exploitez vous-même, vous devez avoir beaucoup de travail?
;LA DAME :
:Pensez, monsieur! dix-huit vaches, deux bœufs, deux taureaux, la jument et le poulain, six chèvres, une bonne douzaine de cochons, sans compter la basse-cour.
;KNOCK :
:Diable! Vous n’avez pas de domestiques?
;LA DAME :
:Dame si. Trois valets, une servante, et les journaliers dans la belle saison.
;KNOCK :
:Je vous plains. Il ne doit guère vous rester de temps pour vous soigner?
;LA DAME :
:Oh! non.
;KNOCK :
:Et pourtant vous souffrez.
;LA DAME :
:Ce n’est pas le mot. J’ai plutôt de la fatigue.
;KNOCK :
:Oui, vous appelez ça de la fatigue. //(Il s’approche d’elle.)// Tirez la langue. Vous ne devez pas avoir beaucoup d’appétit.
;LA DAME :
:Non.
;KNOCK :
:Vous êtes constipée.
;LA DAME :
:Oui, assez.
;KNOCK, il l’ausculte :
:Baissez la tête. Respirez. Toussez. Vous n’êtes jamais tombée d’une échelle, étant petite?
;LA DAME :
:Je ne me souviens pas.
;KNOCK, il lui palpe et lui percute le dos, lui presse brusquement les reins :
:Vous n’avez jamais mal ici le soir en vous couchant? Une espèce de courbature?
;LA DAME :
:Oui, des fois.
;KNOCK, il continue de I’ausculter :
:Essayez de vous rappeler. Ça devait être une grande échelle.
;LA DAME :
:Ça se peut bien.
;KNOCK, très affirmatif :
:C’était une échelle d’environ trois mètres cinquante, posée contre un mur. Vous êtes tombée à la renverse. C’est la fesse gauche, heureusement, qui a porté.
;LA DAME :
:Ah oui!
;KNOCK :
:Vous aviez déjà consulté le docteur Parpalaid?
;LA DAME :
:Non, jamais.
;KNOCK :
:Pourquoi ?
;LA DAME :
:Il ne donnait pas de consultations gratuites.
://Un silence.//
;KNOCK, la fait asseoir :
:Vous vous rendez compte de votre état?
;LA DAME :
:Non.
;KNOCK, il s’assied en face d’elle :
:Tant mieux. Vous avez envie de guérir, ou vous n’avez pas envie?
;LA DAME :
:J’ai envie.
;KNOCK :
:J’aime mieux vous prévenir tout de suite que ce sera très long et très coûteux.
;LA DAME :
:Ah! mon Dieu! Et pourquoi ça?
;KNOCK :
:Parce qu’on ne guérit pas en cinq mn un mal qu’on traîne depuis quarante ans.
;LA DAME :
:Depuis quarante ans?
;KNOCK :
:Oui, depuis que vous êtes tombée de votre échelle.
;LA DAME :
:Et combien que ça me coûterait?
;KNOCK :
:Qu’est-ce que valent les veaux, actuellement?
;LA DAME :
:Ca dépend des marchés et de la grosseur. Mais on ne peut guère en avoir de propres à moins de quatre ou cinq cents francs.
;KNOCK :
:Et les cochons gras?
;LA DAME :
:Il y en a qui font plus de mille.
;KNOCK :
:Eh bien! ça vous coûtera à peu près deux cochons et deux veaux.
;LA DAME :
:Ah! là! là! Près de trois mille francs? C’est une désolation, Jésus Marie!
;KNOCK :
:Si vous aimez mieux faire un pèlerinage, je ne vous en empêche pas.
;LA DAME :
:Oh! un pèlerinage, ça revient cher aussi et ça ne réussit pas souvent. //(Un silence.)// Mais qu’est-ce que je peux donc avoir de si terrible que ça?
;KNOCK, avec une grande courtoisie :
:Je vais vous l’expliquer en une minute au tableau noir. //(Il va au tableau et commence un croquis.)// Voici votre moelle épinière, en coupe, très schématiquement, n’est-ce pas? Vous reconnaissez ici votre faisceau de Turck et ici votre colonne de Clarke. Vous me suivez? Eh bien! quand vous êtes tombée de l’échelle, votre Turck et votre Clarke ont glissé en sens inverse //(il trace des flèches de direction)// de quelques dixièmes de millimètre. Vous me direz que c’est très peu. Évidemment. Mais c’est très mal placé. Et puis vous avez ici un tiraillement continu qui s’exerce sur les multipolaires. //(Il s’essuie les doigts.)//
;LA DAME :
:Mon Dieu! Mon Dieu!
;KNOCK :
:Remarquez que vous ne mourrez pas du jour au lendemain. Vous pouvez attendre.
;LA DAME :
:Oh! là! là! J’ai bien eu du malheur de tomber de cette échelle!
;KNOCK :
:Je me demande même s’il ne vaut pas mieux laisser les choses comme elles sont. L’argent est si dur à gagner. Tandis que les années de vieillesse, on en a toujours bien assez. Pour le plaisir qu’elles donnent!
;LA DAME :
:Et en faisant ça plus… grossièrement, vous ne pourriez pas me guérir à moins cher?… à condition que ce soit bien fait tout de même.
;KNOCK :
:Ce que je puis vous proposer, c’est de vous mettre en observation. Ça ne vous coûtera presque rien. Au bout de quelques jours vous vous rendrez compte par vaus-même de la tournure que prendra le mal, et vous vous déciderez.
;LA DAME :
:Oui, c’est ça.
;KNOCK :
:Bien. Vous allez rentrer chez vous. Vous êtes venue en voiture?
;LA DAME :
:Non, à pied.
;KNOCK, tandis qu’il rédige l’ordonnance, assis à sa table :
:Il faudra tâcher de trouver une voiture. Vous vous coucherez en arrivant. Une chambre où vous serez seule, autant que possible. Faites fermer les volets et les rideaux pour que la lumière ne vous gêne pas. Défendez qu’on vous parle. Aucune alimentation solide pendant une semaine. Un verre d’eau de Vichy toutes les deux heures, et, à la rigueur, une moitié de biscuit, matin et soir, trempée dans un doigt de lait. Mais j’aimerais autant que vous vous passiez de biscuit. Vous ne direz pas que je vous ordonne des remèdes coûteux! A la fin de la semaine, nous verrons comment vous vous sentez. Si vous êtes gaillarde, si vos forces et votre gaieté sont revenues, c’est que le mal est moins sérieux qu’on ne pouvait croire, et je serai le premier à vous rassurer Si, au contraire, vous éprouvez une faiblesse générale, des lourdeurs de tête, et une certaine paresse à vous lever, l’hésitation ne sera plus permise, et nous commencerons le traitement. C’est convenu?
;LA DAME, soupirant :
:Comme vous voudrez.
;KNOCK, désignant I’ordonnance :
:Je rappelle mes prescriptions sur ce bout de papier. Et j’irai vous voir bientôt. //(Il lui remet l’ordonnance et la reconduit. A la cantonade.)// Mariette, aidez madame à descendre l’escalier et à trouver une voiture.
===
+++![Knock – La Dame En Violet]
;KNOCK//(appelle)//
:Mariette ! Faites entrer le patient suivant.
//Mariette sort, puis revient dans le cabinet du Dr KNOCK avec la Dame en Violet; //
;LA DAME //(avec emphase)//
:Vous devez bien être étonné, docteur, de me voir ici.
;KNOCK
:Un peu étonné, madame.
;LA DAME
:Qu’une dame Pons, née demoiselle Lempoumas, vienne à une consultation gratuite, c’est en effet assez extraordinaire.
;KNOCK
:C’est surtout flatteur pour moi.
;LA DAME
:Vous vous dites peut-être que c’est là un des jolis résultats du gâchis actuel, et que, tandis qu’une quantité de malotrus et de marchands de cochons roulent carrosse et sablent le champagne avec des actrices, une demoiselle Lempoumas, dont la famille remonte sans interruption jusqu’au XIII siècle et a possédé jadis la moitié du pays, et qui a des alliances avec toute la noblesse et la haute bourgeoisie du département, en est réduite à faire la queue, avec les pauvres et pauvresses de SaintMaurice ? Avouez, docteur, qu’on a vu mieux.
;KNOCK //(la fait asseoir)//
:Hélas oui, madame.
;LA DAME
:Je ne vous dirai pas que mes revenus soient restés ce qu’ils étaient autrefois, ni que j’aie conservé la maisonnée de six domestiques et l’écurie de quatre chevaux qui étaient de règle dans la famille jusqu’à la mort de mon oncle. J’ai même du vendre, l’an dernier, un domaine de cent soixante hectares, la Michouille, qui me venait de ma grand-mère maternelle. Il est vrai qu’avec les impôts et les réparations, il ne me rapportait plus qu’une somme ridicule. J’en avais assez, assez, assez ! Ne croyez-vous pas, docteur, que, tout compte fait,j’ai eu raison de me débarrasser de ce domaine ?
;KNOCK //(qui n’a cessé d’être parfaitement attentif)//
:Je le crois, madame, surtout si vous avez bien placé votre argent.
;LA DAME
:Aie ! Vous avez touché le vif de la plaie ! Je me demande jour et nuit si je l’ai bien placé, et j’en doute, j’en doute terriblement. J’ai acheté un tas d’actions de charbonnages. Docteur, que pensez-vous des Charbonnages ?
;KNOCK
:Ce sont, en général, d’excellentes valeurs, un peu spéculatives peut-être, sujettes à des hausses inconsidérées suivies de baisses inexplicables.
;LA DAME
:Ah ! mon Dieu ! Vous me donnez la chair de poule. J’ai l’impression de les avoir achetées en pleine hausse. Et j’en ai pour plus de cinquante mille francs. D’ailleurs, c’est une folie de mettre une somme pareille dans les charbonnages, quand on n’a pas une grosse fortune.
;KNOCK
:Il me semble, en effet, qu’un tel placement ne devrait jamais représenter plus du dixième de l’avoir total.
;LA DAME
:Ah ? Pas plus du dixième ? Mais s’il ne représente pas plus du dixième, ce n’est pas une folie proprement dite ?
;KNOCK
:Nullement.
;LA DAME
:Vous me rassurez, docteur.
;KNOCK
:Moi aussi, Madame.
;LA DAME
:J’en avais besoin. Vous ne sauriez croire quels tourments me donne la gestion de mes quatre sous. Je voudrais ne plus penser toute la journée à mes locataires, à mes fermiers et à mes titres. Je ne puis pourtant pas, à mon âge, courir les aventures amoureuses — ah ! ah ! ah ! — ni entreprendre un voyage autour du monde. Mais vous attendez, sans doute, que je vous explique pourquoi j’ai fait la queue à votre consultation gratuite ?
;KNOCK
:Quelle que soit votre raison, madame, elle est certainement excellente.
;LA DAME
:Voilà ! J’ai voulu donner l’exemple. Je trouve que vous avez eu là, docteur, une belle et noble inspiration. Mais, je connais mes gens. J’ai pensé
:"Ils n’en ont pas l’habitude, ils n’iront pas. Et ce monsieur en sera pour sa générosité"
:Et je me suis dit
:"S’ils voient qu’une dame Pons, demoiselle Lempoumas, n’hésite pas à inaugurer les consultations gratuites, ils n’auront plus honte de s’y montrer."
:Car mes moindres gestes sont observés et commentés. C’est bien naturel.
;KNOCK
:Votre démarche est très louable, madame. Je vous en remercie.
;LA DAME //(se lève, faisant mine de se retirer)//
:Je suis enchantée, docteur, d’avoir fait votre connaissance. Je reste chez moi toutes les après-midi. Il vient quelques personnes. Nous faisons salon autour d’une vieille théière Louis XV que j’ai héritée de mon aïeule. Il y aura toujours une tasse de côté pour vous.
;KNOCK s’incline.
://Elle avance encore vers la porte)//
;LA DAME
:Vous savez que je suis réellement très, très tourmentée avec mes locataires et mes titres. Je passe des nuits sans dormir. C’est horriblement fatigant. Vous ne connaîtriez pas, docteur, un secret pour faire dormir ?
;KNOCK
:Il y a longtemps que vous souffrez d’insomnie ?
;LA DAME
:Très, très longtemps.
;KNOCK
:Vous en aviez parlé au docteur Parpalaid ?
;LA DAME
:Oui, plusieurs fois.
;KNOCK
:Que vous a-t-il dit ?
;LA DAME
:De lire chaque soir trois pages du Code civil. C’était une plaisanterie. Le docteur n’a jamais pris la chose au sérieux.
;KNOCK
:Peut-être a-t-il eu tort. Car il y a des cas d’insomnie dont la signification est d’une exceptionnelle gravité.
;LA DAME
:Vraiment ?
;KNOCK
:L’insomnie peut être due à un trouble essentiel de la circulation intracérébrale, particulièrement à une altération des vaisseaux dite "en tuyau de pipe". Vous avez peut-être, madame, les artères du cerveau en tuyau de pipe.
;LA DAME
:Ciel ! En tuyau de pipe ! L’usage du tabac, docteur, y serait-il pour quelque chose ? Je fume un peu.
;KNOCK
:C’est un point qu’il faudrait examiner. L’insomnie peut encore provenir d’une attaque profonde et continue de la substance grise par la névroglie.
;LA DAME
:Ce doit être affreux. Expliquez-moi cela, docteur.
;KNOCK //(très posément)//
:Représentez-vous un crabe, ou un poulpe, ou une gigantesque araignée en train de vous grignoter, de vous suçoter et de vous déchiqueter doucement la cervelle.
;LA DAME
:Oh !
://(Elle s’effondre dans un fauteuil)//
:Il y a de quoi s’évanouir d’horreur. Voilà certainement ce que je dois avoir. Je le sens bien. Je vous en prie, docteur, tuez-moi tout de suite. Une piqûre, une piqûre ! Ou plutôt ne m’abandonnez pas. Je me sens glisser au dernier degré de l’épouvante.
://(Un silence)//
:Ce doit être absolument incurable ? et mortel ?
;KNOCK
:Non.
;LA DAME
:Il y a un espoir de guérison ?
;KNOCK
:Oui, à la longue.
;LA DAME
:Ne me trompez, docteur. Je veux savoir la vérité.
;KNOCK
:Tout dépend de la régularité et de la durée du traitement.
;LA DAME
:Mais de quoi peut-on guérir ? De la chose en tuyau de pipe, ou de l’araignée ? Car je sens bien que, dans mon cas, c’est plutôt l’araignée.
;KNOCK
:On peut guérir de l’un et de l’autre. Je n’oserais peut-être pas donner cet espoir à un malade ordinaire, qui n’aurait ni le temps ni les moyens de se soigner, suivant les méthodes les plus modernes. Avec vous, c’est différent.
;LA DAME //(se lève)//
:Oh ! je serai une malade très docile, docteur, soumise comme un petit chien. Je passerai partout où il faudra, surtout si ce n’est pas trop douloureux.
;KNOCK
:Aucunement douloureux, puisque c’est à la radioactivité que l’on fait appel. La seule difficulté, c’est d’avoir la patience de poursuivre bien sagement la cure pendant deux ou trois années, et aussi d’avoir sous la main un médecin qui s’astreigne à une surveillance incessante du processus de guérison, à un calcul minutieux des doses radioactives – et à des visites presque quotidiennes.
;LA DAME
:Oh ! moi, je ne manquerai pas de patience. Mais c’est vous, docteur, qui n’allez pas vouloir vous occuper de moi autant qu’il faudrait.
;KNOCK
:Vouloir, vouloir ! Je ne demanderais pas mieux. Il s’agit de pouvoir. Vous demeurez loin ?
;LA DAME
:Mais non, à deux pas. La maison qui est en face du poids public.
;KNOCK
:J’essayerai de faire un bond tous les matins jusque chez vous. Sauf le dimanche. Et le lundi à cause de ma consultation.
;LA DAME
:Mais ce ne sera pas trop d’intervalle, deux jours d’affilée ? je resterai pour ainsi dire sans soins du samedi au mardi ?
;KNOCK
:Je vous laisserai des instructions détaillées. Et puis, quand je trouverai une minute, je passerai le dimanche matin ou le lundi aprèsmidi.
;LA DAME
:Ah ! tant mieux ! tant mieux ! //(Elle se lève)// Et qu’est-ce qu’il faut que je fasse tout de suite ?
;KNOCK
:Rentrez chez vous. Gardez la chambre. J’irai vous voir demain matin et je vous examinerai plus à fond.
;LA DAME
:Je n’ai pas de médicaments à prendre aujourd’hui ?
;KNOCK //(debout)//
:Heu... si. //(Il bâcle une ordonnance)// Passez chez le pharmacien M. Mousquet et priez-le d’exécuter cette première petite ordonnance.
;LA DAME //(en sortant)//
:Merci, Docteur, merci.
;KNOCK
:Au revoir, chère Madame, merci infiniment.
===
+++[Liens]
*[img(30%,)[27 fév 2018|http://preview.ibb.co/jb5uL7/Snapshot_274.png][https://photos.app.goo.gl/BXmrpzaCly8WSyFz2]] [img(30%,)[Mardi 20 février 18|https://image.ibb.co/d8dQDH/Snapshot_259.png][https://photos.app.goo.gl/8qSnqncf07KmgTT03]] [img(30%,)[Dernier filage|https://image.ibb.co/h9BLMH/826_Knock.png][https://photos.app.goo.gl/XmOgiTuHAWOgiEyA2]]
*[[Extrait par Louis Jouvet|https://compagnieaffable.com/2015/10/21/knock-de-jules-romains-knock-la-dame-en-noir/]]
*[[KNOCK / Jules Romains / Cie du Berger au Théâtre de l'Epée de Bois|https://youtu.be/hCwKG8EJ0Dw?t=3620]]
*[[Knock - La Dame En Noir lu par François Périer|https://youtu.be/TP1qFc1g0zU?t=2370]]
*[[KNOCK joué à l'OLYMPIA d'ARCACHON / LA DAME EN NOIR|https://ibb.co/jT5fMH]]
*[[Knock o il trionfo della medicina|https://youtu.be/WGhG9Q5Y_PE?t=2523]]
!!!!!//Scène 5 [[La Dame en violet|http://www.jacques-ramel.com/textes-theatre/Knock-dame-en-violet.pdf]] //
:://[[Extrait vidéo du film avec Louis Jouvet|blob:https://www.dailymotion.com/6cd0db7d-e52b-4c00-a52c-2cac56123076]], pour qui Jules Romains a écrit la pièce.//
===
!L'Agence Matrimoniale
{{blue italic small center{Sketch de C.Paliulis. et D.Benureau }}}((*(
|Description:|Sketch de C.Paliulis. et D.Benureau|
)))
;La vendeuse
: Bonjour madame, bonjour monsieur, asseyez vous.
;La mère
: Bonjour mademoiselle, merci mademoiselle
;La vendeuse
: Je vais chercher une chaise pour monsieur.
;La mère
: Ne vous dérangez pas mademoiselle, il va s'asseoir sur mes genoux.
;@@Le fils@@
: Ah ben non maman !
;La vendeuse
: C'est comme vous voulez.
;@@Le fils@@
: J'aimerais mieux avoir une chaise.
;La mère
: Tu n'es pas simple Henri, tu n'es pas simple, assieds-toi, approche ta chaise.
;La vendeuse
: Alors je vous écoute.
;La mère
: Enlève ta cagoule tu vas être en nage, voilà !
;@@Le fils@@
: Elle m'embête cette cagoule.
;La vendeuse
: Alors madame vous venez pour votre...
;@@Le fils@@
: Heu... heu....
;La mère
: Et vas-y, vas-y Henri, parle
;@@Le fils@@
: Heu... je vis seul, enfin avec maman, et j'aimerais trouver une autre heu...
;La mère
: Explique-toi, Henri, dis-le pourquoi tu viens, dis le franchement !
;@@Le fils@@
: J'aimerais trouver une autre femme, une femme.
;La vendeuse
: Très bien, quel âge avez vous monsieur ?
;La mère
: Oh vous savez il est très jeune.
;@@Le fils@@
:Oh bah j'ai quand même un paquet de balais.
;La mère
: Pas tant que ça : ne me vieillis pas s'il te plaît !
;La vendeuse
: Est-ce que vous êtes déjà un peu fixé sur le genre de personne ?
;@@Le fils@@
: Oh oui, je voudrais une femme surtout avec des cheveux, de beaux cheveux, et puis alors des grands yeux, un tout petit nez, et puis une bouche, et puis alors surtout un corps très... très... {{blue italic{(Geste poitrine.)}}}
;La mère
: @@Le fils@@ tu t'expliques mal, comment veux-tu que mademoiselle comprenne ?... Non, non, ce n'est pas du tout ça, je vais vous dire ce que l'on veut, on veut une personne posée, avec des qualités de coeur et une grande rigueur morale, voilà ce que l'on -veut.
;@@Le fils@@
: ....Ouais.... une grande rigueur morale, enfin y'a pas que ça qui compte quand même.
;La vendeuse
: Écoutez je vais vous proposer un catalogue, il y a deux catalogues : printemps-été ou automne-hiver.
;@@Le fils@@
: Si c'est selon l'âge, moi j'aimerais autant printemps-été {{blue italic{(II ouvre le catalogue.)}}}, y'a des photos, des photos couleurs {{blue italic{(Il s'excite)}}} des photos, des des des_ photos cou... couleurs.
;La mère
: Calme-toi, Henri, calme-toi !
;@@Le fils@@
: Dommage, elles sont habillées, on ne se rend pas bien compte.
;La vendeuse
: Écoutez monsieur, ces personnes sont là en principe pour fonder un foyer, pas pour l'élection de miss France !
;@@Le fils@@
: Justement, même pour fonder un foyer, on aimerait les voir déshabillées .
;La mère
: Écoute Henri, il n'y a pas que le physique qui compte! Regarde moi.
;@@Le fils@@
: Oui mais quand même.
;La vendeuse
: Alors vous avez deux catégories : beauté ou intelligence
;@@Le fils@@
: Ah vous faites pas les deux en même temps ?
;La vendeuse
: Non, enfin ça existe mais ces personnes ne passent pas par notre agence.
;La mère
: Forcément, alors, je vais regarder avec lui... {{blue italic{(Elle feuillette le catalogue très rapidement et l'empêche de regarder.)}}} Non certainement pas celle-là, tu ne sais pas choisir, celle-là elle n'est pas du tout pour toi.
;@@Le fils@@
: Tu ne me laisses même pas regarder les photos .
;La mère
: Tu veux regarder des photos de femmes c'est ça, {{blue italic{(En colère.)}}} eh bien regarde-les {{blue italic{(Elle lui jette le catalogue.)}}} Mademoiselle, vous pouvez me passer le catalogue automne-hiver, non mais n'importe quoi ! Vous savez mademoiselle, c'est pas tous les jours drôle d'être mère, je ne souhaite à personne ce que je vis en ce moment, depuis dix ans c'est infernal, j'ai hâte que ça se termine.
;La vendeuse
: Bien sûr, vous savez j'ai l'habitude, à cet àge-là, ça les travaille.
;@@Le fils@@
: Celle-là, elle est bien regarde là !
;La mère
: Quoi!! c'est ça qui te plaît, une maigrichonne, décolorée, ah non s'il te plaît, voilà ce qu'il te faut. {{blue italic{(Montrant le catalogue automne-hiver.)}}} Tiens voilà une femme bien pour toi !
;@@Le fils@@
: Oh non ! des cheveux gris ça fait vieux !
;La mère
: Ils sont cendrés c'est tout.
;@@Le fils@@
: Elle se porte bien .
;La mère
: C'est ce qu'il te faut une femme solide.
;La vendeuse
: C'est la 2520, une ancienne championne de lancer du poids, médaille de bronze à Helsinki.
;@@Le fils@@
: On voit que c'est une femme qui tient la route. C'est vraiment une femme?
;La vendeuse
: Oh je pense...
;@@Le fils@@
: La petite moustache quand même là,
;La vendeuse.
:Ça, c'est les hormones
;@@Le fils@@
: Hein ??!!!
;La vendeuse
: Heu, les contrastes @@de la photo.@@
;La mère
: Alors elle te plaît ? Décide toi
;@@Le fils@@.
:Elle m'emballe pas du tout !
;La mère
: On ne va pas s'en sortir je sens ça, mademoiselle, est-ce que vous pouvez me conseiller quelque chose de bien.
;La vendeuse
: J'ai une femme qui a eu un accident à la naissance, elle a été ébouillantée, elle a reçu une casserole d'eau sur la tête... elle est chauve.
;@@Le fils@@
: Ah non!!
;La mère
: Ben quoi avec une perruque ça peut s'arranger.
;La vendeuse
: Il y'en a une autre, mais chaque fois qu'elle s'est fiancée, son fiancé a eu un accident.
;La mère
: Non, il y a la loi des séries.
;@@Le fils@@
:Non, il y a la loi des séries.
;La vendeuse
: Sinon j'ai toujours une éleveuse d'escargots qui est toujours à la traîne.
;@@Le fils@@
: Non non, moi ça me plaît pas .
;La mère
: Allez choisis ! On est venu ici pour que tu te décides.
;@@Le fils@@
: Ce qui y'a ici ça me plaît pas, il faut aller ailleurs, je peux très bien trouver chaussure à mon pied.
;La mère
: Tu vas encore te faire rouler et puis c'est tout ! À propos de chaussures , tenez regardez mademoiselle ! {{blue italic{(Elle lui prend la jambe et montre ses chaussures.)}}} Ce qu'il m'a fait acheter la semaine dernière, des petits tennis, avec une semelle qui prend l'eau, c'est ça qu'il m'a fait acheter. {{blue italic{(Elle gifle les chaussures violemment.)}}} Tu ne sais même pas choisir des chaussures!
;@@Le fils@@
: C'est très bien, et puis c'est à la mode ! C'est beaucoup mieux que les après-ski en poils que tu m'as offerts.
;La mère
: Ils sont très bien ces après-ski ! c'est des chaussures confortables et qui te feront de ]'usage au moins!
;@@Le fils@@
: On n'est pas venu ici pour parler de mes chaussures. Je suis venu pour trouver une femme, moi !
;La mère
: C'est la même chose, il te faut une femme confortable et qui te fasse de l'usage !
;La vendeuse
: Je vous ai montré tout ce que j'avais !
;@@Le fils@@ {{blue italic{ regard scotché sur la vendeuse}}}
:Oh ! ça ne m'emballe pas !
;La mère
: Tu vas te décider ! ça suffit ! Je ne vais pas continuer à porter des petits mots dans les boulangeries pour avoir des rendez-vous, bientôt, il va falloir que j'aborde des femmes dans la rue pour toi ! j'en ai assez {{blue italic{(Elle le frappe. )}}}
;@@Le fils@@
: Arrête ! {{blue italic{(à la vendeuse)}}} Elle m'énerve !
;La vendeuse {{blue italic{(devenant de plus en plus engageante)}}}
:Écoutez monsieur ...
;La mère
: QUOI ? Je t'énerve ? t'en veux une ?
;La vendeuse
: Il n'y a pas que dans les Agences que l'on peut trouver ! il suffit de parler avec les gens...
;@@Le fils@@
: Comment on peut faire ?
;La vendeuse
: Il faut essayer de parler, rencontrer des personnes...
;La mère {{blue italic{(I'interrompant.)}}}
:Tu déranges mademoiselle, c'est tout ce que tu fais !
;La vendeuse {{blue italic{très suave}}}
: Non, non, il ne me dérange pas, madame.
;@@Le fils@@
: Je n'arrive pas à parler, j'ai beau m'exercer avec maman , quand je suis en face d'une autre femme, ça se bloque ...
;La mère
: Dites-le mademoiselle qu'il vous embête !
;La vendeuse {{blue italic{encore plus suave}}}
: Non, non, il ne me dérange pas, allons monsieur, là, on est en train de parler ...
;@@Le fils@@
: Oui, c'est vrai !
;La vendeuse
:Alors, vous voyez ...
;@@Le fils@@
: Avec vous, ce n'est pas pareil, j'ai l'impression que je pourrais parler comme ça pendant des heures... On pourrait peut-être parler ailleurs ....
;La vendeuse
: Ben oui, si vous voulez. Samedi, c'est mon jour de congé...
;@@Le fils@@
: Ah ! ouais, Samedi... Samedi ...
;La mère
: Quoi samedi ? C'est le jour des courses, tu m'emmènes au supermarché !
;@@Le fils@@
: Pour une fois, tu feras un effort !
;La mère
: Comment ? ...
:{{blue italic{Tragique}}}
:Tu commences une idylle, et moi je reste sans manger !
;@@Le fils@@
: Elle est agaçante ! Samedi, vous viendrez, je passerai vous prendre en mobylette, vous monterez derrière, je vous prêterai ma cagoule.
;La mère
: @@Le fils@@, viens ici, viens ici...
:{{blue italic{Tragique : tentative désespérée pour le retenir}}}
:T'es décidé Henri, c'était ça ou le smartphone , tu es décidé ?
;@@Le fils@@
: Ah oui !
;La vendeuse
: Samedi si vous pouviez venir un peu plus tôt, parce que j'ai beaucoup de mal à fermer le rideau de fer.
;@@Le fils@@
: Pas de problème !
;La mère
: {{blue italic{Pas encore tout à fait résignée}}}
: Mademoiselle, est-ce que vous pourriez donner la main à mon fils s'il vous plaît ? C'est pour me rendre compte !
;La vendeuse
: Oui Madame.
;La mère
: Vous pourriez marcher un petit peu ?
{{blue italic{(La vendeuse et Henri traversent la scène, lui très gêné, quand ils reviennent, ils sont radieux, lui très très à l'aise.)}}}
;La mère {{blue italic{avec encore une bribe d'espoir}}}
: Alors ? Comment tu te sens Henri ? Tu n'es pas bloqué?
;@@Le fils@@
: Non, tu vois ! Je suis bien là, j'ai jamais été aussi bien...
;La mère {{blue italic{Inquiète}}}
: Et vous, Mademoiselle ?
;La vendeuse
: Je vais très bien , je pourrais marcher pendant des heures comme ça
;@@Le fils@@
: Oui, enfin des heures, des heures ... On est pas toujours debout ...
;La vendeuse
: Pas toujours ...
;@@Le fils@@
:... Des fois... on est... Assis ! Ou alors...
;La mère
:Ou alors quoi ?
;@@Le fils@@
: Ou alors ... Couchés ...
;La mère
: Dis donc t'en veux une, tu sais devant qui tu parles ? --~~Vous pouvez lâcher la main de mon fils, mademoiselle.~~--
:<<tiddler 'La mère 02-12'>>
:Écoutez, comme mon fils va commencer une nouvelle vie, je pourrais peut-être recommencer la mienne.
:Est-ce que vous avez des catalogues avec des hommes ?
;La vendeuse
: Oui, justement, là, j'ai un militaire de carrière.
;@@Le fils@@
: Hein ! avec des hommes ! Tu ne vas pas ramener des hommes à la maison, non, je suis là Maman !
;La vendeuse
: Allons Henri, @@sois@@ compréhensif, @@ta@@ mère va pas rester seule ; quand même !
;La mère
: Alors vous disiez mademoiselle, un militaire ....
;La vendeuse
: Oui, il est médaillé de 39/45 et il a pris Colmar !
;La mère
: Ah ! ben s'il a pris Colmar, il pourra peut-être me prendre !
;@@Le fils@@
: Pas un militaire ! Maman ! pas un militaire ! {{blue italic small{(les trois saluent bras dessus bras dessous)}}}.
!L'AMI ZANTROP
{{center{
!!!!!!//BOBY LAPOINTE//
Moi j'connais un ami il s'appelle Alceste
C"est son nom Alceste
Nous, on l'appel' Zantrop c'est not' ami Zantrop
Bonjour l'ami Zantrop
Quand il est à St Trop il vit comme un ascète i'
sort jamais là-bas
Mais quand il est à Sète i' vit comme à St Trop
Toute la nuit i' sort
Il fait le tour des boîtes où l'on boit et l'on danse
Y'en a plusieurs à Sète
Il cherche Célimène sa doudou fiancée A vu
Célimène ? pas là
A la fin il l'a trouve il lui dit ce qu'il pense L'est
pas content tu sais
Il dit fuyons ces boites de laids qu'ont dansé
Ah ! parce que c'est son mot ça
Parce que lui il dit que ceux
Qui dansent dans ces boît' i' sont affreux
Et quand ils s'arrêtent de danser
Il dit c'est des boîtes de laids qu'on dansé
Et voilà ! ça fait rigoler
Ah la la ! Oh bon pas trop
Mais lui il est en colère
Et il dit en grinçant des molières
Non je ne puis souffrir cette lâche méthode Ah il
aim' pas
Qu'affectent la plupart de vos gens à la mode II
aim' pas la mode
Et je ne hais rien tant que les contorsions Il aime
pas le jerk
De tous vos grands faiseurs de protestations ll
aime pas du tout
Viens viens ma Célimène ! Ah viens viens je
t'amène Allez viens va
Laisses ces sapajous faire ensemble joujou lls
dansent le jerk
Toutes leurs flatteries et leur cajoleries Avec les
mains
C'est rien que du chiquet et de la crot' de biquet
Ah ça c'est son mot encore
Parce que lui il pense pour l'amour
Pas besoin de faire des manières
Lui tout de suite allez : "Boum Boum"
Et voilà c'est pas compliqué
Mais Célimène c'est pas ça du tout
Elle veut pas tout de suite "Boum Boum"
Pas que ell' c'est un' grand coquette
Et puis d'ailleurs tu vas voir
Mais notre Célimène dit pas toujours Amen, non
Oh non
Au contraire bien souvent elle dit Ah mais non
C'est vrai ça
"Moi j'aime conversation de garçon plus amen
Amen signifie doux
Puis j'suis pas cendrillon je rent' pas à minuit
Si tu crois qu'en amour y a pas besoin de hors
d'oeuvre
Vas donc chercher ailleurs qui peut faire ton
bonheur
Pour gagner une guerre il faut faire des manoeuvres
Mets du miel sur ton piège pour attraper mon
coeur"
Eh bien voilà ! Tout ça c'est de la diatribe...
Elle est comme ça Célimène...
Elle aime avoir beaucoup d'amoureux
Qui font "Nanana" des manières
Oh oui mais tout ça c'est bien triste
Et ça donne envie de partir
"Et chercher sur la terre un endroit écarté
Où d'être homme d'honneur on ait la liberté"
Comme il a dit un copain à moi
Seulement voilà y en a pas
Tout est loué depuis Pâques
Alors qu'est-ce que tu veux faire ?
}}}
!L'Agence Matrimoniale
{{blue italic small center{Sketch de C.Paliulis. et D.Benureau }}}/%
|Description:|Sketch de C.Paliulis. et D.Benureau|
%/
;La vendeuse
: Bonjour madame, bonjour monsieur, asseyez vous.
;La mère
: Bonjour mademoiselle, merci mademoiselle
;La vendeuse
: Je vais chercher une chaise pour monsieur.
;La mère
: Ne vous dérangez pas mademoiselle, il va s'asseoir sur mes genoux.
;@@Le fils@@
: Ah ben non maman !
;La vendeuse
: C'est comme vous voulez.
;@@Le fils@@
: J'aimerais mieux avoir une chaise.
;La mère
: Tu n'es pas simple Henri, tu n'es pas simple, assieds-toi, approche ta chaise.
;La vendeuse
: Alors je vous écoute.
;La mère
: Enlève ta cagoule tu vas être en nage, voilà !
;@@Le fils@@
: Elle m'embête cette cagoule.
;La vendeuse
: Alors madame vous venez pour votre...
;@@Le fils@@
: Heu... heu....
;La mère
: Et vas-y, vas-y Henri, parle
;@@Le fils@@
: Heu... je vis seul, enfin avec maman, et j'aimerais trouver une autre heu...
;La mère
: Explique-toi, Henri, dis-le pourquoi tu viens, dis le franchement !
;@@Le fils@@
: J'aimerais trouver une autre femme, une femme.
;La vendeuse
: Très bien, quel âge avez vous monsieur ?
;La mère
: Oh vous savez il est très jeune.
;@@Le fils@@
:Oh bah j'ai quand même un paquet de balais.
;La mère
: Pas tant que ça : ne me vieillis pas s'il te plaît !
;La vendeuse
: Est-ce que vous êtes déjà un peu fixé sur le genre de personne ?
;@@Le fils@@
: Oh oui, je voudrais une femme surtout avec des cheveux, de beaux cheveux, et puis alors des grands yeux, un tout petit nez, et puis une bouche, et puis alors surtout un corps très... très... {{blue italic{(Geste poitrine.)}}}
;La mère
: @@Le fils@@ tu t'expliques mal, comment veux-tu que mademoiselle comprenne ?... Non, non, ce n'est pas du tout ça, je vais vous dire ce que l'on veut, on veut une personne posée, avec des qualités de coeur et une grande rigueur morale, voilà ce que l'on -veut.
;@@Le fils@@
: ....Ouais.... une grande rigueur morale, enfin y'a pas que ça qui compte quand même.
;La vendeuse
: Écoutez je vais vous proposer un catalogue, il y a deux catalogues : printemps-été ou automne-hiver.
;@@Le fils@@
: Si c'est selon l'âge, moi j'aimerais autant printemps-été {{blue italic{(II ouvre le catalogue.)}}}, y'a des photos, des photos couleurs {{blue italic{(Il s'excite)}}} des photos, des des des_ photos cou... couleurs.
;La mère
: Calme-toi, Henri, calme-toi !
;@@Le fils@@
: Dommage, elles sont habillées, on ne se rend pas bien compte.
;La vendeuse
: Écoutez monsieur, ces personnes sont là en principe pour fonder un foyer, pas pour l'élection de miss France !
;@@Le fils@@
: Justement, même pour fonder un foyer, on aimerait les voir déshabillées .
;La mère
: Écoute Henri, il n'y a pas que le physique qui compte! Regarde moi.
;@@Le fils@@
: Oui mais quand même.
;La vendeuse
: Alors vous avez deux catégories : beauté ou intelligence
;@@Le fils@@
: Ah vous faites pas les deux en même temps ?
;La vendeuse
: Non, enfin ça existe mais ces personnes ne passent pas par notre agence.
;La mère
: Forcément, alors, je vais regarder avec lui... {{blue italic{(Elle feuillette le catalogue très rapidement et l'empêche de regarder.)}}} Non certainement pas celle-là, tu ne sais pas choisir, celle-là elle n'est pas du tout pour toi.
;@@Le fils@@
: Tu ne me laisses même pas regarder les photos .
;La mère
: Tu veux regarder des photos de femmes c'est ça, {{blue italic{(En colère.)}}} eh bien regarde-les {{blue italic{(Elle lui jette le catalogue.)}}} Mademoiselle, vous pouvez me passer le catalogue automne-hiver, non mais n'importe quoi ! Vous savez mademoiselle, c'est pas tous les jours drôle d'être mère, je ne souhaite à personne ce que je vis en ce moment, depuis dix ans c'est infernal, j'ai hâte que ça se termine.
;La vendeuse
: Bien sûr, vous savez j'ai l'habitude, à cet àge-là, ça les travaille.
;@@Le fils@@
: Celle-là, elle est bien regarde là !
;La mère
: Quoi!! c'est ça qui te plaît, une maigrichonne, décolorée, ah non s'il te plaît, voilà ce qu'il te faut. {{blue italic{(Montrant le catalogue automne-hiver.)}}} Tiens voilà une femme bien pour toi !
;@@Le fils@@
: Oh non ! des cheveux gris ça fait vieux !
;La mère
: Ils sont cendrés c'est tout.
;@@Le fils@@
: Elle se porte bien .
;La mère
: C'est ce qu'il te faut une femme solide.
;La vendeuse
: C'est la 2520, une ancienne championne de lancer du poids, médaille de bronze à Helsinki.
;@@Le fils@@
: On voit que c'est une femme qui tient la route. C'est vraiment une femme?
;La vendeuse
: Oh je pense...
;@@Le fils@@
: La petite moustache quand même là,
;La vendeuse.
:Ça, c'est les hormones
;@@Le fils@@
: Hein ??!!!
;La vendeuse
: Heu, les contrastes @@de la photo.@@
;La mère
: Alors elle te plaît ? Décide toi
;@@Le fils@@.
:Elle m'emballe pas du tout !
;La mère
: On ne va pas s'en sortir je sens ça, mademoiselle, est-ce que vous pouvez me conseiller quelque chose de bien.
;La vendeuse
: J'ai une femme qui a eu un accident à la naissance, elle a été ébouillantée, elle a reçu une casserole d'eau sur la tête... elle est chauve.
;@@Le fils@@
: Ah non!!
;La mère
: Ben quoi avec une perruque ça peut s'arranger.
;La vendeuse
: Il y'en a une autre, mais chaque fois qu'elle s'est fiancée, son fiancé a eu un accident.
;La mère
: Non, il y a la loi des séries.
;@@Le fils@@
:Non, il y a la loi des séries.
;La vendeuse
: Sinon j'ai toujours une éleveuse d'escargots qui est toujours à la traîne.
;@@Le fils@@
: Non non, moi ça me plaît pas .
;La mère
: Allez choisis ! On est venu ici pour que tu te décides.
;@@Le fils@@
: Ce qui y'a ici ça me plaît pas, il faut aller ailleurs, je peux très bien trouver chaussure à mon pied.
;La mère
: Tu vas encore te faire rouler et puis c'est tout ! À propos de chaussures , tenez regardez mademoiselle ! {{blue italic{(Elle lui prend la jambe et montre ses chaussures.)}}} Ce qu'il m'a fait acheter la semaine dernière, des petits tennis, avec une semelle qui prend l'eau, c'est ça qu'il m'a fait acheter. {{blue italic{(Elle gifle les chaussures violemment.)}}} Tu ne sais même pas choisir des chaussures!
;@@Le fils@@
: C'est très bien, et puis c'est à la mode ! C'est beaucoup mieux que les après-ski en poils que tu m'as offerts.
;La mère
: Ils sont très bien ces après-ski ! c'est des chaussures confortables et qui te feront de ]'usage au moins!
;@@Le fils@@
: On n'est pas venu ici pour parler de mes chaussures. Je suis venu pour trouver une femme, moi !
;La mère
: C'est la même chose, il te faut une femme confortable et qui te fasse de l'usage !
;La vendeuse
: Je vous ai montré tout ce que j'avais !
;@@Le fils@@ {{blue italic{ regard scotché sur la vendeuse}}}
:Oh ! ça ne m'emballe pas !
;La mère
: Tu vas te décider ! ça suffit ! Je ne vais pas continuer à porter des petits mots dans les boulangeries pour avoir des rendez-vous, bientôt, il va falloir que j'aborde des femmes dans la rue pour toi ! j'en ai assez {{blue italic{(Elle le frappe. )}}}
;@@Le fils@@
: Arrête ! {{blue italic{(à la vendeuse)}}} Elle m'énerve !
;La vendeuse {{blue italic{(devenant de plus en plus engageante)}}}
:Écoutez monsieur ...
;La mère
: QUOI ? Je t'énerve ? t'en veux une ?
;La vendeuse
: Il n'y a pas que dans les Agences que l'on peut trouver ! il suffit de parler avec les gens...
;@@Le fils@@
: Comment on peut faire ?
;La vendeuse
: Il faut essayer de parler, rencontrer des personnes...
;La mère {{blue italic{(I'interrompant.)}}}
:Tu déranges mademoiselle, c'est tout ce que tu fais !
;La vendeuse {{blue italic{très suave}}}
: Non, non, il ne me dérange pas, madame.
;@@Le fils@@
: Je n'arrive pas à parler, j'ai beau m'exercer avec maman , quand je suis en face d'une autre femme, ça se bloque ...
;La mère
: Dites-le mademoiselle qu'il vous embête !
;La vendeuse {{blue italic{encore plus suave}}}
: Non, non, il ne me dérange pas, allons monsieur, là, on est en train de parler ...
;@@Le fils@@
: Oui, c'est vrai !
;La vendeuse
:Alors, vous voyez ...
;@@Le fils@@
: Avec vous, ce n'est pas pareil, j'ai l'impression que je pourrais parler comme ça pendant des heures... On pourrait peut-être parler ailleurs ....
;La vendeuse
: Ben oui, si vous voulez. Samedi, c'est mon jour de congé...
;@@Le fils@@
: Ah ! ouais, Samedi... Samedi ...
;La mère
: Quoi samedi ? C'est le jour des courses, tu m'emmènes au supermarché !
;@@Le fils@@
: Pour une fois, tu feras un effort !
;La mère
: Comment ? ...
:{{blue italic{Tragique}}}
:Tu commences une idylle, et moi je reste sans manger !
;@@Le fils@@
: Elle est agaçante ! Samedi, vous viendrez, je passerai vous prendre en mobylette, vous monterez derrière, je vous prêterai ma cagoule.
;La mère
: @@Le fils@@, viens ici, viens ici...
:{{blue italic{Tragique : tentative désespérée pour le retenir}}}
:T'es décidé Henri, c'était ça ou le smartphone , tu es décidé ?
;@@Le fils@@
: Ah oui !
;La vendeuse
: Samedi si vous pouviez venir un peu plus tôt, parce que j'ai beaucoup de mal à fermer le rideau de fer.
;@@Le fils@@
: Pas de problème !
;La mère
: {{blue italic{Pas encore tout à fait résignée}}}
: Mademoiselle, est-ce que vous pourriez donner la main à mon fils s'il vous plaît ? C'est pour me rendre compte !
;La vendeuse
: Oui Madame.
;La mère
: Vous pourriez marcher un petit peu ?
{{blue italic{(La vendeuse et Henri traversent la scène, lui très gêné, quand ils reviennent, ils sont radieux, lui très très à l'aise.)}}}
;La mère {{blue italic{avec encore une bribe d'espoir}}}
: Alors ? Comment tu te sens Henri ? Tu n'es pas bloqué?
;@@Le fils@@
: Non, tu vois ! Je suis bien là, j'ai jamais été aussi bien...
;La mère {{blue italic{Inquiète}}}
: Et vous, Mademoiselle ?
;La vendeuse
: Je vais très bien , je pourrais marcher pendant des heures comme ça
;@@Le fils@@
: Oui, enfin des heures, des heures ... On est pas toujours debout ...
;La vendeuse
: Pas toujours ...
;@@Le fils@@
:... Des fois... on est... Assis ! Ou alors...
;La mère
:Ou alors quoi ?
;@@Le fils@@
: Ou alors ... Couchés ...
;La mère
: Dis donc t'en veux une, tu sais devant qui tu parles ? --~~Vous pouvez lâcher la main de mon fils, mademoiselle.~~--
:<<tiddler 'La mère 02-12'>>
:Écoutez, comme mon fils va commencer une nouvelle vie, je pourrais peut-être recommencer la mienne.
:Est-ce que vous avez des catalogues avec des hommes ?
;La vendeuse
: Oui, justement, là, j'ai un militaire de carrière.
;@@Le fils@@
: Hein ! avec des hommes ! Tu ne vas pas ramener des hommes à la maison, non, je suis là Maman !
;La vendeuse
: Allons Henri, @@sois@@ compréhensif, @@ta@@ mère va pas rester seule ; quand même !
;La mère
: Alors vous disiez mademoiselle, un militaire ....
;La vendeuse
: Oui, il est médaillé de 39/45 et il a pris Colmar !
;La mère
: Ah ! ben s'il a pris Colmar, il pourra peut-être me prendre !
;@@Le fils@@
: Pas un militaire ! Maman ! pas un militaire ! {{blue italic small{(les trois saluent bras dessus bras dessous)}}}.
|je|[[Muriel]]|
|vie|Les voyages organisés|
|d|1:40|
!L'Anglaise en diligence
Nous étions douze ou treize
Les uns sur les autres pressés,
Entassés,
J’éprouvais un malaise
Que je me sentais défaillir,
Mourir!
A mon droite une squelette,
A mon gauche une athlète,
Les os du premier il me perçait;
Les poids du second il m’écrasait.
Les cahots,
Les bas et les hauts
D’une chemin raboteux,
Pierreux,
Avaient perdu,
Avaient fendu
Mon tête entière.
Quand l’un bâillait,
L’autre il sifflait,
Quand l’un parlait,
L’autre il chantait;
Puis une petite carlin jappait,
Le nez à la portière.
La poussière, il me suffoquait,
Puis un méchant enfant criait,
Et son nourrice il le battait,
Puis un petit Français chantait,
Se démenait et bourdonnait
Comme une mouche.
Pour moi, ce qui me touche,
C’est que jusqu’au Pérou l’Anglais peut voyager
Sans qu’il ouvre son bouche
- Autre que pour boire ou pour manger.
!L'Appel
!!!!Victor HAÏM
>Personnages : L'HÔTESSE DE L'AIR
>LA PASSAGÈRE
//Durée : 25 mn//
//Un gros avion, long-courrier vient de décoller//
;Voix de L'HÔTESSE
:Nous vous demandons de bien vouloir garder votre ceinture attachée jusqu'à extinction du signal lumineux. Nous vous remercions de respecter les zones "non-fumeurs" et de ne pas fumer dans les toilettes pour des raisons de sécurité. Merci.
;LA PASSAGÈRE
:Mademoiselle !
;L'HÔTESSE
:Vous désirez quelque chose ?
;LA PASSAGÈRE
:Oui. Auriez-vous du Champagne ?
;L'HÔTESSE
:Bien sûr... Vous souhaitez un verre, une demi bouteille ?
;LA PASSAGÈRE
:Non... Euh... Non. Une bouteille s'il vous plaît.
;L'HÔTESSE
:Une bouteille... Bien.
;LA PASSAGÈRE
:C'est normal qu'il fasse aussi froid ?
;L'HÔTESSE
:Vous souhaitez une couverture ?
;LA PASSAGÈRE
:On ne peut pas activer le chauffage ?
;L'HÔTESSE
:Non.
;LA PASSAGÈRE
:A quelle hauteur sommes-nous ?
;L'HÔTESSE
:A treize mille mètres.
;LA PASSAGÈRE
:Et à quelle vitesse volons-nous ?
;L'HÔTESSE
:Nous ne volons pas, Madame ! Ce sont les nuages qui bougent.
;LA PASSAGÈRE
:C'est de l'humour ?
;L'HÔTESSE
:Oui, Madame.
;LA PASSAGÈRE
:Vous êtes payée pour ça ?
;L'HÔTESSE
:Oui.
;LA PASSAGÈRE
:Vous plaisantez ?
//(Bouchon de champagne qui saute.)//
;L'HÔTESSE
:Pas du tout. Voilà le champagne. Je vous préviens, est un peu chaud.
;LA PASSAGÈRE
:Mais enfin, c'est incroyable !
;L'HÔTESSE
:ça surprend, hein ?
;LA PASSAGÈRE
:Ça ne m'amuse pas en tout cas ! A quelle vitesse avançons-nous ?
;L'HÔTESSE
:A neuf cents kilomètres à l'heure.
;LA PASSAGÈRE
:Très bien.
;L'HÔTESSE
:On pourrait aller plus vite mais le pilote a la goutte, il a du mal à appuyer sur la pédale ! Ha ! Ha ! Elle n'est pas mauvaise celle-là !
;LA PASSAGÈRE
:Vous ne pouvez pas vous empêcher ces plaisanteries qui sont d'une lourdeur à faire tomber un quadriréacteur ?
;L'HÔTESSE
:C'est mon tempérament.
;LA PASSAGÈRE
:Toutes les hôtesses sont comme ça ?
;L'HÔTESSE
:Mais je ne suis pas hôtesse !
;LA PASSAGÈRE
:Très drôle.
;L'HÔTESSE
:Je vous assure ! Enfin, si vous souhaitez me considérer comme une hôtesse, considérez-moi comme une hôtesse... mais je ne suis pas hôtesse.
;LA PASSAGÈRE
:Vous êtes quoi, alors ?
;L'HÔTESSE
:Je peux me confier à vous ?
;LA PASSAGÈRE
:Bien sûr !
;L'HÔTESSE
:Bien sûr... bien sûr... C'est vite dit.
;LA PASSAGÈRE
:Tenez ! Prenez une coupe de champagne.
;L'HÔTESSE
:Je suis la petite copine du pilote.
;LA PASSAGÈRE
:Eh, bien... On peut dire que l'ordre et la discipline règnent dans cette compagnie. J'y reviendrai.
;L'HÔTESSE
:Moi, je dis, Madame, que ce qui compte, c'est que l'avion vole...
;LA PASSAGÈRE
:C'est la moindre des choses !
;L'HÔTESSE
:Vous croyez ! Mon petit ami qui pilote n'est pas pilote.
;LA PASSAGÈRE
:Très amusant. Versez-moi encore un peu de champagne.
;L'HÔTESSE
:Voilà... Je m'en verse aussi un petit coup si vous permettez...
;LA PASSAGÈRE
:Je vous en prie, faites donc !
;L'HÔTESSE
:Je garderai un bon souvenir de ce voyage... vraiment.
;LA PASSAGÈRE
:Merci.
;L'HÔTESSE
:Pourtant, nous vivons dangereusement. Moi, je ne suis pas hôtesse et mon fiancé n'est pas pilote... Quant au second pilote,' si vous voulez tout savoir...
;LA PASSAGÈRE
:J'aimerais bien, oui.
;L'HÔTESSE
:Le second pilote, c'est aussi un petit ami à moi... Il' n'y connaît rien en aviation. Il ne connaît rien à rien.
;LA PASSAGÈRE
:Et vous allez me dire que le navigateur, c'est" aussi un ami à vous.
;L'HÔTESSE
:Vous avez deviné.
;LA PASSAGÈRE
:Ben voyons.
;L'HÔTESSE
:Un peu plus qu'un ami : un petit ami.
;LA PASSAGÈRE
:Et lui, il s'y connaît ?
;L'HÔTESSE
:Non seulement il n'est jamais monté dans un avion, mais, en plus, il a horreur de l'avion.
;LA PASSAGÈRE
:C'est merveilleux ! Vraiment, je suis ravie de toutes ces bonnes nouvelles.
;L'HÔTESSE
:N'est-ce pas que c'est sympathique !
;LA PASSAGÈRE
:Très ! Tenez ! Buvons un peu de champagne.
//(Elles boivent.)//
;L'HÔTESSE
:Vous, au moins, on peut dire que vous digérez bien les informations difficiles.
;LA PASSAGÈRE
:Bien sûr ! Je les avale ! Plus c'est énorme, plus j'avale.
;L'HÔTESSE
:J'avoue que tout ce que je viens de vous dire est énorme.
;LA PASSAGÈRE
:Pas du tout ! Pas du tout ! C'est charmant, amusant et léger ! Je passe un excellent moment.
;L'HÔTESSE
:Si, si... C'est énorme. Et pourtant c'est vrai. Absolument vrai.
;LA PASSAGÈRE
:Eh bien, arrosons cela ! Versez-moi du champagne.
;L'HÔTESSE
:Bien volontiers. On va finir la bouteille.
;LA PASSAGÈRE
:Et l'avion, dites-moi, l'avion dans lequel nous volons, vous êtes prête à me jurer que c'est un grand jouet bricolé par votre petit frère avec plusieurs ventilateurs sur les ailes pour le faire avancer.
;L'HÔTESSE
:Non ! Là, vous plaisantez Madame !
;LA PASSAGÈRE
:Un peu ! Mais je suis convaincue que vous, vous ne plaisantez pas...
;L'HÔTESSE
:Oh, Madame, c'est bien triste... Je sens que vous ne me prenez pas au sérieux.
;LA PASSAGÈRE
:Ma chère petite... Même avec tout le champagne que je viens de m'envoyer, je ne peux pas vous croire ! Comment voulez-vous que je prenne au sérieux vos histoires saugrenues... La seule question que je me pose est celle-ci : êtes-vous tout à fait normale ?
;L'HÔTESSE
:Bonne question. Et vous ?
;LA PASSAGÈRE
:ça n'est pas de moi qu'il s'agit.
;L'HÔTESSE
:Si. C'est de vous. De vous, uniquement de vous.
//(Un temps.)// Un peu de champagne ?
;LA PASSAGÈRE
:Non, merci.
;L'HÔTESSE
:Vous souriez moins ! Quelque chose vous tracasse ?
;LA PASSAGÈRE
:Les autres passagers ne paraissent guère vous préoccuper.
;L'HÔTESSE
:Bien observé, Madame !
;LA PASSAGÈRE
:Depuis que je suis entrée dans l'avion, ils · dorment.
;L'HÔTESSE
:Oui.
;LA PASSAGÈRE
:ça provient de quoi ce sommeil profond ?
;L'HÔTESSE
:Le décalage horaire. Ils ont pris l'avion en ~Extrême-Orient. Vous nous avez rejoints à l'escale.
;LA PASSAGÈRE
:Ah, je vois.
;L'HÔTESSE
:Vous verrez : vous aussi, vous allez vous assoupir. Ce sera bon... La perte de conscience dans un doux nuage de coton. Vos membres vont devenir agréablement lourds. Les membres lourds et le cerveau qui pèse le poids d'une plume de moineau : génial comme sensation.
;LA PASSAGÈRE
:On voit que vous ne me connaissez pas : je ne dors jamais dans les transports : ni dans le train, ni en voiture, ni dans l'avion.
;L'HÔTESSE
:Le champagne ne va pas vous aider ?
;LA PASSAGÈRE
:Au contraire. Pour moi, c'est un excitant.
;L'HÔTESSE
:Le voyage est long, vous savez.
;LA PASSAGÈRE
:Dix-sept heures, ça n'est pas la mer à boire.
;L'HÔTESSE
:Qui vous a dit dix-sept heures ?
;LA PASSAGÈRE
:Mon agence de voyage, l'hôtesse d'accueil... mes amis.
;L'HÔTESSE
:Intéressant.
;LA PASSAGÈRE
:Pourquoi ? D'après vous, nous en avons pour combien de temps ?
;L'HÔTESSE
:Disons que je ne sais pas...
;LA PASSAGÈRE
:Vous ne savez pas ! Quelle blague !
;L'HÔTESSE
:Je sais. Mais si je vous le dis, ça va vous démoraliser.
;LA PASSAGÈRE
:Tiens, tiens. De plus en plus intéressant. Pourquoi ? Nous allons voler pendant quelques siècles ?
;L'HÔTESSE
:Un peu plus. Un peu plus.
//(La passagère éclate de rire.)//
;LA PASSAGÈRE
:Très amusant. Vous savez ce que je vais faire ? Je vais demander à mes compagnons de voyage.
;L'HÔTESSE
:Vous allez oser les réveiller ?
;LA PASSAGÈRE
:Vous croyez qu'ils manqueront de galanterie au point de me refuser ce plaisir.
;L'HÔTESSE
:Non, vous avez raison. Essayez donc. Etre réveillé par une belle femme, ,que1 rêve. Vous êtes très belle, Madame.
;LA PASSAGÈRE
:ça n'est pas manquer de modestie que de vous avouer qu'on m'a souvent fait ce compliment.
;L'HÔTESSE
:Je m'en doute Madame.
;LA PASSAGÈRE
:Bien. Allons-y... Je... Je n'arrive pas à défaire ma ceinture... Mais... Que se passe-t-il ? Vous pouvez m'aider ?
;L'HÔTESSE
:Ecoutez-moi. Il vaudrait mieux rester assise.
;LA PASSAGÈRE
:Qu'est-ce que vous racontez ! Aidez-moi.
;L'HÔTESSE
:Vous voyez bien que le signal lumineux n'est pas éteint.
;LA PASSAGÈRE
:C'est un oubli.
;L'HÔTESSE
:Vous croyez ? .
;LA PASSAGÈRE
:Vous n'êtes pas hôtesse et les pilotes ne sont pas pilotes, alors ? Comment voulez-vous connaître les règles de la navigation ? Je vous demande de me laisser me lever.
;L'HÔTESSE
:Dans votre intérêt, Madame, vous devriez rester le cul collé à votre fauteuil.
;LA PASSAGÈRE
:Epargnez-moi votre vulgarité !
[[Page 47]]
;L'HÔTESSE
:Vous croyez que c'est facile !
;.
;LA PASSAGÈRE
:Mais je suis collée aï: plafond ! Je veux redescendre ! Faites-moi redescendre !
;L'HÔTESSE
:Madame, votre attitude explique cette altitude ! //(Elle rit.)//
;LA PASSAGÈRE
:J'ai horreur de la vulgarité. Faites-moi redescendre ! Comment se fait-il que je sois montée au plafond !
;L'HÔTESSE
:Vous êtes en état d'apesanteur !
;LA PASSAGÈRE
:Qu'est-ce que c'est que cette histoire ! Je veux redescendre.
;L'HÔTESSE
:Bon... Prenez ma main... Tenez bon.
;LA PASSAGÈRE
:Comment se fait-il que vous, vous ne soyez pas en état d'apesanteur ?
;L'HÔTESSE
:J'ai des hauts talons plombés. Attention, accrochezvous ! Voilà. Maintenant, tenez-vous bien à l'accoudoir, voilà.
;LA PASSAGÈRE
:C'est incroyable !
;L'HÔTESSE
:Je trouve, oui !
;LA PASSAGÈRE
:Je vais rester comme ça pendant tout le voyage, comme un crabe après un bout de plancton ?
;L'HÔTESSE
:Non, non... Tenez, mettez ça dans votre poche.
;LA PASSAGÈRE
:Des boîtes de conserve ?
;L'HÔTESSE
:C'est lourd ! Il y a du petit salé aux lentilles et des petits pois. ça cloue au sol... Prenez...
;LA PASSAGÈRE
:Voilà. Ouf ! Me revoilà les pieds sur terre... Si je puis dire.
;L'HÔTESSE
:Tenez, portez ça à bout de bras, vous resterez bien accrochée au plancher.
;LA PASSAGÈRE
:Qu'est-ce que c'est ?
;L'HÔTESSE
:Un scénario pour la télévision : c'est lourd, c'est lourd ! Vous ne risquez pas de vous envoler !
;LA PASSAGÈRE
:Aaaah ! ça va mieux ! Je peux circuler sans flotter dans l'air. Vous avez vraiment des hauts talons plombés ?
;L'HÔTESSE
:Regardez !
;LA PASSAGÈRE
:Mais que passe-t-il dans cet avion ? Que font les autres ? Qu'y a-t-il ? Interrogez-les. Ils savent peut-être quelque chose !
;L'HÔTESSE
:Interrogez-les vous-même.
;LA PASSAGÈRE
:Monsieur ! Monsieur ! Oh la, la ! Quel dormeur ! Il a dû prendre des cachets. Et cette dame ! Madame ! Madame ! Hé ! Hé ! Réveillez-vous ! Mais... Elle... Mais... Vous avez senti ? Elle est froide ! Et celui-là ? Monsieur ! Il est froid ! Mais... Il est... Il est mort ! //(Elle parcourt tout le couloir )// Monsieur ! Monsieur ! Madame ! Madame ! Mademoiselle ! Mademoiselle ! Mais... //(A l'hôtesse.)// Vous savez qu'ils sont morts ! Que s'est-il passé ?
;L'HÔTESSE
:Rien de spécial ! Vous avez entendu parler du grand voyage ?
;LA PASSAGÈRE
:Du grand voyage ?
;L'HÔTESSE
:Eh oui, Madame... Vous y êtes... Ou plutôt : vous en êtes.
;LA PASSAGÈRE
:Mais comment est-ce possible ? Non... Non ! ,
;L'HÔTESSE
:Du calme ! Du calme !
;LA PASSAGÈRE
:Cessez de me recommander le calme ! Qui , sont ces voyageurs ?
;L'HÔTESSE
:Les morts du mois ! Vous n'avez pas appris que les morts allaient au ciel ? Comment voulez-vous qu'ils y aillent ?
;LA PASSAGÈRE
:Mais moi, moi je suis vivante !
;L'HÔTESSE
:Ils disent tous ça ! Au début, ils prétendent tous qu'ils sont vivants. Vous y êtes passée comme les autres. Il y a quatre jours ! Les obsèques ont eu lieu ce matin. Et puis vous avez été appelée !
;LA PASSAGÈRE
:C'est faux ! Je ne me souviens de rien.
;L'HÔTESSE
:Normal ! On oublie ce qui n'est pas agréable !
;LA PASSAGÈRE
:C'est impossible ! Impossible !
;L'HÔTESSE
:Asseyez-vous ! Là ! Reposez-vous ! Détendezvous ! Là... bien ! Essayez de vous décontracter ! Le voyage n'est pas ' fini : attachez votre ceinture ! //(Clic. )// Bien ! Souriez ! Allons souriez ! ' Bien ! Nous sommes à cent soixante-quinze mille mètres et dix-sept centimètres. Rien ne sert de s'affoler, de contester, de se débattre... Tout ira bien.
;LA PASSAGÈRE
://(en murmurant)// Mon Dieu ! Mon Dieu !
;L'HÔTESSE
:Qu'avez-vous encore ? "
;LA PASSAGÈRE
:Mon passeport n'est pas en règle.
;L'HÔTESSE
:Très révélateur ce désir d'être en règle et de s'empêtrer dans des détails inutiles alors que l'heure a sonné.
;LA PASSAGÈRE
:Le passeport ne sert à rien... ni le visa... Plus rien ne sert à rien ?
;L'HÔTESSE
:C'est banalement dit, ça reste quand même tout à fait vrai.
;LA PASSAGÈRE
:C'est douloureux ?
;L'HÔTESSE
:Non. On quitte ses amis, ses habitudes, ses ambitions, ses espoirs.
;LA PASSAGÈRE
:Je me demande si j'ai jamais eu de l'ambition... Des espoirs, oui.
;L'HÔTESSE
:Vous verrez : plus on prend de l'altitude, plus on s'aperçoit qu'on a perdu beaucoup de temps à se donner des satisfactions de rien du tout qui vous bouffent la substance.
;LA PASSAGÈRE
:Quelle substance ?
;L'HÔTESSE
:L'âme. Eh oui, c'est un mot de poète ou de mystique, en bas ; mais ici c'est bien mesurable, bien palpable : l'âme est vingt-six fois plus grosse que le cœur et sept fois plus lourde que le foie.
;LA PASSAGÈRE
:Incroyable !
;L'HÔTESSE
:Absolument. Nous sommes loin du flou artistique...
;LA PASSAGÈRE
:Où est-elle située ?
;L'HÔTESSE
:L'âme est le seul organe humain éclaté dans la personne tout entière. Un savant a essayé de le rassembler : il ne fonctionnait plus, on a pu le mesurer : d'où mes précisions.
;LA PASSAGÈRE
:Que va-t-on en faire ?
;L'HÔTESSE
:Arrivée là-haut, on vous prélève tous les morceaux F et on vous les analyse. Il y a des morceaux limpides et des morceaux gris ou noirs. On les pèse : s'il y a davantage de gris ou noirs que de limpides, clairs et intacts, gare aux représailles...
;LA PASSAGÈRE
:Je vis un cauchemar, n'est-ce pas ? Vous faites partie de mon cauchemar !
;L'HÔTESSE
:C'est ce qu'on a tendance à penser... ça rassure.
;LA PASSAGÈRE
:J'ai l'impression que nous montons encore.
;L'HÔTESSE
:Oui. Bien vu.
;LA PASSAGÈRE
:Je me sens fatiguée, si fatiguée et pourtant si légère : est-ce compatible ?
;L'HÔTESSE
:Les lois de la physique auxquelles vous êtes habituée n'ont plus de raison d'être ici ! Détendez-vous ! Vous allez dormir, comme les autres. Vous avez toujours froid ?
;LA PASSAGÈRE
://(sur un ton de béatitude molle)//
:Non, plus du tout... Plus du tout.
FIN
!L'Avare<br>Acte II scène 5
!!!!!//HARPAGON, FROSINE.//
;HARPAGON
:Tout va comme il faut. Hé bien, qu’est-ce, Frosine ?
;FROSINE
:Ah, mon Dieu ! que vous vous portez bien ! et que vous avez là un vrai visage de santé !
;HARPAGON
:Qui moi ?
;FROSINE
:Jamais je ne vous vis un teint si frais, et si gaillard.
;HARPAGON
:Tout de bon ?
;FROSINE
:Comment ? vous n’avez de votre vie été si jeune que vous êtes ; et je vois des gens de vingt-cinq ans qui sont plus vieux que vous.
;HARPAGON
:Cependant, Frosine, j’en ai soixante bien comptés.
;FROSINE
:Hé bien, qu’est-ce que cela, soixante ans ? Voilà bien de quoi ! C’est la fleur de l’âge cela ; et vous entrez maintenant dans la belle saison de l’homme.
;HARPAGON
:Il est vrai ; mais vingt années de moins pourtant ne me feraient point de mal, que je crois.
;FROSINE
:Vous moquez-vous ? Vous n’avez pas besoin de cela ; et vous êtes d’une pâte à vivre jusques à cent ans.
;HARPAGON
:Tu le crois ?
;FROSINE
:Assurément. Vous en avez toutes les marques. Tenez-vous un peu. Ô que voilà bien là entre vos deux yeux un signe de longue vie !
;HARPAGON
:Tu te connais à cela ?
;FROSINE
:Sans doute . Montrez-moi votre main. Ah mon Dieu ! quelle ligne de vie !
;HARPAGON
:Comment ?
;FROSINE
:Ne voyez-vous pas jusqu’où va cette ligne-là ?
;HARPAGON
:Hé bien, qu’est-ce que cela veut dire ?
;FROSINE
:Par ma foi, je disais cent ans, mais vous passerez les six-vingts.
;HARPAGON
:Est-il possible ?
;FROSINE
:Il faudra vous assommer, vous dis-je ; et vous mettrez en terre, et vos enfants, et les enfants de vos enfants.
;HARPAGON
:Tant mieux. Comment va notre affaire ?
;FROSINE
:Faut-il le demander ? et me voit-on mêler de rien, dont je ne vienne à bout ?
:J’ai, surtout, pour les mariages, un talent merveilleux.
:Il n’est point de partis au monde, que je ne trouve en peu de temps le moyen d’accoupler ;
::et je crois, si je me l’étais mis en tête, que je marierais le Grand Turc avec la République de Venise .
:Il n’y avait pas sans doute de si grandes difficultés à cette affaire-ci.
:*Comme j’ai commerce chez elles, je les ai à fond l’une et l’autre entretenues de vous,
:*et j’ai dit à la mère le dessein que vous aviez conçu pour Mariane, à la voir passer dans la rue, et prendre l’air à sa fenêtre.
;HARPAGON
:Qui a fait réponse...
;FROSINE
:Elle a reçu la proposition avec joie ; et quand je lui ai témoigné que vous souhaitiez fort que sa fille assistât ce soir au contrat de mariage qui se doit faire de la vôtre, elle y a consenti sans peine, et me l’a confiée pour cela.
;HARPAGON
:C’est que je suis obligé, Frosine, de donner à souper au seigneur Anselme ; et je serai bien aise qu’elle soit du régale.
;FROSINE
:Vous avez raison. Elle doit après dîner rendre visite à votre fille, d’où elle fait son compte d’aller faire un tour à la foire , pour venir ensuite au souper.
;HARPAGON
:Hé bien, elles iront ensemble dans mon carrosse, que je leur prêterai.
;FROSINE
:Voilà justement son affaire.
;HARPAGON
:Mais, Frosine, as-tu entretenu la mère touchant le bien qu’elle peut donner à sa fille ? Lui as-tu dit qu’il fallait qu’elle s’aidât [i] un peu, qu’elle fît quelque effort, qu’elle se saignât pour une occasion comme celle-ci ? Car encore n’épouse-t-on point une fille, sans qu’elle apporte quelque chose.
;FROSINE
:Comment ? c’est une fille qui vous apportera douze mille livres de rente.
;HARPAGON
:Douze mille livres de rente !
;FROSINE
:Oui.
*Premièrement, elle est nourrie et élevée dans une grande épargne de bouche. C’est une fille accoutumée à vivre de salade, de lait, de fromage, et de pommes, et à laquelle par conséquent il ne faudra ni table bien servie, ni consommés exquis, ni orges mondés perpétuels, ni les autres délicatesses qu’il faudrait pour une autre femme ; et cela ne va pas à si peu de chose, qu’il ne monte bien, tous les ans, à trois mille francs pour le moins.
*Outre cela, elle n’est curieuse que d’une propreté fort simple, et n’aime point les superbes habits, ni les riches bijoux, ni les meubles somptueux, où donnent ses pareilles avec tant de chaleur ; et cet article-là vaut plus de quatre mille livres par an.
*De plus, elle a une aversion horrible pour le jeu, ce qui n’est pas commun aux femmes d’aujourd’hui ; et j’en sais une de nos quartiers, qui a perdu à trente-et-quarante , vingt mille francs cette année.
**Mais n’en prenons rien que le quart.
:Cinq mille francs au jeu par an, et quatre mille francs en habits et bijoux, cela fait neuf mille livres ; et mille écus que nous mettons pour la nourriture, ne voilà-t-il pas par année vos douze mille francs bien comptés ?
;HARPAGON
:Oui, cela n’est pas mal ; mais ce compte-là n’est rien de réel.
;FROSINE
:Pardonnez-moi. N’est-ce pas quelque chose de réel, que de vous apporter en mariage une grande sobriété ; l’héritage d’un grand amour de simplicité de parure, et l’acquisition d’un grand fonds de haine pour le jeu ?
;HARPAGON
:C’est une raillerie, que de vouloir me constituer son dot de toutes les dépenses qu’elle ne fera point. Je n’irai pas donner quittance de ce que je ne reçois pas ; et il faut bien que je touche quelque chose.
;FROSINE
:Mon Dieu, vous toucherez assez ; et elles m’ont parlé d’un certain pays, où elles ont du bien, dont vous serez le maître.
;HARPAGON
:Il faudra voir cela. Mais, Frosine, il y a encore une chose qui m’inquiète. La fille est jeune, comme tu vois ; et les jeunes gens d’ordinaire n’aiment que leurs semblables, ne cherchent que leur compagnie. J’ai peur qu’un homme de mon âge ne soit pas de son goût ; et que cela ne vienne à produire chez moi certains petits désordres qui ne m’accommoderaient pas.
;FROSINE
:Ah que vous la connaissez mal ! C’est encore une particularité que j’avais à vous dire. Elle a une aversion épouvantable pour tous les jeunes gens, et n’a de l’amour que pour les vieillards.
;HARPAGON
:Elle ?
;FROSINE
:Oui, elle. Je voudrais que vous l’eussiez entendue parler là-dessus. Elle ne peut souffrir du tout la vue d’un jeune homme ; mais elle n’est point plus ravie, dit-elle, que lorsqu’elle peut voir un beau vieillard avec une barbe majestueuse. Les plus vieux sont pour elle les plus charmants, et je vous avertis de n’aller pas vous faire plus jeune que vous êtes. Elle veut tout au moins qu’on soit sexagénaire ; et il n’y a pas quatre mois encore, qu’étant prête d’être mariée, elle rompit tout net le mariage, sur ce que son amant fit voir qu’il n’avait que cinquante-six ans, et qu’il ne prit point de lunettes pour signer le contrat.
;HARPAGON
:Sur cela seulement ?
;FROSINE
:Oui. Elle dit que ce n’est pas contentement pour elle que cinquante-six ans ; et surtout, elle est pour les nez qui portent des lunettes.
;HARPAGON
:Certes, tu me dis là une chose toute nouvelle.
;FROSINE
:Cela va plus loin qu’on ne vous peut dire. On lui voit dans sa chambre quelques tableaux, et quelques estampes ; mais que pensez-vous que ce soit ? Des Adonis ? des Céphales ? des Pâris ? et des Apollons ? Non. De beaux portraits de Saturne, du roi Priam, du vieux Nestor, et du bon père Anchise sur les épaules de son fils.
;HARPAGON
:Cela est admirable ! Voilà ce que je n’aurais jamais pensé ; et je suis bien aise d’apprendre qu’elle est de cette humeur.
:En effet, si j’avais été femme, je n’aurais point aimé les jeunes hommes.
;FROSINE
:Je le crois bien. Voilà de belles drogues que des jeunes gens pour les aimer ! Ce sont de beaux morveux, de beaux godelureaux, pour donner envie de leur peau ; et je voudrais bien savoir quel ragoût il y a à eux ?
;HARPAGON
:Pour moi, je n’y en comprends point ; et je ne sais pas comment il y a des femmes qui les aiment tant.
;FROSINE
:Il faut être folle fieffée. Trouver la jeunesse aimable ! Est-ce avoir le sens commun ? Sont-ce des hommes que de jeunes blondins ? et peut-on s’attacher à ces animaux-là ?
;HARPAGON
:C’est ce que je dis tous les jours, avec leur ton de poule laitée, et leurs trois petits brins de barbe relevés en barbe de chat, leurs perruques d’étoupes, leurs haut-de-chausses tout tombants, et leurs estomacs débraillés .
;FROSINE
:Eh ! cela est bien bâti auprès d’une personne comme vous. Voilà un homme cela. Il y a là de quoi satisfaire à la vue ; et c’est ainsi qu’il faut être fait, et vêtu, pour donner de l’amour.
;HARPAGON
:Tu me trouves bien ?
;FROSINE
:Comment ? vous êtes à ravir, et votre figure est à peindre. Tournez-vous un peu, s’il vous plaît. Il ne se peut pas mieux. Que je vous voie marcher. Voilà un corps taillé, libre, et dégagé comme il faut, et qui ne marque aucune incommodité.
;HARPAGON
:Je n’en ai pas de grandes, Dieu merci.
:Il n’y a que ma fluxion , qui me prend de temps en temps.
;FROSINE
:Cela n’est rien. Votre fluxion ne vous sied point mal, et vous avez grâce à tousser.
;HARPAGON
:Dis-moi un peu. Mariane ne m’a-t-elle point encore vu ? N’a-t-elle point pris garde à moi en passant ?
;FROSINE
:Non. Mais nous nous sommes fort entretenues de vous. Je lui ai fait un portrait de votre personne ; et je n’ai pas manqué de lui vanter votre mérite, et l’avantage que ce lui serait, d’avoir un mari comme vous.
;HARPAGON
:Tu as bien fait ; et je t’en remercie.
;FROSINE
:J’aurais, Monsieur, une petite prière à vous faire.
://(Il prend un air sévère.)//
:J’ai un procès que je suis sur le point de perdre, faute d’un peu d’argent ; et vous pourriez facilement me procurer le gain de ce procès, si vous aviez quelque bonté pour moi.
://(Il reprend un air gai.)//
:Vous ne sauriez croire le plaisir qu’elle aura de vous voir. Ah ! que vous lui plairez ! et que votre fraise à l’antique fera sur son esprit un effet admirable ! Mais, surtout, elle sera charmée de votre haut-de-chausses, attaché au pourpoint avec des aiguillettes. C’est pour la rendre folle de vous ; et un amant aiguilleté sera pour elle un ragoût merveilleux.
;HARPAGON
:Certes, tu me ravis, de me dire cela.
;FROSINE.
://(Il reprend son visage sévère.)//
:En vérité, Monsieur, ce procès m’est d’une conséquence tout à fait grande. Je suis ruinée, si je le perds ; et quelque petite assistance me rétablirait mes affaires.
://(Il reprend un air gai.)//
:Je voudrais que vous eussiez vu le ravissement où elle était, à m’entendre parler de vous. La joie éclatait dans ses yeux, au récit de vos qualités ; et je l’ai mise enfin dans une impatience extrême, de voir ce mariage entièrement conclu.
;HARPAGON
:Tu m’as fait grand plaisir, Frosine ; et je t’en ai, je te l’avoue, toutes les obligations du monde.
;FROSINE.
://(Il reprend son sérieux.)//
:Je vous prie, Monsieur, de me donner le petit secours que je vous demande. Cela me remettra sur pied ; et je vous en serai éternellement obligée.
;HARPAGON
:Adieu. Je vais achever mes dépêches.
;FROSINE
:Je vous assure, Monsieur, que vous ne sauriez jamais me soulager dans un plus grand besoin.
;HARPAGON
:Je mettrai ordre que mon carrosse soit tout prêt, pour vous mener à la foire.
;FROSINE
:Je ne vous importunerais pas, si je ne m’y voyais forcée par la nécessité.
;HARPAGON
:Et j’aurai soin qu’on soupe de bonne heure, pour ne vous point faire malades.
;FROSINE
:Ne me refusez pas la grâce dont je vous sollicite. Vous ne sauriez croire, Monsieur, le plaisir que...
;HARPAGON
:Je m’en vais. Voilà qu’on m’appelle. Jusqu’à tantôt.
;FROSINE
:Que la fièvre te serre, chien de vilain à tous les diables. Le ladre a été ferme à toutes mes attaques : mais il ne me faut pas pourtant quitter la négociation ; et j’ai l’autre côté, en tout cas, d’où je suis assurée de tirer bonne récompense.
{{huge center{
!L'homme en colère
}}}
| !Éva Jacques |
;La Récitante :
:Mesdames et Messieurs, voici un homme en colère.
;//L'homme ://
:{{blue2 italic{(apparaît l'homme, calme… Silence.)}}}
;La Récitante :
:Evidement, il n'a pas l'air en colère.
;//L'homme ://
:{{blue2 italic{(Silence.)}}}
;La Récitante :
:Il s'agit, peut-être, d'une colère intérieure. Méfions-nous. Les colères froides sont les plus redoutables. Hé, vous ?
;L'homme :
:Qui, moi ?
;La Récitante :
:À qui voulez-vous que je m'adresse ? Il n'y a personne d'autre. Hé, vous, donc, pourquoi êtes-vous en colère ?
;L'homme :
:Je ne suis pas en colère.
;La Récitante :
:Mais si, voyons !
;L'homme :
:Mais non.
;La Récitante :
:Mais si, vous êtes l'homme en colère.
;L'homme :
:Qui vous a dit ça ?
;La Récitante :
:C'est prévu ainsi. Vous arrivez et, moi, je vous présente en disant " //Mesdames et Messieurs, voici un homme en colère.// "
;L'homme :
:Ah bon ?
;La Récitante :
:Mais oui. On recommence, alors ?
;L'homme :
:Si ça peut vous faire plaisir…
:{{blue2 italic{(Il se remet en place.)}}}
;La Récitante :
:Mesdames et Messieurs, voici un homme en colère !
;//L'homme ://
:{{blue2 italic{(L'homme reste sans expression.)}}}
;La Récitante :
:Eh bien, allez-y !
;L'homme :
:Où ça ?
;La Récitante :
:Mais nulle part ! Je veux dire, allez-y, mettez-vous en colère !
;L'homme :
:En colère ? Mais pourquoi ?
;La Récitante :
:Bon, attendez. Ecoutez-moi attentivement une minute. Moi, je suis La Récitante, vous me suivez ?
;L'homme :
:Oui.
;La Récitante :
:Et quand vous apparaissez, je suis chargé de dire : " //Mesdames et Messieurs, voici un homme en colère// " … Vous me suivez toujours ?…
;L'homme :
:Oui. Et alors ?
;La Récitante :
:Et alors, si vous n'êtes pas en colère, ou si vous n'avez pas l'air d'être en colère, moi j'ai l'air d'un crétin puisque vous n'avez pas l'air en colère quand je dis " //Mesdames et Messieurs, voici un homme en colère// " !
;//L'homme : //
:{{blue2 italic{(l'homme la regarde avec un sourire béat.)}}}
;La Récitante :
:Qu'est-ce que vous avez à sourire ?
;L'homme :
:Je vous trouve amusante, avec vos histoires.
;La Récitante :
:Écoutez, mon vieux, ce n'est pas le moment de rire ! Parce que, déjà que vous n'avez pas l'air bien méchant, personne ne va croire que vous êtes en colère si vous vous mettez à rire.
;L'homme :
:Ça n'est pas grave !
;La Récitante :
:Et pourquoi donc ?
;L'homme :
:Puisque je ne suis pas en colère.
;La Récitante :
:Mais on s'en fout que vous soyez en colère ou pas ! Tout ce qu'on vous demande c'est d'avoir l'air en colère. Parce que, moi, si je dis : " //Mesdames et Messieurs, voici un homme en colère// " et que le type se met à rire, j'ai vraiment l'air crétin !
;L'homme :
:Mais non, rassurez-vous !
;La Récitante :
:Quoi, rassurez-vous ?
;L'homme :
:Rassurez-vous, vous n'avez pas l'air crétin… Vous avez plutôt l'air rigolotte.
;La Récitante :
:Mais vous n'avez pas à décider si j'ai l'air crétin ou l'air rigolo ! Tout ce que vous avez à faire c'est d'avoir l'air en colère quand je dis : " //Mesdames et Messieurs, voici un homme en colère !// " Parce que, moi, si je dis ça, et que les gens voient se ramener un type avec un sourire béat, ils vont penser que le type en question n'a pas vraiment l'air en colère et se demander pourquoi je prétends qu'il est en colère s'il a l'air heureux ! C'est pourtant facile à comprendre, non ?
;L'homme :
:Non. Euh, oui !
;La Récitante :
:Oui ou non ?
;L'homme :
:Oui et non.
;La Récitante :
:Bon. Le plus simple, c'est de recommencer. Écoutez, soyez gentil et appliquez-vous ! Alors, vous allez sortir. D'accord ?
;L'homme :
:D'accord.
;La Récitante :
:Puis vous rentrez…
;L'homme :
:Je sors pour rentrer alors ?
;La Récitante :
:C'est ça !
;L'homme :
:C'est amusant.
;La Récitante :
:{{blue2 italic{(S'énerve.)}}}
:Non, ce n'est pas amusant ! Il n'y a rien d'amusant là-dedans !
;L'homme :
:Si, sortir pour rentrer, c'est quand même amusant !
:{{blue2 italic{(Il rit.)}}}
;La Récitante :
:Mais, nom d'un chien ! Arrêtez de rire ! Arrêtez de discuter ! Faites ce que je vous dis ! Point à la ligne !
:{{blue2 italic{(Un temps, elle se calme.)}}}
:Excusez-moi. Mais vous êtes usant, mon vieux !
:{{blue2 italic{(Un temps.)}}}
:Bon. Alors, vous allez sortir. Vous attendez un moment. Vous essayez de vous concentrer. Faites le vide. Et puis, comprenez-moi bien, je ne vous demande pas de vous mettre vraiment en colère si vous ne pouvez pas, tout ce que je veux c'est que, quand je dirai : " //Mesdames et Messieurs, voici un homme en colère// ", vous ayez au moins l'air en colère… ou fâché, même simplement fâché, cela suffirait ! Entendu ?
;L'homme :
:Entendu. Alors, résumons-nous… Je sors. Je rentre.
:{{blue2 italic{(Un temps. Il commence à rire.)}}}
:Je sors. Je rentre.
:{{blue2 italic{(Il pouffe.)}}}
:Excusez-moi, mais sortir pour rentrer, je trouve ça vraiment drôle !
:{{blue2 italic{(Il fait un effort pour reprendre son sérieux.)}}}
:Donc, je sors. Je rentre. Vous dites : " //Mesdames et Messieurs, voici un homme en colère// " et, moi, je fais semblant d'être en colère. C'est ça ?
;La Récitante :
:Exactement. Bravo. Voyez comme c'est simple !
;L'homme :
:Ça devrait pouvoir se faire…
:{{blue2 italic{(Il va pour sortir. Se ravise. Revient.)}}}
:Que me conseillez-vous pour avoir l'air en colère ?
;La Récitante :
:Je ne sais pas, moi : pensez à quelque chose de désagréable…
;L'homme :
:Justement. Là, à l'heure actuelle, je ne vois vraiment pas…
;La Récitante :
:Pensez à voter percepteur.
;L'homme :
:Je ne paie pas d'impôts.
;La Récitante :
:Ah ! Vous êtes marié ?
;L'homme :
:Oui. Ma femme est adorable.
:{{blue2 italic{(Il sourit)}}}
;La Récitante :
:Pensez à votre belle-mère !
:{{blue2 italic{(L'homme sourit de plus belle.)}}}
:Hé bien ?
;L'homme :
:J'y pense. Elle est charmante…
;La Récitante :
:Vous êtes vraiment un cas ! Écoutez, pensez à ce que vous voulez, mais débrouillez-vous pour faire disparaître cet air catastrophiquement heureux de votre visage. Allons-y !
;//L'homme ://
:{{blue2 italic{(L'homme sort. La Récitante marche de long en large avec des signes manifestes d'énervement. Un temps. Un éclat de rire en coulisse.)}}}
;La Récitante :
:Non, mais je rêve !
:{{blue2 italic{(Va vers la coulisse.)}}}
:Hé ?
;L'homme :
:{{blue2 italic{(Hilare)}}}
:Qu'est-ce qu'il y a ? C'est maintenant que je rentre ?
;La Récitante :
:Mais vous vous fichez de moi ou quoi ? Je vous demande de vous préparer et je vous entends éclater de rire.
;L'homme :
:C'est parce qu'il y a un gars désopilant ici. Il m'en a raconté une bien bonne !
;La Récitante :
:Pour l'instant tout ce que je veux c'est que vous ayez l'air en colère !
:{{blue2 italic{(Vers la coulisse.)}}}
:Eh vous, là-bas, qui que vous soyez, ne me cassez pas le travail !
:{{blue2 italic{(À l'homme.)}}}
:Allez, sortez !
;L'homme :
:{{blue2 italic{(En pouffant.)}}}
:C'est ça, c'est ça ! Je sors pour rentrer…
:{{blue2 italic{(Il sort. Silence.)}}}
;La Récitante :
:Vous êtes prêt ?
;L'homme :
:{{blue2 italic{(Des coulisses et en pouffant.)}}}
:Fin prêt ! Je suis sorti prêt à rentrer !
:{{blue2 italic{(On l'entend qui rit.)}}}
;La Récitante :
:Vous êtes sûr que vous êtes dans l'état d'esprit propice ?
;L'homme :
:{{blue2 italic{(Des coulisses.)}}}
:C'est-à-dire ?
;La Récitante :
:Vous allez être capable de nous donner l'impression que vous êtes en colère ?
;L'homme :
:On va faire pour le mieux.
:{{blue2 italic{(Il rit.)}}}
;La Récitante :
:{{blue2 italic{(Prend son temps. Se concentre. Se tourne vers le public, et légèrement grandiloquente.)}}}
:Mesdames et Messieurs, voici un homme en colère !
;L'homme :
:{{blue2 italic{(Evidement, rien ne se passe. Elle attend un moment, se repositionne, et plus fort.)}}}
;La Récitante :
:Mesdames et Messieurs, voici un homme en colère !
;//L'homme : //
:{{blue2 italic{(Silence. La Récitante se tourne vers la coulisse.)}}}
;La Récitante :
:Allez-y, vous devriez déjà être là !
;L'homme :
:{{blue2 italic{(Passe sa tête.)}}}
:Ah bon ? C'est maintenant ? Excusez-moi.
:{{blue2 italic{(Il a un grand sourire.)}}}
;La Récitante :
:Ne souriez pas, ne souriez pas !
;L'homme :
:Ne soyez pas contrariée ! Je ne vous ai pas entendu parce que le type rigolo me disait justement…
;La Récitante :
:{{blue2 italic{(Hurle)}}}
:Laissez tomber le type rigolo ! Laissez tomber les coulisses ! Mettez-vous ici, ne bougez plus, je ne vous demande même plus d'avoir l'air en colère, contentez-vous de ne plus sourire, mais, nom d'un chien de nom d'un chien, qu'on en finisse !
;L'homme :
:{{blue2 italic{(Souriant.)}}}
:Vous êtes drôle quand vous vous énervez !
;La Récitante :
:{{blue2 italic{(Hurle de plus en plus.)}}}
:Non, je ne suis pas drôle !
;L'homme :
:{{blue2 italic{(Riant franchement.)}}}
:Si, si, je vous assure, vous êtes désopilante !
;La Récitante :
:{{blue2 italic{(Au bord de l'apoplexie.)}}}
:Désopilant vous-même, espèce d'ahuri ! Moi, j'en ai assez de faire le pantin à essayer de donner à croire aux gens qu'un type hilare est en colère ! Je démissionne, moi, monsieur ! Je rends mon tablier, moi, monsieur !
:{{blue2 italic{(Elle enlève sa veste.)}}}
;L'homme :
:{{blue2 italic{(Qui rit de plus en plus.)}}}
:Vous rendez votre tablier, mais vous enlevez votre veste !
;La Récitante :
:{{blue2 italic{(Au comble de sa fureur.)}}}
:Et puis, débrouillez-vous tout seul ! Présentez-vous vous-même après tout !
:{{blue2 italic{(Elle lui lance la veste.)}}}
:Débrouillez-vous !
:{{blue2 italic{(Elle lui lance son foulard.)}}}
:Moi je disparais, je file à la campagne !
:{{blue2 italic{(Elle hurle.)}}}
:Au calme !
:{{blue2 italic{(Elle lui lance son chapeau.)}}}
:Et dites-vous bien une chose, mon vieux, des types comme vous, si je ne me retenais pas, je les… je les…
:{{blue2 italic{(Elle cherche ses mots. Et se fige dans une attitude furieuse, les poings noués, le visage convulsé.)}}}
:{{blue2 italic{(Un moment de silence. L'homme pendant ce temps, et tout en continuant à rire, a mis le chapeau, le foulard, et la veste. Il se tourne vers le public et dit tranquillement)}}}
;L'homme :
:Mesdames et Messieurs, voici une femme en colère !
//L'Os à Moelle//
!!!La sauce aux câpres sans câpres
<<tiddler 'La sauce aux câpres sans câpres'>>
!!!CONFIDENCES Extraits de mon JARDIN SECRET
<<tiddler 'CONFIDENCES Extraits de mon JARDIN SECRET'>>
!!Le jeu des 32 draps
<<tiddler 'Le jeu des 32 draps'>>
!Néron
<<tiddler 'Néron'>>
!PETITES ANNONCES
<<tiddler 'PETITES ANNONCES'>>
!ARCHIMÈDE
<<tiddler 'ARCHIMÈDE'>>
!PHÈDRE
<<tiddler 'PHÈDRE'>>
!DIALOGUES DE LA VIE QUOTIDIENNE
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!!!Est-ce que tu m’aimes ?
<<tiddler 'Est-ce que tu m’aimes ?'>>
!!!Monsieur l’agent, c’est où déjà ?
<<tiddler 'Monsieur l’agent, c’est où déjà ?'>>
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!MESSAGES PERSONNELS
<<tiddler 'MESSAGES PERSONNELS'>>
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!Fin
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<<foldHeadings closed>>
{{center{<<storyViewer amour >>
[img[http://www.lix.polytechnique.fr/~amturing/Sito_agosto_2003/amoureux.JPG][http://elvane.skynetblogs.be]]
!L'amour
!!!!!!//Marceline //
Vous demandez si l'amour rend heureuse ;
Il le promet, croyez-le, fût-ce un jour.
Ah ! pour un jour d'existence amoureuse,
Qui ne mourrait ? la vie est dans l'amour.
Quand je vivais tendre et craintive amante,
Avec ses feux je peignais ses douleurs :
Sur son portrait j'ai versé tant de pleurs,
Que cette image en paraît moins charmante.
Si le sourire, éclair inattendu,
Brille parfois au milieu de mes larmes,
C'était l'amour ; c'était lui, mais sans armes ;
C'était le ciel... qu'avec lui j'ai perdu.
Sans lui, le coeur est un foyer sans flamme ;
Il brûle tout, ce doux empoisonneur.
J'ai dit bien vrai comme il déchire une âme :
Demandez-donc s'il donne le bonheur !
Vous le saurez : oui, quoi qu'il en puisse être,
De gré, de force, amour sera le maître ;
Et, dans sa fièvre alors lente à guérir,
vous souffrirez, ou vous ferez souffrir.
Dès qu'on l'a vu, son absence est affreuse ;
Dès qu'il revient, on tremble nuit et jour ;
Souvent enfin la mort est dans l'amour ;
Et cependant... oui, l'amour rend heureuse !
}}}
<<back>>
{{center{[img(40%,)[Lecture à la maison|http://image.ibb.co/dFpUnn/Snapshot_122.png][https://photos.app.goo.gl/Lb7ycOAlD4T98lzx1]]
!L'an se rajeunissait en sa verte jouvence
!!!!!!Pierre de RONSARD (1524-1585)
L'an se rajeunissait en sa verte jouvence
Quand je m'épris de vous, ma Sinope cruelle ;
Seize ans étaient la fleur de votre âge nouvelle,
Et votre teint sentait encore son enfance.
Vous aviez d'une infante encor la contenance,
La parole, et les pas ; votre bouche était belle,
Votre front et vos mains dignes d'une Imrnortelle,
Et votre oeil, qui me fait trépasser quand j'y pense.
Amour, qui ce jour-là si grandes beautés vit,
Dans un marbre, en mon coeur d'un trait les écrivit ;
Et si pour le jourd'hui vos beautés si parfaites
Ne sont comme autrefois, je n'en suis moins ravi,
Car je n'ai pas égard à cela que vous êtes,
Mais au doux souvenir des beautés que je vis.
}}}
<<top>>
{{center{[img(25%,)[http://ekladata.com/IWpEGoMkAaT8j9FrIC3_VUx5I-w.jpg]]}}}
!L'arbre de la tolérance
!!!!!{{center{Chantal ABRAHAM}}}
{{center{
Quels mots veux-tu que j'apprivoise pour toi aujourd'hui ?
Pendre, prendre, prétendre
Ils sont bien trop enferrés aux boulets de la vanité
Prévaloir, pouvoir, avoir
Ceux-ci vivent leur deuil
Au fond des prisons d'orgueil
Imposer, condamner, spéculer
Tous sont opprimés
Dans les étaux de la cupidité
Pour toi j'apprivoiserai plutôt les mots
Ecouter, respecter, partager
Et si c'est leur préférence
Je leur offrirai les fleurs de la tolérance
Pour toi, j'apprivoiserai plutôt les mots
Apprendre, comprendre, entendre
Et si c'est leur volonté
Je leur offrirai les branches de l'humilité
Pour toi, j'apprivoiserai surtout les mots
S'ouvrir, sourire, offrir
Et si c'est pour toujours
Je leur offrirai l'arbre d'amour
}}}
{{center{[img(33%,)[http://www.etaletaculture.fr/wp-content/uploads/2012/05/hercule_1.jpg]]}}}
!L'enfance d'Héraklès
!!!!!!{{center{~Charles-Marie LECONTE DE LISLE
//(1818-1894)//}}}
^^[[Ma lecture|https://giga.gg/l/574063ccfce5dfd9268b456e]]^^
;[[VIDÉO|https://www.dropbox.com/s/3w9zu5bddwnhwey/ve%2013%20mai_L%27enfance%20d%27H%C3%A9racl%C3%A8s%20-%20Leconte%20de%20Lisle%20-%20G%C3%A9rard.mp4?dl=0]]
Oriôn, tout couvert de la neige du pôle,
Auprès du Chien sanglant montrait sa rude épaule ;
L'ombre silencieuse au loin se déroulait.
Alkmène ayant lavé ses fils, gorgés de lait,
En un creux bouclier à la bordure haute,
Héroïque berceau, les coucha côte à côte,
Et, souriant, leur dit : Dormez, mes bien-aimés.
Beaux et pleins de santé, mes chers petits, dormez.
Que la Nuit bienveillante et les Heures divines
Charment d'un rêve d'or vos âmes enfantines !
Elle dit, caressa d'une légère main
L'un et l'autre enlacés dans leur couche d'airain,
Et la fit osciller, baisant leurs frais visages,
Et conjurant pour eux les sinistres présages.
Alors, le doux Sommeil, en effleurant leurs yeux,
Les berça d'un repos innocent et joyeux.
Ceinte d'astres, la Nuit, au milieu de sa course,
Vers l'occident plus noir poussait le char de l'Ourse.
Tout se taisait, les monts, les villes et les bois,
Les cris du misérable et le souci des rois.
Les Dieux dormaient, rêvant l'odeur des sacrifices ;
Mais, veillant seule, Hèra, féconde en artifices,
Suscita deux dragons écaillés, deux serpents
Horribles, aux replis azurés et rampants,
Qui devaient étouffer, messagers de sa haine,
Dans son berceau guerrier l'Enfant de la Thébaine.
Ils franchissent le seuil et son double pilier,
Et dardent leur oeil glauque au fond du bouclier.
Iphiklès, en sursaut, à l'aspect des deux bêtes,
De la langue qui siffle et des dents toutes prêtes,
Tremble, et son jeune coeur se glace, et, pâlissant,
Dans sa terreur soudaine il jette un cri perçant,
Se débat, et veut fuir le danger qui le presse ;
Mais Hèraklès, debout, dans ses langes se dresse,
S'arrache aux deux serpents, rive à leurs cous visqueux
Ses doigts divins, et fait, en jouant avec eux,
Leurs globes élargis sous l'étreinte subite
Jaillir comme une braise au delà de l'orbite.
Ils fouettent en vain l'air, musculeux et gonflés ;
L'Enfant sacré les tient, les secoue étranglés,
Et rit en les voyant, pleins de rage et de bave,
Se tordre tout autour du bouclier concave.
Puis, il les jette morts le long des marbres blancs,
Et croise pour dormir ses petits bras sanglants.
Dors, Justicier futur, dompteur des anciens crimes,
Dans l'attente et l'orgueil de tes faits magnanimes ;
Toi que les pins d'Oita verront, bûcher sacré,
La chair vive, et l'esprit par l'angoisse épuré,
Laisser, pour être un Dieu, sur la cime enflammée,
Ta cendre et ta massue et la peau de Némée !
67t: [[Gérard|https://giga.gg/l/579df559d6e5df69508b490c]] [[Michèle|https://giga.gg/l/579df57f17e6dfe9168b46ac]] [[Jacques (audio)|https://giga.gg/l/579df588d8e5df84bd8b456c]] [[Marion|https://giga.gg/l/579df5a6fee5dfab188b4602]] [[Gérard|https://giga.gg/l/579df5cb18e6df9a0b8b4e0a]] [[Éveline|https://giga.gg/l/579df5e5dde5dfeaec8b458b]] [[Mady|https://giga.gg/l/579df607dce5df13f48b45ce]] [[Marion (Ooooooh...)|https://giga.gg/l/579df660d6e5dfd25d8b45b9]] [[Christelle|https://giga.gg/l/579df690fde5df5bdc8b4620]] [[Michèle|https://giga.gg/l/579df6bcffe5dfe3f38b4bd0]]
671: [[o_Marion|https://giga.gg/l/577acc4b18e6df0e008b45de]] [[p_Gérard|https://giga.gg/l/577aceb118e6df4a018b45bc]] [[q_Jean|https://giga.gg/l/577ad1aaf9e5df20008b4604]] [[s_Marie-France|https://giga.gg/l/577ad95ddee5dfab018b45c4]]
{{center{[img(33%,)[http://img.youtube.com/vi/lhvHWs_AXyw/0.jpg]]}}}
!L'heure exquise
!!!!!{{center{Paul VERLAINE (1844-1896)}}}
{{center{
La lune blanche
Luit dans les bois ;
De chaque branche
Part une voix
Sous la ramée ...
Ô bien-aimée.
L'étang reflète,
Profond miroir,
La silhouette
Du saule noir
Où le vent pleure ...
Rêvons, c'est l'heure.
Un vaste et tendre
Apaisement
Semble descendre
Du firmament
Que l'astre irise ...
C'est l'heure exquise.
}}}
{{center{^^//<<storyViewer amour previous>><<storyViewer amour list>><<storyViewer amour next>>//^^
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!L'invitation au voyage
!!!!!!//Charles BAUDELAIRE (1821-1867)//
Mon enfant, ma soeur,
Songe à la douceur
D'aller là-bas vivre ensemble !
Aimer à loisir,
Aimer et mourir
Au pays qui te ressemble !
Les soleils mouillés
De ces ciels brouillés
Pour mon esprit ont les charmes
Si mystérieux
De tes traîtres yeux,
Brillant à travers leurs larmes.
Là, tout n'est qu'ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.
Des meubles luisants,
Polis par les ans,
Décoreraient notre chambre ;
Les plus rares fleurs
Mêlant leurs odeurs
Aux vagues senteurs de l'ambre,
Les riches plafonds,
Les miroirs profonds,
La splendeur orientale,
Tout y parlerait
À l'âme en secret
Sa douce langue natale.
Là, tout n'est qu'ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.
Vois sur ces canaux
Dormir ces vaisseaux
Dont l'humeur est vagabonde ;
C'est pour assouvir
Ton moindre désir
Qu'ils viennent du bout du monde.
- Les soleils couchants
Revêtent les champs,
Les canaux, la ville entière,
D'hyacinthe et d'or ;
Le monde s'endort
Dans une chaude lumière.
Là, tout n'est qu'ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.
}}}
66i: [[Gérard|https://giga.gg/l/5765639618e6dfcc3d8b4b43]]
!L'ordalie - Poéme
!!!!!{{center{Poéme
//Poémes d'Yves Bonnefoy//}}}
{{center{
J'étais celui qui marche par souci
D'une eau dernière trouble.
Il faisait beau
Dans l'été le plus clair.
Il faisait nuit
De toujours et sans borne et pour toujours.
Dans la glaise des mers
Le chrysanthème de l'écume et c'était toujours
La même odeur terreuse et fade de novembre
Quand je foulais le noir jardin des morts.
Il y avait
Qu'une voix demandait d'être crue, et toujours
Elle se reiournait contre soi et toujours
Faisait de se tarir sa grandeur et sa preuve.
''II''
Je ne sais pas si je suis vainqueur.
Mais j'ai saisi
D'un grand cœur l'arme enclose dans la pierre. |'ai parle dans la nuii de l'arme, j'ai risqué
Le sens ci au delà du sens le monde
Iroid.
Un instant tout manqua,
Le 1er rouge de l'être ne troua plus
La grisaille du verbe.
Mais enfin le leu se leva,
Le plus violent navire
Entra au port.
Aube d'un second jour.
Je suis enfin venu dans ta maison brûlante
Et j'ai rompu te pain où l'eau lointaine coule.
}}}
!LA BANANE ANANA
La banane anana
La banane anana
Es un paso my complicato pero que
Que... no... no... pas... pas pagaille, no !
Li banane anana
Se baila... como si bailaban
Dos frutos : un ananas y una Banana...
Oh la la !
La banane anana
Cuando la quiere bailar
Paquito invita a su nana pero si, su
Nana no quiere bailar no !
Se baila con una otra
Nana... y bailan como
Si eran un ananas yu-na Banana...
Oh la la ! ...
!LA CHANSON D’UN PARESSEUX
//BAI JUYI//
Je pourrais avoir du travail,
mais je suis trop paresseux
pour le choisir.
Je possède des terres,
mais ma paresse m’empêche
de les labourer.
Dans ma case, il pleut,
mais je suis trop fainéant
pour m’en occuper.
Mon vêtement est déchiré,
mais quel travail
pour le repriser !
J’ai du vin,
mais ma paresse m’empêche
d’en profiter,
c’est donc
comme si mon verre
était vide.
J’ai un luth,
mais je suis trop paresseux
pour en jouer,
c’est donc
comme s’il n’avait pas de cordes.
Ma famille me dit
qu’il n’y a plus de riz bouilli,
je voudrais bien en cuisiner,
mais je suis trop paresseux
pour le broyer.
Mes amis et mes parents m’ont écrit,
mais ma paresse m’empêche
de briser les sceaux.
On m’a toujours dit
que Xi Kang
était totalement fainéant
mais lui, il jouait du luth
et parfois travaillait dans sa forge.
J’ai donc réussi
à être plus paresseux que lui !
!!!!!!Molière
!LA COMTESSE D’ESCARBAGNAS
!!!!!Scène II - La Comtesse, Julie, Andrée, Criquet
;LA COMTESSE
:Ah, mon Dieu ! Madame, vous voilà toute seule ? Quelle pitié est-ce là ! Toute seule ? Il me semble que mes gens m’avaient dit que le vicomte était ici.
;JULIE
:Il est vrai qu’il y est venu ; mais c’est assez pour lui de savoir que vous n’y étiez pas pour l’obliger à sortir.
;LA COMTESSE
:Comment, il vous a vue ?
;JULIE
:Oui.
;LA COMTESSE
:Et il ne vous a rien dit ?
;JULIE
:Non, Madame ; et il a voulu témoigner par là qu’il est tout entier à vos charmes.
;LA COMTESSE
:Vraiment je le veux quereller de cette action ; quelque amour que l’on ait pour moi, j’aime que ceux qui m’aiment rendent ce qu’ils doivent au sexe ; et je ne suis point de l’humeur de ces femmes injustes qui s’applaudissent des incivilités que leurs amants font aux autres belles.
;JULIE
:Il ne faut point, Madame, que vous soyez surprise de son procédé. L’amour que vous lui donnez éclate dans toutes ses actions, et l’empêche d’avoir des yeux que pour vous.
;LA COMTESSE
:Je crois être en état de pouvoir faire naître une passion assez forte, et je me trouve pour cela assez de beauté, de jeunesse, et de qualité, Dieu merci ; mais cela n’empêche pas qu’avec ce que j’inspire, on ne puisse garder de l’honnêteté et de la complaisance pour les autres. Que faites-vous donc là, laquais ? Est-ce qu’il n’y a pas une antichambre où se tenir, pour venir quand on vous appelle ? Cela est étrange, qu’on ne puisse avoir en province un laquais qui sache son monde. à qui est-ce donc que je parle ? Voulez-vous vous en aller là dehors, petit fripon ? Filles, approchez.
;ANDRÉE
:Que vous plaît-il, Madame ?
;LA COMTESSE
:Ôtez-moi mes coiffes. Doucement donc, maladroite, comme vous me saboulez la tête avec vos mains pesantes !
;ANDRÉE
:Je fais, Madame, le plus doucement que je puis.
;LA COMTESSE
:Oui, mais le plus doucement que vous pouvez est fort rudement pour ma tête, et vous me l’avez déboîtée. Tenez encore ce manchon, ne laissez point traîner tout cela, et portez-le dans ma garde-robe. Hé bien, où va-t-elle, ou va-t-elle ? Que veut-elle faire, cet oison bridé ?
;ANDRÉE
:Je veux, Madame, comme vous m’avez dit, porter cela aux garde-robes.
;LA COMTESSE
:Ah, mon Dieu ! l’impertinente ! Je vous demande pardon, Madame. Je vous ai dit ma garde-robe, grosse bête, c’est-à-dire où sont mes habits.
;ANDRÉE
:Est-ce, Madame, qu’à la cour une armoire s’appelle une garde-robe ?
;LA COMTESSE
:Oui, butorde, on appelle ainsi le lieu où l’on met les habits.
;ANDRÉE
:Je m’en ressouviendrai, Madame, aussi bien que de votre grenier qu’il faut appeler garde-meuble.
;LA COMTESSE
:Quelle peine il faut prendre pour instruire ces animaux-là !
;JULIE
:Je les trouve bien heureux, Madame, d’être sous votre discipline.
;LA COMTESSE
:C’est une fille de ma mère nourrice, que j’ai mise à la chambre, et elle est toute neuve encore.
;JULIE
:Cela est d’une belle âme, Madame, et il est glorieux de faire ainsi des créatures.
;LA COMTESSE
:Allons, des sièges. Holà ! laquais, laquais, laquais. En vérité, voilà qui est violent, de ne pouvoir pas avoir un laquais, pour donner des sièges. Filles, laquais, laquais, filles, quelqu’un. Je pense que tous mes gens sont morts, et que nous serons contraintes de nous donner des sièges nous-mêmes.
;ANDRÉE
:Que voulez-vous, Madame ?
;LA COMTESSE
:Il se faut bien égosiller avec vous autres.
;ANDRÉE
:J’enfermais votre manchon et vos coiffes dans votre armoi…, dis-je, dans votre garde-robe.
;LA COMTESSE
:Appelez-moi ce petit fripon de laquais.
;ANDRÉE
:Holà ! Criquet.
;LA COMTESSE
:Laissez là votre Criquet, bouvière, et appelez laquais.
;ANDRÉE
:Laquais donc, et non pas Criquet, venez parler à Madame. Je pense qu’il est sourd : Criq. Laquais, laquais.
;CRIQUET
:Plaît-il ?
;LA COMTESSE
:Où étiez-vous donc, petit coquin ?
;CRIQUET
:Dans la rue, Madame.
;LA COMTESSE
:Et pourquoi dans la rue ?
;CRIQUET
:Vous m’avez dit d’aller là-dehors.
;LA COMTESSE
:Vous êtes un petit impertinent, mon ami, et vous devez savoir que là-dehors, en termes de personnes de qualité, veut dire l’antichambre. Andrée, ayez soin tantôt de faire donner le fouet à ce petit fripon-là, par mon écuyer : c’est un petit incorrigible.
;ANDRÉE
:Qu’est-ce que c’est, Madame, que votre écuyer ? Est-ce maître Charles que vous appelez comme cela ?
;LA COMTESSE
:Taisez-vous, sotte que vous êtes : vous ne sauriez ouvrir la bouche que vous ne disiez une impertinence. Des sièges. Et vous, allumez deux bougies dans mes flambeaux d’argent : il se fait déjà tard. Qu’est-ce que c’est donc que vous me regardez toute effarée ?
;ANDRÉE
:Madame.
;LA COMTESSE
:Hé bien, madame ? Qu’y a-t-il ?
;ANDRÉE
:C’est que.
;LA COMTESSE
:Quoi ?
;ANDRÉE
:C’est que je n’ai point de bougie.
;LA COMTESSE
:Comment, vous n’en avez point ?
;ANDRÉE
:Non, Madame, si ce n’est des bougies de suif.
;LA COMTESSE
:La bouvière ! Et où est donc la cire que je fis acheter ces jours passés ?
;ANDRÉE
:Je n’en ai point vu depuis que je suis céans.
;LA COMTESSE
:Ôtez-vous de là, insolente ; je vous renvoyerai chez vos parents. Apportez-moi un verre d’eau. Madame.
;Faisant des cérémonies pour s’asseoir.
;JULIE
:Madame.
;LA COMTESSE
:Ah ! Madame.
;JULIE
:Ah ! Madame.
;LA COMTESSE
:Mon Dieu ! Madame.
;JULIE
:Mon Dieu ! Madame.
;LA COMTESSE
:Oh ! Madame.
;JULIE
:Oh ! Madame.
;LA COMTESSE
:Eh ! Madame.
;JULIE
:Eh ! Madame.
;LA COMTESSE
:Hé ! allons donc, Madame.
;JULIE
:Hé ! allons donc, Madame.
;LA COMTESSE
:Je suis chez moi, Madame, nous sommes demeurées d’accord de cela. Me prenez-vous pour une provinciale, Madame ?
;JULIE
:Dieu m’en garde, Madame !
;LA COMTESSE
:Allez, impertinente, je bois avec une soucoupe. Je vous dis que vous m’alliez quérir une soucoupe pour boire.
;ANDRÉE
:Criquet, qu’est-ce que c’est qu’une soucoupe ?
;CRIQUET
:Une soucoupe ?
;ANDRÉE
:Oui.
;CRIQUET
:Je ne sais.
;LA COMTESSE
:Vous ne vous grouillez pas ?
;ANDRÉE
:Nous ne savons tous deux, Madame, ce que c’est qu’une soucoupe.
;LA COMTESSE
:Apprenez que c’est une assiette sur laquelle on met le verre. Vive Paris pour être bien servie ! On vous entend là au moindre coup d’œil. Hé bien ! vous ai-je dit comme cela, tête de bœuf ? C’est dessous qu’il faut mettre l’assiette.
;ANDRÉE
:Cela est bien aisé.
;Andrée casse le verre.
;LA COMTESSE
:Hé bien ! ne voilà pas l’étourdie ? En vérité vous me paierez mon verre.
;ANDRÉE
:Hé bien ! oui, Madame, je le paierai.
;LA COMTESSE
:Mais voyez cette maladroite, cette bouvière, cette butorde, cette.
;ANDRÉE, s’en allant
:Dame, Madame, si je le paye, je ne veux point être querellée.
;LA COMTESSE
:Ôtez-vous de devant mes yeux. En vérité, Madame, c’est une chose étrange que les petites villes ; on n’y sait point du tout son monde ; et je viens de faire deux ou trois visites, où ils ont pensé me désespérer par le peu de respect qu’ils rendent à ma qualité.
;JULIE
:Où auraient-ils appris à vivre ? Ils n’ont point fait de voyage à Paris.
;LA COMTESSE
:Ils ne laisseraient pas de l’apprendre, s’ils voulaient écouter les personnes ; mais le mal que j’y trouve, c’est qu’ils veulent en savoir autant que moi, qui ai été deux mois à Paris, et vu toute la cour.
;JULIE
:Les sottes gens que voilà !
;LA COMTESSE
:Ils sont insupportables avec les impertinentes égalités dont ils traitent les gens. Car enfin il faut qu’il y ait de la subordination dans les choses ; et ce qui me met hors de moi, c’est qu’un gentilhomme de ville de deux jours, ou de deux cents ans, aura l’effronterie de dire qu’il est aussi bien gentilhomme que feu Monsieur mon mari, qui demeurait à la campagne, qui avait meute de chiens courants, et qui prenait la qualité de comte dans tous les contrats qu’il passait.
;JULIE
:On sait bien mieux vivre à Paris, dans ces hôtels dont la mémoire doit être si chère. Cet hôtel de Mouhy, Madame, cet hôtel de Lyon, cet hôtel de Hollande ! Les agréables demeures que voilà !
;LA COMTESSE
:Il est vrai qu’il y a bien de la différence de ces lieux-là à tout ceci. On y voit venir du beau monde, qui ne marchande point à vous rendre tous les respects qu’on saurait souhaiter. On ne s’en lève pas, si l’on veut, de dessus son siège ; et lorsque l’on veut voir la revue, ou le grand ballet de Psyché, on est servie à point nommé.
;JULIE
:Je pense, Madame, que, durant votre séjour à Paris, vous avez fait bien des conquêtes de qualité.
;LA COMTESSE
:Vous pouvez bien croire, Madame, que tout ce qui s’appelle les galants de la cour n’a pas manqué de venir à ma porte, et de m’en conter ; et je garde dans ma cassette de leurs billets, qui peuvent faire voir quelles propositions j’ai refusées ; il n’est pas nécessaire de vous dire leurs noms : on sait ce qu’on veut dire par les galants de la cour.
;JULIE
:Je m’étonne, Madame, que de tous ces grands noms, que je devine, vous ayez pu redescendre à un monsieur Tibaudier, le conseiller, et à un monsieur Harpin, le receveur des tailles. La chute est grande, je vous l’avoue. Car pour Monsieur votre vicomte, quoique vicomte de province, c’est toujours un vicomte, et il peut faire un voyage à Paris, s’il n’en a point fait ; mais un conseiller, et un receveur, sont des amants un peu bien minces, pour une grande comtesse comme vous.
;LA COMTESSE
:Ce sont gens qu’on ménage dans les provinces pour le besoin qu’on en peut avoir ; ils servent au moins à remplir les guides de la galanterie, à faire nombre de soupirants ; et il est bon, Madame, de ne pas laisser un amant seul maître du terrain, de peur que, faute de rivaux, son amour ne s’endorme sur trop de confiance.
;JULIE
:Je vous avoue, madame, qu’il y a merveilleusement à profiter de tout ce que vous dites ; c’est une école que votre conversation, et j’y viens tous les jours attraper quelque chose.
!LA DIGUE AUX CORMORANS
//Wang Wei//
A peine a-t-il plongé
au milieu des lotus rouges
que déjà il émerge
et s’envole vers les eaux
peu profondes de la rive.
Seul, debout, il lisse
ses plumes ruisselantes.
Et soudain le voilà,
poisson au bec,
sur une branche à la dérive,
il s’éloigne.
!^^Hélène Pednault
^^LA DÉPOSITION
;Léna
Mon père ? Il était au travail pendant huit heure, de huit à quatre, de quatre à minuit ou de minuit à huit. Il était sur les « chiffres ».
C’est ce mot que j’entendais du moins. mais je crois que c’est une déformation française du mot « //shift// » qui veut dire roulement.
Mon père ne parlait pas un mot d’anglais. Mais quand il était en congé, il était en « loafage » et quand il attendait en chèque de rétroactivité, il attendait son « backtime ».
Moi, j’entendais « bactême » comme « baptême ». Et comme ce mot provoquait beaucoup de joie chez mon père et me mère, je l’associait à une fête comme on en fait pour les baptêmes.
Ma logique comprenait tout.
Tous les boss étaient anglais chez Price Brother’s, dans une région francophone à 99%.
Ma logique comprenait ça aussi.
Quand mon père ne travaillait pas, il dormait beaucoup.
Il dormait surtout en fait. Ou il bricolait, il lisait, il allait à la chasse, à la pèche, et aux pratiques de la fanfare de Jonquière.
Il jouait du saxophone et de la clarinette.
Quand je n’étais pas avec ma tante, j’étais avec lui. Il m’emmenait partout.
Avec lui.
J’étais le garçon qu’il n’avait pas.
J’ai des photos de ça.
!LA FORÊT AUX CERFS
//Wang Wei//
La montagne est déserte,
je ne vois personne.
A peine me parvient
l’écho de voix lointaines.
Un dernier trait de soleil
perce la profondeur de la forêt :
sur la mousse verte,
luit un éclat de lumière.
!LA JOUEUSE DE LUTH
//Wang Wei//
La lune se lève
au-dessus de la brume légère
de l’automne.
Sa robe est humide,
mais toute la nuit,
sans se changer,
elle pince les cordes argentées
de son luth,
de peur de retrouver
sa chambre vide.
!LA LUNE SUR LA FRONTIÈRE
//LI BO//
Le clair de lune émerge
au-dessus du mont Tian
et se cache
dans la mer des nuages.
Un vent puissant,
arrivant du lointain,
force la passe
de la Porte de Jade.
L’armée des Han descend
les pentes de Baideng,
les Tartares affluent
dans les baies du lac Bleu.
Depuis un temps immémorial
ce lieu est un champ
de batailles
qui n’a jamais vu les guerriers
revenir chez eux.
Les soldats regardent
vers la ville à la frontière,
pensant à leur famille,
le visage crispé d’amertume...
Dans les chambres,
en haut des pavillons,
cette nuit
n’apporte ni repos ni calme
aux femmes
accablées d’angoisse.
!LA MAMAN DES POISSONS
Si l'on ne voit pas pleurer les poissons
Qui sont dans l'eau profonde
C'est que jamais quand ils sont polissons
Leur maman ne les gronde
Quand ils s'oublient à faire pipi au lit
Ou bien sur leurs chaussettes
Ou à cracher comme des pas polis
Elle reste muette
La maman des poissons elle est bien gentille !
Elle ne leur fait jamais la vie
Ne leur fait jamais de tartine
Ils mangent quand ils ont envie
Et quand ça a dîné ça r'dîne
La maman des poissons elle a l'oeil tout rond
On ne la voit jamais froncer les sourcils
Ses petits l'aiment bien, elle est bien gentille
Et moi je l'aime bien avec du citron
La maman des poissons elle est bien gentille !
S'ils veulent prendre un petit vers
Elle les approuve de deux ouïes
Leur montrant comment sans ennuis
On les décroche de leur patère
La maman des poissons elle a l'oeil tout rond
On ne la voit jamais froncer les sourcils
Ses petits l'aiment bien, elle est bien gentille
Et moi je l'aime bien avec du citron
La maman des poissons elle est bien gentille !
S'ils veulent être maquereaux
C'est pas elle qui les empêche
De s'faire des raies bleues sur le dos
Dans un banc à peinture fraîche
La maman des poissons elle a l'oeil tout rond
On ne la voit jamais froncer les sourcils
Ses petits l'aiment bien, elle est bien gentille
Et moi je l'aime bien avec du citron
La maman des poissons elle est bien gentille !
J'en connais un qui s'est marié
A une grande raie publique
Il dit quand elle lui fait la nique
"Ah! qu'est-ce qui tu me fais, ma raie !"
La maman des poissons elle a l'oeil tout rond
On ne la voit jamais froncer les sourcils
Ses petits l'aiment bien, elle est bien gentille
Et moi je l'aime bien avec du citron
Si l'on ne voit pas pleurer les poissons
Qui sont dans l'eau profonde
C'est que jamais quand ils sont polissons
Leur maman ne les gronde
Quand ils s'oublient à faire pipi au lit
Ou bien sur leurs chaussettes
Ou à cracher comme des pas polis
Elle reste muette
La maman des poissons elle est bien gentille !
!^^Edward Albee
^^LA MORT DE BESSIE SMITH
;L’infirmière
J’en ai assez qu’on se moque de moi. J’en ai plein le dos de vos propositions ridicules.
À quoi bon persister quand vous savez très bien que c’est impossible ?
Pourquoi poser toujours et sans fin la même question, quand vous connaissez parfaitement la réponse ?
Est-ce vraiment ça qui vous amuse ?
Je ne vois pas quel genre de plaisir vous pouvez trouver à vous obstiner comme ça !
Vous m’aimez ?
Et que voulez-vous que ça change ?
Même si c’est vrai ! Le preux chevalier amoureux brandit sa lance et la triste réalité doit ramasser ses jupes en glapissant et prendre ses jambes à son cou ?
Mon preux chevalier,
dont la seule véritable intention dans toute cette affaire, si l’on y songe bien,
et comme il l’a avoué lui-même dès le début,
est et a toujours été de pouvoir m’attirer facilement dans son lit ?
!LA PEINTURE A L'HUILE
!!!!!!//Paroles et musique : Boby LAPOINTE //
La peinture à l'hawaïle
C'est bien diffic' hawaïle
Mais c'est bien plus beau
Dalida la di a dadi
Que la peinture à l'eau
Ah a lo a
//Refrain //
Ra pe ti pe ta pe ti pe ti pe to
Ra pe ti pe ta pe ti pe ti pe to
Ca ra bi de ca ra bo
Rien n'est plus beau que la retraite aux flambeaux
Sauf peut-être ma cousine Berthe
Qui s'est fait faire une indéfrisable
Elle est admirable, on en mangerait
Un tout petit peu tout petit tout petit peu
C'est un jeu fac'hawaïle
On fait deux vers en 'hawaïle
Et puis l'on termine
Dalida a di a dadi
Par plaisanterie fine
A l'eau d'seltz
Les automob'hawaïle
C'est moins rigolo
Da li da la di a da do
Qu'les pédalos à l'eau
Ah! A lo a
J'ai un crocod'hawaïle
Il se cache à l'eau
Da li da la di a da di
Comme les cachalots
Ah! A lo a
Faut pas s'faire de b'hawaïle
C'est bien inut'Hawaïle
Et ça rend morose
Da li da la di a da di
Vaut mieux s'fair' aut'chose
Ah! A lo a
Ra pe ti pe ta pe ti pe ti pe to
Ra pe ti pe ta pe ti pe ti pe to
Ca ra bi de ca ra bo
Rien n'est plus beau que la retraite aux flambeaux
Sauf peut-être ma cousine Berthe
Qui s'est fait faire une indéfrisable
Elle est admirable, on en mangerait
Un tout petit peu tout petit tout petit peu
Un tout petit peu tout petit petit peu
Un tout petit peu tout petit petit peu
Un tout petit peu tout petit petit peu
A l'hawaïle
Hmh
!LA PETITE ONU
!!!!!!PERSONNAGES
*La Femme
*Le Mari
*Le Casque bleu
*L’Homme
!!!SCÈNE 1
//Fin de soirée. Vitres brisées, canapé éventré, vases en miettes, une femme hors d’elle poursuit son mari dans un salon saccagé, jetant sur lui toutes sortes d’objets qu’il esquive de justesse.//
;LA FEMME (hurle)
:Je te hais ! je te hais ! Je veux que tu meures… !!
;LE MARI (rugit)
:Mais je suis mort ! Vivre avec toi, c’est mourir ! Je suis décédé depuis vingt ans !
;LA FEMME
:Sauf que tu ressuscites deux fois par semaine pour aller voir ta pouffiasse !
//Elle se jette sur lui, un chandelier à la main, le mari l’évite, elle réussit à attraper sa chemise qui se déchire. Le mari la repousse en criant.//
;LE MARI
:Hyène hystérique ! Vampire !
//La femme tombe en se cognant sur la table basse qui vole en éclats, mais elle a le temps d’attraper les jambes de son mari qu’elle mord de toutes ses forces. Il gémit de douleur. Tandis que le mari et la femme se battent, un homme pénètre sur scène, costume, cravate, chaussures brillantes, l’élégance tranquille d’un diplomate de carrière. Il s’adresse au public.//
;L’HOMME
:Chez vous c’est la guerre. Cela fait plusieurs mois et peut-être plusieurs années qu’elle dure. Le combat avec votre conjoint fait rage. Votre mari vous blesse, votre femme vous torture, les dégâts matériels sont considérables (il se baisse pour éviter une lampe lancée par la femme, qui va se briser contre le mur…) et tout cela dans l’indifférence générale… Vos amis, votre famille, vos voisins font semblant de ne rien voir, terrorisés à l’idée de prendre parti et d’être entraînés à leur tour dans le conflit… (Le mari pousse un cri de bête, il vient de recevoir une chaise dans le bas-ventre.) Qui va arrêter le carnage ? Va-t-on aller jusqu’au divorce sans que personne n’intervienne ! Non, car la petite ONU veille !… Sa mission : la paix ! Tandis que l’ONU s’occupe du Kosovo ou de la Côte-d’Ivoire, la petite ONU se charge de votre ménage. C’est la même mission : la paix partout dans le monde, y compris chez vous.
//Il sort de la scène tandis que derrière lui le couple en lambeaux continue de s’écharper. Soudain une sonnerie retentit, les époux surpris se figent. La femme fusille son mari du regard.//
;LA FEMME
:C’est elle ! Je ne le crois pas ! Elle ose venir te relancer ici. (Elle bondit.) Elle va comprendre !
//(Elle saisit la pelle à cendres dans la cheminée et sort de la pièce ivre de rage. On entend la porte d’entrée s’ouvrir. Silence. Un temps. La femme réapparaît, dans le salon, interloquée.)//
:C’est un casque bleu.
;LE MARI (perdu)
:Quoi ?!
;LA FEMME
:Un casque bleu je te dis… !
//Un grand gaillard en treillis pénètre dans le salon, avec armes, bagages et casque bleu sur la tête.//
;LE CASQUE BLEU
:Madame Labretin ?
;LA FEMME
:Laventin.
;LE CASQUE BLEU
:Excusez-moi… Madame Laventin je vais vous demander de placer vos mains sur la tête et de vous tourner vers le mur pour que je puisse vous fouiller.
//Totalement sidérée, la femme questionne du regard son mari effondré près de la fenêtre.//
;LE MARI
:Je pense que c’est la petite ONU chérie…
//Le casque bleu fouille la femme.//
;LE CASQUE BLEU
:C’est bien, monsieur, d’avoir prononcé le mot “chérie”, c’est une première marche vers un traité de paix.
;LA FEMME
:C’est réflexe ! Il n’en pense pas un mot cette ordure… Dis-le !… Dis-le au monsieur !
;LE CASQUE BLEU
:Sergent Lundstroem Inkint, 2e régiment aéroporté Malmö… Suède… (Il sort des poches de la femme un coup de poing américain, des ciseaux et un couteau.) Tout vous sera rendu à la fin des hostilités.
;LA FEMME
:Vous êtes suédois ?
;LE CASQUE BLEU.
:Oui madame.
;LA FEMME
:Vous n’êtes pas noir ?
;LE CASQUE BLEU
:Non madame.
;LA FEMME
:D’habitude les casques bleus sont noirs…
;LE CASQUE BLEU
:Pas du tout madame.
;LA FEMME
:Ah si ! ceux qu’on voit à la télé, ils sont toujours noirs, hein Georges ?
;LE MARI
:S’il te dit qu’il n’est pas noir, il n’est pas noir !
;LA FEMME
:Il n’y a pas une arnaque là-dessous ? Vous n’êtes pas le frère ou le cousin de Suzanne la maîtresse de mon mari ? Elle vous a demandé de m’éliminer c’est ça ?
;LE MARI
:Vous entendez ! Vous entendez avec qui je vis ! Une dingue ! Vous savez ce que c’est une vraie dingue ? Et les dégâts que ça provoque ?
;LE CASQUE BLEU (souriant)
:Nous nous sommes occupés de monsieur Milosevic, ne l’oubliez pas.
//(Le casque bleu tire soudain de son barda un rouleau de fil de fer et le déroule d’un bout à l’autre du salon, séparant la pièce en deux. Le mari et la femme le regardent, ahuris. Il sort une lettre de mission et la tend aux époux.)//
Madame, la petite ONU vous a attribué la zone sud de l’appartement et à vous, monsieur, la zone nord… Les toilettes sont en zone neutre, mais vous devrez me demander un laissez-passer une heure avant de vous y rendre… En cas d’urgence la Croix-Rouge a mis à votre disposition ceci… (Il sort de son barda deux pots de chambre marqués du signe de la Croix-Rouge internationale et les place de chaque côté du barbelé.) Le secteur de la cuisine est strictement interdit. NO ENTRANCE !
;LA FEMME
:Quoi !!
;LE CASQUE BLEU
:Désolé, classé zone à hauts risques… Les casseroles, la vaisselle, les couverts… je pense que vous comprenez.
;LA FEMME (explosant)
:Mais qu’est-ce que c’est que cette histoire ! Qu’est-ce que vous faites ici !?
;LE CASQUE BLEU
:Madame : je suis là pour faire respecter les droits de l’homme.
;LA FEMME
:Les droits de l’homme, je rêve ! La cuisine ce sont ceux de la femme (Elle se retourne vers son mari, folle de rage.) Dis quelque chose toi espèce de larve !
//Le mari, perdu, hésite. Elle attrape une lampe et la lui jette dessus. Elle se brise sur son épaule.//
;LE CASQUE BLEU
:Vous êtes touché ?
;LE MARI
:C’est bon, juste une égratignure… mais alors, on se nourrit comment ?
//Le casque bleu sort de son barda quatre paquets qu’il tend à la femme.//
;LE CASQUE BLEU
:Deux rations par jour, don de Médecins sans frontières.
!!!SCÈNE 2
//Il fait nuit. Dans le salon, de part et d’autre des barbelés, le mari et la femme mangent sans appétit leurs rations, tandis que le casque bleu patrouille lentement dans le no man’s land le long du barbelé. La femme au bord de la nausée crache la bouchée qu’elle vient d’ingurgiter.//
;LA FEMME
:Pouah ! c’est infect ! Immangeable ! (Fusillant son mari du regard.) Quand je pense à ce que tu donnes chaque année à toutes ces associations humanitaires ! Du caviar, il devrait y avoir dans leur repas-minute ! Du caviar ! Qu’est-ce qu’ils en font de ton argent, j’aimerais bien le savoir ! Ils le planquent en Suisse comme Eltsine, Poutine et les autres, ou alors ils vont se payer des filles. (Elle hurle.) COMME TOI ! POURRI ! ORDURE ! ILS TE TROMPENT COMME TU ME TROMPES !
//Les cris réveillent les voisins qui se mettent à taper contre les murs…//
;LES VOISINS (voix off).
:“Silence !” “Ça suffit !” “On dort !” “Vos gueules !”, etc.
//Le casque bleu se précipite sur l’interrupteur. Le salon est plongé dans le noir.//
;LE MARI (terrifié).
:Qu’est-ce que vous faites ?
;LE CASQUE BLEU
:Je décrète le couvre-feu… Mesure de sécurité obligatoire quand le conflit risque de s’étendre aux territoires voisins…
;LE MARI
:Bon ! Moi je suis crevé, il est minuit, je vais me coucher !
;LA FEMME
:Ah oui à propos comment on fait pour dormir ?!… La chambre elle est zone quoi ? La chambre… ?!
;LE CASQUE BLEU
:Le règlement a tout prévu madame.
!!!SCÈNE 3
//Le mari en pyjama et la femme en chemise de nuit sont allongés dans le lit conjugal de part et d’autre du casque bleu, somnolant entre eux, en uniforme. Le mari se tourne et se retrouve se cognant contre le casque bleu imperturbable. Excédé par le manque de place il se redresse.//
;LE MARI
:Dites vous avez vu la place que j’ai ! Vous ne pourriez pas au moins enlever votre gilet pare-balles ?!
;LE CASQUE BLEU
:On n’a pas le droit.
;LE MARI
:Vous savez je n’ai ni revolver, ni mitrailleuse, ni…
;LE CASQUE BLEU
:C’est pas le problème.
;LE MARI
://(à bout).// Alors c’est quoi le problème ?
;LE CASQUE BLEU
:Le viol !… (Tête du mari.) … Rien que l’année dernière en simple mission de nuit comme celle-là, cinq de nos gars dont un officier se sont fait violenter par des couples… Depuis, le port du gilet pare-balles et les genouillères sont obligatoires au lit.
//Abandonnant, le mari se laisse choir sur son oreiller en sanglotant.//
;LE MARI
:Je n’en peux plus… JE-N-EN-PEUX-PLUS ! On mange mal, on ne peut pas dormir, on ne peut pas pisser sans un laissez-passer ! Quand tout ça va finir ?!… Quand ?!…
;LE CASQUE BLEU
:Quand vous aurez signé un accord de paix avec votre épouse, l’ONU me rapatriera aussitôt.
;LA FEMME
://(se redressant tel un ressort).// Mais moi je ne veux pas qu’il s’en aille ! Pour une fois qu’il y a un homme, un vrai, près de moi ! //(Elle le serre contre sa poitrine.)// J’avais oublié ce que c’était !
;LE MARI
://(bondit hors du lit).// Ah non là c’est trop !
//Il attrape tout ce qui lui tombe sous la main et le balance sur sa femme qui disparaît sous les draps. Le casque bleu sous cette pluie d’objets se protège comme il peut, décrochant précipitamment son walkie-talkie.//
;LE CASQUE BLEU
:Ici Fox 3 Tango… demande de renforts immédiats… subissons lourd bombardement… je répète : demande de renforts…
//Le casque bleu tente de placer l’armoire devant le lit pour protéger la femme des projectiles lancés par son mari. Ce dernier agacé par l’impassibilité du casque bleu le provoque ://
;LE MARI
:Alors qu’est-ce que tu fous ! Bats-toi si t’es un homme !
;LE CASQUE BLEU
:Désolé nous ne sommes pas autorisés à répliquer. Nous sommes les soldats de la paix monsieur, pas ceux de la guerre.
//Cette phrase redouble la rage du mari qui achève de détruire la pièce, balançant chaises, fauteuils, rideaux, tiroirs, etc. sur le casque bleu, tandis que la femme horrifiée se protège derrière le soldat.//
//La bataille fait rage. L’homme du début pénètre sur scène et s’adresse au public.//
;L’HOMME
:La petite ONU en moins de trois ans a sauvé plus de deux cent quatre-vingt mille couples de la destruction totale, elle a évité à trois millions de personnes la séparation et a épargné à neuf cent mille enfants les traumatismes du divorce. Couples en conflit, avant qu’il ne soit trop tard, appelez la petite ONU. (Le numéro s’inscrit sur l’écran.) Elle vous apportera la paix et qui sait peut-être aussi l’amour…
//Derrière l’armoire on voit le casque bleu et la femme s’embrasser sauvagement.//
!LA PLUIE DU SOIR...
//LIU YONG
(Sur l’air « Le son des huit tons »)//
La pluie du soir marie le ciel
aux eaux de la rivière
et rafraîchit à nouveau
l’air de l’automne.
Le froid de la bise
est chaque jour plus mordant,
les passes dans les montagnes
plus désertes.
Les derniers rayons du soleil
éclairent la terrasse.
Partout le rouge se fane
et le vert pâlit.
Jour après jour
la beauté de la nature
perd son éclat.
Seules les eaux du Grand Fleuve
continuent de couler,
immuables, vers l’est.
Je ne supporte pas de monter
sur les hauteurs
regarder au loin,
car regarder au loin
éveille le souvenir
de mon pays natal,
!LA PLUPART DU TEMPS
!!!!!//Robert Lamoureux //
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La plupart du temps
Quand on aime et qu’on a vingt ans
Ce n’est jamais pour de l’argent
Les jeunes filles se disent … en rêvant
Ça m’est égal qu’il ait de l’argent
Ce que je veux seulement, c’est qu’il soit grand
Avec un sourire éclatant
Et puis … le reste … évidemment
Mais enfin la plupart du temps
Quand on aime et qu’on a vingt ans
Ça n’est jamais pour de l’argent
La plupart du temps
Quand on aime et qu’on a quarante ans
Ce n’est pas toujours pour de l’argent
Mais … on y pense de temps en temps
On pense à l’avenir, aux enfants
Aux soupers fins, aux bons restaurants
Avec Monsieur … avec … ou sans
Mais enfin, la plupart du temps
Quand on aime et qu’on a quarante ans
Ce n’est pas toujours pour de l’argent
La plupart du temps
Quand on aime et qu’on a soixante ans
Ce n’est pas forcément pour de l’argent
Mais … on s’renseigne un peu avant
Vous avez un appartement ? une bonne pension ? …
Et votre vieil oncle … il va … comment ?
Mais enfin, la plupart du temps
Quand on n’aime et qu’on a soixante ans
Ce n’est pas forcément pour de l’argent
La plupart du temps
Quand on aime et qu’on a quatre-vingts ans
Ce n’est plus pour de l’argent
Pourvu qu’on puisse de temps en temps
S’offrir un p’tit verre de vin blanc
Ben, mon Dieu, c’est bien suffisant
Et d’ailleurs, c’est ça qui est tordant
Quand on aime et qu’on a quatre-vingts ans
C’est tout à fait comme à vingt ans
Ce n'est jamais pour très longtemps.
[img[http://cdn2.greatsong.net/actu/par/mort-du-chansonnier-robert-lamoureux-a-92-29112.jpg]]
}}}
!!!!!!//Papa Maman La Bonne Et Moi//
!LA POCHE ET LA MAIN
;UN
:Ce que vous en avez, des noix ! dites donc !
;DEUX
:Plein ma poche.
;UN
:Eh ben ! Jamais on n’arrivera à manger tout ça. C’est qu’elle est grande votre poche !
;DEUX
:C’est une poche à soufflets.
;UN
:Vous vous habillez pratique. Votre tailleur c’est qui ?
;DEUX
:Je m’habille toujours chez Marron, parce que pour le complet, c’est la couleur que je préfère. On peut se rouler dans n’importe quoi, personne n’y voit rien. Mais il n’y a que le complet qui soit de chez Marron. Les poches, je les fais toujours poser après, par un spécialiste. Vous voyez
:une poche pour chaque chose, il n’y en a pas une pareille. Une poche pour la main droite, une poche pour la main gauche, et pour y mettre la main droite, dans la poche de gauche, faut pas y penser, on n’y arrive pas.
;UN
:Forcément, faudrait que vous vous tordiez en spirale. Ou alors que vous vous mettiez à l’envers dans votre pantalon.
;DEUX
:Vous voulez rire. Même en me mettant à l’envers dans mon pantalon, ma main droite n’entrerait pas dans ma poche gauche. C’est comme si vous vouliez y mettre une orange, elle n’y tiendrait pas. C’est des poches sur mesure. A l’intérieur, c’est fait comme des gants.
;UN
:Et alors ?
;DEUX
:Eh ben, c’est comme si je voulais mettre ma main droite dans un gant gauche, c’est pas possible.
;UN
:Pourquoi ? Vous n’avez pas les deux mains faites pareilles ?
;DEUX
:Comment ! « Je n’ai pas les deux mains faites pareilles ! » Elles sont aussi pareilles que les vôtres, mes mains. Regardez. Si on ne les voyait pas ensemble, on les prendrait l’une pour l’autre, tellement elles se ressemblent.
;UN
:Si elles se ressemblaient tant que ça, elles pourraient entrer dans le même gant.
;DEUX
:Oui. Y a quelque chose de pas normal, là-dedans. Montrez-moi voir les vôtres.
;UN
:Moi c’est pas pareil, j’ai des poches ordinaires, des poches de chez Poche, où on peut mettre n’importe quoi. Ça ne me gênerait pas si mes deux mains n’étaient pas tout à fait semblables. Je pourrais mettre mon pantalon à l’envers tout de même.
;DEUX
:Ben vous voyez, ça trompe, les mains. On a l’impression comme ça, quelles se ressemblent, et même on serait embêté s’il fallait dire ce qu’elles ont de différent, et puis..
;UN
:Ce quelles ont de différent surtout, la main droite et la main gauche, c’est quelles ne sont pas situées au même endroit.
;DEUX
:Ça c’est vrai. Mais il y a autre chose, c’est qu’en réalité, elles font semblant de se ressembler. Regardez bien.
;UN
:Oui, vous avez raison. Elles font semblant. Laquelle des deux croyez-vous qui imite l’autre ?
;DEUX
:Sais pas. Ça doit être la plus jeune qui imite la plus vieille.
;UN
:Pas possible. Moi, mes deux mains, elles ont le même âge.
;DEUX
:Quel âge elles ont ?
;UN
:Le même âge que moi.
;DEUX
:En tout cas, vos mains, elles sont comme les miennes
:elles s’imitent très mal.
;UN
:Oui. Ça serait plutôt le contraire d’une imitation. Parce que plus je les regarde, plus je trouve qu’elles sont différentes. Au point qu’il y a rien de plus différent de ma main droite que ma main gauche.
;DEUX
:C’est bien simple, entre les deux, il n’y a que des différences. C’est même une réussite, d’arriver à être dissemblable à ce point-là.
;UN
:Vous croyez quelles l’ont fait exprès ?
;DEUX
:Sûrement. Y a une main qui s’est dit
:faut pas que je sois comme l’autre main et elle a pris exactement le contre-pied.
;UN
:Oui. C’est drôle. Comme moyen d’arriver à se ressembler, c’est pas banal, ça. Comme quoi il n’y a rien qui ressemble à une chose que le contraire de cette chose.
;DEUX
:Oui. C’est riche d’enseignement, d’être bimane. On n’a qu’à regarder ses deux mains pour se rendre compte que l’esprit de contradiction est tout de même capable d’obtenir de beaux résultats.
;UN
:Tenez, votre main droite, eh bien, elle ressemble bien plus à ma main droite que ma main gauche.
;DEUX
:C’est pour ça qu’il faut être deux pour se serrer la main. Vos deux mains toutes seules, elles n’auraient jamais l’idée de se serrer la main.
;UN
:Elles pourraient pas, regardez
:elles ne vont pas ensemble. Elles n’entrent pas l’une dans l’autre.
;DEUX
:Et c’est encore un enseignement, ça. Le bon Dieu, s’il avait voulu nous faire comprendre qu’il faut se serrer la main les uns les autres, il ne s’y serait pas pris autrement. Parce que je ne sais pas si ça vous fait comme à moi, mais moi, rien que d’avoir essayé de me donner une poignée de main, eh ben ça me donne des envies de main droite dans ma main droite.
;UN
:Tenez, voilà la mienne.
;DEUX
:Bonjour. Comment ça va ?
;UN
:Pas mal et vous ?
;DEUX
:Oui. C’est un peu bête de se dire ça, comme ça.
;UN
:C’est un réflexe. Ce doit être comme ça que la vie sociale a pris naissance chez les hommes. Comme ils ne pouvaient pas se serrer la main chacun tout seul dans son coin, ils ont eu l’idée de se serrer la main entre eux, alors fatalement, ils se sont dit : bonjour comment ça va. A partir de ce moment-là, ils se sont mis à causer. La glace était rompue.
;DEUX
:Et ça, ça ! Ce n’était possible que pour le genre humain, justement ! Parce qu’il fallait au moins avoir deux mains, ce que n’avaient pas les éléphants par exemple, qui sont tellement intelligents par ailleurs...
;UN
:Les éléphants, y a un facteur qui joue, c’est la trompe.
;DEUX
:Oui... Et il fallait pas non plus en avoir plus de deux, des mains. Parce que, regardez les singes qui en ont quatre, eh bien rien ne les empêche de se serrer la main droite tout seul avec l’autre main droite, la main droite du pied. Résultat, les singes sont restés des singes, et pour la vie sociale, ils lui ont dit adieu. Tandis que nous, on n’est pas restés des singes, vu qu’on avait des pieds.
;UN
:Comment, « on avait des pieds ! » Mais mon cher, on les a toujours ! Jetez un coup d’œil par terre, ils sont là.
;DEUX
:Eh oui ! Solides au poste. Dans leurs chaussures.
;UN
:Oui. Sacrifiés, dans un sens, car ce ne doit pas être bien drôle, l’existence du pied. Le soulier comme confort, on a beau faire, ça ne vaut pas le gant. Ça ne vaut pas la poche.
;DEUX
:Pauvres pieds, qu’on ne met jamais dans ses poches. Qui ne se serrent jamais entre eux. Comme ils sont loin de nous !
;UN
:Rien de moi n’est plus loin de moi que mes pieds. Quelle tristesse dans leur exil...
;DEUX
:Et pourtant c’est sur eux que repose le genre humain, c’est à eux que nous devons d’être mieux que des singes, et c’est parce que nos pieds sont captifs que nous avons les mains libres !
;UN
:Et la tête ! Libre. Car finalement, les singes, qui paraissent plus doués que nous pour un tel exercice, ce n’est pas eux qui jouent du piano à quatre mains
:c’est nous.
;DEUX
:Tout de même, il faudra que je demande à mon spécialiste s’il ne pourrait pas me faire des poches à pied, dans mon complet Marron.
;UN
:Non. Il ne faut pas les habituer à la paresse, les pieds. « Qui se promène les pieds dans ses poches, il arrive qu’il croie marcher encore, cependant que déjà, et sans que rien l’en avertisse, il rampe. »
;DEUX
:Quoi ?
;UN
:C’est un dicton du folklore cul-de-jatte. deux
:Enfin, tout ça pour vous dire qu’en ce qui concerne les noix, on ne mourra pas de faim ; ma poche à noix, on ne pourrait plus y loger une noisette, tellement elle est pleine.
;UN
:Vous en avez des poches !
;DEUX
:Et encore, il y en a que vous ne voyez pas. Il y en a des secrètes. J’ai quelque part par là une poche à cœur, par exemple.
;UN
:Vous avez des cœurs dedans ? deux
:En ce moment, je n’en ai pas beaucoup. Je n’arrive plus à en trouver. Je n’ai qu’un cœur dans ma poche à cœurs, mais faut dire qu’il est plutôt lourd. un
:C’est le cœur à qui ? deux
:C’est le cœur à moi.
;UN
:Et ça, c’est une poche à quoi ? deux
:C’est une poche à poches. C’est là que je range les poches dont je ne me sers pas.
;UN
:Et qu’est-ce que vous avez encore comme poche secrète ?
;DEUX
:La grande...
;UN
:La grande ?
;DEUX
:La grande poche. La poche à moi, la poche à vous. La poche à nous, quoi.
;UN
:Si elle était si grande que ça, cette poche, on devrait la voir.
;DEUX
:C’est que vous ne regardez pas où il faut.
;UN
:Où est-elle cette grande poche ?
;DEUX
:Je ne sais pas où elle est. Mais nous on est dedans.
!!!!!Roland Dubillard - Les diablogues et autres inventions à deux voix
{{center{((Geneviève et Jacques jouent LA RENCONTRE au Château des Rentiers le 22 mars 2016(^
<<tiddler VideoAide>>)))
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^^[[WEEZO|http://weezo.net/ateliertheatre]]^^
!LA RENCONTRE
!!!!!//Marc Escayrol//
;ELLE -
:Nous nous tutoyons ou nous nous vouvoyons?
;LUI -
:Tutoyons-nous.
;ELLE -
:Vous vouvoyez souvent ?
;LUI -
:Je tutoie comme je vouvoie
;ELLE -
:Moi, je me tue à tutoyer, mais tout me voue à vouvoyer
;LUI -
:Vous nous voyez nous vouvoyer ?
;ELLE -
:Nous voirons; je veux dire, nous verrons
;LUI -
:Tout à fait, toutefois tout nous fait nous tutoyer; d'ailleurs, qui vous vouvoie ?
;ELLE -
:Mes parents, mais je ne les vois jamais.
;LUI -
:Ainsi, vos vieux vous vouvoient sans vous voir
;ELLE -
:Et toi, qui te tutoie ?
;LUI -
:Mon oncle, mais seulement chez moi
;ELLE -
:Donc, ton tonton te tutoie sous ton toit
;LUI -
:Oui, mais mon neveu ne veut nous vouvoyer
;ELLE -
:Et que faites-vous des dames ?
;LUI -
:Tutoyons les veuves et vouvoyons les tantes.
;ELLE -
:Mais ma tante est veuve; elle vouvoie son toutou et tutoie sa voiture
;LUI -
:Vous n'aurez qu'à louvoyer, tantôt la tutoyer, tantôt la vouvoyer
;ELLE -
:Et les nouveaux venus, les vouvoierons-nous ?
;LUI -
:Je veux voir les nouveaux venus nous vouvoyer. Les nouveaux non vouvoyants se verront renvoyés comme des voyous
;ELLE -
:Et les non voyants ?
;LUI -
:Les non voyants vouvoieront !
;ELLE -
:Même au nouvel an ?
;LUI -
:J'aimerais vous y voir, sous leur nombre les non vouvoyants vont vous noyer.
;ELLE -
:Au nouvel an, votre dévoué n'envoie de voeux qu'aux vouvoyants non dévoyés.
;LUI -
:Vous vous fourvoyez!
;ELLE -
:Je ne me fourvoie pas, monsieur, mais je me fous de vous revoir !
;LUI -
:Alors, allez vous faire voir !
{{center{((Geneviève et Jacques jouaient LA RENCONTRE à Mouffetard le 5/2/15(^
<<tiddler VideoAide>>)))
<html><iframe frameborder="0" scrolling="no" src="http://weezo.net/embedded.php?userName=ateliertheatre&type=publishVideo&v=V4.3.0&w=320&h=180&autoplay=0&videoDurationExt=138&uri=/video/dlToken.tayxfqqhqch5wncvnwnv/file.525_Mouffetard_LaRencontrei_GD-JT.mp4" frameborder="0" scrolling="no" style="width:320px;height:180px;background:black"></iframe></html>
}}}
!!!!!!//JacquesTurbé, 27 décembre 2013 (créé le 27 décembre 2013)//
!LA ROBE DE TISSU D’OR
//TU QIUNIANG
(connu vers 800)//
Ne chéris pas tant
la robe de tissu d’or,
chéris plutôt ta jeunesse
qui fuit.
Quand les fleurs s’épanouissent,
cueille-les tout de suite,
sans remords,
n’attends pas qu’elles s’envolent
pour ne cueillir
que les branches nues.
!^^Vaclav Havel
^^LARGO DESOLATO
;Lucy
C’est du baratin, tout ça.
Quand tu voulais me séduire, au début, tu ne parlais pas comme ça.
J’allais faire renaître ton espoir, j’allais te régénérer, inaugurer pour toi une vie nouvelle.
Tu n’es pas une épave, Léopold, tu es un vulgaire démagogue.
Tu dirais n’importe quoi, tout ce qui t’arrange.
Tu as eu tout ce que tu voulais et maintenant tu veux te débarrasser de moi.
Tu me parles de ton désarroi !
Foutaises, oui !
Tu veux me faire comprendre que j’ai rien à attendre de toi et
en plus,
tu veux te faire plaindre.
C’est malhonnête.
Ce sont des grands mots, mais tu ne m’auras pas comme ça.
Oh !, comme j’ai été bête, bête à pleurer.
Croire que je pourrais te faire partager mes sentiments, te redonner goût à la vie ?
Tu parles !
Tu es un cas désespéré.
C’est bien fait pour moi. Une illusion de moins.
!LE ~COURT-CIRCUIT
{{center{
!!!!!//Benjamin Rabier et Eugène Joullot//
}}}
{{small{
|borderless|k
|Ce texte est un scan non retouché, hormi le découpage en répliques. <br>Du fait de la pliure du livre de nombreux mots sont illisibles et doivent être devinés. |La trame de cette comédie peut être reprise pour des exercices d'improvisation. |
}}}
+++^^*[PERSONNAGES]
:ANATOLE LOUPY, ouvrier électricien<br>
:ROBERT, viveur
:MINA DE COURSAC, théâtreuse
:FÉLICIE, sa bonne
=== +++*[Notice]
{{groupbox small {
!!!!!Comédie en un acte représentée pour la première fois sur la scèno il Grand-Guignol le 15 février 1916.
Robert, qui se fait passer pour un électricien venu réparer un courpili cuit, découvre que l’actrice Mina, qu’il entretient, le trompe.
Illustrateur, créateur du canard Gédéon qu’il a entraîné dans de noix breuses aventures pour le plaisir des enfants, Benjamin Rabier (1869- IV,Y> n’a écrit que cette pièce pour le Grand-Guignol et a peu produit potii I théâtre : un vaudeville, Vierge et Cocotte ; une fantaisie bouffe, Gédéon dm la lune ; une comédie burlesque, Le Gigolo surmené, et la comédie Ma iw s’amuse, en collaboration avec José de Bérys, ainsi qu’un conte de Noël
Le Court-Circuit joue sur le travestissement et la méprise : Rolto endosse les vêtements de l’électricien, qui lui-même se déguise en prim » Le comique naît du décalage entre l’aspect extérieur des personnage* > leur langage : le prince d’inertie est très doué pour l’électricité et son pnili faubourien devrait alerter
MINA. Ce texte est une curiosité comme peut l’être L’Accordeur de Rosemonde Gérard, unique comédie de l’auteur pou le Grand-Guignol.
}}}
=== +++*[Décor]
{{groupbox small{
!!!!!Un petit salon-boudoir chez Mina de Coursac.
A gauche, premier plan, porte du cabinet de toilette.
A gauche, deuxième plan, porte de la chambre à coucher.
A droite, premier plan, cheminée surmontée d’une glace ; de chaque côté de la glace une applique avec lampe électrique.
A droite, deuxième plan, fenêtre praticable, avec doubles rideaux.
Au fond, porte donnant sur antichambre.
Entre les deux portes de gauche, une coiffeuse avec différents objets de toilette et de maquillage.
A gauche, une bergère.
A droite, une petite table guéridon avec un appareil téléphonique, un dictionnaire Larousse. Une chaise de chaque côté de ce guéridon. Des chaises, petits meubles.
Près de la cheminée une prise de courant. Un bouton de sonnerie électrique à droite de la porte d’entrée.
//Les indications sont prises de la salle.//
}}}
===
!!!Scène première FÉLICIE, puis MINA
FÉLICIE, entrant du fond.
:— Le courrier et les journaux de Madame. (Elle p le tout sur le guéridon à droite puis va écouter à la porte, deuxième plan gauche.) itli elle roupille encore... il n’y a que les femmes légères pour avoir I sommeil si lourd. (Revenant vers le guéridon et regardant au travers d'une enve-•ri«•¦) C’est du ténor, le petit blond qui coûte si cher à Madame. (Exami-iiii une seconde lettre.) Connais pas cette écriture... Un candidat de la der-ni're heure sans doute.
MINA, entrant, deuxième plan gauche, elle est en élégant peignoir.
:— Eh bien ! Wlicie !
Surprise, Fétide dépose vivement la lettre qu’elle contemplait. j
MINA.
:— Pourquoi ne m’apportez-vous pas mon courrier ?
félicie.
:— Je ne voulais pas réveiller Madame... un lendemnlii première, j’ai pensé que Madame devait être très fatiguée.
MINA.
:— C’est vrai, j’ai eu tellement de succès hier soir...
Elle s’est assise devant sa coiffeuse et décachette les lettres que Félicie lui a remises.
mina.
:— Qu’est-ce que les journaux racontent sur moi ?... lisez m ça, Félicie.
félicie.
:— Madame veut...
mina.
:— Vous savez lire, je suppose ?
FÉLICIE.
:— Madame n’ignore pas que j’ai mon brevet supéricm
mina.
:— Ah ! oui ; vous me l’aviez déjà dit. C’est curieux qu’avoi u machin-là, vous n’ayez pas eu plus d’ambition. Vous auriez pu, vu. aussi, faire du music-hall, avoir des amis ; vous n’êtes pas plan lu-qu’une autre ; vous manquez peut-être un peu de chic.
Félicie.
:— Madame est bien bonne ; mais je ne suis pas assez |i|> tournée pour mal tourner, et puis je ne me sens pas la vocation.
mina.
:— Vous avez peut-être tort... je vous écoute Félicie. f
élicie, lisant.
:— La délicieuse Mina de Coursac, dans son rêle il* « Cresson » de la vie chère, nous a révélé une nature plantureuse, Au un pareil légume, on ne regretterait pas de se mettre au vert.
MINA.
:— C’est spirituel ; mais ça ne casse rien... Quel journal ?
FÉLICIE.
:— Le Figaro...
MINA.
:— Voyons Le Matin.
félicie, lisant.
:— La délicieuse Mina de Coursac, dans son rêli il « Cresson » de la vie chère, nous a révélé une nature plantureuse. A Vu un pareil légume on ne regretterait pas de se mettre au vert...
MINA.
:— C’est exactement la même chose.
félicie.
:— Probablement que tous les critiques sont du même M sur le talent de Madame.
MINA, qui depuis un moment hume l'air autour d’elle.
:— Vous ne sente/, Ml Félicie ?
Félicie, même jeu.
:— Si, comme une vague odeur d’oignon rouM (Prenant un autre journal.) Ah ! Voici un article qui n’est pas pareil Ml autres : « Mademoiselle Mina de Coursac est une gracieuse personm dont l’intelligence rappelle celle de ces sympathiques palmipèdes i|u sauvèrent jadis le Capitole. »
MINA.
:— Ah ! ça, c’est gentil, quel journal ?
FÉLICIE.
:— L’Écho des spectacles.
mina.
:— J’enverrai une carte de remerciements.
félicie.
:— Je crois que Madame ferait mieux de s’abstenir.
¦ i,nA.
:— J’aurais l’air de ne pas avoir compris l’article.
ity.IClE.
:— Madame ne sait peut-être pas ce que c’est que le Capi-
¦ ,IN A. - C’est vous qui viendrez me l’apprendre )’y aijoué une revue „{éc dernière : c’est le plus grand music-hall de Toulouse.
ni ,C1E. - Mais non, Madame, le Capitole... c’était à Rome... les pal-
oiii'ilcS... . t
M1NA _ Eh bien ! quoi les palmipèdes, c’est les gens qui ont les Mîmes académiques, tout le monde sait ça ; ma petite Fehew, ce rest pce que vous avez votre brevet supérieur qu il faut chercher a
t. inbroufer.
il i.icie.
:— Oh ! non, Madame.
MINA, humant l’air de nouveau, elle se lève et va vent le guéridon.
:— C’est curieux mine cette odeur persiste.
, |, ,CIE. _ Ça doit venir de la cuisine de l’entresol.
On sonne.
MINA.
:— Allez ouvrir.
,, I icie, sans se presser. - Faudra-t-il dire que Madame reçoit
MINA.
:— Je n’en sais rien ; voyez d’abord qui a sonne... mais depe-ii. t vous donc... courez !
,, I ICIE, allant ouvrir lentement. - Oh ! Madame sait bien que je ne SUIS L une coureuse.
Mina continue à décacheter son courrier.
!!!Scène II ROBERT, MINA
ROBERT, entre, dépose sa canne et son chapeau sur une chaise, puis s’avance demère U„{|i et l'embrasse sur la nuque.
:— Bonjour, Loute .
MINA.
:— Robert ! que viens-tu faire ici ?
ROBERT.
:— En voilà une question.
MINA.
:— Tu n’as donc pas reçu mon pneu ?
ROBERT.
:— Non, j’ai déjeuné au cercle ce matin.
MINA.
:— Tout s’explique.
ROBERT.
:— Et que me disais-tu dans ce pneu ?
MINA.
:— Que je ne pouvais pas te recevoir aujourd hui.
ROBERT
:— Charmant !... moi qui voulais te consacrer mon apres-
H'illl
MINA.
:— Ah ! mon chéri, je suis encore plus navrée que toi,, mini me tombe une tuile.
Robert.
:— On t’a coupé tes rôles dans la revue ?
MINA.
:— Non, mon oncle le chanoine arrive aujourd’hui.
Robert. Encore ! C’est la troisième fois depuis un mois II i semble que ton oncle le chanoine vient bien souvent à Paris.
mina.
:—- Il a des affaires à régler à l’archevêché... tu compremln, m chéri, qu il ne faut pas qu’il te trouve ici... Si jamais il se doutai! iiiih ) un amant et que je fais du théâtre... quel baroufle !
ROBERT, qui lui aussi hume l'air depuis un moment.
:— Tu ne trouve» IM que ça sent le roussi ?
mina.
:— C’est ce que je disais à Félicie tout à l’heure.
ROBERT, s'approchant de la prise de courant.
:— Parbleu, un court-clldlll faut immédiatement téléphoner à l’électricien.
mina. Tu parles ! Non mais... me vois-tu sans lumière avci im oncle le chanoine. (Téléphonant assise à gauche du guérison.) Allô ! Allô I li cent quarante « sisse vergule cinque ». (Criant.) « Vergule cinqur « me semble que je parle français... Allô ! la maison Ampère... Voulu vous envoyer immédiatement un électricien chez Mlle Mina de ( m, sac... de Coursac, l’étoile parisienne, bien connue, il n’y en a pas iIhi. je suppose. (A Robert.) Us ne connaissent rien ces électriciens. (Au w phone.) Un court-circuit... c’est urgent. (Raccrochant l’appareil.) ( In envoyer un ouvrier.
ROBERT.
:— Mina ?
MINA.
:— Mon loup ?
Robert.
:— Ton oncle le chanoine restera longtemps à Paris ?
MINA.
:— Vingt-quatre heures au moins.
ROBERT, passant devant elle.
:— C’est ce que je pensais... alors tll ll'li. pas aux Folies ce soir ?
mina. - Naturellement, j’ai téléphoné au régisseur que j’avnl* i migraine ; il se chargera de prévenir ma doublure.
ROBERT.
:— Mina, tu me fais beaucoup de peine : au moment ou i commences à percer, car toute la presse a été unanime à constater lit* succès. (A part.) C’est moi qui paye les communiqués. (Haut.) Au numltHti dis-je, où la carrière artistique s’ouvre devant toi, toute parsemé» tj. fleurs et de lauriers, tu sacrifies ton avenir aux devoirs prosaïque» il la famille.
mina.
:— Que veux-tu, mon oncle le chanoine est tellement à rlm»« sur la morale.
ROBERT.
:— Déplorable manière de faire de l’équitation pour un i li» noine , mais puisqu au nom de l’art, je ne suis pas parvenu à te coiiviiIk cre, nous nous sacrifierons tous les deux.
mina.
:— Qui ça, tous les deux ?
ROBERT.
:— L’art et moi.
, UN A.
:— Oh ! que t’es bête ! (Un temps.) Tu ne m’en veux pas au moins, M chéri ?
ROBERT.
:— Non... j’irai ce soir, applaudir ta doublure.
MINA.
:— Ça je te le défends... du reste tu serais bien désillusionné ; Mi un clou... à propos, tu sais que l’auteur m’a promis un rôle très «portant dans sa prochaine revue.
ROBERT.
:— Non ?
mina.
:— Une scène écrite exprès pour moi... la commère représente i ii,lin de voyageurs et moi... je la regarde passer... en chantant un Lplet, naturellement, hein ! qu’est-ce que t’en dis ?
ROBERT.
:— Je crois que ce rôle sera tout à fait dans ta nature.
MINA.
:— N’est-ce pas ? (Avec fierté.) Je suis fille de mes oeuvres, moi !
ROBERT.
:— Ta mère n’a pas dû trop souffrir.
MINA.
:— Ne plaisante pas sur les choses sérieuses... dis donc, mon lu fi, tu m’excuses de ne pas te retenir ?
Idle le conduit vers la porte du fond et lui donne sa canne et son chapeau, comme impatiente de le voit' partir.
ROBERT.
:— Mais comment donc, au revoir
MINA. (Ils s’embrassent longue-Mi, puis Robert au seuil de la porte.) Bien des choses à ton oncle le chanoine.
Il sort.
!!!Scène III MINA, FÉLICIE
mina._Et voilà ! le coup de mon oncle le chanoine, ça prend tou-
jniirs. (A Félicie qui entre.) Pourquoi ne reconduisez-vous pas monsieur ?
i l’LICIE.
:— Je voulais, Madame, mais Monsieur m’a répondu qu’il (mil assez grand pour se reconduire tout seul, alors je n’ai pas insisté !
On entend fermer violemment une porte.
MINA.
:— Parti !
Elle va s’asseoir près de la coiffeuse.
11-Il CIE.
:— Monsieur n’a pas l’air content !
Mina. _ Pauvre chou ! je ne pouvais cependant pas lui dire que
i ilU'tidais le prince d’inertie à quatre heures.
I | LUCIE.
:— Le prince d’inertie ?
mina.
:— Parfaitement, hier pendant l’entracte du II, le secrétaire
intime du prince est monté dans ma loge et m’a dit texlu, lU,. «Mademoiselle! Sa Majesté désire faire votre connaissant , *, heure sera la sienne. » Je lui ai répondu : « Demain 4 heures i lu <. 545, avenue de Villiers. » Le prince est-il vieux, jeune? Je nVn . rien, mais cest un vrai prince ; comme m’a dit son secréüiiie Vi n’avez qu’à consulter le Bottin.
FÉLICIE, rectifiant.
:— Le Gotha.
mina.
:— Quoi, le Gotha... le Bottin pour les adresses... vraiim iil 11 cie, ce n’est pas la peine d’avoir votre brevet supérieur poui en hm de ce calibre-là.
FÉLICIE, résignée.
:— Comme Madame voudra... en tout cas, i ï»| , belle relation pour Madame ; Madame va être lancée.
MINA.
:— J’y compte bien : la fortune ne vient pas en dornuml r n importe qui. En attendant Sa Majesté, je vais me plonger ilnno bam parfumé.
Elle passe dans son cabinet de toilette.
FÉLICIE, sortant derrière elle.
:— Je vais préparer le bain de Madnim-
!!!Scène IV ROBERT, seul
Entrant du fond avec précaution et s’assurant qu’il est bien seul.
Robert. Je ne coupe pas du tout dans le chanoine ; j’ai icltut*' violemment la porte et je suis resté à l’intérieur. (On entend un biuit •/». qui coule, il va écouter à la porte du cabinet de toilette.) Mina va prendre un IihR, voüà qui confirme mes soupçons... Ces préparatifs hydrothérapique!* semblent peu compatibles avec la visite de son chanoine d’oncle, ( w rie au téléphone, il enlève vivement le récepteur.) Allô ! Allô ! Mademoiselle Mtoî de Coursac ? Parfaitement, c’est bien ici... Qu’est-ce que vous dile ï h prince d Inertie demande si Mlle Mina peut le recevoir à 4 luun> comme il était convenu? (A part.) Tout s’explique. (A l'appareil) Ail* Allô ! Si je suis le valet de chambre de Mlle Mina ? Je n’ai put *• honneur. Allô ! Qui je suis ? — Son oncle, le chanoine. Allô ! Voua ta le secrétaire du prince ! Ecoutez bien ce que je vais vous dire j jl| prince a le malheur de se présenter chez Mlle Mina, je le flanqn* * bas de Pescaher avec ma botte dans le derrière. (Raccrochant le Eh ! allez donc ! Un chanoine qui flanque sa botte dans le derrièie il'», prince. C est peut-être un peu risqué, mais ça apprendra au pi lin *> « marcher sur mes brisées. (Sonnerie à la porte d'entrée.) Oh ! saprisli I (Ih dissimule derrière une tenture de la fenêtre. Félicie sort du cabinet de toilette et vil mm* Allons bon ! qui vient nous déranger à présent ?
!!!Scène V FÉLICIE, LOUPY, ROBERT
Pélicie introduit Loupy, ouvrier électricien, la sacoche pendue à l épaule.
¦ tILIdE.
:— C’est par ici le court-circuit.
i ill ll’Y, il entre et jette son chapeau sur la chaise à gauche du guéridon. Vous Iki pas,’ la boniche, j’vas vous réparer ça en cinq sec.
Félicie se retire.
!!!Scène VI LOUPY, ROBERT
Loupy dépose sa sacoche près de la fenêtre, il y prend quelques outils ri en se relevant, se trouve en face de Robert qui est passé devant le ndeau.
; 11 n ii’Y.
:— D’où c’est-y qu’i sort celui-là ?
ROBERT.
:— Ah ! c’est vous l’électricien ?
,OUi>Y.
:— Anatole Loupy, à votre service ! Y a-t-i’ moyen de causer » lu patronne ?
iiobërt.
:— Attendez un peu, elle trempe.
j | uupy._Elle trempe ! Quand vous aurez fini de vous offrir mon
Nui Irait?
P
ROBERT.
:— Telle n’est pas mon intention... elle prend son bain si «•ici aimez mieux.
‘ 11H IP Y, lui donnant une bourrade.
:— Farceur va !
ROBERT, s'essuyant avec son mouchoir.
:— Il est du reste inutile de la dfiiinger ; voici la prise de courant, faites votre travail.
Loupy va examiner la prise de courant et vient expliquer à Robert.
! uupy.
:— C’est les plombs « qui a sauté... ». Si le courant n’est plus mi résistance, ça fait chahuter le potentiel, alors faut isoler les fils parce fl, la gutta elle est brûlée et, quand la gutta elle est brûlée, macache .
ROBERT, qui l’observe attentivement.
:— Oh ! quelle idée ! (Allant vers l électri-1*11 ) Monsieur Loupy.
IOUPY.
:— Patron ?
IB iBERT.
:— Voulez-vous gagner cent francs ?
IOUPY, tombant à la renverse sur la chaise à droite du guéridon. Cent bal-L |„. Qu’est-ce qui m’arrive ?
ROBERT.
:— Remettez-vous... Vous ne devez pas être fortuné !
IDUPY.
:— Vous parlez... Avec tous les fourbis de grève et de chô-Hhiyr, je suis végétarien.
Robert.
:— Végétarien ?
loupy.
:— Je végète, quoi.
ROBERT, lui tendant un billet de banque.
:— Je vois que nous piMII • • nous entendre.
LOUPY, prenant le billet.
:— C’est pas de l’imitation ?
ROBERT.
:— Non, c’est du vrai.
LOUPY.
:— Quoi que vous allez me demander pour ce prix Ift 1 I crime peut-être ?
ROBERT.
:— Une chose fort simple ! Déshabillez-vous !
loupy.
:— Hein ?
Robert.
:— Oui, passez-moi votre cotte et votre bourgeron.
loupy.
:— Je veux bien. (A part.) Cent balles !... (Il enlève sa ont, ,i ¦ bourgeron, il a en dessous un autre pantalon et un gilet.) Ben, on peut dite hii vous avez des idées pas ordinaires.
ROBERT.
:— Maintenant, Loupy, vous allez devenir prince.
LOUPY.
:— Prince, rien que ça !
ROBERT.
:— Ça ne vous fait pas plaisir ?
loupy.
:— C’est pas dans mes opinions ; ma conscience, elle < socialo ; moi ! j’suis pour le peuple... Le peuple, c’est le travail I. travail, c’est la liberté... Le jour où y aura plus de capital, on n’en lottu plus une pastille.
ROBERT, lui redonnant cent francs.
:— Voilà pour endormit Vllli conscience de socialiste.
loupy, empochant.
:— Vous savez parler au peuple, vous ! Que Uni que je fasse pour deux cents balles ?
ROBERT.
:— D’abord, changer de vêtements ; les vôtres sont il'llH coupe qui laisse beaucoup à désirer.
loupy.
:— Dame, tout le monde n’a pas les moyens de se faire lm|n< 1er chez Potel et Chabot.
Robert.
:— Écoutez, il y a au coin de cette rue un fripier qui lai! t location d’habits.
LOUPY.
:— Le père Abraham, je le connais ; je lui ai bouché une fiill il n’y a pas huit jours.
ROBERT.
:— Eh bien ! Allez chez le père Abraham, choisissez iliiu» * boutique un complet redingote, des gants, un huit-reflets...
LOUPY.
:— Vous tenez absolument aux huit reflets ?
ROBERT.
:— Il n’y en aurait que sept à la rigueur... ah ! faites iijutilu sur la redingote une brochette de décorations... ça meuble... uni' fur cette transformation accomplie, revenez ici immédiatement et, quitml I» bonne vous introduira, vous direz ces simples mots: Je suis le ni lin i d’inertie.
IIIIJPY, répétant avec emphase et en faisant de grands gestes.
:— Je Suis le r.iRce d’inertie...
ROBERT.
:— Pas de grands gestes ; mettez-vous bien dans la peau de ne personnage... un peu plus d’inertie.
II niPY, répétant avec simplicité.
:— Je suis le prince d Inertie, in ibert.
:— Vous y êtes.
mUPY.
:— Et après ?
III IBERT.
:— Après ? Eh bien ! vous répondrez de votre mieux aux i n slions qu’on vous adressera... Je serai du reste là pour vous guider... i> prince doit être ici à quatre heures ?... Quelle heure avez-vous ?
i, ,upY.
:— Quelle heure ? Attendez, je vais vous le dire. (Il va au télé-ffcittij. Allô !... Allô !... 609 Temple.
III IBERT, s’asseyant sans y prendre garde sur le chapeau que Loupy a déposé sur la *,««•, à son entrée.
:— A qui téléphonez-VOUS ?
I, )UPY.
:— Au directeur du mont-de-piété pour lui demander quelle ,, nie il est à ma montre... V’ià trois mois que je l’ai mise au clou.
ROBERT.
:— Quel imbécile ! Raccrochez et filez chez le père Abra-h <m. Mina va sortir du bain.
mupY.
:— Je calte... Eh bien, vrai, vous êtes tout de même un liniiette zigue !
Fausse sortie, il revient vers Robert, semblant chercher quelque chose.
11 iupy.
:— Pardon, qu’est-ce que vous « direriez » à un homme qui # i .soirait sur votre chapeau ?
ROBERT.
:— Je le traiterais d’idiot !
I iiiupy.
:— Merci! voulez-vous me rendre mon galure ; vous êtes •unis dessus.
F ROBERT, je levant.
:— Oh ! pardon ! t 11 IUPY, prenant son chapeau.
:— A bientôt patron.
Il sort.
!!!Scène VII ROBERT, seul, mettant la cotte et le bourgeron.
[
ROBERT.
:— Si, après ça, Mina n’est pas dégoûtée des princes... Mais, tomme je tiens à jouir de ma vengeance, il s’agit de rester dans la place mis être reconnu. (S’asseyant devant la toilette de
MINA.) Un peu de maquil-i i|T, (Avec du rouge il se fait une trogne enluminée.) Une fausse barbe pour achever la transformation... Ah ! voici mon affaire... Je vais enqiimn du crépé aux chichis de
MINA.
Il s’arrange une fausse moustache, puis prend dans ta sacoche de Loupy une vieille casquette dont il se coiffe et un foulard qu ’il noue autour de son cou, achevant de se rendre méconnaissable.
!!!Scène VIII MINA, ROBERT
MINA, entrant en élégant déshabillé et apercevant
ROBERT.
:— Qu’est-ce qui' Vin, faites là, vous ?
ROBERT, près de la prise de courant ; imitant la voix et les allures de Loupy, •• |t viens pour le court-circuit.
MINA.
:— C’est bien, dépêchez-vous ! Vous n’allez pas couchci 10
ROBERT, à part.
:— Une fois de plus, une fois de moins.
mina.
:— Vous dites ?
ROBERT.
:— Rien... je cherche... où c’est-y qu’il est votre coml o* cuit ?
mina.
:— Est-ce que je sais, moi ! c’est à vous de le trouver.
ROBERT.
:— Je vois qu’est-ce que c’est : c’est les plombs qu’a smiM (S’embrouillant dans des explications.) Si le courant n’est plus sur le pott'Ulh' ça fait chahuter la gutta... alors... alors macache !
MINA.
:— Enfin, faites ce qu’il faut... c’est long, cette réparation 7
ROBERT.
:— Tantôt plus, tantôt moins ; ça dépend comment qu'm se presse.
mina, elle sonne.
:— Tâchez de vous presser... j’attends du monde. Il * donnant une pièce de monnaie.) Tenez : voici votre pourboire.
Robert.
:— Quarante sous. (Empochant.) C’est la première fois qu» reçois de l’argent d’une femme.
!!!Scène IX ROBERT, MINA, FÉLICIE, puis LOUPY
FÉLICIE.
:— Madame a sonné ?
mina.
:— Dès que le prince se présentera, vous le ferez entrer.
FÉLICIE.
:— Bien Madame.
mina.
:— Dites-moi, Félicie, vous qui êtes calée, où qu’ça pcri4i< l’Inertie ?
félicie.
:— Un peu partout ; mais pour plus de précision, il n’y n qn tmlllcter le Larousse. (Elle prend un petit Larousse sur le guéridon et lit.) Inertie, k>|lU' principauté d’Amérique septentrionale située entre le 26e et le 1 degré de longitude et le 38e et le 56e de latitude ; la branche ¦i (liante comporte plusieurs arbres généalogiques dont le prince actuel a le dernier rameau.
mina.
:— Le dernier rameau. (On sonne.) C’est lui ! Vite, Félicie, allez Ijvrir.
Elle jette un dernier regard à sa toilette, pendant que Robert observe attentivement l’entrée du prince.
ITLICIE, ouvrant la porte du fond et annonçant.
:— Son Altesse !
Elle reste au fond. Loupy entrant grotesquement vêtu d’une redingote mal ajustée, la poitrine constellée de décorations. Félicie et Mina s’inclinent respectueusement devant lui. Robert se tord.
Ioupy.
:— Je suis le prince de... le prince d’I... (A part.) Sacré bon bien, je ne sais plus le prince de quoi que je suis (Haut.) Enfin, voilà : i .1 moi le prince.
mina.
:— Je vous attendais, Altesse.
11 >UPY.
:— Alors, si vous m’attendiez, c’est pas la peine de vous dire . prince de quoi que je suis.
MINA.
:— Vous êtes le bienvenu, Altesse.
ROBERT, à part.
:— Gredine, va !
i oupy, apercevant
ROBERT.
:— Qu’est-ce que c’est que cet outil-là ?
MINA.
:— C’est l’électricien qui répare un court-circuit. Félicie ! offrez lune une bergère à son Altesse. i oupy, à part. ¦— On va m’offrir une bergère à Son Altesse.
Félicie avance la bergère.
MINA.
:— Vous attendez quelque chose, Altesse ?
I.oupy.
:— La bergère.
mina.
:— Elle vous tend les bras.
Loupy cherche un moment la bergère, qui lui tend les bras, puis finit par s'asseoir, sans comprendre.
j
MINA.
:— Maintenant, prince, si vous le permettez, nous allons lun-i lier.
I ( >UPY, qui ne comprend pas.
:— On va luncher ?
MINA.
:— Vous n’y voyez pas d’inconvénient ?
[ i.oupY.
:— Pas du tout, au contraire, f
MINA.
:— Félicie, servez le lunch de Son Altesse.
Avant de sortir, Félicie s’incline respectueusement devant Loupy, celui-ci se lève et lui rend sa politesse.
MINA.
:— Une fleur de harem, prince ?
loupy.
:— Avec plaisir.
mina.
:— Je vais moi-même vous en chercher.
Elle entre un instant dans la chambre à coucher.
LOUPY, à part.
:— Une fleur de harem ! Elle va m’offrir une moulu i (S’avançant vers Robert.) Dis donc, toi, la coterie, de quel atelier que IV*
ROBERT.
:— J’allais vous le demander.
LOUPY, le reconnaissant.
:— lx bourgeois de tout à l’heure... c’est ce que vous êtes bien camouflé.
MINA, revenant et présentant à Loupy une boite de cigarettes.
:— Voici des lltMH de harem.
LOUPY, désillusionné, s’attendant à autre chose. -— Ah ! ce n’est que ça I
mina, lui tendant une allumette.
:— Vous permettez que je VOUS nllllliii Altesse.
loupy.
:— Mais comment donc !
ROBERT, à part.
:— Je vais t’en fiche des Altesses.
mina.
:— Qu’est-ce que vous marmonnez encore, l’électricien 7
ROBERT.
:— Moi rien. (Regardant dans la cheminée.) Je chercIlM I» colonne montante.
LOUPY, outré de tant d’inexpérience.
:— Il est piqué, il cherche la collUMti montante dans la cheminée... c’est dans l’escalier qu’a s’trouve.
MINA.
:— Vous entendez, dans l’escalier ; laissez-nous, l’élcctih l»i> allez terminer votre travail sur le palier. Eh bien ! quand vous voildlW
ROBERT.
:— Voilà ! Voilà ! (A part). Je sors, mais j’ouvre l’œil.
Il sort par le fond.
!!!Scène X MINA, LOUPY, FÉLICIE
loupy.
:— Il a tout du ballot ce frère-là !
MINA.
:— Ces ouvriers n’ont aucun tact.
loupy.
:— Ne m’en parlez pas, ma chère.
félicie, servant sur un plateau.
:— Le lunch de Son Altesse.
LOUPY, s’asseyant à gauche du guéridon.
:— Ah ! ça n’est que ça !
MINA.
:— Un doigt de porto, Altesse ?
loupy.
:— Plusieurs doigts.
Félicie verse, Mina prend un veire sur le plateau et le passe à Loupy.
mina.
:— Laissez-nous, Félicie, je vous sonnerai quand j’aurai besoin I Vous.
111 ICTE.
:— Bien Madame. (S'inclinant devant Loupy.) Altesse.
I.oupy se lève et lui rend sa politesse, comme précédemment. Félicie sort.
!!!Scène XI MINA, LOUPY, puis ROBERT
MINA.
:— Comment trouvez-vous ce porto, Altesse ? iiiijpy.
:— Excellent ! (Faisant une grimace.) On dirait de la teinture Mildc.
MINA.
:— Une autre cigarette ?
ioupy.
:— Merci, ça sent la paille, je préfère du caporal.
Il soit une blague à tabac crasseuse et se met à rouler une cigarette.
mina.
:— Ces habitudes démocratiques vous honorent... ioupy.
:— Moi, je suis pour le peuple, parce que le peuple c’est le hviiil, le travail c’est la liberté ; le jour où n’y aura plus de capital, on < i ii loutra plus une pastille. mina, sous le charme.
:— Comme il s’exprime bien.
I IOUPY, frottant une allumette sur son pantalon.
:— Vous permettez que je ¦ *us allume à mon tour.
MINA, se mettant sur les genoux de Loupy et prenant du feu.
:— Allumez, illcsse ! Allumez ! Je ne demande que ça !
1 ( iupy.
:— Y a du bon !
ROBERT, revenant avec une petite échelle double.
:— Ne VOUS dérangez pas fila moi.
MINA, assise sur le genou gauche de Loupy et se retournant vers Robert, sans se lever. I l àicore vous, l’électricien.
m ibert.
:— Faut-y que je répare le court-circuit, ou faut-y pas que je if jépare ?
mina.
:— Réparez mais dépêchez-vous ! vous voyez bien que nous •'itiincs occupés.
ROBERT, montant à l’échelle.
:— Je le vois ! je le vois !
Il airange ou plutôt dérange les fils.
mina, se levant.
:— Je vous demande pardon, Altesse, ce travail est | wlispcnsable ; sans quoi nous serions tout à l’heure sans lumière.
I IOUPY, à part.
:— Si elle croit que c’est lui qui va nous en donner.
MINA.
:— Altesse, je suis à la fois heureuse et fière que vous ayez
mina.
:— Comment me trouvez-vous, Altesse ?
LOUPY.
:— Comment je vous trouve ? pour une môme bien ImU vous êtes une môme bien balancée.
mina.
:— Je vous plais, prince ?
loupy.
:— Je crois bien que vous me plaisez. Vos yeux, viiln votre bouche, vos oreilles... et puis... et puis tout enfin.
mina.
:— Eh bien, Altesse, tout cela vous appartient.
LOUPY, incrédule.
:— Non ?
MINA.
:— Si.
Elle s’enfuit deuxième plan gauche, comme honteuse d’avoir trop put h1
loupy.
:— Y a encore un court-circuit de ce côté. (Sortant dent,'tr ki Ah ! nom de Dieu !
!!!Scène XIII ROBERT, FÉLICIE
ROBERT, entrant par la fenêtre.
:— Voilà l’avantage des rez-de-diinn» quand la porte est bouclee, on entre par la fenetre. (S’avançant, L»j p = levés, comme pour enfoncer la porte deuxième plan à gauche.) Ah ! miserai lie*
FÉLICIE, paraissant à la porte du fond une lettre à la main.
:— Après liât avez-vous ?
ROBERT.
:— Après personne ! je cherche le court-circuit.
félicie.
:— Vous y mettez le temps.
ROBERT, furieux.
:— Le temps qu’il me plaît.
FÉLICIE.
:— Ne parlez donc pas si fort ; il y a un prince dans l’nitiM. ment.
Robert.
:— Je m’en fous !
félicie.
:— Oh ! vous n’êtes pas poli !
Robert.
:— Tenez ! Je préfère m’en aller... parce que... je ne nhU i ce que je ferais !
Il sort furieux par le fond.
Félicie.
:— Quel drôle d’électricien !
!!!Scène XIV MINA, FÉLICIE, puis LOUPY
MINA, au seuil de sa chambre.
:— Que se passe-t-il donc, Félicie ?
félicie.
:— Madame, c’est l’électricien.
mina.
:— Encore ! fichez-le donc à la porte une bonne fois, il icie.
:— Une lettre pour Madame. ifINA.
:— Donnez !
Félicie donne la lettre et sort ; Mina cherche sur la table un ouvre-enveloppe, pendant ce temps Loupy fait son entrée, vêtu du pyjama de Robert.
IPUPY.
:— Pour une poule de luxe, c’est une poule de luxe... et du Le et des chichis parfumés que c’était comme un bouquet de fleurs...
MINA, tout en ouvrant la lettre.
:— Tiens, vous vous êtes levé, prince ? ¦DUPY.
:— Je vous attendais, princesse.
MINA.
:— Une lettre aux armes de Votre Altesse. C’est de votre secré-•nr intime. (Lisant.) Madame, vous êtes une petite dinde... (Parlé.) Il ii M pas poli votre secrétaire ; je vous conseille de lui laver la tête en nilrant.
I0UPY, à part.
:— Elle me prend pour le coiffeur. mina, lisant.
:— « Vous êtes une petite dinde et votre oncle le cha-»'iiic, un grossier personnage. » (Parlé.) Mon oncle le chanoine ?... Je N |amais eu d’oncle chanoine... Comment expliquez-vous ça, prince ?
[ ioupy, embarrassé.
:— Vous savez... Il y a des choses qu’il vaut mieux ¦ pas expliquer.
mina, lisant.
:— « Cet ecclésiastique ne s’est-il pas permis de dire par •li phone que si Son Altesse se présentait chez vous, il la flanquerait L lias de l’escalier avec sa botte dans le derrière. » (Parlé.) Il a dit ça • dianoine ?
Ioupy.
:— Faut croire. (Apart.) Va y avoir du grabuge !
[ MINA, achevant sa lecture.
:— « Après de pareils propos, jamais Son tllcsse ne mettra les pieds chez vous. » (Parlé.) Vous n’êtes donc pas k prince ?
Ioupy.
:— Euh ! je vais vous dire : je suis le prince sans l’être. mina, impatientée.
:— Voyons, expliquez-vous.
ioupy.
:— Eh bien ! voilà : on m’a dit qu’il fallait que je sois le prince ; ¦ms vous savez, au fond, j’ai pas la vocation... J’suis « socialisse ».
MINA.
:— Enfin, qui êtes-vous ?
I Ioupy.
:— L’électricien.
mina.
:— Encore l’électricien ? Et moi qui...
I ioupy.
:— Permettez ! je ne vous ai rien demandé, c’est vous qui ;*',ivez offert.
mina.
:— Et dire que j’ai embrassé ce paquet.
IOUPY.
:— Paquet ! Tout à l’heure tu m’appelais coco chéri ! Comme ' . lemmes changent vite d’opinions !
mina.
:— En voilà assez ; caltez ! mon ami pourrait revenir, |o u ut, envie de me compromettre davantage.
LOUPY, ramassant ses outils.
:— C’est bon, on se la brise.
!!!Scène XV LES MÊMES, ROBERT
Robert entrant du fond ; il a quitté la cotte et le bourgeron.
MINA.
:— Robert ! Comment, mon chéri, tu étais là et tu ne le ilt pas.
Robert.
:— Je craignais de vous déranger, Madame.
MINA.
:— Pas du tout, mon coco ! loupy, à part.
:— Son coco ! Elle en a un culot !
MINA.
:— J’étais avec l’électricien qui venait réparer le court t lu ta ROBERT, regardant
loupy.
:— Avec mon pyjama ; assez de couil i ln et assez de mensonges. Je connais maintenant vos véritables scMlliiifw à mon égard; il est un proverbe qui dit, Madame, qu’il ne Imit courir deux lièvres à la fois, vous n’êtes qu’une petite grue, j’ai l'Iiiuiin de vous saluer.
Il gagne la porte du fond.
LOUPY.
:— Bien envoyé !
Robert, à
loupy.
:— Vous ! vous avez outrepassé nos convciillm vous êtes le dernier des cochons !
Il sort.
LOUPY.
:— Ah ! permettez ! le dernier... il y en aura d’autres m|<> moi ! (A
MINA.) Dites donc, vos deux lièvres... c’est deux lapins.
MINA.
:— Ah ! vous ! Débarrassez-moi le plancher.
LOUPY.
:— Sans rancune. (A la porte, se retournant.) Quand vous nnu>f 11 court-circuit, pensez à moi.
Il sort.
mina, à la porte du fond.
:— Ah ! les chameaux ! les chameaux ! I I
RIDEAU
I ,li LABORATOIRE DES HALLUCINATIONS
André de Lorde1
Notice
I h urne en trois actes représenté pour la première fois sur la scène du Ihiiut Guignol le 11 avril 1916,
i o docteur Gorlitz pratique des expériences sur le cerveau pour étudier |k phénomène de la douleur. Il est persuadé que sa femme le trompe. Alors, k uniment où le corps inanimé de l’amant supposé lui arrive à la suite d’un »¦ lilrnt de voiture, il sauve la vie de son rival, tout en le dépossédant de *< i opacités intellectuelles.
t’c t le pièce est l’un des grands succès du Grand-Guignol. Elle croise plu-? iir, l Mêmes chers au genre : le savant fou, la jalousie, l’expérimentation.
I c mot « hallucination », qui circulait dans les milieux médicaux à la fin u\r siècle surtout, avait plusieurs acceptions, dont celle de Pierre Janet : l'inner une hallucination », c'est-à-dire suggérer2, C’est ce qu’a l’air de
h'iiluir faire le comédien Paulais, le plus célèbre de l'impasse Chaptal, à Mo des nombreuses reprises de la pièce : Paulais ne semble « à l’aise qu’à ¦Mimt du supplice et il n’a que le tort de sembler le préparer sur-le-champ Kl des regards déjà hallucinés et des gestes contorsionnés à l’avance. On ml que L. Paulais bout de nous faire frémir3 ».
II n 'est pas inutile de s’arrêter sur ce mot, puisqu’il appartient à la « philo-"|diie » du Grand-Guignol. Sans entrer dans des considérations trop savan-¦> il convient de placer ici la célèbre affirmation de Taine : « La perception |M une hallucination vraie », rendant indécises les frontières entre le perçu ¦ le rêvé. Or l’hallucination est le mode sur lequel le Grand-Guignol sou-Milc entretenir le rapport entre la scène et la salle : « Le Grand-Guignol » appelle à une adhésion sans distance, sur la base de la propre part de ¦le, ou d’enfance effrayée, du spectateur ; il suscite répulsion ou identifi-
I © Héritiers André de Lorde.
î. Se reporter à L'Automatisme mental, 1889.
i Edmond Sée, Bonsoir, 24 avril 1921.
MINA.
:— En voilà assez ; caltez ! mon ami pourrait revenir, je ii'iiI i envie de me compromettre davantage.
LOUPY, ramassant ses outils.
:— C’est bon, on se la brise.
!!!Scène XV LES MÊMES, ROBERT
Robert entrant du fond ; il a quitté la cotte et le bourgeron.
MINA.
:— Robert ! Comment, mon chéri, tu étais là et tu ne je ilh» pas.
ROBERT.
:— Je craignais de vous déranger, Madame.
mina.
:— Pas du tout, mon coco !
LOUPY, à part.
:— Son coco ! Elle en a un culot !
mina.
:— J’étais avec l’électricien qui venait réparer le court-t in un
ROBERT, regardant
loupy.
:— Avec mon pyjama ; assez de courUlu » et assez de mensonges. Je connais maintenant vos véritables sent à mon égard ; il est un proverbe qui dit, Madame, qu’il ne faul |w courir deux lièvres à la fois, vous n’êtes qu’une petite grue, j’ai l’hoiilU de vous saluer.
Il gagne la porte du fond.
LOUPY.
:— Bien envoyé !
ROBERT, à
loupy.
:— Vous ! vous avez outrepassé nos convcnllnu vous êtes le dernier des cochons !
Il sort.
LOUPY.
:— Ah ! permettez ! le dernier... il y en aura d’autres ii|m> moi ! (A
MINA.) Dites donc, vos deux lièvres... c’est deux lapins.
mina.
:— Ah ! vous ! Débarrassez-moi le plancher.
LOUPY.
:— Sans rancune. (A la porte, se retournant.) Quand vous autel in court-circuit, pensez à moi.
Il sort.
mina, à la porte du fond.
:— Ah ! les chameaux ! les chameaux ! ! I
RIDEAU
!LE FRUIT DU HASARD
//Jean-!claude Grumberg//
;MONSIEUR
:Moi je crois pas...
://(Madame ne dit rien.)//
:Que tout soit le fruit du hasard.
://(Madame ne dit rien.)//
:Oh, je te cause là !
;MADAME
: Pardon ?
;MONSIEUR
:Tu dors ?
;MADAME
: Pas du tout.
;MONSIEUR
:Je te cause et toi tu dors !
;MADAME
: J’étais dans mes pensées.
;MONSIEUR
:Où tu dis ?
;MADAME
: Dans mes pensées.
;MONSIEUR
:Tu pensais à quoi ?
;MADAME
: Des choses, justement.
;MONSIEUR
:Quel genre ?
;MADAME
: Tu m’embêtes à la fin.
;MONSIEUR
:Des choses honteuses ?
;MADAME
: Je suis pas comme ça ! Qu’est-ce que tu crois
;MONSIEUR
:Justement je crois pas.
;MADAME
: Ça je suis au courant, merci.
;MONSIEUR
:Je crois pas que t’étais dans tes pensées.
;MONSIEUR
:Dans les bras de Morphée.
;MADAME
: Je te dis que je ne suis pas comme ça !
;MONSIEUR
:Laisse tomber.
;MADAME
: Ça suffit à la fin !
;MONSIEUR
:Je disais donc...
;MADAME
: J’ai mal aux pieds si tu veux savoir.
;MONSIEUR
:Comme c’est intéressant !
;MADAME
: N’est-ce pas ?
;MONSIEUR
:Donc, je disais...
;MADAME
: Et quand j’ai mal aux pieds, je pense à mes pieds.
;MONSIEUR
:Et tu penses quoi de tes pieds ?
;MADAME
: Ça dépend des moments.
;MONSIEUR
:Présentement ?
;MADAME
: Je me demande si je dois les tremper dans l’eau salée.
;MONSIEUR
: Salée?
;MADAME
: Avec du gros sel, oui.
;MONSIEUR
:Pour quoi faire ?
;MADAME
: Les délasser.
//Silence.//
;MONSIEUR
:Moi je crois pas.
;MADAME
: Que je doive me tremper les pieds ?
;MONSIEUR
:Que le gros sel délasse.
;MADAME
: Le gros sel sec, non, mais dissous, oui.
;MONSIEUR
:Y a que la foi qui sauve.
;MADAME
: Je te le fais pas dire.
;MONSIEUR
:Le jour où tu me feras dire quelque chose que je ne veux pas dire !
//Silence.//
;MADAME
: Tu disais quoi ?
;MONSIEUR
:A quel propos ?
;MADAME
: Est-ce que je sais moi ?
;MONSIEUR
:Tu me coupes avec tes pieds salés et après tu me demandes ce que je disais !
;MADAME
: Ça devait être vachement important.
;MONSIEUR
:Vachement, oui.
;MADAME
: Vas-y alors, je suis tout ouïe.
;MONSIEUR
:Ah voilà, je crois pas que tout ça soit le fruit du hasard.
;MADAME
: Tout ça quoi ?
;MONSIEUR
:Tout.
;MADAME
: Moi, je crois.
;MONSIEUR
:Tu crois ?
;MADAME
: Je crois que tout a été voulu, oui.
;MONSIEUR
:Prémédité ?
;MADAME
: Oui voilà, prémédité.
;MONSIEUR
:Tu penses comme moi.
;MADAME
: Pas du tout ! La preuve...
;MONSIEUR
:Quelle preuve ?
;MADAME
: Moi je crois et toi tu crois pas.
;MONSIEUR
:Je crois pas que tout soit le fruit du hasard, oui.
;MADAME
: Eh bien moi je crois que tout a été conçu.
;MONSIEUR
:T’es conne.
;MADAME
: C’est toi qu’es con.
;MONSIEUR
:Ecoute-moi quand je te cause !
;MADAME
: Pourquoi je t’écouterais, tu dis toujours la même chose.
;MONSIEUR
: Mais là je dis comme toi.
;MADAME
: Non, moi je dis je crois et toi tu dis je crois pas.
;MONSIEUR
: T’es trop conne à la fin.
;MADAME
: Je crois pas.
;MONSIEUR
:Ah nous y voilà...
;MADAME
: Je crois pas que je sois trop conne, je crois que c’est toi qu’es trop con pour reconnaître que c’est toi qu’es con.
;MONSIEUR
:Bon.
;MADAME
: Où tu vas?
;MONSIEUR
:Promener le chien.
;MADAME
: On n’a pas de chien.
;MONSIEUR
:Justement.
;MADAME
: Justement quoi ?
;MONSIEUR
:Il sort jamais.
;MADAME
: Qu’est-ce que tu me chantes ?
;MONSIEUR
:Ouah ! Ouah ! Tu vois, il veut sortir.
;MADAME
: Reviens à plus d’heure et tu passeras la nuit sur le paillasson avec ton chien !
;MONSIEUR
:Ouhouh ! Ouhouh ! J’ai mes clés.
;MADAME
: Je fermerai au verrou de l’intérieur.
;MONSIEUR
:Ouaouh ! Ouaouh ! Tu vois, il est content de sortir faire ses petits besoins.
//Elle ouvre le son de la télé, un rugissement se fait entendre.
La porte claque.
Commentaires sur le roi des animaux.//
!!!!!~Jean-Claude Grumberg - Moi je crois pas
{{center{
[img(50%,)[Dessin de Carlège|https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/1/12/Carl%C3%A8gle_-_Les_Linottes_page_0215.jpg]]
!LE GORA
!!!!//Georges Courteline//
}}}{{small{
*Gustave, dit Trognon
*Bobéchotte.
}}}
;BOBÉCHOTTE
:Trognon, je vais bien t’épater. Oui, je vais t’en boucher une surface. Sais-tu qui est-ce qui m’a fait un cadeau ? La concierge.
;GUSTAVE
:Peste ! tu as de belles relations ! Tu ne m’avais jamais dit ça !
;BOBÉCHOTTE
:Ne chine pas la concierge, Trognon ; c’est une femme tout ce qu’il y a de bath ; à preuve qu’elle m’a donné… – devine quoi ? – un gora !
;GUSTAVE
:La concierge t’a donné un gora ?
;BOBÉCHOTTE
:Oui, mon vieux.
;GUSTAVE
:Et qu’est-ce que c’est que ça, un gora ?
;BOBÉCHOTTE
:Tu ne sais pas ce que c’est qu’un gora ?
;GUSTAVE
:Ma foi, non.
;BOBÉCHOTTE,
://égayée//.
:Mon pauvre Trognon, je te savais un peu poire, mais à ce point-là, je n’aurais pas cru. Alors, non, tu ne sais pas qu’un gora, c’est un chat ?
;GUSTAVE
:Ah !… Un angora, tu veux dire.
;BOBÉCHOTTE
:Comment ?
;GUSTAVE
:Tu dis : un gora.
;BOBÉCHOTTE
:Naturellement, je dis : un gora.
;GUSTAVE
:Eh bien, on ne dit pas : un gora.
;BOBÉCHOTTE
:On ne dit pas : un gora ?
;GUSTAVE
:Non.
;BOBÉCHOTTE
:Qu’est-ce qu’on dit, alors ?
;GUSTAVE
:On dit : un angora.
;BOBÉCHOTTE
:Depuis quand ?
;GUSTAVE
:Depuis toujours.
;BOBÉCHOTTE
:Tu crois ?
;GUSTAVE
:J’en suis même certain.
;BOBÉCHOTTE
:J’avoue que tu m’étonnes un peu. La concierge dit : un gora, et si elle dit : un gora, c’est qu’on doit dire : un gora. Tu n’as pas besoin de rigoler ; je la connais mieux que toi, peut-être, et c’est encore pas toi, avec tes airs malins, qui lui feras le poil pour l’instruction.
;GUSTAVE
:Elle est si instruite que ça ?
;BOBÉCHOTTE,
://avec une grande simplicité.//
:Tout ce qui se passe dans la maison, c’est par elle que je l’ai appris.
;GUSTAVE
:C’est une raison, je le reconnais, mais ça ne change rien à l’affaire, et pour ce qui est de dire : un angora, sois sûre qu’on dit : un angora.
;BOBÉCHOTTE
:Je dirai ce que tu voudras, Trognon ; ça m’est bien égal, après tout, et si nous n’avons jamais d’autre motif de discussion…
;GUSTAVE
:C’est évident.
;BOBÉCHOTTE
:N’est-ce pas ?
;GUSTAVE
:Sans doute.
;BOBÉCHOTTE
:Le tout, c’est qu’il soit joli, hein ?
;GUSTAVE
:Qui ?
;BOBÉCHOTTE
:Le petit nangora que m’a donné la concierge, et, à cet égard-là, il n’y a pas mieux. Un vrai amour de petit nangora, figure-toi ; pas plus gros que mon poing, avec des souliers blancs, des yeux comme des cerises à l’eau-de-vie, et un bout de queue pointu, pointu, comme l’éteignoir de ma grand’mère… Mon Dieu, quel beau petit nangora !
;GUSTAVE
:Je vois, au portrait que tu m’en traces, qu’il doit être, en effet, très bien. Une simple observation, mon loup ; on ne dit pas : un petit nangora.
;BOBÉCHOTTE
:Tiens ? Pourquoi donc ?
;GUSTAVE
:Parce que c’est du français de cuisine.
;BOBÉCHOTTE
:Eh ben, elle est bonne, celle-là ! je dis comme tu m’as dit de dire.
;GUSTAVE
:Oh ! mais pas du tout ; je proteste. Je t’ai dit de dire : un angora, mais pas : un petit nangora.
://(Muet étonnement de Bobéchotte)//
:C’est que, dans le premier cas, l’a du mot angora est précédé de la lett re n, tandis que c’est la lettre t qui précède, avec le mot petit ?
;BOBÉCHOTTE
:Ah ?
;GUSTAVE
:Oui.
;BOBÉCHOTTE,
://haussant les épaules.//
:En voilà des histoires ! Qu’est-ce que je dois dire, avec tout ça ?
;GUSTAVE
:Tu dois dire : un petit angora.
;BOBÉCHOTTE
:C’est bien sûr, au moins ?
;GUSTAVE
:N’en doute pas.
;BOBÉCHOTTE
:Il n’y a pas d’erreur ?
;GUSTAVE
:Sois tranquille.
;BOBÉCHOTTE
:Je tiens à être fixée, tu comprends.
;GUSTAVE
:Tu l’es comme avec une vis.
;BOBÉCHOTTE
:N’en parlons plus. Maintenant, je voudrais ton avis. J’ai envie de l’appeler Zigoto.
;GUSTAVE
:Excellente idée !
;BOBÉCHOTTE
:Il me semble.
;GUSTAVE
:Je trouve ça épatant !
;BOBÉCHOTTE
:N’est-ce pas ?
;GUSTAVE
:C’est simple.
;BOBÉCHOTTE
:Gai.
;GUSTAVE
:Sans prétention.
;BOBÉCHOTTE
:C’est facile à se rappeler.
;GUSTAVE
:Ça fait rire le monde.
;BOBÉCHOTTE
:Et ça dit bien ce que ça veut dire. Oui, je crois que pour un tangora, le nom n’est pas mal trouvé.
://(Elle rit).//
;GUSTAVE
:Pour un quoi ?
;BOBÉCHOTTE
:Pour un tangora.
;GUSTAVE
:Ce n’est pas pour te dire des choses désagréables, mais ma pauvre cocotte en sucre, j’ai de la peine à me faire comprendre. Fais donc attention, sapristoche ! On ne dit pas : un tangora.
;BOBÉCHOTTE
:Ça va durer longtemps, cette plaisanterie-là ?
;GUSTAVE,
://interloqué//.
:Permets…
;BOBÉCHOTTE
:Je n’aime pas beaucoup qu’on s’offre ma physionomie, et si tu es venu dans le but de te payer mon 24-30, il vaudrait mieux le dire tout de suite.
;GUSTAVE
:Tu t’emballes ! tu as bien tort ! Je dis : « On dit un angora, un petit angora ou un gros angora » ; il n’y a pas de quoi fouetter un chien, et tu ne vas pas te fâcher pour une question de liaison.
;BOBÉCHOTTE
:Liaison !… Une liaison comme la nôtre vaut mieux que bien des ménages, d’abord ; et puis, si ça ne te suffit pas, épouse-moi ; est-ce que je t’en empêche ? Malappris ! Grossier personnage !
;GUSTAVE
:Moi ?
;BOBÉCHOTTE
:D’ailleurs, tout ça, c’est de ma faute et je n’ai que ce que je mérite. Si, au lieu de me conduire gentiment avec toi, je m’étais payé ton 24-30 comme les neuf dixièmes des grenouilles que tu as gratifiées de tes faveurs, tu te garderais bien de te payer le mien aujourd’hui. C’est toujours le même raisonnement : « Je ne te crains pas ! Je t’enquiquine ! » Quelle dégoûtation, bon Dieu ! Heureusement, il est encore temps.
;GUSTAVE,
://inquiet//.
:Hein ? Comment ? Qu’est-ce que tu dis ? Il est encore temps !… Temps de quoi ?
;BOBÉCHOTTE
:Je me comprends ; c’est le principal. Vois-tu, c’est toujours imprud ent de jouer au plus fin avec une femme. De plus malins que toi y ont trouvé leur maître. Parfaitement ! À bon entendeur… Je t’en flanquerai, moi, du zangora !
!LE GRAND COMBAT
{{center{
!!!!!//Henri Michaux //
^^//[[Ma lecture (2mn)|https://giga.gg/l/57702a60fbe5df5f8e8b45fc]]//^^
[img[http://lapoesiequejaime.net/michauxI.jpg]]
Il l'emparouille et l'endosque contre terre ;
Il le rague et le roupéte jusqu'à son drâle ;
Il le pratéle et le libucque et lui baroufle les ouillais ;
Il le tocarde et le marmine,
Le manage rape à ri et ripe à ra.
Enfin il l'écorcobalisse.
L'autre hésite, s'espudrine, se défaisse, se torse et se ruine.
C'en sera bientôt fini de lui ;
Il se reprise et s'emmargine... mais en vain
Le cerveau tombe qui a tant roulé.
Abrah ! Abrah ! Abrah !
Le pied a failli !
Le bras a cassé !
Le sang a coulé !
Fouille, fouille, fouille,
Dans la marmite de son ventre est un grand secret.
Mégères alentours qui pleurez dans vos mouchoirs;
On s'étonne, on s'étonne, on s'étonne
Et on vous regarde,
On cherche aussi, nous autres le Grand Secret.
« Papa, fais tousser la baleine », dit l'enfant confiant.
Le tibétain, sans répondre, sortit sa trompe à appeler l'orage
et nous fûmes copieusement mouillés sous de grands éclairs.
Si la feuille chantait, elle tromperait l'oiseau.
//(Qui je fus Gallimard, 1927)//
}}}
{{center{((Marie-Thérèse et Jacques jouent LE HOT-DOG au Château des Rentiers le 22 mars 2016(^
<<tiddler VideoAide>>)))
<html>
<iframe frameborder="0" scrolling="no" src="http://weezo.net/embedded.php?userName=ateliertheatre&type=publishVideo&v=V4.3.0&w=320&h=213&autoplay=0&videoDurationExt=253&uri=/video/dlToken.ienwhrijrh7wg3clihjk/file.63m_Rentiers_-_LE_HOT_DOG_Hannock_Levin_-_Marie-Th%E9r%E8se_Jacques.mp4" frameborder="0" scrolling="no" style="width:320px;height:213px;background:black"></iframe>
</html>
^^[[WEEZO|http://weezo.net/ateliertheatre]]^^
!LE HOT DOG
//Levin//
}}}
;LE CLIENT.-
:Un hot dog, s'il vous plaît.
:Si possible, avec une saucisse bien chaude.
:Et un petit pain moelleux.
:Ce que je voudrais, c'est qu'elle soit très grande, la saucisse.
:Et j'aurais été ravi que le pain le soit aussi.
:Et j'aurais aimé vous demander que ça ne me coûte pas trop cher.
: Pas cher du tout.
: A dire vrai, ça m'aurait fait très plaisir que vous me fassiez cadeau de cette saucisse.
: Et, si on revenait un instant en arrière, ce que je voudrais, c'est qu'elle soit interminable, énorme, la saucisse, et que vous m'en fassiez cadeau.
: Et aussi que vous m'obligiez à la manger, comme une mère qui s'occupe bien de son enfant.
: Ce que je voudrais, c'est que vous soyez ma mère, mais seulement en ce qui concerne la saucisse, pour le reste, que vous soyez une femme totalement inconnue, mais extrêmement gentille.
: Et je voudrais que vous ayez une quarantaine d'années en moins et que vous soyez très belle.
: Et nue.
: Seulement le bas.
: Et qu'après m'avoir fait cadeau de la saucisse interminable vous couchiez avec moi sur un canapé moelleux, qui serait là, juste derrière le comptoir.
: Bref, ce que je voudrais, c'est que vous soyez ma mère pour la saucisse, une putain amateur pour la baise, et après la baise, que vous deveniez Caroline de Monaco pour vivre un amour torride, m'emmener en voyage à Monaco et m'épouser.
: Reste un problème : que faire de l'énorme saucisse ? Si elle est énorme, la saucisse, elle finira par emplir tout l'univers et il n'y aura plus de place pour Monaco.
: Ce que je voudrais, c'est qu'il vous pousse une barbe, que vous vous transformiez en Messie, que vous résolviez le problème de la saucisse, et que vous redeveniez Caroline de Monaco.
: Comme vous voyez, je place en vous de grands, d'immenses espoirs.
: Tant que vous ne me tendez pas le hot dog, tout est permis, tout est encore possible.
//(la vendeuse lui tend le hot dog. Un temps)//
:Merci.
: Dommage.
^^//(Le Gigolo du Congo, 1989)//^^
<<back>>
{{center{((Josiane et Michèle jouent LE JEU DE L'AMOUR ET DU HASARD - 22/3/16(^
<<tiddler VideoAide>>)))
<html><iframe frameborder="0" scrolling="no" src="http://weezo.net/embedded.php?userName=ateliertheatre&type=publishVideo&v=V4.3.0&w=320&h=180&autoplay=0&videoDurationExt=550&uri=/video/dlToken.ysqtvbi68ya5ov10vqfvy/file.63m_Rentiers-Marivaux_Mich%E8le-Josiane.mp4" frameborder="0" scrolling="no" style="width:320px;height:180px;background:black"></iframe></html>
^^[[WEEZO|http://weezo.net/ateliertheatre]]^^
!LE JEU DE L'AMOUR ET DU HASARD
//Pierre Marivaux//
Acte I scène 1
}}}
;Silvia.
:Mais, encore une fois, de quoi vous mêlez-vous ? Pourquoi répondre de mes sentiments ?
;Lisette.
:C’est que j’ai cru que, dans cette occasion-ci, vos sentiments ressembleraient à ceux de tout le monde. Monsieur votre père me demande si vous êtes bien aise qu’il vous marie, si vous en avez quelque joie : moi, je lui réponds que oui ; cela va tout de suite ; et il n’y a peut-être que vous de fille au monde, pour qui ce oui-là ne soit pas vrai ; le non n’est pas naturel.
;Silvia.
:Le non n’est pas naturel ! quelle sotte naïveté ! Le mariage aurait donc de grands charmes pour vous ?
;Lisette.
:Eh bien, c’est encore oui, par exemple.
;Silvia.
:Taisez-vous ; allez répondre vos impertinences ailleurs, et sachez que ce n’est pas à vous à juger de mon cœur par le vôtre.
;Lisette.
:Mon cœur est fait comme celui de tout le monde. De quoi le vôtre s’avise-t-il de n’être fait comme celui de personne ?
;Silvia.
:Je vous dis que, si elle osait, elle m’appellerait une originale.
;Lisette.
:Si j’étais votre égale, nous verrions.
;Silvia.
:Vous travaillez à me fâcher, Lisette.
;Lisette.
:Ce n’est pas mon dessein. Mais dans le fond, voyons, quel mal ai-je fait de dire à monsieur Orgon que vous étiez bien aise d’être mariée ?
;Silvia.
:Premièrement, c’est que tu n’as pas dit vrai ; je ne m’ennuie pas d’être fille.
;Lisette.
:Cela est encore tout neuf.
;Silvia.
:C’est qu’il n’est pas nécessaire que mon père croie me faire tant de plaisir en me mariant, parce que cela le fait agir avec une confiance qui ne servira peut-être de rien.
;Lisette.
:Quoi ! vous n’épouserez pas celui qu’il vous destine ?
;Silvia.
:Que sais-je ? peut-être ne me conviendra-t-il point, et cela m’inquiète.
;Lisette.
:On dit que votre futur est un des plus honnêtes du monde ; qu’il est bien fait, aimable, de bonne mine ; qu’on ne peut pas avoir plus d’esprit, qu’on ne saurait être d’un meilleur caractère ; que voulez-vous de plus ? Peut-on se figurer de mariage plus doux, d’union plus délicieuse ?
;Silvia.
:Délicieuse ! que tu es folle avec tes expressions !
;Lisette.
:Ma foi, madame, c’est qu’il est heureux qu’un amant de cette espèce-là veuille se marier dans les formes ; il n’y a presque point de fille, s’il lui faisait la cour, qui ne fût en danger de l’épouser sans cérémonie. Aimable, bien fait, voilà de quoi vivre pour l’amour ; sociable et spirituel, voilà pour l’entretien de la société. Pardi ! tout en sera bon, dans cet homme-là ; l’utile et l’agréable, tout s’y trouve.
;Silvia.
:Oui dans le portrait que tu en fais, et on dit qu’il y ressemble, mais c’est un on dit, et je pourrais bien n’être pas de ce sentiment-là, moi. Il est bel homme, dit-on, et c’est presque tant pis.
;Lisette.
:Tant pis ! tant pis ! mais voilà une pensée bien hétéroclite !
;Silvia.
:C’est une pensée de très bon sens. Volontiers un bel homme est fat ; je l’ai remarqué.
;Lisette.
:Oh ! il a tort d’être fat ; mais il a raison d’être beau.
;Silvia.
:On ajoute qu’il est bien fait ; passe !
;Lisette.
:Oui-da ; cela est pardonnable.
;Silvia.
:De beauté et de bonne mine je l’en dispense ; ce sont là des agréments superflus.
;Lisette.
:Vertuchoux ! si je me marie jamais, ce superflu-là sera mon nécessaire.
;Silvia.
:Tu ne sais ce que tu dis. Dans le mariage, on a plus souvent affaire à l’homme raisonnable qu’à l’aimable homme ; en un mot, je ne lui demande qu’un bon caractère, et cela est plus difficile à trouver qu’on ne pense. On loue beaucoup le sien ; mais qui est-ce qui a vécu avec lui ? Les hommes ne se contrefont-ils pas, surtout quand ils ont de l’esprit ? N’en ai-je pas vu moi, qui paraissaient avec leurs amis les meilleures gens du monde ? C’est la douceur, la raison, l’enjouement même, il n’y a pas jusqu’à leur physionomie qui ne soit garante de toutes les bonnes qualités qu’on leur trouve. « Monsieur un tel a l’air d’un galant homme, d’un homme bien raisonnable, disait-on tous les jours d’Ergaste. — Aussi l’est-il, répondait-on ; je l’ai répondu moi-même ; sa physionomie ne vous ment pas d’un mot. » Oui, fiez-vous-y à cette physionomie si douce, si prévenante, qui disparaît un quart d’heure après pour faire place à un visage sombre, brutal, farouche qui devient l’effroi de toute une maison ! Ergaste s’est marié ; sa femme, ses enfants, son domestique ne lui connaissent encore que ce visage-là, pendant qu’il promène partout ailleurs cette physionomie si aimable que nous lui voyons, et qui n’est qu’un masque qu’il prend au sortir de chez lui.
;Lisette.
:Quel fantasque avec ces deux visages !
;Silvia.
:N’est-on pas content de Léandre quand on le voit ? Eh bien, chez lui, c’est un homme qui ne dit mot, qui ne rit ni qui ne gronde ; c’est une âme glacée, solitaire, inaccessible. Sa femme ne la connaît point, n’a point de commerce avec elle ; elle n’est mariée qu’avec une figure qui sort d’un cabinet, qui vient à table et qui fait expirer de langueur, de froid et d’ennui tout ce qui l’environne. N’est-ce pas là un mari bien amusant ?
;Lisette.
:Je gèle au récit que vous m’en faites ; mais Tersandre, par exemple ?
;Silvia.
:Oui, Tersandre ! Il venait l’autre jour de s’emporter contre sa femme ; j’arrive, on m’annonce, je vois un homme qui vient à moi les bras ouverts, d’un air serein, dégagé ; vous auriez dit qu’il sortait de la conversation la plus badine ; sa bouche et ses yeux riaient encore. Le fourbe ! Voilà ce que c’est que les hommes. Qui est-ce qui croit que sa femme est à plaindre avec lui ? Je la trouvai tout abattue, le teint plombé, avec des yeux qui venaient de pleurer ; je la trouvai comme je serai peut-être ; voilà mon portrait à venir ; je vais du moins risquer d’en être une copie. Elle me fit pitié, Lisette ; si j’allais te faire pitié aussi ! Cela est terrible ! qu’en dis-tu ? Songe à ce que c’est qu’un mari.
;Lisette.
:Un mari, c’est un mari ; vous ne deviez pas finir par ce mot-là ; il me raccommode avec tout le reste.
[img(96%,)[https://cinematice.files.wordpress.com/2011/03/franoisboucher.jpg]]
!!!!!!//Texte établi par Émile Faguet, Nelson (pp. 351-376).//
!LE MAGICIEN
//LE MAGICIEN est occupé à ranger ses différents accessoires. Entre un homme très embarrassé.//
;LE MONSIEUR
:Excusez-moi. //(un temps)// Excusez-moi, monsieur //(un temps)// Pourriez-vous m'excuser un instant, monsieur.
;LE MAGICIEN
:Vous ne voyez pas que je suis occupé ?
;LE MONSIEUR
:Pardon, //(il sort. Entre à nouveau)// Excusez-moi. Je... //(un temps)// Excusez-moi de...
;LE MAGICIEN
:C'est à quel sujet?
;LE MONSIEUR
:Au sujet de... ma femme.
;LE MAGICIEN
:Pardon ?
;LE MONSIEUR
:Ma femme. Il y a dix minutes, vous avez eu l'amabilité de la scier.
;LE MAGICIEN
:Exact, //(il reprend son occupation. Voit que l'homme ne s'en va pas)// Monsieur attend quelque chose ?
;LE MONSIEUR
:Non, mais... ma femme.
;LE MAGICIEN
:Oui.
;LE MONSIEUR
:Vous l'avez coupée en deux.
;LE MAGICIEN
:Ça, vous l'avez déjà dit.
;LE MONSIEUR
:C'est que, elle est toujours coupée.
;LE MAGICIEN
:Oui. Où est le problème ?
;LE MONSIEUR
:Je voulais juste vous demander... Je ne prétends pas m'y connaître en magie, mais... Quand avez-vous l'intention de la recoller?
;LE MAGICIEN
:Pardon ?
;LE MONSIEUR
:Je veux dire quand recollez-vous les deux morceaux de ma femme ?
;LE MAGICIEN
:Je ne recolle rien du tout, monsieur, vous me prenez pour un menuisier ?
;LE MONSIEUR
:Pardon, pardon.
;LE MAGICIEN
:De rien.
;LE MONSIEUR
://(Il se tourne pour sortir. S'arrête)// Tout de même...
;LE MAGICIEN
:Quoi ?
;LE MONSIEUR
:Ma femme. Elle est coupée en deux et monsieur doit la recoller, pardon, la remettre comme elle était avant, //(un temps)// Vous vous rappelez, n'est-ce pas? Elle s'est portée volontaire il y a dix minutes pour que vous la coupiez en deux. Et vous, vous l'avez coupée en deux. Maintenant on attend de voir le tour.
;LE MAGICIEN
:Le tour?! Mais je ne fais pas de tours, moi, monsieur! Je fais de la magie !
;LE MONSIEUR
:Bien sûr. Et ma femme ?
;LE MAGICIEN
:Quoi, votre femme ?
;LE MONSIEUR
:Elle est coupée ! Comment voulez-vous qu'elle vive en deux morceaux séparés ?
;LE MAGICIEN
:Pourquoi n'appelez-vous pas une ambulance? Si ce que vous dites est vrai, il me semble qu'elle a surtout besoin d'un médecin.
;LE MONSIEUR
:Hein ? Quoi ? Mais... il doit bien y avoir un truc ! C'est un tour avec un truc !
;LE MAGICIEN
:Ne recommencez pas avec votre tour ! Ecoutez, moi, j'ai scié poliment, ce n'est pas pour avoir un emmerdeur sur le dos !
;LE MONSIEUR
:Vous allez immédiatement me recoller ma femme !
;LE MAGICIEN
:Premièrement, vous ne me criez pas dessus, parce que si vous m'énervez, je peux vous transformer en lapin. Deuxièmement, en ce qui concerne votre femme, si elle est vraiment en deux morceaux, eh bien, à l'évidence, elle est morte.
;LE MONSIEUR
:Morte ? !
;LE MAGICIEN
:Elle a été sciée en deux, non?
;LE MONSIEUR
:Mais vous êtes magicien ! !
;LE MAGICIEN
:Et alors ?
;LE MONSIEUR
:Scier ma femme en deux, ça, moi aussi je peux le faire !
;LE MAGICIEN
:Inutile, je l'ai déjà fait.
!!!!!!//Scier ma femme en deux, je peux le faire aussi//, Levin - 1966
{{small{Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais
Le Mariage de Figaro ou La Folle Journée
Texte établi par Édouard Fournier, Laplace, 1876 //(Œuvres complètes, pp. 104-164)//.}}}
+++^^@[Présentation en 1 minute pour C8]
Bonsoir à tous.
Je m'appelle Jacques Turbé.
Comme vous voyez je ne suis pas né de la dernière pluie !
Enfant unique, souvent seul à la maison : j'ai contracté très tôt le plaisir de la lecture à haute voix, avec tout ce qui me tombait sous la main.
En classe, j'étais de ces élèves que le professeur choisissait pour lire les textes, grâce à quoi j'étais quitte des questions que j'aurais dû préparer !
Il y a un peu plus de trente ans rencontrant la Directrice d'un centre culturel, celle-ci me demande si faire du théâtre m'intéresserait. J'étais tenté. Elle m'a fait lire. Elle s'est écriée : « J'ai trouvé mon Cauchon !» (l'évêque Cauchon a été mon premier rôle).
J'ai attrapé le virus,
qui ne m'a plus jamais quitté !
Aujourd'hui, j'anime bénévolement un atelier théâtre et un atelier Plaisir de Dire dans deux clubs seniors.
J'ai choisi pour le concours de C8 Le Mariage de Figaro de Beaumarchais, que nous travaillons pour les fête de fin d'année,et dont le texte m'est familier
J'espère vous le faire vivre à travers ma lecture.
Toc, toc, toc, toc, toc, toc, toc,
''TOC ! TOC ! TOC !''
===
!LA FOLLE JOURNÉE//^^
OU^^
//LE MARIAGE DE FIGARO{{center{
•}}}
!{{enormous{ACTE PREMIER}}}
//Le théâtre représente une chambre à demi démeublée ; un grand fauteuil de malade est au milieu. Figaro, avec une toise, mesure le plancher. Suzanne attache à sa tête, devant une glace, le petit bouquet de fleurs d’orange, appelé chapeau de la mariée.//
!!!Scène I - Suzanne apprend à Figaro que le Comte prétend exercer l'ancien droit du seigneur
<<tiddler lmf101>>
!!!Scène II - Figaro nommé Courrier des Dépêches fourbit son plan
<<tiddler lmf102>>
!!!Scène III - Bartholo (dehors) allié à Marceline contre Figaro
<<tiddler lmf103>>
!!!Scène IV Marceline dévoile son plan à Bartholo
<<tiddler lmf104>>
!!!Scène V Affrontement de Suzon et Marceline
<<tiddler lmf05>>
!!!Scène VI Suzanne en colère contre Marceline - SUZANNE.
<<tiddler lmf106>>
!!!Scène VII La bataille du ruban - SUZANNE, CHÉRUBIN.
<<tiddler lmf107>>
!!!Scène VIII Cache-cache autour du Fauteuil - SUZANNE, LE COMTE, CHÉRUBIN, BAZILE
<<tiddler lmf108>>
!!!Scène IX Bazile accuse Chérubin, renvoi du page - CHÉRUBIN, SUZANNE, LE COMTE, BAZILE
<<tiddler lmf109>>
!!!Scène X La toque virginale de Suzanne. - CHÉRUBIN, SUZANNE, FIGARO, LA COMTESSE, LE COMTE, FANCHETTE, BAZILE, valets, paysannes, paysans.
<<tiddler lmf110>>
!!!Scène XI Faux départ de Chérubin - CHÉRUBIN, FIGARO, BAZILE.
<<tiddler lmf111>>
!{{enormous{ACTE DEUXIÈME}}}
//Le théâtre représente une chambre à coucher superbe, un grand lit en alcôve, une estrade au-devant. La porte pour entrer s’ouvre et se ferme à la troisième coulisse à droite ; celle d’un cabinet, à la première coulisse à gauche. Une porte, dans le fond, va chez les femmes. Une fenêtre s’ouvre de l’autre côté.//
!!!Scène I - Confidences de Suzanne sur les intentions du Comte - SUZANNE, LA COMTESSE
<<tiddler lmf201>>
!!!Scène II - Le faux billet imaginé par Figaro - FIGARO, SUZANNE, LA COMTESSE
<<tiddler lmf202>>
!!!Scène III - Coquetterie de la Comtesse - SUZANNE, LA COMTESSE
<<tiddler lmf203>>
!!!Scène IV - La romance de Chérubin, son travestissement en femme - SUZANNE, LA COMTESSE, CHÉRUBIN.
<<tiddler lmf204>>
!!!Scène V - Pas de cachet sur le brevet d'officier de Chérubin. - CHÉRUBIN, LA COMTESSE.
<<tiddler lmf205>>
!!!Scène VI - Le ruban au bras du page - CHÉRUBIN, LA COMTESSE, SUZANNE
<<tiddler lmf206>>
!!!Scène VII - Le ruban au bras du page - CHÉRUBIN, à genoux ; LA COMTESSE
<<tiddler lmf207>>
!!!Scène VIII - Le ruban au bras du page - CHÉRUBIN, à genoux ; LA COMTESSE, assise ; SUZANNE
<<tiddler lmf208>>
!!!Scène IX - Le ruban au bras du page - CHÉRUBIN, à genoux ; LA COMTESSE
<<tiddler lmf209>>
!!!Scène X - Le page caché dans le cabinet de toilette - CHÉRUBIN, LA COMTESSE ; LE COMTE, en dehors
<<tiddler lmf210>>
!!!Scène XI - LA COMTESSE, seule
<<tiddler lmf211>>
!!!Scène XII - Le Comte veut ouvrir le cabinet - LE COMTE, LA COMTESSE.
<<tiddler lmf212>>
!!!Scène XIII - Le Comte ferme toutes les portes à clé. - LE COMTE, LA COMTESSE, SUZANNE
<<tiddler lmf213>>
!!!Scène XIV - Suzanne se substitue au page qui saute par la fenêtre - SUZANNE, CHÉRUBIN.
<<tiddler lmf214>>
!!!Scène XV - SUZANNE, seule
<<tiddler lmf215>>
!!!Scène XVI LE COMTE, LA COMTESSE
<<tiddler lmf216>>
!!!Scène XVII - La porte forcée libère Suzanne - LE COMTE, LA COMTESSE puis SUZANNE.
<<tiddler lmf217>>
!!!Scène XVIII - La camériste informe sa maîtresse - LA COMTESSE, SUZANNE.
<<tiddler lmf218>>
!!!Scène XIX - Le Comte est désorienté. - LA COMTESSE, SUZANNE, LE COMTE.
<<tiddler lmf219>>
!!!Scène XX - Figaro interrogé - SUZANNE, FIGARO, LA COMTESSE, LE COMTE
<<tiddler lmf220>>
!!!Scène XXI - Antonio le jardinier et ses giroflées écrasées - FIGARO, SUZANNE, LA COMTESSE, LE COMTE, ANTONIO.
<<tiddler lmf221>>
!!!Scène XXII Marceline réclame justice et le Comte convoque le tribunal - BASILE, BARTHOLO, MARCELINE, FIGARO, LE COMTE, ~GRIPE-SOLEIL, LA COMTESSE, SUZANNE, ANTONIO ; valets du Comte, ses vassaux.
<<tiddler lmf222>>
!!!Scène XXIII Les acteurs précédents, excepté Le COMTE.
<<tiddler lmf223>>
!!!Scène XXIV - La Comtesse ira au rendez-vous galant du Comte à la place de sa camériste - SUZANNE, LA COMTESSE.
<<tiddler lmf224>>
!!!Scène XXV LA COMTESSE, seule.
<<tiddler lmf225>>
!!!Scène XXVI LA COMTESSE, SUZANNE.
<<tiddler lmf226>>
!{{enormous{ACTE TROISIÈME}}}
//Le théâtre représente une salle du château appelée salle du trône, et servant de salle d’audience, ayant sur le côté une impériale en dais, et, dessous, le portrait du Roi.//
!!!Scène I, II, III LE COMTE ; PÉDRILLE
<<tiddler lmf301-2-3>>
!!!Scène IV LE COMTE, seul, marche en rêvant.
<<tiddler lmf304>>
!!!Scène V LE COMTE, FIGARO.
<<tiddler lmf305>>
!!!Scène VI - VII Le COMTE, un laquais, FIGARO.
<<tiddler lmf306-7>>
!!!Scène VIII LE COMTE, seul.
<<tiddler lmf308>>
!!!Scène IX SUZANNE, LE COMTE.
<<tiddler lmf309>>
!!!Scène X SUZANNE, FIGARO.
<<tiddler lmf310>>
!!!Scène XI LE COMTE rentre seul.
<<tiddler lmf311>>
!!!Scène XII BARTHOLO, MARCELINE, BRID’OISON.
<<tiddler lmf312>>
!!!Scène XIII BARTHOLO, MARCELINE, BRID’OISON ; FIGARO
<<tiddler lmf313>>
!!!Scène XIV BARTHOLO, MARCELINE, LE COMTE, BRID’OISON, FIGARO, UN HUISSIER.
<<tiddler lmf314>>
!!!Scène XV Les acteurs précédents, ANTONIO, les valets du château, les paysans et paysannes en habits de fête, LE COMTE BRI,D’OISON, le greffier, MARCELINE, BARTHOLO, FIGARO
<<tiddler lmf315>>
!!!Scène XVI LE COMTE, MARCELINE, BARTHOLO, FIGARO, BRID’OISON.
<<tiddler lmf316>>
!!!Scène XVII BARTHOLO, FIGARO, MARCELINE, BRID’OISON, SUZANNE, ANTONIO, LE COMTE.
<<tiddler lmf317>>
!!!Scène XVIII BARTHOLO, ANTONIO, SUZANNE, FIGARO, MARCELINE, BRID’OISON.
<<tiddler lmf318>>
!!!Scène XIX BARTHOLO, SUZANNE, FIGARO, MARCELINE, BRID’OISON.
<<tiddler lmf319>>
!!!Scène XX BRID’OISON, seul.
<<tiddler lmf320>>
!{{enormous{ACTE QUATRIÈME}}}
//Le théâtre représente une galerie ornée de candélabres, de lustres allumés, de fleurs, de guirlandes, en un mot, préparée pour donner une fête. Sur le devant, à droite, est une table avec une écritoire ; un fauteuil derrière.//
!!!Scène I FIGARO, SUZANNE.
<<tiddler lmf401>>
!!!Scène II FIGARO, SUZANNE, LA COMTESSE.
<<tiddler lmf402>>
!!!Scène III SUZANNE, LA COMTESSE.
<<tiddler lmf403>>
!!!Scène IV Une jeune bergère, CHÉRUBIN en fille, FANCHETTE et beaucoup de jeunes filles habillées comme elle, et tenant des bouquets ; LA COMTESSE, SUZANNE.
<<tiddler lmf404>>
!!!Scène V Les jeunes filles, Chérubin au milieu d’elles ; FANCHETTE, ANTONIO, LE COMTE, LA COMTESSE, SUZANNE.
<<tiddler lmf405>>
!!!Scène VI Les jeunes filles, CHÉRUBIN, ANTONIO, FIGARO, LE COMTE, LA COMTESSE, SUZANNE.
<<tiddler lmf406>>
!!!Scène VII CHÉRUBIN, LE COMTE, LA COMTESSE.
<<tiddler lmf407>>
!!!Scène VIII LE COMTE, LA COMTESSE.
<<tiddler lmf408>>
!!!Scène IX LE COMTE, LA COMTESSE, assis. et Tous pour la remise de l toque à la nouvelle mariée
<<tiddler lmf409>>
!!!Scène X Tous les Acteurs précédents, excepté la Comtesse et Suzanne ; BASILE tenant sa guitare ; ~GRIPPE-SOLEIL.
<<tiddler lmf410>>
!!!Scène XI Les acteurs précédents, excepté BASILE.
<<tiddler lmf411>>
!!!Scène XII ~GRIPPE-SOLEIL, FIGARO, MARCELINE, LE COMTE.
<<tiddler lmf412>>
!!!Scène XIII FIGARO, MARCELINE.
<<tiddler lmf413>>
!!!Scène XIV FIGARO, FANCHETTE, MARCELINE.
<<tiddler lmf414>>
!!!Scène XV XVI FIGARO, MARCELINE.
<<tiddler lmf415-16>>
!{{enormous{ACTE CINQUIÈME}}}
//Le théâtre représente une salle de marronniers, dans un parc ; deux pavillons, kiosques, ou temples de jardins, sont à droite et à gauche ; le fond est une clairière ornée, un siège de gazon sur le devant. Le théâtre est obscur.//
!!!Scène I FANCHETTE
<<tiddler lmf501>>
!!!Scène II FIGARO, BASILE, ANTONIO, BARTHOLO, BRID’OISON, ~GRIPPE-SOLEIL ; troupe de valets et de travailleurs.
<<tiddler lmf502>>
!!!Scène III FIGARO
<<tiddler lmf503>>
!!!Scène IV FIGARO, LA COMTESSE avec les habits de Suzon, SUZANNE avec ceux de la Comtesse, MARCELINE.
<<tiddler lmf504>>
!!!Scène V FIGARO, LA COMTESSE, SUZANNE.
<<tiddler lmf505>>
!!!Scène VI FIGARO, CHÉRUBIN, LE COMTE, LA COMTESSE, SUZANNE.
<<tiddler lmf506>>
!!!Scène VII FIGARO, LE COMTE, LA COMTESSE, SUZANNE.
<<tiddler lmf507>>
!!!Scène VIII FIGARO, SUZANNE, dans l’obscurité.
<<tiddler lmf508>>
!!!Scène IX LE COMTE, FIGARO, SUZANNE.
<<tiddler lmf509-10>>
!!!Scène XI PÉDRILLE, LE COMTE, FIGARO.
<<tiddler lmf511>>
!!!Scène XII XIII Les précédents, BRID’OISON, BARTHOLO, BASILE, ANTONIO, ~GRIPPE-SOLEIL
<<tiddler lmf512-13>>
!!!Scène XIV XV Les précédents, LE COMTE, CHÉRUBIN.
<<tiddler lmf214-15>>
!!!Scène XVI Les précédents, ANTONIO, FANCHETTE.
<<tiddler lmf516>>
!!!Scène XVII Les précédents, MARCELINE.
<<tiddler lmf517>>
!!!Scène XVIII Les précédents, SUZANNE.
<<tiddler lmf518>>
!!!Scène XIX Tous les précédents, LA COMTESSE.
<<tiddler lmf519>>
!!!VAUDEVILLE
<<tiddler lmfVaudeville>>
<<foldHeadings closed>>
{{center{((Michèle et Jacques jouent LE NOIR TE VA SI BIEN au Château des Rentiers le 22 mars 2016(^
<<tiddler VideoAide>>)))
<html><iframe frameborder="0" scrolling="no" src="http://weezo.net/embedded.php?userName=ateliertheatre&type=publishVideo&v=V4.3.0&w=320&h=213&autoplay=0&videoDurationExt=1020&uri=/video/dlToken.4nim4ss7q1bycvubdai7/file.63m_Rentiers_-_LE_NOIR_TE_VA_SI_BIEN_Jean_Marsan_-_Mich%E8le_Jacques.mp4" frameborder="0" scrolling="no" style="width:320px;height:213px;background:black"></iframe></html>
^^[[WEEZO|http://weezo.net/ateliertheatre]]^^
!LE NOIR TE VA SI BIEN
!!!!!//Jean Marsan//
}}}
!!!!!!Acte IV extrait
::: //Lucy entre constate qu'elle est la première.//
;LUCY
:Dépéchez-vous chéri, les champignons doivent être à peine cuits. Sinon ils perdent leurs propriétés véné... véné... véné{{small{neuses ... }}} (!).
//Elle s'approche de la soupière pour la reniffler et apercoit le portable de John. comprenant que jones est passé avant elle, elle inspecte le contenu de la soupiere et sourit: " je n'en n'attendais pas moins de lui !".//
:Oh John laisse tout traîner, il est vraiment insensé !
//Elle prend le téléphone, hésite à l'allumer //:
:Voilà son portable maintenant. Son portable qui…. Tiens, mais qui sont ces dames dans son répertoire ? Avec leur photo : Acamanda,
:{{small red indent{//" ce qu'elle a l'air ordinaire, il vaut mieux que ça !"//}}}
: Barbara,
:{{small red indent{//" bien roulée, mais un peu vulgaire "//}}}
:Carole,
:{{small red indent{//" elle a du chien celle là, mais je ne vois pas bien son visage "//}}}
:Linda,
:{{small red indent{//" élégante ! son tailleur est délicieusement ajusté" <br>Elle va devant une glace rectifier son décolleté et vérifier son allure et revient plus férocement féline que jamais//}}}
:Alexandra
:{{small red indent{//" jolie mais l'air cruche"//}}}
:et, quoi ? Elisabeth ?
:{{small red indent{// "merde, celle qui a été suicidée il y a quelques mois !"//}}}
:"Elisabeth ! C'était sa femme. Alors les autres ?...instructive cette montre.
:// elle refeuillette //
:Mais affreuses ces dames !
//Entre John //
;LUCY, //féroce et provocante //
:John, oh mon chéri que vous êtes beau !
;JOHN
:Je suis ravi de vous plaire Lucy, et enchanté d'apprendre que je ne suis pas le seul à connaître ce bonheur. D'où sortez vous tous ces messieurs ? //(il lui tend un carnet d'adresse)//
;LUCY
:Ciel ! D'où sortez vous toutes ces dames //(lui tendant la montre)//.
;JOHN
:Ciel !
//Mary entre avec une soupière.//
;MARY
:Vous êtes servis. À table ! À table vite pendant que c'est chaud. Vous devez êtres affamés parce que la chasse aux champignons ça creuse un trou.
;JOHN
:Oui ça pour creuser un trou, ça va creuser un trou.
;LUCY
:Effectivement il y a dans ce potage comme un avant goût de paradis.
//Mary sort. John et Lucy s'asseyent à table.//
;JOHN
:DI DI DI... Dites-moi ma chère amie, divorcez-vous facilement ?
;LUCY
:Jamais mon chéri, mes convictions religieuses s'y opposent.
;JOHN
:Cinq fois veuve ! Vous auriez pu me prévenir.
;LUCY
:Et vous ?
://Mary rentre.//
;MARY
:Je vais laisser Dorothée se reposer, elle prendra juste un bouillon de légumes. //(regarde les assiettes)// Oh vous n'avez pas commencé, ne laissez pas refroidir ce serait un crime.
//Il sort.//
;JOHN sert le velouté de champignons en chantant :
:" J'ai rêvé d'une fleur qui ne mourrait jamais,
:j'ai rêvé d'un amour qui durerait toujours.
//il la regarde de travers, puis se sert //
:Mais il est insensé, ce rêve que j'ai fait… "
//et il s'arrête brusquement… et se ressaisit : // Bon appétit mon ange.
;LUCY
:Bon appétit John.
//Ils tournent leur cuillers dans les assiettes sans commencer à manger.//
;JOHN
:Bon appétit
;LUCY
:Bon appétit
;JOHN
:Eh bien, mangez Lucy !
;LUCY
:Ah une seconde, je touille. Faut beaucoup touiller sans ça ça fait des grumeaux.
;JOHN
:Oh c'est succulent !
;LUCY
:Oh John, vous dites " c'est succulent " et vous n'avez même pas goûté.
;JOHN
:C'est que c'est un peu bouillant.
;LUCY
:Alors soufflez, soufflez.
:{{small red indent{//" je ne suis pas dupe, tu vas voir ce que tu vas voir ..."//}}}
:Pour revenir à ces six dames… mais soufflez donc… épouses ou concubines ?
;JOHN
:Oh jamais de concubines, mes convictions religieuses s'y opposent.
;LUCY
:{{small red indent{//" JE NE VAIS PAS LÂCHER LE MORCEAU"//}}}
:Ah. Que sont-elles devenues ?
;JOHN
:Dieu les a rappelées à lui.
;LUCY
:Six fois ! Il vous en veut.
;JOHN
:Une fois de plus une fois de moins…
:{{small red indent{//" si on parlait d'autre chose ..."//}}}
:Je vais rajouter un petit peu de poivre, c'est un peu fade.
//Mary entre.//
;MARY
:Je vais porter à Dorothée son bouillon de légumes. Il restait un fond de velouté, j'ai tout mangé, et maintenant je me sens un peu barbouillé.
;JOHN
:{{small red indent{//"Ma chère Lucy, tu vas voir ce que tu vas voir "//}}}
:Enfin, de quoi est mort votre premier mari, ma chérie ?
;LUCY
:Euh… de la rougeole mon chéri.
;JOHN
:La rougeole ? Mais quel âge avait-il ?
;LUCY
:44 ans.
;JOHN
:La rougeole est rare à cet âge.
;LUCY
:Oui, oui, mais d'autant plus pernicieuse.
;JOHN
:Et le second ?
;LUCY
:Le second ? Il a posé le pied sur un scorpion.
;JOHN
:Où ça ?
;LUCY
:Dans son lit.
;JOHN
:Qui l'y avait mis ?
;LUCY
:La main du destin…
;JOHN
:Souffrez que je la baise //(il fait un baisemain à Lucy qui lui tend la main machinalement)//.
;LUCY
:{{small red indent{//" je ne vais pas continuer à me laisser interroger comme ça !"//}}}
:Dites-moi John de quoi est morte votre première femme ?
;JOHN
:De vieillesse. Oh vous savez elle avait 88 ans.
;LUCY
:Et vous ?
;JOHN
:18.
;LUCY
:Deux tourtereaux !
;JOHN
:Oh non, vous savez, 18 ans, c'est l'âge où on ferait l'amour à un bahut breton.
;LUCY
:Et la seconde ?
;JOHN
: La seconde, un accident. Un accident : elle est tombée dans une machine à broyer les vieilles voitures.
;LUCY
:Oh ! Quelle horreur, John, quelle horreur, mon Dieu ! Et vous ? Où étiez vous au moment de l'accident ?
;JOHN
:Oh j'étais loin, très loin, à un kilomètre de là. Mais j'ai vu, j'ai vu qu'elle se penchait trop !
;LUCY
:A un kilomètre ? Vous avez de bon yeux.
;JOHN
:Oh non, on voit très bien dans la lunette d'un fusil.
;LUCY
:Oh !
;JOHN
:Dans la musette d'un Lully…dans l'allumette de Lili, dans l'amulette de Mimi, enfin je vois très bien, je vois très bien. Vous voulez un sucre ou pas du tout ?
;LUCY
:Pas du tout, je vous remercie…
;JOHN
://Embarrassé, il se sert de sucre : //
:Pardon.
;LUCY
:Et la troisième ?
;JOHN
:La troisième, que je vous fasse rire… enfin c'est une image. La chasse ! La chasse au lion en Afrique. Oui, en Afrique. C'est horrible ce qui s'est passé. Je vais vous expliquer comment… J'étais dans un arbre, un peuplier,
;LUCY
:Un peuplier ? en Afrique ?
;JOHN
:Hein ?
;LUCY
:Un peuplier ? En Afrique ?
;JOHN
:Ah mais non, mais non. J'ai dis que j'étais dans un arbre, un peu plié //(il se plie en deux)//.
;LUCY
:Ah oui.
;JOHN
:Lorsque j'ai vu le lion, n'est ce pas, j'ai vu le lion, une bête superbe, qui s'est avancé à pas de loup vers ma pauvre femme et il s'est jeté sur elle et il a dévoré ma pauvre Blandine, toute crue. Et alors c'était affreux parce que la pauvre elle était attachée à un p…, elle m'était très attachée, et …. Enfin, c'est la vie quoi !
;LUCY
:C'est vraiment affreux. Pauvre John vous avez été vraiment très très éprouvé par ces trois… et la quatrième ?
;JOHN
:Alors la quatrième :
:... les champignons ! Décidément, c'est trop refroidi, ça, c'est immangeable.
;LUCY
:John, John, vous permettez //(elle échange les assiettes)//.
;JOHN
:chic, chic, chic //(tout en faisant la grimace)//.
;LUCY
:Dites-moi John, vous vous y connaissez en champignons ?
;JOHN
:Oui, très bien.
;LUCY
:Vous connaissez toutes les variétés de champignons ?
;JOHN
:Toutes, toutes, toutes.
;LUCY
:Les bonnes et les mauvaises ?
;JOHN
:et les douteuses.
;LUCY
:Et vous aimez les champignons ?
;JOHN
: Je les adore.
;LUCY
://(aimable)// : Alors mangez John.
;JOHN
:Oui.
;LUCY
://(autoritaire)// : Alors mangez !
;JOHN
:Oui, voilà, je vais manger tout de suite… J'ai pas très faim moi…
;LUCY
:Je ne toucherai à ce potage que vous en ayez avalé une cuillérée ou deux.
;JOHN
:Lucy dois-je comprendre que vous me soupçonnez d'avoir empoisonné ce potage ?
;LUCY
:Oui John.
;JOHN
:Je ne l'admets pas !
;LUCY
:Alors mangez.
;JOHN
:Et puis cessez de me donner des ordres, je vous prie.
;LUCY
:Cessez de crier vous ne m'impressionnez pas.
;JOHN
:Chez les Mc Lesby c'est l'homme qui porte la culotte.
;LUCY
:Pas ce soir, en tout cas.
//John se rassoit furieux.//
;LUCY
:John, John, mon chéri, si vous êtes persuadé que ce potage est bon, pourquoi ne pas le goûter ?
;JOHN
:Oh je vais le faire, je vais le faire !
;LUCY
:Alors faites-le !
;JOHN
:Et que fais-je ? Que fais-je ?
;LUCY
:Faites-le !
;JOHN
:Je le fais.
;LUCY
:Faites-le !
;JOHN
:Regardez je le fais, ah la bonne sou-soupe ! Moi je ne me jette pas sur la nourriture comme une pieuvre. Je déguste, moi ! Je touille. On doit touillez parce que sans ça, ça fait des grumeaux. Et voilà, je porte ma nourriture le plus naturellement de ma cuiller à mes lèvres sans crainte et sans peur, et voilà //(il verse la cuiller de soupe dans son oreille)//. Qu'est-ce qui c'est passé ? Vous avez vu ce qui s'est passé ?
;LUCY
:Ah ça oui, j'ai vu
;JOHN
:Ah c'est la dispraxie, c'est la dispraxie ! C'est une maladie, c'est très gênant. Je perds pendant quelques instants le contrôle de mes gestes, voyez vous ? ça part bien, je me dis " miam, miam, miam je vais me régaler " et hop //(il met la soupe dans son oreille)// C'est terrible !
;LUCY
:Mon chéri vous êtes surtout terriblement gênant.
;JOHN
:Ben oui c'est très gênant. A cheval ça va mieux.
;LUCY
:Oui, mais vous n'êtes pas toujours à cheval, on ne peut pas passer sa vie à cheval. Ouh quel grand enfant, mais quel grand enfant. Je vois ce qu'il veut. Il veut que sa petite femme vienne sur ses petits genoux...
;JOHN
:Ah oui, oui, oui !
;LUCY
:...et lui fasse manger sa petite sou soupe.
;JOHN
:Ah non, non, non !
;LUCY
:Si elle va le faire, si elle va le faire, il en a tellement envie mon beau trésor. Un bisou, un bisou, un bisou allez hop maintenant mangeons. Attention, une cuillérée pour Lucy
;JOHN
:Oh oui !//( il fait sauter Lucy sur ses genoux et le contenu de la cuiller tombe)// c'est tombé.
;LUCY
:Une cuillérée pour Lucy
;JOHN
:Et youpi ! //(il fait sauter Lucy sur ses genoux et le contenu de la cuiller tombe)//
;LUCY
:Et maintenant vous allez mettre le nez la dedans //(elle lui met la tête dans l'assiette)// et vous allez le manger ce potage, vous allez le manger immédiatement, ça commence à bien faire. Vous vous fichez de moi oui John, vous vous fichez de moi ?
//Mary rentre en titubant et s'écroule en râlant.//
;LUCY
:John, Mary râle…
;JOHN
://(relevant la tête de son assiette)// : Oh ben elle râle tout le temps.
;LUCY
:Non elle râle-là, elle râle-là !
;JOHN
:Elralla ?
;LUCY
://(s'approchant d'Mary)// : il y a quelque chose qui ne va pas Mary ? Vous avez un petit souci Mary ?
;MARY
:Je suis empoisonnée.
;JOHN
:Elle est très embêtée.
;LUCY
:Sans doute oui.
;MARY
:Non, je suis vraiment empoisonnée par les champignons. Répondez-moi chaque minute compte… l'Entolome limite ?
;JOHN
:Comestible.
;MARY
:Le phallus impudicus ?
;LUCY
:Comestible.
;MARY
:Non, mortels. Assassins, assassins… //elle s'écroule.//
//Lucy et John restent sans voix.//
;MARY //(se redresse en pleine forme)//
:Hello ! Eh bien dites donc, heureusement que je m'y connais en champignons vénéneux, moi, et puis heureusement que je les avais jetés avant. Alors je vais vous dire une bonne chose moi : qui ne connaît rien s'abstient, dit le proverbe :
;JOHN
:Lybien.
;MARY
:Dorothée, Dorothée, ça a marché ! Si tu voyais la tête qu'ils font, ils sont tout penauds.
//elle sort//
;LUCY
:Elle est très drôle, vraiment très drôle.
;JOHN
:J'ai une petite faim moi, pas vous ?
;LUCY
:Moi aussi John.
;JOHN
:Bon appétit mon ange.
;LUCY
:Bon appétit, bon appétit. John ?
;JOHN
:Oui ?
;LUCY
:Prenez des forces. Demain c'est l'ouverture de la chasse.
;JOHN
:Vous aimez la chasse ?
;LUCY
:Oh moi je l'adore, chéri.
;JOHN
:Décidément nous avons les mêmes goûts. Voulez-vous que je vous dise Lucy ?
;LUCY
:Oui John ?
;JOHN
:Nous formons vraiment un couple…
;LUCY
:…parfait !
!!!!!!//Rideau//
!LE PLONGEON
//Un et Deux sont en maillot de bain. Ils s'apprêtent à plonger dans une rivière qu’on ne voit pas.//
;UN
:Un, deux, trois, hop !
;DEUX
:Voilà, ça, c’est bien vous ! vous dites hop ! et puis vous ne sautez pas.
;UN
:Mais comment donc ! Je n’ai pas sauté parce que vous, vous n’avez pas sauté !
;DEUX
:Comment je n’ai pas sauté ! Bien entendu, que je n’ai pas sauté ! Je n’allais pas sauter tout seul !
;UN
:Comment, tout seul ! Nous avons dit qu’à : //hop//, nous plongerions tous les deux ensemble. Si vous ne plongez pas, moi, je ne plonge pas non plus, voilà tout.
;DEUX
:Alors, si vous ne plongez pas, ne dites pas « hop ». Parce que quand vous avez dit « hop ! » moi, pour un peu, je plongeais. Il s’en est fallu d’un rien. Heureusement que je vous ai regardé.
;UN
:Mais moi aussi, je vous ai regardé ! Et c’est même pour ça que je me suis retenu. J’ai même failli perdre l’équilibre. Si je ne m’étais pas retenu juste à temps, moi je serais dans l’eau en train de patauger, et vous, vous seriez toujours là en train de faire des mouvements pour vous réchauffer.
;DEUX
:Quel menteur vous faites ! Vous avez dit hop pour que je plonge, mais vous, vous n’aviez pas du tout l’intention de plonger. Ça se voyait bien, que vous n’étiez pas décidé.
;UN
:J’étais pas décidé parce que je ne veux pas plonger tout seul et que je n’ai pas confiance en vous. Et j’ai eu raison de me méfier, parce qu’enfin quoi ! Avez-vous plongé oui ou non ?
;DEUX
:Non, j’ai pas plongé, parce que j’étais sûr que vous ne plongeriez pas.
;UN
:Mais qu’est-ce que vous en saviez que je ne plongerais pas ? Il fallait plonger quand j’ai dit « hop !» et à ce moment-là, moi aussi j’aurais plongé.
;DEUX
:Si vous attendez que je plonge pour plonger, moi je n’appelle pas ça plonger ensemble.
;UN
:Si vous cherchez la petite bête, bien sûr qu’au millième de seconde, il y en aura toujours un qui plongera avant l’autre. D’après vous, faudrait peut-être aussi décider à quelle lettre du mot « hop » il faut qu’on plonge. Parce que si vous plongez sur l’H et que moi je plonge sur le P, moi je serai en retard.
;DEUX
:Y a qu’à plonger sur l’O, voilà tout.
;UN
:Vous feriez mieux de plonger dedans.
;DEUX
:Quoi, dedans ?
;UN
:Dans l’eau.
;DEUX
:C’est ça que vous appelez avoir le sens de l’humour, hein ?
;UN
:Oui.
;DEUX
:Et incarner la bêtise de notre époque ?
;UN
:Oui.
;DEUX
:Ben vous vous faites des illusions. La vérité, c’est que vous êtes incapable de dire « hop » d’une manière convenable.
;UN
:Je dis « hop » comme on m’a appris à le dire à l’école
:Hop ! avec un point d’exclamation au bout.
;DEUX
:Je n’ai pas entendu le point d’exclamation.
;UN
:Le point d’exclamation, si vous aviez plongé, c’est l’eau qui devait le faire. Il y a un point d’exclamation après « hop », parce que ça doit faire une gerbe.
;DEUX
:Vous confondez avec « plouf ».
;UN
:Mais non, « plouf », c’est le bruit du point d’exclamation qu’il y a après « hop ». Et puis, zut !
;DEUX
:Et le point d’exclamation qu’il y a après « zut », qu’est-ce que c’est ? « Zut », ça fait aussi une gerbe ?
;UN
:Non, après « zut » le point d’exclamation qui vient, il ne représente pas une gerbe, il représente un coup de pied au derrière. Et même, un coup de pied au derrière qui ne va pas tarder.
;DEUX
:Bon, eh ben alors, dites pas « zut ». Parce que votre pied, je l’attends. J’ai du travail pour lui.
;UN
:Oui, eh bien essayez un peu de l’attraper, mon pied ! Parce que si vous me faites basculer dans l’eau, je peux vous dire que j’y basculerai pas tout seul.
;DEUX
:Vous y basculerez avec votre pied, et puis avec l’autre pied, et puis avec votre anatomie, espèce de grande brute ! Et j’espère que ça fera une belle gerbe ! Non, mais, essayez un peu, pour voir ! Ça veut donner des coups de pied au derrière aux gens, et ça ne sait même pas dire « hop » !
;UN
:Oh, c’est pas parce que vous êtes tout nu qu’il faut faire le malin. Pour ce que vous êtes beau, en slip !
;DEUX
:Oui, ben, je suis peut-être pas beau en slip, mais moi au moins, j’ai un slip. Tout le monde peut pas en dire autant.
;UN
:Mais allez-y donc ! Criez-le, que je n’ai pas de slip ! espèce de gros dégoûtant ! Pour que tout le monde croie que je me produis comme ça, en plein air, pour attenter à la pudeur des gens qui pourraient passer le long du canal.
;DEUX
:Pas de ma faute si vous n’avez pas de slip.
;UN
:J’ai pas de slip, mais si vous le dites comme ça, les gens ils vont croire que ça veut dire que je n’ai rien du tout.
;DEUX
:Eh bien, si vous voulez que les gens sachent ce que vous avez, vous n’avez qu’à le dire vous-même. Moi, je ne veux pas. Pour moi, vous n’avez pas de slip, un point c’est tout.
UN, à un public éventuel
:Non, mais je ne suis pas tout nu ! Je suis en caleçon !
//Un temps.//
Vous voilà bien avancé maintenant. On a parlé de caleçon. Pour un scandale, ça va en être un, de scandale.
;DEUX
:Ça c’est probable.
;UN
:Seulement, je le dirai ! que c’est vous qui m’avez forcé à le prononcer, ce mot !
;DEUX
:Quel mot ?
;UN
:N’essayez pas de me le faire répéter, ça ne prend pas.
;DEUX
:Caleçon ?
;UN
:Voyou !
;DEUX
:Enfin quoi, je ne vous ai pas obligé à le retirer, votre caleçon.
;UN
:C’est encore heureux.
;DEUX
:Moi j’appelle un caleçon un caleçon. C’est comme les bidets, les pots de chambre...
;UN
:Je vous dis que ça suffit comme ça !
;DEUX
:Je suis pas responsable, si ça existe, ça ! les bidets, les pots de chambre, les caleçons...
;UN
:Mais mon pauvre ami, ce n’est pas ça qu’on va vous reprocher ! Que ça existe !
;DEUX
:C’est quoi alors ?
;UN
:C’est que ça fasse rire.
;DEUX
:C’est pas de notre faute si ça fait rire.
;UN
:Non. Mais les gens, ça les vexe, qu’on les fasse rire avec des choses dont on a pas le droit de parler.
;DEUX
:On n’a pas le droit d’en parler parce quelles font rire ?
;UN
:Non. Elles font rire parce qu’on a pas le droit d’en parler.
;DEUX
:Si on ne peut pas en parler sans rire, après tout, il vaut mieux rire et en parler tout de même. Parce que si on ne parle plus ni des bidets, ni des pots de chambre, ni des caleçons, au bout d’un moment on ne saura plus ce que c’est, ils se vexeront et ils se laisseront mourir.
;UN
:Il y a longtemps que les caleçons sont morts. On n’en porte plus. Celui que j’ai, c’est uniquement pour l’user. C’est un héritage de mon grand-père. Vingt-huit, il m’en a légué, des caleçons. Et tout neufs encore, et solides.
;DEUX
:Vous n’avez pas de chance. Parce que vous êtes condamné à ne jamais parler de vos caleçons. Tandis que moi, je peux parler de mes slips. C’est pas considéré comme comique, un slip. Dire « un slip », ce n’est pas de si mauvais goût.
;UN
:Je vous en prie, parlons d’autre chose, vous nous rendez vulgaires. Voilà !
;DEUX
:Alors si on n’a plus droit de prononcer ces mots-là, merde ! Et ça tiens ! Une chose que j’aimerais bien vous dire, une fois, pour amuser le monde, devinez...
;UN
:C’est quoi ?
;DEUX
:Que vous êtes cocu.
;UN
:Hein ?
;DEUX
:Oui. Vous êtes cocu.
;UN
:Moi ?
;DEUX
:Non, pas vous !... enfin, je n’en sais rien, je vous dis
:pour amuser le monde. Pour voir si ça continue à amuser tant de monde.
;UN
:Oui, eh bien moi, ça ne m’amuserait sûrement pas. Et puis ça a assez duré, cette conversation. On dirait vraiment que vous le cherchez, le scandale. Vous feriez mieux de plonger.
;DEUX
:Il y a longtemps que j’aurais plongé, si vous saviez dire « hop » d’une manière un peu convaincante.
;UN
:Eh bien dites-le, pour voir, puisque vous êtes si malin.
;DEUX
:Bon. Alors vous êtes prêt ?
;UN
:Je suis prêt. Ça fait une demi-heure que je suis prêt.
;DEUX
:Alors, on plonge ensemble, hein? A • « hop ! »
;UN
:D’accord.
;DEUX
:Un, deux... c’est drôle, comme elle a l’air froide, cette eau, hein ? Si elle n’était pas liquide, on jurerait de la glace.
;UN
:Mais non. J’ai trempé mon petit doigt dedans, tout à l’heure.
;DEUX
:Oui, oh, mais ça ! Un petit doigt, c’est pas un thermomètre. Montrez-le-moi !
;UN
:Celui-là.
;DEUX
:Il est tout rouge !
;UN
:C’est rien ça, c’est la réaction. Ce que vous pouvez être dégonflé.
;DEUX
:Pas du tout. Allons-y. Un, deux, trois, hop ! Eh bien, alors quoi, vous restez là ?
;UN
:Et vous ?
;DEUX
:Mais moi, je vous attends !
;UN
:Vous êtes navrant. Allez, on va dire « hop » ensemble. Vous y êtes ?
;DEUX
:J’y suis.
UN et DEUX
:Un, deux, trois...
;UN
:Attendez, y a une péniche.
;DEUX
:Voilà ce que c’est de remettre toujours à plus tard.
;UN
:Un peu plus, on plongeait dans le charbon.
;DEUX
:Il aurait été propre, le caleçon de votre grand-père.
!!!!!Roland Dubillard - Les diablogues et autres inventions à deux voix
{{center{
!LE ~POST-SCRIPTUM
!!!!!comédie en un acte d'Émile Augier
}}}
!!!!SCÈNE 1
!!!!!!//Personnages :
* Monsieur Lancy
* Madame Verlière//
//La scène est à Paris, de nos jours.
Un boudoir élégant. Deux portes au fond, dans des pans coupés. À droite, une cheminée. Au milieu, une table.//
!!!!SCÈNE 1 :
//''MADAME VERLIÈRE'', en robe de chambre, les cheveux poudrés. est assise dans une bergère, au coin de la cheminée, coupant les feuillets d'un livre. ''MONSIEUR LANCY'', entre par la porte de droite.//
;M. LANCY //(sur la porte)//
:Pardon, chère voisine, c'est moi. Ne grondez pas votre camériste, elle m'a déclaré de son mieux que vous n'y étiez pour personne ; mais je lui ai fait observer qu'un propriétaire n'est pas quelqu'un : ce raisonnement l'a subjuguée. Maintenant, faut-il que je m'en retourne ?
;MME VERLIÈRE
:Vous êtes bien heureux que ce soit vous !
;M. LANCY
:Ce livre est donc bien intéressant ?
;MME VERLIÈRE
:Je n'en sais rien : je le coupe. Puisque vous voilà, mon cher Lancy, vous m'aiderez à attendre, car j'attends.
;M. LANCY
: //(remarquant qu'elle a les cheveux poudrés)// : Qui ? Le carnaval ?
;MME VERLIÈRE
:Ô mon Dieu, non. Je ne serais pas poudrée de si bonne heure pour le bal, je vous prie de le croire.
;M. LANCY
:Alors ?
;MME VERLIÈRE
:Quel est donc ce mystère, n'est-ce pas ? Je ne veux pas avoir de secrets pour vous : on m'a mis ce matin de l'eau athénienne, et on m'a poudrée pour sécher mes cheveux. Êtes-vous satisfait ? - À propos, je vous remercie de votre bourriche. Vous êtes le roi des chasseurs et le modèle des propriétaires.
;M. LANCY
:Va pour le premier compliment ; mais le second tombe mal.
;MME VERLIÈRE
:Vous m'inquiétez. Voudriez-vous m'augmenter, par hasard ?
;M. LANCY
:Pis que cela. Je viens vous signifier congé.
;MME VERLIÈRE
:Est-ce une plaisanterie ?
;M. LANCY
:Hélas ! l'homme du monde ne se fût pas permis de forcer votre consigne ; tant d'audace n'appartenait qu'à l'homme d'affaires.
;MME VERLIÈRE
:Et l'homme d'affaires ne pouvait-il pas attendre jusqu'à demain ?
;M. LANCY
:Impossible. D'après notre contrat, nous devons nous prévenir mutuellement six mois d'avance ; or le terme fatal expire aujourd'hui, et demain, vous entreriez de plein droit dans la seconde période de votre bail, ce qui me contrarierait prodigieusement.
;MME VERLIÈRE
:Voilà parler en franc chasseur.
;M. LANCY
:En homme des bois, si vous voulez.
;MME VERLIÈRE
:Vous n'y allez pas par quatre chemins.
;M. LANCY
:Peut-être.
;MME VERLIÈRE
:Le peut-être est joli. - Et peut-on savoir ce qui vous oblige à me congédier ? Car vous avez une raison, je suppose.
;M. LANCY
:Excellente ; avez-vous le temps de m'écouter ?
;MME VERLIÈRE
:Je l'aurai, quand je devrais le prendre ; j'avoue qu'il me sera agréable de vous trouver une bonne excuse, car je serais fâchée de vous rayer de mes papiers.
;M. LANCY
:C'est tout un récit, je vous en préviens.
;MME VERLIÈRE
:Faites-m'en toujours le plus que vous pourrez, quitte à remettre la suite à demain si l'on nous interrompt.
;M. LANCY
: //(s'asseyant près de la table)// : Je commence. Orphelin à vingt-quatre ans...
;MME VERLIÈRE
:Ah ! ah ! votre biographie ? Pourquoi sautez-vous par-dessus votre enfance ?
;M. LANCY
:Parbleu ! si vous y tenez, je reprendrai les choses de plus haut encore, ab ovo, comme Tristram Shandy... d'autant mieux qu'il y a dans ma nativité, comme dans la sienne, une histoire de pendule.
;MME VERLIÈRE
:Merci bien, alors.
;M. LANCY
:N'ayez pas peur. Ma mère m'a souvent raconté qu'elle avait dans sa chambre une ancienne horloge à carillon, et qu'au moment où je vins au monde l'horloge me souhaita la bienvenue en carillonnant joyeusement midi, ce qui parut d'heureux augure à toute l'assistance. Et de fait, j'ai gardé de ma naissance un fonds de bonne humeur dont la vie n'a pas encore pu triompher. Il est vrai que j'ai une santé athlétique, mauvaise disposition pour la mélancolie.
;MME VERLIÈRE
:Mais excellente pour l'égoïsme ; prenez garde.
;M. LANCY
:Ne croyez donc pas cela. Il n'y a de vraiment bons que les gens bien portants. Égoïste comme un malade... Vous devez en savoir quelque chose, vous qui avez si bien soigné feu votre mari.
;MME VERLIÈRE
:Hélas ! c'est vrai.
;M. LANCY
:À vingt-quatre ans, donc, maître d'une belle fortune et porteur d'un nom honorable...
;MME VERLIÈRE
:Vous vous empressiez d'écorner l'une...
;M. LANCY
:Et de compromettre l'autre ? Que nenni ! La passion de la chasse m'a préservé des passions ruineuses ; j'ai toujours eu horreur des cartes, et, sans me donner pour un héros aussi chaste, à beaucoup près, que le farouche Hippolyte, je puis me vanter...
;MME VERLIÈRE
:Pas de détails, je vous en conjure.
;M. LANCY
:Le strict nécessaire. - Je puis me vanter d'avoir passé ma vie à la poursuite de la femme honnête. Je l'ai d'abord cherchée, comme tous les débutants, dans le camp des irrégulières, et j'ai payé un large tribut à la manie de la rédemption. Mais, après avoir racheté pour quelque cent mille francs d'anges déchus, je me suis aperçu que les vierges folles sont encore moins folles que vierges, si c'est possible, et que le racheteur n'est pour elles qu'un acheteur plus naïf.
;MME VERLIÈRE
:C'est plein d'intérêt... Continuez.
;M. LANCY
:Désenchanté de ces aimables commerçantes, je transportai mes investigations dans le monde régulier. Ah ! madame, pour un échappé des amours vénales, quelle ivresse dans la possession d'un cur qui se donne en immolant tous ses devoirs ! Le malheur, c'est que je finissais toujours par m'attacher au mari, le trouvant incomparablement plus honnête que la femme, et je reconnaissais alors qu'il n'y a pas un abîme entre celles qui nous trompent pour un autre et celles qui trompent un autre pour nous... Sans compter que ces fameux devoirs dont on nous fait sonner si haut le sacrifice, sont la plupart du temps des victimes parfaitement habituées à l'autel. - Je ne vous ennuie pas trop ?
;MME VERLIÈRE
:Jamais trop, mon ami.
;M. LANCY
:Mais assez. J'abrège donc. Le résultat de mes expériences fut cette vérité oubliée par M. de la Palisse, que la seule chance qu'on ait de posséder une honnête femme, c'est de l'épouser soi-même. - Malheureusement, j'avais passé l'âge où l'on se marie les yeux fermés ; il ne me restait plus que le mariage de raison... et c'est fièrement difficile, allez, de rencontrer une femme qu'on ait raison d'épouser. Mais à la fin je crois avoir trouvé mon lot.
;MME VERLIÈRE
:Ah ! tant mieux !
;M. LANCY
:Un moment ! je ne suis pas encore agréé.
;MME VERLIÈRE
:Vous le serez, mon ami ; il est impossible que vous ne le soyez pas, car vous êtes un homme charmant, malgré ce vilain procédé... que nous perdons un peu de vue.
;M. LANCY
:Au contraire, nous y arrivons. Comme garçon, je pouvais me contenter de mon entresol ; en montant d'un grade, il faut aussi que je monte d'un étage.
;MME VERLIÈRE
:Je comprends. C'est madame de Lancy que vous voulez installer dans mon appartement.
;M. LANCY
: //(se levant)// : Vous l'avez dit.
;MME VERLIÈRE
:Je vous pardonne en faveur du motif, quoiqu'il soit bien pénible de déménager. Je suis bête d'habitude ; je me plaisais beaucoup ici, je l'avoue.
;M. LANCY
: //(appuyé au dossier du fauteuil de madame Verlière)// : Qu'à cela ne tienne ; restez.
;MME VERLIÈRE
:Et madame de Lancy ?
;M. LANCY
:Elle s'y prêtera volontiers, pourvu...
;MME VERLIÈRE
:Pourvu ?
;M. LANCY
:Pourvu que vous changiez de nom.
;MME VERLIÈRE
:Comment l'entendez-vous ?
;M. LANCY
:En cessant de vous appeler madame Verlière pour vous appeler madame...
;MME VERLIÈRE
:de Lancy ? Je crois, Dieu me pardonne, que vous m'intentez une demande en mariage !
;M. LANCY
:Franchement, je le crois aussi.
;MME VERLIÈRE
: //(se levant)// : Et par quels détours, juste ciel !
;M. LANCY
:Quand vous me reprochiez de ne pas prendre par quatre chemins !
;MME VERLIÈRE
: //(debout devant la cheminée)// : Je vous faisais tort de trois. - Ainsi, c'est moi qui ai l'insigne honneur de vous représenter le mariage de raison ! Savez-vous que vous n'êtes pas poli ?
;M. LANCY
:Permettez ; il s'agit de s'entendre sur les mots. Ce que le monde appelle un mariage de raison, c'est-à-dire un mariage où le cœur n'est pas plus consulté que les yeux, où l'on prend une femme dont le plus souvent on ne voudrait pas pour maîtresse, et dont on ne subit la possession qu'à condition qu'elle sera éternelle, je l'appelle, moi, un mariage d'aliéné.
;MME VERLIÈRE
: //(passant à gauche)// : À la bonne heure ; mais votre phrase avait besoin de ce commentaire. - Vous êtes un fier original !
;M. LANCY
:En quoi donc ?
;MME VERLIÈRE
:D'abord en tout, et puis en votre façon de faire votre cour.
;M. LANCY
:Qu'en savez-vous ? Je ne vous l'ai jamais faite.
;MME VERLIÈRE
:Première originalité ; mais, aujourd'hui même que vous demandez si singulièrement ma main, j'ai toutes les peines du monde à voir en vous un soupirant.
;M. LANCY
:Parce que je ne soupire pas de mon naturel ; donnez-moi une bonne raison de soupirer, et je m'en acquitterai tout comme un autre.
;MME VERLIÈRE
:Mais êtes-vous bien sûr que vous m'aimez ?
;M. LANCY
:Sûr comme de mon existence.
;MME VERLIÈRE
:Voilà un amour dont je ne me doutais guère.
;M. LANCY
:Et moi, donc ! Il n'y a pas un mois qu'on m'aurait bien étonné en me l'annonçant.
;MME VERLIÈRE
:Comment cela vous est-il venu ? Car je ne suis pas coquette.
;M. LANCY
:Non certes ! - C'est cette cheminée qui est cause de tout le mal, si mal il y a.
;MME VERLIÈRE
:Vraiment ?
;M. LANCY
:Je ne vous connaissais que de vue, ce qui est déjà quelque chose, mais je risquais fort de ne pas vous connaître davantage, car votre deuil m'eût fermé votre porte comme à tout le monde, si cette brave cheminée ne me l'eût ouverte en fumant.
;MME VERLIÈRE
:Elle fume encore par le vent d'est, je vous en préviens.
;M. LANCY
:J'en prends note. À partir de ce jour, je ne rêvai plus que réparations... rêve étrange chez un propriétaire et dont la bizarrerie aurait dû m'éclairer sur la pente où je glissais ! Bref, de fil en aiguille et de fumiste en serrurier je me trouvai un beau jour installé dans votre intimité charmante, respectueusement ému de la simplicité de votre chagrin, pénétré du parfum de loyauté qu'on respire autour de vous, et persuadé que je me livrais innocemment à la douceur de l'amitié la plus désintéressée. Comment et quand cette amitié s'est-elle changée en un sentiment plus vif ? Je ne saurais le dire et je serais peut-être encore à m'apercevoir de la métamorphose si on ne m'avait proposé la semaine dernière un parti des plus sortables. Tout s'y trouvait ; pas une objection à faire ; ajoutez de ma part la résolution d'en finir avec le célibat : je devais accepter tout de suite. Mais à je ne sais quelle révolte de mon cœur j'ai senti que ce cœur vous appartenait tout entier, et voilà huit jours que je tourne autour d'une déclaration avec une timidité digne d'un âge plus tendre. Enfin, l'opération est faite, et je vous prie de croire que je n'en suis pas fâché.
;MME VERLIÈRE
: //(remontant derrière la table)// : Mon pauvre ami ! j'ai pour vous une véritable affection ; vous êtes le plus galant homme que je connaisse.
;M. LANCY
:Mauvais début.
;MME VERLIÈRE
:J'ai été dupe de votre amitié comme vous-même, et j'ai la conscience de n'avoir rien fait pour encourager des sentiments dont il ne peut vous revenir que de l'ennui.
;M. LANCY
: //(passant à gauche)// : Je ne vous plais pas... je m'en doutais ! J'aurais mieux fait de me taire. Enfin prenez que je n'ai rien dit, et gardez-moi ma place au coin de cette cheminée... qui fume.
;MME VERLIÈRE
:Vous y serez le bienvenu tant que vous consentirez à l'occuper.
;M. LANCY
:Toujours, alors !
;MME VERLIÈRE
:Même si je me remariais ?
;M. LANCY
:Ah ! non, par exemple !... mais vous n'y songez pas, je suppose ?
;MME VERLIÈRE
:Et si j'y songeais ?
;M. LANCY
:Ne me dites pas cela.
;MME VERLIÈRE
:Il faut pourtant bien que vous le sachiez un jour ou l'autre.
;M. LANCY
:Est-ce que vraiment ?... Mais non ! ce n'est pas possible ! Je n'ai rien vu chez vous qui ressemble à un prétendant.
;MME VERLIÈRE
:Chez moi, non ; mais ne vous ai-je pas dit que j'attendais quelqu'un aujourd'hui ?
;M. LANCY
:Je tombe bien !... Ah ! j'étais préparé à tout, excepté à cela.
;MME VERLIÈRE
:N'ayez pas cet air désespéré. Vous avez de mon cur tout ce qu'il en restait à prendre, je vous le jure, et je n'aurais pas grande objection à votre demande si je n'aimais personne. Puis-je vous dire mieux ?
;M. LANCY
:À quoi bon ce baume sur mon amour-propre ? Ce n'est pas lui qui en a besoin. J'aimerais cent fois mieux vous déplaire carrément et que personne ne vous plût. Ah ! vous auriez bien pu garder votre secret ! Si vous croyez me consoler !...
;MME VERLIÈRE
:Non, je crois vous guérir. En pareille matière, il n'est rien de tel que de trancher dans le vif.
;M. LANCY
:Me guérir ? mensonge de médecin alors ? Suis-je simple ! j'aurais dû le deviner rien qu'à votre coiffure.
;MME VERLIÈRE
:Mais je vous certifie...
;M. LANCY
:Que vous attendez un absent bien-aimé ? Et vous auriez choisi précisément le jour de son arrivée pour vous enfariner les cheveux ?
;MME VERLIÈRE
:Permettez-moi de vous raconter à mon tour une petite histoire.
//Elle s'assied à droite de la table.//
;M. LANCY
: //(s'asseyant à gauche)// : Deux maintenant si vous voulez. Vous pouvez vous vanter de m'avoir fait une belle peur.
;MME VERLIÈRE
:Vous connaissez madame de Valincourt ?
;M. LANCY
:Son mari est de mes bons amis.
;MME VERLIÈRE
:Après trois ans de mariage, vous le savez, cette petite femme eut une fièvre typhoïde dont elle sortit avec des cheveux blancs.
;M. LANCY
:Eh bien ?
;MME VERLIÈRE
:Son mari l'adorait. Tant qu'elle fut en danger, c'était un désespoir à croire qu'il ne lui survivrait pas. Elle revient à la vie par miracle...
;M. LANCY
:Ses cheveux blanchissent...
;MME VERLIÈRE
:Ses cheveux blanchissent, et, depuis, monsieur passe toutes ses nuits au cercle. Qu'en dites-vous ?
;M. LANCY
:Dame !
;MME VERLIÈRE
: //(se levant sur place)// : Comment, dame ? Vous l'excusez ?
;M. LANCY
: //(riant)// : Jusqu'à un certain point. Voilà un brave garçon qui dispute au trépas une brune adorable ; on lui rend une Eurydice poivre et sel !... Il y a évidemment substitution de personne, c'est la seule cause de nullité que reconnaisse le Code ; ne soyons pas plus sévères que lui.
;MME VERLIÈRE
: //(à la cheminée)// : Comme vous êtes tous les mêmes ! Soyez donc bonne, intelligente et sincère ; évertuez-vous à vous rendre digne de votre maître futur ; préparez-lui une compagne dévouée, un gardien fidèle de son honneur ; pauvres sottes ! Ce n'est rien de tout cela qui le touche ; c'est la nuance de vos cheveux ou la courbe de votre nez. Devenez coquettes, frivoles, égoïstes, son amour n'en diminuera pas, au contraire ; mais gardez-vous d'un cheveu blanc ou d'un grain de petite vérole, car tout votre bonheur s'écroulerait et votre mari vous dirait tranquillement : « J’en suis bien fâché ; il y a substitution de personne... » Et vous, que j'avais la naïveté de plaindre tout à l'heure !...
;M. LANCY
:Permettez... il n'est pas question de moi dans tout cela mais de Valincourt.
;MME VERLIÈRE
: //(revenant à la table)// : Que vous excusez, que vous approuvez, que vous imiteriez le cas échéant. Ayez au moins le courage de votre opinion.
;M. LANCY
:Tâchons de nous entendre : à qui faites-vous le procès, à Valincourt ou à moi ?
;MME VERLIÈRE
:À vous, à lui, à votre sexe tout entier, à cette humiliante façon d'aimer qui nous met au rang des animaux de luxe, un peu avant les chiens de race et les chevaux de sang ; est-ce clair ?
//Elle retourne s'asseoir dans la bergère, près de la cheminée.//
;M. LANCY
: //(se levant)// : Très clair. Toute femme qui se pique de délicatesse s'indigne d'être aimée pour sa beauté ; elle ne veut l'être que pour son âme, c'est connu.
;MME VERLIÈRE
:Prétention bien ridicule, n'est-ce pas ?
;M. LANCY
:Je ne dis pas cela ; mais, que voulez-vous ! l'homme est un être grossier à qui l'amour vient par les yeux.
;MME VERLIÈRE
:C'est ce que je lui reproche.
;M. LANCY
:Par malheur, c'est là une loi de nature à laquelle les deux sexes sont soumis, le vôtre comme le nôtre, malgré toute prétention contraire.
;MME VERLIÈRE
:Quelle infamie !
;M. LANCY
:Voyons, madame, la main sur la conscience : si vous aimiez quelqu'un et que ce quelqu'un vous arrivât un jour borgne ou manchot, est-ce que ce dégât ne jetterait pas un peu d'eau froide sur votre exaltation ?
;MME VERLIÈRE
:Que vous connaissez mal les femmes, mon pauvre ami ! Quand nous aimons un homme, sachez que nous ne le voyons qu'à travers son intelligence et son coeur. À peine savons-nous s'il est blond ou brun, et, devant ce dégât que vous dites, nous redoublons de tendresse pour le consoler et le rassurer.
;M. LANCY
:Pendant huit jours.
;MME VERLIÈRE
:Pendant toute la vie.
;M. LANCY
:Je voudrais, par curiosité, vous voir à cette épreuve.
;MME VERLIÈRE
:Si j'étais aussi sûre qu'il triomphera de celle que je lui prépare !
;M. LANCY
:Qui ?
;MME VERLIÈRE
:Celui que j'attends.
;M. LANCY
:Vous persistez donc à soutenir que vous attendez quelqu'un ?
;MME VERLIÈRE
: //(se levant)// : Ce n'est pas pour autre chose que je suis... enfarinée. Je vais lui raconter que j'ai blanchi en son absence, que je suis réduite à me poudrer pour ne pas étaler des cheveux... Comment disiez-vous ? poivre...
;M. LANCY
:Et sel.
;MME VERLIÈRE
:Et sel. - Et, si je vois dans ses yeux la moindre hésitation, tout est rompu.
//Elle passe à gauche.//
;M. LANCY
:En êtes-vous sûre ?
;MME VERLIÈRE
:Je vous en fais serment.
;M. LANCY
:Alors, permettez-moi de ne pas désespérer encore.
;MME VERLIÈRE
:La rupture ne serait pas à votre profit. Je renoncerais au monde et m'irais enterrer à Verlière.
;M. LANCY
: //(souriant)// : N'avez-vous pas quelque caveau d'ami, à Verlière ?
;MME VERLIÈRE
:Ne plaisantez pas, je vous en prie. Quand je songe au dé que je vais jouer...
;M. LANCY
:Pourquoi le jouer, alors ?
;MME VERLIÈRE
:Pourquoi Psyché a-t-elle allumé sa lampe ?
;M. LANCY
:Ô fille d'Ève ! - Me permettrez-vous, madame, si j'en ai le courage, de venir savoir le résultat de l'entrevue ? Car je tiens à conserver au moins les droits de l'amitié, si je n'en puis avoir d'autres.
;MME VERLIÈRE
:Voilà de bonnes paroles dont je me souviendrai quoi qu'il arrive. //(lui tendant la main)// Merci, mon ami.
;UN DOMESTIQUE
://(ouvrant la porte de gauche)// : Madame, M. Mauléon est là.
;M. LANCY
: //(à part)// : M. Mauléon ?
;MME VERLIÈRE
:C'est bien ; j'y vais.
//Le domestique sort.//
;M. LANCY
: //(très froid)// : C'est donc lui ? Que ne le disiez-vous tout d'abord ? Je me serais retiré sans souffler mot.
;MME VERLIÈRE
:Pourquoi devant lui plutôt que devant un autre ? Est-ce que vous le connaissez ?
;M. LANCY
: //(prenant son chapeau sur la table)// : À peine. Je sais seulement qu'il est depuis deux ans consul quelque part, dans l'Inde.
;MME VERLIÈRE
:Eh bien ?
;M. LANCY
:Or, comme vous n'êtes veuve que depuis quatorze mois...
;MME VERLIÈRE
:Je l'ai aimé du vivant de mon mari ? Est-ce là ce que vous voulez dire ?
;M. LANCY
:Oubliez mon importunité, madame, et veuillez me croire toujours votre humble serviteur.
//Il va jusqu'à la porte de droite.//
;MME VERLIÈRE
:Monsieur Lancy ! //(il s'arrête)// Je ne peux pourtant pas vous laisser croire ce qui n'est pas. Je tiens à votre estime.
;M. LANCY
: //(sur la porte)// : Vous êtes trop bonne, madame ; mais on vous attend.
;MME VERLIÈRE
:En deux mots : c'est moi qui ai demandé au ministre la nomination de M. Mauléon pour éloigner un danger avec lequel une honnête femme ne doit jamais jouer.
;M. LANCY
:Triple butor ! Vous avez bien raison de ne pas m'aimer, je ne vous mérite pas ! Je vous ai offensée bêtement.
;MME VERLIÈRE
:Oui, mais vous ne m'avez pas déplu. Votre mouvement du moins n'était pas banal. Il prouve que mon honneur vous tient au coeur.
;M. LANCY
: //(descendant en SCÈNE)// : Votre bonheur aussi, soyez-en sûre.
;MME VERLIÈRE
:Je n'en doute pas.
;M. LANCY
:Alors, permettez-moi une simple question : Savez-vous qu'à peine installé dans son consulat, M. Mauléon a recherché la fille d'un riche négociant ?
;MME VERLIÈRE
:Je le sais. - Après ?
;M. LANCY
:Puisque vous le savez, je n'ai plus rien à dire.
;MME VERLIÈRE
:Je n'étais pas libre, alors. Fallait-il que M. Mauléon sacrifiât toute sa vie à un amour sans espoir ? Il n'a pas de fortune ; le mariage fait partie de sa carrière, et je suis bien sûre qu'il n'aurait pas manqué celui dont vous parlez s'il n'y avait pas apporté la nonchalance d'un coeur endolori.
;M. LANCY
:À la bonne heure. Vous avez des indulgences que je ne m'explique guère.
;MME VERLIÈRE
:Et vous, des sévérités que je m'explique trop bien.
;M. LANCY
:Je suis suspect de partialité, je l'avoue. Ah ! je donnerais gros pour être votre frère ou votre oncle pendant cinq minutes.
;MME VERLIÈRE
:Mais vous ne l'êtes pas.
;M. LANCY
:Aussi je me tais. - Adieu, madame ; soyez heureuse.
;MME VERLIÈRE
:Et moi, je veux que vous parliez ! Que signifient ces réticences à propos d'un homme que vous connaissez à peine ?
;M. LANCY
:À peine, mais à fond. J'ai été témoin de son adversaire dans un duel qui s'est arrangé sur le terrain, et je vous prie de croire que ce n'est pas nous qui avons mis les pouces.
;MME VERLIÈRE
:Témoin de M. ~Saint-Jean ?
;M. LANCY
:Vous connaissez aussi cette affaire-là ?
;MME VERLIÈRE
:Parfaitement. Tous les torts étaient du côté de M. Mauléon, mais il n'en voulait pas convenir et c'est moi seule qui ai obtenu de lui qu'il fît des excuses. Ce n'est pas la moindre marque d'amour qu'il m'ait donnée. J'en ai été si touchée, que c'est le moment où j'ai senti la nécessité de l'éloigner. Vous n'êtes pas heureux dans vos attaques, mon pauvre Lancy ; - mais vous avez raison, je le fais attendre. Adieu.
//Elle sort.//
!!!!SCÈNE 2 : M. LANCY, seul.
;M. LANCY
:Elle l'aime aveuglément, c'est clair, et voici ce qui va se passer : au premier mot de l'ingénieuse épreuve, le galant fait la grimace et la pauvre femme s'écrie en tremblant : « Rassurez-vous, ils sont toujours noirs comme du jais. » - Alors, qu'est-ce que j'attends ici ! Leur billet de faire part ? //(s'asseyant au coin du feu)// Quel semblant d'espoir me cloue à cette place ? Qu'on a de peine à se tenir pour battu ! - C'est vrai que cette cheminée fume encore... mais du diable si je la fais réparer ! C'est bien bon pour ce favori des dames... car c'est ici qu'il établira probablement son fumoir... au-dessus du mien. j'entendrai tout le jour le bruit insolent de ses bottes, les planchers sont si minces dans ces satanées maisons neuves ! //(il se lève)// Mais j'y pense... les deux appartements ont exactement la même distribution ! Et elle a encore celui-ci pour six mois ! Je vais avoir toute sa lune de miel sur la tête ! Un supplice de Tantale... très-perfectionné ! - Je n'ai qu'un parti à prendre, c'est de passer ces six mois-là dans mes terres. - Je n'ai pas de veine, il n'y avait qu'une femme au monde qui me convînt, elle en aime un autre ! C'est toujours comme ça ! - Bah ! je renonce au mariage. J'ai essayé de payer ma dette à la patrie ; on a refusé mon offrande, je la garde. - Oh ! les femmes ! dire qu'elle me préfère un pareil... un pareil quoi, en somme ? Il en vaut bien un autre. Ce n'est pas un brave à trois poils, voilà tout... et encore je n'en sais rien ! L'explication de madame Verlière change bien les choses. - Allons, Lancy, aie le courage de t'avouer la vérité : tu as dénigré Mauléon par pur dépit. Eh bien, c'est pitoyable, ce que tu as fait là. Ce n'est pas d'un homme d'esprit, tu t'en moques bien, mais ce n'est pas d'un galant homme, et tu ne t'en moques pas. Voilà une jolie campagne, mon ami ! Tu en sors plus mécontent encore de toi que des autres... Va t'installer dans tes bois avec tes chiens et n'en bouge plus.
!!!!SCÈNE 3 : M. LANCY, à gauche, MME VERLIÈRE.
//Elle entre sans voir Lancy, traverse lentement le théâtre, jette en passant une carte de visite sur la table, et va s'asseoir dans la bergère.//
;M. LANCY
: //(à part)// : Elle !... cet air pensif...
//Il tousse.//
;MME VERLIÈRE
: //(tournant la tête)// : Ah ! c'est vous ?
;M. LANCY
:Déjà ? Est-ce que par hasard M. Mauléon...
;MME VERLIÈRE
: //(d'un air préoccupé)// : Au contraire, il a été parfait. Pas une seconde d'hésitation. Il trouve même que les cheveux blancs me vont plutôt mieux.
;M. LANCY
:Et c'est pour cela qu'il a si vite pris congé ?
;MME VERLIÈRE
:C'est moi qui l'ai prié de me laisser un peu à moi-même. Il reviendra prendre le thé ce soir. Mais après une matinée si remplie, j'avais vraiment besoin de rassembler mes idées. Je suis bien aise de vous retrouver là.
;M. LANCY
:Et moi, je veux être pendu si je sais ce que j'y fais. Adieu, madame.
;MME VERLIÈRE
:Je ne vous renvoie pas... au contraire.
;M. LANCY
:Votre triomphe serait-il incomplet si je n'y assistais pas ?
;MME VERLIÈRE
:Mon triomphe !... Oui, je devrais être au comble de mes vœux, et pourtant... je suis presque triste.
;M. LANCY
:Une grande joie est aussi accablante, dit-on, qu'une grande douleur.
;MME VERLIÈRE
:Non, ce n'est pas cela ; c'est... c'est votre faute.
;M. LANCY
:À moi ?
;MME VERLIÈRE
:Tout ce que vous m'avez dit sur M. Mauléon me revient et me trouble.
;M. LANCY
:Parbleu ! madame, j'en suis plus troublé que vous. Quand vous êtes rentrée, j'étais en train de faire mon examen de conscience et de me reprocher la légèreté de mes accusations.
;MME VERLIÈRE
:Vraiment ? Alors, remettez-moi l'esprit ; vous me rendrez un vrai service. Asseyez-vous. //(Lancy s'assied sur une chaise de l'autre côté de la cheminée, tournant à moitié le dos au public)// Je fais trop de cas de vous pour estimer en toute sécurité un homme qui n'aurait pas toute votre estime.
;M. LANCY
: //(d'un ton résigné)// : Je n'ai aucune raison de la refuser à M. Mauléon.
;MME VERLIÈRE
:Je respire. Ainsi ce mariage dans l'Inde... ?
;M. LANCY
:Vous le disiez vous-même, pouvait-il ... ?
;MME VERLIÈRE
: //(vivement)// : Il ne s'agit pas de ce que j'ai pu dire, mais de ce que vous pensez. Déclarez-moi seulement que vous auriez agi comme M. Mauléon, et cela me suffira.
;M. LANCY
:J'aurais agi comme lui.
;MME VERLIÈRE
:Au bout de trois mois ?
;M. LANCY
:Bah ! le temps ne fait rien à l'affaire.
;MME VERLIÈRE
:Pardonnez-moi ; de deux choses l'une : ou M. Mauléon m'avait oubliée trop vite, ce qui serait peu chevaleresque...
;M. LANCY
:Son retour prouve le contraire.
;MME VERLIÈRE
:Ou, ce qui serait moins chevaleresque encore, il offrait à une jeune fille un coeur tout plein d'une autre.
;M. LANCY
:Ce n'est pas à vous de le lui reprocher. D'ailleurs, le courage lui a manqué au dernier moment, puisque le mariage n'a pas eu lieu.
;MME VERLIÈRE
:Est-ce bien lui qui a reculé ?
;M. LANCY
:Oh ! pour reculer
;MME VERLIÈRE
: //(riant)// : Il est bon là, n'est-ce pas ?
;M. LANCY
:Ce n'est pas ce que je veux dire ! Au contraire. C'est le point sur lequel j'ai le plus à cœur de lui faire réparation.
;MME VERLIÈRE
:Son duel vous avait pourtant laissé une pauvre idée de lui.
;M. LANCY
:Parce que j'ignorais qu'il agissait par vos ordres. Mais, diantre ! c'est bien différent, et je suis maintenant de votre avis.
;MME VERLIÈRE
: //(agacée)// : J'en suis charmée. Ainsi, mon cher ami, si je vous ordonnais de faire des excuses sur le terrain, vous en feriez ?
;M. LANCY
:Certainement.
;MME VERLIÈRE
:Mais vous exposeriez-vous à recevoir de pareils ordres ? Viendriez-vous, la veille d'un duel, m'annoncer que vous vous battez ?
;M. LANCY
:Mon Dieu, madame, je voudrais bien m'en aller.
;MME VERLIÈRE
:Non, non, répondez... je vous en prie.
;M. LANCY
: //(avec embarras)// : M. Mauléon a eu la langue un peu légère, j'en conviens ; il voulait peut-être se parer à vos yeux du danger qu'il allait courir, ce n'est pas un crime ; mais je ne puis admettre qu'il cherchât un biais pour s'y soustraire.
;MME VERLIÈRE
:Il devait pourtant prévoir ce qui arriverait.
;M. LANCY
: //(cherchant ses mots)// : Eh bien, il allait sans doute au-devant du plus grand sacrifice qu'un homme puisse faire à une femme... Il y a des gens comme cela, dont la passion recherche les cilices.
;MME VERLIÈRE
:Le croyez-vous si passionné ?
;M. LANCY
:Dame ! vous venez de le soumettre à une épreuve concluante.
;MME VERLIÈRE
:Concluante ? Vous trouvez ?
;M. LANCY
:Sans doute.
;MME VERLIÈRE
:Tâchez donc d'avoir une opinion à vous, mon pauvre Lancy. Vous tournez comme une girouette.
;M. LANCY
:Où voyez-vous cela ?
;MME VERLIÈRE
:Est-ce votre avis, oui ou non, que les hommes ont une façon d'aimer... très-différente de la nôtre, je le maintiens, mais qu'ils n'en ont qu'une ?
;M. LANCY
:Oh ! moi... vous savez bien que je suis un brutal.
;MME VERLIÈRE
: //(se levant)// : Mais tous les hommes le sont plus ou moins, et s'ils n'ont en effet qu'une façon d'aimer, et si M. Mauléon ne m'aime pas de cette façon-là, il ne m'aime pas du tout ; soyez logique.
;M. LANCY
:Vous allez vite en besogne !
;MME VERLIÈRE
: //(se regardant dans la glace)// : N'est-ce pas aussi une chose bien surprenante que cette complète indifférence à ma... Comment dirai-je ?
;M. LANCY
:À votre beauté.
;MME VERLIÈRE
:Oui. Si j'ai quelque chose de passable, c'est ma chevelure. On dirait qu'il ne s'en est jamais aperçu.
;M. LANCY
: //(souriant)// : Il aime votre âme.
;MME VERLIÈRE
:Ne plaisantez donc pas. - Et, s'il ne m'aime pas, en effet, voyez à quelle horrible supposition je suis réduite.
;M. LANCY
:Laquelle ?
;MME VERLIÈRE
: //(se rasseyant en face de Lancy)// : Vous ne voulez rien comprendre aujourd'hui ! Ne vous ai-je pas dit qu'il est sans fortune ?
;M. LANCY
:Vous lui faites injure.
;MME VERLIÈRE
:Mon Dieu ! toutes mes idées se brouillent. Qui me tirera d'anxiété ? Mon cher Lancy, vous regrettiez de ne pas être mon frère ; supposez que vous l'êtes, et donnez-moi un conseil, je vous en prie.
;M. LANCY
:Mon conseil serait trop intéressé.
;MME VERLIÈRE
:Non ! Vous êtes la loyauté même ; je vous obéirai aveuglément.
;M. LANCY
:Je vous conseille de m'épouser.
;MME VERLIÈRE
:Ce n'est pas ce que je vous demande.
;M. LANCY
:C'est pourtant tout ce que je peux vous dire.
;MME VERLIÈRE
:En votre âme et conscience, croyez-vous qu'il m'aime ?
;M. LANCY
:Je vous aime trop moi-même pour en douter.
;MME VERLIÈRE
: //(se levant avec impatience, traverse la scène jusqu'à la table, puis, revenant à Lancy, d'un ton résolu)// : Eh bien, s'il m'aime, tant pis pour lui, car je ne l'épouserai certainement pas. Désolée de vous contrarier...
;M. LANCY
: //(se levant)// : Le pensez-vous ? - Je suis le plus heureux des hommes !
;MME VERLIÈRE
:Vous avez bien tort, mon pauvre Lancy, car je ne vous en épouserai pas davantage. Le veuvage ne me pèse pas à ce point. Si voulez rester mon ami, bien ; sinon...
;M. LANCY
:Je le veux ! C'est déjà une commutation de peine. - Mais, si je ne suis pour rien dans ce revirement inespéré, qu'est-ce donc que vous a fait Mauléon ?
;MME VERLIÈRE
:Je vous ai tout dit.
;M. LANCY
:Tout ? Il n'y a pas de post-scriptum ? Les femmes en ont toujours un.
;MME VERLIÈRE
:Pas l'ombre. //(elle s'assied à gauche de la table)// - Maintenant, comment faire pour me dégager ? Je ne vous consulte pas, car vous êtes détestable aujourd'hui.
;M. LANCY
:Une femme a toujours le droit de reprendre sa parole.
;MME VERLIÈRE
:Je ne lui ai jamais donné la mienne.
;M. LANCY
:Pas même tout à l'heure ?
;MME VERLIÈRE
:Non. Je ne sais par quelle prudence instinctive, j'ai éludé sur ce point.
;M. LANCY
: //(debout de l'autre côté de la table)// : Rien de plus simple : il vient prendre le thé ce soir...
;MME VERLIÈRE
:C'est que je voudrais bien qu'il ne vint pas.
;M. LANCY
:Alors, écrivez-lui.
;MME VERLIÈRE
:Je ne lui ai déjà que trop écrit.
;M. LANCY
:Il a des lettres de vous ?
;MME VERLIÈRE
:Oh ! pas beaucoup, et pas bien compromettantes ; vous pourriez les lire ; des lettres de veuve... mais enfin des lettres.
;M. LANCY
:Renvoyez-lui les siennes, il vous renverra les vôtres.
;MME VERLIÈRE
:Et s'il ne les renvoie pas ?
;M. LANCY
:N'avez-vous pas quelque ami qui se chargerait volontiers de la négociation ? Je crois qu'avec un peu de diplomatie...
;MME VERLIÈRE
:C'est que vous me faites l'effet d'un pauvre diplomate, mon ami.
;M. LANCY
:Vous ne me connaissez pas.
;MME VERLIÈRE
:Comment vous y prendriez-vous ?
;M. LANCY
:Je lui dirais : « Monsieur, voici vos lettres à madame Verlière ; je suis chargé de lui rapporter les siennes. »
;MME VERLIÈRE
:Oui, regardez-le avec ces yeux-là ; je crois qu'il n'aura rien à répliquer. //(fouillant dans le tiroir de la table)// Voici sa correspondance.
;M. LANCY
:Où demeure-t-il ?
;MME VERLIÈRE
:Il m'a laissé sa carte.
//Elle la lui montre sur la table.//
;M. LANCY
: //(prend la carte, fait quelques pas vers la porte, et se retournant)// : Quand vous reverrai-je ?
;MME VERLIÈRE
:Voulez-vous prendre le thé avec moi ?
;M. LANCY
: //(saluant)// : Volontiers. //(à part, en s'en allant)// Le thé de Mauléon... C'est toujours un avancement d'hoirie.
;MME VERLIÈRE
: //(tout en arrangeant le tiroir)// : Ah ! j'oubliais ce médaillon. //(elle se lève et tend un petit écrin à Lancy)// Joignez-le au reste.
;M. LANCY
:Un portrait ?
;MME VERLIÈRE
:Non... des cheveux qu'il s'était avisé de m'envoyer de là-bas. Il ne sera pas fâché de les retrouver ici.
;M. LANCY
:Est-ce qu'il n'en a plus ?
;MME VERLIÈRE
:Chauve comme la main !
;M. LANCY
: //(à part)// : Voilà le post-scriptum.
//Il sort. - La toile tombe.//
!!!!!FIN
[>img[jacques.turbe@gmail.com|images/signature theatre-57.jpg]]
!^^Jean-Pierre Ronfard
^^LE TITANIC
;Anne
Écoute moi un peu, Télesphore Archambault.
Si je me suis embarquée sur le plus beau bateau du monde, le plus grand, la merveille technique moderne, c’est quand même pas pour m’en sauver dans un canot à rame avec la ceinture pneumatique accrochée au cou comme une bavette de bébé.
Et puis, veux-tu que je te dise,
«// Les femmes et les enfants d’abord //», je trouve ça niaiseux.
Devant la mort, tout le monde a le même poids, le même âge, le même sexe.
Personne n’y comprend rien et surtout pas les humains. Un chien, une fourmi, une plante savent autant là-dessus et peut-être même plus que n’importe quel humain…
Me sauver ? Pour quoi faire ?
Pour préserver tout ça, toutes ces catégories ?
Ces casiers à remplir comme dans ton épicerie.
Ça n’aurait pas d’allure.
Ça n’aurais aucun sens.
!LENA
!!!!!!//Paroles et musique de Boby Lapointe, 1963 //
Lena toi qui es loin plus loin qu'Angoulème "ème"
Lena je veux te dédier un poème "ème"
J'suis pas poète mais j'vais essayer quand même"ème"
Ah faut-il que faut-il que je...faut-il que je...
Dès aujourd'hui pour m'attaquer au problème "ème"
J'me suis levé dès le petit matin blème "ème"
Se lever tôt, pour moi qui suis... si bohème "ème"
Ah ! faut-il que je...faut-il que je...
Oui !
Lena Lena Lena Lena je
Lena Lena je Lena je... je... je...
Lena Lena Lena Lena je
Lena Lena
Oui !
pour m'inspirer j'me suis fait un cafécrème "ème"
Mais par erreur je l'ai sucré au sel "gemme" "ème"
C' n'était pas bon, ma foi je l'ai bu quand même "ème"
Ah faut-il que faut-il que je... faut-il que je...
C'est malheureux je n'ai pas trouvé de thème "ème"
J' t'aurai fait un truc avec des rimes en "ème" "ème"
Tu aurais compris que c'était un stratagème... "ème"
Pour te dir' que... te dir' que je...te dir' que je...
Oui !
Lena Lena Lena Lena je
Lena Lena Lena Lena je... je... je...
Lena Lena Lena Lena je
Lena Lena
Oui !
!LES COLCHIQUES
/%
|Description|Le pré est vénéneux mais joli en automne|
|auteur|Guillaume Apollinaire|
%/
{{center{
!!!!!!Guillaume Apollinaire<br>//Alcools – poèmes 1898-1913//
^^[[Ma lecture|https://giga.gg/l/5752a233f7e5df4f048b4679]]^^
Le pré est vénéneux mais joli en automne
Les vaches y paissant
Lentement s’empoisonnent
Le colchique couleur de cerne et de lilas
Y fleurit tes yeux sont comme cette fleur-là
Violâtres comme leur cerne et comme cet automne
Et ma vie pour tes yeux lentement s’empoisonne
Les enfants de l’école viennent avec fracas
Vêtus de hoquetons et jouant de l’harmonica
Ils cueillent les colchiques qui sont comme des mères
Filles de leurs filles et sont couleur de tes paupières
Qui battent comme les fleurs battent au vent dément
Le gardien du troupeau chante tout doucement
Tandis que lentes et meuglant les vaches abandonnent
Pour toujours ce grand pré mal fleuri par l’automne
}}}
{{center{[img(30%,)[27 fév 18|http://image.ibb.co/kNHASn/Snapshot_275.png][https://photos.app.goo.gl/N8pBBqSbyBHM4xig2]] [img(30%,)[Mardi 20 février 2018|http://image.ibb.co/i3Co0x/Snapshot_258.png][https://photos.app.goo.gl/MOeUUTL3tDHfdj2f2]] [img(30%,)[6/2/18|https://image.noelshack.com/fichiers/2018/06/4/1518099884-snapshot-205.png][https://photos.app.goo.gl/cBhf3tbF6CoM9MP92]]}}}
[[Mise en forme Diction|femmes savantes-diction]]/%
/%
/%
|Representations|28/9/17_Éloi; 8/10/17_Malraux; 18/1/18_Rentiers;--8/3/18_Arc--;|
%/
2017: Christel Mady spectacle6
2018: Christel Éveline spectacle6
%/
!LES FEMMES SAVANTES
!!!!!!{{center{COMÉDIE
Par J.-B. P. MOLIÈRE. }}}
!!!!ACTE I, SCÈNE PREMIÈRE
//La scène est à Paris.//
!!!!!!//ARMANDE, HENRIETTE.//
;ARMANDE
:Quoi, le beau nom de fille est un titre, ma sœur,
:Dont vous voulez quitter la charmante douceur ?
:Et de vous marier vous osez faire fête ?
:Ce vulgaire dessein vous peut monter en tête ?
;HENRIETTE
:Oui, ma sœur.
;ARMANDE
:Ah ce "oui" se peut-il supporter ?
:Et sans un mal de cœur saurait-on l’écouter ?
;HENRIETTE
:Qu’a donc le mariage en soi qui vous oblige,
:Ma sœur...
;ARMANDE
:Ah mon Dieu, fi.
;HENRIETTE
:Comment ?
;ARMANDE
:Ah fi, vous dis-je.
:Ne concevez-vous point ce que, dès qu’on l’entend,
:Un tel mot à l’esprit offre de dégoûtant ?
:De quelle étrange image on est par lui blessée ?
:Sur quelle sale vue il traîne la pensée ?
:N’en frissonnez-vous point ? et pouvez-vous, ma sœur,
:Aux suites de ce mot résoudre votre cœur ?
;HENRIETTE
:Les suites de ce mot, quand je les envisage,
:Me font voir un mari, des enfants, un ménage ;
:Et je ne vois rien là, si j’en puis raisonner,
:Qui blesse la pensée, et fasse frissonner.
;ARMANDE
:De tels attachements, ô Ciel ! sont pour vous plaire ?
;HENRIETTE
:Et qu’est-ce qu’à mon âge on a de mieux à faire,
:Que d’attacher à soi, par le titre d’époux,
:Un homme qui vous aime, et soit aimé de vous ;
:Et de cette union de tendresse suivie,
:Se faire les douceurs d’une innocente vie ?
:Ce nœud bien assorti n’a-t-il pas des appas ?
;ARMANDE
:Mon Dieu, que votre esprit est d’un étage bas !
:Que vous jouez au monde un petit personnage,
:De vous claquemurer [1] aux choses du ménage,
:Et de n’entrevoir point de plaisirs plus touchants,
:Qu’un idole d’époux [2] , et des marmots d’enfants !
:Laissez aux gens grossiers, aux personnes vulgaires,
:Les bas amusements de ces sortes d’affaires.
:À de plus hauts objets élevez vos désirs,
:Songez à prendre un goût des plus nobles plaisirs,
:Et traitant de mépris les sens et la matière,
:À l’esprit comme nous donnez-vous toute entière :
:Vous avez notre mère en exemple à vos yeux,
:Que du nom de savante on honore en tous lieux,
:Tâchez ainsi que moi de vous montrer sa fille,
:Aspirez aux clartés [3] qui sont dans la famille,
:Et vous rendez sensible aux charmantes douceurs
:Que l’amour de l’étude épanche dans les cœurs :
:Loin d’être aux lois d’un homme en esclave asservie ;
:Mariez-vous, ma sœur, à la philosophie,
:Qui nous monte au-dessus de tout le genre humain,
:Et donne à la raison l’empire souverain,
:Soumettant à ses lois la partie animale [i]
:Dont l’appétit grossier aux bêtes nous ravale.
:Ce sont là les beaux feux, les doux attachements,
:Qui doivent de la vie occuper les moments ;
:Et les soins où je vois tant de femmes sensibles,
:Me paraissent aux yeux des pauvretés horribles.
;HENRIETTE
:Le Ciel, dont nous voyons que l’ordre est tout-puissant,
:Pour différents emplois nous fabrique en naissant ;
:Et tout esprit n’est pas composé d’une étoffe
:Qui se trouve taillée à faire un philosophe.
:Si le vôtre est né propre aux élévations
:Où montent des savants les spéculations,
:Le mien est fait, ma sœur, pour aller terre à terre,
:Et dans les petits soins son faible se resserre.
:Ne troublons point du Ciel les justes règlements,
:Et de nos deux instincts suivons les mouvements ;
:Habitez par l’essor d’un grand et beau génie,
:Les hautes régions de la philosophie,
:Tandis que mon esprit se tenant ici-bas,
:Goûtera de l’hymen les terrestres appas.
:Ainsi dans nos desseins l’une à l’autre contraire,
:Nous saurons toutes deux imiter notre mère ;
:Vous, du côté de l’âme et des nobles désirs,
:Moi, du côté des sens et des grossiers plaisirs ;
:Vous, aux productions d’esprit et de lumière,
:Moi, dans celles, ma sœur, qui sont de la matière.
;ARMANDE
:Quand sur une personne on prétend se régler,
:C’est par les beaux côtés qu’il lui faut ressembler ;
:Et ce n’est point du tout la prendre pour modèle,
:Ma sœur, que de tousser et de cracher comme elle.
;HENRIETTE
:Mais vous ne seriez pas ce dont vous vous vantez,
:Si ma mère n’eût eu que de ces beaux côtés ;
:Et bien vous prend, ma sœur, que son noble génie
:N’ait pas vaqué toujours à la philosophie.
:De grâce souffrez-moi par un peu de bonté
:Des bassesses à qui vous devez la clarté ;
:Et ne supprimez point, voulant qu’on vous seconde [4] ,
:Quelque petit savant qui veut venir au monde.
;ARMANDE
:Je vois que votre esprit ne peut être guéri
:Du fol entêtement de vous faire un mari :
:Mais sachons, s’il vous plaît, qui vous songez à prendre ?
:Votre visée au moins n’est pas mise à Clitandre [5] .
;HENRIETTE
:Et par quelle raison n’y serait-elle pas ?
:Manque-t-il de mérite ? est-ce un choix qui soit bas ?
;ARMANDE
:Non, mais c’est un dessein qui serait malhonnête,
:Que de vouloir d’un autre [i] enlever la conquête ;
:Et ce n’est pas un fait dans le monde ignoré,
:Que Clitandre ait pour moi hautement soupiré.
;HENRIETTE
:Oui, mais tous ces soupirs chez vous sont choses vaines,
:Et vous ne tombez point aux bassesses humaines ;
:Votre esprit à l’hymen renonce pour toujours,
:Et la philosophie a toutes vos amours :
:Ainsi n’ayant au cœur nul dessein pour Clitandre,
:Que vous importe-t-il qu’on y puisse prétendre ?
;ARMANDE
:Cet empire que tient la raison sur les sens,
:Ne fait pas renoncer aux douceurs des encens ;
:Et l’on peut pour époux refuser un mérite [6]
:Que pour adorateur on veut bien à sa suite.
;HENRIETTE
:Je n’ai pas empêché qu’à vos perfections
:Il n’ait continué ses adorations ;
:Et je n’ai fait que prendre, au refus de votre âme,
:Ce qu’est venu m’offrir l’hommage de sa flamme.
;ARMANDE
:Mais à l’offre des vœux d’un amant dépité,
:Trouvez-vous, je vous prie, entière sûreté ?
:Croyez-vous pour vos yeux sa passion bien forte,
:Et qu’en son cœur pour moi toute flamme soit morte ?
;HENRIETTE
:Il me le dit, ma sœur, et pour moi je le croi.
;ARMANDE
:Ne soyez pas, ma sœur, d’une si bonne foi,
:Et croyez, quand il dit qu’il me quitte et vous aime,
:Qu’il n’y songe pas bien, et se trompe lui-même.
;HENRIETTE
:Je ne sais ; mais enfin, si c’est votre plaisir,
:Il nous est bien aisé de nous en éclaircir.
:Je l’aperçois qui vient, et sur cette matière
:Il pourra nous donner une pleine lumière.
!!!!SCÈNE II
!!!!!!//CLITANDRE, ARMANDE, HENRIETTE.//
;CLITANDRE
//^^à Armande^^//
:Oui, Madame, mon cœur qui dissimule peu,
:Ne sent nulle contrainte à faire un libre aveu ;
:Dans aucun embarras un tel pas ne me jette,
:Et j’avouerai tout haut d’une âme franche et nette,
:Que les tendres liens où je suis arrêté,
:Mon amour et mes vœux,
//^^à Henriette^^//
:sont tout de ce côté.
| ^^Spectacle 6^^<br>? //sketch//<br>//11'// [[Coup de soleil]] Mady Michèle |
!LES FUGUEUSES
!!!!!!//Christophe Duthuron & Pierre Palmade//
{{small bluey{Margaux, mère de famille et Claude, retraitée, ne se connaissent pas.
Margaux arrive, trench et gros sac à l’épaule, jauge l’endroit (voir les voitures arriver de loin), pose son sac, et se met déjà en posture de guet. Elle est encore essouflée, et commence à avoir froid.
Une voiture passe, trop vite: signe de Margaux puis mouvement de dépit. Le bruit d’une valise à roulette de l’autre côté interpelle Margaux.
Arrive Claude qui visiblement a beaucoup marché et est contente d’être enfin au bord de la Nationale.
Claude s’arrête entrée Jardin. Elle parait s’occuper de la stabilité de sa valise et du contenu de son sac.
Un peu méfiante (jardin), Margaux reprend son guet (cour).
Une deuxième voiture passe. Les deux font signe, Claude avec de grands gestes de sémaphore et un large sourire.
Claude se rend compte qu’elle est mal placée, Elle traine sa valise en passant devant Margaux, jusqu’à Cour. Elle s’assied sur sa valise et cherche dans son sac un en-cas.
Une troisième voiture passe. Les deux font signe, Claude avec de grands gestes de sémaphore et un large sourire.
Claude se rassied, et commence son sandwich.}}}
;MARGAUX
:{{red italic{(regard furibard)}}} Ca ne vous dérange pas que je sois là ?
;CLAUDE
:{{red italic{(Mâchonnant tranquillement, sans se tourner vers Margaux)}}} Non.
;MARGAUX
:Enfin, que je sois là depuis plus longtemps que vous ?
;CLAUDE
:{{red italic{(id)}}} Mais non.
;MARGAUX
:C’est ça ! Vous vous dites je vais me mettre devant elle, comme ça la première voiture qui s’arrête, c’est moi qui monterai dedans !
;CLAUDE
:{{red italic{(id)}}} Ah, vous faites du stop ?
;MARGAUX
:Non, je vends des valises !
:Elle attend vainement une réaction de Claude.
:Alors elle en rajoute une louche :
:A 3h00 du matin, sur une nationale, je me suis dit que je pourrai faire du chiffre !
;CLAUDE
:{{red italic{(id, sur le ton de quelqu’un qui n’a pas envie d’entrer en conversation)}}}
:C’est original.
;MARGAUX
:Mais c’est pas original : c’est FAUX !
:Evidemment que je fais du stop ! Et la première voiture qui s’arrête, elle est pour moi !
;CLAUDE
:{{red italic{(Très tranquillement, toujours sans regarder sa voisine)}}}
:Oh la, ma petite fille, je ne veux pas gâcher le début de vos vacances, mais moi faut vraiment que je parte là, maintenant et tout de suite !
;MARGAUX
:Mais je ne pars pas en vacances ! Moi aussi il faut que je parte là, maintenant et tout de suite !
;CLAUDE
:{{red italic{(idem, calme et posée)}}} Bon, peut-être, mais moi c’est une urgence !
;MARGAUX
:Mais moi aussi, c’est une urgence ! Je suis attendue !
;CLAUDE
:{{red italic{(gentiment mais fermement)}}} Et moi je suis poursuivie ! Voilà !
;MARGAUX
:Moi aussi je suis poursuivie !
;CLAUDE
:{{red italic{(Elle considère un instant Margaux, puis, moqueuse)}}} Ah bon, et par qui ?
;MARGAUX
:Par des gens qui m’attendent, voilà !
;CLAUDE
:{{red italic{(À nouveau sans regarder sa voisine, comme pour elle-même)}}} N’importe quoi !
;MARGAUX
:Non, non, pas n’importe quoi ! Parce qu’à force de m’attendre, forcément, au bout d’un moment, ils vont me poursuivre !
:Elle regarde de Claude, qui ne s’occupe absolument pas d’elle.
:{{red italic{(Pour elle-même)}}} Et puis j’ai pas à me justifier !
;CLAUDE
:{{red italic{(Lentement et gravement)}}} Ma petite fille, je joue ma vie là !
;MARGAUX
:Ah, vous jouez là ? Mais moi je ne joue pas ! C’est sérieux !
;CLAUDE
:{{red italic{(Posée et ferme)}}} Et moi, c’est grave !
;MARGAUX
:Eh ben, moi aussi c’est grave ! Je suis en danger là !
;CLAUDE
:{{red italic{(Très ferme)}}} Moi aussi, je suis en danger !
;MARGAUX
:Oui, mais moi je suis une femme ! Une femme seule, au bord de la route, en pleine nuit !
:Là, Claude se tourne vers Margaux. Les deux femmes se défient du regard.
;CLAUDE
:{{red italic{(Féroce)}}} BATAILLE !
;MARGAUX
:Ah non pas bataille ! Je suis une proie moi. Vous, c’est pas pareil.
;CLAUDE
:{{red italic{(piquée)}}} Et pourquoi moi se serait pas pareil ?
;MARGAUX
:Ben parce que…et ben oui…bah voilà ! Vous êtes âgée, vous ne risquez rien !
;CLAUDE
:{{red italic{(franchement irritée)}}} Qu’est ce que vous voulez dire ?
;MARGAUX
:Ecoutez, ne me forcez pas à être désagréable.
;CLAUDE
:{{red italic{(cinglante)}}} J’ai l’impression qu’on a pas besoin de vous forcer ! Vous y arrivez très bien toute seule !
;MARGAUX
:Toute seule ???
:Qui c’est qui déboule sur ma nationale pendant que je suis tranquillement en train de faire du stop ?
:Parce que moi, j’était tranquillement en train de faire du stop !
:Toute seule, j’étais tranquille !
:Toute seule, je suis désagréable avec personne, moi !
:Tout va très bien !
;CLAUDE
:{{red italic{(sèchement)}}} Et bah, si tout va très bien, qu’est ce que vous m’emmerdez ?
:Profitez-en de votre nationale, moi je ne fais que passer !
:Je saute dans la première voiture et je vous laisse !
;MARGAUX
:Je ne sais même pas pourquoi je vous parle ! J’étais en premier, voilà, point !
;CLAUDE
:Non pas point : virgule !
:« Tranquille » !
:Et moi, je suis arrivée pas « tranquille » du tout,
:dans l’urgence de trouver une bagnole !
;MARGAUX
:Ma bagnole !
;CLAUDE
:Sa bagnole ! Ma bagnole !
;MARGAUX
:C’est ce que je dis : ma bagnole !
:Une voiture passe …
;MARGAUX
:Ma bagnole !
:… mais elle ne s’arrète pas
;CLAUDE
:Et ben voilà, elle est passée votre bagnole !
:La prochaine, c’est la mienne !
;MARGAUX
:Alors ça, c’est ce qu’on va voir !
:Elle défait lentement son imper et expose sa jambe sur son grand sac.
;CLAUDE
:Ah d’accord ! {{red italic{(Sa colère tombe)}}}
:{{red italic{(avec commisération)}}} Vous avez rien trouvé de mieux ?
;MARGAUX
:Si !
:Elle ouvre largement son imper : elle est en robe de soirée.
;CLAUDE
:Ah d’accord, j’avais pas compris !
;MARGAUX
:Et compris quoi ?
;CLAUDE
:Mais bien sûr ! Suis-je bête !
;MARGAUX
:Pas compris quoi ?
;CLAUDE
:Bah que vous êtes là pour travailler !
;MARGAUX
:Mais elle me traite de pute !
;CLAUDE
:Non, non, je ne vous traite pas ! J’ai beaucoup de respect pour cette profession !
;MARGAUX
:Mais je ne suis pas une pute ! Mais ça va pas ? Vous êtes tordue ! Qu’est ce que vous allez chercher là ? Je suis une mère de famille très respectable, qui quitte tout simplement son foyer !
;CLAUDE
:En robe du soir ?
;MARGAUX
:Oui, en robe du soir ! C’est l’anniversaire de ma fille figurez-vous ! 18 ans, c’est une date, non ? Et en bonne mère de famille, je me suis coiffée, maquillée et habillée !
;CLAUDE
:Et votre départ, c’est le cadeau ?
;MARGAUX
:C’est celui que je me suis fait en tout cas.
;CLAUDE
:Ah ! Donc c’est la première fois que vous faites la pute ?
;MARGAUX
:Je ne fais pas la pute ! Je fais une fugue !
;CLAUDE
:Une fugue ?
;MARGAUX
:Oui, voilà, je fais une fugue ! C’est ça, une fugue ! Vous faites ce que vous voulez, vous. Moi, je fais une fugue !
;CLAUDE
:Je fais une fugue !
;MARGAUX
:Voilà ! Je fais une fugue, voilà !
;CLAUDE
:Mais non ! Moi aussi, je fais une fugue !
;MARGAUX
:Ah bon ! Et ben…ah bon ?
;CLAUDE
:Bataille !
;MARGAUX
:Et vous fuguez d’où ?
;CLAUDE
:D’une maison de retraite !
;MARGAUX
:D’où ?
;CLAUDE
:Des Glaïeuls !
;MARGAUX
:C’est quoi ” Les Glaïeuls ” ?
;CLAUDE
:En général, c’est des fleurs assez moches !
:Mais là, c’est une maison de retraite, assez moche aussi, d’ailleurs.
:Avec des vieux dedans, moches,
:qui déambulent dans des peignoirs moches
:et qui dorment dans des chambres moches…
:Et croyez-moi, c’est très dur d’être une belle femme au milieu de tout ça !
;MARGAUX
:C’est complètement ridicule de fuguer d’une maison de retraite !
;CLAUDE
:Parce que quitter sa famille pour les 18 ans de sa fille c’est plein de bon sens !
;MARGAUX
:On voit bien que vous ne les connaissez pas !
;CLAUDE
:Parce que, vous, les Glaïeuls vous connaissez bien !
;MARGAUX
:Non, je ne connais pas les Glaïeuls, non !
:Moi, si ma maison elle avait un nom de fleur, ça serait les Orties avec deux ronces qui poussent dedans.
:{{red italic{Elle jette un coup d’œil à son portable.}}}
:Et qui ne se sont toujours pas rendu compte que j’étais partie ! Je ne le crois pas ça !
;CLAUDE
:Pourquoi, vous attendez des nouvelles là ? La page est bien tournée !
;MARGAUX
:Je ne veux pas de nouvelles.
:Je veux juste être sûre qu’ils ont bien trouvé mon mot d’adieu sur le lit.
;CLAUDE
:Ah bon, parce que vous avez peur qu’ils s’inquiètent ?
;MARGAUX
:C’est important pour moi de savoir que le message est bien passé !
:Hein !
:Que tout est clair !
;CLAUDE
:Y’avait quoi dans cette lettre ?
;MARGAUX
:C’était pas une lettre, c’était un mot !
;CLAUDE
:Mais il y avait quoi dans ce mot ?
;MARGAUX
:Un mot : MERDE !
;CLAUDE
:Et ” merde ” pour vous c’est clair, ils vont tout comprendre ?
;MARGAUX
:Oui, c’est clair ! Qu’est ce que vous voulez qu’ils comprennent d’autre ? Hein ?
:{{red italic{(Elle essaie de plaisanter)}}} On dit pas : “tout va bien, merde” !
:” je reviens dans 5 minutes, merde ” !
:Non, ” merde “, c’est ” merde ” !
:Dans ” merde “, il n’y a rien d’autre que ” merde ” !
:{{red italic{(Elle craque, son drame la déborde)}}} Enfin si, là il y a : j’en ai marre !
:Ca fait 20 ans que je m’occupe de vos vies, de vos couches, de vos slips !
:20 ans que je n’ai plus 20 ans !
:Que je m’oublie, que je me sèche, que je me fane !
:{{red italic{(Elle fait face à Claude, pour s’effondrer …)}}} Je ne ris plus, je ne pleure plus, je ne respire plus, j’étouffe, je crève,
:{{red italic{(… et exploser)}}} JE PARS !
;CLAUDE
:Y’a tout ça dans ” merde {{red italic{(Elle reste un instant sidérée à considérer Margaux. Gentiment : )}}} ” ?!?! Eh bah merde !
;MARGAUX
:{{red italic{(Sans agressivité, comme une évidence)}}} C’est une crise un peu plus profonde qu’un petit spleen de maison de retraite !
;CLAUDE {{red italic{(sursaute)}}}
:Qu’est ce que vous en savez ?
;MARGAUX {{red italic{(Toujours sans agressivité, tellement elle est convaincue de l’évidence de ce qu’elle dit)}}}
:C’est vrai, j’en sais rien !
:Mais je crois qu’à votre âge, ça serait plus raisonnable de faire gentiment demi-tour !
:De repasser la porte d’entrée en disant :
:{{red italic{(à la cantonnade, sans s’apercevoir que la colère gagne Claude)}}}
:« Coucou, c’est moi, quelle jolie balade ! »
:Hein ?
:Pipi, popo, le dentier dans le verre à dent et à demain !
;CLAUDE {{red italic{(avec une dureté sans réplique,violence parfaitement maîtrisée)}}}
:Dit-donc fleur de cactus !
:J’ai fais aucun commentaire sur ta petite vie de ménagère merdique qui pleure ses 18 ans, au lieu de fêter ceux de sa fille !
:Alors, tu arrêtes tout de suite avec cet air condescendant !
:Parce que mon dentier, tu vas te le prendre dans la gueule !
:Avec le verre à dent et quelques glaïeuls pour faire plus joli !
:Parce que tu t’es peut-être trompée de mari, mais moi j’avais trouvé le bon !
:{{red italic{(lentement, voix sourde : elle est émue mais sans le moindre pathos)}}}
:… Il est mort il y a 6 mois,
:… sans m’avoir laissé un petit mot sur le lit !
:Tu vois,
:moi, même un petit ” merde “,
:… ça m’aurait fait plaisir !
:{{red italic{(D’abord gravement, puis de plus en plus fort et durement)}}}
:Alors attendre mon tour dans une maison de retraite qu’on habille en nom de fleur,
:alors qu’il y pousse que des chrysanthèmes,
:c’était l’idée de mon fils,
:c’était pas la mienne !
:Alors, je ne sais pas où je vais, mais je sais ce que je fuis !
:Et celle de nous deux qui devrait rebrousser le chemin tant qu’il en est encore temps, je crois que c’est toi, ma petite fille !
:{{red italic{(Grand soupir de soulagement)}}}
:Putain, ce que ça fait du bien de gueuler un bon coup !
:{{red italic{Le portable de Margaux sonne (message)}}}.
:{{red italic{(prête à se moquer)}}} Tiens, ils l’ont lu ton « merde » ?
:Alors qu’est-ce qu’il disent ?
;MARGAUX {{red italic{(elle lève lentement les yeux droit devant elle, et débite comme une somnanbule :)}}}
: « Fais ce que tu veux, nous on va se coucher »
:{{red italic{Une voiture s’arrête (coulisse jardin) , Claude monte, Margaux reste statufiée ; la voiture ne part pas, Claude revient et l’entoure gentiment :}}}
;CLAUDE
:Bah alors,
:tu viens ?
:{{red italic{Et elles disparaissent toutes les deux(jardin). On entend la fermeture du coffre puis de la portière, et la voiture qui part…}}}
!^^Jacqueline Barrette
^^LES LARMES VOLÉE
;Francine
Bon écoutez !
On peut pas dire que je suis venue en thérapie parce que j’étais en dépression profonde, hein ?
Claudette tantôt, elle disait : « //Si toi t’es déprimée, moi je suis au bord du suicide.// » //(elle ricane)//
Je veux dire que je suis ici parce que, à un moment donné, ben, y’a trois mois, à peu près, j’ai réalisé qu’effectivement y’étais peut-être temps que j’envisage le paradoxe de ma vie, vous savez ?
Ben, j’aime mon job au journal, j’ai des projets, j’ai des amis, j’ai une vie sociale assez intéressante, c’est un peu comme si mon seul problème dans la vie c’est d’être « //grasse// », mais j’veux dire…
à un moment donné, ça m’a comme sauté aux yeux..
que ..
ben, mon problème de poids avait pas grand-chose à voir avec ma volonté.
J’veux dire, comment ça se fait que je réussis dans tout, pis ce que je désire le plus au monde, être mince, j’y arrive pas ?
C’est à peu près ça que je vous avais dit le première fois, hein ?
!LES OISEAUX DE LA MONTAGNE
//ZHANG JI (768-830)//
Les oiseaux aux plumes blanches
comme de la soie,
chaque soir se perchent
dans les branches
près de ma fenêtre.
Cette nuit, un petit singe est venu
chiper des châtaignes
et brusquement, deux par deux,
les oiseaux se sont envolés
vers le ciel.
!LES POISSONS ROUGES
{{center{
!!!!!Jean Anhouil
!!!!QUATRIEME ACTE
}}}/%
|Description:|Acte IV scène1 - Les parents se jettent le bébé à la figure|
%/
>//La chambre nuptiale d'Antoine et de Charlotte. Ils sont au lit. Sur une chaise, sa jaquette, son haut de forme de mariage. Sur l'autre chaise, une robe et une grande capeline de couleur tendre.//
;ANTOINE
://bêtifiant, caressant Charlotte.//
:Guili. Guili.
;CHARLOTTE
://même jeu.//
:Guili. Guili. Amour à moi.
;ANTOINE
:Non. A moi. Meumeu.
;CHARLOTTE
:Moumou.
;ANTOINE
://bêtifiant.//
:A qui c’est ça?
;CHARLOTTE
:A Antoine!
;ANTOINE
:Et ça?
;CHARLOTTE
:A Antoine!
;ANTOINE
:Et tout ça, tout ça?
;CHARLOTTE
:A Antoine!
;ANTOINE
:Guili. Guili.
;CHARLOTTE
:Guili. Guili.
;ANTOINE
:O solstice! Pleine lune! La mer étale...
;CHARLOTTE
://serrée contre lui.//
:Ah, je suis trop bien avec toi! Tu crois que c’est dangereux d’être trop bien?
;ANTOINE
:Non. Le bonheur absolu, c’est un minimum. Les hommes ne sont pas assez exigeants. Ton petit cœur, je l’entends.
;CHARLOTTE
:Il saute comme un petit chien qui a retrouvé son maître.
;ANTOINE
://la caressant.//
:Et ton petit ventre doux et rond est mon ami... //(Il s'exclame.)// Et, en plus, on a des papiers en règle! On n’a même pas à avoir peur de l’œil torve de la femme de chambre, du sourire en coin du patron... Ah! C’est une chose délicieuse le mariage!... On devrait se marier tout le temps.
;CHARLOTTE
://pâmée.//
:C’est comme du cinéma!
;ANTOINE
:Oui. Mais un très bon film. Guili. Guili.
;CHARLOTTE
:Guili. Guili. //(Il l'étreint soudain; elle murmure, enfantine.)// Oh, encore? Cela peut se faire autant de fois, tu crois?
://Pendant leur étreinte, soudain, très proche, un cri perçant de bébé qui ne s'arrête plus, en coulisses. Antoine a dressé une oreille inquiète.//
;ANTOINE
:Qu’est-ce que c’est?
;CHARLOTTE
://tranquille.//
:C’est Camomille.
;ANTOINE
://sursaute.//
:Comment? Nous avons déjà un bébé?
;CHARLOTTE
:Hé oui!
;ANTOINE
:Mais c’est notre nuit de noces!
;CHARLOTTE
://calme.//
:Ce n’est déjà plus notre nuit de noces, mais c’est encore le paradis, mon chéri.
://Le bébé qui n'a pas cessé de crier en coulisses pendant ces répliques s'arrête soudain. Détente.//
;CHARLOTTE
:Elle se calme.
;ANTOINE
://béat.//
:Ah, qu’on est bienl... L’eau fraîche du silence. On est peut-être encore mieux que le premier jour, parce qu’on a l’impression que cela dure... La vie qui a pris une forme, enfin!... Une eau tranquille, au courant lent, les rives verdoyantes, la barque glisse, le calme...
://Le bébé se remet à crier plus fort que jamais, en coulisses.//
;ANTOINE
://sombre.//
:Ça doit être les dents.
;CHARLOTTE
:Ou une épingle.
;ANTOINE
://un peu amer.//
:C’est tout de même curieux qu’elle ait choisi la nuit, pour sentir les épingles. Le jour, pas moyen de lui faire ouvrir l’œil, quand on aimerait bien en profiter un peu. Elle dort, souriant aux anges. Chut! Ne la réveillons pas. Et la nuit... //(Il crie soudain, tapant rageusement sa tête sur son oreiller.)// La nuit on dort, bon Dieu! Je suis crevé, moi. Dormons! Elle finira par s’arrêter. Notre attitude ferme la découragera. //(Ils essaient de dormir; les cris se font de plus en plus violents. Antoine s'est dressé.)// Elle est odieuse! Tu l’élèves n’importe comment, ta fille! Qu’est-ce que ça va être, à quinze ans, quand elle commencera à faire la vie pour sortir le soir! //(Il crie au bébé.)// Assez! Couché!
;CHARLOTTE
:Ce sont ses dents. Va la chercher, mon chéri.
;ANTOINE
://se levant en chemise, ridicule.//
:Elle va voir de quel bois je me chauffe!
://Il sort et revient, portant dans ses bras un petit tas de linges ou un polochon avec un bonnet et une chemise qui figure le bébé. Les cris se sont arrêtés.//
;ANTOINE
:Plus d’épingle. Plus de dents. Le silence. Donc, ce qu’elle voulait, la garce, c’est qu’on la tienne dans les bras. Toutes les mêmes !
://Il la promène un moment sous l'œil attendri de Charlotte.//
;CHARLOTTE
:Elle s’est calmée. Va la reposer doucement dans son berceau.
://Il sort avec des précautions infinies et revient sur la pointe des pieds, dans le silence. Dès qu'il a levé la jambe pour monter dans le lit, les cris reprennent. Il reste un moment, un rictus écœuré sur le visage, une jambe en l'air et sort comme un fou. Il rentre portant le tas de linge dans ses bras, sombre, dans le silence. Il marche dans la chambre et constate.//
;ANTOINE
:Elle veut bien nous laisser dormir, à condition qu’on la promène — c’est-à-dire, qu’on ne dorme pas. La souffrance lui est insupportable, c’est le désespoir absolu, le poids total de la misère humaine sur son dos, si nous, nous dormons. Si nous ne pouvons pas dormir non plus, la vie lui paraît plus acceptable. Elle consent à ne pas hurler. C’est la passion égalitaire des Français. On leur fourre ça dans la tête, tout petits! //(Il crie soudain, rageur.)// Et si je la réveillais, moi, dans la journée? Si cela me prenait, à moi, l’envie de la promener le jour et que je hurle devant son berceau jusqu’à ce qu’elle se réveille?
;CHARLOTTE
:Tu dis n’importe quoi !
;ANTOINE
:Je dis n’importe quoi, parce qu’elle fait n’importe quoi! C’est un bébé, c’est entendu, c’est toute la faiblesse du monde, mais elle ne doit pas en abuser elle non plus! Moi je pourrais la tremper dans l’eau froide, la mettre la tête en bas, lui pincer le nez. Et je ne le fais pas!
;CHARLOTTE
:Mais Antoine, toi, tu es grand! Si elle t’entendait dire ces choses odieuses... Donne-la moi!
;ANTOINE
:Volontiers. La misère humaine me bouleverse; la vue d’un malheureux et je suis saint Vincent-de-Paul, mais je n’aime pas qu’on insiste. Et on insiste toujours. Le malheur manque de tact.
://Il lui passe le bébé qui se remet aussitôt à hurler.//
;CHARLOTTE
://essaie de la calmer un instant en vain et la lui repasse.//
:Non. Décidément elle veut être avec toi. Reprends-la !
://Dès que le tas de chiffons est dans les bras d'Antoine, les cris s'arrêtent. Il constate, satisfait.//
;ANTOINE
:J’ai tout de même une certaine influence masculine sur elle.
;CHARLOTTE
://qui le regarde, amère, vexée.//
:C’est comme toutes les filles. Elle préfère son père. Ce que j’ai fait pour elle, ma vie risquée, mes seins flétris par les tétées, rien ne compte! Elle préfère son père. Hé bien, soit ! Garde-la. Moi, je dors ! i
://Elle se réenfiché.//
;ANTOINE
:Ah non! Ce serait trop facile. Reprends-la et donne-lui le sein. Cela lui changera les idées. C’est ta fille après tout!
://Il a remis d'autorité le tas de chiffons dans les bras de Charlotte.//
;CHARLOTTE
://berçant le bébé qui s'est remis à crier, furieuse.//
:Ce n’est pas la tienne, peut-être?
;ANTOINE
:Je l’espère. Quoique ce soit une chose dont on n’est jamais sûr!
;CHARLOTTE
://sortant furieusement son sein.//
:Monstre! Mufle! Goujat! Tu l’aurais mérité! C’est trop tard pour celle-la, mais tu l’aurais mérité! Bois, mon ange! C’est le lait de maman. Papa n’en a pas.
://Le bébé crie et refuse le sein.//
;CHARLOTTE
:Tu l’as montée contre moi! Elle refuse le sein de sa mère, l’ingrate!
;ANTOINE
://retapant le lit et se couchant.//
:Quoi qu’il en soit, moi, je suis un traditionaliste. Je suis pour la mère au foyer. C’est elle qui élève les enfants. Moi, je défends l’entrée de la caverne, avec ma grosse massue; je vais à la chasse et je reviens le soir avec un quartier d’auroch saignant sur l’épaule pour nourrir tout le monde. Je dors!
://Il tape sa tête sur son oreiller comme un guignol décidé à dormir quoi qu'il arrive. Charlotte, haineuse, s'est levée et arpente la chambre en chemise, berçant furieusement le tas de chiffons. Elle chante rageusement, tentant de couvrir les cris du bébé.//
;CHARLOTTE
://chantant.//
<<<
L’enfant si doux
L’enfant si mol
Lait son dodo
Do mi si do
La ré bémol
Va t’en gros loup!
Bébé s’apaise
Dans son berceau
La si ré do
Sol mi fa dièse!
<<<
://Le tas de chiffons hurle de plus en plus; elle hurle aussi, le secouant abominablement.//
;CHARLOTTE
:Tu vas te taire? Tu vas te taire? Tu vas te taire? Tiens! Va le retrouver, ton père, puisque tu l’aimes plus que moi! Tu verras comment il te fera téter, lui!
://Elle a remis de force le bébé dans les bras d'Antoine surpris.//
;ANTOINE
://le bébé dans les bras.//
:Elle crie avec moi aussi maintenant!... Tu lui as donné de déplorables habitudes! Son éducation est fichue!
;CHARLOTTE
://qui retape rageusement son oreiller.//
:Berce-la. Chante. Chacun son tour. Moi, je dors!
;ANTOINE
://arpentant la chambre, chante, rageur.//
<<<
L’enfant si doux
L’enfant si mol
Fait son dodo
Do mi si do
La ré bémol
Va t’en gros loup!
Bébé s’apaise
Dans son berceau
La si ré do
Sol mi fa dièse!
<<<
://Exaspéré, il a pincé le nez de l'enfant qui se met à hurler de plus belle.//
;CHARLOTTE
://s'est dressée, tragique.//
:Qu’est-ce que tu lui as fait?
;ANTOINE
://un peu penaud.//
:Je lui ai pincé le nez.
;CHARLOTTE
:Monstre! Monstre! Monstre!
;ANTOINE
://hors de lui.//
:Prends-la donc, toi, puisque tu sais si bien t’y prendre! Tu es sa mère, oui ou non? Tiens, attrape!
://Il lui lance le bébé.//
;CHARLOTTE
://indignée.//
:Oh! Son enfant! Père dénaturé! Il la jette, il la rejette! Reprends-la, ou elle va se douter de quelque chose! Elle aura des complexes !
;ANTOINE
://qui tente de se recoucher.//
:Tant pis ! On verra plus tard ! On l’enverra chez les psychiatres! Moi, je dors!
;CHARLOTTE
://lui relançant le bébé.//
:Jamais! Attrape, monstre! C’est qu’il la laisserait tomber, l’assassin!
;ANTOINE
:Et si je l’avais ratée, mauvaise mère? A toi, je te dis !
://Il lui relance le bébé. Ils font peut-être un échange de balles muet. Entre, soudain, Madame Prudent en camisole de nuit, cheveux épars, vision cauchemardesque. Elle s'empare du bébé hurlant, indignée.//
;MADAME PRUDENT
:Vous n’avez pas honte?
://Ils sont un peu gênés. Elle commence à mignoter le bébé, qui finit d'ailleurs par se calmer, touchante et ridicule.//
;MADAME PRUDENT
:Ma mouche. Ma mèche. Ma miche. Mon tout petit trognon. Guili. Guili. Raton. Ratou. Miché. Michette. Qui c’est qui fait un beau sourire à sa Mamy? Qui c’est qui a son petit cucul tout mouillé , et qui veut qu’on le sèche et qu’on le poudre? Qui c’est qui a fait un beau caca tout propre pour faire plaisir à ses bons parents ? Ronron. Poucette. Pouçon. Mouchette. Qui c’est qui va prendre son poupouce et faire un gros petit dodo?
://Elle est sortie, ridicule, les laissant là, raides.//
;ANTOINE
://murmure.//
:Quel cauchemar!
;CHARLOTTE
://pincée.//
:C’est ma mère.
;ANTOINE
:Je ne t’ai jamais dit le contraire.
://Ils se regardent, hostiles, et refont le lit en silence. Puis ils se recouchent tous deux, se tournant aussitôt le derrière et éteignent tous deux leurs lampes, sans un mot. On entend leurs respirations alternées. Antoine soudain ronfle.//
;CHARLOTTE
://aigre, dans l'ombre.//
:Tu ronfles.
;ANTOINE
:Non. C’est toi. Pousse ton pied.
://Ils se rendorment. Soudain une sonnerie de réveil, stridente. Ils se dressent hagards, ne comprenant pas tout de suite ce que c'est.//
;ANTOINE
:Qu’est-ce que c’est? le téléphone?
;CHARLOTTE
:Non. C’est le réveil. Je l’avais mis à six heures.
;ANTOINE
://hurle.//
:A six heures! Mais nous nous sommes disputés toute la nuit!
;CHARLOTTE
://aigre.//
:A qui la faute si nous n’avons pas dormi ?
{{center{
!LES VAGUES BAIGNENT LE SABLE
!!!!!!//Tcheou Pang-yen (1057-1121)//
Mille feuilles frissonnent ; l'automne bruit, et la rosée se fige.
L'oie sauvage a franchi les syrtes sablonneuses ;
Mais l'herbe fine, enveloppée de brume, verdoie toujours.
Quand vient le soir, s'accuse l'azur des montagnes lointaines.
A la lisière des nuages paraît, confuse et pâle, une lune nouvelle ;
Sur les mille façades, les jalousies et les rideaux renvoient les rayons du couchant.
On entend quelque part, au bord d'un étage, les notes d'une flûte,
Dont la touche embellit les couleurs de l'automne.
Lourd de pensées muettes,
Le cœur du voyageur en secret se consume.
Je songe au temps des perles et du jade : au bord des eaux, déjà l'angoisse me prenait.
C'est bien pis aujourd'hui, que j'erre au bout du ciel!
Je me souviens de mes jeunes années, des chansons et du vin,
Des aventures d'autrefois.
La fleur de l'âge aisément se flétrit.
Des vêtements, la taille se relâche ; à force de soucis, le cœur étouffe.
L'essaim s'est dispersé, les gracieux compagnons ne se rejoignent plus.
Jusqu'au pont bleu des rendez-vous, la longueur du chemin me fait perdre courage.
Et comme un vieux cheval hennit encore
Quand son sabot franchit les rues et les chemins de jadis.
De même je soupire : des souvenirs de mon passé, chacun suffit à me blesser.
Au loin mes yeux se perdent ;
Mais mon esprit soudain se glace, et de nouveau, du poing, je frappe la clôture.
}}}
!LETTRE DE LA FEMME FIDÈLE
//ZHANG JI (768-830)//
Monsieur, vous saviez bien
que j’appartenais à un mari,
pourtant vous m’avez offert
ces deux perles lumineuses.
Croyez-moi, émue
par votre passion,
j’ai tremblé
en contemplant leur éclat
sur ma blouse de soie rouge.
Mais la demeure de mon père
se dresse altière
à côté des jardins du palais,
mon mari tient la lance dorée
dans la garde de l’empereur.
Mon cœur me dit
que vos sentiments
sont élevés et purs c
omme les rayons du soleil
et de la lune,
mais je ne peux quitter celui
à qui me lie un serment éternel.
Reprenez donc vos perles
et sachez bien
que mes larmes les accompagnent.
Que ne vous ai-je connu, mon ami,
avant d’avoir engagé
ma liberté
pour toute la vie !
{{center huge{
! L O L O T T E
!!!!!!~~de Meilhac et Halévy~~
}}}
!!!!!PERSONNAGES
Lolotte, La Baronne Pouf, Julie femme de chambre, Croisilles, Le Baron Pouf, un domestique.
//A Paris, de nos jours.
Un salon. — Porte d'entrée au fond. — A gauche, premier plan, cheminée; devant la cheminée, un pouf; un canapé. — A droite, premier plan, fenêtre; un guéridon; d’un côté du guéridon, un fauteuil, de l‘autre, une chaise. — Au deuxième plan, en pan coupé, deux portes, l'une à droite, l'autre à gauche.//
!!SCENE PREMIERE Le Baron, La Baronne.
//Au lever du rideau, le baron est au fond, tenant la porte entr'ouverte comme s'il allait sortir.//
;Le Baron, redescendant.
:Eh bien, non, je ne m'en vais pas.
;La Baronne, assise sur le canapé près de la cheminée.
:Ah !
;Le Baron.
:Quelle idée vous pique ? Vous voulez rester seule pour une raison mystérieuse, et que je m’en aille ! Ce n'est pas raisonnable...
;La Baronne.
:Mais, cher, si c'était raisonnable, je n'aurais pas besoin de vous le demander, vous le feriez tout naturellement.
://(On sonne.)//
;Le Baron.
:On sonne... Tenez, si nous faisions la personne qui d'entre juge entre vous et moi?
;La Baronne.
:Attendez d'abord que je sache qui c'est...
://(Entre Croisilles par la porte du milieu.)//
!!SCÈNE II Les mêmes, Croisilles.
;Le Baron.
:C'est ce cher Croisilles...
;Croisilles.
:Madame... Bonjour, baron...
;La Baronne.
:Oui! je veux bien que, lui, soit juge.
;Le Baron.
:Voici ce qui se passe, mon cher ami. Ma femme me demande de m'en aller et de ne pas rentrer avant cinq heures.
;La Baronne.
:Quatre heures et demie, si vous voulez... à quatre heures et demie vous pourrez revenir.
;Le Baron.
:Moi, naturellement, je demande pourquoi; elle me répond que d'ici à cinq heures... que d'ici à quatre heures et demie, elle a quelque chose à faire... et que ce quelque chose, elle ne veut pas me le dire, parce qu'il ne faut pas que je le sache... Là-dessus, moi, j'hésite à m'en aller.
;Croisilles.
:Vous hésitez!
;Le Baron.
:Enormément. La Baronne me le reproche et soutient que je devrais être déjà parti : nous vous demandons d’être juge entre nous.
;Croisilles.
:Allez-vous-en.
;Le Baron.
:Vous dites?...
;Croisilles.
:Allez-vous-en tout de suite...
;Le Baron.
:Vous le pensez vraiment ?
;Croisilles.
:Absolument.
;Le Baron.
:Eh bien, si je m'attendais... je vous croyais mon ami.
;Croisilles.
:Certainement, je suis votre ami... mais la prévenance avant tout... Vous le devez à madame.
;Le Baron, allant à La Baronne.
:Il faut que je m'en aille, alors?...
;La Baronne.
:Mais oui, mais oui...
;Le Baron.
:Dites-moi, au moins...
;La Baronne.
:Non, mon ami, je ne peux pas vous dire...
;Croisilles.
:Puisque madame ne peut pas vous dire...
;Le Baron, allant à Croisilles et lui prenant le bras.
:Eh bien, allons-nous-en.
;Croisilles.
:Comment, allons-nous-en!...
;La Baronne, les séparant d'un geste, sans se lever, et faisant signe à Croisilles de passer à gauche.
:Non, lui, je le garde.
;Le Baron.
:Ah !
;La Baronne.
:Oui.
;Le Baron.
:C'est moi tout seul qui dois m'en aller, alors?...
;La Baronne.
:Sans doute...
;Le Baron.
:Parce que vous avez à faire quelque chose que vous ne voulez pas me dire, parce que je ne dois pas le savoir.
;La Baronne.
:C'est cela même.
;Le Baron.
:Et je pourrai revenir à quatre heures?
;La Baronne.
:A quatre heures et demie, pas avant quatre heures et demie.
;Le Baron.
:Je m'en vais... je m'en vais...
;La Baronne.
:Ah! c'est bien!... embrassez-moi...
;Le Baron.
:Ça vaut bien ça,
://(II l'embrasse sur le front.)//
;La Baronne.
:Et revenez à quatre heures un quart, si vous voulez.
://(Il sort.)//
!!SCÈNE III Croisilles, La Baronne.
;CROISILLES, très vivement, venant s'asseoir sur une chaise tout près de La Baronne.
:Oh!... chère... chère...
;La Baronne, se levant.
:Eh bien, qu'est-ce que c'est?... Qu'est-ce que vous vous êtes mis en tête?
://(Elle se lève et descend on scène.)//
;Croisilles, assis.
:Mais... moi?... mais rien du tout...
;La Baronne.
:Si fait... je suis sûre que vous vous êtes imaginé que si je renvoyais Le Baron, c'était pour rester seule avec vous.
;Croisilles, se levant, allant à La Baronne très vivement.
:Oh ! ce serait...
;La Baronne.
:Ce n'est pas pour ça du tout; vous aussi vous allez partir... mais, avant, je veux bien vous dire, à vous, pourquoi j'ai besoin de rester seule pendant deux heures... Jamais je n aurais osé le dire au baron... Je le respecte trop pour cela.
;Croisilles.
:Tandis que moi...
;La Baronne.
:Cela vous fâche?
;Croisilles.
:Ça ne me fâche pas précisément...
;La Baronne.
:Dites-moi que vous m'aimez, je veux bien.
;Croisilles.
:Oh! oui, je vous aime.
;La Baronne.
:Dites-moi que vous n'aimez que moi, que ni maintenant ni jamais vous n'aimerez une autre femme...
;Croisilles.
:Je n'aime que vous, ni maintenant ni jamais je n'aimerai une autre femme que vous...
;La Baronne.
:Vous dites bien!...
;Croisilles.
:C'est que je pense!...
;La Baronne.
:Dites encore que, tout en m'aimant, vous savez parfaitement que vous n'avez rien à espérer, si ce n'est le plaisir de baiser, de temps à autre, le bout de mes doigts...
;Croisilles.
:Vous tenez à ce que je dise cela?...
;La Baronne.
:J'y tiens.
;Croisilles.
:Cependant...
;La Baronne.
:Dites tout de suite, ou je vous renvoie...
;Croisilles.
:Allons, soit!... Tout en vous aimant, je sais parfaitement que je n'ai rien à espérer...
;La Baronne.
:Vous dites cette phrase-là moins bien que les deux premières, et cependant c'est assurément la plus vraie...
://(Elle gagne la droite.)//
;Croisilles.
:Comment!...
;La Baronne, s'asseyant dans le fauteuil près du guéridon, et faisant signe à Croisilles de s'asseoir sur la chaise de l'autre côté du guéridon.
:Maintenant, je vais vous dire pourquoi j'ai besoin de rester seule. Il y a quatre jours, chez madame de Médeux, il a été convenu que nous donnerions, au profit des vieux, une seconde représentation de la pièce que le monsieur de Samma a fait jouer au cercle... vous savez?...
;Croisilles.
:J'y étais. Les rôles d'hommes étaient joués par des membres du cercle, les rôles de femmes étaient joués pur des actrices.
;La Baronne.
:Oui, mais dans la représentation qui sera donnée chez madame de Médeux les rôles de femmes seront joués par nous... Mes amies ont pris les rôles de Zerline et de Suzanne; restaient ceux du Chevalier et de la Paysanne qui doivent être joués par la même personne : on me les a tous les deux...
;Croisilles.
:Tous les deux...
;La Baronne.
:… donnés en m'assurant que j'y serais charmante. Je crains de me rendre un peu ridicule...
;Croisilles.
:Oh!
;La Baronne.
:Vous ne pouvez pas vous faire une idée de la façon dont je joue le rôle du Chevalier... c'est abominable! Et le rôle de la Paysanne, donc!... c'est atroce ! Alors, j'ai eu une idée, je savais que le rôle du Chevalier et celui de la Paysanne avaient été joués au cercle par mademoiselle Lolotte.
;Croisilles.
:Lolotte !...
;La Baronne.
:Eh bien, oui, Lolotte... qu'est-ce que vous avez?
;Croisilles.
:Moi? je n'ai rien.
;La Baronne.
:Quand j'ai prononcé le nom de mademoiselle Lolotte, vous avez fait un mouvement.
;Croisilles.
:Moi? pas du tout.
;La Baronne.
:Je savais que mademoiselle Lolotte avait beaucoup, beaucoup de talent... je l'avais vue jouer dans La Fille de Nature; je me suis dit que si mademoiselle Lolotte me faisait répéter les deux rôles qu'elle avait joués, elle arriverait à me rendre passable... et j'ai écrit à mademoiselle Lolotte.
;Croisilles.
:Vous avez écrit à Lolotte ?...
;La Baronne.
:Oui, je l'ai priée de venir me faire répéter aujourd'hui, à deux heures... Et elle m'a répondu, dans une lettre fort bien tournée, ma foi! elle m'a répondu qu'elle viendrait.
;Croisilles.
:Lolotte va venir ici?
;La Baronne.
:Oui; je lui donnerai un billet de cinq cents et elle me fera répéter... Voilà ce que je ne pouvais pas dire au baron; jamais il n'aurait consenti.
;Croisilles, se levant et venant à gauche, très vivement.
:Mais, moi non plus, je ne consens pas!
;La Baronne, se levant.
:Plaît-il?...
;Croisilles.
:Il est impossible que vous receviez...
;La Baronne, allant à Croisilles.
:Pourquoi impossible?...
;Croisilles.
:Mais parce que... parce que Lolotte...
;La Baronne.
:Ça m'amuse... J'ai une telle envie de la voir cette femme de près!...
;Croisilles.
:Cependant, ce n’est pas une femme pour vous...
;La Baronne.
:Qu’en savez-vous ! vous ne me faites la cour que depuis quinze jours... mais plus tard, quand vous m'aurez fait la cour pendant un an ou deux, vous verrez bien...
;Croisilles.
:Mauvaise!...
;La Baronne.
:Dites-moi que vous m'aimez...
;Croisilles.
:Oui, je vous aime.
;La Baronne.
:Que vous n'aimez que moi...
;Croisilles.
:Je n'aime que vous.
;La Baronne.
:Vous le dites bien; cependant, c'est un peu moins bien que tout à l'heure.
;Croisilles.
:Décidément, vous tenez à recevoir...?
;La Baronne.
:Ah ! cher, apprenez qu’il est inutile de m'empêcher de faire une chose dont j'ai envie... Mademoiselle Lolotte doit venir ici à deux heures. //(Elle passe à gauche pour aller voir l'heure à la pendule, sur la cheminée.)// Oh…, tenez! une voiture s'arrête...
;Croisilles, allant regarder à la fenêtre.
:C'est la sienne...
;La Baronne, regardant aussi.
:Oh! mais elle a de l’allure...
;Croisilles, s'oubliant.
:Oh! quant à cela...
;La Baronne, redescendant en scène.
:Vous connaissez mademoiselle Lolotte ?
;Croisilles, la suivant.
:Moi?... non... c'est-à-dire si... je l'ai rencontrée... j'ai causé avec elle...
;La Baronne.
:Eh bien... partez et saluez-la au apssage, en lui recommandant de me faire bien répéter.
://(Timbre au dehors.)//
;Croisilles.
:On sonne, la voilà.
;La Baronne.
:Ça me fait quelque chose, tout de même!...
;Croisilles, à part.
:Et à moi donc!... elle est capable de me sauter au cou!...
://(Entre Un domestique par le fond, au milieu.)//
;le domestique.
:Madame La Baronne, il y a là une dame...
;La Baronne.
:Faites-la entrer, cette dame...
;le domestique, effaré.
:Mais... c'est qu'elle m'a dit d'annoncer mademoiselle Lo lotte!
;La Baronne.
:Eh bien, puisqu'elle vous l'a dit, annoncez mademoiselle Lolotte.
;le domestique.
:Mademoiselle Lolotte !...
://(Entre Lolotte, le domestique sort.)//
!!SCÈNE IV Les mêmes, Lolotte.
;Lolotte, très cérémonieuse, très distinguée.
:Madame...
;La Baronne.
:Mad... //(A part.)// Comment!... c'est là...
;Croisilles, bas.
:Mais oui.
;La Baronne, à part.
:C'est vrai... je la reconnais. //(Haut.)// Je vous remercie, mademoiselle, je vous remercie beaucoup d'avoir consenti à me rendre le petit service...
;Lolotte.
:L'occasion qui m'était offerte d'approcher d'une femme comme vous, madame, m'était trop précieuse pour que je ne m'empressasse pas de profiter...
;La Baronne, à part.
:Oh ! oh ! //(Haut.)// Je ne vous présente pas M. de Croisilles... il m'a dit qu'il vous connaissait...
;Lolotte.
:Ah! il vous a dit?...
;La Baronne.
:Oui!...
;Lolotte.
:En effet, j'ai eu plusieurs fois le plaisir de rencontrer...
://(Petites salutations entre Lolotte et Croisilles.)//
;La Baronne.
:Je vais donner des ordres pour que l’on ne nous dérange pas pendant la répétition.
://(Elle va sonner à gauche. — Entre le domestique, La Baronne lui parle ; Croisilles et Lolotte se rapprochent.)//
;Lolotte, bas.
:Comment se fait-il que vous soyez ici?
;Croisilles, bas.
:J’ai su que vous veniez... alors, je me suis arrangé de façon...
;Lolotte, bas.
:Ah!... comme c'est gentil... Dites-moi que vous m'aimez...
;Croisilles, montrant la Baronne.
:Attention !
;Lolotte, bas.
:Tout bas...
;Croisilles, bas.
:Je vous aime...
;Lolotte, bas.
:Et moi, donc!... Vous viendrez me voir ce soir au théâtre?...
;Croisilles, bas.
:Oui, ce soir.
;La Baronne, quittant le domestique qui s'en va.
:Là... nous sommes sûres de ne pas être dérangées... et quand M. de Croisilles aura bien voulu nous laisser...
;Croisilles, saluant.
:Mademoiselle…
;Lolotte, avec une révérence.
:Monsieur…
://(Croisilles passe derrière Lolotte, et les répliques suivantes s'échangent rapidement pendant que Croisilles remonte avec la Baronne.)//
;Croisilles, bas, à la Baronne.
:Pourquoi me renvoyer tout à fait?... laissez-moi aller attendre dans la véranda que la répétition soit terminée... comme cela, dès qu'elle sera partie...
;La Baronne.
:Ça vous ferait bien plaisir?
;Croisilles.
:Je vous en prie.
;La Baronne.
:Eh bien, soit... ne vous en allez pas, attendez dans la véranda...
;Croisilles, saluant.
:Mademoiselle…
://(Croisilles sort.)//
!!SCÈNE V La Baronne, Lolotte.
;La Baronne.
:Asseyez-vous, mademoiselle, je vous en prie. //(Lolotte s'assied sur une chaise près du guéridon.)//
:Vous devez avoir envie de quelque chose... Du Madère?... hé? du Madère avec des biscuits?
;Lolotte.
:Je vous remercie, madame.
;La Baronne.
:Vous aimeriez mieux un Xérès?
;Lolotte.
:Non, madame... rien...
;La Baronne.
:Du Champagne... je sais que vous raffolez du Champagne !
://(Elle remonte un peu comme pour sonner.)//
;Lolotte.
:Mais non, madame, je ne veux rien du tout.
;La Baronne.
:Rien du tout ?
;Lolotte.
:Rien du tout.
;La Baronne, redescendant.
:Écoutez, je me demande... si avec moi vous vous croyez obligée de... Mettez-vous à votre aise, je vous en prie, tout à fait à votre aise.
;Lolotte.
:Mais je suis à mon aise, madame.
;La Baronne.
:Est-ce possible?
;Lolotte.
:Je vous assure.
;La Baronne.
:Alors, vous êtes comme ça, naturellement..
;Lolotte.
:Oui, madame.
;La Baronne.
:C’est naturellement que vous ne voulez pas de Champagne...
;Lolotte.
:Non merci, vraiment.
;La Baronne, allant chercher le pouf près de la cheminée et le plaçant au milieu du théâtre.
:C'est extraordinaire... //(Elle s'assied sur le pouf.)// Je vous ai priée de venir chez moi, mademoiselle, pour me faire répéter les rôles du Chevalier et de la Paysanne que vous avez joués au cercle.
;Lolotte.
:Oui. Je vous demande pardon, madame... est-ce que vous avez déjà joué la comédie?
;La Baronne.
:Jamais, mademoiselle.
;Lolotte.
:Jamais.
;La Baronne.
:Ce sera plus difficile, alors?
;Lolotte.
:Au contraire, madame, au contraire... Et avec qui devez-vous jouer?
;La Baronne.
:Les hommes seront ceux avec qui vous avez joué vous-même.
;Lolotte, faisant la moue.
:Heu! heu!
;La Baronne.
:Quant aux rôles de Suzanne et de Zerline, ils seront joués par madame Laurent et madame de Médeux... vous connaissez?...
;Lolotte.
:Parfaitement.
;La Baronne.
:Vous avez dit?...
;Lolotte.
:Qu'est-ce que j'ai dit?
;La Baronne.
:Je vous ai demandé si vous connaissiez madame Laurent et madame de Médeux, vous m'avez répondu : « Parfaitement ».
;Lolotte.
:Mais... sans doute!... quand ces deux dames viennent au théâtre ensemble et elles font un tapage!... et puis, de la scène à l'avant-scène on se connaît parfaitement : on ne s'est jamais parlé, c’est vrai, on ne se parlera peut-être même jamais, à moins qu'une circonstance exceptionnelle, comme celle à laquelle je dois en ce moment l'honneur... on ne s'est jamais parlé, on ne se parlera jamais, mais on se connaît.
;La Baronne.
:Écoutez... je me demande quand même... si, malgré ce que je vous ai dit, vous ne voulez pas absolument vous mettre à votre aise...
;Lolotte.
:Mais je vous assure que je suis...
;La Baronne.
:Ce n'est pas que cela m'étonne de vous voir si parfaitement distinguée... mais il y a une telle différence entre la personne que j'ai là en face de moi et celle que j'ai vue, avant-hier, au théâtre, dans le rôle de La Fille de Nature !....
;Lolotte.
:Avant-hier...
;La Baronne.
:Vous aviez votre salle, ce jour-là...
;Lolotte.
:Oui... j'ai bien joué, n'est-ce pas?
;La Baronne.
:Admirablement. Mais dites-moi?...
;Lolotte.
:Quoi donc?
;La Baronne.
:C'est bien vous que j'ai vue?
;Lolotte.
:Mais certainement, c'est moi.
;La Baronne.
:Eh bien, non, pour le croire, il faudrait que je vous entende... //(Se rappelant le : «que je ne m'empressasse» de la phrase de Lolotte)// non... non... que je vous entendisse, là devant moi, dire une des phrases de votre rôle.
;Lolotte.
:Une des phrases de mon rôle...
;La Baronne.
:Oui... par exemple, celle que vous dites quand votre père vous a surprise avec votre amoureux.
;Lolotte, se levant.
:Si vous y tenez...
;La Baronne.
:Vous voulez bien!...
;Lolotte.
:La phrase que je dis quand je suis surprise par mon père...
;La Baronne.
:Oui.
;Lolotte, changeant brusquement de ton et faisant sur elle-même une pirouette avec un geste très marqué de gamin parisien.
:« Oh ! mieldre, alors ! si les boules de billard se mettent à moucharder les jeunes... il n'en faut plus.»
;La Baronne, avec enthousiasme, se levant.
:Oh! c'est cela... c'est cela... est-ce que je pourrais, moi? Est-ce que vous pourriez m'apprendre?... //(Cherchant à imiter le geste.)// « Oh! mieldre... »
;Lolotte, lui faisant signe que ce n'est pas cela et répétant le geste.
:« Oh! mieldre, alors!... »
;La Baronne, cherchant à imiter la pirouette.
:« Oh! mieldre, alors!... » //(Elle manque la pirouette et, après avoir fait un tour sur elle-même, va tomber sur le pouf.)// «Mieldre, alors », qu'est-ce que ça veut dire?
;Lolotte.
:Mais, euh!... ça veut dire : ah! Quel ennui!... c'est fâcheux... c'est déplorable.
;La Baronne, se levant.
:Et « les boules de billard », qu'est-ce que ça veut dire?
;Lolotte.
:C’est parce que mon père est chauve... vous avez vu, il est chauve, mon père, dans la pièce... alors, je le compare à une boule...
;La Baronne.
:Oh! c'est beau... c'est très beau!... Je suis née en Pologne... et on m’a fait apprendre le français dans les livres du temps de Racine et Molière... Aussi, en arrivant à Paris, je me suis trouvée toute embarrassée...
;Lolotte.
:Je comprends ça!...
;La Baronne, cherchant encore à imiter le geste, mais très légèrement cette fois.
:« Mieldre, alors! si les boules... » Je ne pourrai jamais... Heureusement les deux rôles que j'ai à jouer ne sont pas si difficiles.
;Lolotte.
:Oh! non... vous avez le texte ?...
;La Baronne.
:Oui... il est là, mais je n'en ai pas besoin, je sais par cœur, je sais très bien.
;Lolotte, ôtant son chapeau, — un chapeau Rembrandt, — et le posant sur le guéridon à droite.
:Commençons, alors... Vous jouez le rôle du Chevalier... Ayez la bonté, madame, de vouloir bien entrer en scène...
://(Elle s'assied sur le pouf, au milieu du théâtre.)//
;La Baronne.
:Que j'entre en scène?...
;Lolotte.
:Oui... Zerline... Qui doit jouer le rôle de Zerline?
;La Baronne.
:Madame de Médeux.
;Lolotte.
:Madame de Médeux est là, vous entrez...
;La Baronne.
:Oui, je sais, madame de Médeux est assise sur un banc de gazon ; j'entre, je tourne autour d'elle et je lui adresse un profond salut.
;Lolotte.
:C'est cela même.
://(La Baronne remonte au fond de la scène.)//
;La Baronne.
:Là... j'entre... //(Elle redescend.)// je tourne... //(Elle décrit un rond parfait autour de Lolotte assise sur le pouf.)// et je fais un profond salut. //(Elle est revenue se placer à gauche et adresse à Lolotte une grande révérence très lente, très prolongée, puis s'arrête, enchantée, avec un large soupir de satisfaction.)// Ah!...
;Lolotte.
:A la bonne heure! voilà un Chevalier qui sait très bien faire la révérence...
;La Baronne, désolée.
:C'est vrai, j'aurais dû saluer en homme... vous m'apprendrez...
;Lolotte, se levant.
:Certainement; mais, avant de saluer, il faut marcher... voyons, marchez un peu.
;La Baronne.
:Que je marche?...
;Lolotte.
:Oui... //(La Baronne remonte en biais vers le fond du théâtre à gauche.)// Jamais Chevalier n'a marché de cette façon-là, jamais, jamais... vous marchez en femme.
;La Baronne.
:Dame !...
;Lolotte, passant de droite à gauche et traversant toute la scène en imitant la démarche de La Baronne.
:Les coudes au corps, la tête dans les épaules, les mains en avant comme ça et les genoux frottant l'un contre l'autre !...
;La Baronne.
:Oh!
;Lolotte.
:Je ne les vois pas, mais je parierais que, lorsque madame la Baronne marche, les genoux de madame la Baronne frottent légèrement l'un contre l'autre...
;La Baronne, faisant quelques pas en redescendant de face.
:C'est vrai, pourtant !...
;Lolotte.
:C'est très gentil pour une femme, cette façon de marcher, parce que ça fait faire à sa robe de jolis plis, mais ce n'est pas comme ça que marche un homme. Tenez, regardez-moi.
://(Elle imite, en l'exagérant, la façon de marcher d'un homme et traverse encore la scène, de gauche à droite, cette fois.)//
;La Baronne.
:Oh!
;Lolotte.
:Marchez sur les talons, au lieu de marcher sur la pointe des pieds.
;La Baronne. Elle essaie et manque de tomber.
:Oh! est-ce que je pourrai?...
;Lolotte.
:Certainement! et nous ferons de vous le plus joli Chevalier... mais, d'abord, occupons-nous du costume... //(Elle prend son chapeau qu'elle avait ôté.)// Avez-vous un chapeau dans le genre de celui-ci?
;La Baronne.
:Si j'en ai un? Mais tant que vous voulez !... j'en ai vingt, j'en ai trente...
;Lolotte.
:Faites-vous-en apporter un...
://(Lolotte met le chapeau sur le canapé. — La Baronne sonne, entre le domestique.)//
;La Baronne.
:Envoyez-moi Julie... //(le domestique sort. — A Lolotte, qui relève ses jupes et les agrafe de façon à pouvoir marcher plus facilement.)// Qu'est-ce que vous faites là?...
;Lolotte.
:Ce sera plus commode pour jouer la scène... vous devriez faire comme moi...
;La Baronne, essayant.
:Moi? mais je ne saurai pas.
;Lolotte, avec un mouvement d'impatience.
:Comment! vous ne pouvez pas même... //(se reprenant.)// Oh! pardon, madame...
;La Baronne.
:Non, non, ne vous retenez pas, grondez-moi!...
;Lolotte relève les jupes de La Baronne comme elle a relevé les siennes; pendant ce jeu de scène, elle tourne autour de La Baronne.
:Là... vous verrez maintenant comme il vous sera facile...
://(Entre Julie, par la porte de droite, elle paraît stupéfaite en voyant les robes retroussées de La Baronne et de Lolotte.)//
;La Baronne.
:Julie... Eh bien, qu'est-ce que vous avez, Julie?...
;Julie.
:Rien, madame La Baronne.
;La Baronne.
:Apportez-moi mon chapeau Rembrandt... Non, attendez... //(A Lolotte.)// Je ferais peut-être mieux de prendre mon chapeau Montespan ?
;Lolotte.
:Comme vous voudrez, madame.
;La Baronne.
:Ou bien, si j'envoyais en faire un exprès chez ma modiste ?...
;Lolotte.
:Ça nous retarderait.
;La Baronne, à Julie.
:Apportez-moi un chapeau pareil à celui-ci... celui que vous voudrez...
://(Fausse sortie de Julie.)//
;Lolotte, à Julie.
:Attendez encore, mademoiselle. //(A La Baronne.)// Monsieur Le Baron votre mari doit avoir des cannes...
://(Julie redescend et se place bien sur le même plan que La Baronne.)//
;La Baronne.
:Sans doute!...
;Lolotte, à Julie.
:Eh bien, mademoiselle, apportez-nous-en deux, les plus petites que vous trouverez, les plus minces...
;La Baronne, répétant le geste et commençant la pirouette de Lolotte.
:Mieldre!... //(Mais, au milieu de sa pirouette, elle se trouve en face de Julie qui, stupéfaite, jette un petit cri ;La Baronne s'arrête court. Léger moment d'embarras. — A Julie.)// Eh bien, qu'est-ce que vous faites là?... apportez-nous deux petites cannes et mon chapeau...
;Julie, ahurie.
:Oui, madame La Baronne... oui, madame La Baronne...
://(Elle sort par la droite. — Petit rire de Lolotte et de la Baronne.)//
;La Baronne, voyant les jambes de Lolotte.
:Ah!... Dites donc?...
;Lolotte.
:Eh bien?...
;La Baronne.
:On verra mes jambes...
;Lolotte.
:Il est évident que lorsque vous serez habillée en Chevalier...
;La Baronne.
:Ouh là, je me demande... si, lorsque tout le monde me regardera, je n'aurai pas trop peur...
;Lolotte.
:Il y a un moyen bien simple de ne pas avoir peur... Qu'est-ce qu'il y a là, en face de vous?
;La Baronne.
:En face de nous?...
://(Elle montre le public.)//
;Lolotte.
:Oui.
;La Baronne.
:Il y a un mur... le mur du salon...
;Lolotte.
:Eh bien, figurez-vous, quand vous jouerez, que ce mur y est encore.
;La Baronne.
:C'est que ce n'est pas facile de se figurer...
://(Rentre Julie apportant un chapeau Rembrandt et les deux petites cannes.)//
;Julie .
:Voici, madame.
://(Elle donne le chapeau à La Baronne, les deux cannes à Lolotte, et elle s'en va par la droite.)//
;Lolotte.
:Là... en même temps que moi... //(Elle met son chapeau comme si c'était un chapeau d'homme.)// Bien sur le coin de l’oreille, bien déluré...
;La Baronne, mettant son chapeau, elle aussi.
:Oh! c'est amusant.
;Lolotte.
:De côté... de côté... //(Elle va arranger le chapeau de La Baronne.)// L'épée maintenant... là.
://(Elle place sa canne comme si c'était une épée. La Baronne fait de même.)// La main sur la poignée... marchons toutes les deux et tâchons de marcher en Chevalier... Morbleu! Palsambleu!... //(Toutes deux allant de gauche à droite traversent toute la scène, puis, arrivées à l'extrémité do droite, font volte-face et marchent de droite à gauche jusqu'au milieu du théâtre.)//
;La Baronne.
:A la bonne heure! voilà que vous vous mettez à votre aise... //(S'arrêtant au milieu du théâtre)// Vous ne voulez pas de Champagne?...
;Lolotte.
:Jamais de la vie!... Marchons... marchons!...
;La Baronne.
:Marchons, marchons...
://(Elles remontent alors, en tournant le dos au public, puis, arrivées au fond du théâtre, font volte- face.)//
;Lolotte.
:La tète haute... jetez le pied en dehors... arrondissez... arrondissez... Et Zerline est là. //(Elle met une chaise au milieu de la scène et fait signe à La Baronne de s'y asseoir.)// Et vous tournez autour d'elle... Non, pas comme vous avez fait tout à l'heure... //(La Baronne est assise sur une chaise et Lolotte recommence autour de cette chaise le rond qui a été fait par La Baronne.)// mais, en vous retournant, en la regardant, en faisant entendre que vous la trouvez jolie... Palsambleu! voilà une petite qui a bien la plus drôle de frimousse... Et vous recommencez à tourner, l'air bien engageant, bien canaille... gentiment canaille, mais bien canaille... et vous vous rapprochez... Zerline alors se sauve, vous la retenez... Pourquoi vous sauvez-vous, la belle?... ne vous sauvez donc pas?... venez à moi, au contraire, venez à moi... Et vous chantez le couplet... il est tout à fait dans le style du temps, le couplet; un peu prétentieux, un peu rocaille, il faut le chanter comme il est écrit.
:AIR de : La pipe de tabac.
<<<
:Venez à moi, jeune bergère,
:Si vous voulez de l'art de plaire
:Si vous brûlez de parvenir,
:Je tiens école de plaisir...
<<<
;La Baronne.
:Ecoutez, il me vient une idée... personne ne peut mieux chanter les couplets que vous.
;Lolotte, avec énergie.
:Oh, madame, je ne peux vous laisser dire ça... Il y en a qui chantent bien mieux !
;La Baronne.
:Et qui donc?...
;Lolotte.
:Une comédienne, par exemple, une grande comédienne que j'ai entendue bien souvent, quand j'étais petite... En voilà une, qui ravissait la Haute Société...
<<<
:On m'a prédit que je vivrais cent ans :
:J'y parviendrai pourvu que je vieillisse...
<<<
:Elle avait de jolies choses à chanter...
:Maintenant, on nous apporte des couplets où il n'y a rien, et c'est à nous d'y mettre des intentions... Tenez, il y a un de mes amis... qui m'a apporté ça...
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:Ma p'tit' sœur jou' du trombone,
:Mon grand frèr' jou' du piston;
:Quant à moi, l'on n' me trouv' bonne
:Qu'à manger du miroton...
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:« Qu'est-ce que ça veut dire? lui ai-je demandé. — Ça ne veut rien dire du tout, mais en y en mettant des intentions... » Et j'y ai mis des intentions, ma foi!... j'ai cligné de l'œil, j'ai baissé les yeux, j'ai pris un temps sur le « miroton »... Et l'on a compris!... Et le vieux marquis de Libidineuse m'a dit : « Sapristi ! c'est bien joli, ce que vous nous avez chanté là, mais c'est un peu vif... »
;La Baronne.
:Le vieux marquis de la Libidineuse, vous le connaissez?...
;Lolotte.
:Un peu.
;La Baronne.
:Il est collant, n'est-ce pas?
;Lolotte, reprenant le ton de La Fille de Nature.
:S'il est collant ?... c'est pas assez de le dire!...
://(Elle passe à droite.)//
;La Baronne, enchantée.
:Ah! encore une phrase de La Fille de Nature !... mais je la comprends, celle-là, je la comprends, avec la simple langue de Molière. Ça signifie : « on ne le saurait trop dire... »
;Lolotte.
:Parfaitement!... Et maintenant, si vous voulez, nous allons passer à la Paysanne...
;La Baronne.
:Passons à la Paysanne.
://(Toutes deux ôtent leurs chapeaux et laissent retomber leurs jupes. Lolotte place son chapeau sur le canapé.)//
;Lolotte.
:Là, par exemple... j'aurai besoin du texte... je ne me souviens pas assez...
;La Baronne.
:Il est là, sur la table. //(Lolotte prend la brochure, la regarde et devient sérieuse.)// Eh bien, vous ne le trouvez pas ?
://(La Baronne est près de la cheminée devant la glace, rajustant un peu sa coiffure, tournant le dos à Lolotte.)//
;Lolotte.
:Si fait, mais je regardais... ces dessins de bonshommes sur la couverture.
;La Baronne, un peu embarrassée.
:Ah ! oui... c'est M. de Croisilles, oui, M. de Croisilles qui s'est amusé à me les dessiner.
;Lolotte, à part.
:Les mêmes que ceux qu’il me fait chez moi !
;La Baronne.
:Eh bien, la Paysanne?...
;Lolotte, troublée.
:La Paysanne? la Paysanne?...
;La Baronne.
:Oui.
;Lolotte, à part.
:Je me fais du mouron pour rien... qu'est-ce que cela prouve, ces dessins de bonshommes? //(Haut.)//
:Eh bien, mais... je n'en suis pas folle, moi, des rôles de Paysanne... J'avions... J’étions... il n'y a pas grand'chose à faire avec ça... //(Elle lit.)// « Je sommes arrivée dans not' belle carriole jaune, et je venions de la part de monsieur et de mademoiselle pour vous bailler le bonjour. » //(En disant cette phrase, elle passe à gauche.)// Il faudrait tâcher de donner à ça un peu de piquant en prenant un accent, je suppose!...
;La Baronne.
:Un accent?
;Lolotte.
:Eh oui... vous comprenez bien que si, au lieu de... « Je sommes arrivée dans not' belle carriole jaune », vous dites : //(Avec l'accent belge.)// « Mo, je suis pas venue de pied, savez-vous?... no, no, no... je suis venue d'avec une vigilante », et si, au lieu de... monsieur et de mademoiselle, vous bailler le bonjour..., vous dites : //(Avec l'accent belge.)// « Mais devine, une fois, de la part de quisque je viens... de la part de monsieur, n'est-ce pas ?... et de la part de mademoiselle, n'est-ce pas?... qui m'a dit : « Tu faux aller présenter tes civilités à madame, fisc, et lui dire : Comment va-t-il donc? »
;La Baronne, avec enthousiasme.
:C'est beau!... c'est très beau! //(Froidement.)// Qu'est-ce que c'est que cet accent-là?...
;Lolotte.
:Eh donc, c'est l'accent belge... Est-ce que vous pourriez le prendre?
;La Baronne.
:Oh! non, je ne pourrais pas, mais écoutez, une idée... Quand j'ai chez moi de grands personnages, j'aime prendre un petit accent anglais... //(Avec l’accent anglais.)// Monseigneur, voulez-vous une tasse de thé... je vous en prie, monseigneur, prenez une tasse de thé...
;Lolotte.
:C’est très gentil.
;La Baronne.
:N'est-ce pas?
;Lolotte, en riant.
:Oui, pour une paysanne c'est très gentil.
;La Baronne.
:C'est ce que me disait Raoul!...
;Lolotte.
:Raoul!
;La Baronne, embarrassée.
:Oui, euh, Raoul … c’est aussi le petit nom de mon mari...
://(Entre Julie. — La Baronne remonte.)//
;Lolotte, à part.
:Allons donc! il est né au Danube, son mari... Ya pas de Raoul par là. Par contre il en a un que je connais bien de Raoul : Croisilles soi-même ! ..
;Julie, à demi-voix.
:M. de Croisilles m'a dit de remettre à madame...
://(Elle donne une lettre à La Baronne et s'en va. — Lolotte a entendu le nom de Croisilles.)//
;La Baronne, lisant, bas.
:«Il va être quatre heures, si vraiment vous ne voulez pas que votre mari... »
;Lolotte, à part.
:Il serait resté ici, alors, il attendrait... oh! oh!... oh! oh!
;La Baronne, revenant à Lolotte.
:Je vous remercie, mademoiselle, et, le jour où aura lieu cette fameuse représentation, je tâcherai de vous faire honneur.
;Lolotte, à part.
:On me renvoie.
://(Elle remet son chapeau, La Baronne va au guéridon et prend dans un petit coffret un billet de cinq cents francs.)//
;La Baronne, revenant à Lolotte.
:Il ne me reste plus, maintenant...
;Lolotte.
:Il ne vous reste plus?...
;La Baronne.
:On m'a dit que, lorsque vous consentiez à aller chanter dans le monde, c'était cinq cents francs...
;Lolotte.
:Oui, madame.
;La Baronne, offrant le billet.
:Voici.
;Lolotte, ne prenant pas le billet.
:Il me semble avoir entendu dire, moi, que celle représentation... cette fameuse représentation, devait être donnée au profit des vieux?
;La Baronne.
:Oui, mademoiselle.
;Lolotte, tirant d'un portefeuille un billet de cinq cents francs.
:Voulez-vous, madame, me faire l'honneur de mettre ce billet avec le vôtre... et de les ajouter tous les deux à la recette?
;La Baronne.
:Mademoiselle...
;Lolotte.
:Madame...
;La Baronne, prenant le billet de Lolotte.
:Oh ! je savais que les artistes pouvaient être grands seigneurs, mais vous…
;Lolotte.
:Madame...
;La Baronne.
:Mademoiselle...
;Lolotte.
:Madame...
://(Elle sort. — A peine est-elle sortie que Croisilles entr'ouvre la porte de gauche et passe la tête.)//
!!SCENE VI Croisilles, La Baronne.
;Croisilles.
:Elle est partie?
;La Baronne.
:Oui.
;Croisilles.
:Et... elle ne vous a rien dit?
;La Baronne.
:Comment, elle ne m'a rien dit!... Elle m'a dit une foule de choses, au contraire... «Détachez le pied... arrondissez... morbleu!.,, palsambleu!... » et je jouerai très bien, grâce à elle...
;Croisilles.
:Et vous jouerez pour moi...
;La Baronne.
:Oui... mais je ne vous regarderai pas... il y aura là un mur...
;Croisilles.
:Un mur?...
;La Baronne.
:Oui, le jour de la représentation, il y aura entre vous et moi...
;Croisilles.
:Mais maintenant il n'y en a pas, de mur... il n'y a rien, maintenant, entre vous et moi...
://(Il tient la main de La Baronne.— Ils sont tout près l'un de l’autre.)//
;Lolotte, paraissant brusquement au fond.
:Croyez-vous?...
!!SCÈNE VII Les mêmes, Lolotte, puis Le Baron.
;Croisilles,
;Lolotte!...
;Lolotte.
:M'est avis, au contraire, qu'il y a quelque chose entre madame et vous... il y a moi.
;La Baronne.
:Mademoiselle...
;Lolotte, furieuse.
:Oh ! vous...
;Croisilles, bas, à Lolotte.
:Allons-nous-en, allons-nous-en.
;La Baronne.
:Qu'est-ce que cela veut dire? Je ne comprends pas.
;Lolotte.
:Il me semble pourtant que c'est bien simple. Monsieur est mon amant... oui, monsieur, monsieur qui est là... c'est mon amant, vous êtes en train de me le prendre et je me mets en travers.
;La Baronne.
:Oh!
;Lolotte.
:Voilà, ma petite chatte!
;La Baronne.
:Oh! mademoiselle!... vous qui étiez si distinguée il y a un instant !...
;Lolotte.
:Qui ça, qui ça, qui ça, distinguée?... moi !... c'était pour rire... Où en aurais-je pris de la distinction?... Pas avec mes parents, qui passaient leur temps à se cogner... voilà le sang que j'ai dans les veines.
://(Entre Le Baron.)//
:Et je trouve vraiment que vous avez eu une fâcheuse idée, pour votre début à Paris, de devenir amoureuse d'un homme dont je suis folle.
;Croisilles.
:Lolotte !.
;Lolotte, exaspérée.
:Laissez-moi tranquille, vous!
;Croisilles, bas, à Lolotte, d'une voix étranglée.
:Le mari, malheureuse, le mari !
;Lolotte.
:Le mari ?
;Croisilles, bas.
:Oui... il est là...
;Lolotte, de plus en plus exaspérée.
:Et qu'est-ce que ça me fait qu'il soit là, le mari?... Il n'avait qu'à mieux veiller sur sa femme, le mari! et tout ça ne serait pas arrivé... Je m'en moque pas mal, du mari... et de la femme aussi!... je casserai tout, je démolirai tout, je... //(Elle redescend, furieuse, vers La Baronne, puis, s'arrêtant tout court, subitement, par un brusque et violent effort intérieur, rentre en possession d'elle-même, et, changeant de ton, distinguée, calme, souriante.)// Voilà, madame La Baronne, voilà à peu près de quelle façon il faudrait jouer celle scène...
;Le Baron, effaré, n'ayant rien compris à ce qui vient de se passer.
:Comment !...
;Lolotte.
:Eh bien, oui... madame La Baronne doit jouer la comédie, elle m'avait fait l'honneur de me demander quelques conseils.
;Le Baron.
:Comment! ce que vous disiez là tout à l'heure?...
;Lolotte.
:C'était une scène de mon répertoire.
;La Baronne.
:Oui, mon ami, c'était une scène.
;Croisilles.
:Oui, baron... ça, c'était une scène !
://(Croisilles, qui revenait souriant vers Le Baron, rencontre le regard furieux de Lolotte et redescend à gauche.)//
;Le Baron.
:Mes compliments, alors, mes compliments, mademoiselle... vous aviez l'air de ressentir véritablement... vous y mettiez une violence!...
;Lolotte.
:C'est le secret de l'art, monsieur Le Baron... Paraître violents, emportés, quand, au fond, nous sommes très calmes... et, réciproquement, quand nous sentons que la colère va nous... :
:prendre un air tranquille et même sourire, si le sourire est en situation...
;Le Baron, à La Baronne.
:Mademoiselle Lolotte chez moi, c'est là ce que vous ne vouliez pas me dire...
;Croisilles.
:Oui, baron.
;La Baronne.
:Oui, mon ami...
;Le Baron.
:Vous auriez dû, au contraire... j'aurais été enchanté d’assister... Enfin, je suis heureux, au moins, de m'être trouvé là pour vous remercier d'avoir bien voulu donner à La Baronne une... leçon, n'est- ce pas?... c'est bien le mot...
;Lolotte.
:Oh! vous pouvez le dire... Monsieur de Croisilles, puisque j'ai eu le plaisir de vous rencontrer ici, par hasard, vous voudrez bien me donner le bras jusqu'à ma voiture.
;Croisilles.
:Certainement, certainement!
;Lolotte.
:Madame La Baronne, monsieur Le Baron...
;La Baronne et Le Baron.
:Mademoiselle...
://(Lolotte a pris le bras de Croisilles et remonte avec lui vers la porte du fond. //
://Nouvelles salutations.)//
!!!!!!FIN
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{{homeTitle center{Obaldia - La ~Baby-Sitter}}}
+++!!*[Scène 1]
;Franklin
:— mais qu’est-ce qu’elle fout cette guenon ?
;Elvire.
:— il faut dire qu’elle exagère. //(regardant sa montre-bracelet.)//plus d’une demi-heure de retard. //(un silence mauvais.)//
;Franklin
:— remarque, pour ce qu’on se marre chez les Paniquel.
;Elvire.
://avec agacement.//
:— reste là, si tu veux. Personne ne te force à y aller chez les Paniquel !
;Franklin
:— maintenant que je suis habillé... //pour la neuvième fois, Elvire vide le contenu de son sac à main dans un autre sac à main à peu près identique. Elle ne sait encore lequel choisir.//
;Elvire.
:—- avant, tu ne jurais que par les Paniquel.
;Franklin
:—avant, avant... Ma grand-mère avait des dents !
;Elvire.
:— si ça te met dans un tel état... //un temps.//
;Franklin
:— qu’y aura-t-il chez les Paniquel, à part nous ?
;Elvire.
:— Olga m’a parlé des Brenner, de Mari-zette, des Lehideux, des Travelingue, et peut-être du docteur Galey, s’il n’est pas de garde... Ah! J’oubliais : il doit y avoir aussi madame ou monsieur Bloch ; maintenant qu’ils sont séparés ils viennent chez eux en alternance : quand ce n’est pas madame, c’est feu monsieur.
;Franklin
:— toujours les mêmes, quoi!
;Elvire.
:—je te répète que si tu ne veux pas y aller... Tu pourras garder les enfants pendant ce temps-là... Moi, personnellement, j’ai toujours plaisir à dîner chez les Paniquel.
;Franklin
:— toi, dès l’instant que tu bouffes bien...
;Elvire.
:— je te ferai doucement remarquer, mon ami, que chez les Paniquel on mange toujours mal. question cuisine, olga... Et que s’il y en a un de nous deux qui se jette sur la nourriture, c’est bien toi !
;Franklin.
:—ah bon, voilà du nouveau! Je me jette sur la nourriture ?
;Elvire.
:— c’est bien simple, quand tu manges on ne t’entend plus. Tu dis-pa-rais dans ton estomac. //un léger temps.//
;Franklin
:— il est vrai que lorsque je me trouve devant une table couverte d’aliments et que je songe à tous les affamés du tiers-monde...
;Elvire.
:— en somme, c’est cérébral !
;Franklin
:— tu peux te moquer, mais en fait, lorsque j’honore la nourriture, j’ai l’impression de commettre un acte grave.
;Elvire.
:— ça, on ne peut pas dire que tu manges à la légère. Après quoi, tu rumines.
;Franklin
:— je rumine ! Je rumine !
;Elvire.
:— tiens, chez les Paniquel justement, la dernière fois - nous n’étions que tous les quatre -, j’avais honte : tu t’es rué sur les œufs artificiels, la purée de bœuf, la crème de topinambours, on ne t’a pas entendu du dîner. Ensuite, tu t’es calé dans un fauteuil et tu n’as pas ouvert la bouche !
;Franklin
:— qu’est-ce que tu veux que je dise aux Paniquel ? Je n’ai rien à dire, moi, aux Paniquel.
;Elvire.
:— tu pourrais, au moins, avoir la politesse de faire semblant.
;Franklin
:— robert, c’est une encyclopédie, il sait tout. Et olga, tout ce quelle a pour elle c’est d’être baisable. Mais comme je ne peux pas décemment la baiser devant vous...
;Elvire.
:— Franklin, tu deviens impossible ; surtout quand tu as faim !
;Franklin,
:— //poursuivant son idée.// on se demande pourquoi d’ailleurs? Au nom de quelle morale? De quelle longitude ? De quelle latitude ?
;Elvire.
:— ah non! Non! Tu ne vas pas remettre ton disque sur le mariage communautaire!
;Franklin
:— bon, bon... //(l’air martyr.)//restons dans le siècle. //(un temps//.)... Mais qu’est-ce qu’elle fout ta baby-sitter? Déjà huit heures quarante, et il faut compter plus d’une heure pour trouver leur sacré pavillon de banlieue.
;Elvire.
:— trois quarts d’heure, même pas.
;Franklin
:— et le temps de se tromper? Il n’y a rien qui ressemble davantage à un pavillon de banlieue qu’un autre pavillon de banlieue.
;Elvire.
:— nous y sommes allés au moins quinze fois !
;Franklin
:— n’empêche qu’il n’y a pas si longtemps tu m’as fait entrer à ta suite dans une famille de dégénérés.
;Elvire.
:— à cause du brouillard. Il y avait un tel brouillard, ce soir-là!
;Franklin
:— lu parles d’une entrée! Je m’en souviendrai toujours. Tous là, à table, qui se lèvent comme un seul homme. //(imitant un homme à la voix de rocaille//.) « non mais, faudrait pas confondre avec la sécurité sociale... » le père présumé m’arrivait à la taille ; les neuf enfants qui l’entouraient faisaient chacun deux mètres vingt, la mère me lançait des regards d’autruche... Et le cul-de-jatte?... Le cul-de-jatte qui s’est amené du fond, monté sur des échas-ses!... Moi, à reculons : sorry, I am sorry... Where is mister Paniquel’s house?... Sorry... S’ams sorry...
;Elvire.
:— chut!... Tu n’as pas entendu Pascal?... A moins que ce ne soit Véronique... //(un silence.)... //je vais écouter derrière leur porte... //Elvire sort de la pièce. Franklin, très rapidement, gagne le buffet-bar.//
;Franklin.
://seul.//
:—je la saute, moi, je la saute! //(il ouvre le bar, prend le sucrier et en verse presque le contenu dans sa poche. Il se rassied dans le fauteuil en croquant un morceau de sucre.)//tenir! Il faut tenir!... a moi les glucides, en attendant les protides, les lipides, le tonneau des danaïdes... Tenir :
>treize ans de vie conjugale
>mais où sont le feux de bengale ?!
://un temps.//... Et puis, j’en ai marre! J’en ai marre! Je ne sais pas exactement pourquoi, mais j’en ai marre. Et j’en ai marre d’en avoir marre!... D’abord, cet appartement est trop petit. Maintenant, avec Pascal et Véronique qui grandissent sans arrêt, qui prennent du poids... et plus ils grimpent, plus ils s’étalent, c’est mathématique. Le petit surtout ; depuis qu’il a sa piste d’atterrissage pour boeing 909... Merde! Qu on me fasse cadeau d’orly! Tenir... Faire comme si c’était moi! //(un silence. Il croque un autre morceau de sucre. puis il se lève, se regarde dans la glace, fait jouer ses traits. Empruntant la voix d’Elvire.)...//je te ferai doucement remarquer, mon ami, que tu te mets à ressembler de plus en plus à ta mère : les plis au coin de la bouche, les yeux en cul-de-sac, la même ride entre les deux sourcils, verticale... Pas spécialement jojo! Ce qu’Elvire peut m’exaspérer! Elle me diminue. elle passe son temps à me diminuer... La rage que je ne sois pas celui qu’elle croyait que j’étais lorsque je paraissais celui que je n’étais pas... Deux autres se marient, deux autres se jurent fidélité. Cela n’engage que l’autre. Eternelle histoire!... On devrait épouser un animal : une tortue, un âne, un poisson rouge... //(avec extase).//rencontrer la tortue de sa vie... Vieillir très lentement à son côté... //(voix mondaine).//heureusement, il y a les enfants!... Tu parles! Les enfants ce sont les ogres. Ce sont les enfants qui nous bouffent, oui!... Des petits cailloux blancs plein leurs poches... il paraît que les anthropophages dévoraient leurs enfants dès l’âge le plus tendre. C’est d’ailleurs pourquoi il n’y a plus d’anthropophages ; à force de manger leur postérité... //(il avale un autre morceau de sucre.)//un duplex. Voilà ce qu’il me faudrait, un duplex. Moi, occupant tout l’étage du dessus. La famille à mes pieds, gémissante. Avec une jeune étudiante au pair... ( //finement//) au père! Capricante, exaltante, alarmante... Sans compter que si j’étais bien logé, j’irais beaucoup moins chez les autres. Les Paniquel pourraient se rhabiller... Je me recevrais, je m’inviterais à dîner... //(se levant de son fauteuil et comme s’il voyait son meilleur ami.)//hello, Franklin, how do you do? //(il se serre la main.)//how do you do?... //(même jeu pour ces mêmes répliques.)//how do you do?... How do you do?... How do you do?... well! Well!... I think it is dinner-time... Wcll. I am waiting. I am still waiting... I... //(il s’affale brusquement dans le fauteuil en entendant les pas d’Elvire.)//
;Elvire.
:— ah ! Ces voisins avec leur télé !
;Franklin
:— et alors, les petits ?
;Elvire.
:— ils dorment à poings fermés.
;Franklin
:— a poings fermés! Déjà! Comme des grévistes !
;Elvire.
://avec pitié.//
:— très drôle... //(un léger temps!) //Franklin, si nous partions, sans bruit. Une fois qu’ils sont endormis...
;Franklin
:— non! Non! Suppose que Véronique ait un cauchemar et qu’elle se réveille en criant : papa ! papa!
;Elvire.
:—je te ferai doucement remarquer, mon ami, que jamais Véronique ne crie papa. Elle crie toujours maman ! Pascal aussi d’ailleurs.
;Franklin.
://avec lassitude.//
:— naturellement.
;Elvire.
:— quoi, naturellement ? C’est un fait. //un temps assez long.//
;Franklin
:— et la fois où elle a crié Gaston ?
;Elvire.
:— Gaston?
;Franklin
:— une petite qui vient d’avoir sept ans ! C’était peut-être toi, Gaston ?
;Elvire.
:— Franklin, tu deviens franchement ridicule !
;Franklin
:— ah bon, parce que je l’ai entendue appeler un de ses petits gigolos de l’école, je suis ridicule.
;Elvire.
:—je préfère ne pas te répondre... //(un temps.)//si tu as tellement faim, mange un morceau de sucre. //(Franklin se prend à aboyer. Sonnerie du téléphone. Elvire décroche le récepteur.)//allô oui... Je... je... Je... //(Elvire voudrait bien dire un mot, mais manifestement son correspondant ne lui en laisse pas la possibilité. Enfin :)//ce que vous me dites, monsieur, est extrêmement... Extrêmement... Érotique, mais vous vous trompez, je ne suis pas Charlotte... Il n’y a pas de mal, à distance... Pardon? Elle vous a dit qu’elle serait là à cette heure-ci ? Elle devrait être là, en effet. Nous l’attendons...
;Franklin
:— I am still waiting...
;Elvire.
:— puis-je lui transmettre un message ?
;Franklin
:— ça, c’est le comble !
;Elvire.
:— ... Mais ne rougissez pas, jeune homme. //(sursaut de Franklin. Bouchant le récepteur d’une main et, bas à son mari!)//un pauvre petit boutonneux, c’est comme si je le voyais!... //(a son interlocuteur!)//quel âge avez-vous? //(visiblement, Elvire s’amuse!)//quinze ans... Et vous préparez le syndic sup!... Quel est votre prénom?... ( //elle raccroche.)...//il a raccroché. ..
;Franklin
:— c’est tout de même un comble! Si tu te mets à présent à être la secrétaire de ta baby-sitter ! ( //sonnerie du téléphone. )//encore !
;Elvire.
://qui a repris l’appareil//
:— allô... Eugène ?... Quel numéro demandez-vous, monsieur? Oui, c’est bien ici... Allô?... ( //elle raccroche.)//il a raccroché tout de suite, celui-là.
;Franklin
:— eugène! Un roumain par surcroît!... Quand je pense qu’à peine dehors notre appartement se transforme en lupanar!... Et avec ça, il faut payer le tarif syndical. Moi, j’entends. Pas les petits godelureaux qui montent ici en vagues successives.
;Elvire.
:— n’exagérons rien, jusqu’ici il n’y a pas eu trop de dégâts ; à part tes boutons de manchettes en ivoire massif, ta mappemonde et ta collection d’appareils photo...
;Franklin
:— une broutille... Une broutille... Sans parler de la drogue.
;Elvire.
:— qu’est-ce que tu vas chercher là ?
;Franklin
:— la fois dernière, quand nous sommes rentrés, tu n’as pas senti une drôle d’odeur ?
;Elvire.
:— absolument pas.
;Franklin
:—je les retiens, tes baby-sitters !
;Elvire.
:— si ta mère condescendait de temps en temps à venir garder ses petits-enfants...
;Franklin
:— ma mère, il y avait longtemps !
;Elvire.
:— avoue que ça nous ferait une sérieuse économie... Une femme qui n’a strictement rien à faire, qui passe son temps à s’imbiber d’alcool devant la télévision.
;Franklin
:— ma mère a horreur des enfants, tu le sais bien. Même moi, elle n’a pas pu me garder. Je suis né avant terme. Un trimestre d’avance.
;Elvire.
:— mon pauvre poussin !... Tu ne veux pas un whisky, en attendant ?
;Franklin
:— a jeun, comme ça ; tu n’y penses pas. //(.Presque suppliant)//a moins qu’il reste du veau froid...
;Elvire.
:— plus une miette, les petits ont tout liquidé.
;Franklin.
://sinistre.//
:— bon, bon. Parfait. Parfait.
;Elvire.
:— de toute façon, si tu manges maintenant, tu ne pourras plus rien avaler chez les Paniquel.
;Franklin
:— les Paniquel... ( //tapant du poing.) //mais qu’est-ce qu’elle fout, cette morue?... D’abord, qui est-ce ce soir ?
;Elvire.
:— Charlotte ; tu as bien entendu.
;Franklin.
:—ah oui! La petite boulotte, avec de gros lolos-cadum. Je ne peux pas la blairer celle-là, elle a l’air d’un parachutiste. Pourquoi tu n’as pas fait venir dorothée, ou christine, ou paméla ou, tiens : la suédoise ?
;Elvire.
:— Vivéca ?
;Franklin
:— Vivéca. Elle est très jolie, celle-là. De longs cheveux blonds, des jambes, un teint... Tu as remarqué son teint ?
;Elvire.
:— oui, elle est très fraîche. Mais elle m’inspire beaucoup moins confiance que Charlotte.
;Franklin
:— ce n’est pas parce qu’elle est jolie que c’est une voleuse !
;Elvire.-
:—je n’ai jamais dit que c’était une voleuse. Simplement, s’il arrivait un petit ennui : la maison qui flambe ou la révolution qui éclate, Charlotte ne perdra pas les pédales. Tandis que Vivéca, une fois plongée dans ses revues porno...
;Franklin.
://excité.//
:— tiens ! J’ignorais. Des revues porno ?
;Elvire.
:— la première fois qu’elle est venue —je devais te rencontrer chez les travelingue - elle en avait au moins une douzaine sous le bras ; elle les a jetées sur la table, négligemment. J’ai cru tout d’abord que c’était des cahiers de trigonométrie, mais quand j’ai regardé de plus près... Toutes ces photos couleur qui se chevauchaient...
;Franklin
:— passionnant ! Passionnant ! Et tu ne lui as rien dit ?
;Elvire.
:— tu penses, je lui ai fait la remarque : si le petit se lève dans la nuit et vient vous demander un verre d’eau, vous me ferez le plaisir, mademoiselle, de camoufler tout ça!
;Franklin
:— tu es vraiment dure pour Pascal !
;Elvire.
:— enfin, Franklin! Je veux bien que dans les pays scandinaves ils commencent très tôt l’éducation sexuell^, mais ce pauvre petit bonhomme qui n’a que cinq ans...
;Franklin
:— en tout cas, entre Vivéca et Charlotte, je n’hésiterai pas une seconde ; je préfère nettement Vivéca.
;Elvire.
:— oui, mais Pascal préfère nettement Charlotte.
;Franklin.
://avec emportement.//
:— a cinq ans, Pascal ne peut pas apprécier comme moi. Tu ne vas tout de même pas mettre en balance les velléités infantiles de Pascal et... Et...
;Elvire.
:—je te ferai doucement remarquer, mon ami, que même si Vivéca sonnait ce soir à notre porte, ce n’est pas pour toi qu’elle viendrait, mais pour Pascal.
;Franklin
:— eh bien, c’est vraiment regrettable !
;Elvire.
://consternée.//
:— Franklin!... A t’entendre, on pourrait croire que tu es frustré, que...
;Franklin
:— frustré! Oui et non. On est toujours frustré de quelque chose dès l’instant que l’on opère un choix.
;Elvire.
:— evidemment je n’ai pas dix-huit ans. Toutes mes excuses... Mais tu n’es pas non plus un poulet de printemps, et je pense que Vivéca, de son côté, n’a pas attendu de sonner à notre porte...
;Franklin
:— d’accord, d’accord, n’en parlons plus. //(un léger temps.)//n’empêche que je préfère Vivéca.
;Elvire.
://voix contenue.//
:— de toutes manières, Franklin, je te ferai doucement remarquer que dès que la baby-sitter entre ici - que ce soit micheline, Vivéca ou betty —, tu quittes aussitôt les lieux.
;Franklin
:— exact. Trop exact. Tu mets là le doigt sur la plaie, sur quelque chose de frustrant, précisément. Le fait qu’au moment même où l’une de ces ravissantes créatures fait irruption chez moi, je dois immédiatement me mettre à la porte.
;Elvire.
:— eh oui !
;Franklin
:— alors que dans d’autres conditions, des conditions normales, betty, ou micheline, ou Vivéca ne demanderaient qu’à nouer le dialogue, qu’à prendre langue avec moi, qu’à profiter de mon expérience.
;Elvire.
://moqueuse.//
:— certes !
;Franklin
:— discuter de l’informatique, que sais-je?... Toute la jeunesse d’aujourd’hui n’est pas fascinée par le vide ; il y a aussi la jeunesse silencieuse, avide de s’instruire, de donner son corps - et son âme - pour de nobles causes ; j’en suis sûr!
;Elvire.
:— tu sais que tu deviens assez comique ?
;Franklin
:— evidemment, pour toi le problème n’est pas le même.
;Elvire.
:— ...
;Franklin
:— un soir, je te laisserai sortir avec les enfants, et moi, je me ferai garder par Vivéca. //un silence. Le regard d’Elvire passe à travers son mari, à travers les meubles, à travers le mur.//Elvire.
:— j’espère que le docteur galey sera là. Franklin.
:— ah oui, pourquoi ?
;Elvire.
:— parce qu’il a un confrère psychanalyste, un de ses bons amis dont il te donnera l’adresse ; il pourra peut-être te guérir de tes obsessions, du complexe de baby-sitter.
;Franklin
:— complexe ! Les grands mots, tout de suite ! Ma réaction est une réaction parfaitement saine. une réaction d’homme. Maintenant, les hommes se font tellement rares, que lorsqu’un homme a une attitude d’homme, une attitude primitive, la tribu s’émeut, la tribu a peur. Voilà : la tribu a peur. //il sort un morceau de sucre de sa poche et l’avale.//
;Elvire.
:— tu as encore vidé le sucrier!
;Franklin
:— Hydrates de carbone!... Tenir. Il faut tenir !
;Elvire et Franklin.
://du même ton.//
>treize ans de vie conjugale
>mais où sont les feux de bengale ?!
://Elvire arpente nerveusement la pièce.//
;Elvire.
://consultant sa montre.//
:— ça commence à devenir inquiétant.
;Franklin
:— il lui est peut-être arrivé quelque chose, avec ses gros seins.
;Elvire.
:— elle aurait pu téléphoner.
;Franklin
:— tu n’as qu’à l’appeler ; elle a peut-être oublié.
;Elvire.
:— Charlotte n’a pas le téléphone.
;Franklin
:— en tout cas, il serait bon de prévenir les Paniquel que nous sommes toujours là, ligotés, claquemurés, annihilés.
;Elvire.
:— si dans cinq minutes elle n’est pas arrivée, je passe un coup de fil à olga.
;Franklin
:— fais-le tour de suite, suppose qu’elle nous ait préparé un gigot sous la cendre ou une dinde aux pruneaux...
;Elvire.
:— ça, je ne crains rien de ce côté-là ! //Elvire se rassied. Franklin se lève et va jusqu ’au poste de télévision. Il tire le bouton, mais l’appareil ne s'allume pas.//
;Franklin
:— ce sacré poste, toujours en panne... Si tu ne laissais pas le petit tripoter tout le temps les boutons... ( //Franklin, de plus en plus las, découragé, se rassied. Soupirant.)//si j’avais su, j’aurais pris mon assimil !
;Elvire.
://presque joyeuse.//
:—tu t’es remis au français ? A l’italien, je veux dire.
;Franklin.
://supérieur.//
:— le français, l’italien : des langues mortes!... //(il fait attendre son effet.)//au chinois, si tu tiens à le savoir.
;Elvire.
:—au chinois! Tu apprends le chinois, maintenant ?!
;Franklin
:— et pourquoi je n’apprendrais pas le chinois ? Je n’ai pas le droit d’apprendre le chinois ? Elvire.
:— si, si. Mais...
;Franklin
:— tu seras bien contente quand on sera envahi par les maoïstes que je me mette à parler mao.
;Elvire.
:— mon pauvre Franklin !
;Franklin
:— pauvre Franklin! Pauvre Franklin! De toute façon, c’est passionnant d’apprendre une langue nouvelle, non? Surtout quand pratiquement personne ne la connaît.
;Elvire.
:— sauf un milliard de chinois.
;Franklin
:— sauf un milliard de chinois. Ce que tu peux être énervante!... L’important, c’est d’être dans les premiers... Tiens, le premier congolais qui s’est mis à parler russe, à se balader sur la place rouge en demandant aux russes son chemin, en russe, ça les a drôlement épatés - surtout qu’ils sont plutôt racistes, les russes!... Un homme complètement noir d’un bout à l’autre qui récite des vers de pouchkine, qui parle kolkhoze les mains dans les poches ; ça c’est puissant !
;Elvire.
:— et il y a une méthode assimil chinoise ?
;Franklin
:— clandestine. Tu penses bien que les chinois ne tiennent pas du tout à révéler aux américains ou aux ukrainiens comment on dit en chinois : mon tailleur est riche.
;voix de Véronique.
:— maman ! Maman !
;Elvire.
:— Véronique ! Cette fois je n’ai pas rêvé,
;voix de Véronique.
:— maman! Maman! //pleurs.//
;Franklin
:— tu vois, on serait partis... J’y vais, ne bouge pas. //Franklin se dirige précipitamment vers la chambre des enfants.//
;Elvire.
://seule.//
:— le chinois ! //elle ouvre le buffet-bar, sort la bouteille de whisky et boit directement au goulot. Puis elle se regarde dans la glace, se détaille tout en fredonnant.//nuit de chine nuit câline nuit d’amour...... Popo ivresse ... Popo caresse nuit de chine nuit féline nuit...
;Franklin.
://faisant irruption.//
:— le pot ? Où as-tu mis le pot ?
;Elvire.
://saisie.//
:— quel pot ?
;Franklin
:— ben, le pot.
;Elvire.
:— toujours à la même place, à côté de l’ours. C’est pour ça qu’elle pleure ?
;Franklin
:— t’inquiète pas. //il est déjà reparti.//
;Elvire.
:— quand il s’agit de Véronique... Si c’était Pascal, il ne lèverait pas le petit doigt... ( //regardant sa montre.)//bientôt neuf heures, elle exagère cette fille! Si elle arrive, j’ai bien envie de la flanquer à la porte. Enfin, non... //(elle se contemple à nouveau devant la glace, fait jouer la peau de son visage.)//evidemment, messieurs de la cour, messieurs les jurés, je n’ai pas seize ans... D’abord, c’est tellement bête d’avoir seize ans, tellement... Propédeùtique! Curieux, les hommes : plus ils prennent de l’âge, plus ils voudraient que celui de leur femme diminuât... Ils devraient se marier tout de suite avec leur fille. //(imitant Franklin.)//n’empêche que je préfère Vivéca... //(reculant, et visant son image dans la glace comme si elle tenait une mitraillette.)//pan, pan, pan, pan, pan, pan, pan, pan! //(elle s’affaisse sur le canapé, blessée à mort. continuant de jouer.)//ah! Je me meurs! Je me meurs. au secours! Charlotte, micheline, betty, Vivéca, ingrid, lisbeth, eugénie, donnez-moi vos seins, donnez-moi votre ventre, donnez-moi vos fesses. Donnez-moi aujourd’hui votre sexe quotidien... Flotte, petit drapeau!... ( //déclamant//.) je suis une femme vieillissante, une femme pourrissante... Je perds mon éclat par petits éclats. Ramassez les morceaux, voyageurs aux mains pâles. Couchez mon ombre dans le tombeau de votre désir. Mon nombril n’est plus le soleil d’un homme. Mon nombril se terre dans la nuit comme un animal honteux. Chaque nuit, je perds une ligne de vie. J’ai les pieds qui enflent, les cuisses qui bleuissent. Hâtez-vous, voyageurs, ma toison va se couvrir de neige ; puis viendront les corbeaux. Je suis une femme vieillissante, encombrante... //(se redressant soudain ; très naturelle.)//sans compter que Franklin, il n’est plus si jojo que cela ! ( //elle retourne au buffet-bar, boit une grande rasade de whisky. Légèrement saoule, brandissant la bouteille//
:)
>treize ans de vie conjugale
>mais où sont les feux de bengale ?
:( //sonnerie du téléphone. Décrochant le récepteur.)...//allô, Albert? Bonsoir Albert. Non, rien de grave, nous attendons la baby-sitter... Les invités ont faim?... Mme bloch bâille comme une taupe? Je comprends pourquoi m. Bloch l’a quittée!... ( //elle rit.)//oui, bien sûr, ne nous attendez pas, commencez sans nous... Olga a fait un soufflé aux betteraves? Ça alors!!... Non, ça ne m’étonne pas, fine cuisinière comme elle est... Mais un soufflé, surtout aux betteraves, ça ne pardonne pas ! //(sonnerie à la porte d’entrée.)//ab! Victoire! On sonne à la porte. Dans quarante minutes nous sommes là. bye ! //(elle raccroche. )//
;Franklin,
://qui vient de faire irruption, furieux, à mi-voix.//
:— elle sonne, elle sonne, elle va réveiller les enfants! //(hurlant.)//la clef est sur la porte... Ne bouge pas, je vais lui frictionner les oreilles, à ta petite sauteuse.
===
{{center{
!!!!Elvire, Franklin
}}}
+++!!*[Scène 2]
;Franklin
:— bravo! Bravo! Tous mes compliments, nous sommes en avance!... Oh, pardon mademoiselle, vous n’êtes pas Charlotte ! //apparaît une jeune fille (ou une jeune femme), jolie sous son uniforme — genre armée du salut //
:— //une serviette sous le bras, d’où dépassent brochures et journaux.//
;Sœur Épine.
://très raide, se présentant.//
:— Sœur Épine du Saint-Esprit.
;Franklin.
://se courbant jusqu’à terre.//
:—mes respects, ma sœur.
;Sœur Épine.
:—je viens vous apporter la bonne nouvelle.
;Elvire.
://dont la surprise fait place à une joyeuse excitation.//
:— c’est si rare de nos jours les bonnes nouvelles ; entrez, entrez, faites comme chez vous !
;Franklin
:— mais oui, mais oui, entrez donc, ma sœur ! //regards complices des deux époux qui trouvent là, soudain, un sujet de divertissement.//
;Sœur Épine.
://ne bougeant pas d’un iota.//
:— christ est ressuscité.
;Franklin
:—je sais. Nous savons. Et il est remonté au ciel. Et on ne l’a jamais revu.
;Elvire.
:— ne faites pas attention, mademoiselle, mon mari a très faim, et lorsqu’il a faim, il dit n’importe quoi !
;Sœur Épine.
:— heureux ceux qui ont faim, car ils seront mangés !
;Franklin
:— heureux ceux qui ont soif, car ils seront léchés !
;Elvire.
:— Franklin !
;Sœur Épine.
:— que ta joue droite bénisse ta joue gauche.
;Franklin
:— œil pour dent. Dent pour œil.
;Sœur Épine.
:—a celui qui possède, j’accorderai davantage. A celui qui n’a rien, je donnerai encore moins.
;Franklin
:— les premiers seront les derniers, et les derniers seront les pionniers.
;Sœur Épine.
:— aimez vos ennemis.
;Franklin
:— et haïssez vos amis.
;Sœur Épine.
:— heureux les pauvres en esprit !
;Elvire.
:— laissez venir à moi les petits enfants ; je vous en prie, mademoiselle, entrez! Ne restez pas là tous les deux, à faire assaut de divinités.
;Franklin
:— ma femme a raison, ma sœur, pénétrez dans le saint des saints...
;Elvire.
:— nous nous apprêtions à partir, sans toutefois nous en aller.
;Franklin.
://joyeux.//
:— oui, vous arrivez à un excellent moment ; dans une sorte de temps mort, de no man’s land de notre vie intime.
;Sœur Épine.
://toujours très droite.//
:— le temps est mort pour les pécheurs. Il est vivant pour les enfants de lumière.
;Elvire.
:— raison de plus, ne restez pas dans l’obscurité. //Sœur Épine avance de quelques pas et examine les lieux.//
;Franklin.
://empressé.//
:— venite, ma sœur, venite.
;Elvire.
:— chez nous, ce n’est pas très grand ; mais le cœur y est.
;Sœur Épine.
:—11 y a plusieurs demeures dans la maison du père.
;Franklin.
://avançant un large fauteuil.//
:—voulez-vous ce fauteuil, ma sœur ?
;Sœur Épine.
://glaciale.//
:— non, merci, pas ce fauteuil. ( //etonnement d’Elvire et de Franklin. Un temps.) //vous avez forniqué tous les deux dans ce fauteuil. vous avez forniqué. Et même plus ! //Elvire se tourne etpoujfe de rire.//
;Franklin.
://jouant l’indigné.//
:— mademoiselle, je suis un honorable père de famille.
;Elvire.
://jouant à son tour.//
:— on ne peut pas dire la même chose de vous !
;Franklin
:— on ne peut pas dire la même chose de vous !
;Elvire.
:— le plus n'œst pas l’ennemi du mieux.
;Franklin
:— le mien n’est pas l’ennemi du pieux !
;Sœur Épine.
://dans une sorte d’extase.//
:— paix, paix mes agneaux! Je ne suis point venue ici, guidée par l’esprit saint, pour vous ensevelir sous la montagne de vos turpitudes, mais pour vous délivrer, pour vous indiquer le chemin qui mène à la croûte céleste... Au royaume omnipotent, à la terre de chanaan.
;Franklin
:— dans ce cas, préférez-vous cette chaise ? ( //Elvire pouffe a nouveau de rire dans son coin.) //elle provient de mon grand-oncle, il était substitut. //Sœur Épine s’assied, très droite. Elle pose la serviette à ses pieds. Elle demeure sur la chaise, sans dire un mot, raide comme un piquet.//
;Franklin
:—je vous en prie, ma sœur, détendez-vous, relaxez-vous ; considérez cette maison du pécheur comme une offrande ténébreuse... ( //cherchant) //une offrande ténébreuse...
;Elvire.
://allant à son secours.//
:— ... Sur le sentier de votre délivrance.
;Franklin
:— voilà !
;Sœur Épine.
:— soyez remerciés.
;Elvire.
:— voulez-vous un coussin ?
;Sœur Épine.
:— le seigneur a dit : que ta colonne reste droite, et ton esprit ne tournera pas vers la gauche. //un temps.//
;Franklin.
://à seule fin de rompre le silence.//
:—ah! La gauche, la gauche!... Il y aurait beaucoup de choses à dire sur la gauche!... //(nouveau silence.)//darling, si tu offrais quelque chose à notre invitée, notre invitée de la septième heure ?
;Elvire.
:— mais certainement. Que désire ma sœur?
;Franklin
:— gin tonie ? Whisky? Vodka ?
;Elvire.
://sortant les bouteilles.//
:— carpano ? Vermouth ? Bools ? Triple dry ?
;Sœur Épine.
:— le seigneur interdit de boire de l’alcool.
;Franklin
:— j’ignorais que vous aviez des relations personnelles avec le seigneur. Comment va-t-il en ce moment ?
;Sœur Épine.
://illuminée.//
:— il va bien. Il va très bien. Il va excessivement bien.
;Franklin
:— allons, tant mieux, tant mieux.
;Sœur Épine.
://avec le même éclat.//
:— il m’a dit : va, ma brebis, va mon bêlement, va te fourrer dans la gueule du loup... Que le loup te dévore, que sa mâchoire se referme sur toi, et ton feu le brûlera jusqu’aux entrailles.
;Franklin
:— le loup, c’est moi.
;Sœur Épine.
://joyeuse.//
:— les loups, c’est vous!
;Franklin
:— les loups, c’est très connu, boivent du whisky. ( //prenant le verre de whisky que lui tend Elvire//.) vous permettez? //il boit.//
;Elvire.
:—je suis la femme du loup. //elle boit.//
;Sœur Épine.
://avec sérénité.//
:— saint paul a écrit : « tant qu’ils étaient dans l’ignorance, tant qu’ils ne connaissaient pas la loi, ils n’étaient pas dans le péché... Maintenant qu’ils connaissent la loi, malheur à eux s’ils la transgressent, car alors ils vivront dans le péché, et la droite du seigneur s appesantira sur eux, et ils seront précipités dans la géhenne. »
;Elvire.
:— pour l’amour du ciel, ne nous faites surtout pas connaître la loi ! //elle boit.//
;Sœur Épine
:— tous les hommes sont mis au monde pour connaître la loi du seigneur, et l’observer, et baiser sa règle. //(se levant, et chantant d’une voix de furet)//
<<<
Vos voies impénétrables
nous pénètrent, seigneur.
Et nos chairs misérables
Habillent votre cœur.
Hosannah! Hosannah!
Le ciel entre mes bras,
hosannah ! Hosannah !
Misericordia.
<<<
;Franklin
:— bravo!
;Elvire.
:— sublime !
;Sœur Épine.
://doucement.//
<<<
Vous fondez tel un aigle
sur nos chastes douceurs
et baisons votre règle
d’où coule notre honneur.
Hosannah ! Hosannah !
Le ciel entre mes bras...
<<<
;Tous les trois,
//en chœur.//
>hosannah ! Hosannah !
>Misericordia.
;Franklin
:Nos petits pop-yéyés peuvent se rhabiller! //(levant son verre de whisky.)// vous êtes sûre de... Bon, bon. A la santé de ceux qui n’en ont pas. //il boit.//
;Elvire.
://levant son verre.//
:— a 1 ignorance ^ //elle boit d’un trait.//
;Sœur Épine.
://avec une douce compassion.//
:— y a-t-il vraiment là de quoi se réjouir, de quoi se vanter?... est-ce un privilège que d’ignorer notre nature? Peut-on se flatter, madame, de //n//'être qu’un animal ?
;Elvire.
://onctueuse.//
:— bien souvent, l’animal vous sauve de l’homme, ma sœur.
;Sœur Épine.
:— l’homme est beaucoup plus que 1 homme, madame.
;Franklin.
://que la boisson, à jeun, rend dangereusement disert.//
:—je me tue à le lui dire! Ainsi moi, par exemple, ton mari //(à Sœur Épine) -//oui, vous avez en face de vous ce qu’on appelle un mari - eh bien, je suis beaucoup plus qu’un simple conjoint. Beaucoup plus que tu ne penses. //il boit.//
;Sœur Épine.
:— et encore beaucoup plus que vous ne pensez vous-même, monsieur. Toutes les créatures du père sont des diamants, des diamants enveloppés de nuit.
;Elvire.
:— c’est très beau, ce que vous dites là !
;Sœur epine.
://dans le ravissement.//
:— et tous brillent pareillement, et aucun ne se ressemble. De même que si vous examinez la feuille d’un arbre au microscope, vous vous apercevrez qu’elle ne ressemble à aucune autre, de même votre singularité vous distingue ; et cependant, vous êtes rattachés au tronc du même arbre ; vous bruissez, vous pépiez //(emportée par son propre discours),//vous poirez, vous pommez, vous ceri-sez, vous abricotez, vous glandez, vous... Vous extra-foliez !
;Franklin.
://qui s’amuse beaucoup, à Elvire.//
:— n’est-ce pas platon qui compare l’homme à un arbre, précisément? //(a Sœur Épine.)//un arbre inversé.
;Sœur Épine.
://avec douceur.//
:— platon est un petit monsieur, monsieur.
;Franklin
:— sans doute ; je citais platon comme j’aurais cité...
;Sœur Épine.
:— un petit garçon.
;Elvire.
:— mon mari aussi, croyez-le bien. Tous les matins, je dois lui faire sa toilette, le peigner, l’habiller, lui lacer ses chaussures, le brosser, l’envoyer de force au bureau - un petit garçon.
;Franklin
:— un petit garçon qui rapporte des sous.
;Elvire.
:— de maigres sous. Aucune ambition. C est par ma bouche qu’il demande des augmentations. Si je ne le poussais pas...
;Sœur Épine.
:— qui s’augmente dans ce monde se diminue d’autant dans l’autre. //ephésiens//8.24.
;Franklin.
://jubilant.//
:—voilà! Voilà l’argument que je cherche depuis treize ans ! Ah ! Merci, ma sœur. qui veut gagner sa vie, la perd !
;Sœur Épine.
://avec la joie d’un communiste qui rencontre dans le désert un membre du parti.//
:— epphe-tam ! F.Pphetam ! Oui. Nous y sommes. Et qui perd sa vie, la gagne. Epphetam! //(a Elvire.)//madame, est-ce que les oiseaux du ciel s’inquiètent de leur nourriture ?
;Elvire.
://agacée.//
:—et comment! Ils ne font que cela du matin au soir.
;Franklin
:— ils font semblant, pour se donner une contenance.
;Elvire.
:— avez-vous jamais observé, ma sœur, l’œil d’un oiseau? Rien de plus féroce que l’œil d’un oiseau.
;Sœur Épine.
://que rien ne semble désarmer.//
:— lorsque vous regardez un oiseau, l’oiseau prend un autre œil. L’œil d’un oiseau, lorsqu’il vous fixe, voit l’œil de son assassin. Vous mangez du poulet, madame?
;Elvire.
:— le moins possible. Tous les poulets, aujourd’hui, ont un goût de maquereau.
;Sœur Épine.
:— quand je dis poulet, je parle volatile. Je dirais aussi bien : caille, perdrix, pouillot, grive, alouette... ( //extatique//.) l’alouette! La jubilation du matin !
;Franklin.
://battant des ailes.//
:— cui, cui, cui, cui, cui, cui, cui, cui.
;Elvire.
:— Franklin!
;Sœur Épine.
:— si la nature est devenue l’ennemie de l’homme, c’est que l’homme est dénaturé. Ayant rejeté son état principiel, ayant... //sonnerie du téléphone.//
;Franklin.
://bondissant.//
:—momento! ( //sortant un morceau de sucre de sa poche et l’offiant à Sœur Épine.) //un morceau de sucre ?
;Sœur Épine.
://dissimulant mal sa surprise.//
:— non, merci.
;Franklin.
://allant au téléphone.//
:— le seigneur interdit le sucre! //(ricanant.)//soyez salés!... //(au téléphone.)//allô?... Allô?... Oui, c’est ici... Charlotte? Quelle Charlotte? Connais pas. De toute façon, monsieur est en conférence. //il raccroche.//
;Elvire.
:— mais, Franklin...
;Franklin.
://revenant.//
:— ce devait être Charlotte.
;Elvire.
://mi-amusée, mi-contrariée.//
:— mais, Franklin, et les Paniquel ?
;Franklin.
://pompeux.//
:— les Paniquel ? En voilà un nom! Connais pas! //(en aparté, à Elvire.)//c’est beaucoup plus marrant, ici. (5e //calant devant sœur epine.)//vous disiez donc, sœur machine du saint-esprit...
;Sœur Épine.
://blessée.//
:— Sœur Épine du saint-esprit.
;Franklin
:— pardonnez-moi : epine... Darling, verse-moi à boire. //(Elvire remplit les deux verres. Ils boivent. Sœur Épine, toujours droite, semble regarder à travers eux. Reposant son verre.)...//ma sœur, je trouve votre conversation passionnante.
;Elvire.
:— edifiante !
;Franklin
:— quand je songe que nous allions à l’extérieur nous répandre en futilités, alors qu’à domicile... Vous êtes la providence.
;Sœur Épine.
://baissant les yeux.//
:—je ne suis que l’instrument de la providence.
;Elvire.
://sensuelle.//
:— un bel instrument.
;pranklin.
://décidé à jouir de la situation.//
:—Sœur Épine, puis-je vous poser quelques questions ?
;Sœur Épine.
:— bêlez, mon frère, et le seigneur vous tondra.
;Franklin.
://sur un ton confidentiel.//
:— Sœur Épine, puisque les voies impénétrables du seigneur ont fait que vos parents ont forniqué, comme vous dites, pour vous enfanter, afin que nous ayons un jour le bonheur de nous rencontrer...
;Sœur Épine.
:— vous avez trop bu, monsieur!
;Franklin
:— trop bu... Serait-ce à vos yeux une offense? La boisson, ma chère sœur pointue, ne coule-t-elle pas dans maintes pages des ecritures? Jésus-christ — permettez que j’en arrive au fils...
;Sœur Épine.
://farouche.//
>christ est notre sauveur.
>Christ est notre bélier.
;Franklin.
://poursuivant avec l’obstination d’un ivrogne.//
:—... Jésus-christ, donc, lorsqu’il voyait de l’eau, voyait rouge : il la transformait aussitôt en vin ; rappelez-vous les noces de cana. Et relisez l’ancien testament : tous ces patriarches, la barbe étincelante, qui dansaient ivres morts devant l’arche...
;Sœur Épine.
://criant.//
:— ivres de dieu, monsieur ! Ivres de dieu !
;Franklin
:— ivres tout de même.
;Elvire.
://apportant de l’eau au moulin de son époux.//
:— et que faites-vous de noé ?
;Franklin
:— mais oui, noé. « avant moi le déluge! »
;Elvire.
:— noé, l’ivresse de noé. Le cher homme succombant aux raisins de la treille et exhibant sa nudité à ses deux fils ? Et 1 un qui s esclaffait, cham, et l’autre qui rougissait, japhet.
;Franklin
:— parfaitement, cham et japhet.
;Elvire.
:— est-ce que j’invente? Cela n’est-il pas consigné dans les saintes ecritures, ma sœur ?
;Sœur Épine.
://se levant, les larmes aux yeux.//
:— vous êtes trop forts pour moi ; je vais vous envoyer mon chef, le major Brompton.
;Franklin
:— non, non, restez assise ; ne partez pas, ce serait dommage //(il la fait se rasseoir)// Nous n’avons que faire du major Brompton. Avec vous, le dialogue se noue réellement, vigoureusement...
;Sœur Épine.
:— vous vous mettez deux contre moi!
;Franklin
:— les trois personnes sont en vous, Sœur Épine du saint-esprit. Nous sommes battus d’avance !
;Elvire.
://imitant Sœur Épine, insidieusement.//
:—va, ma brebis, va te fourrer dans la gueule du loup...
;Sœur Épine.
://comme fouettée, se relevant brusquement et chantant d’une voix forte, bien que toujours de furet.//
<<<
dans la gueule du loup je rentre,
blanche hermine
et l’animal du coup surpris,
se ratatine.
Et l’animal du coup
//(très doux.)//
chante chante matines...
Hosannah! Hosannah!
Le ciel entre mes bras.
<<<
;Tous les trois.
>Hosannah! Hosannah!
>Misericordia.
://comme les épinards pour Popeye, ce cantique a rendu vigueur à Sœur Épine et décuplé son zèle.//
;Sœur Épine.
://véhémente.//
:—Noé, justement! Parlons-en. En ce temps-là l’iniquité régnait de par le monde. L'iniquité, la ladrerie, la sodomie, la mésopo-tamie. Tous les hommes étaient les enfants de caïn. si bien que le seigneur, écœuré, voulut à tout jamais effacer sa création, car sa création lui était devenue un cauchemar.
;Franklin
:— rudement intéressant!
;Sœur Épine.
:— taisez-vous! Et ii s’apprêta à envoyer le déluge, à ensevelir la terre sous l’empire des eaux. Mais il y eut un juste : noé. Et le seigneur ayant pitié de lui a eu pitié des hommes. Et l’humanité fut sauvée... Mais de nos jours, où se trouve un juste? Qui épargnera la colère du seigneur, l’eternel? Qui épargnera la destruction de notre planète?... Les temps sont arrivés. «quand les méchants croîtront comme 1 herbe, ils seront exterminés à jamais. » //psaumes//92.8. « les menteurs, les voleurs, les dragueurs, les fornicateurs, les ordinateurs, les courtiers, les douaniers, les batifoleurs n’auront pas de place dans le royaume de dieu. » //corinthiens//6.9. //(avec une certaine jubilation.)//« il y aura les tués de jéhovah, des milliards de tués d’un bout à l’autre de la terre. » //jérémie//25.53. Elvire.
:— Sœur Épine, ne nous excitons pas. Vous êtes actuellement au chaud, au sec...
;Sœur Épine.
:— les nouveau-nés eux-mêmes n’auront pas le temps de naître !
;Franklin
:— tout de même, si je partageais votre foi, votre histoire de noé, plutôt que de la crier sur les toits, je la mettrais sous le boisseau... Car enfin, si je vous comprends bien, sœur très epine, le seigneur a recommencé exactement la même bêtise. Il sauve l’humanité, une humanité pourrie, pour que lui succède une autre humanité encore plus pourrie que la précédente ! A sa place, je me mordrais les doigts.
;Sœur Épine.
://pourpre.//
:— dieu n’a pas de doigts, monsieur. Dieu n’a pas de pieds, dieu n a pas de ventre. Dieu n’est pas celui que vous croyez — que vous ne croyez pas. Et puis merde, merde, merde ! //elle fond en larmes.//
;Elvire.
:— allons, allons, vous n’allez pas vous mettre à pleurer comme... Comme...
;Franklin
:— ... Comme une madeleine ! //le couple s amuse énormément.//
;Sœur Épine.
://tout en ravalant ses larmes, faiblement.//
:— merde.
;Elvire.
:— mon mari a le mérite de vous exposer franchement sa pensée.
;Franklin
:— en toute ingénuité.
;Sœur Épine.
://tirant une brochure de sa serviette, la donnant à Franklin, mauvaise.//
:— 1 enez, n avez qu à lire ça ; ce n’est pas moi qui l’ai écrit ; c’est la parole du seigneur, l’eternel. Ça coûte seulement trois francs, et c’est encore moins cher en belgique.
;Elvire.
:—trois francs pour la parole de l’eternel, c’est encore dans nos moyens.
;Franklin.
://lisant le titre, joyeusement.//
:— flello, my god!
;Sœur Épine.
://confirmant, sinistre.//
:— hello, my god.
;Franklin
:— dieu serait-il, lui aussi, devenu américain ?
;Sœur Épine.
:—je ne vous répondrai plus ; n’avez qu’à lire. //elle renifle, écarte une larme.//
;Franklin.
://parcourant la brochure.//
:— 17 juin. Le seigneur a parlé aux néo-zélandais durant sept heures sur le champ de courses d’alexandra park, à auckland...
;Sœur Épine.
://reprenant une orgueilleuse assurance.//
:— nous tirons à douze millions d’exemplaires. Nous avons des frères et des sœurs dans les coins les •plus reculés du globe.
;Elvire.
:— comme cela fait du bien d’apprendre qu’il existe encore des coins reculés... //elle se verse à boire.//
;Sœur Épine.
:— il y a huit jours - à peine - toute une tribu d’esquimaux s’est convertie : elle ne chasse plus la baleine. Alléluia !
;Elvire.
:—alléluia! //elle vide son verre.//
;Franklin.
://à Sœur Épine.//
:—exciting! Exciting! God is good for you! //(il boit)//et peut-on savoir pourquoi la baleine...
;Sœur Épine.
:— parce que, pour celui qui connaît la vérité, il sait que dans chaque baleine il y a un jonas. Et jonas est le serviteur de jéhovah... Doit-on faire de l’huile avec un serviteur de jéhovah ?
;Franklin
:— franchement, je pense que ce serait de fort mauvais goût.
;Sœur Épine.
://exultante.//
:— epphetam ! Epphetam ! Ah, monsieur, lisez, écoutez la parole du seigneur. Et vos yeux se dessilleront, et vos genoux fléchiront, et vos oreilles craqueront, et vous connaîtrez la loi... Et la loi vous sera plus chère que vos yeux, que vos genoux, que vos oreilles, que... Que... //(se tournant vers Elvire)//que votre femme.
;Franklin.
://se rembrumant.//
:— que ma femme...
;Sœur Épine.
:— est-ce qu’il vous viendrait à l’idée d’assassiner votre femme ?
;Franklin.
://avec une énorme conviction.//
:— ah oui, alors. Ça oui !
;Elvire.
:— le cri du cœur.
;Franklin
:— plutôt deux fois qu’une !
;Sœur Épine.
:— malheureux!... Malheureux, vous ne pensez pas ce que vous dites !
;Franklin
:— détrompez-vous, ma sœur. Jamais de toute ma vie je n’ai pense, comme a cet instant, aussi intensément.
;Sœur Épine.
://cherchant réconfort auprès d’Elvire.//
:— mais vous, madame, vous, victime propitiatoire, vous semblez...
;Elvire.
:— la même chose, ma sœur. Exactement la même chose. //(visant son mari.)//pan, pan, pan!... //(Franklin s’effondre.)//le tout est de tenir.
;Franklinet Elvire.
>Treize ans de vie conjugale
>mais où sont les feux de bengale ?
;Sœur Épine.
<<<
O la postérité d’abraham
enfants à barbe de nos âmes
réconfortez mon cœur qui brame !
<<<
;Franklin
:— vous ne voulez vraiment pas de ce fauteuil? //(lascivement.)...//etendre vos membres, aérer votre sein...
;Sœur Épine.
:—j’aurais dû me méfier! J’aurais dû me méfier! Vous êtes deux suppôts de satan, de belzébuth ; deux suppôts de balam, de zabulon, de phiphiboseth!... Mais vous ne me faites pas peur tous les deux. «aux enfants de lumière jaweh donne le bouclier de la nuit. » //genèse//4.26. Et la preuve que vous ne me faites pas peur. ( //Sœur Épine se lève et, avec défi, se carre dans le grand fauteuil.)//
;Franklin
:— eh bien, dites-moi !
;Elvire.
:— mazette ! //le couple, visiblement, est de plus en plus excité par le jeu aberrant de la situation//-//aux dépens de la pauvre fille.//
;Sœur Épine.
:—a celui qui croit, l’incroyable lui fera fête. Le feu ne le brûlera pas. L’air ne le fouettera pas. L’eau ne le mouillera pas. A boire ! //elle saisit le verre vide de Franklin et le lui tend impérativement.//
;Franklin
:—a boire! Mais... À vos ordres, général epine, à vos ordres... Gin ? Whisky?
;Sœur Épine.
://résolument.//
:— vodka. Elvire.
://demi-saoule, s’empressant de lui verser une sacrée rasade de vodka.//- elle vient tout droit de la mer morte.
;Sœur Épine.
://après avoir bu, d’un trait, sans broncher, le contenu du verre.//
:— « et les lions se précipitèrent sur les martyrs entassés dans l’arène, et ô prodige! Ils posèrent tendrement leurs gueules sur les mamelles des femmes, et aux hommes ils léchèrent le visage. » //daniel//, 3.15... //(avec dédain.)//du petit-lait, votre alcool. Du petit-lait !
;Franklin
:— petit-lait! Petit-lait!
;Elvire.
://comme allant faire une confidence.//
:— sœur fiermine du saint-esprit...
;Sœur Épine.
://rectifiant.//
:— epine.
;Elvire.
:— epine. Votre zèle, votre foi, votre intrépidité me poussent a m ouvrir à vous, à me confesser ; oui, à me confesser.
;Franklin
:— ça ne va pas être beau ! //Sœur Épine, sans un mot, tend son verre vide à Franklin. Ce dernier le remplit derechef.//
;Elvire.-
:—jusqu’où peut aller la turpitude humaine ? En avez-vous vraiment une idée, ma sœur ? Et le seigneur ne vous a-t-il pas envoyée ici pour que vous l’éprouviez jusque dans ses abîmes? //(en buvant une gorgée de vodka, Sœur Épine ne peut réprimer un frisson.)...//mon mari et moi, c’est encore pire que vous ne croyez.
;Sœur Épine.
:—...
;Elvire.
:— il est trop vrai que nous nous détestons, que nous nourrissons l’un pour 1 autre des sentiments meurtriers.
;Sœur Épine.
://joyeusement.//
:— alléluia!
;Elvire.
:— déjà, dès les premiers jours de notre rencontre, mon mari en voulait à ma peau.
;Franklin.
://rentrant dans le jeu.//
:— et elle à la mienne ; elle omet ce léger détail !
;Elvire.
:— et cela dure depuis treize ans. Treize ans où c’est à celui des deux qui aura la peau de l’autre, à celui des deux qui frappera le premier !
;Franklin
:— comme dans les westerns, vous savez? Celui qui dégaine le plus vite...
;Elvire.
:— ... Ou qui est gaucher...
;Franklin
:— ou borgne. Un bandeau sur l’œil. Terrible.
;Elvire.
:—aussi, nous sommes épuisés. Deux ombres.
;Franklin
:— deux ombres, toujours sur le qui-vive, à nous épier, à nous épier...
;Elvire.
:— ... À surveiller le moindre geste de l’autre. L’autre : l’ennemi numéro un!
;Franklin
:— oui, nuit et jour nous nous épions, ma sœur. Dans les draps, sous les draps, au petit déjeuner, dans le cabinet de toilette, dans le cagibi, dans l’ascenseur...
;Elvire.
:— les waters, surtout, c’est atroce!
;Franklin
:— par bonheur, nous n’avons pas de cave.
;Sœur Épine.
:— alléluia ! //elle boit.//
;Elvire.
:— nous vivons dans une terreur permanente.
;Franklin.
:—a-t-elle mis de l’arsenic dans mon plum-pudding ?
;Elvire.
:— un matin, mon soutien-gorge m’a causé d’affreuses brûlures.
;Franklin
:— a-t-elle multiplié les kilowatts de mon rasoir électrique ?
;Elvire.
:— marche à reculons, Elvire - je m’appelle Elvire -, si tu tournes le dos, il va te sauter dessus, te faire le coup du casoar.
;Franklin
:—attention à la marche, Franklin, elle brille, elle l’a encore savonnée au beurre de cacahuète. ..
;Elvire.
:Et ce consommé qui s’est soudain pris en pain dans mon estomac? //(Mimant la scène.)//de l’air! Au secours! De l’air! De l’air!
;Franklin
:— et la radio de ma voiture? Je roulais tout seul, à 120, le speaker annonce brusquement ma mort! //un temps. Tous deux semblent à court d’inspiration. Sœur Épine, le regard vitreux, finit son verre de vodka.//
;Elvire.
:— comment dans ces conditions avons-nous pu faire des enfants ? Et pourquoi ?
;Franklin
:— oui, pourquoi ?
;Elvire.
://savourant sa propre trouvaille.//
:— afin qu ils nous servent d’otages.
;Franklin
:— c’est cela : des otages! J’ai réussi à faire prisonnier son petit garçon.
;Elvire.
:— et moi, à séquestrer sa petite fille. Franklin.
:— un mot de travers, et je branche Pascal sur le 220. Elvire ne supporte pas les hurlements de Pascal.
;Elvire.
:— un regard en dessous, et je plonge la tête de Véronique des minutes entières dans le lavabo rempli d’eau de vichy. Franklin ne supporte pas les silences de Véronique.
;Franklin
:— l’équilibre de la terreur !
;Sœur Épine.
://soudain, d’une voix de petite fille.//
:— mais, c’est l’enfer !
;Franklin
:— c’est l’enfer, Sœur Épine du saint-esprit. L’enfer! //Sœur Épine se verse à boire elle-même, puis se lève et fiait quelques pas, le verre à la main, doucement titubante.//
;Sœur Épine.
://ton joyeux.//
:— l’enfer ! //petit rire hystérique. Elle arpente la pièce, examine attentivement chaque objet.//
;Franklin
:— rien de plus banal que l’enfer : quatre murs, quatre meubles, deux, trois tableaux abstraits, un vieux tapis, la télévision... Et dans ce petit espace concentrationnaire, les époux, les époux, les époux... Les milliers d epoux et d épousés. Les époux comme des poux, les épouses comme des bouses, des flouses, des ventouses...
;Elvire.
:— Franklin, tu en fais trop !
;Franklin.
://tout à fait lancé et qui accule Sœur Épine dans un coin.//
:— car nous sommes des milliers et des milliers d’époux enfermés dans la banalité de la banalité, mâchant les heures comme du chewing-gum, invités éternellement par les Paniquel, les milliers de Paniquel qui ne savent même pas qu’ils sont Paniquel et qu’ils retourneront Paniquel, //matthieu a.//28... Et’ dans ce désert, dans cet immense désert surpeuplé. //(la sonnerie du téléphone l’arrête dans son discours. Elvire se précipite vers l’appareil.)...//non, ne décroche pas! Ne décroche surtout pas! Est-ce que les damnés peuvent quelque chose pour les damnés ? //(la sonnerie continue de retentirl)...//sonnerie des morts. Des mort-nés!... est-ce que dieu vous a jamais téléphoné, sœur epine ?
;Sœur Épine.
://succombant à l’alcool, d’une voix défaillante.//
:— il fait chaud. Il fait très chaud! //elle enlève son chapeau et le donne à Franklin.//
;Franklin
:— merci.
;Sœur Épine.
:— chaud.
;Franklin
:— question d’habitude, ma sœur. C’est cela aussi l’enfer : l’habitude.
;Elvire.
:— nous ne pouvons pas régler le chauf-fage.
;Sœur Épine.
://égarée.//
:— bien sûr, en enfer...
;Franklin
:— nous cuisons par le plafond et par le sol. Dans notre jus.
;Sœur Épine.
://levant son verre.//
:— santé!
;Elvire et Franklin.
://levant leur verre.//
:— santé ! //Sœur Épine, après avoir reposé son verre, retire sa veste et, à la manière d’une somnambule, la remet à Franklin qui tient toujours en main le chapeau.//
;Franklin
:— merci. //Sœur Épine se regarde dans la glace.//
;Sœur Épine.
:— le major Brompton défend qu on se regarde dans la glace. //(petit rire hystérique.)//j’ai une drôle de tête. Vous ne trouvez pas que j’ai une drôle de tête ? Tout enflée à l’intérieur.
;Elvire.
:— vous devriez laisser tomber vos cheveux sur les épaules... Vous permettez?... //Elvire lui dénoue les cheveux. Sœur Épine se laisse faire avec docilité.////selon que l'interprète sera naturellement paree d’une longue et belle chevelure, elle choisira la première version.////dans la deuxième version, Elvire la coiffera d’une perruque.//
;Elvire.
:— tenez, si vous mettiez cette perruque . //au grand amusement de Franklin, elle prend sa perruque posée sur la coiffeuse.//
;Sœur Épine.
:—oh! Une perruque, comme louis xiv !
;Elvire.
:— pas tout à fait ! //elle coiffe Sœur Épine de sa perruque.//
;Sœur Épine.
://saoule, se regardant dans la glace avec ravissement.//
:—je ressemble à quelqu’un qui me ressemble, mais que je ne connais pas... //Elvire lui met du rouge à lèvres. Sœur Épine se laisse faire avec docilité et « un malin plaisir//». //Elvire expose ensuite Sœur Épine, transformée, à son mari.//
;Elvire.
://qui contemple son œuvre avec satisfaction.//là...
;Franklin ah! Vous êtes beaucoup plus jolie comme cela !
;Elvire.
://sensuelle.//
:—vous êtes même très jolie, Sœur Épine!
;Franklinma sœur, si vous n’étiez pas ma sœur...
;Sœur Épine.
://dans un état qui sera de plus en plus second.//
<<<
le loup habitera avec l’agneau.
Et la panthère se couchera avec le chevreau.
Le lion comme le bœuf mangera de la paille...
( //elle vide son verre de vodka.)... //
le nourrisson s ébattra sur 1'antre de la vipère.
Et 1 enfant sevre mettra sa main dans la caverne du basilic. ..
Il ne se fera ni tort ni dommage.
<<<
:Isaïe 11.7.8.9. //elle dégrafe son corsage.//
;Elvire.
:— vous ôtez votre blouse !
;Franklin.
://ravi de cette aubaine.//
:— otez tout ce que vous voulez, dépouillez-vous, ma sœur! Dépouillez-vous : saint marc, saint luc, saint paul, saint chrysostome... //Sœur Épine remet machinalement son corsage à Elvire qui le donne à Franklin.//
;Elvire.
://bas à Franklin.//
:— vicelard !
;Franklin.
://même jeu.//
:— lesbienne ! //Sœur Épine fait glisser les bretelles de sa combinaison. Elle porte un soutien-gorge noir.//
;Sœur Épine.
://extatique.//
:— Sœur Épine du saint-esprit-du-soutien-gorge-noir, c’est ainsi que le seigneur me nomme en secret, en ce moment même !
;Elvire. Le seigneur ne manque pas d’imagination !
;Franklin
:— je ne sais pas pourquoi, ça me rappelle saumur ; le cadre noir. Aucun rapport.
;Sœur epine.
:—je briserai votre superbe. Je ferai un escabeau de vos reins. J emboucherai vos os feles pour sonner de la trompette.
;Franklin
:— ça, je parie pour ezéchiel !
;Sœur Épine.
:— //ezéchiel//29.8 et 9.
;Elvire.
:— en somme, tout votre langage est chiffré...
;Franklin.
:—jésus-christ lui-même ne pouvait pas s’exprimer simplement, comme tout le monde, il parlait en paraboles.
;Sœur epine.
://qui ne les écoute pas.//
:— le seigneur a envoyé son fils sur la terre, couvert seulement d’une robe de lin, d’une robe de lumière. Mais la lumière a aveuglé les hommes.
;Franklin
:— on ne peut pas dire effectivement que l’humanité...
;Sœur Épine.
://redescendant sur terre.//
:— pauvre humanité!... Lorsque je circule dans la rue, boutonnée jusqu’au cou : « a poil! A poil! » j entends crier sur mes pas. A poil.
;Franklin
:— vox populi vox dei !
;Sœur Épine.
://criant.//
:— a poil !
;Elvire.
:— voyons, ma sœur, ne criez pas comme ça, vous allez réveiller les enfants ! Sœur epine.
:— même ceux qui ne le crient pas par la bouche, ils le crient par les yeux, ils le crient par les mains, par les narines : a poil !
;Elvire.
:— ici, vous n’êtes pas dans la rue !
;Sœur Épine.
:— l’occident tout entier est retombé au stade anal. C’est le major Brompton qui dit ça !
;Franklin.
://de plus en plus excité, met le chapeau de Sœur Épine qui l’encombre sur sa tête et, tendant son verre.//
:— un whisky, sœur Elvire!
;Elvire.
://éloignant la bouteille.//
:— Tu es assez saoul comme ça !
;Sœur Épine.
://de plus en plus inquiétante.//
:— je vous fais peur, hein? Je vous fais peur?... Les enfants de caïn tremblent et grincent des dents, et se goinfrent d’eux-mêmes et tombent dans l’angoisse et le désespoir... ( //illuminée//.) mais les enfants d’abel possèdent la joie, l’amour, la longanimité, la bienveillance, la foi, la douceur, la maîtrise de soi. //galates//5.22.23. La maîtrise de soi... ( //prestement, Sœur Épine fait tomber sa jupe à ses pieds, révélant ainsi un ridicide bermuda coloré.)//Sœur Épine du saint-esprit-du-bermuda, c’est ainsi que le seigneur me nomme, en secret, en ce moment même !
;Franklin
:— loués soient les secrets du seigneur !
;Sœur Épine.
:—a poil! A poil!... Quelle' monotonie, quel désert, quelle tristesse !
;Franklin
:— personnellement...
;Elvire.
:— tais-toi, Franklin !
;Sœur Épine.
:— mais le seigneur n’est pas triste : il a créé la girafe!... Et moi non plus je ne suis pas triste - même ici, dans votre enfer. Et je vous vois, plus nus que tous les os des morts, je vous vois tels que vous êtes : deux épaves.
;Franklin
:— là, vous y allez un peu fort !
;Sœur Épine.
:— deux épaves. Et vous ne savez plus quoi faire de votre vie. Votre vie est comme une vieille étoffe mangée aux mites, et qui ne peut même pas réchauffer les pauvres ; le froid passe par tous les trous. //elle se dirige vers la bouteille de vodka. Elvire s'interpose.//
;Elvire.
:— vous avez assez bu comme ça de « petit-lait ».
;Franklin.
://à ladresse d’Elvire.//
:— tu n’es pas marrante !
;Sœur Épine.
:— la vérité vous fait peur. Vous avez peur de la vérité ! //elle dégrafe son bermuda.//
;Elvire.
:— qu’est-ce que vous faites encore ?
;Sœur Épine.
://telle une vierge se préparant, dans la joie, au martyre.//
:— sainte blandine ôta ses vêtements et, lorsqu’elle fut nue, sur tout le royaume, il tomba de la neige... //le bermuda tombe à ses pieds, révélant une culotte noire, ornée d’une rose sur le côté.//
;Elvire.
://l’empêchant de se déshabiller complêtement.//
:— enfin, mademoiselle, vous n’êtes pas venue ici pour faire un strip-tease ! En voilà des façons ! //Elvire tient les mains de Sœur Épine qui se débat.//
;Sœur Épine.
:— mais laissez-moi !
;Elvire.
:— vous n’êtes pas sainte blandine et, de toutes manières, c’est l’été. Rhabillez-vous!
;Franklin.
://déçu par l’attitude d’Elvire.//
:—voyons, Elvire, si Sœur Épine du saint-esprit-tout-nu...
;Elvire.
:— tais-toi, vieux dégoûtant, et passe-moi tout ça ; tu as l’air d’un épouvantail. ( //elle lui arrache les vêtements de Sœur Épine, sauf le chapeau qu’il a toujours sur la tête, et les jette à celle-ci.)...//tenez, et dépêchez-vous !
;Sœur Épine.
:— se presser en enfer !... //petit rire hystérique.//
;Franklin.
://furieux.//
:— ma femme ne respecte pas les lois ; je vous en prie, ma sœur...
;Elvire.
:— faites-moi le plaisir, mademoiselle, de ne pas écouter mon mari. Allons, rhabillez-vous !
;Sœur Épine.
:—si je veux! ( //criant et pleurant presque.)//
et je veux me mettre à poil ! //Elvire lui envoie une gifle magistrale.////stupeur des trois.////un moment de silence.////la gifle a cependant pour effet que Sœur Épine obéit : elle se rhabille, sans dire un mot, craintive, gênée et avec pudeur...//
;Franklin
:— tu as frappé ma sœur! Tu as frappé notre sœur !
;Elvire.
:— l’hystérie, ça se soigne. Je trouve que cette comédie a assez duré.
;Franklin
:— Elvire, je ne te reconnais plus. Qu’est-ce qui te prend ?
;Elvire.
://tendant la veste à Sœur Épine, froidement. //
:— votre veste.
;Franklin
:— pour une fois où l’on décollait... //(Sœur Épine boutonne consciencieusement sa veste.) //Sœur Épine du sacré-soufflet, vous vous doutez maintenant de ce que moi, je dois subir dans l’intimité. .. « treize ans de vie conjugale... »
;Elvire.
://bas.//
:— je t’en prie, Franklin !
;Sœur Épine.
<<<
heureux les humiliés...
Heureux les défrisés.
( //elle se recoiffe.)//
heureux ceux qui souffrent persécution.
( //indiquant du doigt, brusquement.) //
<<<
:oh! Là-bas dans le coin... Vous ne voyez pas? //(•Franklin et Elvire ont beau écarquiller les yeux, ils ne voient rien.) ...//un œuf. Un gros œuf comme une cloche. Tout en feu. Avec des pattes d’autruche !
;Franklin.
://bas.//
:— de plus en plus cinglée !
;Elvire.
:— elle joue très bien.
;Franklin
:— tu crois vraiment ?
;Sœur Épine.
://apostrophant le monstre invisible.//
:— petit con, va ; espèce de petit con! ( //faisant mine de le suivre du regard.)//envolé! Hop! Parti par le plafond tout chaud. Ça ne lui a pas fait plaisir que je le traite de petit con.
;Elvire.
://calmement, mais fermement, de la manière dont elle parlerait à un malade mental, en évitant de le brusquer.//
:— bon. Bien. Excellent. Bravo. Compliments... Vous voilà maintenant rhabillée, vous avez repris votre visage, l’agilité de vos membres... //(a Franklin.)//Franklin, le chapeau de ma sœur...
;Franklin.
://oubliant qu ’il le porte encore sur la tête. //
:— le chapeau ? //Elvire retire le chapeau de la tete de Franklin et en coiffe Sœur Épine.//
;Elvire.
:— là. Parfait. Armée de pied en cap. Vous allez vous envoler à votre tour, ma sœur, mais raisonnablement, par la porte.
;Sœur Épine.
:— dommage, j’étais bien dans votre enfer. Vous m’aviez si chaleureusement accueillie : entrez! Entrez! Mademoiselle! Voulez-vous du thé? du chocolat? Voulez-vous qu on vous borde dans un grand lit tout blanc ? //elle fait quelques pas, en titubant légèrement, en direction du téléphone.//
;Elvire.
:— est-ce que vous pouvez rentrer toute seule ?
;Sœur Épine.
:—je ne suis jamais seule. Jéhovah loge dans mes reins. Dans mon ventre. Jusqu’au bout de mes ongles.
;Franklin
:— jéhovah ne s’ennuie pas !
;Sœur Épine.
://au téléphone.//
:— je vais téléphoner.
;Elvire.
:— vous allez téléphoner ?
;Sœur Épine.
:— oui, je vais téléphoner au major Brompton. Le royaume de dieu approche, Major Brompton, le royaume de dieu approche. Boum. Une grande explosion ! //elle décroche.//
;Elvire.
://lui arrachant l’appareil des mains et raccrochant.//
:— laissez en paix le major Brompton. Je vais appeler un taxi. Dans l’état où vous êtes !
;Sœur Épine.
:— un taxi !
;Elvire.
:—je vous donnerai l’argent. Où habitez-vous ?
;Sœur Épine.
:— chez le major Brompton... A courbevoie.
;Franklin
:— le major Brompton ! Le major Brompton !...
;Sœur Épine.
://avec douceur.//
:— souvent, je rêve que je cache un revolver. Et chaque fois que je rencontre un ennemi de jéhovah je sors mon revolver et je tire dessus. Et je téléphone au major Brompton : encore un de moins! Le royaume de dieu approche! Le royaume de dieu approche !
;Franklin.
://bondissant d’aise.//
:— ça ferait un dénouement saisissant : nous deux, tués par Sœur Épine du saint-esprit, là, raides morts sur le tapis, deux ennemis de jéhovah en moins...
;Sœur Épine.
://battant des mains.//
:— oh oui !
;Franklin
:— ... Puis, Pascal et Véronique réveillés par les coups de feu faisant irruption dans la pièce en chemise de nuit : « oh la jolie baby-sitter! » et sœur epine du sacré 35 millimètres-petit-calibre-du-saint-esprit, tombant à genoux devant les deux orphelins... //(il tombe à genoux//.) « oh les chérubins! Oh les gracieux chérubins! » //(se relevant, épuisé//.) rideau.
;Elvire.
:— Franklin, tu es infernal, tu m’écœures !
;Sœur Épine.
:— oh oui, les deux orphelins, les deux petits martyrs... Où sont-ils ?
;Elvire.
://ne maîtrisant plus son exaspération.//
:— vous, mademoiselle, vous avez assez divagué comme cela. Suffit ! Puisque vous êtes assez grande pour rentrer seule, allez convertir ailleurs les ennemis de jéhovah ! //Sœur Épine, titubante, tombe sur Elvire.//
;Sœur Épine.
:— bon, bon ; ne me poussez pas. J’ai compris, je m’en vais.
;Elvire.
:— pas par là, c’est la chambre des enfants. Par ici. //elle la prend par les épaules.//
;Sœur Épine.
:— bon, bon, ne me traumatisez pas !
;Franklin
:—je vous l’avais bien dit : une tigresse.
;Sœur Épine.
:—j’ai compris... Il y a un temps pour entrer et un autre pour décamper. //eccle-siaste//5.33. //(sur le point de disparaître.)...//au revoir monsieur ; je suis sûre que jéhovah vous rattrapera!
;Franklin.
:—j’en ai bien peur! Bye, bye, Sœur Épine. Mes respects au major. //(découvrant soudain la serviette de Sœur Épine au pied du fauteuil!)//
:— he! vous oubliez votre serviette !
;Sœur Épine.
:— ah oui, ma serviette.
;Franklin
:— hello, my god!... Ne bougez pas, je vous la lance. //il saisit la serviette, s’apprêtant à la lancer, lorsque du contenu tombe un revolver.//
;Sœur Épine.
://très naturellement.//
:— oh, mon revolver!
;Franklin
:— mince alors, un revolver!
;Elvire.
:— un revolver. Sœur epine.
:— mon revolver.
;Elvire.
:— son revolver.
;Franklin
:— un revolver... Eh bien, dites-moi, ma petite sœur...
;Sœur Épine.
:— rendez-moi mon revolver. Franklin.
:— un instant! //il examine l’arme attentivement.//
;Elvire.
:—tu te rends compte, Franklin!... Vous vous baladez avec un revolver dans votre serviette ! vous êtes complètement folle !
;Sœur Épine.
:— ne m’insultez pas, madame! //Franklin se met à éclater d’un rire inquiétant.//
;Franklin.
://visant tout à coup sa femme.//
:— haut les mains, Elvire !
;Sœur Épine.
:— attention ! Il est chargé !
;Franklin
:— vous, le saint-esprit, ne bougez pas !
;Elvire.
:—je t’en prie, Franklin, ce n’est pas le moment de faire l’idiot !
;Franklin.
://continuant à viser Elvire.//
:— grâce à vous, ma sœur, j’ai tout à coup l’avantage de la situation... Je vous avais bien dit qu’entre nous c’était comme dans les westerns... Elvire, en ce moment précis, je ne donne pas cher de ta peau! Ta peau ne vaut pas cher en ce moment ! Haut les mains ! //Elvire, qui n’obéit naturellement pas à l’injonction, tente cependant de ne pas se trouver dans la ligne de tir de l’arme à feu.//
;Elvire.
:— Franklin, arrête !
;Franklin
:— tu vas me demander pardon, devant témoin, pour tout ce que tu m’as fait subir durant treize ans.
;Elvire.
:— tu as trop bu, Franklin ; je t’en supplie, arrête.
;Franklin
:— demande-moi pardon, ou je tire.
;Sœur Épine.
:— oh là là!
;Franklin
:— pardon, mon petit mari d’avoir fait de toi un petit mari, un petit fonctionnaire, un petit coléoptère...
;Elvire.
:— Franklin, je te prie de cesser ce jeu, de fort mauvais goût !
;Franklin.
://la poursuivant.//
:— un petit prince con-sort... Un petit-suisse...
;Sœur Épine.
:— oh là là!
;Elvire.
:— tu es saoul, mon ami !
;Franklin
:—je compte jusqu’à trois... Un... Pardon, mon petit mari... Deux... Trois!! //(il tire. Bruit sec d’un revolver d’enfant à capsules, en même temps que Sœur Épine pousse un grand cri. Elvire s’est écroulée dans le fauteuil. Court moment de silence. Franklin éclate de rire et souffle sur l’extrémité du canon du revolver d’où s’élève une légère fumée!)//miracle! Elle est encore vivante! //(Elvire, dans le fauteuil, éclate soudain en sanglots, en proie à une sorte de crise nerveuse. Franklin, abasourdi.)//eh bien, ma cherie, c était pour rire! Tu vois bien que c’est un revolver d’enfant.
;Elvire.
://entre deux sanglots.//
:—tu es stupide! Stupide! //elle sanglote de plus belle.//
;Franklin.
://aux genoux d’Elvire.//
:— un revolver d’enfant! Tu vois bien... Je me suis laissé aller dans le feu de l’action ; mais c’était pour rire! Je ne pouvais pas penser...
;Sœur Épine.
:— vous avez une façon de vous amuser...
;Elvire.
://dans un souffle.//
:— fais-la partir.
;Franklin.
://se relevant.//
:— vous, l’epine, on vous a assez vue. Allez-vous-en.
;Sœur Épine.
:— mon revolver.
;Franklin.
:—je remettrai ce joujou à Pascal, en souvenir de vous. Déguerpissez !
;Sœur Épine.
:— mais...
;Franklin
:— mais quoi?
;Sœur Épine.
:— rien, rien. On ne peut pas dire, tous les deux, que vous soyez normal.
;Franklin
:— maux... Normaux. C’est tout de suite à droite, la sortie.
;Sœur Épine.
://tout en s'en allant.// je le dirai au major Brompton. Je le dirai au major Brompton... Pourceau ! //elle se sauve en claquant la porte derrière elle.//
;Elvire.
://toujours secouée de sanglots.//
:—tu es stupide! Tu es...
;Franklin.
://aux genoux d’Elvire.//
:— pardonne-moi, Elvire... Je te demande pardon... Je ne pouvais pas savoir que tout cela allait te mettre dans un tel état!... voyons, Elvire, remets-toi... Je suis là. Elle est partie... //(en aparté.)//je m’en souviendrai de la baby-sitter! ( //Elvire cherche sa respiration. Franklin, de plus en plus inquiet.)...Fu//respires mal?... Tu veux que j’ouvre la fenêtre?... Ça ne va pas, Elvire? //(il lui tapote les joues, les mains.)...//tu veux que j’appelle le docteur galey ?
;Elvire.
://respiration hachée.//
:— non, non, ne bouge pas ; ça va passer.
;Franklin
:— ma chérie, tu n’as pas pu prendre au sérieux toute cette comédie? J’ai peut-être joué mon rôle un peu trop bien... //(essayant de la calmer.)//mais toi aussi, tu n’étais pas mal tout à l’heure... Quand tu inventais notre enfer, les tortures que nous infligions aux enfants...
;Elvire.
://se redressant.//
:—tu n’as pas entendu crier ?... Pascal ou Véronique ? Chut !... //un bref instant de silence.//
;Franklin
:— calme plat. Une fois qu’ils sont endormis tu sais bien que toute la septième flotte pourrait tirer sur l’immeuble... //(nouvelle crise de sanglots.)...//Elvire, tu ne vas pas te remettre à pleurer!... Nous sommes fautifs tous les deux, voilà la vérité... nous avons été trop loin avec cette pauvre cinglée. trop loin. Heureusement encore que tu as arrêté les frais! //(sanglots dElvire.)...//il faut dire qu’avec cette attente qui n’en finissait pas - et à jeun par surcroît! -toi et moi nous étions sur les nerfs... La boisson par là-dessus!... Elvire, dis-moi quelque chose!
;Elvire.
://prenant un regard halluciné.//
:— oh ! Regarde, dans le coin, là-bas ?
;Franklin
:—...
;Elvire.
:— tu ne vois pas ?
;Franklin
:—...
;Elvire.
:— un cadavre !
;Franklin.
://consterné.//
:— voyons, Elvire...
;Elvire.
:— le cadavre de notre amour. Magnifique! Un beau cadavre. //ses sanglots redoublent.//
;Franklin.
://avec sévérité.//
:—je t’en supplie, Elvire, ne joue pas la comédie à ton tour !
;Elvire.
:—je manque d’air, je... J’étouffe.
;Franklin
:— ça ne va vraiment pas?... Veux-tu que j’aille voir dans notre pharmacie s’il n’y a pas...
;Elvire.
://cherchant toujours sa respiration.//
:— tu sais très bien, Franklin, que ça ne va vraiment pas... Que ça ne va pas pour moi. Que ça ne va pas pour toi... deux épaves !
;Franklin.
:—tu parles comme la folle! Elle t’a complètement minée cette souris du saint-esprit!
;Elvire.
://dans une sorte de cri.//
:— Franklin, nous nous aimions ! Comme nous nous aimions !
;Franklin.
://amenant un autre siège.//
:— etends tes jambes, tu seras mieux. //elle étend ses jambes. Franklin lui met un coussin dans le dos.//el vire.
:— qu’est-ce qui s’est passé, Franklin ? Comment a-t-on pu en arriver là? A nous ennuyer. A nous éviter. A aller dîner chez les Paniquel !
;Franklin.
://lui caressant les cheveux.//
:— calme-toi, mon réséda, calme-toi... Nous n’allons pas dîner chez les Paniquel.
;ëlvire.
://dont le visage s'éclaire.//
:— des siècles que tu ne m’avais pas appelée «mon réséda»!... Franklin, avant, c’était la fête entre nous. La fête. Nous étions si heureux qu’on ne s’en apercevait pas !
;Franklin
:— la vie est bête. De plus en plus compliquée, hachée, convulsive...
;Elvire.
:— raison de plus ! Si nous-mêmes nous n’arrivons pas à nous entendre, à nous aimer, à... À former ensemble un rempart...
;Franklin
:— le couple : la plus grande aventure des temps modernes !
;Elvire.
:—je t’en prie, ne plaisante pas. Tu te souviens? Tu me disais : l’important c’est le présent, la faculté d’être présent. Le présent, c’est un cadeau.
;Franklin
:— les hommes sont si avares de nos jours, comment être présent ? Même les idées les plus généreuses, les plus révolutionnaires leur servent de prétexte à exalter leur petit moi, leur petit ego.
;Elvire.
:—tu te remets à me parler comme avant... Oh, Franklin, je t’aime! //elle se jette dans ses bras. Ils s’embrassent amoureusement.//
;Franklin
:— tu te souviens? Tu me disais tellement de fois « je t’aime » que je t’avais mise à l’amende. C’est ainsi que j’ai pu payer mes appareils photo... Tous ceux qui ont disparu !
;Elvire.
:—tu ne crois pas que Véronique et Pascal, c’est assez réussi comme photos ?
;Franklin
:— oui, Elvire ; la mise au point était très bonne. Je devrais retrouver les indications! (.
://sonnerie de téléphone.)//laissons les Paniquel enterrer les Paniquel. //luc//26.3.
;Elvire.
:— Franklin, j’ai toujours eu foi en toi « d’éternité en éternité //». Jérémie//7 et 8.
;Franklin
:— et moi, je redécouvre que tu es « l’esprit de ma chair et la chair de mon esprit ». //(de la même manière qu’il dirait : colossalement.)// colos-siens 5.77 //(toujours la sonnerie du téléphone. Ils s’embrassent.)...//que tu es belle, mon amie, que tu es belle! Tes yeux sont des colombes, les dents sont comme un troupeau de brebis... Tes deux seins... //le décor s’écroule.////lumière d’incendie. Explosions.////bruits de mitrailleuse.////voix de Sœur Épine, terriblement amplifiée ://« le royaume de dieu approche ! Le royaume de dieu approche ! » //bruits d’une foule fanatique, en délire.////pleurs aigus de Pascal et Véronique.////explosions.////accords fracassants d’orgue.////de nouveau ://« le royaume de dieu approche ! Le royaume de dieu approche ! » //très courts instants de musique pop.////explosions.////durant ce temps, Franklin a fait jouer la fermeture éclair de la robe d’Elvire et lui a dénudé les épaules. Ils restent silencieux, l’un contre l’autre, amoureusement, au centre de ce contexte apocalyptique. Silence. Une voix off, impersonnelle.//
;voix off.
:—et le couple sera fragile comme la mort, et dur comme l’espérance. //abadie//7.25.
{{center{
//le noir progressivement.//
!!!!rideau
}}}
-----
===
{{center{
!!!!Elvire, Franklin, Sœur Épine du ~Saint-Esprit
}}}
{{center{
[img(60%,)[La Besace|http://www.ruedesfables.net/wp-content/uploads/2014/09/la-besace-fable-gustave-dorefable-.jpg][http://www.ruedesfables.net/fable-de-la-besace-analysee/]]
!La Besace
!!!!!!//Jean de LA FONTAINE (1621-1695)//
Jupiter dit un jour : "Que tout ce qui respire
S'en vienne comparaître aux pieds de ma grandeur :
Si dans son composé quelqu'un trouve à redire,
Il peut le déclarer sans peur ;
Je mettrai remède à la chose.
Venez, Singe ; parlez le premier, et pour cause.
Voyez ces animaux, faites comparaison
De leurs beautés avec les vôtres.
Etes-vous satisfait? - Moi ? dit-il, pourquoi non ?
N'ai-je pas quatre pieds aussi bien que les autres ?
Mon portrait jusqu'ici ne m'a rien reproché ;
Mais pour mon frère l'Ours, on ne l'a qu'ébauché :
Jamais, s'il me veut croire, il ne se fera peindre. "
L'Ours venant là-dessus, on crut qu'il s'allait plaindre.
Tant s'en faut : de sa forme il se loua très fort
Glosa sur l'Eléphant, dit qu'on pourrait encor
Ajouter à sa queue, ôter à ses oreilles ;
Que c'était une masse informe et sans beauté.
L'Eléphant étant écouté,
Tout sage qu'il était, dit des choses pareilles.
Il jugea qu'à son appétit
Dame Baleine était trop grosse.
Dame Fourmi trouva le Ciron trop petit,
Se croyant, pour elle, un colosse.
Jupin les renvoya s'étant censurés tous,
Du reste, contents d'eux ; mais parmi les plus fous
Notre espèce excella ; car tout ce que nous sommes,
Lynx envers nos pareils, et Taupes envers nous,
Nous nous pardonnons tout, et rien aux autres hommes :
On se voit d'un autre oeil qu'on ne voit son prochain.
Le Fabricateur souverain
Nous créa Besaciers tous de même manière,
Tant ceux du temps passé que du temps d'aujourd'hui :
Il fit pour nos défauts la poche de derrière,
Et celle de devant pour les défauts d'autrui.
[img[http://www.ruedesfables.net/wp-content/uploads/2014/09/la-besace.jpg]]
}}}
!La Cantatrice chauve
{{center{
!!!!Eugène Ionesco
}}}
/%
|Description:|Scène 1 - M. Smith, Mme Smith à propos des Bob Wilson|
%/
+++^90%^*[La Cantatrice chauve]
La pièce est présentée pour la première fois au Théâtre des Noctambules le 11 mai 1950 dans une mise en scène de Nicolas Bataille. Depuis 1957, elle est à l’affiche du Théâtre de la Huchette. Voilà ce qu’on appelle un succès de longue durée !
Ionesco a dit que c’est en fréquentant la méthode Assimil pour apprendre l’anglais qu’il a eu l’idée de faire un montage avec les exemples de constructions de phrases pour fabriquer ses dialogues. De là le salon anglais où M. et Mme Smith échangent avec sérieux des propos étranges. Ionesco s’amuse à dérégler les règles de la conversation et les lois du théâtre. Et il invente la catégorie de l’antithéâtre. Les séquences s’enchaînent avec une logique illogique, sans souci de raconter une histoire mais portées par la dynamique d’un langage effervescent dont on ne sait s’il se défait ou s’il s’invente. C’est le début de la pièce. M. Smith ne se contente plus de faire claquer sa langue, et la conversation s’anime...
=== +++^90%^*[Commentaire]
Deux objets jouent un rôle important : le journal qui donne des nouvelles pour combler le vide quotidien et la pendule qui, par ses sonneries erratiques (sept, trois, cinq, deux et aucune fois), embrouille la durée au lieu de la fixer, cependant que les deux interlocuteurs enchaînent avec conviction des remarques contradictoires et surprenantes. Le comique tient à ce contraste. Le dialogue affiche toutes les marques de la conversation animée : exclamatives, interrogatives, formules d’approbation, demandes de précision, relance, vérification, pauses de réflexion. Le rythme des échanges est rapide. Mais rien n’avance puisque tous les repères bougent au fur et à mesure, selon le procédé d’« association d’idées », proche de l’écriture automatique. Le thème est celui de l’identité et des structures élémentaires (mon cher Watson) de la parenté. Mais à peine prononcé, le nom de Bobby Watson se multiplie et prolifère au point de se dissoudre bientôt dans l’anonymat des commis voyageurs, sinon de l’espèce humaine. Le non-sens entraîne tout dans son tourbillon. On est du côté de la fantaisie loufoque ou de l’angoisse pataphysique, qui mènent au rire. La Cantatrice chauve est un bel exemple d’humour anglais, français, roumain et - le succès de la pièce l’a maintes fois prouvé —, universel.
=== +++^90%^*[Du texte à la scène Nicolas Bataille]
Lorsque je lis le manuscrit de L’Anglais sans peine (c’est le premier titre de La Cantatrice chauve), j’ai un coup de foudre, une sensation, un sentiment de choc. C'est une découverte. Ce texte ne ressemble à rien de ce que j’ai vu ou lu jusque-là.
On y représente des personnages anglais qui utilisent entre eux un langage surprenant, paraissant sans suite, mais ayant tout de même tme logique : une logique absurde. [...] Mais le talent de Ionesco est qu’il nous montre l’ennui, la solitude et la bêtise humaine en nous faisant rire, en nous surprenantpar sajustesse d'observation, comme certaines caricatures nousfrappent par la vérité d'une image, aussi grotesque soit-elle. [...] Emportés à la lecture par sa drôlerie, nous commençons à jouer comique. Mais la pièce ne se laisse pas faire et nos répliques tombent à plat.
Le sous-titre de L’Anglais sans peine, Antipièce, précise que c’est une critique du théâtre bourgeois du début du siècle. C'est alors que j'ai l'idée de jouer de façon plus dramatique, et comme dans le texte de Ionesco il n’y a pas de précision sur l'époque où se situe l'action, je me pose la question : « Quelle est la représentation la plus typique des Anglais vus par des Français ? » Un nom me vient tout de suite à l'esprit : Jules Verne.
En effet, tous les héros de Jules Verne sont américains ou anglais, à quelques exceptions près, comme Passepartout, bien sûr. Je trouve par Jules Verne et les illustrations de ses œuvres, à la fois le ton et le style visuel qu'il me faut pour mettre en scène.
De plus, en relisant Le Tour du monde en quatre-vingts jours, je découvre des répliques qui sont singulièrement proches de Ionesco ! Je cite : à Phileas Fogg qui prétend faire à son époque, grâce aux trains et aux bateaux à vapeur, le tour du monde en quatre-vingts jours, on lui répond : « En théorie peut-être, mais dans la réalité, cela n'est pas possible. » Dans La Cantatrice chauve ; « En théorie peut-être, mais dans la réalité les choses se passent tout autrement. »
Quant au début de la pièce, elle commence comme le roman : « Tous les soirs à neuf heures juste, monsieur Phileas Fogg entrait dans le salon, écoutait sonner la pendule, prenait son journal et s'installait pour la soirée. » Dans La Cantatrice chauve, la pendule sonne quatre coups. Mme Smith : « Tiens, il est neuf heures. »
Donc, c’est en jouant le côté flegmatique et guindé des personnages de Jules Verne que nous avons trouvé le « ton » qui convenait pour jouer L’Anglais sans peine, ce qui expliquera également le style théâtral et grandiloquent de certaines attitudes copiées d'après les illustra fions de Hetzel. N’est-ce pas ce que voulait justement Ionesco avec son antipièce ?
Et pourquoi ce titre La Cantatrice chauve ? L’Anglais sans peine nous fait penser à la pièce de Tristan BernardUAnglais tel qu’on le parle. Nous cherchons tous un autre titre. Or un jour, pendant une répétition, le Capitaine des pompiers récitant l’histoire du « Rhume » eut un trou de mémoire : au lieu de parler d'une cantatrice très blonde, il sauta une ligne et parla d'une cantatrice chauve. Tout le monde éclate de rire et Ionesco s'exclame : « Le titre est trouvé. C'est La Cantatrice chauve /»
===
!!!Scène 1
{{center{M. Smith, Mme Smith}}}
//Silence. La pendule sonne sept fois. Silence. La pendule sonne trois fois. Silence. La pendule ne sonne aucune fois.//
;M. SMITH
://(toujours dans son journal.)//
:Tiens, c’est écrit que Bobby Watson est mort.
;Mme. SMITH
:Mon Dieu, le pauvre, quand est-ce qu’il est mort ?
;M. SMITH
:Pourquoi prends-tu cet air étonné ? Tu le savais bien. Il est mort il y a deux ans. Tu te rappelles, on a été à son enterrement, il y a un an et demi.
;Mme. SMITH
:Bien sûr que je me rappelle. Je me suis rappelé tout de suite, mais je ne comprends pas pourquoi toi-même tu as été si étonné de voir ça sur le journal.
;M. SMITH
:Ça n’y était pas sur le journal. Il y a déjà trois ans qu’on a parlé de son décès. Je m’en suis souvenu par associations d’idées !
;Mme. SMITH
:Dommage ! Il était si bien conservé.
;M. SMITH
:C’était le plus joli cadavre de Grande-Bretagne ! Il ne paraissait pas son âge. Pauvre Bobby, il y avait quatre ans qu’il était mort et il était encore chaud. Un véritable cadavre vivant. Et comme il était gai !
;Mme. SMITH
:La pauvre Bobby.
;M. SMITH
:Tu veux dire « le » pauvre Bobby.
;Mme. SMITH
:Non, c’est à sa femme que je pense. Elle s’appelait comme lui, Bobby, Bobby Watson. Comme ils avaient le même nom, on ne pouvait pas les distinguer l’un de l’autre quand on les voyait ensemble. Ce n’est qu’après sa mort à lui, qu’on a pu vraiment savoir qui était l’un et qui était l’autre. Pourtant, aujourd’hui encore, il y a des gens qui la confondent avec le mort et lui présentent des condoléances. Tu la connais ?
;M. SMITH
:Je ne l’ai vue qu’une fois, par hasard, à l’enterrement de Bobby.
;Mme. SMITH
:Je ne l’ai jamais vue. Est-ce qu’elle est belle ?
;M. SMITH
:Elle a des traits réguliers et pourtant on ne peut pas dire qu’elle est belle. Elle est trop grande et trop forte. Ses traits ne sont pas réguliers et pourtant on peut dire qu’elle est très belle. Elle est un peu trop petite et trop maigre. Elle est professeur de chant.
:La pendule sonne cinq fois. Un long temps.
;Mme. SMITH
:Et quand pensent-ils se marier, tous les deux ?
;M. SMITH
:Le printemps prochain, au plus tard.
;Mme. SMITH
:Il faudra sans doute aller à leur mariage.
;M. SMITH
:Il faudra leur faire un cadeau de noces. Je me demande lequel ?
;Mme. SMITH
:Pourquoi ne leur offririons-nous pas un des sept plateaux d’argent dont on nous a fait don à notre mariage à nous et qui ne nous ont jamais servi à rien ?
:Court silence. La pendule sonne deux fois.
;Mme. SMITH
:C’est triste pour elle d’être demeurée veuve si jeune.
;M. SMITH
:Heureusement qu’ils n’ont pas eu d’enfants.
;Mme. SMITH
:Il ne leur manquait plus que cela ! Des enfants ! Pauvre femme, qu’est-ce qu’elle en aurait fait !
;M. SMITH
:Elle est encore jeune. Elle peut très bien se remarier. Le deuil lui va si bien.
;Mme. SMITH
:Mais qui prendra soin des enfants ? Tu sais bien qu’ils ont un garçon et une fille. Comment s’appellent-ils ?
;M. SMITH
:Bobby et Bobby comme leurs parents. L’oncle de Bobby Watson, le vieux Bobby Watson est riche et il aime le garçon. Il pourrait très bien se charger de l’éducation de Bobby.
;Mme. SMITH
:Ce serait naturel. Et la tante de Bobby Watson, la vieille Bobby Watson pourrait très bien, à son tour, se charger de l’éducation de Bobby Watson, la fille de Bobby Watson. Comme ça, la maman de Bobby Watson, Bobby, pourrait se remarier. Elle a quelqu’un en vue ?
;M. SMITH
:Oui, un cousin de Bobby Watson.
;Mme. SMITH
:Qui ? Bobby Watson ?
;M. SMITH
:De quel Bobby Watson parles-tu ?
;Mme. SMITH
:De Bobby Watson, le fils du vieux Bobby Watson l’autre oncle de Bobby Watson, le mort.
;M. SMITH
:Non, ce n’est pas celui-là, c’est un autre. C’est Bobby Watson, le fils de la vieilleBobby Watson la tante de Bobby Watson, le mort.
;Mme. SMITH
:Tu veux parler de Bobby Watson, le commis-voyageur ?
;M. SMITH
:Tous les Bobby Watson sont commis-voyageurs.
;Mme. SMITH
:Quel dur métier ! Pourtant, on y fait de bonnes affaires.
;M. SMITH
:Oui, quand il n’y a pas de concurrence.
;Mme. SMITH
:Et quand n’y a-t-il pas de concurrence ?
;M. SMITH
:Le mardi, le jeudi et le mardi.
;Mme. SMITH
:Ah ! trois jours par semaine ? Et que fait Bobby Watson pendant ce temps-là ?
;M. SMITH
:Il se repose, il dort.
;Mme. SMITH
:Mais pourquoi ne travaille-t-il pas pendant ces trois jours s’il n’y a pas de concurrence ?
;M. SMITH
:Je ne peux pas tout savoir. Je ne peux pas répondre à toutes tes questions idiotes !
:Mme SMITH
://(offensée.)//
:Tu dis ça pour m’humilier ?
;M. SMITH
://(tout souriant.)//
:Tu sais bien que non.
;Mme. SMITH
:Les hommes sont tous pareils ! Vous restez là, toute la journée, la cigarette à la bouche ou bien vous vous mettez de la poudre et vous fardez vos lèvres, cinquante fois par jour, si vous n’êtes pas en train de boire sans arrêt !
;M. SMITH
:Mais qu’est-ce que tu dirais si tu voyais les hommes faire comme les femmes, fumer toute la journée, se poudrer, se mettre du rouge aux lèvres, boire du whisky ?
;Mme. SMITH
:Quant à moi, je m’en fiche ! Mais si tu dis ça pour m’embêter, alors… je n’aime pas ce genre de plaisanterie, tu le sais bien !
://Elle jette les chaussettes très loin et montre ses dents1. Elle se lève.//
;M. SMITH
://(se lève à son tour et va vers sa femme, tendrement.)//
:Oh ! mon petit poulet rôti, pourquoi craches-tu du feu ! tu sais bien que je dis ça pour rire ! //(Il la prend par la taille et l’embrasse.)// Quel ridicule couple de vieux amoureux nous faisons ! Viens, nous allons éteindre et nous allons faire dodo !
!!!!!!Extrait tire de : La Cantatrice chauve, suivi de La Leçon, Paris, Gallimard, « Folio », 1972. © Editions Gallimard
{{center{[img(33%,)[http://1.bp.blogspot.com/-oHckyjrna8A/VADlsn3l57I/AAAAAAAAAp0/s6BLjAKG4pE/s1600/spitzweg.jpg]]}}}
!La Chambre double
!!!!!{{center{Charles Baudelaire
^^Petits poèmes en prose
1869^^}}}
!!!!!!//Découpé suivant la ponctuation//
Une chambre qui ressemble à une rêverie,
une chambre véritablement spirituelle,
où l’atmosphère stagnante est légèrement teintée de rose et de bleu.
L’âme y prend un bain de paresse,
aromatisé par le regret et le désir.
— C’est quelque chose de crépusculaire,
de bleuâtre et de rosâtre ;
un rêve de volupté pendant une éclipse.
Les meubles ont des formes allongées,
prostrées,
alanguies.
Les meubles ont l’air de rêver ;
on les dirait doués d’une vie somnambulique,
comme le végétal et le minéral.
Les étoffes parlent une langue muette,
comme les fleurs,
comme les ciels,
comme les soleils couchants.
Sur les murs nulle abomination artistique.
Relativement au rêve pur,
à l’impression non analysée,
l’art défini,
l’art positif est un blasphème.
Ici,
tout a la suffisante clarté et la délicieuse obscurité de l’harmonie.
Une senteur infinitésimale du choix le plus exquis,
à laquelle se mêle une très-légère humidité,
nage dans cette atmosphère,
où l’esprit sommeillant est bercé par des sensations de serre-chaude.
La mousseline pleut abondamment devant les fenêtres et devant le lit ;
elle s’épanche en cascades neigeuses.
Sur ce lit est couchée l’Idole,
la souveraine des rêves.
Mais comment est-elle ici ?
Qui l’a amenée ?
quel pouvoir magique l’a installée sur ce trône de rêverie et de volupté ?
Qu’importe ?
la voilà !
je la reconnais.
Voilà bien ces yeux dont la flamme traverse le crépuscule ;
ces subtiles et terribles mirettes,
que je reconnais à leur effrayante malice !
Elles attirent,
elles subjuguent,
elles dévorent le regard de l’imprudent qui les contemple.
Je les ai souvent étudiées,
ces étoiles noires qui commandent la curiosité et l’admiration.
À quel démon bienveillant dois-je d’être ainsi entouré de mystère,
de silence,
de paix et de parfums ?
Ô béatitude !
ce que nous nommons généralement la vie,
même dans son expansion la plus heureuse,
n’a rien de commun avec cette vie suprême dont j’ai maintenant connaissance et que je savoure minute par minute,
seconde par seconde !
Non ! il n’est plus de minutes,
il n’est plus de secondes !
Le temps a disparu ;
c’est l’Éternité qui règne,
une éternité de délices !
Mais un coup terrible,
lourd,
a retenti à la porte,
et,
comme dans les rêves infernaux,
il m’a semblé que je recevais un coup de pioche dans l’estomac.
Et puis un Spectre est entré.
C’est un huissier qui vient me torturer au nom de la loi ;
une infâme concubine qui vient crier misère et ajouter les trivialités de sa vie aux douleurs de la mienne ;
ou bien le saute-ruisseau d’un directeur de journal qui réclame la suite du manuscrit.
La chambre paradisiaque,
l’idole,
la souveraine des rêves,
la Sylphide,
comme disait le grand René,
toute cette magie a disparu au coup brutal frappé par le Spectre.
Horreur !
je me souviens ! je me souviens !
Oui !
ce taudis,
ce séjour de l’éternel ennui,
est bien le mien.
Voici les meubles sots,
poudreux,
écornés ;
la cheminée sans flamme et sans braise,
souillée de crachats ;
les tristes fenêtres où la pluie a tracé des sillons dans la poussière ;
les manuscrits,
raturés ou incomplets ;
l’almanach où le crayon a marqué les dates sinistres !
Et ce parfum d’un autre monde,
dont je m’enivrais avec une sensibilité perfectionnée,
hélas !
il est remplacé par une fétide odeur de tabac mêlée à je ne sais quelle nauséabonde moisissure.
On respire ici maintenant le ranci de la désolation.
Dans ce monde étroit,
mais si plein de dégoût,
un seul objet connu me sourit : la fiole de laudanum ;
une vieille et terrible amie ;
comme toutes les amies,
hélas ! féconde en caresses et en traîtrises.
Oh ! oui !
Le Temps a reparu ;
Le Temps règne en souverain maintenant ;
et avec le hideux vieillard est revenu tout son démoniaque cortége de Souvenirs,
de Regrets,
de Spasmes,
de Peurs,
d’Angoisses,
de Cauchemars,
de Colères et de Névroses.
Je vous assure que les secondes maintenant sont fortement et solennellement accentuées,
et chacune,
en jaillissant de la pendule,
dit :
— « Je suis la Vie,
l’insupportable,
l’implacable Vie ! »
Il n’y a qu’une Seconde dans la vie humaine qui ait mission d’annoncer une bonne nouvelle,
la bonne nouvelle qui cause à chacun une inexplicable peur.
Oui ! le Temps règne ;
il a repris sa brutale dictature.
Et il me pousse,
comme si j’étais un bœuf,
avec son double aiguillon.
— « Et hue donc ! bourrique !
Sue donc, esclave !
Vis donc, damné ! »
Charles Baudelaire,
Petits poèmes en prose,
1869
!La Chanson De Prévert
{{center{
!!!!!!//Serge Gainsbourg//
|dit|[[Isaac]] le 4/3/2016|
Oh je voudrais tant que tu te souviennes
Cette chanson était la tienne
C'était ta préférée
Je crois
Qu'elle est de Prévert et Kosma
Et chaque fois les feuilles mortes
Te rappellent à mon souvenir
Jour après jour
Les amours mortes
N'en finissent pas de mourir
Avec d'autres bien sûr je m'abandonne
Mais leur chanson est monotone
Et peu à peu je m' indiffère
A cela il n'est rien
A faire
Car chaque fois les feuilles mortes
Te rappellent à mon souvenir
Jour après jour
Les amours mortes
N'en finissent pas de mourir
Peut-on jamais savoir par où commence
Et quand finit l'indifférence
Passe l'automne vienne
L'hiver
Et que la chanson de Prévert
Cette chanson
Les Feuilles Mortes
S'efface de mon souvenir
Et ce jour là
Mes amours mortes
En auront fini de mourir
}}}
674: //Le parti de la CIGALE// [[g_ Josiane|https://giga.gg/l/577b076cf7e5dfd50a8b459a]] [[h_ Michèle|https://giga.gg/l/577b0b42d6e5df0e008b4615]] [[j_ Marie-France|https://giga.gg/l/577b13d1dce5df0c008b463c]] [[l_ Jacques|https://giga.gg/l/577b1b12ffe5df0c008b4668]] [[n_ Josiane|https://giga.gg/l/577b220bd8e5dff90d8b4577]]<br>//Le parti de la FOURMI //[[i_Michèle|https://giga.gg/l/577b0fced9e5dfb5018b4655]] [[k_Marie-France|https://giga.gg/l/577b1787ffe5df0b008b465e]] [[m_Jacques|https://giga.gg/l/577b1dc1d9e5df5c078b45c6]] [[o_Josiane|https://giga.gg/l/577b25d1d6e5df2c008b4628]]
{{center{[img(33%,)[http://www.devoir-de-philosophie.com/images_dissertations/37605.jpg]]}}}
!La Cigale et la Fourmi
!!!!!{{center{Jean de LA FONTAINE
(1621-1695)}}}
{{center{
La Cigale, ayant chanté
Tout l'été,
Se trouva fort dépourvue
Quand la bise fut venue :
Pas un seul petit morceau
De mouche ou de vermisseau.
Elle alla crier famine
Chez la Fourmi sa voisine,
La priant de lui prêter
Quelque grain pour subsister
Jusqu'à la saison nouvelle.
"Je vous paierai, lui dit-elle,
Avant l'Oût, foi d'animal,
Intérêt et principal. "
La Fourmi n'est pas prêteuse :
C'est là son moindre défaut.
Que faisiez-vous au temps chaud ?
Dit-elle à cette emprunteuse.
- Nuit et jour à tout venant
Je chantais, ne vous déplaise.
- Vous chantiez ? j'en suis fort aise.
Eh bien! dansez maintenant.
}}}
!La Comtesse
+++[Tout le texte du rôle]
<<forEachTiddler
where
' tiddler.tags.contains ("La Comtesse")'
sortBy 'tiddler.title'
write
'"----\n<<tiddler [["+tiddler.title+"]]$))\n"'
>>
===
//Toutes ses scènes ://
Pour faire une bonne dame patronnesse
Il faut avoir l´œil vigilant
Car comme le prouvent les évènements
Quatre-vingt-neuf tue la noblesse
Car comme le prouvent les évènements
Quatre-vingt-neuf tue la noblesse
Et un point à l´envers et un point à l´endroit
Un point pour saint Joseph un point pour saint Thomas
Un point pour saint Joseph, un point pour saint Thomas
Pour faire une bonne dame patronnesse
Il faut organiser ses largesses
Car comme disait le duc d´Elbeuf :
"C´t avec du vieux qu´on fait du neuf"
Car comme disait le duc d´Elbeuf :
"C´t avec du vieux qu´on fait du neuf"
Et un point à l´envers et un point à l´endroit
Un point pour saint Joseph, un point pour saint Thomas
Un point pour saint Joseph, un point pour saint Thomas
Pour faire une bonne dame patronnesse
C´est qu´il faut faire très attention
A ne pas se laisser voler ses pauvresses
C´est qu´on serait sans situation
A ne pas se laisser voler ses pauvresses
C´est qu´on serait sans situation
Et un point à l´envers et un point à l´endroit
Un point pour saint Joseph, un point pour saint Thomas
Un point pour saint Joseph, un point pour saint Thomas
Pour faire une bonne dame patronnesse
Il faut être bonne mais sans faiblesse
Ainsi j´ai dû rayer de ma liste
Une pauvresse qui fréquentait un socialiste
Ainsi j´ai dû rayer de ma liste
Une pauvresse qui fréquentait un socialiste
Et un point à l´envers et un point à l´endroit
Un point pour saint Joseph, un point pour saint Thomas
Un point pour saint Joseph, un point pour saint Thomas
Pour faire une bonne dame patronnesse, Mesdames
Tricotez tout en couleur caca d´oie
Ce qui permet le dimanche à la grand-messe
De reconnaître ses pauvres à soi
Ce qui permet le dimanche à la grand-messe
De reconnaître ses pauvres à soi
Et un point à l´envers et un point à l´endroit
Un point pour saint Joseph, un point pour saint Thomas
Un point pour saint Joseph, un point pour saint Thomas
{{center{
!La Fille
!!!!!!//Jean de LA FONTAINE (1621-1695)//
Certaine fille un peu trop fière
Prétendait trouver un mari
Jeune, bien fait et beau, d'agréable manière.
Point froid et point jaloux ; notez ces deux points-ci.
Cette fille voulait aussi
Qu'il eût du bien, de la naissance,
De l'esprit, enfin tout. Mais qui peut tout avoir ?
Le destin se montra soigneux de la pourvoir :
Il vint des partis d'importance.
La belle les trouva trop chétifs de moitié.
Quoi moi ? quoi ces gens-là ? l'on radote, je pense.
A moi les proposer ! hélas ils font pitié.
Voyez un peu la belle espèce !
L'un n'avait en l'esprit nulle délicatesse ;
L'autre avait le nez fait de cette façon-là ;
C'était ceci, c'était cela,
C'était tout ; car les précieuses
Font dessus tous les dédaigneuses.
Après les bons partis, les médiocres gens
Vinrent se mettre sur les rangs.
Elle de se moquer. Ah vraiment je suis bonne
De leur ouvrir la porte : Ils pensent que je suis
Fort en peine de ma personne.
Grâce à Dieu, je passe les nuits
Sans chagrin, quoique en solitude.
La belle se sut gré de tous ces sentiments.
L'âge la fit déchoir : adieu tous les amants.
Un an se passe et deux avec inquiétude.
Le chagrin vient ensuite : elle sent chaque jour
Déloger quelques Ris, quelques jeux, puis l'amour ;
Puis ses traits choquer et déplaire ;
Puis cent sortes de fards. Ses soins ne purent faire
Qu'elle échappât au temps cet insigne larron :
Les ruines d'une maison
Se peuvent réparer ; que n'est cet avantage
Pour les ruines du visage !
Sa préciosité changea lors de langage.
Son miroir lui disait : Prenez vite un mari.
Je ne sais quel désir le lui disait aussi ;
Le désir peut loger chez une précieuse.
Celle-ci fit un choix qu'on n'aurait jamais cru,
Se trouvant à la fin tout aise et tout heureuse
De rencontrer un malotru.
}}}
!La Grève des Mères
!!!!!Montéhus
Puisque le feu et la mitraille,
Puisque les fusils les canons,
Font dans le monde des entailles
Couvrant de morts les plaines et les vallons,
Puisque les hommes sont des sauvages
Qui renient le dieu fraternité,
Femmes debout ! femmes à l’ouvrage !
Il faut sauver l’humanité.
Refuse de peupler la terre !
Arrête la fécondité !
Déclare la grève des mères !
Aux bourreaux crie ta volonté !
Défends ta chair, défends ton sang !
À bas la guerre et les tyrans !
Pour faire de ton fils un homme,
Tu as peiné pendant vingt ans,
Tandis que la gueuse en assome
En vingt secondes des régiments.
L’enfant qui fut ton espérance,
L’être qui fut nourri en ton sein,
Meurt dans d’horribles souffrances,
Te laissant vieille, souvent sans pain
Est-ce que le ciel a des frontières ?
Ne couvre-t-il pas le monde entier ?
Pourquoi sur terre des barrières ?
Pourquoi d’éternels crucifiés ?
Le meurtre n’est pas une victoire !
Qui sème la mort est un maudit !
Nous ne voulons plus, pour votre gloire
Donner la chair de nos petits.
!La Jeune Veuve
{{center{
!!!!!//La Fontaine//
[img[http://www.la-fontaine-ch-thierry.net/fablesit/jenvves.jpg]]
|dit|[[Jacques]] le 4/3/2016|
La perte d'un époux ne va point sans soupirs.
On fait beaucoup de bruit, et puis on se console.
Sur les ailes du Temps la tristesse s'envole ;
Le Temps ramène les plaisirs.
Entre la Veuve d'une année
Et la veuve d'une journée
La différence est grande : on ne croirait jamais
Que ce fût la même personne.
L'une fait fuir les gens, et l'autre a mille attraits.
Aux soupirs vrais ou faux celle-là s'abandonne ;
C'est toujours même note et pareil entretien :
On dit qu'on est inconsolable ;
On le dit, mais il n'en est rien,
Comme on verra par cette Fable,
Ou plutôt par la vérité.
L'Epoux d'une jeune beauté
Partait pour l'autre monde. A ses côtés sa femme
Lui criait : Attends-moi, je te suis ; et mon âme,
Aussi bien que la tienne, est prête à s'envoler.
Le Mari fait seul le voyage.
La Belle avait un père, homme prudent et sage :
Il laissa le torrent couler.
A la fin, pour la consoler,
Ma fille, lui dit-il, c'est trop verser de larmes :
Qu'a besoin le défunt que vous noyiez vos charmes ?
Puisqu'il est des vivants, ne songez plus aux morts.
Je ne dis pas que tout à l'heure
Une condition meilleure
Change en des noces ces transports ;
Mais, après certain temps, souffrez qu'on vous propose
Un époux beau, bien fait, jeune, et tout autre chose
Que le défunt.- Ah ! dit-elle aussitôt,
Un Cloître est l'époux qu'il me faut.
Le père lui laissa digérer sa disgrâce.
Un mois de la sorte se passe.
L'autre mois on l'emploie à changer tous les jours
Quelque chose à l'habit, au linge, à la coiffure.
Le deuil enfin sert de parure,
En attendant d'autres atours.
Toute la bande des Amours
Revient au colombier : les jeux, les ris, la danse,
Ont aussi leur tour à la fin.
On se plonge soir et matin
Dans la fontaine de Jouvence.
Le Père ne craint plus ce défunt tant chéri ;
Mais comme il ne parlait de rien à notre Belle :
Où donc est le jeune mari
Que vous m'avez promis ? dit-elle.
!!!!!!//Jean de LA FONTAINE (1621-1695)//
[img[http://lyclic.fr/upload/admin_29/imagemanager/la_jeune_veuve_.jpg]]
}}}
{{center{^^//<<storyViewer amour previous>><<storyViewer amour list>><<storyViewer amour next>>//^^
!La Jolie Fournalière
!!!!!!//Nicolas Restif de La Bretonne//
Gentille boulangère,
Qui des dons de Cérès,
Sais d'une main légère
Nous donner du pain frais,
Des biens que tu nous livres
Doit-on se réjouir?
Si ta main nous fait vivre,
Tes yeux nous font mourrir.
De ta peau douce et fine
J'admire la fraîcheur ;
C'est la fleur de farine
Dans toute sa blancheur :
On aime la tournure
Des petits pains au lait
Que la simple nature
A mis dans ton corset.
De ces pains, ma mignonne,
L'amour a toujours soin
Si tu ne les lui donnes
Permets-en le larcin :
Mais tu ne veux m'entendre ;
Tu ris de mes hélas!
Quand on vend du pain tendre,
Pourquoi ne l'être pas?
D'une si bonne pâte
Ton coeur semble pétri !
Pourrait-il, jeune Agathe,
N'être pas attendri ?
Ne sois plus si sévère,
Sois sensible à l'amour
Et permets-lui, ma chère,
D'aller cuire à ton four.
}}}
!La Peau d'Elisa
!!!!!!{{center{Carole Fréchette}}}
//Elisa est assise et s'adresse au public. On la sent un peu inquiète. Ou ne sait pas depuis combien de temps elle est là ni depuis combien de temps elle parle.//
''ÉLISA.'' Qu’est-ce que je disais ? Ah oui. Ça s’est passé à ~Saint-Gilles, quand je portais des pantalons péruviens et des ceintures larges comme ça, avec des clochettes. Je le croisais tous les midis, dans la rue de la Glacière. Une rue terne et triste. Il était assez petit, et pas vraiment beau, mais il avait... Je sais pas... Il était différent. J’avais dix-sept ans, peut-être dix-huit. Je portais des grandes ceintures avec des clochettes qui tintaient quand je marchais. Les entendez-vous, les clochettes ? Lui aussi portait des vêtements colorés : des chemises de pirate, des pantalons bouffants, des vestes bariolées. Il y avait une espèce de compétition entre nous ; c’était à celui qui irait le plus loin dans l’extravagance. Quand on se croisait, on se regardait du coin de l’œil, et on comptait nos points, en silence. Quelquefois, son coude frôlait le mien et ça faisait u!!!!!!!!ne petite étincelle qui éclairait pendant quelques secondes la rue de la Glacière, qui était terne et triste. El puis, j’allais à mon école et lui à la sienne. Et c’était tout. Notre vie de jeunes gens volages suivait son cours. Plus tard, j’ai changé d’école ; on s’est retrouvés dans la même classe et on est devenus amis. On a fait toutes sortes de folies. On allait se baigner dans les piscines privées, la nuit. Un jour, il a enlevé le toit de son auto au chalumeau, pour faire une décapotable. Quand il pleuvait, il fallait la vider avec un petit seau, comme une chaloupe. On riait beaucoup. îl était fou, Sigfried. Il s’appelait Sigfried. C’était gai, mais on ne s’aimait pas encore. Pas complètement... Je veux dire avec la peau et la bouche et tout. //(Elle s’arrête.)// Excusez-moi.
//Elle prend un petit miroir et regarde son visage, attentivement. Elle passe le doigt autour de sa bouche, puis elle reprend.//
Qu’est-ce que je disais ? Ah oui. Il s’appelait Jan. Il était fou. Un jour on passait sur la place ~Saint-Géry. Il y avait un trou immense derrière une façade retenue par des poutres d’acier, vous voyez ? Il y a beaucoup
de trous ici, avez-vous remarqué ? des choses démolies, des chantiers partout. Il faisait très chaud. C’était l’été. Je portais une robe légère et des souliers à talon. Avec lui, je portais des robes. C’est parce que... Mais attendez. Il faut que je vous raconte depuis le début. Alors, bon, je l'ai vu pour la première fois dans un vernissage. Je regardais un peu partout, vous savez, pour me donner une contenance, avoir l'air d'une fille qui a un rendez-vous. Quand je l'ai aperçu appuyé au mur, j'ai cessé de respirer. Il était beau, vous comprenez ? De cette sorte de beauté qui vous coupe les jambes et vous donne envie de pleurer. Quelqu'un m'a dit il s’appelle Jan, mais je n’ai pas osé l’approcher. Plusieurs jours plus tard, on m’a appelée pour travailler sur un film. Quand je suis arrivée, il était là, sur le plateau. Comme un miracle. Après le tournage, on est allé avec toute l'équipe prendre un verre chez un technicien. J'étais très sale. On avait travaillé toute la journée. J'ai demandé si je pouvais prendre un bain. Au bout d'un moment la porte s'est ouverte. Il est entré. Sans dire un mot, il s'est déshabillé, il a glissé dans le bain avec mot. C'est comme ça que ça a commencé. Il s'appelait Jan. 11 est entré. Il a glissé dans le bain et m’a regardée.
//Elle s'arrête et regarde son visage dans le miroir.//
À cette époque-là, je n'aimais pas beaucoup mon corps. C’estparce que je suis née avec un bassin. Il y en a qui naissent avec un nez, des oreilles, un menton... Moi je suis venue avec un bassin... méditerranéen, vous voyez ? Alors je portais de grandes blouses pour le cacher. Il s’appelait Jan. Il est entré dans mon bain et dans mon bassin. C'est comme ça que ça a commencé. Après, avec lui, je portais des robes légères et décolletées qui laissaient voir mes hanches, mes épaules, mon cou...
//Elle s’arrête et touche discrètement son cou.//
Excusez-moi. Qu est-ce que je disais ? Euh... voyons. Il s’appelait Sigfried, c'est ça ? Quand il pleuvait, il fallait vider sa petite auto. On était amis. Un jour, il m'a dit : Dans dix minutes je vais t’embrasser et tu vas tomber amoureuse de moi. J’ai répondu en riant : T’es fou, Sigfried ! Dix minutes après, il m’a embrassée sur la bouche. C’est comme ça que ça a commencé. On s’est installés à la place Saint-Jean, dans un appartement minuscule. On n’avait rien. Pas même un frigo. Il a peint des milliers de petits poissons sur les murs. Il était comme ça Sigfried, il avait des idées. Est-ce que vous nous imaginez ? Lui, avec ses mains bariolées de couleurs, moi avec mes clochettes et mon amour qui tinte au milieu des poissons ?
//Elle s’arrête, regarde ses mains attentivement, les tâte.//
Où est-ce que j'en étais ? Il faisait froid, c'est ça ? C'était un soir de novembre, je crois. On était allés voir un film puis on avait marché jusqu'aux étangs d’Ixelles. Elle s’appelait Ginette, et elle était boulotte. J’étais un tout jeune homme à celle époque-là. Je marchais les mains dans les poches. //(Elle prend une posture de garçon.)// Je touchais mes joues, je passais la main dans mes cheveux. Je regardais les filles. A l’université, pendant les cours, dans la rue, dans les parcs, je regardais les filles. Elle s’appelait Ginette. Je ne sais pas très bien pourquoi elle m’attirait. Il y avait quelque chose de petit, chez elle. Elle avait peur de tout. Mais elle me troublait. Ce soir-là, au cinéma, j’avais senti son odeur à côté de moi, dans le noir, pendant presque deux heures. J’étais transporté. On marchait aux étangs d’ixelles et je parlais, je ne sais plus de quoi. Du film probablement. J’essayais de me rendre intéressant mais je ne pensais qu’à une chose : toucher sa peau. On s’est assis sur un banc. Elle a dit : J’ai froid. C’était ma chance. J’ai pris ses mains dans les miennes et j’ai frotté doucement et puis je me suis approché et puis je... je l’ai embrassée. La sentez-vous la petite ligne de bonheur qui descend de ma bouche jusqu’à mon ventre pendant que je l’embrasse ? Et tout de suite après, je veux dire après le baiser, elle m’a dit une chose extraordinaire. Elle m’a dit qu’elle attendait ça depuis longtemps. Vous rendez-vous compte ? Elle attendait que moi je l’embrasse sur la bouche aux étangs d’ixelles. Depuis longtemps, c’est ce qu’elle a dit. Je n’en revenais pas. Pendant que je la regardais en classe, pendant que je rêvais de sa peau, de ses cuisses en secret, pendant que je lui parlais de mathématiques et de cinéma en essayant d’être intelligent, elle attendait que je l’embrasse ! Je revoyais toutes nos conversations à la cafétéria, dans les couloirs de l’université, et je me répétais : Elle voulait que je l’embrasse ! Et c’était bon. L’idée de son envie de moi. Presque aussi bon que le baiser lui-même. Alors j’ai caressé sa joue, j’ai glissé ma main sous son manteau. J’étais un garçon, rappelez-vous. La sentez-vous bien sa peau tendre de jeune femme boulotte sous mes doigts un peu froids ?
//Elle s’arrête. Elle regarde ses mains.//
Est-ce que je peux vous demander quelque chose ? Pouvez-vous regarder mes mains ? Allez-y. Regardez-les bien. D’après vous, est-ce qu’elles ont changé, depuis tout à l’heure ? Regardez la peau de mes mains. Dites-moi, est-ce que... est-ce qu’il y en a plus ? Vous ne savez pas ? Vous n’avez pas remarqué. Ça ne fait rien.
Qu'est-ce que je disais ? Il faisait très chaud c'est ça ? C'était l'après-midi. On marchait. Je portais une robe qui collait a mes reins et a mon bassin. C’était à l’époque où on faisait l’amour tout le temps.
...
!La Rose Et Le Lilas par Guy Béart
{{center{
Mon amant me délaisse
O gai ! vive la rose !
Je ne sais pas pourquoi
Vive la rose et le lilas !
Je ne sais pas pourquoi
Vive la rose et le lilas
Il va-t-en voir une autre,
O gai ! vive la rose !
Qu'est plus riche que moi
Vive la rose et le lilas !
Qu'est plus riche que moi
Vive la rose et le lilas
On dit qu'elle est plus belle,
O gai vive la rose !
Je n'en disconviens pas .....
On dit qu'elle est malade
o gai ! vive la rose !
Peut-être elle en mourra ...
Mais si elle meurt dimanche
O gai ! vive la rose !
Lundi on l'enterrera ...
Mardi il r'viendra m'voir
O gai ! vive la rose !
Mais je n'en voudrai pas
Vive la rose et le lilas !
Mais je n'en voudrai pas
Vive la rose et le lilas !
}}}
//Qui parle de solitude !//
!La Solitude
{{center{
!!!!!!Muriel Robin – Pierre Palmade – 1989
}}}
+++*[... ]Ça, c’est sûr : quand on est tout seul, on est peinard.
C’est peut être même le seul avantage d’ailleurs, parce que sinon… qu’est ce qu’on se fait chier, oui !
Moi, je vois, si je suis seule – à compter que je sois seule – j’ai compté : je suis seule – et bien si je suis seule, c’est un choix.
Ah oui, on ne peut pas imposer ça à quelqu’un.
Moi, on m’aurait dit : « tu vas vivre seule toute ta vie », je demande tout de suite où est le gaz.
Enfin, là, c’est pas le cas, ===
Moi, j’ai choisi la solitude.
Et quand je dis que j’ai choisi la solitude, je pourrais aussi bien dire que j’ai choisi la liberté… de choix… d’être seule !
Je fais comme je veux, je ne demande rien à personne.
//Et ?
Personne ne me demande rien ?//
C’est pas faux non plus…
Non, mais enfin, je préfère vivre seule que mal accompagnée, voilà…
//Comment?
Bien accompagnée ?//
Oui, c’est autre chose…
Mais franchement, si c’est pour sortir, rencontrer des gens qu’on ne connaît même pas, moi je préfère rester chez moi, devant ma télé, personne pour me dire « la 2?, « la 3?, « le foot »…
De toutes façons, on se disputerait pas : je la regarde jamais la télévision, alors.
J’aime pas ça.
En revanche, j’aime bien écouter la radio…
Et j’aime bien écouter la radio devant un petit plateau télé…
Beaucoup moins intéressant dans l’autre sens : je ne regarderais pas la télé devant un petit plateau radio, vous voyez !
Non, et puis, être seul ou à deux, c’est pareil, ça ne change pas les choses, ça n’a pas de rapport, comment vous dire?…
Un truc qui est beau, il est beau.
C’est vrai, on ne regarde pas avec les yeux de l’autre.
Moi, je vois, hier, je suis allée voir une exposition, toute seule, comme une grande, bon,….
Ben qu’est ce que je me suis fait chier.
J’ai peut être pas pris le bon exemple !!!
Bon, mais vivre seule, y a quand même des avantages.
//Lesquels ?… //
A deux aussi, y a des inconvénients !
Moi quoi qu’il en soit, je ne cours pas après la sexualité…
Elle me le rend bien, faut dire ce qui est !
Non, mais c’est vrai, c’est pas mon truc ; chacun son truc, c’est pas mon truc.
Je vais quand même pas me forcer…
Non, moi, je mets mon énergie ailleurs : je fais du vélo camping.
Et puis c’est très très sympa toute seule.
L’été dernier, je m’étais fait un joli parcours :je suis passé par Vittel, puis j’ai fait une grande boucle, et je suis remonté par Mante, ...
c’est ça, vittel-menthe, et vous qu’est ce que vous prenez ?
Je plaisante…
Ah, ça pour la rigolade, je suis pas la dernière… je suis pas dans le peloton de tête non plus, mais je suis pas la dernière.
J’aime bien tout ce qui est comique… dans le sens humoristique.
J’aime bien tout ce qui est blague, charade, rébus, calembours, même les puzzles, j’adore ça !
Je voudrais revenir sur une chose : quand je dis que je vis seule, ça ne veut pas dire que je ne vois personne.
Ah, non, j’ai des amis, j’ai des amis… au bureau.
Et puis c’est très très sympa.
Je vois, hier Yvonne n’avait plus de papier, elle est venue m’en demander, je l’ai dépannée, c’était TRÈS sympa !
Mais en revanche, je ne les vois pas à l’extérieur, on ne se voit pas et je préfère.
J’aime bien.
J’aime bien parce qu’ils ont un vrai respect pour ma vie privée : ils me téléphonent jamais, ils me disent jamais quand ils sortent...
Bon, je le sais toujours parce que le lendemain ils en parlent au bureau, mais vraiment ils respectent ma vie privée et j’aime ça.
Oui, j’ai une vie privée… privée de tout, c’est vrai, mais privée quand même !
En ce moment, on rigole au bureau : c’est le jeu des surnoms.
Ça n’arrête pas.
:~Jean-Claude, c’est le distrait, il est toujours distrait ;
:Jacqueline, c’est la jacasse, elle parle, elle saoule tout le monde ;
:Y a « nez rouge » qui a toujours le nez rouge;
:et moi, comment ils m’ont appelée déjà…
:ah oui !
:« Tronche de cake » !
Je sais pas où ils vont chercher tout ça, mais qu’est ce qu’on s’amuse!…
+++*[ ...] Non, et puis,moi, je ne suis pas vraiment seule : j’ai maman.
On se voit beaucoup avec maman.
Cette année, je vais refaire mon anniversaire avec elle… enfin, j’espère,parce que l’année dernière on devait le faire ensemble, et pcore… J’arrive chez elle, elle avait tout préparé, les petits plats dans les grands, ça se présentait merveilleusement bien.
Il faisait très chaud dans la maison, j’ouvre la fenêtre pour aérer.
Y a un terrain de sport juste en dessous.
Les gamins qui jouaient, l’amicale, je sais pas quoi, j’ai passé la tête à un moment, je me suis pris le ballon en pleine poire !
J’ai le nez qui a carrément éclaté, le menton accroché à la rambarde : une patate pendant trois semaines.Sa s’est mal goupillé, vraiment.
Cette année, on crèvera tous sur place s’il faut,mais avant que j’ouvre la fenêtre, ils peuvent attendre.
Ah, non, j’étais défigurée, j’avais bien besoin de ça…Pourquoi je vous dis ça ?
Les anniversaires !
C’est vrai, y a les Noëls aussi.
Ma mère, les Noëls, elle les fait pas.
Elle dit que ça coûte trop cher.
C’est vrai que ce n’est pas donné, mais on n’est pas obligé de manger du caviar non plus… Moi, je vois, l’année dernière, je m’étais fait une petite côte de porc, avec beaucoup de jus, j’adore ça.
En légume, qu’est ce que j’avais mis ?
Ah oui, du chou fleur, et en dessert, la bûche !
Une petite tranche de bûche pour la tronche de cake !
C’est vrai, ce qui compte pour Noël, c’est la bûche… La dinde ?
La dinde d’accord, mais moi toute seule, je peux pas me la descendre !
Si c’est pour être malade, c’est pas la peine !
Moi, je dis « Noël, faut que ça reste une fête !
» J’ai une manie, tous les ans depuis très longtemps, j’enlève toujours le petit père noël, la petite hache, les petits trucs en plastique qui sont dessus, je grave l’année avec un couteau, je les range, et après dans l’année, quand je les ressors, je me rappelle… C’est chouette, hein ?
J’ai regardé, cette année, Noël, ça tombe un mercredi.
Mercredi, c’est bien, comme ça, y a pas de pont.
La toussaint, elle tombe quand elle veut, de toutes façons, on s’en fou, y a pas de cadeaux !
Je dis ça parce que j’aime ça, les cadeaux.
L’année dernière, comme j’adore la musique classique, je me suis offert l’intégrale de Cleyderman… Et puis alors des disques !… je m’y attendais pas du tout !On n’a pas sonné ?
Ah, non, c’est au dessus !
Je crois toujours que c’est chez moi ; c’est ridicule : j’ai pas de sonnerie.
Ben, non, j’en ai pas mis, j’en ai pas l’usage : je vais quand même pas sonner pour rentrer chez moi !
Au dessus,c’est une femme, comme moi.
Elle vit seule, comme moi.
Elle a l’air d’être très heureuse… »
FIN.
===
J'aimerais tenir l'enfant d'Marie
Qui a fait graver sous ma statue
"Il a vécu toute sa vie
Entre l'honneur et la vertu"
Moi qui ai trompé mes amis
D'faux serment en faux serment
Moi qui ai trompé mes amis
Du jour de l'An au jour de l'An
Moi qui ai trompé mes maîtresses
De sentiment en sentiment
Moi qui ai trompé mes maîtresses
Du printemps jusques au printemps
C't enfant d'Marie je l'aimerais là
Et j'aimerais qu'les enfants ne me regardent pas
J'aimerais tenir l'enfant d'carême
Qui a fait graver sous ma statue
"Les Dieux rappellent ceux qu'ils aiment,
Et c'était lui qu'ils aimaient le plus"
Moi qui n'ai jamais prié Dieu
Que lorsque j'avais mal aux dents
Moi qui n'ai jamais prié Dieu
Que quand j'ai eu peur de Satan
Moi qui n'ai prié Satan
Que lorsque j'étais amoureux
Moi qui n'ai prié Satan
Que quand j'ai eu peur du Bon Dieu
C't enfant de carême je l'aimerais là
Et j'aimerais qu'les enfants ne me regardent pas
J'aimerais tenir l'enfant d'salaud
Qui a fait graver sous ma statue
"Il est mort comme un héros
Il est mort comme on ne meurt plus"
Moi qui suis parti faire la guerre
Parce que je m'ennuyais tellement
Moi qui suis parti faire la guerre
Pour voir si les femmes des Allemands
Moi qui suis mort à la guerre
Parce que les femmes des Allemands
Moi qui suis mort à la guerre
De n'avoir pu faire autrement
C't enfant d'salaud je l'aimerais là
Et j'aimerais que mes enfants ne me regardent pas
Au premier temps de la valse
Toute seule tu souris déjà
Au premier temps de la valse
Je suis seul, mais je t'aperçois
Et Paris qui bat la mesure
Paris qui mesure notre émoi
Et Paris qui bat la mesure
Me murmure murmure tout bas
Une valse à trois temps
Qui s'offre encore le temps
Qui s'offre encore le temps
De s'offrir des détours
Du côté de l'amour
Comme c'est charmant
Une valse à quatre temps
C'est beaucoup moins dansant
C'est beaucoup moins dansant
Mais tout aussi charmant
Qu'une valse à trois temps
Une valse à quatre temps
Une valse à vingt ans
C'est beaucoup plus troublant
C'est beaucoup plus troublant
Mais beaucoup plus charmant
Qu'une valse à trois temps
Une valse à vingt ans
Une valse à cent temps
Une valse à cent ans
Une valse ça s'entend
A chaque carrefour
Dans Paris que l'amour
Rafraîchit au printemps
Une valse à mille temps
Une valse à mille temps
Une valse a mis l'temps
De patienter vingt ans
Pour que tu aies vingt ans
Et pour que j'aie vingt ans
Une valse à mille temps
Une valse à mille temps
Une valse à mille temps
Offre seule aux amants
Trois cent trente-trois fois l'temps
De bâtir un roman
Au deuxième temps de la valse
On est deux, tu es dans mes bras
Au deuxième temps de la valse
Nous comptons tous les deux un’, deux, trois,
Et Paris qui bat la mesure
Paris qui mesure notre émoi
Et Paris qui bat la mesure
Nous fredonne, fredonne déjà
Une valse à trois temps
Qui s'offre encore le temps
Qui s'offre encore le temps
De s'offrir des détours
Du côté de l'amour
Comme c'est charmant
Une valse à quatre temps
C'est beaucoup moins dansant
C'est beaucoup moins dansant
Mais tout aussi charmant
Qu'une valse à trois temps
Une valse à quatre temps
Une valse à vingt ans
C'est beaucoup plus troublant
C'est beaucoup plus troublant
Mais beaucoup plus charmant
Qu'une valse à trois temps
Une valse à vingt ans
Une valse à cent temps
Une valse à cent ans
Une valse ça s'entend
A chaque carrefour
Dans Paris que l'amour
Rafraîchit au printemps
Une valse à mille temps
Une valse à mille temps
Une valse a mis l'temps
De patienter vingt ans
Pour que tu aies vingt ans
Et pour que j'aie vingt ans
Une valse à mille temps
Une valse à mille temps
Une valse à mille temps
Offre seule aux amants
Trois cent trente-trois fois l'temps
De bâtir un roman
Au troisième temps de la valse
Nous valsons enfin tous les trois
Au troisième temps de la valse
Il y a toi, y a l'amour et y a moi
Et Paris qui bat la mesure
Paris qui mesure notre émoi
Et Paris qui bat la mesure
Laisse enfin éclater sa joie.
Lalala la lalala
/%
|exercice|groupe concentration|
|niveau|130 Début|
%/
!La balle
<<<
On fait comme si on avait une balle,
On la lance à l'un,
qui essaie de la rattrapper,
et qui la relance à l'autre,
etc.
<<<
#Une balle de tennis
#Un ballon gonflable du jardin du Luxembourg
#Un volant de badmington<br>. . .
#Une assiette !
!La carpe et les carpillons
!!!!!!~Jean-Pierre Claris de FLORIAN (1755-1794)
Prenez garde, mes fils, côtoyez moins le bord,
Suivez le fond de la rivière ;
Craignez la ligne meurtrière,
Ou l'épervier plus dangereux encor.
C'est ainsi que parlait une carpe de Seine
A de jeunes poissons qui l'écoutaient à peine.
C'était au mois d'avril : les neiges, les glaçons,
Fondus par les zéphyrs, descendaient des montagnes.
Le fleuve, enflé par eux, s'élève à gros bouillons,
Et déborde dans les campagnes.
Ah ! ah ! criaient les carpillons,
Qu'en dis-tu, carpe radoteuse ?
Crains-tu pour nous les hameçons ?
Nous voilà citoyens de la mer orageuse ;
Regarde : on ne voit plus que les eaux et le ciel,
Les arbres sont cachés sous l'onde,
Nous sommes les maîtres du monde,
C'est le déluge universel.
Ne croyez pas cela, répond la vieille mère ;
Pour que l'eau se retire il ne faut qu'un instant :
Ne vous éloignez point, et, de peur d'accident,
Suivez, suivez toujours le fond de la rivière.
Bah ! disent les poissons, tu répètes toujours
Mêmes discours.
Adieu, nous allons voir notre nouveau domaine.
Parlant ainsi, nos étourdis
Sortent tous du lit de la Seine,
Et s'en vont dans les eaux qui couvrent le pays.
Qu'arriva-t-il ? Les eaux se retirèrent,
Et les carpillons demeurèrent ;
Bientôt ils furent pris,
Et frits.
Pourquoi quittaient-ils la rivière ?
Pourquoi ? je le sais trop, hélas !
C'est qu'on se croit toujours plus sage que sa mère
C'est qu'on veut sortir de sa sphère,
C'est, que... c'est que... je ne finirai pas.
/%
|je|[[Livia]]|
|vie|Un premier émoi|
|d|2:00|
%/
!La chanson//
^^~Marie-Noël^^//
{{center{[img(40%,)[Plaisir de Dire le 15/02/2018 au Club Mouffetard|http://image.ibb.co/ij9fcn/Snapshot_219.png][https://photos.app.goo.gl/KmR7DCfwt7958Ruq1]]
Quand il est entré dans mon logis clos,
J’ourlais un drap lourd près de la fenêtre,
L’hiver dans les doigts, l’ombre sur le dos…
Sais-je depuis quand j’étais là sans être ?
Et je cousais, je cousais, je cousais…
//-Mon cœur, qu’est-ce que tu faisais ?//
Il m’a demandé des outils à nous.
Mes pieds ont couru, si vifs, dans la salle,
Qu’ils semblaient, -si gais, si légers, si doux,-
Deux petits oiseaux caressant la dalle
De-ci, de-là, j’allais, j’allais, j’allais…
//-Mon cœur, qu’est-ce que tu voulais ?//
Il m’a demandé du beurre, du pain,
-ma main en l’ouvrant caressait la huche-
Du cidre nouveau, j’allais et ma main
Caressait les bols, la table, la cruche.
Deux fois, dix fois, vingt fois je les touchais…
//-Mon cœur, qu’est-ce que tu cherchais ?//
Il m’a fait sur tout trente-six pourquoi.
J’ai parlé de tout, des poules, des chèvres,
Du froid, du chaud, des gens, et ma voix
En sortant de moi caressait mes lèvres…
Et je causais, je causais, je causais…
//-Mon cœur, qu’est-ce que tu disais ?//
Quand il est parti, pour finir l’ourlet
Que j’avais laissé, je me suis assise…
L’aiguille chantait, l’aiguille volait,
Mes doigts caressaient notre toile bise…
Et je cousais, je cousais, je cousais…
//-Mon cœur, qu’est-ce que tu faisais ?//
}}}
{{center{[img(33%,)[http://webservices.francetelevisions.fr/staticftv/images_pdm_ni/2015-10-15/DMC_culturebox_5602c58c94739915c628296b_1443022220_1444886810.jpeg]]}}}
+++!!!!^80!%^*@[Pour faire un poème dadaïste]
{{left indent{Prenez un journal
Prenez des ciseaux
Choisissez dans ce journal un article ayant la longueur que vous comptez donner à votre poème.
Découpez l’article.
Découpez ensuite avec soin chacun des mots qui forment cet article et mettez-les dans un sac.
Agitez doucement.
Sortez ensuite chaque coupure l’une après l’autre dans l’ordre où elles ont quitté le sac.
Copiez consciencieusement.
Le poème vous ressemblera.
Et vous voici un écrivain infiniment original et d’une sensibilité charmante, encore qu’incomprise du vulgaire.}}}
===
!La chanson d'un dadaïste
!!!!!{{center{Tristan TZARA
//De nos oiseaux (1923)//}}}
{{center{
''I''
la chanson d'un dadaïste
qui avait dada au coeur
fatiguait trop son moteur
qui avait dada au coeur
l'ascenseur portait un roi
lourd fragile autonome
il coupa son grand bras droit
l'envoya au pape à rome
c'est pourquoi
l'ascenseur
n'avait plus dada au coeur
mangez du chocolat
lavez votre cerveau
dada
dada
buvez de l'eau
''II''
la chanson d'un dadaïste
qui n'était ni gai ni triste
et aimait une bicycliste
qui n'était ni gaie ni triste
mais l'époux le jour de l'an
savait tout et dans une crise
envoya au vatican
leurs deux corps en trois valises
ni amant
ni cycliste
n'étaient plus ni gais ni tristes
mangez de bons cerveaux
lavez votre soldat
dada
dada
buvez de l'eau
''III''
la chanson d'un bicycliste
qui était dada de coeur
qui était donc dadaïste
comme tous les dadas de coeur
un serpent portait des gants
il ferma vite la soupape
mit des gants en peau d'serpent
et vient embrasser le pape
c'est touchant
ventre en fleur
n'avait plus dada au coeur
buvez du lait d'oiseaux
lavez vos chocolats
dada
dada
mangez du veau
}}}
!La coquette et l'abeille
!!!!!{{center{~Jean-Pierre Claris de FLORIAN (1755-1794)}}}
{{center{
Chloé, jeune, jolie, et surtout fort coquette,
Tous les matins, en se levant,
Se mettait au travail, j'entends à sa toilette ;
Et là, souriant, minaudant,
Elle disait à son cher confident
Les peines, les plaisirs, les projets de son âme.
Une abeille étourdie arrive en bourdonnant.
//Au secours ! Au secours !// Crie aussitôt la dame :
//Venez, Lise, Marton, accourez promptement ;
Chassez ce monstre ailé.// Le monstre insolemment
Aux lèvres de Chloé se pose.
Chloé s'évanouit, et Marton en fureur
Saisit l'abeille et se dispose
A l'écraser. //Hélas !// Lui dit avec douceur
L'insecte malheureux, //pardonnez mon erreur ;
La bouche de Chloé me semblait une rose,
Et j'ai cru...// ce seul mot à Chloé rend ses sens.
//Faisons grâce//, dit-elle, //à son aveu sincère :
D'ailleurs sa piqûre est légère ;
Depuis qu'elle te parle, à peine je la sens.//
Que ne fait-on passer avec un peu d'encens !
}}}
!La courbe de tes yeux fait le tour de mon cœur
!!!!!{{center{Paul ÉLUARD
//Recueil : "Nouveaux Poèmes"//}}}
La courbe de tes yeux fait le tour de mon cœur,
:Un rond
:de danse et de douceur,
Auréole du temps,
berceau nocturne et sûr,
Et si je ne sais plus tout
:ce que j’ai vécu
C’est que tes yeux ne m’ont
:pas toujours
:vu.
Feuilles de jour
:et mousse de rosée,
Roseaux du vent,
sourires parfumés,
Ailes couvrant le monde de lumière,
Bateaux chargés du ciel et de la mer,
Chasseurs des bruits
:et sources des couleurs,
Parfums éclos d’une couvée d’aurores Qui gît
:toujours
:sur la paille des astres,
Comme le jour dépend
:de l’innocence
Le monde entier dépend
:de tes yeux purs
Et tout mon sang
coule
dans leurs regards.
!La demande en mariage du Docteur
!!!!{{small center{//Un mois à la campagne -Tourgueniev
//ACTE IV - scène 1 LE DOCTEUR et LIZAVETA}}}
<<<
Un banc de jardin, vert; dans un coin, quelques pelles, arrosoirs et pots á fleurs. C'est le soir. Les rayons rouges du couchant pénètrent par les fenêtres et éclairent le sol.
Le Docteur Chpiguelski (médecin de campagne, qui visite Natalia) et Lizaveta Bogdanna (dame de compagnie de Natalia) entrent.
<<<
;LE DOCTEUR
://(secouant son chapeau)//. - Nous pouvons attendre ici. La pluie ne durera pas longtemps.
;LIZAVETA
:Comme vous voudrez.
;LE DOCTEUR
://(Il s'assied sur le banc.)// Asseyons-nous. //(Lízaveta Bogdanovna s'assíed.)// Avouez, llizaveta Bogdanovna, que cette pluie est arrivée mal à propos. Elle a interrompu notre conversation au moment le plus sentimental.
;LIZAVETA
://baissant les yeux.// Ignati Iliitch...
;LE DOCTEUR
:Mais personne ne nous empêche de la reprendre... A propos, vous disiez que la vieille Anna est de mauvaise humeur, aujourd'hui ?
;LIZAVETA
:Oui, elle est de mauvaise humeur. Elle a même dîné dans sa chambre.
;LE DOCTEUR
:Ah oui ? Quel malheur, hein ?
;LIZAVETA
:Ce matin, elle a surpris Nathalia en larmes... avec Mikhaïlo ... Évidemment, c'est un ami intime, mais quand même... Mikhaïlo a promis de tout expliquer.
;LE DOCTEUR
:Ah ! Elle a tort de s'inquiéter. Mikhaïlo, à mon avis, n'a jamais été un homme dangereux.
;LIZAVETA
:Et pourquoi ?
;LE DOCTEUR
:Comme ça. Il parle beaucoup trop bien. De même que certaines maladies se manifestent par une éruption, ces beaux esprits sont tout entiers dans leur bavardage. Ne craignez jamais les bavards, Lizaveta Bogdanovna, ils ne sont pas dangereux ; mais ceux qui gardent volontiers le silence, les gens bizarres, ceux qui ont beaucoup de tempérament, et la nuque large... oui, ceux-là sont dangereux.
;LIZAVETA
://après un silence. //- Dites, est-ce vrai que Nathalia est malade ?
;LE DOCTEUR
:Pas plus que vous et moi.
;LIZAVETA
:Elle n'a rien mangé à diner.
;LE DOCTEUR
:ll n'y a pas que la maladie qui coupe l'appétit.
;LIZAVETA
:Vous avez dîné chez Natalia ?
;LE DOCTEUR
:Oui... .J'ai été chez elle. Et si je suis revenu, c'est uniquement pour vous, ma parole !
;LIZAVETA
:Oh! Que dites-vous là !... Vous savez, Ignati Iliitch, Nathalia est fâchée contre vous... Elle m'a parlé de vous d'une façon pas très aimable.
;LE DOCTEUR
:Vraiment ? C'est que les dames n'aiment pas les hommes clairvoyants. Il faut agir selon leur désir, les aider, et par-dessus le marché avoir l'air de ne pas les comprendre. Voilà comment elles sont ! Enfin, nous verrons bien...
:... Mais laissons ces gens-là. Parlons plutôt de nos affaires. Il pleut encore... Vous voulez bien_?
;LIZAVETA
://baissant les yeux avec affectation// Que me demandez-vous, Ignati Iliitch
;LE DOCTEUR
:Oh, Lizaveta Bogdanovna, permettez-moi de vous le dire: à quoi bon minauder ainsi, et baisser ainsi les yeux ? Nous ne sommes plus des enfants, vous et moi ! Les simagrées, les gentillesses, les soupirs, tout cela ne nous va pas. Parlons calmement, raisonnablement, comme il convient à des gens de notre âge. Donc, voici de quoi il s'agit : nous nous plaisons mutuellement... Du moins, je suppose que je vous plais.
;LIZAVETA
://mínaudant// Un peu Ignati Iliitch, vraiment...
;LE DOCTEUR
:Oui, c'est bon, c'est bon. Vous, en tant que femme, vous devez un peu... comment dire... //(avec un mouvement de la main)// faire des grâces. Donc, nous nous plaisons mutuellement. Et sousd'autres rapports aussi, nous sommes bien assortis. Moi, évidemment, je dois reconnaître que je ne suis pas de haute extraction; mais vous n'êtes pas non plus d'illustre naissance. Je ne suis pas riche; d'ailleurs, si je l'étais, je ne serais pas ici, devant vous... //(Il ricane.)// Mais j'ai une assez belle clientèle, mes malades ne meurent pas tous; vous, vous dites avoir quinze mille roubles de côté ; tout cela, vous voyez, n'est pas mal. De plus, j’imagine que vous êtes lasse de rester éternellement dame de compagnie: vous occuper sans cesse de la vieille Anna, jouer avec elle aux cartes, ne jamais la contredire... Tout cela ne doit pas être drôle. Moi, de mon côté, je ne peux pas dire que j'en aie assez du célibat... mais je commence à vieillir, et puis mes cuisinières me volent. Donc, vous voyez, tout cela nous conduit au même point... Le seul ennui, Lizaveta Bogdanovna, c'est que nous ne nous connaissons pas du tout, ou, plus exactement, que vous ne me connaissez pas... Moi, je vous connais. Je connais votre caractère. Je ne dirai pas que vous êtes sans défauts. A rester fille si longtemps, vous vous êtes un peu aigrie, mais ce n'est pas très grave. Dans les mains d'un bon mari, l'épouse est comme de la cire. Seulement, je veux que vous me connaissiez avant la noce; autrement, vous pourriez ensuite me faire des reproches... Je ne veux pas vous tromper.
;LIZAVETA
://avec dignité// Mais, Ignati Iliitch, il me semble que moi aussi j'ai eu l'occasion de connaître votre caractère...
;LE DOCTEUR
:Vous ? Allons donc... Les femmes ne voient jamais rien. Par exemple, je suppose que vous me prenez pour un homme gai, un boute-en-train... Non ?
;LIZAVETA
:Il m'a toujours semblé que vous étiez quelqu'un de très aimable...
;LE DOCTEUR
:Ah! C'est ça! Vous voyez comme il est facile de se tromper. Parce que je fais le pitre devant les gens, que je leur raconte des anecdotes, que je cherche à leur plaire... vous avez cru que j'étais quelqu'un de vraiment gai. Si je n'avais pas besoin de ces gens, de ces étrangers, je ne les regarderais même pas... Et d'ailleurs, chaque fois que je peux le faire sans grand risque, c'est eux-mêmes, vous savez, que je tourne en ridicule... Remarquez, je ne me fais pas d'illusions, je sais que ces messieurs, qui ont besoin de moi à chaque instant, et qui s'ennuient sans moi, se jugent en droit de me mépriser; mais je leur rends la pareille. Prenez Nathalia Petrovna, par exemple... Vous croyez que je ne la vois pas telle qu'elle est? //(Imitant Nathalia:)// « Cher docteur, vraiment, je vous aime beaucoup... vous avez si mauvaise langue...» Hé, hé, roucoule, ma colombe, roucoule ! Oh, ces dames! Elles vous sourient, elles vous font les yeux doux, et sur leur visage qu'est-ce que vous lisez ? Le mépris... Oui, elles nous méprisent, et après ? Je comprends pourquoi elle a dit du mal de moi aujourd'hui. Curieuse race, vraiment, que ces dames ! Parce qu'elles se lavent tous les jours à l'eau de Cologne et qu'elles parlent négligemment, comme si elles laissaient les mots leur tomber de la bouche - baisse-toi pour les ramasser! -_ elles s'imaginent que rien ne peut les atteindre. Erreur! Elles sont mortelles, comme nous tous, pauvres pécheurs !
;LIZAVETA
:Ignati Iliitch, vous m'étonnez.
;LE DOCTEUR
:Je savais que je vous étonnerais. Vous voyez donc que je ne suis pas gai du tout, et peut-être pas trop bon, non plus... Mais je ne veux pas passer à vos yeux pour ce que je n'ai jamais été. Oui, je fais l'idiot devant ces messieurs, mais je n'ai jamais été un bouffon, personne n'a jamais osé me taper sur le nez. Je peux même dire qu'ils me craignent. Ils savent que je peux mordre. Une fois, il y a trois ans, à table, un monsieur, un de ces propriétaires de la Terre Noire, a brusquement saisi un raifort et me l'a planté dans les cheveux. Eh bien, qu'est-ce que vous croyez qui s'est passé 'I Immédiatement, sans m'emporter, de la façon la plus courtoise, je l'ai provoqué en duel. Le propriétaire en question a failli avoir une attaque. Le maître de maison l’a obligé à me faire des excuses; ça a produit un effet extraordinaire! Je dois avouer que j'étais sûr d'avance qu'il ne se battrait pas. Vous voyez, Lizaveta Bogdanovna, j'ai énormément d'amour-propre ; seulement, la vie m'a obligé à être comme je suis... Mes talents sont restreints... j'ai fait mes études tant bien que mal... Je suis un mauvais médecin - à vous, je ne cacherai rien - et si vous tombez malade quand nous serons mariés, ce n'est pas moi qui vous soignerai. Si j'avais du talent et de l’éducation, j'aurais filé à la capitale. Mais, pour les gens d'ici, quel besoin d'un meilleur médecin ? En ce qui concerne mon caractère, je dois vous dire, Lizaveta Bogdanovna, qu'å la maison, je suis morne, taciturne, exigeant; mais je ne m'irrite pas si on est conciliant et dévoué ; j'aime qu'on tienne compte de mes habitudes et qu'on me fasse bien manger ; mais, je ne suis ni jaloux, ni avare. En mon absence, vous pourrez faire tout ce qui vous plaira. Vous comprenez bien qu'entre nous, il ne peut être question d'amour romantique; mais j'imagine qu'il est encore possible de vivre sous le même toit que moi... Il suffit qu'on satisfasse mes désirs... Et qu'on ne pleure pas devant moi, ça, je ne peux pas le supporter! D'ailleurs, je ne cherche pas les chicanes. Voilà toute ma confession. Qu'en dites-vous ?
;LIZAVETA
:Que puis-je vous dire, Ignati Iliitch ?... Si vous ne vous êtes pas accusé avec l'intention...
;LE DOCTEUR
:Mais en quoi me suis-je accusé ? N’oubliez pas qu'un autre, à ma place, n'aurait rien dit de ses défauts; vous, vous ne les auriez pas remarques; et après le mariage ? Fini de rire... Après le mariage, c'est trop tard. Mais je suis trop fier pour agir ainsi... //(Lizaveta Bogdanovna le regarde.)// Oui, oui, ?er... Regardez-moi tant que vous voudrez. Je n'ai pas l'intention de jouer la comédie et de mentir à ma future épouse, eût-elle quinze mille roubles ou cent mille. Mais un étranger, pour peu qu'il ait un sac de fèves, je le saluerai bien bas... Tel est mon caractère !... Un étranger, je lui souris, mais en moi-même je pense : quel imbécile tu fais, mon ami, de mordre si facilement à l'hameçon! Tandis qu'avec vous, je dis ce que je pense. Ou plutôt, je ne vous dis pas tout ce que je pense, mais, du moins, je ne vous trompe pas. Je dois vous faire l'effet d'un grand original, et il y a de quoi. Mais attendez, un jour je vous raconterai ma vie : vous serez étonnée que j'aie pu rester ce que je suis. Vous non plus, j'imagine, quand vous étiez enfant, vous ne mangiez pas dans de la vaisselle dorée; mais tout de même, ma colombe, vous ne pouvez pas vous imaginer ce qu'est la vraie misère, la misère qui dure... Je vous raconterai tout cela une autre fois. Pour l'instant, vous feriez mieux de réfléchir à ce que j'ai eu l'honneur de vous exposer... Examinez bien la chose, toute seule, tranquillement, et vous me ferez savoir votre décision. Vous êtes, autant que j'aie pu m'en rendre compte, une femme raisonnable... Vous êtes... A propos, quel âge avez-vous ?
;LIZAVETA
:Moi... moi... J'ai trente ans.
;LE DOCTEUR
:tranquillement Voilà qui n'est pas vrai. Vous avez quarante ans bien sonnés.
;LIZAVETA
://rougissant// Pas tout à fait quarante, mais trente-six.
;LE DOCTEUR
:Ce n'est tout de même pas trente! Il faut que vous perdiez cette habitude, Lizaveta Bogdanovna... D'autant plus qu'une femme mariée, à trente-six ans, n'est pas vieille du tout. Vous avez tort aussi de priser. //(Se levant )// Je crois que la pluie a cessé.
;LIZAVETA
://se levant aussi// Oui, elle a cessé.
;LE DOCTEUR
:Alors vous me donnerez votre réponse un de ces jours ?
;LIZAVETA
:Je vous dirai demain ce que j'aurai décidé.
;LE DOCTEUR
:Ah, ça me plaît !... Voilà qui est intelligent ! Bravo, Lizaveta Bogdanovna ! Donnez-moi donc le bras, et rentrons.
:LIZAVETA
://lui donnant le bras// Allons.
;LE DOCTEUR
:Ah, à propos: je ne vous ai pas baisé la main... et je crois que c'est l'usage... Eh bien, allons-y. //(Il lui baise la main, Lizaveta Bogdanovna rougit.)// Voilà qui est fait.
:Il se dirige vers la porte du jardin.
;LIZAVETA
:s'arrêtant Alors, vous croyez, Ignati Iliitch, que Mikhaïlo n'est vraiment pas un homme dangereux ?
;LE DOCTEUR
:Je le crois.
;LIZAVETA
:Vous savez, Ignati Iliitch, il me semble que Nathalia , depuis quelque temps... il me semble ... Elle s'occupe beaucoup de lui... n'est-ce pas ?
;LE DOCTEUR
:J'ai oublié de vous dire encore une chose, Lizaveta Bogdanovna. Je suis très curieux, mais je ne supporte pas les femmes curieuses. Je m'explique : à mon avis, la femme doit être curieuse et observatrice - c'est même très utile à son mari - mais elle doit l'être... avec les autres... Vous me comprenez ? Avec les autres. Cependant, si vous tenez absolument à connaitre mon opinion sur Nathalia , Mikhaïlo et, en général, tous les habitants d'ici, écoutez, je vais vous chanter une petite chanson. J'ai une voix affreuse, mais vous n'y ferez pas attention.
;LIZAVETA
://avec étonnement// Une chanson ?
;LE DOCTEUR
:Ecoutez !
:Premier couplet :
:Chez la grand'maman vivait un biquet gris
:Chez la grand'maman vivait un biquet gris
:Et voilà ! et voilà ! un biquet gris !
:Et voilà ! et voilà ! un biquet gris !
:Deuxième couplet :
:Le biquet a eu l'idée de se promener dans le bois
:Le biquet a eu l’idée de se promener dans le bois
:Et voilà ! de se promener dans le bois !
:Et voilà ! de se promener dans le bois !
;LIZAVETA
:Vraiment, je ne comprends pas...
;LE DOCTEUR
:Ecoutez donc !
:Troisième couplet :
:Des loups gris ont mangé le biquet
:Des loups gris ont mangé le biquet
:Et voilà ! ils ont mangé le biquet
:Et voilà ! ils ont mangé le biquet.
:Et maintenant, rentrons !
:Je dois justement causer avec Nathalia Petrovna. J'espère qu'elle ne me mordra pas. Si je ne me trompe, elle aura encore besoin de moi. Allons...
//Ils sortent dans le jardin.//
La femme de neige Conte d'Asie
![[La fileuse|https://fr.wikisource.org/wiki/La_Fileuse]]
!!!!!!//( Mon découpage pour la diction )//
((Sujet du poème(
Dans ce poème, c’est moins le rouet que la fileuse qui est l’objet du travail poétique.
Une femme, lasse de filer, s’endort à la croisée de sa fenêtre. Et la nature semble prendre son relais et filer autour d’elle, une laine singulière faite de chevelure, de songe, d’azur et d’une nature qui obéit à un dessein mystérieux.
Le rouet devient un instrument qui, paradoxalement, enivre et endort, et qui est doué d’une vie propre et autonome.
Il est la métaphore du travail poétique)))
+++^80%^*[Analyse de André Durand]
{{center bold{Paul VALÉRY
“Album de vers anciens 1890-1900”
(1920)}}}
!!!!!!//Les explications de texte sont incluses dans le corps du texte
(mots surlignés).//
Auprès de la fenêtre donnant sur le jardin en fleurs, une jeune fileuse s'assoupit ; peu à peu le soir tombe et elle s'endort profondément, dans la pénombre.
Sur ce thème très simple, le disciple de Mallarmé et des symbolistes enlaça tout un jeu de notations subtiles et de correspondances délicates, rehaussées par le recours à une forme assez rare, la tierce rime. L'impression de douceur et de grâce évanescente est suggérée par une versification adroite : rimes exclusivement féminines, usage savant de l'enjambement et des coupes, et, surtout, allitérations expressives. Tout cela ne va pas sans mièvrerie ; mais nous savons aujourd'hui à quelle parfaite maîtrise devaient aboutir ces exercices de virtuose.
!
Le recueil "//Album de vers anciens//" parut en 1920 en plaquette. Dans l’édition de 1931, définitive, qui comporta cinq pièces supplémentaires, le recueil comptait vingt poèmes et une prose écrits entre 1890 et 1900 ; plus de la moitié avaient paru à l’époque dans des revues : ‘’La conque’’, ‘’L’ermitage’’, ‘’La syrinx’’, ‘’Le centaure’’.
Certains poèmes rappelaient encore la technique parnassienne ; la plupart reflétaient, par leur inspiration mythologique et précieuse, l'atmosphère décadente ou symboliste de l'époque. On note surtout l'influence de Mallarmé, dans le choix des thèmes, dans celui des titres (“La fileuse”, “Les vaines danseuses”, “Narcisse parle”, “Air de Sémiramis”), dans le langage même. On reconnaît, çà et là, dans “Un feu distinct”, “Profusion du soir”, ‘’Narcisse parle’’, l'amorce de thèmes qui seront chers à Valéry. Ces oeuvres de jeunesse permettent en somme de mesurer, entre l'incertitude du débutant et l'originalité enfin conquise, l'évolution d'un grand poète.
Il fallait une robuste confiance en soi pour publier, au lendemain d’une guerre qui avait changé la face du monde et tandis qu’à la suite d’Apollinaire, Tzara et Breton renouvelaient l’esthétique, des poèmes vieux d’un quart de siècle et plus, même largement retouchés.
!!!!!!André Durand
===
Assise,
la fileuse
au bleu de la croisée ((Où le jardin mélodieux se dodeline(correspondance entre sensations visuelles et auditives.
//«Se dodeline»// signifie «se balance avec douceur».)))
Le rouet ancien qui ronfle l’a grisée.
Lasse,
((ayant bu l’azur({{big{parce qu'elle a bu l'azur (rêverie pure et délicate).}}}))),
de filer la ((câline Chevelure(La chevelure est «//câline//» car il s’agit de la laine, d'une douceur caressante, fixée autour de la quenouille.))),
à ses doigts si faibles ((évasive(«//Évasive//» signifie «qui échappe à»))),
Elle songe,
et sa tête
petite
s’incline.
Un arbuste et l’air pur font une source vive Qui,
suspendue au jour,
((délicieuse(«//Délicieuse//» est un adjectif à valeur adverbiale.)))
arrose
De ses ((pertes de fleurs(Les «//pertes de fleurs//» sont des pétales qui se détachent de l'arbuste sous l'action de la brise («//air pu//r»).))) le jardin de l’oisive.
Une tige,
où le vent vagabond se repose,
Courbe le salut ((vain(Le salut de la fleur au rouet est «//vain//» puisqu’il se renouvelle sans cesse.))) de sa ((grâce étoilée((«//Grâce étoilée//» s’explique parce que la fleur gracieuse est ouverte en forme d'étoile.))),
Dédiant
((magnifique(«//magnifique//» : adjectif à valeur adverbiale.))),
au vieux rouet,
sa rose.
((Mais la dormeuse file une laine isolée (Prise de recul : ce vers élargit le regard au tableau dont la fileuse est le sujet. ))) ;
Mystérieusement
((l’ombre frêle se tresse Au fil de ses doigts longs((«//L’ombre frêle se tresse//» : le fil est immobile, mais son ombre se déplace, et paraît se tresser sous les doigts.))) et qui dorment,
filée.
Le songe se dévide avec une paresse Angélique,
et sans cesse,
((au doux fuseau crédule(La chevelure est «//crédule//» au «//doux fuseau// », c’est-à-dire obéit docilement au fuseau que la main assoupie caresse encore.))),
La chevelure ondule au gré de la caresse...
Derrière tant de fleurs,
((l’azur se dissimule(«//L’azur se dissimule//», c’est-à-dire le jour tombe, toutes les teintes vont se modifier.))),
((Fileuse de feuillage et de lumière ceinte(Ce vers est une apostrophe à la jeune fille.))) :
{{indent{Tout le ciel vert se meurt.
Le dernier arbre brûle.
Ta sœur,
((la grande rose(Le mot «//rose//» peut désigner soit une fleur soit une rosace (voir “//Sainte//” de Mallarmé) : par un trait assez recherché, la rosace deviendrait une vraie rose.))) où sourit une sainte,
Parfume ((ton front vague((Le «//front//» est «//vague//», c’est-à-dire indistinct ou plongé dans le songe.))) au vent de son haleine Innocente,
et tu crois ((languir(«//Languir//», c’est s’assoupir, somnoler.)))...
((Tu es éteinte(«//Tu es éteinte//» : tu es tout à fait endormie.
)))
((Au bleu de la croisée où tu filais la laine(Ce dernier vers reprend le premier, mais le temps du verbe n’est plus le même. Dans une version primitive, le dernier vers était : «//Mais la Morte se croit la fileuse ancienne//».
On peut lire dans le poème une métaphore de l’écriture.))).
}}}
{{homeTitle center{La fille bien gardée}}}
!Scène première - Marie ; puis La Baronne ; puis ~Saint-Germain
<<tiddler Scène1>>
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!Scène II - ~Saint-Germain, Marie
<<tiddler Scène2>>
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!Scène III - ~Saint-Germain puis Berthe
<<tiddler Scène3>>
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!Scène IV - ~Saint-Germain, Marie ; puis Berthe
<<tiddler Scène4>>
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!Scène V - ~Saint-Germain, Marie, Berthe
<<tiddler Scène5>>
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!Scène VI - ~Saint-Germain, seul
<<tiddler Scène6>>
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!Scène VII - ~Saint-Germain, La Baronne
<<tiddler Scène7>>
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!Scène VIII - La Baronne, Marie, ~Saint-Germain
<<tiddler Scène8>>
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!Scène IX - La Baronne, Marie
<<tiddler Scène9>>
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!Scène X - La Baronne, Marie, ~Saint-Germain
<<tiddler scène10>>
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!Scène XI - La Baronne, ~Saint-Germain
<<tiddler scène11>>
<<back>>
!Scène XII - La Baronne, Marie, ~Saint-Germain
<<tiddler scène12>>
<<back>>
!Scène XIII - La Baronne, Marie
<<tiddler scène13>>
<<back>>
!Scène XIV - Marie, ~Saint-Germain
<<tiddler scène14>>
<<back>>
!Scène XV - Les Mêmes, La Baronne
<<tiddler scène15>>
<<back>>
!Scène XVI - ~Saint-Germain, Marie
<<tiddler scène16>>
<<back>>
!Scène XVII - Les Mêmes, Berthe, Le Carabinier Rocambole
<<tiddler scène17>>
<<back>>
!Scène XVIII - Marie, ~Saint-Germain, La Baronne
<<tiddler scène18>>
<<back>>
!Scène XIX - Les Mêmes, Berthe
<<tiddler scène19>>
<<back>>
<<foldHeadings closed>>
^^//[[Sommaire]]//^^
!La grenouille qui se veut faire aussi grosse que le bœuf
{{center{[img[http://blog.ac-rouen.fr/eco-les-hirondelles/files/grenouille.jpg]]
+++^66%^*[Indications de jeu]
{{menubox BGTertiaryPale{
!Indications de jeu
;Le récitant
:La grenouille qui se veut faire aussi grosse que le bœuf
:''de Jean de La Fontaine''
://(Raconte et fait voir, comme s'il était témoin)//
:Une Grenouille vit un Bœuf Qui lui sembla de belle taille.
:Elle qui n'était pas grosse en tout comme un œuf,
:Envieuse s'étend,
:et s'enfle,
:et se travaille Pour égaler l'animal en grosseur,
:...Disant :
''La grenouille'' //en plein effort//
:Regardez bien, ma sœur ;
:Est-ce assez ?
:dites-moi ;
://(suppliante)//
:n'y suis-je point encore ?
''La soeur''//(mordante)//
:Nenni.
''La grenouille''//(haletante)//
:M'y voici donc ?
''La soeur''//(sèchement)//
:Point du tout.
''La grenouille'' //(complètement asphyxiée)//
:M'y voilà ?
''La soeur'' //(avec mépris)//
:Vous n'en approchez point.
;Le récitant
:La chétive Pécore S'enfla si bien qu'elle creva.
://(au public, avec le sourire amusé de La Fontaine)//
:Le monde est plein de gens qui ne sont pas plus sages :
:* Tout bourgeois veut bâtir comme les grands seigneurs,
:* Tout petit prince a des ambassadeurs,
:* Tout marquis veut avoir des pages.
}}}===
Une Grenouille vit un Bœuf
Qui lui sembla de belle taille.
Elle qui n'était pas grosse en tout comme un œuf,
Envieuse s'étend, et s'enfle, et se travaille
Pour égaler l'animal en grosseur,
...Disant : Regardez bien, ma sœur ;
Est-ce assez ? dites-moi ; n'y suis-je point encore ?
Nenni. M'y voici donc ? Point du tout. M'y voilà ?
Vous n'en approchez point. La chétive Pécore
S'enfla si bien qu'elle creva.
Le monde est plein de gens qui ne sont pas plus sages :
Tout bourgeois veut bâtir comme les grands seigneurs,
Tout petit prince a des ambassadeurs,
Tout marquis veut avoir des pages.
}}}
{{outline floatright{? [[Source|http://www.casden.fr/Avec-vous-au-quotidien/Decouvrir-et-enseigner/Fiches-de-lecture/La-jalousie-dans-la-litterature]]}}}
!La jalousie dans la littérature
(( La jalousie amoureuse (^L’explication qu’Alain, domestique d’Arnolphe, donne à une autre domestique, Georgette, dans L’Ecole des femmes. )))
+++[L’Ecole des femmes, Molière, Acte 1 Scène 3,  ]
« ''ALAIN ''
C’est que la jalousie… entends-tu bien, Georgette,
Est une chose… là… qui fait qu’on s’inquiète…
Et qui chasse les gens d’autour d’une maison.
Je m’en vais te bailler une comparaison,
Afin de concevoir la chose davantage.
Dis-moi, n’est-il pas vrai, quand tu tiens ton potage,
Que si quelque affamé venait pour en manger,
Tu serais en colère, et voudrais le charger ?
''GEORGETTE''
Oui, je comprends cela.
''ALAIN ''
C’est justement tout comme.
La femme est en effet le potage de l’homme ;
Et quand un homme voit d’autres hommes parfois
Qui veulent dans sa soupe aller tremper leurs doigts,
Il en montre aussitôt une colère extrême.
===
((La jalousie-suggestion(^La jalousie-suggestion est la forme la plus répandue de jalousie amoureuse. Dans ce cas, l’un des partenaires (le jaloux) suspecte un amour ou un intérêt non fondé entre l’être aimé et une autre personne réelle ou imaginaire. Rongé par son imagination et ses doutes qui ne cessent de s’accroitre, il échafaude toutes sortes de scénarios ou de possibilités fondées sur la crainte d’être trahi par l’être aimé avec une autre personne. )))
+++[Un amour de Swann, in « Du côté de chez Swann », Proust]
« Même quand il ne pouvait savoir où elle était allée, il lui aurait suffi pour calmer l’angoisse qu’il éprouvait alors, et contre laquelle la présence d’Odette, la douceur d’être auprès d’elle était le seul spécifique (un spécifique qui à la longue aggravait le mal avec bien des remèdes, mais du moins calmait momentanément la souffrance), il lui aurait suffi, si Odette l’avait seulement permis, de rester chez elle tant qu’elle ne serait pas là, de l’attendre jusqu’à cette heure du retour dans l’apaisement de laquelle seraient venues se confondre les heures qu’un prestige, un maléfice lui avaient fait croire différentes des autres. Mais elle ne le voulait pas ; il revenait chez lui ; il se forçait en chemin à former divers projets, il cessait de songer à Odette ; même il arrivait, tout en se déshabillant, à rouler en lui des pensées assez joyeuses ; c’est le cœur plein de l’espoir d’aller le lendemain voir quelque chef-d’œuvre qu’il se mettait au lit et éteignait sa lumière ; mais, dès que, pour se préparer à dormir, il cessait d’exercer sur lui-même une contrainte dont il n’avait même pas conscience tant elle était devenue habituelle, au même instant un frisson glacé refluait en lui et il se mettait à sangloter. Il ne voulait même pas savoir pourquoi, s’essuyait les yeux, se disait en riant : « C’est charmant, je deviens névropathe. » Puis il ne pouvait penser sans une grande lassitude que le lendemain il faudrait recommencer de chercher à savoir ce qu’Odette avait fait, à mettre en jeu des influences pour tâcher de la voir. Cette nécessité d’une activité sans trêve, sans variété, sans résultats, lui était si cruelle qu’un jour apercevant une grosseur sur son ventre, il ressentit une véritable joie à la pensée qu’il avait peut-être une tumeur mortelle, qu’il n’allait plus avoir à s’occuper de rien, que c’était la maladie qui allait le gouverner, faire de lui son jouet, jusqu’à la fin prochaine. Et en effet si, à cette époque, il lui arriva souvent sans se l’avouer de désirer la mort, c’était pour échapper moins à l’acuité de ses souffrances qu’à la monotonie de son effort. Et pourtant il aurait voulu vivre jusqu’à l’époque où il ne l’aimerait plus, où elle n’aurait aucune raison de lui mentir et où il pourrait enfin apprendre d’elle si le jour où il était allé la voir dans l’après-midi, elle était ou non couchée avec Forcheville. Souvent pendant quelques jours, le soupçon qu’elle aimait quelqu’un d’autre le détournait de se poser cette question relative à Forcheville, la lui rendait presque indifférente, comme ces formes nouvelles d’un même état maladif qui semblent momentanément nous avoir délivrés des précédentes. Même il y avait des jours où il n’était tourmenté par aucun soupçon. Il se croyait guéri. Mais le lendemain matin, au réveil, il sentait à la même place la même douleur dont, la veille pendant la journée, il avait comme dilué la sensation dans le torrent des impressions différentes. Mais elle n’avait pas bougé de place. Et même, c’était l’acuité de cette douleur qui avait réveillé Swann. Comme Odette ne lui donnait aucun renseignement sur ces choses si importantes qui l’occupaient tant chaque jour (bien qu’il eût assez vécu pour savoir qu’il n’y en a jamais d’autres que les plaisirs), il ne pouvait pas chercher longtemps de suite à les imaginer, son cerveau fonctionnait à vide ; alors il passait son doigt sur ses paupières fatiguées comme il aurait essuyé le verre de son lorgnon, et cessait entièrement de penser. Il surnageait pourtant à cet inconnu certaines occupations qui réapparaissaient de temps en temps, vaguement rattachées par elle à quelque obligation envers des parents éloignés ou des amis d’autrefois, qui, parce qu’ils étaient les seuls qu’elle lui citait souvent comme l’empêchant de le voir, paraissaient à Swann former le cadre fixe, nécessaire, de la vie d’Odette.
===
+++[Hernani, Acte I, Scène 2, Hugo]
>//Dona Sol est fiancée à son oncle Don Ruy Gomez de Silva. Mais, elle tombe amoureuse d’Hernani, un banni. Celui-ci, tourmenté par la violence de la jalousie, accable Dona Sol de reproches sans aucun motif. //
« ''HERNANI ''
Moi ? je brûle près de toi.
Ah ! quand l’amour jaloux bouillonne dans nos têtes,
Quand notre cœur se gonfle et s’emplit de tempêtes ;
Qu’importe ce que peut un nuage des airs
Nous jeter en passant de tempête et d’éclairs ?
''DONA SOL'', //lui défaisant son manteau. //
Allons ! donnez la cape et l’épée avec elle !
''HERNANI'', l//a main sur son épée. //
Non. C’est mon autre amie, innocente et fidèle !
Dona Sol, le vieux duc, votre futur époux,
Votre oncle est donc absent ?
''DONA SOL''
Oui, cette heure est à nous.
''HERNANI ''
Cette heure ! et voilà tout. Pour nous, plus rien qu’une heure.
Après, qu’importe ? il faut qu’on oublie ou qu’on meure.
Ange ! une heure avec vous ! une heure, en vérité,
À qui voudrait la vie, et puis l’éternité !
''DONA SOL''
Hernani !
''HERNANI'', //amèrement//.
Que je suis heureux que le duc sorte !
Comme un larron qui tremble et qui force une porte,
Vite, j’entre, et vous vois, et dérobe au vieillard
Une heure de vos chants et de votre regard,
Et je suis bien heureux, et sans doute on m’envie
De lui voler une heure ; et lui me prend ma vie !
(…) ''DONA SOL ''
Chère âme,
Ne pensons plus au duc.
''HERNANI ''
Ah ! pensons-y, madame !
Ce vieillard ! il vous aime, il va vous épouser !
Quoi donc ! Vous prit-il pas l’autre jour un baiser ?
N’y plus penser !
''DONA SOL'', //riant//.
C’est là ce qui vous désespère !
Un baiser d’oncle ! au front ! presque un baiser de père !
''HERNANI ''
Non ; un baiser d’amant, de mari, de jaloux.
Ah ! Vous serez à lui ! madame. Y pensez-vous ?
Ô l’insensé vieillard qui, la tête inclinée,
Pour achever sa route et finir sa journée,
A besoin d’une femme, et va, spectre glacé,
Prendre une jeune fille ! ô vieillard insensé !
Pendant que d’une main il s’attache à la vôtre,
Ne voit-il pas la mort qui l’épouse de l’autre ?
Il vient dans nos amours se jeter sans frayeur !
Vieillard, va-t’en donner mesure au fossoyeur !
Qui fait ce mariage ? on vous force, j’espère !(…)
===
((Les dérèglements du temps(^Une personne (le jaloux) aime secrètement ou non une deuxième personne (l’être aimé) qui, elle, est amoureuse d’une troisième personne (le jalousé). Comme elle n’a pas vécu d’histoire avec l’être aimé, elle est jalouse de la tierce personne pour l’importance qu’elle a dans le cœur de l’être aimé et pour le fait d’être privilégié. Ce type de jalousie existe aussi bien dans le mariage que hors mariage. La littérature en offre de nombreux exemples. )))
+++[La Princesse de Clèves, Mme de Lafayette]
>//Mlle de Chartres a épousé, sans l’aimer, le Prince de Clèves, mais avec la ferme intention de lui rester fidèle. Or, elle rencontre, à la Cour, le duc de Nemours. Naît entre eux un amour immédiat et partagé sans que la princesse ne cède au duc. Son mari succombe à la jalousie, d’autant plus qu’il n’a pas réussi à se faire aimer d’elle. Il la soumet à un véritable interrogatoire, emporté par la passion .//
« Il alla d’abord dans la chambre de sa femme ; et, après lui avoir parlé quelque temps de choses indifférentes, il ne put s’empêcher de lui demander ce qu’elle avait fait et qui elle avait vu ; elle lui en rendit compte. Comme il vit qu’elle ne lui nommait point M. de Nemours, qu’il lui demanda en tremblant si c’était tout ce qu’elle avait vu, afin de lui donner lieu de nommer ce prince, et de n’avoir pas la douleur qu’elle lui en fît une finesse. Comme elle ne l’avait point vu, elle ne le lui nomma point ; et M. de Clèves, prenant la parole avec un ton qui marquait son affliction :
– Et M. de Nemours, lui dit-il, ne l’avez-vous point vu ? ou l’avez-vous oublié ?
– Je ne l’ai point vu en effet, répondit-elle ; je me trouvais mal, et j’ai envoyé une de mes femmes lui faire des excuses. Vous ne vous trouviez donc mal que pour lui, reprit M. de Clèves, puisque vous avez vu tout le monde ; pourquoi des distinctions pour M. de Nemours ? Pourquoi ne vous est-il pas comme un autre ? Pourquoi faut-il que vous craigniez sa vue ? Pourquoi lui laissez-vous voir que vous la craignez ? Pourquoi lui faites-vous connaître que vous vous servez du pouvoir que sa passion vous donne sur lui ? Oseriez-vous refuser de le voir si vous ne saviez bien qu’il distingue vos rigueurs de l’incivilité ? Mais pourquoi faut-il que vous ayez des rigueurs pour lui ? D’une personne comme vous, madame, tout est des faveurs, hors l’indifférence.
– Je ne croyais pas, reprit Mme de Clèves, quelque soupçon que vous ayez sur M. de Nemours, que vous pussiez me faire des reproches de ne l’avoir pas vu.
– Je vous en fais pourtant, madame, répliqua-t-il, et ils sont bien fondés : pourquoi ne le pas voir, s’il ne vous a rien dit ? Mais madame, il vous a parlé : si son silence seul vous avait témoigné sa passion, elle n’aurait pas fait en vous une si grande impression vous n’avez pu me dire la vérité tout entière, et vous m’en avez caché la plus grande partie ; vous vous êtes repentie même du peu que vous m’avez avoué, et vous n’avez pas eu la force de continuer. Je suis plus malheureux que je ne l’ai cru, et je suis le plus malheureux de tous les hommes. Vous êtes ma femme, je vous aime comme ma maîtresse, et je vous en vois aimer un autre ; cet autre est le plus aimable de la cour, et il vous voit tous les jours, il sait que vous l’aimez. Et j’ai pu croire, s’écria-t-il, que vous surmonteriez la passion que vous avez pour lui ! Il faut que j’aie perdu la raison pour avoir cru qu’il fût possible.
– Je ne sais, reprit tristement Mme de Clèves, si vous avez eu tort de juger favorablement d’un procédé aussi extraordinaire que le mien ; mais je ne sais si je ne me suis pas trompée d’avoir cru que vous me feriez justice.
– N’en doutez pas, madame, répliqua M. de Clèves, vous vous êtes trompée, vous avez attendu de moi des choses aussi impossibles que celles que j’attendais de vous. Comment pouviez-vous espérer que je conservasse de la raison ? Vous aviez donc oublié que je vous aimais éperdument et que j’étais votre mari ? L’un des deux peut porter aux extrémités ; que ne peuvent point les deux ensemble ? Eh ! que ne font-ils point aussi ! continua-t-il. Je n’ai que des sentiments violents et incertains dont je ne suis pas le maître. Je ne me trouve plus digne de vous ; vous ne me paraissez plus digne de moi. Je vous adore, je vous hais ; je vous offense, je vous demande pardon ; j’ai honte de vous admirer. Enfin il n’y a plus en moi ni de calme ni de raison. »
===
+++[L’Ecole des femmes, Molière, Acte2, Scène 6]
>//Agnès tombe amoureuse d’Horace. Arnolphe – en mari jaloux – la soumet à un véritable interrogatoire, pour savoir s’il s’est passé quelque chose entre eux.//
« ''ARNOLPHE ''
Non. Mais de cette vue apprenez-moi les suites,
Et comme le jeune homme a passé ses visites.
''AGNÈS ''
Hélas ! si vous saviez comme il était ravi,
Comme il perdit son mal sitôt que je le vis,
Le présent qu’il m’a fait d’une belle cassette,
Et l’argent qu’en ont eu notre Alain et Georgette,
Vous l’aimeriez sans doute, et diriez comme nous…
''ARNOLPHE''
Oui ; mais que faisait-il étant seul avec vous ?
''AGNÈS ''
Il jurait qu’il m’aimait d’une amour sans seconde
Et me disait des mots les plus gentils du monde,
Merveilleux et fantastique en littérature
Des choses que jamais rien ne peut égaler,
Et dont, toutes les fois que je l’entends parler,
La douceur me chatouille, et là-dedans remue
Certain je ne sais quoi dont je suis tout émue.
''ARNOLPHE'', //bas, à part. //
Ô fâcheux examen d’un mystère fatal,
Où l’examinateur souffre seul tout le mal !
//(Haut.)// Outre tous ces discours, toutes ces gentillesses,
Ne vous faisait-il point aussi quelques caresses ?
''AGNÈS ''
Oh tant ! il me prenait et les mains et les bras,
Et de me les baiser il n’était jamais las.
''ARNOLPHE ''
Ne vous a-t-il point pris, Agnès, quelque autre chose ?
//(La voyant interdite.)// Ouf !
''AGNÈS ''
Eh ! il m’a…
''ARNOLPHE''
Quoi ?
''AGNÈS''
Pris…
''ARNOLPHE''
Euh !
AGNÈS : Le…
''ARNOLPHE''
Plaît-il ?
''AGNÈS ''
Je n’ose,
Et vous vous fâcherez peut-être contre moi.
''ARNOLPHE''
Non.
''AGNÈS''
Si fait.
''ARNOLPHE''
Mon Dieu ! non.
''AGNÈS''
Jurez donc votre foi.
''ARNOLPHE''
Ma foi, soit.
''AGNÈS''
Il m’a pris… Vous serez en colère.
''ARNOLPHE''
Non.
''AGNÈS''
Si.
''ARNOLPHE''
Non, non, non, non. Diantre ! que de mystère !
Qu’est-ce qu’il vous a pris ?
''AGNÈS''
Il…
''ARNOLPHE'', //à part//
Je souffre en damné.
''AGNÈS ''
Il m’a pris le ruban que vous m’aviez donné.
À vous dire le vrai, je n’ai pu m’en défendre.
''ARNOLPHE'', //reprenant haleine//.
Passe pour le ruban. Mais je voulais apprendre
S’il ne vous a rien fait que vous baiser les bras.
''AGNÈS''
Comment ! est-ce qu’on fait d’autres choses ?
''ARNOLPHE''
Non pas.
Mais, pour guérir du mal qu’il dit qui le possède,
N’a-t-il point exigé de vous d’autre remède ?
AGNÈS
Non. Vous pouvez juger, s’il en eût demandé,
Que pour le secourir j’aurais tout accordé.
===
+++[Le Misanthrope ou l’atrabilaire amoureux, Molière, Acte III, Scène V,  ]
>//Arsinoé, soi-disant amie de Célimène, désire Alceste et est jalouse de celle-ci. Sa jalousie la transforme en hypocrite. //
« (…) ''ARSINOÉ ''
(…) Madame, l’amitié doit surtout éclater
Aux choses qui le plus nous peuvent importer ;
Et, comme il n’en est point de plus grande importance
Que celles de l’honneur et de la bienséance,
Je viens, par un avis qui touche votre honneur,
Témoigner l’amitié que pour vous a mon cœur.
Hier j’étais chez des gens de vertu singulière,
Où sur vous du discours on tourna la matière ;
Et là, votre conduite, avec ses grands éclats,
Madame, eut le malheur qu’on ne la loua pas.
Cette foule de gens dont vous souffrez visite,
Votre galanterie, et les bruits qu’elle excite,
Trouvèrent des censeurs plus qu’il n’aurait fallu,
Et bien plus rigoureux que je n’eusse voulu.
Vous pouvez bien penser quel parti je sus prendre ;
Je fis ce que je pus pour vous pouvoir défendre ;
Je vous excusai fort sur votre intention,
Et voulus de votre âme être la caution.
Mais vous savez qu’il est des choses dans la vie
Qu’on ne peut excuser, quoiqu’on en ait envie ;
Et je me vis contrainte à demeurer d’accord
Que l’air dont vous vivez vous faisait un peu tort ;
Qu’il prenait dans le monde une méchante face ;
Qu’il n’est conte fâcheux que partout on n’en fasse ;
Et que, si vous vouliez, tous vos déportements
Pourraient moins donner prise aux mauvais jugements.
Non que j’y croie au fond l’honnêteté blessée ;
Me préserve le ciel d’en avoir la pensée !
Mais aux ombres du crime on prête aisément foi
Et ce n’est pas assez de bien vivre pour soi.
Madame, je vous crois l’âme trop raisonnable
Pour ne pas prendre bien cet avis profitable,
Et pour l’attribuer qu’aux mouvements secrets
D’un zèle qui m’attache à tous vos intérêts.
L’âge amènera tout ; et ce n’est pas le temps,
Madame, comme on sait, d’être prude à vingt ans. (…)
===
+++[Le Misanthrope ou l’atrabilaire amoureux, Molière, Acte III, Scène VII,  ]
>//Arsinoé, voulant séduire Alceste, lui promet de lui prouver que Célimène le trompe. //
« (…)
''ARSINOÉ ''
Laissons, puisqu’il vous plaît, ce chapitre de cour :
Mais il faut que mon cœur vous plaigne en votre amour ;
Et, pour vous découvrir là-dessus mes pensées,
Je souhaiterais fort vos ardeurs mieux placées.
Vous méritez, sans doute, un sort beaucoup plus doux,
Et celle qui vous charme est indigne de vous.
''ALCESTE ''
Mais en disant cela, songez-vous, je vous prie,
Que cette personne est, madame, votre amie ?
''ARSINOÉ ''
Oui. Mais ma conscience est blessée en effet
De souffrir plus longtemps le tort que l’on vous fait.
L’état où je vous vois afflige trop mon âme,
Et je vous donne avis qu’on trahit votre flamme.
''ALCESTE ''
C’est me montrer, madame, un tendre mouvement,
Et de pareils avis obligent un amant.
''ARSINOÉ ''
Oui, toute mon amie, elle est et je la nomme
Indigne d’asservir le cœur d’un galant homme ;
Et le sien n’a pour vous que de feintes douceurs.
''ALCESTE ''
Cela se peut, madame, on ne voit pas les cœurs ;
Mais votre charité se serait bien passée
De jeter dans le mien une telle pensée.
''ARSINOÉ ''
Si vous ne voulez pas être désabusé,
Il faut ne vous rien dire, il est assez aisé.
''ALCESTE ''
Non. Mais sur ce sujet quoi que l’on nous expose,
Les doutes sont fâcheux plus que toute autre chose ;
Et je voudrais, pour moi, qu’on ne me fît savoir
Que ce qu’avec clarté l’on peut me faire voir.
''ARSINOÉ ''
Eh bien ! c’est assez dit ; et, sur cette matière,
Vous allez recevoir une pleine lumière.
Oui, je veux que de tout vos yeux vous fassent foi.
Donnez-moi seulement la main jusque chez moi ;
Là, je vous ferai voir une preuve fidèle
De l’infidélité du cœur de votre belle
Et, si pour d’autres yeux le vôtre peut brûler,
On pourra vous offrir de quoi vous consoler. (…)
===
+++[Notre-Dame-de-Paris, Hugo, Livre 7, Chapitre VIII]
>//Esméralda danse sur le parvis de Notre-Dame. Frollo, l’archidiacre, et Quasimodo, le sonneur de cloches, la contemplent et en tombent éperdument amoureux. Alors que Frollo fait enlever la jeune fille, Phoebus, le capitaine de la garde l’en empêche et gagne ainsi l’amour d’Esméralda. Mais, il n’aime pas la jeune fille. Alors qu’il veut passer une nuit de plaisir avec elle, Frollo, tourmenté par ses pulsions, lui propose d’assister à leurs ébats, en échange d’une somme d’argent. //
« En parlant ainsi de sa voix la plus douce, il s’approchait extrêmement près de l’égyptienne, ses mains caressantes avaient repris leur poste autour de cette taille si fine et si souple, son œil s’allumait de plus en plus, et tout annonçait que monsieur Phœbus touchait évidemment à l’un de ces moments où Jupiter lui-même fait tant de sottises que le bon Homère est obligé d’appeler un nuage à son secours.
Dom Claude cependant voyait tout. La porte était faite de douves de poinçon toutes pourries, qui laissaient entre elles de larges passages à son regard d’oiseau de proie. Ce prêtre à peau brune et à larges épaules, jusque-là condamné à l’austère virginité du cloître, frissonnait et bouillait devant cette scène d’amour, de nuit et de volupté. La jeune et belle fille livrée en désordre à cet ardent jeune homme lui faisait couler du plomb fondu dans les veines. Il se passait en lui des mouvements extraordinaires. Son œil plongeait avec une jalousie lascive sous toutes ces épingles défaites. Qui eût pu voir en ce moment la figure du malheureux collée aux barreaux vermoulus eût cru voir une face de tigre regardant du fond d’une cage quelque chacal qui dévore une gazelle. Sa prunelle éclatait comme une chandelle à travers les fentes de la porte.
(…) Le capitaine, enivré, colla ses lèvres ardentes à ces belles épaules africaines. La jeune fille, les yeux perdus au plafond, renversée en arrière, frémissait toute palpitante sous ce baiser.
Tout à coup au-dessus de la tête de Phœbus elle vit une autre tête, une figure livide, verte, convulsive, avec un regard de damné. Près de cette figure il y avait une main qui tenait un poignard. C’était la figure et la main du prêtre. Il avait brisé la porte, et il était là. Phœbus ne pouvait le voir. La jeune fille resta immobile, glacée, muette, sous l’épouvantable apparition, comme une colombe qui lèverait la tête au moment où l’orfraie regarde dans son nid avec ses yeux ronds.
Elle ne put même pousser un cri. Elle vit le poignard s’abaisser sur Phœbus et se relever fumant.
– Malédiction ! dit le capitaine, et il tomba.
Elle s’évanouit.
Au moment où ses yeux se fermaient, où tout sentiment se dispersait en elle, elle crut sentir s’imprimer sur ses lèvres un attouchement de feu, un baiser plus brûlant que le fer rouge du bourreau. Quand elle reprit ses sens, elle était entourée de soldats du guet, on emportait le capitaine baigné dans son sang, le prêtre avait disparu, la fenêtre du fond de la chambre, qui donnait sur la rivière, était toute grande ouverte, on ramassait un manteau qu’on supposait appartenir à l’officier, et elle entendait dire autour d’elle :
– C’est une sorcière qui a poignardé un capitaine. »
===
((La jalousie dans l’infidélité(^L’être aimé éprouve des sentiments amoureux pour une tierce
personne, sans qu’il y ait rupture dans le couple : partage est invivable pour le
jaloux. )))
+++[Manon Lescaut, Abbé Prévost]
>//Manon quitte le logis en laissant une lettre à son amant, où elle lui explique qu’elle part refaire fortune auprès d’autres hommes : « Je t’adore, compte là-dessus ; mais laisse-moi pour quelque temps le ménagement de notre fortune. Malheur à qui va tomber dans mes filets ! je travaille pour rendre mon chevalier riche et heureux » (p.35). A la lecture de cette lettre, le jeune homme laisse éclater sa douleur et sa jalousie. //
« Je demeurai, après cette lecture, dans un état qui me serait difficile décrire, car j’ignore encore aujourd’hui par quelle espèce de sentiment je fus alors agité. Ce fut une de ces situations uniques, auxquelles on n’a rien éprouvé qui soit semblable : on ne saurait les expliquer aux autres, parce qu’ils n’en ont pas l’idée ; et l’on a peine à se les bien démêler à soi-même, parce qu’étant seules de leur espèce, cela ne se lie à rien dans la mémoire, et ne peut même être rapproché d’aucun sentiment connu. Cependant, de quelque nature que fussent les miens, il est certain qu’il devait y entrer de la douleur, du dépit, de la jalousie et de la honte. Heureux s’il n’y fût pas entré encore plus d’amour !
Elle m’aime, je le veux croire ; mais ne faudrait-il pas, m’écriai-je, qu’elle fût un monstre pour me haïr ? Quels droits eût-on jamais sur un cœur que je n’aie pas sur le sien ? Que me reste-t-il à faire pour elle, après tout ce que je lui ai sacrifié ? Cependant elle m’abandonne ! et l’ingrate se croit à couvert de mes reproches en me disant qu’elle ne cesse pas de m’aimer ! Elle appréhende la faim : grand Dieu ! quelle grossièreté de sentiments, et que c’est répondre mal à ma délicatesse ! Je ne l’ai pas appréhendée, moi qui m’y expose si volontiers pour elle, en renonçant à ma fortune et aux douceurs de la maison de mon père ; moi, qui me suis retranché jusqu’au nécessaire pour satisfaire ses petites humeurs et ses caprices ! Elle m’adore, dit-elle. Si tu m’adorais, ingrate, je sais bien de qui tu aurais pris des conseils ; tu ne m’aurais pas quitté du moins sans me dire adieu. C’est à moi qu’il faut demander quelles peines cruelles on sent de se séparer de ce qu’on adore. Il faudrait avoir perdu l’esprit pour s’y exposer volontairement. »
===
+++[Le Mariage de Figaro, Beaumarchais, Acte V, Scène 7]
>//Le Mariage de Figaro pourrait être appelé Le Bal des jaloux, tant le nombre de jaloux et les types de jalousie y foisonnent. La Comtesse, fort jalouse, va tout faire pour sauver son couple : elle va sous l’apparence de Suzanne au rendez-vous fixé avec le Comte. //
«
''Le Comte'' :
Comment ! je ne pourrai faire un pas… //(À la comtesse.)// mais laissons cette bizarrerie ; elle empoisonnerait le plaisir que j’ai de te trouver dans cette salle.
''La Comtesse'', //imitant le parler de Suzanne// :
L’espériez-vous ?
''Le Comte'' :
Après ton ingénieux billet ! //(Il lui prend la main.)// Tu trembles ?
''La Comtesse'' :
J’ai eu peur.
''Le Comte'' :
Ce n’est pas pour te priver du baiser, que je l’ai pris. (Il la baise au front.)
''La Comtesse'' :
Des libertés !
''Figaro'', //à part//. :
Coquine !
''Suzanne'', //à part.// :
Charmante !
''Le Comte'' //prend la main de sa femme// :
Mais quelle peau fine et douce, et qu’il s’en faut que la comtesse ait la
main aussi belle !
''La Comtesse'', //à part//. :
Oh ! la prévention !
''Le Comte'' :
A-t-elle ce bras ferme et rondelet ? Ces jolis doigts pleins de grâce et d’espièglerie ?
''La Comtesse'', //de la voix de Suzanne.// :
Ainsi l’amour ?…
''Le Comte'' :
L’amour… n’est que le roman du cœur : c’est le plaisir qui en est l’histoire ; il m’amène à tes genoux.
''La Comtesse'' :
Vous ne l’aimez plus ?
''Le Comte'' :
Je l’aime beaucoup ; mais trois ans d’union rendent l’hymen si respectable !
''La Comtesse'' :
Que vouliez-vous en elle ?
''Le Comte'', //la caressant//. :
Ce que je trouve en toi, ma beauté…
''La Comtesse'' :
Mais dites donc.
''Le Comte'' :
… Je ne sais : moins d’uniformité peut-être ; plus de piquant dans les manières ; un je ne sais quoi qui fait le charme ; quelquefois un refus, que sais-je ? Nos femmes croient tout accomplir en nous aimant : cela dit une fois, elles nous aiment, nous aiment ! (quand elles nous aiment.) Et sont si complaisantes, et si constamment obligeantes, et toujours, et sans relâche, qu’on est tout surpris un beau soir, de trouver la satiété où l’on recherchait le bonheur.
''La Comtesse'', //à part//. :
Ah ! quelle leçon !
''Le Comte'' :
En vérité, Suzon, j’ai pensé mille fois que si nous poursuivons ailleurs ce plaisir qui nous fuit chez elles, c’est qu’elles n’étudient pas assez l’art de soutenir notre goût, de se renouveler à l’amour, de ranimer, pour ainsi dire, le charme de leur possession, par celui de la variété.
''La Comtesse'', //piquée//. :
Donc elles doivent tout ?…
''Le Comte'', //riant//. :
Et l’homme rien ? Changerons-nous la marche de la nature ? Notre tâche, à nous, fut de les obtenir ; la leur…
''La Comtesse'' :
La leur ?
''Le Comte'' :
Est de nous retenir : on l’oublie trop.
''La Comtesse'' :
Ce ne sera pas moi. (…)
===
+++[Le Misanthrope ou l’atrabilaire amoureux, Molière, Acte II, Scène I]
>//Alceste laisse exploser sa jalousie en s’irritant contre la frivolité de Célimène.//
«
''CÉLIMÈNE''
C’est pour me quereller donc, à ce que je vois,
Que vous avez voulu me ramener chez moi ?
''ALCESTE''
Je ne querelle point. Mais votre humeur, madame,
Ouvre au premier venu trop d’accès dans votre âme :
Vous avez trop d’amants qu’on voit vous obséder,
Et mon cœur de cela ne peut s’accommoder.
''CÉLIMÈNE''
Des amants que je fais me rendez-vous coupable ?
Puis-je empêcher les gens de me trouver aimable ?
Et, lorsque pour me voir ils font de doux efforts,
Dois-je prendre un bâton pour les mettre dehors ?
''ALCESTE''
Non, ce n’est pas, madame, un bâton qu’il faut prendre,
Mais un cœur, à leurs vœux, moins facile et moins tendre.
Je sais que vos appas vous suivent en tous lieux ;
Mais votre accueil retient ceux qu’attirent vos yeux,
Et sa douceur offerte à qui vous rend les armes,
Achève sur les cœurs l’ouvrage de vos charmes.
Le trop riant espoir que vous leur présentez
Attache autour de vous leurs assiduités,
Et votre complaisance, un peu moins étendue,
De tant de soupirants chasserait la cohue.
Mais, au moins, dites-moi, madame, par quel sort
Votre Clitandre a l’heur de vous plaire si fort ?
Sur quel fonds de mérite et de vertu sublime
Appuyez-vous en lui l’honneur de votre estime ?
Est-ce par l’ongle long qu’il porte au petit doigt,
Qu’il s’est acquis chez vous l’estime où l’on le voit ?
Vous êtes-vous rendue, avec tout le beau monde,
Au mérite éclatant de sa perruque blonde ?
Sont-ce ses grands canons qui vous le font aimer ?
L’amas de ses rubans a-t-il su vous charmer ?
Est-ce par les appas de sa vaste rhingrave
Qu’il a gagné votre âme en faisant votre esclave ?
Ou sa façon de rire, et son ton de fausset,
Ont-ils de vous toucher su trouver le secret ?
''CÉLIMÈNE''
Qu’injustement de lui vous prenez de l’ombrage !
Ne savez-vous pas bien pourquoi je le ménage ;
Et que dans mon procès, ainsi qu’il m’a promis,
Il peut intéresser tout ce qu’il a d’amis ?
''ALCESTE''
Perdez votre procès, madame, avec constance,
Et ne ménagez point un rival qui m’offense.
''CÉLIMÈNE'' : Mais de tout l’univers vous devenez jaloux ?
''ALCESTE'' : C’est que tout l’univers est bien reçu de vous.
''CÉLIMÈNE''
C’est ce qui doit rasseoir votre âme effarouchée,
Puisque ma complaisance est sur tous épanchée ;
Et vous auriez plus lieu de vous en offenser,
Si vous me la voyiez sur un seul ramasser.
''ALCESTE''
Mais moi, que vous blâmez de trop de jalousie,
Qu’ai-je de plus qu’eux tous, madame, je vous prie ?
''CÉLIMÈNE'' : Le bonheur de savoir que vous êtes aimé.
''ALCESTE'' : Et quel lieu de le croire à mon cœur enflammé ?
''CÉLIMÈNE''
Je pense qu’ayant pris le soin de vous le dire,
Un aveu de la sorte a de quoi vous suffire. (…)
===
((La jalousie dans la déception(^La jalousie est provoquée par le fait que l’être aimé éprouve des sentiments pour un tiers, alors qu’il semblait aimer le jaloux. )))
+++[La Princesse de Clèves, Mme de Lafayette]
>//Mme de Clèves aime le Duc de Nemours et se croit aimée en retour. La reine-dauphine donne à lire à Mme de Clèves une lettre de galanterie soi-disant adressée à Nemours. Ce billet laisse supposer que Nemours a une liaison. La Princesse découvre la jalousie. //
« Mme de Clèves lut cette lettre et la relut plusieurs fois, sans savoir néanmoins ce qu’elle avait lu : elle voyait seulement que M.
de Nemours ne l’aimait pas comme elle avait pensé, et qu’il en aimait d’autres qu’il trompait comme elle.
Quelle vue et quelle connaissance pour une personne de son humeur, qui avait une passion violente, qui venait d’en donner des marques à un homme qu’elle en jugeait indigne, et à un autre qu’elle maltraitait pour l’amour de lui !
Jamais affliction n’a été si piquante et si vive : il lui semblait que ce qui faisait l’aigreur de cette affliction était ce qui s’était passé dans cette journée, et que si M.de Nemours n’eût point eu lieu de croire qu’elle l’aimait, elle ne se fût pas souciée qu’il en eût aimé une autre.
Mais elle se trompait elle-même ; et ce mal, qu’elle trouvait si insupportable, était la jalousie avec toutes les horreurs dont elle peut être accompagnée.
Elle voyait par cette lettre que M.de Nemours avait une galanterie depuis longtemps.
Elle trouvait que celle qui avait écrit la lettre avait de l’esprit et du mérite : elle lui paraissait digne d’être aimée ; elle lui trouvait plus de courage qu’elle ne s’en trouvait à elle-même, et elle enviait la force qu’elle avait eue de cacher ses sentiments à M.
de Nemours.
Elle voyait, par la fin de la lettre, que cette personne se croyait aimée : elle pensait que la discrétion que ce prince lui avait fait paraître, et dont elle avait été si touchée, n’était peut-être que l’effet de la passion qu’il avait pour cette autre personne à qui il craignait de déplaire.
Enfin elle pensait tout ce qui pouvait augmenter son affliction et son désespoir.
Quels retours ne fit-elle point sur elle-même ! quelles réflexions sur les conseils que sa mère lui avait donnés !
Combien se repentit-elle de ne s’être pas opiniâtrée à se séparer du commerce du monde, malgré M.de Clèves, ou de n’avoir pas suivi la pensée qu’elle avait eue de lui avouer l’inclination qu’elle avait pour M.de Nemours !
Elle trouvait qu’elle aurait mieux fait de la découvrir à un mari dont elle connaissait la bonté, et qui aurait eu intérêt à la cacher, que de la laisser voir à un homme qui en était indigne, qui la trompait, qui la sacrifiait peut-être, et qui ne pensait à être aimé d’elle que par un sentiment d’orgueil et de vanité ; enfin elle trouva que tous les maux qui lui pouvaient arriver et toutes les extrémités où elle se pouvait porter, étaient moindres que d’avoir laissé voir à M.de Nemours qu’elle l’aimait, et de connaître qu’il en aimait une autre.
Tout ce qui la consolait était de penser au moins qu’après cette connaissance elle n’avait plus rien à craindre d’elle même, et qu’elle serait entièrement guérie de l’inclination qu’elle avait pour ce prince.»
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+++[Les Liaisons dangereuses, Choderlos de Laclos, Lettre CXXXV]
>//Valmont vient de séduire la jeune et naïve Cécile de Volanges. Dans le même temps, il entreprend de conquérir la Présidente de Tourvel, femme mariée et très vertueuse, qui finit par céder. Pour prouver à sa complice, Mme de Merteuil, qu’il n’est point amoureux de sa victime, il passe la soirée avec une jeune prostituée, Emilie. Mais, à la sortie de l’opéra, il est surpris par Mme de Tourvel. Accablée par cette trahison, elle cède à la jalousie. //
« __La Présidente de Tourvel à Madame de Rosemonde__
J’essaie de vous écrire, sans savoir encore si je le pourrai. Ah ! Dieu, quand je songe qu’à ma dernière lettre c’était l’excès de mon bonheur qui m’empêchait de la continuer ! C’est celui de mon désespoir qui m’accable à présent ; qui ne me laisse de force que pour sentir mes douleurs, et m’ôte celle de les exprimer.
Valmont… Valmont ne m’aime plus, il ne m’a jamais aimée. L’amour ne s’en va pas ainsi. Il me trompe, il me trahit, il m’outrage. Tout ce qu’on peut réunir d’infortunes, d’humiliations, je les éprouve, et c’est de lui qu’elles me viennent. Et ne croyez pas que ce soit un simple soupçon : j’étais si loin d’en avoir ! Je n’ai pas le bonheur de pouvoir douter. Je l’ai vu : que pourrait-il me dire pour se justifier ?… Mais que lui importe ! il ne le tentera seulement pas…
Malheureuse ! que lui feront tes reproches et tes larmes ? c’est bien de toi qu’il s’occupe !… Il est donc vrai qu’il m’a sacrifiée, livrée même… et à qui ?… une vile créature… Mais que dis-je ? Ah ! j’ai perdu jusqu’au droit de la mépriser. Elle a trahi moins de devoirs, elle est moins coupable que moi. Oh ! que la peine est douloureuse, quand elle s’appuie sur le remords ! Je sens mes tourments qui redoublent. Adieu, ma chère amie ; quelque indigne que je me sois rendue de votre pitié, vous en aurez cependant pour moi, si vous pouvez vous former l’idée de ce que je souffre.
Je viens de relire ma lettre, et je m’aperçois qu’elle ne peut vous instruire de rien ; je vais donc tâcher d’avoir le courage de vous raconter ce cruel évènement. C’était hier ; je devais pour la première fois depuis mon retour, souper hors de chez moi. Valmont vint me voir à cinq heures ; jamais il ne m’avait paru si tendre. Il me fit connaître que mon projet de sortir le contrariait, et vous jugez que j’eus bientôt celui de rester chez moi. Cependant, deux heures après, et tout à coup, son air et son ton changèrent sensiblement. Je ne sais s’il me sera échappé quelque chose qui aura pu lui déplaire ; quoi qu’il en soit, peu de temps après, il prétendit se rappeler une affaire qui l’obligeait de me quitter, et il s’en alla : ce ne fut pourtant pas sans m’avoir témoigné des regrets très vifs, qui me parurent tendres, et qu’alors je crus sincères.
Rendue à moi-même, je jugeai plus convenable de ne pas me dispenser de mes premiers engagements, puisque j’étais libre de les remplir. Je finis ma toilette et montai en voiture. Malheureusement mon cocher me fit passer devant l’Opéra, et je me trouvai dans l’embarras de la sortie ; j’aperçus à quatre pas devant moi, et dans la file à côté de la mienne, la voiture de Valmont. Le cœur me battit aussitôt, mais ce n’était pas de crainte ; et la seule idée qui m’occupait était le désir que ma voiture avançât. Au lieu de cela, ce fut la sienne qui fut forcée de reculer et qui se trouva à côté de la mienne. Je m’avançai sur-le-champ : quel fut mon étonnement de trouver à ses côtés une fille, bien connue pour telle ! Je me retirai, comme vous pouvez penser, et c’en était déjà bien assez pour navrer mon cœur : mais ce que vous aurez peine à croire c’est que cette même fille, apparemment instruite par une odieuse confidence, n’a pas quitté la portière de la voiture, ni cessé de me regarder, avec des éclats de rire à faire scène.
Dans l’anéantissement où j’en fus, je me laissai pourtant conduire dans la maison où je devais souper : mais il me fut impossible d’y rester ; je me sentais à chaque instant, prête à m’évanouir, et surtout je ne pouvais retenir mes larmes.
En rentrant, j’écrivis à M. de Valmont, et lui envoyai ma lettre aussitôt ; il n’était pas chez lui. Voulant à quelque prix que ce fût, sortir de cet état de mort, ou le confirmer à jamais, je renvoyai avec ordre de l’attendre : mais avant minuit mon domestique revint en me disant que le cocher, qui était de retour, lui avait dit que son maître ne rentrerait pas de la nuit. J’ai cru ce matin n’avoir plus autre chose à faire qu’à lui redemander mes lettres et le prier de ne plus revenir chez moi. J’ai en effet donné des ordres en conséquence ; mais, sans doute, ils étaient inutiles. Il est près de midi ; il ne s’est point encore présenté, et je n’ai pas même reçu un mot de lui. À présent, ma chère amie, je n’ai plus rien à ajouter : vous voilà instruite, et vous connaissez mon cœur. Mon seul espoir est de n’avoir pas longtemps encore à affliger votre sensible amitié. »
===
((La jalousie dans l’abandon(^Lorsque l’un des partenaires abandonne l’autre pour un tiers, au sentiment d’abandon se mêle celui de possessivité, et la jalousie peut conduire au meurtre.)))
+++[Andromaque, Acte IV, Scène 5, Racine]
>//Andromaque pourrait être résumée de la façon suivante : Oreste aime Hermione, qui aime Pyrrhus qui aime Andromaque qui ne l’aime pas. Hermione se montre débordante d’amour et de jalousie en faisant de violents reproches à Pyrrhus. Devant le cynisme et la muflerie de celui-ci, son désespoir d’amour se transforme en une violence absolue. //
«
''HERMIONE ''
Je ne t’ai point aimé, cruel ! Qu’ai-je donc fait ?
J’ai dédaigné pour toi les vœux de tous nos princes ;
Je t’ai cherché moi-même au fond de tes provinces ;
J’y suis encor, malgré tes infidélités,
Et malgré tous mes Grecs honteux de mes bontés.
Je leur ai commandé de cacher mon injure ;
J’attendais en secret le retour d’un parjure ;
J’ai cru que tôt ou tard, à ton devoir rendu,
Tu me rapporterais un cœur qui m’était dû.
Je t’aimais inconstant ; qu’aurais-je fait fidèle ?
Et même en ce moment où ta bouche cruelle
Vient si tranquillement m’annoncer le trépas,
Ingrat, je doute encor si je ne t’aime pas.
Mais, seigneur, s’il le faut, si le ciel en colère
Réserve à d’autres yeux la gloire de vous plaire,
Achevez votre hymen, j’y consens ; mais du moins
Ne forcez pas mes yeux d’en être les témoins.
Pour la dernière fois je vous parle peut-être.
Différez-le d’un jour, demain vous serez maître…
Vous ne répondez point ? Perfide, je le vois :
Tu comptes les moments que tu perds avec moi !
Ton cœur, impatient de revoir ta Troyenne,
Ne souffre qu’à regret qu’une autre t’entretienne.
Tu lui parles du cœur, tu la cherches des yeux.
Je ne te retiens plus, sauve-toi de ces lieux ;
Va lui jurer la foi que tu m’avais jurée ;
Va profaner des dieux la majesté sacrée :
Ces dieux, ces justes dieux n’auront pas oublié
Que les mêmes serments avec moi t’ont lié.
Porte au pied des autels ce cœur qui m’abandonne ;
Va, cours ; mais crains encor d’y trouver Hermione.
===
+++[Andromaque, Acte V, Scène 1, Racine]
>//Dans ce monologue qui traduit son conflit intérieur, Hermione exprime toute sa jalousie. Au début, elle est envahie par la passion qu’elle peine à réfréner, puis se laisse aller à la colère et à la rage.//
«
''HERMIONE''.
Où suis-je ? Qu’ai-je fait ? Que dois-je faire encore ?
Quel transport me saisit ? Quel chagrin me dévore ?
Errante et sans dessein, je cours dans ce palais.
Ah ! ne puis-je savoir si j’aime ou si je hais ?
Le cruel ! de quel œil il m’a congédiée :
Sans pitié, sans douleur au moins étudiée !
L’ai-je vu s’attendrir, se troubler un moment ?
En ai-je pu tirer un seul gémissement ?
Muet à mes soupirs, tranquille à mes alarmes,
Semblait-il seulement qu’il eût part à mes larmes ?
Et je le plains encore ! Et pour comble d’ennui,
Mon cœur, mon lâche cœur s’intéresse pour lui !
Je tremble au seul penser du coup qui le menace !
Et, prête à me venger, je lui fais déjà grâce !
Non, ne révoquons point l’arrêt de mon courroux :
Qu’il périsse ! aussi bien il ne vit pas pour nous.
Le perfide triomphe et se rit de ma rage :
Il pense voir en pleurs dissiper cet orage ;
Il croit que, toujours faible, et d’un cœur incertain,
Je parerai d’un bras les coups de l’autre main.
Il juge encor de moi par mes bontés passées.
Mais plutôt le perfide a bien d’autres pensées :
Triomphant dans le temple, il ne s’informe pas
Si l’on souhaite ailleurs sa vie ou son trépas.
Il me laisse, l’ingrat, cet embarras funeste.
Non, non, encore un coup, laissons agir Oreste.
Qu’il meure, puisque enfin il a dû le prévoir,
Et puisqu’il m’a forcée enfin à le vouloir…
À le vouloir ? Eh quoi ! c’est donc moi qui l’ordonne ?
Sa mort sera l’effet de l’amour d’Hermione ?
Ce prince, dont mon cœur se faisait autrefois
Avec tant de plaisir redire les exploits
À qui même en secret je m’étais destinée
Avant qu’on eût conclu ce fatal hyménée ;
Je n’ai donc traversé tant de mers, tant d’États,
Que pour venir si loin préparer son trépas,
L’assassiner, le perdre ? Ah ! devant qu’il expire…
===
+++[Hernani, Acte V, Scène 1, Hugo]
>//Dans Hernani, Don Gomez est le modèle du vieux mari jaloux, hérité de la tradition comique. Le soir de ses noces, il donne à Dona Sol la tirade du mari jaloux : //
« (…)
''DON RUY GOMEZ'', //se levant et allant à elle//.
Écoute, on n’est pas maître
De soi-même, amoureux comme je suis de toi,
Et vieux. On est jaloux, on est méchant ! Pourquoi ?
Parce que l’on est vieux. Parce que beauté, grâce,
Jeunesse, dans autrui, tout fait peur, tout menace.
Parce qu’on est jaloux des autres, et honteux
De soi. Dérision ! que cet amour boiteux
Qui nous remet au cœur tant d’ivresse et de flamme,
Ait oublié le corps en rajeunissant l’âme ! –
Quand passe un jeune pâtre,– oui, c’en est là ! – souvent,
Tandis que nous allons, lui chantant, moi rêvant,
Lui, dans son pré vert, moi dans mes noires allées,
Souvent je dis tout bas : Ô mes tours écroulées,
Mon vieux donjon ducal, que je vous donnerais !
Oh ! que je donnerais mes blés et mes forêts,
Et les vastes troupeaux qui tondent mes collines,
Mon vieux nom, mon vieux titre et toutes mes ruines
Et tous mes vieux aïeux qui bientôt me verront,
Pour sa chaumière neuve, et pour son jeune front !… –
Car ses cheveux sont noirs ; car son œil reluit comme
Le tien. Tu peux le voir et dire : Ce jeune homme !
Et puis, penser à moi qui suis vieux. – Je le sais ! Pourtant, j’ai nom
Silva, mais ce n’est plus assez.
Oui, je me dis cela. Vois à quel point je t’aime !
Le tout, pour être jeune et beau comme toi-même !
Mais à quoi vais-je ici rêver ? moi, jeune et beau !
Qui te dois de si loin devancer au tombeau !
''DONA SOL'' :
Qui sait ?
''DON RUY GOMEZ ''
Mais, va, crois-moi, ces cavaliers frivoles
N’ont pas d’amour si grand qu’il ne s’use en paroles.
Qu’une fille aime et croie un de ces jouvenceaux,
Elle en meurt ; il en rit. Tous ces jeunes oiseaux,
À l’aile vive et peinte, au langoureux ramage,
Ont un amour qui mue ainsi que leur plumage.
Les vieux, dont l’âge éteint la voix et les couleurs,
Ont l’aile plus fidèle, et, moins beaux, sont meilleurs.
Nous aimons bien. Nos pas sont lourds ? nos yeux arides ?
Nos fronts ridés ? au cœur on n’a jamais de rides.
Hélas ! quand un vieillard aime, il faut l’épargner ;
Le cœur est toujours jeune et peut toujours saigner.
Ah ! je t’aime en époux, en père ! et puis encore
De cent autres façons, comme on aime l’aurore,
Comme on aime les fleurs, comme on aime les cieux !
De te voir tous les jours, toi, ton pas gracieux,
Ton front pur, le beau feu de ta douce prunelle.
Je ris, et j’ai dans l’âme une fête éternelle.
''DONA SOL ''
Hélas ! (…) »
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((La jalousie d’orgueil(^L’orgueilleux veut la première place, ne se remet jamais en question. Pour s’imposer il faut dominer l’autre en le rabaissant, voire en l’écrasant. Mais, si l’autre vient à le surpasser, sa jalousie est alors sans bornes. )))
+++[Les Liaisons dangereuses, Choderlos de Laclos]
>//Aucun de deux complices ne supporte de devoir reconnaître la supériorité de l’autre dans le libertinage. En effet, le duc de Valmont est finalement pris à son propre piège et tombe réellement amoureux de Mme de Tourvel. Mme de Merteuil, poussée par une jalousie profonde, mais surtout blessée dans son amour-propre, le force à rompre cruellement avec celle-ci. Elle désapprouve cet amour contraire au principe du libertinage. //
« (..) Or est-il vrai, vicomte, que vous vous faites illusion sur le sentiment qui vous attache à Mme de Tourvel ?
C’est de l’amour, ou il n’en exista jamais : vous le niez bien de cent façons, mais vous le prouvez de mille. Qu’est-ce par exemple, que ce subterfuge dont vous vous servez vis-à-vis de vous-même (car je vous crois sincère avec moi), qui vous fait rapporter à l’envie d’observer le désir que vous ne pouvez ni cacher, ni combattre, de garder cette femme ? Ne dirait-on pas que jamais vous n’en avez rendu une autre heureuse, parfaitement heureuse ?
Ah ! si vous en doutez, vous avez bien peu de mémoire ! Mais non, ce n’est pas cela. Tout simplement votre cœur abuse votre esprit et le fait se payer de mauvaises raisons ; mais moi, qui ai un grand intérêt à ne pas m’y tromper, je ne suis pas si facile à contenter.
C’est ainsi qu’en remarquant votre politesse, qui vous a fait supprimer soigneusement tous les mots que vous vous êtes imaginé m’avoir déplu, j’ai vu cependant que peut-être sans vous en apercevoir, vous n’en conserviez pas moins les mêmes idées. En effet, ce n’est plus l’adorable, la céleste Mme de Tourvel, mais c’est une femme étonnante, une femme délicate et sensible, et cela à l’exclusion de toutes les autres ; une femme rare enfin et telle qu’on n’en rencontrerait pas une seconde. Il en est de même de ce charme inconnu qui n’est pas le plus fort. Eh bien ! soit : mais puisque vous ne l’aviez jamais trouvé jusque-là, il est bien à croire que vous ne la trouveriez pas davantage à l’avenir, et la perte que vous feriez n’en serait pas moins irréparable. Ou ce sont là, vicomte, des symptômes assurés d’amour, ou il faut renoncer à en trouver aucun.
Soyez assuré que pour cette fois, je vous parle sans humeur. Je me suis promis de n’en plus prendre ; j’ai trop bien reconnu qu’elle pouvait revenir un piège dangereux. Croyez-moi, ne soyons qu’amis et restons-en là. Sachez-moi gré seulement de mon courage à me défendre ; oui, de mon courage, car il en faut quelquefois, même pour ne pas prendre un parti qu’on sent être mauvais.
Ce n’est donc plus que pour vous ramener à mon avis par persuasion que je vais répondre à la demande que vous me faites sur les sacrifices que j’exigerais et que vous ne pourriez pas faire. Je me sers à dessein de ce mot exiger, parce que je suis bien sûre que, dans un moment, vous m’allez en effet trouver trop exigeante : mais tant mieux ! Loin de me fâcher de vos refus, je vous en remercierai. Tenez, ce n’est pas avec vous que je veux dissimuler, j’en ai peut-être besoin.
J’exigerais donc, voyez la cruauté ! que cette rare, cette étonnante Mme de Tourvel ne fût plus pour vous qu’une femme ordinaire, une femme telle qu’elle est seulement : car il ne faut pas s’y tromper, ce charme qu’on croit trouver chez les autres, c’est en nous qu’il existe, et c’est l’amour seul qui embellit tant l’objet aimé. Ce que je vous demande là, tout impossible que cela soit, vous feriez peut-être bien l’effort de me le promettre, de me le jurer même ; mais, je l’avoue, je n’en croirais pas de vains discours. Je ne pourrais être persuadée que par l’ensemble de votre conduite. (…) »
===
((La jalousie provoquée(^Parfois, l’un membre du couple essaie de rendre son partenaire jaloux, pour rallumer sa flamme, ou pour se venger de ses soupçons. Il entretient des ambiguïtés sur ses sentiments en faisant croire qu’il aime ailleurs. )))
+++[Le Misanthrope ou l’atrabilaire amoureux, Molière, Acte IV, Scène 3]
>//Alceste vient de découvrir l’infidélité de Célimène dans la lettre que lui a remise Arsinoé. Il jure de se venger. Mais, Célimène joue le dédain et refuse le dialogue. Elle le laisse se débattre et lui fait exprès mal en le laissant croire que ce billet est pour Oronte. Elle cherche à enrager Alceste trop jaloux à son goût. //
« (…)
''CÉLIMÈNE '':
De quelle trahison pouvez-vous donc vous plaindre ?
''ALCESTE''
Ah ! que ce cœur est double, et sait bien l’art de feindre !
Mais, pour le mettre à bout, j’ai des moyens tout prêts.
Jetez ici les yeux, et connaissez vos traits ;
Ce billet découvert suffit pour vous confondre,
Et, contre ce témoin, on n’a rien à répondre.
''CÉLIMÈNE'' :
Voilà donc le sujet qui vous trouble l’esprit ?
''ALCESTE'' :
Vous ne rougissez pas en voyant, cet écrit !
''CÉLIMÈNE'' :
Et par quelle raison faut-il que j’en rougisse ?
''ALCESTE''
Quoi ! vous joignez ici l’audace à l’artifice !
Le désavouerez-vous, pour n’avoir point de seing ?
''CÉLIMÈNE'' :
Pourquoi désavouer un billet de ma main ?
''ALCESTE''
Et vous pouvez le voir, sans demeurer confuse
Du crime dont vers moi son style vous accuse !
''CÉLIMÈNE'' :
Vous êtes, sans mentir, un grand extravagant.
''ALCESTE''
Quoi ! vous bravez ainsi ce témoin convaincant !
Et ce qu’il m’a fait voir de douceur pour Oronte,
N’a donc rien qui m’outrage, et qui vous fasse honte ?
(…) CÉLIMÈNE
Non, il est pour Oronte ; et je veux qu’on le croie
Je reçois tous ses soins avec beaucoup de joie,
J’admire ce qu’il dit, j’estime ce qu’il est,
Et je tombe d’accord de tout ce qu’il vous plaît.
Faites, prenez parti, que rien ne vous arrête,
Et ne me rompez pas davantage la tête.
''ALCESTE'', //à part//.
Ciel ! rien de plus cruel peut-il être inventé,
Et jamais cœur fut-il de la sorte traité !
Quoi ! d’un juste courroux je suis ému contre elle,
C’est moi qui me viens plaindre, et c’est moi qu’on querelle !
On pousse ma douleur et mes soupçons à bout,
On me laisse tout croire, on fait gloire de tout ;
Et cependant mon cœur est encore assez lâche
Pour ne pouvoir briser la chaîne qui l’attache,
Et pour ne pas s’armer d’un généreux mépris
Contre l’objet ingrat dont il est trop épris !
//À Célimène. //
Ah ! que vous savez bien ici, contre moi-même,
Perfide, vous servir de ma faiblesse extrême,
Et ménager pour vous l’excès prodigieux
De ce fatal amour né de vos traîtres yeux !
Défendez-vous au moins d’un crime qui m’accable,
Et cessez d’affecter d’être envers moi coupable.
Rendez-moi, s’il se peut, ce billet innocent ;
À vous prêter les mains ma tendresse consent.
Efforcez-vous ici de paraître fidèle,
Et je m’efforcerai, moi, de vous croire telle.
''CÉLIMÈNE''
Allez, vous êtes fou dans vos transports jaloux,
Et ne méritez pas l’amour qu’on a pour vous.
Je voudrais bien-savoir qui pourrait me contraindre
À descendre pour vous aux bassesses de feindre ;
Et pourquoi, si mon cœur penchait d’autre côté,
Je ne le dirais pas avec sincérité.
Quoi ! de mes sentiments l’obligeante assurance,
Contre tous vos soupçons ne prend pas ma défense ?
Auprès d’un tel garant, sont-ils de quelque poids ?
N’est-ce pas m’outrager que d’écouter leur voix ?
Et, puisque notre cœur fait un effort extrême,
Lorsqu’il peut se résoudre à confesser qu’il aime ;
Puisque l’honneur du sexe, ennemi de nos feux,
S’oppose fortement à de pareils aveux ;
L’amant qui voit pour lui franchir un tel obstacle,
Doit-il impunément douter de cet oracle ?
Et n’est-il pas coupable, en ne s’assurant pas
À ce qu’on ne dit point qu’après de grands combats ?
Allez, de tels soupçons méritent ma colère,
Et vous ne valez pas que l’on vous considère.
Je suis sotte, et veux mal à ma simplicité
De conserver encore pour vous quelque bonté ;
Je devrais autre part attacher mon estime,
Et vous faire un sujet de plainte légitime.
''ALCESTE''
Ah ! traîtresse ! mon faible est étrange pour vous ;
Vous me trompez, sans doute, avec des mots si doux ;
Mais il n’importe, il faut suivre ma destinée :
À votre foi mon âme est tout abandonnée ;
Je veux voir jusqu’au bout quel sera votre cœur,
Et si de me trahir il aura la noirceur.(…) »
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((La jalousie dépassée(^La jalousie peut être dépassée : ou bien elle s’évanouit d’elle-même :
*Un amour de Swann,
*Les Confessions ;
ou bien elle est surmontée par une volonté de puissance qui s’exerce sur soi :
*L’Illusion comique.
)))
+++[Un amour de Swann, in « Du côté de chez Swann », Proust]
>//La jalousie de Swann a fini par s’épuiser faute d’aliments. Swann a fini par épouser Odette. //
« Jadis ayant souvent pensé avec terreur qu’un jour il cesserait d’être épris d’Odette, il s’était promis d’être vigilant, et dès qu’il sentirait que son amour commencerait à le quitter, de s’accrocher à lui, de le retenir.
Mais voici qu’à l’affaiblissement de son amour correspondait simultanément un affaiblissement du désir de rester amoureux.
Car on ne peut pas changer, c’est-à-dire devenir une autre personne, tout en continuant à obéir aux sentiments de celle qu’on n’est plus.
Parfois le nom aperçu dans un journal, d’un des hommes qu’il supposait avoir pu être les amants d’Odette, lui redonnait de la jalousie.
Mais elle était bien légère et comme elle lui prouvait qu’il n’était pas encore complètement sorti de ce temps où il avait tant souffert – mais aussi où il avait connu une manière de sentir si voluptueuse, – et que les hasards de la route lui permettraient peut-être d’en apercevoir encore furtivement et de loin les beautés, cette jalousie lui procurait plutôt une excitation agréable (…) Même, comme ce voyageur s’il se réveille seulement en France, quand Swann ramassa par hasard près de lui la preuve que Forcheville avait été l’amant d’Odette, il s’aperçut qu’il n’en ressentait aucune douleur, que l’amour était loin maintenant et regretta de n’avoir pas été averti du moment où il le quittait pour toujours.
Et de même qu’avant d’embrasser Odette pour la première fois il avait recherché à imprimer dans sa mémoire le visage qu’elle avait eu si longtemps pour lui et qu’allait transformer le souvenir de ce baiser, de même il eût voulu, en pensée au moins, avoir pu faire ses adieux, pendant qu’elle existait encore, à cette Odette lui inspirant de l’amour, de la jalousie, à cette Odette lui causant des souffrances et que maintenant il ne reverrait jamais.
Il se trompait.
Il devait la revoir une fois encore, quelques semaines plus tard.
Ce fut en dormant, dans le crépuscule d’un rêve.
(…) Et avec cette muflerie intermittente qui reparaissait chez lui dès qu’il n’était plus malheureux et que baissait du même coup le niveau de sa moralité, il s’écria en lui-même : « Dire que j’ai gâché des années de ma vie, que j’ai voulu mourir, que j’ai eu mon plus grand amour, pour une femme qui ne me plaisait pas, qui n’était pas mon genre ! »
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+++[Les Confessions, Rousseau]
>//Rousseau fut, pendant quatre ans, l’amant de Mme de Warens, qu’il appelait « Maman », bien qu’elle soit déjà la maîtresse de son valet de chambre, avec lequel il s’entendait très bien. Mais, pendant un séjour à Montpellier, il a une aventure avec Mme de Larnage. Alors qu’il rentre auprès de Mme de Warens, dans l’état d’esprit du coupable pénitent, renversement de la situation, il se retrouve le trompé. Wintzenreid est son nouveau rival. Un lent processus de séparation se met en place. //
« Je monte, je la vois enfin, cette chère Maman, si tendrement, si vivement, si purement aimée ; j’accours, je m’élance à ses pieds.
« Ah ! te voilà, petit, me dit-elle en m’embrassant ; as-tu fait bon voyage ? comment te portes-tu ? »
Cet accueil m’interdit un peu. Je lui demandai si elle n’avait pas reçu ma lettre. Elle me dit que oui.
« J’aurais cru que non », lui dis-je, et l’éclaircissement finit là. Un jeune homme était avec elle. Je le connaissais pour l’avoir vu déjà dans la maison avant mon départ ; mais cette fois il y paraissait établi ; il l’était. Bref, je trouvai ma place prise.
Ce jeune homme était du pays de Vaud ; son père, appelé Vintzenried, était concierge ou soi-disant capitaine du château de Chillon. (…) On a dû connaître mon cœur, ses sentiments plus constants, les plus vrais, ceux qui me ramenaient en ce moment auprès d’elle. Quel prompt et plein bouleversement dans tout mon être !
Qu’on se mette à ma place pour en juger. En un moment je vis évanouir pour jamais tout l’avenir de félicité que je m’étais peint. Toutes les douces idées que je caressais si affectueusement disparurent, et moi, qui depuis mon enfance ne savais voir mon existence qu’avec la sienne, je me vis seul pour la première fois.
(…) J’étais si bête et ma confiance était si pleine, que malgré le ton familier du nouveau venu, que je regardais comme un effet de cette facilité d’humeur de Maman qui rapprochait tout le monde d’elle, je ne me serais pas avisé d’en soupçonner la véritable cause si elle ne me l’eût dit elle-même ; mais elle se pressa de me faire cet aveu avec une franchise capable d’ajouter à ma rage, si mon cœur eût pu se tourner de ce côté-là ; trouvant quant à elle la chose toute simple, me reprochant ma négligence dans la maison, et m’alléguant mes fréquentes absences, comme si elle eût été d’un tempérament fort pressé d’en remplir les vides.
« Ah ! Maman, lui dis-je, le cœur serré de douleur, qu’osez-vous m’apprendre ! Quel prix d’un attachement pareil au mien ! Ne m’avez-vous tant de fois conservé la vie que pour m’ôter tout ce qui me la rendait chère ? J’en mourrai, mais vous me regretterez. »
Elle me répondit d’un ton tranquille à me rendre fou, que j’étais un enfant, qu’on ne mourait point de ces choses-là ; que je ne perdrais rien ; que nous n’en serions pas moins bons amis, pas moins intimes dans tous les sens ; que son tendre attachement pour moi ne pouvait ni diminuer ni finir qu’avec elle. Elle me fit entendre, en un mot, que tous mes droits demeuraient les mêmes, et qu’en les partageant avec un autre, je n’en étais pas privé pour cela.
Jamais la pureté, la vérité, la force de mes sentiments pour elle, jamais la sincérité, l’honnêteté de mon âme ne se firent mieux sentir à moi que dans ce moment. Je me précipitai à ses pieds, j’embrassai ses genoux en versant des torrents de larmes.
« Non, Maman, lui dis-je avec transport, je vous aime trop pour vous avilir ; votre possession m’est trop chère pour la partager ; les regrets qui l’accompagnèrent quand je l’acquis se sont accrus avec mon amour ; non, je ne la puis conserver au même prix. Vous aurez toujours mes adorations, soyez-en toujours digne : il m’est plus nécessaire encore de vous honorer que de vous posséder. C’est à vous, ô Maman ! que je vous cède ; c’est à l’union de nos cœurs que je sacrifie tous mes plaisirs. Puissé-je périr mille fois avant d’en goûter qui dégradent ce que j’aime ! »
(…) Le premier fruit de cette disposition si désintéressée fut d’écarter de mon cœur tout sentiment de haine et d’envie contre celui qui m’avait supplanté. Je voulus, au contraire, et je voulus sincèrement m’attacher à ce jeune homme, le former, travailler à son éducation, lui faire sentir son bonheur, l’en rendre digne, s’il était possible, et faire en un mot pour lui tout ce qu’Anet avait fait pour moi dans une occasion pareille. Mais la parité manquait entre les personnes. (…) Enfin, tant fit l’illustre personnage qu’il fut tout dans la mais crainte de l’exposer à ses brutalités me rendait docile à tout ce qu’il désirait, et chaque fois qu’il fendait du bois, emploi qu’il remplissait avec une fierté sans égale, il fallait que je fusse là spectateur oisif et tranquille admirateur de sa prouesse. (…) À la possession d’une femme pleine de charmes, il ajouta le ragoût d’une femme de chambre vieille, rousse, édentée, dont Maman avait la patience d’endurer le dégoûtant service, quoiqu’elle lui fît mal au cœur. Je m’aperçus de ce nouveau ménage, et j’en fus outré d’indignation : mais je m’aperçus d’une autre chose qui m’affecta bien plus vivement encore, et qui me jeta dans un plus profond découragement que tout ce qui s’était passé jusqu’alors ; ce fut le refroidissement de Maman envers moi.
La privation que je m’étais imposée et qu’elle avait fait semblant d’approuver est une de ces choses que les femmes ne pardonnent point, quelque mine qu’elles fassent, moins par la privation qui en résulte pour elles-mêmes, que par l’indifférence qu’elles y voient pour leur possession. (…) Dès lors je cessai de trouver en elle cette intimité des cœurs qui fit toujours la plus douce jouissance du mien. Elle ne s’épanchait plus avec moi que quand elle avait à se plaindre du nouveau venu ; quand ils étaient bien ensemble, j’entrais peu dans ses confidences. Enfin elle prenait peu à peu une manière d’être dont je ne faisais plus partie. (…) Cette vie me devint bientôt tout à fait insupportable. Je sentis que la présence personnelle et l’éloignement de cœur d’une femme qui m’était si chère irritaient ma douleur, et qu’en cessant de la voir je m’en sentirais moins cruellement séparé. Je formai le projet de quitter sa maison ; je le lui dis, et, loin de s’y opposer, elle le favorisa. »
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+++[L’Illusion comique, Acte III, Scène 6]
>//Dans cette pièce, l’intrigue est faite de rebondissements successifs : jalousie, emprisonnement et évasion. Isabelle, fille de Géronte, est aimée de Clindor. Mais, sa servante, Lyse, est secrètement amoureuse de celui-ci, qu’elle croit être un simple valet. Clindor lui a révélé que, bien qu’engagé auprès d’Isabelle, il n’était pas indifférent à ses charmes et qu’il s’accommoderait bien simultanément d’une épouse et d’une maîtresse, la seconde n’étant pas la plus à plaindre.<br>Dans un long monologue, Lyse laisse éclater sa colère et sa jalousie. Pour elle, Clindor est un ingrat, car l’amour qu’elle éprouve pour lui est disproportionné, au regard de ce qu’il lui offre. //
« (…)
''LYSE ''
L’ingrat ! Il trouve enfin mon visage charmant,
Et pour se divertir il contrefait l’amant !
Qui néglige mes feux m’aime par raillerie,
Me prend pour le jouet de sa galanterie,
Et par un libre aveu de me voler sa foi,
Me jure qu’il m’adore, et ne veut point de moi.
Aime en tous lieux, perfide, et partage ton âme ;
Choisis qui tu voudras pour maîtresse ou pour femme ;
Donne à tes intérêts à ménager tes vœux ;
Mais ne crois plus tromper aucune de nous deux.
Isabelle vaut mieux qu’un amour politique,
Et je vaux mieux qu’un cœur où cet amour s’applique.
J’ai raillé comme toi, mais c’était seulement
Pour ne t’avertir pas de mon ressentiment.
Qu’eût produit son éclat, que de la défiance ?
Qui cache sa colère assure sa vengeance ;
Et ma feinte douceur prépare beaucoup mieux
Ce piège où tu vas choir, et bientôt, à mes yeux.
Toutefois qu’as-tu fait qui te rende coupable ?
Pour chercher sa fortune est-on si punissable ?
Tu m’aimes, mais le bien te fait être inconstant :
Au siècle où nous vivons, qui n’en ferait autant ?
Oublions des mépris où par force il s’excite,
Et laissons-le jouir du bonheur qu’il mérite.
S’il m’aime, il se punit en m’osant dédaigner,
Et si je l’aime encor, je le dois épargner.
Dieux ! à quoi me réduit ma folle inquiétude,
De vouloir faire grâce à tant d’ingratitude ?
Digne soif de vengeance, à quoi m’exposez-vous,
De laisser affaiblir un si juste courroux ?
Il m’aime, et de mes yeux je m’en vois méprisée !
Je l’aime, et ne lui sers que d’objet de risée !
Silence, amour, silence : il est temps de punir ;
J’en ai donné ma foi : laisse-moi la tenir.
Puisque ton faux espoir ne fait qu’aigrir ma peine,
Fais céder tes douceurs à celles de la haine :
Il est temps qu’en mon cœur elle règne à son tour,
Et l’amour outragé ne doit plus être amour. (…) »
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+++[L’Illusion comique, Acte IV, Scène 2]
>//Lyse laisse exprimer sa jalousie en différant sans cesse le dénouement heureux. Avec une sorte de sadisme elle prolonge le désarroi et les souffrances d’Isabelle.//
« (…)
''ISABELLE''
Quand on n’a plus d’espoir, Lyse, on n’a plus de crainte.
Je trouve des douceurs à faire ici ma plainte :
Ici je vis Clindor pour la dernière fois ;
Ce lieu me redit mieux les accents de sa voix,
Et remet plus avant en mon âme éperdue
L’aimable souvenir d’une si chère vue.
''LYSE''
Que vous prenez de peine à grossir vos ennuis !
''ISABELLE''
Que veux-tu que je fasse en l’état où je suis ?
''LYSE ''
De deux amants parfaits dont vous étiez servie,
L’un doit mourir demain, l’autre est déjà sans vie :
Sans perdre plus de temps à soupirer pour eux,
Il en faut trouver un qui les vaille tous deux.
''ISABELLE''
De quel front oses-tu me tenir ces paroles ?
''LYSE''
Quel fruit espérez-vous de vos douleurs frivoles ?
Pensez-vous, pour pleurer et ternir vos appas,
Rappeler votre amant des portes du trépas ?
Songez plutôt à faire une illustre conquête ;
Je sais pour vos liens une âme toute prête,
Un homme incomparable.
''ISABELLE''
Ôte-toi de mes yeux.
''LYSE''
Le meilleur jugement ne choisirait pas mieux.
''ISABELLE''
Pour croître mes douleurs faut-il que je te voie ?
''LYSE''
Et faut-il qu’à vos yeux je déguise ma joie ?
''ISABELLE''
D’où te vient cette joie ainsi hors de saison ?
''LYSE''
Quand je vous l’aurai dit, jugez si j’ai raison.
''ISABELLE''
Ah ! Ne me conte rien.
''LYSE''
Mais l’affaire vous touche.
''ISABELLE''
Parle-moi de Clindor, ou n’ouvre point la bouche.
''LYSE ''
Ma belle humeur, qui rit au milieu des malheurs,
Fait plus en un moment qu’un siècle de vos pleurs :
Elle a sauvé Clindor.
''ISABELLE''
Sauvé Clindor ?
''LYSE ''
Lui-même :
Jugez après cela comme quoi je vous aime.
''ISABELLE''
Eh ! De grâce, où faut-il que je l’aille trouver ?
''LYSE''
Je n’ai que commencé : c’est à vous d’achever.
''ISABELLE'' Ah ! Lyse !
''LYSE''
Tout de bon, seriez-vous pour le suivre ?
''ISABELLE ''
Si je suivrais celui sans qui je ne puis vivre ?
Lyse, si ton esprit ne le tire des fers,
Je l’accompagnerai jusque dans les enfers.
Va, ne demande plus si je suivrais sa fuite.
''LYSE ''
Puisqu’à ce beau dessein l’amour vous a réduite,
Écoutez où j’en suis, et secondez mes coups :
Si votre amant n’échappe, il ne tiendra qu’à vous.
La prison est tout proche.
''ISABELLE'' Eh bien ?
(…)
''ISABELLE''
Que tu me rends heureuse !
''LYSE ''
Ajoutez-y, de grâce,
Qu’accepter un mari pour qui je suis de glace,
C’est me sacrifier à vos contentements (…) »
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((La jalousie fraternelle(^Il existe dans la littérature, de nombreux exemples de jalousie entre frères et sœurs qui ont évolué en haine. )))
+++[Pierre et Jean, Maupassant]
>//La jalousie de Pierre va être le moteur du roman. Celle-ci n’est plus une donnée psychologique, mais devient, par la personnification, une puissance sournoise et maléfique qui se développe à l’intérieur de Pierre à son insu. //
« À la sortie du collège, l’aîné, Pierre, de cinq ans plus âgé que Jean, s’étant senti successivement de la vocation pour des professions variées, en avait essayé, l’une après l’autre, une demi-douzaine, et, vite dégoûté de chacune, se lançait aussitôt dans de nouvelles espérances.
En dernier lieu la médecine l’avait tenté, et il s’était mis au travail avec tant d’ardeur qu’il venait d’être reçu docteur après d’assez courtes études et es dispenses de temps obtenues du ministre. Il était exalté, intelligent, changeant et tenace, plein d’utopies, et d’idées philosophiques.
Jean, aussi blond que son frère était noir, aussi calme que son frère était emporté, aussi doux que son frère était rancunier, avait fait tranquillement son droit et venait d’obtenir son diplôme de licencié en même temps que Pierre obtenait celui de docteur.
Tous les deux prenaient donc un peu de repos dans leur famille, et tous les deux formaient le projet de s’établir au Havre s’ils parvenaient à le faire dans des conditions satisfaisantes.
Mais une vague jalousie, une de ces jalousies dormantes qui grandissent presque invisibles entre frères ou entre sœurs jusqu’à la maturité et qui éclatent à l’occasion d’un mariage ou d’un bonheur tombant sur l’un, les tenait en éveil dans une fraternelle et inoffensive inimitié. Certes ils s’aimaient, mais ils s’épiaient. Pierre, âgé de cinq ans à la naissance de Jean, avait regardé avec une hostilité de petite bête gâtée cette autre petite bête apparue tout à coup dans les bras de son père et de sa mère, et tant aimée, tant caressée par eux. Jean, dès son enfance, avait été un modèle de douceur, de bonté et de caractère égal ; et Pierre s’était énervé, peu à peu, à entendre vanter sans cesse ce gros garçon dont la douceur lui semblait être de la mollesse, la bonté de la niaiserie et la bienveillance de l’aveuglement. Ses parents, gens placides, qui rêvaient pour leurs fils des situations honorables et médiocres, lui reprochaient ses indécisions, ses enthousiasmes, ses tentatives avortées, tous ses élans impuissants vers des idées généreuses et vers des professions décoratives.
Depuis qu’il était homme, on ne lui disait plus : « Regarde Jean et imite le ! » mais chaque fois qu’il entendait répéter : « Jean a fait ceci, Jean a fait cela », il comprenait bien le sens et l’allusion cachés sous ces paroles. Leur mère, une femme d’ordre, une économe bourgeoise un peu sentimentale, douée d’une âme tendre de caissière, apaisait sans cesse les petites rivalités nées chaque jour entre ses deux grands fils, de tous les menus faits de la vie commune. »
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+++[Pierre et Jean, Maupassant]
>//Léon Maréchal, un ami de la famille a fait de Jean son seul héritier. Pierre ressent alors un irrépressible sentiment de jalousie :
« En arrivant sur le grand quai, il hésita encore une fois, puis tourna vers la jetée ; il avait choisi la solitude. Comme il frôlait un banc sur le brise-lames, il s’assit, déjà las de marcher et dégoûté de sa promenade avant même de l’avoir faite. //
«Il se demanda : « Qu’ai-je donc ce soir ? » Et il se mit à chercher dans son souvenir quelle contrariété avait pu l’atteindre, comme on interroge un malade pour trouver la cause de sa fièvre. Il avait l’esprit excitable et réfléchi en même temps, il s’emballait, puis raisonnait, approuvait ou blâmait ses élans ; mais chez lui la nature première demeurait en dernier lieu la plus forte, et l’homme sensitif dominait toujours l’homme intelligent.
Donc il cherchait d’où lui venait cet énervement, ce besoin de mouvement sans avoir envie de rien, ce désir de rencontrer quelqu’un pour n’être pas du même avis, et aussi ce dégoût pour les gens qu’il pourrait voir et pour les choses qu’ils pourraient lui dire.
Et il se posa cette question : « Serait-ce l’héritage de Jean ? » Oui, c’était possible après tout. Quand le notaire avait annoncé cette nouvelle, il avait senti son cœur battre un peu plus fort. Certes, on n’est pas toujours maître de soi, et on subit des émotions spontanées et persistantes, contre lesquelles on lutte en vain. Il se mit à réfléchir profondément à ce problème physiologique de l’impression produite par un fait sur l’être instinctif et créant en lui un courant d’idées et de sensations douloureuses ou joyeuses, contraires à celles que désire, qu’appelle, que juge bonnes et saines l’être pensant, devenu supérieur à lui-même par la culture de son intelligence.
Il cherchait à concevoir l’état d’âme du fils qui hérite d’une grosse fortune, qui va goûter, grâce à elle, beaucoup de joies désirées depuis longtemps et interdites par l’avarice d’un père, aimé pourtant et regretté. Il se leva et se remit à marcher vers le bout de la jetée. Il se sentait mieux, content d’avoir compris, de s’être surpris lui-même, d’avoir dévoilé l’autre qui est en nous.
« Donc j’ai été jaloux de Jean, pensait-il. C’était vraiment assez bas, cela ! J’en suis sûr maintenant, car la première idée qui m’est venue est celle de son mariage avec Mme Rosémilly. Je n’aime pourtant pas cette petite dinde raisonnable, bien faite pour dégoûter du bon sens et de la sagesse. C’est donc de la jalousie gratuite, l’essence même de la jalousie, celle qui est parce qu’elle est ! Faut soigner cela ! »
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+++[Les Femmes savantes, Acte I, Scène 1, Molière]
>//Dans Les Femmes savantes, la jalousie fraternelle s’est transformée à l’âge adulte en jalousie amoureuse. //
«
''ARMANDE''
Quoi ! le beau nom de fille est un titre, ma sœur,
Dont vous voulez quitter la charmante douceur,
Et de vous marier vous osez faire fête ?
Ce vulgaire dessein vous peut monter en tête ?
HENRIETTE
Oui, ma sœur.
ARMANDE
Ah ! ce « oui » se peut-il supporter,
Et, sans un mal de cœur, saurait-on l’écouter ?
''HENRIETTE''
Qu’a donc le mariage en soi qui vous oblige, Ma sœur ?…
ARMANDE
Ah, mon Dieu ! fi !
''HENRIETTE''
Comment ?
ARMANDE
Ah, fi ! vous dis-je.
''HENRIETTE''
Et qu’est-ce qu’à mon âge on a de mieux à faire
Que d’attacher à soi, par le titre d’époux,
Un homme qui vous aime et soit aimé de vous ;
Et de cette union, de tendresse suivie,
Se faire les douceurs d’une innocente vie ?
Ce nœud, bien assorti, n’a-t-il pas des appas ?
(…)
ARMANDE
Je vois que votre esprit ne peut être guéri
Du fol entêtement de vous faire un mari ;
Mais sachons, s’il vous plaît, qui vous songez à prendre ;
Votre visée au moins n’est pas mise à Clitandre ?
''HENRIETTE''
Et par quelle raison n’y serait-elle pas ?
Manque-t-il de mérite ? est-ce un choix qui soit bas ?
''ARMANDE''
Non ; mais c’est un dessein qui serait malhonnête,
Que de vouloir d’un autre enlever la conquête ;
Et ce n’est pas un fait dans le monde ignoré
Que Clitandre ait pour moi hautement soupiré.
''HENRIETTE''
Oui ; mais tous ces soupirs chez vous sont choses vaines,
Et vous ne tombez point aux bassesses humaines ;
Votre esprit à l’hymen renonce pour toujours,
Et la philosophie a toutes vos amours :
Ainsi, n’ayant au cœur nul dessein pour Clitandre,
Que vous importe-t-il qu’on y puisse prétendre ?
''ARMANDE''
Cet empire que tient la raison sur les sens
Ne fait pas renoncer aux douceurs des encens,
Et l’on peut pour époux refuser un mérite
Que pour adorateur on veut bien à sa suite.
''HENRIETTE''
Je n’ai pas empêché qu’à vos perfections
Il n’ait continué ses adorations ;
Et je n’ai fait que prendre, au refus de votre âme,
Ce qu’est venu m’offrir l’hommage de sa flamme.
''ARMANDE''
Mais à l’offre des vœux d’un amant dépité
Trouvez-vous, je vous prie, entière sûreté ?
Croyez-vous pour vos yeux sa passion bien forte,
Et qu’en son cœur pour moi toute flamme soit morte ?
''HENRIETTE''
Il me le dit, ma sœur, et, pour moi, je le crois.
''ARMANDE''
Ne soyez pas, ma sœur, d’une si bonne foi,
Et croyez, quand il dit qu’il me quitte et vous aime,
Qu’il n’y songe pas bien et se trompe lui-même.
''HENRIETTE''
Je ne sais ; mais enfin, si c’est votre plaisir,
Il nous est bien aisé de nous en éclaircir :
Je l’aperçois qui vient, et sur cette matière
Il pourra nous donner une pleine lumière.(…)
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+++[La Petite Fadette, George Sand - Souffrance d'être moins aimé]
>//La Petite Fadette est un roman de la jalousie. Landry et Sylvinet sont deux jumeaux inséparables jusqu’au jour où Landry, envoyé travailler dans la ferme de la Priche, y prend plaisir tant à travailler qu’à rencontrer d’autres personnes. Sylvinet se rend malade de jalousie et ne parvient pas à s’épanouir hors de sa gémellité. //
« Le père Barbeau se rendait et reconnaissait que plus Sylvinet voyait son besson, tant plus il avait envie de le voir. Et il se promettait, à la prochaine Saint-Jean, d’essayer de le louer, afin que voyant de moins en moins Landry, il prît finalement le pli de vivre comme les autres et de ne pas se laisser surmonter par une amitié qui tournait en fièvre et en langueur.
Mais il ne fallait point encore parler de cela à la mère Barbeau ; car, au premier mot, elle versait toutes les larmes de son corps. Elle disait que Sylvinet était capable de se périr, et le père Barbeau était grandement embarrassé.
Landry, étant conseillé par son père et par son maître, et aussi par sa mère, ne manquait point de raisonner son pauvre besson ; mais Sylvinet ne se défendait point, promettait tout, et ne se pouvait vaincre. Il y avait dans sa peine quelque autre chose qu’il ne disait point, parce qu’il n’eût su comment le dire : c’est qu’il lui était poussé dans le fin fond du cœur une jalousie terrible à l’endroit de Landry. Il était content, plus content que jamais il ne l’avait été, de voir qu’un chacun le tenait en estime et que ses nouveaux maîtres le traitaient aussi amiteusement que s’il avait été l’enfant de la maison. Mais si cela le réjouissait d’un côté, de l’autre il s’affligeait et s’offensait de voir Landry répondre trop, selon lui, à ces nouvelles amitiés. Il ne pouvait souffrir que, sur un mot du père Caillaud, tant doucement et patiemment qu’il fût appelé, il courût vitement au-devant de son vouloir, laissant là père, mère et frère, plus inquiet de manquer à son devoir qu’à son amitié, et plus prompt à l’obéissance que Sylvinet ne s’en serait senti capable quand il s’agissait de rester quelques moments de plus avec l’objet d’un amour si fidèle.
Alors le pauvre enfant se mettait en l’esprit un souci que, devant, il n’avait eu, à savoir qu’il était le seul à aimer, et que son amitié lui était mal rendue ; que cela avait dû exister de tout temps sans être venu d’abord à sa connaissance ; ou bien que, depuis un temps, l’amour de son besson s’était refroidi, parce qu’il avait rencontré par ailleurs des personnes qui lui convenaient mieux et lui agréaient davantage.
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+++[La Petite Fadette, George Sand - Jaloux du bonheur de son frère]
>//Sylvinet ne conçoit pas que son frère puisse se faire de nouveaux amis, apprécie d’autres personnes, tombe amoureux. Il est tour à tour jaloux des bœufs de la Priche, de Madelon, de Fadette, de Jeanet et de Cadet Caillaud. //
« Enfin Landry avait appris à danser à la Priche, et quoique ce goût lui fût venu tard, à cause que Sylvinet ne l’avait jamais eu, il dansait déjà aussi bien que ceux qui s’y prennent dès qu’ils savent marcher. Il était estimé bon danseur de bourrée à la Priche, et quoiqu’il n’eût pas encore de plaisir à embrasser les filles, comme c’est la coutume de le faire à chaque danse, il était content de les embrasser, parce que cela le sortait, par apparence, de l’état d’enfant ; et il eût même souhaité qu’elles y fissent un peu de façon comme elles font avec les hommes.
Mais elles n’en faisaient point encore, et mêmement les plus grandes le prenaient par le cou en riant, ce qui l’ennuyait un peu.Sylvinet l’avait vu danser une fois, et cela avait été cause d’un de ses plus grands dépits. Il avait été si en colère de le voir embrasser une des filles du père Caillaud, qu’il avait pleuré de jalousie et trouvé la chose tout à fait indécente et mal chrétienne.
Ainsi donc, chaque fois que Landry sacrifiait son amusement à l’amitié de son frère, il ne passait pas un dimanche bien divertissant, et pourtant il n’y avait jamais manqué, estimant que Sylvinet lui en saurait gré, et ne regrettant pas un peu d’ennui dans l’idée de donner du contentement à son frère.
Aussi quand il vit que son frère, qui lui avait cherché castille dans la semaine, avait quitté la maison pour ne pas se réconcilier avec lui, il prit à son tour du chagrin, et, pour la première fois depuis qu’il avait quitté sa famille, il pleura à grosses larmes et alla se cacher, ayant toujours honte de montrer son chagrin à ses parents, et craignant d’augmenter celui qu’ils pouvaient avoir.
Si quelqu’un eût dû être jaloux. Landry y aurait eu pourtant plus de droits que Sylvinet. Sylvinet était le mieux aimé de la mère, et mêmement le père Barbeau, quoiqu’il eût une préférence secrète pour Landry, montrait à Sylvinet plus de complaisance et de ménagement. Ce pauvre enfant étant le moins fort et le moins raisonnable, était aussi le plus gâté, et l’on craignait davantage de le chagriner. Il avait le meilleur sort, puisqu’il était dans la famille et que son besson avait pris pour lui l’absence et la peine.
Pour la première fois le bon Landry se fit tout ce raisonnement, et trouva son besson tout à fait injuste envers lui. Jusque-là son bon cœur l’avait empêché de lui donner tort, et, plutôt que de l’accuser, il s’était condamné en lui-même d’avoir trop de santé, et trop d’ardeur au travail et au plaisir, et de ne pas savoir dire d’aussi douces paroles, ni s’aviser d’autant d’attentions fines que son frère. Mais, pour cette fois, il ne put trouver en lui-même aucun péché contre l’amitié ; car, pour venir ce jour-là, il avait renoncé à une belle partie de pêche aux écrevisses que les gars de la Priche avaient complotée toute la semaine, et où ils lui avaient promis bien du plaisir s’il voulait aller avec eux. Il avait donc résisté à une grande tentation, et, à cet âge-là, c’était beaucoup faire. »
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((La jalousie amicale(^L’un des amis se sent exclu :
*préféré par une tierce personne : //Poil de carotte//
*ou dépourvu de ce que l'ami détient( : //Le Bal du Comte d’Orgel//.
)))
+++[Poil de Carotte, Renard]
A l’école, Poil de carotte devient jaloux de la préférence que le maître d’étude, Violone, éprouve à l’égard d’un de ses camarades, Marseau.
« Son inspection habituelle terminée, M. le Directeur de l’Institution Saint Marc quitte le dortoir. Chaque élève s’est glissé dans ses draps, comme dans un étui, en se faisant tout petit, afin de ne pas se déborder. Le maître d’étude, Violone, d’un tour de tête, s’assure que tout le monde est couché, et, se haussant sur la pointe du pied, doucement baisse le gaz. (…)
Violone met des savates, se promène quelque temps entre les lits, chatouillant ça le pied d’un élève, là tirant le pompon du bonnet d’un autre, et s’arrête près de Marseau, avec lequel il donne, tous les soirs, l’exemple des longues causeries prolongées bien avant dans la nuit. Le plus souvent, les élèves ont cessé leur conversation, par degrés étouffée, comme s’ils avaient peu à peu tiré leur drap sur leur bouche, et dorment, que le maître d’étude est encore penché sur le lit de Marseau, les coudes durement appuyés sur le fer, insensible à la paralysie de ses avant-bras et au remue-ménage des fourmis courant à fleur de peau jusqu’au bout de ses doigts.
Il s’amuse de ses récits enfantins, et le tient éveillé par d’intimes confidences et des histoires de cœur. Tout de suite, il l’a chéri pour la tendre et transparente enluminure de son visage, qui paraît éclairé en dedans. Ce n’est plus une peau, mais une pulpe, derrière laquelle, à la moindre variation atmosphérique, s’enchevêtrent visiblement les veinules, comme les lignes d’une carte d’atlas sous une feuille de papier à décalquer. Marseau a d’ailleurs une manière séduisante de rougir sans savoir pourquoi et à l’improviste, qui le fait aimer comme une fille. Souvent, un camarade pèse du bout du doigt sur l’une de ses joues et se retire avec brusquerie, laissant une tache blanche, bientôt recouverte d’une belle coloration rouge, qui s’étend avec rapidité, comme du vin dans de l’eau pure, se varie richement et se nuance depuis le bout du nez rose jusqu’aux oreilles lilas. Chacun peut opérer soi-même, Marseau se prête complaisamment aux expériences. On l’a surnommé Veilleuse, Lanterne, Joue Rouge. Cette faculté de s’embraser à volonté lui fait bien des envieux. Poil de Carotte, son voisin de lit, le jalouse entre tous. Pierrot lymphatique et grêle, au visage farineux, il pince vainement, à se faire mal, son épiderme exsangue, pour y amener quoi ! et encore pas toujours, quelque point d’un roux douteux. Il zébrerait volontiers, haineusement, à coups d’ongles et écorcerait comme des oranges les joues vermillonnées de Marseau.
Depuis longtemps très intrigué, il se tient aux écoutes ce soir-là, dès la venue de Violone, soupçonneux avec raison peut-être, et désireux de savoir la vérité sur les allures cachottières du maître d’étude. Il met en jeu toute son habileté de petit espion, simule un ronflement pour rire, change avec affectation de côté, en ayant soin de faire le tour complet, pousse un cri perçant comme s’il avait le cauchemar, ce qui réveille en peur le dortoir et imprime un fort mouvement de houle à tous les draps ; puis, dès que Violone s’est éloigné, il dit à Marseau, le torse hors du lit, le souffle ardent :
– Pistolet ! Pistolet
On ne lui répond rien. Poil de Carotte se met sur les genoux, saisit le bras de Marseau, et, le secouant avec force :
– Entends-tu ? Pistolet !
Pistolet ne semble pas entendre ; Poil de Carotte exaspéré reprend :
– C’est du propre !… Tu crois que je ne vous ai pas vus. Dis voir un peu qu’il ne t’a pas embrassé ! dis-le voir un peu que tu n’es pas son Pistolet.
Il se dresse, le col tendu, pareil à un jars blanc qu’on agace, les poings fermés au bord du lit.
Mais, cette fois, on lui répond :
– Eh bien ! après ?
D’un seul coup de reins, Poil de Carotte rentre dans ses draps.
C’est le maître d’étude qui revient en scène, apparu soudainement ! »
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+++[Le Bal du Comte d’Orgel , Radiguet]
>//Paul Robin ne fréquente que ceux qui peuvent le faire parvenir. Ami de François de Seyreuse, il le jalouse d’avoir un titre et de ne pas s’en servir. Si bien, qu’il lui cache fréquemment ses sorties pour qu’il ne puisse pas en bénéficier avec lui. //
« Parmi les hôtes dont la présence eût dérouté le feu comte d’Orgel, on doit mettre au premier plan Paul Robin, un jeune diplomate. Il considérait comme une chance d’être reçu dans certaines maisons ; et la plus grande chance, à ses yeux, était d’aller chez les Orgel. Il classait les gens en deux groupes : d’un côté ceux qui étaient des fêtes de la rue de l’Université, et, de l’autre, ceux qui n’en étaient point. Ce classement allait jusqu’à le retenir dans ses admirations : il en usait ainsi envers son meilleur ami, François de Séryeuse, auquel il reprochait secrètement de ne tirer aucun avantage de sa particule. Paul Robin, assez naïf, jugeait les autres d’après lui-même. Il ne pouvait concevoir que les Orgel ne représentassent à François rien d’exceptionnel, et qu’il ne cherchât d’aucune façon à forcer les circonstances. Paul Robin, d’ailleurs, était heureux de cette supériorité fictive et n’essayait pas d’y mettre fin. On ne pouvait rêver deux êtres plus loin l’un de l’autre que ces deux amis. Cependant ils croyaient s’être liés à cause de leurs ressemblances. C’est-à-dire que leur amitié les poussait à se ressembler, dans la limite du possible. L’idée fixe de Paul Robin était d’« arriver ».
(…) Prudent jusqu’à la lâcheté, il fréquentait divers milieux ; il pensait qu’il faut avoir un pied partout. À ce jeu, on risque de perdre l’équilibre. Paul se jugeait discret, il n’était que cachottier. Ainsi divisait-il sa vie en cases : il croyait que lui seul pouvait passer de l’une à l’autre. Il ne savait point encore que l’univers est petit et que l’on se retrouve partout. « Je dîne chez des gens », répondait-il à François de Séryeuse l’interrogeant sur l’emploi de sa soirée. Ces « gens » signifiaient pour lui « mes gens ». Ils lui appartenaient. Il en avait le monopole. Une heure après, il retrouvait Séryeuse à son dîner. Mais malgré les tours que lui jouait la cachotterie, il ne s’en pouvait défaire.
Par contre, Séryeuse était l’insouciance même. Il avait vingt ans. Malgré son âge et son oisiveté, il était bien vu par des aînés de mérite. (…)
La seule personne en compagnie de laquelle il se vieillît était Paul Robin. Ils exerçaient l’un sur l’autre une assez mauvaise influence.
Le samedi 7 février 1920, nos deux amis étaient au cirque Médrano. D’excellents clowns y attiraient le public des théâtres.
Le spectacle était commencé. Paul, moins attentif aux entrées des clowns qu’à celles des spectateurs, cherchait des visages de connaissance. Soudain, il sursauta. En face d’eux entrait un couple. L’homme fit, avec son gant, un léger bonjour à Paul.
– C’est bien le comte d’Orgel demanda François.
– Oui, répondit Paul assez fier.
– Avec qui est-il ? Est-ce sa femme ?
– Oui, c’est Mahaut d’Orgel.
Dès l’entracte, Paul fila comme un malfaiteur, profitant de la cohue, à la recherche des Orgel, qu’il souhaitait voir, mais seul. Séryeuse, après avoir fait le tour du couloir, poussa la porte des Fratellini.
On se rendait dans leur loge comme dans celle d’une danseuse. Il y avait là des épaves grandioses, des objets dépouillés de leur signification première, et qui, chez ces clowns, en prenaient une bien plus haute. Pour rien au monde, M. et Mme d’Orgel ne se fussent dispensés, étant au cirque, de cette visite aux clowns.
Pour Anne d’Orgel, c’était se montrer simple.
Voyant entrer Séryeuse, le comte mit immédiatement ce nom sur son visage. Il reconnaissait chacun, ne l’eût-il aperçu qu’une fois, et d’un bout d’une salle de spectacle à l’autre ; ne se trompant ou n’écorchant un nom que lorsqu’il le voulait. Il devait à son père l’habitude d’adresser la parole à des inconnus. Le feu comte d’Orgel s’attirait fréquemment des réponses désagréables de personnes qui n’acceptent pas ce rôle de bête curieuse.
Mais ici, l’exiguïté de la loge ne pouvait permettre à ceux qui s’y trouvaient de s’ignorer. Anne joua une minute avec Séryeuse en lui adressant quelques phrases sans lui montrer qu’il le connaissait de vue. Il comprit que François était gêné de n’avoir pas été reconnu et que la partie se jouât inégale. Alors se tournant vers sa femme : « M. de Séryeuse, dit-il, ne semble pas nous connaître aussi bien que nous le connaissons ». Mahaut n’avait jamais entendu ce nom, mais elle était habituée aux manèges de son mari.
– J’ai souvent, ajouta ce dernier en souriant à Séryeuse, prié Robin « d’organiser quelque chose ». Je le soupçonne de faire mal les commissions.
Venant de voir François avec Paul, dont il connaissait le travers, il mentait comme l’affabilité sait mentir. Tous les trois raillèrent les cachotteries de Robin. On décida de le mystifier. Il fut entendu entre Anne d’Orgel et François que l’on feindrait de se connaître de longue date. »
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((La jalousie sociale( )))
+++[Manon Lescaut , Abbé Prévost]
>//La richesse de Des Grieux et de Manon attisent les convoitises de leurs propres domestiques qui vont, par jalousie, les dépouiller. //
« J’avais fait au jeu des gains si considérables, que je pensais à placer une partie de mon argent. Mes domestiques n’ignoraient pas mes succès, surtout mon valet de chambre et la suivante de Manon, devant lesquels nous nous entretenions souvent sans défiance. Cette fille était jolie. Mon valet en était amoureux. Ils avaient affaire à des maîtres jeunes et faciles qu’ils s’imaginèrent pouvoir tromper aisément. Ils en conçurent le dessein, et ils l’exécutèrent si malheureusement pour nous, qu’ils nous mirent dans un état dont il ne nous a jamais été possible de nous relever.
M. Lescaut nous ayant un jour donné à souper, il était environ minuit lorsque nous retournâmes au logis. J’appelai mon valet et Manon sa femme de chambre ; ni l’un ni l’autre ne parurent. On nous dit qu’ils n’avaient point été vus dans la maison depuis huit heures, et qu’ils étaient sortis après avoir fait transporter quelques caisses, suivant les ordres qu’ils disaient en avoir reçus de moi. Je pressentis une partie de la vérité, mais je ne formai point de soupçons qui ne fussent surpassés par ce que j’aperçus en entrant dans ma chambre. La serrure de mon cabinet avait été forcée et mon argent enlevé avec tous mes habits. Dans le temps que je réfléchissais seul sur cet accident, Manon vint tout effrayée m’apprendre qu’on avait fait le même ravage dans son appartement.
Le coup me parut si cruel, qu’il n’y eut qu’un effort extraordinaire de raison qui m’empêcha de me livrer aux cris et aux pleurs. La crainte de communiquer mon désespoir à Manon me fit affecter de prendre un visage tranquille. Je lui dis en badinant que je me vengerais sur quelque dupe à l’hôtel de Transilvanie.
Cependant elle me sembla si sensible à notre malheur, que sa tristesse eut bien plus de force pour m’affliger que ma joie feinte n’en avait eu pour l’empêcher d’être trop abattue. Nous sommes perdus, me dit-elle, les larmes aux yeux. Je m’efforçai en vain de la consoler par mes caresses. Mes propres pleurs trahissaient mon désespoir et ma consternation. En effet, nous étions ruinés si absolument, qu’il ne nous restait pas une chemise. »
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+++[Germinal , Zola]
>//Pendant la grève, Etienne ravit à Chaval son titre de leader auprès des mineurs. Rasseneur est un ancien mineur meneur de grèves, congédié, a installé un cabaret face au Voreux. Lorsque qu’Etienne arrive avec ses idées nouvelles, il en devient jaloux. Sa jalousie s’aggrave avec la désertion de son débit de boissons, où les ouvriers du Voreux entrent moins boire et l’écouter. Il s’oppose à tout ce qu’entreprend Etienne. //
« Mais qu’est-ce qu’il te prend ? pourquoi passes-tu aux bourgeois ? continua-t-il avec violence, en revenant se planter devant le cabaretier. Toi même, tu le disais : il faut que ça pète !
Rasseneur rougit légèrement.
– Oui, je l’ai dit. Et si ça pète, tu verras que je ne suis pas plus lâche qu’un autre… Seulement, je refuse d’être avec ceux qui augmentent le gâchis, pour y pêcher une position.
À son tour, Étienne fut pris de rougeur. Les deux hommes ne crièrent plus, devenus aigres et mauvais, gagnés par le froid de leur rivalité. C’était, au fond, ce qui outrait les systèmes, jetant l’un à une exagération révolutionnaire, poussant l’autre à une affectation de prudence, les emportant malgré eux au-delà de leurs idées vraies, dans ces fatalités des rôles qu’on ne choisit pas soi-même. Et Souvarine, qui les écoutait, laissa voir, sur son visage de fille blonde, un mépris silencieux, l’écrasant mépris de l’homme prêt à donner sa vie, obscurément, sans même en tirer l’éclat du martyre.
– Alors, c’est pour moi que tu dis ça ? demanda Étienne. Tu es jaloux ?
– Jaloux de quoi ? répondit Rasseneur. Je ne me pose pas en grand homme, je ne cherche pas à créer une section à Montsou, pour en devenir le secrétaire.
L’autre voulut l’interrompre, mais il ajouta :
– Sois donc franc ! tu te fiches de l’Internationale, tu brûles seulement d’être à notre tête, de faire le monsieur en correspondant avec le fameux Conseil fédéral du Nord !
Un silence régna. Étienne, frémissant, reprit :
– C’est bon… Je croyais n’avoir rien à me reprocher. Toujours je te consultais, car je savais que tu avais combattu ici, longtemps avant moi. Mais, puisque tu ne peux souffrir personne à ton côté, j’agirai désormais tout seul… Et, d’abord, je t’avertis que la réunion aura lieu, même si Pluchart ne vient pas, et que les camarades adhéreront malgré toi.
– Oh ! adhérer, murmura le cabaretier, ce n’est pas fait… Il faudra les décider à payer la cotisation.
– Nullement. L’Internationale accorde du temps aux ouvriers en grève. Nous payerons plus tard, et c’est elle qui, tout de suite, viendra à notre secours.
Rasseneur, du coup, s’emporta.
– Eh bien ! nous allons voir… J’en suis, de ta réunion, et je parlerai. Oui, je ne te laisserai pas tourner la tête aux amis, je les éclairerai sur leurs intérêts véritables. Nous saurons lequel ils entendent suivre, de moi, qu’ils connaissent depuis trente ans, ou de toi, qui as tout bouleversé chez nous, en moins d’une année… Non ! non ! fous-moi la paix ! c’est maintenant à qui écrasera l’autre ! Et il sortit, en faisant claquer la porte. Les guirlandes de fleurs tremblèrent au plafond, les écussons dorés sautèrent contre les murs. Puis, la grande salle retomba à sa paix lourde.
===
+++[Le Cid , Corneille, Acte 1, scène 3]
>//Don Diègue, est choisi pour devenir précepteur du prince. Don Gomez prétendait à cette fonction. Il laisse éclater sa jalousie. //
« Le Comte, D. Diègue
''Le Comte''
Enfin, vous l’emportez, et la faveur du Roi
Vous élève en un rang qui n’était dû qu’à moi :
Il vous fait gouverneur du Prince de Castille.
''D. Diègue ''
Cette marque d’honneur qu’il met dans ma famille
Montre à tous qu’il est juste, et fait connaître assez
Qu’il sait récompenser les services passés.
''Le Comte''
Pour grands que soient les rois, ils sont ce que nous sommes ;
Ils peuvent se tromper comme les autres hommes ;
Et ce choix sert de preuve à tous les courtisans
Qu’ils savent mal payer les services présents.
''D. Diègue ''
Ne parlons plus d’un choix dont votre esprit s’irrite :
La faveur l’a pu faire autant que le mérite ;
Mais on doit ce respect au pouvoir absolu,
De n’examiner rien quand un roi l’a voulu.
À l’honneur qu’il m’a fait ajoutez-en un autre,
Joignons d’un sacré nœud ma maison à la vôtre :
Vous n’avez qu’une fille, et moi je n’ai qu’un fils ;
Leur hymen peut nous rendre à jamais plus qu’amis
Faites-nous cette grâce, et l’acceptez pour gendre.
''Le Comte''
À des partis plus hauts ce beau fils doit prétendre,
Et le nouvel éclat de votre dignité
Lui doit enfler le cœur d’une autre vanité.
Exercez-la, Monsieur, et gouvernez le Prince,
Merveilleux et fantastique en littérature
Montrez-lui comme il faut régir une province,
Faire trembler partout les peuples sous la loi,
Remplir les bons d’amour et les méchants d’effroi ;(…)
''D. Diègue ''
Je le sais, vous servez bien le Roi :
Je vous ai vu combattre et commander sous moi.
Quand l’âge dans mes nerfs a fait couler sa glace,
Votre rare valeur a bien rempli ma place ;
Enfin, pour épargner les discours superflus,
Vous êtes aujourd’hui ce qu’autrefois je fus.
Vous voyez toutefois qu’en cette concurrence
Un monarque entre nous met quelque différence.
''Le Comte''
Ce que je méritais, vous l’avez emporté.
''D. Diègue''
Qui l’a gagné sur vous l’avait mieux mérité.
''Le Comte''
Qui peut mieux l’exercer en est bien le plus digne.
''D. Diègue''
En être refusé n’en est pas un bon signe.
''Le Comte''
Vous l’avez eu par brigue, étant vieux courtisan.
''D. Diègue''
L’éclat de mes hauts faits fut mon seul partisan.
''Le Comte''
Parlons-en mieux ; le Roi fait honneur à votre âge.
''D. Diègue''
Le Roi, quand il en fait, le mesure au courage.
''Le Comte''
Et par là cet honneur n’était dû qu’à mon bras.
''D. Diègue''
Qui n’a pu l’obtenir ne le méritait pas.
''Le Comte''
Ne le méritait pas ! moi ?
''D. Diègue''
Vous.
''Le Comte''
Ton impudence,
Téméraire vieillard, aura sa récompense.
//(Il lui donne un soufflet.)//
''D. Diègue'', //mettant l’épée à la main.//
Achève et prends ma vie après un tel affront,
Le premier dont ma race ait vu rougir son front.
''Le Comte''
Et que penses-tu faire avec tant de faiblesse ?
''D. Diègue''
Ô Dieu ! ma force usée en ce besoin me laisse !
''Le Comte''
Ton épée est à moi, mais tu serais trop vain
Si ce honteux trophée avait chargé ma main.
Adieu, fais lire au Prince, en dépit de l’envie,
Pour son instruction l’histoire de ta vie :
D’un insolent discours ce juste châtiment
Ne lui servira pas d’un petit ornement.
===
{{center{[img(33%,)[https://justaddpictures.files.wordpress.com/2014/06/me0000049529_3.jpg]]}}}
!La jeune Tarentine
!!!!!{{center{André CHÉNIER
//(1762-1794//)}}}
{{center{
Pleurez, doux alcyons ! ô vous, oiseaux sacrés,
Oiseaux chers à Thétis, doux alcyons, pleurez !
Elle a vécu, Myrto, la jeune Tarentine !
Un vaisseau la portait aux bords de Camarine :
Là, l'hymen, les chansons, les flûtes, lentement,
Devaient la reconduire au seuil de son amant.
Une clef vigilante a, pour cette journée,
Sous le cèdre enfermé sa robe d'hyménée
Et l'or dont au festin ses bras seront parés
Et pour ses blonds cheveux les parfums préparés.
Mais, seule sur la proue, invoquant les étoiles,
Le vent impétueux qui soufflait dans les voiles
L'enveloppe : étonnée, et loin des matelots,
Elle crie, elle tombe, elle est au sein des flots.
Elle est au sein des flots, la jeune Tarentine !
Son beau corps a roulé sous la vague marine.
Thétis, les yeux en pleurs, dans le creux d'un rocher
Aux monstres dévorants eut soin de le cacher.
Par ses ordres bientôt les belles Néréides
S'élèvent au-dessus des demeures humides,
Le poussent au rivage, et dans ce monument
L'ont, au cap du Zéphyr, déposé mollement ;
Et de loin, à grands cris appelant leurs compagnes,
Et les Nymphes des bois, des sources, des montagnes,
Toutes, frappant leur sein et traînant un long deuil,
Répétèrent, hélas ! autour de son cercueil :
" Hélas ! chez ton amant tu n'es point ramenée,
Tu n'as point revêtu ta robe d'hyménée,
L'or autour de tes bras n'a point serré de noeuds,
Et le bandeau d'hymen n'orna point tes cheveux. "
}}}
!La marmite
!!!!!SCÈNE IX - EUCLION
+++*[Traduction Alfred Ernout]
;euclion.
:Je suis perdu ! je suis mort! je suis assassiné! Où courir? où ne pas courir? arrêtez-le, arrêtez-le! Mais qui? Et qui l'arrêtera? Je ne sais, je ne vois rien, je vais en aveugle... Où vais-je, où suis-je, qui suis-je, je ne sais plus, j'ai la tête perdue... Par pitié vous autres, je vous en prie, je vous en supplie, venez à mon secours : indiquez moi l'homme qui me la ravie.
://(Au public).//
:Que dis-tu, toi? Je veux t'en croire : tu as la, figure d'un honnête homme. Qu'y a-t-il? pourquoi riez-vous? Je vous connais tous. Je sais que les voleurs sont légion parmi vous; ils ont beau se cacher sous des vêtements ((blanchis à la craie(^Les toges blanches étaient l'habillement des gens riches, des citoyens qui remplissaient la première moitié des centuries, et qui tenaient ainsi un rang dans l’Etat. C'était ce qu'au siècle de Louis XIV on appelait les honnêtes gens, et ce qu'on appela même à Rome boni hommes, bonté qui consistait dans la fortune et non dans le caractère. Il ne s'agit point, comme l'ont pensé quelques interprètes, des candidats, qui n'avaient rien à faire ici. Euclion, par une hardiesse bouffonne qu'on pardonne en riant au poète comique, désigne les spectateurs à qui leurs clients ou leurs esclaves avaient fait faire place sur les gradins rapprochés du proscenium. Le peuple en tuniques brunes, qui assiégeait les parties hautes et reculées de la cavea, ne devait pas trouver la plaisanterie mauvaise. » (Naudet).))), et demeurer sagement assis tout comme de braves gens... Hein, quoi? personne ne l'a? Tu m'assassines. Dis-moi, voyons : qui l'a? Tu ne sais pas? Ah, pauvre, pauvre malheureux! je suis mort. C'en est fait, je suis un homme perdu, au plus mal arrangé, tant cette fatale journée m'apporte de larmes, de maux, de chagrin, sans compter la faim et la pauvreté... Perdu, ah oui, je le suis bien, et plus qu'aucun homme au monde. Que me sert de vivre, à présent que j'ai perdu tout cet or que je gardais avec tant de soin? Je me privais du nécessaire, me refusant toute joie, ((tout plaisir(^Il est impossible de rendre littéralement le texte latin: //defraudaui animumque meum geniumque meum//. L'animus désigne les inclinations qu'on satisfait //anima causa// « pour son plaisir ». Le Genius est la divinité tutélaire de chaque individu, avec laquelle il s'assimile.))): et maintenant d'autres en profitent, et se gaussent de mon malheur et de ma ruine... Non, je n'y résisterai pas.
;lyconide.
:Qui est-ce qui se plaint, gémit et se lamente ainsi devant notre maison? Eh ! mais c'est
;euclion.
:Comment as-tu eu l'audace de toucher à ce qui ne t'appartenait pas?
^^//[[Source|http://www.roma-quadrata.com/PlauteAulularia.html]]//^^
=== +++*[Traduction Sommer]
;EUCLION
:Je suis perdu ! je suis mort ! je suis assassiné ! Où courir ? où ne pas courir ? Arrête, arrête ! Qui ? je ne sais, je ne vois rien, je vais en aveugle ; je ne puis reconnaître où je suis, qui je suis. Par pitié, je vous en prie, je vous en Conjure, venez-moi en aide, montrez-moi celui qui me l'a prise… Vous autres qui êtes assis là, cachés dans vos robes blanchies, comme si vous étiez d’honnêtes gens… Que dis-tu, toi ? je veux t’en croire, tu m’as tout l’air d’un brave homme… Qu’est-ce ? vous riez ? Ah ! je vous connais tous, je sais qu’il y a ici plus d’un voleur… Hein ! personne ne l'a ? Tu me fais mourir.... Allons, parle, qui est-ce qui l’a ?… Tu l’ignores ! Ah ! malheureux, malheureux ! on m’a coupé la gorge, on m’a perdu sans ressource. Fatale journée qui m’apporte les larmes, le noir chagrin, la faim, la pauvreté ! Est-il sur la terre un être aussi misérable que moi ? Qu’ai-je à faire au monde après avoir perdu tant d’or que je gardais si soigneusement ? Je me privais du nécessaire, je me refusais le moindre plaisir ; et d’autres maintenant se réjouissent de ma ruine et de ma perte. Ah ! je n’y résisterai pas.
;LYCONIDE.
:Quel est donc cet homme qui gémit et se lamente ainsi à notre porte ? Eh ! c’est Euclion, si je ne me trompe. C’est fait de moi ; tout est découvert. Il sait sans doute que sa fille vient d’accoucher. Que faire ? dois-je m’en aller ou rester ? l'aborder ou le fuir ? Je ne vois pas quel parti prendre.
^^//[[Source|https://fr.wikisource.org/wiki/L%E2%80%99Aululaire_(trad._Sommer)]]//^^
===
[[Gallica|http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k62711394/f103.item.zoom//]]^^
!La mort du loup
!!!!!Alfred de VIGNY (1797-1863)
II
((...(J'ai reposé mon front sur mon fusil sans poudre,
Me prenant à penser, et n'ai pu me résoudre
A poursuivre sa Louve et ses fils qui, tous trois,
Avaient voulu l'attendre, et, comme je le crois,
Sans ses deux louveteaux la belle et sombre veuve
Ne l'eût pas laissé seul subir la grande épreuve ;
Mais son devoir était de les sauver, afin
De pouvoir leur apprendre à bien souffrir la faim,
A ne jamais entrer dans le pacte des villes
Que l'homme a fait avec les animaux serviles
Qui chassent devant lui, pour avoir le coucher,
Les premiers possesseurs du bois et du rocher.)))
Hélas ! ai-je pensé, malgré ce grand nom d'Hommes,
Que j'ai honte de nous, débiles que nous sommes !
Comment on doit quitter la vie et tous ses maux,
C'est vous qui le savez, sublimes animaux !
A voir ce que l'on fut sur terre et ce qu'on laisse
Seul le silence est grand ; tout le reste est faiblesse.
- Ah ! je t'ai bien compris, sauvage voyageur,
Et ton dernier regard m'est allé jusqu'au coeur !
Il disait : " Si tu peux, fais que ton âme arrive,
A force de rester studieuse et pensive,
Jusqu'à ce haut degré de stoïque fierté
Où, naissant dans les bois, j'ai tout d'abord monté.
Gémir, pleurer, prier est également lâche.
Fais énergiquement ta longue et lourde tâche
Dans la voie où le Sort a voulu t'appeler,
Puis après, comme moi, souffre et meurs sans parler. "
!La noyade^^
//Jadorovski
//Opéra Panique^^
/%
|auteur|Jadorovski|
|distribution|Yvonne, Brigitte, Éveline, ~NicoleLeroux|
|temps| 08 mn|
|anciennes||
|prochaines| |
%/
{{did{C est debout au centre de la scène.}}}
''Narrateur''. - Un homme qui ne sait pas nager tombe dans une piscine.
{{did{C tombe au sol et, comme s'il était dans une piscine, il gesticule pour ne pas se noyer.}}}
{{big bold{C}}} - ''Au secours ! Je me noie !''
{{did{A, B et D s'approchent comme s'ils voulaient aider C, mais reculent aussitôt.}}}
{{big bold{B}}} — Halte ! Avant d'agir, il nous faut savoir si cet homme appelle à l'aide pour lui-même,
pour nous,
ou au nom de l'humanité tout entière s'adressant à un dieu qui fait la sourde oreille !
{{big bold{D}}} - Oui, attendez !
Ce n'est peut-être pas de l'aide que cet homme réclame !
Dans la bouche d'un exhibitionniste, //« au secours »// peut vouloir dire //« regardez-moi »//.
{{big bold{C}}} - ''Je me noie ! Aidez-moi, par pitié !''
{{big bold{A}}} - Pitié, pitié, et puis quoi encore?
Moi, j'affirme que si quelqu'un est là où il est, c'est qu'il l'a bien cherché.
Chacun est responsable de ce qui lui arrive, puisqu'il a permis que cela lui arrive.
Le monde n'est qu'une projection subjective. ..
{{big bold{C}}} - ''Je vous en supplie, faites quelque chose !''
{{big bold{B}}} - Il ne suffit pas de claquer des doigts pour //«faire quelque chose»//,
ce n'est pas si facile !
Ma situation matérielle et spirituelle est précaire.
De quel droit m'ériger en sauveur, si je ne me suis pas encore tout à fait sauvé moi-même ?
{{did{C tend la main vers A, B et D.}}}
{{big bold{C}}} - ''Donnez-moi la main ! Il suffit de tirer !''
{{big bold{D}}} - Méfiance !
Dans quelle mesure cet homme se trouve-t-il réellement en danger ?
Qui nous dit qu'il n'a pas les pieds bien plantés au fond de la piscine,
et que son intention en nous ten-dant la main n'est pas de nous entraîner dans son eau empoisonnée ?
{{did{C s'enfonce sous l'eau, puis ressort en essayant de reprendre son souffle, à moitié noyé.}}}
{{big bold{C}}} - ''C'est un puits sans fond !
Les sardines carnivores me mordent les jambes !
Elles m'auront bientôt dévoré tout entier !
Sauvez-moi !''
{{big bold{A}}} - Mon fils, si notre Père tout-puissant t'appelle à lui,
ne t'accroche pas à la vie terrestre.
Cesse de te débattre,
prie,
montre- toi digne de la bienveillance divine...
{{big bold{C}}} - ''Dieu, je l'emmerde ! Sauvez-moi, vous !''
{{did{A et D tentent de s'approcher mais B les retient.}}}
{{big bold{B}}} - Que personne ne bouge !
Avant d'agÎr, il nous faut connaître les antécédents de ce citoyen.
Qui nous dit qu'il est tombé à l'eau ?
On l'y a peut-être jeté sur décision de justice !
{{big bold{D}}} - Et quand bien même il serait innocent, cet homme devrait se réjouir de son angoisse :
avant de tomber à l'eau, sa vie était probablement un naufrage;
maintenant qu'il se noie, il se sent enfin vivre.
Ce n'est pas moi qui viendrai interrompre, en le sauvant, ce processus de découverte de lui-même.
{{big bold{C}}} - ''Bande de salauds !
Si c'est comme ça, adieu et merci pour tout !''
{{did{Il se noie et flotte à plat ventre, mort.}}}
{{did{A, B et D s'inquiètent et commencent à l'appeler à grands cris :}}}
{{big bold{B}}} — Holà, monsieur, restez correct !
{{big bold{D}}} - Débattez-vous, buvez la tasse, cessez de faire le mort !
{{big bold{A}}} - Criez : //«Au secours»//, paresseux ! Faites votre devoir !
{{big bold{B}}} - Ne soyez pas fainéant : agitez les jambes, vomissez de l'eau !
{{big bold{D}}} - Ne nous rendez pas inutiles !
{{big bold{B}}} — Notre mission dans la vie, c'est de vous sauver.
{{big bold{A}}} — Il nous faut un homme qui se noie !
{{big bold{B}}} - Sans naufrage, la création perd son axe !
{{big bold{D}}} - Vous êtes le centre du système, appelez à l'aide, soyez res- ponsable !
{{big bold{A}}} — Allez,
essayez de saisir notre main.
Mais que ce soit clair :
on ne vous propose pas de la prendre,
nous ne vous la donnerons pas.
Il s'agit seulement d'essayer.
Obtenir, c'est vulgaire;
ce qui compte, c'est d'essayer encore et toujours.
{{big bold{B}}} — Réveillez-vous et essayez !
{{big bold{D}}} - Oui, essayez !
{{big bold{A}}} - Essayez, s'il vous plaît !
{{did{Ils tendent leur main avec tant d'ardeur qu'ils tombent à l'eau.}}}
{{big bold{B}}} - Au secours, je ne sais pas nager, sortez-moi de là !
{{big bold{D}}} - Ne m'enlevez pas les mots de la bouche, celui qui se noie, c'est moi ! À l'aide !
{{big bold{A}}} - Chers collègues, votre manque de respect me surprend. C'est moi, plus que quiconque, qui mérite d'être sauvé !
{{did{Ils se battent pour monter sur C, qui flotte, inanimé.}}}
{{big bold{B}}} - Ordures !
{{big bold{D}}} - Enflures !
{{big bold{A}}} — Pourritures !
{{did{Ils se battent et se noient.
Tous flottent à plat oentre, morts.}}}
!!!!! N o i r .
| !Lesquels d'entre vous ne peuvent être disponibles mercredi 12 décembre ? |
!!!!LA MUSE
''Poète, prends ton luth et me donne un baiser ;
La fleur de l'églantier sent ses bourgeons éclore,
Le printemps naît ce soir ; les vents vont s'embraser ;
Et la bergeronnette, en attendant l'aurore,
Aux premiers buissons verts commence à se poser.
Poète, prends ton luth, et me donne un baiser.''
[img[http://www.poetes.com/musset/images/mnuit_mai.jpg]]
|je|[[Jean-Jacques]]|
|vie|Une sage décision|
|d|1:10|
!La passion vaincue<br>^^//Anne de la Vigne//^^
La Bergère Liris sur les bords de la Seine
Se plaignait l’autre jour d’un volage berger.
Après tant de serments peux-tu rompre ta chaîne
Perfide, disait-elle, oses-tu bien changer ?
Puisqu’au mépris des Dieux tu peux te dégager,
Que ta flamme est éteinte et ma honte certaine ;
Sur moi-même de toi je saurai me venger,
Et ces flots finiront mon amour et ma peine.
À ces mots résolue à se précipiter,
Elle hâte ses pas et sans plus consulter,
Elle allait satisfaire une fatale envie.
Mais bientôt s’étonnant des horreurs de la mort :
Je suis folle, dit-elle, en s’éloignant du bord :
Il est tant de Bergers, et je n’ai qu’une vie.
AnneDeLaVigne
!La perdrix
!!!!!{{center italic{Jean de la Fontaine}}}
Quand la perdrix
Voit ses petits
En danger,
:et n'ayant qu'une plume nouvelle
::Qui ne peut fuir encor
::par les airs
::le trépas,
Elle fait la blessée,
et va
:traînant de l'aile,
:Attirant le chasseur et le chien sur ses pas,
Détourne le danger,
sauve ainsi sa famille ;
Et puis
:quand le chasseur croit que son chien la pille,
Elle lui dit adieu,
prend sa volée,
et rit De l'homme qui,
:confus,
:des yeux en vain la suit.
!La pomme de terre
{{center{<html><iframe frameborder="0" scrolling="no" src="http://weezo.net/embedded.php?userName=ateliertheatre&type=publishAudio&v=V4.3.0&autoplay=0&uri=%2Faudio%2FdlToken.48uesxdvzjetyjg7e8fw%2Ffile.playlist.xml" style="width:252px;height:23px;background:black"></iframe></html>
^^[[Ma lecture|https://giga.gg/l/57438246fbe5df3c898b456d]]^^
Mesdames et chères amies, vous n’êtes pas des pommes de terre, et cependant…
Que vous soyez en robe de chambre ou en chemise,
Sans pelure ou drapées de Mousseline.
Vous restez toujours Duchesse ou Dauphines !
Parfois atteintes de Vapeur, mais rarement soufflées,
Vous gardez la ligne allumette et la taille noisette !
Vous êtes délicieuse à croquer, tant que vous n’avez pas germé !
Vous êtes délicieuses à croquer, surtout dorées.
Mais meilleures encore quand vous êtes sautées !
Quand de vos maris, j’épluche la conduite,
Je découvre qu’avec vous, ils ont la frite.
Ils sortent sans pelure, même s’ils pèlent de froid
Pour eux, même si vous n’êtes plus des primeurs,
Vous demeurez d’éternelles nouvelles !
Pour vous, ils se laissent arracher les yeux,
Friper la peau et meurtrir la chair :
Car comme les pommes de terre,
Ils ont des yeux, une peau et une chair !
Sans vous, ils sont dans la purée,
Sans vous, ils en ont gros sur la patate,
Alors que de la société, ils sont le gratin !
Pomme de terre, je vous aime.
}}}
;Les Recettes de Tante Abri
//(Recette demandée)//
#Vous prenez un litre d’eau ordinaire que vous faites soigneusement bouillir. Quand elle est bien bouillie, vous prenez un deuxième litre d’eau que vous faites tiédir au bain-marie.
#Ceci fait, vous versez goutte à goutte un autre litre d'eau fraîche dans l’eau tiède pour faire une bonne liaison.
#Vous laissez légèrement épaissir sur le coin du feu.
#Pendant ce temps, vous montez en neige un bon litre et demi d’eau, et vous incorporez cet appareil dans votre première préparation.
#Si votre sauce est un peu ferme, vous l’allongez avec un peu d'eau légèrement dégourdie pour éviter que cela attache.
#Vous enfournez à feu vif pendant quarante minutes. Vous démoulez, et pour clarifier, vous délayez le tout dans un litre d'eau.
#Vous avez alors ce qu’on appelle le « concentré de sauce aux câpres » qui, étant donné sa force et sa concentration, ne peut être utilisé tel quel pour les besoins de la cuisine.
#Si l’on veut s’en servir, il est indispensable de l’étendre avec de l'eau dans la proportion de gros comme une tête d'âne sur la pointe d'une épingle pour 10 litres d’eau.
:Vous obtenez ainsi une sauce aux câpres très honorable et fort agréable au goût.
//Les personnes qui digèrent mal et qui ont un estomac délicat, si cela ne passait pas, n'auraient qu’à boire un verre d’eau.//
|je|Gérard|
|vie|Un marché honnête ?|
|d|2:00|
!La sincère
{{center{
Veux-tu l'acheter ?
Mon coeur est à vendre.
Veux-tu l'acheter,
Sans nous disputer ?
Dieu l'a fait d'aimant ;
Tu le feras tendre ;
Dieu l'a fait d'aimant
Pour un seul amant !
Moi, j'en fais le prix ;
Veux-tu le connaître ?
Moi, j'en fais le prix ;
N'en sois pas surpris.
As-tu tout le tien ?
Donne ! et sois mon maître.
As-tu tout le tien,
Pour payer le mien ?
S'il n'est plus à toi,
Je n'ai qu'une envie ;
S'il n'est plus à toi,
Tout est dit pour moi.
Le mien glissera,
Fermé dans la vie ;
Le mien glissera,
Et Dieu seul l'aura !
Car, pour nos amours,
La vie est rapide ;
Car, pour nos amours,
Elle a peu de jours.
L'âme doit courir
Comme une eau limpide ;
L'âme doit courir,
Aimer ! et mourir.
}}}
{{center{
!La souffleuse
}}}
{{small blue italic{(Arrivée de Christine... Elle marche à la recherche de Perdican.)}}}
;Catherine
:Ah ! La voilà la jeune première... Eh bien j'espère qu'elle sait son texte aujourd'hui... Par ce que je voudrais bien finir mon pull-over... Regardez-moi ça... Ça veut faire l'actrice... Elle ne sait pas marcher... En jean ça passe mais en robe, zéro ! Qu'est-ce qu'elle fait sur les planches celle-là ! Elle devrait être dans le trou à ma place !
;Christine
:" Bonjour cousin, j'ai cru m'apercevoir à tort ou à raison... Que vous me quittiez tristement ce matin... "
;Catherine
:Ça ne m'étonne pas... Il est bien ce garçon et puis il sait son texte... Lui.
;Christine
:" Vous m'avez pris la main malgré moi, je viens vous demander la vôtre. Je vous ai refusé un baiser. Le voilà. "
;Catherine
:Ça, pour se faire bécoter, elle est forte... On sait comment elle a eu le rôle.
;@@Perdican@@
:" Avais-je fait un rêve ou en fais-je un autre en ce moment ? "
;Catherine
:Un vrai cauchemar, oui ! Enfin passons, pourvu qu'elle arrive au bout de sa première réplique que je puisse terminer mon rang, c'est tout ce que je demande.
;Christine
:" Je suis d'humeur changeante. Mais vous m'avez dit un mot très juste ce matin... " Heu… heu… Qu'est-ce que je dis ?
;Catherine
:Je n'en sais rien... Une minute, laissez-moi le temps de souffler.
;Christine
:Vite...
;Catherine
:Ça va, j'ai perdu la page... Bon, alors : " bonjour cousin, j'ai cru... Etc. Je suis d'humeur changeante... " Bon, ça c'est dit... C'est mal dit mais c'est dit ! " Puisque nous ne quittons, quittons nous bons amis ".
;Christine
:" Puisque nous nous quittons, quittons-nous bons amis. "
;Catherine
:C'est pas du tout ça !
;Christine
:C'est ce que vous m'avez dit !
;Catherine
:D'accord, mais mettez plus d'émotion Mademoiselle.
;Christine
:" Puisque nous nous quittons, quittons-nous bons amis. " Ça va ?
;Catherine
:C'est un peu mieux.
;Christine
:" Vous ne savez pas la raison pour laquelle je pars et je viens vous la dire, je vais prendre le voile. "
;Catherine
:C'est ça, bonne idée... Va te cacher avant que ce soit le public qui les mette les voiles ! Un vrai massacre, pauvre Musset... Il méritait pas ça !
;@@Perdican@@
:Chut... Je peux parler : <br>" Ne m'interrogez pas là-dessus, car je ne me ferai jamais moine ! "
;Catherine
:Tant mieux, un acteur de sa virilité, ce serait dommage avec toutes ces folles.
;Christine
:" Je vous ai paru brusque et hautaine, cela est tout simple, j'ai renoncé au monde. Cependant euh… Cependant... " {{small blue italic{(Elle tape du pied.)}}}... La suite...
;Catherine
:C'est les liaisons dangereuses : " Je vous ai paru brusque et hautaine, cela est tout simple. J'ai renoncé au monde... "
;Christine
:Je l'ai déjà dit ça !
;Catherine
:Eh bien redites-le moi, je n'ai rien entendu et je suis aux premières loges ; ça m'étonnerait qu'ils aient entendu dans la salle.
;Christine
:Dites donc, ça va bien, Madame, vous êtes souffleuse, pas metteur en scène !
;Catherine
:Heureusement pour vous, par ce que je ne vous aurais pas engagée personnellement !
;@@Perdican@@
:C'est fini... Oui ? Chut... J'attends la réplique.
;Catherine
:Excusez-moi. " Dites-moi, avez-vous eu des maîtresses ? "
;@@Perdican@@
:{{small blue italic{(S'adressant à la souffleuse.)}}} " Pourquoi cela ? "
;Catherine
:" Répondez-moi sans modestie et sans fatuité. "
;Christine
:" Répondez-moi... " Regarde moi quand je joue... Ça m'aide.
;Catherine
:Oui mais lui, ça ne l'aide pas... Il préfère regarder une professionnelle. Hein ?
;Christine
:Vous, taisez-vous, laissez-moi faire mon métier. Parfaitement ! C'est facile de critiquer tout ce que je fais. Essayez, vous, si vous êtes si maligne.
;Catherine
:Alors, ça elle ne va pas me parler sur ce ton-là, non mais je le sais sur le bout du doigt, moi. Attention : 25 ans de métier, ma petite. " Oui Perdican, c'est moi... " Ça va te changer de l'autre pomme moi, je te le dis... " Je viens revivre un quart d'heure de la vie passée... "
;@@Perdican@@
:Non ! C'est pas possible...
;Catherine
:Ben forcément... J'ai pas le costume... Faut pas s'arrêter à ça... Donne-moi la robe... {{small blue italic{(Elle essaie d'arracher la robe de Christine)}}}
:{{small blue italic{(le public siffle : " Hou ! Hou ! ")}}}
;Christine
:C'est une folle, baissez le rideau !
;Catherine
:C'est bien ça, jalouse, elle veut briser ma carrière ! J'ai pas la robe mais je le sais le texte moi ! Laissez-moi à mon public !
:{{small blue italic{(Sifflements du public avec le lancement de projectiles)}}}.
<html>
<h2 class="titrepoeme" style="font-size: 1.2em; color: rgb(51, 51, 51); text-align: left; margin: 10px 0px 10px 20px; font-family: Helvetica, Arial, Tahoma, sans-serif; font-style: normal; font-variant-ligatures: normal; font-variant-caps: normal; letter-spacing: normal; orphans: 2; text-indent: 0px; text-transform: none; white-space: normal; widows: 2; word-spacing: 0px; -webkit-text-stroke-width: 0px; background-color: rgb(255, 255, 255); text-decoration-style: initial; text-decoration-color: initial;">La vie profonde</h2><h3 class="titrepoeme" style="font-size: 1.1em; color: rgb(0, 0, 0); text-align: left; margin-left: 20px; margin-top: 10px; margin-bottom: 10px; font-family: Helvetica, Arial, Tahoma, sans-serif; font-style: normal; font-variant-ligatures: normal; font-variant-caps: normal; letter-spacing: normal; orphans: 2; text-indent: 0px; text-transform: none; white-space: normal; widows: 2; word-spacing: 0px; -webkit-text-stroke-width: 0px; background-color: rgb(255, 255, 255); text-decoration-style: initial; text-decoration-color: initial;">Poète :<span> </span><a href="https://www.poesie-francaise.fr/poemes-anna-de-noailles/" style="color: rgb(102, 0, 0); text-decoration: none; border-bottom: 1px dotted rgb(102, 0, 0);">Anna de Noailles</a><span> </span>(1876-1933)</h3><p class="soustitre" style="font-size: 19px; color: rgb(0, 0, 0); margin-top: 5px; margin-left: 20px; margin-bottom: 25px; font-family: Helvetica, Arial, Tahoma, sans-serif; font-style: normal; font-variant-ligatures: normal; font-variant-caps: normal; font-weight: 400; letter-spacing: normal; orphans: 2; text-align: start; text-indent: 0px; text-transform: none; white-space: normal; widows: 2; word-spacing: 0px; -webkit-text-stroke-width: 0px; background-color: rgb(255, 255, 255); text-decoration-style: initial; text-decoration-color: initial;">Recueil :<span> </span><a href="https://www.poesie-francaise.fr/anna-de-noailles-le-coeur-innombrable/" style="color: rgb(102, 0, 0); text-decoration: none; border-bottom: 1px dotted rgb(102, 0, 0);">Le cœur innombrable (1901)</a>.</p><div class="postpoetique" style="font-size: 1.3em; line-height: 1.45; font-style: italic; font-family: Georgia, Norasi, serif; margin: 45px 15px 20px 20px; color: rgb(0, 0, 0); font-variant-ligatures: normal; font-variant-caps: normal; font-weight: 400; letter-spacing: normal; orphans: 2; text-align: start; text-indent: 0px; text-transform: none; white-space: normal; widows: 2; word-spacing: 0px; -webkit-text-stroke-width: 0px; background-color: rgb(255, 255, 255); text-decoration-style: initial; text-decoration-color: initial;"><p style="margin-bottom: 35px;">Être dans la nature ainsi qu'un arbre humain,<span> </span><br>Étendre ses désirs comme un profond feuillage,<span> </span><br>Et sentir, par la nuit paisible et par l'orage,<span> </span><br>La sève universelle affluer dans ses mains.<br><br>Vivre, avoir les rayons du soleil sur la face,<span> </span><br>Boire le sel ardent des embruns et des pleurs,<span> </span><br>Et goûter chaudement la joie et la douleur<span> </span><br>Qui font une buée humaine dans l'espace.<br><br>Sentir, dans son cœur vif, l'air, le feu et le sang<span> </span><br>Tourbillonner ainsi que le vent sur la terre ;<span> </span><br>— S'élever au réel et pencher au mystère,<span> </span><br>Être le jour qui monte et l'ombre qui descend.<br><br>Comme du pourpre soir aux couleurs de cerise,<span> </span><br>Laisser du cœur vermeil couler la flamme et l'eau,<span> </span><br>Et comme l'aube claire appuyée au coteau<span> </span><br>Avoir l'âme qui rêve, au bord du monde assise...</p><a href="https://www.poesie-francaise.fr/poemes-anna-de-noailles/" style="color: rgb(178, 62, 66); text-decoration: none; font-weight: bold;">Anna de Noailles</a>.</div>
</html>
!Larmes de couteau
{{center{
!!!!!Georges ~Ribemont-Dessaignes
}}}
+++^90%^*[Larmes de couteau ]
Voici un texte peu connu et qui na pas une longue histoire scénique. Il a été monté le fil décembre 1926 àBruxelles par le groupe l’Assaut dirigé par Marie-Louise Van Veen qui appui tenait au Laboratoire théâtral Art et Action des Autant-Lara, à qui l’on doit, en 1925, la présentation d t L’Empereur de Chine du même auteur. (Il y a eu aussi une représentation tnl 984 à l’université Paul-Valéry à Montpellier.) Georges Ribemont-Dessaignes est, au delmi des années 1920, très impliqué dans le mouvement dada ; il participe aux diverses mmiil'estations avec Tzara, Picabia, Duchamp, Breton, Soupault. Si son théâtre est provocateur et en rupture avec les codes, il a surtout une dimension métaphysique accen-I lire encore par sa tendance symboliste. Comme il est dit dans un fragment à’Artichauts : Qu’est-ce que c’est moi ? Connais pas. Connais pas, connais pas, connais pas. »
Voici le début de la pièce, insolite et déroutant...
=== +++^90%^*[Commentaire]
Cette courte pièce en sept scènes est cocasse comme son titre, jeu de mots et croisement du masculin et du féminin, thème principal. Elle est étrange, avec dès la première image un pendu et un musicien aveugle. Elle est extravagante dans sa construction portée par l’élan amoureux d’Éléonore, folle du Pendu et déterminée à l’épouser. Elle verse dans la fantasmagorie avec l’apparition de Satan qui mène la danse et ressurgit du crâne des autres figures, concluant la quête de la connaissance de soi grâce à l’union amoureuse : « soi, lui et l’autre », par la formule cynique : « moi, toi et tout autre » ; mirage constant ou équivalence dadaïste du « [o]ui, oui » qui égale le « non, non ». Ribemont-Dessaignes utilise l’espace* de façon aussi complète que possible ; avec l’axe vertical du « pendu au ciel », « fil à plomb » ou « stalactite » qui s’oppose à l’horizontale de la « vipère chaude » et de « [l]a terre sous les pieds », il met en branle une dramaturgie* de la pesanteur et de la gravitation, puisque le Pendu s’appelle Saturne. Il y a ainsi le masculin raide et pointu qui se combine au féminin rond et liquide. Le langage est inventif et libre : « c’est une comète retenue par les cheveux » ou « plus doux sur les yeux que les plumes de la lune ». Poème scénique du désir, « Ecoute, dit plus tard Éléonore, j’ai la bouche salée et sucrée / J’ai deux rouges-gorges en guise de seins / Et mon ventre est trompeur comme la vérité ».
===
!!!Scène 1
{{center{//la Mère, Éléonore, le Pendu, un chien, un aveugle//}}}
//Un homme est pendu au milieu de la scène. C’est Saturne. La corde se perd dans les hauteurs. Solitude.
Un chien conduisant un aveugle passe etplaire les pieds du Pendu. Se croyant sous une fenêtre, l'iivcug/ejoue de l'accordéon. Valse mélancolique. Comme rien ne se produit, le chien et l'aveugle disparaissent. Entrent Eléonore et sa mère.//
;La MÈRE.
:J’aime la musique.
;ÉLÉONORE.
:Moi aussi j’aime la musique.
;La MÈRE.
:C’est déchirant pour le cœur, mais on peut se permettre cela parfois.
:C'est la santé du corps.
;ÉLÉONORE.
:Oh, nous n’aimons pas la même musique, toi et moi !
;La MÈRE.
:Pourquoi cela, mon enfant ?
;ÉLÉONORE.
:Non, non, j’aime la musique qui me convient. C’est bien mon droit je suppose ?
:II faut toujours qu’on soit de ton avis !
;La MÈRE.
:Et toi, vipère chaude.
:Il faut toujours que tu te dresses sur le bout de ta queue en sortant ta langue !
:Et que tu cries : c’est moi, c’est moi.
:Va au diable, avec ta liberté.
://Eléonore aperçoit le Pendu.//
;ÉLÉONORE.
:Ah, maman !
;La MÈRE.
:Quoi donc ?
;ÉLÉONORE.
:Ah, maman, qu’il est beau !
;La MÈRE.
:Ah, crème de beauté ! Où est-il ?
;ÉLÉONORE.
:Mais ici, maman !
:On dirait qu’il est pendu au ciel !
;La MÈRE.
:Oh, chair de poule ! Mais c’est abominable.
;ELÉONORE.
:On dirait que ccst une comète retenue par les cheveux à quelque mauvais scorpion du ciel.
:Maman, qu’il est beau ! Comprends-tu pourquoi la musique pleuvait sur la terre ?
;La MÈRE.
:Mais tu es folle, ma petite fille !
;ÉLÉONORE.
:Oui, oui, qu’on me lie avec la corde de ce pendu. Car c’est de lui que je suis folle. Ou plutôt non, non, qu’on ne le détache pas, car autrement ce ne serait plus un pendu !
;La MÈRE.
:On ne joue pas avec ces choscs-là, Éléonore. Et puis c’est le voisin Saturne.
;ÉLÉONORE.
:Qui ?
;La MÈRE.
:Ce pauvre homme désespéré !
;ÉLÉONORE.
:Mais c'est un pendu !
:Et j'ai rêvé d’un pendu.
;La MÈRE.
:C’est un mauvais présage, mon enfant.
;ELÉONORE.
:Il ne s’agit pas d’avenir en branche. Mais des cris de la vérité. J’ai toujours rêvé d’épouser un pendu, et celui-ci est plus doux sur les yeux que les plumes de la lune.
;La MÈRE.
:Mon Dieu, qu’a-t-elle avec ces choses célestes ! La terre sous les pieds n’est-elle pas plus douce avec les fleurs des gazons, dis-moi,
:Feu follet, soupir des morts !
;ÉLÉONORE.
:Eh bien, je l’épouserai !
;La MÈRE.
:Je te répète que c’est le voisin Saturne.
;ELÉONORE.
:Il est beau comme un phare, et fort comme minuit.
;La MÈRE.
:Tu n’y réfléchis pas, Éléonore. C’est un fil à plomb. Je le vois sec et pâle, sac plein île noix mortes.
:Cela sent mauvais un pendu.
;ELÉONORE
://(elle trépigne)//. Je l’aime.
;La MÈRE.
:Épouser ce stalactite ! Non, non,
:Les vers vont ronger ses prunelles et sa barbe. Songe
:Aux nuits d’amour,
:Au vent d’hiver sifflant dans ses jambes.
:Ecoute mon enfant, je vais te faire des confidences :
:La vie n’est pas un nuage de poudre qu’on met sur les joues.
:La nourriture d’une femme, en somme, c’est le cœur d’un amant.
:Cela se tient dans la main, ça craque sous la dent.
:Songe à la tendre graisse de l’hiver, petite marmotte.
:C’est aujourd’hui que le cœur de monsieur Satan vient battre à ta fenêtre.
:Un si bel homme, et son cœur est en or, celui-là !
!!!!!!Extrait tiré de : Dada. Georges ~Ribemont-Dessaignes. Manifestes, poèmes, nouvelles, articles, projets, théâtre, cinéma, chroniques (1915-1929), Paris, Ivrea, 1994.© Éditions Ivrea, Paris, 1994
{{center{[img(33%,)[http://1.bp.blogspot.com/_Oew9JCE0FRE/SM4XJgOm6JI/AAAAAAAABYw/NXzIbM4t1-M/s400/BB2.jpg]]}}}
!Le Chat
+++^^*@[Ma typo pour dire]
Dans ma cervelle se promène
Ainsi qu'en son appartement,
Un beau chat,
fort,
doux et charmant.
Quand il miaule, on l'entend à peine,
Tant son timbre est tendre et discret ;
Mais que sa voix s'apaise ou gronde,
Elle est toujours riche et profonde.
C'est là son charme et son secret.
Cette voix,
qui perle et qui filtre
Dans mon fonds le plus ténébreux,
Me remplit comme un vers nombreux
Et me réjouit comme un philtre.
Elle endort les plus cruels maux
Et contient toutes les extases ;
Pour dire les plus longues phrases,
Elle n'a pas besoin de mots.
Non,
il n'est pas d'archet qui morde
Sur mon coeur,
parfait instrument,
Et fasse plus royalement
Chanter sa plus vibrante corde,
Que ta voix,
chat mystérieux,
Chat séraphique,
chat étrange,
En qui tout est,
comme en un ange,
Aussi subtil qu'harmonieux !
II
De sa fourrure blonde et brune
Sort un parfum si doux,
qu'un soir
J'en fus embaumé,
pour l'avoir
Caressée une fois,
rien qu'une.
C'est l'esprit familier du lieu ;
Il juge,
il préside,
il inspire
Toutes choses dans son empire ;
Peut-être est-il fée, est-il dieu ?
Quand mes yeux,
vers ce chat que j'aime
Tirés comme par un aimant
Se retournent docilement
Et que je regarde en moi-même
Je vois avec étonnement
Le feu de ses prunelles pâles,
Clairs fanaux,
vivantes opales,
Qui me contemplent fixement.
===
{{center{
!!!!I
Dans ma cervelle se promène
Ainsi qu'en son appartement,
Un beau chat, fort, doux et charmant.
Quand il miaule, on l'entend à peine,
Tant son timbre est tendre et discret ;
Mais que sa voix s'apaise ou gronde,
Elle est toujours riche et profonde.
C'est là son charme et son secret.
Cette voix, qui perle et qui filtre
Dans mon fonds le plus ténébreux,
Me remplit comme un vers nombreux
Et me réjouit comme un philtre.
Elle endort les plus cruels maux
Et contient toutes les extases ;
Pour dire les plus longues phrases,
Elle n'a pas besoin de mots.
Non, il n'est pas d'archet qui morde
Sur mon coeur, parfait instrument,
Et fasse plus royalement
Chanter sa plus vibrante corde,
Que ta voix, chat mystérieux,
Chat séraphique, chat étrange,
En qui tout est, comme en un ange,
Aussi subtil qu'harmonieux !
!!!!II
De sa fourrure blonde et brune
Sort un parfum si doux, qu'un soir
J'en fus embaumé, pour l'avoir
Caressée une fois, rien qu'une.
C'est l'esprit familier du lieu ;
Il juge, il préside, il inspire
Toutes choses dans son empire ;
Peut-être est-il fée, est-il dieu ?
Quand mes yeux, vers ce chat que j'aime
Tirés comme par un aimant
Se retournent docilement
Et que je regarde en moi-même
Je vois avec étonnement
Le feu de ses prunelles pâles,
Clairs fanaux, vivantes opales,
Qui me contemplent fixement.
}}}
{{center{
!Le cancre
((à dire en duo ?(
>//à la marge ''l'une'', en décalé ''l'autre'', en gras ''en choeur''//
)))
[img[http://ekladata.com/Ux3Csrf1Lfc01aaDiK6oTE_uhcc.jpg]]
Il dit non avec la tête
:mais il dit oui avec le coeur
il dit oui à ce qu’il aime
:il dit non au professeur
il est debout
:on le questionne
''et tous les problèmes sont posés''
soudain le fou rire le prend
:et il efface tout
les chiffres et les mots
:les dates et les noms
les phrases et les pièges
''et malgré les menaces du maître''
sous les huées des enfants prodiges
:avec les craies de toutes les couleurs
sur le tableau noir du malheur
:''il dessine le visage du bonheur.''
}}}
!!!!!Jacques PRÉVERT
!!!!!!//"Paroles"//
+++!!![Analyse ''politique'' du poème ]
[[Une analyse politque j'ai trouvée :|http://vivelalitterature.e-monsite.com/pages/content/le-cancre-jacques-prevert.html]]
{{threecolumns small{
Dès les premiers vers « il dit non avec la tête », « il dit non au professeur » (1er et 4ème vers), c’est déjà l’expression du refus et du rejet de ce que l’on présente à ce mauvais élève, à savoir l’enseignement ou le savoir que l’on veut lui inculquer symbolisés par « la tête » et « le professeur » et qui, appliqué sur les poètes surréalistes, représenterait l’automatisme et le refus de se soumettre dans leur représentation aux contraintes de la logique et de la raison, aux carcans des règles esthétiques de ceux qui les ont précédé ni aux institutions sociales et aux valeurs morales qui la régissaient.
Mais il « dit oui avec le cœur » et dit encore « oui à ce qu’il aime » (vers 2 et 3) c'est-à-dire, à ce qui n’est pas géré par la raison, à ce qui vient du cœur et donc de l’ordre du sensationnel et de l’inconscient, car le cœur désire mais ne raisonne pas.
Dans la forme qu’offrent les quatre premiers vers, l’approbation par le « oui » est intériorisée, elle suggère le silence et la soumission qu’exprime plus loin les vers (5, 6 et 7), intériorisation embrassée par les « non » du refus et du rejet de la réalité dans les vers (1 et 4), c’est de là que naisse la révolte et le bouleversement déclenchés dans le vers 8 par « le fou rire » qui rompt le silence et extériorise le conflit.
Ce passage renvoie à la grande déception et au grand choc que le poète surréaliste avait connu et fait référence à ce demi-siècle caractérisé par le déclenchement de plusieurs conflits (deux guerres mondiales, crises, destructions et tueries innombrables) et qui ont tourmenté la jeune génération des poètes surréaliste et qui sont à l’origine de la naissance du mouvement protestataire qu’est le surréalisme contre toutes les structures et les institutions et qui avait une volonté de transformer totalement le monde.
Les vers qui suivent (9ème jusqu’au 12ème) expriment la manifestation de cette révolte, la destruction de cette réalité que le cœur refuse : les chiffres, les mots, les dates, les phrases et les pièges effacés par le cancre révolté suggèrent les valeurs politiques, sociales et morales d’alors qui n’ont pas pu éviter tous les conflits et qui ont été mises en question par les poètes surréalistes.
Les vers 12 et 13 expriment quant à eux l’engagement du poète surréaliste à poursuivre sa contestation et ne pas renoncer devant les « menaces du maitre» et les « huées des enfants prodiges» qui renvoient peut-être aux politiques, aux militaires et aux religieux qui imposaient les lois et les conformismes qui n’ont réalisé qu’un « tableau noir du malheur » (vers 16) tableau que les poètes surréalistes, avec leur esthétique nouvelle contestent et le mettent en cause en dessinant « le visage du bonheur » espéré à leur manière, par la palette riche en couleurs de rêves et d’imagination. }}}===
{{center{[img[https://i.ytimg.com/vi/KHDQYrHEwpQ/hqdefault.jpg]]}}}
Mon ami est un type énorme
Il aim'la trompette et l'clairon
Tout en préférant le clairon
Qu'est un'trompette en uniforme
Mon ami est une valeur sûre
Qui dit souvent sans prétention
Qu'à la minceur des épluchures
On voit la grandeur des nations
Subséquemment subséquemment
Subséquemment que j'comprends pas
Pourquoi souvent ses compagnons
L'appellent
L'appellent
Caporal casse-pompons
Mon ami est un vrai poète
Dans son jardin, quand vient l'été
Faut l'voir planter ses mitraillettes
Ou bien creuser ses p'tit's tranchées.
Mon ami est homm' plein d'humour
C'est lui qu'a trouvé ce bon mot
Que je vous raconte à mon tour
Ich slaffen at si auuz wihr prellen zie
Subséquemment subséquemment
Subséquemment que j'comprends pas
Pourquoi souvent ses compagnons
L'appellent
L'appellent
Caporal casse-pompons
Mon ami est un doux rêveur
Pour lui Paris c'est une caserne
Et Berlin un p'tit champ de fleurs
Qui va de Moscou à l'Auvergne
Son rêv'voir Paris au printemps
Défiler en tête de son groupe
En chantant comm'tous les vingt-cinq ans
Baisse t'gain'Gretchen que j'baise ta croupe (ein zwei)
Subséquemment subséquemment
Subséquemment que nous ne comprenons
Comment nos amis les Franzosen
Ils osent ils osent l'appeler
Caporal casse-pompons (ein zwei)
!Le Chat
!!!!!Guillaume Apollinaire
<<<
Je souhaite dans ma maison :
Une femme ayant sa raison,
Un chat passant parmi les livres,
Des amis en toute saison
Sans lesquels je ne peux pas vivre.
<<<
{{center{[img(40%,)[Les prestations du 23 fév 2018|http://image.ibb.co/m46rNc/Snapshot_263.png
][https://photos.app.goo.gl/VMgyDih5ReuUAx2G2]]
!Le Chien qui porte à son cou le dîné de son maître
!!!!!!Jean de LA FONTAINE (1621-1695)
Nous n'avons pas les yeux à l'épreuve des belles,
Ni les mains à celle de l'or :
Peu de gens gardent un trésor
Avec des soins assez fidèles.
Certain Chien, qui portait la pitance au logis,
S'était fait un collier du dîné de son maître.
Il était tempérant plus qu'il n'eût voulu l'être
Quand il voyait un mets exquis :
Mais enfin il l'était et tous tant que nous sommes
Nous nous laissons tenter à l'approche des biens.
Chose étrange ! on apprend la tempérance aux chiens,
Et l'on ne peut l'apprendre aux hommes.
Ce Chien-ci donc étant de la sorte atourné,
Un mâtin passe, et veut lui prendre le dîné.
Il n'en eut pas toute la joie
Qu'il espérait d'abord : le Chien mit bas la proie,
Pour la défendre mieux n'en étant plus chargé.
Grand combat : D'autres chiens arrivent ;
Ils étaient de ceux-là qui vivent
Sur le public, et craignent peu les coups.
Notre Chien se voyant trop faible contre eux tous,
Et que la chair courait un danger manifeste,
Voulut avoir sa part ; Et lui sage : il leur dit :
Point de courroux, Messieurs, mon lopin me suffit :
Faites votre profit du reste.
A ces mots le premier il vous happe un morceau.
Et chacun de tirer, le mâtin, la canaille ;
A qui mieux mieux ; ils firent tous ripaille ;
Chacun d'eux eut part au gâteau.
Je crois voir en ceci l'image d'une Ville,
Où l'on met les deniers à la merci des gens.
Echevins, Prévôt des Marchands,
Tout fait sa main : le plus habile
Donne aux autres l'exemple ; Et c'est un passe-temps
De leur voir nettoyer un monceau de pistoles.
Si quelque scrupuleux par des raisons frivoles
Veut défendre l'argent, et dit le moindre mot,
On lui fait voir qu'il est un sot.
Il n'a pas de peine à se rendre :
C'est bientôt le premier à prendre.
}}}
<<top>>
!Le Chêne et le Roseau
{{center{[img[http://ekladata.com/SEgkP0LifE0Oc2eZb_GKjfRxnwQ.jpg]]}}}
Le Chêne un jour dit au Roseau :
"Vous avez bien sujet d'accuser la Nature ;
Un Roitelet pour vous est un pesant fardeau.
Le moindre vent, qui d'aventure
Fait rider la face de l'eau,
Vous oblige à baisser la tête :
Cependant que mon front, au Caucase pareil,
Non content d'arrêter les rayons du soleil,
Brave l'effort de la tempête.
Tout vous est Aquilon, tout me semble Zéphyr.
Encor si vous naissiez à l'abri du feuillage
Dont je couvre le voisinage,
Vous n'auriez pas tant à souffrir :
Je vous défendrais de l'orage ;
Mais vous naissez le plus souvent
Sur les humides bords des Royaumes du vent.
La nature envers vous me semble bien injuste.
- Votre compassion, lui répondit l'Arbuste,
Part d'un bon naturel ; mais quittez ce souci.
Les vents me sont moins qu'à vous redoutables.
Je plie, et ne romps pas. Vous avez jusqu'ici
Contre leurs coups épouvantables
Résisté sans courber le dos ;
Mais attendons la fin. "
Comme il disait ces mots,
Du bout de l'horizon accourt avec furie
Le plus terrible des enfants
Que le Nord eût portés jusque-là dans ses flancs.
L'Arbre tient bon ; le Roseau plie.
Le vent redouble ses efforts,
Et fait si bien qu'il déracine
Celui de qui la tête au Ciel était voisine
Et dont les pieds touchaient à l'Empire des Morts.
!!!!!//Jean de LA FONTAINE (1621-1695)//
!Le Cimetière des voitures
{{center{
!!!!Fernando Arrabal
}}}
+++^90%^*[Le Cimetière des voitures ]
Cette pièce est devenue célèbre grâce à la mise en scène de Victor Garcia qui, en 1966 à Dijon puis à Paris au Théâtre des Arts en 1968, l’a présentée dans un dispositif scénique* qui incluait les spectateurs. Le spectacle était composé avec trois autres pièces courtes d’Arrabal, Oraison, Les Deux Bourreaux, La Communion solennelle, qui s’imbriquaient dans Le Cimetière des voitures coupé en trois. Théâtre « panique » comme le voulait l’auteur, provocateur et novateur comme le souhaitait le metteur en scène. Installés dans des voitures à la casse, les personnages vivotent, et seuls Emanou, le trompettiste qui joue pour les pauvres, et Dila, prostituée et servante, émettent une lueur. Mais la police va arrêter le musicien, trahi par l’un des siens, et le tuera. C’est un monde déglingué, étrange et sans issue qu’invente Arrabal.
Voici, peu après le début de la pièce, la scène où se produit la rencontre tant espérée entre Emanou et Dila...
=== +++^90%^*[Commentaire]
Dans cet environnement brutal surgit quand même un duo d amour. Arrabal invente, pour exprimer l’exaltation d’Émanou, quelques belles images lyriques semblables à des improvisations musicales : « des hirondelles pour tes seins », « nous tournoierons, enlacés comme deux écureuils sous-marins », « [j]e te cajolerai comme si tu étais un lac de miel dans la paume de ma main ». La coupure correspond à de longues didascalies qui expliquent comment les autres se transforment en voyeurs pour observer les amoureux cachés derrière une voiture. Le second temps de la séquence déroute, car il transforme l’élan amoureux précédent en une routine, « les mêmes histoires tous les soirs », en accord avec les actions répétitives qui ponctuent la pièce. Le thème central de la bonté est abîmé lui aussi puisqu il est indiqué qu’Émanou, lorsqu’il en parle, « récite comme s'il avait appris une leçon par cœur ».
I )uns le dernier temps, Arrabal esquisse, dans les bribes de récit de vie du jeune homme, un parallèle avec Jésus. Mais l’histoire est dégradée aussi à l’instar du verbe conjugué approximativement qui dit que l’âne « brayait » et le message consiste seulement a faire danser le soir « ceux qui n’ont pas d’argent ». Pas de sarcasme antichréticn ici, mais plutôt le dévidement brinquebalant d’une table* naïve et usée qui ne peut mener à aucun salut dans ce monde machiné,cruel et inexorable que Ion regarde comme un petit théâtre mécanique.
===
!!!Acte I
{{center{Emanou, Dila}}}
//Emanou attend avec impatience. Enfin Dila sort de la « voiture 2 », cettefois assez violemment, sans doute poussée de l'intérieur. Elle tombe par terre. Emanou s'approche d'elle.//
;EMANOU.
:Je voulais te voir. //(Un temps.)// Dila, j’aimerais aller avec toi ce soir ; je veux que ma bouche soit une cage pour ta langue et mes mains des hirondelles pour tes seins.
;DILA.
://(surprise)//. Emanou !
;EMANOU.
:Et puis les amis disent que je ne suis pas un homme, que je ne peux pas en être un tant que je ne suis pas allé avec une femme.
;DILA.
:Et tu veux que ce soit moi ?
;EMANOU.
:Oui, Dila, tu es meilleure que les autres. Avec toi je n’aurai presque pas de honte. Et puis je sais à peu près tout ce que je dois faire. Quand je te regarde, des trains électriques dansent entre mes jambes.
;DILA.
:Mais tu connais sa jalousie.
;EMANOU.
:Il ne nous verra pas. Et s’il nous découvre on lui dira qu’on est en train de jouer aux soldats. Nous serons ensemble, invisibles comme la nuit et les pensées, et nous tournoierons, enlacés comme deux écureuils sous-marins.
;DILA.
:Mais, Émanou, il faut que tu ailles au bal jouer de la trompette.
;EMANOU.
:Ce sera vite fait. //(Soudain.)// Tu ne veux pas ?
;DILA.
:Si, mais...
;EMANOU.
:Je vois, tu ne veux pas parce que tu sais que je n’ai aucune expérience.
;DILA.
:Ça n’a pas d’importance, moi j’en ai beaucoup,
;EMANOU.
:Alors, Dila, on se compense.
;DILA.
:Allons-y. //(Un temps.)// Je te cajolerai comme si tu étais un lac de miel dans la paume de ma main.
//Dila et Émanou se placent derrière la « voiture A » de sorte que les spectateurs ne peuvent les voir. [...]//
//Long silence. Dila et Émanou reparaissent. Ils sortent de derrière la « voiture A ».//
;EMANOU.
://(honteux)//. Dila... la vérité c’est que les amis ne m’ont jamais rien dit... et puis, l’ai de l’expérience. Mais je voulais aller avec toi.
;DILA.
:Pourquoi me racontes-tu les mêmes histoires tous les soirs ?
;EMANOU.
:Ne me fais pas de reproches, Dila.
;DILA.
:Tu n’as pas besoin d’inventer quelque chose, tu sais depuis longtemps que j’accepte toujours.
;EMANOU.
:Oui, mais je prends mes précautions. Je te promets que je ne te mentirai jamais.
;DILA.
:Tous les soirs tu me fais la même promesse.
;EMANOU.
:Cette fois je te jure que je me corrigerai.
;DILA.
:J’ai toujours confiance en toi. Mais...
;EMANOU.
:Je veux être bon, Dila.
;DILA.
:Moi aussi, je veux être bonne, Emanou.
;EMANOU.
:Toi, tu l’es déjà : tu laisses tout le monde coucher avec toi.
;DILA.
:Je voudrais être encore meilleure.
;EMANOU.
:Moi aussi.
;DILA.
:Mais à quoi ça va-t-il nous servir d’être bons ?
;EMANOU.
:Eh bien, quand on est bon //(Il récite comme sil avait appris une leçon par cœur. )//, on ressent une grande joie intérieure, née de la paix de l’esprit dont on jouit lorsqu’on se voit semblable a l’image idéale de l’homme.
;DILA.
://(enthousiaste)//. lu le dis de mieux en mieux.
;EMANOU.
://(fier)//. Oui, je n’ai pas à me plaindre. Je l’ai appris par cœur.
;DILA.
:T u es rudement intelligent, toi : tu sais tout.
;EMANOU.
:Pas tout, mais presque tout. Du moins les choses importantes, et toujours par cœur.
;DILA.
:Moi je crois que tu as en toi quelque chose de pas ordinaire... //(Un temps.)// Dis-moi un peu pour voir, tout ce que tu sais.
;ÉMANOU.
:Eh bien je sais... à quoi ça sert d’être bon... Je sais jouer de la trompette... Je sais les mois de l’année sans en oublier un... [...]
;DILA.
:Oh ! très bien ! lu sais tout. Je te le dis : tu dois avoir quelque chose en toi, ou bien tu dois être le fils... //(Elle montre le ciel et dit gauchement.)//... de quelqu’un... de quelqu’un, disons, de très haut placé.
;EMANOU.
:Non. Ma mère était pauvre. Elle m’a dit quelle était si pauvre que lorsque j’allais naître personne n’a voulu la laisser entrer chez soi. Seuls une petite vache et un ânon qui se trouvaient dans une étable très délabrée eurent pitié d’elle. Alors ma mère est entrée dans létable et je suis né. L’âne et la vache me réchauffaient de leur haleine. La vache étail contente de me voir naître et elle faisait « Meuh ! Mcuh ! » et l’âne brayait et remuait les oreilles.
;DILA.
:Personne n’a voulu écouter ta mère ?
;EMANOU.
:Non. Ensuite on est partis pour un autre village et là mon père était charpentier, et moi je l’aidais à faire des tables, des chaises et des armoires. Mais le soir j’apprenais à jouer de la trompette. Et quand j’ai eu trente ans j’ai dit à mon père et à ma mère que j’allais jouer pour que ceux qui n’ont pas d’argent puissent quand même danser le soir.
;DILA.
:C’est à ce moment-là que tes amis se sont joints à toi ?
;ÉMANOU.
:Oui.
!!!!!!Extrait tiré de : Le Cimetière des voitures, Paris, Christian Bourgois, 1968. © Éditions Christian Bourgois, 1958
!Le Comte
+++[Tout le texte du rôle]
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sortBy 'tiddler.title'
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'"----\n<<tiddler [["+tiddler.title+"]]$))\n"'
>>
===
//Toutes ses scènes ://
!Le Dromadaire
!!!!!//Guillaume Apollinaire//
<<<
Avec ses quatre dromadaires
Don Pedro d’Alfaroubeira
Courut le monde et l’admira.
Il fit ce que je voudrais faire
Si j’avais quatre dromadaires.
<<<
{{center{
!Le Défunt
!!!!René de Obaldia
}}}
<<<
//Pas de décors. L'acte peut se passer devant le rideau. Sitôt les trois coups, Julie et Madame de Crampon arrivent des deux côtés de la coulisse, traînant chacune une chaise avec elles.
Madame de Crampon porte une cinquan-taine. d'années et un chapeau extravagant peuplé d'une multitude d'oiseaux aux becs terribles. Julie, en grand deuil, offre le spectacle d'une veuve encore jeune et appétissante. Elles amènent leur chaise au milieu de la scène, les plaçant côte â côte, s'as-seyent et demeurent un moment silencieuses. Se découvrant tout à coup, elles se lèvent ainsi que deux ressorts.//
<<<
;MADAME DE CRAMPON
:Julie !
;JULIE
:Madame de Crampon !
//Elles s'embrassent. Se rasseyent. Un temps.//
;MADAME DE CRAMPON
:Pour être à l'heure, nous sommes à l'heure !
;JULIE
:Oui... Nous aurions voulu le faire exprès...
;MADAME DE CRAMPON
:Je suis bien heureuse de vous voir. Comment allez-vous depuis la dernière fois ?
;JULIE
:Oh! vous savez...
;MADAME DE CRAMPON
:Oui, oui, je sais... Cela va bientôt faire un an que ce cher Victor nous a quittés !
;JULIE
:Trois ans, Madame de Crampon.
;MADAME DE CRAMPON
:Trois ans, voilà ce que je voulais dire. Trois ans. Comme le temps passe vite !
;JULIE
:Ce sont les minutes qui sont longues !
;MADAME DE CRAMPON
:Plaît-il ?
;JULIE, fort. -
:Ce sont les minutes qui sont longues !
;MADAME DE CRAMPON
:Bien sûr, bien sur... surtout la nuit.
;JULIE
:Surtout la nuit.
;MADAME DE CRAMPON
:Ce cher Victor.
//Elle pousse un soupir.//
;JULIE
:Il vous aimait bien, Madame de Crampon ! Avant qu'il ne tombât muet, il me parlait souvent de vous.
;MADAME DE CRAMPON
:Mon Dieu ! quelle idée a-t-il eu de tomber muet ?
;JULIE
:La paralysie, chère madame, la paralysie... Cela a commencé par le côté droit.
;MADAME DE CRAMPON
:Le côté du foie.
;JULIE
:Plaît-il ?
;MADAME DE CRAMPON
:Le côté du foie. A gauche, c'est le côté du cœur, à droite le côté du foie.
;JULIE
:Peut-être... Remarquez, bien avant sa première crise, j'aurais dû me méfier.
;MADAME DE CRAMPON
:Si l'on savait !...
;JULIE
:Nos... nos... rapports... s' espa-çaient de plus en plus.
;MADAME DE CRAMPON, subitement intéressée. -
:Ah oui ! racontez-moi ça...
;JULIE
:Ceci entre nous, Madame de Crampon.
;MADAME DE CRAMPON
:Julie .... vous connaissez ma discrétion... Donc, vous me laissiez entendre que vos rapports...
;JULIE.
:Enfin... mon mari était ce qu on peut appeler un chaud lapin.
;MADAME DE CRAMPON
:Un chaud lapin ! //(Elle glousse.)// J'adore cette expression !
;JULIE
:Trop chaud même... Je le soup-çonne d'avoir incendié tout le combustible qui se trouvait dans son entourage...
;MADAME DE CRAMPON. -
:Oh !
;JULIE
:Le nombre de secrétaires et de dactylos qui montèrent en grade dans son service...
;MADAME DE CRAMPON
:Ce n'est pas possible !
;JULIE
:Ne croyez pas que je veuille le charger, ce pauvre cher Victor... Je lui procu-rerais volontiers toutes les femmes de l'uni-vers si cela pouvait le faire jaillir de son tombeau !
;MADAME DE CRAMPON
:Vous iriez jusque-là!
;JULIE
:Encore plus loin, MADAME DE CRAMPON, encore plus loin... La passion ne s'arrête pas à de petits détails... Le tort que j'avais, de son vivant, c'était précisément de m'y arrêter. Quand je pense à la scène que j'ai faite à la crémière !
;MADAME DE CRAMPON
:Parce que... la crémière aussi...
;JULIE
:Tous ses fromages blancs en pleine figure ! //(Elle se laisse soudain glisser de sa chaise, tombe à genoux et joint les mains.)// Victor, je te demande pardon !
;MADAME DE CRAMPON, //très gênée.// -
:Je vous en prie, asseyez-vous... Si l'on nous voyait...
;JULIE, //elle se rassied.// -
:Excusez-moi, la douleur m'égare...
;MADAME DE CRAMPON
:Si je comprends bien, Victor vous négligeait ?
;JULIE,
://piquée au vif// Moi ? Pas du tout !
;MADAME DE CRAMPON
:Eh bien !...
;JULIE
:Mais comme je vous l'expliquais, avant sa paralysie, mon époux n'était déjà plus le même... Nous restions parfois dix jours, douze jours, treize jours sans...
;MADAME DE CRAMPON
:Oui, oui, oui, oui, oui.
;JULIE
:D'abord je m'étais accusée Julie, tu es froide, Julie, tu n'atteins pas les sommets de ton Victor, Julie tu manques de souffle...
;MADAME DE CRAMPON
:Il était très exigeant ?
;JULIE
:Exigeant ? oui et non..., raffiné surtout, raffiné. Il s'appelait Badouin, comme vous savez, Victor Badouin, mais en réalité, il descendait directement des " de Saintefoix Vilmure de Saintonge ".
;MADAME DE CRAMPON, //soupçonneuse. //-
:Comment cela ?
;JULIE
:A la Révolution, son ancêtre Jules de Saintefoix Vilmure de Saintonge, afin de s'éviter quelques désagréments, avait emprunté le nom de Badouin. Très exactement, il avait payé un certain César Badouin pour qu'il aille se faire guillotiner à sa place.
;MADAME DE CRAMPON
:Et ce monsieur Badouin se laissa trancher la tête par procuration ?
;JULIE
:Oh ! vous savez, pour de l'argent !... Ceci à seule fin de vous expliquer cer-taines " subtilités " de mon défunt. Du sang bleu coulait dans ses veines... Vous, Madame, une " de " Crampon me suivez certainement ?
;MADAME DE CRAMPON
:Je vous suis, je vous suis...
;JULIE
:Donc, pour en revenir à ce qui nous occupe, après m'être d'abord accusée, je me rendis compte que j'exagérais mon incu-rie... en ce domaine... que ma froideur pou-vait nourrir des feux redoutables... D'autres anguilles sont sous roche, pensai-je... Un soir, alors qu'il était rentré encore plus tard que de coutume, j'allai le trouver dans la salle de bains, je fermai la porte à clef et je lui dis " Victor, j'en ai assez ! Choisis, c'est moi, ou Barnabé ! "
;MADAME DE CRAMPON, //s'étranglant presque.// -
:Barnabé !
;JULIE
:Oui, Barnabé, le nouveau comptable.
;MADAME DE CRAMPON, //le souffle coupé//. -
:Parce que Victor, Monsieur Badouin...
;JULIE
:Évidemment, c'était un très beau garçon ! Les yeux surtout ! Jamais on n'aurait soupçonné que ces yeux-là mangeaient des chiffres du matin au soir. Ou peut-être est-ce cela qui leur donnait cette pureté..., cette sorte d'éclat mathématique ?
;MADAME DE CRAMPON
:Voyons, ma petite Julie, vous ne vous sentez pas souffrante ?
;JULIE
:Je vous ennuie avec toutes mes histoires.
;MADAME DE CRAMPON, vivement. -
:M'ennuyer ? Oh ! pas du tout !... Que répondit Victor, lorsque vous lui parlâtes de Barnabé ?
;JULIE
:Rien. C'est à partir de ce moment qu'il tomba muet. Déjà l'horrible maladie rongeait sa moelle de chef de bureau... Et moi //(elle se frappe violemment la poitrine)//, moi, je l'accusais, ce cher esthète, je l'accablais, je versais dans la mesquinerie, dans des petites questions de petits points de vue... //(Elle tombe de nouveau à genoux.)// Victor, je te demande pardon !
;MADAME DE CRAMPON
:Je vous en prie, Julie !
;JULIE, //se rasseyant//. -
:Excusez-moi. Le remords me tue.
;MADAME DE CRAMPON, //la regardant avec tendresse.// -
:Pauvre cher ange, pauvre tulipe noire !
;JULIE
:Comme vous êtes bonne, Madame de Crampon !
:Elle se laisse tomber sur le sein de son amie.
;MADAME DE CRAMPON, de plus en plus gênée. -
:Voyons, Julie !... //(Elle tente de redresser cette longue fleur sans tuteur.)// Julie... Je ne suis pas Victor !
;JULIE
:On dit ça !
;MADAME DE CRAMPON
:Allons, Julie, un peu de dignité ! Redressez-vous ! Allons !...
//Elle la redresse.//
;JULIE
:Chaque fois que je rencontre un ou une amie de Victor, c'est un peu de lui-même que je retrouve... Il y a du Victor en vous, Madame de Crampon.
;MADAME DE CRAMPON
:Écoutez, mon enfant, moi aussi j ai été veuve. Je veux dire : j'ai connu bien des épreuves au cours de mon existence. Je n'en suis pas morte.
;JULIE
:Vous en mourrez, Madame de Crampon, croyez-moi, vous en mourrez !
;MADAME DE CRAMPON, //maternelle.// -
:Allons ! Allons Vous êtes encore jeune... La terre continue de tourner, les feuilles de grimper aux arbres... Les petites filles sautent à la corde, l'Océan joue du biniou... les oiseaux cuicuitent... la France...
;JULIE, //se levant.// -
:Ah ! les oiseaux ! Victor aimait tant les oiseaux ! //(Elle fixe d'un air égaré le chapeau de Madame de Crampon.)// ... Madame de Crampon, donnez-moi votre chapeau.
;MADAME DE CRAMPON, //étonnée.// -
:Mon chapeau !
;JULIE
:Oui, votre chapeau. Votre chapeau qui est plus qu'un chapeau, qui est un ramage, Madame de Crampon, un ramage ! //(Tendant les mains vers l'objet convoité.)// Je vous en prie...
;MADAME DE CRAMPON, se reculant. -
:Vous n'y songez pas !... Vous voudriez que je reparte tête nue ?
;JULIE
:Je vous donnerais le mien si cela peut vous faire plaisir.
;MADAME DE CRAMPON -
:Je n'ai pas besoin qu'on me fasse plaisir. //(Enfonçant solidement son chapeau sur son chef.)// Chaque chose à sa place.
;JULIE
:Il aimait tant les oiseaux, Victor... La première fois qu'il viola une petite fille, je lui ai demandé, oh ! très doucement pour ne pas le froisser, Victor, pourquoi as-tu fait cela ? Vous ne savez pas ce qu'il m'a répondu?
;MADAME DE CRAMPON, //étrangement pâle.// -
:Ma foi non !
;JULIE
:Parce qu'elle ressemblait à un petit oiseau. C'était un poète, mon Victor.
;MADAME DE CRAMPON, //à elle-même.// -
:Non, ce n'est pas possible ! Un homme si distingué, si ponctuel, jamais un mot plus haut qu'un autre...
;JULIE
:Je vous en prie, chère grande amie...
://(Terrible tout à coup.)// Victor me commande ce chapeau ; plumé ou déplumé je l'obtiendrai !
;MADAME DE CRAMPON, //le retirant en tremblant.// -
:Tenez, puisque cela peut faire votre bonheur.
;JULIE, //bondissant sur le chapeau.// -
:Comment osez-vous me parler de bonheur ? //(Examinant l'objet et s'attendrissant.)// Oh ! les beaux oiseaux ! Oh ! les gracieux volatiles !
;MADAME DE CRAMPON
:Julie, vous n'êtes pas dans votre état normal !
;JULIE
:Parce que vous, Madame de Crampon, vous vous croyez dans un état normal ?
;MADAME DE CRAMPON
:Si quelqu'un pouvait passer !
;JULIE
:Comment ?
;MADAME DE CRAMPON. -
:C'est-à-dire... évidemment, on ne sait jamais. //(Très vite.)// Pierre qui roule n'amasse pas mousse. Un tien vaut mieux que deux tu l'auras ... Brebis qui bêle perd sa goulée. Parlez-moi encore de Victor, ce cher Victor. La première fois que je l'ai rencontré, c'était à l'enterrement de votre grand-mère... //(Joyeuse.)// Vous vous souvenez de l'enterrement de votre grand-mère ? C'était le bon temps !
;JULIE
:Je me souviens... C'est lui qui l'a tuée.
;MADAME DE CRAMPON.
:Hein ?
;JULIE
:Remarquez, à partir d'un certain âge, il est indécent de ne pas mourir. Non seulement indécent, mais immoral.
;MADAME DE CRAMPON, //terrorisée.// -
:Très juste.
;JULIE
:Vous voulez que je vous raconte l'histoire ?
;MADAME DE CRAMPON
:Je crains qu'il ne se fasse tard... On bavarde, on bavarde, les heures tournent...
;JULIE
:Ma grand-mère, comme beau-coup de vieillards, adorait les confitures. La gelée de groseille surtout.
;MADAME DE CRAMPON
:La gelée de groseille.
;JULIE
:Elle aurait vendu son âme pour un seul pot. Un dimanche d'avril, nous étions en famille et remarquâmes que Victor s'était approché de son oreille en lui glissant quelques mots dans le tuyau... Dix minutes plus tard leurs deux places se trouvaient vides...
;MADAME DE CRAMPON, //se tenant le cœur, respirant mal.// -
:Mon cœur me lâche. Je sens mon cœur qui me lâche.
:JULLE.
:Où pouvaient-ils être ?
;MADAME DE CRAMPON, //faisant un grand effort.// -
:Oui, où pouvaient-ils être ?
;JULIE
:Dans la cave... Victor l'avait coincée entre deux pots de confiture et avait abusé d'elle !... Lorsque nous arrivâmes, trop tard, elle était morte !
;MADAME DE CRAMPON, //dans un murmure.// -
:Morte !
;JULIE
:Comme quoi la gourmandise est toujours punie... Naturellement, motus. Cha-cun fit comme s'il n'avait rien vu. Dans notre famille, nous sommes très chatouilleux sur l'honneur. Vous savez que Victor avait la rosette?
;MADAME DE CRAMPON, //dans un demi-murmure.// -
:Morte !
//Sa tête tombe à la renverse.//
;JULIE
:Eh bien ! Madame de Crampon, que se passe-t-il ?
;MADAME DE CRAMPON, //entrouvrant son corsage.// -
:De l'air, de l'air !
:JULLE.
:Allons, Madame De Crampon ! //(Elle lui tapote les mains, les joues.)// Vous n'allez pas partir !
;MADAME DE CRAMPON, //dans un quart de murmure.// -
:Je voudrais bien !... De l'air ! Ouvrez les fenêtres !
;JULIE, //l'éventant avec le chapeau.// -
:Eh bien ! Eh bien ! C'est moi qui suis veuve, ce n'est pas vous !
;MADAME DE CRAMPON, //hurlant.// -
:Ou-vrez les fenêtres. Laissez rentrer les oiseaux...
;JULIE
:C'est votre chapeau que vous voulez ? Tenez, je vous le rends.
//Elle le lui remet sur la tête.//
;MADAME DE CRAMPON, //très distinctement.// -
:Quand je pense que j'ai couché avec ce monstre !!!
;JULIE
:Quoi ! Qu'est-ce que vous dites ?
;MADAME DE CRAMPON
:Un homme si ponctuel ! ... //(Tombant à genoux et joignant les mains, à la manière de Julie.)// Victor, mon Victor, dis-moi que ce n'est pas vrai !
;JULIE
:Mon Victor ! //(Se frappant le front et poussant un grand cri.)// Ah ! j'y suis ! Ça devait se passer entre le 21 mars et la mi-juillet... Je lui demandais " Qu'est-ce que tu fais en ce moment, mon grand ? " Il me répondait invariablement avec une fine lueur dans le regard " Je me cramponne ! je me cramponne ! " C'était donc ça !
;MADAME DE CRAMPON.
:Ah ! ma tête!... ma tête !...
//Elle se relève.//
;JULIE, //tombant a genoux a son tour//.
:Victor, je te demande pardon... J'ai dû te rendre bien malheureux pour que tu ailles chercher consolation chez cette vieille chouette !
;MADAME DE CRAMPON
:Qui parle de chouette ?
//Elle regarde autour d'elle avec un air complètement égaré.//
;JULIE
:Pardon, mon grand ; toi dont l'ombre couvre encore toutes choses.
;MADAME DE CRAMPON
:Qui est cette femme ? Comme elle paraît souffrir ! //(S'approchant de Julie.)// Qui êtes-vous, madame ?
;JULIE, //de plus en plus abîmée dans la douleur, et continuant de parler au vide.// -
:Qui suis-je ?... O cruel destin de la femme qui ne peut être qu'en n'étant pas, qui ne peut se trouver qu'en se perdant... Comment puis-je ne plus être afin d'être, puisque l'objet de ma perte n'est plus ?
;MADAME DE CRAMPON
:Vous avez perdu quelque chose, madame ?
;JULIE
:Je fais semblant d'être, mais ce faisant je trompe l'univers, je trompe le plus petit brin d'herbe, le moindre bourgeon, le moindre têtard... Je me trompe moi-même et je trompe Victor !... Pardon, mon grand !
;MADAME DE CRAMPON
:Victor? //(Ce nom semble remuer quelque chose de douloureux dans sa pauvre tête.)// J'ai déjà entendu ce nom-la quelque part...
;JULIE, se relevant. -
:Ce corps inutile, ce corps inutile qui singe les gestes des vivants n'est plus qu'une terrible vacuité incapable de donner réalité à la plénitude... Veuve ! Je suis veuve !
;MADAME DE CRAMPON. -
:Ah ! vous êtes veuve ! Je me disais aussi...
;JULIE
:Je suis amputée, comme la terre serait amputée du ciel. Comme... Comment exister ?... Je me sens de plus en plus contaminée par mon apparence.
;MADAME DE CRAMPON
:Allons, allons, vous exagérez certainement.
;JULIE
:La douleur a fait vaciller mon esprit, les ténèbres s'emparent de moi... Où suis-je ?... Est-il vrai que les grenadiers de Napoléon allèrent en Espagne pour manger des pastèques ?... Qui êtes-vous, madame ?
;MADAME DE CRAMPON
:Votre amie, votre amie.
;JULIE
:J'ai déjà dû vous rencontrer...
;MADAME DE CRAMPON
:Le monde est si petit !
;JULIE
:Surtout lorsqu'une peine incommensurable l'habite. Dites, madame, est-il vrai que tout corps plongé dans un liquide reçoit une poussée verticale de bas en haut capable de le projeter jusqu'aux étoiles ?
;MADAME DE CRAMPON
:C'est exact.
;JULIE
:Alors je vais aller me noyer.
;MADAME DE CRAMPON
:Voyons, ne dites pas de bêtises... Tenez, asseyez-vous ; voici deux chaises qui semblent avoir été créées exprès pour vous et moi.
;JULIE, //considérant longuement les chaises.// -
:Elles sont bien bonnes !
//Elles s'asseyent toutes deux, absolument comme au début de la scène. Long silence.//
;MADAME DE CRAMPON
:Tout, chez vous, laisse supposer que vous avez traversé de terribles épreuves...
;JULIE
:On ne traverse jamais les épreuves, ce sont les épreuves qui vous traversent.
;MADAME DE CRAMPON
:Ainsi que des milliers de glaives dont aucun ne nous livre son nom.
;JULIE
:Plaît-il ?
;MADAME DE CRAMPON,
:Ainsi que des milliers de glaives... Je vous demande pardon, je deviens lyrique.
;JULIE
:Je vous pardonne.
;MADAME DE CRAMPON
:Merci. //(Un temps.)// Que me pardonnez-vous ?
;JULIE
:De devenir... Moi, j'ai été, mais je ne suis plus... Il y a très longtemps, très longtemps, j'aimais un homme...
;MADAME DE CRAMPON
:Victor.
;JULIE, vivement. -
:Comment le savez-vous ?
;MADAME DE CRAMPON
:Vous me l'avez avoué vous-même tout à l'heure... Toutes les femmes aiment un Victor ; il leur faut bien un monstre pour donner prétexte à leur propre labyrinthe.
;JULIE
:Vous dites des choses fortes, madame.
;MADAME DE CRAMPON
:Oui, depuis quelques minutes. //(Montrant sa tête.)// Ça m'a fait clic là-dedans !
;JULIE
:Clic ?
;MADAME DE CRAMPON
:Clic.
;JULIE
:C'est cela clic ! //(Un silence.)// Vous portez un bien joli chapeau.
;MADAME DE CRAMPON, l'ôtant et l'examinant, - Vous trouvez ?... Je vous le donne.
:Elle le donne à Julie.
;JULIE
:Merci, je le mettrai dans ma volière.
;MADAME DE CRAMPON
:Plaît-il ?
;JULIE
:Je le mettrai dans ma volière.
;MADAME DE CRAMPON
:Comme vous êtes touchante
;JULIE
:Peut-être, mais personne ne peut me toucher, je ne suis qu'une apparence.
;MADAME DE CRAMPON
:Vous devez avoir raison. //(Un temps. Et sur un tout autre ton.)// Suzanne, rends-moi mon chapeau.
;JULIE.
:Ton... ?
;MADAME DE CRAMPON,
:Oui, il doit être au moins six heures...
;JULIE
:Tu crois, Honorine ?
;MADAME DE CRAMPON
:Six heures et quart...
;JULIE
:Oh ! quel dommage .... Encore cinq minutes, cinq minutes seulement !
;MADAME DE CRAMPON
:Non, je t'assure, il faut rentrer, ma petite caille.
;JULIE
:Pas tout de suite... Aujourd'hui, nous sommes sublimes... Quel dialogue ! J'en frémis encore.
;MADAME DE CRAMPON
:Moi aussi. Je ne me sens plus la même... Le moment de la grand-mère et du pot de confiture... Mais le temps passe et il y a les contingences.
;JULIE
:Les contingences !
;MADAME DE CRAMPON.-
:Les machines à laver, les enfants à fouetter, la viande à mastiquer, les journaux à balancer... //(Elle se lève.)// Allons, Suzanne, du nerf !... Nous reviendrons demain. Demain comme hier, comme après-demain...
;JULIE
:On reparlera de Victor ?
;MADAME DE CRAMPON
:Si tu veux. Et j'amènerai mon perroquet.
;JULIE
:Oh ! oui ! amène ton perroquet ; comme ça, on se fera enregistrer. //(Elle se lève.)// Et moi, je mettrai ma robe de mariée avec un brassard noir.
;MADAME DE CRAMPON.
:D'accord... Au revoir, ma petite Suzanne.
;JULIE
:Au revoir, Honorine.
//Elles s'embrassent. S'en vont chacune de leur côté, se retournent au même moment et...//
;MADAME DE CRAMPON
:Demain...
;JULIE
:Même heure...
//Elles disparaissent comme elles sont venues.//
/%
|exercice|groupe interprètation vocale|
|niveau|900 Fin|
%/
!Le Hareng Saur
//
C:\Users\jtcom\Dropbox\Textes\Textes à dire\Hareng saur - livret.pdf
//
<<tiddler 'Jacques fait jouer le public'>>
!!!!!!//Texte du Hareng saur de Charles Cros avec des conseils sur l'art de le dire par Coquelin cadet//
{{center{[img[http://www.litteratureaudio.com/img/xLe_hareng_saur_-_Charles_Cros.jpg.pagespeed.ic.UPnZDkLQUj.webp]]}}}
|borderless|k
|Le Hareng saur |<html><hr></html>{{small italic{Criez Le Hareng saur d'une voix forte. Ne bougez pas le corps, soyez d'une immobilité absolue. En disant ce titre, il faut que le public ait le sentiment d'une ligne noire se détachant sur un fond blanc.}}} |
|Il était un grand mur blanc — nu, nu, nu, |<html><hr></html>{{small italic{Qu'on sente le mur droit, rigide, et comme il serait ennuyeux aussi monotone que cela, rompez la monotonie : allongez le son au troisième nu, cela agrandit le mur, et en donne presque la dimension à ceux qui vous écoutent.}}} |
|Contre le mur une échelle — haute, haute, haute, |<html><hr></html>{{small italic{Même intention et même intonation que pour la première ligne, et pour donner l'idée d'une échelle bien haute, envoyez en voix de fausset (note absolument imprévue) le dernier mot haute, ceci fera rire et vous serez en règle avec la fantaisie.}}} |
|Et, par terre, un hareng saur — sec, sec, sec. |<html><hr></html>{{small italic{Indiquez du doigt la terre, et dites hareng saur secavec une physionomie pauvre qui appelle l'intérêt sur ce malheureux hareng, la voix sera naturellement très sèche pour dire les trois adjectifs sec, sec, sec.}}} |
|Il vient, tenant dans ses mains — sales, sales, sales, |<html><hr></html>{{small italic{Soutenez la voix et qu'on sente le rythme dans les autres strophes comme dans la première. Il c'est le personnage, on ne sait pas qui c'est Il. Qu'on le voie, montrez-le, cet Il qui vous émeut, vous acteur, et peignez le dégoût qu'inspire un homme qui ne se lave jamais les mains en disant sales, sales, sales.}}} |
|Un marteau lourd, un grand clou — pointu, pointu, pointu, |<html><hr></html>{{small italic{Baissez une épaule comme si vous portiez un marteau trop lourd pour vous, et montrez le clou, en dirigeant l'index vers les spectateurs et appuyez bien surpointu, pointu, pointu pour que le clou entre bien dans l'attention générale.}}} |
|Un peloton de ficelle — gros, gros, gros. |<html><hr></html>{{small italic{Écartez les mains, éloignez-les des hanches par degré à chaque gros, gros, gros. Il est chargé, un marteau lourd, un grand clou pointu, et un énorme peloton, ce n'est pas peu de chose, il faut montrer cette charge sous laquelle ploie le pauvre Il.}}} |
|Alors il monte à l'échelle — haute, haute, haute, |<html><hr></html>{{small italic{Même jeu pour les haute que précédemment, la note aiguë à la fin, cette insistance peut faire rire.}}} |
|Et plante le clou pointu — toc, toc, toc, |<html><hr></html>{{small italic{Gestes d'un homme qui enfonce un clou avec un marteau, faire résonner les toc avec force, sans changer le son.}}} |
|Tout en haut du grand mur blanc — nu, nu, nu. |<html><hr></html>{{small italic{Gardez le ton de voix très solide, allongez de nouveau le dernier nu, et faites un geste plat de la main pour montrer l'égalité du mur.}}} |
|Il laisse aller le marteau — qui tombe, qui tombe, qui tombe, |<html><hr></html>{{small italic{Baissez le diapason par degré pour donner l'idée d'un marteau qui tombe. Vous regardez le public au premier qui tombe, aussi au second vous envoyez un regard par terre avant le troisième, et un autre regard au public en disant le troisième qui tombe et attendez l'effet qui doit se produire.}}} |
|Attache au clou la ficelle — longue, longue, longue, |<html><hr></html>{{small italic{Allongez par degré le son sur longue, et que le dernierlongue soit d'une longueur immense, un couac au milieu de l'intonation finale donnera un ragoût très comique au mot.}}} |
|Et, au bout, le hareng saur — sec, sec, sec. |<html><hr></html>{{small italic{Appuyez d'un air de plus en plus piteux sur le troisième sec.}}} |
|Il redescend de l'échelle — haute, haute, haute, |<html><hr></html>{{small italic{Même jeu que précédemment quand il monte, seulement l'inflexion des mots haute va decrescendo, le premier en voix de fausset, le second en médium, et le troisième en grave. Musical.}}} |
|L'emporte avec le marteau — lourd, lourd, lourd, |<html><hr></html>{{small italic{Pliez sous le faix en vous en allant. Vous êtes brisé, vous n'en pouvez plus, ce marteau est très lourd, ne l'oubliez pas.}}} |
|Et puis, il s'en va ailleurs — loin, loin, loin. |<html><hr></html>{{small italic{Graduez les loin, au troisième vous pourrez mettre votre main comme un auvent sur vos yeux pour voir Ilà une distance considérable, et après l'avoir aperçu là-bas, là-bas, vous direz le dernier loin.}}} |
|Et, depuis, le hareng saur — sec, sec, sec, |<html><hr></html>{{small italic{De plus en plus pitoyable.}}} |
|Au bout de cette ficelle — longue, longue, longue, |<html><hr></html>{{small italic{Allongez d'un air très mélancolique la voix sur leslongue, toujours avec couac ; ne craignez pas, c'est une scie.}}} |
|Très lentement se balance — toujours, toujours, toujours. |<html><hr></html>{{small italic{Bien triste. Et geste d'escarpolette à toujours, toujours, toujours. Terminez bien en baissant la voix le troisième toujours, car le récit est fini. La dernière strophe n'est pour l'auditoire qu'un consolant post-scriptum.}}} |
|J'ai composé cette histoire — simple, simple, simple, |<html><hr></html>{{small italic{Appuyez sur simple, pour faire dire au public : « Oh ! oui ! simple ! »}}} |
|Pour mettre en fureur les gens — graves, graves, graves, |<html><hr></html>{{small italic{Très compassé; qu'on sente les hautes cravates blanches officielles qui n'aiment pas ce genre de plaisanterie. Ouvrez démesurément la bouche au troisième grave, comme un M. Prudhomme très offensé.}}} |
|Et amuser les enfants — petits, petits, petits. |<html><hr></html>{{small italic{Très gentiment avec un sourire, baissez graduellement la main à chaque petits pour indiquer la hauteur et l'âge des enfants. Saluez et sortez vite.}}} |
{{center{[img[https://s-media-cache-ak0.pinimg.com/236x/ac/77/eb/ac77eb50db4bd9b2b58bf7c2c82ab583.jpg]]
!Le Jardin
!!!!!!//Jacques Prévert///
Des milliers et des milliers d'années
Ne sauraient suffire
Pour dire
La petite seconde d'éternité
Où tu m'as embrassé
Où je t'ai embrassée
Un matin dans la lumière de l'hiver
Au parc Montsouris à Paris
À Paris
Sur la terre
La terre qui est un astre.
}}}
!LE KWTZ
!!!!!!DRAME PASSIONNEL EN UN ACTE
Représenté pour la première fois au Théâtre des
Capucines, le 13 décembre 1905.
PERSONNAGES
::MAXIMILIEN CRICKBOOM
::HANS VAN DE PIOCH
::HILDEBRANDE VAN DE PIOCH
::LA BONNE
<<<
//L'orchestre joue la « Marche des Rois » d'Offenbach.
Le rideau lève sur un salon très élégant et vide. Maximilien entre. Il tient dans la main droite un litre enveloppé dans un journal, et dans la main gauche deux verres. Il les dépose sur une table., puis il fait quelques mouvements de gymnastique suédoise. //
<<<
!!!SCÈNE PREMIÈRE
;MAXIMILIEN
//Seul. //
:Je me sens faible!... Et aujourd'hui j'ai besoin de toute ma force... //(Il retire ses bretelles, il les accroche au mur et s'en sert comme d'un Sandow..)// Ça va mieux! //(Ils'assied à son bureau.)// Je vais faire mon testament car ce soir j'aurai quitté la terre!... //(Il écrit. )// « Jouissant de toutes mes facultés, morales et physiques... je lègue... ministre de l'Instruction publique... Allons! allons!... //(Il se donne une petite claque.)// Ne plaisantons pas !... Je lègue à ma concubine Hildebrande Van de Pioch 100.000 francs... Non!... 100 francs... C'est liien assez!... Je lègue à la Sainte Eglise catholique un million... Je lègue au Temple israélite de la rue de Provence un million... Je lègue au Temple protestant un million... Ne froissons personne!... Je lègue à la ville de Cherbourg 200000 francs... Je ne sais fichtre pas pourquoi par exemple!... Ça ne fait rien!... Je lègue à l'Etat 300.000 francs!!... Où vaisje trouver tout cet argent-là? Tant pis!... Article 2!... A mon enterrement, je désire que la couleur noire prédomine, je désire qu'on envoie beaucoup de fleurs et beaucoup de couronnes. Je prie le cocher du corbillard de prendre bien garde aux accidents. Et j'exige, formelle volonté, qu'un discours interminable, et en anglais, soit prononcé sur ma tombe ! » //(Posant son porteplume.)// Voilà ! . . . 11 n'y a pas de fautes d'orthographe?... Oh! que c'esl bête!... Il n'y avail plus d'encre dans L'encrier... je ne m'ensuis pas aperçu... Je recommencerai tout à l'heure ! //(La bonne entre. 1J orchestre cesse de jouer.)// Bonjour, Julie.
;LA BONNE
:Bonjour, monsieur. Pourquoi monsieur m'appelle l — il tantôt Julie, tantôt Marie, tantôt Augustine?
;MAXIMILIEN
:Pour me faire croire que j'ai plusieurs domestiques... Ah! pendant que j'y pense,
:tout à l'heure, une dame va venir ; c'est une dame d'une taille moyenne, peutêtre un ou deux centimètres de plus, je ne saurais préciser... Elle est blonde, elle aura le visage couvert dune épaisse voilette...
;LA BONNE
:Mais, monsieur, c'est la dame qui vient tous les jours.
;MAXIMILIEN
:C'est ça, oui ! Vous la ferez entrer immédiatement.
;LA BONNE
:Bien, monsieur! Monsieur a mauvaise mine. Je suis sûre que monsieur a bu hier au soir.
;MAXIMILIEN
:Oui, Julie, j'ai bu pour oublier.
;LA BONNE
:Et monsieur a oublié?
;MAXIMILIEN
:Mon parapluie, dans le café où j'étais.
;LA BONNE
:.Monsieur a tort de boire comme ça, monsieur prend des habitudes d'intempérance qui ne peuvent amener que de fâcheux résultats. Tenez, pour ne vous citer qu'un exemple, mon grandpère, qui buvait trop, est mort d'une attaque.
;MAXIMILIEN
:Moi, je n'ai pas peur d'une attaque, je suis toujours armé.
;LA BONNE
:Monsieur fait bien !
;MAXIMILIEN
:Et puis, vous êtes mal placée pour me conseiller de ne plus boire !
;LA BONNE
:Je suis mal placée? Où fautil que je me mette ?
;MAXIMILIEN
:Au lieu de me dire de ne plus boire, vous feriez mieux de ne plus boire !
;LA BONNE
:Monsieur insinuetil... ?
;MAXIMILIEN
:Je suis inutile?
;LA BONNE
:Non, mais monsieur parait insinuer que je bois !
;MAXIMILIEN
:Oui, vous buvez! Votre nez rougit!
;LA BONNE
:Parce qu'il est timide !
;MAXIMILIEN
:Parce qu'il est humide ! vous êtes un trou!
;LA BONNE
:Je suis un trou ?
;MAXIMILIEN
:Oui, vous êtes un trou!
;LA BONNE
:Monsieur est cruel !
;MAXIMILIEN
:C'est ma force ! Je suis cruel et je n'ai peur de rien!...
;LA BONNE
:Ah!
;MAXIMILIEN
:Et je ne tiens pas à la vie ! Estce que j'ai l'air ému ?
;LA BONNE
:Non, monsieur.
;MAXIMILIEN
:Eh bien, ma pauvre Marie, vous avez failli me perdre tantôt.
;LA BONNE
:Comment ça, monsieur?
;MAXIMILIEN
:Un monsieur dans la rue m'a bousculé, je l'ai prié de faire attention ; il était sans doute de mauvaise humeur, car il m'a envoyé un formidable coup de poing en pleine figure.
;LA BONNE
:Ah! mon Dieu!
;MAXIMILIEN
:Heureusement, je me suis baissé à temps, et c'est un autre qui l'a reçu. Ah! donnezmoi donc la bouteille qui est là !
;LA BONNE
://déposant la bouteille sur le petit guéridon.//
:Voici, monsieur.
;MAXIMILIEN
:Prenez garde!... Julie !
;LA BONNE
:C'est moi, monsieur !
;MAXIMILIEN
:Je le sais bien !... Maintenant, vous allez descendre.
;LA BONNE
:Toujours monsieur me dit de descendre et il habite au rezdechaussée.
;MAXIMILIEN
:Dites donc tout de suite que je suis un idiot... Non, mais ditesle tout de suite... ditesle !
;LA BONNE
:Monsieur, je n'ose pas.
;MAXIMILIEN
:Alors, allez m'acheter des fleurs.
;LA BONNE
:Où ça, monsieur?
;MAXIMILIEN
:Chez le boucher peutêtre... Vous n'avez pas remarqué que depuis quelque temps les fleuristes se font une spécialité de vendre des fleurs ?
;LA BONNE
:Que monsieur me donne de l'argent.
;MAXIMILIEN
:Encore ! Je ne sais pas comment vous faites, vous n'avez jamais d'argent. Tenez, voilà tout ce que j'ai.
;LA BONNE
:Cent francs ?
;MAXIMILIEN
:Achetez cent francs de fleurs. //(Un temps.)//
;LA BONNE
:Estce que monsieur peut me payer mes gages?
;MAXIMILIEN
:Oh! vous voyez clans quel dénûmentje me trouve et vous venez me demander de vous payer vos gages? Vous manquez un peu de tact.
;LA BONNE
:Mais monsieur est épatant !
;MAXIMILIEN
:Je l'avoue, mais ce n'est pas à vous de le remarquer.
;LA BONNE
:Enfin, monsieur, je dois être réglée tous les mois...
;MAXIMILIEN
:Ça, c'est votre affaire !
;LA BONNE
:Mais, monsieur...
;MAXIMILIEN
:Fermez. //(On sonne.)// Et allez ouvrir ! //(La bonne sort.)//
!!!SCÈNE II
://Tandis que Vorchestrc joue « Les Adieux de Manon de Massenet//
;MAXIMILIEN
//Seul.//
:Adieu, petit appartement... Adieu, petits meubles! Je ne vous reverrai plus. Non! non! non! Ne pleurez pas! Laissezmoi le peu de courage qui me reste. C'est dur de mourir à vingttrois ans! Car j'ai vingttrois ans... je ne compte pas les mois de nourrice, ils ne furent jamais payés. //(La bonne entre. V orchestre cesse déjouer.)//
:
!!!SCÈNE III
{{center{LA BONNE, MAXIMILIEN}}}
;LA BONNE
:Monsieur, c'est la blanchisseuse qui demande qu'on lui paye sa note.
;MAXIMILIEN
:La blanchisseuse? Vous lui direz qu'elle repasse, d'abord, c'est son métier, et puis, je n'ai pas d'argent ! Allez! //(La bonne sort. U orchestre reprend.)//
:
!!!SCÈNE IV
;MAXIMILIEN
://seul //
:Je vais mourir! Je ne peux pas le croire... Et pourtant, c'est la vérité!... D'ailleurs quoi, que perdsje? que quilteje?... Je n'ai pas d'amis. Je n'ai pas de famille... Oui! Je sais... J'ai un frère... mais il est toujours saoul... C'est « mon frère Ivre ». Ça ne compte pas!... Alors!... Dans une heure, je serai dans l'insondable... dans le mystère !... Je serai dans le ciel... assis à côté de Dieu ! Quel homme ça peutil bien être? En tout cas, c'est sûrement quelqu'un de très bien. //(On sonne.)// Et dans le fond, c'est peutêtre pas un mal de changer un peu. //(La donne sort. L'orchestre cesse de Jouer.)//
:
!!!SCÈNE V
{{center{MAXIMILIEN, LA BONNE }}}
;MAXIMILIEN
:C'est la dame?
;LA BONNE
:Non, monsieur, c'est le tailleur.
;MAXIMILIEN
:Comment va-t-il ?
;LA BONNE
:Bien, monsieur, merci! Il dit qu'il en a assez d'attendre.
;MAXIMILIEN
:Eh bien! qu'il s'en aille ! Je parie qu'il veut de l'argent?
;LA BONNE
:Monsieur a deviné.
;MAXIMILIEN
:Eh bien, qu'il revienne dans une heure et demie.
;LA BONNE
:Bien, monsieur. //(La bonne sort.)//
:
!!!SCÈNE VI
;MAXIMILIEN
//seul. //
:Il en fera une tète!... Je vous demande pardon... Je suis tout le temps dérangé... Qu'estce que je disais donc? Ah! oui, en somme, je suis un raté. Rien de ce que j'ai entrepris dans ma vie n'a réussi et pourtant, je suis quelqu'un... Avec tout ce que je sais, on pourrait faire un livre... il est vrai qu'avec tout ce que je ne sais pas, on pourrait faire une bibliothèque. Je sais cinq ou six Langues étrangères, mais je suis obligé de les parler en français pour ne pas me tromper! Je n'aurai eu qu'une joie dans l'existence : j'aurai été aimé... ça, je peux le dire. Une femme qui se tue pour moi... Oui, mais là encore, mon bonheur est incomplet. 11 faut aussi que je me tue pour elle! Et je fais peutêtre là une grosse bêtise ! Je le regretterai peutêtre toute ma vie ! Qu'importe ! Évidemment, j'aurais pu me faire assassin, c'est un beau métier... On guette dans la rue, les gens... on les suit et on frappe... //(On frappe.)// On frappe? Je vais en profiter pour aller ouvrir... Entrez qui que vous soyez! //(Hildebrande entre?)// Toi !
!!!SCÈNE VII
{{center{HILDEBRANDE, MAXIMIL1EN}}}
;HILDEBRANDE
:Maximilien Grickboom, mon amant!
;MAXIMILIEN
:Hildebrancle Van de Pioch, ma maîtresse ! //(lis sétreïgnent.)// Vous êtes vraiment décidée?
;HILDEBRANDE
:Irrévocablement !
;MAXIMILIEN
://tout contre elle//.
:Je t'aime.
;HILDEBRANDE
:Tenez, prenez un cachou.
;MAXIMILIEN
:Oui. Vous êtes certaine que votre mari sait tout?
;HILDEBRANDE
:J'en suis certaine.
;MAXIMILIEN
:Je n'insiste pas. Vous avez raison. Il faut mourir.
;HILDEBRANDE
:Dame !
;MAXIMILIEN
:Je vous avoue qu'en recevant votre mot hier au soir, j'ai été bouleversé, mais...
;HILDEBRANDE
:Mais vous avez compris que désormais la vie nous serait insupportable.
;MAXIMILIEN
:Que votre mari allait nous guetter.
;HILDEBRANDE
:Qu'il ne pourrait plus me voir sans m'épier.
;MAXIMILIEN
:Vos pieds?
;HILDEBRANDE
:Mais non, m'épier !
;MAXIMILIEN
:Ah ! oui !
;HILDEBRANDE
:Enfin, qu'il faudrait nous aimer dans des fiacres, ou aller à l'hôtel. Et que c'était impossible !
;MAXIMILIEN
:Impossible.
;HILDEBRANDE
:Tandis qu'en mourant, nous emportons le souvenir de notre amour.
;MAXIMILIEN
:Qui fut incomparable.
;HILDEBRANDE
:Maximilien, je vous aime.
;MAXIMILIEN
:Moi aussi... Ah ! que c'est bon de mourir quand on s'aime!
;HILDEBRANDE
:Et puis, si nous mourons, nous n'en restons pas moins unis.
;MAXIMILIEN
:Expliquezvous.
;HILDEBRANDE
:Nous nous retrouverons làhaut !
;MAXIMILIEN
:Nos âmes seulement. Et alors, comment feronsnous pour...
;HILDEBRANDE
:Nous nous arrangerons... On s'arrange toujours.
;MAXIMILIEN
:Oui ! oui !... C'est curieux, je ne suis pas triste.
;HILDEBRANDE
:Parce que vous êtes chrétien.
;MAXIMILIEN
:Peutêtre.
;HILDEBRANDE
:Nous mourons au nom de l'amour.
;MAXIMILIEN
:Mourir pour la patrie n'est plas le sort le plus beau. //(On frappe.)// Entrez! //(La bonne entre et dépose sur la table un tout petit bouquet de fleurs fanées.)// Voleuse !
;LA BONNE
:Monsieur !
;MAXIMILIEN
:. Voleuse ! Je ne vous dis que ça... Sortez ! //(La bonne sort.)//
;HILDEBRANDE
:Vous pensâtes aux fleurs, ô poète !
;MAXIMILIEN
:Je pensai à tout.
;HILDEBRANDE
:Et le poison?
;MAXIMILIEN
:Le voilà !
;HILDEBRANDE
:Qu'estce que c'est?
;MAXIMILIEN
:Du laudanum ! J'en ai acheté un litre, c'est plus sûr.
;HILDEBRANDE
:Ça fait mal ?
;MAXIMILIEN
:Non, j'avais pense à nous tuer avec mon revolver, mais c'est bien dangereux. Maintenant, mettezvous à mon aise. //(Hildebrande enlève son manteau.)// Vous êtes éblouissante ! Votre robe est bien de circonstance. Vous avez l'air d'un lys en deuil! Vous êtes le rêve étoile de mon âme !
;HILDEBRANDE
:Au moins, vous ne regrettez rien ? Pas d'arrièrepensée?
;MAXIMILIEN
:Petite folle que vous êtes... Vous savez bien que ma vie... asseyezvous... était entre vos mains, mon bonheur dépendait du vôtre. Quand vous étiez absente, ma tristesse était infinie, mais quand vous étiez Là, ma joie ne connaissait pas de bornes.
;HILDEBRANDE
:Oui, parlez... parlezmoi en vers.
;MAXIMILIEN
:Ce n'en sont pas !
;HILDEBRANDE
:Ah!
;MAXIMILIEN
:Mais ce peut en être... Poésie!
:ma Muse, ma Muse, Dans tes prunelles élargies Veuxtu que je m'amuse A plonger des pointes rougies? Veuxtu que j'arrache un par un Tes beaux cheveux bruns Qui te parent Et qu'en deux bandeaux tu sépares? Ou bien veuxtu, Quand tu t'éveilles, Que je verse du plomb fondu Dans tes oreilles ?
;HILDEBRANDE
:Non !
;MAXIMILIEN
:Bien, n'en parlons plus !Moi, je vous propose ça...
;HILDEBRANDE
:Mais ditesmoi autre chose !
;MAXIMILIEN
:Je ne puis vous exprimer mes pensées, tant mes souvenirs se pressent en mon esprit : tout voudrait sortir à la fois, et naturellement, rien ne sort. Pourtant, je me rappelle, la première fois que je vous ai vue, la robe que vous portiez.
;HILDEBRANDE
:Ah! Comment étaitelle?
;MAXIMILIEN
:Ah! Je ne me souviens plus.
;HILDEBRANDE
:La première fois que vous m'avez vue, je vous ai plu ?
;MAXIMILIEN
:A verse !
;HILDEBRANDE
:Moi aussi, je vous ai aimé tout de suite... pour tes yeux... Ils sont profonds... profonds...
;MAXIMILIEN
:Ne vous penchez pas, vous pourriez tomber.
;HILDEBRANDE
:C'était la première fois que je trompais Van de Pioch.
;MAXIMILIEN
:Moi aussi.
;HILDEBRANDE
:Comme c'est déjà loin !
;MAXIMILIEN
:Deux ans ! Que d'heures délicieuses, hélas ! trop brèves !
;HILDEBRANDE
:Longtemps, mon mari ne s'est douté de rien.
;MAXIMILIEN
:Il avait confiance en moi !
;HILDEBRANDE
:Je venais à peine de te connaître et nous étions déjà des intimes!
;MAXIMILIEN
:Nous avons été au collage ensemble.
;HILDEBRANDE
:Tu venais me voir tous les jours, même quand tu savais qu'il y avait du monde.
;MAXIMILIEN
:Estce que j'ai changé? Et ça ne m'amusait pourtant pas! Seulement, je sais que lorsqu'on rend une visite, on est toujours sur de faire plaisir à quelqu'un ou bien quand on entre, ou bien quand on sort... Que de souvenirs!... C'est charmanl !...
;HILDEBRANDE
:Non ! Tu n'étais pas beau.
;MAXIMILIEN
:Dame! Évidemment, mes qualités d'intelligence et desprit avaient anéanti ma beauté physique...
;HILDEBRANDE
:Mais tes yeux...
;MAXIMILIEN
:Oui, mes chers grands beaux yeux seuls avaient gardé un étrange éclat, on eût dit que mon âme regardait derrière mes yeux.
;HILDEBRANDE
:C'est joli, ça !
;MAXIMILIEN
:C'est une belle image... Je te la donne !
;HILDEBRANDE
:Le jour où je me suis donnée à toi, c'était un vendredi.
;MAXIMILIEN
:Un beau jour pour faire maigre.
;HILDEBRANDE
:Blague pas, lu étais très ému.
;MAXIMILIEN
:Toi,, tu demandais la mère, pourtant, je n'avais, besoin de personne ! Mon cher amour... Nous nous sommes aimés comme des lions...
;HILDEBRANDE
:Comme des lions qui s'aiment !
;MAXIMILIEN
:Bien entendu ! Nous nous sommes aim^s avec l'inconséquence de nos quarantecinq ans !
;HILDEBRANDE
:Combien !
;MAXIMILIEN
:Non, non... Je nous ai mis l'un dans l'autre... pour aller plus vite !
;HILDEBRANDE
:Ah! bien !
;MAXIMILIEN
:Et c'est fini, tout ça, c'est fini... Vous allez mourir.
;HILDEBRANDE
:Nous allons mourir! Mourir, c'est partir un peu !... C'est égal, nous avons bien fait de nous rafraîchir la mémoire, cela nous a montré que des amants tels que nous, ne sauraient être traqués comme des bètes fauves, ni privés de liberté comme des chiens. Tu es mon amant. Je t'aime et tu vas mourir...
;MAXIMILIEN
:Nous allons mourir...
;HILDEBRANDE
:Je suis prête ! //(Elle se lève.)//
;MAXIMILIEN, il se lève.
:Et moi, je suis décidé à m'apprêter! Mais il convient de remplir une petite formalité peu banale et qui ne manquerait pas de chic.
;HILDEBRANDE
:Parle sans crainte.
;MAXIMILIEN
:Tu vas écrire à ton mari.
;HILDEBRANDE
:Idée géniale!
;MAXIMILIEN
:Voilà comme je suis!... Assiedstoi! et écris au crayon... il n'y a plus d'encre.
:hildebrande, écrivant.
:Je commence : «Adieu, llans. Noussavons que vous savez tout! La vue de votre douleur nous eût été trop pénible. Quant à l'immense amour qui nous lie, Maximilien et moi, nous n'avons pas eu le courage de le sacrifier! Nous avons préféré la mort. //(Maximïlien sanglote.)// Adieu, ne nous en veuillez pas...» Je signe... A toi !... Voilà.
;MAXIMILIEN
:Fais l'enveloppe. //(Appelant.)// Bonne! Bonne! //(La bonne entre.)// Prenez un fiacre et portez immédiatement cette lettre à son adresse.
;LA BONNE
:Bien, monsieur. //(La bonne sort,)//
;MAXIMILIEN
:Et maintenant le dernier baiser.
;HILDEBRANDE
:L'avantdernier.
;MAXIMILIEN
:Comment cela?
;HILDEBRANDE
:Oui, sitôt que nous aurons bu la coupe fatale, nous nous serrerons l'un contre l'autre et dans une suprême et dernière étreinte, nous rendrons à Dieu nos âmes.
;MAXIMILIEN
:Excellente idée... Alors, je défais la bouteille.
;HILDEBRANDE
:Eh! oui! Où sont les verres?
;MAXIMILIEN
:Là, sur la table. //(Il retire le bouchon et le sent.)// C'est, du bon!
;HILDEBRANDE
:Tant mieux!
;MAXIMILIEN
:Asseyonsnous...
;HILDEBRANDE
:C'est bien tout?
;MAXIMILIEN
:Nous n'oublions rien?... Non! Je verse.
;HILDEBRANDE
:Versez! //(L'orchestre se met à jouer la mort de Tristan et Yseult, de Wagner. Maximilieu remplit les verres.)// Assez, merci!...
;MAXIMILIEN
:Oh! mais non... il faut bien ça! Allonsy!
;HILDEBRANDE,
://Elle hésite.//
:Maximilien...
;MAXIMILIEN
:Du courage.
;HILDEBRANDE
:J'en aurai.
;ENSEMBLE
:A votre santé!
;HILDEBRANDE
:Adieu tout!
;MAXIMILIEN
:Tout adieu! Allonsy... Un... deux, trois... //(Il boit son verre d'un trait. — Elle le goûte à peine.)//
;HILDEBRANDE
:Pouah! //(L'orchestre cesse brusquement de jouer.)//
;MAXIMILIEN
:Vite. Buvez tout !
;HILDEBRANDE
:Je ne peux pas, c'est trop mauvais.
;MAXIMILIEN
:Ah! mais non, pas <ie blague!... Moi, j'ai tout bu.
;HILDEBRANDE
:Eh bien, meurs dans mes bras.
;MAXIMILIEN
:Ah. r non! Bois, bois tout.
;HILDEBRANDE
:Je ne peux pas. C'est horriblement mauvais! Je ne peux vraiment pas !
;MAXIMILIEN
:Ah! nom de Dieu!...
;HILDEBRANDE
:Ça me tourne sur le cœur...
;MAXIMILIEN
:Je t'en supplie... essaye encore...
;HILDEBRANDE
:Oh! mais non... j'ai très mal au cœur... //(Renvoi.)//
;MAXIMILIEN
:Et vous allez me laisser mourir comme ça... tout seul...
;HILDEBRANDE
:Mais, mon ami, je... //(Renvoi et sortie précipitée d'Hildebrande à gauche.)//
;MAXIMILIEN
:Elle!... Elle est sauvée ! Mais moi qui ai tout bu, je suis foutu !... Ah! nom de Dieu de nom de Dieu ! //(Renvoi.)// Oh ! ça, par ex... //(Renvoi.)// Espoir!... //(Renvoi et sortie précipitée adroite. Un temps. La scène est vide. Petit trémolo à l'orchestre.)//
;HILDEBRANDE
://rentrant. //
:Oh ! Dieu de Dieu ! que j'ai eu mal!
;MAXIMILIEN
://rentrant . //
:Ali ! ma pauvre amie, tu as vu la mort, toi?
;HILDEBRANDE
:Non ! j'ai revu mon passé, ma mère. Et toi?
;MAXIMILIEN
:Moi, j'ai revu une grande partie de mon déjeuner !
;HILDEBRANDE
:On s'est bien râté.
;MAXIMILIEN
:Nous l'avons échappé belle.
;HILDEBRANDE
:Quelle imprudence aussi de boire du poison ! //(Maximilien lui présente son verre de laudanum qu'elle n'a pas terminé.)// Oh 1 si vous voulez, on ne recommencera pas avant un quart d'heure.
;MAXIMILIEN
:Oui, oui. Même, si vous voulez, une heure.
;HILDEBRANDE i
:Accordé. //(Un silence.)//
;MAXIMILIEN
:Maintenant, si vous voulez remettre ça à une autre fois...
;HILDEBRANDE
:Avec plaisir !
;MAXIMILIEN
:Ça va mieux tout à coup !
;HILDEBRANDE
:Un peu !
;MAXIMILIEN
:Cà me retient à la vie !
;HILDEBRANDE
:Il ne faut rien regretter !
;MAXIMILIEN
:Au contraire ! Vous allez voir comme toul va désormais vous sembler beau ! Mrme moi !
;HILDEBRANDE
:N'exagérons rien !
;HAXIMILIEN
:C'est inouï comme... lorsqu'on a vu la mort de si près... toul vous paraît affreusement banal !... On m peut plus avoir peur... on ne peut plus s'étonner de rien... Êtesvous dans le même état?
;HILDEBRANDE
:Exactement, oui! On n'attache plus aux choses la moindre importance ! //(On sonne.)//
;MAXIMILIEN
:On sonne! Autrefois je sursautais... .Mais maintenant, ça ne me l'ail plus rien !
;LA BONNE, entrant et annonçant.
:Monsieur Mans Van de Pioch !
;HILDEBRANDE
:Tiens, mon mari! //(La bonne sort. Van de Pioch furieux, entre.)//
!!!SCÈNE VIII
{{center{Les Mêmes, puis VAN DE PIOCH}}}
;VAN DE PIOCH
:Que se passetil?
;MAXIMILIEN
://très calme. //
:Bonjour, Van de Pioch.
;HILDEBRANDE
://aussi calme que Maximilien. //
:Bonjour, mon ami.
;VAN DE PIOCH
:Misérable! Tu es la maîtresse de ce pantin ?
;MAXIMILIEN
:Oh!
;VAN DE PIOCH
:Taisezvous!... Voilà donc le remerciement...
;MAXIMILIEN, comme à luimême.
:Poil aux dents !
;VAN DE PIOCH
:Qui estce qui a dit ça?
;MAXIMILIEN
://montrant quelqu'un dans la salle. //
:C'est ce monsieur-là !
;HILDEBRANDE
:Mon ami, ne te mets pas en colère... ça te congestionne !
;VAN DE PIOCH
:J'admire votre calme à tous deux !... Vous vous imaginez peutêtre que je vais devenir un mari complaisant!...
;MAXIMILIEN
:Vous ne voulez pas?
;VAN DE PIOCH
:Non, monsieur! N'y comptez pas!
;MAXIMILIEN
:En faitesvous une question d'argent?
;VAN DE PIOCH
:Ah! ça, monsieur, pour qui me prenezvous... D'abord, qu'appelezvous une question d'argenl ?
;MAXIMILIEN
:Pour conserver ma tranquillité*.. je ferais bien un petit sacrifice !
;VAN DE PIOCH
://s' asseyant. //
:Qu'entendez vous par un petit sacrifice?
;MAXIMILIEN
:Une dizaine de francs...
;VAN DE PIOCH
://se dressant au paroxysme de la rage. //
:Sacré mille millions de...
;MAXIMILIEN
://tombant à genoux* //
:Pardon !
;VAN DE PIOCH
:J'ai voulu transiger el en voilà la récompense... vous avez voulu me berner!... Tant pis pour vous !
;MAXIMILIEN
://à part. //
:Je crève de peur !
;VAN DE PIOCH
:Fantoche, et vous femme infidèle... Tremblez ! Ma vengeance s'apprête !
;HILDEBRANDE
://à part. //
:Aïe ! Aïe ! Aïe !
;VAN DE PIOCH
:Par lequel vais-je commencer?
;MAXIMILIEN
:Par elle !
;HILDEBRANDE
:Par lui !
;VAN DE PIOCH
:Non ! Je vais commencer par elle ! //(Hildebrande éperdue se sauve dans la pièce à côté.)// Tu ne m'échapperas pas ! //(Il disparaît à la poursuite de sa femme.)//
;MAXIMILIEN
:Il va la tuer!... Il va sûrement la tuer! //(On entend un cri poussé par Hildebrande.)// Elle est morte !.. . Pauv'petite femme!... //(Il se lève.)// Ce qu'on devrait choisir dans la femme d'un autre... ce n'est pas la femme... c'esl L'autre! Qdoil La couper en morceaux... Je l'espère du moins... ce sera plus commode à emporter! Elle doit être dans un état!... //(Il va regarder par le trou de la serrure.)// Oh !... ce n'est pas possible !... //(Ilregarde de nouveau.)// Eh bien ! c'est dégoûtant... je trouve ça dégoûtant! Faire ça chez moi... lui le mari... Oh ! que c'est laid ! que c'est donc laid !.".. Hildebrande Van de Pioch... c'est lini !... Adieu !... Dans ces conditionslà... je sais ce qu'il me reste à faire... Je leur laisse mon appartement... et je rentre chez eux, où c'est bien plus joli qu'ici !... //(Ilsort.)//
!!!!!Le rideau tombe et l'orchestre reprend la « Marche des Rois » d'Offenbach, comme si rien ne s'était passé.
66o: [[Éveline|https://giga.gg/l/576e852bf9e5df36638b4800]]
!Le Loup et l'Agneau
{{center{[img[http://environnement.ecole.free.fr/fables_de_la_fontaine/images/le_loup_et_l_agneau_illustration_dore.jpg]]}}}
La raison du plus fort est toujours la meilleure :
Nous l'allons montrer tout à l'heure.
Un Agneau se désaltérait
Dans le courant d'une onde pure.
Un Loup survient à jeun qui cherchait aventure,
Et que la faim en ces lieux attirait.
Qui te rend si hardi de troubler mon breuvage ?
Dit cet animal plein de rage :
Tu seras châtié de ta témérité.
- Sire, répond l'Agneau, que votre Majesté
Ne se mette pas en colère ;
Mais plutôt qu'elle considère
Que je me vas désaltérant
Dans le courant,
Plus de vingt pas au-dessous d'Elle,
Et que par conséquent, en aucune façon,
Je ne puis troubler sa boisson.
- Tu la troubles, reprit cette bête cruelle,
Et je sais que de moi tu médis l'an passé.
- Comment l'aurais-je fait si je n'étais pas né ?
Reprit l'Agneau, je tette encor ma mère.
- Si ce n'est toi, c'est donc ton frère.
- Je n'en ai point. - C'est donc quelqu'un des tiens :
Car vous ne m'épargnez guère,
Vous, vos bergers, et vos chiens.
On me l'a dit : il faut que je me venge.
Là-dessus, au fond des forêts
Le Loup l'emporte, et puis le mange,
Sans autre forme de procès.
{{center{
!Le Loup et le Chien
}}}
Un Loup n'avait que les os et la peau,
Tant les chiens faisaient bonne garde.
Ce Loup rencontre un Dogue aussi puissant que beau,
Gras, poli, qui s'était fourvoyé par mégarde.
L'attaquer, le mettre en quartiers,
Sire Loup l'eût fait volontiers ;
Mais il fallait livrer bataille,
Et le Mâtin était de taille
A se défendre hardiment.
Le Loup donc l'aborde humblement,
Entre en propos, et lui fait compliment
Sur son embonpoint, qu'il admire.
"Il ne tiendra qu'à vous beau sire,
D'être aussi gras que moi, lui repartit le Chien.
Quittez les bois, vous ferez bien :
Vos pareils y sont misérables,
Cancres, hères, et pauvres diables,
Dont la condition est de mourir de faim.
Car quoi ? rien d'assuré : point de franche lippée :
Tout à la pointe de l'épée.
Suivez-moi : vous aurez un bien meilleur destin. "
Le Loup reprit : "Que me faudra-t-il faire ?
- Presque rien, dit le Chien, donner la chasse aux gens
Portants bâtons, et mendiants ;
Flatter ceux du logis, à son Maître complaire :
Moyennant quoi votre salaire
Sera force reliefs de toutes les façons :
Os de poulets, os de pigeons,
Sans parler de mainte caresse. "
Le Loup déjà se forge une félicité
Qui le fait pleurer de tendresse.
Chemin faisant, il vit le col du Chien pelé.
"Qu'est-ce là ? lui dit-il. - Rien. - Quoi ? rien ? -
Peu de chose.
- Mais encor ? - Le collier dont je suis attaché
De ce que vous voyez est peut-être la cause.
- Attaché ? dit le Loup : vous ne courez donc pas
Où vous voulez ?
- Pas toujours ; mais qu'importe ?
- Il importe si bien, que de tous vos repas
Je ne veux en aucune sorte,
Et ne voudrais pas même à ce prix un trésor. "
Cela dit, maître Loup s'enfuit, et court encor.
!!!!!Jean de LA FONTAINE (1621-1695)
!Monologue de Figaro
;Acte V scène 3
//Figaro, seul, se promenant dans l'obscurité, dit du ton le plus sombre ://
O femme! femme! femme! créature faible et décevante!... nul animal créé ne peut manquer à son instinct: le tien est-il donc de tromper?...
:Après m'avoir obstinément refusé quand je l'en pressais devant sa maîtresse; à l'instant qu'elle me donne sa parole, au milieu même de la cérémonie...
Il riait en lisant, le perfide! et moi comme un benêt...
Non, monsieur le Comte, vous ne l'aurez pas... vous ne l'aurez pas. Parce que vous êtes un grand seigneur, vous vous croyez un grand génie!... Noblesse, fortune, un rang, des places, tout cela rend si fier!
Qu'avez-vous fait pour tant de biens?
Vous vous êtes donné la peine de naître, et rien de plus. Du reste, homme assez ordinaire; tandis que moi, morbleu! perdu dans la foule obscure, il m'a fallu déployer plus de science et de calculs pour subsister seulement, qu'on n'en a mis depuis cent ans à gouverner toutes les Espagnes: et vous voulez jouter...
:On vient... c'est elle... ce n'est personne.
- La nuit est noire en diable, et me voilà faisant le sot métier de mari quoique je ne le sois qu'à moitié!
//(Il s'assied sur un banc.)//
Est-il rien de plus bizarre que ma destinée?
Fils de je ne sais pas qui, volé par des bandits, élevé dans leurs moeurs, je m'en dégoûte et veux courir une carrière honnête; et partout je suis repoussé! J'apprends la chimie, la pharmacie, la chirurgie, et tout le crédit d'un grand seigneur peut à peine me mettre à la main une lancette vétérinaire!
- Las d'attrister des bêtes malades, et pour faire un métier contraire, je me jette à corps perdu dans le théâtre: me fussé-je mis une pierre au cou! Je broche une comédie dans les moeurs du sérail. Auteur espagnol, je crois pouvoir y fronder Mahomet sans scrupule: à l'instant un envoyé... de je ne sais où se plaint que j'offense dans mes vers la Sublime-Porte, la Perse, une partie de la presqu'île de l'Inde, toute l'Egypte, les royaumes de Barca, de Tripoli, de Tunis, d'Alger et de Maroc: et voilà ma comédie flambée, pour plaire aux princes mahométans, dont pas un, je crois, ne sait lire, et qui nous meurtrissent l'omoplate, en nous disant: //chiens de chrétiens!//
:- Ne pouvant avilir l'esprit, on se venge en le maltraitant.
- Mes joues creusaient, mon terme était échu: je voyais de loin arriver l'affreux recors, la plume fichée dans sa perruque: en frémissant je m'évertue. Il s'élève une question sur la nature des richesses; et, comme il n'est pas nécessaire de tenir les choses pour en raisonner, n'ayant pas un sol, j'écris sur la valeur de l'argent et sur son produit net: sitôt je vois du fond d'un fiacre baisser pour moi le pont d'un château fort, à l'entrée duquel je laissai l'espérance et la liberté.
//(Il se lève.)//
:Que je voudrais bien tenir un de ces puissants de quatre jours, si légers sur le mal qu'ils ordonnent, quand une bonne disgrâce a cuvé son orgueil! Je lui dirais...
*que les sottises imprimées n'ont d'importance qu'aux lieux où l'on en gêne le cours;
*que sans la liberté de blâmer, il n'est point d'éloge flatteur;
*et qu'il n'y a que les petits hommes qui redoutent les petits écrits.
//(Il se rassied.)//
Las de nourrir un obscur pensionnaire, on me met un jour dans la rue; et comme il faut dîner, quoiqu'on ne soit plus en prison, je taille encore ma plume et demande à chacun de quoi il est question: on me dit que, pendant ma retraite économique, il s'est établi dans Madrid un système de liberté sur la vente des productions, qui s'étend même à celles de la presse; et que, pourvu que je ne parle en mes écrits ni de l'autorité, ni du culte, ni de la politique, ni dé la morale, ni des gens en place, ni des corps en crédit, ni de l'Opéra, ni des autres spectacles, ni de personne qui tienne à quelque chose, je puis tout imprimer librement, sous l'inspection de deux ou trois censeurs.
Pour profiter de cette douce liberté, j'annonce un écrit périodique, et, croyant n'aller sur les brisées d'aucun autre, je le nomme //Journal inutile//. Pou-ou! je vois s'élever contre moi mille pauvres diables à la feuille, on me supprime, et me voilà derechef sans emploi!
- Le désespoir m'allait saisir; on pense à moi pour une place, mais par malheur j'y étais propre: il fallait un calculateur, ce fut un danseur qui l'obtint. Il ne me restait plus qu'à voler; je me fais banquier de pharaon: alors, bonnes gens! je soupe en ville, et les personnes dites comme il faut m'ouvrent poliment leur maison, en retenant pour elles les trois quarts du profit. J'aurais bien pu me remonter; je commençais même à comprendre que, pour gagner du bien, le savoir-faire vaut mieux que le savoir. Mais comme chacun pillait autour de moi, en exigeant que je fusse honnête, il fallut bien périr encore.
- Pour le coup je quittais le monde, et vingt brasses d'eau m'en allaient séparer, lorsqu'un dieu bienfaisant m'appelle à mon premier état.
Je reprends ma trousse et mon cuir anglais; puis, laissant la fumée aux sots qui s'en nourrissent, et la honte au milieu du chemin, comme trop lourde à un piéton, je vais rasant de ville en ville, et je vis enfin sans souci.
Un grand seigneur passe à Séville; il me reconnaît, je le marie; et pour prix d'avoir eu par mes soins son épouse, il veut intercepter la mienne! Intrigue, orage à ce sujet. Prêt à tomber dans un abîme, au moment d'épouser ma mère, mes parents m'arrivent à la file.
//(Il se lève en s'échauffant.)//
On se débat, c'est vous, c'est lui, c'est moi, c'est toi, non, ce n'est pas nous; eh! mais qui donc?
//(Il retombe assis,)//
O bizarre suite d'événements! Comment cela m'est-il arrivé? Pourquoi ces choses et non pas d'autres? Qui les a fixées sur ma tête?
Forcé de parcourir la route où je suis entré sans le savoir, comme j'en sortirai sans le vouloir, je l'ai jonchée d'autant de fleurs que ma gaieté me l'a permis:
encore je dis ma gaieté sans savoir si elle est à moi plus que le reste, ni même quel est ce moi dont je m'occupe:
*un assemblage informe de parties inconnues;
*puis un chétif être imbécile; un petit animal folâtre;
*un jeune homme ardent au plaisir, ayant tous les goûts pour jouir, faisant tous les métiers pour vivre; maître ici, valet là, selon qu'il plaît à la fortune; ambitieux par vanité, laborieux par nécessité, mais paresseux... avec délices! orateur selon le danger; poète par délassement; musicien par occasion; amoureux par folles bouffées, j'ai tout vu, tout fait, tout usé.
Puis l'illusion s'est détruite et, trop désabusé...
Désabusé...!
:Suzon, Suzon, Suzon! que tu me donnes de tourments!...
J'entends marcher... on vient. Voici l'instant de la crise.
//(Il se retire près de la première coulisse à sa droite.)//
! La "//querelle//" entre Martine et Sganarelle
!!ACTE I, SCÈNE PREMIÈRE
--------------------------------------
//SGANARELLE, MARTINE, en se querellant.//
--------------------------------------
| {{did blue2 italic{La scène : une petite clairière tranquille.<br>Martine entre la première, s'arrète au milieu, et comme toute excitée, fait signe à Sganarelle d'arriver vite (l'endroit est bien !). <br>Sganarelle arrive, parait approuver, pose son fagot et sa bouteille en avant-scène, et s'approche de Martine qui l'attend avec émoi. <br>Sganarelle lui pose un baiser, mais inspecte d'abord les environs pour s'assurer que nul n'arrive ni ne peut les voir. <br>Enfin il revient vers Martine et entreprend de la caresser, ce qu'elle savoure goulument. <br>Mais trop vite il veut délacer sa robe, elle l'arrête d'une petite tape. <br>Comme il insiste lourdement (déjà se place devant elle dans la position de fin de scène, prêt à l'emboutir), Martine le rejette brutalement et fait chuter Sganarelle.}}} |
''MARTINE.- '' {{indent{Non je te dis que je n’en veux rien faire !}}}
''SGANARELLE.- '' {{indent{{{did{//Mi pleurnichard, mi-rigolard//}}} C’est à moi de parler et d’être le maître.}}}
''MARTINE.- '' {{indent{{{did{//Le grondant gentiment//}}}.Et je te dis moi, que je veux que tu vives à ma fantaisie : et que je ne me suis point mariée avec toi, pour souffrir tes fredaines.}}}
''SGANARELLE.- '' {{indent{{{did{//La plaisantant//}}} Ô la grande fatigue que d’avoir une femme : {{did{//A la cantonnade//}}} et qu’Aristote a bien raison, quand il dit qu’une femme {{did{//Il cherche vainement la citation !//}}} est pire qu’un démon !}}}
''MARTINE.- '' {{indent{Voyez un peu l’habile homme, avec son benêt d’Aristote.}}}
''SGANARELLE.- '' {{indent{{{did{//Il va câlinement se placer derrière elle, et entreprend de la caresser//}}} Oui, habile homme, {{did{//Il lui susurre//}}} trouve-moi un faiseur de fagots, qui sache, comme moi, raisonner des choses, {{did{//Il lui claque malicieusement les fesses, et fait un saut de côté pour mettre de la distance//}}} qui ait servi six ans, un fameux médecin, {{did{//Il se rapproche prudemment de Martine//}}} et qui ait su dans son jeune âge, son rudiment {{did{//comme un baiser//}}} par cœur.}}}
{{did{//Ils jouent à se provoquer ://}}}
''MARTINE.- '' {{indent{Peste du fou fieffé.}}}
''SGANARELLE.- '' {{indent{ {{did{//Saut arrière//}}} Peste de la carogne.}}}
''MARTINE.- '' {{indent{Que maudit soit l’heure et le jour, où je m’avisai d’aller dire oui.}}}
''SGANARELLE.- '' {{indent{Que maudit soit le bec cornu de notaire qui me fit signer ma ruine.}}}
''MARTINE.- '' {{indent{C’est bien à toi, vraiment, à te plaindre de cette affaire : devrais-tu être un seul moment, sans rendre grâces au Ciel de m’avoir pour ta femme, {{did{//Elle prend sa pose la plus tantalisante et provocatrice//}}} et méritais-tu d’épouser une personne comme moi ?}}}
''SGANARELLE.- '' {{indent{ {{did{//Encore tout ému rien que d'y penser//}}} Il est vrai que tu me fis trop d’honneur : et que j’eus lieu de me louer {{did{//Fronçant le sourcil//}}} la première nuit de nos noces. Hé ! morbleu, ne me fais point parler là-dessus, je dirais de certaines choses...}}}
''MARTINE.- '' {{indent{Quoi ? que dirais-tu ?}}}
''SGANARELLE.- '' {{indent{Baste,laissons là ce chapitre, il suffit que nous savons ce que nous savons : et que tu fus bien heureuse de me trouver.}}}
{{did{//Ce qui suit est une joute d'amoureux : elle cherche à le provoquer, mais à chaque fois il esquive par une plaisanterie. Se joue avec vivacité et rires.//}}}
''MARTINE.- '' {{indent{Qu’appelles-tu bien heureuse de te trouver ? Un homme qui me réduit à l’hôpital, un débauché, un traître qui me mange tout ce que j’ai ?}}}
''SGANARELLE.- '' {{indent{Tu as menti, {{did{//Il prend la bouteille et s'apprête à boire//}}} j’en bois une partie.}}}
''MARTINE.- '' {{indent{ //{{did{S'emparant de la bouteille }}}//Qui me vend, pièce à pièce, tout ce qui est dans le logis.}}}
''SGANARELLE.- '' {{indent{C’est vivre de ménage.}}}
''MARTINE.- '' {{indent{Qui m’a ôté jusqu’au lit que j’avais.}}}
''SGANARELLE.- '' {{indent{Tu t’en lèveras plus matin.}}}
''MARTINE.- '' {{indent{Enfin qui ne laisse aucun meuble dans toute la maison.}}}
''SGANARELLE.- '' {{indent{On en déménage plus aisément.}}}
''MARTINE.- '' {{indent{Et qui du matin jusqu’au soir, ne fait que jouer, et que boire.}}}
''SGANARELLE.- '' {{indent{C’est pour ne me point ennuyer.}}}
''MARTINE.- '' {{indent{Et que veux-tu pendant ce temps, que je fasse avec ma famille ?}}}
''SGANARELLE.- '' {{indent{Tout ce qu’il te plaira.}}}
''MARTINE.- '' {{indent{J’ai quatre pauvres petits enfants sur les bras.}}}
''SGANARELLE.- '' {{indent{{{did{//Lui souffle son conseil à l'oreille//}}} Mets-les à terre.}}}
''MARTINE.- '' {{indent{Qui me demandent à toute heure, du pain.}}}
''SGANARELLE.- '' {{indent{Donne-leur le fouet. Quand j’ai bien bu, et bien mangé, je veux que tout le monde soit saoul dans ma maison.}}}
''MARTINE.- '' {{indent{Et tu prétends __ivrogne__, que les choses aillent toujours de même ?}}}
{{did{//Le mot ivrogne est de trop pour Sganarelle. Il est temps pour lui d'arriver à la phase finale : ses répliques sont maintenant toutes à intention sexuelle//}}}
''SGANARELLE.- '' {{indent breakafter{{{did{//Tentant une caresse//}}} Ma femme, allons tout doucement, s’il vous plaît.}}}
''MARTINE.- '' {{indent {Que j’endure éternellement, tes insolences, et tes débauches ?}}}
''SGANARELLE.- '' {{indent{{{did{//idem//}}} Ne nous emportons point ma femme.}}}
''MARTINE.- '' {{indent{Et que je ne sache pas trouver le moyen de te ranger à ton devoir ?}}}
''SGANARELLE.- '' {{indent{Ma femme, vous savez que je n’ai pas l’âme endurante : et que j’ai le bras assez bon.}}}
''MARTINE.- '' {{indent{Je me moque de tes menaces.}}}
''SGANARELLE.- '' {{indent{{{did{//Jouant le frelon qui cherche à la piquer//}}} Ma petite femme, ma mie, votre peau vous démange, à votre ordinaire.}}}
''MARTINE.- '' {{indent{Je te montrerai bien que je ne te crains nullement.}}}
''SGANARELLE.- '' {{indent{Ma chère moitié, vous avez envie de me dérober quelque chose {{did{//Il fait mine de protéger son sexe//}}} .}}}
''MARTINE.- '' {{indent{Crois-tu que je m’épouvante de tes paroles ?}}}
''SGANARELLE.- ''{{indent{{{did{//Elle le poursuit, à chaque réplique manque de l'attrapper, mais à chaque fois il se dégage d'un bond et la provoque : "kss,kss". Comme dans une partie de chat : c'est Martine le chat ! //}}}Doux objet de mes vœux, je vous frotterai les oreilles.}}}
''MARTINE.- '' {{indent{Ivrogne que tu es.}}}
''SGANARELLE.- '' {{indent{Je vous battrai.}}}
''MARTINE.- '' {{indent breakafter{Sac à vin.}}}
''SGANARELLE.- '' {{indent{Je vous rosserai.}}}
''MARTINE.- '' {{indent{Infâme.}}}
''SGANARELLE.- '' {{indent{Je vous étrillerai.}}}
''MARTINE.- '' {{indent{Traître, insolent, trompeur, lâche, coquin, pendard, gueux, belître, fripon, maraud, {{did{//Elle achève en l'acculant au bord de la scène, lui dos au public//}}} VOLEUR... !}}}
''SGANARELLE.- '' {{indent{--Il prend un bâton, et lui en donne-- {{did{//Il l'éperonne à quatre reprises//}}} .- Ah ! vous en voulez, donc.}}}
''MARTINE.- '' {{indent{Ah, ah, ah, ah. {{did{//Un "Ah" d jouissance à chaque coup de boutoir, au quatrième pour le coup elle se pâme//}}} }}}
''SGANARELLE.- '' {{indent{Voilà le vrai moyen de vous apaiser.}}} {{did{//Ils s'enlacent, épuisés de bonheur.//}}}
^^//proposé par Éveline//^^{{center{
!Le Nez
!!!!!//Gérard Levoyer//
//Trois femmes de trois âges différents, la fille, la mère, la ~GRAND-MÈRE.//}}}
;LA FILLE
:Moi, j'attends. Je sais qu'il viendra, un jour. Il dira, c'est toi, viens. Il me tendra la main et on partira. Tous les deux... //(un temps)//... en métro... //(un temps)//... J'ai déjà le ticket.
;LA MÈRE
:Moi aussi j'ai attendu. Et il est venu. Mais c'était ton père. J'attendais mieux.
;LA ~GRAND-MÈRE
:Moi aussi j'ai attendu. J'ai attendu, j'ai attendu... Et il est venu. Avec ses copains. C'était très bien.
;LA FILLE
:II sera peut-être pas beau, il sera peut-être pas fort mais il sera intelligent. Et puis il débordera de sentiments. Pour moi entre autres.
;LA MERE
:II était pas beau, il était pas fort, il était pas intelligent, c'était ton père, quoi.
;LA ~GRAND-MÈRE
:Je les ai aimés tous les trois, c'était vraiment très bien. J'ai jamais su lequel était beau, lequel était fort, lequel était intelligent. Tout ce que je sais c'est qu'aucun de mes enfants ne tient d'eux.
;LA FILLE
:II m'écrira de la poésie. Des phrases qui riment, avec des mots très doux et très compliqués. Il me glissera les papiers dans le creux de la main pour que je les lise le soir, en pensant à lui. Et je penserai à lui. A chaque faute d'orthographe.
;LA MÈRE
:Ton père aussi me glissait des mots de papier avec sa jolie écriture : fais le ménage
:arrache les poireaux
:lave ma chemise. Jamais une faute ! Même à poireaux, il mettait l'x.
;LA ~GRAND-MÈRE
:Nous on s'écrivait pas. On n'avait pas le temps. Et puis vous avez essayé d'écrire en faisant l'amour ?
;LA FILLE
:On vieillira. Tranquillement. Ou aura les mêmes maladies un même momciil. Un mouchoir pour deux, c'est romantique. On s'écoutera tousser 11 aura mal et j'aurai mal pour lui. Quel beau vieillard ce sera !
;LA MÈRE
:J'ai jamnis été jeune. Les hommes ça fait vieillir, Et ton père deux fois plus.
;LA ~GRAND-MÈRE
:Moi j'ai jamais élé vieille, c'est pas aujourd'hui que je vais commencer.
;LA FILLE
:II aura un grand nez. C'est beau un nez. On dit que c'est le baromètre de l'amour.
;LA MÈRE
:C'est vrai, c'est beau un nez. Mais en avoir un coup dans le nez comme ton père...
;LA ~GRAND-MÈRE
:Dans la chambre flottait l'odeur de nos amours. Un parfum fort, musqué qui faisait sourdre des larmes aux paupières. Leur manière à eux de me laisser un petit cadeau. Je respirais les draps, les oreillers, les plis de la carpette quand la houle du désir avait fait chavirer les passagers du matelas. Je rampais clans les effluves pour y retrouver le souvenir de mes émois. Là, l'odeur du nombril de Jean. Là, les aisselles de Paul. Là, mon Lucien, mon rouquin, tout entier. Merci mes amours de vos ombres olfactives effilochées aux quatre coins de la maison. Ce que j'ai pu en renifler des goulées d'air pas si pur que ça. Je humais, je humais à m'en décrocher les narines. La nuit me trouvait enroulée aux rideaux où nous poussions parfois nos jeux de cache-cache, sexes et jambes mêlés. Des luisances phosphoraient au clair de lune comme autant de lucioles érotiques. Je humais vos parcours résiduels en défaillant sous la puissance de l'évocation. Je vous ai encore bien présentes mes odeurs voluptueuses, stupre, sueur, haleines. mélangées, je vous recherche certains soirs de printemps... //(gros soupir)//... Ah. c'était le bon temps. //(La mère et la fille la regardent avec quelques reproches.)//
;LA MÈRE
:Maman !
;LA FILLE
:~Grand-Mère !
;LA ~GRAND-MÈRE
:Ben quoi, c'est beau un nez. Alors trois !
Avec la mer du Nord pour dernier terrain vague,
Et des vagues de dun's pour arrêter les vagues,
Et de vagues rochers que les marées dépass'nt,
Et qui ont à jamais le coeur à marée basse.
Avec infiniment de brumes à venir
Avec le vent d'ouest écoutez le tenir
Le plat pays qui est le mien.
Avec des cathédral's pour uniques montagnes,
Et de noirs clochers comme mats de cocagne
Ou des diables en pierr' décrochent les nuages,
Avec le fil des jours pour unique voyage,
Et des chemins de pluie pour unique bonsoir,
Avec le vent de l'est écoutez le vouloir,
Le plat pays qui est le mien.
Avec un ciel si bas qu'un canal s'est perdu,
Avec un ciel si bas qu'il fait l'humilité
Avec un ciel si gris qu'un canal s'est pendu,
Avec un ciel si bas qu'il faut lui pardonner.
Avec le vent du nord qui vient s'écarteler,
Avec le vent du nord écoutez le craquer,
Le plat pays qui est le mien.
Avec de l'Italie qui descendrait l'Escaut,
Avec Frida la Blond' quand ell'devient Margot,
Quand les fils de Novembr' nous reviennent en Mai,
Quand la plain'est fumant' et tremble sous Juillet,
Quand le vent est au rir' quand le vent est au blé,
Quand le vent est sud écoutez le chanter,
Le plat pays qui est le mien.
!Le Pont Mirabeau
!!!!!//Guillaume Apollinaire, Alcools, 1913//
Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Et nos amours
Faut-il qu’il m’en souvienne
La joie venait toujours après la peine.
Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure
Les mains dans les mains restons face à face
Tandis que sous
Le pont de nos bras passe
Des éternels regards l’onde si lasse
Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure
L’amour s’en va comme cette eau courante
L’amour s’en va
Comme la vie est lente
Et comme l’Espérance est violente
Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure
Passent les jours et passent les semaines
Ni temps passé
Ni les amours reviennent
Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure
!LE PORT
Un port est un séjour charmant pour une âme fatiguée des luttes de la vie.
:L'ampleur du ciel, l'architecture mobile des nuages, les colorations changeantes de la mer, le scintillement des phares,
:sont un prisme merveilleusement propre à amuser les yeux sans jamais les lasser.
Les formes élancées des navires, au gréement compliqué,
auxquels la houle imprime des oscillations harmonieuses,
servent à entretenir dans l'âme le goût du rythme et de la beauté.
Et puis, surtout, il y a une sorte de plaisir mystérieux et aristocratique pour celui qui n'a plus ni curiosité ni ambition,
à contempler,
:couché dans le belvédère
:ou accoudé sur le môle,
tous ces mouvements de ceux qui partent et de ceux qui reviennent,
de ceux qui ont encore la force de vouloir, le désir de voyager ou de s'enrichir.
66o: [[Isaac|https://giga.gg/l/576e471ed9e5dfd0718b45d7]]
{{center{[img(33%,)[http://www.ruedesfables.net/wp-content/uploads/2015/01/le-rat-qui-s-est-retire-du-monde.jpg]]}}}
!Le Rat qui s'est retiré du monde
!!!!!{{center{Jean de LA FONTAINE
(1621-1695)}}}
{{center{
Les Levantins en leur légende
Disent qu'un certain Rat las des soins d'ici-bas,
Dans un fromage de Hollande
Se retira loin du tracas.
La solitude était profonde,
S'étendant partout à la ronde.
Notre ermite nouveau subsistait là-dedans.
Il fit tant de pieds et de dents
Qu'en peu de jours il eut au fond de l'ermitage
Le vivre et le couvert : que faut-il davantage ?
Il devint gros et gras ; Dieu prodigue ses biens
A ceux qui font voeu d'être siens.
Un jour, au dévot personnage
Des députés du peuple Rat
S'en vinrent demander quelque aumône légère :
Ils allaient en terre étrangère
Chercher quelque secours contre le peuple chat ;
Ratopolis était bloquée :
On les avait contraints de partir sans argent,
Attendu l'état indigent
De la République attaquée.
Ils demandaient fort peu, certains que le secours
Serait prêt dans quatre ou cinq jours.
Mes amis, dit le Solitaire,
Les choses d'ici-bas ne me regardent plus :
En quoi peut un pauvre Reclus
Vous assister ? que peut-il faire,
Que de prier le Ciel qu'il vous aide en ceci ?
J'espère qu'il aura de vous quelque souci.
Ayant parlé de cette sorte.
Le nouveau Saint ferma sa porte.
Qui désignai-je, à votre avis,
Par ce Rat si peu secourable ?
Un Moine ? Non, mais un Dervis :
Je suppose qu'un Moine est toujours charitable.
}}}
!Le Renard et la Cigogne//
^^Jean de LA FONTAINE (1621-1695)^^//
Compère le Renard se mit un jour en frais,
et retint à dîner commère la Cigogne.
Le régal fût petit et sans beaucoup d'apprêts :
Le galant pour toute besogne,
Avait un brouet clair ;
il vivait chichement.
Ce brouet fut par lui servi sur une assiette :
La Cigogne au long bec n'en put attraper miette ;
Et le drôle eut lapé le tout en un moment.
Pour se venger de cette tromperie,
A quelque temps de là,
la Cigogne le prie.
"//Volontiers, //lui dit-il ;// car avec mes amis
Je ne fais point cérémonie.// "
A l'heure dite,
il courut au logis De la Cigogne son hôtesse ;
Loua très fort la politesse ;
Trouva le dîner cuit à point :
Bon appétit surtout ;
Renards n'en manquent point.
Il se réjouissait à l'odeur de la viande Mise en menus morceaux,
et qu'il croyait friande.
On servit,
pour l'embarrasser,
En un vase à long col et d'étroite embouchure.
Le bec de la Cigogne y pouvait bien passer ;
Mais le museau du sire était d'autre mesure.
Il lui fallut à jeun retourner au logis,
Honteux comme un Renard qu'une Poule aurait pris,
Serrant la queue,
et portant bas l'oreille.
Trompeurs, c'est pour vous que j'écris :
Attendez-vous à la pareille.
{{threecolumns{
Après trois semaines entières
D'un bonheur que rien n'altérait
Mon amant dont j'étais si fière
Un triste matin me plaquait
Pour calmer mon âme chagrine
Je résolus en un sursaut
De me piquer à la morphine
Ou de priser de la coco
Mais ça coûte cher tous ces machins
Alors pour fuir mon noir destin
J'ai fumé de l'eucalyptus
Et je m'en vais à la dérive
Fumant comme une locomotive
Avec aux lèvres un rictus
J'ai fumé de l'eucalyptus
Dès lors mon âme torturée
Ne connut plus que d'affreux jours
La rue du désir fut barrée
Par les gravats de notre amour
J'aurais pu d'une main câline
Couper le traître en petits morceaux
Le recoller à la sécotine
Pour le redécouper aussitôt
Mais je l'aimais tant l'animal
Alors pour pas lui faire du mal
J'ai sniffé d'la naphtaline
Les cheveux hagards, l'oeil hérissé
Je me suis mise à me fourrer
Des boules entières dans les narines
J'ai sniffé d'la naphtaline
Qu'ai-je fait là, Jésus Marie
C'est stupéfiant comme résultat
Au lieu de m'alléger la vie
Je me suis alourdie l'estomac
J'ai dü prendre du charbon Belloc
Ca m'a fait la langue toute noire
Que faire alors j'ai pauvre loque,
Essayé d'un autre exutoire?
Car le pire c'est que j'ai pris le pli
Et c'est tant pis quand le pli est pris
Je me pique à l'eau de Javel
Pour oublier celui que j'aime
Je prend la seringue
Et j'en bois même
Alors il me pousse des ailes
Je me pique à l'eau de Javel (x2)
}}}
@poésie @antolinos @eveline @30avril
{{center{
!Le baiser (II)
}}}
Comme une ville qui s'allume
Et que le vent achève d'embraser,
Tout mon cœur brûle et se consume,
J'ai soif, oh ! j'ai soif d'un baiser.
Baiser de la bouche et des lèvres
Où notre amour vient se poser,
Plein de délices et de fièvres,
Ah ! j'ai soif, j'ai soif d'un baiser !
Baiser multiplié que l'homme
Ne pourra jamais épuiser,
Ô toi, que tout mon être nomme,
J'ai soif, oui, j'ai soif d'un baiser.
Fruit doux où la lèvre s'amuse,
Beau fruit qui rit de s'écraser,
Qu'il se donne ou qu'il se refuse,
Je veux vivre pour ce baiser.
Baiser d'amour qui règne et sonne
Au cœur battant à se briser,
Qu'il se refuse ou qu'il se donne,
Je veux mourir de ce baiser.
!!!!!Germain Nouveau.
!!!!!!//Valentines (1885).//
!Le baiser du matin
!!!!!!Claude-Joseph DORAT (1734-1780)
[img(80%,)[http://www.francemusique.fr/sites/default/files/styles/image_ppale_full/public/asset/images/2015/11/le_baiser_1.jpg?itok=yhSy--oz]]
Les étoiles brillaient encore :
A peine un jour faible et douteux
Ouvre la paupière de Flore,
Qui, dans ses bras voluptueux,
Retient l'inconstant qu'elle adore.
(...)
Tu goûtais un profond repos,
Après une nuit fortunée,
Que nous avions abandonnée
Au dieu des amoureux travaux :
Moi, je veillais ; dans mon ivresse,
Je recueillais tes doux soupirs,
Et mes yeux, brûlants de tendresse,
Se reposaient sur la déesse
A qui je dois tous mes plaisirs.
Les anneaux de ta chevelure
Flottent au hasard répandus,
Et voilent seuls tes charmes nus,
Dont le désordre est la parure :
Ton front peint la sérénité
Et du bonheur et de la joie,
Sur ton sein ému se déploie
L'incarnat de la volupté ;
(...)
Ta bouche qu'amour sut armer
De la grâce la plus touchante,
Plus fraîche que l'aube naissante,
Semble s'ouvrir pour me nommer ;
Et tes bras, dont la nonchalance
Se développe mollement,
Quelquefois avec négligence
Sont étendus vers ton amant.
Mais cependant sur l'hémisphère
Vénus fait luire son flambeau :
Chaque degré de la lumière
Me révèle un charme nouveau :
Sur tous les trésors que tu laisses
En proie à mon avidité
J'égare mon œil enchanté,
Et veux marquer par mes caresses
Tous les progrès de la clarté :
A mesure qu'elle colore
L'horizon qui va s'embraser,
Un feu plus ardent me dévore ;
Et je crois que chaque baiser
Ajoute un rayon à l'aurore. 0
Comme je fêtai son retour !
De la nuit les astres pâlirent :
Tout-à-coup tes beaux yeux s'ouvrirent ;
C'est toi qui fis naître le jour.
{{center{^^//<<storyViewer amour previous>><<storyViewer amour list>><<storyViewer amour next>>//^^
[img(33%,)[http://www.poesie-erotique.net/Images/bal.jpg][http://www.poesie-erotique.net/]]
!Le bal allait finir
!!!!!!//Charles ~SAINTE-BEUVE (1804-1869)//
//A Alfred De M.//
//Pour moi, je me mis à rêver au lieu d’avoir du plaisir.
(Sénancour, Obermas)//
Les flambeaux pâlissaient, le bal allait finir,
Elles mères disaient qu’il fallait s’en venir ;
Et l’on dansait toujours, et l’heure enchanteresse
S’envolait : la fatigue aiguillonnait l’ivresse.
O quel délire alors ! Plus d’un pâle bouquet
Glisse d’un sein de vierge et jonche le parquet.
Une molle sueur embrase chaque joue ;
Aux fronts voluptueux le bandeau se dénoue
Et retombe en désordre, et les yeux en langueur
Laissent lire aux amants les tendresses du cœur ;
Les mains sentent des mains l’étreinte involontaire ;
Tous ces seins haletants gardent mal leur mystère ;
On entend des soupirs ; sous les gants déchirés
On froisse des bras nus, à plaisir dévorés,
Et la beauté sourit d’un regard qui pardonne,
Et plus lasse, en valsant, se penche et s’abandonne.
Moi, je valsais aussi ce soir-là, bienheureux,
Entourant ma beauté de mon bras amoureux,
Sa main sur mon épaule, et dans ma main sa taille ;
Ses beaux seins suspendus à mon cœur qui tressaille
Comme à l’arbre ses fruits, ...
::...j’étais près de rêver ;
Quand Elle, tout à coup reposée et légère,
Honteuse d’avoir fui la valse passagère,
Reprit son éventail tombé sur mes genoux,
Et m’en frappa, disant : « A quoi donc pensez-vous ? »
Et je revins à moi ; ma main saisit la sienne,
Et je revis ses yeux, sa grâce italienne,
Son beau sein si brillant dans le noir du satin ; —
Et nous valsions encor quand parut le matin.
}}}
!Le boeuf sur le toit
{{center{
!!!!!//Jean Cocteau//
}}}
+++^90%^*[FARCE]
{{groupbox BGTertiaryPale{
FARCE
imaginée et réglée par l’auteur
* Costumes de G.-P. FAUCONNET
* Décors et cartonnages de RAOUL DUFY
* Musique de DARIUS MILHAUD
* Orchestre de 25 musiciens dirigé par WLADIMIR GOLSHMANN
* Représentée pour la première fois, à Paris, le samedi 21 février 1920 à la Comédie des Champs-Ëlysées
* et à Londres, le 12 juillet 1920 au Coliseum
|borderless|k
| Distribution à Paris |h
| Le Barman | //P. Fratellini // |
| La Dame rousse | //F. Fratellini// |
| La Dame décolletée | //A. Fratellini// |
| Le Policeman | //Busby// |
| Le Boxeur nègre | //Cyrillo// |
| Le Bookmaker | //Roberts// |
| Le Monsieur en habit | //Pinocchio// |
| Le Nègrillon qui joue au billard | //Le nain Boda// |
}}}
=== +++^90%^*[Décor]
{{menubox BGSecondaryPale{Le Bœuf sur le toit est un bar éclairé brutalement. Un paravent contourné, en bois jaune, cache la coulisse de droite. L’angle d’un billard dépasse le portant de gauche sur lequel est peinte une draperie: grenat. Au premier plan gauche, un fauteuil de cuir. Au premier plan droite, une table. Table et fauteuil, visibles devant le rideau, annoncent la grossièreté du décor comme une sorte de prologue. Ils prennent leur place dans l’ensemble dès que le rideau se lève. Ventilateur au plafond. Le ventilateur tourne lentement et jette des ombres sur les personnages. Ils portent des têtes de carton trois fois grandeur nature. Ils agissent selon le style du décor. Ils sont du décor qui bouge. Ils accomplissent chacun, « au ralenti », à contre-courant de la musique, avec une lourdeur de scaphandriers, les gestes essentiels à leur rôle.
Les accessoires : bouteilles, verres, pailles, cigarettes, craie, soucoupes, sont à lechelle des têtes postiches.
A la frise du premier plan, peinte de drapeaux multicolores, sont suspendus cinq ronds de fumée en tulle qui partent du fauteuil et se dirigent vers le centre. }}}
===
;LE BARMAN
Au lever du rideau, le barman seul, tout blanc, tout rose. Il secoue ses gobelets derrière son bar.
Un cigare, gros comme une torpille, brûle sur une table, derrière le fauteuil.
;BOXEUR NÈGRE
Entre, par la gauche, le boxeur nègre au chandail bleu de ciel, venant de la salle de billard. Il commande un cocktail, essaye ses muscles,
tombe dans le fauteuil, croise les jambes et reprend son cigare.
Aussitôt les ronds de fumée deviennent les siens.
;NÉGRILLON
Un négrillon, en bras de chemise, sort de la salle de billard, à reculons. Il met de la craie sur une queue de billard.
;BOXEUR NÈGRE
Le boxeur demande au barman de couper son cigare qui tire mal.
;LE BARMAN
Le barman le coupe au revolver.
;NÉGRILLON
Le coup fait tomber le négrillon à la renverse. Pendant toute la première partie on l’entrevoit jouer au billard en coulisse, lever une jambe, viser, comme dans les lithographies américaines.
;LA DAME DÉCOLLETÉE, LA DAME ROUSSE, LE MONSIEUR, LE BOOKMAKER
Entrent tour à tour :
:* La Dame décolletée, en robe rouge, très maniérée, très commune.
:* La Dame rousse, aux cheveux de papier, jolie, d’allure masculine, un peu voûtée, les mains dans les poches.
:* Le Monsieur en habit de moleskine, qui regarde son bracelet-montre et ne quitte plus son tabouret de bar jusqu’à sa sortie.
:* Un bookmaker écarlate, aux dents d’or, qui porte un melon gris et une cravate de chasse maintenue par une perle de la taille d’une boule de jardin.
Tout ce joli monde s’installe, joue aux dés. (La partie de dés entre le monsieur et le book doit être un tableau mécanique composé de leurs têtes, de la tête du barman derrière un journal aux lettres d’affiche, des deux dés, véritables boîtes de carton qu’ils remuent en les faisant tournoyer sur l’axe.)
;LA DAME DÉCOLLETÉE et LE NÉGRILLON
La dame élégante se poudre, découvre le négrillon. Il grimpe sur un tabouret. Elle le charge sur son épaule et l’emmène dans la salle de billard.
;LA DAME ROUSSE et LE BOXEUR
La dame rousse traverse la scène, enlève les ronds de fumée avec son bras, les vide autour du cou du barman et aguiche le boxeur. Le boxeur quitte son fauteuil pour la suivre.
;LE BOOKMAKER
Le bookmaker les observe, se fâche, trépigne, approche à pas de loup, retire sa perle et en assène un coup sur la tête du nègre qui s’effondre.
;LE NÉGRILLON et LE BOXEUR
Le négrillon lâche sa queue de billard, assiste le boxeur, le couche dans le fauteuil, l’évente avec une serviette.
;LE BOOKMAKER
Petite danse de triomphe du bookmaker.
;LA DAME DÉCOLLETÉE et LA DAME ROUSSE
Tango des femmes.
;LE POLICEMAN
Coup de sifflet. C’est la police. Tous tremblent.
;LE BARMAN
Le barman accroche une pancarte : //Ici on ne boit que du lait//, cache verres, bouteilles, distribue des bols et bat le lait dans une baratte.
;LE POLICEMAN
Le policeman géant passe la tête. Il entre. Il toise. Il s’approche de chacun pour sentir les haleines. Il goûte le lait.
Influencé par l’esprit bucolique, il danse un ballet aimable.
;LE BARMAN
Pendant qu’il tourne au milieu avec une grâce de ballerine, le barman actionne un levier. Le ventilateur descend et décapite le policeman. Il chancelle. Il cherche sa tête, essaye de la remettre à l’envers et tombe mort.
;LE NÉGRILLON, LE BARMAN, LA DAME ROUSSE et les autres noctambules
Rien n’étonne les noctambules. Après de courtes réjouissances où le négrillon chante une romance la main sur son cœur, le barman présente la tête sur un plateau à la dame rousse, indifférente et qui regardait dans la coulisse de gauche.
;LA DAME ROUSSE
Elle danse. Sa danse est une charge des danses de Salomé en général. Elle s’étire, elle fume, elle secoue la tête du policeman à la façon d’un cocktail. Finalement, elle marche sur les mains comme la Salomé de la cathédrale de Rouen, fait le tour de la tête et, toujours sur les mains, quitte le bar,
;LE BOOKMAKER
suivie par le bookmaker.
;LA DAME DÉCOLLETÉE, LE MONSIEUR, LE BARMAN
Avant de disparaître à leur suite, la dame décolletée se détourne, enlève la rose que le monsieur en habit porte à la boutonnière, et la lance au barman. Le monsieur paye et ils sortent.
;LE BOXEUR, LE NÉGRILLON, LE BARMAN
Le boxeur se réveille, se lève, titube et sort à son tour, suivi du négrillon qui refuse de payer le barman.
;LE BARMAN, LE POLICEMAN
Resté seul, le barman range. Il voit le corps du policeman. Il le traîne, tant bien que mal, jusqu’à une chaise, derrière la table. Le corps mort cherche son équilibre. Une fois le corps calé, le barman apporte des piles de soucoupes qu’il met sur la table, une bouteille de gin qu’il vide dans le corps. Il ramasse la tête, la lui enfonce entre les épaules. Il le chatouille et l’hypnotise. Le policeman ressuscite. Alors le barman lui déroule une addition de trois mètres.
//P.S. Le titre du Bœuf sur le toit était une enseigne du Brésil. Il me fut donné par Paul Claudel.//
/%
|exercice|ouverture séance|
|niveau|01 Début|
%/
! Vos numéros
*Prenez un papier dans la corbeille :
**C'est votre numéro de chance pour l'après-midi : de 1 à 6
**Retenez-le !
!Le chant de la mariée
Je ne vis plus dans l’ignorance,
Je sais mon //ba be bi bo bu//,
Déjà, mon petit coeur ému
Près d’un jeune berger, commence
A faire //ta te ti to tu//.
Faites-moi donc présent, ma mère,
D’un mari //da de di do du//
Qu’il soit amoureux, vif et dru,
Surtout d’un âge à pouvoir plaire,
Car un vieux //pa pa pi po pu//.
Si, pour moi, sa tendresse dure,
J’aurai pour lui de la vertu ;
Mais si c’est un hurluberlu,
Ah ! ma mère, je vous le jure :
Il sera //ca ce ci co cu// !
{{center{[img[http://img.over-blog.com/253x500/3/87/06/87/images---1--/renoir-auguste-1.1217835759.JPG]]
((Le Garçon au chat(
''Le Garçon au chat'' n'a pas livré tous ses mystères. Ce nu masculin est sans équivalent dans l'œuvre de Renoir. On ne connaît pas l'identité du modèle. Le regard qu'il jette comme à la dérobée vers le spectateur reste énigmatique.
Renoir peint ce tableau en 1868 : l'année marque un tournant pour l'artiste, encore au début de sa carrière. La seconde moitié des années 1860 sont aussi celles du compagnonnage avec Bazille, Sisley et Monet. Tous sont marqués par l'exemple de leurs aînés, Courbet et Manet. On retrouve l'influence de ces derniers dans la facture réaliste et les harmonies froides du Garçon au chat. Ce tableau acheté en vente publique en 1992 est venu opportunément compléter les collections du musée d'Orsay où les débuts de Renoir sont peu représentés.)))
! "Le chat"
!!!!!Charles BAUDELAIRE
^^[[Ma lecture|https://giga.gg/l/573a171336e5dfff3a8b4582]]^^
Viens, mon beau chat, sur mon cœur amoureux ;
Retiens les griffes de ta patte,
Et laisse-moi plonger dans tes beaux yeux
Mêlés de métal et d’agate.
Lorsque mes doigts caressent à loisir
Ta tête et ton dos élastique,
Et que ma main s’enivre du plaisir
De palper ton corps électrique,
Je vois ma femme en esprit ; son regard,
Comme le tien, aimable bête,
Profond et froid, coupe et fend comme un dard,
Et des pieds jusques à la tête,
Un air subtil, un dangereux parfum
Nagent autour de son corps brun.
}}}
^^//Charles BAUDELAIRE "Les chats", tirés des "Fleurs du Mal"//^^
{{center{[img[http://img.over-blog.com/450x258/3/87/06/87/images---1--/images---3--/images-4/images-800-a-1000/images/janvier-2013/ab/Le-garcon-au-chat.jpg]]}}}
{{center{[img(33%,)[http://brassensboulevarddespoetes.r.b.f.unblog.fr/files/2015/03/fff.jpg]]}}}
/%
|Description|<br>« Un chat tuait sans vrai désir.<br>C'était un chat très riche et il n'avait pas faim ... »|
%/
!Le chat bourgeois
!!!!!{{center{Jean Anouilh
//Fables//}}}
67t: [[Jacques (audio)|https://giga.gg/l/579df7f6f7e5df28128b458a]]
{{center{
Un chat tuait sans vrai désir.
C'était un chat très riche et il n'avait pas faim
Il faut bien se distraire enfin :
Chat bourgeois a tant de loisirs....
On ne peut pas toujours dormir sur un coussin.
De souris, il ne mangeait guère ;
Son pedigree fameux l’ayant mis au dessus
Des nourritures du vulgaire.
Son régime était strict. Cet immeuble cossu,
En outre visité, à des dates périodiques,
Par les services de la dératisation,
Gens aux procédés scientifiques,
Tuant sans joie ni passion,
Au nom de I’administration.
De rat, de vrai bon rat, qui fuit et qu’on rattrape
Négligemment, ne le tuant qu’à petits coups
Sans tuer son espoir - vrai plaisir de satrape -
Il n'y en avait plus du tout
Avec leurs poisons et leurs trappes.
Restaient quelques moineaux bêtes et citadins,
Race ingrate
Qu’on étendait d'un coup de patte :
Assez misérable fretin.
Oubliant les rats,
L’employé du service d'hygiène ne vint pas.
On l'avait convoqué
Sur une autre frontière.
Pour tuer cette fois des hommes. Et la guerre,
Approchant à grands pas des quartiers élégants,
Les maîtres de mon chat durent fuir sans leurs gants,
En un quart d'heure, sur les routes incertaines.
Dans l'impérieux souci de sauver leur bedaine
Ils oublièrent tout, les bonnes et le chat.
Les bonnes changèrent d'état.
Loin de Madame, violées par des militaires,
Elles si réservées, elles se révélèrent
Putains de beaucoup de talent.
Leur train de vie devint tout à coup opulent
Et elles prirent une bonne.
Après un temps de désarroi,
Le chat, devenu chat, comprit qu’il était roi;
Que la faim est divine et que la lutte est bonne.
D'un oeil blanc, d'une oreille arrachée aux combats
Dont il sorti vainqueur contre les autres chats,
Il paya ses amours royales sous la lune.
Sans régime et sans soin, ne mangeant que du rat
Il perdit son poil angora
Qui ne tenait qu’à sa fortune
Et auquel il ne tenait pas;
Il y gagna la mine altière
Et l’orgueil des chats de gouttière,
Et bénit à jamais la guerre
Qui offre aux chats maigris des chattes et des rats.
Jamais ce que l'on vous donne
Ne vaudra ce que l'on prend
Avec sa griffe et sa dent.
La vie ne donne à personne.
}}}
{{center{[img(33%,)[http://lakanal.net/poesie/lechatetloiseau/picasso.jpg]]}}}
!Le chat et l'oiseau
!!!!!{{center{Jacques Prévert}}}
{{center{
Un village écoute désolé
Le chant d'un oiseau blessé
C'est le seul oiseau du village
Et c'est le seul chat du village
Qui l'a à moitié dévoré
Et l'oiseau cesse de chanter
Le chat cesse de ronronner
Et de se lécher le museau
Et le village fait à l'oiseau
De merveilleuses funérailles
Et le chat qui est invité
Marche derrière le petit cercueil de paille
Où l'oiseau mort est allongé
Porté par une petite fille
Qui n'arrête pas de pleurer
Si j'avais su que cela te fasse tant de peine
Lui dit le chat
Je l'aurais mangé tout entier
Et puis je t'aurais raconté
Que je l'avais vu s'envoler
S'envoler jusqu'au bout du monde
Là-bas c'est tellement loin
Que jamais on n'en revient
Tu aurais eu moins de chagrin
Simplement de la tristesse et des regrets
Il ne faut jamais faire les choses à moitié
}}}
{{center{[img(33%,)[https://i.ytimg.com/vi/zW93efNVoIk/maxresdefault.jpg]]}}}
!Le chat et le soleil
!!!!!{{center{Maurice Carême
//In l'Arlequin//}}}
67t:[[Jacques|https://giga.gg/l/579df404dce5df89f48b4573]]
{{center{
Le chat ouvrit les yeux,
Le soleil y entra.
Le chat ferma les yeux,
Le soleil y resta,
Voilà pourquoi, le soir,
Quand le chat se réveille,
J'aperçois dans le noir
Deux morceaux de soleil.
}}}
Un village écoute désolé
Le chant d’un oiseau blessé
C’est le seul oiseau du village
Et c’est le seul chat du village
Qui l’a à moitié dévoré
Et l’oiseau cesse de chanter
Le chat cesse de ronronner
Et de se lécher le museau
Et le village fait à l’oiseau
De merveilleuses funérailles
Et le chat qui est invité
Marche derrière le petit cercueil de paille
Où l’oiseau mort est allongé
Porté par une petite fille
Qui n’arrête pas de pleurer
Si j’avais su que cela te fasse tant de peine
Lui dit le chat
Je l’aurais mangé tout entier
Et puis je t’aurais raconté
Que je l’avais vu s’envoler
S’envoler jusqu’au bout du monde
Là-bas où c’est tellement loin
Que jamais on en revient
Tu aurais eu moins de chagrin
Simplement de la tristesse et des regrets
Il ne faut jamais faire les choses à moitié.
!Le ciel est bien cruel de faire les uns naître
Le ciel est bien cruel de faire les uns naître
Monarques souverains, princes et empereurs,
Les autres artisans, vignerons, laboureurs,
Et bergers qui aux champs mènent les brebis paître.
Car il advient souvent que celui qui est maître
Mériterait tenir le rang des serviteurs,
Dont quelques-uns qui vont se tuant de labeurs
Pour leur gentil esprit mériteraient mieux être.
Il est vrai qu'à la fin tout meurt également.
Le monde est un théâtre, où fortuitement
Chacun comme il lui vient joue son personnage.
Celui-ci fait le roi, celui-là fait le gueux ;
Mais moi, je fais toujours à mon dam et dommage
Le poète indigent et l'amant langoureux.
!!!!!!Jean GODARD (1564-1630)
671: [[a_Marie-France|https://giga.gg/l/577ac200fae5df0c008b45a1]] [[b_Isaac|https://giga.gg/l/577abea5dde5df0e008b4588]] [[c_Isaac|https://giga.gg/l/577ab913d6e5df0e008b4575]] [[d_Isaac|https://giga.gg/l/577ab506fbe5df0d008b4570]] [[e_Jacques|https://giga.gg/l/577ab13edee5dffd1b8b4583]]
!Le ciel est par-dessus le toit
!!!!!{{center{Paul VERLAINE
(1844-1896)}}}
{{center{
^^[[Ma lecture|https://giga.gg/l/57702a52fbe5df168f8b4574]]^^
Le ciel est, par-dessus le toit,
Si bleu, si calme !
Un arbre, par-dessus le toit,
Berce sa palme.
La cloche, dans le ciel qu'on voit,
Doucement tinte.
Un oiseau sur l'arbre qu'on voit
Chante sa plainte.
Mon Dieu, mon Dieu, la vie est là
Simple et tranquille.
Cette paisible rumeur-là
Vient de la ville.
Qu'as-tu fait, ô toi que voilà
Pleurant sans cesse,
Dis, qu'as-tu fait, toi que voilà,
De ta jeunesse ?
}}}
!Le ciel ne veut dame que je jouisse//
^^Pierre de Ronsard^^//
{{center{
Le Ciel ne veut, Dame, que je jouisse
De ce doux bien que dessert mon devoir ;
Aussi ne veux-je, et ne me plaît d’avoir
Sinon du mal en vous faisant service.
Puisqu’il vous plaît, que pour vous je languisse,
Je suis heureux, et ne puis recevoir
Plus grand honneur, qu’en mourant, de me voir
Faire à vos yeux de mon coeur sacrifice.
Donc si ma main, malgré moi, quelquefois
De l’amour chaste outrepasse les lois,
Dans votre sein cherchant ce qui m’embraise,
Punissez-la du foudre de vos yeux,
Et la brûlez : car j’aime beaucoup mieux
Vivre sans main, que ma main vous déplaise.
!!!!!!Pierre de Ronsard
}}}
!^^James Baldwin
^^Le coin des « amen »
;Luke
Mon garçon, n’essaie pas de tourner le dos aux choses qui te font de la peine.
Les choses qui t’font de la peine – y a des fois où c’est tout ce qu’on a au monde.
I’faut apprendre à vivre avec ces choses là – et à s’en servir.
J’ai vu des gens se torturer horriblement, et mourir, parce qu’ils avaient peur d’avoir mal.
Je te tenais sur mes genoux quand tu n’étais rien qu’un tout petit. Tu n’avais même pas de dents, dans ce temps-là.
Maintenant, je suppose que tu as déjà commencé à te les casser les dents, tes dents, sur les choses…
J’m’rappelle que j’pensais qu’à nous deux on allait décrocher la lune, toi et moi, sitôt qu’tu serais un peu plus grand.
J’ai fait toutes sortes de projets pour toi,
:mais i’n’en est rien sorti du tout.
669: [[Éveline|https://giga.gg/l/575b21fed6e5dfe1578b45be]]
!Le corbeau et le renard
{{center{
!!!!!La Fontaine
Maître Corbeau, sur un arbre perché,
Tenait en son bec un fromage.
Maître Renard, par l'odeur alléché,
Lui tint à peu près ce langage :
"Hé ! bonjour, Monsieur du Corbeau.
Que vous êtes joli ! que vous me semblez beau !
Sans mentir, si votre ramage
Se rapporte à votre plumage,
Vous êtes le Phénix des hôtes de ces bois. "
A ces mots le Corbeau ne se sent pas de joie ;
Et pour montrer sa belle voix,
Il ouvre un large bec, laisse tomber sa proie.
Le Renard s'en saisit, et dit : "Mon bon Monsieur,
Apprenez que tout flatteur
Vit aux dépens de celui qui l'écoute :
Cette leçon vaut bien un fromage, sans doute. "
Le Corbeau, honteux et confus,
Jura, mais un peu tard, qu'on ne l'y prendrait plus.
}}}
671: [[w_Mady|https://giga.gg/l/577aefaff9e5df20008b4678]]
{{center{[img(33%,)[http://www.meluzyne-au-pays-des-legendes.com/medias/images/rb84d6id.jpg]]}}}
!Le dormeur du val
!!!!!{{center{Arthur RIMBAUD
(1854-1891)}}}
{{center{
C'est un trou de verdure où chante une rivière,
Accrochant follement aux herbes des haillons
D'argent ; où le soleil, de la montagne fière,
Luit : c'est un petit val qui mousse de rayons.
Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort ; il est étendu dans l'herbe, sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.
Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
Nature, berce-le chaudement : il a froid.
Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine,
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.
}}}
{{homeTitle center{
!Le Défunt
!!!!!!René de Obaldia
}}}{{groupbox small{
!!!Scène
Pas de décors. L'acte peut se passer devant le rideau. Sitôt les trois coups, Julie et Madame de Crampon arrivent des deux côtés de la coulisse, traînant chacune une chaise avec elles.
Madame de Crampon porte une cinquantaine. d'années et un chapeau extravagant peuplé d'une multitude d'oiseaux aux becs terribles. Julie, en grand deuil, offre le spectacle d'une veuve encore jeune et appétissante. Elles amènent leur chaise au milieu de la scène, les plaçant côte â côte, s'as-seyent et demeurent un moment silencieuses. Se découvrant tout à coup, elles se lèvent ainsi que deux ressorts.
}}}
;MADAME DE CRAMPON
:Julie !
;JULIE
:Madame de Crampon !
//Elles s'embrassent. Se rasseyent. Un temps.//
;MADAME DE CRAMPON
:Pour être à l'heure, nous sommes à l'heure !
;JULIE
:Oui... Nous aurions voulu le faire exprès...
;MADAME DE CRAMPON
:Je suis bien heureuse de vous voir. Comment allez-vous depuis la dernière fois ?
;JULIE
:Oh! vous savez...
;MADAME DE CRAMPON
:Oui, oui, je sais... Cela va bientôt faire un an que ce cher Victor nous a quittés !
;JULIE
:Trois ans, Madame de Crampon.
;MADAME DE CRAMPON
:Trois ans, voilà ce que je voulais dire. Trois ans. Comme le temps passe vite !
;JULIE
:Ce sont les minutes qui sont longues !
;MADAME DE CRAMPON
:Plaît-il ?
;JULIE, fort. -
:Ce sont les minutes qui sont longues !
;MADAME DE CRAMPON
:Bien sûr, bien sur... surtout la nuit.
;JULIE
:Surtout la nuit.
;MADAME DE CRAMPON
:Ce cher Victor.
//Elle pousse un soupir.//
;JULIE
:Il vous aimait bien, Madame de Crampon ! Avant qu'il ne tombât muet, il me parlait souvent de vous.
;MADAME DE CRAMPON
:Mon Dieu ! quelle idée a-t-il eu de tomber muet ?
;JULIE
:La paralysie, chère madame, la paralysie... Cela a commencé par le côté droit.
;MADAME DE CRAMPON
:Le côté du foie.
;JULIE
:Plaît-il ?
;MADAME DE CRAMPON
:Le côté du foie. A gauche, c'est le côté du cœur, à droite le côté du foie.
;JULIE
:Peut-être... Remarquez, bien avant sa première crise, j'aurais dû me méfier.
;MADAME DE CRAMPON
:Si l'on savait !...
;JULIE
:Nos... nos... rapports... s' espa-çaient de plus en plus.
;MADAME DE CRAMPON, subitement intéressée. -
:Ah oui ! racontez-moi ça...
;JULIE
:Ceci entre nous, Madame de Crampon.
;MADAME DE CRAMPON
:Julie .... vous connaissez ma discrétion... Donc, vous me laissiez entendre que vos rapports...
;JULIE.
:Enfin... mon mari était ce qu on peut appeler un chaud lapin.
;MADAME DE CRAMPON
:Un chaud lapin ! //(Elle glousse.)// J'adore cette expression !
;JULIE
:Trop chaud même... Je le soup-çonne d'avoir incendié tout le combustible qui se trouvait dans son entourage...
;MADAME DE CRAMPON. -
:Oh !
;JULIE
:Le nombre de secrétaires et de dactylos qui montèrent en grade dans son service...
;MADAME DE CRAMPON
:Ce n'est pas possible !
;JULIE
:Ne croyez pas que je veuille le charger, ce pauvre cher Victor... Je lui procu-rerais volontiers toutes les femmes de l'uni-vers si cela pouvait le faire jaillir de son tombeau !
;MADAME DE CRAMPON
:Vous iriez jusque-là!
;JULIE
:Encore plus loin, MADAME DE CRAMPON, encore plus loin... La passion ne s'arrête pas à de petits détails... Le tort que j'avais, de son vivant, c'était précisément de m'y arrêter. Quand je pense à la scène que j'ai faite à la crémière !
;MADAME DE CRAMPON
:Parce que... la crémière aussi...
;JULIE
:Tous ses fromages blancs en pleine figure ! //(Elle se laisse soudain glisser de sa chaise, tombe à genoux et joint les mains.)// Victor, je te demande pardon !
;MADAME DE CRAMPON, //très gênée.// -
:Je vous en prie, asseyez-vous... Si l'on nous voyait...
;JULIE, //elle se rassied.// -
:Excusez-moi, la douleur m'égare...
;MADAME DE CRAMPON
:Si je comprends bien, Victor vous négligeait ?
;JULIE,
://piquée au vif// Moi ? Pas du tout !
;MADAME DE CRAMPON
:Eh bien !...
;JULIE
:Mais comme je vous l'expliquais, avant sa paralysie, mon époux n'était déjà plus le même... Nous restions parfois dix jours, douze jours, treize jours sans...
;MADAME DE CRAMPON
:Oui, oui, oui, oui, oui.
;JULIE
:D'abord je m'étais accusée Julie, tu es froide, Julie, tu n'atteins pas les sommets de ton Victor, Julie tu manques de souffle...
;MADAME DE CRAMPON
:Il était très exigeant ?
;JULIE
:Exigeant ? oui et non..., raffiné surtout, raffiné. Il s'appelait Badouin, comme vous savez, Victor Badouin, mais en réalité, il descendait directement des " de Saintefoix Vilmure de Saintonge ".
;MADAME DE CRAMPON, //soupçonneuse. //-
:Comment cela ?
;JULIE
:A la Révolution, son ancêtre Jules de Saintefoix Vilmure de Saintonge, afin de s'éviter quelques désagréments, avait emprunté le nom de Badouin. Très exactement, il avait payé un certain César Badouin pour qu'il aille se faire guillotiner à sa place.
;MADAME DE CRAMPON
:Et ce monsieur Badouin se laissa trancher la tête par procuration ?
;JULIE
:Oh ! vous savez, pour de l'argent !... Ceci à seule fin de vous expliquer cer-taines " subtilités " de mon défunt. Du sang bleu coulait dans ses veines... Vous, Madame, une " de " Crampon me suivez certainement ?
;MADAME DE CRAMPON
:Je vous suis, je vous suis...
;JULIE
:Donc, pour en revenir à ce qui nous occupe, après m'être d'abord accusée, je me rendis compte que j'exagérais mon incu-rie... en ce domaine... que ma froideur pou-vait nourrir des feux redoutables... D'autres anguilles sont sous roche, pensai-je... Un soir, alors qu'il était rentré encore plus tard que de coutume, j'allai le trouver dans la salle de bains, je fermai la porte à clef et je lui dis " Victor, j'en ai assez ! Choisis, c'est moi, ou Barnabé ! "
;MADAME DE CRAMPON, //s'étranglant presque.// -
:Barnabé !
;JULIE
:Oui, Barnabé, le nouveau comptable.
;MADAME DE CRAMPON, //le souffle coupé//. -
:Parce que Victor, Monsieur Badouin...
;JULIE
:Évidemment, c'était un très beau garçon ! Les yeux surtout ! Jamais on n'aurait soupçonné que ces yeux-là mangeaient des chiffres du matin au soir. Ou peut-être est-ce cela qui leur donnait cette pureté..., cette sorte d'éclat mathématique ?
;MADAME DE CRAMPON
:Voyons, ma petite Julie, vous ne vous sentez pas souffrante ?
;JULIE
:Je vous ennuie avec toutes mes histoires.
;MADAME DE CRAMPON, vivement. -
:M'ennuyer ? Oh ! pas du tout !... Que répondit Victor, lorsque vous lui parlâtes de Barnabé ?
;JULIE
:Rien. C'est à partir de ce moment qu'il tomba muet. Déjà l'horrible maladie rongeait sa moelle de chef de bureau... Et moi //(elle se frappe violemment la poitrine)//, moi, je l'accusais, ce cher esthète, je l'accablais, je versais dans la mesquinerie, dans des petites questions de petits points de vue... //(Elle tombe de nouveau à genoux.)// Victor, je te demande pardon !
;MADAME DE CRAMPON
:Je vous en prie, Julie !
;JULIE, //se rasseyant//. -
:Excusez-moi. Le remords me tue.
;MADAME DE CRAMPON, //la regardant avec tendresse.// -
:Pauvre cher ange, pauvre tulipe noire !
;JULIE
:Comme vous êtes bonne, Madame de Crampon !
:Elle se laisse tomber sur le sein de son amie.
;MADAME DE CRAMPON, de plus en plus gênée. -
:Voyons, Julie !... //(Elle tente de redresser cette longue fleur sans tuteur.)// Julie... Je ne suis pas Victor !
;JULIE
:On dit ça !
;MADAME DE CRAMPON
:Allons, Julie, un peu de dignité ! Redressez-vous ! Allons !...
//Elle la redresse.//
;JULIE
:Chaque fois que je rencontre un ou une amie de Victor, c'est un peu de lui-même que je retrouve... Il y a du Victor en vous, Madame de Crampon.
;MADAME DE CRAMPON
:Écoutez, mon enfant, moi aussi j ai été veuve. Je veux dire : j'ai connu bien des épreuves au cours de mon existence. Je n'en suis pas morte.
;JULIE
:Vous en mourrez, Madame de Crampon, croyez-moi, vous en mourrez !
;MADAME DE CRAMPON, //maternelle.// -
:Allons ! Allons Vous êtes encore jeune... La terre continue de tourner, les feuilles de grimper aux arbres... Les petites filles sautent à la corde, l'Océan joue du biniou... les oiseaux cuicuitent... la France...
;JULIE, //se levant.// -
:Ah ! les oiseaux ! Victor aimait tant les oiseaux ! //(Elle fixe d'un air égaré le chapeau de Madame de Crampon.)// ... Madame de Crampon, donnez-moi votre chapeau.
;MADAME DE CRAMPON, //étonnée.// -
:Mon chapeau !
;JULIE
:Oui, votre chapeau. Votre chapeau qui est plus qu'un chapeau, qui est un ramage, Madame de Crampon, un ramage ! //(Tendant les mains vers l'objet convoité.)// Je vous en prie...
;MADAME DE CRAMPON, se reculant. -
:Vous n'y songez pas !... Vous voudriez que je reparte tête nue ?
;JULIE
:Je vous donnerais le mien si cela peut vous faire plaisir.
;MADAME DE CRAMPON -
:Je n'ai pas besoin qu'on me fasse plaisir. //(Enfonçant solidement son chapeau sur son chef.)// Chaque chose à sa place.
;JULIE
:Il aimait tant les oiseaux, Victor... La première fois qu'il viola une petite fille, je lui ai demandé, oh ! très doucement pour ne pas le froisser, Victor, pourquoi as-tu fait cela ? Vous ne savez pas ce qu'il m'a répondu?
;MADAME DE CRAMPON, //étrangement pâle.// -
:Ma foi non !
;JULIE
:Parce qu'elle ressemblait à un petit oiseau. C'était un poète, mon Victor.
;MADAME DE CRAMPON, //à elle-même.// -
:Non, ce n'est pas possible ! Un homme si distingué, si ponctuel, jamais un mot plus haut qu'un autre...
;JULIE
:Je vous en prie, chère grande amie...
://(Terrible tout à coup.)// Victor me commande ce chapeau ; plumé ou déplumé je l'obtiendrai !
;MADAME DE CRAMPON, //le retirant en tremblant.// -
:Tenez, puisque cela peut faire votre bonheur.
;JULIE, //bondissant sur le chapeau.// -
:Comment osez-vous me parler de bonheur ? //(Examinant l'objet et s'attendrissant.)// Oh ! les beaux oiseaux ! Oh ! les gracieux volatiles !
;MADAME DE CRAMPON
:Julie, vous n'êtes pas dans votre état normal !
;JULIE
:Parce que vous, Madame de Crampon, vous vous croyez dans un état normal ?
;MADAME DE CRAMPON
:Si quelqu'un pouvait passer !
;JULIE
:Comment ?
;MADAME DE CRAMPON. -
:C'est-à-dire... évidemment, on ne sait jamais. //(Très vite.)// Pierre qui roule n'amasse pas mousse. Un tien vaut mieux que deux tu l'auras ... Brebis qui bêle perd sa goulée. Parlez-moi encore de Victor, ce cher Victor. La première fois que je l'ai rencontré, c'était à l'enterrement de votre grand-mère... //(Joyeuse.)// Vous vous souvenez de l'enterrement de votre grand-mère ? C'était le bon temps !
;JULIE
:Je me souviens... C'est lui qui l'a tuée.
;MADAME DE CRAMPON.
:Hein ?
;JULIE
:Remarquez, à partir d'un certain âge, il est indécent de ne pas mourir. Non seulement indécent, mais immoral.
;MADAME DE CRAMPON, //terrorisée.// -
:Très juste.
;JULIE
:Vous voulez que je vous raconte l'histoire ?
;MADAME DE CRAMPON
:Je crains qu'il ne se fasse tard... On bavarde, on bavarde, les heures tournent...
;JULIE
:Ma grand-mère, comme beau-coup de vieillards, adorait les confitures. La gelée de groseille surtout.
;MADAME DE CRAMPON
:La gelée de groseille.
;JULIE
:Elle aurait vendu son âme pour un seul pot. Un dimanche d'avril, nous étions en famille et remarquâmes que Victor s'était approché de son oreille en lui glissant quelques mots dans le tuyau... Dix minutes plus tard leurs deux places se trouvaient vides...
;MADAME DE CRAMPON, //se tenant le cœur, respirant mal.// -
:Mon cœur me lâche. Je sens mon cœur qui me lâche.
:JULLE.
:Où pouvaient-ils être ?
;MADAME DE CRAMPON, //faisant un grand effort.// -
:Oui, où pouvaient-ils être ?
;JULIE
:Dans la cave... Victor l'avait coincée entre deux pots de confiture et avait abusé d'elle !... Lorsque nous arrivâmes, trop tard, elle était morte !
;MADAME DE CRAMPON, //dans un murmure.// -
:Morte !
;JULIE
:Comme quoi la gourmandise est toujours punie... Naturellement, motus. Cha-cun fit comme s'il n'avait rien vu. Dans notre famille, nous sommes très chatouilleux sur l'honneur. Vous savez que Victor avait la rosette?
;MADAME DE CRAMPON, //dans un demi-murmure.// -
:Morte !
//Sa tête tombe à la renverse.//
;JULIE
:Eh bien ! Madame de Crampon, que se passe-t-il ?
;MADAME DE CRAMPON, //entrouvrant son corsage.// -
:De l'air, de l'air !
:JULLE.
:Allons, Madame De Crampon ! //(Elle lui tapote les mains, les joues.)// Vous n'allez pas partir !
;MADAME DE CRAMPON, //dans un quart de murmure.// -
:Je voudrais bien !... De l'air ! Ouvrez les fenêtres !
;JULIE, //l'éventant avec le chapeau.// -
:Eh bien ! Eh bien ! C'est moi qui suis veuve, ce n'est pas vous !
;MADAME DE CRAMPON, //hurlant.// -
:Ou-vrez les fenêtres. Laissez rentrer les oiseaux...
;JULIE
:C'est votre chapeau que vous voulez ? Tenez, je vous le rends.
//Elle le lui remet sur la tête.//
;MADAME DE CRAMPON, //très distinctement.// -
:Quand je pense que j'ai couché avec ce monstre !!!
;JULIE
:Quoi ! Qu'est-ce que vous dites ?
;MADAME DE CRAMPON
:Un homme si ponctuel ! ... //(Tombant à genoux et joignant les mains, à la manière de Julie.)// Victor, mon Victor, dis-moi que ce n'est pas vrai !
;JULIE
:Mon Victor ! //(Se frappant le front et poussant un grand cri.)// Ah ! j'y suis ! Ça devait se passer entre le 21 mars et la mi-juillet... Je lui demandais " Qu'est-ce que tu fais en ce moment, mon grand ? " Il me répondait invariablement avec une fine lueur dans le regard " Je me cramponne ! je me cramponne ! " C'était donc ça !
;MADAME DE CRAMPON.
:Ah ! ma tête!... ma tête !...
//Elle se relève.//
;JULIE, //tombant a genoux a son tour//.
:Victor, je te demande pardon... J'ai dû te rendre bien malheureux pour que tu ailles chercher consolation chez cette vieille chouette !
;MADAME DE CRAMPON
:Qui parle de chouette ?
//Elle regarde autour d'elle avec un air complètement égaré.//
;JULIE
:Pardon, mon grand ; toi dont l'ombre couvre encore toutes choses.
;MADAME DE CRAMPON
:Qui est cette femme ? Comme elle paraît souffrir ! //(S'approchant de Julie.)// Qui êtes-vous, madame ?
;JULIE, //de plus en plus abîmée dans la douleur, et continuant de parler au vide.// -
:Qui suis-je ?... O cruel destin de la femme qui ne peut être qu'en n'étant pas, qui ne peut se trouver qu'en se perdant... Comment puis-je ne plus être afin d'être, puisque l'objet de ma perte n'est plus ?
;MADAME DE CRAMPON
:Vous avez perdu quelque chose, madame ?
;JULIE
:Je fais semblant d'être, mais ce faisant je trompe l'univers, je trompe le plus petit brin d'herbe, le moindre bourgeon, le moindre têtard... Je me trompe moi-même et je trompe Victor !... Pardon, mon grand !
;MADAME DE CRAMPON
:Victor? //(Ce nom semble remuer quelque chose de douloureux dans sa pauvre tête.)// J'ai déjà entendu ce nom-la quelque part...
;JULIE, se relevant. -
:Ce corps inutile, ce corps inutile qui singe les gestes des vivants n'est plus qu'une terrible vacuité incapable de donner réalité à la plénitude... Veuve ! Je suis veuve !
;MADAME DE CRAMPON. -
:Ah ! vous êtes veuve ! Je me disais aussi...
;JULIE
:Je suis amputée, comme la terre serait amputée du ciel. Comme... Comment exister ?... Je me sens de plus en plus contaminée par mon apparence.
;MADAME DE CRAMPON
:Allons, allons, vous exagérez certainement.
;JULIE
:La douleur a fait vaciller mon esprit, les ténèbres s'emparent de moi... Où suis-je ?... Est-il vrai que les grenadiers de Napoléon allèrent en Espagne pour manger des pastèques ?... Qui êtes-vous, madame ?
;MADAME DE CRAMPON
:Votre amie, votre amie.
;JULIE
:J'ai déjà dû vous rencontrer...
;MADAME DE CRAMPON
:Le monde est si petit !
;JULIE
:Surtout lorsqu'une peine incommensurable l'habite. Dites, madame, est-il vrai que tout corps plongé dans un liquide reçoit une poussée verticale de bas en haut capable de le projeter jusqu'aux étoiles ?
;MADAME DE CRAMPON
:C'est exact.
;JULIE
:Alors je vais aller me noyer.
;MADAME DE CRAMPON
:Voyons, ne dites pas de bêtises... Tenez, asseyez-vous ; voici deux chaises qui semblent avoir été créées exprès pour vous et moi.
;JULIE, //considérant longuement les chaises.// -
:Elles sont bien bonnes !
//Elles s'asseyent toutes deux, absolument comme au début de la scène. Long silence.//
;MADAME DE CRAMPON
:Tout, chez vous, laisse supposer que vous avez traversé de terribles épreuves...
;JULIE
:On ne traverse jamais les épreuves, ce sont les épreuves qui vous traversent.
;MADAME DE CRAMPON
:Ainsi que des milliers de glaives dont aucun ne nous livre son nom.
;JULIE
:Plaît-il ?
;MADAME DE CRAMPON,
:Ainsi que des milliers de glaives... Je vous demande pardon, je deviens lyrique.
;JULIE
:Je vous pardonne.
;MADAME DE CRAMPON
:Merci. //(Un temps.)// Que me pardonnez-vous ?
;JULIE
:De devenir... Moi, j'ai été, mais je ne suis plus... Il y a très longtemps, très longtemps, j'aimais un homme...
;MADAME DE CRAMPON
:Victor.
;JULIE, vivement. -
:Comment le savez-vous ?
;MADAME DE CRAMPON
:Vous me l'avez avoué vous-même tout à l'heure... Toutes les femmes aiment un Victor ; il leur faut bien un monstre pour donner prétexte à leur propre labyrinthe.
;JULIE
:Vous dites des choses fortes, madame.
;MADAME DE CRAMPON
:Oui, depuis quelques minutes. //(Montrant sa tête.)// Ça m'a fait clic là-dedans !
;JULIE
:Clic ?
;MADAME DE CRAMPON
:Clic.
;JULIE
:C'est cela clic ! //(Un silence.)// Vous portez un bien joli chapeau.
;MADAME DE CRAMPON, l'ôtant et l'examinant, - Vous trouvez ?... Je vous le donne.
:Elle le donne à Julie.
;JULIE
:Merci, je le mettrai dans ma volière.
;MADAME DE CRAMPON
:Plaît-il ?
;JULIE
:Je le mettrai dans ma volière.
;MADAME DE CRAMPON
:Comme vous êtes touchante
;JULIE
:Peut-être, mais personne ne peut me toucher, je ne suis qu'une apparence.
;MADAME DE CRAMPON
:Vous devez avoir raison. //(Un temps. Et sur un tout autre ton.)// Suzanne, rends-moi mon chapeau.
;JULIE.
:Ton... ?
;MADAME DE CRAMPON,
:Oui, il doit être au moins six heures...
;JULIE
:Tu crois, Honorine ?
;MADAME DE CRAMPON
:Six heures et quart...
;JULIE
:Oh ! quel dommage .... Encore cinq minutes, cinq minutes seulement !
;MADAME DE CRAMPON
:Non, je t'assure, il faut rentrer, ma petite caille.
;JULIE
:Pas tout de suite... Aujourd'hui, nous sommes sublimes... Quel dialogue ! J'en frémis encore.
;MADAME DE CRAMPON
:Moi aussi. Je ne me sens plus la même... Le moment de la grand-mère et du pot de confiture... Mais le temps passe et il y a les contingences.
;JULIE
:Les contingences !
;MADAME DE CRAMPON.-
:Les machines à laver, les enfants à fouetter, la viande à mastiquer, les journaux à balancer... //(Elle se lève.)// Allons, Suzanne, du nerf !... Nous reviendrons demain. Demain comme hier, comme après-demain...
;JULIE
:On reparlera de Victor ?
;MADAME DE CRAMPON
:Si tu veux. Et j'amènerai mon perroquet.
;JULIE
:Oh ! oui ! amène ton perroquet ; comme ça, on se fera enregistrer. //(Elle se lève.)// Et moi, je mettrai ma robe de mariée avec un brassard noir.
;MADAME DE CRAMPON.
:D'accord... Au revoir, ma petite Suzanne.
;JULIE
:Au revoir, Honorine.
//Elles s'embrassent. S'en vont chacune de leur côté, se retournent au même moment et...//
;MADAME DE CRAMPON
:Demain...
;JULIE
:Même heure...
//Elles disparaissent comme elles sont venues.//
/%
|exercice|volontaires gestuelle|
|niveau|330 Moins facile|
%/
!!!Le geste de la parole
Faire d’abord le geste qui exprime ou l’intention de ce que je vais dire, ou mon sentiment caché.
#Viens, tu fais comme tu veux
#Ça m’est égal
#Je suis d’accord avec vous
#Je suis très heureux
#Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants
#Il y a des petites choses qui n’ont pas de prix
!Le grillon
!!!!!{{center{Jean-Pierre Claris de FLORIAN (1755-1794)}}}
{{center{
Un pauvre petit grillon
Caché dans l'herbe fleurie
Regardait un papillon
Voltigeant dans la prairie.
L'insecte ailé brillait des plus vives couleurs ;
L'azur, la pourpre et l'or éclataient sur ses ailes ;
Jeune, beau, petit maître, il court de fleurs en fleurs,
Prenant et quittant les plus belles.
Ah! disait le grillon, que son sort et le mien
Sont différents ! Dame nature
Pour lui fit tout, et pour moi rien.
je n'ai point de talent, encor moins de figure.
Nul ne prend garde à moi, l'on m'ignore ici-bas :
Autant vaudrait n'exister pas.
Comme il parlait, dans la prairie
Arrive une troupe d'enfants :
Aussitôt les voilà courants
Après ce papillon dont ils ont tous envie.
Chapeaux, mouchoirs, bonnets, servent à l'attraper ;
L'insecte vainement cherche à leur échapper,
Il devient bientôt leur conquête.
L'un le saisit par l'aile, un autre par le corps ;
Un troisième survient, et le prend par la tête :
Il ne fallait pas tant d'efforts
Pour déchirer la pauvre bête.
Oh! oh! dit le grillon, je ne suis plus fâché ;
Il en coûte trop cher pour briller dans le monde.
Combien je vais aimer ma retraite profonde !
Pour vivre heureux, vivons caché.
}}}
{{center{^^//<<storyViewer amour previous>><<storyViewer amour list>><<storyViewer amour next>>//^^
[img(60%,)[http://www.poemes-amour.com/wp-content/uploads/2011/04/Les-Amants.jpg][http://www.poemes-amour.com/2011/04/mort-des-amants-charles-baudelaire/]]
!Le jet d'eau
!!!!!!//Charles BAUDELAIRE (1821-1867)//
Tes beaux yeux sont las, pauvre amante !
Reste longtemps, sans les rouvrir,
Dans cette pose nonchalante
Où t'a surprise le plaisir.
Dans la cour le jet d'eau qui jase
Et ne se tait ni nuit ni jour,
Entretient doucement l'extase
Où ce soir m'a plongé l'amour.
La gerbe épanouie
En mille fleurs,
Où Phoebé réjouie
Met ses couleurs,
Tombe comme une pluie
De larges pleurs.
Ainsi ton âme qu'incendie
L'éclair brûlant des voluptés
S'élance, rapide et hardie,
Vers les vastes cieux enchantés.
Puis, elle s'épanche, mourante,
En un flot de triste langueur,
Qui par une invisible pente
Descend jusqu'au fond de mon coeur.
La gerbe épanouie
En mille fleurs,
Où Phoebé réjouie
Met ses couleurs,
Tombe comme une pluie
De larges pleurs.
Ô toi, que la nuit rend si belle,
Qu'il m'est doux, penché vers tes seins,
D'écouter la plainte éternelle
Qui sanglote dans les bassins !
Lune, eau sonore, nuit bénie,
Arbres qui frissonnez autour,
Votre pure mélancolie
Est le miroir de mon amour.
La gerbe épanouie
En mille fleurs,
Où Phoebé réjouie
Met ses couleurs,
Tombe comme une pluie
De larges pleurs.
}}}
>Ce jeu, déjà ancien, fit son apparition dès qu'il fut pratiqué ; fort en honneur sous la Renaissance, il tomba en désuétude et vient d’être heureusement remis en honneur grâce à la vigoureuse impulsion de M. Georges Mandel.
>Le jeu de draps se joue exactement comme la belote, à la différence près que les cartes sont remplacées par des draps.
__Voici d'ailleurs comment il se pratique :__
#Le jeu est de 32 draps ;
#Chaque drap a sa valeur suivant sa qualité et son ornementation ;
#On joue communément à 4 ou à 125, mais plutôt à 4 ;
#On donne 5 draps par joueur ;
#Celui qui met a le droit de mettre à fil, à coton, à brodé, à jour, etc. ;
#On bat naturellement le jeu de 32 draps comme un jeu de cartes ordinaires, on coupe et on retourne de même ;
#Chaque partie se joue généralement en 400 points de feston ou en 200 points de bourdon (le point de bourdon comptant double) ;
#Chaque fois qu’un joueur ramasse il fait un pli ; quand il a fait 10 plis il a gagné ;
#Avant une seconde partie, il convient de donner un coup de fer au jeu pour le remettre en état (à cause des plis) ;
#Tout joueur qui essaie de couper irrégulièrement avec une taie d’oreiller est considéré comme ayant triché ;
#L’emploi des draps marqués est formellement interdit et n'est d'ailleurs pratiqué que par les tricheurs professionnels ;
#La tierce se compose de: 1 drap de lin, 1 drap de coton et 1 drap reprisé ;
#Les joueurs ne doivent employer que les seuls jeux de draps en vente dans les bureaux de tabac en armoires à linge plombées et estampillées.
{{center{^^//<<storyViewer amour previous>><<storyViewer amour list>><<storyViewer amour next>>//^^
!Le lac
!!!!!!//Alphonse de LAMARTINE (1790-1869)//
Ainsi, toujours poussés vers de nouveaux rivages,
Dans la nuit éternelle emportés sans retour,
Ne pourrons-nous jamais sur l'océan des âges
Jeter l'ancre un seul jour ?
Ô lac ! l'année à peine a fini sa carrière,
Et près des flots chéris qu'elle devait revoir,
Regarde ! je viens seul m'asseoir sur cette pierre
Où tu la vis s'asseoir !
Tu mugissais ainsi sous ces roches profondes,
Ainsi tu te brisais sur leurs flancs déchirés,
Ainsi le vent jetait l'écume de tes ondes
Sur ses pieds adorés.
Un soir, t'en souvient-il ? nous voguions en silence ;
On n'entendait au loin, sur l'onde et sous les cieux,
Que le bruit des rameurs qui frappaient en cadence
Tes flots harmonieux.
Tout à coup des accents inconnus à la terre
Du rivage charmé frappèrent les échos ;
Le flot fut attentif, et la voix qui m'est chère
Laissa tomber ces mots :
" Ô temps ! suspends ton vol, et vous, heures propices !
Suspendez votre cours :
Laissez-nous savourer les rapides délices
Des plus beaux de nos jours !
" Assez de malheureux ici-bas vous implorent,
Coulez, coulez pour eux ;
Prenez avec leurs jours les soins qui les dévorent ;
Oubliez les heureux.
" Mais je demande en vain quelques moments encore,
Le temps m'échappe et fuit ;
Je dis à cette nuit : Sois plus lente ; et l'aurore
Va dissiper la nuit.
" Aimons donc, aimons donc ! de l'heure fugitive,
Hâtons-nous, jouissons !
L'homme n'a point de port, le temps n'a point de rive ;
Il coule, et nous passons ! "
Temps jaloux, se peut-il que ces moments d'ivresse,
Où l'amour à longs flots nous verse le bonheur,
S'envolent loin de nous de la même vitesse
Que les jours de malheur ?
Eh quoi ! n'en pourrons-nous fixer au moins la trace ?
Quoi ! passés pour jamais ! quoi ! tout entiers perdus !
Ce temps qui les donna, ce temps qui les efface,
Ne nous les rendra plus !
Éternité, néant, passé, sombres abîmes,
Que faites-vous des jours que vous engloutissez ?
Parlez : nous rendrez-vous ces extases sublimes
Que vous nous ravissez ?
Ô lac ! rochers muets ! grottes ! forêt obscure !
Vous, que le temps épargne ou qu'il peut rajeunir,
Gardez de cette nuit, gardez, belle nature,
Au moins le souvenir !
Qu'il soit dans ton repos, qu'il soit dans tes orages,
Beau lac, et dans l'aspect de tes riants coteaux,
Et dans ces noirs sapins, et dans ces rocs sauvages
Qui pendent sur tes eaux.
Qu'il soit dans le zéphyr qui frémit et qui passe,
Dans les bruits de tes bords par tes bords répétés,
Dans l'astre au front d'argent qui blanchit ta surface
De ses molles clartés.
Que le vent qui gémit, le roseau qui soupire,
Que les parfums légers de ton air embaumé,
Que tout ce qu'on entend, l'on voit ou l'on respire,
Tout dise : Ils ont aimé !
}}}
{{center{^^//<<storyViewer amour previous>><<storyViewer amour list>><<storyViewer amour next>>//^^}}}
!Le mot et la chose
{{center{
!!!!!!//~Gabriel-Charles de Lattaignant (1697-1779)//
}}}
{{threecolumns{Madame quel est votre mot
Et sur le mot et sur la chose
On vous a dit souvent le mot
On vous a fait souvent la chose
Ainsi de la chose et du mot
Vous pouvez dire quelque chose
Et je gagerais que le mot
Vous plaît beaucoup moins que la chose
Pour moi voici quel est mon mot
Et sur le mot et sur la chose
J'avouerai que j'aime le mot
J'avouerai que j'aime la chose
Mais c'est la chose avec le mot
Mais c'est le mot avec la chose
Autrement la chose et le mot
A mes yeux seraient peu de chose
Je crois même en faveur du mot
Pouvoir ajouter quelque chose
Une chose qui donne au mot
Tout l'avantage sur la chose
C'est qu'on peut dire encore le mot
Alors qu'on ne fait plus la chose
Et pour peu que vaille le mot
Mon Dieu c'est toujours quelque chose
De là je conclus que le mot
Doit être mis avant la chose
Qu'il ne faut ajouter au mot
Qu'autant que l'on peut quelque
chose
Et que pour le jour où le mot
Viendra seul hélas sans la chose
Il faut se réserver le mot
Pour se consoler de la chose
Pour vous je crois qu'avec le mot
Vous voyez toujours autre chose
Vous dites si gaiement le motri
Vous méritez si bien la chose
Que pour vous la chose et le mot
Doivent être la même chose
Et vous n'avez pas dit le mot
Qu'on est déjà prêt à la chose
Mais quand je vous dis que le mot
Doit être mis avant la chose
Vous devez me croire à ce mot
Bien peu connaisseur en la chose
Et bien voici mon dernier mot
Et sur le mot et sur la chose
Madame passez-moi le mot
Et je vous passerai la chose
}}}
{{center{[img(33%,)[http://lisistone2.l.i.pic.centerblog.net/o/6bfb7fad.jpg]]}}}
!Le papillon
!!!!!{{center{Alphonse de Lamartine
//Nouvelles méditations poétiques//}}}
{{center{
Naître avec le printemps, mourir avec les roses,
Sur l’aile du zéphyr nager dans un ciel pur,
Balancé sur le sein des fleurs à peine écloses,
S’enivrer de parfums, de lumière et d’azur,
Secouant, jeune encor, la poudre de ses ailes,
S’envoler comme un souffle aux voûtes éternelles,
Voilà du papillon le destin enchanté!
Il ressemble au désir, qui jamais ne se pose,
Et sans se satisfaire, effleurant toute chose,
Retourne enfin au ciel chercher la volupté!
}}}
{{center{
!Le procès du tribunal
!!!!!//Raymond Devos<br>^^Sens Dessus Dessous^^//
}}}
!!!!!!^^//Proposé par Marion//^^
;Juge
:Messieurs, la séance est ouverte... Accusé, levez-vous...
://(L'accusé se lève...)//
;Juge
:Avouez que c'est vous qui avez volé " l'objet du délit " ?
;Accusé
:Oui, monsieur le Juge, c'est moi !
;Public //(surpris)//
:Oh !
;Juge //(surpris :)//
:Ce n'est pas possible !
;Accusé
:Quoi ?
;Avocat :
:Vous n'avez pas compris la question ?
;Accusé
:Si.
;Avocat
:On vous a demandé d'avouer !
;Accusé
:Eh bien, oui! Quoi, j'avoue!
;//(Rumeurs dans le public)//
:Oh!...
;Quelqu'un
:Réfléchissez avant de répondre !
;Un autre
:L'affaire rebondit trop tôt !
;Un troisième
:Pour le tribunal, ce n'est plus une affaire !
;Un quatrième
:Pour redonner du suspense à l'audience, il faudrait la suspendre !
;Tous
:Suspension ! Suspension ! Suspension !
;Juge
:Silence ! L'accusé a été surpris par ma question !
;Avocat //(compréhension :)//
:Il a répondu n'importe quoi !
;Juge
:Cher ami, répondez avec calme et sang-froid... Le tribunal appréciera !... Ce n'est sûrement pas vous qui avez dérobé " l'objet du délit " ?
;Accusé
:Si. C'est moi !
;//(Rumeurs)//
:Oh !...
;Quelqu'un :
:C'est un scandale !
;Un autre :
:L'affaire du fourgon postal... ça oui... c'était quelque chose !
;Un troisième :
:Et celle des ballets Ross!... On n'en fait plus !
;Un quatrième :
:Maintenant qu'il a dit que c'était lui, il va falloir qu'il le prouve !
;Tous
:Des preuves ! Des preuves ! Des preuves !
;Juge
:Silence !... J'en fais une affaire personnelle ! Le tribunal appréciera... //(A l'accusé :)// Très cher ami !... Nous ne sommes plus au temps où il suffisait de dire tout bonnement la vérité pour être . cru !... Nous vivons à une époque où les gens sont intelligents et cultivés !... La vérité, nous la discutons !... Le tribunal et moi-même comprendrions fort bien que, pour votre défense, vous inventiez un alibi qui semblerait, à priori, indiscutable !... Cela nous obligerait à chercher dans votre entourage les gens qui auraient eu intérêt à vous fournir cet alibi... C'est pourquoi le tribunal et moi-même, nous vous prions instamment de trouver cet alibi... Cela, dans l'intérêt et pour l'honneur d'une cause qui risque, par votre aveu prématuré, de tourner court. Allons !... Avouez que vous avez un alibi !
;Accusé
:Non !
;//(Rumeurs)//
:Oh !...
;Quelqu'un :
:Il y met de la mauvaise volonté !
;Un autre :
:C'est une affaire pourrie!
;Un troisième :
:Quelle tape pour la justice !
;Un quatrième :
:Quel fiasco !
;Tous
:Fiasco ! Fiasco ! Fiasco !
;Juge
:Silence ! La parole est à l'accusation !
;Accusateur
:Je n'ai rien à ajouter, il a tout dit !
;Juge
:Vous voyez dans quel embarras vous nous mettez !
;Accusé
:Je ne peux pas mentir!
;Avocat
:Si vous ne mentez pas pour vous, mentez pour moi !
;Juge
:Mentez pour lui !
;Tous
:Oui ! Mentez pour lui !
;Juge
:Mentez pour les témoins !
;Tous
:Oui ! Mentez pour les témoins !
;Juge
:Mentez pour nous !
;Tous
:Oui ! Mentez pour nous !
;Juge
:Le tribunal appréciera !
;Accusé
:Puisque c'est moi !
;//(Rumeurs)//
:Oh!...
;Quelqu'un :
:Il insiste !
;Un autre :
:Il n'a pas d'envergure !
;Un troisième :
:Ce n'est pas un homme d'affaires !
;Tous
:Un autre ! Un autre ! Un autre !
;Juge
:Silence ! La parole est à l'accusation !
;Accusateur
:Messieurs les Jurés !... Ne croyez pas qu'il suffise que l'accusé reconnaisse sa culpabilité pour qu'aussitôt on referme le dossier et que chacun retourne chez lui en disant : " L'affaire est classée !..." Ce serait trop facile !
;Tous :
:Trop facile ! Trop facile ! Trop facile !
;Juge
:Silence ! La parole est à la défense !
;Avocat
:Messieurs, si mon client a reconnu qu'il était coupable, ce n'est pas de sa faute ! C'est qu'il y a été poussé !
;//(Rumeurs :)//
:Oh!...
;Accusé
:Je demande la parole... Monsieur le Président, avec tout le respect que je vous dois, je me permets de vous dire que, tant que vous poserez des questions idiotes...
;Avocat
:Il n'y aura plus de procès possible !
;Accusé
:A question idiote, réponse idiote ! C'est dans le Code pénal !... Or, demander à un honnête homme s'il est coupable, sachant fort bien qu'il l'est..., est maladroit, indélicat et frise la muflerie !
;Juge
:Que devais-je faire ?
;Accusé
:Des sous-entendus ! Des allusions ! Des insinuations !... Laissez planer le doute sur ma culpabilité !... Mais, pour mener ce jeu subtil, il faudrait ne pas avoir, monsieur le Président, l'esprit " fumeux !... Or, ainsi que chacun a pu s'en rendre compte, le vôtre n'est pas des plus clairs !... Nous savons, de source sûre, que non seulement vous fumez beaucoup, mais encore, au dire des témoins, que vous buvez davantage et, de plus, que la cigarette et le verre de rhum que vous buvez sont réservés normalement aux condamnés ! Ce qui est proprement dégueulasse !... Je demande pardon au tribunal d'employer ce mot, mais c'est le seul qui convienne !
;Accusateur
:Vous faites le procès du tribunal, ma parole !
;Avocat
:Oui ! Puisque c'est le seul que nous puissions faire ici !
;Accusé
:Oui ! J'accuse !
;Accusateur
:Ne renversez pas les rôles !
;Accusé
:Taisez-vous, jean-foutre !,.. J'accuse le juge ici présent de maladresse impardonnable !
://(Il se rassied.)//
;//(Rumeurs)//
:Ah !...
;Quelqu'un :
:Adroit renversement !
;Un autre :
:Audacieux ! C'est une relance !
;Un troisième :
:C'est un défi !
;Un quatrième :
:Une démission !
;Tous
:Démission ! Démission ! Démission !
;Accusé
:Silence ! Monsieur le Président, levez-vous !... Qu'avez-vous à répondre ?
;Juge
:... J'en ai le souffle coupé !
;Accusateur //(se levant :)//
:Permettez-moi, monsieur le Président, d'assurer votre défense !
;Juge
:Si vous le pouvez, ça me rendrait bien service !
;Accusateur
:Messieurs les Jurés !... L'homme qui est devant vous est un vieillard!...
;Juge //(montrant ses cheveux :)//
:J'ai les cheveux tout blancs !
;Accusateur
:Il a commis une maladresse... Soit ! Alors, moi, je dis... et alors ?
;Juge
:Oui !... Et alors ?
;Accusateur
:Et alors?
;Quelqu'un :
:Alors ?
;Un autre :
:Alors quoi ? ,
;Un troisième :
:Ben oui, quoi ?
;Un quatrième :
:Et alors ? .
;Tous
:Et alors ? Et alors ? Et alors ?
;Accusateur
:Allez-vous pour autant crier " haro " sur le baudet et le rejeter impitoyablement du banc de la magistrature ?
;Juge
:Oh ! ils le feraient !...
;Accusateur
:Erreur magistrale ! Pour une simple étourderie, imputable à une défaillance de mémoire !
;Juge
:C'est vrai, il y a des moments où...
;Accusateur
:Il ne nie pas !... Voyez sa bonne foi ! Peut-on en vouloir à un homme qui ne jouit point de toutes ses facultés ?
;Juge
:J'ai des circonstances atténuantes !
;Accusateur
:Messieurs les Jurés, vous en tiendrez compte ! Quant à l'abus de tabac et d'alcool dont on nous fait grief...
;Quelqu'un :
:Oui, notre tabac !
;Un autre :
:Notre alcool !
;Un troisième :
:Nos cigarettes ! Un quatrième : Notre opium !
;Tous
:Opium ! Opium ! Opium !
;Accusé
:Silence !...
://(Le juge fait signe à l'accusation et lui parle à l'oreille.)//
;Accusateur
:Oui !... C'est vrai !
;//(Rumeurs)//
:Oh !...
;Accusateur
:Sauf sur un point essentiel ! M. le Président ne fumait et ne buvait que la cigarette et le verre de rhum du condamné qu'il graciait !... Il faut donc remplacer le mot " condamner " par celui de " gracier ", et c'est ce que je demande au tribunal de faire... à propos de son président !
;Juge //(à l'accusateur :)//
:Très bien !
;Avocat //(au juge :)//
:Avez-vous quelque chose à ajouter ?
;Juge
:Je réclame l'indulgence de l'accusé !
;Accusé
:Le Jury appréciera...
;Avocat //(se levant :)//
:Nous allons délibérer !
//(Les jurés, l'accusateur, l'avocat et l'accusé se concertent... puis regagnent leurs places.)//
;Accusé //(se levant :)//
:Attendu que... etc., et tenant compte du grand âge de monsieur le Président... etc., lui accordons les circonstances atténuantes... etc., et le condamnons aux frais et dépens du procès...
//(La séance est levée.)//
!Le rat qui s'est retiré du monde
!!!!!!//Mon découpage de diction//
Les Levantins en leur légende
Disent
qu'un certain Rat
las des soins d'ici-bas,
Dans un fromage de Hollande
Se retira
loin du tracas.
La solitude était profonde,
S'étendant partout à la ronde.
Notre ermite nouveau subsistait là-dedans.
Il fit tant de pieds et de dents
Qu'en peu de jours
il eut au fond de l'ermitage Le vivre et le couvert :
que faut-il davantage ?
Il devint gros et gras ;
Dieu prodigue ses biens A ceux qui font voeu d'être siens.
Un jour,
au dévot personnage
Des députés du peuple Rat S'en vinrent demander quelque aumône légère :
Ils allaient en terre étrangère Chercher quelque secours contre le peuple chat ;
Ratopolis était bloquée :
On les avait contraints de partir sans argent,
Attendu l'état indigent De la République attaquée.
Ils demandaient fort peu,
certains que le secours Serait prêt dans quatre ou cinq jours.
Mes amis,
dit le Solitaire,
Les choses d'ici-bas ne me regardent plus :
En quoi peut un pauvre Reclus
Vous assister ?
que peut-il faire,
Que de prier le Ciel qu'il vous aide en ceci ?
J'espère qu'il aura de vous quelque souci.
Ayant parlé de cette sorte.
Le nouveau Saint
ferma
sa porte.
Qui désignai-je,
à votre avis,
Par ce Rat si peu secourable ?
Un Moine ?
Non, mais un Dervis :
Je suppose
qu'un Moine est toujours charitable.
!Le recruteur de Pierre Fosse
!!!!!!{{center{Du Fu
(712 - 770)}}}
{{center{
;[[VIDÉO|https://www.dropbox.com/s/xq43b1ogh2a92o3/ve%2013%20mai_Le%20recruteur%20de%20Pierre%20Fosse%20%20-%20Du%20Fu%20-%20Mich%C3%A8le2.mp4?dl=0]]
}}}
+++^80%^*@[Version 1]
Le crépuscule tombe sur le bourg de Pierre Fosse
La nuit un recruteur vient s’emparer des hommes
Un vieillard s’est enfui dans les murs.
Sa vieille femme sort guetter à la porte.
Le fonctionnaire crie dans une colère noire
La femme fond en larmes submergée par la douleur
On l’entend s’avancer et prendre la parole
<<<
L’un de ses trois garçons gardant la ville de Ye
A envoyé une lettre qui lui est arrivée
Les deux autres sont morts récemment à la guerre
Celui qui vit pour le moment végète
Ceux qui sont morts sont partis pour toujours
La famille se retrouve totalement dépeuplée
Seul reste un petit-fils nourri encore au sein
Sa mère n’est pas partie
Elle va et vient dans une jupe en lambeaux
<<<
La vieille femme bien que faible demande
A suivre l’officier et partir dans la nuit
Elle ira sur le champ en service à Heyang
Où elle peut encore faire à manger demain
Tard dans la nuit les voix se sont éteintes
On entend comme des sanglots étouffés
Le jour se lève quand je reprends ma route
Seul le vieillard est là pour me saluer
=== +++^80%^*@[Version 2]
Au coucher du soleil, j'allais cherchant un gîte dans le village de Che-kao ;
Un recruteur arrivait en même temps que moi, de ceux qui, pendant la nuit, saisissent les hommes.
Un vieillard l'aperçoit, franchit le mur et s'enfuit ;
Une vieille femme sort de la même demeure, et marche au-devant du recruteur.
Le recruteur crie - avec quelle colère !
La femme se lamente - avec quelle amertume !
Elle dit :
::Ecoutez la voix de celle qui est là devant vous,
J'avais trois fils, ils étaient tous trois au camp de l'empereur.
L'un d'entre eux m'a fait parvenir une lettre,
Les deux autres ont péri dans le même combat.
Celui qui vit encore ne saurait longtemps soustrare à la mort sa triste existence ;
Les deux autres, hélas ! leur sort est fixé pour toujours !
Dans notre misérable maison, il ne reste plus un seul homme,
Si ce n'est mon petit-fils que sa mère allaite encore.
Sa mère, elle ne s'est pas enfuie,
Parce qu'elle ne possède pas même les vêtements suffisants pour se montrer au-dehors.
Je suis bien vieille, mes forces sont bien amoindries ;
Pourtant je suis prête à vous suivre et à vous accompagner au camp ;
On pourra m'employer encore utilement au service de l'armée ;
Je saurai cuire le riz et préparer le repas du matin.
La nuit s'écoulait. Les paroles et les cris cessèrent ;
Mais j'entendis ensuite des pleurs et des gémissements étouffés.
Au point du jour je poursuivis ma route,
Ne laissant plus derrière moi que le vieillard désolé
===
{{center{^^//<<storyViewer amour previous>><<storyViewer amour list>><<storyViewer amour next>>//^^
!Le serpent qui danse
!!!!!!//Charles Baudelaire//
Que j’aime voir, chère indolente,
De ton corps si beau,
Comme une étoffe vacillante,
Miroiter la peau!
Sur ta chevelure profonde
Aux âcres parfums,
Mer odorante et vagabonde
Aux flots bleus et bruns,
Comme un navire qui s’éveille
Au vent du matin,
Mon âme rêveuse appareille
Pour un ciel lointain.
Tes yeux où rien ne se révèle
De doux ni d’amer,
Sont deux bijoux froids où se mêlent
L’or avec le fer.
A te voir marcher en cadence,
Belle d’abandon,
On dirait un serpent qui danse
Au bout d’un bâton.
Sous le fardeau de ta paresse
Ta tête d’enfant
Se balance avec la mollesse
D’un jeune éléphant,
Et ton corps se penche et s’allonge
Comme un fin vaisseau
Qui roule bord sur bord et plonge
Ses vergues dans l’eau.
Comme un flot grossi par la fonte
Des glaciers grondants,
Quand l’eau de ta bouche remonte
Au bord de tes dents,
Je crois boire un vin de bohême,
Amer et vainqueur,
Un ciel liquide qui parsème
D’étoiles mon cœur !
}}}
!Attention aux vieilles dames rongées par la solitude
;Le spécialiste en stage de mendicité
Bonjour, messieurs dames. Merci d'avoir choisi notre agence qui a maintenant, et je suis fier de le dire, une bonne trentaine d'années d'expérience.
Nous partons du principe qu'il faut apprendre à nager avant que le destin ne vous jette dans l'eau. C'est pour cela, messieurs dames, que notre agence vous propose un stage de mendicité complet et adapté à la personnalité de chacun !
On ne vous dit pas que vous allez vous retrouver un beau jour dans la merde, sur l'échelle la plus basse de la société. Mais si jamais vous vous retrouvez un jour dans la merde, sur l'échelle la plus basse de la société, c'est bien de savoir mendier d'une façon efficace.
Car la mendicité, mesdames et messieurs, est un art. Ça a des règles d'or. Et les règles, ça s'apprend. Donc, nous vous proposons de vous investir dès maintenant dans l'apprentissage de cet art qui pourrait bien devenir, un beau jour, votre bouée de sauvetage.
En conséquence, voici les règles d'or de la mendicité :
*II ne faut jamais tendre la main, il faut tendre LE regard. Si votre regard arrive à croiser le regard de l'autre, vous avez déjà parcouru la moitié du chemin vers son cœur.
*Pour mendier, il faut occuper un territoire, c’est-à-dire, il faut que vous vous incrustiez dans la vie d'un quartier, d’une rue, d'une place... Plus vous êtes fidèle à un lieu unique, plus vos chances de réussite augmentent.
*Il faut être propre, mais pas trop propre ; trop île salrtr tue la dignité, trop de propreté tue la pitié.
*Ce n'est pas bête d'avoir à côté une bouteille d'eau, en plastique, presque vide. Elle peut servir en quelque sorte d'horloge biologique. Les gens qui passent devant vous ne savent pas depuis combien de temps vous êtes là, mais la bouteille presque vide leur donne une idée sur votre engagement dans la durée.
*Il ne faut pas sentir mauvais ; une mauvaise odeur éloigne les personnes charitables potentielles ; un bon mendiant doit sentir plutôt le lieu où il mendie. Ou bien, comme l'argent, vous ne devez avoir aucune odeur.
*Il faut vous glisser dans le rythme de la vie des gens de l'endroit où vous mendiez ; les gens qui vont au travail le matin doivent vous retrouver au même endroit le soir (par exemple, sur la même marche à l'entrée du métro).
*Se réveiller tôt pour mendier, c'est une bonne chose : ça prouve que vous êtes solidaire avec les gens qui vont au travail.
*Ce n'est pas bête de vous absenter de temps en temps du lieu où vous mendiez d'habitude ; ça laisse un moment de respiration aux gens ; il y a des jours où les gens préfèrent ne pas vous voir dans leur proximité.
*N'affichez jamais des écriteaux genre "J'ai faim". Ou "Une pièce pour manger SVP". Un regard capté par un écriteau est un regard qui échappe à votre regard.
*Ne mendiez jamais les jours des fêtes nationales ou patriotiques, genre 14 juillet ou le jour de l'Armistice... Ce sont des jours où la pitié de la nation se concentre sur ses morts.
*Ne vous endormez jamais en mendiant, c'est comme si vous tiriez au liane.
*Un vrai mendiant n'expose jamais ses éventuelles blessures ou maladies lorsqu'il mendie. Vous risquez d'être associé à une autre catégorie et on peut vous embarquer pour vous foutre dans un hôpital.
*Il y a des jours où c'est bien d'exhiber, dans une poche ou à vos pieds, un journal. Ce n'est pas pour jouer l'intellectuel, mais pour démontrer que vous vous intéressez un peu à la vie de la cité.
*Il ne faut jamais trimbaler avec vous des sacs à dos, des chariots, et d'autres affaires. Ne gâchez pas votre image de pauvre. En mendiant il faut créer plutôt l'image d'un oiseau libre mais confiant dans son destin, que celle d'un escargot encombrant qui traîne ses réserves avec lui.
*Surtout ne soyez pas hypocrite lorsque vous tende'/. votre regard. N'ouvrez pas la bouche pour demander du travail, vous êtes déjà au travail.
*Lorsqu'il pleut, ne mendiez jamais trempé jusqu'aux os sous la pluie. Les gens seraient tentés de vous offrir des parapluies plutôt que de l'argent.
*Attention aux vieilles dames rongées par la solitude qui sont capables de vous faire la conversation pendant des heures ! Elles sont de vrais prédateurs, capables de squatter votre situation, de vous faire perdre votre temps. Surtout ne répondez pas à leurs questions débiles, vous risquez de vous enliser dans un rapport d'assistance totalement inversé.
*Le choix du récipient dans lequel vous espérez collecter le fruit de la pitié publique est très important. Nous ne conseillons pas le chapeau, le gobelet en plastique ou l'étui de violon. Le premier est trop théâtral, le deuxième passe inaperçu, le troisième risque de projeter sur vous l'image d'un tricheur. Une simple boîte de chaussures, c'est propre, sincère, et direct.
*Lorsque les gens qui passent devant vous vous jettent de temps en temps leur cœur dans votre boîte à chaussures, prenez-le tout de suite dans vos mains. Un cadeau, ça s'ouvre tout de suite, pour faire plaisir à celui qui vous l'offre.
!Le squelette
Deux reîtres saouls, courant les champs, virent parmi
La fange d'un fossé profond, une carcasse
Humaine dont la faim torve d'un loup fugace
Venait de disloquer l'ossature à demi.
La tète, intacte, avait un rictus ennemi
Qui nous attriste, nous énerve et nous agace.
Or, peu mystiques, nos capitaines Fracasse
Songèrent (John Falstaff lui-même en eût frémi)
Qu'ils avaient bu, que tout vin bu filtre et s'égoutte,
Et qu'en outre ce mort avec son chef béant
Ne serait pas fâché de boire aussi, sans doute.
Mais comme il ne faut pas insulter au Néant,
Le squelette s'étant dressé sur son séant
Fit signe qu'ils pouvaient continuer leur route.
!!!!!!Paul VERLAINE (1844-1896)
!Attention aux vieilles dames rongées par la solitude//
^^Matéi Visniec^^//
''Le spécialiste en stage de mendicité :''
Bonjour, messieurs dames. Merci d'av0ir choisi notre agence qui a maintenant, et je suis fier de le dire, une bonne trentaine d'années d`expérience.
Nous partons du principe qu'il faut apprendre à nager avant que le destin ne vous jette dans l'eau. C'est pour cela, messieurs dames, que notre agence vous propose un stage de mendicité complet et adapté àla personnalité de chacun !
On ne vous dit pas que vous allez vous retrouver un beau jour dans la merde, sur l'échelle la plus basse de la société. Mais si jamais vous vous retrouvez un jour dans la merde, sur l'échelle la plus basse de la société, c'est bien de savoir mendier d'une façon efficace.
Car la mendicité, mesdames et messieurs, est un art. Ça a des règles d'or. Et les règles, ça s'apprend. Donc, nous vous proposons de vous investir dès maintenant dans Fapprentissage de cet art qui pourrait bien devenir, un beau jour, votre bouée de sauvetage.
!!!!!En conséquence, voici les règles d'or de la mendicité :
*Il ne faut jamais tendre la main, il faut tendre LE REGARD. Si votre regard arrive à croiser le regard de l'autre, vous avez déjà parcouru la moitié du chemin vers son cœur.
*Pour mendier, il faut occuper un TERRITOIRE, c'est-à-dire, il faut que vous vous incrustiez dans la vie d`un quartier, d'une rue, d'une place... Plus vous êtes fidèle à un lieu unique, plus vos chances de réussite augmentent.
*Il faut être propre, mais pas trop propre ; trop de saleté tue la dignité, trop de propreté tue la pitié.
*Ce n'est pas bête d'avoir à côté une bouteille d'eau, en plastique, presque vide. Elle peut servir en quelque sorte d'horloge biologique. Les gens qui passent devant vous ne savent pas depuis combien de temps vous êtes là, mais la bouteille presque vide leur donne une idée sur votre engagement dans la durée.
*Il ne faut pas sentir mauvais ; une mauvaise odeur éloigne les personnes charitables potentielles ; un bon mendiant doit sentir plutôt le lieu où il mendie. Ou bien, comme l'argent, vous ne devez avoir aucune odeur.
*Il faut vous glisser dans le rythme de la vie des gens de l'endroit où vous mendiez ; les gens qui vont au travail le matin doivent vous retrouver au même endroit le soir (par exemple, sur la MÊME marche à l'entrée du métro).
*Se réveiller tôt pour mendier, c`est une bonne chose : ça prouve que vous êtes solidaire avec les gens qui vont au travail.
*Ce n`est pas bête de vous absenter de temps en temps du lieu où vous mendiez d'habitude ; ça laisse un moment de respiration aux gens ; il y a des jours où les gens préfèrent ne pas vous voir dans leur proximité.
*N`affichez jamais des écriteaux genre "J'ai faim". Ou "Une pièce pour manger SVP". Un regard capté par un écriteau est un regard qui échappe à votre regard.
*Ne mendiez jamais les jours des fêtes nationales ou patriotiques, genre 14 juillet ou le jour de l'Armistice... Ce sont des jours où la pitié de la nation se concentre sur ses mons.
*Ne vous endormez jamais en mendiant, c'est comme si vous tiriez au flanc.
*Un vrai mendiant n'expose jamais ses éventuelles blessures ou maladies lorsqu'il mendie. Vous risquez d'être associé à une autre catégorie et on peut vous embarquer pour vous foutre dans un hôpital.
*Il y a des jours où c'est bien d'exhiber, dans une poche ou à vos pieds, un journal. Ce n'est pas pour jouer l'intellectuel, mais pour démontrer que vous vous intéressez un peu à la vie de la cité.
*Il ne faut jamais trimbaler avec vous des sacs à dos, des chariots, et d'autres affaires. Ne gâchez pas votre image de pauvre. En mendiant il faut créer plutôt l'image d`un oiseau libre mais confiant dans son destin, que celle d'un escargot encombrant qui traîne ses réserves avec lui.
*Surtout ne soyez pas hypocrite lorsque vous TENDEZ votre regard. N'ouvrez pas la bouche pour demander du travail, vous êtes déjà au travail.
*Lorsqu'il pleut, ne mendiez jamais trempé jusqu'aux os sous la pluie. Les gens seraient tentés de vous offrir des parapluies plutôt que de l'argent.
*Attention aux vieilles dames rongées par la solitude qui sont capables de vous faire la conversation pendant des heures ! Elles sont de vrais prédateurs, capables de SQUATTER votre situation, de vous faire perdre votre temps. Surtout ne répondez pas à leurs questions débiles, vous risquez de vous enliser dans un rapport d'assistance totalement inversé.
*Le choix du récipient dans lequel vous espérez collecter le fruit de la pitié publique est très important. Nous ne conseillons pas le chapeau, le gobelet en plastique ou l'étui de violon. Le premier est trop théâtral, le deuxième passe inaperçu, le troisième risque de projeter sur vous l'image d'un tricheur. Une simple boîte de chaussures, c'est propre, sincère, et direct.
*Lorsque les gens qui passent devant vous vous jettent de temps en temps leur cœur dans votre boîte à chaussures, prenez-le tout de suite dans vos mains. Un cadeau, ça s`ouvre tout de suite, pour faire plaisir à celui qui vous l'offre.
!Le temps des cerises
/%
|auteur|~J-C Martinez|
|distribution|Livia - Jacques|
|temps|12 mn|
|anciennes|20/11/18_Château des Rentiers; 12/12/18_Ternes; |
|prochaines|93c|
%/
//Un couple, assis sur un canapé.//
;Elle
: Tu as vu ? Le cerisier est en fleurs.
;Lui
:Encore une année de passée…
//Silence.//
;Elle
: On est heureux… ?
;Lui
:Oui… //(Un temps)// On s’emmerde, non ?
;Elle
: Ensemble ?
;Lui
:En général.
//Elle réfléchit.//
;Elle
: On pourrait changer de canapé…
;Lui
:Qu’est-ce qu’on ferait de l’ancien ?
;Elle
: Partir en vacances…
;Lui
:Ce n’est pas la saison.
;Elle
: Faire une fête…
;Lui
:Pour fêter quoi ?
;Elle
://(réfléchissant) // La floraison du cerisier !
;Lui
:Il paraît que les Japonais font ça, au printemps. Ils invitent des amis à admirer leur cerisier, en sirotant du thé, sans rien dire…
;Elle
: Il faudrait se dépêcher. Les premières pétales tombent déjà.
;Lui
: Non.
;Elle
: Quoi ?
;Lui
:C’est masculin.
;Elle
: Quoi ?
;Lui
:Pétale. C’est masculin. Les premiers pétales.
//(Un temps)//
:Et qui est-ce qu’on inviterait ?
;Elle
: Des amis.
;Lui
:Les gens ne sont jamais libres…
;Elle
: Il suffit de les prévenir à l’avance!
;Lui
:Tu leur proposes de prendre l’apéritif, ils sortent leur agenda. Au lieu de boire l’apéro, on discute d’une date éventuelle. La semaine d’après, ils te rappellent pour annuler et fixer une nouvelle date…
//(Un temps)//
:Moi, quand j’ai envie de boire un coup, c’est tout de suite. Dans trois semaines, je n’aurai peut-être plus soif. Il n’y a plus aucune improvisation! ... En attendant, les pétales du cerisier seront par terre.
;Elle
: Un tapis de pétales, c’est joli aussi.
;Lui
:Aujourd’hui il fait beau. Quel temps il fera dans un mois ? En plus de faire coïncider les agendas, il faudrait consulter Météo France. Inviter des amis, ça devient encore plus compliqué que de prévoir une éclipse. //(Un temps)// Non… Plutôt que de risquer de m’amuser avec des tas de gens dans un mois, je préfère encore être sûr de m’ennuyer tout de suite avec toi.
;Elle
: C’est gentil…
;Lui
:Les gens sont surbookés en permanence. Qu’est-ce qu’ils peuvent bien avoir à faire de tellement intéressant, au point de ne jamais avoir le temps de prendre un verre avec leur meilleur ami à l’improviste. Moi, j’essaie de rester disponible. Mais personne n’est jamais libre. Alors je m’emmerde… Tu ne t’ennuies pas, toi ?
;Elle
: Avec toi, jamais…
//Silence.//
;Lui
:Et si on se le prenait quand même, cet apéro ?
;Elle
: Tous les deux ?
;Lui
:Tu serais libre ?
;Elle
: Quand ?
;Lui
:Tout de suite.
;Elle
: Pas de problème.
;Lui
:Je vais chercher les verres.
;Elle
: Je m’occupe des cacahuètes.
//On sonne//.
;Lui
:On attend quelqu’un ?
;Elle
: Non. Qui ça peut bien être à cette heure-ci ? On va bientôt passer à table.
//Il fait signe qu’il ne sait pas.//
;Lui
:Les gens sont d’un sans gêne. On ne peut pas être tranquille cinq minutes, même le week-end.
;Elle
: Je vais aller ouvrir…
;Lui
:Je ne suis là pour personne.
//Elle se retourne vers lui.//
;Elle
: Et si c’est un ami ?
//Il réfléchit.//
;Lui
:Tu lui dis que notre cerisier du Japon est encore en fleurs… Et qu’il repasse quand il aura des cerises.
!!!!!! R I D E A U
{{homeTitle center{Le Mariage de Figaro}}}
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!!!Accès direct aux scènes
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!^^Goldoni
^^Le valet de deux maîtres
;Truffaldin, //seul//
Je n’en peux plus, j’en ai par-dessus la tête d’attendre.
Avec ce maître qui est le mien, on mange peu, et ce peu, il vous le fait soupirer après.
Il y a une demi-heure que midi a sonné au carillon mais il doit bien avoir deux heures qu’il a sonné au carillon de mon estomac.
Si seulement je savais où nous allons loger.
La première chose que font les autres, dès qu’ils arrivent en ville, c’est d’aller à l’auberge.
Mais lui, non !
Il laisse ses bagages à la fontaine, il va faire des visites et il ne pense pas à son pauvre valet !
Quand on nous a dit qu’il faut servir son maître avec amour, on devrait bien dire aussi aux maîtres d’avoir un peu de pitié pour leurs serviteurs.
Tiens ! une hôtellerie !
Pour un peu, j’irai voir si dans cette hôtellerie il n’y aurait pas quelque chose à se mettre sous la dent.
Mais si mon maître me cherche ?
Tant pis pour lui, ça lui apprendra un peu à se conduire de la sorte.
Oui, je vais y aller…
mais j’y pense…
il y a une petite difficulté :
J’oubliais que je n’ai même pas un petit sou.
Oh pauvre truffaldin !
!Le ver dépressif
{{center{^^[[Ma lecture|https://giga.gg/l/573a171436e5df163b8b4572]]^^
Il y avait dans un cimetière,
Toute une famille entière de vers,
Dont le cadet, un peu chétif,
Etait devenu bien dépressif.
Quand tous les autres allaient manger,
La peau du macchabée,
À l’écart toujours il restait.
L’appétit, jamais ne lui venait.
Toute la famille s’inquiétait,
Du père au cousin éloigné,
Tous lui répétaient :
« Mange ce mort tant qu’il est frais ! »
Mais le jeune asticot,
Maigre comme un haricot,
Ne voulait pas manger,
De corps décomposé.
Le ver cachait en lui un grand secret,
Qui le rendait très différent des siens.
Oui, vous l’aviez déjà deviné,
Il était végétarien.
//Christophe Reichhardt//
}}}
{{center{
!Le vieil ami et le jeune homme maigre
//Au lever du rideau, un vieil ami de la maison et un jeune homme maigre sont en train de causer.//
}}}
;LE JEUNE HOMME MAIGRE, //à tête d'oiseau déplumé.//
:Mais vous, qu'est-ce que vous en pensez ?
;LE VIEUX, //un beau vieillard plein d'autorité, mais non dépourvu de malice, avec un soupir.//
:Ce que j'en pense ! //(Un silence.)// Je ne sais pas. //(Un silence.)// Voyons, qu'en disent Tes autres?
;LE JEUNE HOMME MAIGRE,
:Bah! les avis diffèrent.
;LE VIEUX,
:C'est naturel. Chacun a son opinion.
;LE JEUNE HOMME MAIGRE.
:Et ces opinions ne nous semblent pas très solides. Tout le monde fait comme vous : avant de s'aventurer à exprimer un avis, chacun demande : " Et les autres, qu'en pensent- ils?"
;LE VIEUX.
:Moi, je suis d'une fidélité exemplaire à mes opinions, mais il est évidemment plus prudent pour ne pas parler au hasard, de s'informer d'abord si les autres ne savent pas quelque chose qu'on ignore soi-même et qui pourrait, en partie, modifier notre opinion.
;LE JEUNE HOMME MAIGRE.
:Mais voyons ! Etant donné ce que vous savez, quel est votre sentiment?
;LE VIEUX.
:Ah ! mon cher ami, on ne sait jamais tout.
;LE JEUNE HOMME MAIGRE.
:Dans ces conditions, qu'est-ce qu'une opinion?
;LE VIEUX.
:Oh! mon Dieu, pas grand'chose... Moi, je garde les miennes... jusqu'à preuve du contraire. ^
;LE JEUNE HOMME MAIGRE.
:Permettez! permettez!... Si vous admettez qu'on ne sait jamais tout, vous présupposez déjà qu'il existe des preuves contraires.
;LE VIEUX, //le regarde une minute en réfléchissant, puis sourit et demande.//
:Où voulez-vous en venir? A con-clure que je n'ai pas d'opinion?
;LE JEUNE HOMME MAIGRE.
:A vous en croire, ni vous, ni personne n'en pourrait avoir.
;LE VIEUX.
:Eh bien, est-ce que vous ne trouvez pas que c'est déjà une opinion?
;LE JEUNE HOMME MAIGRE.
:Si, mais négative!
;LE VIEUX.
:Eh! mon cher, c'est toujours mieux que rien.
{{small{
|borderless|k
|COMME CI (OU COMME ÇA)<br>de Pirandello|<<list filter "[tag[COMME CI (OU COMME ÇA)]]">> |
}}}
!Le vieillard et les trois jeunes hommes
{{center{[img[http://www.la-fontaine-ch-thierry.net/fablesit/viei3jhs.jpg]]
Un octogénaire plantait.
Passe encor de bâtir ; mais planter à cet âge !
Disaient trois Jouvenceaux, enfants du voisinage ;
Assurément il radotait.
Car au nom des Dieux, je vous prie,
Quel fruit de ce labeur pouvez-vous recueillir ?
Autant qu'un patriarche il vous faudrait vieillir.
À quoi bon charger votre vie
Des soins d'un avenir qui n'est pas fait pour vous ?
Ne songez désormais qu'à vos erreurs passées :
Quittez le long espoir et les vastes pensées ;
Tout cela ne convient qu'à nous.
Il ne convient pas à vous-mêmes,
Repartit le Vieillard. Tout établissement
Vient tard et dure peu. La main des Parques blêmes
De vos jours et des miens se joue également.
Nos termes sont pareils par leur courte durée.
Qui de nous des clartés de la voûte azurée
Doit jouir le dernier ? Est-il aucun moment
Qui vous puisse assurer d'un second seulement ?
Mes arrière-neveux me devront cet ombrage :
Hé bien défendez-vous au Sage
De se donner des soins pour le plaisir d'autrui ?
Cela même est un fruit que je goûte aujourd'hui :
J'en puis jouir demain, et quelques jours encore ;
Je puis enfin compter l'aurore
Plus d'une fois sur vos tombeaux.
Le Vieillard eut raison ; l'un des trois Jouvenceaux
Se noya dès le port allant à l'Amérique.
L'autre, afin de monter aux grandes dignités,
Dans les emplois de Mars servant la République,
Par un coup imprévu vit ses jours emportés.
Le troisième tomba d'un arbre
Que lui-même il voulut enter ;
Et pleurés du Vieillard, il grava sur leur marbre
Ce que je viens de raconter.
}}}
{{center{[img(33%,)[http://flaneriescosmiques.l.f.f.unblog.fr/files/2009/05/cygnetragique.jpg]]}}}
!Le vierge, le vivace et le bel aujourd'hui ...
!!!!!{{center{Stéphane MALLARME
(1842-1898)}}}
{{center{
Le vierge, le vivace et le bel aujourd'hui
Va-t-il nous déchirer avec un coup d'aile ivre
Ce lac dur oublié que hante sous le givre
Le transparent glacier des vols qui n'ont pas fui !
Un cygne d'autrefois se souvient que c'est lui
Magnifique mais qui sans espoir se délivre
Pour n'avoir pas chanté la région où vivre
Quand du stérile hiver a resplendi l'ennui.
Tout son col secouera cette blanche agonie
Par l'espace infligée à l'oiseau qui le nie,
Mais non l'horreur du sol où le plumage est pris.
Fantôme qu'à ce lieu son pur éclat assigne,
Il s'immobilise au songe froid de mépris
Que vêt parmi l'exil inutile le Cygne.
}}}
!Le voyage
!!!!!Charles BAUDELAIRE
[img[http://commentairecompose.fr/wp-content/uploads/2015/05/l-invitation-au-voyage.jpg]]
Pour l'enfant, amoureux de cartes et d'estampes,
L'univers est égal à son vaste appétit.
Ah ! que le monde est grand à la clarté des lampes !
Aux yeux du souvenir que le monde est petit !
Un matin nous partons, le cerveau plein de flamme,
Le coeur gros de rancune et de désirs amers,
Et nous allons, suivant le rythme de la lame,
Berçant notre infini sur le fini des mers :
Les uns, joyeux de fuir une patrie infâme ;
D'autres, l'horreur de leurs berceaux, et quelques-uns,
Astrologues noyés dans les yeux d'une femme,
La Circé tyrannique aux dangereux parfums.
Pour n'être pas changés en bêtes, ils s'enivrent
D'espace et de lumière et de cieux embrasés ;
La glace qui les mord, les soleils qui les cuivrent,
Effacent lentement la marque des baisers.
Mais les vrais voyageurs sont ceux-là seuls qui partent
Pour partir, coeurs légers, semblables aux ballons,
De leur fatalité jamais ils ne s'écartent,
Et, sans savoir pourquoi, disent toujours : Allons !
Ceux-là dont les désirs ont la forme des nues,
Et qui rêvent, ainsi qu'un conscrit le canon,
De vastes voluptés, changeantes, inconnues,
Et dont l'esprit humain n'a jamais su le nom !
II
Nous imitons, horreur ! la toupie et la boule
Dans leur valse et leurs bonds ; même dans nos sommeils
La Curiosité nous tourmente et nous roule,
Comme un Ange cruel qui fouette des soleils.
Singulière fortune où le but se déplace,
Et, n'étant nulle part, peut être n'importe où !
Où l'homme, dont jamais l'espérance n'est lasse,
Pour trouver le repos court toujours comme un fou !
Notre âme est un trois-mâts cherchant son Icarie ;
Une voix retentit sur le pont : " Ouvre l'oeil ! "
Une voix de la hune, ardente et folle, crie .
" Amour... gloire... bonheur ! " Enfer ! c'est un écueil !
Chaque îlot signalé par l'homme de vigie
Est un Eldorado promis par le Destin ;
L'Imagination qui dresse son orgie
Ne trouve qu'un récif aux clartés du matin.
Ô le Pauvre amoureux des pays chimériques !
Faut-il le mettre aux fers, le jeter à la mer,
Ce matelot ivrogne, inventeur d'Amériques
Dont le mirage rend le gouffre plus amer ?
Tel le vieux vagabond, piétinant dans la boue,
Rêve, le nez en l'air, de brillants paradis ;
Son oeil ensorcelé découvre une Capoue
Partout où la chandelle illumine un taudis.
III
Etonnants voyageurs ! quelles nobles histoires
Nous lisons dans vos yeux profonds comme les mers !
Montrez-nous les écrins de vos riches mémoires,
Ces bijoux merveilleux, faits d'astres et d'éthers.
Nous voulons voyager sans vapeur et sans voile !
Faites, pour égayer l'ennui de nos prisons,
Passer sur nos esprits, tendus comme une toile,
Vos souvenirs avec leurs cadres d'horizons.
Dites, qu'avez-vous vu ?
IV
" Nous avons vu des astres
Et des flots ; nous avons vu des sables aussi ;
Et, malgré bien des chocs et d'imprévus désastres,
Nous nous sommes souvent ennuyés, comme ici.
La gloire du soleil sur la mer violette,
La gloire des cités dans le soleil couchant,
Allumaient dans nos coeurs une ardeur inquiète
De plonger dans un ciel au reflet alléchant.
Les plus riches cités, les plus grands paysages,
Jamais ne contenaient l'attrait mystérieux
De ceux que le hasard fait avec les nuages.
Et toujours le désir nous rendait soucieux !
- La jouissance ajoute au désir de la force.
Désir, vieil arbre à qui le plaisir sert d'engrais,
Cependant que grossit et durcit ton écorce,
Tes branches veulent voir le soleil de plus près !
Grandiras-tu toujours, grand arbre plus vivace
Que le cyprès ? - Pourtant nous avons, avec soin,
Cueilli quelques croquis pour votre album vorace,
Frères qui trouvez beau tout ce qui vient de loin !
Nous avons salué des idoles à trompe ;
Des trônes constellés de joyaux lumineux ;
Des palais ouvragés dont la féerique pompe
Serait pour vos banquiers un rêve ruineux ;
" Des costumes qui sont pour les yeux une ivresse ;
Des femmes dont les dents et les ongles sont teints,
Et des jongleurs savants que le serpent caresse. "
V
Et puis, et puis encore ?
VI
" Ô cerveaux enfantins !
Pour ne pas oublier la chose capitale,
Nous avons vu partout, et sans l'avoir cherché,
Du haut jusques en bas de l'échelle fatale,
Le spectacle ennuyeux de l'immortel péché
La femme, esclave vile, orgueilleuse et stupide,
Sans rire s'adorant et s'aimant sans dégoût ;
L'homme, tyran goulu, paillard, dur et cupide,
Esclave de l'esclave et ruisseau dans l'égout ;
Le bourreau qui jouit, le martyr qui sanglote ;
La fête qu'assaisonne et parfume le sang ;
Le poison du pouvoir énervant le despote,
Et le peuple amoureux du fouet abrutissant ;
Plusieurs religions semblables à la nôtre,
Toutes escaladant le ciel ; la Sainteté,
Comme en un lit de plume un délicat se vautre,
Dans les clous et le crin cherchant la volupté ;
L'Humanité bavarde, ivre de son génie,
Et, folle maintenant comme elle était jadis,
Criant à Dieu, dans sa furibonde agonie :
" Ô mon semblable, ô mon maître, je te maudis ! "
Et les moins sots, hardis amants de la Démence,
Fuyant le grand troupeau parqué par le Destin,
Et se réfugiant dans l'opium immense !
- Tel est du globe entier l'éternel bulletin. "
VII
Amer savoir, celui qu'on tire du voyage !
Le monde, monotone et petit, aujourd'hui,
Hier, demain, toujours, nous fait voir notre image
Une oasis d'horreur dans un désert d'ennui !
Faut-il partir ? rester ? Si tu peux rester, reste ;
Pars, s'il le faut. L'un court, et l'autre se tapit
Pour tromper l'ennemi vigilant et funeste,
Le Temps ! Il est, hélas ! des coureurs sans répit,
Comme le Juif errant et comme les apôtres,
A qui rien ne suffit, ni wagon ni vaisseau,
Pour fuir ce rétiaire infâme : il en est d'autres
Qui savent le tuer sans quitter leur berceau.
Lorsque enfin il mettra le pied sur notre échine,
Nous pourrons espérer et crier : En avant !
De même qu'autrefois nous partions pour la Chine,
Les yeux fixés au large et les cheveux au vent,
Nous nous embarquerons sur la mer des Ténèbres
Avec le coeur joyeux d'un jeune passager.
Entendez-vous ces voix, charmantes et funèbres,
Qui chantent : " Par ici ! vous qui voulez manger
Le Lotus parfumé ! c'est ici qu'on vendange
Les fruits miraculeux dont votre coeur a faim ;
Venez vous enivrer de la douceur étrange
De cette après-midi qui n'a jamais de fin ? "
A l'accent familier nous devinons le spectre ;
Nos Pylades là-bas tendent leurs bras vers nous.
" Pour rafraîchir ton coeur nage vers ton Electre ! "
Dit celle dont jadis nous baisions les genoux.
VIII
Ô Mort, vieux capitaine, il est temps ! levons l'ancre !
Ce pays nous ennuie, ô Mort ! Appareillons !
Si le ciel et la mer sont noirs comme de l'encre,
Nos coeurs que tu connais sont remplis de rayons !
Verse-nous ton poison pour qu'il nous réconforte !
Nous voulons, tant ce feu nous brûle le cerveau,
Plonger au fond du gouffre, Enfer ou Ciel, qu'importe ?
Au fond de l'Inconnu pour trouver du nouveau !
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<title>LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS</title>
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<br>
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LE MARIAGE DE FIGARO<br>
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<br>
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Pièce de théâtre<br>
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<br>
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Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS<br>
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<br><br>
<span style="font-size:18px"><font face="Times New Roman">
<p style="text-align:justify">
<a href="#1">ÉPÎTRE DÉDICATOIRE</a><br>
<a href="#2">PRÉFACE</a><br>
<a href="#3">CARACTÈRES ET HABILLEMENTS DE LA PIÈCE</a><br><br>
<a href="#4">LE MARIAGE DE FIGARO</a><br><br>
<a href="#5"><b>ACTE I</b></a><br><br>
<a href="#6">SCÈNE I</a><br>
<a href="#7">SCÈNE 2</a><br>
<a href="#8">SCÈNE 3</a><br>
<a href="#9">SCÈNE 4</a><br>
<a href="#10">SCÈNE 5</a><br>
<a href="#11">SCÈNE 6</a><br>
<a href="#12">SCÈNE 7</a><br>
<a href="#13">SCÈNE 8</a><br>
<a href="#14">SCÈNE 9</a><br>
<a href="#15">SCÈNE 10</a><br>
<a href="#16">SCÈNE 11</a><br><br>
<a href="#17"><b>ACTE II</b></a><br><br>
<a href="#18">SCÈNE 1</a><br>
<a href="#19">SCÈNE 2</a><br>
<a href="#20">SCÈNE 3</a><br>
<a href="#21">SCÈNE 4</a><br>
<a href="#22">SCÈNE 5</a><br>
<a href="#23">SCÈNE 6</a><br>
<a href="#24">SCÈNE 7</a><br>
<a href="#25">SCÈNE 8</a><br>
<a href="#26">SCÈNE 9</a><br>
<a href="#27">SCÈNE 10</a><br>
<a href="#28">SCÈNE 11</a><br>
<a href="#29">SCÈNE 12</a><br>
<a href="#30">SCÈNE 13</a><br>
<a href="#31">SCÈNE 14</a><br>
<a href="#32">SCÈNE 15</a><br>
<a href="#33">SCÈNE 16</a><br>
<a href="#34">SCÈNE 17</a><br>
<a href="#35">SCÈNE 18</a><br>
<a href="#36">SCÈNE 19</a><br>
<a href="#37">SCÈNE 20</a><br>
<a href="#38">SCÈNE 21</a><br>
<a href="#39">SCÈNE 22</a><br>
<a href="#40">SCÈNE 23</a><br>
<a href="#41">SCÈNE 24</a><br>
<a href="#42">SCÈNE 25</a><br>
<a href="#43">SCÈNE 26</a><br><br>
<a href="#44"><b>ACTE III</b></a><br><br>
<a href="#45">SCÈNE 1</a><br>
<a href="#46">SCÈNE 2</a><br>
<a href="#47">SCÈNE 3</a><br>
<a href="#48">SCÈNE 4</a><br>
<a href="#49">SCÈNE 5</a><br>
<a href="#50">SCÈNE 6</a><br>
<a href="#51">SCÈNE 7</a><br>
<a href="#52">SCÈNE 8</a><br>
<a href="#53">SCÈNE 9</a><br>
<a href="#54">SCÈNE 10</a><br>
<a href="#55">SCÈNE 11</a><br>
<a href="#56">SCÈNE 12</a><br>
<a href="#57">SCÈNE 13</a><br>
<a href="#58">SCÈNE 14</a><br>
<a href="#59">SCÈNE 15</a><br>
<a href="#60">SCÈNE 16</a><br>
<a href="#61">SCÈNE 17</a><br>
<a href="#62">SCÈNE 18</a><br>
<a href="#63">SCÈNE 19</a><br>
<a href="#64">SCÈNE 20</a><br><br>
<a href="#65"><b>ACTE IV</b></a><br><br>
<a href="#66">SCÈNE 1</a><br>
<a href="#67">SCÈNE 2</a><br>
<a href="#68">SCÈNE 3</a><br>
<a href="#69">SCÈNE 4</a><br>
<a href="#70">SCÈNE 5</a><br>
<a href="#71">SCÈNE 6</a><br>
<a href="#72">SCÈNE 7</a><br>
<a href="#73">SCÈNE 8</a><br>
<a href="#74">SCÈNE 9</a><br>
<a href="#75">SCÈNE 10</a><br>
<a href="#76">SCÈNE II</a><br>
<a href="#77">SCÈNE 12</a><br>
<a href="#78">SCÈNE 13</a><br>
<a href="#79">SCÈNE 14</a><br>
<a href="#80">SCÈNE 15</a><br>
<a href="#81">SCÈNE 16</a><br><br>
<a href="#82"><b>ACTE V </b></a><br><br>
<a href="#83">SCÈNE 1</a><br>
<a href="#84">SCÈNE 2</a><br>
<a href="#85">SCÈNE 3</a><br>
<a href="#86">SCÈNE 4</a><br>
<a href="#87">SCÈNE 5</a><br>
<a href="#88">SCÈNE 6</a><br>
<a href="#89">SCÈNE 7</a><br>
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<a href="#91">SCÈNE 9</a><br>
<a href="#92">SCÈNE 10</a><br>
<a href="#93">SCÈNE 11</a><br>
<a href="#94">SCÈNE 12</a><br>
<a href="#95">SCÈNE 13</a><br>
<a href="#96">SCÈNE 14</a><br>
<a href="#97">SCÈNE 15</a><br>
<a href="#98">SCÈNE 16</a><br>
<a href="#99">SCÈNE 17</a><br>
<a href="#100">SCÈNE 18</a><br>
<a href="#101">SCÈNE 19 ET DERNIÈRE</a><br>
<span style="font-size:16px"><font face="Times New Roman">
</fieldset><a name="1"></a>
<span style="font-size:24px"><font face="Times New Roman">
<br>
<span style="font-size:48px"><font face="Times New Roman" color="#AFAF92">
TEXTE INTÉGRAL<br>
<span style="font-size:24px"><font face="Times New Roman">
<br>
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<br><br>
<span style="font-size:24px"><font face="Times New Roman" color="#000000">
<p style="text-align:justify">
<!--Texte intégral-->
ÉPÎTRE DÉDICATOIRE<br><br>
Aux personnes trompées sur ma pièce et qui n'ont pas voulu la voir.<br><br>
Ô vous que je ne nommerai point ! Coeurs généreux, esprits justes, à qui l'on a donné des préventions contre un ouvrage réfléchi, beaucoup plus gai qu'il n'est frivole ; soit que vous l'acceptiez ou non, je vous en fais l'hommage, et c'est tromper l'envie dans une de ses mesures.<br><br>
Si le hasard vous le fait lire, il la trompera dans une autre, en vous montrant quelle confiance est due à tant de rapports qu'on vous fait ! Un objet de pur agrément peut s'élever encore à l'honneur d'un plus grand mérite : c'est de vous rappeler cette vérité de tous les temps, qu'on connaît mal les hommes et les ouvrages quand on les juge sur la foi d'autrui ; que les personnes, surtout dont l'opinion est d'un grand poids, s'exposent à glacer sans le vouloir ce qu'il fallait peut être encourager, lorsqu'elles négligent de prendre pour base de leurs jugements le seul conseil qui soit bien pur : celui de leurs propres lumières.<br><br>
Ma résignation égale mon profond respect.<br><br>
L'AUTEUR.<br><br>
<a name="2"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > PRÉFACE" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Préface<br><br>
En écrivant cette préface, mon but n'est pas de rechercher oiseusement si j'ai mis au théâtre une pièce bonne ou mauvaise ; il n'est plus temps pour moi : mais d'examiner scrupuleusement (et je le dois toujours) si j'ai fait une oeuvre blâmable.<br><br>
Personne n'étant tenu de faire une comédie qui ressemble aux autres, si je me suis écarté d'un chemin trop battu, pour des raisons qui m'ont paru solides, ira-t-on me juger, comme l'ont fait MM. tels, sur des règles qui ne sont pas les miennes ? imprimer puérilement que je reporte l'art à son enfance, parce que j'entreprends de frayer un nouveau sentier à cet art dont la loi première, et peut-être la seule, est d'amuser en instruisant ? Mais ce n'est pas de cela qu'il s'agit.<br><br>
Il y a souvent très loin du mal que l'on dit d'un ouvrage à celui qu'on en pense. Le trait qui nous poursuit, le mot qui importune reste enseveli dans le coeur, pendant que la bouche se venge en blâmant presque tout le reste.<br><br>
De sorte qu'on peut regarder comme un point établi au théâtre, qu'en fait de reproche à l'auteur, ce qui nous affecte le plus est ce dont on parle le moins.<br><br>
Il est peut-être utile de dévoiler, aux yeux de tous, ce double aspect des comédies ; et j'aurai fait encore un bon usage de la mienne, si je parviens, en la scrutant, à fixer l'opinion publique sur ce qu'on doit entendre par ces mots : Qu'est-ce que LA DÉCENCE THÉÂTRALE ?<br><br>
A force de nous montrer délicats, fins connaisseurs, et d'affecter, comme j'ai dit autre part, l'hypocrisie de la décennie auprès du relâchement des moeurs, nous devenons des êtres nuls, incapables de s'amuser et de juger de ce qui leur convient : faut-il le dire enfin ? des bégueules rassasiées qui ne savent plus ce qu'elles veulent, ni ce qu'elles doivent aimer ou rejeter. Déjà ces mots si rebattus, bon ton, bonne compagnie, toujours ajustés au niveau de chaque insipide coterie, et dont la latitude est si grande qu'on ne sait où ils commentent et finissent, ont détruit la franche et vraie gaieté qui distinguait de tout autre le comique de notre nation.<br><br>
Ajoutez-y le pédantesque abus de ces autres grands mots, décence et bonnes moeurs, qui donnent un air si important, si supérieur que nos jugeurs de comédies seraient désolés de n'avoir pas à les prononcer sur toutes les pièces de théâtre, et vous connaîtrez à peu près ce qui garrotte le génie, intimide tous les auteurs, et porte un coup mortel à la vigueur de l'intrigue, sans laquelle il n'y a pourtant que du bel esprit à la glace et des comédies de quatre jours.<br><br>
Enfin, pour dernier mal, tous les états de la société sont parvenus à se soustraire à la censure dramatique :<br><br>
on ne pourrait mettre au théâtre Les Plaideurs de Racine, sans entendre aujourd'hui les Dandins et les Brid'oisons, même des gens plus éclairés, s'écrier qu'il n'y a plus ni moeurs, ni respect pour les magistrats.<br><br>
On ne ferait point le Turcaret, sans avoir à l'instant sur les bras fermes, sous-fermes, traites et gabelles, droits réunis, tailles, taillons, le trop-plein, le trop-bu, tous les impositeurs royaux. Il est vrai qu'aujourd'hui Turcaret n'a plus de modèles. On l'offrirait sous d'autres traits, l'obstacle resterait le même.<br><br>
On ne jouerait point les fâcheux, les marquis, les emprunteurs de Molière, sans révolter à la fois la haute, la moyenne, la moderne et l'antique noblesse. Ses Femmes savantes irriteraient nos féminins bureaux d'esprit. Mais quel calculateur peut évaluer la force et la longueur du levier qu'il faudrait, de nos jours, pour élever jusqu'au théâtre l'oeuvre sublime du Tartuffe ? Aussi l'auteur qui se compromet avec le public pour l'amuser ou pour l'instruire, au lieu d'intriguer à son choix son ouvrage, est-il obligé de tourniller dans des incidents impossibles, de persifler au lieu de rire, et de prendre ses modèles hors de la société, crainte de se trouver mille ennemis, dont il ne connaissait aucun en composant son triste drame.<br><br>
J'ai donc réfléchi que si quelque homme courageux ne secouait pas toute cette poussière, bientôt l'ennui des pièces françaises porterait la nation au frivole opéra-comique, et plus loin encore, aux boulevards, à ce ramas infect de tréteaux élevés à notre honte, où la décente liberté, bannie du théâtre français, se change en une licence effrénée ; où la jeunesse va se nourrir de grossières inepties, et perdre, avec ses moeurs, le goût de la décence et des chefs-d'oeuvre de nos maîtres. J'ai tenté d'être cet homme ; et si je n'ai pas mis plus de talent à mes ouvrages, au moins mon intention s'est-elle manifestée dans tous.<br><br>
J'ai pensé, je pense encore, qu'on n'obtient ni grand pathétique, ni profonde moralité, ni bon et vrai comique au théâtre, sans des situations fortes, et qui naissent toujours d'une disconvenance sociale dans le sujet qu'on veut traiter. L'auteur tragique, hardi dans ses moyens, ose admettre le crime atroce : les conspirations, l'usurpation du trône, le meurtre, l'empoisonnement, l'inceste dans Oedipe et Phédre ; le fratricide dans Vendôme ; le parricide dans Mahomet ; le régicide dans Macbeth, etc., etc. La comédie, moins audacieuse, n'excède pas les disconvenances, parce que ses tableaux sont tirés de nos moeurs, ses sujets de la société. Mais comment frapper sur l'avarice, à moins de mettre en scène un méprisable avare ? démasquer l'hypocrisie, sans montrer, comme Orgon, dans Le Tartuffe, un abominable hypocrite, épousant sa fille et convoitant sa femme ? un homme à bonnes fortunes, sans le faire parcourir un cercle entier de femmes galantes ? un joueur effréné, sans l'envelopper de fripons, s'il ne l'est pas déjà lui-même ?<br><br>
Tous ces gens-là sont loin d'être vertueux ; l'auteur ne les donne pas pour tels : il n'est le patron d'aucun d'eux, il est le peintre de leurs vices. Et parce que le lion est féroce, le loup vorace et glouton, le renard rusé, cauteleux, la fable est-elle sans moralité ? Quand l'auteur la dirige contre un sot que sa louange enivre, il fait choir du bec du corbeau le fromage dans la gueule du renard ; sa moralité est remplie ; s'il la tournait contre le bas flatteur, il finirait son apologue ainsi : Le renard s'en saisit, le dévore ; mais le fromage était empoisonné. La fable est une comédie légère, et toute comédie n'est qu'un long apologue : leur différence est que dans la fable les animaux ont de l'esprit, et que dans notre comédie les hommes sont souvent des bêtes, et, qui pis est, des bêtes méchantes.<br><br>
Ainsi, lorsque Molière, qui fut si tourmenté par les sots, donne à l'avare un fils prodigue et vicieux qui lui vole sa cassette et l'injurie en face, est-ce des vertus ou des vices qu'il tire sa mordité ? que lui importent ces fantômes ? c'est vous qu'il entend corriger. Il est vrai que les afficheurs et balayeurs littéraires de son temps ne manquèrent pas d'apprendre au bon public combien tout cela était horrible ! Il est aussi prouvé que des envieux très importants, ou des importants très envieux, se déchaînèrent contre lui. Voyez le sévère Boileau, dans son épître au grand Racine, venger son ami qui n'est plus, en rappelant ainsi les faits :<br><br>
L'Ignorance et l'Erreur, à ses naissantes pièces, En habits de marquis, en robes de comtesses, venaient pour diffamer son chef-d'oeuvre nouveau, Et secouaient la tête à l'endroit le plus beau.<br><br>
Le commandeur voulait la scène plus exacte ; Le vicomte, indigné, sortait au second acte : L'un, défenseur zélé des dévots mis en jeu, Pour prix de ses bons mots, le condamnait au feu ; L'autre, fougueux marquis, lui déclarant la guerre, voulait venger la Cour immolée au parterre.<br><br>
On voit même dans un placet de Molière à Louis XIV, qui fut si grand en protégeant les ans, et sans le goût éclairé duquel notre théâtre n'aurait pas un seul chef d'oeuvre de Molière, on voit ce philosophe auteur se plaindre amèrement au roi que, pour avoir démasqué les hypocrites, ils imprimaient partout qu'il était un libertin, un impie, un athée, un démon vêtu de chair, habillé en homme ; et cela s'imprimait avec APPROBATION ET PRIVILÈGE de ce roi qui le protégeait ! rien là-dessus n'est empiré.<br><br>
Mais, parce que les personnages d'une pièce s'y montrent sous des moeurs vicieuses, faut-il les bannir de la scène ? Que poursuivrait-on au théâtre ? les travers et les ridicules ? Cela vaut bien la peine d'écrire ! Ils sont chez nous comme les modes : on ne s'en corrige point, on en change.<br><br>
Les vices, les abus, voilà ce qui ne change point, mais se déguise en mille formes sous le masque des moeurs dominantes : leur arracher ce masque et les montrer à découvert, telle est la noble tâche de l'homme qui se voue au théâtre. Soit qu'il moralise en riant, soit qu'il pleure en moralisant, Héraclite ou Démocrite, il n'a pas un autre devoir. Malheur à lui, s'il s'en écarte. On ne peut corriger les hommes qu'en les faisant voir tels qu'ils sont. La comédie utile et véridique n'est point un éloge menteur, un vain discours d'académie.<br><br>
Mais gardons-nous bien de confondre cette critique générale, un des plus nobles buts de l'art, avec la satire odieuse et personnelle : l'avantage de la première est de corriger sans blesser. Faites prononcer au théâtre, par l'homme juste, aigri de l'horrible abus des bienfaits, tous les hommes sont des ingrats : quoique chacun soit bien près de penser comme lui, personne ne s'en offensera.<br><br>
Ne pouvant y avoir un ingrat sans qu'il existe un bienfaiteur, ce reproche même établit une balance égale entre les bons et les mauvais coeurs, on le sent et cela console. Que si l'humoriste répond qu'un bienfaiteur fait cent ingrats, on répliquera justement qu'il n'y a peut-être pas un ingrat qui n'ait été plusieurs fois bienfaiteur : et cela console encore. Et c'est ainsi qu'en généralisant, la critique la plus amère porte du fruit sans nous blesser, quand la satire personnelle, aussi stérile que funeste, blesse toujours et ne produit jamais. Je hais partout cette dernière, et je la crois un si punissable abus que j'ai plusieurs fois d'office invoqué la vigilance du magistrat pour empêcher que le théâtre ne devînt une arène de gladiateurs, où le puissant se crût en droit de faire exercer ses vengeances par les plumes vénales, et malheureusement trop communes, qui mettent leur bassesse à l'enchère. N'ont-ils donc pas assez, ces Grands, des mille et un feuillistes, faiseurs de bulletins, afficheurs, pour y trier les plus mauvais, en choisir un bien lâche, et déniver qui les offusque ? On tolère un si léger mal, parce qu'il est sans conséquence, et que la vermine éphémère démange un instant et périt ; mais le théâtre est un géant qui blesse à mort tout ce qu'il frappe. On doit réserver ses grands coups pour les abus et pour les maux publics.<br><br>
Ce n'est donc ni le vice ni les incidents qu'il amène, qui font l'indécence théâtrale ; mais le défaut de leçons et de moralité. Si l'auteur, ou faible ou timide, n'ose en tirer de son sujet, voilà ce qui rend sa pièce équivoque ou vicieuse. Lorsque je mis Eugénie au théâtre (et il faut bien que je me cite, puisque c'est toujours moi qu'on attaque), lorsque je mis Eugénie au théâtre, tous nos jurés-crieurs à la décence jetaient des flammes dans les foyers sur ce que j'avais osé montrer un seigneur libertin, habillant ses valets en prêtres, et feignant d'épouser une jeune personne qui paraît enceinte au théâtre sans avoir été mariée.<br><br>
Malgré leurs cris, la pièce a été jugée, sinon le meilleur, au moins le plus moral des drames, constamment jouée sur tous les théâtres, et traduite dans toutes les langues.<br><br>
Les bons esprits ont vu que la moralité, que l'intérêt y naissait entièrement de l'abus qu'un homme puissant et vicieux fait de son nom, de son crédit pour tourmenter une faible fille sans appui, trompée, vertueuse et délaissée. Ainsi tout ce que l'ouvrage a d'utile et de bon naît du courage qu'eut l'auteur d'oser porter la disconvenance sociale au plus haut point de liberté.<br><br>
Depuis, j'ai fait Les Deux Amis, pièce dans laquelle un père avoue à sa prétendue nièce qu'elle est sa fille illégitime. Ce drame est aussi très moral, parce qu'à travers les sacrifices de la plus parfaite amitié, l'auteur s'attache à y montrer les devoirs qu'impose la nature sur les fruits d'un ancien amour, que la rigoureuse dureté des convenances sociales, ou plutôt leur abus, laisse trop souvent sans appui.<br><br>
Entre autres critiques de la pièce, j'entendis dans une loge, auprès de celle que j'occupais, un jeune important de la Cour qui disait gaiement à des dames : “ L'auteur, sans doute, est un garçon fripier qui ne voit rien de plus élevé que des commis des Fermes et des marchands d'étoles ; et c'est au fond d'un magasin qu'il va chercher les nobles amis qu'il traduit à la scène française. Hélas ? monsieur, lui dis-je en m'avançant, il a fallu du moins les prendre où il n'est pas impossible de les supposer. Vous ririez bien plus de l'auteur s'il eût tiré deux vrais amis de l'Oeil-de-boeuf ou des carrosses ? Il faut un peu de vraisemblance, même dans les actes vertueux. ” Me livrant à mon gai caractère, j'ai depuis tenté, dans Le Barbier de Séville, de ramener au théâtre l'ancienne et franche gaieté, en l'alliant avec le ton léger de notre plaisanterie actuelle ; mais comme cela même était une espèce de nouveauté, la pièce fut vivement poursuivie.<br><br>
Il semblait que j'eusse ébranlé l'État ; l'excès des précautions qu'on prit et des cris qu'on fit contre moi décelait surtout la frayeur que certains vicieux de ce temps avaient de s'y voir démasqués. La pièce fut censurée quatre fois, cartonnée trois fois sur l'affiche à l'instant d'être jouée, dénoncée même au Parlement d'alors, et moi, frappé de ce tumulte, je persistais à demander que le public restât le juge de ce que j'avais destiné à l'amusement du public.<br><br>
Je l'obtins au bout de trois ans. Après les clameurs, les éloges, et chacun me disait tout bas : “ Faites-nous donc des pièces de ce genre, puisqu'il n'y a plus que vous qui osiez rire en face. ” Un auteur désolé par la cabale et les criards, mais qui voit sa pièce marcher, reprend courage ; et c'est ce que j'ai fait. Feu M. le prince de Conti, de patriotique mémoire (car, en frappant l'air de son nom, l'on sent vibrer le vieux mot patrie), feu M. le prince de Conti, donc, me porta le défi public de mettre au théâtre ma préface du Barbier, plus gaie, disait-il, que la pièce, et d'y montrer la famille de Figaro, que j'indiquais dans cette préface. “Monseigneur, lui répondis-je, si je mettais une seconde fois ce caractère sur la scène, comme je le montrerais plus âgé, qu'il en saurait quelque peu davantage, ce serait bien un autre bruit ; et qui sait s'il verrait le jour ?” Cependant, par respect, j'acceptai le défi ; je composai cette Folle journée, qui cause aujourd'hui la rumeur. Il daigna la voir le premier. C'était un homme d'un grand caractère, un prince auguste, un esprit noble et fier : le dirai-je ? il en fut content.<br><br>
Mais quel piège, hélas ! j'ai tendu au jugement de nos critiques en appelant ma comédie du vain nom de Folle journée. Mon objet était bien de lui ôter quelque importance ; mais je ne savais pas encore à quel point un changement d'annoncé peut égarer tous les esprits.<br><br>
En lui laissant son véritable titre, on eût lu L' Époux suborneur. C'était pour eux une autre piste, on me courait différemment. Mais ce nom de Folle journée les a mis à cent lieues de moi : ils n'ont plus rien vu dans l'ouvrage que ce qui n'y sera jamais ; et Cette remarque un peu sévère sur la facilité de prendre le change a plus d'étendue qu'on ne croit. Au lieu du nom de George Dandin, si Molière eût appelé son drame La Sottise des alliances, il eût porté bien plus de fruit ; si Renard eût nommé son Légataire, La Punition du célibat, la pièce nous eût fait frémir. Ce à quoi il ne songea pas, je l'ai fait avec réflexion. Mais qu'on ferait un beau chapitre sur tous les jugements des hommes et la morale du théâtre, et qu'on pourrait intituler : De l'influence de l'affiche ! Quoi qu'il en soit, La Folle Journée resta cinq ans au portefeuille ; les Comédiens ont su que je l'avais, ils me l'ont enfin arrachée, S'ils ont bien ou mal fait pour eux, c'est ce qu'on a pu voir depuis. Soit que la difficulté de la rendre excitât leur émulation, soit qu'ils sentissent avec le public que pour lui plaire en comédie il fallait de nouveaux efforts, jamais pièce aussi difficile n'a été jouée avec autant d'ensemble, et si l'auteur (comme on le dit) est resté au-dessous de lui-même, il n'y a pas un seul acteur dont cet ouvrage n'ait établi, augmenté ou confirmé la réputation. Mais revenons à sa lecture, à l'adoption des Comédiens.<br><br>
Sur l'éloge outré qu'ils en firent, toutes les sociétés voulurent le connaître, et dès lors il fallut me faire des querelles de toute espèce ou céder aux instances universelles. Dés lors aussi les grands ennemis de l'auteur ne manquèrent pas de répandre à la Cour qu'il blessait dans cet ouvrage, d'ailleurs un tissu de bêtises, la religion, le gouvernement, tous les états de la société, les bonnes moeurs, et qu'enfin la vertu y était opprimée et le vice triomphant, comme de raison, ajoutait-on. Si les graves messieurs qui l'ont tant répété me font l'honneur de lire cette préface, ils y verront au moins que j'ai cité bien juste ; et la bourgeoise indigné que je mets à mes citations n'en fera que mieux ressortir la noble infidélité des leurs. Ainsi, dans Le Barbier de Séville, je n'avais qu'ébranlé l'État : dans ce nouvel essai plus infâme et plus séditieux, je le renversais de fond en comble. Il n'y avait plus rien de sacré, si l'on permettait cet ouvrage. On abusait l'autorité par les plus insidieux rapports ; on cavalait auprès des corps puissants ; on alarmait les dames timorées ; on me faisait des ennemis sur le prie-Dieu des oratoires : et moi, selon les hommes et les lieux, je repoussais la basse intrigue par mon excessive patiente, par la roideur de mon respect, l'obstination de ma docilité ; par la raison, quand on voulait l'entendre.<br><br>
Ce combat a duré quatre ans. Ajoutez-les aux cinq du portefeuille : que reste-t-il des allusions qu'on s'efforce à voir dans l'ouvrage ? Hélas ! quand il fut composé, tout ce qui fleurit aujourd'hui n'avait même pas encore germé : c'était tout un autre univers.<br><br>
Pendant ces quatre ans de débat, je ne demandais qu'un censeur ; on m'en accorda cinq ou six. Que virent-ils dans l'ouvrage, objet d'un tel déchaînement ? La plus badine des intrigues. Un grand seigneur espagnol, amoureux d'une jeune fille qu'il veut séduire, et les efforts que cette fiancée, celui qu'elle doit épouser, et la femme du seigneur réunissent pour faire échouer dans son dessein un maître absolu, que son rang, sa fortune et sa prodigalité rendent tout-puissant pour l'accomplir. Voilà tout, rien de plus. La pièce est sous vos yeux.<br><br>
D'où naissaient donc ces cris perçants ? De ce qu'au lieu de poursuivre un seul caractère vicieux, comme le joueur, l'ambitieux, l'avare, ou l'hypocrite, ce qui ne lui eût mis sur les bras qu'une seule classe d'ennemis, l'auteur a profité d'une composition légère, ou plutôt a formé son plan de façon à y faire entrer la critique d'une foule d'abus qui désolent la société. Mais comme ce n'est pas là ce qui gâte un ouvrage aux yeux du censeur éclairé, tous, en l'approuvant, l'ont réclamé pour le théâtre. Il a donc fallu l'y souffrir : alors les grands du monde ont vu jouer avec scandale Cette pièce ou l'on peint un insolent valet disputant sans pudeur son épouse à son maître M. GUDIN.<br><br>
Oh ! que j'ai de regret de n'avoir pas fait de ce sujet moral une tragédie bien sanguinaire ! Mettant un poignard à la main de l'époux outragé, que je n'aurais pas nommé Figaro, dans sa jalouse fureur je lui aurais fait noblement poignarder le Puissant vicieux ; et comme il aurait vengé son honneur dans des vers carrés, bien ronflants, et que mon jaloux, tout au moins général d'armée, aurait eu pour rival quelque tyran bien horrible et régnant au plus mal sur un peuple désolé, tout cela, très loin de nos moeurs, n'aurait, je crois, blessé personne, on eût crié bravo. L'ouvrage bien moral. Nous étions sauvés, moi et mon Figaro sauvage. Mais ne voulant qu'amuser nos Français et non faire ruisseler les larmes de leurs épouses, de mon coupable amant j'ai fait un jeune seigneur de ce temps-là, prodigue, assez datant, même un peu libertin, à peu près comme les autres seigneurs de ce temps-là. Mais qu'oserait-on dire au théâtre d'un seigneur, sans les offenser tous, sinon de lui reprocher son trop de galanterie ? N'est-ce pas là le défaut le moins contesté par eux-mêmes ? J'en vois beaucoup, d'ici, rougir modestement (et c'est un noble effort) en convenant que j'ai raison.<br><br>
Voulant donc faire le mien coupable, j'ai eu le respect généreux de ne lui prêter aucun des vices du peuple.<br><br>
Direz-vous qui je ne le pouvais pas, que c'eût été blesser toutes les vraisemblances ? Concluez donc en faveur de ma pièce, puisque enfin je ne l'ai pas fait.<br><br>
Le défaut même dont je l'accuse n'aurait produit aucun mouvement comique, si je ne lui avais gaiement opposé l'homme le plus dégourdi de sa nation, le véritable Figaro, qui, tout en défendant Suzanne, sa propriété, se moque des projets de son maître, et s'indigne très plaisamment qu'il ose jouter de ruse avec lui, maître passé dans ce genre d'escrime.<br><br>
Ainsi, d'une lutte assez vive entre l'abus de la puissance, l'oubli des principes, la prodigalité, l'occasion, tout ce que la séduction a de plus entraînant, et le feu, l'esprit, les ressources que l'infériorité piquée au jeu peut opposer à cette attaque, il naît dans ma pièce un jeu plaisant d'intrigue, où l'époux suborneur, contrarié, lassé, harassé, toujours arrêté dans ses vues, est obligé, trois fois dans cette journée, de tomber aux pieds de sa femme, qui, bonne, indulgente et sensible, finit par lui pardonner : c'est ce qu'elles font toujours. Qu'a donc cette mordité de blâmable, messieurs ?<br><br>
La trouvez-vous un peu badine pour le ton grave que je prends ? Accueillez-en une plus sévère qui blesse vos yeux dans l'ouvrage, quoique vous ne l'y cherchiez pas : c'est qu'un seigneur assez vicieux pour vouloir prostituer à ses caprices tout ce qui lui .est subordonné, pour se jouer, dans ses domaines, de la pudicité de toutes ses jeunes vassales, doit finir, comme celui-ci, par être la risée de ses valets. Et c'est ce que l'auteur a très fortement prononcé, lorsqu'en fureur, au cinquième acte, Almaviva, croyant confondre une femme infidèle, montre à son jardinier un cabinet, en lui criant : Entres-y, toi, Antonio ; conduis devant son juge l'infâme qui m'a déshonoré ; et que celui-ci lui répond : Il y a, parguenne, une bonne Providence ! Vous en avez tant fait dans le pays, qu'il faut bien aussi qu'à votre tour... Cette profonde moralité se fait sentir dans tout l'ouvrage ; et s'il convenait à l'auteur de démontrer aux adversaires qu'à travers sa forte leçon il a porté la considération pour la dignité du coupable plus loin qu'on ne devait l'attendre de la fermeté de son pinceau, je leur ferais remarquer que, croisé dans tous ses projets, le comte Almaviva se voit toujours humilié, sans être jamais avili.<br><br>
En effet, si la Comtesse usait de ruse pour aveugler sa jalousie dans le dessein de le trahir, devenue coupable elle-même, elle ne pourrait mettre à ses pieds son époux sans le dégrader à nos yeux. La vicieuse intention de l'épouse brisant un lien respecté, l'on reprocherait justement à l'auteur d'avoir tracé des moeurs blâmables ; car nos jugements sur les moeurs se rapportent toujours aux femmes ; on n'estime pas assez les hommes pour tant exiger d'eux sur ce point délicat. Mais loin qu'elle ait ce vil projet, ce qu'il y a de mieux établi dans l'ouvrage est que nul ne veut faire une tromperie au Comte, mais seulement l'empêcher d'en faire à tout le monde. C'est la pureté des motifs qui sauve ici les moyens du reproche ; et de cela seul que la Comtesse ne veut que ramener son mari, toutes les confusions qu'il éprouve sont certainement très morales, aucune n'est avilissante.<br><br>
Pour que cette vérité vous frappe davantage ; l'auteur oppose à ce mari peu délicat la plus vertueuse des femmes, par goût et par principes.<br><br>
Abandonnée d'un époux trop aimé, quand l'expose-t-on à vos regards ? Dans le moment critique où sa bienveillance pour un aimable enfant, son filleul, peut devenir un goût dangereux, si elle permet au ressentiment qui l'appuie de prendre trop d'empire sur elle. C'est pour faire mieux sortir l'amour vrai du devoir, que l'auteur la met un moment aux prises avec un goût naissant qui le combat. Oh ! combien on s'est étayé de ce léger mouvement dramatique pour. nous accuser d'indécence ! On accorde à la tragédie que toutes les reines, les princesses, aient des passions bien allumées qu'elles combattent plus ou moins ; et l'on ne souffre pas que, dans la comédie, une femme ordinaire puisse lutter contre la moindre faiblesse ! Ô grande influence de l'affiche ! jugement sûr et conséquent ! Avec la différence du genre, on blâme ici ce qu'on approuvait là. Et cependant, en ces deux cas, c'est toujours le même principe ; point de vertu sans sacrifice.<br><br>
J'ose en appeler à vous, jeunes infortunées que votre malheur attache à des Almaviva ! Distingueriez-vous toujours votre vertu de vos chagrins, si quelque intérêt importun, tendant trop à les dissiper, ne vous avertissait enfin qu'il est temps de combattre pour elle ? Le chagrin de perdre un mari n'est pas ici ce qui nous touche, un regret aussi personnel est trop loin d'être une vertu ! Ce qui nous plaît dans la Comtesse, c'est de la voir lutter franchement contre un goût naissant qu'elle blâme, et des ressentiments légitimes. Les efforts qu'elle fait alors pour ramener son infidèle époux, mettant dans le plus heureux jour les deux sacrifices pénibles de son goût et de sa colère, on n'a nul besoin d'y penser pour applaudir à son triomphe ; elle est un modèle de vertu, l'exemple de son sexe et l'amour du nôtre.<br><br>
Si cette métaphysique de l'honnêteté des scènes, si ce principe avoué de toute décence théâtrale n'a point frappé nos juges à la représentation, c'est vainement que j'en étends ici le développement, et les conséquences ; un tribunal d'iniquité n'écoute point les défenses de l'accusé qu'il est chargé de perdre, et ma Comtesse n'est point traduite au parlement de la nation : c'est une commission qui la juge.<br><br>
On a vu la légère esquisse de son aimable coin dans la charmante pièce d'Heureusement. Le goût naissant que la jeune femme éprouve pour son petit cousin l'officier, n'y parut blâmable à personne, quoique la tournure des scènes pût laisser à penser que la soirée eût fini d'autre manière, si l'époux ne fût pas rentré, comme dit l'auteur, heureusement. Heureusement aussi l'on n'avait pas le projet de calomnier cet auteur : chacun se livra de bonne foi à ce doux intérêt qu'inspire une jeune femme honnête et sensible, qui réprime ses premiers goûts ; et notez que, dans cette pièce, l'époux ne paraît qu'un peu sot ; dans la mienne, il est infidèle : ma Comtesse a plus de mérite.<br><br>
Aussi, dans l'ouvrage que je défends, le plus véritable intérêt se porte-t-il sur la Comtesse ; le reste est dans le même esprit.<br><br>
Pourquoi Suzanne, la camériste spirituelle, adroite et rieuse, a-t-elle aussi le droit de nous intéresser ? C'est qu'attaquée par un séducteur puissant, avec plus d'avantage qu'il n'en faudrait pour vaincre une fille de son état, elle n'hésite pas à confier les intentions du Comte aux deux personnes les plus intéressées à bien surveiller sa conduite : sa maîtresse et son fiancé. C'est que, dans tout son rôle, presque le plus long de la pièce, il n'y a pas une phrase, un mot qui ne respire la sagesse et l'attachement à ses devoirs : la seule ruse qu'elle se permette est en faveur de sa maîtresse, à qui son dévouement est cher, et dont tous les voeux sont honnêtes. Pourquoi, dans ses libertés sur son maître, Figaro m'amuse-t-il au lieu de m'indigner ? C'est que, l'opposé des valets, il n'est pas, et vous le savez, le malhonnête homme de la pièce : en le voyant forcé, par son état, de repousser l'insulte avec adresse, on lui pardonne tout, dès qu'on sait qu'il ne ruse avec son seigneur que pour garantir ce qu'il aime et sauver sa propriété.<br><br>
Donc, hors le Comte et ses agents, chacun fait dans la pièce à peu près ce qu'il doit. Si vous les croyez malhonnêtes parce qu'ils disent du mal les uns des autres, c'est une règle très fautive. Voyez nos honnêtes gens du siècle : on passe la vie à ne faire autre chose ! Il est même tellement reçu de déchirer sans pitié les absents, que moi, qui les défends toujours, j'entends murmurer très souvent : “ Quel diable d'homme, et qu'il est contrariant ! il dit du bien de tout le monde ! ” Est-ce mon page, enfin, qui vous scandalise ? et l'immoralité qu'on reproche au fond de l'ouvrage serait-elle dans l'accessoire ? Ô censeurs délicats, beaux esprits sans fatigue, inquisiteurs pour la morale, qui condamnez en un clin d'oeil les réflexions de cinq années, soyez justes une fois, sans tirer à conséquence ! Un enfant de treize ans, aux premiers battements du coeur, cherchant tout sans rien démêler, idolâtre, ainsi qu'on l'est à cet âge heureux, d'un objet céleste pour lui, dont le hasard fit sa marraine, est-il un sujet de scandale ? Aimé de tout le monde au château, vif espiègle et brûlant comme tous les enfants spirituels, par son agitation extrême, il dérange dix fois sans le vouloir les coupables projets du Comte.<br><br>
Jeune adepte de la nature, tout ce qu'il voit a droit de l'agiter : peut-être il n'est plus un enfant, mais il n'est pas encore un homme ; et c'est le moment que j'ai choisi pour qu'il obtînt de l'intérêt, sans forcer personne à rougir. Ce qu'il éprouve innocemment, il l'inspire partout de même. Direz-vous qu'on l'aime d'amour ? Censeurs ! ce n'est pas le mot. Vous êtes trop éclairés pour ignorer que l'amour, même le plus pur, a un motif intéressé :. on ne l'aime donc pas encore ; on sent qu'un jour on l'aimera. Et c'est ce que l'auteur a mis avec gaieté dans la bouche de Suzanne, quand elle dit à cet enfant : Oh ! dans trois ou quatre ans, je prédis que vous serez le plus grand petit vaurien... Pour lui imprimer plus fortement le caractère de l'enfance, nous le faisons exprès tutoyer par Figaro.<br><br>
Supposez-lui deux ans de plus, quel valet dans le château prendrait ces libertés ? Voyez-le à la fin de son rôle ; à peine a-t-il un habit d'officier, qu'il porte la main à l'épée aux premières railleries du Comte, sur le quiproquo d'un soufflet. Il sera fier, notre étourdi ! mais c'est un enfant, rien de plus. N'ai-je pas vu nos dames, dans les loges, aimer mon page à la folie ? Que lui voulaient-elles ?<br><br>
Hélas ! rien : c'était de l'intérêt aussi ; mais, comme celui de la Comtesse, un pur et neuf intérêt... un intérêt... sans intérêt.<br><br>
Mais, est-ce la personne du page, ou la conscience du seigneur, qui fait le tourment du dernier toutes les fois que l'auteur les condamne à se rencontrer dans la pièce ?<br><br>
Fixez ce léger aperçu, il peut vous mettre sur la voie ; ou plutôt apprenez de lui que cet enfant n'est amené que pour ajouter à la moralité de l'ouvrage, en vous montrant.<br><br>
que l'homme le plus absolu chez lui, dès qu'il suit un projet coupable, peut être mis au désespoir par l'être le moins important, par celui qui redoute le plus de se rencontrer sur sa route.<br><br>
Quand mon page aura dix-huit ans, avec le caractère vif et bouillant que je lui ai donné, je serai coupable à mon tour si je le montre sur la scène. Mais à treize ans, qu'inspire-t-il ? Quelque chose de sensible et doux, qui n'est amitié ni amour, et qui tient un peu de tous deux.<br><br>
J'aurais de la peine à faire croire à l'innocence de ces impressions, si nous vivions dans un siècle moins chaste, dans un de ces siècles de calcul, où, voulant tout prématuré comme les fruits de leurs serres chaudes, les Grands mariaient leurs enfants à douze ans, et aimaient plier la nature, la décence et le goût aux plus sordides convenances, en se hâtant surtout d'arracher de ces êtres non formés des enfants encore moins formidables, dont le bonheur n'occupait personne, et qui n'étaient que le prétexte d'un certain trafic d'avantages qui n'avait nul rapport à eux, mais uniquement à leur nom. Heureusement nous en sommes bien loin : et le caractère de mon page, sans conséquence pour lui-même, en a une relative au Comte, que le moraliste aperçoit, mais qui n'a pas encore frappé le grand commun de nos jugeurs.<br><br>
Ainsi, dans cet ouvrage, chaque rôle important a quelque but moral. Le seul qui semble y déroger est celui de Marceline.<br><br>
Coupable d'un ancien égarement dont son Figaro fut le fruit, elle devrait, dit-on, se voir au moins punie par la confusion de sa faute, lorsqu'elle reconnût son fils.<br><br>
L'auteur eût pu même en tirer une moralité plus profonde : dans les moeurs qu'il veut corriger, la faute d'une jeune fille séduite est celle des hommes et non la sienne.<br><br>
Pourquoi donc ne l'a-t-il pas fait ?<br><br>
Il l'a fait, censeurs raisonnables ! Étudiez la scène suivante, qui faisait le nerf du troisième acte, et que les comédiens m'ont prié de retrancher, craignant qu'un morceau si sévère n'obscurcît la gaieté de l'action.<br><br>
Quand Molière a bien humilié la coquette ou coquine du Misanthrope par la lecture publique de ses lettres à tous ses amants, il la laisse avilie sous les coups qu'il lui a portés ; il a raison ; qu'en ferait-il ? Vicieuse par goût et par choix, veuve aguerrie, femme de Cour, sans aucune excuse d'amour, et fléau d'un fort honnête homme, il l'abandonne à nos mépris, et telle est sa moralité. Quant à moi, saisissant l'aveu naïf de Marceline au moment de la reconnaissance, je montrais cette femme humiliée, et Bartholo qui la refuse, et Figaro, leur fils commun, dirigeant l'attention publique sur les vrais fauteurs du désordre où l'on entraîne sans pitié toutes les jeunes filles du peuple douées d'une jolie figure.<br><br>
Telle est la marche de la scène.<br><br>
BRID'OISON, parlant de Figaro, qui vient de reconnaître sa mère en Marceline.<br><br>
C'est clair : il ne l'épousera pas.<br><br>
BARTHOLO<br><br>
Ni moi non plus.<br><br>
MARCELINE<br><br>
Ni vous ! et votre fils ? Vous m'aviez juré...<br><br>
BARTHOLO<br><br>
J'étais fou. Si pareils souvenirs engageaient, on serait tenu d'épouser tout le monde.<br><br>
BRID'OISON<br><br>
E-et si l'on y regardait de si près, pe-personne n'épouserait personne.<br><br>
BARTHOLO<br><br>
Des fautes si connues ! une jeunesse déplorable !<br><br>
MARCELINE, s'échauffant par degrés.<br><br>
Oui, déplorable ! et plus qu'on ne croit ! Je n'entends pas nier mes fautes ; ce jour les a trop bien prouvées ! Mais qu'il est dur de les expier après trente ans d'une vie modeste ! J'étais née, moi, pour être sage, et je le suis devenue sitôt qu'on m'a permis d'user de ma raison.<br><br>
Mais dans l'âge des illusions, de l'inexpérience et des besoins, où les séducteurs nous assiègent pendant que la misère nous poignarde, que peut opposer une enfant à tant d'ennemis rassemblés ? Tel nous juge ici sévèrement, qui peut-être en sa vie a perdu dix infortunées !<br><br>
FIGARO<br><br>
Les plus coupables sont les moins généreux, c'est la règle.<br><br>
MARCELINE, vivement.<br><br>
Hommes plus qu'ingrats, qui flétrissez par le mépris les jouets de vos passions, vos victimes ! c'est vous qu'il faut punir des erreurs de notre jeunesse : vous et vos magistrats si vains du droit de nous juger, et qui nous laissent enlever, par leur coupable négligence, tout honnête moyen de subsister ! Est-il un seul état pour les malheureuses filles ? Elles avaient un soit naturel à toute la parure des femmes ; on y laisse former mille ouvriers de l'autre sexe.<br><br>
FIGARO, en colère.<br><br>
Ils font broder jusqu'aux soldats !<br><br>
MARCELINE, exaltée.<br><br>
Dans les rangs même plus élevés, les femmes n'obtiennent de vous qu'une considération dérisoire. Leurrées de respects apparents, dans une servitude réelle ; traitées en mineures pour nos biens ; punies en majeures pour nos fautes : ah ! sous tous les aspects, votre conduite avec nous fait horreur ou pitié !<br><br>
FIGARO<br><br>
Elle a raison !<br><br>
LE COMTE, à part.<br><br>
Que trop raison !<br><br>
BRID'OISON<br><br>
Elle a, mon-on Dieu, raison !<br><br>
MARCELINE<br><br>
Mais que nous font, mon fils, les refus d'un homme injuste ? Ne regarde pas d'où tu viens, vois où tu vas ; cela seul importe à chacun. Dans quelques mois ta fiancée ne dépendra plus que d'elle-même ; elle t'acceptera, j'en réponds : vis entre une épouse, une mère tendres, qui te chériront à qui mieux mieux. Sois indulgent pour elles, heureux pour toi, mon fils, gai, libre et bon pour tout le monde, il ne manquera rien à ta mère.<br><br>
FIGARO<br><br>
Tu parles d'or, maman, et je me tiens à ton avis.<br><br>
Qu'on est sot, en effet ! Il y a des mille et mille ans que le monde roule, et dans cet océan de durée, où j'ai par hasard attrapé quelques chétifs trente ans qui ne reviendront plus, j'irais me tourmenter pour savoir à qui je les dois ! Tant pis pour qui s'en inquiète. Passer ainsi la vie à chamailler, c'est peser sur le collier sans relâche, comme les malheureux chevaux de la remonte des fleuves, qui ne reposent pas, même quand ils s'arrêtent, et qui tirent toujours, quoiqu'ils cessent de marcher. Nous attendrons.<br><br>
J'ai bien regretté ce morceau ; et maintenant que la pièce est connue, si les Comédiens avaient le courage de le restituer à ma prière, je pense que le public leur en saurait beaucoup de gré. Ils n'auraient plus même à répondre, comme je fus forcé de le faire à certains censeurs du beau monde, qui me reprochaient à la lecture, de les intéresser pour une femme de mauvaises moeurs : - Non, messieurs, je n'en parle pas pour excuser ses moeurs, mais pour vous faire rougir des vôtres sur le point le plus destructeur de toute honnêteté publique, la corruption des jeunes personnes ; et j'avais raison de le dire, que vous trouvez ma pièce trop gaie, parce qu'elle est souvent trop sévère. Il n'y a que façon de s'entendre.<br><br>
- Mais votre Figaro est un soleil tournant, qui brûle, en jaillissant, les manchettes de tout le monde. - Tout le monde est exagéré. Qu'on me sache gré du moins s'il ne brûle pas aussi les doigts de ceux qui croient s'y reconnaître : au temps qui court, on a beau jeu sur cette matière au théâtre. M'est-il permis de composer en auteur qui sort du collège ? de toujours faire rire des enfants, sans jamais rien dire à des hommes ? Et ne devez-vous pas me passer un peu de morale en faveur de ma gaieté, comme on passe aux Français un peu de folie en faveur de leur raison ?<br><br>
Si je n'ai versé sur nos sottises qu'un peu de critique badine, ce n'est pas que je ne sache en former de plus sévères : quiconque a dit tout ce qu'il mit dans son ouvrage, y a mis plus que moi dans le mien. Mais je garde une foule d'idées qui me pressent pour un des sujets les plus moraux du théâtre, aujourd'hui sur mon chantier : La Mère coupable ; et si le dégoût dont on m'abreuve me permet jamais de l'achever, mon projet étant d'y faire verser des larmes à toutes les femmes sensibles, j'élèverai mon langage à la hauteur de mes situations ; j'y prodiguerai les traits de la plus austère morale, et je tonnerai fortement sur les vices que j'ai trop ménagés. Apprêtez-vous donc bien, messieurs, à me tourmenter de nouveau : ma poitrine a déjà grondé ; j'ai noirci beaucoup de papier au service de votre colère.<br><br>
Et vous, honnêtes indifférents qui jouissez de tout sans prendre parti sur rien ; jeunes personnes modestes et timides, qui vous plaisez à ma Folle journée (et je n'entreprends sa défense que pour justifier votre goût), lorsque vous verrez dans le monde un de ces hommes tranchants critiquer vaguement la pièce, tout blâmer sans rien désigner, surtout la trouver indécente, examinez bien cet homme-là, sachez son rang, son état, son caractère, et vous connaîtrez sur-le-champ le mot qui l'a blessé dans l'ouvrage.<br><br>
On sent bien que je ne parle pas de ces écumeurs littéraires qui vendent leurs bulletins ou leurs affiches à tant de liards le paragraphe. Ceux-là, comme l'abbé BAZILE, peuvent calomnier ; ils médiraient, qu'on ne les croirait pas.<br><br>
Je parle moins encore de ces libellistes honteux qui n'ont trouvé d'autre moyen de satisfaire leur rage, l'assassinat étant trop dangereux, que de lancer, du cintre de nos salles, des vers infâmes contre l'auteur, pendant que l'on jouait sa pièce. Ils savent que je les connais ; si j'avais eu dessein de les nommer, ç'aurait été au ministère public ; leur supplice est de l'avoir craint, il suffit à mon ressentiment. Mais on n'imaginera jamais jusqu'où ils ont osé élever les soupçons du public sur une aussi lâche épigramme ! semblables à ces vils charlatans du Pont-Neuf, qui, pour accréditer leurs drames unissent d'ordres, de cordons, le tableau qui leur sert d'enseigne. Non, je cite nos importants, qui, blessés, on ne mit pourquoi, des critiques semées dans l'ouvrage, se chargent d'en dire du mal, sans cesser de venir aux noces.<br><br>
C'est un plaisir assez piquant de les voir d'en bas au spectacle, dans le très plaisant embarras de n'oser montrer ni satisfaction ni colère ; s'avançant sur le bord des loges, prêts à se moquer de l'auteur, et se retirant aussitôt pour celer un peu de grimace ; emportés par un mot de la scène et soudainement rembrunis par le pinceau du moraliste ; au plus léger trait de gaieté jouer tristement les étonnés, prendre un air gauche en faisant les pudiques, et regardant les femmes dans les yeux, comme pour leur reprocher de soutenir un tel scandale ; puis, aux grands applaudissements, lancer sur le public un regard méprisant, dont il est écrasé ; toujours prêts à lui dire, comme ce courtisan dont parle Molière, lequel, outré du succès de L'École des femmes, criait des balcons au public : Ris donc, public, ris donc ! En vérité, c'est un plaisir, et j'en ai joui bien des fois.<br><br>
Celui-là m'en rappelle un autre. Le premier jour de La Folle Journée, on s'échauffait dans le foyer (même d'honnêtes plébéiens) sur ce qu'ils nommaient spirituellement mon audace. Un petit vieillard sec et brusque, impatienté de tous ces cris, frappe le plancher de sa canne, et dit en s'en allant : Nos Français sont comme les enfants, qui braillent quand on les bernent. Il avait du sens, ce vieillard ! Peut-être on pouvait mieux parler, mais pour mieux penser, j'en défie.<br><br>
Avec cette intention de tout blâmer, on conçoit que les traits les plus sensés ont été pris en mauvaise part.<br><br>
N'ai-je pas entendu vingt fois un murmure descendre des loges à cette réponse de Figaro :<br><br>
LE COMTE<br><br>
Une réputation détestable !<br><br>
FIGARO<br><br>
Et si je vaux mieux qu'elle ? Y a-t-il beaucoup de seigneurs qui puissent en dire autant ?<br><br>
Je dis, moi, qu'il n'y en a point, qu'il ne murait y en avoir, à moins d'une exception bien rare. Un homme obscur ou peu connu peut valoir mieux que sa réputation, qui n'est que l'opinion d'autrui. Mais de même qu'un sot en place en paraît une fois plus sot, parce qu'il ne peut plus rien cacher, de même un grand seigneur, l'homme élevé en dignités, que la fortune et sa naissance ont placé sur le grand théâtre, et qui en entrant dans le monde, eut toutes les préventions pour lui, vaut presque toujours moins que sa réputation, s'il parvient à la rendre mauvaise. Une assertion si simple et si loin du sarcasme devait-elle exciter le murmure ? Si son application paraît fâcheuse aux Grands peu soigneux de leur gloire, en quel sens fait-elle épigramme sur ceux qui méritent nos respects ? Et quelle maxime plus juste au théâtre peut servir de frein aux puissants, et tenir lieu de leçon à ceux qui n'en reçoivent point d'autres ?<br><br>
Non qu'il faille oublier (a dit un écrivain sévère, et je me plais à le citer parce que je suis de son avis), “ non qu'il faille oublier, dit-il, ce qu'on doit aux rangs élevés :<br><br>
il est juste, au contraire, que l'avantage de la naissance soit le moins contesté de tous, parce que ce bienfait gratuit de l'hérédité, relatif aux exploits, vertus ou qualités des aïeux de qui le reçut, ne peut aucunement blesser l'amour-propre de ceux auxquels il fut refusé ; parce que, dans une monarchie, si l'on ôtait les rangs intermédiaires, il y aurait trop loin du monarque aux sujets ; bientôt on n'y verrait qu'un despote et des esclaves : le maintien d'une échelle graduée du laboureur au potentat intéresse également les hommes de tous les temps, et peut-être est le plus ferme appui de la constitution monarchique ”.<br><br>
Mais quel auteur parlait ainsi ? qui faisait cette profession de foi sur la noblesse dont on me suppose si loin ? quoi donc ! les abus sont-ils devenus si incas, qu'on n'en puisse attaquer aucun sans lui trouver vingt défenseurs ?<br><br>
Un avocat célèbre, un magistrat respectable, iront-ils donc s'approprier le plaidoyer d'un Bartholo, le jugement d'un Brid'oison ? Ce mot de Figaro sur l'indigne abus des plaidoiries de nos jours (C'est dégrader le plus noble institut) a bien montré le cas que je fais du noble métier d'avocat ; et mon respect pour la magistrature ne sera pas plus suspecté quand on saura dans quelle école j'en ai recherché la leçon, quand on lira le morceau suivant, aussi tiré d'un mordiste, lequel, parlant des magistrats, s'exprime en ces termes formels :<br><br>
“ Quel homme aisé voudrait, pour le plus modique honoraire, faire le métier cruel de se lever à quatre heures, pour aller au Palais tous les jours s'occuper, sous des formes prescrites, d'intérêts qui ne sont jamais les siens ? d'éprouver sans cesse l'ennui de l'importunité, le dégoût des sollicitations, le bavardage des plaideurs, la monotonie des audiences, la fatigue des délibérations, et la contention d'esprit nécessaire aux prononcés des arrêts, s'il ne se croyait pas payé de cette vie laborieuse et pénible par l'estime et la considération publiques ? Et cette estime est-elle autre chose qu'un jugement, qui n'est même aussi flatteur pour les bons magistrats qu'en raison de sa rigueur excessive contre les mauvais ? ” Mais quel écrivain m'instruirait ainsi par ses leçons ?<br><br>
Vous allez croire encore que c'est PIERRE-AUGUSTIN ; vous l'avez dit : c'est lui, en 1773, dans son quatrième Mémoire, en défendant jusqu'à la mort sa triste existence, attaquée par un soi-disant magistrat. Je respecte donc hautement ce que chacun doit honorer, et je blâme ce qui peut nuire.<br><br>
- Mais dans cette Folle journée, au lieu de saper les abus, vous vous donnez des libertés très répréhensibles au théâtre ; votre monologue surtout contient, sur les gens disgraciés, des traits qui passent la licence. - Eh ! croyez-vous, messieurs, que j'eusse un talisman pour tromper, séduire, enchaîner la censure et l'autorité, quand je leur soumis mon ouvrage ? que je n'aie pas dû justifier ce que j'avais osé écrire ? Que fais-je dire à Figaro, parlant à l'homme déplacé ? Que les sottises imprimées n'ont d'importance qu'aux lieux où l'on en gêne le cours.<br><br>
Est-ce donc là une vérité d'une conséquence dangereuse ?<br><br>
Au lieu de ces inquisitions puériles et fatigantes, et qui seules donnent de l'importance à ce qui n'en aurait jamais, si, comme en Angleterre, on était assez sage ici pour traiter les sottises avec ce mépris qui les tue, loin de sortir du vil fumier qui les enfante, elles y pourriraient en germant, et ne se propageraient point. Ce qui multiplie les libelles est la faiblesse de les craindre ; ce qui fait vendre les sottises est la sottise de les défendre.<br><br>
Et comment conclut Figaro ? Que, sans la liberté de blâmer, il n'est point d'éloge flatteur ; et qu'il n'y a que les petits hommes qui redoutent les petits écrits. Sont-ce là des hardiesses coupables, ou bien des aiguillons de gloire ? des moralités insidieuses, ou des maximes réfléchies, aussi justes qu'encourageantes ?<br><br>
Supposez-les le fruit des souvenirs. Lorsque, satisfait du présent, l'auteur veille pour l'avenir, dans la critique du passé, qui peut avoir droit de s'en plaindre ? Et si, ne désignant ni temps, ni lieu, ni personne, il ouvre la voie au théâtre à des réformes désirables, n'est-ce pas aller à son but ?<br><br>
La Folle Journée explique dont comment, dans un temps prospère, sous un roi juste et des ministres modérés, l'écrivain peut tonner sur les oppresseurs, sans craindre de blesser personne. C'est pendant le règne d'un bon prince qu'on écrit sans danger l'histoire des méchants rois ; et plus le gouvernement est sage, est éclairé, moins la liberté de dire est en presse ; chacun y faisant son devoir, on n'y craint pas les allusions ; nul homme en place ne redoutant ce qu'il est forcé d'estimer, on n'affecte point alors d'opprimer chez nous cette même littérature qui fait notre gloire au dehors, et nous y donne une sorte de primauté que nous ne pouvons tirer d'ailleurs.<br><br>
En effet, à quel titre y prétendrions-nous ? Chaque peuple tient à son culte et chérit son gouvernement.<br><br>
Nous ne sommes pas restés plus braves que ceux qui nous ont battus à leur tour. Nos moeurs plus douces, mais non meilleures, n'ont rien qui nous élève au-dessus d'eux. Notre littérature seule, estimée de toutes les nations, étend l'empire de la langue française, et nous obtient de l'Europe entière une prédilection avouée qui justifie, en l'honorant, la protection que le gouvernement lui accorde.<br><br>
Et comme chacun cherche toujours le seul avantage qui lui manque, c'est alors qu'on peut voir dans nos académies l'homme de la Cour siéger avec les gens de lettres ; les talents personnels et la considération héritée se disputer ce noble objet, et les archives académiques se remplir presque également de papiers et de parchemins.<br><br>
Revenons à La Folle Journée.<br><br>
Un monsieur de beaucoup d'esprit, mais qui l'économise un peu trop, me disait un soir au, spectacle :<br><br>
- Expliquez-moi donc, je vous prie, pourquoi dans votre pièce on trouve autant de phrases négligées qui ne sont pas de votre style. - De mon style, monsieur ? Si par malheur j'en avais un, je m'efforcerais de l'oublier quand je fais une comédie, ne connaissant rien d'insipide au théâtre comme ces fades camaïeux où tout est bleu, où tout est rose, où tout est l'auteur, quel qu'il soit.<br><br>
Donc mon sujet me saisit, j'évoque tous mes personnages et les mets en situation. - Songe à toi, Figaro, ton maître va te deviner. Sauvez-vous vite, Chérubin, c'est le Comte que vous touchez. - Ah ! Comtesse, quelle imprudence avec un époux si violent ! - Ce qu'ils diront, je n'en mis rien, c'est ce qu'ils feront qui m'occupe. Puis, quand ils sont bien animés, j'écris sous leur dictée rapide, sûr qu'ils ne me tromperont pas ; que je reconnaîtrai BAZILLE, lequel n'a pas l'esprit de Figaro, qui n'a pas le ton noble du Comte, qui n'a pas la sensibilité de la Comtesse, qui n'a pas la gaieté de Suzanne, qui n'a pas l'espièglerie du page, et surtout aucun d'eux la sublimité de Brid'oison. Chacun y parle son langage : eh ! que le dieu du naturel les préserve d'en parler d'autre ! Ne nous attachons donc qu'à l'examen de leurs idées, et non à rechercher si j'ai dû leur prêter mon style.<br><br>
Quelques malveillants ont voulu jeter de la défaveur sur cette phrase de Figaro ; Sommes-nous des soldats qui tuent et se font tuer pour des intérêts qu'ils ignorent ? Je veux savoir, moi, pourquoi je me fâcher ! A travers le nuage d'une conception indigeste, ils ont feint d'apercevoir que je répands une lumière décourageante sur l'état pénible du soldat ; et il y a des choses qu'il ne faut jamais dire. Voilà dans toute sa force l'argument de la méchanceté ; reste à en prouver la bêtise.<br><br>
Si, comparant la dureté du service à la modicité de la paye, ou discutant tel autre inconvénient de la guerre et comptant la gloire pour rien, je versais de la défaveur sur ce plus noble des affreux métiers, on me demanderait justement compte d'un mot indiscrètement échappé.<br><br>
Mais du soldat au colonel, au général exclusivement, quel imbécile homme de guerre a jamais eu la prétention qu'il dût pénétrer les secrets du cabinet, pour lesquels il fait la campagne ? C'est de cela seul qu'il s'agit dans la phrase de Figaro. Que ce fou-là se montre, s'il existe ; nous l'enverrons étudier sous le philosophe Babouc, lequel éclaircit disertement ce point de discipline militaire.<br><br>
En raisonnant sur l'usage que l'homme fait de sa liberté dans les occasions difficiles, Figaro pouvait également opposer à sa situation tout état qui exige une obéissance implicite, et le cénobite zélé dont le devoir est de tout croire sans jamais rien examiner, comme le guerrier valeureux, dont la gloire est de tout affronter sur des ordres non motivés, de tuer et se faire tuer pour des intérêts qu'il ignore. Le mot de Figaro ne dit donc rien, sinon qu'un homme libre de ses actions doit agir sur d'autres principes que ceux dont le devoir est d'obéir aveuglément.<br><br>
Qu'aurait-ce été, bon Dieu ! si j'avais fait usage d'un mot qu'on attribue au grand Condé, et que j'entends louer à outrance par ces mêmes logiciens qui déraisonnent sur ma phrase ? A les croire, le grand Condé montra la plus noble présence d'esprit lorsque, arrêtant Louis XIV prêt à pousser son cheval dans le Rhin, il dit à ce monarque : Sire, avez-vous besoin du bâton de maréchal ?<br><br>
Heureusement on ne prouve nulle part que ce grand homme ait dit cette grande sottise. C'eût été dire au roi, devant toute son armée : “Vous moquez-vous donc, Sire, de vous exposer dans un fleuve ? Pour courir de pareils dangers, il faut avoir besoin d'avancement ou de fortune ! ” Ainsi l'homme le plus vaillant, le plus grand général du siècle aurait compté pour rien l'honneur, le patriotisme et la gloire ! Un misérable calcul d'intérêt eût été, selon lui, le seul principe de la bravoure ! Il eût dit là un affreux mot ! et si j'en avais pris le sens pour l'enfermer dans quelque trait, je mériterais le reproche qu'on fait gratuitement au, mien.<br><br>
Laissons donc les cerveaux fumeux louer ou blâmer au hasard, sans se rendre compte de rien ; s'extasier sur une sottise qui n'a pu jamais être dite, et proscrire un mot juste et simple, qui ne montre que du bon sens.<br><br>
Un autre reproche assez fort, mais dont je n'ai pu me laver, est d'avoir assigné pour retraite à la Comtesse un certain couvent d'Ursulines. Ursulines ! a dit un seigneur, joignant les mains avec éclat. Ursulines ! a dit une dame, en se renversant de surprise sur un jeune Anglais de sa loge. Ursulines ! ah ! Mylord ! si vous entendiez le français ! ... - Je sens, je sens beaucoup, madame, dit le jeune homme en rougissant. - C'est qu'on n'a jamais mis au théâtre aucune femme aux Ursulines ! Abbé, parlez-nous donc ! L'abbé (toujours appuyée sur l'Anglais), comment trouvez-vous Ursulines ? - Fort indécent, répond l'abbé, sans cesser de lorgner Suzanne. Et tout le beau monde a répété : Ursulines est fort indécent.<br><br>
Pauvre auteur ! on te croit jugé, quand chacun songe à son affaire. En vain j'essayais d'établir que, dans l'événement de la scène, moins la Comtesse a dessein de se cloîtrer, plus elle doit le feindre et faire croire à son époux que w retraite est bien choisie : ils ont proscrit mes Ursulines ! Dans le plus fort de la rumeur, moi, bon homme, j'avais été jusqu'à prier une des actrices qui font le charme de ma pièce de demander aux mécontents à quel autre couvent de filles ils estimaient qu'il fût décent que l'on fit entrer la Comtesse ? A moi, cela m'était égal ; je l'aurais mise où l'on aurait voulu : aux Augustines, aux Célestines, aux Clairettes, aux Visitandines, même aux Petites Cordelières, tant je tiens peu aux Ursulines. Mais on agit si durement ! Enfin, le bruit croissant toujours, pour arranger l'affaire avec douceur, j'ai laissé le mot Ursulines à la place où je l'avais mis : chacun alors content de soi, de tout l'esprit qu'il avait montré, s'est apaisé sur Ursulines, et l'on a parlé d'autre chose.<br><br>
Je ne suis point, comme l'on voit, l'ennemi de mes ennemis. En disant bien du mal de moi, il n'en n'ont point fait à ma pièce ; et s'ils sentaient seulement autant de joie à la déchirer que j'eus de plaisir à la faire, il n'y aurait personne d'affligé. Le malheur est qu'ils ne rient point ; et ils ne fient point à ma pièce, parce qu'on ne rit point à la leur. Je connais plusieurs amateurs qui sont même beaucoup maigris depuis le succès du Mariage : excusons donc l'effet de leur colère.<br><br>
A des moralités d'ensemble et de détail, répandues dans les flots d'une inaltérable gaieté, à un dialogue assez vil dont la facilité nous cache le travail, si l'auteur a joint une intrigue aisément filée, où l'art se dérobe sous l'art, qui se noue et se dénoue sans cesse, à travers une foule de situations comiques, de tableaux piquants et variés qui soutiennent, sans la fatiguer, l'attention du public pendant les trois heures et demie que dure le même spectacle (essai que nul homme de lettres n'avait encore osé tenter), que reste-t-il à faire à de pauvres méchants que tout cela irrite ? Attaquer, poursuivre l'auteur par des injures verbales, manuscrites, imprimées : c'est ce qu'on a fait sans relâche. Ils ont même épuisé jusqu'à la calomnie, pour tâcher de me perdre dans l'esprit de tout ce qui influe en France sur le repos d'un citoyen. Heureusement que mon ouvrage est sous les yeux de la nation, qui depuis dix grands mois le voit, le juge et l'apprécie. Le laisser jouer tant qu'il fera plaisir est la seule vengeance que je me sois permise. Je n'écris point ceci pour les lecteurs actuels : le récit d'un mal trop connu touche peu ; mais dans quatre-vingts ans il portera son fruit. Les auteurs de ce temps-là compareront leur sort au nôtre, et nos enfants sauront à quel prix on pouvait amuser leurs pères.<br><br>
Allons au fait ; ce n'est pas tout cela qui blesse. Le vrai motif qui se cache, et qui dans les replis du coeur produit tous les autres reproches, est renfermé dans ce quatrain :<br><br>
Pourquoi ce Figaro qu'on va tant écouter Est-il avec fureur déchiré par les sots ?<br><br>
Recevoir, prendre et demander, Voilà le secret en trois mois !<br><br>
En effet, Figaro, parlant du métier de courtisan, le définit dans ces termes sévères. Je ne puis le nier, je l'ai dit. Mais reviendrai-je sur ce point ? Si c'est un mal, le remède serait pire : il faudrait poser méthodiquement ce que je n'ai fait qu'indiquer ; revenir à montrer qu'il n'y. a point de synonyme, en français, entre l'homme de la Cour, l'homme de Cour, et le courtisan par métier.<br><br>
Il faudrait répéter qu'homme de la Cour peint seulement un noble état ; qu'il s'entend de l'homme de qualité, vivant avec la noblesse et l'éclat que son rang lui impose ; que si cet homme de la Cour aime le bien par goût, sans intérêt, si, loin de jamais nuire à personne, il se fait estimer de ses maîtres, aimer de ses égaux et respecter des autres, alors cette acception reçoit un nouveau lustre ; et j'en connais plus d'un que je nommerais avec plaisir, s'il en était question.<br><br>
Il faudrait montrer qu'homme de Cour, en bon français, est moins l'énoncé d'un état que le résumé d'un caractère adroit, liant, mais réservé pressant la main de tout le monde en glissant chemin à travers ; menant finement son intrigue avec l'air de toujours servir ; ne se faisant point d'ennemis, mais donnant près d'un fossé, dans l'occasion, de l'épaule au meilleur ami, pour assurer la chute et le remplacer sur la crête ; laissant à part tout préjugé qui pourrait ralentir sa marche ; souriant à ce qui lui déplaît, et critiquant ce qu'il approuve, selon les hommes qui l'écoutent ; dans les liaisons utiles de sa femme ou de sa maîtresse, ne voyant que ce qu'il doit voir, enfin...<br><br>
Prenant tout, pour le faire court, En véritable homme de Cour.<br><br>
LA FONTAINE.<br><br>
Cette acception n'est pas aussi défavorable que celle du courtisan par métier, et c'est l'homme dont parle Figaro.<br><br>
Mais quand j'étendrais la définition de ce dernier ; quand parcourant tous les possibles, je le montrerais avec son maintien équivoque, haut et bas à la fois ; rampant avec orgueil, ayant toutes les prétentions sans en justifier une ; se donnant l'air du protégement pour se faire chef de parti ; dénigrant tous les concurrents qui balanceraient son crédit ; faisant un métier lucratif de ce qui ne devrait qu'honorer ; vendant ses maîtresses à son maître ; lui faisant payer ses plaisirs, etc., etc., et quatre pages d'etc., il faudrait toujours revenir au distique de Figaro : Recevoir, prendre et demander, Voilà le secret en trois mots.<br><br>
Pour ceux-ci, je n'en connais point ; il y en eut, dito-n, sous Henri III, sous d'autres rois encore ; mais c'est l'affaire de l'historien, et, quant à moi, je suis d'avis que les vicieux du siècle en sont comme les saints ; qu'il faut cent ans pour les canoniser. Mais puisque j'ai promis la critique de ma pièce, il faut enfin que je la donne.<br><br>
En général son grand défaut est que je ne l'ai point faite en observant le monde ; qu'elle ne peint rien de ce qui existe, et ne rappelle jamais l'image de la société où l'on vit ; que ses moeurs, basses et corrompues, n'ont pas même le mérite d'être vraies. Et c'est ce qu'on lisait dernièrement dans un beau discours imprimé, composé par un homme de bien, auquel il n'a manqué qu'un peu d'esprit pour être un écrivain médiocre. Mais médiocre ou non, moi qui ne fis jamais usage de cette allure oblique et torse avec laquelle un sbire, qui n'a pas l'air de vous regarder, vous donne du stylet au flanc, je suis de l'avis de celui-ci. Je conviens qu'à la vérité la génération passée ressemblait beaucoup à ma pièce ; que la génération future lui ressemblera beaucoup aussi ; mais que pour la génération présente, elle ne lui ressemble aucunement ; que je n'ai jamais rencontré ni mari suborneur, ni seigneur libertin, ni courtisan avide, ni juge ignorant ou passionné, ni avocat injuriant, ni gens médiocres avancés, ni traducteur bassement jaloux. Et que si des âmes pures, qui ne s'y reconnaissent point du tout, s'irritent contre ma pièce et la déchirent sans relâche, c'est uniquement par respect pour leurs grands pères et sensibilité pour leurs petits-enfants. J'espère, après cette déclaration, qu'on me laissera bien tranquille :<br><br>
ET J'AI FINI.<br><br>
<a name="3"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > CARACTÈRES ET HABILLEMENTS DE LA PIÈCE" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Caractères et habillements de la pièce<br><br>
LE COMTE ALMAVIVA doit être joué très noblement, mais avec grâce et liberté. La corruption du coeur ne doit rien ôter au bon ton de ses manières. Dans les moeurs de ce temps-là, les Grands traitaient en badinant toute entreprise sur les femmes. Ce rôle est d'autant plus pénible à bien rendre que le personnage est toujours sacrifié. Mais joué par un comédien excellent (M. Molé), il a fait ressortir tous les rôles, et assuré le succès de la pièce.<br><br>
Son vêtement du premier et second actes est un habit de chasse avec des bottines à mi-jambe de l'ancien costume espagnol. Du troisième acte jusqu'à la fin, un habit superbe de ce costume.<br><br>
LA COMTESSE, agitée de deux sentiments contraires, ne doit montrer qu'une sensibilité réprimée, ou une colère très modérée ; rien surtout qui dégrade, aux yeux du spectateur, son caractère aimable et vertueux. Ce rôle, un des plus difficiles de la pièce, a fait infiniment d'honneur au grand talent de mademoiselle Saint-Val cadette.<br><br>
Son vêtement du premier, second et quatrième actes, est une lévite commode et nul ornement sur la tête : elle est chez elle, et censée incommodée, Au cinquième acte, elle a l'habillement et la haute coiffure de Suzanne.<br><br>
FIGARO. L'On ne peut trop recommander à l'acteur qui jouera ce rôle de bien se pénétrer de son esprit, comme l'a fait M. Dazincourt. S'il y voyait autre chose que de la raison assaisonnée de gaieté et de saillies, surtout s'il y mettait la moindre charge, il avilirait un rôle que le premier comique du théâtre, M. Prévillei, a jugé devoir honorer le talent de tout comédien qui saurait en saisir les nuances multipliées et pourrait s'élever à son entière conception.<br><br>
Son vêtement comme dans Le Barbier de Séville.<br><br>
SUZANNE. Jeune personne adroite, Spirituelle et rieuse, mais non de cette gaieté presque effrontée de nos soubrettes corruptrices ; son joli caractère est dessiné dans la préface, et c'est là que l'actrice qui n'a point vu mademoiselle Contat doit l'étudier pour le bien rendre.<br><br>
Son vêtement des quatre premiers actes est un juste blanc à basquines, très élégant, la jupe de même, avec une toque, appelée depuis par nos marchandes à la Suzanne. Dans la tête du quatrième acte, le Comte lui pose sur la tête une toque à long voile, à hautes plumes et à rubans blancs. Elle porte au cinquième acte la lévite de sa maîtresse, et nul ornement sur la tête.<br><br>
MARCELINE est une femme d'esprit, née un peu vive, mais dont les fautes et l'expérience ont réformé le caractère. Si l'actrice qui le joue s'élève avec une fierté bien placée à la hauteur très morale qui suit la reconnaissance du troisième acte, elle ajoutera beaucoup à l'intérêt de l'ouvrage.<br><br>
Son vêtement est celui des duègnes espagnoles, d'une couleur modeste, un bonnet noir sur la tête.<br><br>
ANTONIO ne doit montrer qu'une demi-ivresse, qui se dissipe par degrés ; de Sorte qu'au cinquième acte on ne s'en aperçoive presque plus. Son vêtement est celui d'un paysan espagnol, où les manches pendent par derrière ; un chapeau et des souliers blancs.<br><br>
FANCHETTE est une enfant de douze ans, très naïve.<br><br>
Son petit habit est un juste brun avec des ganses et des boutons d'argent, la jupe de couleur tranchante, et une toque noire à plumes sur la tête. Il sera celui des autres paysannes de la noce.<br><br>
CHÉRUBIN, Ce rôle ne peut être joué, comme il l'a été, que par une jeune et très jolie femme ; nous n'avons point à nos théâtres de très jeune homme assez formé pour en bien sentir les finesses. Timide à l'excès devant la Comtesse, ailleurs un charmant polisson ; un désir inquiet et vague est le fond de son caractère. Il s'élance à la puberté, mais sans projet, sans connaissances, et tout entier à chaque événement ; enfin il est ce que toute mère, au fond du coeur, voudrait peut-être que fût son fils, quoiqu'elle dût beaucoup en souffrir.<br><br>
Son riche vêtement, au premier et second actes, est celui d'un page de Cour espagnol, blanc et brodé d'argent ; le léger manteau bleu sur l'épaule, et un chapeau chargé de plumes. Au quatrième acte, il a le corset, la jupe et la toque des jeunes paysannes qui l'amènent. Au cinquième acte, un habit uniforme d'officier, une cocarde et une épée.<br><br>
BARTHOLO. Le caractère et l'habit comme dans Le Barbier de Séville, il n'est ici qu'un rôle secondaire.<br><br>
BAZILE. Caractère et vêtement comme dans Le Barbier de Séville, il n'est aussi qu'un rôle secondaire.<br><br>
BRID'OISON doit avoir cette bonne et franche assurance des bêtes qui n'ont plus leur timidité. Son bégaiement n'est qu'une grâce de plus, qui doit être à peine sentie ; et l'acteur se tromperait lourdement et jouerait à contre-sens, s'il y cherchait le plaisant de son rôle. Il est tout entier dans l'opposition de la gravité de son état au ridicule du caractère ; et moins l'acteur le chargera, plus il montrera de vrai talent. Son habit est une robe de juge espagnol moins ample que celle de nos procureurs, presque une soutane ; une grosse perruque, une gonille ou rabat espagnol au cou, et une longue baguette blanche à la main.<br><br>
DOUBLE-MAIN. Vêtu comme le juge ; mais la baguette blanche plus courte.<br><br>
L'HUISSIER ou ALGUAZIL. Habit, manteau, épée de Crispin, mais portée à son côté sans ceinture de cuir.<br><br>
Point de bottines, une chaussure noire, une perruque blanche naissante et longue, à mille boucles, une courte baguette blanche.<br><br>
GRIPE-SOLEIL. Habit de paysan, les manches pendantes, veste de couleur tranchée, chapeau blanc.<br><br>
UNE JEUNE BERGÈRE. Son vêtement comme celui de Fanchette.<br><br>
PÉDRILLE. En veste, gilet, ceinture, fouet, et bottes de poste, une résille sur la tête, chapeau de courrier.<br><br>
PERSONNAGES MUETS, les uns en habits de juges, d'autres en habits de paysans, les autres en habits de livrée.<br><br>
<a name="4"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > LE MARIAGE DE FIGARO" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Le Mariage de Figaro<br><br>
Comédie<br><br>
Personnages<br><br>
LE COMTE ALMAVIVA, grand corrégidor d'Andalousie.<br><br>
LA COMTESSE, sa femme<br><br>
FIGARO, valet de chambre du Comte et concierge du château<br><br>
SUZANNE, première camariste de la Comtesse et fiancée de Figaro<br><br>
MARCELINE, femme de charge<br><br>
ANTONIO, jardinier du château, oncle de Suzanne et père de Fanchette FANCHETTE, fille d'Antonio<br><br>
CHÉRUBIN, premier page du Comte<br><br>
BARTHOLO, médecin de Séville<br><br>
BAZILE, maître de clavecin de la Comtesse<br><br>
DONGUSMAN BRID'OISON, lieutenant du siège<br><br>
DOUBLE - MAIN, greffer, secrétaire de don Gusman<br><br>
UN HUISSIER AU DIENCIER<br><br>
GRIPE-SOLEIL, jeune patoureau<br><br>
UNE JEUNE BERGÈRE<br><br>
PÉDRILLE, piqueur du Comte<br><br>
Personnages muets<br><br>
TROUPE DE VALETS<br><br>
TROUPE DE PAYSANNES<br><br>
TROUPE DE PAYSANS<br><br>
La scène est au château d'Aguas-Frescas, à. trois lieues de Séville.<br><br>
PLACEMENT DES ACTEURS<br><br>
Pour faciliter les jeux du théâtre, on a eu l'attention d'écrire au commencement de chaque scène le nom des personnages dans l'ordre où le Spectateur les voit. S'ils font quelque mouvement grave dans la scène, il est désigné par un nouvel ordre de noms, écrit en marge à l'instant qu'il arrive. Il est important de conserver les bonnes positions théâtrales ; le relâchement dans la tradition donnée par les premiers acteurs en produit bientôt un total dans le jeu des pièces, qui finit par assimiler les troupes négligentes aux plus faibles comédiens de société.<br><br>
<a name="5"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > ACTE I" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Acte I<br><br>
Le théâtre représente une chambre à demi démeublée ; un grand fauteuil de malade est au milieu. Figaro, avec une toise, mesure le plancher. Suzanne attache à sa tête, devant une glace, le petit bouquet de fleurs d'orange, appelé chapeau de la mariée.<br><br>
<a name="6"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > SCÈNE I" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Scène I<br><br>
FIGARO, SUZANNE<br><br>
FIGARO. Dix-neuf pieds sur vingt-six.<br><br>
SUZANNE. Tiens, Figaro, voilà mon petit chapeau ; le trouves-tu mieux ainsi ?<br><br>
FIGARO lui prend les mains. Sans comparaison, ma charmante. Oh ? que ce joli bouquet virginal, élevé sur la tête d'une belle fille, est doux, le matin des noces, à l'oeil amoureux d'un époux !...<br><br>
SUZANNE se retire. Que mesures-tu donc là, mon fils ?<br><br>
FIGARO. Je regarde, ma petite Suzanne, si ce beau lit que Monseigneur nous donne aura bonne grâce ici.<br><br>
SUZANNE. Dans cette chambre ?<br><br>
FIGARO. Il nous la cède.<br><br>
SUZANNE. Et moi, je n'en veux point.<br><br>
FIGARO. Pourquoi ?<br><br>
SUZANNE. Je n'en veux point.<br><br>
FIGARO. Mais encore ?<br><br>
SUZANNE. Elle me déplaît.<br><br>
FIGARO. On dit une raison.<br><br>
SUZANNE. Si je n'en veux pas dire ?<br><br>
FIGARO. Oh ! quand elles Sont sûres de nous !<br><br>
SUZANNE. Prouver que j'ai raison serait accorder que je puis avoir tort. ES-tu mon serviteur, ou non ?<br><br>
FIGARO. Tu prends de l'humeur contre la chambre du château la plus commode, et qui tient le milieu des deux appartements. La nuit, si Madame est incommodée, elle sonnera de son côté ; zeste, en deux pas tu es chez elle. Monseigneur veut-il quelque chose ? il n'a qu'à tinter du sien ; crac, en trois sauts me voilà rendu.<br><br>
SUZANNE. Fort bien ! Mais quand il aura tinté le matin, pour te donner quelque bonne et longue commission, zeste, en deux pas, il est à ma porte, et crac, en trois sauts...<br><br>
FIGARO. Qu'entendez-vous par ces paroles ?<br><br>
SUZANNE. Il faudrait m'écouter tranquillement.<br><br>
FIGARO. Eh, qu'est-ce qu'il y a ? bon Dieu !<br><br>
SUZANNE. Il y a, mon ami, que, las de courtiser les beautés des environs, monsieur le comte Almaviva veut rentrer au château, mais non pas chez sa femme ; c'est sur la tienne, entends-tu, qu'il a jeté ses vues, auxquelles il espéra que ce logement ne nuira pas. Et c'est ce que le loyal BAZILE, honnête agent de ses plaisirs, et mon noble maître à chanter, me répète chaque jour, en me donnant leçon.<br><br>
FIGARO. BAZILE ! à mon mignon, si jamais volée de bois vert appliquée sur une échine, a dûment redressé la moelle épinière à quelqu'un...<br><br>
SUZANNE. Tu croyais, bon garçon, que cette dot qu'on me donne était pour les beaux yeux de ton mérite ?<br><br>
FIGARO. J'avais assez fait pour l'espérer.<br><br>
SUZANNE. Que les gens d'esprit sont bêtes !<br><br>
FIGARO. On le dit.<br><br>
SUZANNE. Mais c'est qu'on ne veut pas le croire.<br><br>
FIGARO. On a tort.<br><br>
SUZANNE. Apprends qu'il la destine à obtenir de moi secrètement certain quart d'heure, seul à seule, qu'un ancien droit du seigneur... Tu mis s'il était triste ?<br><br>
FIGARO. Je le sais tellement, que si monsieur le Comte, en se mariant, n'eût pas aboli. ce droit honteux, jamais je ne t'eusse épousée dans ses domaines.<br><br>
SUZANNE. Eh bien, s'il l'a détruit, il s'en repent ; et c'est de ta fiancée qu'il veut le racheter en secret aujourd'hui.<br><br>
FIGARO, se frottant la tête. Ma tête s'amollit de surprise, et mon front fertilisé...<br><br>
SUZANNE. Ne le frotte donc pas !<br><br>
FIGARO. Quel danger ?<br><br>
SUZANNE, riant. S'il y venait un petit bouton, des gens superstitieux...<br><br>
FIGARO. Tu ris, friponne ! Ah ! s'il y avait moyen d'attraper ce grand trompeur, de le faire donner dans un bon piège, et d'empocher son or !<br><br>
SUZANNE. De l'intrigue et de l'argent, te voilà dans ta sphère.<br><br>
FIGARO. Ce n'est pas la honte qui me retient.<br><br>
SUZANNE. La crainte ?<br><br>
FIGARO. Ce n'est rien d'entreprendre une chose dangereuse, mais d'échapper au péril en la menant à bien : car d'entrer chez quelqu'un la nuit, de lui souffler sa femme, et d'y recevoir cent coups de fouet pour la peine, il n'est rien plus aisé ; mille sots coquins l'ont fait. Mais...<br><br>
On sonne de l'intérieur.<br><br>
SUZANNE. Voilà Madame éveillée ; elle m'a bien recommandé d'être la première à lui parler le matin de mes noces.<br><br>
FIGARO. Y a-t-il encore quelque chose là-dessous ?<br><br>
SUZANNE. Le berger dit que cela porte bonheur aux épouses délaissées. Adieu, mon petit fi, fi, Figaro ; rêve à notre affaire.<br><br>
FIGARO. Pour m'ouvrir l'esprit, donne un petit baiser.<br><br>
SUZANNE. A mon amant aujourd'hui ? Je t'en souhaite ! Et qu'en dirait demain mon mari ?<br><br>
Figaro l'embrasse.<br><br>
SUZANNE. Eh bien ! Eh bien I<br><br>
FIGARO. C'est que tu n'as pas d'idée de mon amour.<br><br>
SUZANNE, se défripant. Quand cesserez-vous, importun, de m'en parler du matin au Soir ?<br><br>
FIGARO, mystérieusement. Quand je pourrai te le prouver du Soir jusqu'au matin.<br><br>
On sonne une seconde fois.<br><br>
SUZANNE, de loin, les doigts unis sur sa bouche. Voilà votre baiser, monsieur ; je n'ai plus rien à vous.<br><br>
FIGARO court après elle. Oh ! mais ce n'est pas ainsi que vous l'avez reçu...<br><br>
<a name="7"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > SCÈNE 2" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Scène 2<br><br>
FIGARO, seul.<br><br>
La charmante fille ! toujours riante, verdissante, pleine de gaieté, d'esprit, d'amour et de délices ! mais sage ! (Il marche vivement en se frottant les mains.) Ah ! Monseigneur ! mon cher Monseigneur ! vous voulez m'en donner... à garder. Je cherchais aussi pourquoi m'ayant nommé concierge, il m'emmène à son ambassade, et m'établit courrier de dépêches. J'entends, monsieur le Comte ; trois promotions à la fois : vous, compagnon ministre ; moi, casse-cou politique, et Suzon, dame du<br><br>
lieu, l'ambassadrice de poche, et puis, fouette courrier ! Pendant que je galoperais d'un côté, vous feriez faire de l'autre à ma belle un joli chemin ! Me crottant, m'échinant pour la gloire de votre famille ; vous, daignant concourir à l'accroissement de la mienne ! Quelle douce réciprocité ! Mais, Monseigneur, il y a de l'abus. Faire à Londres, en même temps, les affaires de votre maître et celles de votre valet ! représenter à la fois le Roi et moi dans une Cour étrangère, c'est trop de moitié, c'est trop.<br><br>
- Pour toi, BAZILE ! fripon, mon cadet ! je veux t'apprendre à clocher devant les boiteux ; je veux... Non, dissimulons avec eux, pour les enferrer l'un par l'autre.<br><br>
Attention sur la journée, monsieur Figaro ! D'abord avancer l'heure de votre petite tête, pour épouser plus sûrement ; écarter une Marceline qui de vous est friande en diable ; empocher l'or et les présents ; donner le<br><br>
change aux petites passions de monsieur le Comte ; étriller rondement monsieur du BAZILE, et...<br><br>
<a name="8"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > SCÈNE 3" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Scène 3<br><br>
MARCELINE, BARTHOLO, FIGARO<br><br>
FIGARO, s'interrompt. Héééé, voilà le gros docteur : la fête sera complète. Eh ! bonjour, cher docteur de mon coeur ?<br><br>
Est-ce ma noce avec Suzon qui vous attire au château ?<br><br>
BARTHOLO, avec dédain. Ah ! mon cher monsieur, point du tout !<br><br>
FIGARO. Cela serait bien généreux !<br><br>
BARTHOLO. Certainement, et par trop sot.<br><br>
FIGARO. Moi qui eus le malheur de troubler la vôtre !<br><br>
BARTHOLO. Avez-vous autre chose à nous dire ?<br><br>
FIGARO. On n'aura pas pris soin de votre mule !<br><br>
BARTHOLO, en colère. Bavard enragé ? laissez-nous I<br><br>
FIGARO. Vous vous fichez, docteur ? Les gens de votre état Sont bien durs ? Pas plus de pitié des pauvres animaux,.. en vérité... que si c'étaient des hommes !<br><br>
Adieu, Marceline : avez-vous toujours envie de plaider contre moi ?<br><br>
Pour n'aimer pas, faut-il qu'on se haïsse ?<br><br>
Je m'en rapporte au docteur.<br><br>
BARTHOLO. Qu'est-ce que c'est ?<br><br>
FIGARO. Elle vous le contera de reste.<br><br>
Il sort.<br><br>
<a name="9"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > SCÈNE 4" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Scène 4<br><br>
MARCELINE, BARTHOLO<br><br>
BARTHOLO le regarde aller. Ce drôle est toujours le même ! Et à moins qu'on ne l'écorche vif je prédis qu'il mourra dans la peau du plus fier insolent...<br><br>
MARCELINE le retourné. Enfin, vous voilà donc, éternel docteur ! toujours si grave et compassé qu'on pourrait mourir en attendant vos secours, comme on s'est marié jadis, malgré vos précautions.<br><br>
BARTHOLO. Toujours amère et provocante ! Eh bien, qui rend donc ma présence au château si nécessaire ? Monsieur le Comte a-t-il eu quelque accident ?<br><br>
MARCELINE. Non, docteur.<br><br>
BARTHOLO. La Rosine, sa trompeuse Comtesse, est-elle incommodée, Dieu merci ?<br><br>
MARCELINE. Elle languit.<br><br>
BARTHOLO. Et de quoi ?<br><br>
MARCELINE. Son mari la néglige.<br><br>
BARTHOLO, avec joie. Ah ! le digne époux qui me venge ?<br><br>
MARCELINE. On ne sait comment définir le Comte ; il est jaloux et libertin.<br><br>
BARTHOLO. Libertin par ennui, jaloux par vanité ; cela va sans dire.<br><br>
MARCELINE. Aujourd'hui, par exemple, il marie notre Suzanne à son Figaro, qu'il comble en faveur de cette union...<br><br>
BARTHOLO. Que Son Excellence a rendue nécessaire !<br><br>
MARCELINE. Pas tout à fait ; mais dont Son Excellence voudrait égayer en secret l'événement avec l'épousée...<br><br>
BARTHOLO. De monsieur Figaro ? C'est un marché qu'on peut conclure avec lui.<br><br>
MARCELINE. BAZILE assure que non.<br><br>
BARTHOLO. Cet autre maraud loge ici ? C'est une caverne ! Eh ? qu'y fait-il ?<br><br>
MARCELINE. Tout le mal dont il est capable. Mais le pis que j'y trouve est cette ennuyeuse passion qu'il a pour moi depuis si longtemps.<br><br>
BARTHOLO. Je me serais débarrassé vingt fois de sa poursuite.<br><br>
MARCELINE. De quelle manière ?<br><br>
BARTHOLO. En l'épousant.<br><br>
MARCELINE. Railleur fade et cruel, que ne vous débarrassez-vous de la mienne à ce prix ? Ne le devez-vous pas ?<br><br>
Où est le Souvenir de vos engagements ? Qu'est devenu celui de notre petit Emmanuel, ce fruit d'un amour oublié, qui devait nous conduire à des noces ?<br><br>
BARTHOLO, ôtant son chapeau. Est-ce pour écouter ces sornettes que vous m'avez fait venir de Séville ? Et cet accès d'hymen qui vous reprend si vif..<br><br>
MARCELINE. Eh bien ! n'en parlons plus. Mais, si rien n'a pu vous porter à la justice de m'épouser, aidez-moi donc du moins à en épouser un autre.<br><br>
BARTHOLO. Ah ! volontiers : parlons. Mais quel mortel abandonné du ciel et des femmes ?...<br><br>
MARCELINE. Eh ? qui pourrait-ce être, docteur, sinon le beau, le gai, l'aimable Figaro ?<br><br>
BARTHOLO. Ce fripon-là ?<br><br>
MARCELINE. Jamais fiché, toujours en belle humeur ; donnant le présent à la joie, et s'inquiétant de l'avenir tout aussi peu que du passé ; sémillant, généreux ! généreux...<br><br>
BARTHOLO. Comme un voleur.<br><br>
MARCELINE. Comme un seigneur. Charmant enfin : mais c'est le plus grand monstre !<br><br>
BARTHOLO. Et sa Suzanne ?<br><br>
MARCELINE. Elle ne l'aurait pas, la rusée, si vous vouliez m'aider, mon petit docteur, à faire valoir un engagement que j'ai de lui.<br><br>
BARTHOLO. Le jour de son mariage ?<br><br>
MARCELINE. On en rompt de plus avancés : et, si je ne craignais d'éventer un petit secret des femmes !...<br><br>
BARTHOLO. En ont-elles pour le médecin du corps ?<br><br>
MARCELINE. Ah ? vous savez que je n'en ai pas pour vous. Mon sexe est ardent, mais timide : un certain charme a beau nous attirer vers le plaisir, la femme la plus aventurée sent en elle une voix qui lui dit : Sois<br><br>
belle, si tu peux, sage si tu veux ; mais sois considérée, il le faut. Or, puisqu'il faut être au moins considérée, que toute femme en sent l'importance, effrayons d'abord la Suzanne sur la divulgation des offres qu'on lui fait.<br><br>
BARTHOLO. Où cela mènera-t-il ?<br><br>
MARCELINE. Que, la honte la prenant au collet, elle continuera de refuser le Comte, lequel, pour se venger, appuiera l'opposition que j'ai faite à son mariage : alors le mien devient certain.<br><br>
BARTHOLO. Elle a raison. Parbleu ! c'est un bon tour que de faire épouser ma vieille gouvernante au coquin qui fit enlever ma jeune maîtresse.<br><br>
MARCELINE, vite. Et qui croit ajouter à ses plaisirs en trompant mes espérances.<br><br>
BARTHOLO, vite. Et qui m'a volé dans le temps cent écus que j'ai sur le coeur.<br><br>
MARCELINE. Ah ! quelle volupté ! ...<br><br>
BARTHOLO. De punir un Scélérat...<br><br>
MARCELINE. De l'épouser, docteur, de l'épouser !<br><br>
<a name="10"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > SCÈNE 5" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Scène 5<br><br>
MARCELINE, BARTHOLO ; SUZANNE<br><br>
SUZANNE, un bonnet de femme de chambre avec un large ruban dans la main, une robe de femme sur le bras.<br><br>
L'épouser, l'épouser ! Qui donc ? Mon Figaro ?<br><br>
MARCELINE, aigrement. Pourquoi non ? Vous l'épousez bien !<br><br>
BARTHOLO, riant. Le bon argument de femme en colère ! Nous parlions, belle Suzon, du bonheur qu'il aura de vous posséder. .<br><br>
MARCELINE. Sans compter Monseigneur, dont on ne parle pas.<br><br>
SUZANNE, une révérence. Votre servante, madame ; il y a toujours quelque chose d'amer dans vos propos.<br><br>
MARCELINE, une révérence. Bien la vôtre, madame ; où donc est l'amertume ? N'est-il pas juste qu'un libéral seigneur partage un peu la joie qu'il procure à ses gens ?<br><br>
SUZANNE. Qu'il procure ?<br><br>
MARCELINE. Oui, madame.<br><br>
SUZANNE. Heureusement, la jalousie de Madame est aussi connue que ses droits sur Figaro sont légers.<br><br>
MARCELINE. On eût pu les rendre plus forts en les cimentant à la façon de Madame.<br><br>
SUZANNE. Oh ! cette façon, madame, est celle des dames savantes.<br><br>
MARCELINE. Et l'enfant ne l'est pas du tout ? Innocente comme un vieux juge ?<br><br>
BARTHOLO, attirant Marceline. Adieu, jolie fiancée de notre Figaro.<br><br>
MARCELINE, une révérence. L'accordée secrète de Monseigneur.<br><br>
SUZANNE, une révérence. Qui vous estime beaucoup, madame.<br><br>
MARCELINE, une révérence. Me fera-t-elle aussi l'honneur de me chérir un peu, madame ?<br><br>
SUZANNE, une révérence. A cet égard, Madame n'a rien à désirer.<br><br>
MARCELINE, une révérence. C'est une si jolie personne que Madame !<br><br>
SUZANNE, une révérence. Eh mais ! assez pour désoler madame. .<br><br>
MARCELINE, une révérence. Surtout bien respectable !<br><br>
SUZANNE, une révérence. C'est aux duègnes à l'être.<br><br>
MARCELINE, outrée. Aux duègnes ! aux duègnes !<br><br>
BARTHOLO, l'arrêtant. Marceline !<br><br>
MARCELINE. Allons, docteur, Car je n'y tiendrais pas. Bonjour, madame.<br><br>
Une révérence.<br><br>
<a name="11"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > SCÈNE 6" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Scène 6<br><br>
SUZANNE, seule.<br><br>
Allez, madame ! allez, pédante ! je Crains aussi peu vos efforts que je méprise vos outrages. - Voyez Cette vieille sibylle ! parce qu'elle a fait quelques études et tourmenté la jeunesse de Madame, elle veut tout dominer au château ! (Elle jette la, robe qu'elle tient sur une chaise. )<br><br>
Je ne sais plus ce que je venais prendre.<br><br>
<a name="12"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > SCÈNE 7" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Scène 7<br><br>
SUZANNE, CHÉRUBIN<br><br>
CHÉRUBIN, accourant. Ah ! Suzon, depuis deux heures j'épie le moment de te trouver seule. Hélas ! tu te maries, et moi je vais partir. .<br><br>
SUZANNE. Comment mon mariage éloigne-t-il du Château le premier page de Monseigneur ?<br><br>
CHÉRUBIN, piteusement. Suzanne, il me renvoie.<br><br>
SUZANNE le contrefait. Chérubin, quelle sottise !<br><br>
CHÉRUBIN. Il m'a trouvé hier au soir Chez ta Cousine Fanchette, à qui je faisais répéter son petit rôle d'innocente, pour la fête de ce soir : il s'est mis dans une fureur en me voyant ! - Sortez, m'a-t-il dit, petit... Je n'ose pas prononcer devant une femme le gros mot qu'il a dit : sortez, et demain vous ne coucherez pas au château. Si Madame, si ma belle marraine ne parvient pas à l'apaiser, C'est fait, Suzon, je suis à jamais privé du bonheur de te voir.<br><br>
SUZANNE. De me voir ! moi ? C'est mon tour ! Ce n'est donc plus pour ma maîtresse que vous soupirez en secret ?<br><br>
CHÉRUBIN. Ah ! Suzon, qu'elle est noble et belle ! mais qu'elle est imposante !<br><br>
SUZANNE. C'est-à-dire que je ne le suis pas, et qu'on peut oser avec moi.<br><br>
CHÉRUBIN. Tu sais trop bien, méchante, que je n'ose pas oser. Mais que tu es heureuse ! à tous moments la voir, lui parler, l'habiller le matin et la déshabiller le soir, épingle à épingle !... Ah ! Suzon ! je donnerais... Qu'est-ce que tu tiens donc là ?<br><br>
SUZANNE, raillant. Hélas ! l'heureux bonnet et le fortuné ruban qui renferment la nuit les Cheveux de cette belle marraine :..<br><br>
CHÉRUBIN, vivement. Son ruban de nuit ! donne-le-moi, mon coeur.<br><br>
SUZANNE, le retirant. Eh ! que non pas ! - Son coeur ! Comme il est familier donc ! Si Ce n'était pas un morveux sans conséquence... (Chérubin arrache le ruban.) Ah ! le ruban ! .<br><br>
CHÉRUBIN tourne autour du grand fauteuil. Tu diras qu'il est égaré, gâté, qu'il est perdu. Tu diras tout ce que tu voudras.<br><br>
SUZANNE tourne après lui. Oh ! dans trois ou quatre ans, je prédis que vous serez le plus grand petit vaurien !... Rendez-vous le ruban ?<br><br>
Elle veut le reprendre.<br><br>
CHÉRUBIN tire une romance de sa poche. Laisse, ah ! laisse-le-moi, Suzon ; je te donnerai ma romance ; et pendant que le souvenir de ta belle maîtresse attristera tous mes moments, le tien y versera le seul rayon de joie qui puisse encore amuser mon coeur.<br><br>
SUZANNE arrache la romance. Amuser votre Coeur, petit scélérat ! vous Croyez parler à votre Fanchette. On vous surprend Chez elle, et vous soupirez pour Madame ; et vous m'en Contez à moi, par-dessus le marché !<br><br>
CHÉRUBIN, exalté. Cela est vrai, d'honneur ! Je ne sais plus ce que je suis ; mais depuis quelque temps je sens ma poitrine agitée ; mon coeur palpite au seul aspect d'une femme ; les mots amour et volupté le font tressaillir et le troublent. Enfin le besoin de dire à quelqu'un Je vous aime, est devenu pour moi si pressant, que je le dis tout seul, en courant dans le parc, à ta maîtresse, à toi, aux arbres, aux nuages, au vent qui les emporte avec mes paroles perdues. - Hier je rencontrai Marceline...<br><br>
SUZANNE, riant. Ah ! ah ! ah ! ah !<br><br>
CHÉRUBIN. Pourquoi non ? elle est femme, elle est fille ! Une fille ! une femme ? ah ! que ces noms sont doux ! qu'ils sont intéressants !<br><br>
SUZANNE. Il devient fou.<br><br>
CHÉRUBIN. Fanchette est douce ; elle m'écoute au moins : tu ne l'es pas, toi !<br><br>
SUZANNE. C'est. bien dommage ; écoutez donc Monsieur !<br><br>
Elle veut arracher le ruban.<br><br>
CHÉRUBIN tourne en fuyant. Ah ! oui chef on ne l'aura, vois-tu, qu'avec ma vie. Mais si tu n'es pas contente du prix, j'y joindrai mille baisers.<br><br>
Il lui donne chasse à son tour.<br><br>
SUZANNE tourne en fuyant. Mille soufflets, si vous approchez. Je vais m'en plaindre à ma maîtresse ; et loin de supplier pour vous, je dirai moi-même à Monseigneur : C'est bien fait, Monseigneur ; chassez-nous ce petit voleur ; renvoyez à ses parents un petit mauvais sujet qui se donne les airs d'aimer Madame, et qui veut toujours m'embrasser par contrecoup.<br><br>
CHÉRUBIN voit le Comte entrer ! il se jette derrière le fauteuil avec effroi. Je suis perdu !<br><br>
SUZANNE. Quelle frayeur ?...<br><br>
<a name="13"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > SCÈNE 8" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Scène 8<br><br>
SUZANNE, LE COMTE, CHÉRUBIN, caché.<br><br>
SUZANNE aperçoit le Comte. Ah ! ...<br><br>
Elle s'approche du fauteuil pour masquer Chérubin.<br><br>
LE COMTE s'avance. Tu es émue, Suzon ! tu parlais seule, et ton petit coeur paraît dans une agitation... bien pardonnable, au reste, un jour comme celui-ci.<br><br>
SUZANNE, troublée. Monseigneur, que me voulez-vous ? Si l'on vous trouvait avec moi...<br><br>
LE COMTE. Je serais désolé qu'on m'y Surprît ; mais tu sais tout l'intérêt que je prends à toi. BAZILE ne t'a pas laissé ignorer mon amour. Je n'ai rien qu'un instant pour t'expliquer mes vues ; écoute.<br><br>
Il s'assied dans le fauteuil.<br><br>
SUZANNE, vivement. Je n'écoute rien.<br><br>
LE COMTE lui prend la main. Un seul mot. Tu sais que le Roi m'a nommé son ambassadeur à Londres. J'emmène avec moi Figaro ; je lui donne un excellent poste ; et, comme le devoir d'une femme est de suivre son mari...<br><br>
SUZANNE. Ah ! si j'osais parler ! ...<br><br>
LE COMTE la rapproche de lui. Parle, parle, ma Chère ; use aujourd'hui d'un droit que tu prends sur moi pour la vie.<br><br>
SUZANNE, effrayée. Je n'en veux point, Monseigneur, je n'en veux point. Quittez-moi, je vous prie.<br><br>
LE COMTE. Mais dis auparavant.<br><br>
SUZANNE, en colère. Je ne sais plus ce que je disais.<br><br>
LE COMTE. Sur le devoir des femmes.<br><br>
SUZANNE. Eh bien ! lorsque Monseigneur enleva la sienne de chez le docteur, et qu'il l'épousa par amour ; lorsqu'il abolit pour elle un certain affreux droit du seigneur...<br><br>
LE COMTE, gaiement. Qui faisait bien de la peine aux filles ! Ah ! Suzette ! ce droit Charmant ! Si tu venais en jaser sur la brune au jardin, je mettrais un tel prix à cette légère faveur...<br><br>
BAZILE parle en dehors. Il n'est pas Chez lui, Monseigneur.<br><br>
LE COMTE se lève. Quelle est cette voix ?<br><br>
SUZANNE. Que je suis malheureuse !<br><br>
LE COMTE. Sors, pour qu'on n'entre pas.<br><br>
SUZANNE, troublée. Que je vous laisse ici ?<br><br>
BAZILE crie en dehors. Monseigneur était chez Madame, il en est sorti ; je vais voir.<br><br>
LE COMTE. Et pas un lieu pour se cacher ! Ah ! derrière ce fauteuil... assez mal ; mais renvoie-le bien vite.<br><br>
Suzanne lui barre le chemin ; il la pousse doucement, elle recule, et se met ainsi entre lui et le petit page ; mais, pendant que le Comte s'abaisse et prend sa place, Chérubin tourne et se jette effrayé sur le fauteuil à genoux et s'y blottit. Suzanne prend la robe qu'elle apportait, en couvre le page, et se met devant le fauteuil.<br><br>
<a name="14"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > SCÈNE 9" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Scène 9<br><br>
LE COMTE et CHÉRUBIN cachés,<br><br>
SUZANNE, BAZILE<br><br>
BAZILE. N'auriez-vous pas vu Monseigneur, mademoiselle ?<br><br>
SUZANNE, brusquement. Eh ? pourquoi l'aurais-je vu ? Laissez-moi.<br><br>
BAZILE s'approche. Si vous étiez plus raisonnable, il n'y aurait rien d'étonnant à ma question. C'est Figaro qui le Cherche.<br><br>
SUZANNE. Il Cherche donc l'homme qui lui veut le plus de mal après vous ?<br><br>
LE COMTE, à pan. Voyons un peu comme il me sert.<br><br>
BAZILE. Désirer du bien à une femme, est-ce vouloir du mal à son mari ?<br><br>
SUZANNE. Non, dans vos affreux principes, agent de corruption !<br><br>
BAZILE. Que vous demande-t-on ici que vous n'alliez prodiguer à un autre ? Grâce à la douce cérémonie, ce qu'on vous défendait hier, on vous le prescrira demain.<br><br>
SUZANNE. Indigne !<br><br>
BAZILE. De toutes les choses sérieuses le mariage étant la plus boutonne, j'avais pensé...<br><br>
SUZANNE, outrée. Des hommes ! Qui vous permet d'entrer ici ?<br><br>
BAZILE. Là, là, mauvaise ! Dieu vous apaise ! Il n'en sera que ce que vous voulez : mais ne croyez pas non plus que je regarde monsieur Figaro Comme l'obstacle qui nuit à Monseigneur ; et sans le petit page...<br><br>
SUZANNE, timidement. Don Chérubin ?<br><br>
BAZILE la contrefait. Cherubino di amore, qui tourne autour de vous sans cesse, et qui ce matin encore rôdait ici pour y entrer, quand je vous ai quittée. Dites que cela n'est pas vrai !<br><br>
SUZANNE. Quelle imposture ! Allez-vous-en, .méchant homme !<br><br>
BAZILE. On est un méchant homme, parce qu'on y voit clair. N'est, ce pas pour vous aussi, Cette romance dont il fait mystère ?<br><br>
SUZANNE, en colère. Ah ! oui, pour moi ! ...<br><br>
BAZILE. A moins qu'il ne l'ait Composée pour Madame ! En effet, quand il sert à table, on dit qu'il la regarde avec des yeux !... Mais, peste, qu'il ne s'y joue pas ! Monseigneur est brutal sur l'article.<br><br>
SUZANNE, outrée. Et vous bien scélérat, d'aller semant de pareils bruits pour perdre un malheureux enfant tombé dans la disgrâce de son maître.<br><br>
BAZILE. L'ai-je inventé ? Je le dis, parce que tout le monde en parle.<br><br>
LE COMTE se lève. Comment, tout le monde en parle !<br><br>
SUZANNE. Ah Ciel !<br><br>
BAZILE. Ah ! ah ! _<br><br>
LE COMTE. Courez, BAZILE, et qu'on le Chasse.<br><br>
BAZILE. Ah ! que je suis lâché d'être entré !<br><br>
SUZANNE, troublée. Mon Dieu ! Mon Dieu !<br><br>
LE COMTE, à BAZILE. Elle est saisie. Asseyons-la dans ce fauteuil.<br><br>
SUZANNE le repousse vivement. Je ne veux pas m'asseoir. Entrer ainsi librement, c'est indigne !<br><br>
LE COMTE. Nous sommes deux avec toi, ma Chère. Il n'y a plus le moindre danger !<br><br>
BAZILE. Moi je suis désolé de m'être égayé sur le page, puisque vous l'entendiez. Je n'en usais ainsi que pour pénétrer ses sentiments ; car au fond... .<br><br>
LE COMTE. Cinquante pistoles, un Cheval, et qu'on le renvoie à ses parents.<br><br>
BAZILE. Monseigneur, pour un badinage ?<br><br>
LE COMTE. Un petit libertin que j'ai surpris encore hier avec la fille du jardinier.<br><br>
BAZILE. Avec Fanchette ?<br><br>
LE COMTE. Et dans sa Chambre.<br><br>
SUZANNE, outrée. Où Monseigneur avait sans doute a faire aussi !<br><br>
LE COMTE, gaiement. J'en aime assez la remarque.<br><br>
BAZILE. Elle est d'un bon augure.<br><br>
LE COMTE, gaiement. Mais non ; j'allais chercher ton oncle Antonio, mon ivrogne de jardinier, pour lui donner des ordres. Je frappe, on est longtemps à m'ouvrir ; ta cousine a l'air empêtré ; je prends un soupçon, je lui parle, et tout en causant j'examine. Il y avait derrière la porte une<br><br>
espèce de rideau, de portemanteau, de je ne sais pas quoi, qui couvrait des hardes ; sans faire semblant de rien, je vais doucement, doucement lever ce rideau (pour imiter le geste, il lève la robe du fauteuil), et je vois... (Il aperçoit le page. ) Ah ! ! ...<br><br>
BAZILE. Ah ! ah !<br><br>
LE COMTE. Ce tour-ci vaut l'autre.<br><br>
BAZILE. Encore mieux.<br><br>
LE COMTE, à Suzanne. A merveille, mademoiselle ! à peine fiancée, vous faites de ces apprêts ? C'était pour recevoir mon page que vous désiriez être Seule ? Et vous, monsieur, qui ne changez point de conduite, il vous<br><br>
manquait de vous adresser, sans respect pour votre marraine, à sa première camariste, à la femme de votre ami ! Mais je ne souffrirai pas que Figaro, qu'un homme que j'estime et que j'aime, soit victime d'une pareille tromperie. Était-il avec vous, Bazile ?<br><br>
SUZANNE, outrée. Il n'y a ni tromperie ni victime ; il était là lorsque vous me parliez.<br><br>
LE COMTE, emporté. Puisses, tu mentir en le disant ! Son plus cruel ennemi n'oserait lui souhaiter ce malheur.<br><br>
SUZANNE. Il me priait d'engager Madame à vous demander sa grâce. Votre arrivée l'a si fort troublé, qu'il s'est masqué de ce fauteuil. .<br><br>
LE COMTE, en colère. Ruse d'enfer ! Je m'y suis assis en entrant.<br><br>
CHÉRUBIN. Hélas ! Monseigneur, j'étais tremblant derrière.<br><br>
LE COMTE. Autre fourberie ! Je viens de m'y placer moi même.<br><br>
CHÉRUBIN. Pardon ; mais c'est alors que je me suis blotti dedans.<br><br>
LE COMTE, plus outré. C'est donc une couleuvre que ce petit... serpent-là ! Il nous écoutait !<br><br>
CHÉRUBIN. Au Contraire, Monseigneur, j'ai fait ce que j'ai pu pour ne rien entendre.<br><br>
LE COMTE. Ô perfidie ! (A Suzanne.) Tu n'épouseras pas Figaro.<br><br>
BAZILE. Contenez-vous, on vient.<br><br>
LE COMTE, tirant Chérubin du fauteuil et le mettant sur ses pieds. Il resterait là devant toute la terre !<br><br>
<a name="15"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > SCÈNE 10" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Scène 10<br><br>
CHÉRUBIN, SUZANNE, FIGARO, LA COMTESSE,<br><br>
LE COMTE, FANCHETTE, BAZILE<br><br>
Beaucoup de valets, paysannes, paysans<br><br>
vêtus de blanc<br><br>
FIGARO, tenant une toque de femme, garnie de plumes blanches et de rubans blancs, parle à la Comtesse. Il n'y a que vous, Madame, qui puissiez nous obtenir cette faveur.<br><br>
LA COMTESSE. Vous le voyez, monsieur le Comte, ils me supposent un Crédit que je n'ai point, mais comme leur demande n'est pas déraisonnable...<br><br>
LE COMTE, embarrassé. Il faudrait qu'elle le fût beaucoup...<br><br>
FIGARO, bas à Suzanne. Soutiens bien mes efforts.<br><br>
SUZANNE, bas à Figaro. Qui ne mèneront à rien.<br><br>
FIGARO, bas. Va toujours.<br><br>
LE COMTE, à Figaro. Que voulez,vous ?<br><br>
FIGARO. Monseigneur, vos vassaux, touchés de l'abolition d'un certain droit fâcheux que votre amour pour Madame...<br><br>
LE COMTE. Eh bien, Ce droit n'existe plus. Que veux-tu dire ?.. .<br><br>
FIGARO, malignement. Qu'il est bien temps que la vertu d'un si bon maître éclate ; elle m'est d'un tel avantage aujourd'hui que je désire être le premier à la célébrer à mes noces.<br><br>
LE COMTE, plus embarrassé. Tu te moques, ami ! L'abolition d'un droit honteux n'est que l'acquit d'une dette envers l'honnêteté. Un Espagnol peut vouloir conquérir la beauté par des soins ; mais en exiger le premier, le plus doux emploi, Comme une servile redevance, ah ! C'est la tyrannie d'un Vandale, et non le droit avoué d'un noble Castillan.<br><br>
FIGARO, tenant Suzanne par la main. Permettez donc que Cette jeune créature, de qui votre sagesse a préservé l'honneur, reçoive de votre main, publiquement, la toque virginale, ornée de plumes et de rubans blancs, symbole de la pureté de vos intentions : adoptez-en la cérémonie<br><br>
pour tous les mariages, et qu'un quatrain chanté en choeur rappel à jamais le souvenir...<br><br>
LE COMTE, embarrassé. Si je ne savais pas qu'amoureux, poète et musicien Sont trois titres d'indulgence pour toutes les folies...<br><br>
FIGARO. Joignez-vous à moi, mes amis !<br><br>
TOUS ENSEMBLE. Monseigneur ? Monseigneur !<br><br>
SUZANNE, au comte. Pourquoi fuir un éloge que vous méritez si bien ?<br><br>
LE COMTE, à part. La perfide !<br><br>
FIGARO. Regardez-la donc, Monseigneur. Jamais plus jolie fiancée ne montrera mieux la grandeur de votre sacrifice.<br><br>
SUZANNE. Laisse là ma figure, et ne vantons que sa vertu.<br><br>
LE COMTE, à part. C'est un jeu que tout ceci.<br><br>
LA COMTESSE. Je me joins à eux, monsieur le Comte ; et cette cérémonie me sera toujours chère, puisqu'elle doit son motif à l'amour charmant que vous aviez pour moi.<br><br>
LE COMTE. Que j'ai toujours, Madame ; et c'est à ce titre que je me rends.<br><br>
TOUS ENSEMBLE. Vivat !<br><br>
LE COMTE, à part. Je suis pris. (Haut.) Pour que la cérémonie eût un peu plus d'éclat, je voudrais seulement qu'on la remît à tantôt. (A part.) Faisons vite chercher Marceline.<br><br>
FIGARO, à Chérubin. Eh bien, espiègle, vous n'applaudissez pas ?<br><br>
SUZANNE. Il est au désespoir ; Monseigneur le renvoie.<br><br>
LA COMTESSE. Ah ! monsieur, je demande sa grâce.<br><br>
LE COMTE. Il ne la mérite point.<br><br>
LA COMTESSE. Hélas ! il est si jeune !<br><br>
LE COMTE. Pas tant que vous le croyez.<br><br>
CHÉRUBIN, tremblant. Pardonner généreusement n'est pas le droit du seigneur auquel vous avez renoncé en épousant Madame.<br><br>
LA COMTESSE. Il n'a renoncé qu'à celui qui vous affligeait tous.<br><br>
SUZANNE. Si Monseigneur avait cédé le droit de pardonner, Ce serait sûrement le premier qu'il voudrait racheter en secret.<br><br>
LE COMTE, embarrassé. Sans doute.<br><br>
LA COMTESSE. Eh ! pourquoi le racheter ?<br><br>
CHÉRUBIN, au Comte. Je fus léger dans ma Conduite, il est vrai, Monseigneur ; mais jamais la moindre indiscrétion dans mes paroles...<br><br>
LE COMTE, embarrassé. Eh bien, C'est assez...<br><br>
FIGARO. Qu'entend-il ?<br><br>
LE COMTE, vivement. C'est assez, C'est assez. Tout le monde exige son pardon, je l'accorde ; et j'irai plus loin : je lui donne une compagnie dans ma légion.<br><br>
TOUS ENSEMBLE. Vivat !<br><br>
LE COMTE. Mais C'est à Condition qu'il partira sur-le-Champ pour joindre en Catalogne.<br><br>
FIGARO. Ah ! Monseigneur, demain.<br><br>
LE COMTE insiste. Je le veux.<br><br>
CHÉRUBIN. J'obéis.<br><br>
LE COMTE. Saluez votre marraine, et demandez sa protection.<br><br>
Chérubin met un genou en terre devant la Comtesse, et ne peut parler.<br><br>
LA COMTESSE, émue. Puisqu'on ne peut vous garder seulement aujourd'hui, partez, jeune homme. Un nouvel état vous appelle ; allez le remplir dignement. Honorez votre bienfaiteur. Souvenez-vous de cette maison, où votre jeunesse a trouvé tant d'indulgence. Soyez soumis, honnête et brave ; nous prendrons part à vos succès.<br><br>
Chérubin se relève et retourne à sa place.<br><br>
LE COMTE. Vous êtes bien émue, Madame !<br><br>
LA COMTESSE. Je ne m'en défends pas. Qui sait le sort d'un enfant jeté dans une carrière aussi dangereuse ? Il est allié de mes parents ; et de plus, il est mon filleul.<br><br>
LE COMTE, à part. Je vois que BAZILE avait raison. (Haut.) Jeune homme, embrassez Suzanne... pour la dernière fois.<br><br>
FIGARO. Pourquoi Cela, Monseigneur ? Il viendra passer ses hivers. Baise-moi donc aussi, capitaine ! (Il l'embrasse.) Adieu, mon petit Chérubin. Tu vas mener un train de vie bien différent, mon enfant : dame ! tu ne rôderas plus tout le jour au quartier des femmes, plus d'échaudés, de goûters à la crème ; plus de main-chaude ou de colin-maillard. De bons soldats, morbleu ! basanés, mal vêtus ; un grand fusil bien lourd : tourne à droite, tourne à gauche, en avant, marche à la gloire ! ; et ne va pas broncher en chemin, à moins qu'un bon coup de feu...<br><br>
SUZANNE. Fi donc, l'horreur !<br><br>
LA COMTESSE. Quel pronostic !<br><br>
LE COMTE. Où est donc Marceline ? Il est bien singulier qu'elle ne soit pas des vôtres !<br><br>
FANCHETTE. Monseigneur, elle a pris le Chemin du bourg, par le petit sentier de la ferme.<br><br>
LE COMTE. Et elle en reviendra ?...<br><br>
BAZILE. Quand il plaira à Dieu.<br><br>
FIGARO. S'il lui plaisait qu'il ne lui plût jamais...<br><br>
FANCHETTE. Monsieur le docteur lui donnait le bras.<br><br>
LE COMTE, vivement. Le docteur est ici ?<br><br>
BAZILE. Elle s'en est d'abord emparée...<br><br>
LE COMTE, à part. Il ne pouvait venir plus à propos.<br><br>
FANCHETTE. Elle avait l'air bien échaudée ; elle parlait tout haut en marchant, puis elle s'arrêtait, et faisait comme ça de grands bras... et monsieur le docteur lui faisait Comme ça de la main, en l'apaisant : elle paraissait si courroucée ! elle nommait mon Cousin Figaro.<br><br>
LE COMTE lui prend le menton. Cousin... futur.<br><br>
FANCHETTE, montrant Chérubin. Monseigneur, nous avez-vous pardonné d'hier ?...<br><br>
LE COMTE interrompt. Bonjour, bonjour, petite.<br><br>
FIGARO. C'est son Chien d'amour qui la berce : elle aurait troublé notre fête.<br><br>
LE COMTE, à part. Elle la troublera, je t'en réponds. (Haut.) Allons, Madame, entrons. BAZILE, vous passerez chez moi.<br><br>
SUZANNE, à Figaro. Tu me rejoindras, mon fils ?<br><br>
FIGARO, bas à Suzanne. Est-il bien enfilé ?<br><br>
SUZANNE, bas. Charmant garçon !<br><br>
Ils sortent tous.<br><br>
<a name="16"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > SCÈNE 11" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Scène 11<br><br>
CHÉRUBIN, FIGARO, BAZILE<br><br>
Pendant qu'on sort, Figaro les arrête tous deux et les ramène.<br><br>
FIGARO. Ah ça, vous autres ! la cérémonie adoptée, ma fête de ce soir en est la suite ; il faut bravement nous recorder : ne faisons point comme ces acteurs qui ne jouent jamais si mal que le jour où la critique est le plus éveillée. Nous n'avons point de lendemain qui nous excuse, nous. Sachons bien nos rôles aujourd'hui.<br><br>
BAZILE, malignement. Le mien est plus difficile que tu ne crois.<br><br>
FIGARO, faisant, sans qu'il le voie, le geste de le rosser. Tu es loin de savoir tout le succès qu'il te vaudra.<br><br>
CHÉRUBIN. Mon ami, tu oublies que je pars.<br><br>
FIGARO. Et toi, tu voudrais bien rester !<br><br>
CHÉRUBIN. Ah ! si je le voudrais !<br><br>
FIGARO. Il faut ruser. Point de murmure à ton départ. Le manteau de voyage à l'épaule ; arrange ouvertement ta trousse, et qu'on voie ton cheval à la grille ; un temps de galop jusqu'à la ferme ; reviens à pied par les derrières. Monseigneur te croira parti ; tiens-toi seulement hors de sa vue ; je me charge de l'apaiser après la fête.<br><br>
CHÉRUBIN. Mais Fanchette qui ne sait pas son rôle !<br><br>
BAZILE. Que diable lui apprenez-vous donc, depuis huit jours que vous ne la quittez pas ?<br><br>
FIGARO. Tu n'as rien à faire aujourd'hui : donne-lui, par grâce, une leçon.<br><br>
BAZILE. Prenez garde, jeune homme, prenez garde ! Le père n'est pas satisfait ; la fille a été souffletée ; elle n'étudie pas avec vous : Chérubin ! Chérubin ! vous lui causerez des chagrins ! Tant va la cruche à l'eau !...<br><br>
FIGARO. Ah ! voilà notre imbécile avec ses vieux proverbes ! Eh ! bien, pédant, que dit la sagesse des nations ? Tant va la cruche à l'eau, qu'à la fin...<br><br>
BAZILE. Elle s'emplit.<br><br>
FIGARO, en s'en allant. Pas si bête, pourtant, pas si bête !<br><br>
<a name="17"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > ACTE II" border="0" width="738" height="54"><br><br>
ACTE II<br><br>
Le théâtre représente une chambre à coucher superbe, un grand lit en alcôve, une estrade au-devant. La porte pour entrer s'ouvre et se ferme à la troisième coulisse à droite ; celle d'un cabinet, à la première coulisse à gauche.<br><br>
Une porte dans le fond va chez les femmes. Une fenêtre s'ouvre de l'autre côté.<br><br>
<a name="18"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > SCÈNE 1" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Scène 1<br><br>
SUZANNE, LA COMTESSE<br><br>
entrent par la porte à droite<br><br>
LA COMTESSE se jette dans une bergère. Ferme la porte, Suzanne, et conte-moi tout dans le plus grand détail.<br><br>
SUZANNE. Je n'ai rien Caché à Madame.<br><br>
LA COMTESSE. Quoi ! Suzon, il voulait te séduire ?<br><br>
SUZANNE. Oh ! que non ! Monseigneur n'y met pas tant de façon avec sa servante : il voulait m'acheter.<br><br>
LA COMTESSE. Et le petit page était présent ?<br><br>
SUZANNE. C'est-à-dire caché derrière le grand fauteuil. Il venait me prier de vous demander sa grâce.<br><br>
LA COMTESSE. Eh, pourquoi ne pas s'adresser à moi-même ? est-Ce que je l'aurais refusé, Suzon ?<br><br>
SUZANNE. C'est ce que j'ai dit : mais ses regrets de partir, et surtout de quitter Madame ! Ah ! Suzon, qu'elle est noble et belle ! mais qu'elle est imposante !<br><br>
LA COMTESSE. Est-ce que j'ai cet air-là, Suzon ? Moi qui l'ai toujours protégé.<br><br>
SUZANNE. Puis il. a vu votre ruban de nuit que je tenais : il s'est jeté dessus...<br><br>
LA COMTESSE, souriant. Mon ruban ?... Quelle enfance ! .<br><br>
SUZANNE. J'ai voulu le lui ôter ; madame, C'était un lion ; ses yeux brillaient... Tu ne l'auras qu'avec ma vie, disait-il en formant sa petite voix douce et grêle.<br><br>
LA COMTESSE, rêvant. Eh bien, Suzon ?<br><br>
SUZANNE. Eh bien, madame, est-ce qu'on peut titre finir ce petit démon-là ? Ma marraine par-ci ; je voudrais bien par l'autre ; et parce qu'il n'oserait seulement baiser la robe de Madame, il voudrait toujours m'embrasser, moi.<br><br>
LA COMTESSE, rêvant. Laissons... laissons ces folies... Enfin, ma pauvre Suzanne, mon époux a fini par te dire ?...<br><br>
SUZANNE. Que si je ne voulais pas l'entendre, il allait protéger Marceline.<br><br>
LA COMTESSE se lève et se promène en se servant fortement de l'éventail. Il ne m'aime plus du tout.<br><br>
SUZANNE. Pourquoi tant de jalousie ?<br><br>
LA COMTESSE. Comme tous les maris, ma Chère ! uniquement par orgueil. Ah ? je l'ai trop aimé l'je l'ai lassé de mes tendresses et fatigué de mon amour ; voilà mon seul tort avec lui : mais je n'entends pas que cet honnête aveu te nuise, et tu épouseras Figaro. Lui seul peut nous y aider : viendra-t-il ?<br><br>
SUZANNE. Dés qu'il verra partir la Chasse.<br><br>
LA COMTESSE, se servant de l'éventail. Ouvre un peu la croisée sur le jardin. Il fait une Chaleur ici ! ...<br><br>
SUZANNE. C'est que Madame parle et marche avec action. Elle va ouvrir la croisée du fond.<br><br>
LA COMTESSE, rêvant longtemps. sans cette Constance à me fuir... Les hommes sont bien Coupables !<br><br>
SUZANNE crie de la fenêtre. Ah ! voilà Monseigneur qui traverse à cheval le grand potager, suivi de PÉDRILLE, avec deux, trois, quatre lévriers.<br><br>
LA COMTESSE. Nous avons du temps devant nous. (Elle s'assied.) On frappe, Suzon ?<br><br>
SUZANNE court ouvrir en chantant. Ah ! C'est mon Figaro ! ah ! C'est mon Figaro !<br><br>
<a name="19"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > SCÈNE 2" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Scène 2<br><br>
FIGARO, SUZANNE, LA COMTESSE, assise<br><br>
SUZANNE. Mon Cher ami, viens donc ! Madame est dans une impatience ! ...<br><br>
FIGARO. Et toi, ma petite Suzanne ? - Madame n'en doit prendre aucune. Au fait, de quoi s'agit-il ? d'une misère. Monsieur le Comte trouve notre jeune femme aimable, il voudrait en faire sa maîtresse ; et c'est bien naturel.<br><br>
SUZANNE. Naturel ?<br><br>
FIGARO. Puis il m'a nommé courrier de dépêches, et Suzon conseiller d'ambassade. Il n'y a pas là d'étourderie.<br><br>
SUZANNE. Tu finiras ?<br><br>
FIGARO. Et parce que Suzanne, ma fiancée, n'accepte pas le diplôme, il va favoriser les vues de Marceline. Quoi de plus simple encore ? Se venger de ceux qui nuisent à nos projets en renversant les leurs, c'est ce que chacun nuit, ce que nous allons faire nous-mêmes. Eh bien, voilà tout pourtant.<br><br>
LA COMTESSE. Pouvez-vous, Figaro, traiter si légèrement un dessein qui nous coûte à tous le bonheur ?<br><br>
FIGARO. Qui dit cela, Madame ?<br><br>
SUZANNE. Au lieu de t'affliger de nos chagrins...<br><br>
FIGARO. N'est-ce pas assez que je m'en occupe ? Or, pour agir aussi méthodiquement que lui, tempérons d'abord son ardeur de nos possessions, en l'inquiétant sur les siennes.<br><br>
LA COMTESSE. C'est bien dit ; mais comment ?<br><br>
FIGARO. C'est déjà fait, madame ; un faux avis donné sur vous...<br><br>
LA COMTESSE. Sur moi ! La tête vous tourne !<br><br>
FIGARO. Oh ! c'est à lui qu'elle doit tourner.<br><br>
LA COMTESSE. Un homme aussi jaloux ! ...<br><br>
FIGARO. Tant mieux ; pour tirer parti de gens de ce caractère, il ne faut qu'un peu leur fouetter le sang ; c'est ce que les femmes entendent si bien ! Puis les tient-on fâchés tout rouge, avec un brin d'intrigue on les mène où l'on veut, par le nez, dans le Guadalquivir. Je vous ai fait rendre à BAZILE un billet inconnu, lequel avertit Monseigneur qu'un galant doit chercher à vous voir aujourd'hui pendant le bal.<br><br>
LA COMTESSE. Et vous vous jouez ainsi de la vérité sur le compte d'une femme d'honneur ! ...<br><br>
FIGARO. Il y en a peu, madame, avec qui je l'eusse osé, crainte de rencontrer juste.<br><br>
LA COMTESSE. Il faudra que je l'en remercie !<br><br>
FIGARO. Mais, dites-moi s'il n'est pas charmant de lui avoir taillé ses morceaux de la journée, de façon qu'il passe à rôder, à jurer après sa dame, le temps qu'il destinait à se complaire avec la nôtre ? Il est déjà tout dérouté : galopera-t-il celle-ci ? surveillera-t-il celle-là ?<br><br>
Dans son trouble d'esprit, tenez, tenez, le voilà qui court la plaine, et force un lièvre qui n'en peut mais. L'heure du mariage arrive en poste, il n'aura pas pris de parti contre, et jamais il n'osera s'y opposer devint Madame.<br><br>
SUZANNE. Non ; mais Marceline, le bel esprit, osera le faire, elle.<br><br>
FIGARO. Brrrr ! Cela m'inquiète bien, ma foi ! Tu feras dire à Monseigneur que tu te rendras sur la brune au jardin.<br><br>
SUZANNE. Tu Comptes sur celui-là ?<br><br>
FIGARO. Oh dame ! écoutez donc, les gens qui ne veulent rien faire de rien n'avancent rien et ne sont bons à rien. Voilà mon mot.<br><br>
SUZANNE. Il est joli !<br><br>
LA COMTESSE. Comme son idée. Vous Consentiriez qu'elle s'y rendît ?<br><br>
FIGARO. Point du tout. Je fais endosser un habit de Suzanne à quelqu'un : surpris par nous au rendez-vous, le Comte pourra-t-il s'en dédire ?<br><br>
SUZANNE. A qui mes habits ?<br><br>
FIGARO. Chérubin.<br><br>
LA COMTESSE. Il est parti.<br><br>
FIGARO. Non pas pour moi. Veut-on me laisser faire ?<br><br>
SUZANNE. On peut s'en fier à lui pour mener une intrigue.<br><br>
FIGARO. Deux, trois, quatre à la fois ; bien embrouillées, qui se croisent. J'étais né pour être courtisan.<br><br>
SUZANNE. On dit que c'est un métier si difficile !<br><br>
FIGARO. Recevoir, prendre et demander, voilà le Secret en trois mots.<br><br>
LA COMTESSE. Il a tant d'assurance qu'il finit par m'en inspirer.<br><br>
FIGARO. C'est mon dessein.<br><br>
SUZANNE. Tu disais donc ?<br><br>
FIGARO. Que pendant l'absence de Monseigneur je vais vous envoyer le Chérubin ; coiffiez-le, habillez-le ; je le renferme et l'endoctrine ; et puis dansez, Monseigneur.<br><br>
Il sort.<br><br>
<a name="20"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > SCÈNE 3" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Scène 3<br><br>
SUZANNE, LA COMTESSE, assise<br><br>
LA COMTESSE, tenant sa boîte à mouches. Mon Dieu, Suzon, comme je suis faite ! ... Ce jeune homme qui va venir !... .<br><br>
SUZANNE. Madame ne veut donc pas qu'il en réchappe ?<br><br>
LA COMTESSE rêve devant sa petite glace. Moi ?... Tu verras comme je vais le gronder.<br><br>
SUZANNE. Faisons-lui Chanter sa romance.<br><br>
Elle la met sur la Comtesse.<br><br>
LA COMTESSE. Mais C'est qu'en vérité mes cheveux sont dans un désordre...<br><br>
SUZANNE, riant. Je n'ai qu'à reprendre ces deux boucles, Madame le grondera bien mieux.<br><br>
LA COMTESSE, revenant à elle. Qu'est-ce que vous dites donc, mademoiselle ?<br><br>
<a name="21"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > SCÈNE 4" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Scène 4<br><br>
CHÉRUBIN, l'air honteux, SUZANNE,<br><br>
LA COMTESSE, assise<br><br>
SUZANNE. Entrez, monsieur l'officier ; on est visible.<br><br>
CHÉRUBIN avance en tremblant. Ah ! que ce nom m'afflige, madame ! il m'apprend qu'il faut quitter les lieux... une marraine si... bonne ! ...<br><br>
SUZANNE. Et si belle !<br><br>
CHÉRUBIN, avec un soupir. Ah ! oui.<br><br>
SUZANNE le contrefait. Ah ! oui. Le bon jeune homme ! avec ses longues paupières hypocrites. Allons, bel oiseau bleu, chantez la romance à Madame.<br><br>
LA COMTESSE la déplie. De qui... dit-on qu'elle est ?<br><br>
SUZANNE. Voyez la rouleur du Coupable : en a-t-il un pied sur les joues ?<br><br>
CHÉRUBIN. Est-ce qu'il est détendu... de Chérir ?...<br><br>
SUZANNE lui met le poing sous le nez. Je dirai tout, vaurien !<br><br>
LA COMTESSE. Là... Chante-t-il ?<br><br>
CHÉRUBIN. Oh ! madame, je suis si tremblant ! ...<br><br>
SUZANNE, en riant. Et gnian, gnian, gnian, gnian, gnian, gnian, gnian ; dès que Madame le veut, modeste auteur ! Je vais l'accompagner.<br><br>
LA COMTESSE. Prends ma guitare.<br><br>
La Comtesse assise tient le papier pour suivre.<br><br>
Suzanne est derrière son fauteuil, et prélude, en regardant la musique par-dessus sa maîtresse. Le petit page est devant elle, les yeux baissés. Ce tableau est juste la belle estampe, d'après vanloo, appelée “ La Conversation espagnole ”.<br><br>
ROMANCE<br><br>
AIR ! Marlbroug s'en va-t-en guerre<br><br>
PREMIER COUPLET<br><br>
Mon Coursier hors d'haleine,<br><br>
(Que mon Coeur, mon Coeur a de peine !)<br><br>
J'errais de plaine en plaine,<br><br>
Au gré du destrier.<br><br>
DEUXIÈME COUPLET<br><br>
Au gré du destrier,<br><br>
Sans varlet, n'écuyer ;<br><br>
Là près d'une fontaine,<br><br>
(Que mon Coeur, mon Coeur a de peine !)<br><br>
Songeant à ma marraine.<br><br>
Sentais mes pleurs couler.<br><br>
TROISIÈME COUPLET<br><br>
Sentais mes pleurs couler,<br><br>
Prêt à me désoler,<br><br>
Je gravais sur un frêne,<br><br>
(Que mon Coeur, mon coeur a de peine ?)<br><br>
Sa lettre sans la mienne ;<br><br>
Le roi vint à passer.<br><br>
QUATRIÈME COUPLET<br><br>
Le roi vint à passer,<br><br>
Ses barons, son clergé.<br><br>
Beau page, dit la reine,<br><br>
(Que mon Coeur, mon Coeur a de peine ! )<br><br>
Qui vous met à la gêne ?<br><br>
Qui vous fait tant pleurer ?<br><br>
CINQUIÈME COUPLET<br><br>
Qui vous fait tant pleurer ?<br><br>
Nous faut le déclarer.<br><br>
Madame et souveraine,<br><br>
(Que mon Coeur, mon coeur a de peine ! )<br><br>
J'avais une marraine,<br><br>
Que toujours adorait.<br><br>
SIXIÈME COUPLET<br><br>
Que toujours adorai ;<br><br>
Je sens que j'en mourrai.<br><br>
Beau page, dit la reine,<br><br>
(Que mon Coeur, mon Coeur a de peine !)<br><br>
N'est-il qu'une marraine ?<br><br>
Je vous en servirai.<br><br>
SEPTIÈME COUPLET<br><br>
Je vous en servirai ;<br><br>
Mon page vous ferai ;<br><br>
Puis à ma jeune Hélène,<br><br>
(Que mon Coeur, mon Coeur a de peine ?)<br><br>
Fille d'un Capitaine,<br><br>
Un jour vous marierai.<br><br>
HUITIÈME COUPLET<br><br>
Un jour vous marierai,<br><br>
Nenni, n'en faut parler ! .<br><br>
Je veux, traînant ma chaîne,<br><br>
(Que mon coeur, mon coeur a de peine ! )<br><br>
Mourir de cette peine<br><br>
Mais non m'en consoler.<br><br>
LA COMTESSE. Il y a de la naïveté... du sentiment même.<br><br>
SUZANNE va poser la guitare sur un fauteuil. Oh ! pour du sentiment, c'est un jeune homme qui... Ah çà, monsieur l'officier, vous a-t-on dit que pour égayer la soirée nous voulons savoir d'avance si un de mes habits vous ira passablement ?<br><br>
LA COMTESSE. J'ai peur que non.<br><br>
SUZANNE se mesure avec lui. Il est de ma grandeur. Ôtons d'abord le manteau.<br><br>
Elle le détache.<br><br>
LA COMTESSE. Et si quelqu'un entrait ?<br><br>
SUZANNE. Est-ce que nous fusons du mû donc ? Je vais fermer la porte (elle court) ; mais c'est la coiffure que je veux voir.<br><br>
LA COMTESSE. Sur ma toilette, une baigneuse à moi.<br><br>
Suzanne entre dans le cabinet dont la porte est au bord du théâtre.<br><br>
<a name="22"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > SCÈNE 5" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Scène 5<br><br>
CHÉRUBIN, LA COMTESSE, assise<br><br>
LA COMTESSE. Jusqu'à l'instant du bal le Comte ignorera que vous soyez au château. Nous lui dirons après que le temps d'expédier votre brevet nous a fait naître l'idée...<br><br>
CHÉRUBIN le lui montrant. Hélas ! madame, le voici !<br><br>
BAZILE me l'a remis de sa part.<br><br>
LA COMTESSE. Déjà ? L'on a craint d'y perdre une minute.<br><br>
(Elle lit.) Ils se sont tant pressés, qu'ils ont oublié d'y mettre son cachet.<br><br>
Elle le lui rend.<br><br>
<a name="23"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > SCÈNE 6" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Scène 6<br><br>
CHÉRUBIN, LA COMTESSE,SUZANNE<br><br>
SUZANNE entre avec un grand bonnet. Le cachet, à quoi ?<br><br>
LA COMTESSE. A son brevet.<br><br>
SUZANNE. Déjà ?<br><br>
LA COMTESSE. C'est ce que je disais. Est-ce là ma baigneuse ?<br><br>
SUZANNE s'assied près de la Comtesse. Et la plus belle de toutes. (Elle chante avec des épingles dans sa bouche.) Tournez-vous donc envers ici,<br><br>
Jean de Lyra, mon bel ami. Chérubin se met à genoux. Elle le coiffe. Madame, il est Charmant !<br><br>
LA COMTESSE. Arrange son collet d'un air un peu plus féminin.<br><br>
SUZANNE l'arrange. Là... Mais voyez donc ce morveux, comme il est joli en fille ! j'en suis jalouse, moi ! (Elle lui prend le menton. ) Voulez-vous bien n'être pas joli comme ça ?<br><br>
LA COMTESSE. Qu'elle est folle ! il faut relever la manche, afin que l'amadisi prenne mieux... (Elle le retrousse.) Qu'est-ce qu'il a donc au bras ? Un ruban !<br><br>
SUZANNE. Et un ruban à vous. Je suis bien aise que Madame l'ait vu. Je lui avais dit que je le dirais, déjà ! Oh ! si Monseigneur n'était pas venu, j'aurais bien repris le ruban ; car je suis presque aussi forte que lui.<br><br>
LA COMTESSE. Il y a du Sang !<br><br>
Elle détache le ruban.<br><br>
CHÉRUBIN, honteux. Ce matin, comptant partir, j'arrangeais la gourmette de mon cheval ; il a donné de la tête, et la bossette m'a effleuré le bras.<br><br>
LA COMTESSE. On n'a jamais mis un ruban...<br><br>
SUZANNE. Et surtout un ruban volé. - Voyons donc ce que la bossette... la courbette... la cornette du cheval... Je n'entends tien à tous ces noms-là - Ah ! qu'il a le bras blanc ; c'est comme une femme ! plus blanc que le mien ! Regardez donc, madame ! Elle les compare.<br><br>
LA COMTESSE, d'un ton glacé. Occupez-vous plutôt de m'avoir du taffetas gommé dans ma toilette. Suzanne lui pousse la tête en riant ; il tombe sur les deux mains. Elle entre dans le cabinet au bord du théâtre.<br><br>
<a name="24"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > SCÈNE 7" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Scène 7<br><br>
CHÉRUBIN, à genoux, LA COMTESSE assise<br><br>
LA COMTESSE reste un moment sans parler, les yeux sur son ruban. Chérubin la dévore de ses regards. Pour mon ruban, monsieur... comme c'est celui dont la couleur m'agrée le plus... j'étais fort en colère de l'avoir perdu.<br><br>
<a name="25"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > SCÈNE 8" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Scène 8<br><br>
CHÉRUBIN, à genoux, LA COMTESSE, assise,<br><br>
SUZANNE<br><br>
SUZANNE, revenant. Et la ligature à son bras ? Elle remet à la Comtesse du taffetas gommé et des ciseaux.<br><br>
LA COMTESSE. En allant lui chercher tes hardes, prends le ruban d'un autre bonnet.<br><br>
Suzanne son par la porte du fond, en emportant le manteau du page.<br><br>
<a name="26"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > SCÈNE 9" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Scène 9<br><br>
CHÉRUBIN, à genoux, LA COMTESSE, assise<br><br>
CHÉRUBIN, les yeux baissés. Celui qui m'est ôté m'aurait guéri en moins de rien.<br><br>
LA COMTESSE. Par quelle vertu ? (Lui montrant le taffetas.) Cela vaut mieux.<br><br>
CHÉRUBIN, hésitant. Quand un ruban... a serré la tête... ou touché la peau d'une personne...<br><br>
LA COMTESSE, coupant la phrase. ... Étrangère, il devient bon pour les blessures ? J'ignorais cette propriété. Pour l'éprouver, je garde celui-ci qui vous a serré le bras. A la première égratignure... de mes femmes, j'en ferai l'essai.<br><br>
CHÉRUBIN, pénétré. Vous le gardez, et moi je pars.<br><br>
LA COMTESSE. Non pour toujours.<br><br>
CHÉRUBIN. Je suis si malheureux !<br><br>
LA COMTESSE, émue. Il pleure à présent ! C'est ce vilain Figaro avec son pronostic !<br><br>
CHÉRUBIN, exalté. Ah ! je voudrais toucher au terme qu'il m'a prédit ! Sûr de mourir à l'instant, peut-être ma bouche oserait...<br><br>
LA COMTESSE L'interrompt et lui essuie les yeux avec son mouchoir. Taisez-vous, taisez-vous, enfant ! Il n'y a pas un brin de raison dans tout ce que vous dites. (On frappe à la porte ; elle élève la voix. ) Qui frappe ainsi chez moi ?<br><br>
<a name="27"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > SCÈNE 10" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Scène 10<br><br>
CHÉRUBIN, LA COMTESSE, LE COMTE, en dehors<br><br>
LE COMTE, en dehors. Pourquoi donc enfermée ?<br><br>
LA COMTESSE, troublée, se lève. C'est mon époux ! grands dieux ! (A Chérubin qui s'est levé aussi.) Vous, sans manteau, le Col et les bras nus ! seul avec moi ! cet air de désordre, un billet reçu, sa jalousie ! ...<br><br>
LE COMTE, en dehors. Vous n'ouvrez pas ?<br><br>
LA COMTESSE. C'est que... je suis seule.<br><br>
LE COMTE, en dehors. Seule ! Avec qui parlez-vous donc ?<br><br>
LA COMTESSE, cherchant. ... Avec vous sans doute.<br><br>
CHÉRUBIN, à pan. Après les scènes d'hier et de ce matin, il me tuerait sur la place !<br><br>
Il court au cabinet de toilette, y entre, et tire la porte sur lui.<br><br>
<a name="28"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > SCÈNE 11" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Scène 11<br><br>
LA COMTESSE, seule,<br><br>
en ôte la clef et court ouvrir au Comte<br><br>
Ah ! quelle faute ! quelle faute !<br><br>
<a name="29"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > SCÈNE 12" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Scène 12<br><br>
LE COMTE, LA COMTESSE<br><br>
LE COMTE, un peu sévère. Vous n'êtes pas dans l'usage de vous enfermer !<br><br>
LA COMTESSE, troublée. Je... je Chiffonnais... oui, je chiffonnais avec Suzanne ; elle est passée un moment chez elle.<br><br>
LE COMTE l'examine. Vous avez l'air et le ton bien altérés !<br><br>
LA COMTESSE. Cela n'est pas étonnant... pas étonnant du tout... je vous assure... nous parlions de vous... Elle est passée, comme je vous dis...<br><br>
LE COMTE. Vous parliez de moi ! ... Je suis ramené par l'inquiétude ; en montant à cheval, un billet qu'on m'a remis, mais auquel je n'ajoute aucune foi, m'a... pourtant agité.<br><br>
LA COMTESSE. Comment, monsieur ?... quel billet ?<br><br>
LE COMTE. Il faut avouer, madame, que vous ou moi sommes entourés d'êtres... bien méchants ! On me donne avis que, dans la journée, quelqu'un que je crois absent doit chercher à vous entretenir.<br><br>
LA COMTESSE. Quel que soit cet audacieux, il faudra qu'il pénètre ici ; Car mon projet est de ne pas quitter ma Chambre de tout le jour.<br><br>
LE COMTE. Ce soir, pour la noce de Suzanne ?<br><br>
LA COMTESSE. Pour tien au monde ; je suis très incommodée.<br><br>
LE COMTE. Heureusement le docteur est ici. (Le page fait tomber une chaise dans le cabinet.) Quel bruit entends-je ?<br><br>
LA COMTESSE, plus troublée. Du bruit ?<br><br>
LE COMTE. On a fait tomber un meuble.<br><br>
LA COMTESSE. Je... je n'ai rien entendu, pour moi.<br><br>
LE COMTE. Il faut que vous soyez furieusement préoccupée !<br><br>
LA COMTESSE. Préoccupée ! de quoi ?<br><br>
LE COMTE. Il y a quelqu'un dans ce cabinet, madame.<br><br>
LA COMTESSE. Eh... qui voulez-vous qu'il y ait, monsieur ?<br><br>
LE COMTE. C'est moi qui vous le demande ; j'arrive.<br><br>
LA COMTESSE. Eh mais... Suzanne apparemment qui range.<br><br>
LE COMTE. Vous avez dit qu'elle était passée Chez elle !<br><br>
LA COMTESSE. Passée... ou entrée là ; je ne sais lequel.<br><br>
LE COMTE. Si C'est Suzanne, d'où vient le trouble où je vous vois ?<br><br>
LA COMTESSE. Du trouble pour ma Camariste ?<br><br>
LE COMTE. Pour votre Camariste, je ne sais ; mais pour du trouble, assurément.<br><br>
LA COMTESSE. Assurément, monsieur, Cette fille vous trouble et vous occupe beaucoup plus que moi.<br><br>
LE COMTE, en colère. Elle m'occupe à tel point, madame, que je veux la voir à l'instant.<br><br>
LA COMTESSE. Je crois, en effet, que vous le voulez souvent : mais voilà bien les soupçons les moins fondés...<br><br>
<a name="30"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > SCÈNE 13" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Scène 13<br><br>
LE COMTE, LA COMTESSE, SUZANNE,<br><br>
entre avec des hardes et pousse la porte du fond<br><br>
LE COMTE. Ils en seront plus aisés à détruire. (Il parle au cabinet.) Sortez, Suzon, je vous l'ordonne !<br><br>
Suzanne s'arrête auprès de l'alcôve dans le fond.<br><br>
LA COMTESSE. Elle est presque nue, monsieur ; vient-on troubler ainsi des femmes dans leur retraite ? Elle essayait des hardes que je lui donne en la mariant ; elle s'est enfuie quand elle vous a entendu.<br><br>
LE COMTE. Si elle craint tant de se montrer, au moins elle peut parler. (Il se tourne vers la porte du cabinet.) Répondez-moi, Suzanne ; êtes-vous dans ce cabinet ? Suzanne, restée au fond, se jette dans l'alcôve et s'y cache.<br><br>
LA COMTESSE, vivement, tournée vers le cabinet. Suzon, je vous défends de répondre. (Au comte.) On n'a jamais poussé si loin la tyrannie !<br><br>
LE COMTE s'avance vers le cabinet. Oh ! bien, puisqu'elle ne parle pas, vêtue ou non, je la verrai.<br><br>
LA COMTESSE se met au-devant. Partout ailleurs je ne puis l'empêcher... mais j'espère aussi que Chez moi...<br><br>
LE COMTE. Et moi j'espère savoir dans un moment quelle est cette Suzanne mystérieuse. Vous demander la clef serait, je le vois, inutile ; mais il est un moyen sûr de jeter en dedans cette légère porte. Holà ! quelqu'un !<br><br>
LA COMTESSE. Attirer vos gens, et faire un scandale public d'un soupçon qui nous rendrait la fable du château ?<br><br>
LE COMTE. Fort bien, madame. En effet, j'y suffirai ; je vais à l'instant prendre chez moi ce qu'il faut... (Il marche pour sortir, et revient.) Mais, pour que tout reste au même état, voudrez-vous bien m'accompagner sans scandale et sans bruit, puisqu'il vous déplaît tant ?.., Une chose aussi simple, apparemment, ne me sera pas refusée !<br><br>
LA COMTESSE, troublée. Eh ! monsieur, qui songe à vous contrarier ?<br><br>
LE COMTE. Ah ! j'oubliais la porte qui va chez vos femmes ; il faut que je la ferme aussi, pour que vous soyez pleinement justifiée.<br><br>
Il va fermer la parte du fond et en ôte la clef<br><br>
LA COMTESSE, à part. Ô ciel ! étourderie funeste !<br><br>
LE COMTE, revenant à elle. Maintenant que cette chambre est close, acceptez mon bras, je vous prie ; (il élève la voix) et quant à la Suzanne du cabinet, il faudra qu'elle ait la bonté de m'attendre ; et le moindre mal qui puisse lui arriver à mon retour...<br><br>
LA COMTESSE. En vérité, monsieur, voilà bien la plus odieuse aventure...<br><br>
Le Comte l'emmène et ferme la porte à la clef.<br><br>
<a name="31"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > SCÈNE 14" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Scène 14<br><br>
SUZANNE, CHÉRUBIN<br><br>
SUZANNE sort de l'alcôve, accourt vers le cabinet et parle à travers la serrure. Ouvrez, Chérubin, ouvrez vite, c'est Suzanne ; ouvrez et sortez.<br><br>
CHÉRUBIN sorti. Ah ! Suzon, quelle horrible scène !<br><br>
SUZANNE. Sortez, vous n'avez pas une minute.<br><br>
CHÉRUBIN, effrayé. Eh, par où sortir ?<br><br>
SUZANNE. Je n'en sais rien, mais sortez.<br><br>
CHÉRUBIN. S'il n'y a pas d'issue ?<br><br>
SUZANNE. Après la rencontre de tantôt, il vous écraserait, et nous serions perdues. - Courez Conter à Figaro...<br><br>
CHÉRUBIN. La fenêtre du jardin n'est peut-être pas bien haute.<br><br>
Il court y regarder.<br><br>
SUZANNE, avec effroi. Un grand étage ! impossible ! Ah ! ma pauvre maîtresse ! Et mon mariage, à Ciel !<br><br>
CHÉRUBIN revient. Elle donne sur la melonniére ; quitte à gâter une couche ou deux.<br><br>
SUZANNE le retient et s'écrie. Il va se tuer !<br><br>
CHÉRUBIN, exalté. Dans un gouffre allumé, Suzon ! oui. Je m'y jetterais plutôt que de lui nuire... Et ce baiser va me porter bonheur.<br><br>
Il l'embrasse et court sauter par la fenêtre.<br><br>
<a name="32"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > SCÈNE 15" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Scène 15<br><br>
SUZANNE, seule, un cri de frayeur<br><br>
Ah !... (Elle tombe assise un moment. Elle va péniblement regarder à la fenêtre et revient.) Il est déjà bien loin. Oh ! le petit garnement ! Aussi leste que joli ! Si celui-là manque de femmes... Prenons sa place au plus<br><br>
tôt. (En entrant dans le cabinet.) Vous pouvez à prirent, monsieur le Comte, rompre la Cloison, si cela vous amuse ; au diantre qui répond un mot !<br><br>
Elle s'y enferme.<br><br>
<a name="33"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > SCÈNE 16" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Scène 16<br><br>
LE COMTE, LA COMTESSE rentrent dans la chambre<br><br>
LE COMTE, une pince à la main qu'il jette sur le fauteuil. Tout est bien comme je l'ai laissé. Madame, en m'exposant à briser cette porte, réfléchissez aux suites : encore une fois, voulez-vous l'ouvrir ?<br><br>
LA COMTESSE. Eh ! monsieur, quelle horrible rumeur peut altérer ainsi les égards entre deux époux ? Si l'amour vous dominait au point de vous inspirer ces filreurs, malgré leur déraison, je les excuserais ; j'oublierais peut-être, en faveur du motif ce qu'elles ont d'offensant pour moi. Mais la seule vanité peut-elle jeter dans ces excès un galant homme ?<br><br>
LE COMTE. Amour ou vanité, vous ouvrirez la porte ; ou je vais à l'instant...<br><br>
LA COMTESSE, au devant. Arrêtez, monsieur, je vous prie ! Me croyez-vous capable de manquer à ce que je me dois ?<br><br>
LE COMTE. Tout ce qu'il vous plaira, madame ; mais je verrai qui est dans ce cabinet.<br><br>
LA COMTESSE, effrayée. Eh bien, monsieur, vous le verrez. Écoutez-moi... tranquillement.<br><br>
LE COMTE. Ce n'est donc pas Suzanne ?<br><br>
LA COMTESSE, timidement. Au moins n'est-ce pas non plus une personne... dont vous deviez rien redouter... Nous disposions une plaisanterie... bien innocente, en vérité, pour ce soir ; et je vous jure...<br><br>
LE COMTE. Et vous me jurez ?...<br><br>
LA COMTESSE. Que nous n'avions pas plus dessein de vous offenser l'un que l'autre.<br><br>
LE COMTE, vite. L'un que l'autre ? C'est un homme.<br><br>
LA COMTESSE. Un enfant, monsieur.<br><br>
LE COMTE. Eh ! qui donc ?<br><br>
LA COMTESSE. A peine osé-je le nommer !<br><br>
LE COMTE, furieux. Je le tuerai.<br><br>
LA COMTESSE. Grands dieux !<br><br>
LE COMTE. Parlez donc !<br><br>
LA COMTESSE. Ce jeune... Chérubin...<br><br>
LE COMTE. Chérubin ! l'insolent ! Voilà mes soupçons et le billet expliqués.<br><br>
LA COMTESSE, joignant les mains. Ah ! monsieur ! gardez de penser...<br><br>
LE COMTE, frappant du pied, à part. Je trouverai partout ce maudit page ! (Haut.) Allons, madame, ouvrez ; je sais tout maintenant. Vous n'auriez pas été si émue, en le congédiant ce matin ; il serait parti quand je l'ai ordonné ; vous n'auriez pas mis tant de fausseté dans votre conte de Suzanne, il ne se serait pas si soigneusement caché, s'il n'y avait rien de criminel.<br><br>
LA COMTESSE. Il a craint de vous irriter en se montrant.<br><br>
LE COMTE, hors de lui, et criant tourné vers le cabinet. Sors donc, petit malheureux !<br><br>
LA COMTESSE le prend à bras-le-corps, en l'éloignant. Ah ! monsieur, monsieur, votre colère me fait trembler pour lui. N'en croyez pas un injuste soupçon, de grâce ! et que le désordre où vous l'allez trouver...<br><br>
LE COMTE. Du désordre !<br><br>
LA COMTESSE. Hélas, oui ! Prêt à s'habiller en femme, une coiffure à moi sur la tête, en veste et sans manteau, le col ouvert, les bras nus : il allait essayer...<br><br>
LE COMTE. Et vous vouliez garder votre chambre ! Indigne épouse ! ah ? vous la garderez... longtemps ; mais il faut avant que j'en chasse un insolent, de manieur à ne plus le rencontrer nulle part.<br><br>
LA COMTESSE se jette à genoux, les bras élevés. Monsieur le Comte, épargnez un enfant ; je ne me consolerais pas d'avoir causé...<br><br>
LE COMTE. Vos frayeurs aggravent son crime.<br><br>
LA COMTESSE. Il n'est pas Coupable, il partait : C'est moi qui l'ai fait appeler.<br><br>
LE COMTE, furieux. Levez-vous. Ôtez-vous... Tu es bien audacieuse d'oser me parler pour un autre !<br><br>
LA COMTESSE. Eh bien ! je m'Ôterai, monsieur, je me lèverai ; je vous remettrai même la clef du cabinet : mais, au nom de votre amour...<br><br>
LE COMTE. De mon amour, perfide !<br><br>
LA COMTESSE se lève et lui présente la clef Promettez-moi que vous laisserez aller cet enfant sans lui titre aucun mal ; et puisse, après, tout votre courroux tomber sur moi, si je ne vous convaincs pas...<br><br>
LE COMTE, prenant la clef Je n'écoute plus rien.<br><br>
LA COMTESSE se jette sur une bergère, un mouchoir sur les yeux. Ô ciel ! il va périr !<br><br>
LE COMTE Ouvre la porte et recule. C'est Suzanne !<br><br>
<a name="34"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > SCÈNE 17" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Scène 17<br><br>
LA COMTESSE, LE COMTE, SUZANNE<br><br>
SUZANNE son en riant. Je le tuerai, je le tuerai ! Tuez-le donc, ce méchant page.<br><br>
LE COMTE, à part. Ah ? quelle école ? (Regardant la Comtesse qui est restée stupéfaite.) Et vous aussi, vous jouez l'étonnement ?... Mais peut-être elle n'y est pas seule.<br><br>
Il entre.<br><br>
<a name="35"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > SCÈNE 18" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Scène 18<br><br>
LA COMTESSE, assise, SUZANNE .<br><br>
SUZANNE accourt à sa maîtresse. Remettez-vous, madame ; il est bien loin ; il a fait un saut...<br><br>
LA COMTESSE. Ah ! Suzon ! je suis morte !<br><br>
<a name="36"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > SCÈNE 19" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Scène 19<br><br>
LA COMTESSE, assise, SUZANNE, LE COMTE<br><br>
LE COMTE sort du cabinet d'un air confus. Après un court silence. Il n'y a personne, et pour le coup j'ai tort.<br><br>
- Madame... vous jouez fort bien la comédie.<br><br>
SUZANNE, gaiement. Et moi, Monseigneur ? La Comtesse, son mouchoir sur la bouche, pour se remettre, ne parle pas.<br><br>
LE COMTE s'approche. Quoi ! madame, vous plaisantiez ?<br><br>
LA COMTESSE, se remettant un peu. Eh pourquoi non, monsieur ? .<br><br>
LE COMTE. Quel affreux badinage ! et par quel motif je vous prie... ?<br><br>
LA COMTESSE. Vos folies méritent-elles de la pitié ?<br><br>
LE COMTE. Nommer folies ce qui touche à l'honneur !<br><br>
LA COMTESSE, assurant son ton par degrés. Me suis-je unie à vous pour être éternellement dévouée à l'abandon et à la jalousie, que vous seul osez concilier ?<br><br>
LE COMTE. Ah ! madame, c'est sans ménagement.<br><br>
SUZANNE. Madame n'avait qu'à vous laisser appeler les gens.<br><br>
LE COMTE. Tu as raison, et c'est à moi de m'humilier... Pardon, je suis d'une confusion ! ...<br><br>
SUZANNE. Avouez, monseigneur, que vous la méritez un peu !<br><br>
LE COMTE. Pourquoi donc ne sortais-tu pas lorsque je t'appelais ? Mauvaise !<br><br>
SUZANNE. Je me rhabillais de mon mieux, à grand renfort d'épingles ; et Madame, qui me le défendait, avait bien ses raisons pour le faire.<br><br>
LE COMTE. Au lieu de rappeler mes torts, aide-moi plutôt à l'apaiser.<br><br>
LA COMTESSE. Non, monsieur ; un pareil outrage ne se couvre point. Je vais me retirer aux Ursulines, et je vois trop qu'il en est temps.<br><br>
LE COMTE. Le pourriez-vous sans quelques regrets ?<br><br>
SUZANNE. Je suis sûre, moi, que le jour du départ serait la veille des larmes.<br><br>
LA COMTESSE. Eh ! quand cela Serait, Suzon ? j'aime mieux le regretter que d'avoir la bassesse de lui pardonner ; il m'a trop offensée.<br><br>
LE COMTE. Rosine ! ...<br><br>
LA COMTESSE. Je ne la suis plus, Cette Rosine que vous avez tant poursuivie ! Je suis la pauvre comtesse Almaviva, la triste femme délaissée, que vous n'aimez plus.<br><br>
SUZANNE. Madame !<br><br>
LE COMTE, suppliant. Par pitié !<br><br>
LA COMTESSE. Vous n'en aviez aucune pour moi.<br><br>
LE COMTE. Mais aussi Ce billet... Il m'a tourné le sang !<br><br>
LA COMTESSE. Je n'avais pas consenti qu'on l'écrivît.<br><br>
LE COMTE. Vous le saviez ?<br><br>
LA COMTESSE. C'est cet étourdi de Figaro...<br><br>
LE COMTE. Il en était ?<br><br>
LA COMTESSE. ... qui l'a remis à BAZILE.<br><br>
LE COMTE. Qui m'a dit le tenir d'un paysan. Ô perfide chanteur, lame à deux tranchants ! C'est toi qui payeras pour tout le monde.<br><br>
LA COMTESSE. Vous demandez pour vous un pardon que vous refusez aux autres : voilà bien les hommes ! Ah ! si jamais je consentais à pardonner en faveur de l'erreur où vous a jeté ce billet, j'exigerais que l'amnistie fût générale.<br><br>
LE COMTE. Eh bien, de tout mon Coeur, Comtesse. Mais comment réparer une faute aussi humiliante ?<br><br>
LA COMTESSE se lève. Elle l'était pour tous deux.<br><br>
LE COMTE. Ah ! dites pour moi seul. - Mais je suis encore à concevoir comment les femmes prennent si vite et si juste l'air et le ton des circonstances. Vous rougissiez, vous pleuriez, votre visage était défait... D'honneur, il l'est encore.<br><br>
LA COMTESSE, s'efforçant de sourire. Je rougirais... du ressentiment de vos soupçons. Mais les hommes sont-ils assez délicats pour distinguer l'indignation d'une âme honnête outrage, d'avec la confusion qui naît d'une accusation méritée ?<br><br>
LE COMTE, souriant. Et ce page en désordre, en veste et presque nu...<br><br>
LA COMTESSE, montrant Suzanne. Vous le voyez devant vous. N'aimez-vous pas mieux l'avoir trouvé que l'autre ? En général vous ne haïssez pas de rencontrer celui-ci.<br><br>
LE COMTE, riant plus fort : Et ces prières, ces larmes feintes...<br><br>
LA COMTESSE. Vous me faites rire, et j'en ai peu d'envie.<br><br>
LE COMTE. Nous croyons valoir quelque chose en politique, et nous ne sommes que des enfants. C'est vous, c'est vous, madame, que le Roi devrait envoyer en ambassade à Londres ! Il faut que votre sexe ait fait une étude bien réfléchie de l'art de se composer, pour réussir à ce point !<br><br>
LA COMTESSE. C'est toujours vous qui nous y forcez.<br><br>
SUZANNE. Laissez-nous prisonniers sur parole, et vous verrez si nous sommes gens d'honneur.<br><br>
LA COMTESSE. Brisons là, monsieur le Comte. J'ai peut-être été trop loin ; mais mon indulgence en un cas aussi grave doit au moins m'obtenir la vôtre.<br><br>
LE COMTE. Mais vous répéterez que vous me pardonnez.<br><br>
LA COMTESSE. Est-ce que je l'ai dit, Suzon ?<br><br>
SUZANNE. Je ne l'ai pas entendu, madame.<br><br>
LE COMTE. Eh bien ! que ce mot vous échappe.<br><br>
LA COMTESSE. Le méritez,vous donc, ingrat ?<br><br>
LE COMTE. Oui, par mon repentir.<br><br>
SUZANNE. Soupçonner un homme dans le Cabinet de Madame !<br><br>
LE COMTE. Elle m'en a si sévèrement puni !<br><br>
SUZANNE. Ne pas s'en fier à elle, quand elle dit que c'est sa camariste !<br><br>
LE COMTE. Rosine, êtes,vous donc implacable ?<br><br>
LA COMTESSE. Ah ! Suzon, que je suis faible ! quel exemple je te donne ! (Tendant la main au Comte.) On ne croira plus à la colère des femmes.<br><br>
SUZANNE. Bon, madame, avec eux ne faut-il pas toujours en venir là ?<br><br>
Le Comte baise ardemment la main de sa femme.<br><br>
<a name="37"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > SCÈNE 20" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Scène 20<br><br>
SUZANNE, FIGARO, LA COMTESSE, LE COMTE<br><br>
FIGARO, arrivant tout essoufflé. On disait Madame incommodée. Je suis vite accouru... je vois avec joie qu'il n'en est rien.<br><br>
LE COMTE, sèchement. Vous êtes fort attentif<br><br>
FIGARO. Et c'est mon devoir. Mais puisqu'il n'en est rien, Monseigneur, tous vos jeunes vassaux des deux sexes sont en bas avec les violons et les cornemuses, attendant, pour m'accompagner, l'instant où vous permettrez que je pêne ma fiancée...<br><br>
LE COMTE. Et qui surveillera la Comtesse au Château ?<br><br>
FIGARO. La veiller ! elle n'est pas malade.<br><br>
LE COMTE. Non ; mais cet homme absent qui doit l'entretenir ?<br><br>
FIGARO. Quel homme absent ?<br><br>
LE COMTE. L'homme du billet que vous avez remis à BAZILE.<br><br>
FIGARO. Qui dit Cela ?<br><br>
LE COMTE. Quand je ne le saurais pas d'ailleurs, fripon, ta physionomie qui t'accuse me prouverait déjà que tu mens.<br><br>
FIGARO. S'il est ainsi, ce n'est pas moi qui mens, C'est ma physionomie.<br><br>
SUZANNE. Va, mon pauvre Figaro, n'use pas ton éloquence en défaites ; nous avons tout dit.<br><br>
FIGARO. Et quoi dit ? Vous me traitez Comme un BAZILE !<br><br>
SUZANNE. Que tu avais écrit le billet de tantôt pour faire accroire à Monseigneur, quand il entrerait, que le petit page était dans ce cabinet, où je me suis enfermée.<br><br>
LE COMTE. Qu'as-tu à répandre ?<br><br>
LA COMTESSE. Il n'y a plus rien à cacher, Figaro ; le badinage est Consommé.<br><br>
FIGARO, cherchant à deviner. Le badinage... est consommé ?<br><br>
LE COMTE. Oui, Consommé. Que dis-tu là-dessus ?<br><br>
FIGARO. Moi ! je dis... que je voudrais bien qu'on en pût dire autant de mon mariage ; et si vous l'ordonnez...<br><br>
LE COMTE. Tu conviens donc enfin du billet ?<br><br>
FIGARO. Puisque Madame. le veut, que Suzanne le veut, que vous le voulez vous-même, il faut bien que je le veuille aussi : mais à votre place, en vérité, Monseigneur, je ne croirais pas un mot de tout ce que nous vous disons.<br><br>
LE COMTE. Toujours mentir contre l'évidence ! A la fin, cela m'irrite.<br><br>
LA COMTESSE, en riant. Eh ! ce pauvre garçon ! pourquoi voulez-vous, monsieur, qu'il dise une fois la vérité ?<br><br>
FIGARO, bas à Suzanne. Je l'avertis de son danger ; c'est tout ce qu'un honnête homme peut faire.<br><br>
SUZANNE, bas. As-tu vu le petit page ?<br><br>
FIGARO, bas. Encore tout froissé.<br><br>
SUZANNE, bas. Ah ! pécaire !<br><br>
LA COMTESSE. Allons, monsieur le Comte, ils brûlent de s'unir : leur impatience est naturelle ! Entrons pour la cérémonie.<br><br>
LE COMTE, à part. Et Marceline, Marceline... (Haut.) Je voudrais être... au moins vêtu.<br><br>
LA COMTESSE. Pour nos gens ! Est-ce que je le suis ?<br><br>
<a name="38"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > SCÈNE 21" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Scène 21<br><br>
FIGARO, SUZANNE, LA COMTESSE,<br><br>
LE COMTE, ANTONIO<br><br>
ANTONIO, demi-gris, tenant un pot de giroflées écrasées. Monseigneur ! Monseigneur !<br><br>
LE COMTE. Que me veux-tu, Antonio ?<br><br>
ANTONIO. Faites donc une fois griller les croisées qui donnent sur mes couches. On jette toutes sortes de choses par ces fenêtres : et tout à l'heure encore on vient d'en jeter un homme.<br><br>
LE COMTE. Par ces fenêtres ?<br><br>
ANTONIO. Regardez comme on arrange mes giroflées !<br><br>
SUZANNE, bas à Figaro. Alerte, Figaro, alerte !<br><br>
FIGARO. Monseigneur, il est gris dès le matin.<br><br>
ANTONIO. Vous n'y êtes pas. C'est un petit reste d'hier. Voilà comme on fait des jugements... ténébreux.<br><br>
LE COMTE, avec feu. Cet homme ! cet homme ! où est-il ?<br><br>
ANTONIO. Où il est ?<br><br>
LE COMTE. Oui.<br><br>
ANTONIO. C'est Ce que je dis. Il faut me le trouver, déjà. Je suis votre domestique ; il n'y a que moi qui prends soin de votre jardin ; il y tombe un homme ; et vous sentez... que ma réputation en est effleurée.<br><br>
SUZANNE, bas à Figaro. Détourne, détourne !<br><br>
FIGARO. Tu boiras donc toujours ?<br><br>
ANTONIO. Et si je ne buvais pas, je deviendrais enragé.<br><br>
LA COMTESSE. Mais en prendre ainsi sans besoin...<br><br>
ANTONIO. Boire sans soif et faire l'amour en tout temps, madame, il n'y a que ça qui nous distingue des autres bêtes.<br><br>
LE COMTE, vivement. Réponds-moi donc, ou je vais te Chasser.<br><br>
ANTONIO. Est-ce que je m'en irais ?<br><br>
LE COMTE. Comment donc ?<br><br>
ANTONIO, se touchant le front. Si vous n'avez pas assez de ça pour garder un bon domestique, je ne suis pas assez bête, moi, pour renvoyer un si bon maître.<br><br>
LE COMTE le secoue avec colère. On a, dis-tu, jeté un homme par cette fenêtre ?<br><br>
ANTONIO. Oui, mon Excellence ; tout à l'heure, en veste blanche, et qui s'est enfui, jarni, courant...<br><br>
LE COMTE, impatienté. Après ?<br><br>
ANTONIO. J'ai bien voulu Courir après ; mais je me suis donné, contre la grille, une si fière gourde à la main, que je ne peux plus remuer ni pied, ni patte, de ce doigt-là. Levant le doigt.<br><br>
LE COMTE. Au moins, tu reconnaîtrais l'homme ?<br><br>
ANTONIO. Oh ! que oui-dà ! si je l'avais vu pourtant !<br><br>
SUZANNE, bas à Figaro. Il ne l'a pas vu.<br><br>
FIGARO. Voilà bien du train pour un pot de fleurs ! combien te faut-il, pleurard, avec ta giroflée ? Il est inutile de chercher, Monseigneur, c'est moi qui ai sauté.<br><br>
LE COMTE. Comment, C'est vous !<br><br>
ANTONIO. Combien te faut-il, pleurard ? Votre corps a donc bien grandi depuis ce temps-là ; car je vous ai trouvé beaucoup plus moindre, et plus fluet !<br><br>
FIGARO. Certainement ; quand on saute, on se pelotonne...<br><br>
ANTONIO. M'est avis que C'était plutôt... qui dirait, le gringalet de page.<br><br>
LE COMTE. Chérubin, tu veux dire ?<br><br>
FIGARO. Oui, revenu tout exprès, avec son Cheval, de la porte de Séville, où peut-être il est déjà.<br><br>
ANTONIO. Oh ! non, je ne dis pas ça, je ne dis pas ça ; je n'ai pas vu sauter de Cheval, Car je le dirais de même.<br><br>
LE COMTE. Quelle patience !<br><br>
FIGARO. J'étais dans la chambre des femmes, en veste blanche : il fait un chaud ?... J'attendais là ma Suzannette, quand j'ai oui tout à coup la voix de Monseigneur et le grand bruit qui se faisait ! je ne sais quelle crainte m'a saisi à l'occasion de ce billet ; et, s'il faut avouer ma bêtise, j'ai sauté sans réflexion sur les couches, où je me suis même un peu foulé le pied droit.<br><br>
Il frotte son pied.<br><br>
ANTONIO. Puisque c'est vous, il est juste de vous rendre ce brimborion de papier qui a coulé de votre veste, en tombant.<br><br>
LE COMTE se jette dessus. Donne-le-moi.<br><br>
Il ouvre le papier et le referme.<br><br>
FIGARO, à part. Je suis pris.<br><br>
LE COMTE, à Figaro. La frayeur ne vous aura pas fait oublier ce que contient ce papier, ni comment il se trouvait dans votre poche ?<br><br>
FIGARO, embarrassé, fouille dans ses poches et en tire des papiers. Non Sûrement... Mais c'est que j'en ai tant. Il faut répondre à tout... (Il regarde un des papiers.) Ceci ? Ah ! C'est une lettre de Marceline, en quatre pages ; elle est belle !... Ne serait-ce pas la requête de ce pauvre braconnier en prison ?... Non, la voici... J'avais l'état des meubles du petit château dans l'autre poche...<br><br>
Le Comte rouvre le papier qu'il tient.<br><br>
LA COMTESSE, bas à Suzanne. Ah ! dieux ! Suzon, C'est le brevet d'officier.<br><br>
SUZANNE, bas à Figaro. Tout est perdu, c'est le brevet.<br><br>
LE COMTE replie le papier. Eh bien ! l'homme aux expédients, vous ne devinez pas ?<br><br>
ANTONIO, s'approchant de Figaro. Monseigneur dit si vous ne devinez pas ?<br><br>
FIGARO le repousse. Fi donc, vilain, qui me parle dans le nez !<br><br>
LE COMTE. Vous ne vous rappelez pas ce que ce peut être ?<br><br>
FIGARO. A, a, a, ah ! povero ! Ce sera le brevet de ce malheureux enfant, qu'il m'avait remis, et que j'ai oublié de lui rendre. O, o, o, oh ! étourdi que je suis ! que fera-t-il sans son brevet ? Il faut Courir...<br><br>
LE COMTE. Pourquoi vous l'aurait-il remis ?<br><br>
FIGARO, embarrassé. Il.., désirait qu'on y fit quelque chose.<br><br>
LE COMTE regarde son papier. Il n'y manque rien.<br><br>
LA COMTESSE, bas à Suzanne. Le Cachet.<br><br>
SUZANNE, bas à Figaro. Le cachet manque.<br><br>
LE COMTE, à Figaro. Vous ne répondez pas ?<br><br>
FIGARO. C'est... qu'en effet, il y manque peu de chose. Il dit que c'est l'usage.<br><br>
LE COMTE. L'usage ! l'usage ! l'usage de quoi ?<br><br>
FIGARO. D'y apposer le sceau de vos armes. Peut-être aussi que cela ne valait pas la peine.<br><br>
LE COMTE rouvre le papier et le chiffonne de colère. Allons, il est écrit que je ne saurai rien. (A part.) C'est ce Figaro qui les mène, et je ne m'en vengerais pas !<br><br>
Il veut sortir avec dépit.<br><br>
FIGARO, l'arrêtant. Vous sortez sans ordonner mon mariage ?<br><br>
<a name="39"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > SCÈNE 22" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Scène 22<br><br>
BAZILE, BARTHOLO, MARCELINE,<br><br>
FIGARO, LE COMTE, GRIPE-SOLEIL,<br><br>
LA COMTESSE, SUZANNE, ANTONIO ;<br><br>
valets du Comte, ses vassaux<br><br>
MARCELINE, au Comte. Ne l'ordonnez pas, Monseigneur ! Avant de lui faire grâce, vous nous devez justice. Il a des engagements avec moi.<br><br>
LE COMTE, à part. Voilà ma vengeance arrivée.<br><br>
FIGARO. Des engagements ! De quelle nature ? Expliquez-vous.<br><br>
MARCELINE. Oui, je m'expliquerai, malhonnête !<br><br>
La Comtesse s'assied sur une bergère. Suzanne est derrière elle.<br><br>
LE COMTE. De quoi s'agit-il, Marceline ?<br><br>
MARCELINE. D'une obligation de mariage.<br><br>
FIGARO. Un billet, voilà tout, pour de l'argent prêté.<br><br>
MARCELINE, au Comte. Sous condition de m'épouser. Vous êtes un grand seigneur, le premier juge de la province...<br><br>
LE COMTE. Présentez-vous au tribunal, j'y rendrai justice à tout le monde.<br><br>
BAZILE, montrant Marceline. En ce cas, votre Grandeur permet que je fasse aussi valoir mes droits sur Marceline ?<br><br>
LE COMTE, à part. Ah ! voilà mon fripon du billet.<br><br>
FIGARO. Autre fou de la même espèce !<br><br>
LE COMTE, en colère, à BAZILE. Vos droits ! vos droits ! Il vous convient bien de parler devant moi, maître sot !<br><br>
ANTONIO, frappant dans sa main. Il ne l'a, ma foi, pas manqué du premier coup : c'est son nom.<br><br>
LE COMTE. Marceline, on suspendra tout jusqu'à l'examen, de vos titres, qui se fera publiquement dans la grand-salle d'audience. Honnête BAZILE, agent fidèle et sûr, allez au bourg chercher les gens du siège.<br><br>
BAZILE. Pour son affaire ?<br><br>
LE COMTE. Et vous m'amènerez le paysan du billet.<br><br>
BAZILE. Est-ce que je le connais ?<br><br>
LE COMTE. Vous résistez ?<br><br>
BAZILE. Je ne suis pas entré au Château pour en faire les commissions.<br><br>
LE COMTE. Quoi donc ?<br><br>
BAZILE. Homme à talent sur l'orgue d'un village, je montre le Clavecin à Madame, à Chanter à ses femmes, la mandoline aux pages, et mon emploi surtout est d'amuser votre Compagnie avec ma guitare, quand il vous plaît me l'ordonner.<br><br>
GRIPE-SOLEIL s'avance. J'irai bien, Monseigneur, si cela vous plaira.<br><br>
LE COMTE. Quel est ton nom et ton emploi ?<br><br>
GRIPE-SOLEIL. Je suis Gripe-Soleil, mon bon signeu ; le petit patouriau des chèvres, commandé pour le feu d'artifice. C'est fête aujourd'hui dans le troupiau ; et je sais ous-ce-qu'est toute l'enragée boutique à procès du pays.<br><br>
LE COMTE. Ton zèle me plaît ; vas-y : mais vous (à BAZILE), accompagnez monsieur en jouant de la guitare, et chantant pour l'amuser en chemin. Il est de ma compagnie.<br><br>
GRIPE-SOLEIL, joyeux. Oh ! moi, je suis de la ?...<br><br>
Suzanne l'apaise de la main, en lui montrant la Comtesse.<br><br>
BAZILE, surpris. Que j'accompagne Gripe-Soleil en jouant ?...<br><br>
LE COMTE. C'est votre emploi. Partez ou je vous chasse.<br><br>
Il sort.<br><br>
<a name="40"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > SCÈNE 23" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Scène 23<br><br>
LES ACTEURS PRÉCÉDENTS, excepté LE COMTE<br><br>
BAZILE, à lui-même. Ah ! je n'irai pas lutter contre le pot de fer, moi qui ne suis...<br><br>
FIGARO. Qu'une Cruche.<br><br>
BAZILE, à part. Au lieu d'aider à leur mariage, je m'en vais assurer le mien avec Marceline. (A Figaro.) Ne Conclus rien, crois-moi, que je ne sois de retour.<br><br>
Il va prendre la guitare sur le fauteuil du fond.<br><br>
FIGARO le suit. Conclure ! oh ! va, ne crains rien ; quand même tu ne reviendrais jamais... Tu n'as pas l'air en train de chanter, veux-tu que je commence ?... Allons, gai, haut la-mi-la pour ma fiancée.<br><br>
Il se met en marche à reculons, danse en chantant la séguedille suivante ; BAZILE accompagne ; et tout le monde le suit.<br><br>
SÉGUEDILLE : Air noté<br><br>
Je préfère à richesse<br><br>
La sagesse<br><br>
De ma Suzon,<br><br>
Zon, zon, zon,<br><br>
Zon,zon,zon,<br><br>
Zon, zon, zon,<br><br>
Zon, zon, zon.<br><br>
Aussi sa gentillesse<br><br>
Est maîtresse<br><br>
De ma raison,<br><br>
Zon, zon, zon,<br><br>
Zon, zon, zon,<br><br>
Zon, zon, zon,<br><br>
Zon, zon, zon.<br><br>
Le bruit s'éloigne, on n'entend pas le reste.<br><br>
<a name="41"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > SCÈNE 24" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Scène 24<br><br>
SUZANNE, LA COMTESSE<br><br>
LA COMTESSE, dans sa bergère. Vous voyez, Suzanne, la jolie scène que votre étourdi m'a value avec son billet.<br><br>
SUZANNE. Ah, madame, quand je suis rentrée du cabinet, si vous aviez vu votre visage ! Il s'est terni tout à coup : mais ce n'a été qu'un nuage ; et par degrés vous êtes devenue rouge, rouge, rouge !<br><br>
LA COMTESSE. Il a donc sauté par la fenêtre ?<br><br>
SUZANNE. Sans hésiter, le Charmant enfant ! Léger... comme une abeille !<br><br>
LA COMTESSE. Ah ! ce fatal jardinier ! Tout cela m'a remuée au point... que je ne pouvais rassembler deux idées.<br><br>
SUZANNE. Ah ! madame, au Contraire ; et C'est là que j'ai vu combien l'usage du grand monde donne d'aisance aux dames comme il faut, pour mentir sans qu'il y paraisse.<br><br>
LA COMTESSE. Crois-tu que le Comte en soit la dupe ? Et s'il trouvait cet enfant au Château !<br><br>
SUZANNE. Je vais recommander de le cacher si bien...<br><br>
LA COMTESSE. Il faut qu'il parte. Après ce qui vient d'arriver, vous croyez bien que je ne suis pas tentée de l'envoyer au jardin à votre place.<br><br>
SUZANNE. Il est certain que je n'irai pas non plus. Voilà donc mon mariage encore une fois...<br><br>
LA COMTESSE se lève. Attends... au lieu d'un autre, ou de toi, si j'y allais moi-même !<br><br>
SUZANNE. VOUS, madame ?<br><br>
LA COMTESSE. Il n'y aurait personne d'exposé... Le Comte alors ne pourrait nier... Avoir puni sa jalousie, et lui prouver son infidélité, cela serait... Allons : le bonheur d'un premier hasard m'enhardit à tenter le second. Fais-lui savoir promptement que tu te rendras au jardin. Mais surtout que personne...<br><br>
SUZANNE. Ah ! Figaro.<br><br>
LA COMTESSE. Non, non. Il voudrait mettre ici du sien... Mon masque de velours et ma canne ; que j'aille y rêver sur la terrasse.<br><br>
Suzanne entre dans le cabinet de toilette.<br><br>
<a name="42"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > SCÈNE 25" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Scène 25<br><br>
LA COMTESSE, seule<br><br>
Il est assez effronté, mon petit projet ! (Elle se retourne. ) Ah ! le ruban ! mon joli ruban ! je t'oubliais ! (Elle le prend sur sa bergère et le roule.) Tu ne me quitteras plus... Tu me rappelleras la scène où ce malheureux enfant... Ah ! monsieur le Comte, qu'avez-vous fait ? et moi, que fais-je en ce moment ?<br><br>
<a name="43"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > SCÈNE 26" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Scène 26<br><br>
LA COMTESSE, SUZANNE<br><br>
La Comtesse met furtivement le ruban dans son sein.<br><br>
SUZANNE. Voici la canne et votre loup.<br><br>
LA COMTESSE. Souviens-toi que je t'ai défendu d'en dire un mot à Figaro.<br><br>
SUZANNE, avec joie. Madame, il est charmant votre projet ! je viens d'y réfléchir. Il rapproche tout, termine tout, embrasse tout ; et, quelque chose qui arrive, mon mariage est maintenant certain.<br><br>
Elle baisé la main de sa maîtresse. Elles sortent.<br><br>
Pendant l'entracte, des valets arrangent la salle d'audience : on apporte les deux banquettes à dossier des avocats, que l'on place aux deux côtés du théâtre, de façon que le passage soit libre par-derrière. On pose une estrade à deux marches dans le milieu du théâtre, vers le fond, sur laquelle on place le fauteuil du Comte. On met la table du greffer et son tabouret de gâté sur le devant, et des Sièges pour Brid'oison et d'autres juges, des deux côtés de l'estrade du Comte.<br><br>
<a name="44"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > ACTE III" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Acte III<br><br>
Le théâtre représente une salle du château appelée salle du trône et servant de salle d'audience, ayant sur le côté une impériale en dais, et dessous, le portrait du Roi.<br><br>
<a name="45"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > SCÈNE 1" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Scène 1<br><br>
LE COMTE, PÉDRILLE, en veste et botté, tenant un paquet cacheté<br><br>
LE COMTE, vite. M'as-tu bien entendu ?<br><br>
PÉDRILLE. Excellence, oui.<br><br>
Il sort.<br><br>
<a name="46"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > SCÈNE 2" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Scène 2<br><br>
LE COMTE, seul, criant<br><br>
PÉDRILLE !<br><br>
<a name="47"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > SCÈNE 3" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Scène 3<br><br>
LE COMTE, PÉDRILLE, revient<br><br>
PÉDRILLE. Excellence ?<br><br>
LE COMTE. On ne t'a pas vu ?<br><br>
PÉDRILLE. Âme qui vive.<br><br>
LE COMTE. Prenez le Cheval barbe.<br><br>
PÉDRILLE. Il est à la grille du potager, tout sellé.<br><br>
LE COMTE. Ferme, d'un trait, jusqu'à Séville.<br><br>
PÉDRILLE. Il n'y a que trois lieues, elles sont bonnes.<br><br>
LE COMTE. En descendant, sachez si le page est arrivé.<br><br>
PÉDRILLE. Dans l'hôtel ?<br><br>
.LE COMTE. Oui ; surtout depuis quel temps.<br><br>
PÉDRILLE. J'entends.<br><br>
LE COMTE. Remets-lui son brevet, et reviens vite.<br><br>
PÉDRILLE. Et s'il n'y était pas ?<br><br>
LE COMTE. Revenez plus vite, et m'en rendez compte. Allez.<br><br>
<a name="48"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > SCÈNE 4" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Scène 4<br><br>
LE COMTE, seul, marche en rêvant<br><br>
J'ai fait une gaucherie en éloignant BAZILE !... la colère n'est bonne à rien. - Ce billet remis par lui, qui m'avertit d'une entreprise sur la Comtesse ; la camariste enfermée quand j'arrive ; la maîtresse affectée d'une terreur fausse ou vraie ; un homme qui saute par la fenêtre, et l'autre après qui avoue... ou qui prétend que c'est lui... Le fil m'échappe. Il y a là-dedans une obscurité... Des libertés chez mes vassaux, qu'importe à gens de cette étole ? Mais la Comtesse ! si quelque insolent attentait... Où m'égaré-je ? En vérité, quand la tête se monte, l'imagination la mieux réglée devient folle comme un rêve ! - Elle s'amusait : ces ris étouffés, cette joie mal éteinte ! - Elle se respecte ; et mon honneur... où diable on l'a placé ! De l'autre part, où suis-je ? cette friponne de Suzanne a-t-elle trahi mon secret ?... Comme il n'est pas encore le sien... Qui donc m'enchaîne à cette fantaisie ? j'ai voulu vingt fois y renoncer... Étrange effet de l'irrésolution ! si je la voulais sans débat, je la désirerais mille fois moins. - Ce Figaro se fait bien attendre ! il faut le sonder adroitement (Figaro paraît dans le fond, il s'arrête) et tâcher, dans la conversation que je vais avoir avec lui, de démêler d'une manière détournée s'il est instruit ou non de mon amour pour Suzanne.<br><br>
<a name="49"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > SCÈNE 5" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Scène 5<br><br>
LE COMTE, FIGARO<br><br>
FIGARO, à part. Nous y voilà.<br><br>
LE COMTE. ... S'il en sait par elle un seul mot...<br><br>
FIGARO, à part. Je m'en suis douté.<br><br>
LE COMTE. ... Je lui fais épouser la vieille.<br><br>
FIGARO, à part. Les amours de monsieur BAZILE ?<br><br>
LE COMTE. ... Et voyons ce que nous ferons de la jeûne.<br><br>
FIGARO, à part. Ah ! ma femme, s'il vous plaît.<br><br>
LE COMTE se retourne. Hein ? quoi ? qu'est-ce que c'est ?<br><br>
FIGARO s'avance. Moi, qui me rends à vos ordres.<br><br>
LE COMTE. Et pourquoi ces mots ?...<br><br>
FIGARO. Je n'ai rien dit.<br><br>
LE COMTE répète. Ma femme, s'il vous plaît ?<br><br>
FIGARO. C'est... la fin d'une réponse que je faisais : allez le dire à ma femme, s'il vous plaît.<br><br>
LE COMTE se promène. Sa femme !... Je voudrais bien revoir quelle affaire peut arrêter Monsieur, quand je le fais appeler ?<br><br>
FIGARO, feignant d'assurer son habillement. Je m'étais sali sur ces couches en tombant ; je me changeais.<br><br>
LE COMTE. Fallait-il une heure ?<br><br>
FIGARO. Il faut le temps<br><br>
LE COMTE. Les domestiques ici... sont plus longs à s'habiller que les maîtres !<br><br>
FIGARO. C'est qu'ils n'ont point de valets pour les y aider.<br><br>
LE COMTE. ... Je n'ai pas trop compris ce qui vous avait forcé tantôt de courir un danger inutile, en vous jetant...<br><br>
FIGARO. Un danger ! on dirait que je me suis engouffré tout vivant...<br><br>
LE COMTE. Essayez de me donner le change en feignant de le prendre, insidieux valet ! Vous entendez fort bien que ce n'est pas le danger qui m'inquiète, mais le motif.<br><br>
FIGARO. Sur un faux avis, vous arrivez furieux, renversant tout, comme le torent de la Morena ; vous cherchez un homme, il vous le faut, ou vous allez briser les portes, enfoncer les cloisons ! Je me trouve là par hasard : qui sait dans votre emportement si...<br><br>
LE COMTE, interrompant. Vous pouviez fuir par l'escalier.<br><br>
FIGARO. Et vous, me prendre au corridor.<br><br>
LE COMTE, en colère. Au corridor ! (A part. Je m'emporte, et nuis à ce que je veux savoir.<br><br>
FIGARO, à part. Voyons-le venir, et jouons serré.<br><br>
LE COMTE, radouci. Ce n'est pas ce que je voulais dire ; laissons cela. J'avais... oui, j'avais quelque envie de t'emmener à Londres, courrier de dépêches... mais, toutes réflexions faites...<br><br>
FIGARO. Monseigneur a changé d'avis ?.<br><br>
LE COMTE. Premièrement, tu ne mis pas l'anglais.<br><br>
FIGARO. Je sais God-dam.<br><br>
LE COMTE. Je n'entends pas.<br><br>
FIGARO. Je dis que je sais God-dam.<br><br>
LE COMTE. Eh bien ?<br><br>
FIGARO. Diable ! C'est une belle langue que l'anglais ! il en faut peu pour aller loin. Avec God-dam, en Angleterre, on ne manque de rien nulle part. - Voulez-vous tâter d'un bon poulet gras ? entrez dans une taverne, et flûtes seulement ce geste au garçon. (Il tourne la broche.) God-dam ! on vous apporte un pied de boeuf salé, sans pain.<br><br>
C'est admirable. Aimez-vous à boire un coup d'excellent bourgogne ou de clairet ? rien que celui-ci. (Il débouche une bouteille.) God-dam ! on vous sert un pot de bière, en bel étain, la mousse aux bords. Quelle satisfaction ! Rencontrez-vous une de ces jolies personnes qui vont trottant menu, les yeux baissés, coudes en arrière, et tortillant un peu des hanches : mettez mignardement tous les doigts unis sur la bouche. Ah ! God-dam ! elle vous sangle un soufflet de crocheteur : preuve qu'elle entend.<br><br>
Les Anglais, à la vérité, ajoutent par-ci, par-là, quelques autres mots en conversant ; mais il est bien aisé de voir que God-dam est le fond de la langue ; et. si Monseigneur n'a pas d'autre motif de me laisser en Espagne...<br><br>
LE COMTE, à part. Il veut venir à Londres ; elle n'a pas parlé.<br><br>
FIGARO, à part. Il croit que je ne mis rien ; travaillons-le un peu dans son genre.<br><br>
LE COMTE. Quel motif avait la Comtesse pour me jouer un pareil tour ?.<br><br>
FIGARO. Ma foi, Monseigneur, vous le savez mieux que moi.<br><br>
LE COMTE. Je la préviens sur tout, et la comble de présents.<br><br>
FIGARO. Vous lui donnez, mais vous êtes infidèle. Sait-on gré du superflu à qui nous prive du nécessaire ?<br><br>
LE COMTE. ... Autrefois tu me disais tout.<br><br>
FIGARO. Et maintenant je ne vous cache rien.<br><br>
LE COMTE. Combien la Comtesse t'a-t-elle donné pour cette belle association ?.<br><br>
FIGARO. Combien me donnâtes-vous pour la tirer des mains du docteur ? Tenez, Monseigneur, n'humilions pas l'homme qui nous sert bien, Crainte d'en faire un mauvais valet.<br><br>
LE COMTE. Pourquoi faut-il qu'il y ait toujours du louche en ce que tu fais ?<br><br>
FIGARO. C'est qu'on en voit partout quand on cherche des torts.<br><br>
LE COMTE. Une réputation détestable !<br><br>
FIGARO. Et si je vaux mieux qu'elle ? Y a-t-il beaucoup de seigneurs qui puissent en dire autant ?<br><br>
LE COMTE. Cent fois je t'ai vu marcher à la fortune, et jamais aller droit.<br><br>
FIGARO. Comment voulez-vous ? la foule est là : chacun veut courir : on se presse, on pousse, on coudoie, on renverse, arrive qui peut ; le reste est écrasé. Aussi c'est fait ; pour moi, j'y renonce.<br><br>
LE COMTE. A la fortune ? (A part.) Voici du neuf.<br><br>
FIGARO, à part. A mon tour maintenant. (Haut.) Votre Excellence m'a gratifié de la Conciergerie du château ; c'est un fort joli sort : à la vérité, je ne serai pas le courrier étrenné des nouvelles intéressantes ; mais, en revanche, heureux avec ma femme au fond de l'Andalousie...<br><br>
LE COMTE. Qui t'empêcherait de l'emmener à Londres ?<br><br>
FIGARO. Il faudrait là quitter si souvent que j'aurais bientôt du mariage par-dessus la tête.<br><br>
LE COMTE. Avec du caractère et de l'esprit, tu pourrais un jour t'avancer dans les bureaux.<br><br>
FIGARO. De l'esprit pour s'avancer ? Monseigneur se fit du mien. Médiocre et rampant, et l'on arrive à tout.<br><br>
LE COMTE. ... Il ne faudrait qu'étudier un peu sous moi la politique.<br><br>
FIGARO. Je la sais.<br><br>
LE COMTE. Comme l'anglais, le fond de la langue !<br><br>
FIGARO. Oui, s'il y avait ici de quoi se vanter. Mais feindre d'ignorer ce qu'on sait, de savoir tout ce qu'on ignore ; d'entendre ce qu'on ne comprend pas, de ne point ouïr ce qu'on entend ; surtout de pouvoir au-delà de ses forces ; avoir souvent pour grand secret de cacher qu'il n'y en a point ; s'enfermer pour tailler des plumes, et paraître profond quand on n'est, comme on dit, que vide et creux ; jouer bien ou mal un personnage, répandre des espions et pensionner des traîtres ; amollir des cachets, intercepter des lettres, et tâcher d'ennoblir la pauvreté des moyens par l'importance des objets : voilà toute la politique, ou je meure ! .<br><br>
LE COMTE. Et ! C'est l'intrigue que tu définis !<br><br>
FIGARO, La politique, l'intrigue, volontiers ; mais, comme je les crois un peu germaines, en fasse qui voudra ! J'aime mieux ma mie, à gué ! Comme dit la Chanson du bon Roi.<br><br>
LE COMTE, à part. Il veut rester. J'entends... Suzanne m'a trahi.<br><br>
FIGARO, à part. Je l'enfile, et le paye en sa monnaie.<br><br>
LE COMTE. Ainsi tu espères gagner ton procès contre Marceline ?<br><br>
FIGARO. Me feriez-vous un crime de refuser une vieille fille, quand votre Excellence se permet de nous souffler toutes les jeunes !<br><br>
LE COMTE, raillant. Au tribunal le magistrat s'oublie, et ne voit plus que l'ordonnance.<br><br>
FIGARO. Indulgente aux grands, dure aux petits...<br><br>
LE COMTE. Crois-tu donc que je plaisante ?<br><br>
FIGARO. Eh ! qui le sait, Monseigneur ? Tempo è galant uomo, dit l'italien ; il dit toujours la vérité : C'est lui qui m'apprendra qui me veut du mal ou du bien.<br><br>
LE COMTE, à part, Je vois qu'on lui a tout dit ; il épousera la duégne. .<br><br>
FIGARO, à part. Il a joué au fin avec moi, qu'a-t-il appris ?<br><br>
<a name="50"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > SCÈNE 6" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Scène 6<br><br>
LE COMTE, UN LAQUAIS, FIGARO<br><br>
LE LAQUAIS, annonçant. Dom Gusman Brid'oison.<br><br>
LE COMTE. Brid'oison ?<br><br>
FIGARO. Eh ! sans doute. C'est le juge ordinaire, le lieutenant du siège, votre prud'homme.<br><br>
LE COMTE. Qu'il attende, Le laquais sort.<br><br>
<a name="51"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > SCÈNE 7" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Scène 7<br><br>
LE COMTE, FIGARO<br><br>
FIGARO reste un moment à regarder le Comte qui rêve. ... Est-Ce là ce que Monseigneur voulait ?<br><br>
LE COMTE, revenant à lui. Moi ?... je disais d'arranger ce salon pour l'audience publique.<br><br>
FIGARO. Hé ! qu'est-Ce qu'il manque ? Le grand fauteuil pour vous, de bonnes Chaises aux prud'hommes, le tabouret du greffier, deux banquettes aux avocats, le plancher pour le beau monde et la canaille derrière. Je vais renvoyer les frotteurs.<br><br>
Il sort.<br><br>
<a name="52"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > SCÈNE 8" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Scène 8<br><br>
LE COMTE, seul<br><br>
Le maraud m'embarrassait ! en disputant, il prend son avantage ; il vous sert, vous enveloppe... Ah ! friponne et fripon, vous vous entendez pour me jouer ! Soyez amis, soyez amants, soyez ce qu'il vous plaira, j'y consens ; mais parbleu, pour époux...<br><br>
<a name="53"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > SCÈNE 9" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Scène 9<br><br>
SUZANNE, LE COMTE<br><br>
SUZANNE, essoufflée. Monseigneur... pardon, Monseigneur.<br><br>
LE COMTE, avec humeur. Qu'est-ce qu'il y a, mademoiselle ?<br><br>
SUZANNE. Vous êtes en colère !<br><br>
LE COMTE. Vous voulez quelque chose apparemment ?<br><br>
SUZANNE, timidement. C'est que ma maîtresse a ses vapeurs. J'accourais vous prier de nous prêter votre flacon d'éther. Je l'aurais rapporté dans l'instant.<br><br>
LE COMTE le lui donne. Non, non, gardez-le pour vous-même. Il ne tardera pas à vous être utile.<br><br>
SUZANNE. Est-ce que les femmes de mon état ont des vapeurs, donc ? C'est un mal de Condition, qu'on ne prend que dans les boudoirs.<br><br>
LE COMTE. Une fiancée bien éprise, et qui perd son futur...<br><br>
SUZANNE. En payant Marceline avec la dot que vous m'avez promise...<br><br>
LE COMTE. Que je vous ai promise, moi ?<br><br>
SUZANNE, baissant les yeux. Monseigneur, j'avais cru l'entendre.<br><br>
LE COMTE. Oui, si vous consentiez à m'entendre vous-même.<br><br>
SUZANNE, les yeux baissés. Et n'est-ce pas mon devoir d'écouter son Excellence ?<br><br>
LE COMTE. Pourquoi donc, cruelle fille, ne me l'avoir pas dit plus tôt ?<br><br>
SUZANNE. Est-il jamais trop tard pour dire la vérité ?<br><br>
LE COMTE. Tu te rendrais sur la brune au jardin ?<br><br>
SUZANNE. Est-ce que je ne m'y promène pas tous les soirs ?<br><br>
LE COMTE. Tu m'as traité ce matin si durement !<br><br>
SUZANNE. Ce matin ? - Et le page derrière le fauteuil ?<br><br>
LE COMTE. Elle a raison, je l'oubliais... Mais pourquoi ce refus obstiné quand BAZILE, de ma part ?...<br><br>
SUZANNE. Quelle nécessité qu'un BAZILE... ?<br><br>
LE COMTE. Elle a toujours raison. Cependant il y a un certain Figaro à qui je Crains bien que vous n'ayez tout dit !<br><br>
SUZANNE. Dame ! oui, je lui dis tout... hors ce qu'il faut lui taire.<br><br>
LE COMTE, en riant. Ah ! Charmante ! Et tu me le promets ? Si tu manquais à ta parole, entendons-nous, mon coeur : point de rendez-vous, point de dot, point de mariage.<br><br>
SUZANNE, faisant la révérence. Mais aussi point de mariage, point de droit du seigneur, Monseigneur.<br><br>
LE COMTE. Où prend-elle ce qu'elle dit ? d'honneur j'en raffolerai ! Mais ta maîtresse attend le flacon...<br><br>
SUZANNE, riant et rendant le flacon. Aurais-je pu vous parler sans un prétexte ?<br><br>
LE COMTE veut l'embrasser. Délicieuse créature !<br><br>
SUZANNE s'échappe. Voilà du monde.<br><br>
LE COMTE, à part. Elle est à moi.<br><br>
Il s'enfuit.<br><br>
SUZANNE. Allons vite rendre compte à Madame.<br><br>
<a name="54"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > SCÈNE 10" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Scène 10<br><br>
SUZANNE, FIGARO<br><br>
FIGARO. Suzanne, Suzanne ! où Cours-tu donc si vite en quittant Monseigneur ?<br><br>
SUZANNE. Plaide à présent, si tu le veux ; tu viens de gagner ton procès.<br><br>
Elle s'enfuit.<br><br>
FIGARO la suit. Ah ! mais, dis donc...<br><br>
<a name="55"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > SCÈNE 11" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Scène 11<br><br>
LE COMTE rentre seul<br><br>
Tu viens de gagner ton procès ! - Je donnais là dans un bon piège ! mes Chers insolents ! je vous punirai de façon... Un bon arrêt... bien juste... Mais s'il allait payer la duègne... Avec quoi ?... S'il payait... Eeeeh ! n'ai-je pas le fier Antonio, dont le noble orgueil dédaigne en Figaro un inconnu pour sa nièce ? En caressant cette manie... Pourquoi non ? dans le vaste champ de l'intrigue il faut savoir tout cultiver, jusqu'à la vanité d'un sot. (Il appelle.) Anto...<br><br>
Il voit entrer Marceline, etc. Il sort.<br><br>
<a name="56"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > SCÈNE 12" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Scène 12<br><br>
BARTHOLO, MARCELINE, BRID'OISON<br><br>
MARCELINE, à Brid'oison. Monsieur, écoutez mon affaire.<br><br>
BRID'OISON, en robe, et bégayant un peu. Eh bien ! pa-arlons-en verbalement.<br><br>
BARTHOLO. C'est une promesse de mariage.<br><br>
MARCELINE. Accompagnée d'un prêt d'argent.<br><br>
BRID'OISON. J'en-entends, et cetera, le reste.<br><br>
MARCELINE. Non, monsieur, point d'et cetera.<br><br>
BRID'OISON. J'en-entends : vous avez la somme ?<br><br>
MARCELINE. Non, monsieur ; C'est moi qui l'ai prêtée.<br><br>
BRID'OISON. J'en-entends bien, vou-ous redemandez l'argent ?<br><br>
MARCELINE. Non, monsieur ; je demande qu'il m'épouse.<br><br>
BRID'OISON. Eh ! mais j'en-entends fort bien ; et lui veu-eût-il vous épouser ?<br><br>
MARCELINE. Non, monsieur ; voilà tout le procès !<br><br>
BRID'OISON. Croyez-vous que je ne l'en-entende pas, le procès ?<br><br>
MARCELINE. Non, monsieur. (A Banholo.) Où sommes-nous ? (A Brid'oison.) Quoi ! c'est vous qui nous jugerez ?<br><br>
BRID'OISON. Est-ce que j'ai a-acheté ma charge pour autre Chose ?<br><br>
MARCELINE, en soupirant. C'est un grand abus que de les vendre !<br><br>
BRID'OISON. Oui ; l'on-on ferait mieux de nous les donner pour rien. Contre qui plai-aidez-vous ?<br><br>
<a name="57"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > SCÈNE 13" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Scène 13<br><br>
BARTHOLO, MARCELINE, BRID'OISON.<br><br>
FIGARO rentre en se frottant les mains<br><br>
MARCELINE, montrant Figaro. Monsieur, Contre ce mal-honnête homme.<br><br>
FIGARO, très gaiement, à Marceline. Je vous gêne peut-être. - Monseigneur revient dans l'instant, monsieur le conseiller.<br><br>
BRID'OISON. J'ai vu ce ga-arçon-là quelque part.<br><br>
FIGARO. Chez Madame votre femme, à Séville, pour la servir, monsieur le Conseiller.<br><br>
BRID'OISON. Dan-ans quel temps ?<br><br>
FIGARO. Un peu moins d'un an avant la naissance de monsieur votre fils le cadet, qui est un bien joli enfant, je m'en vanter.<br><br>
BRID'OISON. Oui, C'est le plus jo-oli de tous. On dit que tu-u fais ici des tiennes ?<br><br>
FIGARO. Monsieur est bien bon. Ce n'est là qu'une misère.<br><br>
BRID'OISON. Une promesse de mariage ! A-ah ! le pauvre benêt !<br><br>
FIGARO. Monsieur...<br><br>
BRID'OISON. A-t-il vu mon-on secrétaire, ce bon garçon ?<br><br>
FIGARO. N'est-ce pas Double-Main, le greffier ?<br><br>
BRID'OISON. Oui ; C'é-est qu'il mange à deux râteliers.<br><br>
FIGARO. Manger ! je suis garant qu'il dévore. Oh ! que oui, je l'ai vu pour l'extrait et pour le supplément d'extrait ; comme cela se pratique, au reste.<br><br>
BRID'OISON. On-on doit remplir les formes.<br><br>
FIGARO. Assurément, monsieur ; si le fond des procès appartient aux plaideurs, on sait bien que la forme est le patrimoine des tribunaux.<br><br>
BRID'OISON. Ce garçon-là n'è-est pas si niais que je l'avais cru d'abord. Eh bien, l'ami, puisque tu en sais tant, nou-ous aurons soin de ton affaire.<br><br>
FIGARO. Monsieur, je m'en rapporte à votre équité, quoique vous soyez de notre Justice.<br><br>
BRID'OISON. Hein ?... Oui, je suis de la-a Justice. Mais si tu dois, et que tu-u ne payes pas ?...<br><br>
FIGARO. Alors Monsieur voit bien que c'est comme si je ne devais pas.<br><br>
BRID'OISON. San-ans doute. - Hé ! mais qu'est-ce donc qu'il dit ?<br><br>
<a name="58"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > SCÈNE 14" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Scène 14<br><br>
BARTHOLO, MARCELINE, LE COMTE,<br><br>
BRID'OISON, FIGARO, UN HUISSIER<br><br>
L'HUISSIER, précédant le Comte, crie. Monseigneur, messieurs.<br><br>
LE COMTE. En robe ici, seigneur Brid'oison ! Ce n'est qu'une affaire domestique : l'habit de ville était trop bon.<br><br>
BRID'OISON. C'é-est vous qui l'êtes, monsieur le Comte. Mais je ne vais jamais san-ans elle, parce que la forme, voyez-vous, la forme ! Tel fit d'un juge en habit court, qui-i tremble au seul aspect d'un procureur en robe. La forme, la-a forme !<br><br>
LE COMTE, à l'huissier. Faites entrer l'audience.<br><br>
L'HUISSIER va ouvrir en glapissant. L'audience !<br><br>
<a name="59"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > SCÈNE 15" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Scène 15<br><br>
LES ACTEURS PRÉCÉDENTS, ANTONIO,<br><br>
LES VALETS DU CHÂTEAU, LES PAYSANS<br><br>
ET PAYSANNES en habits de rite ;<br><br>
LE COMTE s'assied sur le grand fauteuil ;<br><br>
BRID'OISON, sur une chaise à côté ;<br><br>
LE GREFFIER, sur le tabouret derrière sa table ;<br><br>
LES JUGES, LES AVOCATS, sur les banquettes ;<br><br>
MARCELINE, à côté de BARTHOLO ;<br><br>
FIGARO, sur l'autre banquette ; LES PAYSANS<br><br>
ET VALETS, debout derrière<br><br>
BRID'OISON, à Double-Main. Double-Main, a-appelez les causes.<br><br>
DOUBLE-MAIN lit un papier. “ Noble, très noble, infiniment noble, don Pedro George, hidalgo, baron de Los Altos, y Montes Fieros, y Otros Montes ; contre Alonzo Calderon, jeune auteur dramatique. Il est question d'une comédie mort-née, que chacun désavoue et rejette sur l'autre. ”<br><br>
LE COMTE. Ils ont raison tous les deux. Hors de cour. S'ils font ensemble un autre ouvrage, pour qu'il marque un peu dans le grand monde, ordonné que le noble y mettra son nom, le poète son talent.<br><br>
DOUBLE-MAIN lit un autre papier. “André Petrutchio, laboureur ; contre le receveur de la province.” Il s'agit d'un forcément arbitraire.<br><br>
LE COMTE. L'affaire n'est pas de mon ressort. Je servirai mieux mes vassaux en les protégeant près du Roi. Passez.<br><br>
DOUBLE - MAIN en prend un troisième. Bartholo et Figaro se lèvent. “ Barbe - Agar - Raab - Madeleine - Nicole - Marceline de verte-Allure, fille majeure (Marceline se lève et salue.) ; Contre Figaro... ” Nom de baptême en blanc ?<br><br>
FIGARO. Anonyme.<br><br>
BRID'OISON. A-anonyme ! Què-el patron est-Ce là ?<br><br>
FIGARO. C'est le mien.<br><br>
DOUBLE- MAIN écrit. Contre anonyme Figaro. Qualités ?<br><br>
FIGARO. Gentilhomme.<br><br>
LE COMTE. Vous êtes gentilhomme ? Le greffer écrit.<br><br>
FIGARO. Si le ciel l'eût voulu, je serais fils d'un prince.<br><br>
LE COMTE, au greffer. Allez.<br><br>
L'HUISSIER, glapissant. Silence ! messieurs.<br><br>
DOUBLE- MAIN lit. “... Pour Cause d'opposition faite au mariage dudit Figaro par ladite de verte-Allure. Le docteur Bartholo plaidant pour la demanderesse, et ledit Figaro pour lui-même, si la cour le permet, contre le voeu de l'usage et la jurisprudence du siège. ”<br><br>
FIGARO. L'usage, maître Double-Main, est souvent un abus. Le client un peu instruit sait toujours mieux sa cause que certains avocats, qui, suant à froid, criant à tue-tête, et connaissant tout, hors le fait, s'embarrassent aussi peu de ruiner le plaideur que d'ennuyer l'auditoire<br><br>
et d'endormir messieurs : plus boursouflés après que s'ils eussent composé l'oratio pro Murena. Moi, je dirai le fait en peu de mots. Messieurs...<br><br>
DOUBLE-MAIN. En voilà beaucoup d'inutiles, car vous n'êtes pas demandeur, et n'avez que la défense. Avancez, docteur, et lisez la promesse.<br><br>
FIGARO. Oui, promesse !<br><br>
BARTHOLO, mettant ses lunettes. Elle est précise.<br><br>
BRID'OISON. I-il faut la voir.<br><br>
DOUBLE-MAIN. Silence donc, messieurs !<br><br>
L'HUISSIER, glapissant. Silence !<br><br>
BARTHOLO lit. “Je soussigné reconnais avoir reçu de damoiselle, etc. Marceline de verre-Allure, dans le château d'Aguas-Frescas, la somme de deux mille piastres fortes coordonnées, laquelle somme je lui rendrai à sa réquisition, dans ce château ; et je l'épouserai, par forme de reconnaissance, etc. Signé Figaro, tout court. ” Mes conclusions sont au payement du billet et à l'exécution de la promesse, avec dépens. (Il plaide.) Messieurs... jamais cause plus intéressante ne fut soumise au jugement de la cour ; et, depuis Alexandre le Grand, qui promit mariage à la belle Thalestris...<br><br>
LE COMTE, interrompant. Avant d'aller plus loin, avocat, convient-on de la validité du titre ?<br><br>
BRID'OISON, à Figaro. Qu'oppo... qu'opposez-vous à cette lecture ?<br><br>
FIGARO. Qu'il y a, messieurs, malice, erreur ou distraction dans la manière dont on a lu la pièce, car il n'est pas dit dans l'écrit : “laquelle somme je lui rendrai, ET je l'épouserai ”, mais “ laquelle somme je lui rendrai, OU je l'épouserai ” ; ce qui est bien différent.<br><br>
LE COMTE. Y a-t-il ET dans l'acte, ou bien OU ?<br><br>
BARTHOLO. Il ya ET.<br><br>
FIGARO. Il y a OU.<br><br>
BRID'OISON. dou-ouble-Main, lisez vous-même.<br><br>
DOUBLE- MAIN, prenant le papier. Et C'est le plus sûr ; car souvent les parties déguisent en lisant. (Il lit) “ E, e, e, Damoiselle e, e, e, de verte-Allure, e, e, e, Ha ! laquelle somme je lui rendrai à sa réquisition, dans ce château... ET... OU... ET... OU... ” Le mot est si mal écrit... il y a un pâté.<br><br>
BRID'OISON. Un pâ-âté ? je sais ce que c'est.<br><br>
BARTHOLO, plaidant. Je soutiens, moi, que c'est la conjonction Copulative ET qui lie les membres Corrélatifs de la phrase ; je payerai la demoiselle, ET je l'épouserai.<br><br>
FIGARO, plaidant. Je soutiens, moi, que c'est la conjonction<br><br>
alternative OU qui séparé lesdits membres ; je payerai la donzelle, OU je l'épouserai. A pédant, pédant et demi. Qu'il s'avise de parler latin, j'y suis grec ; je l'extermine.<br><br>
LE COMTE. Comment juger pareille question ?<br><br>
BARTHOLO. Pour la trancher, messieurs, et ne plus Chicaner sur un mot, nous passons qu'il y ait OU.<br><br>
FIGARO. J'en demande acte.<br><br>
BARTHOLO. Et nous y adhérons. Un si mauvais refuge ne sauvera pas le coupable. Examinons le titre en ce sens. (Il lit.) “ Laquelle somme je lui rendrai dans ce château où je l'épouserai. ” C'est ainsi qu'on dirait, messieurs : “ vous vous ferez saigner dans ce lit où vous resterez chaudement ” ; c'est dans lequel. “Il prendra deux gros de rhubarbe où vous mêlerez un peu de tamarin ” ; dans lesquels on mêlera. Ainsi “château où je l'épouserai”, messieurs, c'est “ château dans lequel... ”<br><br>
FIGARO. Point du tout : la phrase est dans le sens de celle-ci : “ ou la maladie vous tuera, ou ce sera le médecin ” ; ou bien le médecin ; c'est incontestable. Autre exemple : “ou vous n'écrirez rien qui plaise, ou les sots vous dénigreront ” ; ou bien les sots ; le sens est clair ; car, audit cas, sots ou méchants sont le substantif qui gouverne. Maître Bartholo croit-il donc que j'aie oublié ma syntaxe ? Ainsi, je la payerai dans ce château, virgule, ou je l'épouserai...<br><br>
BARTHOLO, vite. Sans virgule.<br><br>
FIGARO, vite. Elle y est. C'est, virgule, messieurs, ou bien je l'épouserai.<br><br>
BARTHOLO, regardant le papier, vite. sans virgule, messieurs.<br><br>
FIGARO, vite. Elle y était, messieurs. D'ailleurs, l'homme qui épouse est-il tenu de rembourser ?<br><br>
BARTHOLO, vite. Oui ; nous nous marrions séparés de biens.<br><br>
FIGARO, vite. Et nous de corps, dès que mariage n'est pas quittance.<br><br>
Les juges se lèvent et opinent tout bas.<br><br>
BARTHOLO. Plaisant acquittement !<br><br>
DOUBLE- MAIN. Silence, messieurs !<br><br>
L'HUISSIER, glapissant. Silence !<br><br>
BARTHOLO. Un pareil fripon appelle cela payer ses dettes !<br><br>
FIGARO. Est-Ce votre Cause, avocat, que vous plaidez ?<br><br>
BARTHOLO. Je défends cette demoiselle.<br><br>
FIGARO. Continuez à déraisonner, mais cessez d'injurier. Lorsque, craignant l'emportement des plaideurs, les tribunaux ont toléré qu'on appelât des tiers, ils n'ont pas entendu que ces défenseurs modérés deviendraient impunément des insolents privilégiés. C'est dégrader le plus noble institut.<br><br>
Les juges continuent d'opiner bas.<br><br>
ANTONIO, à Marceline, montrant les juges. Qu'ont-ils tant à balbucifier ?<br><br>
MARCELINE. On a Corrompu le grand juge ; il corrompt l'autre, et je perds mon procès.<br><br>
BARTHOLO, bas, d'un ton sombre. J'en ai peur.<br><br>
FIGARO, gaiement. Courage, Marceline !<br><br>
DOUBLE- MAIN se lève ; à Marceline. Ah ! C'est trop fort ! je vous dénonce ; et, pour l'honneur du tribunal, je demande qu'avant faire droit sur l'autre affaire, il soit prononcé sur celle-ci.<br><br>
LE COMTE s'assied. Non, greffier, je ne prononcerai point sur mon injure personnelle ; un juge espagnol n'aura point à rougir d'un excès digne au plus des tribunaux asiatiques : c'est assez des autres abus ! J'en vais corriger un second, en vous motivant mon arrêt : tout juge qui s'y refuse est un grand ennemi des lois. Que peut requérir la demanderesse ? mariage à défaut de payement ; les deux ensemble impliqueraient.<br><br>
DOUBLE- MAIN. Silence, messieurs !<br><br>
L'HUISSIER, glapissant. Silence.<br><br>
LE COMTE. Que nous répond le défendeur ? qu'il veut garder sa personne ; à lui permis.<br><br>
FIGARO, avec joie. J'ai gagné !<br><br>
LE COMTE. Mais Comme.. le texte dit : “ Laquelle somme je payerai à sa première réquisition, ou bien j'épouserai, etc. ”, la cour condamne le défendeur à payer deux mille piastres fortes à la demanderesse, ou bien à l'épouser dans le jour.<br><br>
Il se lève.<br><br>
FIGARO, stupéfiait. J'ai perdu.<br><br>
ANTONIO, avec joie. Superbe arrêt !<br><br>
FIGARO. En quoi Superbe ?<br><br>
ANTONIO. En ce que tu n'es plus mon neveu. Grand merci, Monseigneur.<br><br>
L'HUISSIER, glapissant. Passez, messieurs.<br><br>
Le peuple sort.<br><br>
ANTONIO. Je m'en vas tout conter à ma nièce.<br><br>
Il sort.<br><br>
<a name="60"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > SCÈNE 16" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Scène 16<br><br>
LE COMTE, allant de côté et d'autre ;<br><br>
MARCELINE, BARTHOLO,<br><br>
FIGARO, BRID'OISON<br><br>
FIGARO. Et moi, j'étouffe.<br><br>
LE COMTE, à part. Au moins je suis vengé, cela soulage.<br><br>
FIGARO, à part. Et ce BAZILE qui devait s'opposer au mariage de Marceline, voyez Comme il revient ! - (Au Comte qui sort. ) Monseigneur, vous nous quittez ?<br><br>
LE COMTE. Tout est jugé.<br><br>
FIGARO, à Brid'oison. C'est ce gros enflé de Conseiller...<br><br>
BRID'OISON. Moi, gros-os enflé !<br><br>
FIGARO. Sans doute. Et je ne l'épouserai pas : je suis gentilhomme, une fois.<br><br>
Le Comte s'arrête.<br><br>
BARTHOLO. Vous l'épouserez.<br><br>
FIGARO. Sans l'aveu de mes nobles parents ?<br><br>
MARCELINE s'assied. Ah ! je respire !<br><br>
FIGARO. Et moi, j'étouffe.<br><br>
LE COMTE, à part. Au moins je suis vengé, cela soulage.<br><br>
FIGARO, à part. Et ce BAZILE qui devait s'opposer au mariage de Marceline, voyez Comme il revient ! - (Au Comte qui sort. ) Monseigneur, vous nous quittez ?<br><br>
LE COMTE. Tout est jugé.<br><br>
FIGARO, à Brid'oison. C'est ce gros enflé de Conseiller...<br><br>
BRID'OISON. Moi, gros-os enflé !<br><br>
FIGARO. Sans doute. Et je ne l'épouserai pas : je suis gentilhomme, une fois.<br><br>
Le Comte s'arrête.<br><br>
BARTHOLO. Vous l'épouserez.<br><br>
FIGARO. Sans l'aveu de mes nobles parents ?<br><br>
BARTHOLO. Nommez-les, montrez-les.<br><br>
FIGARO. Qu'on me donne un peu de temps : je suis bien près de les revoir ; il y a quinze ans que je les cherche.<br><br>
BARTHOLO. Le fat ! C'est quelque enfant trouvé !<br><br>
FIGARO. Enfant perdu, docteur, ou plutôt enfant volé.<br><br>
LE COMTE revient. Volé, perdu, la preuve ? Il crierait qu'on lui fait injure !<br><br>
FIGARO. Monseigneur, quand les langes à dentelles, tapis brodés et joyaux d'or trouvés sur moi par les brigands n'indiqueraient pas ma haute naissance, la précaution qu'on avait prise de me faire des marques distinctives témoignerait assez combien j'étais un fils précieux : et cet hiéroglyphe à mon bras...<br><br>
Il veut se dépouiller le bras droit.<br><br>
MARCELINE, se levant vivement. Une spatule à ton bras droit ?<br><br>
FIGARO. D'où savez-vous que je dois l'avoir ?<br><br>
MARCELINE. Dieux ! C'est lui !<br><br>
FIGARO. Oui, C'est moi.<br><br>
BARTHOLO, à Marceline. Et qui ? lui !<br><br>
MARCELINE, vivement. C'est Emmanuel.<br><br>
BARTHOLO, à Figaro. Tu fus enlevé par des bohémiens ?<br><br>
FIGARO, exalté. Tout près d'un Château. Bon docteur, si vous me rendez à ma noble famille, mettez un prix à ce service ; des monceaux d'or n'arrêteront pas mes illustres parents.<br><br>
BARTHOLO, montrant Marceline. Voilà ta mère.<br><br>
FIGARO. ... Nourrice ?<br><br>
BARTHOLO. Ta propre mère.<br><br>
LE COMTE. Sa mère !<br><br>
FIGARO. Expliquez-vous.<br><br>
MARCELINE, montrant Bartholo. Voilà ton père.<br><br>
FIGARO, désolé. Oooh ! aïe de moi !<br><br>
MARCELINE. Est-ce que la nature ne te l'a pas dit mille fois ?<br><br>
FIGARO. Jamais.<br><br>
LE COMTE, à part. Sa mère !<br><br>
BRID'OISON. C'est Clair, i-il ne l'épousera pas.<br><br>
BARTHOLO. Ni moi non plus.<br><br>
MARCELINE. Ni vous ! Et votre fils ? Vous m'aviez juré...<br><br>
BARTHOLO. J'étais fou. Si pareils souvenirs engageaient, on serait tenu d'épouser tout le monde.<br><br>
BRID'OISON. E-et si l'on y regardait de si près, per-ersonne n'épouserait personne.<br><br>
BARTHOLO. Des fautes si connues ! une jeunesse déplorable.<br><br>
MARCELINE, s'échauffant par degrés. Oui, déplorable, et plus qu'on ne croit ! Je n'entends pas nier mes fautes ; ce jour les a trop bien prouvées ! mais qu'il est dur de les expier après trente ans d'une vie modeste ! J'étais née, moi, pour être sage, et je la suis devenue sitôt qu'on m'a permis d'user de ma raison. Mais dans l'âge des illusions, de l'inexpérience et des besoins, où les séducteurs nous assiègent pendant que la misère nous poignarde, que peut opposer une enfant à tant d'ennemis rassemblés ?<br><br>
Tel nous juge ici sévèrement, qui, peut-être, en sa vie a perdu dix infortunées !<br><br>
FIGARO. Les plus coupables sont les moins généreux ; c'est la règle.<br><br>
MARCELINE, vivement. Hommes plus qu'ingrats, qui flétrissez par le mépris les jouets de vos passions, vos victimes ! C'est vous qu'il faut punir des erreurs de notre jeunesse ; vous et vos magistrats, si vains du droit de nous juger, et qui nous laissent enlever, par leur coupable négligence, tout honnête moyen de subsister. Est-il un seul état pour les malheureuses filles ? Elles avaient un droit naturel à toute la parure des femmes : on y laisse former mille ouvriers de l'autre sexe.<br><br>
FIGARO, en colère. Ils font broder jusqu'aux soldats !<br><br>
MARCELINE, exaltée. Dans les rangs même plus élevés, les femmes n'obtiennent de vous qu'une considération dérisoires ; leurrées de respects apparents, dans une servitude réelle ; traitées en mineures pour nos biens, punies en majeures pour nos fautes ! Ah ! sous tous les aspects, votre conduite avec nous fait horreur ou pitié !<br><br>
FIGARO. Elle a raison !<br><br>
LE COMTE, à part. Que trop raison !<br><br>
BRID'OISON. Elle a, mon-on Dieu, raison !<br><br>
MARCELINE. Mais que nous font, mon fils, les refus d'un homme injuste ? Ne regarde pas d'où tu viens, vois où tu vas : Cela seul importe à chacun. Dans quelques mois ta fiancée ne dépendra plus que d'elle-même ; elle t'acceptera, j'en réponds. vis entre une épouse, une mère tendre qui te chériront à qui mieux mieux. Sois indulgent pour elles, heureux pour toi, mon fils ; gai, libre et bon pour tout le monde ; il ne manquera rien à ta mère.<br><br>
FIGARO. Tu parles d'or, maman, et je me tiens à ton avis. Qu'on est sot, en effet ! Il y a des mille et mille ans que le monde roule, et dans cet océan de durée, où j'ai par hasard attrapé quelques chétifs trente ans qui ne reviendront plus, j'irais me tourmenter pour voir à qui je les dois ! Tant pis pour qui s'en inquiète. Passer ainsi la vie à chamailler, c'est peser sur le collier sans relâche, comme les malheureux chevaux de la remonte des fleuves, qui ne reposent pas même quand ils s'arrêtent, et qui tirent toujours, quoiqu'ils cessent de marcher. Nous. attendrons. ”<br><br>
LE COMTE. Sot événement qui me dérange !<br><br>
BRID'OISON, à Figaro. Et la noblesse, et le château ? Vous impo-osez à la justice !<br><br>
FIGARO. Elle allait me faire faire une belle sottise, la justice ! Après que j'ai manqué, pour ces maudits cent écus, d'assommer vingt fois Monsieur, qui se trouve aujourd'hui mon père ! Mais puisque le ciel a sauvé ma vertu de ces dangers, mon père, agréez mes excuses ; ... et vous, ma mère, embrassez-moi... le plus maternellement que vous pouvez.<br><br>
Marceline lui saute au cou.<br><br>
<a name="61"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > SCÈNE 17" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Scène 17<br><br>
BARTHOLO, FIGARO, MARCELINE,<br><br>
BRID'OISON, SUZANNE, ANTONIO, LE COMTE<br><br>
SUZANNE, accourant, une bourse à la main. Monseigneur, arrêtez ; qu'on ne les marie pas : je viens payer madame avec la dote que ma maîtresse me donne.<br><br>
LE COMTE, à part. Au diable la maîtresse ! Il semble que tout conspire...<br><br>
Il sort.<br><br>
<a name="62"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > SCÈNE 18" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Scène 18<br><br>
BARTHOLO, ANTONIO, SUZANNE, FIGARO,<br><br>
MARCELINE, BRID'OISON<br><br>
ANTONIO, voyant Figaro embrasser sa mère, dit à Suzanne. Ah ! oui, payer ! Tiens, tiens.<br><br>
SUZANNE se retourne. J'en vois assez : sortons, mon oncle.<br><br>
FIGARO, l'arrêtant. Non, s'il vous plaît ! Que vois-tu donc ?<br><br>
SUZANNE. Ma bêtise et ta lâcheté.<br><br>
FIGARO. Pas plus de l'une que de l'autre.<br><br>
SUZANNE, en colère. Et que tu l'épouses à gré, puisque tu la caresses.<br><br>
FIGARO, gaiement. Je la caresse, mais je ne l'épouse pas. Suzanne veut sortir, Figaro la retient.<br><br>
SUZANNE lui donne un soufflet. Vous êtes bien insolent d'oser me retenir !<br><br>
FIGARO, à la compagnie. C'est-il çà de l'amour ! Avant de nous quitter, je t'en supplie, envisage bien cette chère femme-là.<br><br>
SUZANNE. Je la regarde.<br><br>
FIGARO. Et tu la trouves ?...<br><br>
SUZANNE. Affreuse.<br><br>
FIGARO. Et vive la jalousie ! elle ne vous marchande pas.<br><br>
MARCELINE, les bras ouverts. Embrasse ta mère, ma jolie Suzannette. Le méchant qui te tourmente est mon fils.<br><br>
SUZANNE court à elle. Vous, sa mère !<br><br>
Elles restent dans les bras l'une de l'autre.<br><br>
ANTONIO. C'est donc de tout à l'heure ?<br><br>
FIGARO. ...Que je le sais.<br><br>
MARCELINE, exaltée. Non, mon coeur entraîné vers lui ne se trompait que de motif ; C'était le sang qui me parlait.<br><br>
FIGARO. Et moi le bon sens, ma mère, qui me servait d'instinct quand je vous refusais ; car j'étais loin de vous haïr, témoin l'argent...<br><br>
MARCELINE lui remet un papier. Il est à toi : reprends ton bulletin, c'est ta dot.<br><br>
SUZANNE lui jette la bourse. Prends encore celle-ci.<br><br>
FIGARO. Grand merci.<br><br>
MARCELINE, exaltée. Fille assez malheureuse, j'allais devenir la plus misérable des femmes, et je suis la plus fortunée des mères ! Embrassez-moi, mes deux enfants ; j'unis dans vous toutes mes tendresses. Heureuse autant que je puis l'être, ah ! mes enfants, combien je vais aimer !<br><br>
FIGARO, attendri, avec vivacité. Arrêtez donc ; Chère mère ! arrête donc ! voudrais-tu voir se fondre en eau mes yeux noyés des premières larmes que je connaisse ? Elles sont de joie, au moins. Mais quelle stupidité ! j'ai manqué d'en être honteux : je les sentais couler entre mes doigts : regarde ; (il montre ses doigts écartés) et je les retenais bêtement ! Va te promener, la honte ! je veux rire et pleurer en même temps ; on ne sent pas deux fois ce que j'éprouve.<br><br>
Il embrasse sa mère d'un côté, Suzanne de l'autre.<br><br>
MARCELINE. Emmanuel.<br><br>
SUZANNE. Mon Cher ami !<br><br>
BRID'OISON, s'essuyant les yeux d'un mouchoir. Eh bien ! moi, je suis donc bê-ête aussi !<br><br>
FIGARO, exalté. Chagrin, c'est maintenant que je puis te défier ! Atteins-moi, si tu l'oses, entre ces deux femmes chéries.<br><br>
ANTONIO, à Figaro. Pas tant de cajoleries, s'il vous plaît En fait de mariage dans les familles, celui des parents va devant, savez. Les vôtres se baillent-ils la main ?<br><br>
BARTHOLO. Ma main ! puisse-t-elle se dessécher et tomber, si jamais je la donne à la mère d'un tel drôle !<br><br>
ANTONIO, à Banholo. Vous n'êtes donc qu'un père marâtre ? (A Figaro.) En ce cas, not' galant, plus de parole.<br><br>
SUZANNE. Ah ! mon oncle...<br><br>
ANTONIO. Irai-je donner l'enfant de not' soeur à sti qui n'est l'enfant de personne ?<br><br>
BRID'OISON. Est-ce que cela-a se peut, imbécile ? on-on est toujours l'enfant de quelqu'un.<br><br>
ANTONIO. Tarare !... Il ne l'aura jamais.<br><br>
Il sort.<br><br>
<a name="63"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > SCÈNE 19" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Scène 19<br><br>
BARTHOLO, SUZANNE, FIGARO,<br><br>
MARCELINE, BRID'OISON<br><br>
BARTHOLO, à Figaro. Et Cherche à présent qui t'adopte.<br><br>
Il veut sortir.<br><br>
MARCELINE, courant prendre Bartholo à bras-le-corps, le ramène. Arrêtez, docteur, ne sortez pas !<br><br>
FIGARO, à part. Non, tous les sots d'Andalousie sont, je crois, déchaînés contre mon pauvre mariage.<br><br>
SUZANNE, à Bartholo. Bon petit papa, C'est votre fils.<br><br>
MARCELINE, à Bartholo. De l'esprit, des talents, de la figure.<br><br>
FIGARO, à Banholo. Et qui ne vous a pas coûté une obole.<br><br>
BARTHOLO. Et les cent écus qu'il m'a pris ?<br><br>
MARCELINE, le caressant. Nous aurons tant de soin de vous, papa !<br><br>
SUZANNE, le caressant. Nous vous aimerons tant, petit papa !<br><br>
BARTHOLO, attendri. Papa ! bon papa ! petit papa ! Voilà que je suis plus bête encore que monsieur, moi. (Montrant Brid'oison.) Je me laisse aller comme un enfant. (Marceline et Suzanne l'embrassent.) Oh ! non, je n'ai pas dit oui. (Il se retourne.) Qu'est donc devenu Monseigneur ?<br><br>
FIGARO. Courons le joindre ; arrachons-lui son dernier mot. S'il machinait quelque autre intrigue, il faudrait tout recommencer.<br><br>
TOUS ENSEMBLE. Courons, Courons.<br><br>
Ils entraînent Bartholo dehors.<br><br>
<a name="64"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > SCÈNE 20" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Scène 20<br><br>
BRID'OISON, seul<br><br>
Plus bé-ête encore que monsieur ! On peut se dire à soi-même ces-es sortes de choses-là mais... I-ils ne sont pas polis du tout dan-ans cet endroit-ci.<br><br>
Il sort.<br><br>
<a name="65"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > ACTE IV" border="0" width="738" height="54"><br><br>
ACTE IV<br><br>
Le théâtre représente une galerie ornée de candélabres, de lustres allumés, de fleurs, de guirlandes, en un mot, préparée pour donner une fête. Sur le devant, à droite, est une table avec une écritoire, un fauteuil derrière.<br><br>
<a name="66"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > SCÈNE 1" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Scène 1<br><br>
FIGARO, SUZANNE<br><br>
FIGARO, la tenant à bras-le-corps. Eh bien ! amour, es-tu contente ? Elle a converti son docteur, cette fine lampe dorée de ma mère ! Malgré sa répugnance, il l'épouse, et ton bourru d'oncle est bridé ; il n'y à que Monseigneur qui rage, car enfin notre hymen va devenir le prix du leur. Ris donc un peu de ce bon résultat.<br><br>
SUZANNE. As-tu rien vu de plus étrange ?<br><br>
FIGARO. Ou plutôt d'aussi gai. Nous ne voulions qu'une dot arrachée à l'Excellence ; en voilà deux dans nos mains, qui ne sortent pas des siennes. Une rivale acharnée te poursuivait ; j'étais tourmenté par une ride ; tout cela s'est changé, pour nous, dans la plus bonne des mères. Hier, j'étais comme seul au monde, et voilà que _ ) j'ai tous mes parents ; pas si magnifiques, il est vrai, que je me les étais galonnés ; mais assez bien pour nous, qui n'avons pas la vanité des riches.<br><br>
SUZANNE. Aucune des choses que tu avais disposées, que nous attendions, mon ami, n'est pourtant arrivée !<br><br>
FIGARO. Le hasard a mieux fait que nous tous, ma petite. Ainsi va le monde ; on travaille, on projette, on arrange d'un côté ; la fortune accomplit de l'autre : et depuis l'affamé conquérant qui voudrait avaler la terre, jusqu'au paisible aveugle qui se laisse mener par son chien, tous sont le jouet de ses caprices ; encore l'aveugle au chien est-il souvent mieux conduit, moins trompé dans ses vues que l'autre aveugle avec son entourage. - Pour cet aimable aveugle qu'on nomme Amour...<br><br>
Il la reprend tendrement à bras-le-corps.<br><br>
SUZANNE. Ah ! C'est le seul qui m'intéresse !<br><br>
FIGARO. Permets donc que, prenant l'emploi de la Folie, je sois le bon chien qui le mène à ta jolie mignonne porte ; et nous voilà logés pour la vie.<br><br>
SUZANNE, riant. L'Amour et toi ?<br><br>
FIGARO. Moi et l'Amour.<br><br>
SUZANNE. Et vous ne chercherez pas d'autre gîte ?<br><br>
FIGARO. Si tu m'y prends, je veux bien que mille millions de galants...<br><br>
SUZANNE. Tu vas exagérer : dis ta bonne vérité.<br><br>
FIGARO. Ma vérité la plus vraie !<br><br>
SUZANNE. Fi donc, vilain ! en a-t-on plusieurs ?<br><br>
FIGARO. Oh ! que oui. Depuis qu'on a remarqué qu'avec le temps vieilles folies deviennent sagesse, et qu'anciens petits mensonges assez mal plantés ont produit de grosses, grosses vérités, on en a de mille espèces. Et celles qu'on sait, sans oser les divulguer : car toute vérité n'est pas bonne à dire ; et celles qu'on vante, sans y ajouter foi : car toute vérité n'est pas bonne à croire ; et les serments passionnés, les menaces des mères, les protestations des buveurs, les promesses des gens en place, le dernier mot de nos marchands, cela ne finit pas. Il n'y a que mon amour pour Suzon qui soit une vérité de bon aloi.<br><br>
SUZANNE. J'aime ta joie, parce qu'elle est folle ; elle annonce que tu es heureux. Parlons du rendez-vous du Comte.<br><br>
FIGARO. Ou plutôt n'en parlons jamais ; il a failli me coûter Suzanne.<br><br>
SUZANNE. Tu ne veux donc plus qu'il ait lieu ?<br><br>
FIGARO. Si vous m'aimez, Suzon, votre parole d'honneur sur ce point : qu'il s'y morfonde ; et c'est sa punition.<br><br>
SUZANNE. Il m'en a plus coûté de l'accorder que je n'ai de peine à le rompre : il n'en sera plus question.<br><br>
FIGARO. Ta bonne vérité ?<br><br>
SUZANNE. Je ne suis pas comme vous autres savants, moi ! je n'en ai qu'une. _<br><br>
FIGARO. Et tu m'aimeras un peu ?<br><br>
SUZANNE. Beaucoup.<br><br>
FIGARO. Ce n'est guère.<br><br>
SUZANNE. Et Comment ?<br><br>
FIGARO. En fait d'amour, vois-tu, trop n'est même pas assez.<br><br>
SUZANNE. Je n'entends pas toutes ces finesses, mais je n'aimerai que mon mari.<br><br>
FIGARO. Tiens parole, et tu feras une belle exception à l'usage.<br><br>
Il veut l'embrasser.<br><br>
<a name="67"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > SCÈNE 2" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Scène 2<br><br>
FIGARO, SUZANNE, LA COMTESSE<br><br>
LA COMTESSE. Ah ! j'avais raison de le dire ; en quelque endroit qu'ils soient, croyez qu'ils sont ensemble. Allons donc, Figaro, c'est voler l'avenir, le mariage et vous-même, que d'usurper un tête-à-tête. On vous attend, on s'impatiente.<br><br>
FIGARO. Il est vrai, madame, je m'oublie. Je vais leur montrer mon excuse.<br><br>
Il veut emmener Suzanne.<br><br>
LA COMTESSE la retient. Elle vous suit.<br><br>
<a name="68"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > SCÈNE 3" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Scène 3<br><br>
SUZANNE, LA COMTESSE<br><br>
LA COMTESSE. As-tu ce qu'il nous faut pour troquer de vêtement ?<br><br>
SUZANNE. Il ne faut rien, madame ; le rendez-vous ne tiendra pas.<br><br>
LA COMTESSE. Ah ! vous changez d'avis ?<br><br>
SUZANNE. C'est Figaro.<br><br>
LA COMTESSE. Vous me trompez.<br><br>
SUZANNE. Bonté divine !<br><br>
LA COMTESSE. Figaro n'est pas homme à laisser échapper une dot.<br><br>
SUZANNE. Madame ! eh, que Croyez-vous donc ?<br><br>
LA COMTESSE. Qu'enfin, d'accord avec le Comte, il vous lâche à présent de m'avoir confié ses projets. Je vous sais par coeur. Laissez-moi.<br><br>
Elle veut sortir.<br><br>
SUZANNE se jette à genoux. Au nom du Ciel, espoir de tous ! Vous ne savez pas, madame, le mal que vous faites à Suzanne ! Après vos bontés continuelles et la dot que vous me donnez ! ...<br><br>
LA COMTESSE.la relève. Eh mais... je ne sais ce que je dis ! En me cédant ta place au jardin, tu n'y vas pas, mon coeur ; tu tiens parole à ton mari, tu m'aides à ramener le mien.<br><br>
SUZANNE. Comme vous m'avez affligée !<br><br>
LA COMTESSE. C'est que je ne suis qu'une étourdie. (Elle la baise au front.) Où est ton rendez-vous ?<br><br>
SUZANNE lui baise la main. Le mot de jardin m'a seul frappée.<br><br>
LA COMTESSE, montrant la table. Prends cette plume, et fixons un endroit.<br><br>
SUZANNE. Lui écrire ?<br><br>
LA COMTESSE. Il le faut.<br><br>
SUZANNE. Madame ! au moins C'est vous...<br><br>
LA COMTESSE. Je mets tout sur mon compte. Suzanne s'assied, la Comtesse dicte. Chanson nouvelle, sur l'air... “Qu'il fera beau ce soir sous les grands marronniers... Qu'il fera beau ce soir... ”<br><br>
SUZANNE écrit. “ SOUS les grands marronniers... >> Après ?<br><br>
LA COMTESSE. Crains-tu qu'il ne t'entende pas ?<br><br>
SUZANNE relit. C'est juste. (Elle plie le billet.) Avec quoi cacheter ?<br><br>
LA COMTESSE. Une épingle, dépêche : elle servira de réponse. Écris sur le revers ; Renvoyez-moi le cachet.<br><br>
SUZANNE Écrit en riant. Ah ! le cachet !... Celui-ci, madame, est plus gai que celui du brevet.<br><br>
LA COMTESSE, avec un souvenir douloureux. Ah !<br><br>
SUZANNE cherche sur elle. Je n'ai pas d'épingle, à présent !<br><br>
LA COMTESSE détache sa lévite. Prends celle-ci. (Le ruban du page tombe de son sein à terre. ) Ah ! mon ruban !<br><br>
SUZANNE le ramasse. C'est celui du petit voleur ! Vous avez eu la cruauté ?...<br><br>
LA COMTESSE. Fallait-il le laisser à son bras ? C'eût été joli ! Donnez donc !<br><br>
SUZANNE. Madame ne le portera plus, taché du sang de ce jeune homme.<br><br>
LA COMTESSE le reprend. Excellent pour Fanchette. Le premier bouquet qu'elle m'apportera...<br><br>
<a name="69"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > SCÈNE 4" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Scène 4<br><br>
UNE JEUNE BERGÈRE, CHÉRUBIN, en fille,<br><br>
FANCHETTE et beaucoup de jeunes filles<br><br>
habillées comme elle, et tenant des bouquets,<br><br>
LA COMTESSE, SUZANNE<br><br>
FANCHETTE. Madame, ce sont les filles du bourg qui viennent vous présenter des fleurs.<br><br>
LA COMTESSE, serrant vite son ruban. Elles sont Charmantes. Je me reproche, mes belles petites, de ne pas vous connaître toutes. (Montrant Chérubin.) Quelle est cette aimable enfant qui a l'air si modeste ?<br><br>
UNE BERGÈRE. C'est une cousine à moi, madame, qui n'est ici que pour la noce.<br><br>
LA COMTESSE. Elle est jolie. Ne pouvant porter vingt bouquets, faisons honneur à l'étrangère. (Elle prend le bouquet de Chérubin, et le baise au front. ) Elle en rougit ! (A Suzanne.) Ne trouves-tu pas, Suzon... qu'elle ressemble à quelqu'un ?<br><br>
SUZANNE. A s'y méprendre, en vérité.<br><br>
CHÉRUBIN, à part, les mains sur son coeur. Ah ! ce baiser-là m'a été bien loin !<br><br>
<a name="70"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > SCÈNE 5" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Scène 5<br><br>
LES JEUNES FILLES, CHÉRUBIN au milieu d'elles,<br><br>
FANCHETTE, ANTONIO, LE COMTE,<br><br>
LA COMTESSE, SUZANNE<br><br>
ANTONIO. Moi je vous dis, Monseigneur, qu'il y est ; elles l'ont habillé chez ma fille ; toutes ses hardes y sont encore, et voilà son chapeau d'ordonnance que j'ai retiré du paquet. (Il s'avance et regardant toutes les filles, il reconnaît Chérubin, lui enlève son bonnet de femme, ce qui fait retomber ses longs cheveux en cadenette. Il lui met sur la tête le chapeau d'ordonnance et dit :) Eh parguenne, v'là notre officier !<br><br>
LA COMTESSE recule. Ah Ciel !<br><br>
SUZANNE. Ce friponneau !<br><br>
ANTONIO. Quand je disais là-haut que C'était lui ! ...<br><br>
LE COMTE, en colère. Eh bien, madame ?<br><br>
LA COMTESSE. Eh bien, monsieur ! vous me voyez plus surprise que vous et, pour le moins, aussi lâchée.<br><br>
LE COMTE. Oui ; mais tantôt, ce matin ?<br><br>
LA COMTESSE. Je serais Coupable, en effet, si je dissimulais encore. Il était descendu chez moi. Nous entamions le badinage que ces enfants viennent d'achever ; vous nous avez surprises l'habillant : votre premier mouvement est si vif ! il s'est sauvé, je me suis troublée ; l'effroi général a fait le reste.<br><br>
LE COMTE, avec dépit, à Chérubin. Pourquoi n'êtes-vous pas parti ?<br><br>
CHÉRUBIN, ôtant son chapeau brusquement. Monseigneur...<br><br>
LE COMTE. Je punirai ta désobéissance.<br><br>
FANCHETTE, étourdiment. Ah, Monseigneur, entendez-moi ! Toutes les fois que vous venez m'embrasser, vous savez bien que vous dites toujours : Si tu veux m'aimer, petite Fanchette, je te donnerai ce que tu voudras.<br><br>
LE COMTE, rougissant. Moi ! j'ai dit cela ?<br><br>
FANCHETTE. Oui, Monseigneur. Au lieu de punir Chérubin, donnez-le-moi en mariage, et je vous aimerai à la folie.<br><br>
LE COMTE, à part. Être ensorcelé par un page !<br><br>
LA COMTESSE. Eh bien, monsieur, à votre tour ! L'aveu de cet enfant aussi naïf que le mien atteste enfin deux vérités : que c'est toujours sans le vouloir si je cause des inquiétudes, pendant que vous épuisez tout pour augmenter et justifier les miennes.<br><br>
ANTONIO. Vous aussi, Monseigneur ? Dame ! je vous la redresserai comme feu sa mère, qui est morte... Ce n'est pas pour la conséquence ; mais c'est que Madame sait bien que les petites filles, quand elles sont grandes...<br><br>
LE COMTE, déconcerté, à part. Il y a un mauvais génie qui tourne tout ici contre moi !<br><br>
<a name="71"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > SCÈNE 6" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Scène 6<br><br>
LES JEUNES FILLES, CHÉRUBIN,<br><br>
ANTONIO, FIGARO,<br><br>
LE COMTE, LA COMTESSE, SUZANNE<br><br>
FIGARO. Monseigneur, si vous retenez nos filles, on ne pourra commencer ni la fête, ni la danse.<br><br>
LE COMTE. Vous, danser ! vous n'y pensez pas. Après votre chute de ce matin, qui vous a foulé le pied droit !<br><br>
FIGARO, remuant la jambe. Je souffle encore un peu ; ce n'est rien. (Aux jeunes filles.) Allons, mes belles, allons !<br><br>
LE COMTE le retourne. Vous avez été fort heureux que ces couches ne fussent que du terreau bien doux !<br><br>
FIGARO. Très heureux, sans doute ; autrement...<br><br>
ANTONIO le retourne. Puis il s'est pelotonné en tombant jusqu'en bas.<br><br>
FIGARO. Un plus adroit, n'est-ce pas, serait resté en l'air ? (Aux jeunes filles.) Venez-vous, mesdemoiselles ?<br><br>
ANTONIO le retourne. Et, pendant ce temps, le petit page galopait sur son cheval à Séville ?<br><br>
FIGARO. Galopait, ou marchait au pas...<br><br>
LE COMTE le retourne. Et vous aviez son brevet dans la poche ?<br><br>
FIGARO, un peu étonné. Assurément ; mais quelle enquête ? (Aux jeunes filles.) Allons donc, jeunes filles !<br><br>
ANTONIO, attirant Chérubin par le bras. En voici une qui prétend que mon neveu futur n'est qu'un menteur.<br><br>
FIGARO, surpris. Chérubin !... (A part) Peste du petit fat !<br><br>
ANTONIO. Y es-tu maintenant ?<br><br>
FIGARO, cherchant. J'y suis... j'y suis... Hé ! qu'est-ce qu'il chante ?<br><br>
LE COMTE, sèchement. Il ne chante pas ; il dit que c'est lui qui a sauté sur les giroflées.<br><br>
FIGARO, rêvant. Ah ! s'il le dit... cela se peut. Je ne dispute pas de ce que j'ignore.<br><br>
LE COMTE. Ainsi vous et lui ?... .<br><br>
FIGARO. Pourquoi non ? la rage de sauter peut gagner : voyez les moutons de Panurge ; et quand vous êtes en colère, il n'y a personne qui n'aime mieux risquer...<br><br>
LE COMTE. Comment, deux à la fois ?<br><br>
FIGARO. On aurait sauté deux douzaines. Et qu'est-ce que cela fait, Monseigneur, dès qu'il n'y a personne de blessé ? (Aux jeunes filles.) Ah ou voulez-vous venir, ou non ?<br><br>
LE COMTE, outré. Jouons-nous une comédie ?<br><br>
On entend un prélude de fanfare.<br><br>
FIGARO. Voilà le signal de la marche. A vos postes, les belles, à vos postes ! Allons, Suzanne, donne-moi le bras.<br><br>
Tous s'enfuient ; Chérubin reste seul, la tête baissée.<br><br>
<a name="72"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > SCÈNE 7" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Scène 7<br><br>
CHÉRUBIN, LE COMTE, LA COMTESSE<br><br>
LE COMTE, regardant aller Figaro. En voit-on de plus audacieux ? (Au page.) Pour vous, monsieur je sournois, qui faites le honteux, allez vous rhabiller bien vite, et que je ne vous rencontre nulle part de la soirée.<br><br>
LA COMTESSE. Il va bien s'ennuyer.<br><br>
CHÉRUBIN, étourdiment. M'ennuyer ! j'emporte. à mon front du bonheur pour plus de cent années de prison.<br><br>
Il met son chapeau et s'enfuit.<br><br>
<a name="73"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > SCÈNE 8" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Scène 8<br><br>
LE COMTE, LA COMTESSE<br><br>
La Comtesse s'évente fortement sans parler.<br><br>
LE COMTE. Qu'a-t-il au front de si heureux ?<br><br>
LA COMTESSE, avec embarras. Son ;.. premier chapeau d'officier, sans doute ; aux enfants tout sert de hochet.<br><br>
Elle veut sortir.<br><br>
LE COMTE. Vous ne nous restez pas, Comtesse ?<br><br>
LA COMTESSE. Vous savez que je ne me porte pas bien.<br><br>
LE COMTE. Un instant pour votre protégée, ou je vous croirais en colère.<br><br>
LA COMTESSE. Voici les deux noces, asseyons-nous donc pour les recevoir.<br><br>
LE COMTE, à part. La noce ! Il faut souffrir de ce qu'on ne peut empêcher._<br><br>
Le Comte et la Comtesse s'assoient vers un des côtés de la galerie.<br><br>
<a name="74"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > SCÈNE 9" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Scène 9<br><br>
LE COMTE, LA COMTESSE, assis ;<br><br>
l'on joue les Folies d'Espagne<br><br>
d'un mouvement de marche (symphonie notée)<br><br>
MARCHE<br><br>
LES GARDES-CHASSE, fusil sur l'épaule.<br><br>
L'ALGUAZIL. LES PRUD'HOMMES. BRID'OISON.<br><br>
LES PAYSANS ET PAYSANNES en habits de fête.<br><br>
DEUX JEUNES FILLES, portant la toque virginale à plumes blanches.<br><br>
DEUX AUTRES, le voile blanc.<br><br>
DEUX AUTRES, les gants et le bouquet de côté.<br><br>
ANTONIO donne la main à SUZANNE, Comme étant celui qui la marie à FIGARO.<br><br>
D'AUTRES JEUNES FILLES prennent une autre toque, un autre voile, un autre bouquet blanc, semblables aux premiers, pour MARCELINE.<br><br>
FIGARO donne la main à MARCELINE, comme celui qui doit la remettre au DOCTEUR, lequel ferme la marche, un gros bouquet au côté. Les jeunes filles, en passant devant le Comte, remettent à ses valets tous les ajustements destinés à SUZANNE et à MARCELINE.<br><br>
LES PAYSANS ET PAYSANNES s'étant rangés sur deux colonnes à chaque côté du salon, on danse une reprise du fandango (air noté) avec des castagnettes :<br><br>
puis on joue la ritournelle du duo, pendant laquelle ANTONIO conduit SUZANNE au COMTE ; elle se met à genoux devant lui.<br><br>
Pendant que le COMTE lui pose la toque, le voile, et lui donne le bouquet, deux jeunes filles chantent le duo suivant (air noté) : .<br><br>
Jeune épouse, chantez les bienfaits et la gloire<br><br>
D'un maître qui renonce aux droits qu'il eut sur vous :<br><br>
Préférant au plaisir la plus noble victoire,<br><br>
Il vous rend chaste et pure aux mains de votre époux.<br><br>
SUZANNE est à genoux, et, pendant les derniers vers du duo, elle tire le COMTE par son manteau et lui montre le billet qu'elle tient : puis elle porte la main qu'elle a du côté des spectateurs à sa tête, où LE COMTE a l'air d'ajuster sa toque ; elle lui donne le billet.<br><br>
LE COMTE le met furtivement dans son sein ; on achève de chanter le duo : la fiancée se relève, et lui fait une grande révérence.<br><br>
FIGARO vient la recevoir des mains du COMTE, et se retire avec elle à l'autre côté du salon, près de MARCELINE. (On danse une autre reprise du fandango pendant ce temps. )<br><br>
LE COMTE, pressé de lire ce qu'il a reçu, s'avance au bord du théâtre et tire le papier de son sein ; mais en le sortant il fait le geste d'un homme qui s'est cruellement piqué le doigt ; il le secoue, le presse, le suce, et regardant le papier cacheté d'une épingle, il dit :<br><br>
LE COMTE (Pendant qu'il parle, ainsi que Figaro, l'orchestre joue pianissimo.) Diantre soit des femmes, qui fourrent des épingles partout !<br><br>
Il la jette à terre, puis il lit le billet et le baise.<br><br>
FIGARO, qui a tout vu, dit à sa mère et à Suzanne : C'est un billet doux, qu'une fillette aura glissé dans sa main en passant. Il était cacheté d'une épingle, qui l'a outrageusement piqué. La danse reprend : le Comte qui a lu le billet le retourne ; il y voit l'invitation de renvoyer le cachet pour réponse. Il cherche à terre, et retrouve enfin l'épingle qu'il attache à sa manche.<br><br>
FIGARO, à Suzanne et à Marceline. D'un objet aimé tout est cher. Le voilà qui ramasse l'épingle. Ah ! c'est une drôle de tête ! . Pendant ce temps, SUZANNE a des signes d'intelligence avec la Comtesse. La danse finit ; la ritournelle du duo recommence. Figaro conduit Marceline au Comte, ainsi qu'on a conduit Suzanne ; à l'instant où le Comte prend la toque, et où l'on va chanter le duo, on est interrompu par les cris suivants :<br><br>
L'HUISSIER, criant à la porte. Arrêtez donc, messieurs ! vous ne pouvez entrer tous... Ici les gardes ! les gardes ! Les gardes vont vite à cette porte.<br><br>
LE COMTE, se levant. Qu'est-ce qu'il y a ?<br><br>
L.HUISSIER. Monseigneur, C'est monsieur BAZILE entouré d'un village entier, parce qu'il chante en marchant.<br><br>
LE COMTE. Qu'il entre seul.<br><br>
LA COMTESSE. Ordonnez-moi de me retirer.<br><br>
LE COMTE. Je n'oublie pas votre complaisance.<br><br>
LA COMTESSE. Suzanne !... Elle reviendra. (A part, à Suzanne.) Allons changer d'habits.<br><br>
Elle sort avec Suzanne.<br><br>
MARCELINE. Il n'arrive jamais que pour nuire.<br><br>
FIGARO. Ah ! je m'en vais vous le faire déchanter.<br><br>
<a name="75"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > SCÈNE 10" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Scène 10<br><br>
TOUS LES ACTEURS PRÉCÉDENTS,<br><br>
excepté la Comtesse et Suzanne ;<br><br>
BAZILE tenant sa guitare ; GRIPE-SOLEIL<br><br>
BAZILE entre en chantant sur l'air du vaudeville de la fin.<br><br>
(Air noté.)<br><br>
Coeurs sensibles, coeurs fidèles,<br><br>
Qui blâmez l'amour léger,<br><br>
Cessez vos plaintes cruelles :<br><br>
Est-ce un crime de changer ?<br><br>
Si l'Amour porte des ailes,<br><br>
N'est-ce pas pour voltiger ?<br><br>
N'est-ce pas pour voltiger ?<br><br>
N'est-ce pas pour voltiger ?<br><br>
FIGARO s'avance à lui. Oui, C'est pour cela justement qu'il a des ailes au dos. Notre ami, qu'entendez-vous par cette musique.<br><br>
BAZILE, montrant Gripe-Soleil. Qu'après avoir prouvé mon obéissance à Monseigneur en amusant Monsieur, qui est de sa compagne, je pourrai à mon tour réclamer sa justice.<br><br>
GRIPE-SOLEIL. Bah ! Monseigneur, il ne m'a pas amusé du tout : avec leurs guenilles d'ariettes...<br><br>
LE COMTE. Enfin que demandez-vous, BAZILE ?<br><br>
BAZILE. Ce qui m'appartient, Monseigneur, la main de Marceline ; et je viens m'opposer...<br><br>
FIGARO s'approche. Y a-t-il longtemps que Monsieur n'a vu la figure d'un fou ?<br><br>
BAZILE. Monsieur, en ce moment même.<br><br>
FIGARO. Puisque mes yeux vous servent si bien de miroir, étudiez-y l'effet de ma prédiction. Si vous faites mine seulement d'approximer Madame...<br><br>
BARTHOLO, en riant. Eh pourquoi ? Laisse-le parler.<br><br>
BRID'OISON s'avance entre deux. Fau-aut-il que deux amis ?...<br><br>
FIGARO. NOUS, amis !<br><br>
BAZILE. Quelle erreur !<br><br>
FIGARO, vite. Parce qu'il fait de plats airs de Chapelle ?<br><br>
BAZILE, vite. Et lui, des vers comme un journal ?<br><br>
FIGARO, vite. Un musicien de guinguette !<br><br>
BAZILE, vite. Un postillon de gazette !<br><br>
FIGARO, vite. Cuistre d'oratorio !<br><br>
BAZILE, vite. Jockey diplomatique !<br><br>
LE COMTE, assis. Insolents tous les deux !<br><br>
BAZILE. Il me manque en toute occasion.<br><br>
FIGARO. C'est bien dit, si cela se pouvait !<br><br>
BAZILE. Disant partout que je ne suis qu'un sot.<br><br>
FIGARO. Vous me prenez donc pour un écho ?<br><br>
BAZILE. Tandis qu'il n'est pas un chanteur que mon talent n'ait fait briller.<br><br>
FIGARO. Brailler.<br><br>
BAZILE. Il le répète !<br><br>
FIGARO. Et pourquoi non, si cela est vrai ? Es-tu un prince, pour qu'on te flagorne ? Souffre la vérité, coquin, puisque tu n'as pas de quoi gratifier un menteur ; ou si tu la crains de notre part, pourquoi viens-tu troubler nos noces ?<br><br>
BAZILE, à Marceline. M'avez-vous promis, oui ou non, si, dans quatre ans, vous n'étiez pas pourvue, de me donner la préférence ?<br><br>
MARCELINE. A quelle Condition l'ai-je promis ?<br><br>
BAZILE. Que si vous retrouviez un certain fils perdu, je l'adopterais par complaisance.<br><br>
TOUS ENSEMBLE. Il est trouvé.<br><br>
BAZILE. Qu'à cela ne tienne !<br><br>
TOUS ENSEMBLE, montrant Figaro. Et le voici.<br><br>
BAZILE, reculant de frayeur. J'ai vu le diable !<br><br>
BRID'OISON, à BAZILE. Et vou-ous renoncez à sa chère mère ?<br><br>
BAZILE. Qu'y aurait-il de plus fâcheux que d'être cru le père d'un garnement ?<br><br>
FIGARO. D'en être cru le fils ; tu te moques de moi !<br><br>
BAZILE, montrant Figaro. Dés que Monsieur est quelque chose ici, je déclare, moi, que je n'y suis plus de tien.<br><br>
Il sort.<br><br>
<a name="76"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > SCÈNE II" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Scène II<br><br>
LES ACTEURS PRÉCÉDENTS, excepté BAZILE<br><br>
BARTHOLO, riant. Ah ! ah ! ah ! ah !<br><br>
FIGARO, sautant de joie. Donc à la fin j'aurai ma femme !<br><br>
LE COMTE, à part. Moi, ma maîtresse.<br><br>
Il se lève.<br><br>
BRID'OISON, à Marceline. Et tou-out le monde est satisfait.<br><br>
LE COMTE. Qu'on dresse les deux contrats ; j'y signerai.<br><br>
TOUS ENSEMBLE. Vivat !<br><br>
ils sortent.<br><br>
LE COMTE. J'ai besoin d'une heure de retraite.<br><br>
Il veut sortir avec les autres.<br><br>
<a name="77"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > SCÈNE 12" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Scène 12<br><br>
GRIPE-SOLEIL, FIGARO, MARCELINE, LE COMTE<br><br>
GRIPE-SOLEIL, à Figaro. Et moi, je vais aider à ranger le feu d'artifice sous les grands marronniers, Comme on l'a dit.<br><br>
LE COMTE revient en courant. Quel sot a donné un tel ordre ?<br><br>
FIGARO. Où est le mal ?<br><br>
LE COMTE, vivement. Et la Comtesse qui est incommodée, d'où le verra-t-elle, l'artifice ? C'est sur la terrasse qu'il le faut, vis-à-vis son appartement.<br><br>
FIGARO. Tu l'entends, Gripe-Soleil ? la terrasse.<br><br>
LE COMTE. Sous les grands marronniers ! belle idée ! (En s'en allant, à part.) Ils allaient incendier don rendez-vous !<br><br>
<a name="78"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > SCÈNE 13" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Scène 13<br><br>
FIGARO, MARCELINE<br><br>
FIGARO. Quel excès d'attention pour sa femme !<br><br>
Il veut sortir.<br><br>
MARCELINE l'arrête. Deux mots, mon fils. Je veux m'acquitter avec toi : un sentiment mal dirigé m'avait rendue injuste envers ta charmante femme ; je la supposais d'accord avec le Comte, quoique j'eusse appris de BAZILE qu'elle l'avait toujours rebuté.<br><br>
FIGARO. Vous connaissiez mal votre fils de le croire ébranlé par ces impulsions féminines. Je puis défier la plus rusée de m'en faire accroire.<br><br>
MARCELINE. Il est toujours heureux de le penser, mon fils ; la jalousie...<br><br>
FIGARO. ...N'est qu'un sot enfant de l'orgueil, ou c'est la maladie d'un fou. Oh ! j'ai là-dessus, ma mère, une philosophie... imperturbable ; et si Suzanne doit me tromper un jour, je le lui pardonne d'avance ; elle aura longtemps travaillé...<br><br>
Il se retourne et aperçoit Fanchette qui cherche de côté et d'autre.<br><br>
<a name="79"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > SCÈNE 14" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Scène 14<br><br>
FIGARO, FANCHETTE, MARCELINE<br><br>
FIGARO. Eeeh !... ma petite cousine qui nous écoute !<br><br>
FANCHETTE. Oh ! pour ça, non : on dit que c'est malhonnête.<br><br>
FIGARO. Il est vrai ; mais comme cela est utile, on fait aller souvent l'un pour l'autre.<br><br>
FANCHETTE. Je regardais si quelqu'un était là.<br><br>
FIGARO. Déjà dissimulée, friponne ! vous savez bien qu'il n'y peut être.<br><br>
FANCHETTE. Et qui donc ?<br><br>
FIGARO. Chérubin.<br><br>
FANCHETTE. Ce n'est pas lui que je cherche, car je sais fort bien où il est ; c'est ma cousine Suzanne.<br><br>
FIGARO. Et que lui veut ma petite cousine ?<br><br>
FANCHETTE. A vous, petit Cousin, je le dirai. - C'est... ce n'est qu'une épingle que je veux lui remettre.<br><br>
FIGARO, vivement. Une épingle ! une épingle !... Et de quelle part, Coquine ? A votre âge, vous faites déjà un mét... (Il se reprend et dit d'un ton doux.) Vous faites déjà très bien tout ce que vous entreprenez, Fanchette ; et ma jolie cousine est si obligeante...<br><br>
FANCHETTE. A qui donc en a-t-il de se fâcher ? Je m'en vais.<br><br>
FIGARO, l'arrêtant. Non, non, je badine. Tiens, ta petite épingle est celle que Monseigneur t'a dit de remettre à Suzanne, et qui servait à cacheter un petit papier qu'il tenait : tu vois que je suis au fait.<br><br>
FANCHETTE. Pourquoi donc le demander, quand vous le savez si bien ?<br><br>
FIGARO, cherchant. C'est qu'il est assez gai de savoir comment Monseigneur s'y est pris pour te donner la Commission.<br><br>
FANCHETTE, naïvement. Pas autrement que vous le dites : Tiens, petite Fanchette, rends cette épingle à ta belle cousine, et dis-lui seulement que c'est le cachet des grands marronniers.<br><br>
FIGARO. Des grands ?...<br><br>
FANCHETTE. Marronniers. Il est vrai qu'il a ajouté : Prends garde que personne ne te voie...<br><br>
FIGARO. Il faut obéir, ma cousine : heureusement personne ne vous a vue. Faites donc joliment votre commission, et n'en dites pas plus à Suzanne que Monseigneur n'a ordonné.<br><br>
FANCHETTE. Et pourquoi lui en dirais-je ? .Il me prend pour un enfant, mon cousin.<br><br>
Elle sort en sautant.<br><br>
<a name="80"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > SCÈNE 15" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Scène 15<br><br>
FIGARO, MARCELINE<br><br>
FIGARO. Eh bien, ma mère ?<br><br>
MARCELINE, Eh bien, mon fils ?<br><br>
FIGARO, comme étouffé. Pour Celui-ci !... Il y a réellement des choses ! ...<br><br>
MARCELINE. Il y a des choses ! Hé, qu'est-ce qu'il y a ?<br><br>
FIGARO, les mains sur sa poitrine. Ce que je viens d'entendre, ma mère, je l'ai là comme un plomb.<br><br>
MARCELINE, riant. Ce coeur plein d'assurance n'était donc qu'un ballon gonflé ? une épingle a tout fait partir !<br><br>
FIGARO, furieux. Mais cette épingle, ma mère, est celle qu'il a ramassée !<br><br>
MARCELINE, rappelant ce qu il a dit. La jalousie ! oh ! j'ai là-dessus, ma mère, une philosophie... imperturbable ; et si Suzanne m'attrape un jour, je le lui pardonne...<br><br>
FIGARO, vivement. Oh, ma mère ! On parle comme on sent : mettez le plus glacé des juges à plaider dans sa propre cause, et voyez-le expliquer la loi ! - Je ne m'étonne plus s'il avait tant d'humeur sur ce feux ! - Pour la mignonne aux fines épingles, elle n'en est pas où elle le croit, ma mère, avec ses marronniers ! Si mon mariage est assez fait pour légitimer ma colère, en revanche il ne l'est pas assez pour que je n'en puisse épouser une autre, et l'abandonner...<br><br>
MARCELINE. Bien Conclu ! Abîmons tout sur un soupçon. Qui t'a prouvé, dis-moi, que c'est toi qu'elle joue, et non le Comte ? L'as-tu étudiée de nouveau, pour la condamner sans appel ? Sais-tu si elle se rendra sous les arbres, à quelle intention elle y va ? ce qu'elle y dira, ce qu'elle y fera ? Je te croyais plus fort en jugement !<br><br>
FIGARO, lui baisant la main avec transport. Elle a raison, ma mère ; elle a raison, raison, toujours raison ! Mais accordons, maman, quelque chose à la nature : on en vaut mieux après. Examinons en effet avant d'accuser et d'agir. Je sais où est le rendez-vous. Adieu, ma mère. Il sort.<br><br>
<a name="81"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > SCÈNE 16" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Scène 16<br><br>
MARCELINE, seule<br><br>
Adieu. Et moi aussi, je le sais. Après l'avoir arrêté, veillons sur les voies de Suzanne, ou plutôt avertissons-la ; elle est si jolie créature ! Ah ! quand l'intérêt personnel ne nous arme pas les unes contre les autres, nous sommes toutes portées à soutenir notre pauvre sexe opprimé contre ce fier, ce .terrible... (en riant) et pourtant un peu nigaud de sexe masculin.<br><br>
Elle sort.<br><br>
<a name="82"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > ACTE V ." border="0" width="738" height="54"><br><br>
Acte V .<br><br>
Le théâtre représente une salle de marronniers, dans un parc ; deux pavillons, kiosques, ou temples de jardins, sont à droite et à gauche ; le fond est une clairière ornée, un siège de gazon sur le devant. Le théâtre est obscur.<br><br>
<a name="83"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > SCÈNE 1" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Scène 1<br><br>
FANCHETTE, seule, tenant d'une main deux biscuits et une orange, et de l'autre une lanterne de papier allumée<br><br>
Dans le pavillon à gauche, a-t-il dit. C'est celui-ci. S'il allait ne pas venir à prirent ! mon petit rôle... Ces vilaines gens de l'office qui ne voulaient pas seulement me donner une orange et deux biscuits ! - Pour qui, mademoiselle ? - Eh bien, monsieur, c'est pour quelqu'un. - Oh ! nous savons. - Et quand ça serait ? Parce que Monseigneur ne veut pas le voir, faut-il qu'il meure de faim ? - Tout ça pourtant m'a coûté un fier baiser sur la joue !... Que sait-on ? Il me le rendra peut-être. (Elle voit Figaro qui vient l'examiner ; elle fait un cri.) Ah !...<br><br>
Elle s'enfuit, et elle entre dans le pavillon à sa gauche.<br><br>
<a name="84"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > SCÈNE 2" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Scène 2<br><br>
FIGARO, un grand manteau sur les épaules,<br><br>
un large chapeau rabattu,<br><br>
BAZILE, ANTONIO, BARTHOLO,<br><br>
BRID'OISON, GRIPE-SOLEIL,<br><br>
TROUPE DE VALETS ET DE TRAVAILLEURS<br><br>
FIGARO, d'abord seul. C'est Fanchette ! (Il parcourt des yeux les autres à mesure qu'ils arrivent, et dit d'un ton farouche.)<br><br>
Bonjour, messieurs ; bonsoir : êtes-vous tous ici ?<br><br>
BAZILE. Ceux que tu as pressés d'y venir.<br><br>
FIGARO. Quelle heure est-il bien à peu près ?<br><br>
ANTONIO regarde en l'air. La lune devrait être levée.<br><br>
BARTHOLO. Eh ! quels noirs apprêts fais-tu donc ? Il a l'air d'un conspirateur !<br><br>
FIGARO, s'agitant. N'est-ce pas pour une noce, je vous prie, que vous êtes rassemblés au château ?<br><br>
BRID'OISON. Cè-ertainement.<br><br>
ANTONIO. Nous allions là-bas, dans le parc, attendre un signal pour ta fête.<br><br>
FIGARO. Vous n'irez pas plus loin, messieurs ; c'est ici, sous ces marronniers, que nous devons tous célébrer l'honnête fiancée que j'épouse, et le loyal seigneur qui se l'est destinée.<br><br>
BAZILE, se rappelant la journée. Ah ! vraiment, je sais ce que c'est. Retirons-nous, si vous m'en croyez : il est question d'un rendez-vous ; je vous conterai cela près d'ici.<br><br>
BRID'OISON, à Figaro. Nou-ous reviendrons.<br><br>
FIGARO. Quand vous m'entendrez appeler, ne manquez pas d'accourir tous ; et dites du mal de Figaro, s'il ne vous fait voir une belle chose.<br><br>
BARTHOLO. Souviens-toi qu'un homme sage ne se fait point d'affaires avec les grands.<br><br>
FIGARO. Je m'en souviens.<br><br>
BARTHOLO. Qu'ils ont quinze et bisque sur nous, par leur état.<br><br>
FIGARO. Sans leur industrie, que vous oubliez. Mais souvenez-vous aussi que l'homme qu'on sait timide est dans la dépendance de tous les fripons.<br><br>
BARTHOLO. Fort bien.<br><br>
FIGARO. Et que j'ai nom de verte-Allure, du chef honoré de ma mère.<br><br>
BARTHOLO. Il a le diable au corps.<br><br>
BRID'OISON. I-il l'a.<br><br>
BAZILE, à part. Le Comte et sa Suzanne se sont arrangés sans moi ? Je ne suis pas lâché de l'agarade.<br><br>
FIGARO, aux valets. Pour vous autres, coquins, à qui j'ai donné l'ordre, illuminez-moi ces entours ; ou, par la mort que je voudrais tenir aux dents, si j'en saisis un par le bras...<br><br>
Il secoue le bras de Gripe-Soleil.<br><br>
GRIPE-SOLEIL s'en va en criant et pleurant. A, a, o, oh ! damné brutal !<br><br>
BAZILE, en s'en allant. Le ciel vous tienne en joie, monsieur du marié !<br><br>
Ils sortent.<br><br>
<a name="85"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > SCÈNE 3" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Scène 3<br><br>
FIGARO, seul, se promenant dans l'obscurité,<br><br>
dit du ton le plus sombre :<br><br>
Ô femme ! femme ! femme ! créature faible et décevante ! ... nul animal créé ne peut manquer à son instinct : le tien est-il donc de tromper ?... Après m'avoir obstinément refusé quand je l'en pressais devant sa maîtresse ; à l'instant qu'elle me donne sa parole, au milieu même de la cérémonie... Il riait en lisant, le perfide ! et moi comme un benêt... Non, monsieur le Comte, vous ne l'aurez pas... vous ne l'aurez pas. Parce que vous êtes un grand seigneur, vous vous croyez un grand génie ! ... Noblesse, fortune, un rang, des places, tout cela rend si fier ! Qu'avez-vous fait pour tant de biens ? Vous vous êtes donné la peine de naître, et rien de plus. Du reste, homme assez ordinaire ! tandis que moi, morbleu ! perdu dans la foule obscure, il m'a fallu déployer plus de science et de calculs, pour subsister seulement, qu'on n'en a mis depuis cent ans à gouverner toutes les Espagnes : et vous voulez jouter... On vient... c'est elle... ce n'est personne. - La nuit est noire en diable, et me voilà faisant le sot métier de mari, quoique je ne le sois qu'à moitié ! (Il s'assied sur un banc.) Est-il rien de plus bizarre que ma destinée ? Fils de je ne sais pas qui, volé par des bandits, élevé dans leurs moeurs, je m'en dégoûte et veux courir une carrière honnête ; et partout je suis repoussé ! J'apprends la chimie, la pharmacie, la chirurgie, et tout le crédit d'un grand seigneur peut à peine me mettre à la main une lancette vétérinaire ! - Las d'attrister des bêtes malades, et pour faire un métier contraire, je me jette à corps perdu dans le théâtre : me fusse-je mis une pierre au cou ! Je broche une comédie dans les moeurs du sérail. Auteur espagnol, je crois pouvoir y fronder Mahomet sans scrupule : à l'instant un envoyé... de je ne sais où se plaint que j'offense dans mes vers la Sublime-Porte, la Perse, une partie, de la presqu'île de l'Inde, toute l'Egypte, les royaumes de Barca, de Tripoli, de Tunis, d'Alger et de Maroc : et voilà ma comédie flambée, pour plaire aux princes mahométans, dont pas un, je crois, ne sait lire, et qui nous meurtrissent l'omoplate, en nous disant : chiens de chrétiens. - Ne pouvant avilir l'esprit, on se venge en le maltraitant. - Mes joues creusaient, mon terme était échu : je voyais de loin arriver l'affreux recors, la plume fichée dans sa perruque : en frémissant je m'évertue. Il s'élève, une question sur la nature des richesses ; et, comme il n'est pas nécessaire de tenir les choses pour en raisonner, n'ayant pas un sol, j'écris sur la valeur de l'argent et sur son produit net : sitôt je vois du fond d'un fiacre baisser pour moi le pont d'un château fort, à l'entrée duquel je laissai l'espérance et la liberté. (Il se lève.) Que je voudrais bien tenir un de ces puissants de quatre jours, si légers sur le mal qu'ils ordonnent, quand une bonne disgrâce a cuvé son orgueil ! Je lui dirais... que les sottises imprimées n'ont d'importance qu'aux lieux où l'on en gêne le cours ; que, sans la liberté de blâmer, il n'est point d'éloge flatteur ; et qu'il n'y a que les petits hommes qui redoutent les petits écrits. (Il se rassied.) Las de nourrir un obscur pensionnaire, on me met un jour dans la rue ; et comme il faut dîner, quoiqu'on ne soit plus en prison, je taille encore ma plume, et demande à chacun de quoi il est question : on me dit que, pendant ma retraite économique, il s'est établi dans Madrid un système de liberté sur la vente des productions, qui s'étend même à celles de la presse ; et que, pourvu que je ne parle en mes écrits ni de l'autorité, ni du culte, ni de la politique, ni de la morale, ni des gens en place, ni des corps en crédit, ni de l'Opéra, ni des autres spectacles, ni de personne qui tienne à quelque chose, je puis tout imprimer librement, sous l'inspection de deux ou trois censeurs. Pour profiter de cette douce liberté, j'annonce un écrit périodique, et, croyant n'aller sur les brisées d'aucun autre, je le nomme Journal inutile. Pou-ou ! je vois s'élever contre moi mille pauvres diables à la feuille, on me supprime, et me voilà derechef sans emploi ! - Le désespoir m'allait saisir ; on pense à moi pour une place, mais par malheur j'y étais propre : il fallait un calculateur, ce fut un danseur qui l'obtint. Il ne me restait plus qu'à voler ; je me suis banquier de pharaon : alors, bonnes gens ! je soupe en ville, et les personnes dites comme il faut m'ouvrent poliment leur maison, en retenant pour elles les trois quarts du profit. J'aurais bien pu me remonter ; je commençais même à comprendre que, pour gagner du .bien, le savoir-faire vaut mieux que le savoir. Mais comme chacun pillait autour de moi, en exigeant que je fusse honneur, il fallut bien périr encore. Pour le coup je quittais le monde, et vingt brasses d'eau m'en allaient séparer, lorsqu'un dieu bienfaisant m'appelle à mon premier état. Je reprends ma trousse et mon cuir anglais ; puis, laissant la fumée aux sots qui s'en nourrissent, et la honte au milieu du chemin comme trop lourde à un piéton, je vais rasant de ville en ville, et je vis enfin sans souci. Un grand seigneur passe à Séville ; il me reconnaît, je le marie ; et pour prix d'avoir eu par mes soins son épouse, il veut intercepter la mienne ! Intrigue, orage à ce sujet. Prêt à tomber dans un abîme, au moment d'épouser ma mère, mes parents m'arrivent à la file. (Il se lève en s'échauffant.) On se débat, c'est vous, c'est lui, c'est moi, c'est toi, non, ce n'est pas nous ; eh ! mais qui donc ? (Ii retombe assis.) Ô bizarre suite d'événements ! Comment cela m'est-il arrivé ? Pourquoi ces choses et non pas d'autres ? Qui les a fixées sur ma tête ? Forcé de parcourir la route où je suis entré sans le savoir, comme j'en sortirai sans le vouloir, je l'ai jonchée d'autant de fleurs que ma gaieté me l'a permis : encore je dis ma gaieté sans savoir si elle est à moi plus que le reste, ni même quel est ce moi dont je m'occupe : un assemblage informe de parties inconnues ; puis un chétif être imbécile ; un petit animal folâtre ; un jeune homme ardent au plaisir, ayant tous les goûts pour jouir, faisant tous les métiers pour vivre ; maître ici, valet là, selon qu'il plût à la fortune ; ambitieux par vanité, laborieux par nécessité, mais paresseux... avec délices ! orateur selon le danger ; poète par délassement ; musicien par occasion ; amoureux par folles bouffées ; j'ai tout vu, tout fait, tout usé. Puis l'illusion s'est détruite et, trop désabusé... Désabusé ! ... Désabusé ! ... Suzon, Suzon, Suzon ! que tu me donnes de tourments ?... J'entends marcher... on vient. Voici l'instant de la crise.<br><br>
Il se retire près de la première coulisse à sa droite.<br><br>
<a name="86"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > SCÈNE 4" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Scène 4<br><br>
FIGARO, LA COMTESSE, avec les habits de Suzon,<br><br>
SUZANNE, avec ceux de la Comtesse, MARCELINE<br><br>
SUZANNE, bas à la Comtesse. Oui, Marceline m'a dit que Figaro y serait.<br><br>
MARCELINE. Il y est aussi ; baisse la voix.<br><br>
SUZANNE. Ainsi l'un nous écoute, et l'autre va venir me chercher. Commençons.<br><br>
MARCELINE. Pour n'en pas perdre un mot, je vais me cacher dans le pavillon.<br><br>
Elle entre dans le pavillon où est entrée Fanchette.<br><br>
<a name="87"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > SCÈNE 5" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Scène 5<br><br>
FIGARO, LA COMTESSE, SUZANNE<br><br>
SUZANNE, haut. Madame tremble ! est-ce qu'elle aurait froid ?<br><br>
LA COMTESSE, haut. La soirée est humide, je vais me retirer.<br><br>
SUZANNE, haut. Si Madame n'avait pas besoin de moi, je prendrais l'air un moment sous ces arbres.<br><br>
LA COMTESSE, haut. C'est le serein que tu prendras.<br><br>
SUZANNE, haut. J'y suis toute faîte.<br><br>
FIGARO, à part. Ah oui, le serein !<br><br>
Suzanne se retire près de la coulisse, du côté opposé à Figaro.<br><br>
<a name="88"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > SCÈNE 6" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Scène 6<br><br>
FIGARO, CHÉRUBIN, LE COMTE,<br><br>
LA COMTESSE, SUZANNE<br><br>
(Figaro et Suzanne retirés de chaque côté sur le devant. )<br><br>
CHÉRUBIN, en habit d'officier, arrive en chantant gaiement la reprise de l'air de la romance. La, la, la, etc.<br><br>
J'avais une .marraine,<br><br>
Que toujours adorai.<br><br>
LA COMTESSE, à part. Le petit page !<br><br>
CHÉRUBIN s'arrête. On se promène ici ; gagnons vite mon asile, où la petite Fanchette... C'est une femme !<br><br>
LA COMTESSE écoute. Ah, grands dieux !<br><br>
CHÉRUBIN se baisse en regardant de loin. Me trompé-je ? à cette coiffure en plumes qui se dessine au loin dans le crépuscule, il me semble que c'est Suzon.<br><br>
LA COMTESSE, à part. Si le Comte arrivait ! ...<br><br>
Le Comte paraît dans le fond.<br><br>
CHÉRUBIN s'approche et prend la main de la Comtesse qui se défend. Oui, c'est la charmante fille qu'on nomme Suzanne. Eh ! pourrais-je m'y méprendre à la douceur de cette main, à ce petit tremblement qui l'a saisie ; surtout au battement de mon coeur ! . Il veut y appuyer le dos de la main de la Comtesse ; elle la retire.<br><br>
LA COMTESSE, bas. Allez-vous-en !<br><br>
CHÉRUBIN. Si la compassion t'avait conduite, exprès dans cet endroit du parc, où je suis caché depuis tantôt ?...<br><br>
LA COMTESSE.. Figaro va venir.<br><br>
LE COMTE, s'avançant, dit à part. N'est-ce pas Suzanne que j'aperçois ?<br><br>
CHÉRUBIN, à la Comtesse. Je ne crains point du tout Figaro, car ce n'est pas lui que tu attends.<br><br>
LA COMTESSE. Qui donc ?<br><br>
LE COMTE, à part. Elle est avec quelqu'un.<br><br>
CHÉRUBIN. C'est Monseigneur, friponne, qui t'a demandé ce rendez-vous ce matin, quand j'étais derrière le fauteuil.<br><br>
LE COMTE, à part, avec fureur. C'est encore le page infernal !<br><br>
FIGARO, à part. On dit qu'il ne faut pas écouter !<br><br>
SUZANNE, à part. Petit bavard !<br><br>
LA COMTESSE, au page. Obligez-moi de vous retirer.<br><br>
CHÉRUBIN. Ce ne sera pas au moins sans avoir reçu le prix de mon obéissance.<br><br>
LA COMTESSE, effrayée. Vous prétendez ?...<br><br>
CHÉRUBIN, avec feu. D'abord vingt baisers pour ton compte, et puis cent pour ta belle maîtresse.<br><br>
LA COMTESSE. Vous oseriez ?...<br><br>
CHÉRUBIN. Oh ! que oui, j'oserai. Tu prends sa place auprès de Monseigneur ; moi celle du Comte auprès de toi : le plus attrapé, c'est Figaro.<br><br>
FIGARO, à part. Ce brigandeau !<br><br>
SUZANNE, à part. Hardi comme un page.<br><br>
Chérubin veut embrasser la Comtesse ; le Comte se met entre deux et reçoit le baiser.<br><br>
LA COMTESSE, se retirant. Ah ! ciel !<br><br>
FIGARO, à part, entendant le baiser. J'épousais une jolie mignonne !<br><br>
Il écoute.<br><br>
CHÉRUBIN, tâtant les habits du Comte. (A part.) C'est Monseigneur ! il s'enfuit dans le pavillon où sont entrées Fanchette et Marceline.<br><br>
<a name="89"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > SCÈNE 7" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Scène 7<br><br>
FIGARO, LE COMTE, LA COMTESSE, SUZANNE<br><br>
FIGARO s'approche. Je vais...<br><br>
LE COMTE, croyant parler au page. Puisque vous ne redoublez pas le baiser...<br><br>
Il croit lui donner un soufflet.<br><br>
FIGARO, qui est à portée, le reçoit. Ah !<br><br>
LE COMTE. ...Voilà toujours le premier payé.<br><br>
FIGARO, s'éloigne en se frottant la joue, à part. Tout n'est pas gain non plus, en écoutant.<br><br>
SUZANNE, riant tout haut, de l'autre côté. Ah ! ah ! ah ! ah !<br><br>
LE COMTE, à la Comtesse, qu'il prend pour Suzanne.<br><br>
Entend-on quelque chose à ce page ? Il reçoit le plus rude soufflet, et s'enfuit en éclatant de rire.<br><br>
FIGARO, à part. S'il s'affligeait de celui-ci ! ...<br><br>
LE COMTE. Comment ! je ne pourrai faire un pas... (A la Comtesse.) Mais laissons cette bizzarerie ; elle empoisonnerait le plaisir que j'ai de te trouver dans cette salle.<br><br>
LA COMTESSE, imitant le parler de Suzanne. L'espériez-vous ?<br><br>
LE COMTE. Après ton ingénieux billet ! (Il lui prend la main.) Tu trembles ?<br><br>
LA COMTESSE. J'ai eu peur.<br><br>
LE COMTE. Ce n'est pas pour te priver du baiser que je l'ai pris. Il la baise au front.<br><br>
LA COMTESSE. Des libertés !<br><br>
FIGARO, à part. Coquine !<br><br>
SUZANNE, à part. Charmante !<br><br>
LE COMTE prend la main de sa femme. Mais quelle peau fine et douce, et qu'il s'en faut que la Comtesse ait la main aussi belle !<br><br>
LA COMTESSE, à part. Oh ! la prévention !<br><br>
LE COMTE. A-t-elle ce bras ferme et rondelet ! ces jolis doigts pleins de grâce et d'espièglerie ?<br><br>
LA COMTESSE, de la voix de Suzanne. Ainsi l'amour...<br><br>
LE COMTE. L'amour... n'est que le roman du coeur : c'est le plaisir qui en est l'histoire ; il m'amène à tes genoux.<br><br>
LA COMTESSE. Vous ne l'aimez plus ?<br><br>
LE COMTE. Je l'aime beaucoup ; mais trois ans d'union rendent l'hymen si respectable !<br><br>
LA COMTESSE. Que vouliez-vous en elle ?<br><br>
LE COMTE, la caressant. Ce que je trouve en toi, ma beauté...<br><br>
LA COMTESSE. Mais dites donc.<br><br>
LE COMTE. ... Je ne sais : moins d'uniformité peut-être, plus de piquant dans les manières, un je ne sais quoi qui fait le charme ; quelquefois un refus, que sais-je ? Nos femmes croient tout accomplir en nous aimant ; cela dit une fois, elles nous aiment, nous aiment (quand elles nous aiment) et sont si complaisantes et si constamment obligeantes, et toujours, et sans relâche, qu'on est tout surpris, un beau soir, de trouver la satiété où l'on recherchait le bonheur.<br><br>
LA COMTESSE, à part. Ah ! quelle leçon !<br><br>
LE COMTE. En vérité, Suzon, j'ai pensé mille fois que si nous poursuivons ailleurs ce plaisir qui nous fuit chez elles, c'est qu'elles n'étudient pas assez l'art de soutenir notre goût, de se renouveler à l'amour, de ranimer, pour ainsi dire, le charme de leur possession par celui de la variété.<br><br>
LA COMTESSE, piquée. Donc elles doivent tout ?...<br><br>
LE COMTE, riant. Et l'homme rien ? Changerons-nous la marche de la nature ? Notre tâche, à nous, fut de les obtenir ; la leur...<br><br>
LA COMTESSE. La leur ?...<br><br>
LE COMTE. Est de nous retenir : on l'oublie trop.<br><br>
LA COMTESSE. Ce ne sera pas moi.<br><br>
LE COMTE. Ni moi.<br><br>
FIGARO, à part. Ni moi.<br><br>
SUZANNE, à part. Ni moi.<br><br>
LE COMTE prend la main de sa femme. Il y a de l'écho ici, parlons plus bas. Tu n'as nul besoin d'y songer, toi que l'amour a faite et si vive et si jolie ! Avec un grain de caprice, tu seras la plus agaçante maîtresse ! (Il la baise au front.) Ma Suzanne, un Castillan n'a que sa parole. Voici tout l'or du monde promis pour le rachat du droit que je n'ai plus sur le délicieux moment que tu m'accordes. Mais comme la grâce que tu daignes y mettre est sans prix, j'y joindrai ce brillant, que tu porteras pour l'amour de moi.<br><br>
LA COMTESSE, une révérence. Suzanne accepte tout.<br><br>
FIGARO, à part. On n'est pas plus coquine que cela.<br><br>
SUZANNE, à part. Voilà du bon bien qui nous arrive.<br><br>
LE COMTE, à part. Elle est. intéressée ; tant mieux !<br><br>
LA COMTESSE regarde au fond. Je vois des flambeaux.<br><br>
LE COMTE. Ce sont les apprêts de ta noce. Entrons-nous un moment dans l'un de ces pavillons, pour les laisser passer ?<br><br>
LA COMTESSE. Sans lumière ?<br><br>
LE COMTE l'entraîne doucement. A quoi bon ? Nous n'avons rien à lire.<br><br>
FIGARO, à part. Elle y va, ma foi ! Je m'en doutais.<br><br>
Il s'avance.<br><br>
LE COMTE grossit sa voix en se retournant. Qui passe ici ?<br><br>
FIGARO, en colère. Passer ! on vient exprès.<br><br>
LE COMTE, bas, à la Comtesse. C'est Figaro ! ...<br><br>
Il s'enfuit.<br><br>
LA COMTESSE. Je vous suis.<br><br>
Elle entre dans le pavillon à sa droite, pendant que le Comte se perd dans le bois au fond.<br><br>
<a name="90"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > SCÈNE 8" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Scène 8<br><br>
FIGARO, SUZANNE, dans l'obscurité<br><br>
FIGARO cherche à voir où vont le Comte et la Comtesse, qu'il prend pour Suzanne. Je n'entends plus rien ; ils sont rentrés, m'y voilà. (D'un ton altéré.) Vous autres, époux maladroits, qui tenez des espions à gages et tournez des mois entiers autour d'un. soupçon sans l'asseoir, que ne m'imitez-vous ? Dès le premier jour, je suis ma femme et je l'écoute ; en un tour de main, on est au finit : c'est charmant ; plus de doutes ; on sait à quoi s'en tenir. (Marchant vivement.) Heureusement que je ne m'en soucie guère, et que sa trahison ne me fait plus rien du tout. Je les tiens donc enfin !<br><br>
SUZANNE, qui s'est avancée doucement dans l'obscurité. (A part.) Tu vas payer tes beaux soupçons. (Du ton de voix de la Comtesse.) Qui va là ?<br><br>
FIGARO, extravagant. Qui va là ? Celui qui voudrait de bon coeur que la peste eût étouffé en naissant...<br><br>
SUZANNE, du ton de la Comtesse. Eh ! mais, c'est Figaro !<br><br>
FIGARO regarde et dit vivement. Madame la Comtesse !<br><br>
SUZANNE. Parlez bas.<br><br>
FIGARO, vite. Ah ! madame, que le. ciel vous amène à propos ! Où croyez-vous qu'est Monseigneur ?<br><br>
SUZANNE. Que m'importe un ingrat ? Dis-moi...<br><br>
FIGARO, plus vite. Et Suzanne, mon épousée, où croyez-vous qu'elle soit ?<br><br>
SUZANNE. Mais parlez bas !<br><br>
FIGARO, très vite. Cette Suzon qu'on croyait si vertueuse, qui faisait la réservée ! Ils sont enfermés là-dedans. Je vais appeler.<br><br>
SUZANNE, lui fermant la bouche avec sa main, oublie de déguiser sa voix. N'appelez pas !<br><br>
FIGARO, à part. Et c'est Suzon ! God-dam !<br><br>
SUZANNE, du ton de la Comtesse. Vous paraissez inquiet.<br><br>
FIGARO, à part. Traîtresse ! qui veut me surprendre !<br><br>
SUZANNE. Il faut nous venger, Figaro.<br><br>
FIGARO. En sentez-vous le vif désir ?<br><br>
SUZANNE. Je ne serais donc pas de mon sexe ! Mais les hommes en ont cent moyens.<br><br>
FIGARO, confidemment. Madame, il n'y a personne ici de trop. Celui des femmes... les vaut tous.<br><br>
SUZANNE, à part. Comme je le souffletterais !<br><br>
FIGARO, à part. Il serait bien gai qu'avant la noce...<br><br>
SUZANNE. Mais qu'est-ce qu'une telle vengeance, qu'un peu d'amour n'assaisonne pas ?<br><br>
FIGARO. Partout où vous n'en voyez point, croyez que le respect dissimule.<br><br>
SUZANNE, piquée. Je ne sais si vous le pensez de bonne foi, mais vous ne le dites pas de bonne grâce.<br><br>
FIGARO, avec une chaleur comique, à genoux. Ah ! madame, je vous adore. Examinez le temps, le lieu, les circonstances, et que le dépit supplée en vous aux grâces qui manquent à ma prière.<br><br>
SUZANNE, à part. La main me brûle !<br><br>
FIGARO, à part. Le coeur me bat.<br><br>
SUZANNE. Mais, monsieur, avez-vous songé ?...<br><br>
FIGARO. Oui, madame ; oui, j'ai songé.<br><br>
SUZANNE. ... Que pour la colère et l'amour...<br><br>
FIGARO. Tout ce qui se diffère est perdu. Votre main, madame ?<br><br>
SUZANNE, de sa voix naturelle et lui donnant un souffler.<br><br>
La voilà.<br><br>
FIGARO. Ah ! demonio ! quel soufflet !<br><br>
SUZANNE lui en donne un second. Quel soufflet ! Et celui-ci ?<br><br>
FIGARO. Et ques-à-quo, de par le diable ! est-ce ici la journée des tapes ?<br><br>
SUZANNE le bat à chaque phrase, Ah ! ques-à-quo ? Suzanne ; et voilà pour tes soupçons, voilà pour tes vengeances et pour tes trahisons, tes expédients, tes injures et tes projets. C'est-il çà de l'amour ? dis donc comme ce matin ?<br><br>
FIGARO rit en se relevant. Santa Barbara ! oui, c'est de l'amour. Ô bonheur ! à délices ! à cent fois heureux Figaro ! Frappe, ma bien-aimée, sans te lasser. Mais quand tu m'auras diapré tout le corps de meurtrissures, regarde avec bonté, Suzon, l'homme le plus fortuné qui fut jamais battu par une femme.<br><br>
SUZANNE. Le plus fortuné ! Bon fripon, vous n'en séduisiez pas moins la Comtesse, avec un si trompeur babil que m'oubliant moi-même, en vérité, c'était pour elle que je cédais.<br><br>
FIGARO. Ai-je pu me méprendre au son de ta jolie voix ?<br><br>
SUZANNE, en riant. Tu m'as reconnue ? Ah ! comme je m'en vengerai !<br><br>
FIGARO. Bien rosser et garder rancune est aussi par trop féminin ! Mais dis-moi donc par quel bonheur je te vois là, quand je te croyais avec lui ; et comment cet habit, qui m'abusait, te montre enfin innocente...<br><br>
SUZANNE. Eh ! c'est toi qui es un innocent, de venir te prendre au piège apprêté pour un autre ! Est-ce notre faute, à nous, si voulant museler un renard, nous en attrapons deux ?<br><br>
FIGARO. Qui donc prend l'autre ?<br><br>
SUZANNE. Sa femme.<br><br>
FIGARO. Sa femme ?<br><br>
SUZANNE. Sa femme.<br><br>
FIGARO, follement. Ah ! Figaro ! pends-toi ! tu n'as pas deviné celui-là.<br><br>
- Sa femme ! Oh ! douze ou quinze mille fois spirituelles femelles !<br><br>
- Ainsi les baisers de cette salle ?...<br><br>
SUZANNE. Ont été donnés à Madame.<br><br>
FIGARO. Et celui du page ?<br><br>
SUZANNE, riant. A Monsieur.<br><br>
FIGARO. Et tantôt, derrière le fauteuil ?<br><br>
SUZANNE.A personne.<br><br>
FIGARO. En êtes-vous sûre ?<br><br>
SUZANNE, riant. Il pleut des soufflets, Figaro.<br><br>
FIGARO lui baise la main. Ce sont des bijoux que les tiens. Mais celui du Comte était de bonne guerre.<br><br>
SUZANNE. Allons, superbe, humilie-toi !<br><br>
FIGARO fait tout ce qu il annonce. Cela est juste : à genoux, bien courbé, prosterné, ventre à terre.<br><br>
SUZANNE, en riant. Ah ! ce pauvre Comte ! quelle peine il s'est donnée...<br><br>
FIGARO se relève sur ses genoux. ... Pour faire la conquête de sa femme !<br><br>
<a name="91"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > SCÈNE 9" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Scène 9<br><br>
LE COMTE,<br><br>
entre par le fond du théâtre et va droit au pavillon à sa droite ;<br><br>
FIGARO, SUZANNE<br><br>
LE COMTE, à lui- même. Je la cherche en vain dans le bois, elle est peut-être entrée ici.<br><br>
SUZANNE, à Figaro, parlant bas. C'est lui.<br><br>
LE COMTE, ouvrant le pavillon. Suzon, es-tu là-dedans ?<br><br>
FIGARO, bas. Il la cherche, et moi je croyais...<br><br>
SUZANNE, bas. Il ne l'a pas reconnue.<br><br>
FIGARO. Achevons-le, Veux-tu ?<br><br>
Il lui baise la main.<br><br>
LE COMTE se retourne. Un homme aux pieds de la Comtesse ! ... Ah ! je suis sans armes.<br><br>
Il s'avance.<br><br>
FIGARO se relève tout à fait en déguisant sa voix. Pardon, madame, si je.n'ai pas réfléchi que ce rendez-vous ordinaire était destiné pour la noce.<br><br>
LE COMTE, à part. C'est l'homme du cabinet de ce matin.<br><br>
Il se frappe le front.<br><br>
FIGARO continue. Mais il ne sera pas dit qu'un obstacle aussi sot aura retardé nos plaisirs.<br><br>
LE COMTE, à part. Massacre ! mort ! enfer !<br><br>
FIGARO, la conduisant au cabinet. (Bas). Il jure. (Haut.) Pressons-nous donc, madame, et réparons le tort qu'on nous a fait tantôt, quand j'ai sauté par la fenêtre.<br><br>
LE COMTE, à part. Ah ! tout se découvre enfin.<br><br>
SUZANNE, près du pavillon à sa gauche. Avant d'entrer, Il la baise au front.<br><br>
LE COMTE s'écrie : Vengeance ! Suzanne s'enfuit dans le pavillon où sont entrés Fanchette, Marceline et Chérubin.<br><br>
<a name="92"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > SCÈNE 10" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Scène 10<br><br>
LE COMTE, FIGARO<br><br>
Le Comte saisit le bras de Figaro.<br><br>
FIGARO, jouant la frayeur excessive. C'est mon maître !<br><br>
LE COMTE le reconnaît. Ah ! scélérat, c'est toi ! Holà ! quelqu'un ! quelqu'un !<br><br>
<a name="93"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > SCÈNE 11" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Scène 11<br><br>
PÉDRILLE, LE COMTE, FIGARO<br><br>
PÉDRILLE, botté. Monseigneur, je vous trouve enfin.<br><br>
LE COMTE. Bon, c'est Pédrille. Es-tu tout seul ?<br><br>
PÉDRILLE. Arrivant de Séville, à étripe-cheval.<br><br>
LE COMTE. Approche-toi de moi, et crie bien fort !<br><br>
PÉDRILLE, criant à tue-tête. Pas plus de page que sur ma main. Voilà le paquet.<br><br>
LE COMTE le repousse. Eh ! l'animal !<br><br>
PÉDRILLE. Monseigneur me dit de crier.<br><br>
LE COMTE, tenant toujours Figaro. Pour appeler. - Holà, quelqu'un ! Si l'on m'entend, accourez tous !<br><br>
PÉDRILLE. Figaro et moi, nous voilà deux ; que peut-il donc vous arriver ?<br><br>
<a name="94"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > SCÈNE 12" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Scène 12<br><br>
LES ACTEURS PRÉCÉDENTS,<br><br>
BRID'OISON, BARTHOLO,<br><br>
BAZILE, ANTONIO, GRIPE-SOLEIL,<br><br>
toute la noce accourt avec des flambeaux.<br><br>
BARTHOLO, à Figaro. Tu vois qu'à ton premier signal...<br><br>
LE COMTE, montrant le pavillon à sa gauche. PÉDRILLE, empare-toi de cette porte.<br><br>
PÉDRILLE y va.<br><br>
BAZILE, bas, à Figaro. Tu l'as surpris avec Suzanne ?<br><br>
LE COMTE, montrant Figaro. Et vous, tous mes vassaux, entourez-moi cet homme, et m'en répondez sur la vie.<br><br>
BAZILE. Ah ! ah !<br><br>
LE COMTE, furieux. Taisez-vous donc ! (A Figaro, d'un ton glacé. ) Mon cavalier, répondrez-vous à mes questions ?<br><br>
FIGARO, froidement. Eh ! qui pourrait m'en exempter, Monseigneur ? Vous commandez à tout ici, hors à vous-même.<br><br>
LE COMTE, se contenant. Hors à moi-même !<br><br>
ANTONIO. C'est çà parler.<br><br>
LE COMTE, reprenant sa colère. Non, si quelque chose pouvait augmenter ma fureur, ce serait l'air calme qu'il affecte.<br><br>
FIGARO. Sommes-nous des soldats qui tuent et se font tuer pour des intérêts qu'ils ignorent ? Je veux savoir, moi, pourquoi je me lâche.<br><br>
LE COMTE, hors de lui. Ô rage ! (Se contenant.) Homme de bien qui feignez d'ignorer, nous ferez-vous au moins la faveur de nous dire quelle est la dame actuellement par vous amenée dans ce pavillon ?<br><br>
FIGARO, montrant l'autre avec malice. Dans celui-là ?<br><br>
LE COMTE, vite. Dans celui-ci.<br><br>
FIGARO, froidement. C'est différent. Une jeune personne qui m'honore de ses bontés particulières.<br><br>
BAZILE, étonné. Ah ! ah !<br><br>
LE COMTE, vite. Vous l'entendez, messieurs ?<br><br>
BARTHOLO, étonné. Nous l'entendons ?<br><br>
LE COMTE, à Figaro. Et cette jeune personne a-t-elle un autre engagement, que vous sachiez ?<br><br>
FIGARO, froidement. Je sais qu'un grand seigneur s'en est occupé quelque temps, mais, soit qu'il l'ait négligée ou que je lui plaise mieux qu'un plus aimable, elle me donne aujourd'hui la préférence.<br><br>
LE COMTE, vivement. La préf.. (Se contenant.) Au moins il est naïf ! car ce qu'il avoue, messieurs, je l'ai ouï, je vous jure, de la bouche même de sa complice.<br><br>
BRID'OISON, stupéfait. Sa-a complice ! .<br><br>
LE COMTE, avec fureur. Or, quand le déshonneur est public, il faut que la vengeance le soit aussi.<br><br>
Il entre dans le pavillon.<br><br>
<a name="95"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > SCÈNE 13" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Scène 13<br><br>
TOUS LES ACTEURS PRÉCÉDENTS,<br><br>
hors LE COMTE<br><br>
ANTONIO. C'est juste.<br><br>
BRID'OISON, à Figaro. Qui-i donc a pris la femme de l'autre ?<br><br>
FIGARO, en riant. Aucun n'a eu cette joie-là.<br><br>
<a name="96"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > SCÈNE 14" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Scène 14<br><br>
LES ACTEURS PRÉCÉDENTS,<br><br>
LE COMTE, CHÉRUBIN<br><br>
LE COMTE, parlant dans le pavillon, et attirant quelqu'un qu'on ne voit pas encore. Tous vos efforts sont inutiles ; vous êtes perdue, madame, et votre heure est bien arrivée ! (Il sort sans regarder.) Quel bonheur qu'aucun gage d'une union si détestée...<br><br>
FIGARO s'écrie. Chérubin !<br><br>
LE COMTE. Mon page ?<br><br>
BAZILE. Ah ! ah !<br><br>
LE COMTE, hors de lui, à part. Et toujours le page endiablé ! (A Chérubin.) Que faisiez-vous dans ce salon ?<br><br>
CHÉRUBIN, timidement. Je me cachais, comme vous me l'avez ordonné.<br><br>
PÉDRILLE. Bien la peine de crever un cheval !<br><br>
LE COMTE. Entres-y, toi, Antonio ; conduis devant son juge l'infâme qui m'a déshonoré.<br><br>
BRID'OISON. C'est Madame que vous y-y cherchez ?<br><br>
ANTONIO. L'y a, parguenne, une bonne Providence : Vous en avez tant fait dans le pays...<br><br>
LE COMTE, furieux. Entre donc !<br><br>
Antonio entre.<br><br>
<a name="97"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > SCÈNE 15" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Scène 15<br><br>
LES ACTEURS PRÉCÉDENTS, excepté ANTONIO<br><br>
LE COMTE. Vous allez Voir, messieurs, que le page n'y était pas seul.<br><br>
CHÉRUBIN, timidement. Mon sort eût été trop cruel, si quelque âme sensible n'en eût adouci l'amertume.<br><br>
<a name="98"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > SCÈNE 16" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Scène 16<br><br>
LES ACTEURS PRÉCÉDENTS,<br><br>
ANTONIO, FANCHETTE<br><br>
ANTONIO, attirant par le bras quelqu'un qu'on ne voit pas encore. Allons, madame, il ne faut pas vous faire prier pour en sortir, puisqu'on ^sait que vous y êtes entrée.<br><br>
FIGARO s'écrie. La petite cousine !<br><br>
BAZILE. Ah ! ah !<br><br>
LE COMTE. Fanchette !<br><br>
ANTONIO se retourne et s'écrie. Ah ! palsambleu, Monseigneur, il est gaillard de me choisir pour montrer à la compagnie que c'est ma fille qui cause tout ce train-là !<br><br>
LE COMTE, outré. Qui la savait là-dedans ?<br><br>
Il veut rentrer.<br><br>
BARTHOLO, au devant. Permettez, monsieur le Comte, ceci n'est pas plus clair. Je suis de sang-froid, moi...<br><br>
Il entre.<br><br>
BRID'OISON. Voilà une affaire au-aussi trop embrouillée.<br><br>
<a name="99"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > SCÈNE 17" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Scène 17<br><br>
LES ACTEURS PRÉCÉDENTS, MARCELINE.<br><br>
BARTHOLO, parlant en dedans et sortant. Ne craignez rien, madame, il ne vous sera finit aucun mal. J'en réponds. (Il se retourne et s'écrie :) Marceline !<br><br>
BAZILE. Ah ! ah !<br><br>
FIGARO, riant. Eh, quelle folie ! ma mère en est ?<br><br>
ANTONIO. A qui pis fera.<br><br>
LE COMTE, outré. Que m'importe à moi ? La Comtesse...<br><br>
<a name="100"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > SCÈNE 18" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Scène 18<br><br>
LES ACTEURS PRÉCÉDENTS,<br><br>
SUZANNE, son éventail sur le visage<br><br>
LE COMTE. ... Ah ! la voici qui sort. (Il la prend violemment par le bras.) Que croyez-vous, messieurs, que mérite une odieuse... (Suzanne se jette à genoux la tête baissée.)<br><br>
LE COMTE : Non, non ! (Figaro se jette à genoux de l'autre côté. )<br><br>
LE COMTE, plus fort : Non, non ! (Marceline se jette à genoux devant lui. )<br><br>
LE COMTE, plus fort : Non, non ! (Tous se mettent à genoux, excepté Brid'oison.)<br><br>
LE COMTE, hors de lui : Y fussiez-vous un cent !<br><br>
<a name="101"></a><img src="../elements/3-etoiles.jpg" alt="LE MARIAGE DE FIGARO - Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS > SCÈNE 19 ET DERNIÈRE" border="0" width="738" height="54"><br><br>
Scène 19 et dernière<br><br>
TOUS LES ACTEURS PRÉCÉDENTS,<br><br>
LA COMTESSE sort de l'autre pavillon<br><br>
LA COMTESSE se jette à genoux. Au moins je ferai nombre.<br><br>
LE COMTE, regardant la Comtesse et Suzanne. Ah ! qu'est-ce que je vois ?.<br><br>
BRID'OISON, riant. Eh pardi, c'è-est Madame.<br><br>
LE COMTE veut relever la Comtesse. Quoi ! c'était vous, Comtesse ? (D'un ton suppliant.) Il n'y a qu'un pardon bien généreux... .<br><br>
LA COMTESSE, en riant. Vous diriez : Non, non, à ma place ; et moi, pour la troisième fois aujourd'hui, je l'accorde sans condition.<br><br>
Elle se relève.<br><br>
SUZANNE se relève. Moi aussi.<br><br>
MARCELINE se relève. Moi aussi.<br><br>
FIGARO se relève. Moi aussi, il y a de l'écho ici ! Tous se relèvent.<br><br>
LE COMTE. De l'écho ! - J'ai voulu ruser avec eux . ; ils m'ont traité comme un enfant !<br><br>
LA COMTESSE, en riant. Ne le regrettez pas, monsieur le Comte.<br><br>
FIGARO, s'essuyant les genoux avec son chapeau. Une petite journée comme celle-ci forme bien un ambassadeur !<br><br>
LE COMTE, à Suzanne. Ce billet fermé d'une épingle ?...<br><br>
SUZANNE. C'est Madame qui l'avait dicté.<br><br>
LE COMTE. La réponse lui en est bien due.<br><br>
Il baise la main de la Comtesse.<br><br>
LA COMTESSE. Chacun aura ce qui lui appartient. Elle donne la bourse à Figaro et le diamant à Suzanne.<br><br>
SUZANNE, à Figaro. Encore une dot !<br><br>
FIGARO, frappant la bourse dans sa main. Et de trois. Celle-ci fut rude à arracher !<br><br>
SUZANNE. Comme notre mariage.<br><br>
GRIPE-SOLEIL. Et la jarretière de la mariée, l'aurons-je ?<br><br>
LA COMTESSE arrache le ruban qu'elle a tant gardé dans son sein et le jette à terre. La jarretière ? Elle était avec ses habits ; la voilà.<br><br>
Les garçons de la noce veulent la ramasser.<br><br>
CHÉRUBIN, plus alerte, court la prendre, et dit. Que celui qui la veut vienne me la disputer !<br><br>
LE COMTE, en riant, au page. Pour un monsieur si chatouilleux, qu'avez-vous trouvé de gai à certain soufflet de tantôt ?<br><br>
CHÉRUBIN recule en tirant à moitié son épée. A moi, mon Colonel ?<br><br>
FIGARO, avec une colère comique. C'est sur ma joue qu'il l'a reçu : voilà comme les grands font justice !<br><br>
LE COMTE, riant. C'est sur sa joue ? Ah ! ah ! ah ! qu'en dites-vous donc, ma chère Comtesse !<br><br>
LA COMTESSE, absorbée, revient à elle et dit avec sensibilité. Ah ! oui, cher Comte, et pour la vie, sans distraction, je vous le jure.<br><br>
LE COMTE, frappant sur l'épaule du, juge. Et vous, don Brid'oison, votre avis maintenant ?<br><br>
BRID'OISON. Su-ur tout ce que je vois, monsieur le Comte ?... Ma-a foi, pour moi je-e ne sais que vous dire : voilà ma façon de penser.<br><br>
TOUS ENSEMBLE. Bien jugé !<br><br>
FIGARO. J'étais pauvre, on me méprisait. J'ai montré quelque esprit, la haine est accourue. Une jolie femme et de la fortune...<br><br>
BARTHOLO, en riant. Les coeurs vont te revenir en foule.<br><br>
FIGARO. Est-il possible ?<br><br>
BARTHOLO. Je les connais.<br><br>
FIGARO, saluant les spectateurs. Ma femme et mon bien mis à part, tous me feront honneur et plaisir.<br><br>
On joue la ritournelle du vaudeville. Air noté.<br><br>
VAUDEVILLE<br><br>
BAZILE<br><br>
PREMIER COUPLET<br><br>
Triple dot, femme superbe,<br><br>
Que de biens pour un époux !<br><br>
D'un seigneur, d'un page imberbe,<br><br>
Quelque sot serait jaloux.<br><br>
Du latin d'un vieux proverbe<br><br>
L'homme adroit fait son parti.<br><br>
FIGARO. Je le sais... (Il chante.)<br><br>
Gaudeant bene nati.<br><br>
BAZILE. Non. ... (Il chante.)<br><br>
Gaudeat bene nanti.<br><br>
SUZANNE<br><br>
DEUXIÈME COUPLET<br><br>
Qu'un mari sa foi trahisse,<br><br>
Il s'en vante, et chacun rit :<br><br>
Que sa femme ait un caprice,<br><br>
S'il l'accuse, on la punit.<br><br>
De cette absurde injustice<br><br>
Faut-il dire le pourquoi ?<br><br>
Les plus forts ont fait la loi. (Bis)<br><br>
FIGARO<br><br>
TROISIÈME COUPLET<br><br>
Jean Jeannot, jaloux risible,<br><br>
Veut unir femme et repos ;<br><br>
Il achète un chien terrible,<br><br>
Et le lâche en son enclos.<br><br>
La nuit, quel vacarme horrible !<br><br>
Le chien court, tout est mordu,<br><br>
Hors l'amant qui l'a vendu. (Bis)<br><br>
LA COMTESSE<br><br>
QUATRIÈME COUPLET<br><br>
Telle est fière et répond d'elle,<br><br>
Qui n'aime plus son mari ;<br><br>
Telle autre, presque infidèle,<br><br>
Jure de n'aimer que lui.<br><br>
La moins folle, hélas ! est celle<br><br>
Qui se veille en son lien,<br><br>
Sans oser jurer de rien. (Bis)<br><br>
LE COMTE<br><br>
CINQUIÈME COUPLET<br><br>
D'une femme de province,<br><br>
A qui ses devoirs sont chers,<br><br>
Le succès est assez mince ;<br><br>
Vive la femme aux bons airs !<br><br>
Semblable à l'écu du prince,<br><br>
Sous le coin d'un seul époux,<br><br>
Elle sert au bien de tous. (Bis)<br><br>
MARCELINE<br><br>
SIXIÈME COUPLET<br><br>
Chacun sait la tendre mère<br><br>
Dont il a reçu le jour ;<br><br>
Tout le reste est un mystère,<br><br>
C'est le secret de l'amour.<br><br>
FIGARO continue l'air<br><br>
Ce secret met en lumière<br><br>
Comment le fils d'un butor<br><br>
Vaut souvent son pesant d'or. (Bis)<br><br>
SEPTIÈME COUPLET<br><br>
Par le sort de la naissance,<br><br>
L'un est roi, l'autre est berger :<br><br>
Le hasard fit leur distance ;<br><br>
L'esprit seul peut tout changer.<br><br>
De vingt rois que l'on encense,<br><br>
Le trépas brise l'autel ;<br><br>
Et Voltaire est immortel. (Bis)<br><br>
CHÉRUBIN<br><br>
HUITIÈME COUPLET<br><br>
Sexe aimé, sexe volage,<br><br>
Qui tourmentez nos beaux jours,<br><br>
Si de vous chacun dit rage,<br><br>
Chacun vous revient toujours.<br><br>
Le parterre est votre image :<br><br>
Tel paraît le dédaigner,<br><br>
Qui fait tout pour le gagner. (Bis)<br><br>
SUZANNE<br><br>
NEUVIÈME COUPLET<br><br>
Si ce gai, ce fol ouvrage,<br><br>
Renfermait quelque leçon,<br><br>
En faveur du badinage<br><br>
Faites grâce à la raison.<br><br>
Ainsi la nature sage<br><br>
Nous conduit, dans nos désirs,<br><br>
A son but par les plaisirs. (Bis)<br><br>
BRID'OISON<br><br>
DIXIÈME COUPLET<br><br>
Or, messieurs, la co-omédie,<br><br>
Que l'on juge en cè-et instant<br><br>
Sauf erreur, nous pein-eint la vie<br><br>
Du bon peuple qui l'entend.<br><br>
Qu'on l'opprime, il peste, il crie,<br><br>
Il s'agite en cent fa-açons :<br><br>
Tout fini-it par des chansons. (Bis)<br><br>
BALLET GÉNÉRAL<br><br>
FIN DU CINQUIÈME ET DERNIER ACTE<br><br>
<span style="font-size:16px"><font face="Times New Roman">
</p>
<div>
</body>
</html>
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Merci à vous tous qui êtes venus à temps. Voici, en prologue, pour donner un peu de temps à ceux qui vont arriver dans quelques instants, quelques lignes sur le temps empruntées à Jacques Guilloreau.
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Depuis la nuit des temps,
les vieux disent tout le temps :
"de mon temps" ou "au bon vieux temps"...
Ils ont tendance à conjuguer
le passé compassé à tous les temps, plutôt que le futur
qui leur semble imparfait.
Et les moins rigolos, de temps en temps,
disent même qu'ils ont fait leur temps...
Mais, c'est vrai, que dans ce temps-là,
ils prenaient drôlement leur temps.
Ils prenaient le temps
de parler de la pluie et du beau temps,
et même de prendre du bon temps,
ils chantaient : "Le temps... des cerises" !
Et quand ils entreprenaient un truc,
ils disaient souvent qu'il fallait
donner du temps au temps.
Ou encore qu'il y avait un temps pour tout...
Par les temps qui courent,
c'est un signe des temps,
pas question de perdre du temps,
mais de faire des pieds et des mains,
pour gagner du temps.
Alors, pour aller plus vite, on a inventé‚
Les moteurs à quatre temps,
les mesures à quatre temps,
les valses à mille temps !...
Mais pour être toujours dans les temps
et ne pas faire un temps médiocre,
il faut savoir partir et arriver à temps,
en évitant les contretemps.
Ah ! autre temps, autres mœurs.
C'est les temps modernes !
et il faut bien être de son temps.
Parce que quand on n'est plus de son temps...
on se fait larguer en trois temps,
trois mouvements...
Mais tout cela ne dure qu'un temps :
A force de n'avoir jamais le temps
de faire quoi que soit en prenant son temps,
et de n'avoir jamais de temps devant soi
pour se payer un peu de bon temps,
ça use.
Et au fil du temps le temps file
de plus en plus vite.
Quand on est jeune,
on attend,
souvent :
Le temps ne passe jamais assez vite.
Alors, ...
Ils tuent le temps.
Mais, demandez aux grands qui ont de l'âge...
Ils disent même que plus ils vieillissent,
plus le temps passe vite.
On peut se poser une question :
est-ce bien le temps qui passe ?...
Ou est-ce nous qui passons dans le temps ?
>Et maintenant nous souhaitons vous offrir quelques instants de bon temps !
...
^^
© Jacques Guilloreau, Prêts-textes à rire.
(extraits)
http://jacques.guilloreau.perso.sfr.fr/prets-textes/voyages_oreilles/temps.htm
@textes @30avril @antolinos
^^
!!!Lecture Acte 1 Figaro
//Lectures à deux voix par Michèle et Jacques//
*Cliquez pour télécharger sur votre appareil et écouter :
[[68s_a1_sc1_SUZANNE_FIGARO|http://dl.free.fr/bNygMB8Qd]]
[[68s_a1_sc_2_FIGARO|http://dl.free.fr/bUuLEUqV2]]
[[68s_a1_sc_5_et_6_MARCELINE_SUZANNE|http://dl.free.fr/bctyasvyA]]
[[68s_a1_sc_7_SUZANNE_CHÉRUBIN|http://dl.free.fr/btYKqZVwV]]
[[68s_a1_sc_8_SUZANNE_LE_COMTE_CHÉRUBIN_BAZILE|http://dl.free.fr/bL3QCiD95]]
[[68s_a1_sc_9_CHÉRUBIN, SUZANNE, LE COMTE, BAZILE|http://dl.free.fr/bTzHjsU9R]]
[[68s_a1_sc_10_CHÉRUBIN_SUZANNE_FIGARO_LA_COMTESSE_LE_COMTE_FANCHETTE_BAZILE_VALETS_PAYSANNES_PAYSANS|http://dl.free.fr/bXlQ3kanU]]
[[68s_a1_sc_11_CHÉRUBIN_FIGARO_BAZILE|http://dl.free.fr/bIz0s8dmX]]
{{center{
!Les Acteurs de bonne foi
de
Marivaux
>L’intérêt de la pièce repose principalement sur un jeu de mise en abyme //(pièce dans la pièce)// qu’entretient Marivaux.<br>En effet, le texte mêle entretien des acteurs sur leurs vies respectives, dialogues sur les possibilités de jeu et de mise en scène ainsi que répliques d’un texte à jouer.<br>La scène de comédie est rapidement détournée et donne lieu à une confusion entre la situation réelle et la scène jouée, et révèle la force de l’illusion théâtrale.
}}}
!!!!!PERSONNAGES
* MADAME ARGANTE, mère d'ANGELIQUE.
* MADAME AMELIN, tante d'ERASTE.
* ARAMINTE, amie commune.
* ERASTE, neveu de MADAME AMELIN, amant d'ANGELIQUE.
* ANGELIQUE, fille de MADAME ARGANTE.
* MERLIN, valet de chambre d'Eraste, amant de LISETTE.
* LISETTE, suivante d'ANGELIQUE.
* BLAISE, fils du fermier de MADAME ARGANTE, amant de COLETTE.
* COLETTE, fille du jardinier.
* UN NOTAIRE de village.
//La scène est dans une maison de campagne de Madame Argante.//
!!!!SCÈNE PREMIÈRE //ERASTE, MERLIN//
;MERLIN
:Oui, Monsieur, tout sera prêt, vous n'avez qu'à faire mettre la salle en état ; à trois heures après midi, je vous garantis que je vous donnerai la comédie.
;ERASTE
:Tu feras grand plaisir à Madame Amelin, qui s'y attend avec impatience ; et de mon côté je suis ravi de lui procurer ce petit divertissement; je lui dois bien des attentions; tu vois ce qu'elle fait pour moi, je ne suis que son neveu, et elle me donne tout son bien pour me marier avec Angélique, que j'aime. Pourrait-elle me traiter mieux, quand je serais son fils?
;MERLIN
:Allons, il en faut convenir, c'est la meilleure de toutes les tantes du monde, et vous avez raison, il n'y aurait pas plus de profit à l'avoir pour mère.
;ERASTE
:Mais, dis-moi, cette comédie dont tu nous régales, est-elle divertissante ? Tu as de l'esprit, mais en as-tu assez pour avoir fait quelque chose de passable ?
;MERLIN
:Du passable, Monsieur, non, il n'est pas de mon ressort ; les génies comme le mien ne connaissent pas le médiocre : tout ce qu'ils font est charmant, ou détestable; j'excelle, ou je tombe, il n'y a jamais de milieu.
;ERASTE
:Ton génie me fait trembler.
;MERLIN
:Vous craignez que je ne tombe, mais rassurez-vous. Avez-vous jamais acheté le recueil des chansons du Pont-Neuf? Tout ce que vous y trouverez de beau est de moi. Il y en a surtout une demi-douzaine d'anacréontiques qui sont d'un goût...
;ERASTE
:D'anacréontiques, oh ! puisque tu connais ce mot-là, tu es habile, et je ne me méfie plus de toi, mais prends garde que Madame Argante ne sache notre projet, Madame Amelin veut la surprendre.
;MERLIN
:Lisette, qui est des nôtres, a sans doute gardé le secret, Mademoiselle Angélique, votre future, n'aura rien dit, de votre côté, vous vous êtes tu; j'ai été discret, mes acteurs sont payés pour se taire, et nous surprendrons Monsieur, nous surprendrons.
;ERASTE
:Et qui sont tes acteurs ?
;MERLIN
:Moi d'abord, je me nomme le premier pour vous inspirer de la confiance, ensuite Lisette, femme de chambre de Mademoiselle Angélique, et suivante originale, Blaise, fils du fermier de Madame Argante, Colette, amante dudit fils du fermier, et fille du jardinier.
;ERASTE
:Cela promet de quoi rire.
;MERLIN
:Et cela tiendra parole, j'y ai mis bon ordre. Si vous saviez le coup d'art qu'il y a dans ma pièce !
;ERASTE
:Dis-moi donc ce que c'est.
;MERLIN
:Nous jouerons à l'impromptu, Monsieur, à l'impromptu.
;ERASTE
:Que veux-tu dire à l'impromptu ?
;MERLIN
:Oui, je n'ai fourni que ce que nous autres beaux esprits appelons le canevas, la simple nature fournira les dialogues, et cette nature-là sera bouffonne.
;ERASTE
:La plaisante espèce de comédie ! Elle pourra pourtant nous amuser.
;MERLIN
:Vous verrez, vous verrez; j'oublie encore à vous dire une finesse de ma pièce, c'est que Colette qui doit faire mon amoureuse, et moi qui dois faire son amant, nous sommes convenus tous deux de voir un peu la mine que feront Lisette et Blaise, à toutes les tendresses naïves que nous prétendons nous dire ; et le tout, pour éprouver s'ils n'en seront pas un peu alarmés et jaloux, car vous savez que Blaise doit épouser Colette, et que l'amour nous destine, Lisette et moi, l'un à l'autre. Mais Lisette, Blaise et Colette vont venir ici pour essayer leurs scènes; ce sont les principaux acteurs. J'ai voulu voir comment ils s'y prendront, laissez-moi les écouter et les instruire, et retirez-vous, les voilà qui entrent.
;ERASTE
:Adieu, fais-nous rire, on ne t'en demande pas davantage.
!!!!SCÈNE II - //LISETTE, COLETTE, BLAISE, MERLIN//
;MERLIN
:Allons, mes enfants, je vous attendais, montrez-moi un petit échantillon de votre savoir-faire, et tâchons de gagner notre argent le mieux que nous pourrons : répétons.
;LISETTE
:Ce que j'aime de ta comédie, c'est que nous nous la donnerons à nous-mêmes, car je pense que nous allons tenir de jolis propos.
;MERLIN
:De très jolis propos, car, dans le plan de ma pièce, vous ne sortez point de votre caractère, vous autres : toi, tu joues une maligne soubrette à qui l'on n'en fait point accroire, et te voilà; Blaise a l'air d'un nigaud pris sans vert, et il en fait le rôle ; une petite coquette de village et Colette, c'est la même chose ; un joli homme et moi, c'est tout un. Un joli homme est inconstant, une coquette n'est pas fidèle, Colette trahit Blaise, je néglige ta flamme, Blaise est un sot qui en pleure, tu es une diablesse qui t'en mets en fureur, et voilà ma pièce. Oh ! je défie qu'on arrange mieux les choses. .
;BLAISE
:Oui, mais si ce que j'allons jouer allait être vrai, prenez garde, au moins, il ne faut pas du tout de bon ; car j'aime Colette, dame.
;MERLIN
:À merveille, Blaise, je te demande ce ton de nigaud-là dans la pièce.
;LISETTE
:Écoutez, Monsieur le joli homme, il a raison, que ceci ne passe point la raillerie, car je ne suis pas endurante, je vous en avertis.
;MERLIN
:Fort bien, Lisette, il y a un aigre-doux dans ce ton-là qu'il faut conserver.
;COLETTE
:Allez, allez, Mademoiselle Lisette, il n'y a rien à appriander pour vous, car vous êtes plus jolie que moi, Monsieur Merlin le sait bien.
;MERLIN
:Courage, friponne, vous y êtes ; c'est dans ce goût-là qu'il faut jouer votre rôle. Allons, commençons à répéter.
;LISETTE
:C'est à nous deux à commencer, je crois.
;MERLIN
:Oui, nous sommes la première scène ; asseyez-vous là, vous autres, et nous, débutons. Tu es au fait, Lisette. //(COLETTE et Blaise s'asseyent comme spectateurs d'une scène dont ils ne sont pas.)// Tu arrives sur le théâtre, et tu me trouves rêveur et distrait. Recule-toi un peu pour me laisser prendre ma contenance.
!!!!SCÈNE III - //MERLIN, LISETTE, COLETTE et BLAISE, assis.//
;LISETTE, feignant d'arriver.
:Qu'avez-vous donc, Monsieur Merlin, vous voilà bien pensif?
;MERLIN
:C'est que je me promène.
;LISETTE
:Et votre façon, en vous promenant, est-elle de ne pas regarder les gens qui vous abordent ?
;MERLIN
:C'est que je suis distrait dans mes promenades.
;LISETTE
:Qu'est-ce que c'est que ce langage-là ? il me paraît bien impertinent.
;MERLIN, interrompant la scène.
:Doucement, Lisette, tu me dis des injures au commencement de la scène, par où la finiras-tu ?
;LISETTE
:Oh ! ne t'attends pas à des régularités, je dis ce qui me vient, continuons.
;MERLIN
:Où en sommes-nous ?
;LISETTE
:Je traitais ton langage d'impertinent.
;MERLIN
:Tiens, tu es de méchante humeur; passons notre chemin, ne nous parlons pas davantage.
;LISETTE
:Attendez-vous ici Colette, Monsieur Merlin ?
;MERLIN
:Cette question-là nous présage une querelle.
;LISETTE
:Tu n'en es pas encore où tu penses.
;MERLIN
:Je me contente de savoir que j'en suis où me voilà.
;LISETTE
:Je sais bien que tu me fuis, et que je t'ennuie depuis quelques jours.
;MERLIN
:Vous êtes si savante qu'il n'y a pas moyen de vous instruire.
;LISETTE
:Comment, faquin, tu ne prends pas seulement la peine de te défendre de ce que je dis là ?
;MERLIN
:Je n'aime à contredire personne.
;LISETTE
:Viens çà, parle, avoue-moi que Colette te plaît.
;MERLIN
:Pourquoi veux-tu qu'elle me déplaise ?
;LISETTE
:Avoue que tu l'aimes.
;MERLIN
:Je ne fais jamais de confidence.
;LISETTE
:Va, va, je n'ai pas besoin que tu me la fasses.
;MERLIN
:Ne m'en demande donc pas.
;LISETTE
:Me quitter pour une petite villageoise !
;MERLIN
:Je ne te quitte pas, je ne bouge.
;COLETTE, interrompant de l'endroit où elle est assise.
:Oui, mais est-ce du jeu de me dire des injures en mon absence ?
;MERLIN, fâché de l'interruption.
:Sans doute, ne voyez-vous pas bien que c'est une fille jalouse qui vous méprise ?
;COLETTE
:Eh bien ! quand ce sera à moi à dire, je prendrai ma revanche.
;LISETTE
:Et moi je ne sais plus où j'en suis.
;MERLIN
:Tu me querellais.
;LISETTE
:Eh, dis-moi, dans cette scène-là, puis-je te battre ?
;MERLIN
:Comme tu n'es qu'une suivante, un coup de poing ne gâtera rien.
;LISETTE
:Reprenons donc afin que je le place.
;MERLIN
:Non, non, gardons le coup de poing pour la représentation, et supposons qu'il est donné, ce serait un double emploi qui est inutile.
;LISETTE
:Je crois aussi que je peux pleurer dans mon chagrin.
;MERLIN
:Sans difficulté ; n'y manque pas, mon mérite et ta vanité le veulent.
;LISETTE, //éclatant de rire.//
:Ton mérite, qui le veut, me fait rire //(et puis feignant de pleurer)// ; que je suis à plaindre d'avoir été sensible aux cajoleries de ce fourbe-là ! Adieu : voici la petite impertinente qui entre; mais laisse-moi faire. //(En s'interrompant.)// Serait-il si mal de la battre un peu?
;COLETTE, //qui s'est levée.//
:Non pas, s'il vous plaît, je ne veux pas que les coups en soient ; je n'ai point affaire d'être battue pour une farce : encore si c'était vrai, je l'endurerais.
;LISETTE
:Voyez-vous la fine mouche !
;MERLIN
:Ne perdons point le temps à nous interrompre ; va-t'en, Lisette, voici Colette qui entre pendant que tu sors, et tu n'as plus que faire ici. Allons, poursuivons ; reculez-vous un peu, Colette, afin que j'aille au-devant de vous.
!!!!SCENE IV - //MERLIN, COLETTE, LISETTE et BLAISE, assis.//
;MERLIN
:Bonjour, ma belle enfant, je suis bien sûr que ce n'est pas moi que vous cherchez.
;COLETTE
:Non, Monsieur Merlin, mais ça n'y fait rien, je suis bien aise de vous y trouver.
;MERLIN
:Et moi, je suis charmé de vous rencontrer, Colette.
;COLETTE
:Ça est bien obligeant.
;MERLIN
:Ne vous êtes-vous pas aperçu du plaisir que j'ai à vous voir ?
;COLETTE
:Oui, mais je n'ose pas bonnement m'apercevoir de ce plaisir-là, à cause que j'y en prenais aussi.
;MERLIN, interrompant.
:Doucement, Colette, il n'est pas décent de vous déclarer si vite.
;COLETTE
:Dame, comme il faut avoir de l'amiquié pour vous dans cette affaire-là, j'ai cru qu'il n'y avait pas de temps à perdre.
;MERLIN
:Attendez que je me déclare tout à fait, moi.
;BLAISE, //interrompant de son siège.//
:Voyez en effet comme alle se presse, an dirait qu’alle y va de bon jeu, je crois que ça m'annonce du guignon.
;LISETTE, //assise et interrompant.//
:Je n'aime pas trop cette saillie-là, non plus.
;MERLIN
:C'est qu'elle ne sait pas mieux faire.
;COLETTE
:Eh bien, velà ma pensée tout sens dessus dessous ; pisqu'ils me blâmont, je sis trop timide pour aller en avant, s'ils ne s'en vont pas.
;MERLIN
:Eloignez-vous donc pour l'encourager.
;BLAISE, //se levant de son siège.//
:Non morguié, je ne veux pas qu'alle ait du courage, moi ; je veux tout entendre.
;LISETTE, assise et interrompant.
:Il est vrai, ma mie, que vous êtes plaisante de vouloir que nous nous en allions.
;COLETTE
:Pourquoi aussi me chicanez-vous ?
;BLAISE, //interrompant, mais assis.//
:Pourquoi te hâtes-tu tant d'être amoureuse de Monsieur Merlin ? Est-ce que tu en sens de l'amour ?
;COLETTE
:Mais vrament je sis bien obligée d'en sentir, pisque je sis obligée d'en prendre dans la comédie. Comment voulez-vous que je fasse autrement ?
;LISETTE, //assise, interrompant.//
:Comment, vous aimez réellement Merlin ?
;COLETTE
:II faut bien, pisque c'est mon devoir.
;MERLIN, //à LISETTE.//
:Blaise et toi, vous êtes de grands innocents tous deux; ne voyez-vous pas qu'elle s'explique mal? Ce n'est pas qu'elle m'aime tout de bon, elle veut dire seulement qu'elle doit faire semblant de m'aimer, n'est-ce pas, Colette ?
;COLETTE
:Comme vous voudrez, Monsieur Merlin.
;MERLIN
:Allons, continuons, et attendez que je me déclare tout à fait, pour vous montrer sensible à mon amour.
;COLETTE
:J'attendrai, Monsieur Merlin ; faites vite.
;MERLIN, recommençant la scène.
:Que vous êtes aimable, Colette, et que j'envie le sort de Blaise, qui doit être votre mari !
;COLETTE
:Oh ! oh ! est-ce que vous m'aimez, Monsieur Merlin ?
;MERLIN
:II y a plus de huit jours que je cherche à vous le dire.
;COLETTE
:Queu dommage ! car je nous accorderions bien tous deux.
;MERLIN
:Et pourquoi, Colette ?
;COLETTE
:C'est que si vous m'aimez, dame... dirai-je?
;MERLIN
:Sans doute.
;COLETTE
:C'est que si vous m'aimez, c'est bian fait, car il n'y a rian de pardu.
;MERLIN
:Quoi, chère Colette, votre cœur vous dit quelque chose pour moi ?
;COLETTE
:Oh ! il ne me dit pas queuque chose, il me dit tout à fait.
;MERLIN
:Que vous me charmez, belle enfant, donnez-moi votre jolie main, que je vous en remercie.
;LISETTE, interrompant.
:Je défends les mains.
;COLETTE
:Faut pourtant que j'en aie.
;LISETTE
:Oui, mais il n'est pas nécessaire qu'il les baise.
;MERLIN
:Entre amants les mains d'une maîtresse sont toujours de la conversation.
;BLAISE
:Ne permettez pas qu'elles en soient, Mademoiselle Lisette.
;MERLIN
:Ne vous fâchez pas, il n'y a qu'à supprimer cet endroit-là.
;COLETTE
:Ce n'est que des mains au bout du compte.
;MERLIN
:Je me contenterai de lui tenir la main de la mienne.
;BLAISE
:Ne faut pas magnier non plus, n'est-ce pas, Mademoiselle Lisette ?
;LISETTE
:C'est le mieux.
;MERLIN
:II n'y aura point assez de vif dans cette scène-là.
;COLETTE
:Je sis de votre avis, Monsieur Merlin, et je n'empêche pas les mains, moi.
;MERLIN
:Puisqu'on les trouve de trop, laissons-les, et revenons. //(Il recommence la scène.)// Vous m'aimez donc, Colette, et cependant vous allez épouser Blaise ?
;COLETTE
:Vrament ça me fâche assez, car ce n'est pas moi qui le prends, c'est mon père et ma mère qui me le baillent.
;BLAISE, //interrompant et pleurant.//
:Me vela donc bien chanceux.
;MERLIN
:Tais-toi donc, tout ceci est de la scène, tu le sais bien.
;BLAISE
:C'est que je vais gager que ça est vrai.
;MERLIN
:Non, te dis-je, il faut ou quitter notre projet, ou le suivre; la récompense que Madame Amelin nous a promise vaut bien la peine que nous la gagnions; je suis fâché d'avoir imaginé ce plan-là, mais je n'ai pas le temps d'en imaginer un autre, poursuivons.
;COLETTE
:Je le trouve bien joli, moi.
;LISETTE
:Je ne dis mot, mais je n'en pense pas moins. Quoi qu'il en soit, allons notre chemin pour ne pas risquer notre argent.
;MERLIN, recommençant la scène.
:Vous ne vous souciez donc pas de Blaise, Colette, puisqu'il n'y a que vos parents qui veulent que vous l'épousiez ?
;COLETTE
:Non, il ne me revient point, et si je pouvais par queuque manigance m'empêcher de l'avoir pour mon homme, je serais bientôt quitte de li, car il est si sot !
;BLAISE, //interrompant, assis.//
:Morgué, velà une vilaine comédie !
;MERLIN
://(À Blaise.)// Paix donc ! //(À COLETTE.)// Vous n'avez qu'à dire à vos parents que vous ne l'aimez pas.
;COLETTE
:Bon, je li ai bien dit à li-même, et tout ça n'y fait rien.
;BLAISE, se levant pour interrompre.
:C'est la vérité qu'alle me l'a dit.
;COLETTE, //continuant.//
:Mais Monsieur Merlin, si vous me demandiais en mariage, peut-être que vous m'auriais? Seriais-vous fâché de m'avoir pour femme ?
;MERLIN
:J'en serais ravi, mais il faut s'y prendre adroitement, à cause de Lisette, dont la méchanceté nous nuirait, et romprait nos mesures.
;COLETTE
:Si alle n'était pas ici, je varrions comme nous y prenre, fallait pas parmettre qu'alle nous écoutit.
;LISETTE, se levant pour interrompre.
:Que signifie donc ce que j'entends là ? Car, enfin, voilà un discours qui ne peut entrer dans la représentation de votre scène, puisque je ne serai pas présente quand vous la jouerez.
;MERLIN
:Tu n'y seras pas, il est vrai ; mais tu es actuellement devant ses yeux, et par méprise elle se règle là-dessus. N'as-tu jamais entendu parler d'un axiome qui dit que l'objet présent émeut la puissance ? voilà pourquoi elle s'y trompe ; si tu avais étudié, cela ne t'étonnerait pas. À toi, à présent, Blaise ; c'est toi qui entres ici et qui viens nous interrompre ; retire-toi à quatre pas, pour feindre que tu arrives ; moi qui t'aperçois venir, je dis à Colette : voici Blaise qui arrive, ma chère Colette; remettons l'entretien à une autre fois //(à COLETTE)// et retirez-vous.
;BLAISE, //approchant pour entrer en scène.//
:Je suis tout parturbé, moi, je ne sais que dire.
;MERLIN
:Tu rencontres Colette sur ton chemin, et tu lui demandes d'avec qui elle sort.
;BLAISE, //commençant la scène.//
:D'où viens-tu donc, Colette ?
;COLETTE
:Eh ! je viens d'où j'étais.
;BLAISE
:Comme tu me rudoies !
;COLETTE
:Oh, dame, accommode-toi, prends ou laisse, adieu.
!!!!SCÈNE V - //MERLIN, BLAISE, LISETTE et COLETTE, assises.//
;MERLIN, //interrompant la scène.//
:C'est à cette heure à moi à qui tu as affaire.
;BLAISE
:Tenez Monsieur Merlin, je ne saurions endurer que tu m'escamotiais ma maîtresse.
;MERLIN, interrompant la scène.
:Tenez Monsieur Merlin, est-ce comme cela qu'on commence une scène ? Dans mes instructions, je t'ai dit de me demander quel était mon entretien avec Colette.
;BLAISE
:Eh ! parguié ! ne le sais-je pas, pisque j'y étais ?
;MERLIN
:Souviens-toi donc que tu n'étais pas censé y être.
;BLAISE, //recommençant.//
:Eh bien, Colette était donc avec vous, Monsieur Merlin.
;MERLIN
:Oui, nous ne faisions que de nous rencontrer.
;BLAISE
:On dit pourtant qu'ous en êtes amoureux, Monsieur Merlin, et ça me chagraine, entendez-vous, car elle sera mon accordée de mardi en huit.
;COLETTE, //se levant et interrompant.//
:Oh ! sans vous interrompre, ça est remis de mardi en quinze, et d'ici à ce temps-là, je verrons venir.
;MERLIN
:N'importe, cette erreur-là n'est ici d'aucune conséquence. //(Reprenant la scène.)// Qui est-ce qui t'a dit, Biaise, que j'aime Colette ?
;BLAISE
:C'est vous qui le disiais tout à l'heure.
;MERLIN, interrompant la scène.
:Mais prends donc garde, souviens-toi encore une fois que tu n'y étais pas.
;BLAISE
:C'est donc Mademoiselle Lisette qui me l'a appris, et qui vous donne aussi biaucoup de blâme de cette affaire-là, et la velà pour confirmer mon dire.
;LISETTE, d'un ton menaçant, et interrompant.
:Va, va, j'en dirai mon sentiment après la comédie.
;MERLIN
:Nous ne ferons jamais rien de cette grue-là, il ne saurait perdre les objets de vue.
;LISETTE
:Continuez, continuez, dans la représentation il ne les verra pas, et cela le corrigera; quand un homme perd sa maîtresse, il lui est permis d'être distrait, Monsieur Merlin.
;BLAISE, //interrompant.//
:Cette comédie-là n'est faite que pour nous planter là, Mademoiselle Lisette.
;COLETTE
:Eh bien, plante-moi là itou, toi, Nicodème !
;BLAISE, //pleurant.//
:Morguié ce n'est pas comme ça qu'on en use avec un fiancé de la semaine qui vient.
;COLETTE
:Et moi je te dis que tu ne seras mon fiancé d'aucune semaine.
;MERLIN
:Adieu ma comédie, on m'avait promis dix pistoles pour la faire jouer, et ce poltron-là me les vole comme s'il me les prenait dans ma poche.
;COLETTE, //interrompant.//
:Eh pardi, Monsieur Merlin, velà bian du tintamarre parce que vous avez de l'amiquié pour moi, et que je vous trouve agriable. Eh bian oui, je lui plais, je nous plaisons tous deux, il est garçon, je sis fille, il est à marier, moi itou, il voulait de Mademoiselle Lisette, il n'en veut pus, il la quitte, je te quitte, il me prend, je le prends, quant à ce qui est de vous autres, il n'y a que patience à prenre.
;BLAISE
:Velà de belles fiançailles !
;LISETTE, //à MERLIN, en déchirant un papier//.
:Tu te tais donc, fourbe ! Tiens, voilà le cas que je fais du plan de ta comédie, tu mériterais d'être traité de même.
;MERLIN
:Mais, mes enfants, gagnons d'abord notre argent, et puis nous finirons nos débats.
;COLETTE
:C'est bian dit, je nous querellerons après, c'est la même chose.
;LISETTE
:Taisez-vous, petite impertinente.
;COLETTE
:Cette jalouse, comme alle est malapprise !
;MERLIN
:Paix-là donc, paix.
;COLETTE
:Suis-je cause que je vaux mieux qu'elle ?
;LISETTE
:Que cette petite paysanne-là ne m'échauffe pas les oreilles !
;COLETTE
:Mais voyez, je vous prie, cette glorieuse, avec sa face de chambrière !
;MERLIN
:Le bruit que vous faites va amasser tout le monde ici, et voilà déjà Madame Argante qui accourt, je pense.
;LISETTE, s'en allant.
:Adieu, fourbe.
;MERLIN
:L'épithète de folle m'acquittera, s'il te plaît, de celle de fourbe.
;BLAISE
:Je m'en vais itou me plaindre à un parent de la masque.
;COLETTE
:Je nous varrons tantôt, Monsieur Merlin, n'est-ce pas?
;MERLIN
:Oui, Colette, et cela va à merveille, ces gens-là nous aiment, mais continuons encore de feindre.
;COLETTE
:Tant que vous voudrais, il n'y a pas de danger, pisqu'ils nous aimont tant.
!!!!SCÈNE VI - //MADAME ARGANTE, ERASTE, MERLIN, ANGELIQUE//
;MADAME ARGANTE
:Qu'est-ce que c'est donc que le bruit que j'entends, avec qui criais-tu tout à l'heure ?
;MERLIN
:Rien, c'est Blaise et Colette qui sortent d'ici avec Lisette, Madame.
;MADAME ARGANTE
:Eh bien, est-ce qu'ils avaient querelle ensemble ? Je veux savoir ce que c'est.
;MERLIN
:C'est qu'il s'agissait d'un petit dessein que... nous avions d'une petite idée qui nous était venue, et nous avons de la peine à faire un ensemble qui s'accorde, //(Et montrant ERASTE.)// Monsieur vous dira ce que c'est.
;ERASTE
:Madame, il est question d'une bagatelle que vous saurez tantôt.
;MADAME ARGANTE
:Pourquoi m'en faire mystère à présent ?
;ERASTE
:Puisqu'il faut vous le dire, c'est une petite pièce dont il est question.
;MADAME ARGANTE
:Une pièce de quoi?
;MERLIN
:C'est, Madame, une comédie, et nous vous ménagions le plaisir de la surprise.
;ANGELIQUE
:Et moi, j'avais promis à Madame Amelin et à Eraste de ne vous en point parler, ma mère.
;MADAME ARGANTE
:Une comédie ?
;MERLIN
:Oui, une comédie dont je suis l'auteur, cela promet.
;MADAME ARGANTE
:Et pourquoi s'y battre ?
;MERLIN
:On ne s'y bat pas, Madame, la bataille que vous avez entendue n'était qu'un entracte ; mes acteurs se sont brouillés dans l'intervalle de l'action, c'est la discorde qui est entrée dans la troupe, il n'y a rien là que de fort ordinaire, ils voulaient sauter du brodequin au cothurne, et je vais tâcher de les ramener à des dispositions moins tragiques.
;MADAME ARGANTE
:Non, laissons là tes dispositions moins tragiques, et supprimons ce divertissement-là. Eraste, vous n'y avez pas songé, la comédie chez une femme de mon âge, cela serait ridicule.
;ERASTE
:C'est la chose du monde la plus innocente, Madame, et d'ailleurs Madame Amelin se faisait une joie de la voir exécuter.
;MERLIN
:C'est elle qui nous paye pour la mettre en état, et moi, qui vous parle, j'ai déjà reçu des arrhes, ma marchandise est vendue, il faut que je la livre, et vous ne sauriez en conscience rompre un marché conclu, Madame ; il faudrait que je restituasse, et j'ai pris des arrangements qui ne me le permettent plus.
;MADAME ARGANTE
:Ne te mets point en peine, je vous dédommagerai, vous autres.
;MERLIN
:Sans compter douze sous qu'il m'en coûte pour un moucheur de chandelles que j'ai arrêté, trois bouteilles de vin que j'ai avancées aux ménétriers du village pour former mon orchestre, quatre que j'ai donné parole de boire avec eux immédiatement après la représentation, une demi-main de papier que j'ai barbouillée pour mettre mon canevas bien au net.
;MADAME ARGANTE
:Tu n'y perdras rien, te dis-je; voici Madame Amelin, et vous allez voir qu'elle sera de mon avis.
!!!!SCÈNE VII - //MADAME AMELIN, MADAME ARGANTE, ANGELIQUE, ERASTE, MERLIN//
;MADAME ARGANTE, à MADAME AMELIN.
:Vous ne devineriez pas, Madame, ce que ces jeunes gens nous préparaient? Une comédie de la façon de Monsieur Merlin : ils m'ont dit que vous le savez, mais je suis bien sûre que non.
;MADAME AMELIN
:C'est moi à qui l'idée en est venue.
;MADAME ARGANTE
:À vous, Madame !
;MADAME AMELIN
:Oui, vous saurez que j'aime à rire, et vous verrez que cela nous divertira; mais j'avais expressément défendu qu'on vous le dît.
;MADAME ARGANTE
:Je l'ai appris par le bruit qu'on faisait dans cette salle : mais j'ai une grâce à vous demander, Madame, c'est que vous ayez la bonté d'abandonner le projet, à cause de moi, dont l'âge et le caractère...
;MADAME AMELIN
:Ah ! voilà qui est fini, Madame, ne vous alarmez point, c'en est fait, il n'en est plus question.
;MADAME ARGANTE
:Je vous en rends mille grâces, et je vous avoue que j'en craignais l'exécution.
;MADAME AMELIN
:Je suis fâchée de l'inquiétude que vous en avez prise.
;MADAME ARGANTE
:Je vais rejoindre la compagnie avec ma fille; n'y venez-vous pas ?
;MADAME AMELIN
:Dans un moment.
;ANGELIQUE, à part à MADAME ARGANTE.
:Madame Amelin n'est pas contente, ma mère.
;MADAME ARGANTE, à part le premier mot.
:Taisez-vous. //(À MADAME AMELIN.)// Adieu, Madame; venez donc nous retrouver.
;MADAME AMELIN //à ERASTE.//
:Oui, oui. Mon neveu, quand vous aurez mené Madame Argante, venez me parler.
;ERASTE
:Sur-le-champ, Madame.
;MERLIN
:J'en serai donc réduit à l'impression, quel dommage !
;ANGELIQUE et MERLIN sortent avec MADAME ARGANTE.
!!!!SCÈNE VIII - //MADAME AMELIN, ARAMINTE//
;MADAME AMELIN, //un moment seule.//
:Vous avez pourtant beau dire, Madame Argante, j'ai voulu rire, et je rirai.
;ARAMINTE
:Eh bien, ma chère, où en est notre comédie, va-t-on la jouer ?
;MADAME AMELIN
:Non, Madame Argante veut qu'on rende l'argent à la porte.
;ARAMINTE
:Comment ! elle s'oppose à ce qu'on la joue ? .
;MADAME AMELIN
:Sans doute : on la jouera pourtant, ou celle-ci, ou une autre ; tout ce qui arrivera de ceci, c'est qu'au lieu de la lui donner, il faudra qu'elle me la donne et qu'elle la joue, qui pis est, et je vous prie de m'y aider.
;ARAMINTE
:II sera curieux de la voir monter sur le théâtre; quant à moi, je ne suis bonne qu'à me tenir dans ma loge.
;MADAME AMELIN
:Écoutez-moi; je vais feindre d'être si rebutée du peu de complaisance qu'on a pour moi, que je paraîtrai renoncer au mariage de mon neveu avec Angélique.
;ARAMINTE
:Votre neveu est en effet un si grand parti pour elle...
;MADAME AMELIN, //en riant.//
:Que la mère n'avait osé espérer que je consentisse ; jugez de la peur qu'elle aura, et des démarches qu'elle va faire. Jouera-t-elle bien son rôle ?
;ARAMINTE
:Oh ! d'après nature.
;MADAME AMELIN, //riant.//
:Mon neveu et sa maîtresse seront-ils de leur côté de bons acteurs, à votre avis ? Car ils ne sauront pas que je me divertis, non plus que le reste des acteurs.
;ARAMINTE
:Cela sera plaisant, mais il n'y a que mon rôle qui m'embarrasse : à quoi puis-je vous être bonne ?
;MADAME AMELIN
:Vous avez trois fois plus de bien qu'Angélique, vous êtes veuve, et encore jeune, vous m'avez fait confidence de votre inclination pour mon neveu, tout est dit. Vous n'avez qu'à vous conformer à ce que je vais faire : voici mon neveu, et c'est ici la première scène, êtes-vous prête ?
;ARAMINTE
:Oui.
!!!!SCÈNE IX - //MADAME AMELIN, ARAMINTE, ERASTE//
;ERASTE
:Vous m'avez ordonné de revenir; que me voulez-vous, Madame ? La compagnie vous attend.
;MADAME AMELIN
:Qu'elle m'attende, mon neveu, je ne suis pas prête de la rejoindre.
;ERASTE
:Vous me paraissez bien sérieuse, Madame, de quoi s'agit-il ?
;MADAME AMELIN, //montrant Araminte.//
:Eraste, que pensez-vous de Madame ?
;ERASTE
:Moi ? ce que tout le monde en pense, que Madame est fort aimable.
;ARAMINTE
:La réponse est flatteuse.
;ERASTE
:Elle est toute simple.
;MADAME AMELIN
:Mon neveu, son cœur et sa main, joints à trente mille livres de rente, ne valent-ils pas bien qu'on s'attache à elle ?
;ERASTE
:Y a-t-il quelqu'un à qui il soit besoin de persuader cette vérité-là ?
;MADAME AMELIN
:Je suis charmée de vous en voir si persuadé vous-même.
;ERASTE
:À propos de quoi en êtes-vous si charmée, Madame ?
;MADAME AMELIN
:C'est que je trouve à propos de vous marier avec elle.
;ERASTE
:Moi, ma tante? vous plaisantez, et je suis sûr que Madame ne serait pas de cet avis-là.
;MADAME AMELIN
:C'est pourtant elle qui me le propose.
;ERASTE, //surpris.//
:De m'épouser, vous, Madame ?
;ARAMINTE
:Pourquoi non, Eraste ? cela me paraîtrait assez convenable, qu'en dites-vous ?
;MADAME AMELIN
:Ce qu'il en dit ? En êtes-vous en peine ?
;ARAMINTE
:II ne répond pourtant rien.
;MADAME AMELIN
:C'est d'étonnement et de joie, n'est-ce pas, mon neveu ?
;ERASTE
:Madame...
;MADAME AMELIN
:Quoi!
;ERASTE
:On n'épouse pas deux femmes.
;MADAME AMELIN
:Où en prenez-vous deux ? on ne vous parle que de Madame.
;ARAMINTE
:Et vous aurez la bonté de n'épouser que moi non plus, assurément.
;ERASTE
:Vous méritez un cœur tout entier, Madame, et vous savez que j'adore Angélique, qu'il m'est impossible d'aimer ailleurs.
;ARAMINTE
:Impossible, Eraste, impossible ! Oh ! puisque vous le prenez sur ce ton-là, vous m'aimerez, s'il vous plaît.
;ERASTE
:Je ne m'y attends pas, Madame.
;ARAMINTE
:Vous m'aimerez, vous dis-je, on m'a promis votre cœur, et je prétends qu'on me le tienne ; je crois que d'en donner deux cent mille écus, c'est le payer tout ce qu'il vaut, et qu'il y en a peu de ce prix-là.
;ERASTE
:Angélique l'estimerait davantage.
;MADAME AMELIN
:Qu'elle l'estime ce qu'elle voudra, j'ai garanti que Madame l'aurait, il faut qu'elle l'ait, et que vous dégagiez ma parole.
;ERASTE
:Ah ! Madame, voulez-vous me désespérer ?
;ARAMINTE
:Comment donc, vous désespérer ?
;MADAME AMELIN
:Laissez-le dire. Courage, mon neveu, courage !
;ERASTE
:Juste ciel !
!!!!SCÈNE X - //MADAME AMELIN, ARAMINTE, MADAME ARGANTE, ANGELIQUE, ERASTE//
;MADAME ARGANTE
:Je viens vous chercher, Madame, puisque vous ne venez pas ; mais que vois-je ? Eraste soupire, ses yeux sont mouillés de larmes, il paraît désolé, que lui est-il donc arrivé ?
;MADAME AMELIN
:Rien que de fort heureux, quand il sera raisonnable ; au reste, Madame, j'allais vous informer que nous sommes sur notre départ, Araminte, mon neveu et moi ; n'auriez-vous rien à mander à Paris ?
;MADAME ARGANTE
:À Paris! Quoi, est-ce que vous y allez, Madame?
;MADAME AMELIN
:Dans une heure.
;MADAME ARGANTE
:Vous plaisantez, Madame, et ce mariage...
;MADAME AMELIN
:Je pense que le mieux est de le laisser là ; le dégoût que vous avez marqué pour ce petit divertissement qui me flattait, m'a fait faire quelques réflexions. Vous êtes trop sérieuse pour moi ; j'aime la joie innocente, elle vous déplaît. Notre projet était de demeurer ensemble, nous pourrions ne nous pas convenir ; n'allons pas plus loin.
;MADAME ARGANTE
:Comment ! une comédie de moins romprait un mariage, Madame ! Eh, qu'on la joue, Madame, qu'à cela ne tienne, et si ce n'est pas assez, qu'on y joigne l'opéra, la foire, les marionnettes, et tout ce qu'il vous plaira, jusqu'aux parades.
;MADAME AMELIN
:Non, le parti que je prends vous dispense de cet embarras-là; nous n'en serons pas moins bonnes amies, s'il vous plaît, mais je viens de m'engager avec Araminte, et d'arrêter que mon neveu l'épousera.
;MADAME ARGANTE
:Araminte à votre neveu, Madame! Votre neveu épouser Araminte ! Quoi, ce jeune homme ?
;ARAMINTE
:Que voulez-vous, je suis à marier aussi bien qu'Angélique.
;ANGELIQUE, //tristement.//
:Eraste y consent-il ?
;ERASTE
:Vous voyez mon trouble, je ne sais plus où j'en suis.
;ANGELIQUE
:Est-ce là tout ce que vous répondez? Emmenez-moi, ma mère, retirons-nous, tout nous trahit.
;ERASTE
:Moi, vous trahir, Angélique ! moi qui ne vis que pour vous !
;MADAME AMELIN
:Y songez-vous, mon neveu, de parler d'amour à une autre, en présence de Madame que je vous destine?
;MADAME ARGANTE, //fortement.//
:Mais en vérité, tout ceci n'est qu'un rêve.
;MADAME AMELIN
:Nous sommes tous bien éveillés, je pense.
;MADAME ARGANTE
:Mais tant pis, Madame, tant pis, il n'y a qu'un rêve qui puisse rendre ceci pardonnable, absolument qu'un rêve que la représentation de votre misérable comédie va dissiper : allons vite, qu'on s'y prépare ! On dit que la pièce est un impromptu, je veux y jouer moi-même ; qu'on tâche de m'y ménager un rôle, jouons-y tous, et vous aussi, ma fille.
;ANGELIQUE
:Laissons-les, ma mère, voilà tout ce qu'il nous reste.
;MADAME ARGANTE
:Je ne serai pas une grande actrice, mais je n'en serai que plus réjouissante.
;MADAME AMELIN
:Vous joueriez à merveille, Madame, et votre vivacité en est une preuve; mais je ferais scrupule d'abaisser votre gravité jusque-là.
;MADAME ARGANTE
:Que cela ne vous inquiète pas ; c'est Merlin qui est l'auteur de la pièce, je le vois qui passe, je vais la lui recommander moi-même. Merlin ! Merlin ! approchez.
;MADAME AMELIN
:Eh ! non, Madame, je vous prie.
;ERASTE, à MADAME AMELIN.
:Souffrez qu'on la joue, Madame; voulez-vous qu'une comédie décide de mon sort, et que ma vie dépende de deux ou trois dialogues ?
;MADAME ARGANTE
:Non, non, elle n'en dépendra pas.
!!!!SCENE XI - //MADAME AMELIN, ARAMINTE, MADAME ARGANTE, ERASTE, ANGELIQUE, MERLIN//
;MADAME ARGANTE //continue.//
:La comédie que vous nous destinez est-elle bientôt prête ?
;MERLIN
:J'ai rassemblé tous nos acteurs, ils sont là, et nous allons achever de la répéter, si l'on veut.
;MADAME ARGANTE
:Qu'ils entrent.
;MADAME AMELIN
:En vérité, cela est inutile.
;MADAME ARGANTE
:Point du tout, Madame.
;ARAMINTE
:Je ne présume pas, quoi que l'on fasse, que Madame veuille rompre l'engagement qu'elle a pris avec moi ; la comédie se jouera quand on voudra, mais Eraste m'épousera, s'il vous plaît.
;MADAME ARGANTE
:Vous, Madame, avec vos quarante ans ! il n'en sera rien, s'il vous plaît vous-même, et je vous le dis tout franc, vous avez là un très mauvais procédé, Madame ; vous êtes de nos amis, nous vous invitons au mariage de ma fille, et vous prétendez en faire le vôtre, et lui enlever son mari, malgré toute la répugnance qu'il en a lui-même; car il vous refuse, et vous sentez bien qu'il ne gagnerait pas au change ; en vérité, vous n'êtes pas concevable : à quarante ans lutter contre vingt, vous rêvez, Madame. Allons Merlin, qu'on achève.
!!!!SCÈNE XII - //TOUS LES ACTEURS//
;MADAME ARGANTE continue.
:J'ajoute dix pistoles à ce qu'on vous a promis, pour vous exciter à bien faire. Asseyons-nous, Madame, et écoutons.
;MADAME AMELIN
:Écoutons donc, puisque vous le voulez.
;MERLIN
:Avance, Blaise ; reprenons où nous en étions ; tu te plaignais de ce que j'aime Colette, et c'est, dis-tu, Lisette qui te l'a appris.
;BLAISE
:Bon ! qu'est-ce que vous voulez que je dise davantage?
;MADAME ARGANTE
:Vous plaît-il de continuer, Blaise ?
;BLAISE
:Non; noute mère m'a défendu de monter sur le thiâtre.
;MADAME ARGANTE
:Et moi je lui défends de vous en empêcher ; je vous sers de mère ici, c'est moi qui suis la vôtre.
;BLAISE
:Et au par-dessus on se raille de ma parsonne dans ce peste de jeu-là; noute maîtresse, Colette y fait semblant d'avoir le cœur tendre pour Monsieur Merlin, Monsieur Merlin de li céder le sien, et maugré la comédie, tout ça est vrai, noute maîtresse ; car ils font semblant de faire semblant, rien que pour nous en revendre, et ils ont tous deux la malice de s'aimer tout de bon en dépit de Lisette qui n'en tâtera que d'une dent, et en dépit de moi qui sis pourtant retenu pour gendre de mon biau-père.
:Les dames rient.
;MADAME ARGANTE
:Eh, le butor! on a bien affaire de vos bêtises; et vous, Merlin, de quoi vous avisez-vous d'aller faire une vérité d'une bouffonnerie ? Laissez-lui sa Colette, et mettez-lui l'esprit en repos.
;COLETTE
:Oui, mais je ne veux pas qu'il me laisse, moi, je veux qu'il me garde.
;MADAME ARGANTE
:Qu'est-ce que cela signifie, petite fille? Retirez-vous, puisque vous n'êtes pas de cette scène-ci, vous paraîtrez quand il sera temps ; continuez, vous autres.
;MERLIN
:Allons, Blaise, tu me reproches que j'aime Colette.
;BLAISE
:Eh morguié est-ce que ça n'est pas vrai ?
;MERLIN
:Que veux-tu, mon enfant, elle est si jolie que je n'ai pu m'en empêcher.
;BLAISE, //à MADAME ARGANTE.//
:Eh bian, Madame Argante, velà-t-il pas qu'il le confesse li-même ?
;MADAME ARGANTE
:Qu'est-ce que cela te fait, dès que ce n'est qu'une comédie ?
;BLAISE
:Je m'embarrasse morguié bian de la farce, qu'alle aille au guiable, et tout le monde avec !
;MERLIN
:Encore!
;MADAME ARGANTE
:Quoi ! on ne parviendra pas à vous faire continuer ?
;MADAME AMELIN
:Eh, Madame! laissez là ce pauvre garçon, vous voyez bien que le dialogue n'est pas son fort.
;MADAME ARGANTE
:Son fort ou son faible, Madame, je veux qu'il réponde ce qu'il sait, et comme il pourra.
;COLETTE
:Il braira tant qu'on voudra, mais c'est là tout.
;BLAISE
:Eh ! pardi, faut bian braire quand on en a sujet.
;LISETTE
:À quoi sert tout ce que vous faites là, Madame? Quand on achèverait cette scène-ci, vous n'avez pas l'autre, car c'est moi qui dois la jouer, et je n'en ferai rien.
;MADAME ARGANTE
:Oh ! vous la jouerez, je vous assure.
;LISETTE
:Ah! nous verrons si on me fera jouer la comédie malgré moi.
!!!!SCÈNE XIII - //TOUS LES ACTEURS DE LA SCÈNE PRÉCÉDENTE, et LE NOTAIRE qui arrive.//
;LE NOTAIRE, //s'adressant à MADAME AMELIN.//
:Voilà, Madame, le contrat que vous m'avez demandé ; on y a exactement suivi vos intentions.
;MADAME AMELIN, //à ARAMINTE, bas.//
:Faites comme si c'était le vôtre. //(À MADAME ARGANTE.)// Ne voulez-vous pas bien honorer ce contrat-là de votre signature, Madame ?
;MADAME ARGANTE
:Et pour qui est-il donc, Madame ?
;ARAMINTE
:C'est celui d'Eraste et le mien.
;MADAME ARGANTE
:Moi, signer votre contrat, Madame ! ah ! je n'aurai pas cet honneur-là, et vous aurez, s'il vous plaît, la bonté d'aller vous-même le signer ailleurs. //(Au notaire.)// Remportez, remportez cela, Monsieur. //(À MADAME AMELIN.)// Vous n'y songez pas, Madame, on n'a point ces procédés-là, jamais on n'en vit de pareils.
;MADAME AMELIN
:II m'a paru que je ne pouvais marier mon neveu chez vous, sans vous faire cette honnêteté-là, Madame, et je ne quitterai point que vous n'ayez signé, qui pis est, car vous signerez.
;MADAME ARGANTE
:Oh ! il n'en sera rien, car je m'en vais.
;MADAME AMELIN,// l'empêchant.//
:Vous resterez, s'il vous plaît, le contrat ne saurait se passer de vous. //(A ARAMINTE.)// Aidez-moi, Madame, empêchons Madame Argante de sortir.
;ARAMINTE
:Tenez terme, je ne plierai point non plus.
;MADAME ARGANTE
:Où en sommes-nous donc, Mesdames, ne suis-je pas chez moi ?
;ERASTE, à MADAME AMELIN.
:Eh ! à quoi pensez-vous, Madame ? Je mourrais moi-même plutôt que de signer.
;MADAME AMELIN
:Vous signerez tout à l'heure, et nous signerons tous.
;MADAME ARGANTE
:Apparemment que Madame se donne ici la comédie au défaut de celle qui lui a manqué.
;MADAME AMELIN, riant.
:Ah ! ah ! ah ! Vous avez raison, je ne veux rien perdre.
;LE NOTAIRE
:Accommodez-vous donc, Mesdames, car d'autres affaires m'appellent ailleurs. Au reste, suivant toute apparence, ce contrat est à présent inutile, et n'est plus conforme à vos intentions, puisque c'est celui qu'on a dressé hier, et qu'il est au nom de Monsieur Eraste et de Mademoiselle Angélique.
;MADAME AMELIN
:Est-il vrai ? Oh ! sur ce pied-là ce n'est pas la peine de le refaire, il faut le signer comme il est.
;ERASTE
:Qu'entends-je ?
;MADAME ARGANTE
:Ah ! ah ! j'ai donc deviné, vous vous donniez la comédie, et je suis prise pour dupe : signons donc. Vous êtes toutes deux de méchantes personnes.
;ERASTE
:Ah! je respire.
;ANGELIQUE
:Qui l'aurait cru ! Il n'y a plus qu'à rire.
;ARAMINTE, //à MADAME ARGANTE.//
:Vous ne m'aimerez jamais tant que vous m'avez haïe. Mais mes quarante ans me restent sur le cœur, je n'en ai pourtant que trente-neuf et demi.
;MADAME ARGANTE
:Je vous en aurais donné cent dans ma colère, et je vous conseille de vous plaindre, après la scène que je viens de vous donner !
;MADAME AMELIN
:Et le tout sans préjudice de la pièce de Merlin.
;MADAME ARGANTE
:Oh ! je ne vous le disputerai plus, je n'en fais que rire, je soufflerai volontiers les acteurs, si l'on me fâche encore.
;LISETTE
:Vous voilà raccommodés, mais nous...
;MERLIN
:Ma foi, veux-tu que je te dise, nous nous régalions nous-mêmes dans ma parade pour jouir de toutes vos tendresses.
;COLETTE
:Blaise, la tienne est de bon acabit, j'en suis bien contente.
;BLAISE, //sautant.//
:Tout de bon? baille-moi donc une petite friandise pour ma peine.
;LISETTE
:Pour moi, je t'aime toujours, mais tu me le paieras, car je ne t'épouserai de six mois.
;MERLIN
:Oh ! Je me fâcherai aussi, moi.
;MADAME ARGANTE
:Va, va, abrège le terme, et le réduis à deux heures de temps. Allons terminer.
:FIN
!!!!!![>img[images/signature theatre-57.jpg]]
<<foldHeadings closed>>
Ils s'aiment s'aiment en riant
Ils s'aiment s'aiment pour toujours
Ils s'aiment tout au long du jour
Ils s'aiment s'aiment s'aiment tant
Qu'on dirait des anges d'amour
Des anges fous se protégeant
Quand se retrouvent en courant
Les amants
Les amants de coeur
Les amants
Ils s'aiment s'aiment à la folie
S'effeuillant à l'ombre des feux
Se découvrant comme deux fruits
Puis se trouvant n'être plus deux
Se dénouant comme velours
Se reprenant au petit jour
Et s'endormant les plus heureux
Les amants,les amants de coeur
Les amants
Ils s'aiment s'aiment en tremblant
Le coeur mouillé le coeur battant
Chaque seconde est une peur
Qui croque le coeur entre ses dents
Ils savent trop de rendez-vous
Où n'vinrent que des facteurs
Pour n'avoir pas peur du loup
Les amants,les amants de coeur
Les amants
Ils s'aiment s'aiment en pleurant
Chaque jour un peu moins amants
Quand ils ont bu tout leur mystère
Deviennent comme soeur et frère
Brûlent leurs ailes d'inquiétude
Redeviennent deux habitudes
Alors changent de partenaire
Les amants, les amants de coeur
Les amants
Qui s'aiment s'aiment en riant
Qui s'aiment s'aiment pour toujours
Qui s'aiment tout au long du jour
Qui s'aiment s'aiment s'aiment tant
Qu'on dirait des anges d'amour
Des anges fous se protégeant
Quand ils se retrouv'nt en courant
Les amants, les amants de coeur
Les amants
!Les Bonnes
{{center{
!!!!Jean Genet
}}}
+++^90%^*[Les Bonnes]
La révélation d’un écrivain pratiquement inconnu par le metteur en scène le plus célèbre de Paris, tel est l’événement qui se produit le 19 avril 1947 au Théâtre de l’Athénée lorsque Jouvet y fait jouer pour la première fois, dans sa propre mise en scène, Les Bonnes de Jean Genet. Il s’agit de la seconde pièce de l’auteur, qui a déjà goûté de la prison, écrit Haute Surveillance et publié quelques autres textes.
En l’absence de leur patronne, deux bonnes qui sont sœurs jouent à Madame et sa bonne.
Loin d’être innocent, le jeu s’avère cruel. L’extrait suivant se situe au début de la pièce.
=== +++^90%^*[Commentaire]
C'est toute sa haine de Madame, mêlée d’une admiration qui confine à l’idolâtrie, que Solange déverse sur Claire, sa partenaire, laquelle va passer la robe de sa maîtresse et écraser la bonne de son mépris. Claire excite Solange et la pousse « [a]ux insultes » : « Claire : Je hais les domestiques.J’en hais l’espèce odieuse et vile. Les domestiques n’appartiennent pas 11 Immunité. » Cependant, Solange ne tarde pas à s’épuiser et à vouloir arrêter le jeu. Mais Claire se montre implacable : elle oblige sa sœur à lui servir le tilleul empoisonné destiné à Madame.
D'entrée de jeu, le monde de lumière où évolue Madame-jouée par Claire - s’oppose aux ténèbres dans lesquelles s’affairent les bonnes. Claire s’adresse à sa propre sœur en l’appelant Claire. C’est donc à elle-même, à sa sœur et à toutes les autres bonnes quelle adresse le «iitivit .tin mépris de Madame. La provocation, la su//renchère dans le jeu sont si fortes que fn Jauge paraît sur le point dctrangler la pseudo-Madamc. Dans son ouvrage Les Jeux et
Hommes//, Roger Caillois parle d’un jeu - qu’il appelle //ilinx// - qui est le jeu-vertige, le jeu au bord de l’abîme. C’est bien à ce type de jeu que se livrent Claire et Solange. Jeu dangereux et mortel. Jeu que les deux sœurs rêvent de jouer non plus dans le confinement de la chambre de Madame mais à la face du monde : « Solange : Laissez-moi sortir. Nous allons parler au monde. Qu’il se mette aux fenêtres pour nous voir, il faut qu’il nous écoute. »
Le théâtre de Genet ne se présente pas comme un huis clos dans lequel le spectateur s'introduirait par le trou de la serrure mais comme un antithéâtre du monde, foncièrement subversif, qui s’offre au public à travers les fenêtres grandes ouvertes de l’appartement de Madame. De même qu’il aspire à échapper à son confinement et à s’installer sur le théâtre du monde, le jeu sort à plusieurs reprises de lui-même - irruption de la véritable Madame, retour des deux bonnes à leur identité et à leurs problèmes de sœurs -, ce qui ne fait qu’accroître l’intensité dramatique. Un peu à la manière de Pirandello, Jean Genet joue en virtuose de la tension entre jeu et réalité.
=== +++^90%^*[Dutexte à la scène : Alfredo Arias]
« Il est possible que la pièce paraisse réduite à un squelette de pièce. En effet, tout y est trop vite dit et trop explicite. Je suggère donc que les metteurs en scène éventuels remplacent les expressions trop précises, celles qui rendent la situation trop explicite, par d'autres plus ambiguës. Que les comédiensjouent. Excessivement. » On ne peut se contenter d'une mise en scène qui ne ferait preuve que de métier, sans la volonté de s'engager dans ce système d'écriture personnelle. Je me suis beaucoup demandé pourquoi cefait divers avait inspiré tant d’écrivains, et pas seulement Genet.Je crois qu’il y a là un rapport incroyable avec la bourgeoisie, avec ce qu’elle veut cacher, ce quelle recèle comme violence. Tout à coup, la démesure de l’acte confère une dimension qui est celle de la tragédie. Personnellement, j’avais connu Genet lorsqu'il devait réaliser un film intitulé La Nuit venue. Le décorateur Ghislain Uhry nous avait permis de nous rencontrer. Le langage de ce scénario, sa construction, son côté savant, un certain cynisme, et Genet, lui-même, son sarcasme, sa lucidité, sa capacité d’amour m'avaient donné envie de témoigner de cette rencontre. Quand j’ai décidé de monter Les Bonnes et d’incarner Madame, ma préoccupation fondamentale était d'illustrer par moi-même l’humour de son regard. L’explication que je me suis donnée passe par l’idée que le langage de la pièce est hors dufait divers. La pièce cache un jeu d'identité. Il y a là une dualité : les deux sœurs se condamnent, l'une conduisant l’autre à la mort. Il faut que l'une meure pour que l’autre se nomme. Cet exercice d'interprétation se veut un geste d'incarnation jusqu’à ce que Madame devienne elle-même Genet dans la recherche d’une identité poétique. En montant la pièce, je n’ai pas voulu séparer le personnage de son être parmi les manifestations ondulantes de sa pensée. Sous l'abandon à une langue précieuse, il y a un /eh d'autodéfinition qui élimine ce qui relève l'anecdote et du crime.
J’ai joué Madame avec un masque total A visage masqué, mais aussi le corps entièrement, artificiellement remodelé grâce à desprothèw et des postiches. Cette femme est une sorte <A machinerie théâtrale. Elle est l’instrument des dangers quelle se crée. Elle démonte mil mécanisme pour rester seuleface à elle-même Elle est déstructurée comme une pièce mécanique, un automate. Je jouais ce que le costume dessine par Chloé Obolensky (perruque, cagoule, coip\ de femme, corset, collant) me commandait île faire. Pendant le jeu, mes deux partenaiiei (Marilù Marini et Laure Duthilleul) me désarticulaient et me démasquaient. Mes acce\ soires d’accoutrement devenaient semblables a des ex-voto dans un rituel. Cela situait la pièce au niveau de lyrisme et de liberté textuelle que souhaitait Genet.
L’auteur indique dans une didascalie* : « J.e\ metteurs en scène doivent s'appliquer à mettre au point une déambulation qui ne sera pas laisser au hasard. Les bonnes et Madame se rendent d’un point à un autre de la scène, en dessinant une géométrie qui ait un sens. Je ne peux dire lequel, mais cette géométrie ne doit pas être voulue par de simples allées et venues. Elle s'inscrira comme, dit-on, dans le vol des oiseaux s’inscrivent les présages, dans le vol des abeilles une activité de vie, dans la démarche de certains poètes une activité de mort. » Il relie donc le spectacle à trois éléments : les abeilles, les oiseaux et la présence de la mort dans la démarche d'un poète. Ces trois directions sont capitales.
===
!!!Solange, Claire
//Elle tend à Claire un miroir à main.//
;CLAIRE
://se mirant avec complaisance.//
J’y suis plus belle ! Le danger m’auréole, Claire, et toi tu n’es que ténèbres…
;SOLANGE
:… infernales ! Je sais. Je connais la tirade. Je lis sur votre visage ce qu’il faut vous répondre et j’irai jusqu’au bout. Les deux bonnes sont là – les dévouées servantes ! Devenez plus belle pour les mépriser. Nous ne vous craignons plus. Nous sommes enveloppées, confondues dans nos exhalaisons, dans nos fastes, dans notre haine pour vous. Nous prenons forme, Madame. Ne riez pas. Ah ! surtout ne riez pas de ma grandiloquence…
;CLAIRE
:Allez-vous-en.
;SOLANGE
:Pour vous servir, encore, Madame ! Je retourne à ma cuisine. J’y retrouve mes gants et l’odeur de mes dents. Le rot silencieux de l’évier. Vous avez vos fleurs, j’ai mon évier. Je suis la bonne. Vous au moins vous ne pouvez pas me souiller. Mais vous ne l’emporterez pas en paradis. J’aimerais mieux vous y suivre que de lâcher ma haine à la porte. Riez un peu, riez et priez vite, très vite ! Vous êtes au bout du rouleau ma chère ! //(Elle tape sur les mains de Claire qui protège sa gorge.)// Bas les pattes et découvrez ce cou fragile. Allez, ne tremblez pas, ne frissonnez pas, j’opère vite et en silence. Oui, je vais retourner à ma cuisine, mais avant je termine ma besogne.
://Elle semble sur le point d’étrangler Claire. Soudain un réveille-matin sonne. Solange s’arrête. Les deux actrices se rapprochent, émues, et écoutent, pressées l’une contre l’autre.//
:Déjà ?
;CLAIRE
:Dépêchons-nous. Madame va rentrer. //(Elle commence à dégrafer sa robe.)// Aide-moi. C’est déjà fini, et tu n’as pas pu aller jusqu’au bout.
;SOLANGE
://l’aidant. D’un ton triste.//
:C’est chaque fois pareil. Et par ta faute. Tu n’es jamais prête assez vite. Je ne peux pas t’achever.
;CLAIRE
:Ce qui nous prend du temps, c’est les préparatifs. Remarque…
;SOLANGE
://elle lui enlève la robe.//
:Surveille la fenêtre.
;CLAIRE
:Remarque que nous avons de la marge. J’ai remonté le réveil de façon qu’on puisse tout ranger.
://Elle se laisse avec lassitude tomber sur le fauteuil.//
;SOLANGE
:Il fait lourd, ce soir. Il a fait lourd toute la journée.
;CLAIRE
:Oui.
;SOLANGE
:Et cela nous tue, Claire.
;CLAIRE
:Oui.
;SOLANGE
:C’est l’heure.
;CLAIRE
:Oui. //(Elle se lève avec lassitude.)// Je vais préparer la tisane.
;SOLANGE
:Surveille la fenêtre.
;CLAIRE
:On a le temps.
://Elle s’essuie le visage.//
;SOLANGE
:Tu te regardes encore… Claire, mon petit…
;CLAIRE
:Je suis lasse.
;SOLANGE
://dure.//
:Surveille la fenêtre. Grâce à ta maladresse, rien ne serait à sa place. Et il faut que je nettoie la robe de Madame. //(Elle regarde sa sœur.)// Qu’est-ce que tu as ? Tu peux te ressembler, maintenant. Reprends ton visage. Allons, Claire, redeviens ma sœur…
;CLAIRE
:Je suis à bout. La lumière m’assomme. Tu crois que les gens d’en face…
;SOLANGE
:Qu’est-ce que cela peut nous faire ? Tu ne voudrais pas qu’on… qu’on s’organise dans le noir ? Ferme les yeux. Ferme les yeux, Claire. Repose-toi.
;CLAIRE
://elle met sa petite robe noire.//
:Oh ! quand je dis que je suis lasse, c’est une façon de parler. N’en profite pas pour me plaindre. Ne cherche pas à me dominer.
://Elle enfile les bas de fil noirs et chausse les souliers noirs à talons plats.//
;SOLANGE
:Je voudrais que tu te reposes. C’est surtout quand tu te reposes que tu m’aides. //(1)//
;CLAIRE
:Je te comprends, ne t’explique pas.
;SOLANGE
:Si. Je m’expliquerai. C’est toi qui as commencé. Et d’abord, en faisant cette allusion au laitier. Tu crois que je ne t’ai pas devinée ? Si Mario…
;CLAIRE
:Oh !
;SOLANGE
:Si le laitier me dit des grossièretés le soir, il t’en dit autant. Mais tu étais bien heureuse de pouvoir…
;CLAIRE
://elle hausse les épaules.//
:Tu ferais mieux de voir si tout est en ordre. Regarde, la clé du secrétaire était placée comme ceci. //(Elle arrange la clé.)// Et sur les œillets et les roses, il est impossible, comme dit Monsieur, de ne pas…
;SOLANGE
://violente.//
:Tu étais heureuse de pouvoir tout à l’heure mêler tes insultes…
;CLAIRE
:… découvrir un cheveu de l’une ou de l’autre bonne.
;SOLANGE
:Et les détails de notre vie privée avec…
;CLAIRE
://ironique.//
:Avec ? Avec ? Avec quoi ? Donne un nom ? Donne un nom à la chose ! La cérémonie ? D’ailleurs, nous n’avons pas le temps de commencer une discussion ici. Elle, elle, elle va rentrer. Mais, Solange, nous la tenons, cette fois. Je t’envie d’avoir vu sa tête en apprenant l’arrestation de son amant. Pour une fois, j’ai fait du beau travail. Tu le reconnais ? Sans moi, sans ma lettre de dénonciation, tu n’aurais pas eu ce spectacle : l’amant avec les menottes et Madame en larmes. Elle peut en mourir. Ce matin, elle ne tenait plus debout.
;SOLANGE
:Tant mieux. Qu’elle en claque ! Et que j’hérite, à la fin ! Ne plus remettre les pieds dans cette mansarde sordide, entre ces imbéciles, entre une cuisinière et un valet de chambre.
;CLAIRE
:Moi je l’aimais notre mansarde.
;SOLANGE
:Ne t’attendris pas. Tu l’aimes pour me contredire. Moi qui la hais. Je la vois telle qu’elle est, sordide et nue. Dépouillée, comme dit Madame. Mais quoi, nous sommes des pouilleuses.
;CLAIRE
:Ah ! non, ne recommence pas. Regarde plutôt à la fenêtre. Moi je ne peux rien voir, la nuit est trop noire.
;SOLANGE
:Que je parle. Que je me vide. J’ai aimé la mansarde parce que sa pauvreté m’obligeait à de pauvres gestes. Pas de tentures à soulever, pas de tapis à fouler, de meubles à caresser… de l’œil ou du torchon, pas de glaces, pas de balcon. Rien ne nous forçait à un geste trop beau. //(Sur un geste de Claire.)// Mais rassure-toi, tu pourras continuer en prison à faire ta souveraine, ta Marie-Antoinette, te promener la nuit dans l’appartement…
;CLAIRE
:Tu es folle ! Jamais je ne me suis promenée dans l’appartement.
;SOLANGE
://ironique.//
:Oh ! Mademoiselle ne s’est jamais promenée ! Enveloppée dans les rideaux ou le couvre-lit de dentelle, n’est-ce pas ? Se contemplant dans les miroirs, se pavanant au balcon et saluant à deux heures du matin le peuple accouru défiler sous ses fenêtres. Jamais, non, jamais ?
;CLAIRE
:Mais, Solange…
;SOLANGE
:La nuit est trop noire pour épier Madame. Sur ton balcon, tu te croyais invisible. Pour qui me prends-tu ? N’essaie pas de me faire croire que tu es somnambule. Au point où nous en sommes, tu peux avouer.
;CLAIRE
:Mais Solange, tu cries. Je t’en prie, parle plus bas. Madame peut rentrer en sourdine…
Elle court à la fenêtre et soulève le rideau.
;SOLANGE
:Laisse les rideaux, j’ai fini. Je n’aime pas te voir les soulever de cette façon. Laisse-les retomber. Le matin de son arrestation, quand il épiait les policiers, Monsieur faisait comme toi.
;CLAIRE
:Le moindre geste te paraît un geste d’assassin qui veut s’enfuir par l’escalier de service. Tu as peur maintenant.
;SOLANGE
:Ironise, afin de m’exciter. Ironise, va ! Personne ne m’aime ! Personne ne nous aime !
;CLAIRE
:Elle, elle nous aime. Elle est bonne. Madame est bonne ! Madame nous adore.
;SOLANGE
:Elle nous aime comme ses fauteuils. Et encore ! Comme la faïence rose de ses latrines. Comme son bidet. Et nous, nous ne pouvons pas nous aimer. La crasse…
;CLAIRE
://c’est presque dans un aboiement.//
:Ah !…
;SOLANGE
:… N’aime pas la crasse. Et tu crois que je vais en prendre mon parti, continuer ce jeu et, le soir, rentrer dans mon lit-cage. Pourrons-nous même le continuer, le jeu. Et moi, si je n’ai plus à cracher sur quelqu’un qui m’appelle Claire, mes crachats vont m’étouffer ! Mon jet de salive, c’est mon aigrette de diamants.
;CLAIRE
://elle se lève et pleure.//
:Parle plus doucement, je t’en prie. Parle… parle de la bonté de Madame. Elle, elle dit : diam’s !
;SOLANGE
:Sa bonté ! Ses diam’s ! C’est facile d’être bonne, et souriante, et douce. Quand on est belle et riche ! Mais être bonne quand on est une bonne ! On se contente de parader pendant qu’on fait le ménage ou la vaisselle. On brandit un plumeau comme un éventail. On a des gestes élégants avec la serpillière. Ou bien, on va comme toi, la nuit s’offrir le luxe d’un défilé historique dans les appartements de Madame.
;CLAIRE
:Solange ! Encore ! Tu cherches quoi ? Tu penses que tes accusations vont nous calmer ? Sur ton compte, je pourrais en raconter de plus belles.
;SOLANGE
:Toi ? //(Un temps assez long.)// Toi ?
;CLAIRE
:Parfaitement. Si je voulais. Parce qu’enfin, après tout…
;SOLANGE
:Tout ? Après tout ? Qu’est-ce que tu insinues ? C’est toi qui as parlé de cet homme. Claire, je te hais.
;CLAIRE
:Et je te le rends. Mais je n’irai pas chercher le prétexte d’un laitier pour te menacer.
;SOLANGE
:De nous deux, qui menace l’autre ! Hein ? Tu hésites ?
;CLAIRE
:Essaie d’abord. Tire la première. C’est toi qui recules, Solange. Tu n’oses pas m’accuser du plus grave, mes lettres à la police. La mansarde a été submergée sous mes essais d’écriture… sous des pages et des pages. J’ai inventé les pires histoires et les plus belles dont tu profitais. Hier soir, quand tu faisais Madame dans la robe blanche, tu jubilais, tu jubilais, tu te voyais déjà montant en cachette sur le bateau des déportés, sur le…
;SOLANGE
://professorale.//
:Le Lamartinière. //(Elle en a détaché chaque syllabe.)//
;CLAIRE
:Tu accompagnais Monsieur, ton amant… Tu fuyais la France. Tu partais pour l’île du Diable, pour la Guyane, avec lui : un beau rêve ! Parce que j’avais le courage d’envoyer mes lettres anonymes, tu te payais le luxe d’être une prostituée de haut vol, une hétaïre. Tu étais heureuse de ton sacrifice, de porter la croix du mauvais larron, de lui torcher le visage, de le soutenir, de te livrer aux chiourmes pour que lui soit accordé un léger soulagement.
;SOLANGE
:Mais toi, tout à l’heure, quand tu parlais de le suivre.
;CLAIRE
:Je ne le nie pas, j’ai repris l’histoire où tu l’avais lâchée. Mais avec moins de violence que toi. Dans la mansarde déjà, au milieu des lettres, le tangage te faisait chalouper.
;SOLANGE
:Tu ne te voyais pas.
;CLAIRE
:Oh ! si ! Je peux me regarder dans ton visage et voir les ravages qu’y fait notre victime ! Monsieur est maintenant derrière les verrous. Réjouissons-nous. Au moins nous éviterons ses moqueries. Et tu seras plus à ton aise pour te prélasser sur sa poitrine, tu inventeras mieux son torse et ses jambes, tu épieras sa démarche. Le tangage te faisait chalouper ! Déjà tu t’abandonnais à lui. Au risque de nous perdre…
;SOLANGE
://indignée.//
:Comment ?
;CLAIRE
:Je précise. Perdre. Pour écrire mes lettres de dénonciation à la police, il me fallait des faits, citer des dates. Et comment m’y prendre ? Hein ? Souviens-toi. Ma chère, votre confusion rose est ravissante. Tu as honte. Tu étais là pourtant ! J’ai fouillé dans les papiers de Madame et j’ai découvert la fameuse correspondance…
://Un silence.//
;SOLANGE
:Et après ?
;CLAIRE
:Oh ! mais tu m’agaces, à la fin ! Après ? Eh bien, après tu as voulu conserver les lettres de Monsieur. Et hier soir encore dans la mansarde, il restait une carte de Monsieur adressée à Madame ! Je l’ai découverte.
;SOLANGE
://agressive.//
:Tu fouilles dans mes affaires, toi !
;CLAIRE
:C’est mon devoir.
;SOLANGE
:A mon tour de m’étonner de tes scrupules…
;CLAIRE
:Je suis prudente, pas scrupuleuse. Quand je risquais tout en m’agenouillant sur le tapis, pour forcer la serrure du secrétaire, pour façonner une histoire avec des matériaux exacts, toi, enivrée par l’espoir d’un amant coupable, criminel et banni, tu m’abandonnais !
;SOLANGE
:J’avais placé un miroir de façon à voir la porte d’entrée. Je faisais le guet.
;CLAIRE
:Ce n’est pas vrai ! Je remarque tout et je t’observe depuis longtemps. Avec ta prudence coutumière, tu étais restée à l’entrée de l’office, prête à bondir au fond de la cuisine à l’arrivée de Madame !
;SOLANGE
:Tu mens, Claire. Je surveillais le corridor…
;CLAIRE
:C’est faux ! Il s’en est fallu de peu que Madame ne me trouve au travail ! Toi, sans t’occuper si mes mains tremblaient en fouillant les papiers, toi, tu étais en marche, tu traversais les mers, tu forçais l’Équateur…
;SOLANGE
://ironique.//
:Mais toi-même ? Tu as l’air de ne rien savoir de tes extases ! Claire, ose dire que tu n’as jamais rêvé d’un bagnard ! Que jamais tu n’as rêvé précisément de celui-là ! Ose dire que tu ne l’as pas dénoncé justement – justement, quel beau mot ! – afin qu’il serve ton aventure secrète.
;CLAIRE
:Je sais ça et davantage. Je suis la plus lucide. Mais l’histoire, c’est toi qui l’as inventée. Tourne ta tête. Ah ! si tu te voyais, Solange. Le soleil de la forêt vierge illumine encore ton profil. Tu prépares l’évasion de ton amant. //(Elle rit nerveusement.)// Comme tu te travailles ! Mais rassure-toi, je te hais pour d’autres raisons. Tu les connais.
;SOLANGE
://baissant la voix.//
:Je ne te crains pas. Je ne doute pas de ta haine, de ta fourberie, mais fais bien attention. C’est moi l’aînée.
;CLAIRE
:Qu’est-ce que cela veut dire, l’aînée ? Et la plus forte ? Tu m’obliges à te parler de cet homme pour mieux détourner mes regards. Allons donc ! Tu crois que je ne t’ai pas découverte ? Tu as essayé de la tuer.
;SOLANGE
:Tu m’accuses ?
;CLAIRE
:Ne nie pas. Je t’ai vue. //(Un long silence.)// Et j’ai eu peur. Peur, Solange. Quand nous accomplissons la cérémonie, je protège mon cou. C’est moi que tu vises à travers Madame, c’est moi qui suis en danger.
//Un long silence. Solange hausse les épaules.//
;SOLANGE
://décidée.//
:Oui, j’ai essayé. J’ai voulu te délivrer. Je n’en pouvais plus. J’étouffais de te voir étouffer, rougir, verdir, pourrir dans l’aigre et le doux de cette femme. Tu as raison reproche-le-moi. Je t’aimais trop. Tu aurais été la première à me dénoncer si je l’avais tuée. C’est par toi que j’aurais été livrée à la police.
;CLAIRE
://elle la prend aux poignets.//
:Solange…
;SOLANGE
://se dégageant.//
:Il s’agit de moi.
;CLAIRE
:Solange, ma petite sœur. J’ai tort. Elle va rentrer.
;SOLANGE
:Je n’ai tué personne. J’ai été lâche, tu comprends. J’ai fait mon possible, mais elle s’est retournée en dormant. Elle respirait doucement. Elle gonflait les draps : c’était Madame.
;CLAIRE
:Tais-toi.
;SOLANGE
:Pas encore. Tu as voulu savoir. Attends, je vais t’en raconter d’autres. Tu connaîtras comme elle est faite, ta sœur. De quoi elle est faite. Ce qui compose une bonne : j’ai voulu l’étrangler…
;CLAIRE
:Pense au ciel. Pense au ciel. Pense à ce qu’il y a après.
;SOLANGE
:Que dalle ! J’en ai assez de m’agenouiller sur des bancs. A l’église, j’aurais eu le velours rouge des abbesses ou la pierre des pénitentes, mais au moins, noble serait mon attitude. Vois, mais vois comme elle souffre bien, elle, comme elle souffre en beauté. La douleur la transfigure ! En apprenant que son amant était un voleur, elle tenait tête à la police. Elle exultait. Maintenant, c’est une abandonnée magnifique, soutenue sous chaque bras par deux servantes attentives et désolées par sa peine. Tu l’as vue ? Sa peine étincelante des feux de ses bijoux, du satin de ses robes, des lustres ! Claire, la beauté de mon crime devait racheter la pauvreté de mon chagrin. Après, j’aurais mis le feu.
;CLAIRE
:Calme-toi, Solange. Le feu pouvait ne pas prendre. On t’aurait découverte. Tu sais ce qui attend les incendiaires.
;SOLANGE
:Je sais tout. J’ai eu l’œil et l’oreille aux serrures. J’ai écouté aux portes plus qu’aucune domestique. Je sais tout. Incendiaire ! C’est un titre admirable.
;CLAIRE
:Tais-toi. Tu m’étouffes. J’étouffe. //(Elle veut entrouvrir la fenêtre.)// Ah ! laisser entrer un peu d’air ici !
;SOLANGE
://inquiète.//
:Que veux-tu faire ?
;CLAIRE
:Ouvrir.
;SOLANGE
:Toi aussi ? Depuis longtemps j’étouffe ! Depuis longtemps je voulais mener le jeu à la face du monde, hurler ma vérité sur les toits, descendre dans la rue sous les apparences de Madame…
;CLAIRE
:Tais-toi. Je voulais dire…
;SOLANGE
:C’est trop tôt, tu as raison. Laisse la fenêtre. Ouvre les portes de l’antichambre et de la cuisine. //(Claire ouvre l’une et l’autre porte.)// Va voir si l’eau bout.
;CLAIRE
:Toute seule ?
;SOLANGE
:Attends alors, attends qu’elle vienne. Elle apporte son étole, ses perles, ses larmes, ses sourires, ses soupirs, sa douceur.
://Sonnerie du téléphone. Les deux sœurs écoutent.//
;CLAIRE
://au téléphone.//
:Monsieur ? C’est Monsieur !… C’est Claire, monsieur… //(Solange veut prendre un écouteur. Claire l’écarte.)// Bien, j’avertirai Madame, Madame sera heureuse de savoir Monsieur en liberté… Bien, monsieur. Je vais noter. Monsieur attend Madame au Bilboquet. Bien… Bonsoir, monsieur.
//Elle veut raccrocher mais sa main tremble et elle pose l’écouteur sur la table.//
;SOLANGE
:Il est sorti ?
;CLAIRE
:Le juge le laisse en liberté provisoire.
;SOLANGE
:Mais… Mais alors, tout casse.
;CLAIRE
://sèche.//
:Tu le vois bien.
;SOLANGE
:Les juges ont eu le toupet de le lâcher. On bafoue la justice. On nous insulte ! Si Monsieur est libre, il voudra faire une enquête, il fouillera la maison pour découvrir la coupable. Je me demande si tu saisis la gravité de la situation.
;CLAIRE
:J’ai fait ce que j’ai pu, à nos risques et périls.
;SOLANGE
://amère.//
:Tu as bien travaillé. Mes compliments. Tes dénonciations, tes lettres, tout marche admirablement. Et si on reconnaît ton écriture, c’est parfait. Et pourquoi va-t-il au Bilboquet, d’abord, et pas ici. Tu peux l’expliquer ?
;CLAIRE
:Puisque tu es si habile, il fallait réussir ton affaire avec Madame. Mais tu as eu peur. L’air était parfumé, le lit tiède. C’était Madame ! Il nous reste à continuer cette vie, reprendre le jeu.
;SOLANGE
:Le jeu est dangereux. Je suis sûre que nous avons laissé des traces. Par ta faute. Nous en laissons chaque fois. Je vois une foule de traces que je ne pourrai jamais effacer. Et elle, elle se promène au milieu de cela qu’elle apprivoise. Elle le déchiffre. Elle pose le bout de son pied rose sur nos traces. L’une après l’autre, elle nous découvre. Par ta faute, Madame se moque de nous ! Madame saura tout. Elle n’a qu’à sonner pour être servie. Elle saura que nous mettions ses robes, que nous volions ses gestes, que nous embobinions son amant de nos simagrées. Tout va parler, Claire. Tout nous accusera. Les rideaux marqués par tes épaules, les miroirs par mon visage, la lumière qui avait l’habitude de nos folies, la lumière va tout avouer. Par ta maladresse, tout est perdu.
;CLAIRE
:Tout est perdu parce que tu n’as pas eu la force pour…
;SOLANGE
:Pour…
;CLAIRE
:la tuer.
;SOLANGE
:Je peux encore trouver la force qu’il faut.
;CLAIRE
:Où ? Où ? Tu n’es pas aussi au-delà que moi. Tu ne vis pas au-dessus de la cime des arbres. Un laitier traversant ta tête te bouleverse.
;SOLANGE
:C’est de n’avoir pas vu sa figure, Claire. D’avoir été tout à coup si près de Madame parce que j’étais près de son sommeil. Je perdais mes forces. Il fallait relever le drap que sa poitrine soulevait pour trouver la gorge.
;CLAIRE
://ironique.//
Et les draps étaient tièdes. La nuit noire. C’est en plein jour qu’on fait ces coups-là. Tu es incapable d’un acte aussi terrible. Mais moi, je peux réussir. Je suis capable de tout, et tu le sais.
;SOLANGE
:Le gardénal.
;CLAIRE
:Oui. Parlons paisiblement. Je suis forte. Tu as essayé de me dominer…
;SOLANGE
:Mais, Claire…
;CLAIRE
://calmement.//
Pardon. Je sais ce que je dis. Je suis Claire. Et prête. J’en ai assez. Assez d’être l’araignée, le fourreau de parapluie, la religieuse sordide et sans Dieu, sans famille ! J’en ai assez d’avoir un fourneau comme autel. Je suis la pimbêche, la putride. A tes yeux aussi.
;SOLANGE
://elle prend Claire aux épaules.//
Claire… Nous sommes nerveuses. Madame n’arrive pas. Moi aussi je n’en peux plus. Je n’en peux plus de notre ressemblance, je n’en peux plus de mes mains, de mes bas noirs, de mes cheveux. Je ne te reproche rien, ma petite sœur. Tes promenades te soulageaient…
;CLAIRE
://agacée.//
:Ah ! laisse.
;SOLANGE
:Je voudrais t’aider. Je voudrais te consoler, mais je sais que je te dégoûte. Je te répugne. Et je le sais puisque tu me dégoûtes. S’aimer dans le dégoût, ce n’est pas s’aimer.
;CLAIRE
:C’est trop s’aimer. Mais j’en ai assez de ce miroir effrayant qui me renvoie mon image comme une mauvaise odeur. Tu es ma mauvaise odeur. Eh bien ! je suis prête. J’aurai ma couronne. Je pourrai me promener dans les appartements.
;SOLANGE
:Nous ne pouvons tout de même pas la tuer pour si peu.
;CLAIRE
:Vraiment ? Ce n’est pas assez ? Pourquoi, s’il vous plaît ? Pour quel autre motif ? Où et quand trouver un plus beau prétexte ? Ce n’est pas assez ? Ce soir, Madame assistera à notre confusion. En riant aux éclats, en riant parmi ses pleurs, avec ses soupirs épais ! Non. J’aurai ma couronne. Je serai cette empoisonneuse que tu n’as pas su être. A mon tour de te dominer.
;SOLANGE
:Mais, jamais…
;CLAIRE
://énumérant méchamment, et imitant Madame.//
:Passe-moi la serviette ! Passe-moi les épingles à linge ! Épluche les oignons ! Gratte les carottes ! Lave les carreaux ! Fini. C’est fini. Ah ! J’oubliais ! ferme le robinet ! C’est fini. Je disposerai du monde.
;SOLANGE
:Ma petite sœur !
;CLAIRE
:Tu m’aideras.
;SOLANGE
:Tu ne sauras pas quels gestes faire. Les choses sont plus graves, Claire, plus simples.
;CLAIRE
:Je serai soutenue par le bras solide du laitier. Il ne flanchera pas. J’appuierai ma main gauche sur sa nuque. Tu m’aideras. Et s’il faut aller plus loin, Solange, si je dois partir pour le bagne, tu m’accompagneras, tu monteras sur le bateau. Solange, à nous deux, nous serons ce couple éternel, du criminel et de la sainte. Nous serons sauvées, Solange, je te le jure, sauvées !
://Elle tombe assise sur le lit de Madame.//
;SOLANGE
:Calme-toi. Je vais te porter là-haut. Tu vas dormir.
;CLAIRE
:Laisse-moi. Fais de l’ombre. Fais un peu d’ombre, je t’en supplie.
://Solange éteint.//
;SOLANGE
:Repose-toi. Repose-toi, ma petite sœur. //(Elle s’agenouille, déchausse Claire, lui baise les pieds.)// Calme-toi, mon chéri. //(Elle la caresse.)// Pose tes pieds, là. Ferme les yeux.
;CLAIRE
://elle soupire.//
:J’ai honte, Solange.
;SOLANGE
://très doucement.//
:Ne parle pas. Laisse-moi faire. Je vais t’endormir. Quand tu dormiras, je te porterai là-haut, dans la mansarde. Je te déshabillerai et je te coucherai dans ton lit-cage. Dors, je serai là.
;CLAIRE
:J’ai honte, Solange.
;SOLANGE
:Chut ! Laisse-moi te raconter une histoire.
;CLAIRE
://plaintivement.//
Solange ?
;SOLANGE
:Mon ange ?
;CLAIRE
:Solange, écoute.
;SOLANGE
:Dors.
://Long silence.//
;CLAIRE
:Tu as de beaux cheveux. Quels beaux cheveux. Les siens…
;SOLANGE
:Ne parle plus d’elle.
;CLAIRE
:Les siens sont faux. //(Long silence.)// Tu te rappelles, toutes les deux. Sous l’arbre. Nos pieds au soleil ? Solange ?
;SOLANGE
:Dors. Je suis là. Je suis ta grande sœur.
://Silence. Au bout d’un moment Claire se lève.//
;CLAIRE
:Non ! Non ! pas de faiblesse ! Allume ! Allume ! Le moment est trop beau ! //(Solange allume.)// Debout ! Et mangeons. Qu’est-ce qu’il y a dans la cuisine ? Hein ? Il faut manger. Pour être forte. Viens, tu vas me conseiller. Le gardénal ?
;SOLANGE
:Oui. Le gardénal…
;CLAIRE
:Le gardénal ! Ne fais pas cette tête. Il faut être joyeuse et chanter. Chantons ! Chante} comme quand tu iras mendier dans les cours et les ambassades. Il faut rire. //(Elles rient aux éclats.)// Sinon le tragique va nous faire nous envoler par la fenêtre. Ferme la fenêtre. //(En riant, Solange ferme la fenêtre.)// L’assassinat est une chose… inénarrable ! Chantons. Nous l’emporterons dans un bois et sous les sapins, au clair de lune, nous la découperons en morceaux. Nous chanterons ! Nous l’enterrerons sous les fleurs dans nos parterres que nous arroserons le soir avec un petit arrosoir !
://Sonnerie à la porte d’entrée de l’appartement.//
;SOLANGE
:C’est elle. C’est elle qui rentre. //(Elle prend sa sœur aux poignets.)// Claire, tu es sûre de tenir le coup ?
;CLAIRE
:Il en faut combien ?
;SOLANGE
:Mets-en dix. Dans son tilleul. Dix cachets de gardénal. Mais tu n’oseras pas.
;CLAIRE
://elle se dégage, va arranger le lit.
Solange la regarde un instant.//
:J’ai le tube sur moi. Dix.
;SOLANGE
://très vite.//
:Dix. Neuf ne suffiraient pas. Davantage la ferait vomir. Dix. Fais le tilleul très fort. Tu as compris.
;CLAIRE
://elle murmure.//
:Oui.
;SOLANGE
://elle va pour sortir et se ravise. //
://D’une voix naturelle.//
:Très sucré.
{{center{//Elle sort à gauche. Claire continue à arranger la chambre et sort à droite. Quelques secondes s’écoulent. Dans la coulisse on entend un éclat de rire nerveux. Suivie de Solange, Madame, couverte de fourrures, entre en riant.//}}}
!!!!!!Extrait tiré de : Les Bonnes, Paris, Gallimard, « Folio Théâtre », 2001. © Editions Gallimard
Le coeur bien au chaud,
Les yeux dans la bière
Chez la grosse A-drienne de Mon-ta-lant
A-vec l'a-mi Jo-jo
Et a-vec l'a-mi Pierre
On al-lait boire nos vingt ans
Jo-jo se pre-nait pour Vol-tai-re
Et Pier-re pour Ca-sa-no-va
Et moi, qui é-tais le plus fier
Moi je me pre-nais pour moi
Et quand vers mi-nuit, pas-saient les no-taires
Qui sor-taient de l'Hô-tel "Des Trois Fai-sans"
On leur mon-trait notr'cul et non bonn's ma-nières
En leur chan-tant :
Les bour-geois c'est comm' les co-chons
Plus ça de-vient vieux, plus ça de-vient bête,
Les bour-geois c'est comme les co-chons
Plus ça de-vient vieux plus ça de-vient...
Le coeur bien-au chaud,
Les yeux dans la bière
Chez la grosse A-drienne de Mon-ta-lant
A-vec l'a-mi Jo-jo
Et a-vec l'a-mi Pierre
On al-lait brû-ler nos vingt ans
Vol-tair' dan-sait comme un vi-cai-re
Et Ca-sa-no-va n'o-sait pas
Et moi, qui é-tais le plus fier
Moi, je me pre-nais pour moi
Et quand vers mi-nuit pas-saient les no-taires
Qui sor-taient de l'Hôtel "Des Trois Fai-sans"
On leur mon-trait notr'cul et nos bonn's ma-nières
En leur chantant :
Les bour-geois c'est comm' les co-chons
Plus ça de-vient vieux, plus ça de-vient bête,
Les bour-geois c'est comme les co-chons
Plus ça de-vient vieux plus ça de-vient...
Le coeur au re-pos,
Les yeux bien sur terre
Au bar de l'Hô-tel "Des Trois Fai-sans"
A-vec Maî-tre Jo-jo,
Et a-vec Maî-tre Pierre
En-tre no-taires on pass' le temps Jo-jo par-le de Vol-tai-re
Et Pier-re de Ca-sa-no-va
Et moi, qui suis res-té le plus fier
Moi, je parle en-core de moi
Et c'est en sor-tant,
Mon-sieur l'Com-mis-saire
Que tous les soirs de chez la Mon-ta-lant,
De jeu-nes "peigne-cul" nous mon-trent leur der-rière
En leur chan-tant :
Les bour-geois c'est comm' les co-chons
Plus ça de-vient vieux, plus ça de-vient bête,
Les bour-geois c'est comme les co-chons
Plus ça de-vient vieux plus ça de-vient...
/%
|Description|Acte II scène 1 - Musset|
|auteur|Musset|
%/
+++^80%^*@[RÉSUMÉ]
À Naples (une Naples imaginaire), Coelio, un jeune homme amoureux, rêve de conquérir Marianne, épouse du juge Claudio. N’osant l’aborder, il fait appel à son ami Octave, viveur et libertin, cousin du mari de Marianne, pour essayer de la rencontrer. Octave plaide auprès de Marianne la cause du timide Coelio. Mais le messager n’obtient d’autre résultat que d’intéresser la jeune femme en sa propre faveur.
Par « caprice » elle lui annonce sa décision de prendre un amant, mais surtout elle lui avoue à demi-mot son attirance. Octave, après une phase d’indécision et un échange de répliques ambiguës, décide de rester loyal envers son ami Coelio. Il envoie Coelio à sa place au rendez-vous prévu avec Marianne. Entre-temps, le juge Claudio s’est mis à soupçonner sa femme d’adultère et décide d’employer des tueurs à gages pour abattre l’amant. À l’approche de la maison de Marianne, Coelio tombe dans un guet-apens. Il entend Marianne trompée par l’obscurité l’accueillir du nom d’Octave et croit à la trahison de son ami. Coelio meurt assassiné. Près de sa tombe, Octave, accablé de remords, renonce à sa vie de plaisirs et repousse sèchement Marianne qui lui déclare son amour…
=== +++^80%^*@[Une pièce inclassable]
Les Caprices de Marianne est une pièce passionnante à plus d’un titre. D’abord parce qu’elle est inclassable : comédie ? drame ? tragédie ? Elle tient du drame par les classes sociales représentées ou sa structure en trois parties, de la comédie par certains de ses personnages, ses actions vives et le langage parfois proche de la conversation, de la tragédie enfin par l’avancée inexorable vers la mort du personnage de Coelio ainsi que par les thèmes principaux abordés. Ensuite parce que cette pièce n’a pas été écrite pour la scène. En effet, après l’échec de sa première pièce La Nuit vénitienne (1830) Musset décide que désormais ses pièces seront à lire, non à représenter. L’auteur s’est donc libéré des contraintes du théâtre et des effets de mode liés au romantisme. C’est peut-être pour cette raison que le théâtre de Musset et Les Caprices de Marianne en particulier semblent intemporels. « Ayant renoncé à faire du théâtre pour son temps, Musset a fait du théâtre pour tous les temps » écrit Léon Lafoscade dans un ouvrage consacré à l’auteur (Le Théâtre d’Alfred de Musset, 1901). Mais si cette pièce n’a pas été écrite pour la scène, comment la mettre en scène ? À quelles difficultés un metteur en scène estil confronté ? Ces difficultés peuvent-elles expliquer que cette pièce soit si peu jouée ? Écrite en 1833, elle est représentée pour la première fois à la Comédie Française en 1851. Ensuite il faut attendre la mise en scène de François Beaulieu à la Comédie Française en 1980, celle de Lambert Wilson au Théâtre Des Bouffes du Nord en 1994, puis celle de Jean-Louis Benoît en 2006 au Théâtre National de La Criée à Marseille.
Les Caprices de Marianne est le récit d’une jeunesse qui se fracasse sur son siècle, sur son désœuvrement. Bien avant La Fureur de vivre (Nicholas Ray, 1955), Musset prend le pouls mystérieux de cette fièvre étrange qui s’empare d’une génération orpheline de tout combat, de tout engagement, qui cherche dans le cynisme, la sensualité, le plaisir facile, ou le fanatisme mélancolique, son salut, c’est-à-dire un arrangement avec la vie.
En suivant, hors d’haleine et le cœur à nu, les dédales du désir amoureux, les protagonistes perdent leurs convictions par timidité, pulsion, envie, convoitise, jalousie.
« Tout change mais rien n’arrive! » Écrite au lendemain d’une insurrection avortée, Les Caprices de Marianne est une grande œuvre incandescente du romantisme français. Et les héros de cette fable, partis pour une comédie, ripent dans le drame. Cette pièce est, aujourd’hui comme toujours, le cri, le baroud éclatant d’une jeunesse contre son mal de vivre.
<<<
« Je suis venu trop tard dans un monde trop vieux…»
(Alfred de Musset)
<<<
===
| ![[Vidéo aux Bouffes du Nord (Lambert Wilson)|https://youtu.be/-EWdgBvnErg?t=2338]] |
{{homeTitle center{
Les Caprices de Marianne
{{small italic{Acte II scène 1}}}
}}}
<html>
<dd><i>Entre Marianne.</i></dd>
</dl>
</dd>
</dl>
<div style="line-height:1"><br></div>
<div style="text-align:center;"><b>Octave.</b></div>
<p>Belle Marianne, vous dormirez tranquillement. — Le cœur de Cœlio est à une autre, et ce n’est plus sous vos fenêtres qu’il donnera ses sérénades.</p>
<div style="line-height:1"><br></div>
<div style="text-align:center;"><b>Marianne.</b></div>
<p>Quel dommage et quel grand malheur de n’avoir pu partager un amour comme celui-là ! Voyez comme le hasard me contrarie ! Moi qui allais l’aimer.</p>
<div style="line-height:1"><br></div>
<div style="text-align:center;"><b>Octave.</b></div>
<p>En vérité !</p>
<div style="line-height:1"><br></div>
<div style="text-align:center;"><b>Marianne.</b></div>
<p>Oui, sur mon âme, ce soir ou demain matin, dimanche au plus tard[, je lui appartenais]. Qui pourrait ne pas réussir avec un ambassadeur tel que vous ? Il faut croire que sa passion pour moi était quelque chose comme du chinois ou de l’arabe, puisqu’il lui fallait un interprète, et qu’elle ne pouvait s’expliquer toute seule.</p>
<div style="line-height:1"><br></div>
<div style="text-align:center;"><b>Octave.</b></div>
<p>Raillez, raillez ! nous ne vous craignons plus.</p>
<div style="line-height:1"><br></div>
<div style="text-align:center;"><b>Marianne.</b></div>
<p>Ou peut-être que cet amour n’était encore qu’un pauvre enfant à la mamelle, et vous, comme une <span><span class="pagenum ws-pagenum" id="171" title="Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Comédies I.djvu/176"></span></span>sage nourrice, en le menant à la lisière, vous l’aurez laissé tomber la tête la première en le promenant par la ville.</p>
<div style="line-height:1"><br></div>
<div style="text-align:center;"><b>Octave.</b></div>
<p>La sage nourrice s’est contentée de lui faire boire d’un certain lait que la vôtre vous a versé sans doute, et généreusement ; vous en avez encore sur les lèvres une goutte qui se mêle à toutes vos paroles.</p>
<div style="line-height:1"><br></div>
<div style="text-align:center;"><b>Marianne.</b></div>
<p>Comment s’appelle ce lait merveilleux ?</p>
<div style="line-height:1"><br></div>
<div style="text-align:center;"><b>Octave.</b></div>
<p>L’indifférence. Vous ne pouvez aimer ni haïr, et vous êtes comme les roses du Bengale, Marianne, sans épines et sans parfum.</p>
<div style="line-height:1"><br></div>
<div style="text-align:center;"><b>Marianne.</b></div>
<p>Bien dit. Aviez-vous préparé d’avance cette comparaison ? Si vous ne brûlez pas le brouillon de vos harangues, donnez-le-moi, de grâce, que je les apprenne à ma perruche.</p>
<div style="line-height:1"><br></div>
<div style="text-align:center;"><b>Octave.</b></div>
<p>Qu’y trouvez-vous qui puisse vous blesser ? Une fleur sans parfum n’en est pas moins belle ; bien au contraire, ce sont les plus belles que Dieu a faites ainsi [; et le jour où, comme une Galatée d’une nouvelle espèce, vous deviendrez de marbre au fond de quelque église, ce sera une charmante statue que vous ferez, et qui ne laissera pas que de trouver quelque niche respectable dans un confessionnal.] <span><span class="pagenum ws-pagenum" id="172" title="Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Comédies I.djvu/177"></span></span></p>
<div style="line-height:1"><br></div>
<div style="text-align:center;"><b>Marianne.</b></div>
<p>Mon cher cousin, est-ce que vous ne plaignez pas le sort des femmes ? Voyez un peu ce qui m’arrive : il est décrété par le sort que Cœlio m’aime, ou qu’il croit m’aimer, lequel Cœlio le dit à ses amis, lesquels amis décrètent à leur tour que, sous peine de mort, je serai sa maîtresse. La jeunesse napolitaine daigne m’envoyer en votre personne un digne représentant, chargé de me faire savoir que j’aie à aimer ledit seigneur Cœlio d’ici à une huitaine de jours. Pesez cela, je vous en prie. Si je me rends, que dira-t-on de moi ? N’est-ce pas une femme bien abjecte que celle qui obéit à point nommé, à l’heure convenue, à une pareille proposition ? Ne va-t-on pas la déchirer à belles dents, la montrer au doigt, et faire de son nom le refrain d’une chanson à boire ? Si elle refuse, au contraire, est-il un monstre qui lui soit comparable ? Est-il une statue plus froide qu’elle ? et l’homme qui lui parle, qui ose l’arrêter en place publique son livre de messe à la main, n’a-t-il pas le droit de lui dire : vous êtes une rose du Bengale sans épines et sans parfum ?</p>
<div style="line-height:1"><br></div>
<div style="text-align:center;"><b>Octave.</b></div>
<p>Cousine, cousine, ne vous fâchez pas.</p>
<div style="line-height:1"><br></div>
<div style="text-align:center;"><b>Marianne.</b></div>
<p>N’est-ce pas une chose bien ridicule que l’honnêteté et la foi jurée ? que l’éducation d’une fille, la fierté d’un cœur qui s’est figuré qu’il vaut quelque <span><span class="pagenum ws-pagenum" id="173" title="Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Comédies I.djvu/178"></span></span>chose[, et qu’avant de jeter au vent la poussière de sa fleur chérie, il faut que le calice en soit baigné de larmes, épanoui par quelques rayons du soleil, entr’ouvert par une main délicate] ? Tout cela n’est-il pas un rêve, une bulle de savon qui, au premier soupir d’un cavalier à la mode, doit s’évaporer dans les airs ?</p>
<div style="line-height:1"><br></div>
<div style="text-align:center;"><b>Octave.</b></div>
<p>Vous vous méprenez sur mon compte et sur celui de Cœlio.</p>
<div style="line-height:1"><br></div>
<div style="text-align:center;"><b>Marianne.</b></div>
<p>Qu’est-ce après tout qu’une femme ? L’occupation d’un moment, une coupe fragile qui renferme une goutte de rosée, qu’on porte à ses lèvres et qu’on jette par-dessus son épaule. Une femme ! c’est une partie de plaisir ! Ne pourrait-on pas dire, quand on en rencontre une : Voilà une belle nuit qui passe ? Et ne serait-ce pas un grand écolier en de telles matières, que celui qui baisserait les yeux devant elle, qui se dirait tout bas : « Voilà peut-être le bonheur d’une vie entière, » et qui la laisserait passer ?</p>
<dl>
<dd>
<dl>
<dd><i>Elle sort.</i></dd>
</dl>
</dd>
</dl>
<div style="line-height:1"><br></div>
<div style="text-align:center;"><b>Octave</b>, <i>seul.</i></div>
<p>Tra, tra, poum, poum ! tra deri la la ! Quelle drôle de petite femme ! Hai ! Holà !</p>
<dl>
<dd>
<dl>
<dd><i>Il frappe à une auberge.</i></dd>
</dl>
</dd>
</dl>
<p>Apportez-moi ici, sous cette tonnelle, une bouteille de quelque chose. </p>
</div></div></html>
|je|[[Christiane]]|
|vie|amant en allé|
|d|0:50|
!Les Cloches//
^^Guillaume Apollinaire^^//
{{center{
Mon beau tzigane mon amant
Écoute les cloches qui sonnent
Nous nous aimions éperdument
Croyant n’être vus de personne
Mais nous étions bien mal cachés
Toutes les cloches à la ronde
Nous ont vus du haut des clochers
Et le disent à tout le monde
Demain Cyprien et Henri
Marie Ursule et Catherine
La boulangère et son mari
Et puis Gertrude ma cousine
Souriront quand je passerai
Je ne saurai plus où me mettre
Tu seras loin Je pleurerai
J’en mourrai peut-être
}}}
!!!!!!//Guillaume Apollinaire, Rhénanes, Alcools, 1913//
66o: [[Éveline|https://giga.gg/l/576e8a7bf8e5df087f8b45cf]] [[Christel|https://giga.gg/l/576e916adce5df2a748b45b5]] [[Mady|https://giga.gg/l/576ea12fdae5dfd04c8b457f]] [[Isaac|https://giga.gg/l/576ea868ffe5df833f8b4c44]] [[Jacques|https://giga.gg/l/576eb1a3dde5dfdd918b45aa]]
{{center{[img(40%,)[http://images.delcampe.com/img_large/auction/000/072/516/278_001.jpg]]}}}
!Les deux Coqs
!!!!!{{center{Jean de LA FONTAINE
(1621-1695)}}}
{{center{^^[[Ma lecture|https://giga.gg/l/57702a2dffe5df496b8b45a8]]^^
Deux Coqs vivaient en paix : une Poule survint,
Et voilà la guerre allumée.
Amour, tu perdis Troie ; et c'est de toi que vint
Cette querelle envenimée,
Où du sang des Dieux même on vit le Xanthe teint.
Longtemps entre nos Coqs le combat se maintint :
Le bruit s'en répandit par tout le voisinage.
La gent qui porte crête au spectacle accourut.
Plus d'une Hélène au beau plumage
Fut le prix du vainqueur ; le vaincu disparut.
Il alla se cacher au fond de sa retraite,
Pleura sa gloire et ses amours,
Ses amours qu'un rival tout fier de sa défaite
Possédait à ses yeux. Il voyait tous les jours
Cet objet rallumer sa haine et son courage.
Il aiguisait son bec, battait l'air et ses flancs,
Et s'exerçant contre les vents
S'armait d'une jalouse rage.
Il n'en eut pas besoin. Son vainqueur sur les toits
S'alla percher, et chanter sa victoire.
Un Vautour entendit sa voix :
Adieu les amours et la gloire.
Tout cet orgueil périt sous l'ongle du Vautour.
Enfin par un fatal retour
Son rival autour de la Poule
S'en revint faire le coquet :
Je laisse à penser quel caquet,
Car il eut des femmes en foule.
La Fortune se plaît à faire de ces coups ;
Tout vainqueur insolent à sa perte travaille.
Défions-nous du sort, et prenons garde à nous
Après le gain d'une bataille.
}}}
Les Flamandes dansent sans rien dire
Sans rien dire aux dimanches sonnants
Les Flamandes dansent sans rien dire
Les Flamandes ça n'est pas causant.
Si elles dansent, c'est parce qu'elles ont vingt ans
Et qu'à vingt ans il faut se fiancer
Se fiancer pour pouvoir se marier
Et se marier pour avoir des enfants
C'est ce que leur ont dit leurs parents
Le bedeau et même son Eminence
L'Archiprêtre qui prêche au couvent.
Et c'est pour ça, et c'est pour ça qu'elles dansent
Les Flamandes, les Flamandes,
Les Fla, les Fla, les Flamandes.
Les Flamandes dansent sans frémir
Sans frémir aux dimanches sonnants
Les Flamandes dansent sans frémir
Les Flamandes ça n'est pas frémissant.
Si elles dansent c'est parce qu'elles ont trente ans
Et qu'à trente ans il est bon de montrer
Que tout va bien, que poussent les enfants
Et le houblon et le blé dans le pré
Elles font la fierté de leurs parents
Du bedeau et de son Eminence
L'Archiprêtre qui prêche au couvent.
Et c'est pour çan et c'est pour ça qu'elles dansent
Les Flamandes, les Flamandes,
Les Fla, les Fla, les Flamandes.
Les Flamandes dansent sans sourire,
Sans sourire aux dimanches sonnants
Les Flamandes dansent sans sourire
Les Flamandes, ça n'est pas souriant.
Si elles dansent, c'est qu'elles ont septante ans
Qu'à septante ans il est bon de montrer
Que tout va bien, que poussent les p'tits-enfants
Et le houblon et le blé dans le pré:
Toutes vêtues de noir comme leurs parents
Comme le bedeau et comme son Eminence
L'Archiprêtre qui radote au couvent.
Elles héritent et c'est pour ça qu'elles dansent
Les Flamandes, les Flamandes
Les Fla, les Fla, les Flamandes.
Les Flamandes dansent sans mollir,
Sans mollir aux dimanches sonnants
Les Flamandes dansent sans mollir
Les Flamandes, ça n'est pas mollissant.
Si elles dansent, c'est parce qu'elles ont cent ans
Et qu'à cent ans il est bon de montrer
Que tout va bien qu'on a toujours bon pied
Et bon houblon et bon blé dans le pré:
Elles s'en vont retrouver leurs parents
Et le bedeau et même Son Eminence
L'Archiprêtre qui radote au couvent.
Et c'est pour ça qu'une dernière fois elles dansent
Les Flamandes, les Flamandes, les Fla, les Fla
Les Flamandes, les Flamandes, les Flamandes
Les Fla, les Fla, les Flamandes
Les Flamandes, les Flamandes, les Flamandes
Les Fla, les Fla, les Flamandes.
{{center{ [img(60%,)[http://www.ruedesfables.net/wp-content/uploads/2014/11/les-grenouilles-qui-demandent-un-roi.jpg]]
!Les Grenouilles qui demandent un roi
!!!!!!//Jean de LA FONTAINE (1621-1695)//
Les Grenouilles, se lassant
De l'état Démocratique,
Par leurs clameurs firent tant
Que Jupin les soumit au pouvoir Monarchique.
Il leur tomba du Ciel un Roi tout pacifique :
Ce Roi fit toutefois un tel bruit en tombant
Que la gent marécageuse,
Gent fort sotte et fort peureuse,
S'alla cacher sous les eaux,
Dans les joncs, dans les roseaux,
Dans les trous du marécage,
Sans oser de longtemps regarder au visage
Celui qu'elles croyaient être un géant nouveau ;
Or c'était un Soliveau,
De qui la gravité fit peur à la première
Qui de le voir s'aventurant
Osa bien quitter sa tanière.
Elle approcha, mais en tremblant.
Une autre la suivit, une autre en fit autant,
Il en vint une fourmilière ;
Et leur troupe à la fin se rendit familière
Jusqu'à sauter sur l'épaule du Roi.
Le bon Sire le souffre, et se tient toujours coi.
Jupin en a bientôt la cervelle rompue.
Donnez-nous, dit ce peuple, un Roi qui se remue.
Le Monarque des Dieux leur envoie une Grue,
Qui les croque, qui les tue,
Qui les gobe à son plaisir,
Et Grenouilles de se plaindre ;
Et Jupin de leur dire : Eh quoi ! votre désir
A ses lois croit-il nous astreindre ?
Vous avez dû premièrement
Garder votre Gouvernement ;
Mais, ne l'ayant pas fait, il vous devait suffire
Que votre premier roi fût débonnaire et doux :
De celui-ci contentez-vous,
De peur d'en rencontrer un pire.
}}}
!Les Ingénus
{{center{
!!!!!//Paul VERLAINE (1844-1896)//
[img[http://reves-vagabondages.e-monsite.com/medias/images/mantegna-filles.jpg]]
Les hauts talons luttaient avec les longues jupes,
En sorte que, selon le terrain et le vent,
Parfois luisaient des bas de jambes, trop souvent
Interceptés ! - et nous aimions ce jeu de dupes.
Parfois aussi le dard d'un insecte jaloux
Inquiétait le col des belles sous les branches,
Et c'était des éclairs soudains de nuques blanches,
Et ce régal comblait nos jeunes yeux de fous.
Le soir tombait, un soir équivoque d'automne :
Les belles, se Pendant rêveuses à nos bras,
Dirent alors des mots si spécieux, tout bas,
Que notre âme depuis ce temps tremble et s'étonne.
}}}
{{did small{Dans cet ajout à "Un amour de Célimène" si le texte des portraits de la pièce de Molière a été conservé, il a été largement déporté dans la bouche des hôtes de Célimène pour distribuer les répliques à tous les comédiens. Cela donne aussi de Célimène un portrait moins noir, qui permet la fin heureuse des scènes que nous représentons. C'est pour cette raison aussi que j'ai laissé sortir Alceste : il n'assistera pas, içi, à cette suite de caricatures cruelles et peu bienveillantes. }}}
{{groupbox{
''Célimène'' Michèle
''Basquaise'' Nicole Leroux
''Alceste'' Jacques
''Éliante'' Livia
''Philinte'' Gérard
''Les Marquises'' Brigitte, Claudine, Nicole V, Yvonne, Chantal
La scène illustre la société dans laquelle Célimène convie ses bonnes amies. Cette réunion est un rituel au cours duquel on fait concours de bons mots, de pointes et d’épigrammes aux dépens des absents.
''Célimène'' mène le jeu avec élégance et grâce, doublée d’une ingénuité très bien feinte.
En fait elle oriente les charges, distribue aimablement la parole à qui sera susceptible d’être la plus perfide, donne le signal des sourires, des rires ou des fins applaudissement, virevolte de l’une à l’autre de manière à lui faire croire qu’elle est son élue. Toutes ses paroles sont unanimement félicitées ou applaudies par les Marquises.
''Basquaise'' très nature et point sotte, elle sert avec discrétion et dévouement Célimène. Curieuse d’apprendre les bonnes manières, elle est ravie de pouvoir assister. Elle écoute goulument tout, sans qu’on soit sûr qu’elle saisisse toutes les finesses échangées. Au moins, elle se sent de plein pied avec [Claudine], qui la fait à chaque fois rire de bon coeur, d’une manière que les Marquises trouvent tout à fait déplacées de la part d’une personne de sa condition.
!!!!Les Marquises
*__Jouée par ''Brigitte''__ : se perçoit comme commensale de Célimène. Elle est très soucieuse de l’étiquette, ne serait-ce que pour marquer la préséance qu’on lui doit. Il faut qu’elle siège sur le premier siège du premier rang. La déférence admirative qu’elle marque à Célimène doit servir de modèle à celle qu’on lui doit à elle aussi. Elle marque des arrêts pour laisser monter vers elle murmures approbateurs ou premiers applaudissements. Elle ne saurait laisser la parole à une autre sans avoir été gratifiée des expressions d’extase qu’elle mérite.
*__Jouée par ''Nicole''__ : autre commensale de Célimène, qu’elle admire très sincèrement. Elle est sans doute jalouse de [Brigitte] dont elle supporte mal la prétention et la suffisance, et est heureuse de faire montre d’une plus grande vivacité d’esprit que sa rivale.
*__Jouée par ''Chantal''__ : récemment admise dans ce cénacle, elle brûle de plaire et d’entrer dans le premier cercle. Aussi elle s’applique avec ostentation à en imiter ce qu’elle en croit les manières, pour peut-être aussi à se donner le temps de trouver une chose de suffisamment fine à dire. Résultat : au mieux, elle se fait subtiliser avant la fin de son élan la parole par une autre ; au pire, elle est contrainte de faire semblant de ne pas voir les rictus condescendants que ses simagrées suscitent.
*__Jouée par ''Yvonne''__ : elle est là pour s’amuser, et participe gaiement sans aucune vanité. Elle est ravie des bons mots de chacun, est heureuse quand un trait lui vient, et sert volontiers à chacune la félicitation qu’elle attend.
*__Jouée par ''Claudine''__ : nature et bonne vivante, très expressive, elle aime bien rigoler, et ne s’embarrasse pas de propos contournés ni de règles de bienséance. On voit très bien quand elle trouve bête un propos, ou en trouve tarabiscoté un autre.<br>Elle décrit la réalité qu’elle voit très crûment. Si cela indispose certaines, au moins ça fait exploser de rire Basquaise, qu’elle remercie d’un petit regard complice.
!!!!Eliante et Philinte
:Présents, côteà côte, légèrement à l’écart, ils ne participent pas directement. En parfait contrepoint avec le concours de perruches auquel ils assistent, ils parlent tout à fait normalement, et s’essaient à introduire un peu de bienveillance dans ce concert.
}}}
Ils s'éveillent à l'heure du berger
Pour se lever à l'heure du thé
Et sortir à l'heure de plus rien
Les paumés du petit matin
Elles elles ont l'arrogance
Des fill's qui ont d'la poitrine
Eux ils ont cette assurance
Des hommes dont on devine
Que le papa a eu d'la chance
Les paumés du petit matin
Venez venez danser
Copain copain copain copain
Copain copain copain
Venez danser
Et ça danse les yeux dans les seins
Ils se blanchissent leurs nuits
Au lavoir des mélancolies
Qui lave sans salir les mains
Les paumés du petit matin
Ils se racontent à minuit
Les poèmes qu'ils n'ont pas lus
Les romans qu'ils n'ont pas écrits
Les amours qu'ils n'ont pas vécues
Les vérités qui ne servent à rien
Les paumés du petit matin
Venez venez danser
Copain copain copain copain
Copain copain copain
Venez danser
Et ça danse les yeux dans les seins
L'amour leur déchire le foie
C'était c'était c'était si bien
C'était... vous ne comprendriez pas...
Les paumés du petit matin
Ils prennent le dernier whisky
Ils prennent le dernier bon mot
Ils reprennent le dernier whisky
Ils prennent le dernier tango
Ils prennent le dernier chagrin
Les paumés du petit matin
Venez venez pleurer
Copain copain copain copain
Copain copain copain
Venez pleurer
Et ça pleure les yeux dans les seins
!Les Quatre sans cou
{{center{
[img[http://www.antoinemarchalot.com/files/gimgs/3_3au-bar-2-foulecopy-copy.jpg]]
Ils étaient quatre qui n’avaient plus de tête,
Quatre à qui l’on avait coupé le cou,
On les appelait les quatre sans cou.
Quand ils buvaient un verre,
Au café de la place ou du boulevard,
Les garçons n’oubliaient pas d’apporter des entonnoirs.
Quand ils mangeaient, c’était sanglant,
Et tous quatre chantant et sanglotant,
Quand ils aimaient, c’était du sang.
Quand ils couraient, c’était du vent,
Quand ils pleuraient, c’était vivant,
Quand ils dormaient, c’était sans regret.
Quand ils travaillaient, c’était méchant,
Quand ils rodaient, c’était effrayant,
Quand ils jouaient, c’était différent,
Quand ils jouaient, c’était comme tout le monde,
Comme vous et moi, vous et nous et tous les autres,
Quand ils jouaient, c’était étonnant.
Mais quand ils parlaient, c’était d’amour.
Ils auraient pour un baiser
Donné ce qui leur restait de sang.
Leurs mains avaient des lignes sans nombre
Qui se perdraient parmi les ombres
Comme des rails dans la forêt.
Quand ils s’asseyaient, c’était plus majestueux que des rois
Et les idoles se cachaient derrière leur croix
Quand devant elles ils passaient droits.
On leur avait rapporté leur tête
Plus de vingt fois, plus de cent fois,
Les ayant retrouves à la chasse ou dans les fêtes,
Mais jamais ils ne voulurent reprendre
Ces têtes où brillaient leurs yeux,
Où les souvenirs dormaient dans leur cervelle.
Cela ne faisait peut-être pas l’affaire
Des chapeliers et des dentistes.
La gaîté des uns rend les autres tristes.
Les quatre sans cou vivent encore, c’est certain,
J’en connais au moins un
Et peut-être aussi les trois autres,
Le premier, c’est Anatole,
Le second, c’est Croquignole,
Le troisième, c’est Barbemolle,
Le quatrième, c’est encore Anatole.
Je les vois de moins en moins,
Car c’est déprimant, à la fin,
La fréquentation des gens trop malins.}}}
!!!!!!//Recueil : "Les Sans Cou"//
/%{{center{[img(30%,)[Dernier filage|https://image.noelshack.com/fichiers/2018/06/4/1518098580-826-zebrides.png][https://photos.app.goo.gl/U6ZzUxiuy3996gdu1]]}}}
<<<
:*Les {{did{textes en verts}}} signalent les indications de jeu que j'imagine (à valider au fil des filages).
:*Les surlignés bleus signalent un ((texte de remplacement(^//substitué au ://<br>texte d'origine qui a été remplacé))) //(cliquer dessus pour voir ce qu'il remplace)//
<<<
|auteur|Feydeau|
|distribution|Claudine - Jacques|
|temps|11 mn|
|prochaines|93c|
%/
!Les Zébrides^^
Scène de //ON PURGE BEBE
de Georges Feydeau //^^
>//Surgissant en trombe par la porte, pan coupé. Tenue de souillon ; peignoir-éponge dont la cordelière non attachée traîne par ; petit jupon de soie sur la chemise de nuit qui dépasse par en bas : bigoudis dans, les cheveux ; bas tombant sur les savates. Elle tient ses affaires de toilette à la main. {{did{Par exemple son Vanity et une serviette ou un sac à bigoudis !}}} .//
;JULIE
: Alors, quoi ? Tu ne peux pas te déranger ? Non ?
;FOLLAVOINE
:{{did{fébrilement plongé dans son dictionnaire}}}
: Ah! Je t’en prie, n’entre donc pas toujours comme une bombe!…
:{{did{Elle s'approche de lui, et jette plutôt qu'elle ne pose sa serviette (ou son sac à bigoudis) sur la table. Il crie :}}}
:Ah!
;JULIE
: {{did{Fausse excuse : elle l'a fait exprès}}} Oh! Pardon!
:{{did{Avec un sourire grinçant :}}} Tu ne peux pas te déranger ? Non ?
;FOLLAVOINE
: Eh bien! Et toi ? Pourquoi faut-il que ce soit moi qui me dérange plutôt que toi ?
;JULIE
: C’est juste! C’est juste!
:{{did{Elle singe une posture de soumission :}}} Nous sommes mariés, alors!…
;FOLLAVOINE
: Quoi ? Quoi ? Quel rapport ?…
;JULIE
: {{did{Gros soupir}}} Ah! Je serais seulement la femme d’un autre, il est probable que...
:{{did{Faire comme si elle allait dire : «//il est probable que j'aurais un mari plus complaisant !//» avant d'être interrompue.}}} !…
;FOLLAVOINE
: Ah! Laisse-moi donc tranquille! Je suis occupé, v’là tout!
;JULIE
: Occupé! Monsieur est occupé! C’est admirable!
;FOLLAVOINE
: Oui, occupé!
:{{did{Maintenant c'est son vanity (ou le reste de ses affaires qu'elle pose sur la table ! Il crie :}}}
:Ah!
;JULIE
: Quoi ?
;FOLLAVOINE
: Ah çà! Tu es folle ? Tu m’apportes ((toute tes affaires(^//au lieu de ://<br>ton seau de toilette))) ici, à présent ?
;JULIE
: Quoi, ((mes affaires(^//au lieu de ://<br>“mon seau”))) ? Où ça, ((mes affaires(^//au lieu de ://<br>“mon seau”))) ?
;FOLLAVOINE
: Ça!
;JULIE
: Ah! Là! ((C'est mon Vanity !(^//au lieu de ://<br>“C’est rien. C’est mes eaux sales.")))
;FOLLAVOINE
: Qu’est-ce que tu veux que j’en fasse ?
;JULIE
: Mais c’est pas pour toi! ((C'est pour me pomponner(^//au lieu de ://<br>C’est pour les vider.)))
;FOLLAVOINE
: Ici ?
;JULIE
: Mais non, pas ici! Que c’est bête ce que tu dis-là ! Je n’ai pas l’habitude de me ((pomponner(^//au lieu de ://<br>vider mes eaux))) dans ton cabinet de travail ; j’ai du tact.
;FOLLAVOINE
: Alors, pourquoi ((tu me le mets là(^//au lieu de ://<br>me les apportes-tu))) ?
;JULIE
: Mais pour rien! Parce que ((j'allais finir ma toilette(^//au lieu de ://<br>j’avais le seau en main pour aller le vider))) quand Rose est venue me rapporter ta charmante réponse : alors, pour ne pas te faire attendre…
;FOLLAVOINE
: Tu ne pouvais pas le laisser à la porte ?
;JULIE
: Ah! Et puis tu m’embêtes ! Si ça te gêne tant, tu n’avais qu’à te déranger quand je te demandais de venir ; mais Monsieur était occupé !
:{{did{Elle passe derrière lui et se penche pour essayer de voir à quoi il est occuppé}}} à quoi ? Je te le demande.
;FOLLAVOINE
: À des choses, probable !
;JULIE
: {{did{Un peu ahurie de le voir plongé dans un dictionnaire, lui qui ne lit jamais !}}}
:Quelles ?
;FOLLAVOINE
: Eh! bien, des choses… Je cherchais “Îles Hébrides” dans le dictionnaire.
;JULIE
: Îles Hébrides ! T’es pas fou ? Tu as l’intention d’y aller ?
;FOLLAVOINE
: On, je n’ai pas l’intention!
;JULIE
: Alors, qu’est-ce que ça te fait ?, En quoi ça peut-il intéresser un fabricant de porcelaine de savoir où sont les Hébrides ?
;FOLLAVOINE
: Si tu crois que ça m’intéresse! Ah! bien!… je te jure que si c’était pour moi!… Mais c’est pour Bébé. Il vous a de ces questions! Les enfants s’imaginent, ma parole! que les parents savent tout!… “Papa, où c’est les Hébrides ? Quoi ? Où c’est les Hébrides, papa ?” Oh! J’avais bien entendu! J’avais fait répéter à tout hasard… “Où c’est, les Hébrides” ? Est-ce que je sais, moi! Tu sais où c’est, toi ?
;JULIE
: {{did{Elle se lance}}} Bien oui, c’est…
:{{did{Elle se trouble}}} J’ai vu ça quelque part, sur la carte ;
:{{did{Elle évacue}}} je ne me rappelle pas où.
;FOLLAVOINE
: Eh! Aussi est-ce qu’on devrait encore apprendre la géographie aux enfants à notre époque ?…
;JULIE
: Quoi ? Quoi ? Quel rapport ?
;FOLLAVOINE
: Mais absolument! Est-ce que, quand tu as besoin d’une ville, tu vas la chercher dans la géographie ? Non, tu cherches dans l’indicateur! Eh! Ben, alors!…
;JULIE
: Mais alors, ce petit ? Tu ne l’as pas aidé ? Tu l’as laissé dans le pétrin ?
;FOLLAVOINE
: Bédame! Comment veux-tu ? C’est-à-dire que, j’ai pris un air profond, renseigné ; celui du monsieur qui pourrait répondre mais qui ne veut pas parler et je lui ai dit : “Mon enfant, si c’est moi qui te montre, tu n’as pas le mérite de l’effort ; essaye de trouver, et si tu n’y arrives pas, alors je t’indiquerai”.
;JULIE
: {{did{Moqueuse}}} Oui, vas-y voir!
;FOLLAVOINE
: Je suis sorti de sa chambre avec un air détaché ; et, aussitôt la porte refermée, je me suis précipité sur ce dictionnaire, persuadé que j’allais trouver! Ah! bien, oui, je t’en fiche! Nibe.
;JULIE
: Dans le dictionnaire ?
:{{did{Elle s'assied, et lui prend le dictionnaire.}}} Allons, voyons! Voyons!…
;FOLLAVOINE
: Oh! Tu peux regarder!… Non! Vraiment, tu devrais bien dire à mademoiselle de ne pas farcir la cervelle de ce petit avec des choses que les grandes personnes elles-mêmes ignorent… et qu’on ne trouve seulement pas dans le dictionnaire..
;JULIE
: {{did{Elle écarquille les yeux}}} Ah çà! Mais!… mais!…
;FOLLAVOINE
: Quoi ?
;JULIE
: {{did{Le regardant avec commisération}}} C’est dans les Z que tu as cherché ça ?
;FOLLAVOINE
: Hein ?… mais… oui…
;JULIE
: {{did{Rire vachard.}}} Dans les Z, les Hébrides ? Ah! bien, je te crois que tu n’as pas pu trouver.
;FOLLAVOINE
: Quoi ? C’est pas dans les Z ?
;JULIE
: {{did{À la cantonnade}}} Il demande si c’est pas dans les Z!
;FOLLAVOINE
: C’est dans quoi, alors ?
;JULIE
: {{did{Tendresse apitoyée}}} Ah! Porcelainier, va!… Tiens, tu vas voir comme c’est dans les Z. {{did{Elle va aux pages des "E"}}} Euh!…
:{{did{Elle fait défiler son doigt.}}} “Ébraser, Èbre, Ébrécher…” C’est dans les E, voyons! “… Ébriété, ébroïcien, ébro..”
:{{did{Elle s'arrête,interloquée}}} Tiens! Comment ça se fait ?
;FOLLAVOINE
: Quoi ?
;JULIE
: {{did{Un peu dépitée}}} Ça n’y est pas!
;FOLLAVOINE
: Ah! Ah! Je ne suis pas fâché!… Toi qui veux toujours en savoir plus que les autres!…
;JULIE
: Je ne comprends pas : ça devrait être entre “ébrécher” et “ébriété”.
;FOLLAVOINE
: Quand je te dis qu’on ne trouve rien dans ce dictionnaire! Tu peux chercher les mots par une lettre ou par une autre, c’est le même prix! On ne trouve que des mots dont on n’a pas besoin!
;JULIE
: C’est curieux!
;FOLLAVOINE
: Tout de même, je vois que la “porcelainière” peut aller de pair avec le “porcelainier”.
;JULIE
: {{did{Piquée au vif}}} En tous cas j’ai cherché dans les E ;
:{{did{Vengeuse}}} c’est plus logique que dans les Z.
;FOLLAVOINE
: Ah! Là, là! “Plus logique dans les E”! Pourquoi pas aussi dans les H ?
;JULIE
: {{did{Se moquant}}} “Dans les H… dans les H…”! Qu’est-ce que ça veut dire ça, “dans les H” ?
:{{did{Inspiration subite}}} Mais, au fait… dans les H… pourquoi pas ?…
:{{did{Joyeuse}}} mais oui : “Hébrides… Hébrides”, il me semble bien que ?… oui!
:{{did{Elle tourne fébrilement les pages pour aller aux "H"}}} H!… H… H…
;FOLLAVOINE
: Quoi, “achachache” ?
;JULIE
: {{did{Arrivée à la bonne page, toute excitée}}} “Hèbre, Hébreux, Hébrides”! Mais oui, voilà : “Hébrides”, ça y est!
;FOLLAVOINE
: Tu l’as trouvé ? {{did{((Dans son mouvement, il se prend les pieds dans ses affaires posées par terre(^//au lieu de ://<br>il est allé donner du pied contre le seau qu’il n’a pas vu.//)))}}}
:{{did{Avec rage.}}} Ah! là, voyons!
;JULIE
: En plein : {{did{Elle déchiffre comme une écolière :}}} “Hébrides, îles qui bordent l’Ecosse au nord”.
;FOLLAVOINE
: Eh! bien, voilà!
;JULIE
: Et dire qu’on cherchait dans les “E” et dans les “Z”…
;FOLLAVOINE
: On aurait pu chercher longtemps!
;JULIE
: Et c’était dans les “H”!
;FOLLAVOINE
: Qu’est-ce que je disais!
;JULIE
: Comment, “//ce que tu disais//”!
;FOLLAVOINE
: Eh! Ben, oui, quoi ? C’est peut-être pas moi qui ai dit : “//Pourquoi pas dans les H ?//”
;JULIE
: Pardon! Tu l’as dit!… tu l’as dit… ironiquement.
;FOLLAVOINE
: Ironiquement! En quoi ça, ironiquement ?
;JULIE
: Absolument! Pour te moquer de moi : “//Ah! Pourquoi pas aussi dans les H//” ?
;FOLLAVOINE
: Ah! bien, non, tu sais!…
;JULIE
: C’est moi alors qui, subitement, ai eu comme la vision du mot.
;FOLLAVOINE
: “//Comme la vision du mot//”! C’est admirable! “//Comme la vision du mot//”! Cette mauvaise foi des femmes! Je te dis : “//Pourquoi pas dans les H ?//” Alors tu sautes là-dessus, tu fais : “//Au fait oui, dans les H, pourquoi pas ?//” Et tu appelles ça : “//avoir la vision mot//” ? Ah! bien, c’est commode!
;JULIE
: {{did{Elle se lève comme outragée}}} Oh! C’est trop fort! Quand c’est moi qui ai pris le dictionnaire! Quand c’est moi qui ai cherché dedans!
;FOLLAVOINE
: {{did{Il se dresse face à elle comme outragé}}} Oui, dans les E!
;JULIE
: Dans les E… dans les E __d’abord__ ; comme toi avant, dans les Z ; mais ensuite dans les H.
;FOLLAVOINE
: {{did{L’air détaché, les yeux au plafond,}}} — Belle malice, quand j’ai eu dit : “//Pourquoi pas dans les H//” ?
;JULIE
: Oui, comme tu aurais dit “//Pourquoi pas dans les Q//” ?
;FOLLAVOINE
: Oh! Non, ma chère amie, non! Si nous en arrivons aux grossièretés!…
;JULIE
: Quoi ? Quoi ? Quelles grossièretés ?
;FOLLAVOINE
:{{did{En cherchant vainement des yeux un meuble sur lequel se débarasser des affaires de Julie}}}
: Eh! bien, oui, oui!… bon! c’est bon!
;JULIE
: Quoi ? Qu’est-ce que tu cherches ?
;FOLLAVOINE
: Je cherche… je cherche… je cherche où mettre ça.
;JULIE
: Eh! bien, pose-le par terre.
;FOLLAVOINE
: Oui.
;JULIE
: {{did{Grognonne}}} Non, tu sais, avoir l’aplomb de prétendre!…
;FOLLAVOINE
: {{did{Excédé}}} Oh!… mais oui, là! Puisque c’est entendu! C’est toi qui as trouvé.
;JULIE
: {{did{Triomphante}}} Mais, parfaitement, c’est moi! Il ne s’agit pas d’avoir l’air de me faire des concessions.
;FOLLAVOINE
: {{did{La chassant de son Cabinet}}} Ah! Et puis, je t’en prie, en voilà assez, hein! Avec tes E, tes Z, tes H et ((ton Q ! À propos,(^//au lieu de ://<br>tes Q! C’est vrai ça! Tiens,))) tu ferais mieux d’aller t’habiller!
;JULIE
: {{did{Prend ses cliques et ses claques, et se dirige dignement vers la sortie, Au moment de disparaître, elle lance à la cantonade :}}} Me dire que je n’ai pas eu la vision!…
!!!!!!RIDEAU
{{center{^^//<<storyViewer amour previous>><<storyViewer amour list>><<storyViewer amour next>>//^^
[img(50%,)[http://www.poetes.com/baud/images/bbijoux.jpg][http://www.poetes.com/baud/bbijoux.htm]]
!Les bijoux
!!!!!!//Charles BAUDELAIRE (1821-1867)//
La très-chère était nue, et, connaissant mon coeur,
Elle n'avait gardé que ses bijoux sonores,
Dont le riche attirail lui donnait l'air vainqueur
Qu'ont dans leurs jours heureux les esclaves des Maures.
Quand il jette en dansant son bruit vif et moqueur,
Ce monde rayonnant de métal et de pierre
Me ravit en extase, et j'aime à la fureur
Les choses où le son se mêle à la lumière.
Elle était donc couchée et se laissait aimer,
Et du haut du divan elle souriait d'aise
A mon amour profond et doux comme la mer,
Qui vers elle montait comme vers sa falaise.
Les yeux fixés sur moi, comme un tigre dompté,
D'un air vague et rêveur elle essayait des poses,
Et la candeur unie à la lubricité
Donnait un charme neuf à ses métamorphoses ;
Et son bras et sa jambe, et sa cuisse et ses reins,
Polis comme de l'huile, onduleux comme un cygne,
Passaient devant mes yeux clairvoyants et sereins ;
Et son ventre et ses seins, ces grappes de ma vigne,
S'avançaient, plus câlins que les Anges du mal,
Pour troubler le repos où mon âme était mise,
Et pour la déranger du rocher de cristal
Où, calme et solitaire, elle s'était assise.
Je croyais voir unis par un nouveau dessin
Les hanches de l'Antiope au buste d'un imberbe,
Tant sa taille faisait ressortir son bassin.
Sur ce teint fauve et brun, le fard était superbe !
Et la lampe s'étant résignée à mourir,
Comme le foyer seul illuminait la chambre,
Chaque fois qu'il poussait un flamboyant soupir,
Il inondait de sang cette peau couleur d'ambre !
}}}
{{hometitle center{Les dernières vidéos des représentations publiques}}}
<<tiddler ClipsGiGa with:669>>
!!!Les vidéos de la représentation du 26 mai au Club Malraux
{{center{[img(90%,)[Cliquer ici pour retrouver les vidéos de l'AtelierTheatre sur GiGa|http://img15.hostingpics.net/pics/98180465qMalrauxGiGa.jpg][https://giga.gg/u/AtelierTheatre]]}}}
-----
!!!!Les vidéos plus anciennes, et toute "bibliothèque"
J'ai commencé à transférer les textes de weezo sur [[GiGa|https://giga.gg/u/AtelierTheatre]]
;Vos clés ou disques usb :
:J'apporte ordinateur et "bibliothèque" sur rendez-vous à une prochaine séance.
/%
|exercice|groupe paires synchronisation|
|niveau|165 Moins facile|
%/
{{homeTitle center{Les deux font la paire}}}
!!!!L'aveugle
L’un ferme les yeux et se laisse guider par l’autre en marchant au milieu du groupe :
<<<
*D’abord en se tenant la main,
*puis par des petites impulsions (le but étant de laisser l’aveugle marcher seul sur des traites),
*puis par un son (un son différent pour chaque aveugle).
<<<
Bien préciser que le guide est responsable de l’aveugle, et doit tout arrêter en cas de danger.
!!!!Le miroir
L’un fait le miroir de l’autre (gestes et expressions).
<<<
*D’abord sans consignes,
*puis en jouant un scénario
**bébé qui découvre le miroir,
**Vamp qui se prépare pour une soirée
**etc.
<<<
!!!!Les siamois
On marche à deux, jambe contre jambe
:Tout le côté doit rester en contact).
!!!!La continuation du geste
Par paire :
<<<
*L’un des deux fait un geste simple (et abstrait),
*l’autre doit le continuer et lui donner un sens.
<<<
!!!!La transmission de pensée
L’un doit faire faire une action à l’autre (par exemple s’asseoir en un point précis, enlever sa veste, lever le bras)
<<<
*en n’utilisant d’abord que le regard,
*et si ça ne marche pas des mouvements un peu plus amples de la tête.
//(Le partenaire peut amorcer le geste, et attendre une confirmation.)//
<<<
!Les forçats de la route^^
//(ou)//
^^Tour de France, tour de souffrance//
^^Albert Londres^^//
>1924, le Tour de France s'élance dans la poussière de juin. Albert Londres, qui découvre le milieu, embarque avec ceux qu'il aura tôt fait de baptiser « les forçats de la route ». Les Bottechia, Pélissier et Thys dévorent la France en quinze étapes, de jour comme de nuit.
!
« Voulez-vous voir comment nous marchons ? Tenez...
De son sac il sort une fiole :
- Ça, c'est de la cocaïne pour les yeux, ça c'est du chloroforme pour les gencives ... - Ça, dit Ville, vidant aussi sa musette, c'est de la pommade pour me chauffer les genoux. - Et des pilules ? Voulez-vous voir des pilules ? Tenez, voilà des pilules. Ils en sortent trois boîtes chacun. - Bref ! dit Francis, nous marchons à la "dynamite". Henri reprend : - Vous ne nous avez pas encore vus au bain à l'arrivée. Payez-vous cette séance. La boue ôtée, nous sommes blancs comme des suaires, la diarrhée nous vide, on tourne de l'œil dans l'eau. Le soir, à notre chambre, on danse la gigue, comme Saint Guy, au lieu de dormir.
!
Je ne leur parlais pas, je les connais tous, mais ils ne m'auraient pas répondu. Quand leur regard rencontrait le mien, cela me rappelait celui d'un chien que j'avais et qui, avant de mourir, en appelait à moi de sa peine profonde d'être obligé de quitter la terre. Puis ils baissaient de nouveau les yeux et s'en allaient, courbés sur leur guidon, fixant la route, comme pour savoir si les gouttes d'eau dont ils la semaient étaient de la sueur ou des larmes.
!
Vous ne nous avez pas encore vus au bain à l'arrivée. Payez-vous cette séance. La boue ôtée, nous sommes blancs comme des suaires, la diarrhée nous vide, on tourne de l'oeil dans l'eau. Le soir, à notre chambre, on danse la gigue, comme saint Guy, au lieu de dormir. Regardez nos lacets, ils sont en cuir. Eh bien ! ils ne tiennent pas toujours, ils se rompent, et c'est du cuir tanné, du moins on le suppose...Pensez à ce que devient notre peau ! Quand nous descendons de machine, on passe à travers nos chaussettes, à travers notre culotte, plus rien ne nous tient au corps...
- Et la viande de notre corps, dit Francis, ne tient plus à notre squelette...
- Et les ongles des pieds, dit Henri, j'en perds six sur dix, ils meurent petit à petit à chaque étape.
- Mais ils renaissent pour l'année suivante, dit Francis.
!
Quand nous crevons de soif, avant de tendre notre bidon à l'eau qui coule, on doit s'assurer que ce n'est pas quelqu'un, à cinquante mètres qui la pompe. Autrement: pénalisation. Pour boire, il faut pomper soi-même ! Un jour viendra où l'on nous mettra du plomb dans les poches, parce que l'on trouvera que Dieu a fait l'homme trop léger. Si l'on continue sur cette pente, il n'y aura bientôt plus que des clochards et plus d'artistes. Le sport devient fou furieux....
!
/%
|exercice|lignes geste|
|niveau|Moins facile|
%/
!!!Les gestes qui vont avec les mots
#Une pierre
#Un oiseau
#Les petites choses fines
#La porte de la chambre de mes parents
#Le vent dans les arbres
#Le bout de mes pieds qui joue dans le sable
#Les cacahuètes
#Le silence
#L’air marin
#La solitude
#Une table les photos de tous les parents, enfants absents.
##émotion
##histoires de jalousie
##de frustration
##d’amour
##de haine
{{center{
!Les mains d'Elsa
}}}
Donne-moi tes mains pour l'inquiétude
Donne-moi tes mains dont j'ai tant rêvé
Dont j'ai tant rêvé dans ma solitude
Donne-moi tes mains que je sois sauvé
Lorsque je les prends à mon propre piège
De paume et de peur de hâte et d'émoi
Lorsque je les prends comme une eau de neige
Qui fuit de partout dans mes mains à moi
Sauras-tu jamais ce qui me traverse
Qui me bouleverse et qui m'envahit
Sauras-tu jamais ce qui me transperce
Ce que j'ai trahi quand j'ai tressailli
Ce que dit ainsi le profond langage
Ce parler muet de sens animaux
Sans bouche et sans yeux miroir sans image
Ce frémir d'aimer qui n'a pas de mots
Sauras-tu jamais ce que les doigts pensent
D'une proie entre eux un instant tenue
Sauras-tu jamais ce que leur silence
Un éclair aura connu d'inconnu
Donne-moi tes mains que mon coeur s'y forme
S'y taise le monde au moins un moment
Donne-moi tes mains que mon âme y dorme
Que mon âme y dorme éternellement …
!!!!!Louis Aragon
!!!!!!//Fou d'Elsa//
!Les poètes l’ont si bien dit//
^^Pierre de Ronsard^^//
{{center{
Je te salue, Ô merveillette fente,
Qui vivement entre ces flancs reluis;
Je te salue, Ô bienheureux pertuis,
Qui rend ma vie heureusement contente!
C’est toi qui fais que plus ne me tourmente
L’archer volant qui causait mes ennuis;
T’ayant tenu seulement quatre nuits
Je sens sa force en moi déjà plus lente.
Ô petit trou, trou mignard, trou velu,
D’un poil folet mollement crespelu,
Qui à ton gré domptes les plus rebelles:
Tous vers galans devraient, pour t’honorer,
A beaux genoux te venir adorer,
Tenant au poing leurs flambantes chandelles!
!!!!!!Pierre de Ronsard (1570)
}}}
/%
|je|[[Éveline]]|
|vie|Un premier contact|
|d|1:00|
%/
!Les roses de Saadi
{{center{[img(40%,)[Plaisir de Dire le 15/02/2018 au Club Mouffetard|http://image.ibb.co/kifHq7/Snapshot_223.png][https://photos.app.goo.gl/Iex7SpZiOWpFRmui1]]
J'ai voulu ce matin te rapporter des roses ;
Mais j'en avais tant pris dans mes ceintures closes
Que les noeuds trop serrés n'ont pu les contenir.
Les noeuds ont éclaté. Les roses envolées
Dans le vent, à la mer s'en sont toutes allées.
Elles ont suivi l'eau pour ne plus revenir ;
La vague en a paru rouge et comme enflammée.
Ce soir, ma robe encore en est tout embaumée...
Respires-en sur moi l'odorant souvenir.
}}}
!!!!!Marceline ~DESBORDES-VALMORE (1786-1859)
;L'italienne : @@mémoriser le texte et automatiser les enchaînements@@
:Répétition intégrale ou partielle du texte en mode rapide. Les dialogues sont dits en accélérés, sans nécessité de tons, d’expressions et de déplacements. C’est un exercice de mémorisation du texte et plus particulièrement des enchaînements des dialogues des personnages.
;L’allemande : @@mémoriser les déplacements, s'approprier l'epace@@
:Répétition intégrale ou partielle des déplacements en mode rapide. Les dialogues peuvent être tronqués. C’est un exercice de mémorisation des déplacements et d’appropriation de l’espace scénique. Cette répétition est particulièrement nécessaire quand la troupe se déplace dans un nouveau théâtre.
::Faire ''l'italienne'' se fait en général lors de la première répétition d'une pièce. Les acteurs s'assoient et ne bougent pas. Ils se mettent alors à réciter leur texte de façon très rapide et ne mettent aucune intonation dans les paroles qu'ils débitent. à
::Ils ne vont également employer aucun geste et ne mettront aucun sentiment pendant le temps de présence sur scène. Cette façon de faire permet en fait aux acteurs de mieux mémoriser leur texte sans se fatiguer avant de l'interpréter plus tard.
!!!Les répétitions
!!!!Les lectures @@//Connaissance et compréhension du texte - ton neutre//@@
Autour d’une table, chaque rôle lit son texte, en parlant simplement, sans mettre d’intonations et d’effets. La lecture collective est le complément de la lecture que chacun aura faite pour soi. Elle est utile au metteur en scène qui pourra évaluer ce qu’il pourra demander à chaque acteur. On peut faire jusqu’à trois lectures.
On peut commencer à attaquer les répétitions lorsque le texte est su, c’est à dire qu’on a terminé l’articulation en seconde vitesse.
!!!!Première répétition @@//Texte su - Enchaînement simple des répliques//@@
Tout le monde doit savoir son texte. On peut déjà planter le décor schématiquement de façon à prévoir et pressentir l’évolution du personnage. Puis on répète à l’italienne, assis, c’est à dire sans mettre les intentions, en parlant simplement. Chacun garde le texte à la main.
Pour les comédiens de composition, il est préférable de ne pas avoir articulé le texte en troisième vitesse avant cette première répétition.
!!!!Seconde répétition @@italienne - identification des points posant question@@
Répétition à l’italienne, en s’arrêtant à chaque problème qui se pose et en notant les idées clefs. Ne pas chercher à résoudre tout de suite les problèmes. Y penser chez soi.
!!!!Troisième et quatrième répétitions @@//Travailler la vivacité des échanges entre comédiens//@@
Toujours assis, dire le texte simplement, freiner les intentions que l’on commence à avoir envie de mettre. Chercher l’accrochage avec l’autre, mordre sur ses répliques, éviter les blancs à tout prix. Recommencer plusieurs fois le même passage si l’échange avec l’autre ne se fait pas. Recommencer plusieurs fois différemment jusqu’à trouver l’accrochage. Lorsqu’on l’a trouvé, s’y tenir.
!!!!Cinquième répétition @@//Initier la dynamique - rester dispoanible aux indications de mise en scène//@@
Avant d’attaquer cette répétition, on doit avoir articulé le texte en troisième vitesse.
Si on est bien distribué dans son rôle, on est automatiquement emporté à partir de cette répétition. Si on ne l’est pas, revoir le texte dans l’articulation et dans l’imagination.
Le metteur en scène voit les endroits qui accrochent.
Ceux qui savent écouter ont intérêt à faire beaucoup d’italiennes pour redécouvrir l’interprétation à chaque fois.
Dans l’absolu, à partir de là, le comédien n’a plus besoin de répétitions, c’est le travail du metteur en scène qui commence.
!!!!Pour donner une bonne réplique
*Estimer celui à qui on donne la réplique, l’adorer ou le détester, mais ne pas lui opposer l’indifférence
*Il faut avoir donné beaucoup de répliques avant d’en donner une bonne
*Aimer l’auteur qu’on joue
*Aimer être sur un plateau et aimer jouer la comédie.
|dit|[[Christiane]]|
|vie|Une séparation|
!Les séparés (N'écris pas...)
{{center{
!!!!!Marceline ~DESBORDES-VALMORE (1786-1859)
N'écris pas. Je suis triste, et je voudrais m'éteindre.
Les beaux étés sans toi, c'est la nuit sans flambeau.
J'ai refermé mes bras qui ne peuvent t'atteindre,
Et frapper à mon coeur, c'est frapper au tombeau.
N'écris pas !
N'écris pas. N'apprenons qu'à mourir à nous-mêmes.
Ne demande qu'à Dieu... qu'à toi, si je t'aimais !
Au fond de ton absence écouter que tu m'aimes,
C'est entendre le ciel sans y monter jamais.
N'écris pas !
N'écris pas. Je te crains ; j'ai peur de ma mémoire ;
Elle a gardé ta voix qui m'appelle souvent.
Ne montre pas l'eau vive à qui ne peut la boire.
Une chère écriture est un portrait vivant.
N'écris pas !
N'écris pas ces doux mots que je n'ose plus lire :
Il semble que ta voix les répand sur mon coeur ;
Que je les vois brûler à travers ton sourire ;
Il semble qu'un baiser les empreint sur mon coeur.
N'écris pas !
}}}
/%
|anciennes|Mouffetard;Ave-Maria;14/12/17_Éloi;|
|temps|15 mn|
|prochaines|18/9/18_Épinettes;|
|distribution|Gérard Yvonne Éveline Jacques|
%/
!^^ORNIFLE^^<br>Les transes de Mademoiselle Supo
|![[Fiche Ornifle|Ornifle]]|
!!!!PREMIER ACTE
{{center{[img(40%,)[http://image.ibb.co/ddzjNn/Snapshot_140.png][https://photos.app.goo.gl/E3iq1aCkSfVqrKFm2]] [img(40%,)[http://image.ibb.co/jB2Sa7/Snapshot_108.png][https://photos.app.goo.gl/nbdKoFLuqj2IIMB83]]}}}
//Le bureau d’Ornifle.
En scène, faisant les cent pas, Omifle dans une très belle robe de chambre. Au piano, Mlle Supo, l’accompagnatrice-secrétaire.
Quelques accords de Mlle Supo qui le regarde extasiée.//
;Omifle //fredonne soudain sur l’air que vient de jouer Mlle Supo ://
://Oisive jeunesse //
://A tout asservie //
://Par délicatesse //
://J’ai perdu ma vie...//
;Mademoiselle Supo, extasiée
:Oh, comme c’est beau !
;Ornifle
:Oui. Malheureusement, c’est de Rimbaud !
;Mademoiselle Supo, //navrée//
:Quel dommage !
;Ornifle
:C’est toujours dommage de ne pas avoir de génie. Mais c’est moins grave, en fin de compte, qu’on ne se l’imagine. Il suffit que les autres croient qu’on en a ; ce qui est une affaire de journalisme. A quelle heure viennent les photographes ?
;Mademoiselle Supo
:A midi.
;Ornifle
:Une double page en couleurs et la couverture. Vous ne vous en rendez pas très bien compte, Mademoiselle Supo, mais c’est beaucoup plus important que l’inspiration.
;Mademoiselle Supo, //pincée//
:Permettez-moi de ne pas être éblouie. La couverture de la semaine dernière était consacrée à Mlle Marie Tampon. Et quand je dis à Mlle Marie Tampon, je devrais dire au derrière de Mlle Marie Tampon.
;Ornifle
:Mademoiselle Supo, ne dites pas du mal du derrière de Mlle Tampon. Il a cfu talent. La preuve, c’est qu’il est célèbre et qu’on le tire à quinze cent mille exemplaires. J’ajouterai (car on est injuste avec lui) que c’est un derrière qui a un très joli filet de voix.
;Mademoiselle Supo, //aigre//
:Ah! si Mlle Marie Tampon était laide ! , , . .
;Ornifle
:Personne n’aurait remarqué son très joli filet de voix, je le sais. Mais Mlle Marie Tampon est merveilleusement faite, ce qui est une chose importante, et nous devons remercier le ciel qu’elle ait, en plus, une jolie voix. C’est vraiment de la conscience de sa part. Ce derrière chantant faux, la chose eût été immorale, je vous l’accorde. Il se trouve qu’il chante juste.
;Mademoiselle Supo
:Cela me fait mal de vous entendre parler ainsi !
;Ornifle
:Mademoiselle Supo, depuis dix ans que nous travaillons ensemble, j’ai renoncé à dénombrer toutes les choses qui vous font mal. Votre vie doit être une perpétuelle névralgie. ^
;Mademoiselle Supo
:J’ai le malheur d’être sensible. Et quand je vois un grand poète comme vous...
;Ornifle //la coupe//
:Mademoiselle Supo, il n’y a plus strictement que vous, à Paris, pour croire encore que je suis un poète. Et quand bien même j’en serais un, c’est un grand honneur, pour la face d’un poète, de succéder sur la couverture de l’hebdomadaire le plus lu de Paris au derrière d’une jolie fille. Cet honneur insolite accordé à un visage vous prouve même — s’il en était besoin — le niveau relevé de cette publication. Grâce à elle, en tout cas, il y aura mercredi quinze cent mille imbéciles qui croiront, pendant une semaine, que j’ai du génie. Après, je le sais bien, je, finirai comme les génies des semaines précédentes, écorné, dans des cabinets de dentistes — si ce n’est dans des cabinets de campagne, ayant servi à Dieu sait quoi. Mais cela m’aura fait gagner huit jours d’immortalité. C’est beaucoup.
;Mademoiselle Supo //crie soudain//
:J’aurais horreur qu’on photographie mon derrière !
;Ornifle
: C’est une idée qui ne viendrait à personne, Mademoiselle Supo.
;Mademoiselle Supo //se dresse//
:Comment pouvez-vous être aussi cruel ? Vous ne l’avez jamais vu. Personne ne l’a jamais vu ! r
;Ornifle
:C'est bien pourquoi il ne viendrait à l’idée de personne de le photographier ! Il faut être logique. Remarquez que je ne doute pas qu’il soit charmant. Reposez-le sur son tabouret, Mademoiselle Supo, et n’ayez pas votre crise de larmes, cela nous ferait perdre beaucoup de temps. Rejouez-moi plutôt les dernières mesures.
Mlle Supo, //reniflant ses larmes, joue//.
;Ornifle //fredonne.//
://Ce jeune homme bonheur//
://Voulait danser //
://Ce jeune homme honneur //
://Voulut passer...//
;Mademoiselle Supo, //transportée//
:Oh ! que c’est beau ! Oh ! que c’est beau !...
;Ornifle
:C’est admirable. Mais c’est de Péguy ! Comment voulez-vous qu’on trouve encore quelque chose ? Ils ont pris tout ce qu’il y avait de bon.
;Mademoiselle Supo, //éplorée//
:Vous êtes bien sûr que ce n’est pas de vous ? Quelquefois, on a l’impression...
;Ornifle
:Ce n’est pas une impression, hélas ! C’est notoirement de lui.
;Mademoiselle Supo //s'écroule, sanglotante, sur son clavier, faisant une cacophonie épouvantable-//.
:Oh ! j’aurais voulu que ce fût de vous !...
;Ornifle //se rapproche, gentil, et lui caresse les cheveux//
:Moi aussi, bien sûr... Allons, allons, Mademoiselle Supo... Je sais bien que vous m’aimez depuis dix ans en silence — ce qui est extrêmement inconfortable —, mais de là à vous obstiner à vouloir que j’aie du génie...
;Mademoiselle Supo //se redresse, inondée de larmes//
:Vous avez du génie !... Si je suis venue à vous après avoir lu vos premiers poèmes, c’est parce que j’étais sûre que vous aviez du génie. J’ai pensé :je ne peux pas être sa muse (je suis trop laide), je serai sa secrétaire...
;Ornifle, //ennuyé//
:Vous n’êtes pas laide, mon petit. Il ne faut rien exagérer. Vous avez des yeux ravissants.
;Mademoiselle Supo
:C'est toujours ce qu’on dit aux filles laides. Je me suis offerte à vous le premier jour. Vous ne m’avez même pas touchée.
;Ornifle
:Vous êtes bien la première femme qui me le reproche. Vous étiez une jeune fille.
;Mademoiselle Supo
:Je suis toujours une jeune fille.
;Ornifle //se recule, sévère//
:Vous êtes impossible, Supo ! J’ai assez de responsabilités dans la vie. Ne me mettez pas celle-là sur le dos, en plus. Après tout, il n’y a pas que moi.
;Mademoiselle Supo, //dans un cri//
:Si. Il n’y a que vous !
;Ornifle
:Alors, attendez un peu. On ne peut pas tout faire, que diable ! J’ai promis ces couplets à Machetu pour la fin de la matinée, et il est bientôt midi. Les photographes vont être là, d’un moment à l’autre. ^
;Mademoiselle Supo
:Si vous vous leviez plus tôt !
;Ornifle
:Je me suis couché très tard.
;Mademoiselle Supo
:Si vous vous couchiez moins tard !
;Ornifle
:Vous êtes toujours à faire des hypothèses. Si j’avais du talent, si je me levais à l’aube, si je vous aimais, si je buvais moins...
//Il se verse un whisky.//
;Mademoiselle Supo
:N’en prenez pas un autre !
;Ornifle
:Si.
;Mademoiselle Supo
:Vous vous tuez !
;Ornifle, //allumant sa cigarette//
:On ne fait que cela depuis qu’on est au monde, mais on met très longtemps. On fait durer le plaisir.
;Mademoiselle Supo
:J’aurais pu faire de vous un autre homme ! ,
;Ornifle
:C’est bien ce qui m’a fait peur ! Ayez la bonté de me rejouer les premières mesures.
//Elle joue ; il fredonne ://
://Constructions légères //
://Vite démolies //
://Dans les toiles peintes //
://J’ai passé ma vie...//
;Mademoiselle Supo, //méfiante//
:C’est de vous ?
;Ornifle
:Mais oui, c’est de moi. Cela se voit, que diable ! Notez donc !
Mlle Supo //prend en Sténo. //
;Ornifle //continue, marchant dans la pièce ://
://Constructions légères //
://Vite démolies //
://Dans les toiles peintes //
://J'ai passé ma vie...//
://0 châteaux de toiles //
://Meubles en trompe-l'œil //
://0 chambres nuptiales,//
://Dont gardait le seuil//
://Un vieux machiniste //
://Et son saucisson.//
://Les choses — est-ce triste ? —//
://Sont ce qu'elles sont.//
:Les voilà ses couplets à cette vieille canaille de Machetu ! Tapez-les en double et faites-les porter chez lui. Je vais prendre un bain. Que je sois propre au moins sur cette photographie. //(Il regarde Mlle Supo.)// Qu’est-ce que vous avez encore ?
;Mademoiselle Supo, //tapant du pied, crie en larmes//.
:Je ne veux pas que les choses soient ce qu’elles sont !
;Ornifle
:Vous êtes insatiable! Qu’est-ce que vous voulez que j’y fasse, moi ? Je ne suis pas le bon Dieu. Lui seul donne le désir. D’ailleurs, un bon matin :je vous ai caressé les cheveux.
;Mademoiselle Supo
:Les cheveux...
;Ornifle
:C’est beaucoup pour une jeune fille. Ne soyons pas trop osés. Je vais prendre mon bain. Faites patienter les photographes.
;Mademoiselle Supo, qui relit son bloc.
:C’est beau! C’est très beau ! Et vous avez fait cela en deux mn ! Ah ! si vous vouliez vous donner un peu de peine...
;Ornifle
:La vie ne vaut jamais la peine qu’on se donne pour elle, Mademoiselle Supo. Je crois, entre nous, qu’on lui accorde une importance exagérée. D’ailleurs, quand je me donne de la peine, je ne fais rien de bon. Je ne suis pas un homme de peine.
;Mademoiselle Supo
:Ce n’est pas digne d’un homme.
;Ornifle
:Qui peut savoir ce qui est digne d’un homme, Mademoiselle Supo ?
;Mademoiselle Supo //crie//
:Moi !
;Ornifle
:C’est pour cela que vous n’en trouvez pas. Je vais prendre mon bain.
//Il sort.
Quand il est sorti, elle éclate en sanglots.
Entre Nénette, la femme de charge, âge moyen, très digne, mais une ancienne jolie fille, avec le plateau de café.//
;Nénette //dit simplement//
:Encore ! Economisez donc vos larmes, Mademoiselle Supo, après, un beau jour, on n’en a plus.
;Mademoiselle Supo //soupire, s’essuyant les yeux//
:Cet homme me torture ! Voilà dix ans que je souffre. Mais c’est tout de même délicieux !
;Nénette
:Moi, cela fait près de vingt ans. D’ailleurs, voilà longtemps que je ne souffre plus. Malheureusement, c’est à peu près à l’époque où j’ai cessé de souffrir que j’ai commencé avec mes rhumatismes. C’est la vie ! On n’est jamais vraiment heureux.
;Mademoiselle Supo, //indignée//
:Le comparer à des rhumatismes !
;Nénette
:Je ne compare pas. Ils se sont succédé, voilà tout. Le rhumatisme, en quelque sorte, ça a été mon second. Seulement pour le rhumatisme on a trouvé le salicylate ; ça soulage un peu.
;Mademoiselle Supo
:Il vous a fait vraiment souffrir — vous aussi ?
;Nénette
:J’étais entrée dans la maison comme aide-femme de chambre. Ma souffrance, c’était limité, comme mon plaisir. J’avais toujours autre chose à faire.
;Mademoiselle Supo
:Et madame n’a jamais su ?
;Nénette
:Laquelle ? J’en ai vu trois des madames. La madame actuelle, non. Quand elle est entrée ici, il y avait déjà longtemps qu’il ne m’arrêtait plus, quand il me rencontrait, dans les couloirs. La première madame, si. Ça a fait toute une histoire. J’ai dû me placer autre part pour un temps. Et puis, quand la seconde madame est entrée en place, moi aussi je suis revenue.
;Mademoiselle Supo//, amère//
:Il vous a prise dans ses bras, vous au moins.
;Nénette
:Vous savez, moi, quand j’étais jeune, je n’avais pas beaucoup de conversation. C’était plutôt muet, nos entretiens. Et puis faite comme j’étais, ça m’aurait plutôt vexée qu’il pense à autre chose quand on était ensemble.
:Il faut dire aussi qu’on n’avait jamais beaucoup de temps. Mes amours à moi, ç’a toujours été l’oreille tendue et un œil sur la porte.
;Mademoiselle Supo
:Quelle horreur !
;Nénette //hausse les épaules//
:Pourquoi ? Tout dépend des prétentions qu’on a. La madame de l’époque avec ses chemises de nuit de dentelles et sa belle chambre en capiton, elle n’obtenait pas beaucoup plus... Vous savez, mon petit, quand on a été placée toute sa vie chez les gens riches, on est revenu de bien des choses ; l’argent on a vu à quoi ça servait. Nous autres, les domestiques, on est les seuls pauvres au courant. Ah ! je vais lui apporter son café.
;Mademoiselle Supo
:Il est dans son bain.
;Nénette
:Qu’est-ce que ça fait ? C’est mon garçon maintenant. Quelquefois c’est moi qui lui brosse le dos.
;Mademoiselle Supo
:Je donnerais ma vie pour lui brosser le dos !
;Nénette //sortant, tranquille//
:Gardez-la donc. Ça ne vaut pas ça.
//Déambulation éplorée, elle se saisit d'une brosse à cheveux, au comble du tragique ://
;Mademoiselle Supo
:Je donnerais ma vie pour lui brosser le dos !
!Lundi 12 septembre
|<<tiddler VideoDropbox>>|
:[[Faire les animaux - impro - Annie Marie-France Marie-Thérèse Michèle Jacques|https://www.dropbox.com/s/i60fccaxdcuuhrp/69c%20Faire%20les%20animaux%20-%20impro%20-%20Annie%20Marie-France%20Marie-Th%C3%A9r%C3%A8se%20Mich%C3%A8le%20Jacques.mp4]]
:[[L'En Vie JC Grumberg - lecture 1 - Annie Jacques|https://www.dropbox.com/s/jagcudenxskrj75/69c%20L%27En%20Vie%20JC%20Grumberg%20-%20lecture%201%20-%20Annie%20Jacques.mp4]]
:[[L'En Vie JC Grumberg - lecture 2 - Marie-France Jacques|https://www.dropbox.com/s/tctk94mi8zcozia/69c%20L%27En%20Vie%20JC%20Grumberg%20-%20lecture%2012%20-%20Marie-France%20Jacques.mp4]]
:[[L'En Vie JC Grumberg - lecture 3 permutée - Jacques Annie a|https://dl.dropboxusercontent.com/u/105812026/69c%20L'En%20Vie%20JC%20Grumberg%20-%20lecture%203%20permut%C3%A9e%20-%20Jacques%20Annie%20a.mp4]] - [[(fin)|https://www.dropbox.com/s/2dnkhckpmsd90iu/69c%20L%27En%20Vie%20JC%20Grumberg%20-%20lecture%203%20permut%C3%A9e%20-%20Jacques%20Annie%20b.mp4]]
!Lundi 5 septembre
|<<tiddler VideoDropbox>>|
:[[695_1-Zébrides-Annie-Michèle|https://www.dropbox.com/s/zftq6b0oxe8cmm3/695_1-Z%C3%A9brides-Annie-Mich%C3%A8le.MP4]]
:[[695_2-Zébrides-Annie-Michèle|https://www.dropbox.com/s/1z6vrfkvn6ze50u/695_2-Z%C3%A9brides-Annie-Mich%C3%A8le.MP4]]
:[[695_3-Zébrides-MarieThérèse-Michèle|https://www.dropbox.com/s/sjg7u2dpmlzj3yf/695_3-Z%C3%A9brides-MarieTh%C3%A9r%C3%A8se-Mich%C3%A8le.MP4]]
:[[695_4-Marivaux-Sylvia : Michèle- Lisette : Jacques (!!)|https://www.dropbox.com/s/1msfwjrlheqzof9/695_4-Marivaux-Mich%C3%A8le-Jacques.MP4]]
!!vendredi 2 septembre
|<<tiddler VideoDropbox>>|
[[AVARE_Mady-Jacques|https://www.dropbox.com/s/dj9p6x2dfem8wvx/692-21mAVARE_Mady-Jacques.mp4]]
[[Colchiques - Apollinaire - Isaac|https://www.dropbox.com/s/i73i53oru9a7z0g/692-13_Colchiques%20-%20Apollinaire%20-%20Isaac.MP4]]
[[Colchiques - Apollinaire - Jacques|https://www.dropbox.com/s/1u6hp38evl73xdq/692-15_Colchiques%20-%20Apollinaire%20-%20Jacques.MP4]]
[[Emboudineuse_Eveline-|https://www.dropbox.com/s/wkf98e95ub7bll2/692-30_Emboudineuse_Eveline-.mp4]]
[[Il pleut - Carco - Dominique|https://www.dropbox.com/s/nmncamyjw83ek03/692-09_Il%20pleut%20-%20Carco%20-%20Dominique.MP4]]
[[La jeune Tarentine - André Chénier - Mady|https://www.dropbox.com/s/nwrayh2lfama87o/692-39_La%20jeune%20Tarentine%20-%20Andr%C3%A9%20Ch%C3%A9nier%20-%20Mady.MP4]]
[[Les Fugueuses_Dominique-Geneviève|https://www.dropbox.com/s/qxtui5vs1ehhn88/692-45_Les%20Fugueuses_Dominique-Genevi%C3%A8ve.mp4]]
[[Moesta et errabunda - Baudelaire - Michèle|https://www.dropbox.com/s/rtj3p9ghjucgd05/692-17_Moesta%20et%20errabunda%20-%20Baudelaire%20-%20Mich%C3%A8le.mp4]]
[[Moesta et errabunda - Baudelaire - Jacques|https://www.dropbox.com/s/k5v8aifl9frpogs/692-18_Moesta%20et%20errabunda%20-%20Baudelaire%20-%20Jacques.mp4]]
:? [[Au revoir !|https://www.dropbox.com/s/saswotdbpoilm1n/692-28-au_revoir.mp4]]
{{menubox{
Je mets en accès direct (sans mot de passe) sur ''[[http://weezo.net/ateliertheatre?user=Public]]'' :
#Les vidéos de la semaine précédente
**//Vendredi 8 avril à Mouffetard//
#Les captations de nos représentations publiques
**'//Nos représentations//
Avec le mot de passe du groupe "Septuas" vous avez accès à :
*toutes les vidéos depuis 2013,
*la bibliothèque de textes,
*mes audios de lecture,
*le souvenir de Michel,
*des documents pour Le Mariage de Figaro.
}}}
{{small indent italic{
*Tout réside sur mon ordinateur : suivant le moment et l'affluence l'accès peut être plus ou moins ralenti, voire momentanément bloqué.
*Sur tablette toucher lav ignette d'une vidéo donne le choix à ''Téléchargement'' ou ''Lecture''
*Sur ordinateur un clic droit affiche ce choix dans une petite fenêtre en haut à gauche.
*En lecture, en bas d'écran, vous pouvez choisir la qualité de restirution de l'image (pour une bonne qualité sans à-coups : téléchargez !)
}}}
!Vendredi 9 septembre
!!!!Télécharger les vidéos sur votre appareil :
>^^//Patience : compter de 15 à 20 minutes par giga à télécharger.//^^
|telecharger|[[Vidéos vendredis 2 et 9 sept.zip|http://dl.free.fr/jX7vds7Al]] //(1,3 gigas)//|
!!!!Visionner les vidéos :
|<<tiddler VideoDropbox>>|
:[[a_Mers el Kebir - Larbaud - Isaac|https://www.dropbox.com/s/ikp9cs163d966mg/699a_Mers%20el%20Kebir%20-%20Larbaud%20-%20Isaac.mp4]]
:[[b_Mers el Kebir - Larbaud - Marie-France|https://dl.dropboxusercontent.com/u/105812026/699b_Mers%20el%20Kebir%20-%20Larbaud%20-%20Marie-France.mp4]]
:[[c - Aube - Rimbaud - Christiane|https://www.dropbox.com/s/9fzx2gmiway0q31/699c%20-%20Aube%20-%20Rimbaud%20-%20Christiane.mp4]]
:[[d - Aube - Rimbaud - Isaac|https://www.dropbox.com/s/wqy2cgxagpxhbm2/699d%20-%20Aube%20-%20Rimbaud%20-%20Isaac.mp4]]
:[[e - Mes deux filles - Hugo - Marie-France|https://www.dropbox.com/s/q5krbvaby8bk0ib/699e%20-%20Mes%20deux%20filles%20-%20Hugo%20-%20Marie-France.mp4]]
:[[f - Mes deux filles - Hugo - Jacques|https://www.dropbox.com/s/jh4m02zwvqeux4n/699f%20-%20Mes%20deux%20filles%20-%20Hugo%20-%20Jacques.mp4]]
:[[g - Mes deux filles - Hugo - Isaac|https://www.dropbox.com/s/jodljd087eblcx4/699g%20-%20Mes%20deux%20filles%20-%20Hugo%20-%20Isaac.mp4]]
:[[h _ Harmonie du soir (audio) - Baudelaire - Jacques.mp3|https://www.dropbox.com/s/awtrz7ewd910ybi/69a_Harmonie%20du%20soir%20-%20Baudelaire%20-%20Jacques.mp3]]
/***
|Name:|LessBackupsPlugin|
|Description:|Intelligently limit the number of backup files you create|
|Version:|3.0.1a|
|Date:|27-Jun-2011|
|Source:|http://mptw.tiddlyspot.com/#LessBackupsPlugin|
|Author:|Simon Baird|
|Email:|simon.baird@gmail.com|
|License:|http://mptw.tiddlyspot.com/#TheBSDLicense|
!!Description
You end up with just backup one per year, per month, per weekday, per hour, minute, and second. So total number won't exceed about 200 or so. Can be reduced by commenting out the seconds/minutes/hours line from modes array
!!Notes
Works in IE and Firefox only. Algorithm by Daniel Baird. IE specific code by by Saq Imtiaz.
***/
//{{{
var MINS = 60 * 1000;
var HOURS = 60 * MINS;
var DAYS = 24 * HOURS;
if (!config.lessBackups) {
config.lessBackups = {
// comment out the ones you don't want or set config.lessBackups.modes in your 'tweaks' plugin
modes: [
["YYYY", 365*DAYS], // one per year for ever
["MMM", 31*DAYS], // one per month
["ddd", 7*DAYS], // one per weekday
//["d0DD", 1*DAYS], // one per day of month
["h0hh", 24*HOURS], // one per hour
["m0mm", 1*HOURS], // one per minute
["s0ss", 1*MINS], // one per second
["latest",0] // always keep last version. (leave this).
]
};
}
window.getSpecialBackupPath = function(backupPath) {
var now = new Date();
var modes = config.lessBackups.modes;
for (var i=0;i<modes.length;i++) {
// the filename we will try
var specialBackupPath = backupPath.replace(/(\.)([0-9]+\.[0-9]+)(\.html)$/,
'$1'+now.formatString(modes[i][0]).toLowerCase()+'$3')
// open the file
try {
if (config.browser.isIE) {
var fsobject = new ActiveXObject("Scripting.FileSystemObject")
var fileExists = fsobject.FileExists(specialBackupPath);
if (fileExists) {
var fileObject = fsobject.GetFile(specialBackupPath);
var modDate = new Date(fileObject.DateLastModified).valueOf();
}
}
else {
netscape.security.PrivilegeManager.enablePrivilege("UniversalXPConnect");
var file = Components.classes["@mozilla.org/file/local;1"].createInstance(Components.interfaces.nsILocalFile);
file.initWithPath(specialBackupPath);
var fileExists = file.exists();
if (fileExists) {
var modDate = file.lastModifiedTime;
}
}
}
catch(e) {
// give up
return backupPath;
}
// expiry is used to tell if it's an 'old' one. Eg, if the month is June and there is a
// June file on disk that's more than an month old then it must be stale so overwrite
// note that "latest" should be always written because the expiration period is zero (see above)
var expiry = new Date(modDate + modes[i][1]);
if (!fileExists || now > expiry)
return specialBackupPath;
}
}
// hijack the core function
window.getBackupPath_mptw_orig = window.getBackupPath;
window.getBackupPath = function(localPath) {
return getSpecialBackupPath(getBackupPath_mptw_orig(localPath));
}
//}}}
{{center{[img(80%,)[http://yvonne92110.y.v.pic.centerblog.net/o/10dd897b.jpg]]}}}
!Liberté.
!!!!!{{center{Paul Eluard}}}
{{center{
Sur mes cahiers d’écolier
Sur mon pupitre et les arbres
Sur le sable sur la neige
J’écris ton nom
Sur toutes les pages lues
Sur toutes les pages blanches
Pierre sang papier ou cendre
J’écris ton nom
Sur les images dorées
Sur les armes des guerriers
Sur la couronne des rois
J’écris ton nom
Sur la jungle et le désert
Sur les nids sur les genêts
Sur l’écho de mon enfance
J’écris ton nom
Sur les merveilles des nuits
Sur le pain blanc des journées
Sur les saisons fiancées
J’écris ton nom
Sur tous mes chiffons d’azur
Sur l’étang soleil moisi
Sur le lac lune vivante
J’écris ton nom
Sur les champs sur l’horizon
Sur les ailes des oiseaux
Et sur le moulin des ombres
J’écris ton nom
Sur chaque bouffée d’aurore
Sur la mer sur les bateaux
Sur la montagne démente
J’écris ton nom
Sur la mousse des nuages
Sur les sueurs de l’orage
Sur la pluie épaisse et fade
J’écris ton nom
Sur les formes scintillantes
Sur les cloches des couleurs
Sur la vérité physique
J’écris ton nom
Sur les sentiers éveillés
Sur les routes déployées
Sur les places qui débordent
J’écris ton nom
Sur la lampe qui s’allume
Sur la lampe qui s’éteint
Sur mes maisons réunies
J’écris ton nom
Sur le fruit coupé en deux
Du miroir et de ma chambre
Sur mon lit coquille vide
J’écris ton nom
Sur mon chien gourmand et tendre
Sur ses oreilles dressées
Sur sa patte maladroite
J’écris ton nom
Sur le tremplin de ma porte
Sur les objets familiers
Sur le flot du feu béni
J’écris ton nom
Sur toute chair accordée
Sur le front de mes amis
Sur chaque main qui se tend
J’écris ton nom
Sur la vitre des surprises
Sur les lèvres attentives
Bien au-dessus du silence
J’écris ton nom
Sur mes refuges détruits
Sur mes phares écroulés
Sur les murs de mon ennui
J’écris ton nom
Sur l’absence sans désir
Sur la solitude nue
Sur les marches de la mort
J’écris ton nom
Sur la santé revenue
Sur le risque disparu
Sur l’espoir sans souvenir
J’écris ton nom
Et par le pouvoir d’un mot
Je recommence ma vie
Je suis né pour te connaître
Pour te nommer
Liberté
}}}
!!!!!!{{right{Poésie et vérité 1942 //(recueil clandestin)//
Au rendez-vous allemand //(1945, Les Editions de Minuit)//}}}
<<forEachTiddler
where
'tiddler.tags && tiddler.tags.length'
sortBy
'getSortedTagsText(tiddler)+"###"+tiddler.title'
script
'function getSortedTagsText(tiddler) {var tags = tiddler.tags; if (!tags) return ""; tags.sort(); var result = ""; for (var i = 0; i < tags.length;i++) {result += tags[i]+ " ";} return result;} function getGroupTitle(tiddler, context) {if (!context.lastGroup || context.lastGroup != getSortedTagsText(tiddler)) { context.lastGroup = getSortedTagsText(tiddler); return "* {{{"+(context.lastGroup?context.lastGroup:"no tags")+"}}}\n";} else return "";} '
write
'getGroupTitle(tiddler, context)+"** [[" + tiddler.title+"]]\n"'
>>
//{{{
/*
* ListByTag
*/
Array.prototype.tiddlerList = function(listFormat,max) {
var output = "";
if (!listFormat)
listFormat = "'\\n{{tiddlerListItem{{{tiddlerListItemTitle{[[' + tiddler.title + ']]}}} - ' + tiddler.created.formatString('0DD/0MM/YY') + ' - ' + tiddler.modifier + '\\n{{tiddlerExcerpt{' + text + ' ... \\n}}}}}}'";
if (!max)
max = this.length;
if (this.length > 0 && this[0] instanceof Tiddler) {
for (var i=0;i<max;i++) {
var tiddler = this[i];
var text = "{{{"+wikifyPlain(tiddler.title, store, 100)+"}}}";
output += eval(listFormat);
}
}
output += "\n----\n";
return output;
};
// tag, sorted, listformat, max(0), noReverse(true)
config.macros.listByTag = {};
config.macros.listByTag.handler = function(place,macroName,params,wikifier,paramString,tiddler)
{
params[0] = (params[0] ? params[0] : tiddler.title);
var tiddlers = store.getTaggedTiddlers(params[0],params[1]);
if (params[3] == 0) params[3] = null;
if (! params[4])
tiddlers = tiddlers.reverse();
wikify(tiddlers.tiddlerList(params[2],params[3]),place,null,tiddler.tiddler);
var tiddlerElem = document.getElementById(story.idPrefix + tiddler.title);
var e = null;
if(tiddlerElem != null) {
var children = tiddlerElem.getElementsByTagName("span");
for(var t=0; t<children.length; t++) {
var c = children[t];
if(c.className == 'tiddlerListItem') {
c.addEventListener('mousedown', function(event) {
var tiddlyLink = event.currentTarget.firstChild.firstChild;
var tiddlerTitle = tiddlyLink.getAttribute("tiddlyLink");
story.displayTiddler(null, tiddlerTitle);
event.preventDefault();
}, true);
}
}
}
};
//}}}
<<forEachTiddler
where
'tiddler.tags.contains("$1")'
sortBy 'tiddler.title'
>>
+++*[ $1]
<<forEachTiddler
where 'tiddler.tags.contains("LeMariageDeFigaro") &&
tiddler.title.startsWith("$1")'
write
'"----\n<<tiddler [["+tiddler.title+"]]$))\n"'
>>
<<forEachTiddler
where
' tiddler.tags.contains ("$1")'
write
'"----\n<<tiddler [["+tiddler.title+"]]$))\n"'
>>
/%
|exercice|lexique|
|niveau| |
%/
!Listes d'ÉMOTIONS
::^^? //Cliquer sur le bouton d'une émotion pour afficher les sentiments couramment associés à cette émotion.//^^
{{center{
+++*[Colère]
;Colère
{{threecolumns{
Agacement
Impatience
Frustration
Irritation
Énervement
Dépit
Emportement
Fureur
Indignation
Véhémence
Exaspération
Jalousie
Envie
Suspicion
Haine
Méfiance
Soupçon
Ambition
Désir
}}}
=== +++*[Tristesse]
;Tristesse
{{threecolumns{
Insatisfaction
Impuissance
Chagrin
Abattement
Détresse
Consternation
Dépression
Désarroi
Ennui
Contrariété
Peine
Découragement
Timidité
Honte
Embarras
Gêne
Déception
Culpabilité
Infériorité
Humiliation
Confusion
Pudeur
Remord
Rumination
Regret
}}}
=== +++*[Peur]
;Peur
{{threecolumns{
Crainte
Inquiétude
Préoccupation
Souci
Tracas
Appréhension
Panique
Anxiété
Angoisse
Terreur
}}}
=== +++*[Dégoût]
;Dégoût
{{threecolumns{
Aversion
Rejet
Répulsion
Lassitude
Dédain
Antipathie
Mépris
}}}
=== +++*[Surprise]
;Surprise
{{threecolumns{
Intérêt
Étonnement
Admiration
Ébahissement
Curiosité
Déstabilisation
Désir
Sympathie
Estime
Attirance
Bienveillance
Attention
Admiration
Fascination
Plaisir
}}}
=== +++*[Joie]
;Joie
{{threecolumns{
Excitation
Gaieté
Fierté
Satisfaction
Valorisation
Plaisir
Réjouissance
Orgueil
Vanité
}}}
===
}}}
!!!Les textes de Livia
|email|Livia<liviapoenaru7@gmail.com>|
|nom|Poenaru|
|prenom|Livia|
|TEL|06 75 75 34 71|
!!!!!Distribuée dans :
<<forEachTiddler
where
'tiddler.tags.contains(["programmable"]) && tiddler.text.contains("Livia") '
sortBy
'store.getTiddlerSlice(tiddler.title,"temps")'
descending
write
'"\n| ![["+tiddler.title+"]] |<<tiddler [["+tiddler.title+"::temps]]$)) |<<tiddler [["+tiddler.title+"::distribution]]$)) |" '
begin
'"| Textes | !durée | !distribution |h"'
>>
/***
|''Name:''|LoadRemoteFileThroughProxy (previous LoadRemoteFileHijack)|
|''Description:''|When the TiddlyWiki file is located on the web (view over http) the content of [[SiteProxy]] tiddler is added in front of the file url. If [[SiteProxy]] does not exist "/proxy/" is added. |
|''Version:''|1.1.0|
|''Date:''|mar 17, 2007|
|''Source:''|http://tiddlywiki.bidix.info/#LoadRemoteFileHijack|
|''Author:''|BidiX (BidiX (at) bidix (dot) info)|
|''License:''|[[BSD open source license|http://tiddlywiki.bidix.info/#%5B%5BBSD%20open%20source%20license%5D%5D ]]|
|''~CoreVersion:''|2.2.0|
***/
//{{{
version.extensions.LoadRemoteFileThroughProxy = {
major: 1, minor: 1, revision: 0,
date: new Date("mar 17, 2007"),
source: "http://tiddlywiki.bidix.info/#LoadRemoteFileThroughProxy"};
if (!window.bidix) window.bidix = {}; // bidix namespace
if (!bidix.core) bidix.core = {};
bidix.core.loadRemoteFile = loadRemoteFile;
loadRemoteFile = function(url,callback,params)
{
if ((document.location.toString().substr(0,4) == "http") && (url.substr(0,4) == "http")){
url = store.getTiddlerText("SiteProxy", "/proxy/") + url;
}
return bidix.core.loadRemoteFile(url,callback,params);
}
//}}}
|email|harter.louise@bbox.fr|
!LOUISON^^
//Exercice d'interprétation//^^
? ((Contexte(^
Louison, brave et honnête fille de la campagne, a été entraînée à Paris pour servir un Duc. Ce dernier lui fait des avances, ce qui perturbe Louison. Mais elle conserve le bon sens des gens de sa condition et garde la tête sur les épaules.
Le monologue de Louison présente en quelques vers sa vie d’hier et d’aujourd’hui.
Musset avait sans doute pensé au « //Mariage de Figaro// ». Il y a de la Comtesse Almaviva dans la Duchesse abandonnée, et un peu d'une Suzanne, plus jeune et moins habile, chez Louison. À la fin tout rentrera dans l'ordre, mais chez Musset la gaîté est assaisonnée de tristesse et de mélancolie.
)))
Me voilà bien chanceuse; il n’en faut plus qu’autant.
Le sort est, quand il veut, bien impatientant.
Que les honnêtes gens se mettent à ma place,
Et qu’on me dise un peu ce qu’il faut que je fasse.
Voici tantôt vingt ans que je vivais chez nous;
Dieu m’a faite pour rire et pour planter des choux.
J’avais pour précepteur le curé du village;
J’appris ce qu’il savait, même un peu davantage.
Je vivais sur parole, et je trouvais moyen
D’avoir des amoureux sans qu’il m’en coûtât rien.
Un beau jour on m’embarque, on me met dans un coche,
Un paquet sous le bras, dix écus dans ma poche,
On me promet fortune et la fleur des maris,
On m’expédie en poste, et je suis à Paris.
Me voilà gouvernante chez monseigneur le duc.
Mais monseigneur le duc alors était absent;
Où? je ne sais pas trop, à la noce, à la guerre.
Enfin, ces jours derniers, comme on n’y pensait guère,
Il écrit qu’il revient, il arrive, et, ma foi,
Tout juste, en arrivant, tombe amoureux de moi.
Il m’écrit des poulets, me conte des fredaines,
Me donne des rubans, des nœuds et des mitaines;
Puis enfin, plus hardi, pas plus tard qu’à présent,
Du brillant que voici veut me faire présent.
Je ne suis pas duchesse, et ne puis le porter.
Ainsi, tout simplement, monsieur veut m’acheter.
Voyons, me fâcherai-je? – Il n’est pas très commode
De les heurter de front, ces tyrans à la mode,
Vaut-il pas mieux agir en personne discrète,
Et garder dans le cœur cette injure secrète?
Oui, c’est le plus prudent. – Ah! que j’ai de souci!
Ce brillant est gentil… et monseigneur aussi.
Je vais lui renvoyer sa bague à l’instant même,
Ici, dans ce papier. – Ma foi, tant pis s’il m’aime!
[img[Musset|http://a395.idata.over-blog.com/0/38/52/22/Temps-pestif9/tn_Musset.jpg]]
''Mes chers amis, quand je mourrai,
Plantez un saule au cimetière.
J’aime son feuillage éploré ;
La pâleur m’en est douce et chère,
Et son ombre sera légère
A la terre où je dormirai.
Un soir, nous étions seuls, j’étais assis près d’elle ;
Elle penchait la tête, et sur son clavecin
Laissait, tout en rêvant, flotter sa blanche main.
Ce n’était qu’un murmure : on eût dit les coups d’aile
D’un zéphyr éloigné glissant sur des roseaux,
Et craignant en passant d’éveiller les oiseaux.''
Les tièdes voluptés des nuits mélancoliques
Sortaient autour de nous du calice des fleurs.
Les marronniers du parc et les chênes antiques
Se berçaient doucement sous leurs rameaux en pleurs.
Nous écoutions la nuit; la croisée entr’ouverte
Laissait venir à nous les parfums du printemps ;
Les vents étaient muets, la plaine était déserte ;
Nous étions seuls, pensifs, et nous avions quinze ans.
Je regardais Lucie. - Elle était pâle et blonde.
Jamais deux yeux plus doux n’ont du ciel le plus pur
Sondé la profondeur et réfléchi l’azur.
Sa beauté m’enivrait ; je n’aimais qu’elle au monde.
Mais je croyais l’aimer comme on aime une soeur,
Tant ce qui venait d’elle était plein de pudeur !
Nous nous tûmes longtemps ; ma main touchait la sienne.
Je regardais rêver son front triste et charmant,
Et je sentais dans l’âme, à chaque mouvement,
Combien peuvent sur nous, pour guérir toute peine,
Ces deux signes jumeaux de paix et de bonheur,
jeunesse de visage et jeunesse de coeur.
La lune, se levant dans un ciel sans nuage,
D’un long réseau d’argent tout à coup l’inonda.
Elle vit dans mes yeux resplendir son image ;
Son sourire semblait d’un ange elle chanta...
Fille de la douleur, harmonie ! harmonie !
Langue que pour l’amour inventa le génie !
Qui nous vint d’Italie, et qui lui vint des cieux !
Douce langue du coeur, la seule où la pensée,
Cette vierge craintive et d’une ombre offensée,
Passe en gardant son voile et sans craindre les yeux !
Qui sait ce qu’un enfant peut entendre et peut dire
Dans tes soupirs divins, nés de l’air qu’il respire,
Tristes comme son coeur et doux comme sa voix ?
On surprend un regard, une larme qui coule ;
Le reste est un mystère ignoré de la foule,
Comme celui des flots, de la nuit et des bois !
- Nous étions seuls, pensifs ; je regardais Lucie.
L’écho de sa romance en nous semblait frémir.
Elle appuya sur moi sa tête appesantie.
Sentais-tu dans ton coeur Desdemona gémir,
Pauvre enfant ? Tu pleurais ; sur ta bouche adorée
Tu laissas tristement mes lèvres se poser,
Et ce fut ta douleur qui reçut mon baiser.
Telle je t’embrassai, froide et décolorée,
Telle, deux mois après, tu fus mise au tombeau ;
Telle, ô ma chaste fleur ! tu t’es évanouie.
Ta mort fut un sourire aussi doux que ta vie,
Et tu fus rapportée à Dieu dans ton berceau.
Doux mystère du toit que l’innocence habite,
Chansons, rêves d’amour, rires, propos d’enfant,
Et toi, charme inconnu dont rien ne se défend,
Qui fit hésiter Faust au seuil de Marguerite,
Candeur des premiers jours, qu’êtes-vous devenus ?
Paix profonde à ton âme, enfant ! à ta mémoire !
Adieu! ta blanche main sur le clavier d’ivoire,
Durant les nuits d’été, ne voltigera plus...
Mes chers amis, quand je mourrai,
Plantez un saule au cimetière.
J’aime son feuillage éploré ;
La pâleur m’en est douce et chère,
Et son ombre sera légère
A la terre où je dormirai.
<<gradient vert #fcfeff #e8e8ff>><<back>>
|widetable|k
|>|>|>| !Groupe "~Port-Royal" |
| 10:00 | '' Mise en route '' | Nouvelles, annonces, clés USB |// groupe // |
| 10:10 | '' Échauffement '' | Respiration, assouplissement, synchronisations |// groupe, binomes // |
| 10:20 | '' Vocalisation '' | Exercices de diction, d'expressions, travail de la voix |// groupe // |
| 10:30 | '' Improvisations '' | "matches" instantannés, retours vidéo |// équipes, permutations // |
| | '' ou "représentation" '' | travail en commun sur la mise en place d'un fragment, vidéo |// les acteurs + le groupe // |
| 11:20 | '' Tous pour un '' | Approfondissement d'un échange de répliques |// "titulaires" + équipes // |
| 11:45 | '' Bilan de séance '' | "à mettre au journal", propositions, rendez-vous, clés usb, congratulations |// groupe // |
>>
!{{center{ Lundi 18 juillet
à ~Port-Royal }}}
//^^(vous pouvez apporter vos clés USB)^^//
{{homeTitle center{Exercices d'impros}}}
Exercices
!!!!Répondre du tac au tac
A traverse le cercle et pose une question (sérieuse ou loufoque) à B
B répond du tac au tac et à son tour va dans le cercle...
Garder son flegme en toute circonstance
!!!!Le monstre
Les joueurs forment un groupe compact représentatnt un monstre aux têtes et membres multiqles, qui se déplace, gémit, s'étale ou se recroqueville.
!!!!Lieu non dit
Un premier joueur se déplace dans un lieu à découvrir, il peut manipuler des objets propres à ce lieu. Quand un autre joueur a compris, il entre en rapport avec le premier et ils continuent l'action ensemble.
!!!!Oui et ...
On commence chaque réplique en lançant instantanément “oui et...” à la cantonade sans même encore savoir ce qu'on va dire. On ajoute des éléments précis privilégiant l'action à la description.
Les questions comme les négations sont interdites.
S'il n'y avait qu'un seul exercice à connaître, c'est celui-ci !
!!!!Impro sauvage
Deux joueurs improvisent devant les autres
Lorsqu'un troisième voit l'opportunité de démarrer une autre impro, il claque dans les mains.
Les deux joueurs se figent, le troisième remplace le premier entré.
Il démarre une impro à partir de la posture du deuxième.
Excellent exercice pour s'oublier, prendre l'initiative, aller vite
!!!!Je m’assieds, tu te lèves
Catégorie d’exercice : Écoute/corporel
Intérêt: Difficile à réaliser du premier coup, l’exercice pourra être proposé lors des séances suivantes jusqu’à sa réussite. On obtient alors une superbe écoute du groupe.
L’exercice : Une personne se lève puis s’assied. Au moment où elle s’assied une seule autre personne doit se lever. Si deux personnes se lèvent en même temps on recommence.
Autres consignes : Ne pas se précipiter, se regarder.
A quoi prêter attention : Au rythme. Tout le monde doit se lever et pas toujours les mêmes...
!!!!Moi et ma conscience
Catégorie d’exercice : Imaginaire verbal.
Intérêt : Faire expérimenter aux participants le plaisir de construire à deux une histoire. Développer l’écoute.
L’exercice : A est assis et raconte une histoire. B debout derrière lui joue sa « conscience » et rectifie l’histoire. A doit donc se réajuster en fonction des remarques. Pas sur des points formels. Puis échanger.
Quelles consignes donner aux participants : Le narrateur doit parler calmement pour laisser des espaces de parole à la conscience. La conscience ne doit pas systématiquement contredire le narrateur mais apporter des précisions au récit.
A quoi prêter attention : Les deux participants doivent être à l’écoute l’un de l’autre. Ne pas faire trop durer l’exercice, pour éviter une perte d’énergie.
!!!!Le sculpteur
Catégorie d’exercice : L’expressivité du visage et du corps.
Intérêt : Amener les participants à dissocier les parties de leurs corps, et à les diriger. Développer ainsi chez eux la conscience et la maîtrise des parties de leur corps, le sens du rythme.
L’exercice : Dans un groupe est désigné un sculpteur ou une sculptrice qui va devoir représenter une scène, une émotion ou un tableau avec le corps de ses camarades qui deviennent la matière première de l’artiste. Le sculpteur s’attache à travailler les expressions du visage de ses camarades. Le sculpteur ne peut pas parler mais peut mimer pour guider les participants.
Autres consignes : Ne pas anticiper les propositions du sculpteur, se laisser faire...
A quoi prêter attention : La séance ne doit pas durer trop longtemps afin que ceux qui ont une position difficile à tenir puisse rester en place jusqu’à la fin de la sculpture totale.
Développements, variantes, suites : Donner des thèmes précis au sculpteur.
!!!!L’entretien d’embauche
Catégorie d’exercice : Improvisation, confiance en soi.
Intérêt : L’écoute, développer l’imagination, maîtriser une émotion et son évolution, l’amplification.
Exercice : Par groupe de trois, les participants doivent effectuer une improvisation de 3 à 5 minutes sur le thème de l’entretient d’embauche. Deux personnes incarnent les deux recruteurs, et la troisième personne le candidat, le demandeur d’emploi. A cette situation, s’ajoute le conflit qui se matérialise par deux humeurs opposées : désagréable et irrespectueuse contre la bienveillance. Les participants ont le choix d’attribuer l’humeur qu’il souhaite au candidat et aux recruteurs.
!!!!Des thèmes :
• Je suis enceinte • Je vais le quitter • Il ne rentre pas ce soir • Je vais partir deux ans autour du monde • Nous allons nous marier • IL n’y a plus d'argent • Une bombe vient d’exploser • Un ami m’a trahi • La porte est fermée à clef • Il manque une chaise • Il faut que j’aille aux toilettes • Il est trop tard • Je brûle d’amour pour vous • Je sais que vous m'espionnez • Je n’ai pas de cadeau • casting : c'est moi qui doit être choisie • Je suis sûre que c'est lui qui ...
!!!!DCR (début-conflit-résolution)
Ce jeu nécessite trois joueurs. Le premier joueur commence une improvisation en installant le lieu et le contexte (le début). Pendant une trentaine de secondes (la durée peut varier selon le niveau d’expérience des joueurs), le joueur devra faire comprendre aux autres où et quand se déroule l’improvisation (hôpital, château, boulangerie, cinéma, aujourd’hui, au Moyen âge, lors de la Grande dépression, etc.)
C’est ensuite au tour du deuxième joueur de faire son entrée et d'installer un conflit entre lui-même et le joueur déjà en piste. Il se basera sur n'importe qu'elle situation pouvant créer une tension (jalousie, paresse, incompréhension, compétition, désastre naturel, etc.)
Les deux joueurs doivent improviser ensemble pour rendre explicite le conflit. Le troisième joueur fera ensuite son entrée et offrira une résolution au conflit établi.
Remarque : la résolution du conflit n’est pas nécessairement toujours amicale et facile. En fait, plusieurs histoires peuvent finir en queue de poisson. Il est intéressant de voir les nombreuses façons différentes et inédites de résoudre une histoire.
!!!!Le souffle : moteur pour la voix
Une émission vocale aisée et sans fatigue s’appuie sur une respiration correcte (ceci concerne la voix chantée, bien sûr, mais aussi la voix parlée... Alerte aux extinctions de voix, si courantes chez certains enseignants, par simple méconnaissance de ce processus!).
Contrairement aux idées reçues, l’expiration est plus importante que l’inspiration. Il importe moins de " prendre son souffle " que de savoir bien gérer son émission.
On adoptera donc une démarche inverse à celle couramment pratiquée :
En posant la main sur son ventre, vider l’air contenu dans les poumons et laisser l’inspiration se produire seule, sans effort (c’est un acte réflexe, de toutes façons!).
Recommencer en attirant l’attention sur les mouvements du ventre, et sur le fait que l’expiration se fait par la bouche et l’inspiration par le nez.
Sonoriser ces expirations à l’aide de sons tels que " ch... ", " ss... ", " fff ".
Utiliser l’image des " vents " pour combiner ces différents sons et en trouver de nouveaux : la petite brise d’été, la tempête, le vent sur la banquise etc...
Ne pas pratiquer ces exercices trop longtemps car ils génèrent une hyperventilation pouvant " étourdir "...
!!!!Travail de la tenue et de l’arrêt du son :
Image de la bougie dont on fait bouger la flamme : on souffle plus ou moins fort, mais sans chercher à l’éteindre. La but est de souffler peu d’air, donc de contrôler l’expiration.
Au contraire de ce qui précède, éteindre la bougie (donc, expiration forte et courte), puis éteindre toutes les bougies d’un gâteau d’anniversaire.
" Refroidir la soupe chaude " sur " ff " : projection des lèvres, mains près de la bouche, on souffle longtemps.
Sur 6 pulsations : Inspiration sur 2 temps (image du ballon qui se gonfle)/ Blocage sur 1 temps/ Expiration sur 3 temps (image du ballon qui se dégonfle).
Sur " ou " dans une tessiture moyenne (fa/sol), le maître indique à l’aide d’un geste les départs et les arrêts. Il fait varier la longueur de chaque son. Les enfants doivent progressivement respecter ses gestes de plus en plus finement.
Le dernier son d’un mot : chanter des mots comme " souris ", coucou ", " château " sur une note et tenir le plus longtemps possible la dernière syllabe.
!!!!Exercices alliant jeux vocaux et articulation :
Improviser en variant la hauteur du son
Za-a-a, va-a-a, zo-o-o, vo-o-o, etc..
!!!!Exercices sur notes tenues :
Sur le son " hommm " : le " h " expire le souffle chaud, faire durer le " m ". Varier la hauteur à chaque fois.
Les cloches : sur une même note ou sur deux notes (à l’image de " Frère Jacques "), chanter " Ding, daing, dong ", puis " doum, dam, dom ", " bim, bam, bom ". Insister sur la résonance de " m ".
Chanter séparément, puis en enchaînant les sons " ou ", " on ", " o ", puis " ain ", " é ", " i ", ou encore " an ", " a ". Elargir les séries : " ou/ o é- a- i -u ", " a - é -i -o -ou " etc... Ces exercices peuvent être enrichis d’images mentales : soleil/pluie, au bord d’un lac, souvenir d’une odeur, d’un goût, du toucher d’une étoffe etc...
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!L’AIGRETTE BLANCHE
//UBO
(Adieu à mon ami Song Zhaofu)//
L’aigrette blanche,
une patte repliée,
sous la clarté de la lune,
dans l’eau froide de l’automne.
Effrayée par les hommes,
elle s’envole au loin,
tout droit vers la rive
où te mènent tes pas,
mon ami...
!L’APÉRITIF
;UN
:Heureusement que vous êtes là.
;DEUX
:Bien gentil de me dire ça. Vous avez besoin de moi ?
;UN
:Je ne sais pas encore, mais je suis un peu inquiet. Vous ne me trouvez rien de spécial ?
;DEUX
:Non, rien. Qu’est-ce que vous avez ?
;UN
:Ah, vous voyez, vous me demandez ce que j’ai.
;DEUX
:Non, non, je vous jure que ça ne se voit pas.
;UN
:« Ça ne se voit pas ! » Qu’est-ce qui ne se voit pas ?
;DEUX
:Je ne sais pas. Je ne vois rien.
;UN
:Comment, vous ne voyez rien ! Regardez-moi ! Vous n’allez pas me dire que vous ne voyez pas mon nez, par exemple.
;DEUX
:Bien sûr que si, je le vois. Qu’est-ce qu’il a, votre nez ?
;UN
:Mon nez ? Mais c’est à vous de me le dire, s’il a quelque chose, mon nez ! Il a quelque chose d’extraordinaire ?
;DEUX
:Absolument pas. Un peu rouge, peut-être.
;UN
:Je pense bien. Je suis complètement soûl.
;DEUX
:Vous ! Mais ça ne vous arrive jamais !
;UN
:Jamais. Je ne sais pas ce qui m’a pris. C’est la faute à Georges. Il a voulu absolument me faire goûter un nouvel apéritif. « Tu verras, c’est sensationnel ! » il me dit. Et puis voilà. Oh, mais c’est que je ne vais pas bien du tout.
;DEUX
:Vous ne supportez pas l’alcool.
;UN
:D’habitude, si. Mais en réalité, ce doit être un apéritif sans alcool.
;DEUX
:Alors, vous ne pouvez pas être soûl.
;UN
:Vous avez raison. Je ne suis pas soûl à proprement parler. C’est quelque chose de tout différent.
;DEUX
:Comment il s’appelle, cet apéritif?
;UN
:Je ne sais plus. Du pnipe ou du strape, quelque chose comme ça.
;DEUX
:Et c’est bon à boire ?
;UN
:Ce n’est pas mauvais. Ça n’a absolument aucun goût. Ça rappelle un peu l’eau, vous savez ? L’eau du robinet. Ils disent qu’il faut boire ça glacé. Georges en raffole. C’est tout nouveau. Et puis c’est tonique. Mais la prochaine fois, je prendrai un vermouth. Oh, voilà que ça recommence.
;DEUX
:Vous souffrez ?
;UN
:Pas du tout, non. Ça se déplace. Tenez, en ce moment, c’est dans le genou.
;DEUX
:Montrez voir.
;UN
:Vous voyez quelque chose ?
;DEUX
:Oui, je vois votre genou.
;UN
:Oui, mais mon genou
:rien d’anormal ?
;DEUX
:Rien.
;UN
:C’est bien ce que je pensais. C’est à l’intérieur que ça se passe.
;DEUX
:Mais, qu’est-ce que vous ressentez exactement ?
;UN
:Absolument rien.
;DEUX
:Comment, rien ?
;UN
:Enfin, je ressens mon genou, comme d’habitude, mais à part mon genou, je ne ressens absolument rien. Hop ! c’est parti ! Ça va mieux. Une chose certaine, c’est que c’est la dernière fois que je bois un apéritif sans savoir ce que c’est. Tenez, goûtez, j’en ai acheté une demi-bouteille.
;DEUX
:Je veux bien. Un liquide qui ne me ferait rien, tiens ! Je voudrais bien savoir ce que ça me fait. Fft...
;UN
:Pas trop vite. Alors ?
;DEUX
:Vous avez raison. Tous ces trucs-là, c’est chimique.
;UN
:Je sens que ça revient.
;DEUX
:Vaudrait mieux appeler un docteur.
;UN
:Qu’est-ce que je lui dirais au docteur ? Je vous le dis, c’est indéfinissable. Regardez ma tête. Vous ne vous apercevez de rien ?
;DEUX
:Non.
;UN
:Eh bien moi non plus. Dans ma tête, en ce moment, c’est exactement comme si je n’avais pas bu cet apéritif.
;DEUX
:Mais alors, comment vous rendez-vous compte que c’est dans votre tête ?
;UN
:Je m’en rends compte, parce que c’est dans ma tête que ça se passe.
;DEUX
:Essayez de penser à votre pied, pour voir.
;UN
:A mon pied ? Qu’est-ce qu’il a, mon pied ?
;DEUX
:Peut-être qu’il n’a rien, mais essayez tout de même.
;UN
:Ah oui... ah oui, maintenant que vous m’y faites penser, oui, j’éprouve la même sensation dans mon pied... attendez... eh bien oui, je l’éprouve aussi dans l’autre pied... et dans les mollets... et aussi dans le dos... oui, maintenant, c’est partout pareil.
;DEUX
:Vous m’effrayez. Vous êtes sûr que c’est cet apéritif ?
;UN
:Qu’est-ce que vous voulez que ce soit ?
;DEUX
:Vous n’avez pas l’air de souffrir.
;UN
:Non, non. Je suis pris des pieds à la tête. Et des pieds à la tête, c’est exactement la même chose, ça me fait... ça me fait...
;DEUX
:Mais dites-le, à la fin, ce que ça vous fait ! Pour que je sache ce que ça va me faire.
;UN
:Eh bien, ça me fait... Ça me fait rien du tout. Absolument rien du tout. C’est extraordinaire.
;DEUX
:Oui, eh bien voulez-vous mon avis ? Ce n’est pas votre apéritif qui vous fait cet effet-là. Parce que moi, ça me fait pareil.
;UN
:Alors qu’est-ce que c’est ?
;DEUX
:C’est l’existence.
;UN
:L’existence ?
;DEUX
:Oui, l’existence. Je le sais, parce que moi, l’existence, ça me fait la même chose. A chaque fois que j’existe, c’est pareil.
;UN
:Vous existez souvent ?
;DEUX
:Non, j’ai autre chose à faire. C’est vous, avec votre apéritif.
;UN
:Moi, ça ne m’était jamais arrivé.
;DEUX
:C’est la première fois que vous existez ? Ça s’arrose ! Venez, je vous paye l’apéritif. Un bon apéritif, là, qui existe depuis des siècles.
;UN
:Je veux bien, mais dites-moi, ça ne se voit pas trop, que j’existe ?
;DEUX
:Il n’y a pas de honte. Et puis de toute façon, l’existence, vous verrez, ça s’en va comme c’est venu, plus facilement qu’une migraine et sans aspirine.
!!!!!Roland Dubillard - Les diablogues et autres inventions à deux voix
!L’EN VIE
//Monsieur; Madame.//
;MONSIEUR
:Moi je crois pas qu’il y ait une vie après la mort.
;MADAME.
:Moi je crois le contraire.
;MONSIEUR
:Tu crois qu’il y a une vie après la mort toi ?
;MADAME
: Je crois le contraire je te dis.
;MONSIEUR
:C’est quoi le contraire ?
;MADAME
: Je ne crois pas qu’il y a une vie AVANT la mort.
;MONSIEUR.
: Qu’est-ce que tu dis ?
;MADAME
: Je ne crois pas qu’il y a une vie avant la mort !
;MONSIEUR
:Ah ben dis donc bravo ! Comme casseuse d’ambiance tu te poses là !
;MADAME
: Quoi, quoi ?
;MONSIEUR
:C’est ça “quoi quoi ?”, fais la conne !
;MADAME
: Parce que je dis le contraire de toi, je suis conne, c’est ça?
;MONSIEUR
:Tu te rends même plus compte de ce que tu racontes alors !
;MADAME
: Quoi, j’ai dit quoi là ?
;MONSIEUR
:Qu’il n’y a pas de vie !
;MADAME
: Avant la mort, oui, et alors ?
;MONSIEUR
:Mais qu’est-ce que qu’on fout là alors ? Qu’est-ce qu’on fout là toi et moi ?
;MADAME
: On discute.
;MONSIEUR
:On vit là, oui ou merde ? On vit !
;MADAME
: Si t’appelles ça vivre...
;MONSIEUR
:Oh j’y crois pas, j’y crois pas ! Je deviens dingue ou quoi !
;MADAME
: Toi tu dis bien qu’il n’y a pas de vie après la mort, je m’énerve pas pour ça.
;MONSIEUR
:C’est ce que je crois, oui oui, il n’y a pas de vie après la mort !
;MADAME
: Eh bien moi, je dis juste qu’il n’y en a pas non plus avant. Je vois pas pourquoi ça doit te faire grimper aux rideaux. Chacun s’exprime, on exprime nos opinions, on est en république non ?
;MONSIEUR
:Mais c’est quoi la vie pour toi alors, c’est quoi ?
;MADAME.
:Autre chose.
;MONSIEUR
:Autre chose que quoi ?
;MADAME
: Que ça.
;MONSIEUR
:Ça quoi?
;MADAME
: Tu m’embêtes à la fin, la prochaine fois je dirai comme toi.
Un temps.
;MONSIEUR
:Tu aimerais voyager ?
;MADAME
: Pour aller où ?
;MONSIEUR
:Je sais pas moi, bouger...
;MADAME
: Bouger pour bouger, merci.
;MONSIEUR
:Alors pour visiter des villes, des pays.
;MADAME
: J’ai fait ça dans le temps.
;MONSIEUR
:Quand?
;MONSIEUR
:Eh bien allons à la campagne, à la mer, à la montagne, est-ce que je sais moi ?
;MADAME
: Si toi tu sais pas, comment veux-tu que je sache ?
;MONSIEUR.
: Aux Indes, en Afrique, en Amérique du Sud ?
;MADAME.
: C’est loin...
;MONSIEUR
:Ben justement, c’est ça qu’est bien : c’est loin !
;MADAME
: Si c’est pour voir la misère partout, la télé me suffit.
;MONSIEUR
:Bon, sortons alors, je sais pas, allons au théâtre, au restau, à l’opéra, au ciné, ou juste en centre-ville faire du shopping.
;MADAME
: Non, c’est gentil, mais non.
;MONSIEUR
:Non?
;MADAME
: Tu sais, faut pas croire, j’aime bien notre train-train.
;MONSIEUR
:Donc c’est la vie qui te convient ? Le cul sur ton divan, le nez collé à ta télé, c’est ça que tu as choisi ?
;MADAME
: J’ai pas choisi, mais ça me convient. Seulement je n’appelle pas ça une vie.
;MONSIEUR
:Putain bordel, mais qu’est-ce que tu espères au juste, qu’est-ce que tu espères ?
;MADAME
: Qu’est-ce que j’espérais...
;MONSIEUR
:D’accord, qu’est-ce que tu espérais ?
;MADAME
: Une vie après la mort, mais comme tu viens de me dire qu’il n’y en a pas, je vois pas ce que je pourrais espérer d’autre. Peut-être de beaux programmes animaliers à la télé, pas si tard le soir... c’est tout. Ça ne serait déjà pas si mal non ?
;MONSIEUR
:Bouh...
;MADAME
: Pourquoi tu fais bouh ?
;MONSIEUR
:J’étouffe.
;MADAME
: Ça va passer.
;MONSIEUR
: Ça passe déjà.
;MADAME
: Tout passe.
;MONSIEUR
:Putain merde !
;MADAME
: Pardon?
;MONSIEUR
:Rien, rien. Parlons d’autre chose tu veux ?
;MADAME
: De quoi veux-tu qu’on parle ?
;MONSIEUR
:Qu’est-ce qu’on bouffe ce soir ?
;MADAME
: Du chili.
;MONSIEUR
:Du quoi?
;MADAME
: Du chili con carne.
;MONSIEUR
:C’est espagnol ?
;MADAME
: Chilien.
;MONSIEUR
:Ah, l’Espingouine fait aussi dans le chilien ?
;MADAME
: C’est sa locataire.
;MONSIEUR
:Elle est chilienne ?
;MADAME
: Vietnamienne.
;MONSIEUR
:Quel rapport avec le Chili alors ?
;MADAME
: Elle s’était réfugiée au Chili sous Pinochet.
;MONSIEUR
:Pinochet ?
;MADAME
: Elle fuyait le régime communiste et elle a atterri au Chili.
;MONSIEUR
:Et qu’est-ce qu’elle fout ici ?
;MADAME
: A la chute de Pinochet, elle a fui le Chili de peur du retour des communistes au pouvoir, elle s’est réfugiée au Pakistan ...
;MONSIEUR
:Elle fait aussi la cuisine pakistanaise ?
;MADAME
: Ça je ne sais pas, je demanderai à l’Espagnole.
;MONSIEUR
:Comment elle s’est retrouvée dans notre immeuble ?
;MADAME
: Là-bas, au Pakistan elle est devenue secouriste, elle a sauté sur une mine à la frontière afghane. Elle a été soignée en France et, depuis sa sortie de l’hôpital, l’Espagnole lui loue une de ses chambres de bonne.
;MONSIEUR
:Elle travaille ?
;MADAME
: L’Espagnole ?
;MONSIEUR
:Non, la Viet ?
;MADAME
: Elle n’a pas de papiers, et, en plus, elle est handicapée. Faut la voir grimper ses sept étages sur une seule jambe !
;MONSIEUR
:Putain... tu parles d’une vie !
;MADAME
: Tu trouves aussi ?
//Silence long et intense.//
!!!!!Jean-Claude Grumberg - Moi je crois pas
!L’Etreinte
{{center{
[img(40%,)[http://1.bp.blogspot.com/-Q-pIXsWLKvw/UhHga5_mSrI/AAAAAAAAEkI/EO0v7ZZ1onM/s400/915510473033_NETZIvIR_l.jpg]]
Mon bras pressait ta taille frêle
Et souple comme le roseau:
Ton sein palpitait comme l’aile
D’un jeune oiseau.
Longtemps muets, nous contemplâmes
Le ciel où s’éteignait le jour.
Que se passait-il dans nos âmes?
Amour! Amour!
Comme un ange qui se dévoile,
Tu me regardais, dans la nuit,
Avec ton beau regard d’étoile,
Qui m’éblouit.
}}}
!L’HIVER ET GEORGES, SON COMPLET
;UN
:Non, je vous en prie, ne retirez pas vos gants.
;DEUX
:Non. C’était un geste machinal. Je ne pourrais pas les retirer, ils sont cousus au bout de mes manches.
;UN
:Ne retirez pas votre manteau non plus.
;DEUX
:Je vais tout de même dénouer le cordon de mon bonnet, d’une part parce qu’il empêche mes cordes vocales de fonctionner librement, et d’autre part à cause de l’acoustique.
;UN
:Oui, ça bouche les oreilles, ce genre de bonnet, surtout quand on le bourre de coton.
;DEUX
:Si vous le permettez, je vais mettre mon coton sur votre radiateur, pour qu’il soit bien chaud au moment de partir.
;UN
:Je vous en prie. Mais je ne vois pas votre femme.
;DEUX
:Elle est restée à la maison. Faut quelle tricote. Ce matin, c’est elle qui m’a fait remarquer que c’était le 22 décembre. Je dormais, elle me secoue, elle me dit :« Tu remarques rien de spécial ? — Non !
:— Eh bien mon vieux, ça y est, on est en hiver. »
:Bigre, j’ai dit ! Un peu plus, je ne m’en apercevais pas. Cinq minutes après, elle était à son tricot.
;UN
:Faut pas plaisanter, avec l’hiver. Surtout que cette année, c’est un hiver sournois. Si on ne savait pas que c’est l’hiver, on se croirait en automne.
;DEUX
:Tout de même, il a beau ne pas faire très froid, vous avez le nez rouge.
;UN
:Ah, moi, je n’attends pas qu’il fasse froid. Chaque année, le 22 décembre, quelle que soit la température, je mets mon nez au rouge, et il y reste jusqu’au mois de mars. Comme ça, je suis tranquille. Qu’est-ce que c’est que cette ficelle que vous tirez ? à votre boutonnière.
;DEUX
:C’est une ficelle de réglage thermique. Quand je suis dans un endroit chaud, je la tire. Ça relève une de mes flanelles. J’ai comme ça un cordon de tirage par flanelle, sauf pour la dernière flanelle, qui est fixe, bien entendu.
;UN
:Vous devriez les tirer toutes, il fait très chaud.
;DEUX
:Oui. Mais il faut que je vérifie le mécanisme. Depuis l’année dernière, il y a sûrement les poulies qui ont joué... c’est des poulies en bois. J’ai deux flanelles qui ne marchent pas. Et puis tout à l’heure, en tirant sur la troisième ficelle, j’ai entendu la doublure de mon veston qui se déchirait. Une belle doublure en phoque, vous pensez si j’étais content. Tout ça, ça a besoin d’une révision complète.
;UN
:Quand même, vous êtes bien équipé. Vous ne devez jamais vous enrhumer avec ça.
;DEUX
:Je m’enrhume comme tout le monde. Ça n’a aucun rapport. Ce n’est pas un équipement contre le rhume, c’est un équipement contre l’hiver.
;UN
:J’ai déjeuné avec Georges, à midi. Il vient d’acheter un complet Marron qui lui va très bien.
;DEUX
:Il aurait mieux fait de s’acheter un pardessus.
;UN
:Non ! Vous ne savez pas ce que c’est qu’un complet Marron ? Marron, c’est le nom du fabricant. C’est tout nouveau. Avec un complet Marron, plus de pardessus, plus de flanelles.
;DEUX
:C’est fait avec un tissu spécial ?
;UN
:Non, mais il y a le chauffage central individuel.
;DEUX
:Dans le complet ?
;UN
:Oui. Ça marche au mazout. Réglage automatique naturellement. A chaque fois que le complet se refroidit, on entend
:pouf ! C’est le mazout qui s’allume. Ça a fait pouf huit fois, pendant le déjeuner. Remarquez, Georges, avec sa maladie de cœur, c’est pas très indiqué. Mais pour avoir chaud, il avait chaud. Et puis, très élégant, comme ligne. Faut rester debout, mais ça vous habille bien.
;DEUX
:Georges est resté debout pendant tout le déjeuner ?
;UN
:Oui. On peut pas s’asseoir. Quand on a vraiment envie de s’asseoir, il faut démonter le pantalon. C’est une opération qui demande du temps, et puis, on ne peut pas faire ça partout.
;DEUX
:Enfin, l’essentiel, pour Georges, c’est qu’il ait bien chaud.
;UN
:Il passera sûrement un hiver très confortable, avec son complet Marron.
;DEUX
:Marron ! Quel drôle de nom. À propos de marron, vous savez, le marronnier glacé que j’avais planté dans mon jardin ? Un marron, j’ai récolté dessus, et encore ! Il n’était pas glacé parce qu’il paraît que je l’ai cueilli trop tôt.
;UN
:C’est délicat, comme culture. On m’a dit que la plupart du temps, ceux qu’on trouve dans le commerce sont tout bonnement des marrons ordinaires, qu’on fait glacer artificiellement.
;DEUX
:Bobard, bobard. Moi, on m’a dit mieux. On m’a dit : Monsieur, c’est bien simple, il n’y a plus de saisons.
;UN
:Tiens ! Je voudrais bien savoir qui les a supprimées.
;DEUX
:Il y a tout de même bien quelque chose qui commence, le 22 décembre ! Si c’est pas l’hiver, qu’est-ce que c’est ?
;UN
:Les gens sont tous pareils. Depuis la contraception libre, ils s’imaginent que n’importe quoi peut être supprimé à volonté. Le service militaire, les saisons, l’imparfait du subjonctif, l’Europe, la diarrhée des nourrissons, le Père Noël, tout.
;DEUX
:Pourtant, pas besoin d’être de mauvaise humeur pour se rendre compte que c’est l’hiver, depuis ce matin. C’est des choses qui se sentent. Tout à l’heure, je passais devant un panier d’huîtres. D’habitude, je ne les regarde même pas. Eh bien ce soir, je me suis arrêté devant, parce que c’était l’hiver. Et je me suis dit
:Ah, les pauvres bêtes ! Toutes fermées, toutes repliées sur elles-mêmes ! Elles se croient bien à l’abri. C’est triste. Avez-vous déjà pensé à ce que doit être le gel, pour une huître ?
;UN
:Non. C’est affreux.
;DEUX
:Ah, on a de la chance d’être des animaux à température constante.
;UN
:Et puis, équipés, en plus ! Ah, les pauvres petites bêtes. Et toutes pleines d’eau, j’en suis sûr !
;DEUX
:Ça fait trop mal ; l’hiver, il ne faut pas penser aux huîtres.
;UN
:Qu’est-ce que je vous disais ! Vous voyez bien qu’ü existe, le gobe-douille, puisqu’il vient de claquer !
LA PLUIE
;UN
:Je ne la supporte pas.
;DEUX
:Pourquoi ?
;UN
:Je ne sais pas.
;DEUX
:Vous avez toujours été comme ça ?
;UN
:Depuis tout petit.
;DEUX
:Et vous n’avez jamais essayé ?
;UN
:De sortir sous la pluie ? Si, plusieurs fois. Mais je ne supporte pas.
;DEUX
:Question d’éducation. Vos parents auraient dû vous forcer.
;UN
:Non. C’est plutôt une question de tempérament. Vous-même, il y a sûrement des choses que vous ne supportez pas.
;DEUX
:Bien sûr. Le feu, par exemple. A aucun prix je ne me promènerais dans une forêt qui flambe. Mais moi, je sais pourquoi.
;UN
:Ce n’est pas du tout comparable.
;DEUX
:Non, parce que le feu, même si on m’y forçait... Tandis que vous, la pluie, si vous le vouliez vraiment... je suis sûr que vous supporteriez très bien de vous promener dessous.
;UN
:Oui, bien sûr, comme tout le monde. Simple* ment je préfère attendre qu’il fasse beau.
;DEUX
:Moi aussi, je préfère attendre qu’il fasse beau !
;UN
:Mettons que j’ai une préférence exagérée pour attendre qu’il fasse beau.
;DEUX
:Mais enfin, la pluie, vous avez quelque chose de spécial à lui reprocher, à la pluie ?
;UN
:Moi, non. Je l’aime bien, la pluie. C’est joli. Ça fait un bruit que j’aime bien. Ça fait du bien aux fleurs. Ce que je n’aime pas, c’est me promener dessous.
;DEUX
:Mais moi non plus je n’aime pas me promener sous la pluie. Faut toujours que vous vous preniez pour quelqu’un d’exceptionnel ! Personne n’aime ça I Mais tout le monde supporte.
;UN
:Eh bien moi, j’ai une façon particulière de ne pas aimer ça
:je ne supporte pas.
;DEUX
:Tout ça n’est pas très clair. Voyons. Voulez-vous que nous fassions une petite expérience ? Vous êtes dans la campagne. Vous êtes cerné. Vous avez à droite une forêt qui flambe, et à gauche, il commence à pleuvoir. Qu’est-ce que vous faites ?
;UN
:J’attends que ça s’arrête.
;DEUX
:Ça ne s’arrête pas. Il faut choisir. Qu’est-ce que vous choisissez ?
;UN
:Je choisis la pluie. Bien sûr. Mais sans joie
;DEUX
:Pourtant, vous m’avez dit que vous l’aimiez bien, la pluie.
;UN
:Je l’aime bien, oui. Mais de loin.
;DEUX
:Vous êtes un drôle de type.
;UN
:Non, je ne suis pas un drôle de type. Il y a des choses qu’on aime, mais pas de trop près. Le feu, par exemple, que vous ne supportez pas, je suis sûr que vous l’aimez bien.
;DEUX
:Bien sûr, je l’aime bien. J’aime bien allumer ma pipe avec... J’aime bien faire cuire mes nouilles avec...
;UN
:Mais vous n’aimez pas vous promener dedans. Eh bien moi, la pluie, je n’aime pas me promener dessous. C’est pareil.
;DEUX
:Non, ce n’est pas pareil, le feu. Parce que le feu ça brûle, figurez-vous. Et à la longue ça tue.
;UN
:On dit ça aussi de l’alcool. Ça ne vous empêche pas d’en boire.
;DEUX
:L’alcool, ça tue à la longue, oui ; mais pas à la même longue que le feu. Pour le feu, c’est une longue plus courte.
;UN
:Une longue plus courte ! c’est vague.
;DEUX
:Enfin, je veux bien que, le feu et l’alcool, c’est pareil, puisqu’ils brûlent tous les deux. Mais la pluie, ça ne brûle pas.
;UN
:Non, mais ça mouille.
;DEUX
:C’est pas la pluie qui mouille, c’est l’eau.
;UN
:Mais la pluie, c’est de l’eau qui tombe. L’eau, pour qu’elle mouille, faut qu’elle tombe. De l’eau qui se contente de couler, par exemple, ça ne mouille pas les gens qui se promènent le long.
;DEUX
:Oui. Les rivières, pour qu’elles mouillent, il faut tomber dedans.
;UN
:Tomber. Voilà. Pour qu’on soit mouillé, faut toujours que quelque chose tombe. Ou bien c’est l’eau qui tombe sur vous, ou bien c’est vous qui tombez dans l’eau. Dans les deux cas, il y a une chute... C’est à se demander, si ce ne serait pas la chute qui mouille.
;DEUX
:Oui... Mais pas n’importe quelle chute. Que ce soit un pavé, par exemple, qui vous tombe sur la tête, ou que ce soit vous qui tombiez dans la cage de l’escalier, dans les deux cas vous restez sec. Pour qu’une chute mouille, il faut qu’il y ait de l’eau dedans.
;UN
:Faut que je note ça sur mon carnet. « Pour être mouillé, il faut 1) de l’eau, 2) une chute. » Ça va loin, ça.
;DEUX
:Je pense bien... Ainsi, ce qui vous dérange dans la pluie, ce n’est pas quelle tombe. C’est quelle mouille.
;UN
:Ah ben
:voilà !... Encore que... attention ! Ça me dérange dans le cas où je me promène dessous. Ce que je ne supporte pas quelle mouille, la pluie, c’est moi. Pour le reste, elle peut bien mouiller tout le monde... comme disait Lucrèce, ça m’est égal.
;DEUX
:Et si la pluie ne mouillait pas, vous accepteriez volontiers de vous promener dessous.
;UN
:Certainement. Si elle ne mouillait pas...
;DEUX
:Bon. Alors ce n’est pas la pluie qui vous gêne.
;UN
:C’est quoi.
;DEUX
:C’est d’être mouillé.
;UN
:D’être mouillé, qui me gêne... oui.
;DEUX
:Par n’importe quoi. Que ce soit la pluie ou autre chose, ça vous est bien égal.
;UN
:Je crois, en effet. Que ce soit par la pluie ou par autre chose, je n’aime pas être mouillé.
;DEUX
:Alors je suppose que vous ne vous lavez jamais.
;UN
:Si. Tous les jours.
;DEUX
:Mais sans vous mouiller.
;UN
:Si, bien sûr. En me mouillant. Avec de l’eau, je peux pas faire autrement.
;DEUX
:Alors, vous ne supportez pas ?
;UN
:Si.
;DEUX
:Pourquoi ?
;UN
:Vous avez beau dire. Une douche et une averse, c’est différent.
;DEUX
:En quoi est-ce différent ?
;UN
:Une averse et une douche ? Eh bien en ceci, que la douche, je la reçois quand je suis tout nu.
;DEUX
:Ah bon. Alors, ce que vous n’aimez pas, dans la pluie, c’est qu’elle vous mouille quand vous êtes habillé.
;UN
:Voilà. Je n’aime pas ça.
;DEUX
:C’est bizarre. Ainsi, quand vous êtes tout nu, ça vous est égal de vous promener sous la pluie.
;UN
:Oui. Enfin... Je veux dire... En réalité, ça ne m’est jamais arrivé.
;DEUX
:Jamais ?
;UN
:Non, jamais.
;DEUX
:Pourquoi ?
;UN
:Eh bien,... je suppose que c’est à cause de la police...
;DEUX
:Voilà! Vous voyez ce qu’on découvre, quand on s’efforce de raisonner un peu. Vous dites :« Je n’aime pas la pluie », et en réalité qu’est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire tout simplement que voui craignez la police. Il n’y a pas de honte à ça. Mail pourquoi ne pas l’avoir dit tout de suite ?
;UN
:Que je crains la police ?
;DEUX
:Puisque c’est ça qui est vrai !
;UN
:Eh bien, je vous le dis
:je crains la police.
;DEUX
:Oui. Eh bien voilà une vérité qui n’est pas tellement claire. Car enfin
:encore faudrait-il savoir pourquoi vous craignez la police...
;UN
:Attendez, attendez ! La police, je ne la crains pas continuellement. Je la crains quand j’ai envie de sortir et que j’aimerais bien sortir tout nu, parce qu’il pleut.
;DEUX
:Vous craignez la police quand il pleut.
;UN
:Oui.
;DEUX
:Et quand il ne pleut plus, elle cesse de vous faire peur.
;UN
:La police ? Ben oui... logiquement.
;DEUX
:Alors, rien ne vous empêche de vous promener tout nu quand il fait beau ?
;UN
:Rien.
;DEUX
:Ah ha !
;UN
:Ou plutôt si. Quelque chose encore m’en empêche.
;DEUX
:Ça ne peut pas être la pluie
:nous avons supposé qu’il fait beau.
;UN
:Non. Ce doit être encore la police.
;DEUX
:Encore la police. Vous voyez donc qu’elle vous fait peur même quand il ne pleut pas.
;UN
:C’est vrai. Qu’il pleuve ou qu’il fasse beau, c’est pareil, la police me fait peur tout le temps.
;DEUX
:Et c’est cette peur de la police qui vous fait craindre qu’il ne se mette à pleuvoir sur vous.
;UN
:Oui. Je crois que vous l’avez démontré. Me voilà propre.
;DEUX
:Finalement, vous aviez sans doute raison
:vous devez être un peu exceptionnel. C est drôle que la police vous fasse peur, comme ça...
;UN
:Oui. Surtout que je ne crois pas quelle le fasse exprès.
;DEUX
:C’est bien ce que je pense. Ça ne vient pas d’elle, ça vient de vous.
;UN
:Non. Parce que si la police n’était pas là, je n’aurais pas peur de la police.
;DEUX
:Vous êtes sûr ?
;UN
:Oui.
;DEUX
:Vous n’avez pas peur quand la police n est pas là ?
;UN
:Non.
;DEUX
:En ce moment, par exemple, la police n’est pas là...
;UN
:Non.
;DEUX
:Hou !
;UN
:Ah ! vous m’avez fait peur.
;DEUX
:Vous voyez. Vous avez eu peur quand même. Pourtant je ne suis pas de la police.
;UN
:Non. deux
:Alors ?
;UN
:Alors...
;DEUX
:Alors vous avez eu peur parce que...
;UN
:Parce que...
;DEUX
:Parce que vous êtes peureux, voilà tout I Pourquoi ne pas l’avoir dit tout de suite, au lieu d« faire l’intéressant ?
;UN
:Je ne sais pas... je ne sais pas...
;DEUX
:Vous ne savez jamais rien.
;UN
:Je suppose que c’est parce que j’ai honte d’être peureux.
;DEUX
:Ça se soigne, ça.
;UN
:Vous croyez ?
;DEUX
:Pourquoi n’achèteriez-vous pas un parapluie, par exemple.
;UN
:Un parapluie ! Comme ils en ont dans la police, avec un melon ?
;DEUX
:Non, comme le mien. Où est-ce que je l’ai mis ?
;UN
:Vous n’en avez pas besoin. Il ne pleut plus. Parce que, voyez-vous, contre la pluie, il n’y a pas que les parapluies. Il y a aussi la patience.
;DEUX
:La patience, ça se perd plus facilement qu’un parapluie.
;UN
:Et pourtant, il en faut, quand on a perdu son parapluie, de la patience. Mais quand vous aurez perdu la patience, c’est pas avec un parapluie que vous la retrouverez.
;DEUX
:C’est avec quoi, que je la retrouverai, ma patience ?
;UN
:Avec de la patience.
!!!!!Roland Dubillard - Les diablogues et autres inventions à deux voix
!^^Luigi Pirandello
^^L’HOMME LA BÊTE ET LA VERTU
;Paolino (sous menace de mort) //(Garçon)//
Vous m’insultez ! Je suis un homme honnête, moi ! Je suis un homme de conscience, moi !
Je suis un homme, sachez-le, qui peut arriver à se trouver, bien sûr –sans le vouloir- dans une situation désespérée. Oui !
Mais ce n’est pas vrai, pas vrai que je voudrais me servir des femmes des autres.
Parce que s’il en était ainsi, je ne vous aurais pas dit ce que je viens de vous dire, qu’un mari ne devrait jamais négliger sa femme.
Et j’ajoute maintenant qu’un mari qui néglige sa femme commet, selon moi, un crime !
Et pas rien qu’un !
Plusieurs crimes !
Oui parce que non seulement il oblige sa femme à manquer à ses devoirs en envers elle-même, envers son honnêteté,
mais parce qu’il peut aussi obliger un homme, un autre homme, à être malheureux toute sa vie.
Eh oui !
!^^Prosper Mérimée
^^L’OCCASION
;Dona Francisca
Tout ce que j’apprenais de lui me le faisait aimer chaque jours d’avantage.
J’étais sûre qu’il m’aimait.
Toutefois il se faisait un scrupule de m’avouer sa passion.
Je résolus donc à lui parler la première et de s’obliger de se déclarer.
Souvent, j’amenais une conversation détournée, afin d’amener de bien loin le mot amour et quand venait le moment de prononcer le mot magique,
je manquais de courage et je n’osais.
Enfin, un soir, nous dansions dans le jardin, et lui, debout, adossé contre un arbre nous regardait.
En tournant devant lui, une fleur qui était dans mes cheveux tomba à ses pieds.
D’abord il ne fit pas semblant de s’en apercevoir,
mais il laissa tomber son mouchoir négligemment sur la fleur,
puis il se baissa pour le ramasser
et
il ramassa la fleur en même temps.
!L’OURS - Tchékov (extrait)
;MME POPOVA
{{did{ Elle entre tenant la main le portrait de son mari. Elle s'assied et contemple le portrait avec une infinie tendresse, en s'apitoyant sur elle-même.}}}
:Ma vie est finie… Il est dans la tombe ; moi, je me suis enterrée entre quatre murs… {{did{Regard dans le vide, avec des trémolos dans la voix. }}}Nous sommes morts tous les deux. depuis que Nicolaï Mikhaïlovitch est mort, la vie a perdu pour moi tout son prix. {{did{Elle embrasse tendrement l'image. }}}Il te semble que je vis ; mais ce n’est qu’en apparence. J’ai fait le serment de ne jamais quitter ce deuil, et de ne pas voir le monde jusqu’à ma tombe… Il y a plus d’un an que je ne suis pas sortie de la maison… Et je n’en sortirai jamais… Pour quoi faire ? {{did{Elle va pour remettre le portrait à sa place. }}}
://Brusque coup de sonnette.//
;MME POPOVA
://tressaillant//. – Qu’est-ce ? {{did{Se tournant vers l'entrée, d'une voix lasse et tragique. }}}Dis que je ne reçois personne.
;VOIX
:Madame, il y a là quelqu’un qui vous demande. Il veut vous voir.
;MME POPOVA
: {{did{Comme exaspérée. }}} Mais tu as __dit__ que depuis la mort de mon mari je ne recevais personne ?
;VOIX
:Je l’ai dit, mais il ne veut rien entendre ; il dit que c’est une affaire très urgente.
;MME POPOVA
:Je-ne-re-çois-pas !
;VOIX
:Je le lui ai dit, mais… c’est un vrai diable… Il jure et file tout droit dans les chambres ; il est déjà dans la salle à manger.
;MME POPOVA
://irritée//. – Bien ; {{did{Elle se rajuste, et se tient droite face à la porte d'entrée. }}} fais-le entrer… {{did{Elle gronde pour elle-même. }}}Comme ils sont grossiers !
;SMIRNOV
://(Avec dignité, voyant M me Popova.)// {{did{Droit, raideur militaire. }}}Madame, j’ai l’honneur de me présenter : lieutenant d’artillerie en retraite Grigori Stepanovitch Smirnov. Je suis contraint de vous déranger pour une affaire très sérieuse…
;MME POPOVA
://sans lui tendre la main.// – {{did{ Rogue, avec hauteur. }}}Que désirez-vous ?
;SMIRNOV
:Feu votre mari, que j’ai eu l’honneur de connaître, est resté me devoir douze cents roubles en deux billets. {{did{ Posture de celui qui donne un ordre. }}}Comme je dois payer demain des intérêts à la Banque territoriale, je vous prierai, madame, de me donner cet argent aujourd’hui même.
;MME POPOVA
:Douze cents roubles… Et pourquoi mon mari vous les devait-il ?
;SMIRNOV
:Pour un achat d’avoine.
;MME POPOVA
:Si Nicolaï Mikhaïlovitch vous doit, il va de soi que je vous paierai, mais, excusez-moi, s’il vous plaît ; aujourd’hui, je n’ai pas d’argent disponible. Après-demain, mon intendant reviendra ; je lui ordonnerai de vous payer ce qui est dû ; pour l’instant, je ne puis satisfaire votre désir… {{did{ Prenant sa posture de tragédienne. }}}Il y a exactement sept mois aujourd’hui que mon mari est mort et je ne suis pas du tout en état de m’occuper d’affaires d’argent
{{did{ Ils se font face, de profil, chacun à une extrémité de la scène. }}}.
;SMIRNOV
:Et moi, si je ne paie pas les intérêts demain, on saisira ma terre !
;MME POPOVA
:Après-demain, vous aurez votre argent.
;SMIRNOV
{{did{ Avançant d'un pas. }}}
:J’ai besoin d’argent aujourd’hui, et non après-demain.
;MME POPOVA
{{did{ Avançant d'un pas. }}}
:Excusez-moi ; aujourd’hui, je ne puis vous payer.
;SMIRNOV
:Et moi, je ne puis pas attendre jusqu’après-demain.
;MME POPOVA
:Que faire, si je n’ai rien à présent !
;SMIRNOV
{{did{ Avançant d'un pas. }}}
:Vous ne pouvez pas payer ?
;MME POPOVA
{{did{ Avançant d'un pas, ils sont maintenant front à front. }}}
:Je ne peux pas…
;SMIRNOV
:C’est votre dernier mot ?
;MME POPOVA
:Le dernier.
;SMIRNOV
:Absolument ? le dernier ?
;MME POPOVA
:Absolument. {{did{ Elle tourne les talons, prend du champ, et lui lance de loin. }}}J’ai dit clairement, il me semble, que, dès que mon intendant rentrera, vous serez payé.
;SMIRNOV
{{did{ Faisant deux enjambées dans sa direction, et la pointant d'un doigt menaçant. }}}
:Je ne suis pas venu trouver votre intendant, mais vous !
;MME POPOVA
:Excusez, monsieur, je ne suis pas habituée à ce ton… Je ne vous écoute plus. //Elle sort rapidement.//
;SMIRNOV
{{did{ Il pivote sur les talons, face au public. }}}
:Voyez un peu ! Son état d’esprit ! Sept mois que son mari est mort !…
:{{did{ Un pas vers le public. }}}Mais moi, dois-je payer les intérêts, oui ou non ? Je vous le demande : dois-je payer les intérêts ?…
{{did{ Il tourne en rond, furieux, bousculant ce qui se trouve sur son passage. }}}
:Je ne permettrai pas qu’on se moque de moi, que diable ! Je reste et resterai ici jusqu’à ce qu’elle me paie ! Brrr !… {{did{ Crescendo. }}}Comme je suis furieux aujourd’hui ! Comme je suis furieux ! De colère, toutes mes artères tremblent ; et la respiration me manque. Fil. Il suffoque et chancelle. }}}Mon Dieu, je me trouve même mal !
:Ouf ! //( Il s’assied et s’examine.)// Il n’y a pas à dire, j’ai une jolie figure ! Couvert de poussière ; des bottines sales ; pas lavé; pas coiffé ; sur mon gilet de la paille… La petite dame m’a sans doute pris pour un brigand. //( Il bâille.)// Ce n’est guère poli de se montrer dans un salon sous un pareil aspect, mais qu’importe !… Je ne suis pas un invité, mais un créancier. {{did{ D'une voix forte. }}}Pour les créanciers, il n’y a pas de tenue obligatoire…
: {{did{ Crescendo maxissimo. }}}Ah ! comme je suis en colére, comme je suis en colère !
;MME POPOVA
://Elle entre en baissant les yeux//. – Monsieur, dans ma solitude je me suis depuis longtemps déshabituée de la voix humaine et je ne supporte pas les cris ; je vous prie instamment de ne pas troubler mon repos.
;SMIRNOV
{{did{ Il avance d'un pas. Ils sont maintenant face à face, de profil par rapport au public, campés sur leurs positions, en combat de coq. }}}
:Donnez-moi mon argent et je partirai.
;MME POPOVA
:Je vous ai dit, en langue russe, que je n’en avais pas de disponible pour l’instant ; attendez jusqu’après-demain.
;SMIRNOV
:J’ai eu aussi l’honneur de vous dire, en langue russe, que j’avais besoin d’argent aujourd’hui, et pas après-demain ; si vous ne me payez pas aujourd’hui, demain je serai obligé de me pendre.
;MME POPOVA
:Mais que faire, si je n’ai pas d’argent ?… {{did{ Grimace à part, face au public. }}}Comme c’est étrange !…
;SMIRNOV
:Alors vous ne me paierez pas sur-le-champ ? Non ?
;MME POPOVA
:Je ne peux pas…
;SMIRNOV
:En ce cas je reste ici, jusqu’à ce que je touche… //( Il s’assied.)// Vous ne paierez qu’après-demain ? Fort bien ! Jusqu’après-demain, je resterai comme cela. Voilà… //
{{did{ Un temps. Il se défient du regard. }}}
( Il bondit.)// Je vous le demande : dois-je, oui ou non, payer demain des intérêts ?… Ou pensez-vous que je plaisante ?
;MME POPOVA
: {{did{Elle crie. }}}Monsieur, je vous prie de ne pas crier ! Vous n’êtes pas dans une écurie !
;SMIRNOV
:Je ne vous parle pas d’écurie, mais de ceci : dois-je, oui ou non, payer demain des intérêts ?…
;MME POPOVA
:Vous ne savez pas vous tenir en société féminine !
;SMIRNOV
:Bien sûr que si !
;MME POPOVA
{{did{ Elle crache sa salve. }}}
:Non, vous ne savez pas !
:Vous êtes un homme mal élevé, grossier !
:Les gens comme il faut ne parlent pas ainsi aux femmes !
;SMIRNOV
:Ah ! l’étonnante chose ! Comment voulez-vous qu’on vous parle ? En français ?… //(Il se fâche et zézaie.)// Madame, jé vous pri (3)… Comme je suis heureux que vous ne me rendiez pas mon argent… Ah ! pardon(4) de vous avoir dérangée ! Quel temps magnifique aujourd’hui. Et ce deuil vous va si bien ! Il s’incline et joint les talons.
;MME POPOVA
:Ce n’est pas spirituel, et c’est grossier.
;SMIRNOV
://la contrefaisant//. – Pas spirituel et grossier !
:Je ne sais pas me tenir en société féminine !
:Madame, dans ma vie, j’ai vu bien plus de femmes que vous n’avez vu de moineaux !
:Je me suis battu trois fois en duel pour des femmes ; j’ai quitté douze femmes ; neuf autres m’ont lâché.
:Oui !
:Il fut un temps où j’étais stupide ; j’étais sucré comme du miel, doux comme du lait d’amandes ; je me déroulais comme des perles ; je joignais les talons… J’aimais ; je souffrais ; je soupirais sous la lune ; je me liquéfiais ; je fondais ; je devenais glacé… J’aimais passionnément, avec rage, de toutes les manières, que le diable m’emporte !… Je parlais comme une pie de l’émancipation des femmes ; les sentiments tendres m’ont coûté la moitié de ma fortune.
:Mais maintenant, votre humble serviteur !
:Maintenant, on ne me trompera pas ! Suffit !
:Yeux noirs, yeux passionnés, lèvres rouges, fossettes aux joues, lune, « murmure, respiration craintive(5) », pour tout cela, madame, je ne donnerai pas désormais un rouge liard !
:Exception pour les personnes présentes, mais toutes les femmes, petites ou grandes, sont des mijaurées, des maniérées, des cancanières, haineuses, menteuses jusqu’à la moelle des os, frivoles, mesquines, sans pitié, d’une logique révoltante et, en ce qui concerne cela //( il se touche le front)//, pardonnez ma sincérité : un quelconque moineau peut rendre des points à une philosophe en jupons !
{{did{ Il la regarde, satisfait de sa charge. Elle est tout estomaquée. Il reprend. }}}
:Regardez une créature poétique ;
::c’est de la mousseline, de l’éther, une demi-déesse, un million d’enchantements ;
:mais jetez un coup d’œil dans son âme…
::c’est un crocodile ordinaire !
//( Il prend une chaise par le dossier ; le dossier craque et se casse.)//
:Et le plus révoltant, c’est que ce crocodile s’imagine que son chef-d’œuvre, son privilège et son monopole, ce sont les sentiments tendres !
:Mais que le diable me prenne tout entier et que l’on me pende à ce clou les pieds en l’air, est-ce qu’une femme sait aimer qui que ce soit, hormis les petits chiens ?…
:En amour, elle ne sait que pleurer et se lamenter. Où l’homme souffre et se sacrifie, son amour à elle ne se traduit qu’en ce qu’elle joue de sa traîne et tâche de nous prendre très fort par le nez.
:Vous avez le malheur d’être femme ; vous connaissez par vous-même la nature féminine : dites-moi, en conscience, si vous avez vu dans votre vie une femme qui soit sincère, fidèle et constante ?… {{did{ La fureur monte aux joues de Madame Popova. }}}
:Vous n’en avez pas vu ?…
:Seules sont fidèles et constantes les vieilles femmes, et les monstres !
:Vous rencontrerez plutôt une chatte à cornes ou une bécasse blanche qu’une femme constante !
;MME POPOVA
: {{did{ Cinglante. }}}Permettez ! Qui donc, selon vous, est fidèle et constant en amour ? Ce ne sont pas les hommes ?
;SMIRNOV
:Si, madame, les hommes !
;MME POPOVA
:Les hommes ! //( Avec un rire méchant.)// L’homme est fidèle et constant en amour ?… Dites, en voilà du nouveau !… //(Avec feu.)// Et quel droit avez-vous de dire cela ? Les hommes sont fidèles et constants !… Si on en vient là, je vous dirai que de tous les hommes que je connais et connaissais, le meilleur était mon mari… Je l’aimais passionnément, de toute mon âme, comme seulement peut aimer une femme jeune et sérieuse. Je lui ai donné toute ma jeunesse, mon bonheur, ma vie, ma fortune ; je ne vivais que pour lui. Je l’adorais comme fait une païenne, et… et quoi ?… Ce meilleur des hommes me trompait de la manière la plus odieuse à chaque pas ! Après sa mort, j’ai trouvé dans sa table un tiroir plein de lettres d’amour ; et, de son vivant, c’est affreux de s’en souvenir, il me laissait seule des semaines entières. Il faisait la cour aux autres femmes sous mes yeux et me trompait. Il dépensait mon argent, se moquait de mon amour…
: {{did{ Elle reprend son souffle, et, d'une voix déchirée }}}Et malgré tout cela, je l’aimais !… Je lui étais fidèle… Il est mort… je lui suis encore fidèle et constante. Je me suis enterrée pour toujours entre quatre murs et ne quitterai plus ce deuil jusqu’à ma mort…
;SMIRNOV
://avec un rire méprisant//. – Le deuil !… Je ne me rends pas compte pour qui vous me prenez !
: Comme si je ne savais pas pourquoi vous portez ce domino noir et vous êtes enterrée entre quatre murs !
:Parbleu, oui ! C’est si mystérieux ! si poétique !
:Vienne à passer par ici un aspirant-officier, ou un poète courtaud, il regardera les fenêtres et pensera : « Ici demeure la mystérieuse Tamara, qui, par amour pour son mari, s’est enterrée entre quatre murs ! »
:Nous connaissons ces manières-là !…
;MME POPOVA
://avec emportement//. – Quoi ?… Comment osez-vous me dire tout cela ?
;SMIRNOV
:Vous vous enterrez vivante, mais vous n’oubliez pas de vous poudrer !
;MME POPOVA
:Comment osez-vous me dire cela ?
;SMIRNOV
:Ne criez pas ; je ne suis pas votre intendant ! Permettez-moi d’appeler les choses par leur nom. Je ne suis pas une femme, et j’ai l’habitude de dire mon avis, tout droit ; veuillez ne pas crier !
{{did{ À nouveau, face-à-face en combat de coqs. }}}
;MME POPOVA
: {{did{ Elle hurle. }}}Je ne crie pas ; c’est vous qui criez ! Veuillez me laisser en paix !
;SMIRNOV
:Donnez-moi mon argent, et je m’en vais.
;MME POPOVA
:Je ne vous donnerai pas d’argent !
;SMIRNOV
:Si, madame, vous m’en donnerez !
;MME POPOVA
:Je ferai exprès de ne pas vous en donner ; vous n’aurez pas un kopeck ! Vous pouvez me laisser la paix !
;SMIRNOV
:Je n’ai pas le plaisir d’être votre époux ou votre fiancé ; ne me faites pas de scènes. //( Il s’assied.)// Je n’aime pas cela.
;MME POPOVA
://étouffant de rage//. – vous vous êtes assis !
;SMIRNOV
:Oui.
;MME POPOVA
:Je vous prie de partir !
;SMIRNOV
:Donnez-moi mon argent… //( À part.)// Que je suis en colère ! que je suis en colère !
;MME POPOVA
:Je n’ai pas envie de tenir conversation avec des insolents ; allez-vous-en !
://( Une pause.)//
:Vous ne vous en irez pas ? Non ?
;SMIRNOV
:Non.
;MME POPOVA
:Non ?
;SMIRNOV
:Non !
;MME POPOVA
:Veuillez vous en aller !
;SMIRNOV
:Soyez plus polie.
;MME POPOVA
://serrant les poings et trépignant//. – Vous êtes un moujik ! Un ours grossier ! Un officier de fortune. Un monstre (6).
;SMIRNOV
:Comment ! Qu’avez-vous dit ?
;MME POPOVA
:J’ai dit que vous étiez un ours, un monstre !
;SMIRNOV
://marchant vers elle//. – Permettez ? Quel droit avez-vous de m’insulter ?
;MME POPOVA
:Oui, je vous insulte ! Et après ? Vous pensez que j’ai peur de vous ?
;SMIRNOV
:Et vous pensez que, parce que vous êtes une créature poétique, vous pouvez insulter les gens impunément ? Oui ? Sur le pré(7) !
;SMIRNOV
:Au pistolet !
;MME POPOVA
:Parce que vous avez de bons poings et un gosier de bœuf, vous croyez que je vous crains ? Quel butor vous êtes !
;SMIRNOV
:Sur le pré ! Je ne permettrai à personne de m’insulter, bien que vous soyez une femme, une faible créature !
;MME POPOVA
://tâchant de crier plus fort//. – Ours ! Ours ! Ours !
;SMIRNOV
:Il est temps de se défaire enfin des préjugés que, seuls, les hommes doivent rendre compte de leurs injures. L’égalité est l’égalité, que diable ! Sur le pré !
;MME POPOVA
:Vous voulez vous battre au pistolet ? À vos ordres !
;SMIRNOV
:À l’instant même !
;MME POPOVA
:À l’instant même ! Mon mari a laissé des pistolets… Je les apporte à l’instant…
://( Elle sort rapidement et reparaît.)//
:Avec quelles délices je planterai une balle dans votre front d’airain ! Que le diable vous emporte !
://Elle sort.//
;SMIRNOV
:Je la tuerai comme un poussin !
,Je ne suis pas un gamin, un blanc-bec sentimental ; pour moi, les faibles créatures n’existent pas ! Se battre, voilà ce qui est de l’égalité, de l’émancipation ! Ici les deux sexes sont égaux ! Je la tuerai par principe !
{{did{ Il fait quelques pas vers l'avant-scène. Avec une admiration croissante. }}}
:Mais quelle femme ! //( Il la contrefait.)// « Que le diable vous emporte ! Je planterai une balle dans votre front d’airain… » Hein !… Elle est devenue rose, ses yeux brillent… Elle a accepté ma provocation… Ma parole d’honneur, c’est la première fois de ma vie que j’en vois une pareille !… Ça, c’est une femme ! Je comprends ça ! Une vraie femme !… ce n’est pas une mollasse, une chiffe ; mais du feu, de la poudre, une fusée ! Il est même dommage de la tuer ! Positivement, elle me plaît ! Positivement !… Malgré ses fossettes aux joues, elle me plaît. Je suis même prêt à lui passer ma dette… ma colère est envolée… C’est une femme étonnante !
;MME POPOVA
://entrant avec les pistolets//. – Voici les pistolets… Mais avant que nous nous battions, vous voudrez bien me montrer comment il faut tirer ; je n’ai de ma vie tenu une arme.
;SMIRNOV
://examinant les pistolets//. – Voyez-vous, il existe plusieurs sortes de pistolets… Il y a, pour le duel, des pistolets spéciaux, à capsules, de Mortimer. Et vous avez là des pistolets du système Smith et Wesson, à triple action, avec extracteur et percussion centrale… Des pistolets magnifiques !… La paire vaut au moins quatre-vingt-dix roubles… Il faut tenir le pistolet ainsi… //( À part.)// Quels yeux, quels yeux ! C’est une femme incendiaire !
;MME POPOVA
:Comme cela ?
;SMIRNOV
:Oui, comme cela… Puis vous levez le chien… Vous visez ainsi… La tête un peu en arrière ! Étendez le bras comme il faut… Voilà… Puis, de ce doigt, vous appuyez sur cette machine, et c’est tout. Seulement, la règle principale est de ne pas s’agiter, et de viser sans se presser… Il faut que la main ne tremble pas.
;MME POPOVA
:Bien… Toutefois il n’est pas commode de se battre dans des chambres ; allons au jardin.
;SMIRNOV
:Allons-y. Mais je vous préviens que je tirerai en l’air.
;MME POPOVA
:Il ne manquait plus que cela ! Pourquoi ?
;SMIRNOV
:Parce que… parce que… C’est mon affaire !…
;MME POPOVA
:Vous avez peur ? Oui ? Aha ! Non, monsieur, ne vous dérobez pas ! Veuillez me suivre ! Je ne me calmerai pas avant d’avoir percé ce front que je déteste tant ! Vous avez peur ?
;SMIRNOV
:Oui, j’ai peur.
;MME POPOVA
:Vous mentez ! Pourquoi ne voulez-vous pas vous battre ?
;SMIRNOV
:Parce que… parce que vous… me plaisez…
;MME POPOVA
://avec un rire méchant//. – Je lui plais ! Il ose me dire que je lui plais ! //(Lui montrant la porte.)// Vous pouvez…
;SMIRNOV
://il pose en silence le pistolet, prend sa casquette et s’en va. Il s’arrête devant la porte. Tous deux se taisent une demi-minute, et se regardent. Puis Smirnov s’approche irrésolument de M me Popova. //
:Écoutez… Vous êtes toujours fâchée ?… Je suis furieux aussi comme le diable, mais comprenez… comment m’exprimer ?… Le fait est, voyez-vous, qu’une histoire de ce genre est, à proprement parler… //( Il crie.)// Eh bien ! oui, est-ce ma faute si vous me plaisez ? //( Il prend une chaise par le dossier ; la chaise craque et se casse.)// Diable, quel meuble fragile vous avez ! Vous me plaisez ! Vous comprenez ? Je… je suis presque amoureux !…
;MME POPOVA
:Éloignez-vous de moi – je vous déteste !
;SMIRNOV
:Dieu, quelle femme ! Je n’ai jamais vu de ma vie rien de pareil ! Je suis perdu ! Je péris ! Je suis tombé comme une souris dans une souricière !
;MME POPOVA
:Éloignez-vous, ou je vais tirer !
;SMIRNOV
:Tirez ! Vous ne pouvez comprendre quel bonheur j’aurai de mourir sous des yeux aussi beaux, de mourir par le pistolet que tient cette main de velours… Je suis fou !… Pensez et décidez tout de suite, parce que, si je m’en vais d’ici, nous ne nous reverrons plus jamais ! Décidez !… Je suis gentilhomme, honnête homme, j’ai dix mille roubles de revenu… j’atteins avec une balle un kopeck lancé en l’air… j’ai d’excellents chevaux… Voulez-vous être ma femme ?
;MME POPOVA
://indignée, le menaçant du pistolet//. – Il faut nous battre ! Sur le pré !
;SMIRNOV
:Je suis fou… Je ne comprends rien. //( Il crie.)// Quelqu’un ! De l’eau !
;MME POPOVA
:criant. – Sur le pré !
;SMIRNOV
:Je suis fou, je suis amoureux comme un gamin, comme un imbécile !
://( Il lui prend la main ; elle crie de douleur.)//
:Je vous aime !
://( Il se met à genoux.)//
:J’aime comme je n’ai jamais aimé ! J’ai quitté douze femmes ; neuf m’ont lâché ; mais je n’ai aimé aucune d’elles comme je vous aime… Je suis flapi, à sec, ramolli… Je suis à genoux comme un imbécile, et j’offre ma main… Honte, turpitude ! Il y a cinq ans que je n’ai été amoureux ; j’ai fait le serment de ne plus l’être ; et tout d’un coup, je vais me planter comme une flèche d’équipage dans le carrosse d’autrui ! Je vous offre ma main. Répondez, oui ou non ? Vous ne voulez pas ? N’en parlons plus ! //Il se lève et va à grands pas vers la porte.//
;MME POPOVA
:Attendez !
;SMIRNOV
://s’arrêtant//. – Eh bien ?
;MME POPOVA
:Rien, partez… Restez !… Non ! partez, partez ! Je vous déteste ! Ou plutôt non… Ne vous en allez pas ! Ah ! si vous saviez comme je suis en colère, comme je suis en colère ! //( Elle jette le pistolet sur la table.)// J’ai les doigts engourdis par cette horreur… //( De colère, elle déchire son mouchoir.)// Pourquoi restez-vous ? Déguerpissez !
;SMIRNOV
:Adieu.
;MME POPOVA
:Oui, oui, partez !… //( Criant.)// Où allez-vous ? Attendez… Allez-vous-en tout de même. Ah ! que je suis en colère ! N’approchez pas ; n’approchez pas !
;SMIRNOV
:s’approchant d’elle. – Comme je suis furieux après moi ! Je suis amoureux comme un lycéen ; je me suis mis à genoux… J’en ai la chair de poule. //( Brutalement.)// Je vous aime ! J’avais bien besoin de tomber amoureux de vous ! Demain, il faut payer les intérêts ; on a commencé à faire les foins, et vous venez… //( Il la prend par la taille.)// Je ne me pardonnerai jamais cela…
;MME POPOVA
:Sur le pré ! À bas les mains ! Je vous déteste… Arrière !
://Baiser prolongé//.
:!!!!!!{{center{RIDEAU}}}
:
@brouillon
{{center{[img(40%,)[Château des Rentiers le 18/1/18|http://preview.ibb.co/fpVr2n/81i_En_Vie.jpg][https://photos.app.goo.gl/msErfTw4U3N4uZMc2]]}}}
/%
|auteur|Jean-Claude Grumberg|
|distribution|Danièle - Jacques|
|temps|05 mn|
|prochaines|?;|
|anciennes|16/1/18_Rentiers;3/18_AveMaria;24/5/18_Éloi;|
%/
!L’EN VIE
//Monsieur; Madame.//
;MONSIEUR
:Moi je crois pas qu’il y ait une vie après la mort.
;MADAME.
:Moi je crois le contraire.
;MONSIEUR
:Tu crois qu’il y a une vie après la mort toi ?
;MADAME
: Je crois le contraire je te dis.
;MONSIEUR
:C’est quoi le contraire ?
;MADAME
: Je ne crois pas qu’il y a une vie AVANT la mort.
;MONSIEUR.
: Qu’est-ce que tu dis ?
;MADAME
: Je ne crois pas qu’il y a une vie avant la mort !
;MONSIEUR
:Ah ben dis donc bravo ! Comme casseuse d’ambiance tu te poses là !
;MADAME
: Quoi, quoi ?
;MONSIEUR
:C’est ça “quoi quoi ?”, fais la conne !
;MADAME
: Parce que je dis le contraire de toi, je suis conne, c’est ça?
;MONSIEUR
:Tu te rends même plus compte de ce que tu racontes alors !
;MADAME
: Quoi, j’ai dit quoi là ?
;MONSIEUR
:Qu’il n’y a pas de vie !
;MADAME
: Avant la mort, oui, et alors ?
;MONSIEUR
:Mais qu’est-ce que qu’on fout là alors ? Qu’est-ce qu’on fout là toi et moi ?
;MADAME
: On discute.
;MONSIEUR
:On vit là, oui ou merde ? On vit !
;MADAME
: Si t’appelles ça vivre...
;MONSIEUR
:Oh j’y crois pas, j’y crois pas ! Je deviens dingue ou quoi !
;MADAME
: Toi tu dis bien qu’il n’y a pas de vie après la mort, je m’énerve pas pour ça.
;MONSIEUR
:C’est ce que je crois, oui oui, il n’y a pas de vie après la mort !
;MADAME
: Eh bien moi, je dis juste qu’il n’y en a pas non plus avant. Je vois pas pourquoi ça doit te faire grimper aux rideaux. Chacun s’exprime, on exprime nos opinions, on est en république non ?
;MONSIEUR
:Mais c’est quoi la vie pour toi alors, c’est quoi ?
;MADAME.
:Autre chose.
;MONSIEUR
:Autre chose que quoi ?
;MADAME
: Que ça.
;MONSIEUR
:Ça quoi?
;MADAME
: Tu m’embêtes à la fin, la prochaine fois je dirai comme toi.
Un temps.
;MONSIEUR
:Tu aimerais voyager ?
;MADAME
: Pour aller où ?
;MONSIEUR
:Je sais pas moi, bouger...
;MADAME
: Bouger pour bouger, merci.
;MONSIEUR
:Alors pour visiter des villes, des pays.
;MADAME
: J’ai fait ça dans le temps.
;MONSIEUR
:Quand?
;MONSIEUR
:Eh bien allons à la campagne, à la mer, à la montagne, est-ce que je sais moi ?
;MADAME
: Si toi tu sais pas, comment veux-tu que je sache ?
;MONSIEUR.
: Aux Indes, en Afrique, en Amérique du Sud ?
;MADAME.
: C’est loin...
;MONSIEUR
:Ben justement, c’est ça qu’est bien : c’est loin !
;MADAME
: Si c’est pour voir la misère partout, la télé me suffit.
;MONSIEUR
:Bon, sortons alors, je sais pas, allons au théâtre, au restau, à l’opéra, au ciné, ou juste en centre-ville faire du shopping.
;MADAME
: Non, c’est gentil, mais non.
;MONSIEUR
:Non?
;MADAME
: Tu sais, faut pas croire, j’aime bien notre train-train.
;MONSIEUR
:Donc c’est la vie qui te convient ? Le cul sur ton divan, le nez collé à ta télé, c’est ça que tu as choisi ?
;MADAME
: J’ai pas choisi, mais ça me convient. Seulement je n’appelle pas ça une vie.
;MONSIEUR
:Putain bordel, mais qu’est-ce que tu espères au juste, qu’est-ce que tu espères ?
;MADAME
: Qu’est-ce que j’espérais...
;MONSIEUR
:D’accord, qu’est-ce que tu espérais ?
;MADAME
: Une vie après la mort, mais comme tu viens de me dire qu’il n’y en a pas, je vois pas ce que je pourrais espérer d’autre. Peut-être de beaux programmes animaliers à la télé, pas si tard le soir... c’est tout. Ça ne serait déjà pas si mal non ?
;MONSIEUR
:Bouh...
;MADAME
: Pourquoi tu fais bouh ?
;MONSIEUR
:J’étouffe.
;MADAME
: Ça va passer.
;MONSIEUR
: Ça passe déjà.
;MADAME
: Tout passe.
;MONSIEUR
:Putain merde !
;MADAME
: Pardon?
;MONSIEUR
:Rien, rien. Parlons d’autre chose tu veux ?
;MADAME
: De quoi veux-tu qu’on parle ?
;MONSIEUR
:Qu’est-ce qu’on bouffe ce soir ?
;MADAME
: Du chili.
;MONSIEUR
:Du quoi?
;MADAME
: Du chili con carne.
;MONSIEUR
:C’est espagnol ?
;MADAME
: Chilien.
;MONSIEUR
:Ah, l’Espingouine fait aussi dans le chilien ?
;MADAME
: C’est sa locataire.
;MONSIEUR
:Elle est chilienne ?
;MADAME
: Vietnamienne.
;MONSIEUR
:Quel rapport avec le Chili alors ?
;MADAME
: Elle s’était réfugiée au Chili sous Pinochet.
;MONSIEUR
:Pinochet ?
;MADAME
: Elle fuyait le régime communiste et elle a atterri au Chili.
;MONSIEUR
:Et qu’est-ce qu’elle fout ici ?
;MADAME
: A la chute de Pinochet, elle a fui le Chili de peur du retour des communistes au pouvoir, elle s’est réfugiée au Pakistan ...
;MONSIEUR
:Elle fait aussi la cuisine pakistanaise ?
;MADAME
: Ça je ne sais pas, je demanderai à l’Espagnole.
;MONSIEUR
:Comment elle s’est retrouvée dans notre immeuble ?
;MADAME
: Là-bas, au Pakistan elle est devenue secouriste, elle a sauté sur une mine à la frontière afghane. Elle a été soignée en France et, depuis sa sortie de l’hôpital, l’Espagnole lui loue une de ses chambres de bonne.
;MONSIEUR
:Elle travaille ?
;MADAME
: L’Espagnole ?
;MONSIEUR
:Non, la Viet ?
;MADAME
: Elle n’a pas de papiers, et, en plus, elle est handicapée. Faut la voir grimper ses sept étages sur une seule jambe !
;MONSIEUR
:Putain... tu parles d’une vie !
;MADAME
: Tu trouves aussi ?
//Silence long et intense.//
!!!!!Jean-Claude Grumberg - Moi je crois pas
<html>
<header class="entry-header" style="box-sizing: inherit; display: block; padding: 0px 82.525px; color: rgb(51, 51, 51); font-family: "Noto Serif", serif; font-size: 21.25px; font-style: normal; font-variant-ligatures: normal; font-variant-caps: normal; font-weight: 400; letter-spacing: normal; orphans: 2; text-align: start; text-indent: 0px; text-transform: none; white-space: normal; widows: 2; word-spacing: 0px; -webkit-text-stroke-width: 0px; background-color: rgb(255, 255, 255); text-decoration-style: initial; text-decoration-color: initial;"><h1 class="entry-title" style="box-sizing: inherit; border: 0px; font-family: inherit; font-size: 2.4rem; font-style: inherit; font-weight: 700; margin: -5px 0px 1px; outline: 0px; padding: 0px; vertical-align: baseline; clear: both; line-height: 1.1667;">L’isolement</h1><div style="box-sizing: inherit; border: 0px; font-family: inherit; font-size: 15.9375px; font-style: italic; font-weight: inherit; margin: 0px 0px 26.4063px; outline: 0px; padding: 0px; vertical-align: baseline;">Alphonse de Lamartine</div></header><div class="entry-content" style="box-sizing: inherit; border: 0px; font-family: "Noto Serif", serif; font-size: 21.25px; font-style: normal; font-weight: 400; margin: 0px; outline: 0px; padding: 8.25px 82.525px 33.0062px; vertical-align: baseline; overflow-wrap: break-word; color: rgb(51, 51, 51); font-variant-ligatures: normal; font-variant-caps: normal; letter-spacing: normal; orphans: 2; text-align: start; text-indent: 0px; text-transform: none; white-space: normal; widows: 2; word-spacing: 0px; -webkit-text-stroke-width: 0px; background-color: rgb(255, 255, 255); text-decoration-style: initial; text-decoration-color: initial;"><p style="box-sizing: inherit; border: 0px; font-family: inherit; font-size: 21.25px; font-style: inherit; font-weight: inherit; margin: 0px 0px 1.6471em; outline: 0px; padding: 0px; vertical-align: baseline;">Souvent sur la montagne, à l’ombre du vieux chêne,<br style="box-sizing: inherit;">Au coucher du soleil, tristement je m’assieds ;<br style="box-sizing: inherit;">Je promène au hasard mes regards sur la plaine,<br style="box-sizing: inherit;">Dont le tableau changeant se déroule à mes pieds.</p><p style="box-sizing: inherit; border: 0px; font-family: inherit; font-size: 21.25px; font-style: inherit; font-weight: inherit; margin: 0px 0px 1.6471em; outline: 0px; padding: 0px; vertical-align: baseline;">Ici, gronde le fleuve aux vagues écumantes ;<br style="box-sizing: inherit;">Il serpente, et s’enfonce en un lointain obscur ;<br style="box-sizing: inherit;">Là, le lac immobile étend ses eaux dormantes<br style="box-sizing: inherit;">Où l’étoile du soir se lève dans l’azur.</p><p style="box-sizing: inherit; border: 0px; font-family: inherit; font-size: 21.25px; font-style: inherit; font-weight: inherit; margin: 0px 0px 1.6471em; outline: 0px; padding: 0px; vertical-align: baseline;">Au sommet de ces monts couronnés de bois sombres,<br style="box-sizing: inherit;">Le crépuscule encor jette un dernier rayon,<br style="box-sizing: inherit;">Et le char vaporeux de la reine des ombres<br style="box-sizing: inherit;">Monte, et blanchit déjà les bords de l’horizon.</p><p style="box-sizing: inherit; border: 0px; font-family: inherit; font-size: 21.25px; font-style: inherit; font-weight: inherit; margin: 0px 0px 1.6471em; outline: 0px; padding: 0px; vertical-align: baseline;">Cependant, s’élançant de la flèche gothique,<br style="box-sizing: inherit;">Un son religieux se répand dans les airs,<br style="box-sizing: inherit;">Le voyageur s’arrête, et la cloche rustique<br style="box-sizing: inherit;">Aux derniers bruits du jour mêle de saints concerts.</p><p style="box-sizing: inherit; border: 0px; font-family: inherit; font-size: 21.25px; font-style: inherit; font-weight: inherit; margin: 0px 0px 1.6471em; outline: 0px; padding: 0px; vertical-align: baseline;">Mais à ces doux tableaux mon âme indifférente<br style="box-sizing: inherit;">N’éprouve devant eux ni charme ni transports,<br style="box-sizing: inherit;">Je contemple la terre ainsi qu’une ombre errante :<br style="box-sizing: inherit;">Le soleil des vivants n’échauffe plus les morts.</p><p style="box-sizing: inherit; border: 0px; font-family: inherit; font-size: 21.25px; font-style: inherit; font-weight: inherit; margin: 0px 0px 1.6471em; outline: 0px; padding: 0px; vertical-align: baseline;">De colline en colline en vain portant ma vue,<br style="box-sizing: inherit;">Du sud à l’aquilon, de l’aurore au couchant,<br style="box-sizing: inherit;">Je parcours tous les points de l’immense étendue,<br style="box-sizing: inherit;">Et je dis : « Nulle part le bonheur ne m’attend. »</p><p style="box-sizing: inherit; border: 0px; font-family: inherit; font-size: 21.25px; font-style: inherit; font-weight: inherit; margin: 0px 0px 1.6471em; outline: 0px; padding: 0px; vertical-align: baseline;">Que me font ces vallons, ces palais, ces chaumières,<br style="box-sizing: inherit;">Vains objets dont pour moi le charme est envolé ?<br style="box-sizing: inherit;">Fleuves, rochers, forêts, solitudes si chères,<br style="box-sizing: inherit;">Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé.</p><p style="box-sizing: inherit; border: 0px; font-family: inherit; font-size: 21.25px; font-style: inherit; font-weight: inherit; margin: 0px 0px 1.6471em; outline: 0px; padding: 0px; vertical-align: baseline;">Que le tour du soleil ou commence ou s’achève,<br style="box-sizing: inherit;">D’un oeil indifférent je le suis dans son cours ;<br style="box-sizing: inherit;">En un ciel sombre ou pur qu’il se couche ou se lève,<br style="box-sizing: inherit;">Qu’importe le soleil ? je n’attends rien des jours.</p><p style="box-sizing: inherit; border: 0px; font-family: inherit; font-size: 21.25px; font-style: inherit; font-weight: inherit; margin: 0px 0px 1.6471em; outline: 0px; padding: 0px; vertical-align: baseline;">Quand je pourrais le suivre en sa vaste carrière,<br style="box-sizing: inherit;">Mes yeux verraient partout le vide et les déserts ;<br style="box-sizing: inherit;">Je ne désire rien de tout ce qu’il éclaire,<br style="box-sizing: inherit;">Je ne demande rien à l’immense univers.</p><p style="box-sizing: inherit; border: 0px; font-family: inherit; font-size: 21.25px; font-style: inherit; font-weight: inherit; margin: 0px 0px 1.6471em; outline: 0px; padding: 0px; vertical-align: baseline;">Mais peut-être au-delà des bornes de sa sphère,<br style="box-sizing: inherit;">Lieux où le vrai soleil éclaire d’autres cieux,<br style="box-sizing: inherit;">Si je pouvais laisser ma dépouille à la terre,<br style="box-sizing: inherit;">Ce que j’ai tant rêvé paraîtrait à mes yeux !</p><p style="box-sizing: inherit; border: 0px; font-family: inherit; font-size: 21.25px; font-style: inherit; font-weight: inherit; margin: 0px 0px 1.6471em; outline: 0px; padding: 0px; vertical-align: baseline;">Là, je m’enivrerais à la source où j’aspire ;<br style="box-sizing: inherit;">Là, je retrouverais et l’espoir et l’amour,<br style="box-sizing: inherit;">Et ce bien idéal que toute âme désire,<br style="box-sizing: inherit;">Et qui n’a pas de nom au terrestre séjour !</p><p style="box-sizing: inherit; border: 0px; font-family: inherit; font-size: 21.25px; font-style: inherit; font-weight: inherit; margin: 0px 0px 1.6471em; outline: 0px; padding: 0px; vertical-align: baseline;">Que ne puis-je, porté sur le char de l’Aurore,<br style="box-sizing: inherit;">Vague objet de mes vœux, m’élancer jusqu’à toi !<br style="box-sizing: inherit;">Sur la terre d’exil pourquoi restè-je encore ?<br style="box-sizing: inherit;">Il n’est rien de commun entre la terre et moi.</p><p style="box-sizing: inherit; border: 0px; font-family: inherit; font-size: 21.25px; font-style: inherit; font-weight: inherit; margin: 0px 0px 1.6471em; outline: 0px; padding: 0px; vertical-align: baseline;">Quand la feuille des bois tombe dans la prairie,<br style="box-sizing: inherit;">Le vent du soir s’élève et l’arrache aux vallons ;<br style="box-sizing: inherit;">Et moi, je suis semblable à la feuille flétrie :<br style="box-sizing: inherit;">Emportez-moi comme elle, orageux aquilons !</p><p style="box-sizing: inherit; border: 0px; font-family: inherit; font-size: 21.25px; font-style: inherit; font-weight: inherit; margin: 0px; outline: 0px; padding: 0px; vertical-align: baseline;">Alphonse de Lamartine,<span> </span><em style="box-sizing: inherit; border: 0px; font-family: inherit; font-size: 21.25px; font-style: italic; font-weight: inherit; margin: 0px; outline: 0px; padding: 0px; vertical-align: baseline;">Méditations poétiques</em></p></div>
</html>
{{center{^^//<<storyViewer amour previous>><<storyViewer amour list>><<storyViewer amour next>>//^^
!L’usurier en amour
!!!!!!//Gabriel-Charles de Lattaignant (1697-1779)//
Vous me devez, depuis deux ans,
Trente baisers des plus charmants,
Je vous les ai gagnés à l’ombre :
J’en veux calculer l’intérêt
Et vous en augment’rez le nombre
Que vous me paierez, s’il vous plaît.
Trente baisers, charmante Iris,
N’étant payés qu’au dernier dix,
Valent bien cinq baisers de rente :
Trente baisers de capital,
Dix d’intérêt joints à ces trente,
Font quarante pour le total.
Acquittez-vous, car il est temps ;
Payez-moi mes baisers comptant,
Et le principal et la rente :
Car sans huissiers, ni sans recors,
Si vous en êtes refusante
Je vous y contraindrai par corps.
}}}
{{homeTitle center{L’ÉCUME DES JOURS Boris Vian}}}
!!XLIV Colin sollicite un poste/%
|Description:|Boris Vian - XLIV Colin sollicite un poste|
%/
>//Colin monta l’escalier, vaguement éclairé par des vitraux immobiles, et se trouva au premier étage. Devant lui, une porte noire tranchait sur la pierre froide du mur. Il entra sans sonner, remplit une fiche et la remit à l’huissier, qui la vida, en fit une petite boule, l’introduisit dans le canon d’un pistolet tout préparé et visa soigneusement un guichet pratiqué dans la cloison voisine. Il pressa la gâchette en se bouchant l’oreille droite avec la main gauche et le coup partit. Il se remit posément à charger son pistolet pour un nouveau visiteur.//
>//Colin resta debout jusqu’à ce qu’une sonnerie ordonnât à l’huissier de l’introduire dans le bureau du directeur.//
>//Il suivit l’homme dans un long passage aux virages relevés. Les murs, dans les virages, restaient perpendiculaires au sol et s’inclinaient, par conséquent, de l’angle supplémentaire, et il devait aller très vite pour garder son équilibre. Avant de se rendre compte de ce qui lui arrivait, il se trouva devant le directeur. Il s’assit, obéissant, dans un fauteuil rétif, qui se cabra sous son poids et ne s’arrêta que sur un geste impératif de son maître.//
;LE DIRECTEUR
:Alors ?…
;COLIN
:Eh bien, voilà !…
;LE DIRECTEUR
:Que savez-vous faire ?
;COLIN
:J’ai appris les rudiments…
;LE DIRECTEUR
:Je veux dire, à quoi passez-vous votre temps ?
;COLIN
:Le plus clair de mon temps, je le passe à l’obscurcir.
;LE DIRECTEUR
://plus bas ://
:Pourquoi ?
;COLIN
:Parce que la lumière me gêne.
;LE DIRECTEUR
://marmonnant//
:Ah !… Hum !… Vous savez pour quel emploi on demande quelqu’un, ici ?
;COLIN
:Non.
;LE DIRECTEUR
:Moi non plus… Il faut que je demande à mon sous-directeur. Mais vous ne paraissez pas pouvoir remplir l’emploi…
;COLIN
:Pourquoi ?
;LE DIRECTEUR
:Je ne sais pas…
://L’air inquiet, reculant un peu son fauteuil. Rapidement ://
:N’approchez pas !…
;COLIN
:Mais… je n’ai pas bougé…
;LE DIRECTEUR
:Oui…, oui…, On dit ça… Et puis…
://Il se pencha, méfiant, vers son bureau, sans quitter Colin des yeux, et décrocha son téléphone qu’il agita vigoureusement.//
:Allô !… Ici, tout de suite !…
://Il remit le récepteur en place et continua de considérer Colin avec un regard soupçonneux.//
;LE DIRECTEUR
:Quel âge avez-vous ?
;COLIN
:Vingt et un…
;LE DIRECTEUR
:C’est ce que je pensais…
://On frappa à la porte.//
;LE DIRECTEUR
://Criant ://
:Entrez !
://Sa figure se détendit. Un homme, miné par l’absorption continuelle de poussière de papier, et dont on devinait les bronchioles remplies, jusqu’à l’orifice, de pâte cellulosique reconstituée, entra dans le bureau. Il portait un dossier sous le bras.//
;LE DIRECTEUR
:Vous avez cassé une chaise.
;LE ~SOUS-DIRECTEUR
:Oui.
://Il posa le dossier sur la table.//
;LE ~SOUS-DIRECTEUR
:On peut la réparer, vous voyez…
://Il se tourna vers Colin.//
:Vous savez réparer les chaises ?…
;COLIN
://désorienté//
:Je pense… Est-ce très difficile ?
;LE ~SOUS-DIRECTEUR
:J’ai usé jusqu’à trois pots de colle de bureau sans y parvenir.
;LE DIRECTEUR
:Vous les paierez ! Je les retiendrai sur vos appointements…
;LE ~SOUS-DIRECTEUR
:Je les ai fait retenir sur ceux de ma secrétaire. Ne vous inquiétez pas, patron.
;COLIN
://timidement//
:Est-ce pour réparer les chaises que vous demandiez quelqu’un ?
;LE DIRECTEUR
:Sûrement !
;LE ~SOUS-DIRECTEUR
:Je ne me rappelle plus bien, dit le sous-directeur. Mais vous ne pouvez pas réparer une chaise…
;COLIN
:Pourquoi ? dit Colin.
;LE ~SOUS-DIRECTEUR
:Simplement parce que vous ne pouvez pas.
;LE DIRECTEUR
:Je me demande à quoi vous l’avez vu ?
;LE ~SOUS-DIRECTEUR
:En particulier, parce que ces chaises sont irréparables, et, en général, parce qu’il ne me donne pas l’impression de pouvoir réparer une chaise.
;COLIN
:Mais, qu’est-ce qu’une chaise a à faire avec un emploi de bureau ?
;LE DIRECTEUR
://ricanant//
:Vous vous asseyez par terre, peut-être, pour travailler ?
;LE ~SOUS-DIRECTEUR
:Mais vous ne devez pas travailler souvent, alors.
;LE DIRECTEUR
:Je vais vous dire, vous êtes un fainéant !…
;LE ~SOUS-DIRECTEUR
:Voilà…, un fainéant…
;LE DIRECTEUR
:Nous ne pouvons, en aucun cas, engager un fainéant !…
;LE ~SOUS-DIRECTEUR
:Surtout quand nous n’avons pas de travail à lui donner.
;COLIN
://abasourdi par leurs voix de bureau.//
:C’est absolument illogique.
;LE DIRECTEUR
:Pourquoi illogique, hein ? demanda le directeur.
;COLIN
:Parce que, dit Colin, ce qu’il faut donner à un fainéant, c’est justement pas de travail.
;LE ~SOUS-DIRECTEUR
:C’est ça, dit le sous-directeur, alors, vous voulez remplacer le directeur ?
;LE DIRECTEUR
://Éclatant de rire à cette idée.//
:Il est extraordinaire !
://Son visage se rembrunit et il recula encore son fauteuil. Au sous-directeur ://
:Emmenez-le…. Je vois bien pourquoi il est venu… Allez, vite !…
://hurlant : //
:Déguerpis, clampin !
://Le sous-directeur se précipita vers Colin, mais celui-ci avait saisi le dossier oublié sur la table ://
;COLIN
:Si vous me touchez…
://Il recula peu à peu vers la porte.//
;LE DIRECTEUR
:Va-t’en ! criait le directeur. Suppôt de Satin !…
;COLIN
:Vous êtes un vieux con
://Colin tourna la poignée de la porte. Il lança son dossier vers le bureau et se précipita dans le couloir. Quand il arriva à l’entrée, l’huissier lui tira un coup de pistolet et la balle de papier fit un trou en forme de tête de mort dans le battant qui venait de se refermer.//
!MA PETITE SŒUR EST INQUIÈTE
//CHANSON POPULAIRE (dynasties du Sud, 420-589) //
Ma petite sœur
est inquiète :
Combien de temps
doit-elle attendre
pour pouvoir se marier?
Elle a souvent vu le vent
arracher les fleurs,
mais elle ne l’a jamais vu
les poser à nouveau
sur les branches.
!MELIE-MELODIE
!!!!!!//Paroles et musique de Boby Lapointe //
+++^90%^*[Version dialoguée]
!!!MELIE-MELODIE
( 2 papoteuses papotaient d'amour tendre)
;Oui ?
:// Mon doux minet ... //
;La mini,
:// Oui ?//
;La mini est la manie
:// Est la manie ?//
;De Mélanie
:// Mélanie, l'amie d'Amélie ? //
;Amélie, dont les doux nénés ...
:// Doux nénés de nounou moulés //
;Dans de molles laines lamées
:// Et mêlées de lin milanais... //
;Amélie, dont les nénés doux ont donné à l'ami Milou
:// (Milou ... le dadais de limoux ?) //
;L'idée d'amener des minous...
:// Des minous menus !//
;De Lima ! Miaulant dans les dais de damas et dont les mines de lama donnaient mille idées à Léda...
:// Léda ! Dont les dix dents de lait laminaient les mâles mollets d'un malade !//
;Le mendiant malais, dinant d'amibes amidonnées ?
:// Mais même amidonnée l'amibe, même l'amibe malhabile emmiellée dans la bile humide //
;L'amibe, ami, mine le bide...
:// Et le dit malade adulé dont Léda limait les mollets indûment le mal a donné //
;Dame Léda l'y a aidé !
:// Et Léda dont la libido demande...//
;...dans le bas du dos...
:// ...Mille lents mimis d'animaux aux doux minets donna les maux... //
;Et les minets, de maux munis ?
:// Du lait aux nénés d'Amélie l'ont, les maudits, d'amibes enduit !//
;Et la maladie l'a minée, l'Amélie aux dodus nénés ?
:// Et mille maux démodelaient le doux minois de la mémé //
;Mélanie la mit au dodo
:// Malade, laide ! //
;humide au dos !
:// Et lui donna dans deux doigts d'eau ...//
;De la boue des bains du Lido ?
:// Dis, là-dedans, où est la mini ? //
;Où est la mini de Mélanie ?...
:// Malin, la mini élimée, Mélanie l'à éliminée //
;Ah la la la la ! Quel méli mélo, dis !
:// Ah la la la la ! Quel méli mélo, dis !//
//(Tous les deux)//
Ah la la la la ! Quel méli mélo, dis !
===
Oui, mon doux minet, la mini,
Oui, la mini est la manie
Est la manie de Mélanie
Mélanie l'amie d'Amélie...
Amélie dont les doux nénés
Doux nénés de nounou moulés
Dans de molles laines lamées
Et mêlées de lin milanais...
Amélie dont les nénés doux
Ont donné à l'ami Milou
(Milou le dadais de limoux)
L'idée d'amener des minous...
Des minous menus de Lima
Miaulant dans les dais de damas
Et dont les mines de lama
Donnaient mille idées à Léda...
Léda dont les dix dents de lait
Laminaient les mâles mollets
D'un malade mendiant malais
Dinant d'amibes amidonnées
Mais même amidonnée l'amibe
Même l'amibe malhabile
Emmiellée dans la bile humide
L'amibe, ami, mine le bide...
Et le dit malade adulé
Dont Léda limait les mollets
Indûment le mal a donné
Dame Léda l'y a aidé !
Et Léda dont la libido
Demande dans le bas du dos
Mille lents mimis d'animaux
Aux doux minets donna les maux...
Et les minets de maux munis
Mendiant de midi à minuit
Du lait aux nénés d'Amélie
L'ont, les maudits, d'amibes enduit
Et la maladie l'a minée,
L'Amélie aux dodus nénés
Et mille maux démodelaient
Le doux minois de la mémé
Mélanie le mit au dodo
Malade, laide, humide au dos
Et lui donna dans deux doigts d'eau
De la boue des bains du Lido
Dis, là-dedans, où est la mini ?
Où est la mini de Mélanie ?...
- Malin la mini élimée
Mélanie l'à éliminée
Ah la la la la ! Quel méli mélo, dis !
Ah la la la la ! Quel méli mélo, dis !
!MES OCCUPATIONS
!!!!!//HenriMichaux //
Je peux rarement voir quelqu'un sans le battre. D'autres préfèrent le monologue intérieur.
Moi non. J'aime mieux battre.
Il y a des gens qui s'assoient en face de moi au restaurant et ne disent rien, ils restent un certain temps, car ils ont décidé de manger.
En voici un.
Je te l'agrippe, toc.
Je te le ragrippe, toc.
Je le pends au portemanteau.
Je le décroche.
Je le repends.
Je le décroche.
Je le mets sur la table, je le tasse et l'étouffe.
Je le salis, je l'inonde.
Il revit.
Je le rince, je l'étire (je commence à m'énerver, il faut en finir), je le masse, je le serre, je le résume et l'introduis dans mon verre, et jette ostensiblement le contenu par terre, et dis au garçon: «Mettez-moi donc un verre plus propre.»
Mais je me sens mal, je règle promptement l'addition et je m'en vais.
[img[http://lapoesiequejaime.net/michauxIII.jpg]]
{{center{
La parole est à la dépense.
?
Le miroir ne renvoie pas l’image.
?
L’escalade commence au sous-sol.
?
L’alexandrin a mal aux pieds.
?
Les biscuits secs refusent de se mouiller.}}}
À ce jour, il nous reste deux représentations à programmer :
:''1. ~Saint-Éloi le 24 mai''
:''2. Lauriston le 18 octobre''
!!!!~Saint-Éloi le 24 mai
À~Saint-Éloi, nous avons déjà beaucoup joué :{{small{
* Médecin malgré lui
* Agence matrimoniale
* La Rencontre
* Les fugueuses
* Dialogue amoureux
* Les Caprices de Marianne
* Frosine et Harpagon(L'Avare)
* Le Mariage de Figaro(premier tiers)
* La Fille Bien Gardée
* La Noir te va si bien
* Espèces menacées
* Le Magicien
* Le Jeu de l'Amour et du Hasard
* Un Amour de Célimène
* Antigone face à Créon
* Coup de soleil
* Deux couverts
* Les Femmes Savantes
* Les transes de Mademoiselle Supo
}}}
Pour le 24 mai nous pouvons-nous donc prévoir :
* Assurance Vie - Ni Ja
* Dans la salle d’attente du psychanalyste - Li Mu
* Knock – La Dame En Noir - De Ja
* Knock – La Dame En Violet - De Ev
//(soit déjà plus d'une heure de spectacle)//
''Amande, Françoise, Michèle, Gérard'' s'y trouveraient pour l'instant non distribués : il est donc urgent de trouver deux scènes pour elles et lui.
| Vos propositions ? |
!!!!Lauriston le 18 octobre
Içi nous avons plus de latitude, puisque nous n'y avons déjà joué que //La Fille Bien Gardée//.
Je propose comme gros morceau "//Célimène//" (50 mn), précédé de deux à quatre scènes à choisir.
| Vos souhaits et propositions ? |
!!!!À venir
* Une séance d'animation théâtrale pour les seniors le mardi 21 août, à la Mairie du Vème (animée par Michèle, moi, et qui souhaiterait nous rejoindre).
* Une représentation un dimanche d'octobre à la Mairie (date et programme à définir avec une sélection de nos scènes ayant une qualité "professionnelle")
* Je vise toujours de lancer en décembre notre deuxième tranche de Figaro (nous finaliserons le casting ensemble cette semaine).
|je| ^^Tous en manège, refrain avec le public^^ |
|vie|Toute une vie !|
|d|3:00|
!Ma grand-mère//
^^~Pierre-Jean de Béranger (1780-1857)^^//
Ma grand-mère, un soir à sa fête,
De vin pur ayant bu deux doigts,
Nous disait en branlant la tête :
Que d'amoureux j'eus autrefois !
//Combien je regrette
Mon bras si dodu,
Ma jambe bien faite,
Et le temps perdu !//
Quoi ! maman vous n'étiez pas sage !
— Non , vraiment ; et de mes appas
Seule à quinze ans j'appris l'usage,
Car la nuit je ne dormais pas.
//Combien je regrette
Mon bras si dodu,
Ma jambe bien faite,
Et le temps perdu !//
Maman, vous aviez le cœur tendre ?
— Oui, si tendre, qu'à dix-sept ans
Lindor ne se fit pas attendre,
Et qu'il n'attendit pas longtemps.
//Combien je regrette
Mon bras si dodu,
Ma jambe bien faite,
Et le temps perdu !//
Maman, Lindor savait donc plaire ?
— Oui, seul il me plut quatre mois ;
Mais bientôt j'estimais Valère,
Et fis deux heureux à la fois.
//Combien je regrette
Mon bras si dodu,
Ma jambe bien faite,
Et le temps perdu !//
Quoi ! maman ! deux amants ensemble !
— Oui, mais chacun d'eux me trompa.
Plus fine alors qu'il ne vous semble,
J'épousais votre grand-papa.
//Combien je regrette
Mon bras si dodu,
Ma jambe bien faite,
Et le temps perdu !//
Maman, que lui dit la famille ?
— Rien ; mais un mari plus sensé
Eût pu connaître à la coquille
Que l'œuf était déjà cassé.
//Combien je regrette
Mon bras si dodu,
Ma jambe bien faite,
Et le temps perdu !//
Maman, lui fûtes-vous fidèle ?
— Oh ! sur cela je me tais bien.
A moins qu'à lui Dieu ne m'appelle
Mon confesseur n'en saura rien.
//Combien je regrette
Mon bras si dodu,
Ma jambe bien faite,
Et le temps perdu !//
Bien tard, maman vous fûtes veuve
— Oui ; mais, grâce à ma gaîté,
Si l'église n'était plus neuve,
Le saint n'en fut pas moins fêté.
//Combien je regrette
Mon bras si dodu,
Ma jambe bien faite,
Et le temps perdu !//
Comme vous, maman, faut il faire ?
— Hé, mes petits enfants, pourquoi,
Quand j'ai fait comme ma grand-mère,
Ne feriez-vous pas comme moi ?
//Combien je regrette
Mon bras si dodu,
Ma jambe bien faite,
Et le temps perdu !//
!Madame et Les Bonnes
;SOLANGE
:Chut ! Laisse-moi te raconter une histoire.
;CLAIRE, plaintivement.
:Solange ?
;SOLANGE
:Mon ange ?
;CLAIRE
:Solange, écoute.
;SOLANGE
:Dors. Long silence.
;CLAIRE
:Tu as de beaux cheveux. Quels beaux cheveux. Les siens…
;SOLANGE
:Ne parle plus d’elle.
;CLAIRE
:Les siens sont faux. //(Long silence.)// Tu te rappelles, toutes les deux. Sous l’arbre. Nos pieds au soleil ? Solange ?
;SOLANGE
:Dors. Je suis là. Je suis ta grande sœur. Silence. Au bout d ’ un moment Claire se lève.
;CLAIRE
:Non ! Non ! pas de faiblesse ! Allume ! Allume ! Le moment est trop beau ! //(Solange allume.)// Debout ! Et mangeons. Qu’est-ce qu’il y a dans la cuisine ? Hein ? Il faut manger. Pour être forte. Viens, tu vas me conseiller. Le gardénal ?
;SOLANGE
:Oui. Le gardénal…
;CLAIRE
:Le gardénal ! Ne fais pas cette tête. Il faut être joyeuse et chanter. Chantons ! Chante } comme quand tu iras mendier dans les cours et les ambassades. Il faut rire. //(Elles rient aux éclats.)// Sinon le tragique va nous faire nous envoler par la fenêtre. Ferme la fenêtre. //(En riant, Solange ferme la fenêtre.)// L’assassinat est une chose… inénarrable ! Chantons. Nous l’emporterons dans un bois et sous les sapins, au clair de lune, nous la découperons en morceaux. Nous chanterons ! Nous l’enterrerons sous les fleurs dans nos parterres que nous arroserons le soir avec un petit arrosoir !
//Sonnerie à la porte d’entrée de l’appartement.//
;SOLANGE
:C’est elle. C’est elle qui rentre. //(Elle prend sa sœur aux poignets.)// Claire, tu es sûre de tenir le coup ?
;CLAIRE
:Il en faut combien ?
;SOLANGE
:Mets-en dix. Dans son tilleul. Dix cachets de gardénal. Mais tu n’oseras pas.
;CLAIRE, elle se dégage, va arranger le lit. Solange la regarde un instant.
:J’ai le tube sur moi. Dix.
;SOLANGE, très vite.
:Dix. Neuf ne suffiraient pas. Davantage la ferait vomir. Dix. Fais le tilleul très fort. Tu as compris.
;CLAIRE, elle murmure.
:Oui.
;SOLANGE, elle va pour sortir et se ravise. D'une voix naturelle. Très sucré.
//Elle sort à gauche. Claire continue à arranger la chambre et sort à droite. Quelques secondes s'écoulent. Dans la coulisse on entend un éclat de rire nerveux. Suivie de Solange, Madame, couverte de fourrures, entre en riant.//
;MADAME
:De plus en plus ! Des glaïeuls horribles, d’un rose débilitant, et du mimosa ! Ces folles doivent courir les halles avant le jour pour les acheter moins cher. Tant de sollicitude, ma chère Solange, pour une maîtresse indigne, et tant de roses pour elle quand Monsieur est traité comme un criminel ! Car… Solange, à ta sœur et à toi, je vais encore donner une preuve de confiance ! Car je n’ai plus d’espoir. Cette fois Monsieur est bel et bien incarcéré. Solange lui retire son manteau de fourrure. Incarcéré, Solange ! – In-car-cé-ré ! Et dans des circonstances infernales ! Que réponds-tu à cela ? Voilà ta maîtresse mêlée à la plus sordide affaire et la plus sotte. Monsieur est couché sur la paille et vous m’élevez un reposoir !
;SOLANGE
:Madame ne doit pas se laisser aller. Les prisons ne sont plus comme sous la Révolution…
;MADAME
:La paille humide des cachots n’existe plus, je le sais. N’empêche que mon imagination invente les pires tortures à Monsieur. Les prisons sont pleines de criminels dangereux et Monsieur, qui est la délicatesse même, vivra avec eux ! Je meurs de honte. Alors qu’il essaie de s’expliquer son crime, moi, je m’avance au milieu d’un parterre, sous des tonnelles, avec le désespoir dans l’âme. Je suis brisée.
;SOLANGE
:Vos mains sont gelées.
;MADAME
:Je suis brisée. Chaque fois que je rentrerai mon cœur battra avec cette violence terrible et un beau jour je m’écroulerai, morte sous vos fleurs. Puisque c’est mon tombeau que vous préparez, puisque depuis quelques jours vous accumulez dans ma chambre des fleurs funèbres ! J’ai eu très froid mais je n’aurai pas le toupet de m’en plaindre. Toute la soirée, j’ai traîné dans les couloirs. J’ai vu des hommes glacés, des visages de marbre, des têtes de cire, mais j’ai pu apercevoir Monsieur. Oh ! de très loin. Du bout des doigts j’ai fait un signe. A peine. Je me sentais coupable. Et je l’ai vu disparaître entre deux gendarmes.
;SOLANGE
:Des gendarmes ? Madame est sûre ? Ce sont plutôt des gardes.
;MADAME
:Tu connais des choses que j’ignore. Gardes ou gendarmes, ils ont emmené Monsieur. Je quitte à l’instant la femme d’un magistrat. Claire !
;SOLANGE
:Elle prépare le tilleul de Madame.
;MADAME
:Qu’elle se presse ! Pardon, ma petite Solange. Pardonne-moi. J’ai honte de réclamer du tilleul quand Monsieur est seul, sans nourriture, sans tabac, sans rien. Les gens ne savent pas assez ce qu’est la prison. Ils manquent d’imagination, mais j’en ai trop. Ma sensibilité m’a fait souffrir. Atrocement. Vous avez de la chance, Claire et toi, d’être seules au monde. L’humilité de votre condition vous épargne quels malheurs !
;SOLANGE
:On s’apercevra vite que Monsieur est innocent.
;MADAME
:Il l’est ! Il l’est ! Mais innocent ou coupable, je ne l’abandonnerai jamais. Voici à quoi on reconnaît son amour pour un être : Monsieur n’est pas coupable, mais s’il l’était, je deviendrais sa complice. Je l’accompagnerais jusqu’à la Guyane, jusqu’en Sibérie. Je sais qu’il s’en tirera, au moins par cette histoire imbécile m’est-il donné de prendre conscience de mon attachement à lui. Et cet événement destiné à nous séparer nous lie davantage, et me rend presque plus heureuse. D’un bonheur monstrueux ! Monsieur n’est pas coupable mais s’il l’était, avec quelle joie j’accepterais de porter sa croix ! D’étape en étape, de prison en prison, et jusqu’au bagne je le suivrais. A pied s’il le faut. Jusqu’au bagne, jusqu’au bagne, Solange ! Que je fume ! Une cigarette !
;SOLANGE
:On ne le permettrait pas. Les épouses des bandits, ou leurs sœurs, ou leurs mères ne peuvent même pas les suivre.
;MADAME
:Un bandit ! Quel langage, ma fille ! Et quelle science ! Un condamné n’est plus un bandit. Ensuite, je forcerais les consignes. Et, Solange, j’aurais toutes les audaces, toutes les ruses.
;SOLANGE
:Madame est courageuse.
;MADAME
:Tu ne me connais pas encore. Jusqu’à présent, vous avez vu, ta sœur et toi, une femme entourée de soins et de tendresse, se préoccuper de ses tisanes et de ses dentelles, mais depuis longtemps je viens d’abandonner mes manies. Je suis forte. Et prête pour la lutte. D’ailleurs, Monsieur ne risque pas l’échafaud. Mais il est bien que je m’élève à ce même niveau. J’ai besoin de cette exaltation pour penser plus vite. Et besoin de cette vitesse pour regarder mieux. Grâce à quoi je percerai peut-être cette atmosphère d’inquiétude où je m’avance depuis ce matin. Grâce à quoi je devinerai peut-être ce qu’est cette police infernale disposant chez moi d’espions mystérieux.
;SOLANGE
:Il ne faut pas s’affoler. J’ai vu acquitter des cas plus graves. Aux assises d’Aix-en-Provence…
;MADAME
:Des cas plus graves ? Que sais-tu de son cas ?
;SOLANGE
:Moi ? Rien. C’est d’après ce qu’en dit Madame. J’estime que ce ne peut être qu’une affaire sans danger…
;MADAME
:Tu bafouilles. Et que sais-tu des acquittements ? Tu fréquentes les Assises, toi ?
;SOLANGE
:Je lis les comptes rendus. Je vous parle d’un homme qui avait commis quelque chose de pire. Enfin…
;MADAME
:Le cas de Monsieur est incomparable. On l’accuse de vols idiots. Tu es satisfaite ? De vols ! Idiots ! Idiots comme les lettres de dénonciation qui l’ont fait arrêter.
;SOLANGE
:Madame devrait se reposer.
;MADAME
:Je ne suis pas lasse. Cessez de me traiter comme une impotente. A partir d’aujourd’hui, je ne suis plus la maîtresse qui vous permettait de conseiller et d’entretenir sa paresse. Ce n’est pas moi qu’il faut plaindre. Vos gémissements me seraient insupportables. Votre gentillesse m’agace. Elle m’accable. Elle m’étouffe. Votre gentillesse qui depuis des années n’a jamais vraiment pu devenir affectueuse. Et ces fleurs qui sont là pour fêter juste le contraire d’une noce ! Il vous manquait de faire du feu pour me chauffer ! Est-ce qu’il y a du feu dans sa cellule ?
;SOLANGE
:Il n’y a pas de feu, Madame. Et si Madame veut dire que nous manquons de discrétion…
;MADAME
:Mais je ne veux rien dire de pareil.
;SOLANGE
:Madame désire voir les comptes de la journée ?
;MADAME
:En effet ! Tu es inconsciente ! Crois-tu que j’aie la tête aux chiffres ? Mais enfin, Solange, me mépriserais-tu assez que tu me refuses toute délicatesse ? Parler de chiffres, de livres de comptes, de recettes de cuisine, d’office et de bas office, quand j’ai le désir de rester seule avec mon chagrin ! Convoque les fournisseurs pendant que tu y es !
;SOLANGE
:Nous comprenons le chagrin de Madame !
;MADAME
:Non que je veuille tendre de noir l’appartement, mais enfin…
;SOLANGE, rangeant l ’ étole de fourrure.
:La doublure est déchirée. Je la donnerai au fourreur demain.
;MADAME
:Si tu veux. Encore que ce ne soit guère la peine. Maintenant j’abandonne mes toilettes. D’ailleurs je suis une vieille femme. N’est-ce pas, Solange, que je suis une vieille femme ?
;SOLANGE
:Les idées noires qui reviennent.
;MADAME
:J’ai des idées de deuil, ne t’en étonne pas. Comment songer à mes toilettes et à mes fourrures quand Monsieur est en prison ? Si l’appartement vous paraît trop triste…
;SOLANGE
:Oh ! Madame..
;MADAME
:Vous n’avez aucune raison de partager mon malheur, je vous l’accorde.
;SOLANGE
:Nous n’abandonnerons jamais Madame. Après tout ce que Madame a fait pour nous.
;MADAME
:Je le sais, Solange. Étiez-vous très malheureuses ?
;SOLANGE
:Oh !
;MADAME
:Vous êtes un peu mes filles. Avec vous la vie me sera moins triste. Nous partirons pour la campagne. Vous aurez les fleurs du jardin. Mais vous n’aimez pas les jeux. Vous êtes jeunes et vous ne riez jamais. A la campagne vous serez tranquilles. Je vous dorloterai. Et plus tard ; je vous laisserai tout ce que j’ai. D’ailleurs, que vous manque-t-il ? Rien qu’avec mes anciennes robes vous pourriez être vêtues comme des princesses. Et mes robes… //(Elle va à l ’ armoire et regarde ses robes.)// A quoi serviraient-elles, j’abandonne la vie élégante.
//Entre Claire, portant le tilleul.//
;CLAIRE
:Le tilleul est prêt.
;MADAME
:Adieu les bals, les soirées, le théâtre. C’est vous qui hériterez de tout cela.
;CLAIRE, sèche.
:Que Madame conserve ses toilettes.
;MADAME, sursautant.
:Comment ?
;CLAIRE, calme.
:Madame devra même en commander de plus belles.
;MADAME
:Comment courrais-je les couturiers ? Je viens de l’expliquer à ta sœur : il me faudra une toilette noire pour mes visites au parloir. Mais de là…
;CLAIRE
:Madame sera très élégante. Son chagrin lui donnera de nouveaux prétextes.
;MADAME
:Hein ? Tu as sans doute raison. Je continuerai à m’habiller pour Monsieur. Mais il faudra que j’invente le deuil de l’exil de Monsieur. Je le porterai plus somptueux que celui de sa mort. J’aurai de nouvelles et de plus belles toilettes. Et vous m’aiderez en portant mes vieilles robes. En vous les donnant, j’attirerai peut-être la clémence sur Monsieur. On ne sait jamais.
;CLAIRE
:Mais, madame…
;SOLANGE
:Le tilleul est prêt, madame.
;MADAME
:Pose-le. Je le boirai tout à l’heure. Vous aurez mes robes. Je vous donne tout.
;CLAIRE
:Jamais nous ne pourrons remplacer Madame. Si Madame connaissait nos précautions pour arranger ses toilettes ! L’armoire de Madame, c’est pour nous comme la chapelle de la Sainte Vierge. Quand nous l’ouvrons…
;SOLANGE, sèche.
:Le tilleul va refroidir.
;CLAIRE
:Nous l’ouvrons à deux battants, nos jours de fête. Nous pouvons à peine regarder les robes, nous n’avons pas le droit. L’armoire de Madame est sacrée. C’est sa grande penderie !
;SOLANGE
:Vous bavardez et vous fatiguez Madame.
;MADAME
:C’est fini. //(Elle caresse la robe de velours rouge.)// Ma belle « Fascination ». La plus belle. Pauvre belle. C’est Lanvin qui l’avait dessinée pour moi. Spécialement. Tiens ! Je vous la donne. Je t’en fais cadeau, Claire !
//Elle la donne à Claire et cherche dans l ’ armoire.//
;CLAIRE
:Oh ! Madame me la donne vraiment ?
;MADAME, souriant suavement.
:Bien sûr. Puisque je te le dis.
;SOLANGE
:Madame est trop bonne. //(A Claire.)// Vous pouvez remercier Madame. Depuis le temps que vous l’admiriez.
;CLAIRE
:Jamais je n’oserai la mettre. Elle est si belle.
;MADAME
:Tu pourras la faire retailler. Dans la traîne seulement il y a le velours des manches. Elle sera très chaude. Telles que je vous connais, je sais qu’il vous faut des étoffes solides. Et toi, Solange, qu’est-ce que je peux te donner ? Je vais te donner… Tiens, mes renards.
:Elle les prend, les pose sur le fauteuil au centre.
;CLAIRE
:Oh ! le manteau de parade !
;MADAME
:Quelle parade ?
;SOLANGE
:Claire veut dire que Madame ne le mettait qu’aux grandes occasions.
;MADAME
:Pas du tout. Enfin. Vous avez de la chance qu’on vous donne des robes. Moi, si j’en veux, je dois les acheter. Mais j’en commanderai de plus riches afin que le deuil de Monsieur soit plus magnifiquement conduit.
;CLAIRE
:Madame est belle !
;MADAME
:Non, non, ne me remerciez pas. Il est si agréable de faire des heureux autour de soi. Quand je ne songe qu’à faire du bien ! Qui peut être assez méchant pour me punir. Et me punir de quoi ? Je me croyais si bien protégée de la vie, si bien protégée par votre dévouement. Si bien protégée par Monsieur. Et toute cette coalition d’amitiés n’aura pas réussi une barricade assez haute contre le désespoir. Je suis désespérée ! Des lettres ! Des lettres que je suis seule à connaître. Solange ?
;SOLANGE, saluant sa sœur.
:Oui, madame.
;MADAME, apparaissant.
:Quoi ? Oh ! tu fais des révérences à Claire ? Comme c’est drôle ! Je vous croyais moins disposées à la plaisanterie.
;CLAIRE
:Le tilleul, Madame.
;MADAME
:Solange, je t’appelais pour te demander… Tiens, qui a encore dérangé la clé du secrétaire ?… pour te demander ton avis. Qui a pu envoyer ces lettres ? Aucune idée, naturellement. Vous êtes comme moi, aussi éberluées. Mais la lumière sera faite, mes petites. Monsieur saura débrouiller le mystère. Je veux qu’on analyse l’écriture et qu’on sache qui a pu mettre au point une pareille machination. Le récepteur… Qui a encore décroché le récepteur et pourquoi ? On a téléphoné ? Silence.
;CLAIRE
:C’est moi. C’est quand Monsieur…
;MADAME
:Monsieur ? Quel monsieur ? //(Claire se tait.)// Parlez !
;SOLANGE
:Quand Monsieur a téléphoné.
;MADAME
:De prison ? Monsieur a téléphoné de prison ?
;CLAIRE
:Nous voulions faire une surprise à Madame.
;SOLANGE
:Monsieur est en liberté provisoire.
;CLAIRE
:Il attend Madame au Bilboquet.
;SOLANGE
:Oh ! si Madame savait !
;CLAIRE
:Madame ne nous pardonnera jamais.
;MADAME, se levant.
:Et vous ne disiez rien ! Une voiture. Solange, vite, vite, une voiture. Mais dépêchez-toi. //(Le lapsus est supposé.)// Cours, voyons. //(Elle pousse Solange hors de la chambre.)// Mes fourrures ! Mais plus vite ! Vous êtes folles. Ou c’est moi qui le deviens. //(Elle met son manteau de fourrure. A Claire.)// Quand a-t-il téléphoné ?
;CLAIRE, d ’une voix blanche.
:Cinq minutes avant le retour de Madame.
;MADAME
:Il fallait me parler. Et ce tilleul qui est froid. Jamais je ne pourrai attendre le retour de Solange. Oh ! qu’est-ce qu’il a dit ?
;CLAIRE
:Ce que je viens de dire. Il était très calme.
;MADAME
:Lui, toujours. Sa condamnation à mort le laisserait insensible. C’est une nature. Ensuite ?
;CLAIRE
:Rien. Il a dit que le juge le laissait en liberté.
;MADAME
:Comment peut-on sortir du Palais de Justice à minuit ? Les juges travaillent si tard ?
;CLAIRE
:Quelquefois beaucoup plus tard.
;MADAME
:Beaucoup plus tard ? Mais, comment le sais-tu ?
;CLAIRE
:Je suis au courant, Je lis Détective.
;MADAME, étonnée.
:Ah ! oui ? Tiens, comme c’est curieux. Tu es vraiment une drôle de fille, Claire. //(Elle regarde son bracelet-montre.)// Elle pourrait se dépêcher. //(Un long silence.)// Tu n’oublieras pas de faire recoudre la doublure de mon manteau.
;CLAIRE
:Je le porterai demain au fourreur. Long silence.
;MADAME
:Et les comptes ? Les comptes de la journée. J’ai le temps. Montre-les-moi.
;CLAIRE
:C’est Solange qui s’en occupe.
;MADAME
:C’est juste. D’ailleurs j’ai la tête à l’envers, je les verrai demain. //(Regardant Claire.)// Approche un peu ! Approche ! Mais… tu es fardée ! //(Riant.)// Mais Claire, mais tu te fardes !
;CLAIRE, très gênée. Madame…
;MADAME
:Ah ! ne mens pas ! D’ailleurs tu as raison. Vis, ma fille, ris. C’est en l’honneur de qui ? Avoue.
;CLAIRE
:J’ai mis un peu de poudre.
;MADAME
:Ce n’est pas de la poudre, c’est du fard, c’est de la « cendre de roses », un vieux rouge dont je ne me sers plus. Tu as raison. Tu es encore jeune, embellis-toi, ma fille. Arrange-toi. //(Elle lui met une fleur dans les cheveux. Elle regarde son bracelet-montre.)// Que fait-elle ? Il est minuit et elle ne revient pas !
;CLAIRE
:Les taxis sont rares. Elle a dû courir en chercher jusqu’à la station.
;MADAME
:Tu crois ? Je ne me rends pas compte du temps. Le bonheur m’affole. Monsieur téléphonant qu’il est libre et à une heure pareille !
;CLAIRE
:Madame devrait s’asseoir. Je vais réchauffer le tilleul. Elle va pour sortir.
;MADAME
:Mais non, je n’ai pas soif. Cette nuit, c’est du champagne que nous allons boire. Nous ne rentrerons pas.
;CLAIRE
:Vraiment un peu de tilleul…
;MADAME, riant.
:Je suis déjà trop énervée.
;CLAIRE
:Justement.
;MADAME
:Vous ne nous attendrez pas, surtout, Solange et toi. Montez vous coucher tout de suite. //(Soudain elle voit le réveil.)// Mais… ce réveil. Qu’est-ce qu’il fait là ? D’où vient-il ?
;CLAIRE, très gênée.
:Le réveil ? C’est le réveil de la cuisine.
;MADAME Ça ?
:Je ne l’ai jamais vu.
;CLAIRE, elle prend le réveil.
:Il était sur l’étagère. Il y est depuis toujours.
;MADAME, souriante.
:Il est vrai que la cuisine m’est un peu étrangère. Vous y êtes chez vous. C’est votre domaine. Vous en êtes les souveraines. Je me demande pourquoi vous l’avez apporté ici ?
;CLAIRE
:C’est Solange pour le ménage. Elle n’ose jamais se fier à la pendule.
;MADAME, souriante.
:Elle est l’exactitude même. Je suis servie par les servantes les plus fidèles.
;CLAIRE
:Nous adorons Madame.
;MADAME, se dirigeant vers la fenêtre.
:Et vous avez raison. Que n’ai-je pas fait pour vous ?
:Elle sort.
;CLAIRE, seule, avec amertume.
:Madame nous a vêtues comme des princesses. Madame a soigné Claire ou Solange, car Madame nous confondait toujours. Madame nous enveloppait de sa bonté. Madame nous permettait d’habiter ensemble ma sœur et moi. Elle nous donnait les petits objets dont elle ne se sert plus. Elle supporte que le dimanche nous allions à la messe et nous placions sur un prie-Dieu près du sien.
;VOIX DE ;MADAME, en coulisse.
:Écoute ! Écoute !
;CLAIRE
:Elle accepte l’eau bénite que nous lui tendons et parfois, du bout de son gant, elle nous en offre !
;VOIX DE ;MADAME, en coulisse.
:Le taxi ! Elle arrive. Hein ? Que dis-tu ?
;CLAIRE, très fort.
:Je me récite les bontés de Madame.
;MADAME, elle rentre, souriante.
:Que d’honneurs ! Que d’honneurs… et de négligence. //(Elle passe la main sur le meuble.)// Vous les chargez de roses mais n’essuyez pas les meubles.
;CLAIRE
:Madame n’est pas satisfaite du service ?
;MADAME
:Mais très heureuse, Claire. Et je pars !
;CLAIRE
:Madame prendra un peu de tilleul, même s’il est froid.
;MADAME, riant, se penche sur elle.
:Tu veux me tuer avec ton tilleul, tes fleurs, tes recommandations. Ce soir…
;CLAIRE, implorant. Un peu seulement…
;MADAME
:Ce soir je boirai du champagne. //(Elle va vers le plateau de tilleul. Claire remonte lentement vers le tilleul.)// Du tilleul ! Versé dans le service de gala ! Et pour quelle solennité !
;CLAIRE
:Madame…
;MADAME
:Enlevez ces fleurs. Emportez-les chez vous. Reposez-vous. //(Tournée comme pour sortir.)// Monsieur est libre ! Claire ! Monsieur est libre et je vais le rejoindre.
;CLAIRE
:Madame.
;MADAME
:Madame s’échappe ! Emportez-moi ces fleurs !
//La porte claque derrière elle.//
;CLAIRE, restée seule.
:Car Madame est bonne ! Madame est belle ! Madame est douce ! Mais nous ne sommes pas des ingrates, et tous les soirs dans notre mansarde, comme l’a bien ordonné Madame, nous prions pour elle. Jamais nous n’élevons la voix et devant elle nous n’osons même pas nous tutoyer. Ainsi Madame nous tue avec sa douceur ! Avec sa bonté, Madame nous empoisonne. Car Madame est bonne ! Madame est belle ! Madame est douce ! Elle nous permet un bain chaque dimanche et dans sa baignoire. Elle nous tend quelquefois une dragée. Elle nous comble de fleurs fanées. Madame prépare nos tisanes. Madame nous parle de Monsieur à nous en faire chavirer. Car Madame est bonne ! Madame est belle ! Madame est douce !
;SOLANGE, qui vient de rentrer.
:Elle n’a pas bu ? Évidemment. Il fallait s’y attendre. Tu as bien travaillé.
;CLAIRE
:J’aurais voulu t’y voir.
;SOLANGE
:Tu pouvais te moquer de moi. Madame s’échappe. Madame nous échappe, Claire ! Comment pouvais-tu la laisser fuir ? Elle va revoir Monsieur et tout comprendre. Nous sommes perdues.
;CLAIRE
:Ne m’accable pas. J’ai versé le gardénal dans le tilleul, elle n’a pas voulu le boire et c’est ma faute…
;SOLANGE
:Comme toujours !
;CLAIRE
:… car ta gorge brûlait d’annoncer la levée d’écrou de Monsieur.
!Madrigal//
^^Pierre de Ronsard^^//
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Si c’est aimer, Madame, et de jour, et de nuit
Rêver, songer, penser le moyen de vous plaire,
Oublier toute chose, et ne vouloir rien faire
Qu’adorer et servir la beauté qui me nuit :
Si c’est aimer que de suivre un bonheur qui me fuit,
De me perdre moi même et d’être solitaire,
Souffrir beaucoup de mal, beaucoup craindre et me taire,
Pleurer, crier merci, et m’en voir éconduit :
Si c’est aimer que de vivre en vous plus qu’en moi même,
Cacher d’un front joyeux, une langueur extrême,
Sentir au fond de l’âme un combat inégal,
Chaud, froid, comme la fièvre amoureuse me traite :
Honteux, parlant à vous de confesser mon mal !
Si cela est aimer : furieux je vous aime :
Je vous aime et sait bien que mon mal est fatal :
Le coeur le dit assez, mais la langue est muette.
!!!!!!Pierre de Ronsard, //Sonnets pour Hélène//, 1578
CHÉRUBIN, SUZANNE, FIGARO, LA COMTESSE, LE COMTE, FANCHETTE, BASILE.
;//(Beaucoup de valets, paysannes, paysans vêtus de blanc.)//
;Figaro, tenant une toque de femme, garnie de plumes blanches et de rubans blancs, parle à la comtesse.
Il n’y a que vous, madame, qui puissiez nous obtenir cette faveur.
;La Comtesse.
Vous les voyez, monsieur le comte, ils me supposent un crédit que je n’ai point ; mais comme leur demande n’est pas déraisonnable…
;Le Comte, embarrassé.
Il faudrait qu’elle le fût beaucoup…
;Figaro, bas à Suzanne.
Soutiens bien mes efforts.
;Suzanne, bas à Figaro.
Qui ne mèneront à rien.
;Figaro, bas.
Va toujours.
;Le Comte, à Figaro.
Que voulez-vous ?
;Figaro.
Monseigneur, vos vassaux, touchés de l’abolition d’un certain droit fâcheux que votre amour pour madame…
;Le Comte.
Hé bien, ce droit n’existe plus : que veux-tu dire ?
;Figaro, malignement.
Qu’il est bien temps que la vertu d’un si bon maître éclate ! Elle m’est d’un tel avantage aujourd’hui, que je désire être le premier à la célébrer à mes noces.
;Le Comte, plus embarrassé.
Tu te moques, ami ! l’abolition d’un droit honteux n’est que l’acquit d’une dette envers l’honnêteté. Un Espagnol peut vouloir conquérir la beauté par des soins ; mais en exiger le premier, le plus doux emploi, comme une servile redevance : ah ! c’est la tyrannie d’un Vandale, et non le droit avoué d’un noble Castillan.
;Figaro, tenant Suzanne par la main.
Permettez donc que cette jeune créature, de qui votre sagesse a préservé l’honneur, reçoive de votre main publiquement la toque virginale, ornée de plumes et de rubans blancs, symbole de la pureté de vos intentions : adoptez-en la cérémonie pour tous les mariages, et qu’un quatrain chanté en chœur rappelle à jamais le souvenir…
;Le Comte, embarrassé.
Si je ne savais pas qu’amoureux, poëte et musicien, sont trois titres d’indulgence pour toutes les folies…
;Figaro.
Joignez-vous à moi, mes amis !
;Tous ensemble
Monseigneur ! monseigneur !
;Suzanne, au Comte.
Pourquoi fuir un éloge que vous méritez si bien ?
;Le Comte, à part.
La perfide !
;Figaro.
Regardez-la donc, monseigneur ; jamais plus jolie fiancée ne montrera mieux la grandeur de votre sacrifice.
;Suzanne.
Laisse là ma figure, et ne vantons que sa vertu.
;Le Comte, à part.
C’est un jeu que tout ceci.
;La Comtesse.
Je me joins à eux, monsieur le comte ; et cette cérémonie me sera toujours chère, puisqu’elle doit son motif à l’amour charmant que vous aviez pour moi.
;Le Comte.
Que j’ai toujours, madame ; et c’est à ce titre que je me rends.
;Tous ensemble
Vivat !
;Le Comte, à part.
Je suis pris. //(Haut.)// Pour que la cérémonie eût un peu plus d’éclat, je voudrais seulement qu’on la remît à tantôt. //(À part.)// Faisons vite chercher Marceline.
;Figaro, à Chérubin.
Eh bien ! espiègle, vous n’applaudissez pas ?
;Suzanne.
Il est au désespoir ; monseigneur le renvoie.
;La Comtesse.
Ah ! monsieur, je demande sa grâce.
;Le Comte.
Il ne la mérite point.
;La Comtesse.
Hélas ! il est si jeune !
;Le Comte.
Pas tant que vous le croyez.
;Chérubin, tremblant.
Pardonner généreusement n’est pas le droit du seigneur auquel vous avez renoncé en épousant madame.
;La Comtesse.
Il n’a renoncé qu’à celui qui vous affligeait tous.
;Suzanne.
Si monseigneur avait cédé le droit de pardonner, ce serait sûrement le premier qu’il voudrait racheter en secret.
;Le Comte, embarrassé.
Sans doute.
;La Comtesse.
Et pourquoi le racheter ?
;Chérubin, au comte.
Je fus léger dans ma conduite, il est vrai, monseigneur ; mais jamais la moindre indiscrétion dans mes paroles…
;Le Comte, embarrassé.
Eh bien ! c’est assez…
;Figaro.
Qu’entend-il ?
;Le Comte, vivement.
C’est assez, c’est assez ; tout le monde exige son pardon, je l’accorde, et j’irai plus loin : je lui donne une compagnie dans ma légion.
;Tous ensemble.
Vivat !
;Le Comte.
Mais c’est à condition qu’il partira sur-le-champ, pour joindre en Catalogne.
;Figaro.
Ah ! monseigneur, demain.
;Le Comte insiste.
Je le veux.
;Chérubin.
J’obéis.
;Le Comte.
Saluez votre marraine, et demandez sa protection.
//(Chérubin met un genou en terre devant la comtesse, et ne peut parler.)//
;La Comtesse, émue.
Puisqu’on ne peut vous garder seulement aujourd’hui, partez, jeune homme. Un nouvel état vous appelle ; allez le remplir dignement. Honorez votre bienfaiteur. Souvenez-vous de cette maison, où votre jeunesse a trouvé tant d’indulgence. Soyez soumis, honnête et brave ; nous prendrons part à vos succès.
//(Chérubin se relève, et retourne à sa place.)//
;Le Comte.
Vous êtes bien émue, madame !
;La Comtesse.
Je ne m’en défends pas. Qui sait le sort d’un enfant jeté dans une carrière aussi dangereuse ! Il est allié de mes parents ; et, de plus, il est mon filleul.
;Le Comte, à part.
Je vois que Basile avait raison. //(Haut.)// Jeune homme, embrassez Suzanne… pour la dernière fois.
;Figaro.
Pourquoi cela, monseigneur ? Il viendra passer ses hivers. Baise-moi donc aussi, capitaine ! //(Il l’embrasse.)// Adieu, mon petit Chérubin. Tu vas mener un train de vie bien différent, mon enfant : dame ! tu ne rôderas plus tout le jour au quartier des femmes ; plus d’échaudés, de goûtés à la crème ; plus de main-chaude ou de colin-maillard. De bons soldats, morbleu ! basanés, mal vêtus ; un grand fusil bien lourd ; tourne à droite, tourne à gauche, en avant, marche à la gloire ; et ne va pas broncher en chemin, à moins qu’un bon coup de feu…
;Suzanne.
Fi donc, l’horreur !
;La Comtesse.
Quel pronostic ?
;Le Comte.
Où donc est Marceline ? Il est bien singulier qu’elle ne soit pas des vôtres !
;Fanchette
Monseigneur, elle a pris le chemin du bourg, par le petit sentier de la ferme.
;Le Comte.
Et elle en reviendra…
;Basile.
Quand il plaira à Dieu.
;Figaro.
S’il lui plaisait qu’il ne lui plût jamais !…
;Fanchette
Monsieur le docteur lui donnait le bras.
;Le Comte, vivement.
Le docteur est ici ?
;Basile.
Elle s’en est d’abord emparée…
;Le Comte, à part.
Il ne pouvait venir plus à propos.
;Fanchette
Elle avait l’air bien échauffée ; elle parlait tout haut en marchant, puis elle s’arrêtait, et faisait comme ça de grands bras… ; et monsieur le docteur lui faisait comme ça de la main, en l’apaisant. Elle paraissait si courroucée ! elle nommait mon cousin Figaro.
;Le Comte lui prend le menton.
Cousin… futur.
;Fanchette, montrant Chérubin.
Monseigneur, nous avez-vous pardonné d’hier ?
;Le Comte interrompt.
Bonjour, bonjour, petite.
;Figaro.
C’est son chien d’amour qui la berce ; elle aurait troublé notre fête.
;Le Comte, à part.
Elle la troublera, je t’en réponds. //(Haut.)// Allons, madame, entrons. Basile, vous passerez chez moi.
;Suzanne, à Figaro.
Tu me rejoindras, mon fils ?
;Figaro, bas à Suzanne.
Est-il bien enfilé ?
;Suzanne, bas.
Charmant garçon !
//(Ils sortent tous.)//
SUZANNE ; LA COMTESSE entre par la porte à droite.
;La Comtesse se jette dans un bergère.
Ferme la porte, Suzanne, et conte-moi tout dans le plus grand détail.
;Suzanne.
Je n’ai rien caché à madame.
;La Comtesse.
Quoi ! Suzon, il voulait te séduire ?
;Suzanne.
Oh ! que non ! monseigneur n’y met pas tant de façon avec sa servante : il voulait m’acheter.
;La Comtesse.
Et le petit page était présent ?
;Suzanne.
C’est-à-dire caché derrière le grand fauteuil. Il venait me prier de vous demander sa grâce.
;La Comtesse.
Hé ! pourquoi ne pas s’adresser à moi-même ? Est-ce que je l’aurais refusé, Suzon ?
;Suzanne.
C’est ce que j’ai dit : mais ses regrets de partir, et surtout de quitter madame ! Ah ! Suzon, qu’elle est noble et belle ! mais qu’elle est imposante !
;La Comtesse.
Est-ce que j’ai cet air-là, Suzon ? Moi qui l’ai toujours protégé.
;Suzanne.
Puis il a vu votre ruban de nuit que je tenais ; il s’est jeté dessus…
;La Comtesse, souriant.
Mon ruban ?… Quelle enfance !
;Suzanne.
J’ai voulu le lui ôter ; madame, c’était un lion ; ses yeux brillaient… Tu ne l’auras qu’avec ma vie, disait-il en forçant sa petite voix douce et grêle.
;La Comtesse, rêvant.
Eh bien, Suzon ?
;Suzanne.
Eh bien, madame, est-ce qu’on peut faire finir ce petit démon-là ? Ma marraine par-ci ; je voudrais bien par l’autre : et parce qu’il n’oserait seulement baiser la robe de madame, il voudrait toujours m’embrasser, moi.
;La Comtesse, rêvant.
Laissons… laissons ces folies… Enfin, ma pauvre Suzanne, mon époux a fini par te dire…
;Suzanne.
Que si je ne voulais pas l’entendre, il allait protéger Marceline.
;La Comtesse se lève et se promène, en se servant fortement de l’éventail.
Il ne m’aime plus du tout.
;Suzanne.
Pourquoi tant de jalousie ?
;La Comtesse.
Comme tous les maris, ma chère ! uniquement par orgueil. Ah ! je l’ai trop aimé ; je l’ai lassé de mes tendresses et fatigué de mon amour : voilà mon seul tort avec lui ; mais je n’entends pas que cet honnête aveu te nuise, et tu épouseras Figaro. Lui seul peut nous y aider : viendra-t-il ?
;Suzanne.
Dès qu’il verra partir la chasse.
;La Comtesse, se servant de l’éventail.
Ouvre un peu la croisée sur le jardin. Il fait une chaleur ici !…
;Suzanne.
C’est que madame parle et marche avec action.
//(Elle va ouvrir la croisée du fond.)//
;La Comtesse, rêvant longtemps.
Sans cette constance à me fuir… Les hommes sont bien coupables !
;Suzanne crie, de la fenêtre.
Ah ! voilà monseigneur qui traverse à cheval le grand potager, suivi de Pédrille, avec deux, trois, quatre lévriers.
;La Comtesse.
Nous avons du temps devant nous. //(Elle s’assied.)// On frappe, Suzon !
;Suzanne court ouvrir en chantant.
Ah ! c’est mon Figaro ! ah ! c’est mon Figaro !
FIGARO, SUZANNE, LA COMTESSE, assise.
;Suzanne.
Mon cher ami, viens donc ! Madame est dans une impatience !…
;Figaro.
Et toi, ma petite Suzanne ? — Madame n’en doit prendre aucune. Au fait, de quoi s’agit-il ? d’une misère. Monsieur le comte trouve notre jeune femme aimable, il voudrait en faire sa maîtresse ; et c’est bien naturel.
;Suzanne.
Naturel ?
;Figaro.
Puis il m’a nommé courrier de dépêches, et Suzon conseiller d’ambassade. Il n’y a pas là d’étourderie.
;Suzanne.
Tu finiras ?
;Figaro.
Et parce que ma Suzanne, ma fiancée, n’accepte pas le diplôme, il va favoriser les vues de Marceline : quoi de plus simple encore ? Se venger de ceux qui nuisent à nos projets en renversant les leurs, c’est ce que chacun fait, c’est ce que nous allons faire nous-mêmes. Eh bien, voilà tout, pourtant.
;La Comtesse.
Pouvez-vous, Figaro, traiter si légèrement un dessein qui nous coûte à tous le bonheur ?
;Figaro.
Qui dit cela, madame ?
;Suzanne.
Au lieu de t’affliger de nos chagrins…
;Figaro.
N’est-ce pas assez que je m’en occupe ? Or, pour agir aussi méthodiquement que lui, tempérons d’abord son ardeur de nos possessions, en l’inquiétant sur les siennes.
;La Comtesse.
C’est bien dit ; mais comment ?
;Figaro.
C’est déjà fait, madame ; un faux avis donné sur vous…
;La Comtesse.
Sur moi ? la tête vous tourne !
;Figaro.
Oh ! c’est à lui qu’elle doit tourner.
;La Comtesse.
Un homme aussi jaloux !…
;Figaro.
Tant mieux ! pour tirer parti des gens de ce caractère, il ne faut qu’un peu leur fouetter le sang : c’est ce que les femmes entendent si bien ! Puis, les tient-on fâchés tout rouge, avec un brin d’intrigue on les mène où l’on veut, par le nez, dans le Guadalquivir. Je vous ai fait rendre à Basile un billet inconnu, lequel avertit monseigneur qu’un galant doit chercher à vous voir aujourd’hui pendant le bal.
;La Comtesse.
Et vous vous jouez ainsi de la vérité sur le compte d’une femme d’honneur !…
;Figaro.
Il y en a peu, madame, avec qui je l’eusse osé, crainte de rencontrer juste.
;La Comtesse.
Il faudra que je l’en remercie !
;Figaro.
Mais dites-moi s’il n’est pas charmant de lui avoir taillé ses morceaux de la journée, de façon qu’il passe à rôder, à jurer après sa dame, le temps qu’il destinait à se complaire avec la nôtre ! Il est déjà tout dérouté : galopera-t-il celle-ci ? surveillera-t-il celle-là ? Dans son trouble d’esprit, tenez, tenez, le voilà qui court la plaine, et force un lièvre qui n’en peut mais. L’heure du mariage arrive en poste ; il n’aura pas pris de parti contre, et jamais il n’osera s’y opposer devant madame.
;Suzanne.
Non ; mais Marceline, le bel esprit, osera le faire, elle.
;Figaro.
Brrrr. Cela m’inquiète bien, ma foi ! Tu feras dire à monseigneur que tu te rendras sur la brune au jardin.
;Suzanne.
Tu comptes sur celui-là ?
;Figaro.
Oh ! dame, écoutez donc ; les gens qui ne veulent rien faire de rien n’avancent rien, et ne sont bons à rien. Voilà mon mot.
;Suzanne.
Il est joli !
;La Comtesse.
Comme son idée : vous consentiriez qu’elle s’y rendît ?
;Figaro.
Point du tout. Je fais endosser un habit de Suzanne à quelqu’un : surpris par nous au rendez-vous, le comte pourra-t-il s’en dédire ?
;Suzanne.
À qui mes habits ?
;Figaro.
Chérubin.
;La Comtesse.
Il est parti.
;Figaro.
Non pas pour moi ; veut-on me laisser faire ?
;Suzanne.
On peut s’en fier à lui pour mener une intrigue.
;Figaro.
Deux, trois, quatre à la fois ; bien embrouillées, qui se croisent. J’étais né pour être courtisan.
;Suzanne.
On dit que c’est un métier si difficile !
;Figaro.
Recevoir, prendre, et demander : voilà le secret en trois mots.
;La Comtesse.
Il a tant d’assurance qu’il finit par m’en inspirer.
;Figaro.
C’est mon dessein.
;Suzanne.
Tu disais donc…
;Figaro.
Que, pendant l’absence de monseigneur, je vais vous envoyer le Chérubin : coiffez-le, habillez-le ; je le renferme et l’endoctrine ; et puis dansez, monseigneur.
//(Il sort.)//
SUZANNE ; LA COMTESSE, assise.
;La Comtesse, tenant sa boîte à mouches.
Mon Dieu, Suzon, comme je suis faite !… ce jeune homme qui va venir !…
;Suzanne.
Madame ne veut donc pas qu’il en réchappe ?
;La Comtesse rêve devant sa petite glace.
Moi ?… tu verras comme je vais le gronder.
;Suzanne.
Faisons-lui chanter sa romance.
//(Elle la met sur la Comtesse.)//
;La Comtesse.
Mais c’est qu’en vérité mes cheveux sont dans un désordre…
;Suzanne, riant.
Je n’ai qu’à reprendre ces deux boucles, madame le grondera bien mieux.
;La Comtesse, revenant à elle.
Qu’est-ce que vous dites donc, mademoiselle ?
CHÉRUBIN, l’air honteux ; SUZANNE, LA COMTESSE, assise.
;Suzanne.
Entrez, monsieur l’officier ; on est visible.
;Chérubin avance en tremblant.
Ah ! que ce nom m’afflige, madame ! il m’apprend qu’il faut quitter des lieux… une marraine si… bonne !…
;Suzanne.
Et si belle !
;Chérubin, avec un soupir.
Ah ! oui.
;Suzanne le contrefait.
Ah ! oui. Le bon jeune homme ! avec ses longues paupières hypocrites ! Allons, bel oiseau bleu, chantez la romance à madame.
;La Comtesse, la déplie.
De qui… dit-on qu’elle est ?
;Suzanne.
Voyez la rougeur du coupable : en a-t-il un pied sur les joues !
;Chérubin.
Est-ce qu’il est défendu… de chérir…
;Suzanne lui met le poing sous le nez.
Je dirai tout, vaurien !
;La Comtesse.
Là… chante-t-il ?
;Chérubin.
Oh ! madame, je suis si tremblant !…
;Suzanne, en riant.
Et gnian, gnian, gnian, gnian, gnian, gnian, gnian ; dès que madame le veut, modeste auteur ! Je vais l’accompagner.
;La Comtesse.
Prends ma guitare.
//(La Comtesse, assise, tient le papier pour suivre. Suzanne est derrière son fauteuil, et prélude en regardant la musique par-dessus sa maîtresse. Le petit page est devant elle, les yeux baissés. Ce tableau est juste la belle estampe d’après Vanloo, appelée LA CONVERSATION ESPAGNOLE.)//
;ROMANCE
;Air : Marlbroug s’en va-t-en guerre.
;Premier couplet.
Mon coursier hors d’haleine,
//(Que mon cœur, mon cœur a de peine !)//
J’errais de plaine en plaine,
Au gré du destrier.
Au gré du destrier
;Deuxième couplet.
Sans varlet, n’écuyer ;Là près d’une fontaine,
//(Que mon cœur, mon cœur a de peine !)//
Songeant à ma marraine,
Sentais mes pleurs couler.
Sentais mes pleurs couler,
;Troisième couplet.
Prêt à me désoler :
Je gravais sur un frêne,
//(Que mon cœur, mon cœur a de peine !)//
Sa lettre sans la mienne.
Le roi vint à passer.
;Quatrième couplet.
Le roi vint à passer,
Ses barons, son clergier.
Beau page, dit la reine,
//(Que mon cœur, mon cœur a de peine !)//
Qui vous met à la gêne ?
Qui vous fait tant plorer ?
Qui vous fait tant plorer ?
;Cinquième couplet.
Nous faut le déclarer. —
Madame et souveraine,
//(Que mon cœur, mon cœur a de peine !)//
J’avais une marraine,
Que toujours adorai.
Que toujours adorai
;Sixième couplet.
Je sens que j’en mourrai. —
Beau page, dit la reine,
//(Que mon cœur, mon cœur a de peine !)//
N’est-il qu’une marraine ?
Je vous en servirai.
Je vous en servirai
;Septième couplet.
Mon page vous ferai
Puis à ma jeune Hélène,
//(Que mon cœur, mon cœur a de peine !)//
Fille d’un capitaine,
Un jour vous marierai.
Un jour vous marierai.
;Huitième couplet.
Nenni, n’en faut parler :
Je veux, traînant ma chaîne,
//(Que mon cœur, mon cœur a de peine !)//
Mourir de cette peine,
Mais non m’en consoler.
Mais non m’en consoler.
;La Comtesse.
Il y a de la naïveté… du sentiment même.
;Suzanne va poser la guitare sur un fauteuil.
Oh ! pour du sentiment, c’est un jeune homme qui… Ah çà, monsieur l’officier, vous a-t-on dit que, pour égayer la soirée, nous voulons savoir d’avance si un de mes habits vous ira passablement ?
;La Comtesse.
J’ai peur que non.
;Suzanne se mesure avec lui.
Il est de ma grandeur. Ôtons d’abord le manteau.
//(Elle le détache.)//
;La Comtesse.
Et si quelqu’un entrait ?
;Suzanne.
Est-ce que nous faisons du mal donc ? Je vais fermer la porte. //(elle court)// Mais c’est la coiffure que je veux voir.
;La Comtesse.
Sur ma toilette, une baigneuse à moi.
//(Suzanne entre dans le cabinet dont la porte est au bord du théâtre.)//
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{{center{[img(33%,)[https://www.franceculture.fr/cruiser-production/2016/01/0840eec4-73ce-4e29-a85b-c34c47971b68/x510_19.jpg.pagespeed.ic.d1ct26blna.jpg]]}}}
!Mais où donc est mon bateau
!!!!!{{center{//proposé par Livia//}}}
{{center{
D’un océan où balancent
Des blocs de glace immenses
Surgit une montagne blanche
Ici commence le silence
D’un soleil qui ne se lève pas
D’une nuit qui n’en finit pas
Rien que le froid
Qui tombe droit
Sur les doigts
Et les scintillements
D’un rayon qui strie
Les brumes d’un ciel
Où rien ne luit
Sur la banquise qui se fige
Une ombre bouge
C’est un pingouin
Qui plonge et disparaît
Tel l’éclair d’un songe
Comme mirage hallucinant
Dans ce désert du blanc
Sur cette terre du froid
Il n’y a que moi
Dont le coeur bat
À la trace éphémère
De mon pas qui ne sait
Où il va
Dans le neige profonde
Silencieuse comme une tombe
La buée de mon souffle
Obscurcit mon regard
Me masque le plus proche horizon
Et quand tombent les flocons
Je crois tourner en rond
Dans les lueurs de minuit
J’entraperçois tout là bas
Une vergue sans voile
Esseulée sur les eaux
C’est mon bateau
}}}
{{center{
!Mais tu brûles !
}}}
- Mais tu brûles ! Prends garde, esprit ! Parmi les hommes,
Pour nous guider, ingrats ténébreux que nous sommes,
Ta flamme te dévore, et l'on peut mesurer
Combien de temps tu vas sur la terre durer.
La vie en notre nuit n'est pas inépuisable.
Quand nos mains plusieurs fois ont retourné le sable
Et remonté l'horloge, et que devant nos yeux
L'ombre et l'aurore ont pris possession des cieux
Tour à tour, et pendant un certain nombre d'heures,
Il faut finir. Prends garde, il faudra que tu meures.
Tu vas t'user trop vite et brûler nuit et jour !
Tu nous verses la paix, la clémence, l'amour,
La justice, le droit, la vérité sacrée,
Mais ta substance meurt pendant que ton feu crée.
Ne te consume pas ! Ami, songe au tombeau ! -
Calme, il répond : - je fais mon devoir de flambeau.
!!!!!Victor Hugo
!!!!!!//L'Âne//
!Marceline
+++[Tout le texte du rôle]
<<forEachTiddler
where
' tiddler.tags.contains ("Marceline")'
sortBy 'tiddler.title'
write
'"----\n<<tiddler [["+tiddler.title+"]]$))\n"'
>>
===
//Toutes ses scènes du rôle ://
/%
|exercice|groupe émotion concentration|
|niveau|210 Facile|
%/
!Marcher dans la foule
Tout le monde marche dans tous les sens.
<<<
Le narrateur raconte :
:*« Vous êtes en ville le samedi après-midi, vous êtes pressés, marchez au milieu de la foule.
:*Puis vous prenez une rue plus tranquille, il n’y a plus de magasins, pas de voitures.
:*Vous sortez de la ville, prenez un chemin de campagne, de plus en plus petits. Il y a un ruisseaux, des petits oiseaux, vous regardez les fleurs.
:*Puis vous vous arrêtez, fermez les yeux. Vous respirez l’air frais et profitez encore quelques minutes de cette promenade.»
<<<
/%
|exercice|groupe déplacement|
|niveau|140 Début|
%/
!Marches
C’est très simple.
*Tout le monde marche, circule dans l’espace. On est attentif à ce que tout l’espace soit rempli, qu’il n’y ait pas de « trou » (le fameux « équilibre plateau »).
*On accélère un peu le rythme.
*La marche doit devenir dynamique. Le regard doit être ouvert, à 180 °.
*En marchant, ne pas hésiter à accrocher un regard d’un autre participant quelques secondes.
*Epaules détendues, bras le long du corps (pas de bras croisés, de mains dans le dos, dans les poches).
*Quand je frappe dans les mains, tout le monde s’arrête net. En suspension (pieds qui poussent dans le sol, sommet du crâne qui tire vers le ciel).
*Quand je frappe de nouveau dans les mains, tout le monde repart dans une marche très dynamique.
Le faire plusieurs fois, en variant les temps d’arrêt et de marches.
*Puis au bout d’un moment, je ne donne plus le signal de redémarrage. Tout le groupe repart au même moment (en rythme dynamique!).
;Regard croisé = arrêt
Maintenant, l’arrêt se fait quand vous croisez le regard d’un autre. Je ne donne plus de signal. Les deux doivent s’arrêter en même temps (neutre, toujours en suspension) et repartir ensemble, sans se donner de signe. Attention de ne pas provoquer les regards et les arrêts. De le même manière, les comédiens cherchent à varier les temps d’arrêt.
L’étape suivante est de faire un geste vers l’autre avant de repartir. ou de répondredemanière cohérente au geste qu'il vous fait. Si possible un geste sans signification
Etre très précis dans le geste et dans la séquence :
regards qui se croisent ? arrêt simultané en suspension ? geste ? départ simultané ? déplacement très dynamique avec le regard ouvert et devant.
Vous l’aurez compris c’est aussi un exercice d’écoute où il faut proposer et aussi suivre ce que l’autre propose.
<<gradient horiz #fcfce8>><<back>>
!Mardi 16 février 2016/%
|Description:|Emploi du temps prévisionnel|
%/
|widetable|k
| 14:00 | '' Roue libre '' | [[LE JEU DE L'AMOUR ET DU HASARD]], [[Au gendarme, au voleur]], [[ON PURGE BEBE]], [[J’ai envie de me foutre en l’air]] |// Josiane, Michel, ~Marie-Thérèse, Jacqueline, Christiane, Michèle // ...|
|widetable|k
|>|>|>| !Groupe "Mouffetard" |
| !15:00 | !'' Mise en route '' | Nouvelles, annonces, clés USB | |
| !15:10 | !'' Figaro'' | Arrivée de la comtesse et des paysans, attitude des paysans pendant la scène |// groupe// |
|~| !'' Lecture debout '' | Recherche des placements et attitudes<br>[[I 10 La toque virginale de Suzanne. - CHÉRUBIN, SUZANNE, FIGARO, LA COMTESSE, LE COMTE, FANCHETTE, BAZILE, valets, paysannes, paysans.]]<br>[[I 11 Faux départ de Chérubin - CHÉRUBIN, FIGARO, BAZILE.]] |// permutations de rôles + le groupe // |
| !16:10 | !'' Bilan de séance '' | "à mettre au journal", propositions, rendez-vous, clés usb, congratulations |// groupe // |
| !16:30 |>|>| !//goûter// |
|widetable|k
| 16:45 17:30 | '' Roue libre '' | [[L'Agence Matrimoniale]] | //~Marie-France Éveline Jacques// |
|~|~| [[Scènes du Misanthrope|Trois scènes du Misanthrope]] | //Isaac Jacques// |
<<back>>
>>
!{{center{Mardi 19 juillet
à Mouffetard}}}
//Absences annoncées :// André Mady Gérard Claudine Christiane Christel Isaac
!!14:00 et après 16:30 Travail de textes
Avec Dominique, Michèle, ~Marie-Thérèse, Éveline //(et ceux qui voudraient )...//
*Improvisation postures et sentiments
*''((3x3(^
* 3 minutes de jeu
* 3 minutes de commentaires
* 3 minutes de retour vidéo)))''
Misanthrope, Caprices de Mariane, Marceline, Assurance-vie, les Fugueuses, Frosine Harpagon, École des Femmes, suivant présences et disponibilités.
!!Vers 15:00 "Mariage de Figaro"
*Scènes de Chérubin, Suzon, Fanchette, Figaro
| //15-16:30//<br>[[LE MARIAGE DE FIGARO]] | //Tous// |
|>| //À 14:00 et après 16:30<br>suivant les présences// |
| [[Frosine et Harpagon]] | //Mady Gérard// |
| [[LE JEU DE L'AMOUR ET DU HASARD]] | //Michèle Dominique// |
| [[Scènes du Misanthrope]] | //Isaac André Jacques Éveline Michèle// |
| [[Les Caprices de Marianne]] | //Christel André// |
| [[LES FUGUEUSES]] | //Dominique Christel// |
| [[ON PURGE BEBE]] | //~Marie-Thérèse André// |
| [[Assurance-Vie]] | //Claudine André// |
| [[LES FEMMES SAVANTES]] | //Mady ChristianeB// |
Mardi 27 : italiennes !
Les filages de la semaine dernière sont prometteurs : vous avez tous eus de très beaux morceaux
... dans les pasage où le texte était sû.
Par contre, dès qu'on est moins sûr de son texte et qu'on est plus ou moins à la remorque du prochain mot à dire et de comment le dire, le rythme chute, l'interactivité entre protagonistes est rompue, les postures deviennent artificielles, les intonations fabriquées, les émotions mimées après coup, etc.
Bref, autant il y a des passages où vous transportez, charmez, faites rire le spectateur, autant il en reste d'autres où ce que nous produisons perd toute vivacité, entrain. Le public ressentimmédiatement cesbaisses d'énergie.
Ces hauts et ces bas sont frappants quand on visionne les vidéos.
Nous savons tous qu'on ne peut commencer à jouer que quand le texte peut arriver à notre bouche de manière automatique : là, on peut commencer à s'abandonner à notre personnage et à la situation suivant notre nature et les orientations de mise en scène. Ce n'est pas la semaine qui précède qu'il faut, dans l'urgance, finir d'apprendre. Trop tard.
{{menubox center{
!!!Donc à partir de demain, priorité aux italiennes :
# Enchaîner les répliques du tac au tac
# Clarté de la diction et respect des ponctuations du texte.
# La plus grande célérité (acceptable) possible.
# Aucune volonté anticipée d'effet à produire.
}}}
!!!!Demain, italiennes de tout le spectacle du 10/11 (en grand groupe ou en équipes) :
* De 14:00 à 15:00 et après le goûter : Marivaux, Musset, Avare
* 15:00 Figaro
!!!!!À partir de demain nous ne jouerons plus en répétitions de scènes ou passages qu'après une italienne réussie du texte à jouer !
À demain,
Nous sommes capables d'être très bons, tous ensembles !
!Mardi 9 février 2016
|widetable|k
| !15:20 | !'' Jeu du comédien '' | [[Trouvez des tics]] singularisant vos personages, improvisations + vidéo |// groupe // |
| !15:40 | !'' Figaro '' | [[1.10 La toque virginale de Suzanne. - CHÉRUBIN, SUZANNE, FIGARO, LA COMTESSE, LE COMTE, FANCHETTE, BAZILE, valets, paysannes, paysans.]]<br>[[1.11 Faux départ de Chérubin - CHÉRUBIN, FIGARO, BAZILE.]] |// permutations de rôles + le groupe // |
{{center{<<storyViewer amour >>
[img[Marie Laurencin|http://commentairecompose.fr/wp-content/uploads/2015/11/marie-apollinaire.jpg][http://www.poetica.fr/poeme-1768/guillaume-apollinaire-marie/]]
!Marie
!!!!!!//Guillaume Apollinaire<br>^^Alcools^^//
Vous y dansiez petite fille
Y danserez-vous mère-grand
C’est la maclotte qui sautille
Toute les cloches sonneront
Quand donc reviendrez-vous Marie
Les masques sont silencieux
Et la musique est si lointaine
Qu’elle semble venir des cieux
Oui je veux vous aimer mais vous aimer à peine
Et mon mal est délicieux
Les brebis s’en vont dans la neige
Flocons de laine et ceux d’argent
Des soldats passent et que n’ai-je
Un cœur à moi ce cœur changeant
Changeant et puis encor que sais-je
Sais-je où s’en iront tes cheveux
Crépus comme mer qui moutonne
Sais-je où s’en iront tes cheveux
Et tes mains feuilles de l’automne
Que jonchent aussi nos aveux
Je passais au bord de la Seine
Un livre ancien sous le bras
Le fleuve est pareil à ma peine
Il s’écoule et ne tarit pas
Quand donc finira la semaine
}}}
!Marie, levez-vous, ma jeune paresseuse
!!!!!//Pierre de RONSARD (1524-1585)//
[img[http://img.over-blog.com/218x300/3/66/55/28/2010-2011/de-vinci.JPG]]
Marie, levez-vous, ma jeune paresseuse :
Jà la gaie alouette au ciel a fredonné,
Et jà le rossignol doucement jargonné,
Dessus l'épine assis, sa complainte amoureuse.
Sus ! debout ! allons voir l'herbelette perleuse,
Et votre beau rosier de boutons couronné,
Et vos oeillets mignons auxquels aviez donné,
Hier au soir de l'eau, d'une main si soigneuse.
Harsoir en vous couchant vous jurâtes vos yeux
D'être plus tôt que moi ce matin éveillée :
Mais le dormir de l'Aube, aux filles gracieux,
Vous tient d'un doux sommeil encor les yeux sillée.
Çà ! çà ! que je les baise et votre beau tétin,
Cent fois, pour vous apprendre à vous lever matin.
!~Marie-Caroline Vaudoyer Poisson
|TEL| 01 56 81 74 89 |
|email|marie-caroline.vaudoyer@paris.fr|
<<<
Responsable Pôle Evénementiel animations culturelles et locales
Mairie de Paris - Mairie du 5eme arrdt
<<<
;Mise en place et réalisation de la programmation culturelle
:Gestion financière et budgétaire
:Elaboration de la programmation artistique et locale
:Gestion administrative interne/externe
:Gestion de la communication des événements
:Gestion des publics
!Marie-Catherine-HortenseDeVilledieu
{{center{[img(33%,)[http://68.media.tumblr.com/789c070ae3e148a7994d9af1f3b2e639/tumblr_inline_n8ymhwsUaB1sho889.jpg]]}}}
+++^85%^*@[L'explication d'un "sachant"]
^^@@[[Source|http://verlaineexplique.free.fr]]@@^^
<html><font color="#8888FF" size="2" face="Verdana, Arial, Helvetica, sans-serif" class="Verdana12boldbleu"><b>Plan
de commentaire</b></font>
<font color="#fff" face="Verdana, Arial, Helvetica, sans-serif" size="2"><br>
Le spectacle des tempêtes vues du bord de l'océan où
les douces blancheurs de l'écume viennent frapper la rugosité
des reliefs a toujours été un spectacle qui a invité
les poètes à la rêverie. On sait l'importance des
éléments déchaînés et surtout le vent
dans la littérature romantique. Tout ici suggère la colère
d'éléments naturels qui lorsqu'ils sont dociles sont des
havres de paix. On constate également dans ce poème une
des constantes des poèmes saturniens, à savoir la rupture,
les dissonances autant d'images reflétant des désordres
qui agitent la personnalité du poète. Les convulsions de
cet océan sous la tempête par une nuit sombre éclairée
par les éclairs, le déferlement de vagues importantes, l'ouragan
que l'on ne voit habituellement que dans les Caraïbes, ne sont que
des transfigurations des déchirures du poète. La violence
des éléments naturels reproduisent les désirs violents
de Verlaine, son vertige existentiel qu'il maîtrise mal.<br>
<b><font color="#8888FF" class="Verdana12boldbleu">I-La rupture d'un fragile équilibre</font></b><br>
Tout équilibre est par nature fragile, c'est un éclair brutal
et violent qui vient rompre la douce monotonie de l'océan qui nous
berçait du bruit de ses vagues, c'est le bruit infernal du tonnerre
qui vient rompre le bruit de l'océan. Verlaine renoue avec les
quatrains de 5 syllabes de "soleils couchants". Ce vers impair,
un peu boiteux, semble mieux épouser et traduire la structure complexe
de l'imagination du poète. Les vers courts lui permettent de superposer
rapidement visions réelles et imaginaires et donnent au décor
l'impression d'être animé d'un mouvement rapide, agité,
convulsif qui lui confère une sorte d'étrangeté que
l'on retrouve dans les états mi-conscients mi rêvés
que Verlaine cherche à suggérer. Le décor ici est
sombre, la lune "en deuil", est cachée derrière
un écran de nuages et ne peut éclairer ce paysage nocturne.
La présence de l'océan est seulement sonore, on entend ses
palpitations produites par les vagues. Le verbe palpiter avec l'allitération
en "p" donne à l'océan une force incantatoire,
magique visant à produire enchantements ou sortilèges. Puis
surgit l'éclair qui permet de voir ce décor fait de hautes
vagues. En intitulant la section "Eaux-fortes" Verlaine joue
sur les mots, il emprunte ce mot composé au lexique de la peinture
qui sera pour lui un vaste réservoir d'image et de sujets et joue
sur la force de l'eau qui est celle du vent. L'attirance pour l'eau ou
l'océan fait partie de ce goût de Verlaine et aussi de Rimbaud
pour ce qui est mouvement, changement, qui passe et ne se reproduit jamais
à l'identique.</font>
<font color="#fff" face="Verdana, Arial, Helvetica, sans-serif" size="2">
La rébellion de Verlaine se profile déjà sous la
forme "d'un ouragan qui erre au firmament".<br>
<b><font color="#8888FF" class="Verdana12boldbleu">II- Le vent et le mouvement </font></b><br>
Le phénomène météorologique le plus utilisé
par Verlaine pour créer cette impression de mouvement du paysage
est le vent qui vient renforcer l'impression de changement qu'exprimait
déjà l'évocation des transformations de la lumière
dans la nuit. C'est l'éclair, puis le mouvement brusque des vagues,
des lames puis l'ouragan et le fracas du tonnerre. Tous ces éléments
déchaînés ne sont que les reflets des tensions intérieures
du poète, les colères des éléments naturels
ne sont que ses propres colères. Verlaine est un angoissé
permanent devant les forces profondes et destructrices enfouies au plus
profond de lui même et qui est sans doute la véritable signification
de la malédiction saturnienne. L'ouragan qui frappe d'ordinaire
les cotes des caraïbesà la fin de l'été et qui
détruit tout sur son passage est chez lui l'ouragan de la luxure
et de ses liaisons amoureuses. Verlaine sait bien que pour parvenir à
écrire, il doit réussir à maîtriser la violence
de ses sentiments et de ses pensées dont l'image de l'océan
en furie exprime la force indomptée. Comme dans beaucoup de ses
poèmes, la vision du décor est aussi une vision de soi qui
suggère des tensions intérieures que seule la poésie
pourra maîtriser du moins le dire et transfigurer. <br>
<font color="#8888FF" class="Verdana12boldbleu"><strong>III- Une imitation des anciens</strong></font><br>
Il y a dans les poèmes saturniens de nombreux emprunts littéraires
qui ne sauraient surprendre sous la plume d'un poème débutant
et Verlaine le reconnaît justement. Ce thème de la tempête,
des éléments déchaînés, du vent toujours
présent est emprunté aux romantiques. "Cauchemar"
le poème qui précède "Marine" est inspiré
de Baudelaire. Verlaine sent poindre déjà en lui des forces
destructrices dangereuses, il essaie de se rattacher à la poésie
parnassienne fondée sur le travail et l'effort personnel et dédicace
ses poèmes aux parnassiens. La section eaux-fortes renvoie à
un genre graphique particulier puisqu'il s'agit d'une technique de gravure.
En dehors du "bistre", on constate l'absence de couleurs mais
la présence de formes anguleuses comme le zigzag de l'éclair
ou nettes comme la vague ou l'ouragan. Verlaine joue seulement sur la
lumière comme un peintre qui place son modèle à la
fenêtre. Un long zigzag clair, la lame qui va, vient, luit et clame,
au firmament l'ouragan sont autant de transcriptions réussies de
gravures. <br>
<b>Conclusion</b><br>
"Marine" est par la violence des événements la
transposition du vertige existentiel de notre jeune poète. Mais
à travers ce petit poème Verlaine nous offre en réalité
trois gravures d'eau-forte et nous donne une idée de sa richesse
picturale presque romantique ici.</font></html>
===
!Marine
!!!!!{{center{Paul VERLAINE
(1844-1896)}}}
{{center{
L'Océan sonore
Palpite sous l'oeil
De la lune en deuil
Et palpite encore,
Tandis qu'un éclair
Brutal et sinistre
Fend le ciel de bistre
D'un long zigzag clair,
Et que chaque lame,
En bonds convulsifs,
Le long des récifs
Va, vient, luit et clame,
Et qu'au firmament,
Où l'ouragan erre,
Rugit le tonnerre
Formidablement.
}}}
!Martine
{{center{
!!!!!~Jean-Jacques Bernard
}}}
+++^90%^*[Martine]
La pièce est représentée pour la première fois le 9 mai 1922 au Théâtre des Mathurins ; la mise en scène est de Gaston Baty qui la reprend dans sa Baraque de la Chimère en mai 192 î. MargueriteJamois joue Martine. Baty commande àjean-jacques Bernard un texte mu le silence au théâtre.
La pièce se déroule dans la campagne d’Ile-de-France. Martine, une charmante et blonde pays.unie, se laisse charmer par un jeune bourgeois, Julien, qui après son service militaire Vient passer quelque temps auprès de sa grand-mère au village de Grandchin. Julien 111 h ui ve bientôt Jeanne, une amie d’enfance qui appartient à son milieu*, et l’épouse. Martine vil dans l’ombre de ce couple sans pouvoir renoncer à son rêve. La grand-mère, pour la I ii i i de sa mélancolie, la pousse à se marier avec le paysan qui l’attend. De passage, après l .i mort de la vieille dame, Julien essaie d’arracher un aveu à Martine. L’extrait suivant, qui consiitue le cinquième tableau de la pièce, met en scène l’entrevue entre les deux jeunes gens...
=== +++^90%^*[Commentaire]
Il n’y a pas de secrets profonds ni d’instances mystérieuses dans cette pièce. Jean-Jacques Bernard dessine simplement en cinq tableaux attachants le portrait nuancé et touchant d’un personnage réduit au silence. Julien a l’avantage de la parole et de la culture. Martine, pourtant volubile au début de la pièce, perd progressivement l’usage des mots.
La dernière scène se passe dans la ferme d’Alfred, le mari de Martine. Aux questions insistantes de Julien, Martine oppose l’immobilité, une position de corps en repli : « Elle baisse la tête » et de nombreux signes d’émotion sont indiqués par les didascalies* : « bouleversée », « effrayée ». Elle évite tant quelle le peut de dire quelque chose de personnel : « Qu’cst-ce que vous voulez que je vous réponde ? », « [o]n dit ça... » Et quand enfin elle laisse sortir une phrase : « Ça ne vous suffit pas, ce que vous m’avez fait ? », elle panique : «j’ai mal dit... ».
En dernière instance, c’est son corps qui parle : crispation, larmes, « regardperdu », abandon, « sanglots contenus ». Scène muette d’amour et de peine. Effet de bouclage final : « Ils restent ainsi un moment, sans parler. » Ce théâtre intimiste inscrit ses personnages dans un milieu* social et dans un paysage, il n’est pas abstrait mais soucieux de vérité, de justesse et d’attention.
===
!!!Tableau 5
{{center{Julien, Martine}}}
;JULIEN.
: J’ai tort... C’est peut-être un bien que le passé meure tout entier. //(Il rêve un instant et puis la regarde.)// Mais non, il ne meurt pas tout entier, n’est-ce pas ?... N’est-ce pas, Martine ?
;MARTINE.
: Je ne sais pas.
;JULIEN.
: Si vous pouviez sentir... Grand-mère a été mêlée à tant de gaieté... tant de fraîcheur... tant de jeunesse... C’est l’âge où j’étais un peu fou... Je le serai moins désormais... Grandchin,c’est un éclat de rire, c’est... c’est tant de choses...
;MARTINE.
: C’est à Grandchin que vous vous êtes fiancé...
;JULIEN.
: Ah ! je me serais fiancé ailleurs aussi bien... Mais, à Grandchin, j’ai connu quelque i luise qui n’existe pas ailleurs... //(Il s'interrompt et soudain.)// Qu’est-ce que je vous raconte ?
;MARTINE.
: Je ne sais pas, monsieur Julien.
JULIEN //(après un silence, tout à coup)//. Martine, il faut que je vous demande une chose. C’est indiscret, peut-être. Mais je voudrais savoir... //(Après une hésitation.)// Est-ce que vous êtes heureuse ?... //(Martine baisse la tête.)// Vous ne dites rien... Vous ne voulez pas répondre ?
;MARTINE.
: Qu’est-ce que vous voulez que je vous réponde ?
;JULIEN.
: Est-ce que vous êtes heureuse avec Alfred ?
;MARTINE.
: Mais oui, monsieur Julien.
;JULIEN.
: Oui ?
;MARTINE.
: Pourquoi me regardez-vous de cette manière ?... Est-ce qu’il fallait vous dire non ?...
;JULIEN.
: Il faut me dire la vérité.
;MARTINE.
: Mais pourquoi me demandez-vous ça ?
;JULIEN.
:... C’est vrai... Pourquoi ? //(Un silence.)// Vous allez être maman, Martine. Etes-vous contente ?
;MARTINE.
: Je n’en sais rien...
;JULIEN.
: Quand le petit sera là, vous verrez, cela vous fera plaisir...
;MARTINE.
: On dit ça...
;JULIEN.
: Est-ce que vous en aurez d’autres ?
;MARTINE.
: Il faudra bien...
;JULIEN.
: //(après l’avoir regardée un instant)//. Je voudrais savoir... autre chose... Moi, Martine, j’attache beaucoup d’importance... au souvenir... J’ai l’air un peu léger, oublieux, mais ce n’est qu’une apparence. Ce qui a laissé une trace en moi ne s’efface plus... Il y a un moment... où nous étions très amis... Vous vous rappelez ? //(Martine reste immobile, sans répondre.)// Moi, je me rappelle... Je me rappellerai toujours...
://Un silence.//
;MARTINE.
: ...Vous... vous ne buvez pas votre petit verre ?...
;JULIEN.
: Si... //(Il trempe ses lèvres.)// A quoi passez-vous vos journées, Martine ?
;MARTINE.
: Oh ! je ne perds pas mon temps... Entre le ménage, la cuisine, les bêtes... Et encore il n’y a pas grand travail aux champs l’hiver.
;JULIEN.
: Vous allez avoir beaucoup plus à faire quand vous aurez un enfant.
;MARTINE.
: Dame ! oui...
;JULIEN.
: Alfred... Alfred est-il gentil avec vous ?...
;MARTINE.
: Gentil ?
;JULIEN.
: Oui, c’est vrai, pourquoi ne le serait-il pas ?... Bien sûr, il ne vous bat pas... Ce n’est pas ce que je voulais dire... Mais enfin... sait-il vous distraire... égayer votre vie ?...
;MARTINE.
: On n’a guère le temps de ça...
;JULIEN.
: Pourtant vous passiez de longs moments avec grand-mère...
;MARTINE.
: Pour elle je m’arrangeais toujours...
;JULIEN.
: Enfin... enfin... vous vous sentez heureuse ?...
;MARTINE.
: Mais pourquoi me le demandez-vous encore ?...
;JULIEN.
: Vous ne regrettez rien ?
;MARTINE.
: Quoi donc ?
;JULIEN.
: Il n’y a pas un moment de votre vie que vous vous rappelez avec plus d’attendrissement ? //(Elle baisse la tête.)// ... Si, si, Martine, dites-moi que vous gardez un coin dans votre cœur pour le beau mois de juillet où nous nous sommes rencontrés sur la route... Moi, je n’y penserai jamais sans émotion.
;MARTINE.
://(bouleversée)//. Pourquoi me dites-vous ça ? Pourquoi me dites-vous ça ?
;JULIEN.
: ... J’ai cru que vous aviez oublié.
;MARTINE.
: Mais je ne vous ai rien dit, monsieur Julien... Je croyais que vous vouliez que j’aie oublié... Alors qu’est-ce que vous voulez ?
;JULIEN
://(incertain)//. Ce que je veux ?... Mais... savoir que vous pensez encore à... à...
;MARTINE,
:à quoi est-ce que ça sert, monsieur Julien ?
;JULIEN.
:...À rien...
;MARTINE.
: Si ça ne sert à rien,pourquoi me dire tout ça maintenant ?... Ça ne vous suffit pas, ce que vous m’avez fait ?
;JULIEN.
: Ce que je vous ai fait ?...
;MARTINE
://(effrayée de ses paroles)//. Enfin... j’ai mal dit... Vous comprenez... Enfin, je ne sais pas,moi...
://Elle s’accroche à la table. Elle ne peut retenir ses larmes.//
;JULIEN
://(très ému)//. Martine... Qu’est-ce que j’ai vu ?... Des larmes... Si, si, ne vous en cachez pas... Elles sont trop bonnes ; elles me prouvent que pour vous aussi... le souvenir... Ah ! Je vous jure qu’en entrant je n’avais pas l’intention de vous parler ainsi. Quelle émotion m’a pris ?... Voyez-vous... rien ne meurt... ne tremblez pas, Martine... Ce n’est pas péché, ce que je vous dis... Il n’est pas défendu de s’attendrir sur le passé... un instant... //(Sa voix se mouille.)// Un instant... //(Machinalement, les yeux suppliants, il tend les bras. Martinefrémit, effarée, le regardperdu.)// Non, non, ne tremblez pas... //(Il s’avance. Martine plie légèrement, honteuse, mais déjà prête à s’abandonner. )// Martine... Martine... //(Et soudain il semble hésiter. Son regard se charge d’inquiétude. Ses bras fléchissent lentement... Gêné, gauche, il lui prend la main, simplement.)// Avant de vous quitter... je... vous souhaite d’être heureuse, Martine... //(Brusquement, il s'écarte. Martine reste debout, devant la table, la poitrine soidevée par des sanglots contenus. Julien murmure entre ses dents.)// Qu’est-ce qui m’a pris ?... Qu’est-ce que j’ai dit là?...
{{center{//Ils restent ainsi un moment, sans parler.//}}}
!!!!!Extrait tiré de : Théâtre, Paris, Albin Michel, 1925. © Éditions Albin Michel, 1922
!Bon voyage, Messieurs du vélo^^
//chanté par Mireille//^^
| !? [[sur Youtube|https://youtu.be/D-HV0SBvzdw]] |
Bon voyage, Messieurs du vélo
Bon voyage, gagnez le gros lot
Si la route est cahotique et fatigante
Dites-vous qu'après la montée, il y aura la descente
Bon voyage, Messieurs du vélo
Bon courage, baissez votre dos
On dirait là-haut qu' les p'tits oiseaux vous chantent
"Vas-y, Toto ! À bientôt ! N'attrape pas trop chaud !"
Les vieilles dames, les marmots
Crient à tous les échos
"Bravo, bravo, messieurs du vélo"
Mesdames, messieurs, vous vous rappelez
Ce Monsieur Dumollet qui s'en allait en diligence
Aujourd'hui, nous sommes assemblés
Pour chanter les mollets, tous les mollets du Tour de France
Bon voyage, Messieurs du vélo
Bon voyage, filez au poteau
Tout à l'heure pour le vainqueur y aura des roses
Des baisers, des tours d'honneur, des tas d' bonnes petites choses
Bon courage, Messieurs du vélo
Du courage, c'est fou c' qu'il en faut
Toute la foule, les gens, les vaches, les veaux, les poules
S' mettent à danser, c'est insensé, lorsque vous passez
Les vieilles dames, les marmots
Font sauter leur chapeau
"Bravo, bravo, Messieurs du vélo"
Bon voyage, Messieurs du vélo
Bon voyage, gagnez le gros lot
Si la route est cahotée et fatigante
Dites-vous qu'après la montée, il y aura la descente
Bon voyage, Messieurs du vélo
Bon courage, baissez votre dos
On dirait là-haut qu' les p'tits oiseaux vous chantent
"Vas-y, Toto ! À bientôt ! N'attrape pas trop chaud !"
Les vieilles dames, les marmots
Crient à tous les échos
"Bravo, bravo, Messieurs du vélo"
{{homeTitle center{Michel Lépouzé}}}{{small{
|TEL| 06 79 77 09 83 |
}}}
{{homeTitle center{Michèle Turbé}}}{{small{
|nom|Turbé|
|prenom|Michèle |
|TEL| 06 08 78 96 98 |
|email|Michèle <michele.turbe@gmail.com>|
|adresse|100 bd de Port Royal 75005 Paris|
!!!!!Distribuée dans :
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'"| Textes | !durée | !distribution |h"'
>>
|HommageJean:|[[Quand vous serez bien vieille]] //Pierre de Ronsard//|
ArtDeDire2:[[Sidonie]] //Charles Cros//
ArtDeDire3: L'art poétique, de Nicolas Boileau
}}}
+++*[Objectifs2016]
!!!!Objectifs2016
Je suis venue à l'atelier avec 3 objectifs :
#Partager cette activité avec Jacques : je l'ai vu jouer la première fois, il y a 30 ans sur la grande scène du Théâtre des Champs Elysées. Ensuite, j'étais là, année après année, pour voir la troupe de l'Ecole Alsacienne monter ses spectacles, des premières lectures à la construction de la mise en scène, à la réalisation des spectacles. C'était magnifique de voir ces lycéens heureux de succès dont ils ne se savaient pas capables.
#Acquérir des compétences techniques : diction, travail de mémoire, savoir faire de régie...
#Travailler de beaux textes : poésie ou théâtre.
Je souhaite en 2016 gagner de l'agilité dans ces domaines. Atteindre les personnages, les partenaires, toucher le public est un long travail d'imagination et de souplesse. Pour moi, un atelier réussi est un atelier où le groupe, moi et les autres membres, ont produit des instants justes./%
!!!!f
%/
===
!!!!Dernières vidéos
|<<forEachTiddler where 'tiddler.text.contains("VIDÉO|") && tiddler.tags.contains ("Michèle")' sortBy 'tiddler.title'>> |
/%
!z%/
!{{center{^^Mieux interpréter :^^<br> La Méthode du //SI//}}}
Lorsque le comédien ne parvient pas à éveiller sa propre mémoire affective i doit faire appel à la méthode du " si ".
Le "// si //", mise en l'avant par Stanislavski, est beaucoup plus efficace que "// il faut que //".
Lorsque l'interprétation demeure stérile pour lui, le levier du " si " pourra lui être d'un bon secours.
L'approche devient alors différente. Prenons l'exemple d'une scène où le personnage que vous jouez est prisonnier d'une grotte infestée de serpents. Supposons que vous butiez sur le pénible sentiment " forcé " de la peur.
Au lieu d'essayer de reproduire cette émotion, abordez la question autrement en vous interrogeant :
:*''Si'' des centaines de serpents se trouvaient dans cette pièce où je suis assis?
:*''Si'' je devais me déplacer au milieu d'eux pour sortir de là?
:*''Si'' cette porte-là était verrouillée de l'extérieur… et la fenêtre trop haute pour que j'y grimpe?
:''ALORS''… Comment réagirais-je?
Il est étonnant de constater que le fait d'envisager la possibilité d'une situation nous dispose déjà à nous y préparer.
Grâce au " si " nous pouvons concevoir une situation plus vivante plutôt que de nous acharner à provoquer un sentiment qui n'existe pas.
!!!!Être vrai pour faire vrai
Que vous sollicitiez votre mémoire affective ou que vous appliquiez la Méthode, pensez toujours à jouer votre rôle avec vérité. Plus votre personnage parlera, jouera, marchera avec vérité, plus votre rôle s'enveloppera de sincérité. Le spectateur rencontrera l'émotion du personnage et votre message n'en sera que plus invitant pour lui.
" Ce qui compte pour nous, c'est l'existence réelle de la vie intérieure d'un être humain dans un rôle, et la foi en cette réalité. "*
!Mignonne, allons voir si la rose//
^^Pierre de Ronsard^^//^^
À Cassandre^^
{{center{
Mignonne, allons voir si la rose
Qui ce matin avoit desclose
Sa robe de pourpre au Soleil,
A point perdu ceste vesprée,
Les plis de sa robe pourprée,
Et son teint au vostre pareil.
Las ! voyez comme en peu d’espace,
Mignonne, elle a dessus la place
Las ! las ses beautez laissé cheoir !
Ô vrayment marastre Nature,
Puis qu’une telle fleur ne dure
Que du matin jusques au soir !
Donc, si vous me croyez, mignonne,
Tandis que vostre âge fleuronne
En sa plus verte nouveauté,
Cueillez, cueillez vostre jeunesse :
Comme à ceste fleur la vieillesse
Fera ternir vostre beauté.
!!!!!!Pierre de Ronsard, //Les Odes//
}}}
|{{tiny bold{Un amour de Célimène}}}|c
|!<<storyViewer 'Scènes extraites du Misanthrope'>>|
/%
!texte%/
{{center{[img(40%,)[27 fév 18|http://preview.ibb.co/g51enn/Snapshot_282.png][https://photos.app.goo.gl/zKKKMNpRpfc823wQ2]] [img(40%,)[Représentation du 18/01/2018 au Club Château-des-Rentiers|http://image.ibb.co/nzXYf7/Snapshot_177.png
][https://photos.app.goo.gl/fZpzL0H8pGIfHLz33]]}}}
>{{green small bold{Toute la société de Célimène traverse la scène puis le public en mimant (entre eux et avec le public) les excès de civilité que caricaturera Alceste dans la suite. Alceste ne les suit pas, et les regarde s'éloigner d'un air dédaigneux. Philinte revient sur ses pas, le chercher. }}}
;PHILINTE
:Qu’est-ce donc ? Qu’avez-vous ?
;ALCESTE
:Laissez-moi, je vous prie.
;PHILINTE
:Mais, encor, dites-moi, quelle bizarrerie...
;ALCESTE
:Laissez-moi là, vous dis-je, et courez vous cacher.
;PHILINTE
:Mais on entend les gens, au moins, sans se fâcher.
;ALCESTE
:Moi, je veux me fâcher, et ne veux point entendre.
;PHILINTE
:Dans vos brusques chagrins, je ne puis vous comprendre ;
:Et quoique amis, enfin, je suis tous des premiers...
;ALCESTE
:Moi, votre ami ? Rayez cela de vos papiers.
:J’ai fait jusques ici, profession de l’être ;
:Mais après ce qu’en vous, je viens de voir paraître,
:Je vous déclare net, que je ne le suis plus,
:Et ne veux nulle place en des cœurs corrompus.
;PHILINTE {{green small bold{ Se moquant gentiment }}}
:Je suis, donc, bien coupable, Alceste, à votre compte ?
;ALCESTE
:Allez, vous devriez mourir de pure honte,
:Une telle action ne saurait s’excuser,
:Et tout homme d’honneur s’en doit scandaliser.
{{green small bold{ Philinte affiche le plus grand étonnement de celui qui ne comprend pas }}}
:Je vous vois accabler un homme de caresses,
:Et témoigner, pour lui, les dernières tendresses ;
:De protestations, d’offres et de serments,
:Vous chargez la fureur de vos embrassements :
:Et quand je vous demande après, quel est cet homme,
:À peine pouvez-vous dire comme il se nomme,
:Votre chaleur, pour lui, tombe en vous séparant,
:Et vous me le traitez, à moi, d’indifférent.
{{green small bold{ Pour Philinte ce n'est qu'anecdotique, et il s'amuse de l'exagération d'Alceste. }}}
:Morbleu, c’est une chose indigne, lâche, infâme,
:De s’abaisser ainsi jusqu’à trahir son âme :
:Et si, par un malheur, j’en avais fait autant,
:Je m’irais, de regret, pendre tout à l’instant.
;PHILINTE {{green small bold{ Il rit franchement. }}}
:Je ne vois pas, pour moi, que le cas soit pendable ;
{{green small bold{ Il imite les singeries d'Alceste }}}
:Et je vous supplierai d’avoir pour agréable,
:Que je me fasse un peu, grâce sur votre arrêt,
:Et ne me pende pas, pour cela, s’il vous plaît.
;ALCESTE
:Que la plaisanterie est de mauvaise grâce !
;PHILINTE
:Mais, sérieusement, que voulez-vous qu’on fasse ?
;ALCESTE
:Je veux qu’on soit sincère, et qu’en homme d’honneur,
:On ne lâche aucun mot qui ne parte du cœur.
;PHILINTE
:Lorsqu’un homme vous vient embrasser avec joie,
{{green small bold{ Signe de dénégation d'Alceste }}}
:Il faut bien le payer de la même monnoie [1] ,
{{green small bold{ Signe de dénégation d'Alceste }}}
:Répondre, comme on peut, à ses empressements,
{{green small bold{ Signe de dénégation d'Alceste }}}
:Et rendre offre pour offre, et serments pour serments.
;ALCESTE
:Non, je ne puis souffrir cette lâche méthode
:Qu’affectent la plupart de vos gens à la mode ;
:Et je ne hais rien tant, que les contorsions
{{green small bold{ Philinte savoure en connaisseur les imitations outrées d'Alceste }}}
:De tous ces grands faiseurs de protestations,
:Ces affables donneurs d’embrassades frivoles,
:Ces obligeants diseurs d’inutiles paroles,
:Qui de civilités, avec tous, font combat,
:Et traitent du même air, l’honnête homme, et le fat.
:Quel avantage a-t-on qu’un homme vous caresse,
:Vous jure amitié, foi, zèle, estime, tendresse,
:Et vous fasse de vous un éloge éclatant,
:Lorsque au premier faquin, il court en faire autant ?
{{green small bold{ Alceste se fache en voyant que Philinte ne le prend pas au sérieux. Philinte essaie de prendre l'air sérieux mais n'en pense pas moins. }}}
:Non, non, il n’est point d’âme un peu bien située,
:Qui veuille d’une estime, ainsi, prostituée ;
:Et la plus glorieuse a des régals peu chers [2] ,
:Dès qu’on voit qu’on nous mêle avec tout l’univers :
:Sur quelque préférence, une estime se fonde,
:Et c’est n’estimer rien, qu’estimer tout le monde.
:Puisque vous y donnez, dans ces vices du temps,
:Morbleu, vous n’êtes pas pour être de mes gens [3] ;
{{green small bold{ Là, Philinte, interdit, se vexe. Il se prépare à rétorquer. }}}
:Je refuse d’un cœur la vaste complaisance,
:Qui ne fait de mérite aucune différence :
{{green small bold{ Alceste s'approche de Philinte, empêchant celui-ci de prendre la parole. }}}
:Je veux qu’on me distingue, et pour le trancher net,
:L’ami du genre humain n’est point du tout mon fait [4] .
;PHILINTE {{green small bold{ Sérieux }}}
:Mais quand on est du monde, il faut bien que l’on rende
:Quelques dehors civils [5] , que l’usage demande.
;ALCESTE
:Non, vous dis-je, on devrait châtier, sans pitié,
:Ce commerce honteux de semblants d’amitié :
{{green small bold{ Devant l'air stupéfait de Philinte, il explique :}}}
:Je veux que l’on soit homme, et qu’en toute rencontre,
:Le fond de notre cœur, dans nos discours, se montre ;
:Que ce soit lui qui parle, et que nos sentiments
:Ne se masquent jamais, sous de vains compliments.
;PHILINTE {{green small bold{ de loin }}}
:Il est bien des endroits, où la pleine franchise
:Deviendrait ridicule, et serait peu permise ;
{{green small bold{ avec une pointe d'irritation :}}}
:Et, parfois, n’en déplaise à votre austère honneur,
:Il est bon de cacher ce qu’on a dans le cœur.
{{green small bold{ Mouvement vers Alceste, avec une légère agressivité : }}}
:Serait-il à propos, et de la bienséance,
:De dire à mille gens tout ce que d’eux, on pense ?
:Et quand on a quelqu’un qu’on hait, ou qui déplaît,
:Lui doit-on déclarer la chose comme elle est ?
;ALCESTE
:Ouy..
;PHILINTE
:Quoi ! {{green small bold{ Sincèrement outré :}}}
:vous iriez dire à la vieille Émilie,
:Qu’à son âge, il sied mal de faire la jolie ?
:Et que le blanc qu’elle a, scandalise chacun ?
;ALCESTE
:Sans doute [6] .
;PHILINTE
:À Dorilas, qu’il est trop importun :
:Et qu’il n’est à la cour, oreille qu’il ne lasse,
:À conter sa bravoure, et l’éclat de sa race ?
;ALCESTE
:Fort bien.
;PHILINTE
{{green small bold{ S'arrête, et le regarde droit dans les yeux. Puis, d'un air sévère : }}}
:Vous vous moquez.
;ALCESTE
:Je ne me moque point,
:Et je vais n’épargner personne sur ce point.
:Mes yeux sont trop blessés ; et la cour, et la ville,
:Ne m’offrent rien qu’objets à m’échauffer la bile :
:J’entre en une humeur noire, en un chagrin profond,
:Quand je vois vivre entre eux les hommes comme ils font ;
:Je ne trouve, partout, que lâche flatterie,
:Qu’injustice, intérêt, trahison, fourberie ;
:Je n’y puis plus tenir, j’enrage, et mon dessein
:Est de rompre en visière [7] à tout le genre humain.
;PHILINTE
{{green small bold{ Avec autant d'énergie qu'Alceste : }}}
:Ce chagrin philosophe [8] est un peu trop sauvage,
{{green small bold{ Il reprend, grinçant :}}}
:Je ris des noirs accès où je vous envisage ;
:Et crois voir, en nous deux, sous mêmes soins nourris,
:Ces deux frères que peint l’Ecole des maris,
:Dont [9] ...
;ALCESTE
:Mon Dieu, laissons là vos comparaisons fades.
;PHILINTE
{{green small bold{ Sévèrement :}}}
:Non, tout de bon, quittez toutes ces incartades,
:Le monde, par vos soins, ne se changera pas ;
{{green small bold{ Grondeur amical :}}}
:Et puisque la franchise a, pour vous, tant d’appas,
:Je vous dirai tout franc, que cette maladie,
:Partout où vous allez, donne la comédie,
:Et qu’un si grand courroux contre les mœurs du temps,
:Vous tourne en ridicule auprès de bien des gens.
;ALCESTE
:Tant mieux, morbleu, tant mieux, c’est ce que je demande,
:Ce m’est un fort bon signe, et ma joie en est grande :
:Tous les hommes me sont à tel point odieux,
:Que je serais fâché d’être sage à leurs yeux.
;PHILINTE
{{green small bold{ Apitoyé :}}}
:Vous voulez un grand mal à la nature humaine !
;ALCESTE
:Oui ! j’ai conçu pour elle, une effroyable haine.
;PHILINTE
:Tous les pauvres mortels, sans nulle exception,
:Seront enveloppés dans cette aversion ?
:Encor, en est-il bien, dans le siècle où nous sommes...
;ALCESTE
:Non, elle est générale, et je hais tous les hommes :
:Les uns, parce qu’ils sont méchants, et malfaisants ;
:Et les autres, pour être aux méchants complaisants,
:Et n’avoir pas, pour eux, ces haines vigoureuses
:Que doit donner le vice aux âmes vertueuses [10] .
{{green small bold{ Philinte fait signe que là vraiment il exagère. Alceste le contrecarre par l'exemple de son procès :}}}
:De cette complaisance, on voit l’injuste excès
:Pour le franc scélérat avec qui j’ai procès ;
:Au travers de son masque, on voit à plein le traître,
:Partout, il est connu pour tout ce qu’il peut être ;
:Et ses roulements d’yeux, et son ton radouci,
:N’imposent qu’à des gens qui ne sont point d’ici.
{{green small bold{Maintenant, Philinte ne s'amuse plus des singeries d'Alceste, il s'en afflige: }}}
:On sait que ce pied plat, digne qu’on le confonde,
:Par de sales emplois, s’est poussé dans le monde :
:Et, que par eux, son sort, de splendeur revêtu,
:Fait gronder le mérite, et rougir la vertu.
:Quelques titres honteux qu’en tous lieux on lui donne,
:Son misérable honneur ne voit, pour lui, personne [11] :
:Nommez-le fourbe, infâme, et scélérat maudit,
:Tout le monde en convient, et nul n’y contredit.
:Cependant, sa grimace est, partout, bienvenue,
:On l’accueille, on lui rit ; partout, il s’insinue ;
:Et s’il est, par la brigue, un rang à disputer,
:Sur le plus honnête homme on le voit l’emporter.
:Têtebleu, ce me sont de mortelles blessures
:De voir qu’avec le vice on garde des mesures ;
:Et, parfois, il me prend des mouvements soudains,
:De fuir, dans un désert, l’approche des humains.
;PHILINTE
{{green small bold{Remise en place sévère :}}}
:Mon Dieu, des mœurs du temps, mettons-nous moins en peine,
:Et faisons un peu grâce à la nature humaine ;
:Ne l’examinons point dans la grande rigueur,
:Et voyons ses défauts, avec quelque douceur.
{{green small bold{ Ferme et convaincu :}}}
:Il faut, parmi le monde, une vertu traitable,
:À force de sagesse on peut être blâmable,
:La parfaite raison fuit toute extrémité,
:Et veut que l’on soit sage avec sobriété [12] .
:Cette grande raideur des vertus des vieux âges,
:Heurte trop notre siècle, et les communs usages,
:Elle veut aux mortels, trop de perfection,
:Il faut fléchir au temps, sans obstination ;
:Et c’est une folie, à nulle autre, seconde,
:De vouloir se mêler de corriger le monde.
{{green small bold{ Un temps, plus doucement et pédagogue :}}}
:J’observe comme vous, cent choses tous les jours,
:Qui pourraient mieux aller, prenant un autre cours :
:Mais quoi qu’à chaque pas, je puisse voir paraître,
:En courroux, comme vous, on ne me voit point être ;
:Je prends, tout doucement, les hommes comme ils sont,
:J’accoutume mon âme à souffrir ce qu’ils font ;
:Et je crois qu’à la cour, de même qu’à la ville,
:Mon flegme [13] est philosophe, {{green small bold{ Acide :}}} autant que votre bile.
;ALCESTE
:Mais ce flegme, Monsieur, qui raisonnez si bien [14] ,
:Ce flegme, pourra-t-il ne s’échauffer de rien ?
:Et s’il faut, par hasard, qu’un ami vous trahisse,
:Que pour avoir vos biens, on dresse un artifice,
:Ou qu’on tâche à semer de méchants bruits de vous,
:Verrez-vous tout cela, sans vous mettre en courroux ?
;PHILINTE
{{green small bold{calme }}}
:Oui, je vois ces défauts dont votre âme murmure,
:Comme vices unis à l’humaine nature ;
{{green small bold{ Doucement, en souriant :}}}
:Et mon esprit, enfin, n’est pas plus offensé,
:De voir un homme fourbe, injuste, intéressé,
:Que de voir des vautours affamés de carnage,
:Des singes malfaisants, et des loups pleins de rage.
;ALCESTE
:Je me verrai trahir, mettre en pièces, voler,
:Sans que je sois... Morbleu, je ne veux point parler,
:Tant ce raisonnement est plein d’impertinence.
;PHILINTE
{{green small bold{ Sur le même ton, presque cinglant :}}}
:Ma foi, vous ferez bien de garder le silence ;
:Contre votre partie, éclatez un peu moins,
:Et, donnez au procès, une part de vos soins.
;ALCESTE
:Je n’en donnerai point, c’est une chose dite.
;PHILINTE
{{green small bold{ De plus en plus agacé au fil des répliques qui suivent :}}}
:Mais qui voulez-vous, donc, qui, pour vous, sollicite [15] ?
;ALCESTE
:Qui je veux ! la raison, mon bon droit, l’équité.
;PHILINTE
:Aucun juge, par vous, ne sera visité ?
;ALCESTE
:Non, est-ce que ma cause est injuste, ou douteuse ?
;PHILINTE
:J’en demeure d’accord, mais la brigue est fâcheuse,
:Et...
;ALCESTE
:Non, j’ai résolu de n’en pas faire un pas ;
:J’ai tort, ou j’ai raison.
;PHILINTE
:Ne vous y fiez pas.
;ALCESTE
:Je ne remuerai point.
;PHILINTE
:Votre partie est forte,
:Et peut, par sa cabale, entraîner...
;ALCESTE
:Il n’importe.
;PHILINTE
:Vous vous tromperez.
;ALCESTE
:Soit, j’en veux voir le succès [16] .
;PHILINTE
:Mais...
;ALCESTE
:J’aurai le plaisir de perdre mon procès.
;PHILINTE
:Mais, enfin...
;ALCESTE
:Je verrai dans cette plaiderie [17] ,
:Si les hommes auront assez d’effronterie,
:Seront assez méchants, scélérats, et pervers,
:Pour me faire injustice aux yeux de l’univers.
;PHILINTE
:Quel homme !
;ALCESTE
:Je voudrais, m’en coutât-il grand’chose,
:Pour la beauté du fait, avoir perdu ma cause.
;PHILINTE
:On se rirait de vous, Alceste, tout de bon,
:Si l’on vous entendait parler de la façon.
;ALCESTE
:Tant pis pour qui rirait.
;PHILINTE
{{green small bold{ Durement }}}
:Mais cette rectitude
:Que vous voulez, en tout, avec exactitude,
:Cette pleine droiture où vous vous renfermez,
:La trouvez-vous ici, dans ce [18] que vous aimez ?
:Je m’étonne, pour moi, qu’étant, comme il le semble,
:Vous, et le genre humain, si fort brouillés ensemble,
:Malgré tout ce qui peut vous le rendre odieux,
:Vous ayez pris, chez lui, ce qui charme vos yeux :
:Et ce qui me surprend, encore, davantage,
:C’est cet étrange choix où votre cœur s’engage.
:La sincère Éliante a du penchant pour vous,
:La prude Arsinoé vous voit d’un œil fort doux :
:Cependant, à leurs vœux, votre âme se refuse,
:Tandis qu’en ses liens Célimène l’amuse,
:De qui l’humeur coquette, et l’esprit médisant,
:Semblent [19] si fort donner dans les mœurs d’à présent.
{{green small bold{ Un temps. Grinçant :}}}
:D’où vient que leur portant une haine mortelle,
:Vous pouvez bien souffrir ce qu’en tient cette belle ?
:Ne sont-ce plus défauts dans un objet si doux ?
:Ne les voyez-vous pas ? ou les excusez-vous ?
;ALCESTE
:Non, l’amour que je sens pour cette jeune veuve,
:Ne ferme point mes yeux aux défauts qu’on lui treuve [i] ;
:Et je suis, quelque ardeur qu’elle m’ait pu donner,
:Le premier à les voir, comme à les condamner.
:Mais, avec tout cela, quoi que je puisse faire,
:Je confesse mon faible, elle a l’art de me plaire :
:J’ai beau voir ses défauts et j’ai beau l’en blâmer,
:En dépit qu’on en ait, elle se fait aimer ;
:Sa grâce est la plus forte, et, sans doute [20] , ma flamme,
:De ces vices du temps pourra purger son âme.
;PHILINTE
:Si vous faites cela, vous ne ferez pas peu.
{{green small bold{ Méchamment :}}}
:Vous croyez être, donc, aimé d’elle ?
;ALCESTE
:Oui, parbleu ;
:Je ne l’aimerais pas si je ne croyais l’être.
;PHILINTE
:Mais si son amitié, pour vous, se fait paraître,
:D’où vient que vos rivaux vous causent de l’ennui ?
;ALCESTE
:C’est qu’un cœur bien atteint veut qu’on soit tout à lui ;
:Et je ne viens ici, qu’à dessein de lui dire
:Tout ce que là-dessus ma passion m’inspire.
;PHILINTE
{{green small bold{ Il hausse les épaules et n'essaie plus de convaincre Alceste. }}}
:Pour moi, si je n’avais qu’à former des désirs,
:La cousine Éliante aurait tous mes soupirs,
:Son cœur, qui vous estime, est solide, et sincère ;
:Et ce choix plus conforme, était mieux votre affaire.
;ALCESTE
:Il est vrai, ma raison me le dit chaque jour ;
:Mais la raison n’est pas ce qui règle l’amour.
;PHILINTE
:Je crains fort pour vos feux ; et l’espoir où vous êtes,
:Pourrait...
//Arrivée d'Oronte//
/%
!fin
%/
|''^^Un amour de Célimène^^''|c
|!<<storyViewer 'Scènes extraites du Misanthrope'>>|
|{{tiny bold{Un amour de Célimène}}}|c
|!<<storyViewer 'Scènes extraites du Misanthrope'>>|
/%
!texte%/
{{center{[img(40%,)[Représentation du 18/01/2018 au Cub Château-des-Rentiers|http://image.ibb.co/eCQiDS/Snapshot_178.png][https://photos.app.goo.gl/BmCVwYIl7WXASaWG3]]}}}
;ORONTE
:J’ai su là-bas que, pour quelques emplettes
:Éliante est sortie, et Célimène aussi :
:Mais, comme l’on m’a dit que vous étiez ici,
:J’ai monté, pour vous dire, et d’un cœur véritable,
:Que j’ai conçu pour vous, une estime incroyable ;
:Et que, depuis longtemps, cette estime m’a mis
:Dans un ardent désir d’être de vos amis.
{{green small bold{ Échange gracieux de courbettes.}}}
:Oui, mon cœur, au mérite, aime à rendre justice,
:Et je brûle qu’un nœud d’amitié nous unisse :
{{green small bold{ Échange de courbettes, plus froid pour Alceste.}}}
:Je crois qu’un ami chaud, et de ma qualité,
:N’est pas, assurément, pour être rejeté.
:C’est à vous, s’il vous plaît, que ce discours s’adresse.
{{green small bold{ //En cet endroit Alceste paraît tout rêveur,
et semble n’entendre pas qu’Oronte lui parle.//}}}
;ALCESTE
:À moi, Monsieur ?
;ORONTE
:À vous. Trouvez-vous qu’il vous blesse ?
;ALCESTE
:Non pas, mais la surprise est fort grande pour moi,
:Et je n’attendais pas l’honneur que je reçoi.
;ORONTE
:L’estime où je vous tiens ne doit point vous surprendre,
:Et de tout l’univers, vous la pouvez prétendre.
;ALCESTE
:Monsieur...
;ORONTE
:l’État n’a rien qui ne soit au-dessous
:Du mérite éclatant que l’on découvre en vous.
;ALCESTE
:Monsieur...
;ORONTE
:Oui, de ma part, je vous tiens préférable
:À tout ce que j’y vois de plus considérable.
;ALCESTE
:Monsieur...
;ORONTE
:Sois-je du Ciel écrasé, si je mens ;
:Et pour vous confirmer ici, mes sentiments,
:Souffrez qu’à cœur ouvert, Monsieur, je vous embrasse,
:Et qu’en votre amitié, je vous demande place.
{{green small bold{ Alceste ne répond pas aux bras ouverts d'Oronte.}}}
:Touchez là, s’il vous plaît,
{{green small bold{ Alceste dérobe sa main. Oronte est interloqué.}}}
:vous me la promettez
:Votre amitié ?
;ALCESTE
:Monsieur...
;ORONTE
:Quoi ! vous y résistez ?
;ALCESTE
:Monsieur, c’est trop d’honneur que vous me voulez faire ;
:Mais l’amitié demande un peu plus de mystère,
:Et c’est, assurément, en profaner le nom
:Que de vouloir le mettre à toute occasion.
:Avec lumière et choix, cette union veut naître,
:Avant que nous lier, il faut nous mieux connaître ;
:Et nous pourrions avoir telles complexions,
:Que tous deux, du marché, nous nous repentirions.
;ORONTE
{{green small bold{ Sincèrement admiratif.}}}
:Parbleu, c’est là-dessus, parler en homme sage,
:Et je vous en estime, encore davantage :
:Souffrons, donc, que le temps forme des nœuds si doux.
{{green small bold{ Courbette. Oronte prend une pose avantageuse et son air le plus généreux.}}}
:Mais, cependant, je m’offre entièrement à vous ;
:S’il faut faire à la cour, pour vous, quelque ouverture,
:On sait, qu’auprès du Roi, je fais quelque figure,
:Il m’écoute, et dans tout, il en use, ma foi,
:Le plus honnêtement du monde, avecque moi.
:Enfin, je suis à vous, de toutes les manières ;
:Et, comme votre esprit a de grandes lumières,
:Je viens, pour commencer, entre nous, ce beau nœud,
:Vous montrer un sonnet, que j’ai fait depuis peu,
:Et savoir s’il est bon qu’au public je l’expose.
;ALCESTE
:Monsieur, je suis mal propre à décider la chose,
:Veuillez m’en dispenser.
;ORONTE
{{green small bold{ Franchement surpris.}}}
:Pourquoi ?
;ALCESTE
:J’ai le défaut
:D’être un peu plus sincère, en cela, qu’il ne faut.
;ORONTE
:C’est ce que je demande,
{{green small bold{ Sourire de remerciement.}}}
et j’aurais lieu de plainte,
:Si m’exposant [22] à vous, pour me parler, sans feinte,
:Vous alliez me trahir, et me déguiser rien.
;ALCESTE
:Puisqu’il vous plaît ainsi, Monsieur, je le veux bien.
;ORONTE
{{green small bold{À la surprise des deux hommes, Oronte dispose leurs fauteuils côte à côte, leur fait signe de s'y installer, et prend la pose face à eux (et au public) dans une posture avantageuse, comme pour une représentation.}}}
:Sonnet... C’est un sonnet. L’espoir... C’est une dame,
:Qui, de quelque espérance, avait flatté ma flamme.
:L’espoir... Ce ne sont point de ces grands vers pompeux,
:Mais de petits vers doux, tendres et langoureux.
{{green small bold{ À toutes ces interruptions il regarde Alceste.}}}
;ALCESTE
:Nous verrons bien.
;ORONTE
:L’espoir... Je ne sais si le style
:Pourra vous en paraître assez net, et facile ;
:Et si, du choix des mots, vous vous contenterez.
;ALCESTE
:Nous allons voir, Monsieur.
;ORONTE
:Au reste, vous saurez,
:Que je n’ai demeuré qu’un quart d’heure à le faire.
;ALCESTE
:Voyons, Monsieur, le temps ne fait rien à l’affaire.
;ORONTE
:L’espoir, il est vrai, nous soulage,
:Et nous berce un temps, notre ennui :
:Mais, Philis, le triste avantage,
:Lorsque rien ne marche après lui !
;PHILINTE
:Je suis déjà charmé de ce petit morceau.
;ALCESTE, bas.
:Quoi ! vous avez le front de trouver cela beau ?
;ORONTE
:Vous eûtes de la complaisance,
:Mais vous en deviez moins avoir ;
:Et ne vous pas mettre en dépense
:Pour ne me donner que l’espoir.
;PHILINTE
:Ah ! qu’en termes galants, ces choses-là sont mises !
;ALCESTE, bas.
:Morbleu, vil complaisant, vous louez des sottises [23] ?
;ORONTE
:S’il faut qu’une attente éternelle
:Pousse à bout l’ardeur de mon zèle,
:Le trépas sera mon recours.
:Vos soins ne m’en peuvent distraire
:Belle Philis, on désespère,
:Alors qu’on espère toujours.
;PHILINTE
:La chute en est jolie, amoureuse, admirable.
;ALCESTE, bas.
:La peste de ta chute ! Empoisonneur au diable [24] ,
:En eusses-tu fait une à te casser le nez.
;PHILINTE
:Je n’ai jamais ouï de vers si bien tournés.
;ALCESTE
:Morbleu...
;ORONTE
:Vous me flattez, et vous croyez, peut-être...
;PHILINTE
:Non, je ne flatte point.
;ALCESTE, bas.
:Et que fais-tu donc, traître ?
;ORONTE
{{green small bold{ Empli de contentement, toujours depuis sa position de déclamation.}}}
:Mais, pour vous, vous savez quel est notre traité ;
:Parlez-moi, je vous prie, avec sincérité.
;ALCESTE
:Monsieur, cette matière est toujours délicate,
:Et, sur le bel esprit, nous aimons qu’on nous flatte :
:Mais un jour, à quelqu’un, dont je tairai le nom,
:Je disais, en voyant des vers de sa façon,
:Qu’il faut qu’un galant homme ait toujours grand empire
:Sur les démangeaisons qui nous prennent d’écrire ;
:Qu’il doit tenir la bride aux grands empressements
:Qu’on a de faire éclat de tels amusements ;
:Et que, par la chaleur de montrer ses ouvrages,
:On s’expose à jouer de mauvais personnages.
;ORONTE
{{green small bold{ Se décompose progressivement, va passer de la stupéfaction, à l'inquiétude, puis à la colère}}}
:Est-ce que vous voulez me déclarer, par là,
:Que j’ai tort de vouloir...
;ALCESTE
{{green small bold{ Au départ très amusé par le ridicule du poème, va s'entourlouper dans ses explications maladroites.}}}
:Je ne dis pas cela :
:Mais je lui disais, moi, qu’un froid écrit assomme,
:Qu’il ne faut que ce faible, à décrier un homme ;
:Et qu’eût-on, d’autre part, cent belles qualités,
:On regarde les gens par leurs méchants côtés.
;ORONTE
:Est-ce qu’à mon sonnet, vous trouvez à redire ?
;ALCESTE
:Je ne dis pas cela ; mais, pour ne point écrire,
:Je lui mettais aux yeux, comme dans notre temps,
:Cette soif a gâté de fort honnêtes gens.
;ORONTE
:Est-ce que j’écris mal ? et leur ressemblerais-je ?
;ALCESTE
:Je ne dis pas cela ; mais, enfin, lui disais-je,
:Quel besoin, si pressant, avez-vous de rimer ?
:Et qui diantre, vous pousse à vous faire imprimer ?
:Si l’on peut pardonner l’essor d’un mauvais livre,
:Ce n’est qu’aux malheureux, qui composent pour vivre.
:Croyez-moi, résistez à vos tentations,
:Dérobez au public ces occupations ;
:Et n’allez point quitter, de quoi que l’on vous somme,
:Le nom que, dans la cour, vous avez d’honnête homme,
:Pour prendre, de la main d’un avide imprimeur,
:Celui de ridicule, et misérable auteur.
:C’est ce que je tâchai de lui faire comprendre.
;ORONTE
:Voilà qui va fort bien, et je crois vous entendre.
:Mais ne puis-je savoir ce que dans mon sonnet...
;ALCESTE
:Franchement, il est bon à mettre au cabinet ;
{{green small bold{ Amusé, mais gentiment}}}
:Vous vous êtes réglé sur de méchants modèles,
:Et vos expressions ne sont point naturelles.
{{green small bold{ Se rapproche d'Oronte pour examiner le texte du sonnet.}}}
:Qu’est-ce que nous berce un temps, notre ennui,
:Et que rien ne marche après lui ?
:Que ne vous pas mettre en dépense,
:Pour ne me donner que l’espoir ?
:Et que Philis, on désespère,
:Alors qu’on espère toujours ?
{{green small bold{ Moqueur et très gamin.}}}
:Ce style figuré, dont on fait vanité,
:Sort du bon caractère, et de la vérité ;
:Ce n’est que jeu de mots, qu’affectation pure,
:Et ce n’est point ainsi que parle la nature.
:Le méchant goût du siècle, en cela, me fait peur,
:Nos pères, tous grossiers [26] , l’avaient beaucoup meilleur ;
:Et je prise bien moins tout ce que l’on admire,
:Qu’une vieille chanson, que je m’en vais vous dire.
<<<
:Si le Roi m’avait donné
:Paris sa grand’ville,
:Et qu’il me fallût quitter
:L’amour de ma mie ;
:Je dirais au roi Henri
:"Reprenez votre Paris",
:J’aime mieux ma mie, au gué,
:J’aime mieux ma mie.
<<<
:La rime n’est pas riche, et le style en est vieux :
:Mais ne voyez-vous pas que cela vaut bien mieux
:Que ces colifichets [27] , dont le bon sens murmure,
:Et que la passion parle là, toute pure ?
<<<
:Si le Roi m’avait donné
:Paris sa grand’ville,
:Et qu’il me fallût quitter
:L’amour de ma mie ;
:Je dirais au roi Henri,
:"Reprenez votre Paris,
:J’aime mieux ma mie, au gué,
:J’aime mieux ma mie."
<<<
:Voilà ce que peut dire un cœur vraiment épris.
://(À Philinte )//
:Oui, Monsieur le rieur, malgré vos beaux esprits,
:J’estime plus cela que la pompe fleurie
:De tous ces faux brillants, où chacun se récrie.
;ORONTE
:Et moi, je vous soutiens que mes vers sont fort bons.
;ALCESTE
:Pour les trouver ainsi, vous avez vos raisons ;
:Mais vous trouverez bon que j’en puisse avoir d’autres
:Qui se dispenseront de se soumettre aux vôtres.
;ORONTE
{{green small bold{ Se rapprochant de Philinte.}}}
:Il me suffit de voir que d’autres en font cas.
;ALCESTE
:C’est qu’ils ont l’art de feindre ; et moi, je ne l’ai pas.
;ORONTE
{{green small bold{ Un pas vers Alceste.}}}
:Croyez-vous, donc, avoir tant d’esprit en partage ?
;ALCESTE
:Si je louais vos vers, j’en aurais davantage.
;ORONTE
{{green small bold{ Un pas vers Alceste.}}}
:Je me passerai bien que vous les approuviez.
;ALCESTE
:Il faut bien, s’il vous plaît, que vous vous en passiez.
;ORONTE
{{green small bold{ Un pas vers Alceste.}}}
:Je voudrais bien, pour voir, que de votre manière
:Vous en composassiez sur la même matière.
;ALCESTE
:J’en pourrais, par malheur, faire d’aussi méchants ;
:Mais je me garderais de les montrer aux gens.
;ORONTE
{{green small bold{ Front à front.}}}
:Vous me parlez bien ferme, et cette suffisance...
;ALCESTE
:Autre part que chez moi, cherchez qui vous encense.
;ORONTE
:Mais, mon petit Monsieur, prenez-le un peu moins haut.
;ALCESTE
:Ma foi, mon grand Monsieur, je le prends comme il faut.
;PHILINTE,
{{green small bold{ Les séparants et prenant le bras d'Oronte pour l'entraîner vers la porte.}}}
:Eh ! Messieurs, c’en est trop, laissez cela, de grâce.
;ORONTE
:Ah ! j’ai tort, je l’avoue, et je quitte la place ;
{{green small bold{ Depuis la porte.}}}
:Je suis votre valet, Monsieur, de tout mon cœur.
{{green small bold{Il sort, tiré par Philinte.}}}
;ALCESTE
:Et moi, je suis, Monsieur, votre humble serviteur.
{{green small bold{ Il reste seul à attendre l'arrivée de Célimène.}}}/%
!fin%/
|{{tiny bold{Un amour de Célimène}}}|c
|!<<storyViewer 'Scènes extraites du Misanthrope'>>|
|{{tiny bold{Un amour de Célimène}}}|c
|!<<storyViewer 'Scènes extraites du Misanthrope'>>|
[[Mise en forme Diction|AlcesteCélimène]]
!Le Misanthrope
!!!!!!Acte 2 Scène 1 - ALCESTE, CÉLIMÈNE.
/%
!texte%/
{{center{[img(40%,)[27 fév 18|http://preview.ibb.co/hBcDDS/Snapshot_284.png][https://photos.app.goo.gl/QnuWYmzwFsbLwkqE3]] [img(40%,)[Représentation du 18/01/2018 au Club Château-des-Rentiers|http://image.ibb.co/nETyf7/Snapshot_179.png][https://photos.app.goo.gl/a0OrbP5JtoJj3Zih2]]}}}
{{green small bold{Traqueur, Alceste utilise ce temps d'attente pour chercher le ton avec lequel s'adresser à Célimène. Celle-ci apparait et observe de loin la mimique autoritaire qu'il s'exerce à jouer.}}}
;ALCESTE
{{green small bold{Apercevant Célimène, alors que celle-ci prend sa mine la plus gracieuse, un instant sidéré, il va droit à elle, toujours dans son jeu d'autorité.}}}
:Madame, voulez-vous que je vous parle net ?
:De vos façons d’agir, je suis mal satisfait :
:Contre elles, dans mon cœur, trop de bile s’assemble,
:Et je sens qu’il faudra que nous rompions ensemble.
{{green small bold{Silence absolu de Célimène. Alceste se décompose, et deviendrait presque petit garçon.}}}
:Oui, je vous tromperais de parler autrement,
:Tôt, ou tard, nous romprons, indubitablement ;
{{green small bold{De plus en plus gêné.}}}
:Et je vous promettrais, mille fois, le contraire,
:Que je ne serais pas en pouvoir de le faire.
;CÉLIMÈNE
:C’est pour me quereller, donc, à ce que je voi,
:Que vous avez voulu me ramener chez moi ?
;ALCESTE
{{green small bold{Ne joue plus, il est à nu, sincèrement torturé.}}}
:Je ne querelle point ; mais votre humeur, Madame,
:Ouvre, au premier venu, trop d’accès dans votre âme ;!
:Vous avez trop d’amants, qu’on voit vous obséder [1] ,
:Et mon cœur, de cela, ne peut s’accommoder.
;CÉLIMÈNE
{{green small bold{Flatée, avec une douceur gentiment moqueuse.}}}
:Des amants que je fais, me rendez-vous coupable ?
:Puis-je empêcher les gens de me trouver aimable ?
:Et lorsque pour me voir, ils font de doux efforts,
:Dois-je prendre un bâton, pour les mettre dehors ?
;ALCESTE
:Non, ce n’est pas, Madame, un bâton qu’il faut prendre,
:Mais un cœur, à leurs vœux, moins facile, et moins tendre.
:Je sais que vos appas vous suivent en tous lieux,
:Mais votre accueil retient ceux qu’attirent vos yeux ;
:Et sa douceur offerte à qui vous rend les armes,
:Achève, sur les cœurs, l’ouvrage de vos charmes.
:Le trop riant espoir que vous leur présentez,
:Attache, autour de vous, leurs assiduités ;
:Et votre complaisance, un peu moins étendue,
:De tant de soupirants chasserait la cohue.
{{green small bold{Célimène le regarde en souriant. Il perd pied, et s'agite devant elle :}}}
:Mais, au moins, dites-moi, Madame, par quel sort,
:Votre Clitandre a l’heur de vous plaire si fort ?
:Sur quel fonds de mérite, et de vertu sublime,
:Appuyez-vous, en lui, l’honneur de votre estime ?
:Est-ce par l’ongle long, qu’il porte au petit doigt [2] ,
:Qu’il s’est acquis, chez vous, l’estime où l’on le voit ?
:Vous êtes-vous rendue, avec tout le beau monde,
:Au mérite éclatant de sa perruque blonde ?
:Sont-ce ses grands canon [3] s, qui vous le font aimer ?
:L’amas de ses rubans a-t-il su vous charmer ?
:Est-ce par les appas de sa vaste rhingrave [4] ,
:Qu’il a gagné votre âme, en faisant votre esclave ?
:Ou sa façon de rire, et son ton de fausset,
:Ont-ils, de vous toucher, su trouver le secret ?
;CÉLIMÈNE
{{green small bold{Comme un tendre reproche :}}}
:Qu’injustement, de lui, vous prenez de l’ombrage !
{{green small bold{Elle se rapproche et lui souffle comme en confidence :}}}
:Ne savez-vous pas bien, pourquoi je le ménage ?
:Et que, dans mon procès, ainsi qu’il m’a promis,
:Il peut intéresser tout ce qu’il a d’amis ?
;ALCESTE
{{green small bold{Il s'écarte et s'enflamme :}}}
:Perdez votre procès, Madame, avec constance,
:Et ne ménagez point un rival qui m’offense [5] .
;CÉLIMÈNE
{{green small bold{Moqueuse :}}}
:Mais, de tout l’univers, vous devenez jaloux.
;ALCESTE
:C’est que tout l’univers est bien reçu de vous.
;CÉLIMÈNE
:C’est ce qui doit rasseoir votre âme effarouchée,
{{green small bold{Comme avec une tendresse navrée :}}}
:Puisque ma complaisance est sur tous épanchée :
:Et vous auriez plus lieu de vous en offenser,
:Si vous me la voyiez, sur un seul, ramasser.
;ALCESTE
:Mais, moi, que vous blâmez de trop de jalousie,
:Qu’ai-je de plus qu’eux tous, Madame, je vous prie ?
;CÉLIMÈNE
{{green small bold{De l'air le plus ensorcelant :}}}
:Le bonheur de savoir que vous êtes aimé.
;ALCESTE
:Et quel lieu de le croire a mon cœur enflammé ?
;CÉLIMÈNE
{{green small bold{Piquée.}}}
:Je pense qu’ayant pris le soin de vous le dire,
:Un aveu, de la sorte, a de quoi vous suffire.
;ALCESTE
:Mais qui m’assurera que, dans le même instant,
:Vous n’en disiez, peut-être, aux autres tout autant ?
;CÉLIMÈNE
{{green small bold{Sévèrement.}}}
:Certes, pour un amant, la fleurette est mignonne,
:Et vous me traitez, là, de gentille personne.
{{green small bold{Fausse sortie.}}}
:Hé bien, pour vous ôter d’un semblable souci,
:De tout ce que j’ai dit, je me dédis ici :
:Et rien ne saurait plus vous tromper, que vous-même ;
:Soyez content.
;ALCESTE
{{green small bold{Court à elle.}}}
:Morbleu, faut-il que je vous aime ?
:Ah ! que si, de vos mains, je rattrape mon cœur,
:Je bénirai le Ciel, de ce rare bonheur !
:Je ne le cèle pas, je fais tout mon possible
:À rompre, de ce cœur, l’attachement terrible ;
:Mais mes plus grands efforts n’ont rien fait, jusqu’ici,
:Et c’est pour mes péchés, que je vous aime ainsi.
;CÉLIMÈNE
{{green small bold{Fâchée.}}}
:Il est vrai, votre ardeur est, pour moi, sans seconde.
;ALCESTE
:Oui, je puis, là-dessus, défier tout le monde,
:Mon amour ne se peut concevoir, et jamais,
:Personne n’a, Madame, aimé comme je fais.
;CÉLIMÈNE
:En effet, la méthode en est toute nouvelle,
:Car vous aimez les gens, pour leur faire querelle ;
:Ce n’est qu’en mots fâcheux, qu’éclate votre ardeur,
{{green small bold{Un temps, pour jouir de son pouvoir sur Alceste. Alors, sur un ton de douce gronderie :}}}
:Et l’on n’a vu jamais, un amour si grondeur.
{{green small bold{Elle sort dans un mouvement gracieux.}}}
;ALCESTE
{{green small bold{Aimanté, Alceste veut la suivre. Il lance : }}}
:Mais il ne tient qu’à vous, que son chagrin ne passe ;
:À tous nos démêlés, coupons chemin, de grâce,
:Parlons à cœur ouvert, et voyons d’arrêter...
!Scène 2^^
//En suite de la dispute Célimène - Alceste.//
//Célimène, Alceste, Basque.//^^
;Célimène
:Qu’est-ce ?
;Basque
:Acaste est là-bas.
;Célimène
:Hé bien ! faites monter.
;Alceste
:Quoi ! l’on ne peut jamais vous parler tête à tête ?
:À recevoir le monde on vous voit toujours prête ;
:Et vous ne pouvez pas, un seul moment de tous,
:Vous résoudre à souffrir de n’être pas chez vous ?
;Célimène
:Voulez-vous qu’avec lui je me fasse une affaire ?
;Alceste
:Vous avez des égards qui ne sauraient me plaire.
;Célimène
:C’est un homme à jamais ne me le pardonner,
:S’il savait que sa vue eût pu m’importuner.
;Alceste
:Et que vous fait cela, pour vous gêner de sorte…
;Célimène
:Mon Dieu ! de ses pareils la bienveillance importe ;
:Et ce sont de ces gens qui, je ne sais comment,
:Ont gagné, dans la cour, de parler hautement.
:Dans tous les entretiens on les voit s’introduire ;
:Ils ne sauraient servir, mais ils peuvent vous nuire ;
:Et jamais, quelque appui qu’on puisse avoir d’ailleurs
:On ne doit se brouiller avec ces grands brailleurs.
;Alceste
:Enfin, quoi qu’il en soit, et sur quoi qu’on se fonde,
:Vous trouvez des raisons pour souffrir tout le monde ;
:Et les précautions de votre jugement…
!!!!Scène 3^^
//Alceste, Célimène, Basque.//^^
;Basque
:Voici ((Chrysalde(Clitandre))) encor, madame.
;Alceste
:Justement.
://(Il témoigne s’en vouloir aller.)//
;Célimène
:Où courez-vous ?
;Alceste
:Je sors.
;Célimène
:Demeurez.
;Alceste
:Pour quoi faire ?
;Célimène
:Demeurez.
;Alceste
:Je ne puis.
;Célimène
:Je le veux.
;Alceste
:Point d’affaire.
:Ces conversations ne font que m’ennuyer,
:Et c’est trop que vouloir me les faire essuyer.
;Célimène
:Je le veux, je le veux.
;Alceste
:Non, il m’est impossible.
;Célimène
:Hé bien ! allez, sortez, il vous est tout loisible.
{{did bold small{Alceste se retire, tout de rage contenue. Il descend sur la scène du bas et reste à vue, à Cour. On sent qu'il écoute par moments, à voir les moues fugitives de mépris qui le traversent}}}
/%
{{green small bold{Il reste un instant seul, décontenancé, puis sort.
Quelques instants après on voit dans les fonds Oronte faire admirer son sonnet à Célimène, qui, un peu distraite, s'approche de la fenêtre pour voir quel carosse arrive dans la cour.}}}
!fin
%/
|{{tiny bold{Un amour de Célimène}}}|c
|!<<storyViewer 'Scènes extraites du Misanthrope'>>|
/%note%/Misanthrope - II Scène des portraits
|{{tiny bold{Un amour de Célimène}}}|c
|!<<storyViewer 'Scènes extraites du Misanthrope'>>|
+++[Caractères des Marquises]<<tiddler 'Les Marquises'>>===
+++[Succession des tableaux de la scène]<<tiddler 'Tableaux de la scène des Marquises'>>===
!!!!Scène 4^^
//Éliante (Livia), Philinte (Gérard), Célimène (Michèle), Basque (Nicole L) et les Marquises (Brigitte, Nicole, Claudine, Yvonne, Chantal)//^^
;Éliante, //à Célimène.//
:Voici les marquis__e__s qui montent avec nous.
:Vous l’est-on venu dire ?
;Célimène, à Basque.
:Oui. Des sièges pour toutes.
{{did bold small{Basque dispose les sept sièges (déjà alignés en fond de scène) en fer à cheval face au Public.
Éliante et Philinte, puis les Marquises (sauf Brigitte et Nicole) font leur entrée et s'y installent. Chantal et Claudine prennent les deux sièges de devant, en vis-à-vis.
On se fait des grâces.
Entrent Brigitte et Nicole, deux marquises de "haut Tabouret", aucune ne voulant laisser l'autre la précéder. Elles ont le privilège des sièges de devant, et en délogent Chantal et Claudine.
Basque s'assure que ces dames n'ont besoin de rien, et va se placer en fond de scène près d' une entrée.
Tout au long de la scène, le public doit voir que Basque reste attentive au moindre besoin de ces dames, et qu'elle s'intéresse à ce qu'elles disent, discrètement, sauf aux interventions de Claudine qui la font s'esclaffer de bon cœur.
Brigitte parcourt l'assistance des yeux et d'un large geste du bras pour s'assurer qu'elle a bien l'attention de tous. Il est naturel pour elle de prendre la parole la première.
}}}
:( … )
;Brigitte
:Parbleu ! je viens du Louvre, où Cléonte, au levé,
:Madame, a bien paru ridicule achevé.
:{{did bold small{Elle savoure quelques secondes l'air interrogateur des autres, qui n'ont pas le privilège, comme elle, d'assister au lever. Puis, elle s'adresse à Célimène, la seule qui, ici, soit de son niveau. }}}
:N’a-t-il point quelque ami qui pût, sur ses manières,
:D’un charitable avis lui prêter les lumières ?
;Claudine
:Dans le monde, à vrai dire, il se barbouille fort ;
:{{did bold small{Basque s'esclaffe de bon coeur. Toutes, sauf Claudine et Éliante, lui adressent un regard sévère. Basque, piteuse, rectifie sa tenue.}}}
; Nicole V
:{{did bold small{Elle tient à ta rapeler aux autres qu'elle aussi, assiste quotidiennement au lever.}}}
:Partout, il porte un air qui saute aux yeux __d’abord__ ;
:Et, lorsqu’on le revoit {{did bold small{ Elle détache, et souligne à l'adresse de Brigitte qui comme Cléonte est souvent absente,elle qui ne l'est jamais}}} après un peu d’absence,
:On le retrouve encor plus __plein d’extravagance__.
{{did bold small{Chantal, avec une ostentation de Haut Tabouret, s'apprète à prendre la parole, mais se fait couper !}}}
;Brigitte
:Parbleu ! s’il faut parler des gens extravagants,
:Je viens d’en essuyer un des plus fatigants ;
:Damon le raisonneur, qui m’a, ne vous déplaise,
:Une heure,
au grand soleil,
tenu hors de ma chaise.
{{did bold small{Une pause (et une pose) pour bien attirer l'attention sur le bon mot qu'elle va dire.}}}
:C’est un parleur étrange, et qui trouve toujours
:L’art de ne vous rien dire avec de grands discours :
{{did bold small{Tous rient ou sourient (suivant leur personnage)}}}
;Yvonne
:{{did bold small{ravie de renchérir par un autre bon mot}}}
:Dans les propos qu’il tient on ne voit jamais goutte,
:Et ce n’est que du bruit que tout ce qu’on écoute.
;Éliante,
:{{did bold small{se penchant à l'oreille de Philinte,}}}
:Ce début n’est pas mal ; et, contre le prochain,
:La conversation prend un assez bon train.
;Brigitte
:{{did bold small{Un léger temps d'arrêt, irritée de n'avoir pu profiter de cette messe basse.}}}
:Timante encor, madame, est un bon caractère.
;Célimène
:{{did bold small{Comme si — surprise ! — elle commençait un éloge)}}}
:C’est de la tête aux pieds un homme tout mystère,
:{{did bold small{Suspens, comme pour laisser deviner}}}
:Qui vous jette, en passant, {{did bold small{Mimant avecgourmandise:}}} un coup d’œil égaré,
:{{did bold small{Tous rient}}}
:Et, sans aucune affaire, est toujours affairé.
:{{did bold small{On applaudit le bon mot}}}.
;Claudine
:{{did bold small{Contrefaisant les grimaces}}}
:Tout ce qu’il vous débite en grimaces abonde ;
;Brigitte
:À force de façons, il assomme le monde :
:Sans cesse il a tout bas, pour rompre l’entretien,
:Un secret à vous dire....
:...et ce secret n’est : ... rien !
{{did bold small{Fins applaudisements de connaisseurs !}}}
;Claudine
:De la moindre vétille il fait une merveille,
:Et, jusques au bonjour, il dit tout à l’oreille.
:{{did bold small{Basque s'esclaffe de bon coeur. Toutes, sauf Claudine et Éliante, lui adressent un regard sévère. Basque, piteuse, rectifie sa tenue.}}}
; Nicole V
:Et Géralde, madame ?
;Chantal
:Ô l’ennuyeux conteur !
;Célimène
:{{did bold small{Toujours très gracieuse, sachant toujours aguillonner, l'air de rien, la férocité des autres pour ne pas avoir à s'en rendre coupable elle-même.}}}
:Jamais on ne le voit sortir du grand seigneur
:Dans le brillant commerce il se mêle sans cesse,
:Et ne cite jamais que duc, prince, ou princesse
:La qualité l’entête ;
{{did bold small{Chantal, avec une ostentation de Haut Tabouret, s'apprète à prendre la parole, mais se fait couper par Yvonne !}}}
;Yvonne
:...et tous ses entretiens
:Ne sont que de chevaux, d’équipage, et de chiens :
; Nicole V
:Il tutoye en parlant ceux du plus haut étage,
:Et le nom de __monsieur__ est chez lui hors d’usage.
{{did bold small{Brouhaha approbateur}}}
;Célimène
:{{did bold small{Relance : }}} On dit qu’avec Bélise il est du dernier bien.
{{did bold small{Chantal, avec une ostentation de Haut Tabouret, s'apprète à prendre la parole, mais se fait couper par Nicole!}}}
; Nicole V
:Le pauvre esprit de femme, et le sec entretien !
:Lorsqu’elle vient me voir, je souffre le martyre ;
;Brigitte
:Il faut suer sans cesse à chercher que lui dire ;
:Et la stérilité de son expression
:Fait mourir à tous coups la conversation.
;Chantal
:En vain, pour attaquer son stupide silence,
:De tous les lieux communs vous prenez l’assistance :
:{{did bold small{Chantal est ravie d'avoir pu en placer une, que visiblement elle trouve excellente !}}}
;Claudine
:Le beau temps, et la pluie, et le froid, et le chaud,
:Sont des fonds qu’avec elle on épuise bientôt.
:{{did bold small{Basque s'esclaffe de bon coeur. Toutes, sauf Claudine et Éliante, lui adressent un regard sévère. Basque, piteuse, rectifie sa tenue.}}}
;Célimène
:Cependant sa visite, assez insupportable,
:Traîne en une longueur encore, épouvantable ;
:Et l’on demande l’heure, et l’on bâille vingt fois,
:Qu’elle grouille aussi peu qu’une pièce de bois.
; Nicole V
:Que vous semble d’Adraste ?
;Célimène
:Ah ! quel orgueil extrême !
;Yvonne
:C’est un homme gonflé de l’amour de soi-même.
:Son mérite jamais n’est content de la cour,
:Contre elle il fait métier de pester chaque jour ;
;Chantal
:Et l’on ne donne emploi, charge, ni bénéfice,
:Qu’à tout ce qu’il se croit on ne fasse injustice.
:{{did bold small{Chantal hoche la tête pour marquer son assentiment à ce qu'elle vient de placer.}}}
;Brigitte
:Mais le jeune Cléon, chez qui vont aujourd’hui
:Nos plus honnêtes gens, que dites-vous de lui ?
;Célimène
:Que de son cuisinier il s’est fait un mérite,
:Et que c’est à sa table à qui l’on rend visite.
;Éliante
:{{did bold small{souligne avec générosité :}}}
:Il prend soin d’y servir des mets fort délicats.
;Claudine
:Oui ; mais je voudrais bien qu’il ne s’y servît pas ;
{{did bold small{Basque s'esclaffe de bon coeur. Toutes, sauf Claudine et Éliante, lui adressent un regard sévère. Basque, piteuse, rectifie sa tenue.}}}
;Brigitte
:C’est un fort méchant plat que sa sotte personne,
:Et qui gâte, à mon goût, tous les repas qu’il donne.
;Philinte
:On fait assez de cas de son oncle Damis ;
:Qu’en dites-vous, madame ?
;Célimène
:Il est de mes amis.
;Philinte
:Je le trouve honnête homme, et d’un air assez sage.
;Célimène
:Oui ; mais il veut avoir trop d’esprit, dont j’enrage.
:Il est guindé sans cesse ; et, dans tous ses propos,
:On voit qu’il se travaille à dire de bons mots.
;Brigitte
:Depuis que dans la tête il s’est mis d’être __ habile__,
:Rien ne touche son goût, tant il est __difficile__.
;Yvonne
:Il veut voir des défauts à tout ce qu’on écrit,
:Et pense que louer n’est pas d’un bel esprit,
:Que c’est être savant que trouver à redire,
:Qu’il n’appartient qu’aux sots d’admirer et de rire,
:Et qu’en n’approuvant rien des ouvrages du temps,
:Il se met au-dessus de tous les autres gens.
;Célimène
:Aux conversations même il trouve à reprendre ;
:Ce sont propos trop bas pour y daigner descendre ;
:Et, les deux bras croisés, du haut de son esprit,
:Il regarde en pitié tout ce que chacun dit.
;Nicole V
:Dieu me damne, voilà son portrait véritable.
;Brigitte, //à Célimène qui va à la fenêtre//
:Pour bien peindre les gens vous êtes admirable.
//S'approchant de la croisée, elles aperçoivent Arsinoé qui descend de son carosse.//
|{{tiny bold{Un amour de Célimène}}}|c
|!<<storyViewer 'Scènes extraites du Misanthrope'>>|
|{{tiny bold{Un amour de Célimène}}}|c
|!<<storyViewer 'Scènes extraites du Misanthrope'>>|
{{bold medium center{Le Misanthrope - ACTE III - Arsinoé et Célimène}}}
/%
!texte%/
{{center{[img(40%,)[mardi 27 février 2018|http://preview.ibb.co/foRjL7/Snapshot_286.png][https://photos.app.goo.gl/i4g5jp3pny5KDUCs1]] [img(40%,)[Représentation du 18/01/2018 au Club Château-des-Rentiers|http://image.ibb.co/gjzof7/Snapshot_180.png][https://photos.app.goo.gl/XwbnxelYLORGJcQ03]]}}}
{{center{''Scène III''
//Célimène et un de ses galants//}}}
;CÉLIMÈNE
...^^//À la fenêtre, à l'oreille du galant
« Je n'ai rien vu de si sot »//^^
:Arsinoé !
:Un amant plairait fort à la dame,
:Et même pour Alceste, elle a tendresse d'âme.
:Ce qu'il me rend de soins outrage ses attraits ;
:Elle veut que ce soit un vol que je lui fais ;
:Et son jaloux dépit, qu'avec peine elle cache,
:En tous endroits, sous main, contre moi se détache
:Enfin je n'ai rien vu de si sot à mon gré ;
:Elle est impertinente au suprême degré,
:Et…
{{red{Scène IV - Arsinoé, Célimène, le galant}}}
;CÉLIMÈNE
:Ah ! quel heureux sort en ce lieu vous amène ?
:Madame, sans mentir, j'étais de vous en peine.
;ARSINOÉ
:Je viens pour quelque avis que j'ai cru vous devoir.
;CÉLIMÈNE
:Ah ! mon Dieu ! que je suis contente de vous voir !
//^^Le galant s'esquive en riant.^^//
{{red{Scène V - Arsinoé, Célimène}}}
;ARSINOÉ
:Leur départ ne pouvait plus à propos se faire.
;CÉLIMÈNE
:Voulons-nous nous asseoir ?
;ARSINOÉ
:Il n'est pas nécessaire.
//^^Blanc. Face à face, chacune se compose l'attitude qu'elle pense devoir avoir pour ce qui devrait suivre^^//
:Madame, l'amitié doit surtout éclater
:Aux choses qui le plus nous peuvent importer ;
//^^A se rapproche, et continue mielleuse^^//
:Et, comme il n'en est point de plus grande importance
:Que celles de l'honneur et de la bienséance,
:Je viens, par un avis qui touche votre honneur,
:Témoigner l'amitié que pour vous a mon cœur.
//^^A se replace à distance, sans quitter C des yeux.
C fait mine d'entrer dans le jeu : attention reconnaissante à ce qu'A va lui dire. ^^//
:Hier, j'étais chez des gens de vertu __singulière__,
:Où sur vous du discours on tourna la matière ;
//^^Échange de regards, C sur ses gardes^^//
:Et là, votre conduite, avec ses grands éclats,
:Madame, eut le malheur qu'on ne la loua pas.
//^^C la coupe, en s'installant ans son fauteuil de manière à pouvoir s'occuper d'autre chose tout en écoutant A.
A, un instant interdite, darde un à un ses arguments :^^//
:*Cette foule de gens dont vous souffrez visite,
:*Votre galanterie,
:*et les bruits qu'elle excite,
:Trouvèrent des censeurs plus qu'il n'aurait fallu,
:Et bien plus rigoureux que je n'eusse voulu.
//^^C se garde de réagir, écoute mais continue de s'occuper sans regarder A.
A se rapproche, et continue mielleuse^^//
:Vous pouvez bien penser quel parti je sus prendre ;
:Je fis ce que je pus pour vous pouvoir défendre ;
:Je vous excusai fort sur votre intention,
:Et voulus de votre âme être la caution.
//^^Bref regard entendu de reciement de C à A.
A prend du champ, et du fond de scène : ^^//
:Mais, vous savez qu'il est des choses dans la vie
:Qu'on ne peut excuser, quoiqu'on en ait envie ;
//^^Faussement contrite, mais avec délectation va asséner un à un ses reproches, avec une virulence croissante face à l'impavidité apparente de C.^^//
:Et je me vis contrainte à demeurer d'accord
:*Que l'air dont vous vivez vous faisait un peu tort ;
:*Qu'il prenait dans le monde une méchante face ;
:*Qu'il n'est conte fâcheux que partout on n'en fasse ;
:*Et que, si vous vouliez, tous vos déportements
:Pourraient moins donner prise aux mauvais jugements.
//^^A se reprend et redevient très suave; C (qui a maintenant son plan de réponse) feint d'entrer dans le jeu de A.^^//
:Non que j'y croie au fond l'honnêteté blessée ;
:Me préserve le ciel d'en avoir la pensée !
:Mais, aux ombres du crime, on prête aisément foi,
:Et ce n'est pas assez de bien vivre pour soi.
//^^A vient tendrement prendre les mains de C, qui les lui abandonne comme avec effusion^^//
:Madame, je vous crois l'âme trop raisonnable
:Pour ne pas prendre bien cet avis profitable,
:Et pour l'attribuer qu'aux mouvements secrets
:D'un zèle qui m'attache à tous vos intérêts.
;CÉLIMÈNE
//^^C garde les mains de A prisonnières des siennes, et - comme à la laisse - l'oblige littéralement à s'assoir dans l'autre faureuil.^^//
:Madame, j'ai beaucoup de grâces à vous rendre,
:Un tel avis m'oblige ; et, loin de le mal prendre,
:J'en prétends reconnaître à l'instant la faveur,
:Par un avis aussi qui touche votre honneur ;
//^^Prise de recul, satisfaite de voir l'autre ainsi clouée.^^//
:Et, comme je vous vois vous montrer mon amie,
:En m'apprenant les bruits que de moi l'on publie,
:Je veux suivre, à mon tour, un exemple si doux,
:En vous avertissant de ce qu'on dit de vous.
//^^Tourne lentement par derrière une A médusée et inquiète, pour se placer à distance.^^//
:En un lieu, l'autre jour, où je faisais visite,
:Je trouvai quelques gens d'un très rare mérite,
:Qui, parlant des vrais soins d'une âme qui vit bien,
:Firent tomber sur vous, madame, l'entretien.
//^^ Pause, droit dans les yeux, avec la courtoisie la plus glaciale, Un temps après chaque flèche lancée pour regarder avec la mine la plus gourmande l'effet produit sur Arsinoé, et constamment positionnée pour donner le torticolis à celle-ci :^^//
:Là, votre pruderie et vos éclats de zèle
:Ne furent pas cités comme un fort bon modèle ;
:*Cette affectation d'un grave extérieur,
:*Vos discours éternels de sagesse et d'honneur,
:*Vos mines et vos cris aux ombres d'indécence,
:Que d'un mot ambigu, peut avoir l'innocence,
:*Cette hauteur d'estime où vous êtes de vous,
:*Et ces yeux de pitié que vous jetez sur tous,
:*Vos fréquentes leçons, et vos aigres censures
:Sur des choses qui sont innocentes et pures ;
//^^ Avec l'air de la commisération la plus gracieuse et la plus désolée :^^//
:Tout cela, si je puis vous parler franchement,
:Madame, fut blâmé d'un commun sentiment.
//^^ Prenant place de l'autre côté, toujours à distance, pour singer les gens d'un très rare mérite :^^//
:À quoi bon, disaient-ils,
*cette mine modeste,
:Et ce sage dehors
::que dément tout le reste ?
:*Elle est à bien prier exacte au dernier point ;
::Mais elle bat ses gens, et ne les paye point.
*Dans tous les lieux dévots, elle étale un grand zèle ;
::Mais elle met du blanc et veut paraître belle.
*Elle fait des tableaux couvrir les nudités ;
::Mais elle a de l'amour pour les réalités.
//^^ Avec une grâce infinie :^^//
:Pour moi, contre chacun, je pris votre défense,
:Et leur assurai fort que c'était médisance ;
:Mais,
//^^ Tendre soupir d'impuissance ^^//
:tous les sentiments combattirent le mien,
:Et leur conclusion fut
//^^ Avec la férocité espiègle de celle qui couronne sa vengeance :^^//
*que vous feriez bien
:De prendre moins de soin des actions des autres,
:Et de vous mettre un peu plus en peine des vôtres ;
*Qu'on doit se regarder soi-même un fort long temps
:Avant que de songer à condamner les gens ;
*Qu'il faut mettre le poids d'une vie exemplaire
:Dans les corrections qu'aux autres on veut faire ;
*Et qu'encore vaut-il mieux s'en remettre, au besoin,
:À ceux à qui le ciel en a commis le soin.
//^^ Révérence gracieuse et courtoisie glacée :^^//
:Madame, je vous crois aussi trop raisonnable,
:Pour ne pas prendre bien cet avis profitable,
:Et pour l'attribuer qu'aux mouvements secrets
:D'un zèle qui m'attache à tous vos intérêts.
;ARSINOÉ
//^^ Sèche et fâchée ^^//
:À quoi qu'en reprenant on soit assujettie,
:Je ne m'attendais pas à cette repartie,
:Madame ;
//^^ Debout devant son siège ^^//
:et je vois bien, par ce qu'elle a d'aigreur,
:Que mon sincère avis vous a blessée au cœur.
;CÉLIMÈNE
//^^ Lui prenant doucement les mains, de l'air le plus tendre et le plus généreux ^^//
:Au contraire, madame ; et, si l'on était sage,
:Ces avis mutuels seraient mis en usage.
:On détruirait par là, traitant de bonne foi,
:Ce grand aveuglement où chacun est pour soi.
:Il ne tiendra qu'à vous, qu'avec le même zèle,
:Nous ne continuions cet office fidèle,
:Et ne prenions grand soin de nous dire, entre nous,
:Ce que nous entendrons, vous de moi, moi de vous.
;ARSINOÉ
//^^ Se dégageant vivement, le dos tourné ^^//
:Ah ! madame, de vous je ne puis rien entendre ;
:C'est en moi que l'on peut trouver fort à reprendre.
;CÉLIMÈNE
//^^ De loin, dans le dos d'Arsinoé coincée en avant-scène, avec une cruauté jouissive ^^//
:Madame, on peut, je crois, louer et blâmer tout ;
:Et chacun a raison, suivant l'âge ou le goût.
*Il est une saison pour la galanterie,
::Il en est une aussi propre à la pruderie.
*On peut, par politique, en prendre le parti,
:Quand de nos jeunes ans l'éclat est amorti ;
::Cela sert à couvrir de fâcheuses disgrâces.
//^^ Se place en face à Arsinoé, les yeux plantés sur elle, lentement et froidement ^^//
:Je ne dis pas qu'un jour je ne suive vos traces ;
:L'âge amènera tout ; et ce n'est pas le temps,
:Madame, comme on sait, d'être prude à vingt ans.
:?
;ARSINOÉ
:Certes, vous vous targuez d'un bien faible avantage,
:Et vous faites sonner terriblement votre âge.
:Ce que de plus que vous on en pourrait avoir,
:N'est pas un si grand cas pour s'en tant prévaloir ;
:Et je ne sais pourquoi votre âme ainsi s'emporte,
:Madame, à me pousser de cette étrange sorte.
;CÉLIMÈNE
:Et moi, je ne sais pas, madame, aussi pourquoi
:On vous voit en tous lieux vous déchaîner sur moi.
:Faut-il de vos chagrins sans cesse à moi vous prendre ?
:Et puis-je mais des soins qu'on ne va pas vous rendre ?
:Si ma personne aux gens inspire de l'amour,
:Et si l'on continue à m'offrir chaque jour
:Des vœux, que votre cœur peut souhaiter qu'on m'ôte,
:Je n'y saurais que faire, et ce n'est pas ma faute ;
:Vous avez le champ libre, et je n'empêche pas
:Que, pour les attirer, vous n'ayez des appas.
;ARSINOÉ
:Hélas ! et croyez-vous
*que l'on se mette en peine
:De ce nombre d'amants dont vous faites la vaine
*Et qu'il ne nous soit pas fort aisé de juger
:À quel prix aujourd'hui l'on peut les engager ?
*Pensez-vous faire croire, à voir comme tout roule,
:Que votre seul mérite attire cette foule ?
*Qu'ils ne brûlent pour vous que d'un honnête amour,
*Et que pour vos vertus, ils vous font tous la cour ?
:On ne s'aveugle point par de vaines défaites,
:Le monde n'est point dupe ; et j'en vois qui sont faites
:À pouvoir inspirer de tendres sentiments,
:Qui chez elles pourtant ne fixent point d'amants ;
:Et de là nous pouvons tirer des conséquences,
*Qu'on n'acquiert point leurs cœurs sans de grandes avances ;
*Qu'aucun, pour nos beaux yeux, n'est notre soupirant,
*Et qu'il faut acheter tous les soins qu'on nous rend.
:Ne vous enflez donc pas d'une si grande gloire
:Pour les petits brillants d'une faible victoire ;
:Et corrigez un peu l'orgueil de vos appas,
:De traiter pour cela les gens de haut en bas.
:Si nos yeux enviaient les conquêtes des vôtres,
:Je pense qu'on pourrait faire comme les autres,
:Ne se point ménager, et vous faire bien voir
:Que l'on a des amants quand on en veut avoir.
;CÉLIMÈNE
:Ayez-en donc, madame, et voyons cette affaire ;
:Par ce rare secret efforcez-vous de plaire ;
:Et sans…
;ARSINOÉ
:Brisons, madame, un pareil entretien,
:Il pousserait trop loin votre esprit et le mien ;
:Et j'aurais pris déjà le congé qu'il faut prendre
:Si mon carrosse encore ne m'obligeait d'attendre.
;CÉLIMÈNE
:Autant qu'il vous plaira vous pouvez arrêter,
:Madame, et là-dessus rien ne doit vous hâter.
:Mais, sans vous fatiguer de ma cérémonie,
:Je m'en vais vous donner meilleure compagnie ;
:Et monsieur, qu'à propos le hasard fait venir,
:Remplira mieux ma place à vous entretenir.
:Alceste, il faut que j'aille tenir un mot de lettre
:Que, sans me faire tort, je ne saurai remettre.
:Soyez avec Madame : elle aura la bonté
:D'excuser aisément mon incivilité./%
!fin
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|{{tiny bold{Un amour de Célimène}}}|c
|!<<storyViewer 'Scènes extraites du Misanthrope'>>|
|{{tiny bold{Un amour de Célimène}}}|c
|!<<storyViewer 'Scènes extraites du Misanthrope'>>|
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[img[http://img15.hostingpics.net/pics/849644641ArsinoAlcesteinsk.jpg]]%/
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{{center{[img(40%,)[mardi 27 février 2018|http://preview.ibb.co/fcuh7n/Snapshot_287.png][https://photos.app.goo.gl/ufpk5HkRQja7aqaJ3]] [img(40%,)[Représentation du 18/01/2018 au Club Château-des-Rentiers|http://image.ibb.co/c6tg07/Snapshot_181.png][https://photos.app.goo.gl/wX8f29tGhfooxb9J2]]}}}
;ARSINOÉ
:Vous voyez, elle veut que je vous entretienne,
:Attendant, un moment, que mon carrosse vienne ;
:Et jamais tous ses soins ne pouvaient m’offrir rien,
:Qui me fût plus charmant, qu’un pareil entretien.
:En vérité, les gens d’un mérite sublime,
:Entraînent de chacun, et l’amour, et l’estime ;
:Et le vôtre, sans doute , a des charmes secrets,
:Qui font entrer mon cœur dans tous vos intérêts.
:Je voudrais que la cour, par un regard propice,
:À ce que vous valez, rendît plus de justice :
:Vous avez à vous plaindre, et je suis en courroux,
:Quand je vois, chaque jour, qu’on ne fait rien pour vous.
;ALCESTE
:Moi, Madame ! Et sur quoi pourrais-je en rien prétendre ?
:Quel service, à l’État, est-ce qu’on m’a vu rendre ?
:Qu’ai-je fait, s’il vous plaît, de si brillant de soi,
:Pour me plaindre à la cour qu’on ne fait rien pour moi ?
;ARSINOÉ
:Tous ceux, sur qui la cour jette des yeux propices,
:N’ont pas, toujours, rendu de ces fameux services ;
:Il faut l’occasion, ainsi que le pouvoir :
:Et le mérite, enfin, que vous nous faites voir,
:Devrait...
;ALCESTE
:Mon Dieu ! laissons mon mérite, de grâce ;
:De quoi voulez-vous, là, que la cour s’embarrasse ?
:Elle aurait fort à faire, et ses soins seraient grands,
:D’avoir à déterrer le mérite des gens.
;ARSINOÉ
:Un mérite éclatant se déterre lui-même ;
:Du vôtre, en bien des lieux, on fait un cas extrême ;
:Et vous saurez, de moi, qu’en deux fort bons endroits,
:Vous fûtes hier, loué par des gens d’un grand poids.
;ALCESTE
:Eh ! Madame, l’on loue aujourd’hui tout le monde,
:Et le siècle, par là, n’a rien qu’on ne confonde ;
:Tout est d’un grand mérite également doué,
:Ce n’est plus un honneur que de se voir loué ;
:D’éloges on regorge ; à la tête, on les jette,
:Et mon valet de chambre est mis dans la Gazette .
;ARSINOÉ
:Pour moi, je voudrais bien, que pour vous montrer mieux,
:Une charge, à la cour, vous pût frapper les yeux :
:Pour peu que d’y songer, vous nous fassiez les mines,
:On peut, pour vous servir, remuer des machines ,
:Et j’ai des gens en main, que j’emploierai pour vous,
:Qui vous feront, à tout, un chemin assez doux.
;ALCESTE
:Et que voudriez-vous, Madame, que j’y fisse ?
:L’humeur dont je me sens veut que je m’en bannisse ;
:Le Ciel ne m’a point fait, en me donnant le jour,
:Une âme compatible avec l’air de la cour.
:Je ne me trouve point les vertus nécessaires
:Pour y bien réussir, et faire mes affaires.
:Être franc, et sincère, est mon plus grand talent,
:Je ne sais point jouer les hommes en parlant ;
:Et qui n’a pas le don de cacher ce qu’il pense,
:Doit faire, en ce pays, fort peu de résidence.
:Hors de la cour, sans doute , on n’a pas cet appui,
:Et ces titres d’honneur, qu’elle donne aujourd’hui ;
:Mais on n’a pas, aussi, perdant ces avantages,
:Le chagrin de jouer de fort sots personnages.
:On n’a point à souffrir mille rebuts cruels,
:On n’a point à louer les vers de messieurs tels,
:À donner de l’encens à madame une telle,
:Et de nos francs marquis, essuyer la cervelle .
;ARSINOÉ
:Laissons, puisqu’il vous plaît, ce chapitre de cour,
:Mais il faut que mon cœur vous plaigne en votre amour ;
:Et pour vous découvrir, là-dessus, mes pensées,
:Je souhaiterais fort vos ardeurs mieux placées :
:Vous méritez, sans doute , un sort beaucoup plus doux,
:Et celle qui vous charme, est indigne de vous.
;ALCESTE
:Mais, en disant cela, songez-vous, je vous prie,
:Que cette personne est, Madame, votre amie ?
;ARSINOÉ
:Oui, mais ma conscience est blessée en effet,
:De souffrir, plus longtemps, le tort que l’on vous fait :
:L’état où je vous vois, afflige trop mon âme,
:Et je vous donne avis, qu’on trahit votre flamme.
;ALCESTE
:C’est me montrer, Madame, un tendre mouvement ;
:Et de pareils avis obligent un amant.
;ARSINOÉ
:Oui, toute mon amie , elle est, et je la nomme
:Indigne d’asservir le cœur d’un galant homme.
:Et le sien n’a, pour vous, que de feintes douceurs.
;ALCESTE
:Cela se peut, Madame, on ne voit pas les cœurs ;
:Mais votre charité se serait bien passée
:De jeter, dans le mien, une telle pensée.
;ARSINOÉ
:Si vous ne voulez pas être désabusé,
:Il faut ne vous rien dire, il est assez aisé.
;ALCESTE
:Non ; mais sur ce sujet, quoi que l’on nous expose,
:Les doutes sont fâcheux, plus que toute autre chose ;
:Et je voudrais, pour moi, qu’on ne me fît savoir
:Que, ce qu’avec clarté, l’on peut me faire voir.
;ARSINOÉ
:Hé bien, c’est assez dit ; et, sur cette matière,
:Vous allez recevoir une pleine lumière.
((......(:Oui, je veux que de tout, vos yeux vous fassent foi,
:Donnez-moi, seulement, la main jusque chez moi.)))
{{green small bold{Arsinoé sort de son giron, l'air triomphant, une lettre qu'elle tend à Alceste en insistant pour qu'il en prenne connaissance.}}}
:Là, je vous ferai voir une preuve fidèle
:De l’infidélité du cœur de votre belle ;
;ALCESTE
{{green small bold{Il se décompose, puis la fureur le gagne. Il lit à haute voix ce passage :}}}
<<<
//... Pour l’homme aux majnteau bleu , il me divertit quelquefois avec ses brusqueries et son chagrin bourru ; mais il est cent moments où je le trouve le plus fâcheux du monde.... //
<<<
{{green small bold{Cri de rage, Alceste sort, outré la lettre à la main. Arsinoé fait mine de le rattraper, et lui lance, très suave et captieuse :}}}
;ARSINOÉ
:Et si, pour d’autres yeux, le vôtre peut brûler,
:On pourra vous offrir de quoi vous consoler.
{{green small bold{Elle suit un instant Alceste des yeux, puis revient en milieu de scène, et lentement tire de son giron une deuxième lettre. Elle traverse le public, cette lettre à la main pour la tendre à Oronte au fond. Pendant qu'Oronte en prend connaissance, Alceste revient, sa lettre en mains, suivi de Philinte qui veut le tempérer.
}}}
////./%
!fin
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|{{tiny bold{Un amour de Célimène}}}|c
|!<<storyViewer 'Scènes extraites du Misanthrope'>>|
|{{tiny bold{Un amour de Célimène}}}|c
|!<<storyViewer 'Scènes extraites du Misanthrope'>>|
!!!!Terminaison de Célimène et Alceste
!!!!!!//Extraits de l'acte V// /%
!texte%/
{{center{[img(40%,)[Représentation du 18/01/2018 au Club Château-des-Rentiers|http://image.ibb.co/mZM4nn/Snapshot_182.png][https://photos.app.goo.gl/UP5DHHC2lMArzWOB2]]}}}
;ALCESTE
{{green small bold{Venant de faire lire à Philinte la lettre que lui a donné Arsinoé}}}
Ma résolution en est prise, vous dis-je.
;PHILINTE
Mais, quel que soit ce coup, faut-il qu’il vous oblige ?…
{{green small bold{Entre Oronte, dans un coin, qui plongé dans la lecture d'une lette similaire, ne les voit pas. Il relit, pour lui-même ce passage :}}}
;ORONTE
<<<
//...Pour l’homme à la veste, qui s’est jeté dans le bel esprit, et veut être auteur malgré tout le monde, je ne puis me donner la peine d’écouter ce qu’il dit ; et sa prose me fatigue autant que ses vers. Mettez-vous donc en tête que je ne me divertis pas toujours si bien ! ...//
<<<
{{green small bold{Entre Célimène, toute séduction dehors, qui perd progressivement sa superbe en voyant les deux hommes la regarder d'un air sévère et accusateur.}}}
;ORONTE
Il me faut de votre âme une pleine assurance :
Un amant là-dessus n’aime point qu’on balance.
Si l’ardeur de mes feux a pu vous émouvoir,
Vous ne devez point feindre à me le faire voir
{{green small bold{Avec la plus grande fermeté :}}}
Et la preuve, après tout, que je vous en demande,
C’est de ne plus souffrir qu’Alceste vous prétende,
De le sacrifier, madame, à mon amour,
Et de chez vous enfin le bannir dès ce jour.
;ALCESTE,
{{green small bold{Sort du coin où il était avec Philinte, avec ausi la plus grande fermeté :}}}
Oui, Monsieur a raison ; madame, il faut choisir ;
Et sa demande ici s’accorde à mon désir.
Pareille ardeur me presse, et même soin m’amène :
Mon amour veut du vôtre une marque certaine
;CÉLIMÈNE
{{green small bold{Regarde successivement chacun des deux hommes, puis tente une esquive.}}}
Que vous me fatiguez avec un tel caprice !
Ce que vous demandez a-t-il de la justice ?
{{green small bold{Entre Arsinoé, toute guillerette}}}
;ARSINOÉ, à Célimène.
Madame, vous serez surprise de ma vue ;
Mais ce sont ces messieurs qui causent ma venue :
{{green small bold{Elle se place de côté pour observer et savourer les expressions des trois protagonistes}}}
Tous deux ils m’ont trouvée, et se sont plaints à moi
D’un trait à qui mon cœur ne saurait prêter foi.
{{green small bold{Gracieusement :}}}
J’ai bien voulu chez vous leur faire compagnie,
Pour vous voir vous laver de cette calomnie.
{{green small bold{Oronte et Alceste exhibent chacun la lettre de Célimène qu'Arsinoé leur a donné, comme autant de pièces à convistion.}}}
{{green small bold{Un long temps, où l'on voit Célimène hésiter, s'affaisser puis se résoudre à abdiquer.}}}
;CÉLIMÈNE
J’ai tort, je le confesse ; et mon âme confuse
Ne cherche à vous payer d’aucune vaine excuse.
{{green small bold{À Alceste}}}
Votre ressentiment, sans doute, est raisonnable ;
Je sais combien je dois vous paraître coupable,
Que toute chose dit que j’ai pu vous trahir,
Et qu’enfin, vous avez sujet de me haïr.
{{green small bold{Un pas en avant, telle une condamnée :}}}
Faites-le, j’y consens.
;ALCESTE
{{green small bold{Se précipite, mais auprès d'elle toute sa fureur tombe}}}
Eh ! le puis-je, traîtresse ?
Puis-je ainsi triompher de toute ma tendresse ?
{{green small bold{Ils se taisent, puis se séparent, vont lentement chacun à une extrémité de l'avant-scène comme pour sortir, s'arrètent et se regardent comme une dernière fois. Alors, Alceste :}}}
Et, quoique avec ardeur je veuille vous haïr,
Trouvé-je un cœur en moi tout prêt à m’obéir ?
{{green small bold{(Célimène se détend et sourit : elle a encore, aujourd'hui, gagné)}}}
{{green small bold{Alceste, à Oronte et à Philinte.}}}
Et je vous fais tous deux témoins de ma faiblesse,
Vous voyez ce que peut une indigne tendresse.
{{center red{RIDEAU}}}/%
!fin
%/
|{{tiny bold{Un amour de Célimène}}}|c
|!<<storyViewer 'Scènes extraites du Misanthrope'>>|
{{center{[img(33%,)[Illustration: Carolus-Duran|https://arbrealettres.files.wordpress.com/2014/08/carolus-duran-une-femme-nue-assise-vue-de-dos-regardant-la-mer.jpg]]}}}
^^671: [[André|https://giga.gg/l/577aeb9818e6dff2088b4575]]^^
!Moesta et errabunda
!!!!!{{center{Charles BAUDELAIRE
(1821-1867)}}}
{{center{
Dis-moi, ton coeur parfois s'envole-t-il, Agathe,
Loin du noir océan de l'immonde cité,
Vers un autre océan où la splendeur éclate,
Bleu, clair, profond, ainsi que la virginité ?
Dis-moi, ton coeur parfois s'envole-t-il, Agathe ?
La mer, la vaste mer, console nos labeurs !
Quel démon a doté la mer, rauque chanteuse
Qu'accompagne l'immense orgue des vents grondeurs,
De cette fonction sublime de berceuse ?
La mer, la vaste mer, console nos labeurs !
Emporte-moi, wagon ! enlève-moi, frégate !
Loin ! loin ! ici la boue est faite de nos pleurs !
- Est-il vrai que parfois le triste coeur d'Agathe
Dise : Loin des remords, des crimes, des douleurs,
Emporte-moi, wagon, enlève-moi, frégate ?
Comme vous êtes loin, paradis parfumé,
Où sous un clair azur tout n'est qu'amour et joie,
Où tout ce que l'on aime est digne d'être aimé,
Où dans la volupté pure le coeur se noie !
Comme vous êtes loin, paradis parfumé !
Mais le vert paradis des amours enfantines,
Les courses, les chansons, les baisers, les bouquets,
Les violons vibrant derrière les collines,
Avec les brocs de vin, le soir, dans les bosquets,
- Mais le vert paradis des amours enfantines,
L'innocent paradis, plein de plaisirs furtifs,
Est-il déjà plus loin que l'Inde et que la Chine ?
Peut-on le rappeler avec des cris plaintifs,
Et l'animer encor d'une voix argentine,
L'innocent paradis plein de plaisirs furtifs ?
}}}
!!!!!Apollinaire
;Mon Lou je veux te parler maintenant de l’Amour
Il monte dans mon cœur comme le soleil sur le jour
Et le soleil il agite ses rayons comme des fouets
Pour activer nos âmes et les lier
Mon amour c’est seulement ton bonheur
Et ton bonheur c’est seulement ma volonté
Ton amour doit être passionné de douleur
Ma volonté se confond avec ton désir et ta beauté
Ah ! Ah ! te revoilà devant moi toute nue
Captive adorée toi la dernière venue
Tes seins ont le goût pâle des kakis et des figues de Barbarie
Hanches fruits confis je les aime ma chérie
L’écume de la mer dont naquis la déesse
Evoque celle-là qui naît de ma caresse
Si tu marches Splendeur tes yeux ont le luisant
D’un sabre au doux regard prêt à se teindre de sang
Si tu te couches Douceur tu deviens mon orgie
Et le mets savoureux de notre liturgie
Si tu courbes Ardeur comme une flamme au vent
Des atteintes du feu jamais rien n’est décevant
Je flambe dans ta flamme et suis de ton amour
Le phénix qui se meurt et renaît chaque jour
{{center{
!M o n p a y s
!!!!!Gilles Vigneault
}}}
Mon pays ce n´est pas un pays, c´est l´hiver
Mon jardin ce n´est pas un jardin, c´est la plaine
Mon chemin ce n´est pas un chemin, c´est la neige
Mon pays ce n´est pas un pays, c´est l´hiver
Dans la blanche cérémonie
Où la neige au vent se marie
Dans ce pays de poudrerie
Mon père a fait bâtir maison
Et je m´en vais être fidèle
A sa manière, à son modèle
La chambre d´amis sera telle
Qu´on viendra des autres saisons
Pour se bâtir à côté d´elle
Mon pays ce n´est pas un pays, c´est l´hiver
Mon refrain ce n´est pas un refrain, c´est rafale
Ma maison ce n´est pas ma maison, c´est froidure
Mon pays ce n´est pas un pays, c´est l´hiver
De mon grand pays solitaire
Je crie avant que de me taire
A tous les hommes de la terre
Ma maison c´est votre maison
Entre mes quatre murs de glace
Je mets mon temps et mon espace
A préparer le feu, la place
Pour les humains de l´horizon
Et les humains sont de ma race
Mon pays ce n´est pas un pays, c´est l´hiver
Mon jardin ce n´est pas un jardin, c´est la plaine
Mon chemin ce n´est pas un chemin, c´est la neige
Mon pays ce n´est pas un pays, c´est l´hiver
Mon pays ce n´est pas un pays, c´est l´envers
D´un pays qui n´était ni pays ni patrie
Ma chanson ce n´est pas une chanson, c´est ma vie
C´est pour toi que je veux posséder mes hivers
!Mon rêve familier
!!!!!{{center{Paul VERLAINE (1844-1896)}}}
{{center{
Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
D'une femme inconnue, et que j'aime, et qui m'aime
Et qui n'est, chaque fois, ni tout à fait la même
Ni tout à fait une autre, et m'aime et me comprend.
Car elle me comprend, et mon coeur, transparent
Pour elle seule, hélas ! cesse d'être un problème
Pour elle seule, et les moiteurs de mon front blême,
Elle seule les sait rafraîchir, en pleurant.
Est-elle brune, blonde ou rousse ? - Je l'ignore.
Son nom ? Je me souviens qu'il est doux et sonore
Comme ceux des aimés que la Vie exila.
Son regard est pareil au regard des statues,
Et, pour sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle a
L'inflexion des voix chères qui se sont tues.
}}}
{{center{
!Mon rêve familier
}}}
Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
D'une femme inconnue, et que j'aime, et qui m'aime
Et qui n'est, chaque fois, ni tout à fait la même
Ni tout à fait une autre, et m'aime et me comprend.
Car elle me comprend, et mon coeur, transparent
Pour elle seule, hélas ! cesse d'être un problème
Pour elle seule, et les moiteurs de mon front blême,
Elle seule les sait rafraîchir, en pleurant.
Est-elle brune, blonde ou rousse ? - Je l'ignore.
Son nom ? Je me souviens qu'il est doux et sonore
Comme ceux des aimés que la Vie exila.
Son regard est pareil au regard des statues,
Et, pour sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle a
L'inflexion des voix chères qui se sont tues.
!!!!!Paul Verlaine (1844-1896)
!!!!!!//Poèmes saturniens (1866).//
!Le monologue de Lorenzo
//Alfred de Musset//
;Acte IV, scène 9
//Le troisième monologue de l’acte IV est le dernier avant le meurtre. Lorenzo a organisé un rendez-vous entre le duc et Catherine dans sa chambre afin de tuer son cousin. Dans cette scène, Lorenzo se retrouve seul et se livre à une répétition du meurtre. Il est très impatient de tuer son cousin, mais l’heure n’a pas encore sonné…//
//Une place ; il est nuit. Entre Lorenzo//
– Je lui dirai que c’est un motif de pudeur, et j’emporterai la lumière ;
– cela se fait tous les jours
– une nouvelle mariée, par exemple, exige cela de son mari pour entrer dans la chambre nuptiale ; et Catherine passe pour très vertueuse.
– Pauvre fille ! qui l’est sous le soleil, si elle ne l’est pas ! Que ma mère mourût de tout cela, voilà ce qui pourrait arriver.
Ainsi donc, voilà qui est fait. Patience ! une heure est une heure, et l’horloge vient de sonner ; si vous y tenez cependant !
– Mais non, pourquoi ? Emporte le flambeau si tu veux ; la première fois qu’une femme se donne, cela est tout simple.
– Entrez donc, chauffez-vous donc un peu.
– Oh ! mon Dieu, oui, pur caprice de jeune fille ; et quel motif de croire à ce meurtre ? Cela pourra les étonner, même Philippe.
Te voilà, toi, face livide ? //(La lune paraît.)//
Si les républicains étaient des hommes, quelle révolution demain dans la ville ! Mais Pierre est un ambitieux ; les Ruccellaï seuls valent quelque chose.
– Ah ! les mots, les mots, les éternelles paroles ! s’il y a quelqu’un là-haut, il doit bien rire de nous tous ; cela est très comique, très comique, vraiment.
– Ô bavardage humain ! ô grand tueur de corps morts ! grand défonceur de portes ouvertes ! ô hommes sans bras !
Non ! non ! je n’emporterai pas la lumière.
– J’irai droit au cœur ; il se verra tuer… sang du Christ ! on se mettra demain aux fenêtres.
Pourvu qu’il n’ait pas imaginé quelque cuirasse nouvelle, quelque cotte de mailles ! Maudite invention ! Lutter avec Dieu et le diable, ce n’est rien ; mais lutter avec des bouts de ferraille croisés les uns sur les autres par la main sale d’un armurier ! Je passerai le second pour entrer ; il posera son épée là
– ou là
– oui, sur le canapé.
– Quant à l’affaire du baudrier à rouler autour de la garde, cela est aisé ; s’il pouvait lui prendre fantaisie de se coucher, voilà où serait le vrai moyen ; couché, assis, ou debout ? assis plutôt. Je commencerai par sortir ; Scoronconcolo est enfermé dans le cabinet. Alors nous venons, nous venons ; je ne voudrais pourtant pas qu’il tournât le dos. J’irai à lui tout droit.
– Allons, la paix, la paix ! l’heure va venir.
– Il faut que j’aille dans quelque cabaret ; je ne m’aperçois pas que je prends du froid, et je boirai une bouteille ;
– non, je ne veux pas boire. Où diable vais-je donc ? les cabarets sont fermés.
Est-elle bonne fille ?
– Oui, vraiment.
– En chemise ? Oh ! non, non, je ne le pense pas.
– Pauvre Catherine ! que ma mère mourût de tout cela, ce serait triste. Et quand je lui aurais dit mon projet, qu’aurais-je pu y faire ? au lieu de la consoler, cela lui aurait fait dire : crime ! crime ! jusqu’à son dernier soupir !
Je ne sais pourquoi je marche, je tombe de lassitude. (Il s’assoit sur un banc.)
Pauvre Philippe ! une fille belle comme le jour. Une seule fois, je me suis assis près d’elle sous le marronnier ; ces petites mains blanches, comme cela travaillait ! Que de journées j’ai passées, toi, assis sous les arbres ! Ah ! quelle tranquillité ! quel horizon à Cafaggiuolo ! Jeannette était jolie, la petite fille du concierge, en faisant sécher sa lessive. Comme elle chassait les chèvres qui venaient marcher sur son linge étendu sur le gazon ! la chèvre blanche revenait toujours avec ses grandes pattes menues. (Une horloge sonne.)
Ah ! ah ! il faut que j’aille là-bas.
– Bonsoir, mignon ; eh ! trinque donc avec Giomo.
– Bon vin ! cela serait plaisant qu’il lui vînt à l’idée de me dire : Ta chambre est-elle retirée ? entendra-t-on quelque chose du voisinage ? Cela serait plaisant ; ah ! on y a pourvu. Oui, cela serait drôle qu’il lui vînt cette idée.
Je me trompe d’heure ; ce n’est que la demie. Quelle est donc cette lumière sous le portique de l’église ? on taille, on remue des pierres. Il paraît que ces hommes sont courageux avec les pierres. Comme ils coupent ! comme ils enfoncent ! Ils font un crucifix ; avec quel courage ils le clouent ! je voudrais voir que leur cadavre de marbre les prît tout d’un coup à la gorge.
Eh bien ? eh bien ? quoi donc ? j’ai des envies de danser qui sont incroyables. Je crois, si je m’y laissais aller, que je sauterais comme un moineau sur tous ces gros plâtras et sur toutes ces poutres. Eh, mignon ! eh, mignon ! mettez vos gants neufs, un plus bel habit que cela, tra la la ! faites-vous beau, la mariée est belle. Mais, je vous le dis à l’oreille, prenez garde à son petit couteau. (Il sort en courant.)
{{small{
<<<
;Un monologue mouvementé
:L’anxiété du héros avant le crime. Son discours désordonné est la marque de son délire intérieur. Lorenzo est en totale opposition avec le héros classique qui monologue car il extériorise son angoisse.
:Lorenzo a plusieurs interlocuteurs fictifs : Catherine, Marie (sa mère), Philippe, les républicains, Scoronconcolo, Jeannette, Giomo.
;La psychologie du personnage
:Plusieurs sentiments chez Lorenzo :
::''L’angoisse, la nervosité :'' Lorenzo est obsédé par l’heure. Il craint de nouveaux obstacles : « pourvu qu’il n’ait pas imaginé quelque cuirasse nouvelle, quelque cotte de mailles ».
::''L’amertume :'' les républicains sont incapables d’agir. Les hommes ne sont capables que de bavardages. Lorenzo ne se fait pas d’illusions sur l’utilité de son acte : « Si les républicains étaient des hommes, quelle révolution demain dans la ville ! ».
::''La dérision'' de Lorenzo à propos du meurtre qu’il a programmé (fin de la scène).
::''La tendresse :'' lorsque Lorenzo évoque Jeannette (nostalgie), Catherine et sa mère.
::''La jubilation, l’exaltation :'' lorsque Lorenzo repense au meurtre qu’il va accomplir. Voir la fin de la scène : « j’ai des envies de danser qui sont incroyables »
<<<
}}}
!//^^On ne badine pas avec l'amour, acte II, scène 5^^
//Perdican
;Perdican
:Adieu, Camille, retourne à ton couvent, et lorsqu'on te fera de ces récits hideux qui t'ont empoisonnée, réponds ce que je vais te dire : Tous les hommes sont menteurs, inconstants, faux, bavards, hypocrites, orgueilleux et lâches, méprisables et sensuels ; toutes les femmes sont perfides, artificieuses, vaniteuses, curieuses et dépravées ; le monde n'est qu'un égout sans fond où les phoques les plus informes rampent et se tordent sur des montagnes de fange ; mais il y a au monde une chose sainte et sublime, c'est l'union de deux de ces êtres si imparfaits et si affreux. On est souvent trompé en amour, souvent blessé et souvent malheureux ; mais on aime, et quand on est sur le bord de sa tombe, on se retourne pour regarder en arrière ; et on se dit : “ J'ai souffert souvent, je me suis trompé quelquefois, mais j'ai aimé. C'est moi qui ai vécu, et non pas un être factice créé par mon orgueil et mon ennui. ” adieu, Camille, retourne à ton couvent, et lorsqu'on te fera de ces récits hideux qui t'ont empoisonnée, réponds ce que je vais te dire : Tous les hommes sont menteurs, inconstants, faux, bavards, hypocrites, orgueilleux et lâches, méprisables et sensuels ; toutes les femmes sont perfides, artificieuses, vaniteuses, curieuses et dépravées ; le monde n'est qu'un égout sans fond où les phoques les plus informes rampent et se tordent sur des montagnes de fange ; mais il y a au monde une chose sainte et sublime, c'est l'union de deux de ces êtres si imparfaits et si affreux. On est souvent trompé en amour, souvent blessé et souvent malheureux ; mais on aime, et quand on est sur le bord de sa tombe, on se retourne pour regarder en arrière ; et on se dit : “ J'ai souffert souvent, je me suis trompé quelquefois, mais j'ai aimé. C'est moi qui ai vécu, et non pas un être factice créé par mon orgueil et mon ennui.
!BON APPÉTIT, MESSIEURS !^^
Victor Hugo //Ruy Blas//^^
>//Ruy Blas, premier ministre du roi d’Espagne, surprend les conseillers du roi en train de se partager les richesses du royaume.//
''RUY BLAS'', //survenant. //
Bon appétit, messieurs !
://Tous se retournent. Silence de surprise et d'inquiétude. Ruy Blas se couvre, croise les bras, et poursuit en les regardant en face.//
Ô ministres intègres !
Conseillers vertueux ! Voilà votre façon
De servir, serviteurs qui pillez la maison !
Donc vous n'avez pas honte et vous choisissez l'heure,
L'heure sombre où l'Espagne agonisante pleure !
Donc vous n'avez ici pas d'autres intérêts
Que remplir votre poche et vous enfuir après !
Soyez flétris, devant votre pays qui tombe,
Fossoyeurs qui venez le voler dans sa tombe !
– Mais voyez, regardez, ayez quelque pudeur.
L'Espagne et sa vertu, l'Espagne et sa grandeur,
Tout s'en va. – nous avons, depuis Philippe Quatre,
Perdu le Portugal, le Brésil, sans combattre ;
En Alsace Brisach, Steinfort en Luxembourg ;
Et toute la Comté jusqu'au dernier faubourg ;
Le Roussillon, Ormuz, Goa, cinq mille lieues
De côte, et Fernambouc, et les montagnes bleues !
Mais voyez. – du ponant jusques à l'orient,
L'Europe, qui vous hait, vous regarde en riant.
Comme si votre roi n'était plus qu'un fantôme,
La Hollande et l'Anglais partagent ce royaume ;
Rome vous trompe ; il faut ne risquer qu'à demi
Une armée en Piémont, quoique pays ami ;
La Savoie et son duc sont pleins de précipices.
La France pour vous prendre attend des jours propices.
L'Autriche aussi vous guette. Et l'infant bavarois
Se meurt, vous le savez. – quant à vos vice-rois,
Médina, fou d'amour, emplit Naples d'esclandres,
Vaudémont vend Milan, Leganez perd les Flandres.
Quel remède à cela ? – l'État est indigent,
L'état est épuisé de troupes et d'argent ;
Nous avons sur la mer, où Dieu met ses colères,
Perdu trois cents vaisseaux, sans compter les galères.
Et vous osez ! ... – messieurs, en vingt ans, songez-y,
Le peuple, – j'en ai fait le compte, et c'est ainsi ! –
Portant sa charge énorme et sous laquelle il ploie,
Pour vous, pour vos plaisirs, pour vos filles de joie,
Le peuple misérable, et qu'on pressure encor,
A sué quatre cent trente millions d'or !
Et ce n'est pas assez ! Et vous voulez, mes maîtres ! ... –
Ah ! J'ai honte pour vous ! – au dedans, routiers, reîtres,
Vont battant le pays et brûlant la moisson.
L'escopette est braquée au coin de tout buisson.
Comme si c'était peu de la guerre des princes,
Guerre entre les couvents, guerre entre les provinces,
Tous voulant dévorer leur voisin éperdu,
Morsures d'affamés sur un vaisseau perdu !
Notre église en ruine est pleine de couleuvres ;
L'herbe y croît. Quant aux grands, des aïeux, mais pas d'oeuvres.
Tout se fait par intrigue et rien par loyauté.
L'Espagne est un égout où vient l'impureté
De toute nation. – tout seigneur à ses gages
À cent coupe-jarrets qui parlent cent langages.
Génois, sardes, flamands, Babel est dans Madrid.
L'alguazil, dur au pauvre, au riche s'attendrit.
La nuit on assassine, et chacun crie: à l'aide !
– Hier on m'a volé, moi, près du pont de Tolède ! –
La moitié de Madrid pille l'autre moitié.
Tous les juges vendus. Pas un soldat payé.
Anciens vainqueurs du monde, Espagnols que nous sommes.
Quelle armée avons-nous ? À peine six mille hommes,
Qui vont pieds nus. Des gueux, des juifs, des montagnards,
S'habillant d'une loque et s'armant de poignards.
Aussi d'un régiment toute bande se double.
Sitôt que la nuit tombe, il est une heure trouble
Où le soldat douteux se transforme en larron.
Matalobos a plus de troupes qu'un baron.
Un voleur fait chez lui la guerre au roi d'Espagne.
Hélas ! Les paysans qui sont dans la campagne
Insultent en passant la voiture du roi.
Et lui, votre seigneur, plein de deuil et d'effroi,
Seul, dans l'Escurial, avec les morts qu'il foule,
Courbe son front pensif sur qui l'empire croule !
– Voilà ! – l'Europe, hélas ! Écrase du talon
Ce pays qui fut pourpre et n'est plus que haillon.
L'état s'est ruiné dans ce siècle funeste,
Et vous vous disputez à qui prendra le reste !
Ce grand peuple espagnol aux membres énervés,
Qui s'est couché dans l'ombre et sur qui vous vivez,
Expire dans cet antre où son sort se termine,
Triste comme un lion mangé par la vermine !
!Monologue de Sosie
Qui va là ? Heu ? Ma peur, à chaque pas, s'accroit.
Messieurs, ami de tout le monde
Ah ! quelle audace sans seconde
De marcher à l'heure qu'il est !
Que mon maitre, couvert de gloire,
Me joue ici d'un vilain tour !
Quoi ? si pour son prochain il avait quelque amour,
M'aurait-il fait partir par une nuit si noir ?
Et pour me renvoyer annoncer son retour
Et le détail de sa victoire,
Ne pourait-il pas bien attendre qu'il fut jour ?
Sosie, à quelle servitude
Tes jours sont-ils assujettis !
Notre sort est beaucoup plus rude
Chez les grands que chez les petits.
Ils veulent que pour eux tout soit, dans la nature,
Obligé de s'immoler
Jour et nui, grele, vent, péril, chaleur, froidure,
Dès qu'ils partent, il faut voler.
Vingt ans d'assidu service
N'en obtiennent rien pour nous ;
Le moindre petit caprice
Nous attire leur courroux.
Cependant notre ame insensée
S'acharne au vain honneur de demeure près d'eux,
Et s'y veut contenter de la fausse pensée
Qu'ont tous les autres gens que nous sommes heurex.
Vers la retraite en vain la raison nous appelle ;
En vain notre dépit quelquefois y consent ;
Leur vue a sur notre zèle
Un ascendant trop puissant,
Et la moindre faveur d'un coup d'oeil caressant
Nous rengage de plus belle.
Mais enfin, dans l'obuscurité,
Je vois notre maison, et ma frayeur s'évade.
Il me faudrait, pour l'ambassade,
Quelques discours prémédité,
Je dois aux yeux d’Alcmène un portrait militaire
Du grand combat qui met nos ennemis à bas.
Mais comment diantre le faire,
Si je ne m’y trouvai pas ?
N’importe, parlons-en et d’estoc et de taille,
Comme oculaire témoin :
Combien de gens font-ils des récits de bataille
Dont ils se sont tenus loin ?
Pour jouer mon rôle sans peine,
Je le veux un peu repasser.
Voici la chambre où j’entre en courrier que l’on mène,
Et cette lanterne est Alcmène,
À qui je me dois adresser.
//(Il pose sa lanterne à terre, et lui adresse son compliment.)//
« Madame, Amphitryon, mon maître, et votre époux.
(Bon ! beau début ! ) l’esprit toujours plein de vos charmes,
M’a voulu choisir entre tous,
Pour vous donner avis du succès de ses armes,
Et du désir qu’il a de se voir près de vous.
— Ha ! Vraiment, mon pauvre Sosie,
À te revoir j’ai de la joie au cœur.
— Madame, ce m’est trop d’honneur,
Et mon destin doit faire envie. »
(Bien répondu ! ) « Comment se porte Amphitryon ?
— Madame, en homme de courage,
Dans les occasions où la gloire l’engage. »
(Fort bien ! belle conception ! )
« Quand viendra-t-il, par son retour charmant,
Rendre mon âme satisfaite ?
— Le plus tôt qu’il pourra, Madame, assurément,
Mais bien plus tard que son cœur ne souhaite. »
(Ah !) « Mais quel est l’état où la guerre l’a mis ?
Que dit-il ? que fait-il ? Contente un peu mon âme.
— Il dit moins qu’il ne fait, Madame,
Et fait trembler les ennemis. »
(Peste ! où prend mon esprit toutes ces gentillesses ? )
« Que font les révoltés ? dis-moi, quel est leur sort ?
— Ils n’ont pu résister, Madame, à notre effort :
Nous les avons taillés en pièces,
Mis Ptérélas leur chef à mort,
Pris Télèbe d’assaut, et déjà dans le port
Tout retentit de nos prouesses.
« Ah ! quel succés ! o Dieux ! Qui l'aut pu jamais croire ? Raconte-moi, Sosie, un tel évènement.»
- Je le veux bien, Madame ; et, sans m'enfler de gloire,
Du détail de cette victoire
Je puis parler très savamment
Figurez-vous donc que Télèbe,
Madame, est de coté :
//(Il marque les lieux sur sa main, ou à terre)//
C'est une ville, en vérité,
Aussi grande quasi que Th_be,
La rivière est comme là.
Ici nos gens se campèrent ;
Et l'espace que voila,
Nos ennemis l'occupèrent :
Sur un haut, vers cet endroit,
Etait leur infanterie ;
Et plus bas, du cotè droit,
Etait la cavalerie.
Après avoir aux Dieux adressè les prières,
tous les ordre donnée, on donne le signal.
Les ennemis, pensant nous tailler des croupières,
Firent trois pelotons de leurs gens à cheval ;
Mais leur chaleur par nous fut bientot réprimée,
Et vous allez voir comme quoi.
Voila notre avant-garde à bien faire animée ;
Là, les archers de Créon, notre roi ;
Et voici le corps d'armèe,
//(On fait un peu de bruit)//
Quoi d'abord... Attendez : le corps d'armée a peur.
J'entends quelque bruit, ce me semble.
/%
|je|[[Mady]]|
|vie|Sentiment de trahison : amour et haine|
|d|2:40|
%/
!Monologue d’Hermione «Je ne t'ai point aimé, cruel ?»//
^^Andromaque acte IV, scène 5^^//
''Hermione''
{{small right indent italic red{Comment attendrir Pyrrhus <br>dans l’espoir fou de le retenir}}}
Je ne t'ai point aimé, cruel ? Qu'ai-je donc fait ?
J'ai dédaigné pour toi les vœux de tous nos princes ;
Je t'ai cherché moi-même au fond de tes provinces ;
J'y suis encor, malgré tes infidélités,
Et malgré tous mes Grecs honteux de mes bontés.
Je leur ai commandé de cacher mon injure ;
J'attendais en secret le retour d'un parjure ;
J'ai cru que tôt ou tard, à ton devoir rendu,
Tu me rapporterais un cœur qui m'était dû.
Je t'aimais inconstant, qu'aurais-je fait fidèle ?
Et même en ce moment où ta bouche cruelle
Vient si tranquillement m'annoncer le trépas,
Ingrat, je doute encor si je ne t'aime pas.
{{small right indent italic red{Feint d’accepter la fatalité et <br>tente de l'effrayer par la perspective de son suicide}}}
Mais, Seigneur, s'il le faut, si le ciel en colère
Réserve à d'autres yeux la gloire de vous plaire,
Achevez votre hymen, j'y consens ; mais du moins
Ne forcez pas mes yeux d'en être les témoins.
Pour la dernière fois je vous parle peut-être.
Différez-le d'un jour, demain, vous serez maître...
{{small right indent italic red{Pyrrhus reste de marbre <br>À bout de stratégies, elle laisse éclater sa jalousie :<br> ironie et sarcasme}}}
Vous ne répondez point ? Perfide, je le vois :
Tu comptes les moments que tu perds avec moi !
Ton cœur, impatient de revoir ta Troyenne,
Ne souffre qu'à regret qu'un autre t'entretienne.
Tu lui parles du cœur, tu la cherches des yeux.
Je ne te retiens plus, sauve-toi de ces lieux,
Va lui jurer la foi que tu m'avais jurée,
{{small right indent italic red{Imprécation et menace : }}}
Va profaner des dieux la majesté sacrée.
Ces dieux, ces justes dieux n'auront pas oublié
Que les mêmes serments avec moi t'ont lié.
Porte au pied des autels ce cœur qui m'abandonne,
{{small right indent italic red{Elle déchaîne sa rage mortelle : rythme amplificateur (1/1/5/5) <br>et martèlement des occlusives [k, d, t]}}}
Va, cours ; mais crains encor d'y trouver Hermione.
<<foldHeadings opened>>
!Monologue d’Hermione «Où suis-je ? Qu’ai-je fait ? »//
^^Andromaque (Acte V) de Racine^^//
Où suis-je ? Qu’ai-je fait ? Que dois-je faire encore ?
Quel transport me saisit ? Quel chagrin me dévore ?
Errante et sans dessein je cours dans ce palais.
Ah ! ne puis-je savoir si j’aime ou si je hais ?
Le cruel ! de quel œil il m’a congédiée !
Sans pitié, sans douleur au moins étudiée !
L’ai-je vu se troubler et me plaindre un moment ?
En ai-je pu tirer un seul gémissement ?
Muet à mes soupirs, tranquille à mes alarmes,
Semblait-il seulement qu’il eût part à mes larmes ?
Et je le plains encore ! Et pour comble d’ennui,
Mon cœur, mon lâche cœur s’intéresse pour lui !
Je tremble au seul penser du coup qui le menace ?
Et prête à me venger, je lui fais déjà grâce ?
Non, ne révoquons point l’arrêt de mon courroux :
Qu’il périsse. Aussi bien il ne vit plus pour nous.
Le perfide triomphe, et se rit de ma rage :
Il pense voir en pleurs dissiper cet orage ;
Il croit que toujours faible et d’un cœur incertain,
Je parerai d’un bras les coups de l’autre main.
Il juge encor de moi par mes bontés passées.
Mais plutôt le Perfide a bien d’autres pensées :
Triomphant dans le Temple, il ne s’informe pas
Si l’on souhaite ailleurs sa vie ou son trépas.
Il me laisse, l’Ingrat ! cet embarras funeste.
Non, non encore un coup, laissons agir Oreste.
Qu’il meure, puis qu’enfin il a dû le prévoir,
Et puis qu’il m’a forcée enfin à le vouloir.
A le vouloir ? Hé quoi ? C’est donc moi qui l’ordonne ?
Sa mort sera l’effet de l’amour d’Hermione ?
Ce Prince, dont mon cœur se faisait autrefois,
Avec tant de plaisir, redire les exploits,
A qui même en secret je m’étais destinée,
Avant qu’on eût conclu ce fatal hyménée,
Je n’ai donc traversé tant de mers, tant d’Etats,
Que pour venir si loin préparer fon trépas,
L’assassiner, le perdre ? Ah ? devant qu’il expire…
<<foldHeadings closed>>
//À l’angle de la rue des Patriarches et de la rue de l’Épée-de-Bois. Paris Ve//
;^^QUIDAM^^
:Pardon, monsieur l’agent, l’hôpital Lariboisière, c’est où déjà ?
;^^AGENT^^
:Jeune homme, il est exactement situé au numéro 13 de la rue Ambroise-Paré.
;^^QUIDAM^^
:Et où se trouve-t-elle cette rue ?
;^^AGENT^^
:Entre le 95 de la rue de Maubeuge et le 154 du boulevard de Magenta.
;^^QUIDAM^^
:Et dans quel arrondissement se trouve la rue Ambroise-Paré, s’il vous plaît ?
;^^AGENT^^
:Dans le dixième arrondissement, jeune homme.
;^^QUIDAM^^
:C’est pas la porte à côté d’après ce que vous me dites, car ici, nous sommes dans le cinquième arrondissement. Alors, monsieur l’agent, comment dois-je m’y prendre pour me rendre à l’hôpital Lariboisière, s’il vous plaît ?
;^^AGENT^^
:Vous pouvez y aller à pied. Mais c’est loin. Alors, je vous conseille le métro.
;^^QUIDAM^^
:Merci largement, monsieur l’agent. À quelle station, s’il vous plaît ?
;^^AGENT^^
:À la station Censier-Daubenton. Tout près d’ici. Et vous descendez à Barbès-Rochechouart.
;^^QUIDAM^^
:Merci profondément, monsieur l’agent. Quelle ligne est-ce, s’il vous plaît ?
;^^AGENT^^
:Ligne numéro 12. Mairie d’Issy-Porte de la Chapelle, et réciproquement avec changement à la gare de l’Est, ligne numéro 4, Porte de Clignancourt-Porte d’Orléans, et inversement.
;^^QUIDAM^^
:Merci intensément, monsieur l’agent. Et où se trouve la station Barbès-Rochechouart, s’il vous plaît ?
;^^AGENT^^
:Elle est située au carrefour du boulevard Barbès, du boulevard de Rochechouart et du boulevard de la Chapelle, face à la rue de Rochechouart, qui commence au 2, rue Lamartine et finit 19, boulevard de Rochechouart, devant la place d’Anvers.
;^^QUIDAM^^
:Merci énormément, monsieur l’agent. Mais il n’y a pas d’autobus pour y aller ?
;^^AGENT^^
:Si, bien sûr !
;^^QUIDAM^^
:Quelle ligne, monsieur l’agent, s’il vous plaît ?
;^^AGENT^^
:C’est que ça commence à ne pas me plaire du tout. Vous verrez bien, c’est écrit dessus.
;^^QUIDAM^^
:Merci infiniment et immensément, monsieur l’agent. Dommage que je n’aie rien à y foutre, à l’hôpital Lariboisière, vu que je ne suis pas malade et que je n’ai personne à voir qui y soit hospitalisé, parce que, avec les renseignements que vous m’avez donnés, j’aurais pu y aller les doigts dans le nez et les yeux fermés.
;^^AGENT^^
:Non, mais dites donc, jeune homme, est-ce que vous n’êtes pas présentement en train de vous payer régulièrement ma tête ?
;^^QUIDAM^^
:Bien sûr que si, monsieur l’agent, autrement vous pensez bien que je ne me serais jamais permis de vous poser toute cette série de questions.
;^^AGENT^^
:Ah bon ! Parce que, hein ! Autant savoir à quoi s’en tenir !
Name: MptwBlack
Background: #000
Foreground: #fff
PrimaryPale: #333
PrimaryLight: #555
PrimaryMid: #888
PrimaryDark: #aaa
SecondaryPale: #111
SecondaryLight: #222
SecondaryMid: #555
SecondaryDark: #888
TertiaryPale: #222
TertiaryLight: #666
TertiaryMid: #888
TertiaryDark: #aaa
Error: #300
Name: MptwBlue
Background: #fff
Foreground: #000
PrimaryPale: #cdf
PrimaryLight: #57c
PrimaryMid: #114
PrimaryDark: #012
SecondaryPale: #ffc
SecondaryLight: #fe8
SecondaryMid: #db4
SecondaryDark: #841
TertiaryPale: #eee
TertiaryLight: #ccc
TertiaryMid: #999
TertiaryDark: #666
Error: #f88
//{{{
// Pretty sure this is incomplete and experimental
// TODO: Fix it or remove it.
(function($){
merge(config.macros,{
mptwCollapse: {
handler: function(place,macroName,params) {
createTiddlyButton(place, params[0] == '+' ? '\u25AD' : '\u25AC', 'collapse/uncollapse', function(){
$(story.findContainingTiddler(place)).toggleClass('collapsed');
});
}
}
});
/* this doesn't work unless you have a modified ViewTempate */
config.shadowTiddlers["MptwCollapsePluginStyles"] = ""
+".collapsed .uncollapsedView { display:none; }"
+".collapsedView { display:none; }"
+".collapsed .collapsedView { display:block; }"
+".tiddler.collapsed { padding-bottom:1em; }"
+".tiddler.collapsed .title { font-size:100%; }"
;
store.addNotification("MptwCollapsePluginStyles",refreshStyles);
})(jQuery);
//}}}
/***
|Name:|MptwConfigPlugin|
|Description:|Miscellaneous tweaks used by MPTW|
|Version:|1.0a|
|Date:|27-Jun-2011|
|Source:|http://mptw.tiddlyspot.com/#MptwConfigPlugin|
|Author:|Simon Baird <simon.baird@gmail.com>|
|License:|http://mptw.tiddlyspot.com/#MptwConfigPlugin|
!!Note: instead of editing this you should put overrides in MptwUserConfigPlugin
***/
//{{{
var originalReadOnly = readOnly;
var originalShowBackstage = showBackstage;
config.options.chkHttpReadOnly = false; // means web visitors can experiment with your site by clicking edit
readOnly = false; // needed because the above doesn't work any more post 2.1 (??)
showBackstage = true; // show backstage for same reason
config.options.chkInsertTabs = true; // tab inserts a tab when editing a tiddler
config.views.wikified.defaultText = ""; // don't need message when a tiddler doesn't exist
config.views.editor.defaultText = ""; // don't need message when creating a new tiddler
config.options.chkSaveBackups = true; // do save backups
config.options.txtBackupFolder = 'backup'; // put backups in a backups folder
config.options.chkAutoSave = (window.location.protocol == "file:"); // do autosave if we're in local file
config.mptwVersion = "2.7.4";
config.macros.mptwVersion={handler:function(place){wikify(config.mptwVersion,place);}};
if (config.options.txtTheme == '')
config.options.txtTheme = 'MptwTheme';
// add to default GettingStarted
config.shadowTiddlers.GettingStarted += "\n\nSee also [[MPTW]].";
// add select theme and palette controls in default OptionsPanel
config.shadowTiddlers.OptionsPanel = config.shadowTiddlers.OptionsPanel.replace(/(\n\-\-\-\-\nAlso see \[\[AdvancedOptions\]\])/, "{{select{<<selectTheme>>\n<<selectPalette>>}}}$1");
// these are used by ViewTemplate
config.mptwDateFormat = 'DD/MM/YY';
config.mptwJournalFormat = 'Journal DD/MM/YY';
//}}}
Name: MptwGreen
Background: #fff
Foreground: #000
PrimaryPale: #9b9
PrimaryLight: #385
PrimaryMid: #031
PrimaryDark: #020
SecondaryPale: #ffc
SecondaryLight: #fe8
SecondaryMid: #db4
SecondaryDark: #841
TertiaryPale: #eee
TertiaryLight: #ccc
TertiaryMid: #999
TertiaryDark: #666
Error: #f88
Name: MptwRed
Background: #fff
Foreground: #000
PrimaryPale: #eaa
PrimaryLight: #c55
PrimaryMid: #711
PrimaryDark: #500
SecondaryPale: #ffc
SecondaryLight: #fe8
SecondaryMid: #db4
SecondaryDark: #841
TertiaryPale: #eee
TertiaryLight: #ccc
TertiaryMid: #999
TertiaryDark: #666
Error: #f88
|Name|MptwRounded|
|Description|Mptw Theme with some rounded corners (Firefox only)|
|ViewTemplate|MptwTheme##ViewTemplate|
|EditTemplate|MptwTheme##EditTemplate|
|PageTemplate|MptwTheme##PageTemplate|
|StyleSheet|##StyleSheet|
!StyleSheet
/*{{{*/
[[MptwTheme##StyleSheet]]
.tiddler,
.sliderPanel,
.button,
.tiddlyLink,
.tabContents
{ -moz-border-radius: 1em; }
.tab {
-moz-border-radius-topleft: 0.5em;
-moz-border-radius-topright: 0.5em;
}
#topMenu {
-moz-border-radius-bottomleft: 2em;
-moz-border-radius-bottomright: 2em;
}
/*}}}*/
Name: MptwSmoke
Background: #fff
Foreground: #000
PrimaryPale: #aaa
PrimaryLight: #777
PrimaryMid: #111
PrimaryDark: #000
SecondaryPale: #ffc
SecondaryLight: #fe8
SecondaryMid: #db4
SecondaryDark: #841
TertiaryPale: #eee
TertiaryLight: #ccc
TertiaryMid: #999
TertiaryDark: #666
Error: #f88
|Name|MptwStandard|
|Description|Mptw Theme with the default TiddlyWiki PageLayout and Styles|
|ViewTemplate|MptwTheme##ViewTemplate|
|EditTemplate|MptwTheme##EditTemplate|
Name: MptwTeal
Background: #fff
Foreground: #000
PrimaryPale: #B5D1DF
PrimaryLight: #618FA9
PrimaryMid: #1a3844
PrimaryDark: #000
SecondaryPale: #ffc
SecondaryLight: #fe8
SecondaryMid: #db4
SecondaryDark: #841
TertiaryPale: #f8f8f8
TertiaryLight: #bbb
TertiaryMid: #999
TertiaryDark: #888
Error: #f88
|Name|MptwTheme|
|Description|Mptw Theme including custom PageLayout|
|PageTemplate|##PageTemplate|
|ViewTemplate|##ViewTemplate|
|EditTemplate|##EditTemplate|
|StyleSheet|##StyleSheet|
http://mptw.tiddlyspot.com/#MptwTheme ($Rev: 1829 $)
!PageTemplate
<!--{{{-->
<div class='header' macro='gradient vert [[ColorPalette::PrimaryLight]] [[ColorPalette::PrimaryMid]]'>
<div class='headerShadow'>
<span class='siteTitle' refresh='content' tiddler='SiteTitle'></span>
<span class='siteSubtitle' refresh='content' tiddler='SiteSubtitle'></span>
</div>
<div class='headerForeground'>
<span class='siteTitle' refresh='content' tiddler='SiteTitle'></span>
<span class='siteSubtitle' refresh='content' tiddler='SiteSubtitle'></span>
</div>
</div>
<div id='sidebar'>
<div id='sidebarOptions' refresh='content' tiddler='SideBarOptions'></div>
<div id='sidebarTabs' refresh='content' force='true' tiddler='SideBarTabs'></div>
</div>
<div id='displayArea'>
<div id='messageArea'></div>
<div id='tiddlerDisplay'></div>
</div>
<!--}}}-->
!ViewTemplate
<!--{{{-->
<div class="uncollapsedView">
[[MptwTheme##ViewTemplateToolbar]]
<div class="tagglyTagged" macro="tags"></div>
<div class='titleContainer'>
<span class='title' macro='view title'></span>
<span macro="miniTag"></span>
</div>
<div class='subtitle'>
(updated <span macro='view modified date {{config.mptwDateFormat?config.mptwDateFormat:"MM/0DD/YY"}}'></span>
by <span macro='view modifier link'></span>)
<!--
(<span macro='message views.wikified.createdPrompt'></span>
<span macro='view created date {{config.mptwDateFormat?config.mptwDateFormat:"MM/0DD/YY"}}'></span>)
-->
</div>
<div macro="showWhen tiddler.tags.containsAny(['css','html','pre','systemConfig']) && !tiddler.text.match('{{'+'{')">
<div class='viewer'><pre macro='view text'></pre></div>
</div>
<div macro="else">
<div class='viewer' macro='view text wikified'></div>
</div>
<div class="tagglyTagging" macro="tagglyTagging"></div>
</div>
<div class="collapsedView">
<span class='toolbar'>
<span macro='toolbar closeTiddler'></span>
<span macro='mptwCollapse +'></span>
</span>
<span class='title' macro='view title'></span>
</div>
<!--}}}-->
!ViewTemplateToolbar
<!--{{{-->
<div class='toolbar'>
<span macro="showWhenTagged systemConfig">
<span macro="toggleTag systemConfigDisable . '[[disable|systemConfigDisable]]'"></span>
</span>
<span macro="showWhenTagged systemTheme"><span macro="applyTheme"></span></span>
<span macro="showWhenTagged systemPalette"><span macro="applyPalette"></span></span>
<span macro="showWhen tiddler.tags.contains('css') || tiddler.title == 'StyleSheet'"><span macro="refreshAll"></span></span>
<span style="padding:1em;"></span>
<span macro='toolbar closeTiddler closeOthers permalink jump > +editTiddler deleteTiddler fields syncing references'></span> <!--span macro='mptwCollapse -'></span-->
</div>
<!--}}}-->
!EditTemplate
<!--{{{-->
<div class="toolbar" macro="toolbar +saveTiddler saveCloseTiddler closeOthers -cancelTiddler cancelCloseTiddler deleteTiddler"></div>
<div class="title" macro="view title"></div>
<div class="editLabel">Title</div><div class="editor" macro="edit title"></div>
<div macro='annotations'></div>
<div class="editLabel">Content</div><div class="editor" macro="edit text"></div>
<div class="editLabel">Tags</div><div class="editor" macro="edit tags"></div>
<div class="editorFooter"><span macro="message views.editor.tagPrompt"></span><span macro="tagChooser"></span></div>
<!--}}}-->
!StyleSheet
/*{{{*/
/* a contrasting background so I can see where one tiddler ends and the other begins */
body {
background: [[ColorPalette::TertiaryLight]];
}
/* sexy colours and font for the header */
.headerForeground {
color: [[ColorPalette::PrimaryPale]];
}
.headerShadow, .headerShadow a {
color: [[ColorPalette::PrimaryMid]];
}
/* separate the top menu parts */
.headerForeground, .headerShadow {
padding: 1em 1em 0;
}
.headerForeground, .headerShadow {
font-family: 'Trebuchet MS', sans-serif;
font-weight:bold;
}
.headerForeground .siteSubtitle {
color: [[ColorPalette::PrimaryLight]];
}
.headerShadow .siteSubtitle {
color: [[ColorPalette::PrimaryMid]];
}
/* make shadow go and down right instead of up and left */
.headerShadow {
left: 1px;
top: 1px;
}
/* prefer monospace for editing */
.editor textarea, .editor input {
font-family: 'Consolas', monospace;
background-color:[[ColorPalette::TertiaryPale]];
}
/* sexy tiddler titles */
.title {
font-size: 250%;
color: [[ColorPalette::PrimaryLight]];
font-family: 'Trebuchet MS', sans-serif;
}
/* more subtle tiddler subtitle */
.subtitle {
padding:0px;
margin:0px;
padding-left:1em;
font-size: 90%;
color: [[ColorPalette::TertiaryMid]];
}
.subtitle .tiddlyLink {
color: [[ColorPalette::TertiaryMid]];
}
/* a little bit of extra whitespace */
.viewer {
padding-bottom:3px;
}
/* don't want any background color for headings */
h1,h2,h3,h4,h5,h6 {
background-color: transparent;
color: [[ColorPalette::Foreground]];
}
/* give tiddlers 3d style border and explicit background */
.tiddler {
background: [[ColorPalette::Background]];
border-right: 2px [[ColorPalette::TertiaryMid]] solid;
border-bottom: 2px [[ColorPalette::TertiaryMid]] solid;
margin-bottom: 1em;
padding:1em 2em 2em 1.5em;
}
/* make options slider look nicer */
#sidebarOptions .sliderPanel {
border:solid 1px [[ColorPalette::PrimaryLight]];
}
/* the borders look wrong with the body background */
#sidebar .button {
border-style: none;
}
/* this means you can put line breaks in SidebarOptions for readability */
#sidebarOptions br {
display:none;
}
/* undo the above in OptionsPanel */
#sidebarOptions .sliderPanel br {
display:inline;
}
/* horizontal main menu stuff */
#displayArea {
margin: 1em 15.7em 0em 1em; /* use the freed up space */
}
/* make 2.2 act like 2.1 with the invisible buttons */
.toolbar {
visibility:hidden;
}
.selected .toolbar {
visibility:visible;
}
/* experimental. this is a little borked in IE7 with the button
* borders but worth it I think for the extra screen realestate */
.toolbar { float:right; }
/* fix for TaggerPlugin. from sb56637. improved by FND */
.popup li .tagger a {
display:inline;
}
/* makes theme selector look a little better */
#sidebarOptions .sliderPanel .select .button {
padding:0.5em;
display:block;
}
#sidebarOptions .sliderPanel .select br {
display:none;
}
/* make it print a little cleaner */
@media print {
#topMenu {
display: none ! important;
}
/* not sure if we need all the importants */
.tiddler {
border-style: none ! important;
margin:0px ! important;
padding:0px ! important;
padding-bottom:2em ! important;
}
.tagglyTagging .button, .tagglyTagging .hidebutton {
display: none ! important;
}
.headerShadow {
visibility: hidden ! important;
}
.tagglyTagged .quickopentag, .tagged .quickopentag {
border-style: none ! important;
}
.quickopentag a.button, .miniTag {
display: none ! important;
}
}
/* get user styles specified in StyleSheet */
[[StyleSheetPrint]]
/*}}}*/
|Name|MptwTrim|
|Description|Mptw Theme with a reduced header to increase useful space|
|ViewTemplate|MptwTheme##ViewTemplate|
|EditTemplate|MptwTheme##EditTemplate|
|StyleSheet|MptwTheme##StyleSheet|
|PageTemplate|##PageTemplate|
!PageTemplate
<!--{{{-->
<!-- horizontal MainMenu -->
<div id='topMenu' macro='gradient vert [[ColorPalette::PrimaryLight]] [[ColorPalette::PrimaryMid]]'>
<span refresh='content' tiddler='SiteTitle' style="padding-left:1em;font-weight:bold;"></span>:
<span refresh='content' tiddler='MainMenu'></span>
</div>
<div id='sidebar'>
<div id='sidebarOptions'>
<div refresh='content' tiddler='SideBarOptions'></div>
<div style="margin-left:0.1em;"
macro='slider chkTabSliderPanel SideBarTabs {{"tabs \u00bb"}} "Show Timeline, All, Tags, etc"'></div>
</div>
</div>
<div id='displayArea'>
<div id='messageArea'></div>
<div id='tiddlerDisplay'></div>
</div>
/***
|Description:|A place to put your config tweaks so they aren't overwritten when you upgrade MPTW|
See http://www.tiddlywiki.org/wiki/Configuration_Options for other options you can set. In some cases where there are clashes with other plugins it might help to rename this to zzMptwUserConfigPlugin so it gets executed last.
***/
//{{{
// example: set your preferred date format
//config.mptwDateFormat = 'MM/0DD/YY';
//config.mptwJournalFormat = 'Journal MM/0DD/YY';
// example: set the theme you want to start with
//config.options.txtTheme = 'MptwRoundTheme';
// example: switch off autosave, switch on backups and set a backup folder
//config.options.chkSaveBackups = true;
//config.options.chkAutoSave = false;
//config.options.txtBackupFolder = 'backups';
// uncomment to disable 'new means new' functionality for the new journal macro
//config.newMeansNewForJournalsToo = false;
//}}}
!Musiciens qui chantez
{{groupbox center{
Cinquiesme livre
de chansons à quatre
''Nicolas Duchemin
1550''
[[ed. by Richard Freedman|http://ricercar.cesr.univ-tours.fr/3-programmes/EMN/duchemin/sources/15509-08/15509-08-pdf-moderne.pdf]]
}}}{{indent{
Musiciens qui chantez à plaisir,
Si vous voulez faire valoir la note
Prenez un ton tout doux et à loisir
En écoutant ce que le chant dénote
Accordez-vous ainsi que la linotte,
Qui prend plaisir à son chant gracieux
Soyez experts d'oreilles et des yeux
Ou autrement il vaudrait mieux se taire.
Mais je vous prie que vous soyez soigneux
De ne chanter si vous n'avez à boire !
}}}
//Respirations ://
{{menubox{
Musiciens
:qui chantez à plaisir,
Si vous voulez faire valoir la note
:Prenez un ton tout doux
::et à loisir
:::En écoutant ce que le chant dénote.
Accordez-vous
:ainsi que la linotte,
:Qui prend plaisir à son chant gracieux,
Soyez experts
:d'oreilles
:et des yeux
Ou autrement
:il vaudrait mieux se taire.
Mais je vous prie :
:que vous soyez soigneux
::De ne chanter
::si vous n'avez à boire !
}}}
Petites galeries
STRANGERS I
//Cinq touristes étrangers traversent le musée en suivant un guide. Ils essaient de prononcer correctement un nom. Le guide très calme les corrige ://
;TOURISTE 3 (off)
:PA-ÔL GÔ-GAN.
;TOURISTE 1
:PROL GUINGUIN.
;LE GUIDE
:Non, Paul Gauguin.
;TOURISTE 3
:PA-ÔL GOG-AN.
;LE GUIDE
:Non, Paul Gauguin.
;TOURISTE 2
:PÂ-OUL GOG-ON.
;LE GUIDE
:Non, Paul Gauguin.
;TOURISTE 5
:PÂ-OUL GONGON.
;LE GUIDE
:Non, Paul Gauguin.
;TOURISTE 3
:POULGOLIN.
;TOURISTE 5
:POUL GIN-GUIN.
;TOURISTE 1
:PIÔL GOD-GAN.
;LE GUIDE
:Non, Paul… Paul… Gauguin.
;TOURISTE 2
:PIOUL… PIOUL… GORIN.
;LE GUIDE
:Non, Paul Gauguin.
;TOURISTE 3
:PA… PAÔL… GAÔ-GA-IN.
;LE GUIDE
:Non, Paul Gauguin.
;TOURISTE 4
:PAOUAL GALERIN.
;LE GUIDE
:Non, Paul Gauguin.
;TOURISTE 2
:PA-OUIL GALIN.
;TOURISTE 1
:POÛAL GOOGUIN.
;LE GUIDE
:Non… non… Paul Gauguin.
;TOURISTES 3, 4, 5
:No, no, PAÔL GA-ÔO-GUAIN.
;LE GUIDE
:Non, pas “non”, juste Paul Gauguin.
;TOURISTE 1
:Djouste… PÂOOOLGA IN.
;LE GUIDE (énervé)
:Non, pas “juste”, pas “non”, Paul Gauguin, c’est tout.
;TOURISTES 1, 2, 3, 4, 5
:SAY TOO, PA DJOUSTE, PA NO, PIOÄL GO-GUINN.
//Ils sortent.//
;LE GUIDE (off)
:Non, Paul Gauguin.
//On les entend encore quelques instants continuer au loin ://
: PIOÄL GO-GUINN.
66o:[[Mady|https://giga.gg/l/576ed531d9e5df877b8b45cb]]
{{center{[img(40%,)[http://1.bp.blogspot.com/-S8a59ZnnnJI/U4budMKx7nI/AAAAAAAAFyw/8mHn83mJ1_M/s1600/toi+et+moi+1.jpg]]}}}
!Méditation
!!!!!{{center{Paul géraldy
(1885-1983)}}}
{{center{^^[[Ma lecture|https://giga.gg/l/57702a4819e6df133f8b4ee9]]^^
On aime d’abord par hasard
Par jeu, par curiosité
Pour avoir dans un regard
Lu des possibilités
Et puis comme au fond de soi-même
On s’aime beaucoup
Si quelqu’un vous aime, on l’aime
Par conformité de goût
On se rend grâce, on s’invite
À partager ses moindres mots
On prend l’habitude vite
D’échanger de petits mots
Quand on a longtemps dit les mêmes
On les redit sans y penser
Et alors, mon Dieu, on aime
Parce qu’on a commencé
}}}
!Deux dizains coquins de MÉLIN DE ~SAINT-GELAIS (1466-1502)
{{center{
UN jour que Madame dormait,
Monsieur branlait sa chambrière,
Et elle, qui la danse aimait
Remuait des mieux le derrière.
Enfin la garce toute fière,
Lui dit : //Monsieur, par votre foi,
Qui le fait mieux, Madame ou moi ?//
//C'est toi//, dit-il, sans contredit.
//Saint Jean//, dit-elle, //je le croi,
Car tout le monde me le dit !//
* * *
UN jeune amant près sa dame soupait,
Le nerf tendu trop mieux que l'appétit.
Advint que comm' du pain elle coupait
Dessus lui chut son coutelet petit.
Lequel cherchant sur lui, elle sentit
Un braquemard de plus longue allumelle,
Dont si soudain ses bras tira vers elle,
Que le mari lui prenant sa main blanche,
Lui dit : //M'amie, il pique fort et tranche;
Saignez-vous point ? — N'ayez peur//, dit la belle,
//Non, mon ami, je l'ai pris par le manche//.
}}}
{{center{^^//<<storyViewer amour previous>><<storyViewer amour list>><<storyViewer amour next>>//^^
[img(50%,)[https://evelynegaillourdet.files.wordpress.com/2016/01/1311267-cazals_paul_verlaine_entrant_au_procope.jpg?w=640][https://evelynegaillourdet.wordpress.com]]
!N'est-ce pas ? en dépit des sots et des méchants
!!!!!!//Paul VERLAINE (1844-1896)//
N'est-ce pas ? en dépit des sots et des méchants
Qui ne manqueront pas d'envier notre joie,
Nous serons fiers parfois et toujours indulgents.
N'est-ce pas ? nous irons, gais et lents, dans la voie
Modeste que nous montre en souriant l'Espoir,
Peu soucieux qu'on nous ignore ou qu'on nous voie.
Isolés dans l'amour ainsi qu'en un bois noir,
Nos deux coeurs, exhalant leur tendresse paisible,
Seront deux rossignols qui chantent dans le soir.
Quant au Monde, qu'il soit envers nous irascible
Ou doux, que nous feront ses gestes ? Il peut bien,
S'il veut, nous caresser ou nous prendre pour cible.
Unis par le plus fort et le plus cher lien,
Et d'ailleurs, possédant l'armure adamantine,
Nous sourirons à tous et n'aurons peur de rien.
Sans nous préoccuper de ce que nous destine
Le Sort, nous marcherons pourtant du même pas,
Et la main dans la main, avec l'âme enfantine
De ceux qui s'aiment saris mélange, n'est-ce pas ?
}}}
{{center{^^//<<storyViewer amour previous>><<storyViewer amour list>><<storyViewer amour next>>//^^
!N'écris pas...
!!!!!!//Marceline DESBORDES-VALMORE (1786-1859)//
N'écris pas. Je suis triste, et je voudrais m'éteindre.
Les beaux étés sans toi, c'est la nuit sans flambeau.
J'ai refermé mes bras qui ne peuvent t'atteindre,
Et frapper à mon coeur, c'est frapper au tombeau.
N'écris pas !
N'écris pas. N'apprenons qu'à mourir à nous-mêmes.
Ne demande qu'à Dieu... qu'à toi, si je t'aimais !
Au fond de ton absence écouter que tu m'aimes,
C'est entendre le ciel sans y monter jamais.
N'écris pas !
N'écris pas. Je te crains ; j'ai peur de ma mémoire ;
Elle a gardé ta voix qui m'appelle souvent.
Ne montre pas l'eau vive à qui ne peut la boire.
Une chère écriture est un portrait vivant.
N'écris pas !
}}}
!NOUS ÔTERONS LA SOIE FINE DE NOS VÊTEMENTS
//LIBO
(Du cycle « Envoyé au loin »)//
Elle vivait
à l’est de Chongling.
Il demeurait sur une île
du fleuve Chan
et le jour entier regardait
la lumière de la fleur.
Courant constamment
l’un vers l’autre,
ils se sont fait
un petit chemin blanc.
Quand le nuage et la pluie
se sont séparés,
le sentier a disparu
sous les herbes automnales
au-dessus desquelles volettent
les papillons tardifs.
Dans l’amour assombri
pénètre un éclat de soleil,
comment en serait-il autrement?
Quand à nouveau
nous nous reverrons,
nous éteindrons la chandelle
et ôterons la soie fine
de nos vêtements.
!Nantes
{{center{
!!!!!!//BARBARA//
|dit|[[Claudine]] le 4/3/2016|
Il pleut sur Nantes
Donne-moi la main
Le ciel de Nantes
Rend mon coeur chagrin.
Un matin comme celui-là
Il y a juste un an déjà
La ville avait ce teint blafard
Lorsque je sortis de la gare.
Nantes m'était encore inconnue
Je n'y étais jamais venue
Il avait fallu ce message
Pour que je fasse le voyage:
"Madame soyez au rendez-vous
Vingt-cinq rue de la Grange-au-Loup
Faites vite il y peu d'espoir,
Il a demandé à vous voir."
A l'heure de sa dernière heure,
Après bien des années d'errance,
Il me revenait en plein coeur
Son cri déchirait le silence.
Depuis qu'il s'en était allé
Longtemps je l'avais espéré
Ce vagabond ce disparu
Voilà qu'il m'était revenu.
Vingt-cinq rue de la Grange-au-Loup
Je m'en souviens du rendez-vous
Et j'ai gravé dans ma mémoire
Cette chambre au fond d'un couloir.
Assis près d'une cheminée
J'ai vu quatre hommes se lever
La lumière était froide et blanche
Ils portaient l'habit du dimanche.
Je n'ai pas posé de question
A ces étranges compagnons,
J'ai rien dit mais à leur regard
J'ai compris qu'il était trop tard.
Pourtant j'étais au rendez-vous
Vingt-cinq rue de la Grange-au-Loup
Mais il nr m'a jamais revue
Il avait déjà disparu.
Voilà tu la connais l'histoire,
Il était revenu un soir
Et ce fut son dernier voyage
Et ce fut son dernier rivage.
Il voulait avant de mourir se réchauffer à mon sourire
Mais il mourut à la nuit-même
Sans un adieu, sans un je t'aime
Au chemin qui longe la mer
Couchédans le jardin des pierres
Je veux que tranquille il repose.
Je l'ai couché dessous les roses
Mon père, mon père.
Il pleut sur Nantes
Et je me souviens
Le ciel de Nantes
Rend mon coeur chagrin.
}}}
Ne me quitte pas
Il faut oublier
Tout peut s'oublier
Qui s'enfuit déjà,
Oublier le temps
Des malentendus
Et le temps perdu
A savoir comment
Oublier ces heures
Qui tuaient parfois
A coups de pourquoi
Le cœur du bonheur
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas
Moi je t'offrirai
Des perles de pluie
Venues de pays
Où il ne pleut pas
Je creuserai la terre
Jusqu'après ma mort
Pour couvrir ton corps
D'or et de lumière
Je ferai un domaine
Où l'amour sera roi
Où l'amour sera loi
Où tu seras reine
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas
Je t'inventerai
Des mots insensés
Que tu comprendras
Je te parlerai
De ces amants là
Qui ont vu deux fois
Leurs cœurs s'embraser
Je te raconterai
L'histoire de ce roi
Mort de n'avoir pas
Pu te rencontrer
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas
On a vu souvent
Rejaillir le feu
de l´ancien volcan
Qu'on croyait trop vieux
Il est paraît-il
Des terres brûlées
Donnant plus de blé
Qu'un meilleur avril,
Et quand vient le soir
Pour qu'un ciel flamboie
Le rouge et le noir
Ne s'épousent-ils pas
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas
Je ne vais plus pleurer
Je ne vais plus parler
Je me cacherai là
A te regarder
Danser et sourire
Et à t'écouter
Chanter et puis rire
Laisse-moi devenir
L'ombre de ton ombre
L'ombre de ta main
L'ombre de ton chien
mais, Ne me quitte pas
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas
;Règle d'or :
:L'acteur ne doit jamais oublier que la pièce est plus importante que lui-même.
:*S'il pense qu'il peut s'emparer de la pièce, il la restreindra à sa seule dimension.
:*S'il en respecte les mystères - et par conséquent ceux des personnages qu'il joue - et les situe toujours __au-delà de sa compréhension__, il admettra que ses « //sentiments// » sont de perfides conseillers.
/***
|Name|NestedSlidersPlugin|
|Source|http://www.TiddlyTools.com/#NestedSlidersPlugin|
|Documentation|http://www.TiddlyTools.com/#NestedSlidersPluginInfo|
|Version|2.4.9|
|Author|Eric Shulman|
|License|http://www.TiddlyTools.com/#LegalStatements|
|~CoreVersion|2.1|
|Type|plugin|
|Description|show content in nest-able sliding/floating panels, without creating separate tiddlers for each panel's content|
!!!!!Documentation
>see [[NestedSlidersPluginInfo]]
!!!!!Configuration
<<<
<<option chkFloatingSlidersAnimate>> allow floating sliders to animate when opening/closing
>Note: This setting can cause 'clipping' problems in some versions of InternetExplorer.
>In addition, for floating slider animation to occur you must also allow animation in general (see [[AdvancedOptions]]).
<<<
!!!!!Revisions
<<<
2008.11.15 - 2.4.9 in adjustNestedSlider(), don't make adjustments if panel is marked as 'undocked' (CSS class). In onClickNestedSlider(), SHIFT-CLICK docks panel (see [[MoveablePanelPlugin]])
|please see [[NestedSlidersPluginInfo]] for additional revision details|
2005.11.03 - 1.0.0 initial public release. Thanks to RodneyGomes, GeoffSlocock, and PaulPetterson for suggestions and experiments.
<<<
!!!!!Code
***/
//{{{
version.extensions.NestedSlidersPlugin= {major: 2, minor: 4, revision: 9, date: new Date(2008,11,15)};
// options for deferred rendering of sliders that are not initially displayed
if (config.options.chkFloatingSlidersAnimate===undefined)
config.options.chkFloatingSlidersAnimate=false; // avoid clipping problems in IE
// default styles for 'floating' class
setStylesheet(".floatingPanel { position:absolute; z-index:10; padding:0.5em; margin:0em; \
background-color:#eee; color:#000; border:1px solid #000; text-align:left; }","floatingPanelStylesheet");
// if removeCookie() function is not defined by TW core, define it here.
if (window.removeCookie===undefined) {
window.removeCookie=function(name) {
document.cookie = name+'=; expires=Thu, 01-Jan-1970 00:00:01 UTC; path=/;';
}
}
config.formatters.push( {
name: "nestedSliders",
match: "\\n?\\+{3}",
terminator: "\\s*\\={3}\\n?",
lookahead: "\\n?\\+{3}(\\+)?(\\([^\\)]*\\))?(\\!*)?(\\^(?:[^\\^\\*\\@\\[\\>]*\\^)?)?(\\*)?(\\@)?(?:\\{\\{([\\w]+[\\s\\w]*)\\{)?(\\[[^\\]]*\\])?(\\[[^\\]]*\\])?(?:\\}{3})?(\\#[^:]*\\:)?(\\>)?(\\.\\.\\.)?\\s*",
handler: function(w)
{
lookaheadRegExp = new RegExp(this.lookahead,"mg");
lookaheadRegExp.lastIndex = w.matchStart;
var lookaheadMatch = lookaheadRegExp.exec(w.source)
if(lookaheadMatch && lookaheadMatch.index == w.matchStart)
{
var defopen=lookaheadMatch[1];
var cookiename=lookaheadMatch[2];
var header=lookaheadMatch[3];
var panelwidth=lookaheadMatch[4];
var transient=lookaheadMatch[5];
var hover=lookaheadMatch[6];
var buttonClass=lookaheadMatch[7];
var label=lookaheadMatch[8];
var openlabel=lookaheadMatch[9];
var panelID=lookaheadMatch[10];
var blockquote=lookaheadMatch[11];
var deferred=lookaheadMatch[12];
// location for rendering button and panel
var place=w.output;
// default to closed, no cookie, no accesskey, no alternate text/tip
var show="none"; var cookie=""; var key="";
var closedtext=">"; var closedtip="";
var openedtext="<"; var openedtip="";
// extra "+", default to open
if (defopen) show="block";
// cookie, use saved open/closed state
if (cookiename) {
cookie=cookiename.trim().slice(1,-1);
cookie="chkSlider"+cookie;
if (config.options[cookie]==undefined)
{ config.options[cookie] = (show=="block") }
show=config.options[cookie]?"block":"none";
}
// parse label/tooltip/accesskey: [label=X|tooltip]
if (label) {
var parts=label.trim().slice(1,-1).split("|");
closedtext=parts.shift();
if (closedtext.substr(closedtext.length-2,1)=="=")
{ key=closedtext.substr(closedtext.length-1,1); closedtext=closedtext.slice(0,-2); }
openedtext=closedtext;
if (parts.length) closedtip=openedtip=parts.join("|");
else { closedtip="show "+closedtext; openedtip="hide "+closedtext; }
}
// parse alternate label/tooltip: [label|tooltip]
if (openlabel) {
var parts=openlabel.trim().slice(1,-1).split("|");
openedtext=parts.shift();
if (parts.length) openedtip=parts.join("|");
else openedtip="hide "+openedtext;
}
var title=show=='block'?openedtext:closedtext;
var tooltip=show=='block'?openedtip:closedtip;
// create the button
if (header) { // use "Hn" header format instead of button/link
var lvl=(header.length>5)?5:header.length;
var btn = createTiddlyElement(createTiddlyElement(place,"h"+lvl,null,null,null),"a",null,buttonClass,title);
btn.onclick=onClickNestedSlider;
btn.setAttribute("href","javascript:;");
btn.setAttribute("title",tooltip);
}
else
var btn = createTiddlyButton(place,title,tooltip,onClickNestedSlider,buttonClass);
btn.innerHTML=title; // enables use of HTML entities in label
// set extra button attributes
btn.setAttribute("closedtext",closedtext);
btn.setAttribute("closedtip",closedtip);
btn.setAttribute("openedtext",openedtext);
btn.setAttribute("openedtip",openedtip);
btn.sliderCookie = cookie; // save the cookiename (if any) in the button object
btn.defOpen=defopen!=null; // save default open/closed state (boolean)
btn.keyparam=key; // save the access key letter ("" if none)
if (key.length) {
btn.setAttribute("accessKey",key); // init access key
btn.onfocus=function(){this.setAttribute("accessKey",this.keyparam);}; // **reclaim** access key on focus
}
btn.setAttribute("hover",hover?"true":"false");
btn.onmouseover=function(ev) {
// optional 'open on hover' handling
if (this.getAttribute("hover")=="true" && this.sliderPanel.style.display=='none') {
document.onclick.call(document,ev); // close transients
onClickNestedSlider(ev); // open this slider
}
// mouseover on button aligns floater position with button
if (window.adjustSliderPos) window.adjustSliderPos(this.parentNode,this,this.sliderPanel);
}
// create slider panel
var panelClass=panelwidth?"floatingPanel":"sliderPanel";
if (panelID) panelID=panelID.slice(1,-1); // trim off delimiters
var panel=createTiddlyElement(place,"div",panelID,panelClass,null);
panel.button = btn; // so the slider panel know which button it belongs to
btn.sliderPanel=panel; // so the button knows which slider panel it belongs to
panel.defaultPanelWidth=(panelwidth && panelwidth.length>2)?panelwidth.slice(1,-1):"";
panel.setAttribute("transient",transient=="*"?"true":"false");
panel.style.display = show;
panel.style.width=panel.defaultPanelWidth;
panel.onmouseover=function(event) // mouseover on panel aligns floater position with button
{ if (window.adjustSliderPos) window.adjustSliderPos(this.parentNode,this.button,this); }
// render slider (or defer until shown)
w.nextMatch = lookaheadMatch.index + lookaheadMatch[0].length;
if ((show=="block")||!deferred) {
// render now if panel is supposed to be shown or NOT deferred rendering
w.subWikify(blockquote?createTiddlyElement(panel,"blockquote"):panel,this.terminator);
// align floater position with button
if (window.adjustSliderPos) window.adjustSliderPos(place,btn,panel);
}
else {
var src = w.source.substr(w.nextMatch);
var endpos=findMatchingDelimiter(src,"+++","===");
panel.setAttribute("raw",src.substr(0,endpos));
panel.setAttribute("blockquote",blockquote?"true":"false");
panel.setAttribute("rendered","false");
w.nextMatch += endpos+3;
if (w.source.substr(w.nextMatch,1)=="\n") w.nextMatch++;
}
}
}
}
)
function findMatchingDelimiter(src,starttext,endtext) {
var startpos = 0;
var endpos = src.indexOf(endtext);
// check for nested delimiters
while (src.substring(startpos,endpos-1).indexOf(starttext)!=-1) {
// count number of nested 'starts'
var startcount=0;
var temp = src.substring(startpos,endpos-1);
var pos=temp.indexOf(starttext);
while (pos!=-1) { startcount++; pos=temp.indexOf(starttext,pos+starttext.length); }
// set up to check for additional 'starts' after adjusting endpos
startpos=endpos+endtext.length;
// find endpos for corresponding number of matching 'ends'
while (startcount && endpos!=-1) {
endpos = src.indexOf(endtext,endpos+endtext.length);
startcount--;
}
}
return (endpos==-1)?src.length:endpos;
}
//}}}
//{{{
window.onClickNestedSlider=function(e)
{
if (!e) var e = window.event;
var theTarget = resolveTarget(e);
while (theTarget && theTarget.sliderPanel==undefined) theTarget=theTarget.parentNode;
if (!theTarget) return false;
var theSlider = theTarget.sliderPanel;
var isOpen = theSlider.style.display!="none";
// if SHIFT-CLICK, dock panel first (see [[MoveablePanelPlugin]])
if (e.shiftKey && config.macros.moveablePanel) config.macros.moveablePanel.dock(theSlider,e);
// toggle label
theTarget.innerHTML=isOpen?theTarget.getAttribute("closedText"):theTarget.getAttribute("openedText");
// toggle tooltip
theTarget.setAttribute("title",isOpen?theTarget.getAttribute("closedTip"):theTarget.getAttribute("openedTip"));
// deferred rendering (if needed)
if (theSlider.getAttribute("rendered")=="false") {
var place=theSlider;
if (theSlider.getAttribute("blockquote")=="true")
place=createTiddlyElement(place,"blockquote");
wikify(theSlider.getAttribute("raw"),place);
theSlider.setAttribute("rendered","true");
}
// show/hide the slider
if(config.options.chkAnimate && (!hasClass(theSlider,'floatingPanel') || config.options.chkFloatingSlidersAnimate))
anim.startAnimating(new Slider(theSlider,!isOpen,e.shiftKey || e.altKey,"none"));
else
theSlider.style.display = isOpen ? "none" : "block";
// reset to default width (might have been changed via plugin code)
theSlider.style.width=theSlider.defaultPanelWidth;
// align floater panel position with target button
if (!isOpen && window.adjustSliderPos) window.adjustSliderPos(theSlider.parentNode,theTarget,theSlider);
// if showing panel, set focus to first 'focus-able' element in panel
if (theSlider.style.display!="none") {
var ctrls=theSlider.getElementsByTagName("*");
for (var c=0; c<ctrls.length; c++) {
var t=ctrls[c].tagName.toLowerCase();
if ((t=="input" && ctrls[c].type!="hidden") || t=="textarea" || t=="select")
{ try{ ctrls[c].focus(); } catch(err){;} break; }
}
}
var cookie=theTarget.sliderCookie;
if (cookie && cookie.length) {
config.options[cookie]=!isOpen;
if (config.options[cookie]!=theTarget.defOpen) window.saveOptionCookie(cookie);
else window.removeCookie(cookie); // remove cookie if slider is in default display state
}
// prevent SHIFT-CLICK from being processed by browser (opens blank window... yuck!)
// prevent clicks *within* a slider button from being processed by browser
// but allow plain click to bubble up to page background (to close transients, if any)
if (e.shiftKey || theTarget!=resolveTarget(e))
{ e.cancelBubble=true; if (e.stopPropagation) e.stopPropagation(); }
Popup.remove(); // close open popup (if any)
return false;
}
//}}}
//{{{
// click in document background closes transient panels
document.nestedSliders_savedOnClick=document.onclick;
document.onclick=function(ev) { if (!ev) var ev=window.event; var target=resolveTarget(ev);
if (document.nestedSliders_savedOnClick)
var retval=document.nestedSliders_savedOnClick.apply(this,arguments);
// if click was inside a popup... leave transient panels alone
var p=target; while (p) if (hasClass(p,"popup")) break; else p=p.parentNode;
if (p) return retval;
// if click was inside transient panel (or something contained by a transient panel), leave it alone
var p=target; while (p) {
if ((hasClass(p,"floatingPanel")||hasClass(p,"sliderPanel"))&&p.getAttribute("transient")=="true") break;
p=p.parentNode;
}
if (p) return retval;
// otherwise, find and close all transient panels...
var all=document.all?document.all:document.getElementsByTagName("DIV");
for (var i=0; i<all.length; i++) {
// if it is not a transient panel, or the click was on the button that opened this panel, don't close it.
if (all[i].getAttribute("transient")!="true" || all[i].button==target) continue;
// otherwise, if the panel is currently visible, close it by clicking it's button
if (all[i].style.display!="none") window.onClickNestedSlider({target:all[i].button})
if (!hasClass(all[i],"floatingPanel")&&!hasClass(all[i],"sliderPanel")) all[i].style.display="none";
}
return retval;
};
//}}}
//{{{
// adjust floating panel position based on button position
if (window.adjustSliderPos==undefined) window.adjustSliderPos=function(place,btn,panel) {
if (hasClass(panel,"floatingPanel") && !hasClass(panel,"undocked")) {
// see [[MoveablePanelPlugin]] for use of 'undocked'
var rightEdge=document.body.offsetWidth-1;
var panelWidth=panel.offsetWidth;
var left=0;
var top=btn.offsetHeight;
if (place.style.position=="relative" && findPosX(btn)+panelWidth>rightEdge) {
left-=findPosX(btn)+panelWidth-rightEdge; // shift panel relative to button
if (findPosX(btn)+left<0) left=-findPosX(btn); // stay within left edge
}
if (place.style.position!="relative") {
var left=findPosX(btn);
var top=findPosY(btn)+btn.offsetHeight;
var p=place; while (p && !hasClass(p,'floatingPanel')) p=p.parentNode;
if (p) { left-=findPosX(p); top-=findPosY(p); }
if (left+panelWidth>rightEdge) left=rightEdge-panelWidth;
if (left<0) left=0;
}
panel.style.left=left+"px"; panel.style.top=top+"px";
}
}
//}}}
//{{{
// TW2.1 and earlier:
// hijack Slider stop handler so overflow is visible after animation has completed
Slider.prototype.coreStop = Slider.prototype.stop;
Slider.prototype.stop = function()
{ this.coreStop.apply(this,arguments); this.element.style.overflow = "visible"; }
// TW2.2+
// hijack Morpher stop handler so sliderPanel/floatingPanel overflow is visible after animation has completed
if (version.major+.1*version.minor+.01*version.revision>=2.2) {
Morpher.prototype.coreStop = Morpher.prototype.stop;
Morpher.prototype.stop = function() {
this.coreStop.apply(this,arguments);
var e=this.element;
if (hasClass(e,"sliderPanel")||hasClass(e,"floatingPanel")) {
// adjust panel overflow and position after animation
e.style.overflow = "visible";
if (window.adjustSliderPos) window.adjustSliderPos(e.parentNode,e.button,e);
}
};
}
//}}}
/***
|Name:|NewHerePlugin|
|Description:|Creates the new here and new journal macros|
|Version:|3.0a|
|Date:|27-Jun-2011|
|Source:|http://mptw.tiddlyspot.com/#NewHerePlugin|
|Author:|Simon Baird <simon.baird@gmail.com>|
|License|http://mptw.tiddlyspot.com/#TheBSDLicense|
***/
//{{{
merge(config.macros, {
newHere: {
handler: function(place,macroName,params,wikifier,paramString,tiddler) {
wikify("<<newTiddler "+paramString+" tag:[["+tiddler.title+"]]>>",place,null,tiddler);
}
},
newJournalHere: {
handler: function(place,macroName,params,wikifier,paramString,tiddler) {
wikify("<<newJournal "+paramString+" tag:[["+tiddler.title+"]]>>",place,null,tiddler);
}
}
});
//}}}
/***
|Name:|NewMeansNewPlugin|
|Description:|If 'New Tiddler' already exists then create 'New Tiddler (1)' and so on|
|Version:|1.1.1a|
|Date:|27-Jun-2011|
|Source:|http://mptw.tiddlyspot.com/empty.html#NewMeansNewPlugin|
|Author:|Simon Baird <simon.baird@gmail.com>|
|License|http://mptw.tiddlyspot.com/#TheBSDLicense|
!!Note: I think this should be in the core
***/
//{{{
// change this or set config.newMeansNewForJournalsToo it in MptwUuserConfigPlugin
if (config.newMeansNewForJournalsToo == undefined) config.newMeansNewForJournalsToo = true;
String.prototype.getNextFreeName = function() {
numberRegExp = / \(([0-9]+)\)$/;
var match = numberRegExp.exec(this);
if (match) {
var num = parseInt(match[1]) + 1;
return this.replace(numberRegExp," ("+num+")");
}
else {
return this + " (1)";
}
}
config.macros.newTiddler.checkForUnsaved = function(newName) {
var r = false;
story.forEachTiddler(function(title,element) {
if (title == newName)
r = true;
});
return r;
}
config.macros.newTiddler.getName = function(newName) {
while (store.getTiddler(newName) || config.macros.newTiddler.checkForUnsaved(newName))
newName = newName.getNextFreeName();
return newName;
}
config.macros.newTiddler.onClickNewTiddler = function()
{
var title = this.getAttribute("newTitle");
if(this.getAttribute("isJournal") == "true") {
title = new Date().formatString(title.trim());
}
// ---- these three lines should be the only difference between this and the core onClickNewTiddler
if (config.newMeansNewForJournalsToo || this.getAttribute("isJournal") != "true")
title = config.macros.newTiddler.getName(title);
var params = this.getAttribute("params");
var tags = params ? params.split("|") : [];
var focus = this.getAttribute("newFocus");
var template = this.getAttribute("newTemplate");
var customFields = this.getAttribute("customFields");
if(!customFields && !store.isShadowTiddler(title))
customFields = String.encodeHashMap(config.defaultCustomFields);
story.displayTiddler(null,title,template,false,null,null);
var tiddlerElem = story.getTiddler(title);
if(customFields)
story.addCustomFields(tiddlerElem,customFields);
var text = this.getAttribute("newText");
if(typeof text == "string")
story.getTiddlerField(title,"text").value = text.format([title]);
for(var t=0;t<tags.length;t++)
story.setTiddlerTag(title,tags[t],+1);
story.focusTiddler(title,focus);
return false;
};
//}}}
!Nicole
|nom|Vincent|
|prenom|Nicole|
|email|"Nicole"<nicolevincent007@yahoo.fr>|
|TEL|06 42 62 14 76|
!!!!!Distribuée dans :
<<forEachTiddler
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!Nicole Leroux
|nom|Leroux|
|prénom|Nicole |
|TEL| 06 63 54 34 40 |
|email|nicolleroux@gmail.com|
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!Noella
|email|Noella <rody.lebris@orange.fr>|
{{center{^^//<<storyViewer amour previous>><<storyViewer amour list>><<storyViewer amour next>>//^^
!Nos deux corps sont en toi…
!!!!!!//Marguerite de VALOIS (1553-1615)//
Nos deux corps sont en toi,
Je le sais plus que d'ombre.
Nos amis sont à toi,
Je ne sais que de nombre.
Et puisque tu es tout
Et que je ne suis rien,
Je n'ai rien ne t'ayant
Ou j'ai tout, au contraire,
Avoir et tout et tien,
Comment se peut-il faire?..
C'est que j'ai tous les maux
Et je n'ai point de biens.
Je vis par et pour toi
Ainsi que pour moi-même.
Tu vis par et pour moi
Ainsi que pour toi-même.
Le soleil de mes yeux,
Si je n'ai ta lumière,
Une aveugle nuée
Ennuie ma paupière.
Comme une pluie de pleurs
Découle de mes yeux,
Les éclairs de l'amour,
Les éclats de la foudre
Entrefendent mes nuits
Et m'écrasent en poudre.
Quand j'entonne les cris,
Lors, j'étonne les cieux.
Je vis par et pour toi
Ainsi que pour moi-même.
Tu vis par et pour moi
Ainsi que pour toi-même.
Nous n'aurons qu'une vie
Et n'aurons qu'un trépas.
Je ne veux pas ta mort,
Je désire la mienne.
Mais ma mort est ta mort
Et ma vie est la tienne.
Ainsi, je veux mourir
Et je ne le veux pas.
}}}
!Notre petite compagne
{{twocolumns{
Si mon Air vous dit quelque chose,
Vous auriez tort de vous gêner ;
Je ne la fais pas à la pose ;
Je suis La Femme, on me connaît.
Bandeaux plats ou crinière folle,
Dites ? quel Front vous rendrait fou ?
J'ai l'art de toutes les écoles,
J'ai des âmes pour tous les goûts.
Cueillez la fleur de mes visages,
Buvez ma bouche et non ma voix,
Et n'en cherchez pas davantage...
Nul n'y vit clair ; pas même moi.
Nos armes ne sont pas égales,
Pour que je vous tende la main,
Vous n'êtes que de naïfs mâles,
Je suis l'Eternel Féminin !
Mon But se perd dans les Etoiles !....
C'est moi qui suis la Grande Isis !
Nul ne m'a retroussé mon voile.
Ne songez qu'à mes oasis....
Si mon Air vous dit quelque chose,
Vous auriez tort de vous gêner ;
Je ne la fais pas à la pose :
Je suis La Femme ! on me connaît.
}}}
Jules LAFORGUE (1860-1887)
http://poesie.webnet.fr/lesgrandsclassiques/poemes/jules_laforgue/notre_petite_compagne.html
!Notre véritable héritage
!!!!!!//Thich Nhat Hanh//
Le cosmos est plein de précieux trésors
Je veux t’en offrir une poignée ce matin.
Chaque moment que tu vis est un joyau
Qui resplendit et contient la Terre et le ciel,
L’eau et les nuages.
Tu n’as qu’à respirer doucement
Pour que les miracles apparaissent.
Alors, tu entends l’oiseau chanter,
Les pins murmurer.
Et soudain, tu vois la fleur s’épanouir,
Les nuages blancs dans le ciel bleu,
Le sourire et le regard merveilleux de ton aimé(e).
Toi, la personne la plus riche sur Terre,
Tu erres depuis si longtemps,
Ne sois plus cet enfant pauvre,
Reviens et reçois ton héritage.
Savourons notre bonheur
Et offrons-le à chacun.
Chérissons ce moment présent.
Laissons partir le fleuve de nos détresses
Et choyons la vie présente au creux de nos mains.
{{center{
!Nous dormirons ensemble
}}}
Que ce soit dimanche ou lundi
Soir ou matin minuit midi
Dans l'enfer ou le paradis
Les amours aux amours ressemblent
C'était hier que je t'ai dit
Nous dormirons ensemble
C'était hier et c'est demain
Je n'ai plus que toi de chemin
J'ai mis mon cœur entre tes mains
Avec le tien comme il va l'amble
Tout ce qu'il a de temps humain
Nous dormirons ensemble
Mon amour ce qui fut sera
Le ciel est sur nous comme un drap
J'ai refermé sur toi mes bras
Et tant je t'aime que j'en tremble
Aussi longtemps que tu voudras
Nous dormirons ensemble
!!!!!Louis Aragon
!!!!!!//Fou d'Elsa//
!Nous étions jeunes et insouciants^^
Laurent Fignon^^
Il faut d'ailleurs comprendre qu'à mon époque, du moins dans les années quatre-vingt, certains pouvaient «tricher» sans avoir le sentiment de tricher, puisque tout le monde agissait grosso modo de la même manière, prenait les mêmes produits. Et puis, soyons définitivement conscients d'une chose. Jamais alors un produit, quel qu'il soit, n'avait transformé un bourrin en pur-sang. Jamais ! De Coppi à Hinnault, en passant par Anquetil ou Merckx, jamais la science n'avait survitaminé des sous-champions capables de rivaliser avec eux. Les êtres d'exception, comme leurs exploits extraordinaires, étaient en quelque sorte vérifiés
!
Le cyclisme s'est transformé en un sport de défense, oubliant sa raison d'être formelle : l'attaque. Bien sûr qu'il faut savoir défendre une position, par exemple sur un grand Tour. Mais comment faire pour gagner sinon attaquer ? C'est l'essence du cyclisme. Son esprit. Son âme. Aujourd'hui, on espère toujours gagner en faisant craquer l'autre : mentalité petit bras...
!
!La nuit d'octobre
{{center{
!!!!!!//Alfred de MUSSET (1810-1857)//
[img[http://www.repro-tableaux.com/kunst/eugene_louis_lami/nuit_doctobre_illustration_le_hi.jpg]]
;LE POÈTE
Le mal dont j'ai souffert s'est enfui comme un rêve.
Je n'en puis comparer le lointain souvenir
Qu'à ces brouillards légers que l'aurore soulève,
Et qu'avec la rosée on voit s'évanouir.
;LA MUSE
Qu'aviez-vous donc, ô mon poète !
Et quelle est la peine secrète
Qui de moi vous a séparé ?
Hélas ! je m'en ressens encore.
Quel est donc ce mal que j'ignore
Et dont j'ai si longtemps pleuré ?
;LE POÈTE
C'était un mal vulgaire et bien connu des hommes ;
Mais, lorsque nous avons quelque ennui dans le coeur,
Nous nous imaginons, pauvres fous que nous sommes,
Que personne avant nous n'a senti la douleur.
;LA MUSE
Il n'est de vulgaire chagrin
Que celui d'une âme vulgaire.
Ami, que ce triste mystère
S'échappe aujourd'hui de ton sein.
Crois-moi, parle avec confiance ;
Le sévère dieu du silence
Est un des frères de la Mort ;
En se plaignant on se console,
Et quelquefois une parole
Nous a délivrés d'un remord.
;LE POÈTE
S'il fallait maintenant parler de ma souffrance,
Je ne sais trop quel nom elle devrait porter,
Si c'est amour, folie, orgueil, expérience,
Ni si personne au monde en pourrait profiter.
Je veux bien toutefois t'en raconter l'histoire,
Puisque nous voilà seuls, assis près du foyer.
Prends cette lyre, approche, et laisse ma mémoire
Au son de tes accords doucement s'éveiller.
;LA MUSE
Avant de me dire ta peine,
Ô poète ! en es-tu guéri ?
Songe qu'il t'en faut aujourd'hui
Parler sans amour et sans haine.
S'il te souvient que j'ai reçu
Le doux nom de consolatrice,
Ne fais pas de moi la complice
Des passions qui t'ont perdu,
;LE POÈTE
Je suis si bien guéri de cette maladie,
Que j'en doute parfois lorsque j'y veux songer ;
Et quand je pense aux lieux où j'ai risqué ma vie,
J'y crois voir à ma place un visage étranger.
Muse, sois donc sans crainte ; au souffle qui t'inspire
Nous pouvons sans péril tous deux nous confier.
Il est doux de pleurer, il est doux de sourire
Au souvenir des maux qu'on pourrait oublier.
;LA MUSE
Comme une mère vigilante
Au berceau d'un fils bien-aimé,
Ainsi je me penche tremblante
Sur ce coeur qui m'était fermé.
Parle, ami, - ma lyre attentive
D'une note faible et plaintive
Suit déjà l'accent de ta voix,
Et dans un rayon de lumière,
Comme une vision légère,
Passent les ombres d'autrefois.
;LE POÈTE
Jours de travail ! seuls jours où j'ai vécu !
Ô trois fois chère solitude !
Dieu soit loué, j'y suis donc revenu,
À ce vieux cabinet d'étude !
Pauvre réduit, murs tant de fois déserts,
Fauteuils poudreux, lampe fidèle,
Ô mon palais, mon petit univers,
Et toi, Muse, ô jeune immortelle,
Dieu soit loué, nous allons donc chanter !
Oui, je veux vous ouvrir mon âme,
Vous saurez tout, et je vais vous conter
Le mal que peut faire une femme ;
Car c'en est une, ô mes pauvres amis
(Hélas ! vous le saviez peut-être),
C'est une femme à qui je fus soumis,
Comme le serf l'est à son maître.
Joug détesté ! c'est par là que mon coeur
Perdit sa force et sa jeunesse ; -
Et cependant, auprès de ma maîtresse,
J'avais entrevu le bonheur.
Près du ruisseau, quand nous marchions ensemble,
Le soir, sur le sable argentin,
Quand devant nous le blanc spectre du tremble
De loin nous montrait le chemin ;
Je vois encore, aux rayons de la lune,
Ce beau corps plier dans mes bras...
N'en parlons plus... - je ne prévoyais pas
Où me conduirait la Fortune.
Sans doute alors la colère des dieux
Avait besoin d'une victime ;
Car elle m'a puni comme d'un crime
D'avoir essayé d'être heureux.
;LA MUSE
L'image d'un doux souvenir
Vient de s'offrir à ta pensée.
Sur la trace qu'il a laissée
Pourquoi crains-tu de revenir ?
Est-ce faire un récit fidèle
Que de renier ses beaux jours ?
Si ta fortune fut cruelle,
Jeune homme, fais du moins comme elle,
Souris à tes premiers amours.
;LE POÈTE
Non, - c'est à mes malheurs que je prétends sourire.
Muse, je te l'ai dit : je veux, sans passion,
Te conter mes ennuis, mes rêves, mon délire,
Et t'en dire le temps, l'heure et l'occasion.
C'était, il m'en souvient, par une nuit d'automne,
Triste et froide, à peu près semblable à celle-ci ;
Le murmure du vent, de son bruit monotone,
Dans mon cerveau lassé berçait mon noir souci.
J'étais à la fenêtre, attendant ma maîtresse ;
Et, tout en écoutant dans cette obscurité,
Je me sentais dans l'âme une telle détresse
Qu'il me vint le soupçon d'une infidélité.
La rue où je logeais était sombre et déserte ;
Quelques ombres passaient, un falot à la main ;
Quand la bise sifflait dans la porte entr'ouverte,
On entendait de loin comme un soupir humain.
Je ne sais, à vrai dire, à quel fâcheux présage
Mon esprit inquiet alors s'abandonna.
Je rappelais en vain un reste de courage,
Et me sentis frémir lorsque l'heure sonna.
Elle ne venait pas. Seul, la tête baissée,
Je regardai longtemps les murs et le chemin, -
Et je ne t'ai pas dit quelle ardeur insensée
Cette inconstante femme allumait en mon sein ;
Je n'aimais qu'elle au monde, et vivre un jour sans elle
Me semblait un destin plus affreux que la mort.
Je me souviens pourtant qu'en cette nuit cruelle
Pour briser mon lien je fis un long effort.
Je la nommai cent fois perfide et déloyale,
Je comptai tous les maux qu'elle m'avait causés.
Hélas ! au souvenir de sa beauté fatale,
Quels maux et quels chagrins n'étaient pas apaisés !
Le jour parut enfin. - Las d'une vaine attente,
Sur le bord du balcon je m'étais assoupi ;
Je rouvris la paupière à l'aurore naissante,
Et je laissai flotter mon regard ébloui.
Tout à coup, au détour de l'étroite ruelle,
J'entends sur le gravier marcher à petit bruit...
Grand Dieu ! préservez-moi ! je l'aperçois, c'est elle ;
Elle entre. - D'où viens-tu ? Qu'as-tu fait cette nuit ?
Réponds, que me veux-tu ? qui t'amène à cette heure ?
Ce beau corps, jusqu'au jour, où s'est-il étendu ?
Tandis qu'à ce balcon, seul, je veille et je pleure,
En quel lieu, dans quel lit, à qui souriais-tu ?
Perfide ! audacieuse ! est-il encor possible
Que tu viennes offrir ta bouche à mes baisers ?
Que demandes-tu donc ? par quelle soif horrible
Oses-tu m'attirer dans tes bras épuisés ?
Va-t'en, retire-toi, spectre de ma maîtresse !
Rentre dans ton tombeau, si tu t'en es levé ;
Laisse-moi pour toujours oublier ma jeunesse,
Et, quand je pense à toi, croire que j'ai rêvé !
;LA MUSE
Apaise-toi, je t'en conjure ;
Tes paroles m'ont fait frémir.
Ô mon bien-aimé ! ta blessure
Est encor prête à se rouvrir.
Hélas ! elle est donc bien profonde ?
Et les misères de ce monde
Sont si lentes à s'effacer !
Oublie, enfant, et de ton âme
Chasse le nom de cette femme,
Que je ne veux pas prononcer.
;LE POÈTE
Honte à toi qui la première
M'as appris la trahison,
Et d'horreur et de colère
M'as fait perdre la raison !
Honte à toi, femme à l'oeil sombre,
Dont les funestes amours
Ont enseveli dans l'ombre
Mon printemps et mes beaux jours !
C'est ta voix, c'est ton sourire,
C'est ton regard corrupteur,
Qui m'ont appris à maudire
Jusqu'au semblant du bonheur ;
C'est ta jeunesse et tes charmes
Qui m'ont fait désespérer,
Et si je doute des larmes,
C'est que je t'ai vu pleurer.
Honte à toi, j'étais encore
Aussi simple qu'un enfant ;
Comme une fleur à l'aurore,
Mon coeur s'ouvrait en t'aimant.
Certes, ce coeur sans défense
Put sans peine être abusé ;
Mais lui laisser l'innocence
Était encor plus aisé.
Honte à toi ! tu fus la mère
De mes premières douleurs,
Et tu fis de ma paupière
Jaillir la source des pleurs !
Elle coule, sois-en sûre,
Et rien ne la tarira ;
Elle sort d'une blessure
Qui jamais ne guérira ;
Mais dans cette source amère
Du moins je me laverai,
Et j'y laisserai, j'espère,
Ton souvenir abhorré !
;LA MUSE
Poète, c'est assez. Auprès d'une infidèle,
Quand ton illusion n'aurait duré qu'un jour,
N'outrage pas ce jour lorsque tu parles d'elle ;
Si tu veux être aimé, respecte ton amour.
Si l'effort est trop grand pour la faiblesse humaine
De pardonner les maux qui nous viennent d'autrui,
Épargne-toi du moins le tourment de la haine ;
À défaut du pardon, laisse venir l'oubli.
Les morts dorment en paix dans le sein de la terre :
Ainsi doivent dormir nos sentiments éteints.
Ces reliques du coeur ont aussi leur poussière ;
Sur leurs restes sacrés ne portons pas les mains.
Pourquoi, dans ce récit d'une vive souffrance,
Ne veux-tu voir qu'un rêve et qu'un amour trompé ?
Est-ce donc sans motif qu'agit la Providence
Et crois-tu donc distrait le Dieu qui t'a frappé ?
Le coup dont tu te plains t'a préservé peut-être,
Enfant ; car c'est par là que ton coeur s'est ouvert.
L'homme est un apprenti, la douleur est son maître,
Et nul ne se connaît tant qu'il n'a pas souffert.
C'est une dure loi, mais une loi suprême,
Vieille comme le monde et la fatalité,
Qu'il nous faut du malheur recevoir le baptême,
Et qu'à ce triste prix tout doit être acheté.
Les moissons pour mûrir ont besoin de rosée ;
Pour vivre et pour sentir l'homme a besoin des pleurs ;
La joie a pour symbole une plante brisée,
Humide encor de pluie et couverte de fleurs.
Ne te disais-tu pas guéri de ta folie ?
N'es-tu pas jeune, heureux, partout le bienvenu ?
Et ces plaisirs légers qui font aimer la vie,
Si tu n'avais pleuré, quel cas en ferais-tu ?
Lorsqu'au déclin du jour, assis sur la bruyère,
Avec un vieil ami tu bois en liberté,
Dis-moi, d'aussi bon coeur lèverais-tu ton verre,
Si tu n'avais senti le prix de la gaîté ?
Aimerais-tu les fleurs, les prés et la verdure,
Les sonnets de Pétrarque et le chant des oiseaux,
Michel-Ange et les arts, Shakspeare et la nature,
Si tu n'y retrouvais quelques anciens sanglots ?
Comprendrais-tu des cieux l'ineffable harmonie,
Le silence des nuits, le murmure des flots,
Si quelque part là-bas la fièvre et l'insomnie
Ne t'avaient fait songer à l'éternel repos ?
N'as-tu pas maintenant une belle maîtresse ?
Et, lorsqu'en t'endormant tu lui serres la main,
Le lointain souvenir des maux de ta jeunesse
Ne rend-il pas plus doux son sourire divin ?
N'allez-vous pas aussi vous promener ensemble
Au fond des bois fleuris, sur le sable argentin ?
Et, dans ce vert palais, le blanc spectre du tremble
Ne sait-il plus, le soir, vous montrer le chemin ?
Ne vois-tu pas alors, aux rayons de la lune,
Plier comme autrefois un beau corps dans tes bras,
Et si dans le sentier tu trouvais la Fortune,
Derrière elle, en chantant, ne marcherais-tu pas ?
De quoi te plains-tu donc ? L'immortelle espérance
S'est retrempée en toi sous la main du malheur.
Pourquoi veux-tu haïr ta jeune expérience,
Et détester un mal qui t'a rendu meilleur ?
Ô mon enfant ! plains-la, cette belle infidèle,
Qui fit couler jadis les larmes de tes yeux ;
Plains-la ! c'est une femme, et Dieu t'a fait, près d'elle,
Deviner, en souffrant, le secret des heureux.
Sa tâche fut pénible ; elle t'aimait peut-être ;
Mais le destin voulait qu'elle brisât ton coeur.
Elle savait la vie, et te l'a fait connaître ;
Une autre a recueilli le fruit de ta douleur.
Plains-la ! son triste amour a passé comme un songe ;
Elle a vu ta blessure et n'a pu la fermer.
Dans ses larmes, crois-moi, tout n'était pas mensonge.
Quand tout l'aurait été, plains-la ! tu sais aimer.
;LE POÈTE
Tu dis vrai : la haine est impie,
Et c'est un frisson plein d'horreur
Quand cette vipère assoupie
Se déroule dans notre coeur.
Écoute-moi donc, ô déesse !
Et sois témoin de mon serment :
Par les yeux bleus de ma maîtresse,
Et par l'azur du firmament ;
Par cette étincelle brillante
Qui de Vénus porte le nom,
Et, comme une perle tremblante,
Scintille au loin sur l'horizon ;
Par la grandeur de la nature,
Par la bonté du Créateur,
Par la clarté tranquille et pure
De l'astre cher au voyageur.
Par les herbes de la prairie,
Par les forêts, par les prés verts,
Par la puissance de la vie,
Par la sève de l'univers,
Je te bannis de ma mémoire,
Reste d'un amour insensé,
Mystérieuse et sombre histoire
Qui dormiras dans le passé !
Et toi qui, jadis, d'une amie
Portas la forme et le doux nom,
L'instant suprême où je t'oublie
Doit être celui du pardon.
Pardonnons-nous ; - je romps le charme
Qui nous unissait devant Dieu.
Avec une dernière larme
Reçois un éternel adieu.
- Et maintenant, blonde rêveuse,
Maintenant, Muse, à nos amours !
Dis-moi quelque chanson joyeuse,
Comme au premier temps des beaux jours.
Déjà la pelouse embaumée
Sent les approches du matin ;
Viens éveiller ma bien-aimée,
Et cueillir les fleurs du jardin.
Viens voir la nature immortelle
Sortir des voiles du sommeil ;
Nous allons renaître avec elle
Au premier rayon du soleil !
!!!!!!//créateur du punch au Rome//
Curieux de connaître le résultat momentané des conversations définitives que notre détaché d’affaires en Italie échange actuellement avec le représentant du Duce, j’avais appelé au téléphone mon vieil ami le jeune comte Ciano pour lui demander quelques tuyaux.
Avant même d’avoir reçu l’appel de l’Inter, une main chargée de bagues s’abattit sur mon appareil, tandis qu’un homme, subrepticement introduit, s’écriait en claquant des dents, ce qui vaut mieux que de claquer les portes, surtout en entrant.
Curieux homme, en vérité, que notre interlocuteur mystérieux... Gras à lard, possédant menton de rechange et nez busqué, front aérodynamique et air fuyant, couronné de lauriers, vêtu de draps de lit, il tenait une mandoline d’une main et brandissait une boîte d’allumettes de l’autre.
:- Mais, me direz-vous, monsieur...
:- Qui je suis?... Néron... Enfin, Néron !... Vous me connaissez bien !... Nom : Néron ; profession : empereur.
S’accroupissant auprès du radiateur, M. Néron - puisque Néron il y a - continua :
:- Moi, qu’est-ce que vous voulez, j’aime le feu ; c’est gai, ça flambe, c’est hygiénique et antiseptique.
:- Oui, c’est entendu, mais vous avouerez qu’il y a de bonnes raisons de se méfier de vous, parce que vous n’avez pas une très bonne réputation.
M. Néron se redressa, le visage en feu:
:- Ah ! si vous croyez tout ce qu’on a écrit sur mon compte, vous n’avez pas fini, parce que, moi, voyez-vous, je suis un brave homme. Il ne faudrait pas m’incendier.
:- Enfin, tout de même, vous avez tué Britannicus, votre demi-frère ; ce n’est pas pour des prunes.
:- Si, reprit-il avec chaleur, puisque c’était le fils de la reine Claude.
:- La reine Claude ?
:- Eh bien, oui, Britannicus était le fils de Claude, et sa femme, c’était la reine Claude.
:- Ça se défend, ça se défend. Mais vous avez aussi occis votre dame Octavie, votre amie Poppée et votre mère Agrippine.
:- Ah ! on a eu des mots, quoi, dit Néron ; au fond, c’est des histoires de famille, des règlements de compte. Alors, pas, quand, en famille, le torchon brûle, il vaut mieux supprimer le ou les sujets de discussion, c’est tellement plus simple.
:- Ça se défend, ça se défend. Mais vous avez également fait avaler son bulletin de naissance à votre précepteur, M. Sénèque.
:- Parce qu’il n’aimait pas le veau vinaigrette.
:- Ça se défend, mais, tout de même !
A brûle-pourpoint, Néron me prit par le revers de mon veston :
:- Y a pas de tout de même. Moi, j’aimais le veau vinaigrette, le père Sénèque ne voulait pas en entendre parler et il voulait m’empêcher d’en manger parce qu’il disait que ça donnait de l’urticaire. Alors, un jour, je me suis un peu impatienté, j’ai rempli la piscine de vinaigrette et je lui ai mis la tête dedans : comme il n’aimait pas ça, ça l’a étouffé. Voilà; vous voyez que pour une malheureuse histoire de veau vinaigrette, c’est pas la peine d’en faire un saladier.
:- Ben, ça se défend, dis-je spirituellement. Mais il n’en est pas moins vrai que vous avez incendié Rome !
L’empereur s’esclaffa :
:- Ah ! là, là, encore cette histoire-là ; on ne comprendra donc jamais la plaisanterie !
:- Vous appelez ça une plaisanterie ?
:- Ben, bien sûr, quoi. On était là, avec quelques amis : on s’ennuyait, il faisait nuit, on était sur la terrasse, il y en a un qui propose une partie de main chaude. Mais on avait tous les mains froides. Et, c'est comme ça que j’ai eu l’idée de mettre le feu à Rome, histoire de se réchauffer les mains.
:- C’est inouï, monsieur Néron, il y a des gens qui ont péri dans cet incendie.
:- Parce qu’ils n’ont pas compris. Ils n’ont pas vu que c’était pour rire, autrement, ils auraient été les premiers à s’amuser avec nous.
:- Mais, d’après l’Histoire romaine, pendant que Rome flambait, vous chantiez !
:- Oui.
:- Et que chantiez-vous ?
:- Ceci, monsieur :
//(Air : Avec les pom pom).//
://Ah ! c’ qu’on a bien rigolé,//
://Toute la ville a flambé,//
://Y avait pas d’pom pom [bis).//
://Y avait pas d’pompiers.//
://Les gens essayaient d’filer,//
://Mais l’feu prenait d’tous côtés.//
://Y avait pas d'pom pom (bis),//
://Y avait pas d’pompiers.//
://Les gens du rez-d’-chaussée,//
://Criaient l’air affolé//
://Et se sauvaient tout nus,//
://Parc’ qu’ils avaient le feu au-d’ssus.//
://Bref, on a bien rigolé,//
://On nous a pas dérangé,//
://Y avait pas d’pom pom {bis),//
://Y avait pas d'pompiers.//
Rêveur, je constatai :
:- Ah! c’était vraiment une jolie chanson !
:- Si ça peut vous faire plaisir, je vais vous en donner un exemplaire, j’en ai encore deux ou trois dans mon portefeuille.
:- Oh! il est très joli votre portefeuille ; en quoi est-il ?
:- En cuir de roussi.
:- Ça se défend !
:- Je pense bien que ça se défend, sans compter que, grâce à cet incendie, c’est moi qui suis l’inventeur du punch !
:- Du punch ?
:- Oui, du punch, qu'est-ce que c’est que du punch ? Eh bien ! c’est du rhum flambé, alors, qui est-ce qui a fait flamber Rome ? C’est moi ! Alors, l'inventeur du punch, qui que c’est-il ?
:- C’est vous !
:- Je ne vous le fais pas dire ! Je suis un punch sans rire !
:- Mais, toujours d’après l’Histoire, monsieur Néron, repris-je, vous aimiez vous produire en public ?
Se drapant dans son drap de lit, M. Néron eut un fin sourire :
:- Je vous crois : j'ai fait mon tour de chant, à l’époque.
:- Vous allez recommencer ?
:- Non !... Je suis en train de mettre au point un numéro de mangeur de feu... Avec un bon petit bidon de cinq litres, je vous ferai de la lumière pendant douze heures.
Tout feu tout flammes, M. feu-Néron, sans attendre son reste, se précipita vers la sortie en emportant le cendrier.
C’est à cet instant exact que je m’aperçus qu’il ne m’avait donné aucune précision sur les sujets d’une brûlante actualité que Rome et Paris tâchent d’éclairer présentement, mais j’ai pensé qu’après tout, cela valait peut-être mieux ainsi, et que ce n’était pas le moment de risquer de faire une étincelle susceptible de mettre le feu aux poudres.
!!!!!!//Jacques Allahune.//
!"O ma jeunesse abandonnée..."
+++*[Vitam impendere]
//''Vitam impendere''//, six poèmes d’Apollinaire accompagnés de huit dessins d’André Rouveyre s’organise comme un triptyque. Les six poèmes évoquent le désarroi du poète face au temps qui passe, ainsi que le regret des amours envolés. Le titre signifie « suspendre la vie à l’amour ». Ce petit recueil a été considéré, à tort, comme un écart dans l’élan vers le renouveau, voire comme une régression dans l’évolution de l’art et de la carrière du poète.
À première vue la suprématie du poète-créateur a disparu ; l’œuvre est le réceptacle de sa souffrance. Le mouvement, la surprise, la joie, la variété, caractéristiques des œuvres modernes, ont cédé la place à l’agonie et à la mort ; agonie du jour qui n’en finit plus de tomber tout au long des poèmes…
<<<
Dans le crépuscule fané
Où plusieurs amours se bousculent
Ton souvenir gît enchaîné
Loin de nos ombres qui reculent
<<<
… agonie et mort de l’amour,
<<<
L’amour est mort entre tes bras
Te souviens-tu de sa rencontre
<<<
… et des instants précieux de la jeunesse :
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Ô ma jeunesse abandonnée
Comme une guirlande fanée
Voici que s’en vient la saison
Et des dédains et du soupçon
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Le ton est celui qu’imposent la mélancolie et les regrets. Les poèmes de Vitam sont composés de quatrains d’octosyllabes rimés, à l’exception du cinquième poème, dans lequel seuls les deux derniers vers de chaque quatrain riment. Michel Décaudin note un raffinement pour le poème qui ferme le recueil :
//[…] avec, pour le dernier [poème], un raffinement dans l’alternance AABB-CDCD répété aux troisième et quatrième strophes, la cinquième et dernière étant une reprise de la première avec une variante au dernier vers, « la saison / Et des dédains et du soupçon » devenant « la saison / Des regrets et de la raison ». //
L’ordre imposé par la référence constante à la tradition est une force.
L’octosyllabe est le mode d’expression des regrets, du souvenir, de la mélancolie. La plupart s’adressent à une seule et même femme, Marie Laurencin, alors séparée du poète depuis quatre années, et mariée au moment où paraît la plaquette.
Si 1917 correspond à une année placée sous le signe de la modernité artistique, ceci n’empêche pas Apollinaire de dresser le bilan de sa vie. Au moment où il se remet doucement de la douleur physique infligée par les séquelles de la guerre, les poèmes de Vitam sont l’expression des regrets et de la souffrance morale d’avoir perdu celle qu’il appelait son « double féminin », Marie Laurencin.
La dernière strophe :
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Ô ma jeunesse abandonnée
Comme une guirlande fanée
Voici que s’en vient la saison
Des regrets et de la raison
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Selon André Rouveyre, ce dernier quatrain a été « ajouté sur épreuve » :
//L’importance de cette ultime strophe, et ajoutée sur épreuve, en un dernier coup de pouce. Ce dernier coup de pouce de l’artiste dont on nous dit qu’il détermine souvent toute la suprême qualité. C’est à cet instant décisif qu’il a établi ce retour à la fin, ici, de la première strophe mais avec le rétablissement moral complémentaire si grave de la variante.//
Le premier poème l’affirme, comme les saisons, l’amour reviendra ; pourtant, après la rétrospection que constituent les poèmes deux, trois, quatre et cinq, Apollinaire sait déjà qu’aucun nouvel amour ne sera jamais comparable à cet amour passé, passionné, qui aura marqué sa jeunesse ; il signe la fin d’une période heureuse et insouciante de sa vie avant la guerre.
===
{{center{
[img(349px,)[http://www.librairie-ancienne.ch/wordpress/wp-content/uploads/2015/06/APOLLINAIRE-Guillaume-ROUVEYRE-Andr%C3%A9-Vitam-Impendere-Amori.png]]
Ô ma jeunesse abandonné
Comme une guirlande fanée
Voici que s'en vient la saison
Et des dédains et du soupçon
Le paysage est fait de toiles
Il coule un faux fleuve de sang
Et sous l'arbre fleuri d'étoiles
Un clown est l'unique passant
Un froid rayon poudroie et joue
Sur les décors et sur ta joue
Un coup de revolver un cri
Dans l'ombre un portrait a souri
La vitre du cadre est brisée
Un air qu'on ne peut définir
Hésite entre son et pensée
Entre avenir et souvenir
Ô ma jeunesse abandonnée
Comme une guirlande fanée
Voici que s'en vient la saison
Des regrets et de la raison
[img[http://www.pileface.com/sollers/IMG/jpg_frontispice.jpg]]
}}}
!!!!!!//Guillaume APOLLINAIRE Vitam Impendere Amore1917//
!ON PURGE BEBE
!!!!!//Georges Feydeau //
;[[Dernière VIDÉO|https://www.dropbox.com/s/opb1chwisdjeg6z/ma%203%20mai_Les%20Z%C3%A9brides%20-%20Feydeau%20-%20Marie-Th%C3%A9r%C3%A8se%20et%20Andr%C3%A9.mp4?dl=0]]
>//Surgissant en trombe par la porte, pan coupé. Tenue de souillon ; peignoir-éponge dont la cordelière non attachée traîne par ; petit jupon de soie sur la chemise de nuit qui dépasse par en bas : bigoudis dans, les cheveux ; bas tombant sur les savates. Elle tient un seau de toilette plein d’eau à la main.//
;JULIE
: Alors, quoi ? Tu ne peux pas te déranger ? Non ?
;FOLLAVOINE
: Ah! Je t’en prie, n’entre donc pas toujours comme une bombe!… Ah!
;JULIE
: Oh! Pardon! Tu ne peux pas te déranger ? Non ?
;FOLLAVOINE
: Eh bien! Et toi ? Pourquoi faut-il que ce soit moi qui me dérange plutôt que toi ?
;JULIE
: C’est juste! C’est juste! Nous sommes mariés, alors!…
;FOLLAVOINE
: Quoi ? Quoi ? Quel rapport ?…
;JULIE
: Ah! Je serais seulement la femme d’un autre, il est probable que!…
;FOLLAVOINE
: Ah! Laisse-moi donc tranquille! Je suis occupé, v’là tout!
;JULIE
: Occupé! Monsieur est occupé! C’est admirable!
;FOLLAVOINE
: Oui, occupé! Ah!
;JULIE
: Quoi ?
;FOLLAVOINE
: Ah çà! Tu es folle ? Tu m’apportes ton seau de toilette ici, à présent ?
;JULIE
: Quoi, “mon seau” ? Où ça, “mon seau” ?
;FOLLAVOINE
: Ça!
;JULIE
: Ah! Là! C’est rien. C’est mes eaux sales.
;FOLLAVOINE
: Qu’est-ce que tu veux que j’en fasse ?
;JULIE
: Mais c’est pas pour toi! C’est pour les vider.
;FOLLAVOINE
: Ici ?
;JULIE
: Mais non, pas ici! Que c’est bête ce que tu dis-là ! Je n’ai pas l’habitude de vider mes eaux dans ton cabinet de travail ; j’ai du tact.
;FOLLAVOINE
: Alors, pourquoi me les apportes-tu ?
;JULIE
: Mais pour rien! Parce que j’avais le seau en main pour aller le vider quand Rose est venue me rapporter ta charmante réponse : alors, pour ne pas te faire attendre…
;FOLLAVOINE
: Tu ne pouvais pas le laisser à la porte ?
;JULIE
: Ah! Et puis tu m’embêtes ! Si ça te gêne tant, tu n’avais qu’à te déranger quand je te demandais de venir ; mais Monsieur était occupé ! à quoi ? Je te le demande.
;FOLLAVOINE
: À des choses, probable !
;JULIE
: Quelles ?
;FOLLAVOINE
: Eh! bien, des choses… Je cherchais “Îles Hébrides” dans le dictionnaire.
;JULIE
: Îles Hébrides ! T’es pas fou ? Tu as l’intention d’y aller ?
;FOLLAVOINE
: On, je n’ai pas l’intention!
;JULIE
: Alors, qu’est-ce que ça te fait ?, En quoi ça peut-il intéresser un fabricant de porcelaine de savoir où sont les Hébrides ?
;FOLLAVOINE
: Si tu crois que ça m’intéresse! Ah! bien!… je te jure que si c’était pour moi!… Mais c’est pour Bébé. Il vous a de ces questions! Les enfants s’imaginent, ma parole! que les parents savent tout!… “Papa, où c’est les Hébrides ? Quoi ? Où c’est les Hébrides, papa ?” Oh! J’avais bien entendu! J’avais fait répéter à tout hasard… “Où c’est, les Hébrides” ? Est-ce que je sais, moi! Tu sais où c’est, toi ?
;JULIE
: Bien oui, c’est… J’ai vu ça quelque part, sur la carte ; je ne me rappelle pas où.
;FOLLAVOINE
: Eh! Aussi est-ce qu’on devrait encore apprendre la géographie aux enfants à notre époque ?…
;JULIE
: Quoi ? Quoi ? Quel rapport ?
;FOLLAVOINE
: Mais absolument! Est-ce que, quand tu as besoin d’une ville, tu vas la chercher dans la géographie ? Non, tu cherches dans l’indicateur! Eh! Ben, alors!…
;JULIE
: Mais alors, ce petit ? Tu ne l’as pas aidé ? Tu l’as laissé dans le pétrin ?
;FOLLAVOINE
: Bédame! Comment veux-tu ? C’est-à-dire que, j’ai pris un air profond, renseigné ; celui du monsieur qui pourrait répondre mais qui ne veut pas parler et je lui ai dit : “Mon enfant, si c’est moi qui te montre, tu n’as pas le mérite de l’effort ; essaye de trouver, et si tu n’y arrives pas, alors je t’indiquerai”.
;JULIE
: Oui, vas-y voir!
;FOLLAVOINE
: Je suis sorti de sa chambre avec un air détaché ; et, aussitôt la porte refermée, je me suis précipité sur ce dictionnaire, persuadé que j’allais trouver! Ah! bien, oui, je t’en fiche! Nibe.
;JULIE
: Dans le dictionnaire ? Allons, voyons! Voyons!…
;FOLLAVOINE
: Oh! Tu peux regarder!… Non! Vraiment, tu devrais bien dire à mademoiselle de ne pas farcir la cervelle de ce petit avec des choses que les grandes personnes elles-mêmes ignorent… et qu’on ne trouve seulement pas dans le dictionnaire..
;JULIE
: Ah çà! Mais!… mais!…
;FOLLAVOINE
: Quoi ?
;JULIE
: C’est dans les Z que tu as cherché ça ?
;FOLLAVOINE
: Hein ?… mais… oui…
;JULIE
: Dans les Z, les Hébrides ? Ah! bien, je te crois que tu n’as pas pu trouver.
;FOLLAVOINE
: Quoi ? C’est pas dans les Z ?
;JULIE
: Il demande si c’est pas dans les Z!
;FOLLAVOINE
: C’est dans quoi, alors ?
;JULIE
: Ah! Porcelainier, va!… Tiens, tu vas voir comme c’est dans les Z. Euh!… “Ébraser, Èbre, Ébrécher…” C’est dans les E, voyons! “… Ébriété, ébroïcien, ébro..” Tiens! Comment ça se fait ?
;FOLLAVOINE
: Quoi ?
;JULIE
: Ça n’y est pas!
;FOLLAVOINE
: Ah! Ah! Je ne suis pas fâché!… Toi qui veux toujours en savoir plus que les autres!…
;JULIE
: Je ne comprends pas : ça devrait être entre “ébrécher” et “ébriété”.
;FOLLAVOINE
: Quand je te dis qu’on ne trouve rien dans ce dictionnaire! Tu peux chercher les mots par une lettre ou par une autre, c’est le même prix! On ne trouve que des mots dont on n’a pas besoin!
;JULIE
: C’est curieux!
;FOLLAVOINE
: Tout de même, je vois que la “porcelainière” peut aller de pair avec le “porcelainier”.
;JULIE
: En tous cas j’ai cherché dans les E ; c’est plus logique que dans les Z.
;FOLLAVOINE
: Ah! Là, là! “Plus logique dans les E”! Pourquoi pas aussi dans les H ?
;JULIE
: “Dans les H… dans les H…”! Qu’est-ce que ça veut dire ça, “dans les H” ? Mais, au fait… dans les H… pourquoi pas ?… mais oui : “Hébrides… Hébrides”, il me semble bien que ?… oui! H!… H… H…
;FOLLAVOINE
: Quoi, “achachache” ?
;JULIE
: “Hèbre, Hébreux, Hébrides”! Mais oui, voilà : “Hébrides”, ça y est!
;FOLLAVOINE
: Tu l’as trouvé ? //(Dans son mouvement, il est allé donner du pied contre le seau qu’il n’a pas vu.//
://Avec rage.)// Ah! là, voyons!
;JULIE
: En plein : “Hébrides, îles qui bordent l’Ecosse au nord”.
;FOLLAVOINE
: Eh! bien, voilà!
;JULIE
: Et dire qu’on cherchait dans les “E” et dans les “Z”…
;FOLLAVOINE
: On aurait pu chercher longtemps!
;JULIE
: Et c’était dans les “H”!
;FOLLAVOINE
: Qu’est-ce que je disais!
;JULIE
: Comment, “ce que tu disais”!
;FOLLAVOINE
: Eh! Ben, oui, quoi ? C’est peut-être pas moi qui ai dit : “Pourquoi pas dans les H ?”
;JULIE
: Pardon! Tu l’as dit!… tu l’as dit… ironiquement.
;FOLLAVOINE
: Ironiquement! En quoi ça, ironiquement ?
;JULIE
: Absolument! Pour te moquer de moi : “Ah! Pourquoi pas aussi dans les H” ?
;FOLLAVOINE
: Ah! bien, non, tu sais!…
;JULIE
: C’est moi alors qui, subitement, ai eu comme la vision du mot.
;FOLLAVOINE
: “Comme la vision du mot”! C’est admirable! “Comme la vision du mot”! Cette mauvaise foi des femmes! Je te dis : “Pourquoi pas dans les H ?” Alors tu sautes là-dessus, tu fais : “Au fait oui, dans les H, pourquoi pas ?” Et tu appelles ça : “avoir la vision mot” ? Ah! bien, c’est commode!
;JULIE
: Oh! C’est trop fort! Quand c’est moi qui ai pris le dictionnaire! Quand c’est moi qui ai cherché dedans!
;FOLLAVOINE
: Oui, dans les E!
;JULIE
: Dans les E… dans les E d’abord ; comme toi avant, dans les Z ; mais ensuite dans les H.
;FOLLAVOINE
: L’air détaché, les yeux au plafond,— Belle malice, quand j’ai eu dit : “Pourquoi pas dans les H” ?
;JULIE
: Oui, comme tu aurais dit “Pourquoi pas dans les Q” ?
;FOLLAVOINE
: Oh! Non, ma chère amie, non! Si nous en arrivons aux grossièretés!…
;JULIE
: Quoi ? Quoi ? Quelles grossièretés ?
;FOLLAVOINE
: Eh! bien, oui, oui!… bon! c’est bon!
;JULIE
: Quoi ? Qu’est-ce que tu cherches ?
;FOLLAVOINE
: Je cherche… je cherche… je cherche où mettre ça.
;JULIE
: Eh! bien, pose-le par terre.
;FOLLAVOINE
: Oui.
;JULIE
: Non, tu sais, avoir l’aplomb de prétendre!…
;FOLLAVOINE
: Oh!… mais oui, là! Puisque c’est entendu! C’est toi qui as trouvé.
;JULIE
: Mais, parfaitement, c’est moi! Il ne s’agit pas d’avoir l’air de me faire des concessions.
;FOLLAVOINE
: Ah! Et puis, je t’en prie, en voilà assez, hein! Avec tes E, tes Z, tes H et tes Q! C’est vrai ça! Tiens, tu ferais mieux d’aller t’habiller!
;JULIE
: Me dire que je n’ai pas eu la vision!…
!^^Marie Laberge
^^OUBLIER
;Judith ~~//(Fille)//~~
Non, non, Jacqueline.
Chus pas venue pour ça, pis tu l’sais.
Ça fait longtemps que j’te l’ai écrit d’la mettre dans une place où on s’occuperait d’elle. Ça fait longtemps que j’tai dit que j’m’en occuperais pas, pis qu’tu pouvais prendre toute son argent pour qu’elle aye les meilleurs soins, le meilleur personnel.
C’est son argent, c’est sa maladie, c’est sa vie pis sa mort.
Je l’vivrai pas pour elle, certain.
Y a quat’cinq ans, quand tu m’as écrit qu’a était Alzeimer, c’est ça que j’t’ai dit. Rien d’autre.
C’tu vrai ou ben c’pas vrai ?
Tu veux sauver ta mère comme si c’était ta vie qu’tu sauvais. C’est d’tes affaires. Mais moi, c’est pas ma game.
Pis arrête de vouloir toutes nous enrôler dans l’opération sauvetage.
T’es comme elle. Quand t’as quelle chose dans la t^te, faut qu’tout le monde fasse comme t’as décidé, pis tu nous tuerais pour avoir c’que tu veux.
Sauve-la si tu peux, mais embarque moi pas l’a-d’dans.
Ni moi, ni Micheline, as-tu compris ?
{{center{[img(33%,)[http://www.quizz.biz/uploads/quizz/871803/15_7dc2G.jpg]]}}}
!Ode au chat
!!!!!{{center{PABLO NERUDA
(1904-1973)}}}
{{center{
Au commencement
les animaux furent imparfaits
longs de queue,
et tristes de tête.
Peu à peu ils évoluèrent
se firent paysage
s’attribuèrent mille choses,
grains de beauté, grâce, vol...
Le chat
seul le chat
quand il apparut
était complet, orgueilleux.
parfaitement fini dès la naissance
marchant seul
et sachant ce qu’il voulait.
L’homme se rêve poisson ou oiseau
le serpent voudrait avoir des ailes
le chien est un lion sans orientation
l’ingénieur désire être poète
la mouche étudie pour devenir hirondelle
le poète médite comment imiter la mouche
mais le chat
lui
ne veut qu’être chat
tout chat est chat
de la moustache à la queue
du frémissement à la souris vivante
du fond de la nuit à ses yeux d’or.
Il n’y a pas d’unité
comme lui
ni lune ni fleur dans sa texture:
il est une chose en soi
comme le soleil ou la topaze
et la ligne élastique de son contour
ferme et subtil
est comme la ligne de proue d’un navire.
Ses yeux jaunes
laissent une fente
où jeter la monnaie de la nuit.
Ô petit empereur
sans univers
conquistador sans patrie
minuscule tigre de salon,
nuptial sultan du ciel
des tuiles érotiques
tu réclames le vent de l’amour
dans l’intempérie
quand tu passes
tu poses quatre pieds délicats
sur le sol
reniflant
te méfiant de tout ce qui est terrestre
car tout est immonde
pour le pied immaculé du chat.
Oh fauve altier de la maison,
arrogant vestige de la nuit
paresseux, gymnaste, étranger
chat
profondissime chat
police secrète de la maison
insigne d’un velours disparu
évidemment
il n’y a aucune énigme
en toi:
peut-être que tu n’es pas mystérieux du tout
qu’on te connaît bien
et que tu appartiens à la caste la moins mystérieuse
peut-être qu’on se croit
maîtres, propriétaires,
oncles de chats,
compagnons, collègues
disciples ou ami
de son chat.
Moi non.
Je ne souscris pas.
Je ne connais pas le chat.
Je sais tout de la vie et de son archipel
la mer et la ville incalculable
la botanique
la luxure des gynécées
le plus et le moins des mathématiques
le monde englouti des volcans
l’écorce irréelle du crocodile
la bonté ignorée du pompier
l’atavisme bleu du sacerdoce
mais je ne peux déchiffrer un chat.
Ma raison glisse sur son indifférence
ses yeux sont en chiffres d’or.
}}}
!Odelette//
^^Pierre de Ronsard^^//
{{center{
Pourtant si j’ay le chef plus blanc
Que n’est d’un liz la fleur esclose.
Et toy le visage plus franc
Que n’est le bouton d’une rose :
Pour cela, cruelle, il ne faut
Fuyr ainsi ma teste blanche :
Si j’ay la teste blanche en haut,
J’ay en bas la queue assez franche.
Ne sçais-tu pas, toy qui me fuis,
Que pour bien faire une couronne
Ou quelque beau bouquet, d’un lis
Tousjours la rose on environne ?
!!!!!!Pierre de Ronsard, //Les Odes ( XXXIII)//
}}}
!Odelette à une jeune maîtresse//
^^Pierre de Ronsard^^//
{{center{
Pourquoy comme une jeune poutre
De travers guignes tu vers moy ?
Pourquoy farouche fuis-tu outre
Quand je veux approcher de toy ?
Tu ne veux souffrir qu’on te touche ;
Mais si je t’avoy sous ma main,
Asseure toy que dans la bouche
Bien tost je t’aurois mis le frain.
Puis te voltant à toute bride
Je dresserois tes pieds au cours.
Et te piquant serois ton guide
Par la carriere des Amours,
Mais par l’herbe tu ne fais ores
Qui suivre des prez la fraicheur,
Pource que tu n’as point encores
Trouvé quelque bon chevaucheur.
!!!!!!Pierre de Ronsard, //Les Odes ( XXXVII)//
}}}
!Odile
|nom| - |
|prenom|Odile|
|TEL| 01 43 20 77 50 |
|email| Odile<odiledf75@gmail.com> |
|DIRE|28/5/19 Jeanne d'Arc deMontherland|
!Oh ! si j'étais en ce beau sein ravie
{{center{[img[http://2.bp.blogspot.com/-Gv543dlDVdc/U4XuKZtZz9I/AAAAAAAABGw/N8IXYkiAKPo/s1600/422_450_france-buste.jpg]]
Oh ! si j'étais en ce beau sein ravie
De celui-là pour lequel vais mourant ;
Si avec lui vive le demeurant
De mes courts jours ne m'empêchait envie ;
Si m'accolant, me disait : Chère Amie,
Contentons-nous l'un l'autre, s'assurant
Que jà tempête, Euripe, ni courant
Ne nous pourra déjoindre en notre vie ;
Si, de mes bras le tenant accolé,
Comme du lierre est l'arbre encercelé,
La mort venait, de mon aise envieuse,
Lors que souef* plus il me baiserait,
Et mon esprit sur ses lèvres fuirait,
Bien je mourrais, plus que vivante, heureuse.}}}
{{center{[img(33%,)[http://ekladata.com/89dne-NXqZYxG3oAzlJ13GA-7G4@765x497.jpg]]}}}
!On les a fait Venir !
!!!!!{{center{}}}
{{center{
Je suis le chat de cimetière,
De terrain vague et de gouttière,
De haute-Egypte et du ruisseau
Je suis venu de saut en saut.
Je suis le chat qui se prélasse
A l'instant où le soleil passe,
Dans vos jardins et dans vos cours
Sans avoir patte de velours.
Je suis le chat de l'infortune,
Le trublion du clair de lune
Qui vous réveille dans la nuit
Au beau milieu de vos ennuis.
Je suis le chat des maléfices
Condamné par le Saint-Office;
J'évoque la superstition
Qui cause vos malédictions.
Je suis le chat qui déambule
Dans vos couloirs de vestibules,
Et qui fait ses petits besoins
Sous la porte cochère du coin.
Je suis le félin bas de gamme,
La bonne action des vieilles dames
Qui me prodiguent le ron-ron
Sans souci du qu'en dira-t-on.
Epargnez moi par vos prières
Le châtiment de la fourrière
Où finissent vos émigrés
Sans demeure et sans pedigree.
}}}
!On n'est qu'des boyaux//
^^Paroles et musique: Henri Tachan^^//
On n'est qu'des boyaux,
On n'est qu'des boyaux,
Mêm'e si on te colle des rustines, comme aux vélos,
On n'est qu'des boyaux,
On n'est qu'des boyaux,
Tu crèveras au bout d'la course, pauvre Fausto...
//Roule, roule, petit'e bicyclette,
Sur les pavés, sous la pluie,
Roule, roule, baisse bien la tête,
Sur la piste de la Vie.//
On n'est qu'des boyaux,
On n'est qu'des boyaux,
Mêm'e si tu t'échappes en solitaire, en oiseau,
On n'est qu'des boyaux,
On n'est qu'des boyaux,
Tu abandonn'ras ton royaume pour un peu d'eau...
//Roule, roule, petit'e bicyclette,
Sur les pavés, sous la pluie,
Roule, roule, baisse bien la tête,
Sur la piste de la Vie.//
On n'est qu'des boyaux,
On n'est qu'des boyaux,
Même si tu gagnes sous les "hourra!", sous les "bravo!",
On n'est qu'des boyaux,
On n'est qu'des boyaux,
Il s'en fallut de peu qu'ils réclament ta peau...
//Roule, roule, petit'e bicyclette,
Sur les pavés, sous la pluie,
Roule, roule, baisse bien la tête,
Sur la piste de la Vie.//
On n'est qu'des boyaux,
On n'est qu'des boyaux,
Mêm'e si parfois, il est jaune-soleil, ton maillot,
On n'est qu'des boyaux,
On n'est qu'des boyaux,
Tu finiras lanterne rouge comme un chrono...
//Roule, roule, petit'e bicyclette,
Sur les pavés, sous la pluie,
Roule, roule, baisse bien la tête,
Ton Tour du Monde est fini.//
{{homeTitle center{
!On passe dans huit jours
}}}{{center{
!!!!!Sacha Guitry
}}}
+++^^*[PERSONNAGES]
:Le directeur du théâtre.
:L’auteur
:L’actrice
:Le régisseur
===
//Le rideau s’ouvre sur le bureau du directeur. Il est seul en scène, assis à son bureau.//
;//Le directeur, se dictant à lui-même le communiqué suivant.//
:— « Malgré l’immense succès du « Secret de Virginie », la direction du théâtre Poissonnière a décide d'interrompre les représentations de la belle pièce de Monsieur Jean Brassard. C’est une comédie en quatre actes de Monsieur Edmond Gainery qui lui succédera sur l'affiche. Nous croyons savoir que cette pièce nouvelle comporte une situation psychologique des plus puissantes et des plus neuves. L'œuvre de Monsieur Gainery a été montée avec un goût remarquable. Les décors sont de Bertin et les mobiliers sont de style. » Le public ne se rend pas compte de la difficulté qu’il y a à faire des notes aux journaux. C’est un art !... Il faut frapper l’imagination du lecteur... et tout le monde ne sait pas frapper... //(On frappe.)// Entrez ! //(Le régisseur entre.)// Qu’est-ce qu’il y a ?
;//Le régisseur.//
:— Patron, l'auteur demande s’il n’y aurait pas moyen d’avoir un mobilier Empire pour le deuxième acte...
;//Le directeur.//
:— Mais non, mais non, qu’il sache se contenter comme les autres du Louis XIV que nous avons en magasin... 11 est bien suffisant. Il y a vingt ans qu’il sert. 11 est presque ancien ! Je ne vais pas aller louer des meubles nouveaux pour une pièce qu'on va peut-être jouer dix fois !
;//Le régisseur.//
:— Dix fois, espérons-le... //(Il sort.)//
;//Le directeur.//
:— Ils sont épatants les auteurs ! Rien n’est assez bien pour eux. Ils s’en fichent pas mal des frais qu’on a, ceux-là. Ils ne lisquent rien, eux !... Et leur pièce leur rapporte toujours plus qu’elle ne leur a coûté. Des auteurs comme celui-là... ils devraient payer pour être joués... ils devraient payer plus qu’ils ne payent. //(On frappe.)// Entrez... //(Le régisseur entre.)//
;//Le régisseur.//
:— Patron, l'auteur vous fait demander...
;//I c directeur.//
:— Rien, rien, il n’aura plus rien maintenant. Je joue sa pièce, c’est déjà énorme ! Il est comme les autres celui-là ! Il n’est |umais content !... Qu'est-ce qu'il demande ?
;//Le régisseur.//
:— Il demande si vous voulez dîner avec lui, ce soir.
;//Le directeur.//
:— Ah ! bon, ça, oui.
;//Le régisseur.//
:— Il demande aussi...
;//Le directeur.//
:— Ah ! ça m’étonnait...
;//Le régisseur.//
:— ... que vous l’attendiez pour partir avec lui.
;//Le directeur.//
:— Ah ! bon. Parfait... Comment va la répétition ?
;//Le régisseur.//
:— Bien... Valabel est mauvais comme toujours ! Mais le public y est habitué... Garnier, lui, sera bien, il sait son rôle... La petite Fillot est jolie... seulement, ça ne connaît pas le métier !... Quant à Talmont, je vous la donne, patron, celle-là.
;//Le directeur.//
:— Qu’est-ce que vous voulez que j’en fasse ?
;//Le régisseur. —//
:Au premier et au deuxième, elle est gentille, mais elle est bougrement faible au troisième !... Enfin, je crois que ça ira tout de même !
;//Le directeur.//
:— Sûrement !... L’important, c’est les notes ! 11 faut que la pièce soit bien annoncée... A tout à l’heure, mon ami.
;//Le régisseur.//
:— A tout à l’heure, patron. //(Il sort.)//
;//Le directeur, seul.//
:— Ah ! si je pouvais trouver une pièce comme « Cyrano » ou « La Dame de chez Maxim » //(Il écrit.)// « Mon cher courriériste, vous me feriez plaisir... » //(On frappe.)// Entrez !
;//L’auteur, entrant.//
:— Bonjour...
;//Le directeur.//
:— Bonjour, mon cher auteur. Eh bien, cela va-t-il comme vous voulez ?
;//L’auteur.//
:— Hum ! hum !
;//Le directeur.//
:— Ah ! ah ! C’est votre mobilier Empire qui vous chiffonne. Mais, mon ami, comprenez donc les choses... je ne peux pas louer un mobilier Empire pour une pièce que je vais, peut-être, jouer deux ou trois cents fois, voyons... ce serait pour dix fois, oui !... Ils louent ça très cher, vous savez...
;//L’auteur.//
:— Oh ! ce n’est pas le mobilier Empire qui me chiffonne.
;//Le directeur.//
:— Qu'est-ce qu’il y a donc ?
;//L’auteur. —//
:Il y a tout simplement que Mademoiselle Fanny Talmont est en train de foutre ma pièce par terre ! //(Un temps.)// Voilà ce qu’il y a, mon ami ! //(Un temps.)// Et je vous jure qu’il n’en faut pas plus pour chiffonner un auteur.
;//Le directeur.//
:— Et Valabel, comment est-il ?
;//L’auteur.//
:— Admirable !
;//Le directeur.//
:— Parfait !
;//L'auteur.//
:— Mais Talmont... ça, c’est impossible !... Im-pos-si-ble ! C’est effrayant ! Ef-fra-yant !...
;//Le directeur.//
:— Garnier... bien ?
;//L'auteur.//
:— Oh ! merveilleux de simplicité ! Ce qu’il fait est sobre, posé... et puis, enfin, le rôle est tellement beau qu’il le porte !
;//Le directeur.//
:— Parfait, mon vieux ! Je suis ravi de vous voir content.
;//L’auteur.//
:— Content... non... Je serais content, mais je vous le répète, il y a Talmont... Elle est réellement impossible ! J’ai eu toute la patience qu'un auteur doit avoir... et, de son côté, elle fait ce qu’elle peut, cette petite... seulement ce qu’elle peut, c’est vraiment peu. Que voulez-vous, on n’est pas infaillible... et ce ne sera pas la première fois qu’un auteur reprend un rôle. Elle n’a aucune puissance, cette enfant, aucune autorité. Dans les jolis passages d'ironie du premier acte, elle est parfaite... au second, elle est gentille... seulement, à la fin, c’est le désastre... et j'estime que, dans l’intérêt même du directeur, un auteur a le devoir de tout faire pour assurer le succès de son œuvre. Et, en l’occurrence, tout faire... c’est reprendre purement et simplement son rôle à Mademoiselle Talmont. Elle a un dédit, n’est-ce pas ?
;//Le directeur, qui recopie son communiqué.//
:— Hein ? Qui ça ?
;//L'auteur.//
:— Talmont ! Elle a un dédit ?
;//Le directeur.//
:— Oui, oui, je pense bien.
;//L’auteur.//
:— Ça simplifie tout.
;//Le directeur.//
:— N’oubliez pas, mon vieux, que c’est vous qui me l’avez fait engager...
;//L'auteur.//
:— Eh bien, mais nous nous arrangerons tous les deux, voilà tout. Je n’ai pas l’intention de vous laisser supporter à vous seul la conséquence d’une erreur que j’ai commise, vous le pensez bien. Maintenant, pour la remplacer, j’ai pensé à la petite Fillot, qui voit répéter la pièce depuis un mois, qui a très envie de la jouer... et qui y serait remarquable !... Vous la trouvez bien, Fillot, n’est-ce pas ?
;//Le directeur, qui corrige son communiqué.//
:— Quoi donc ?
;//L'auteur.//
:— Fillot, vous la trouvez bien, n’est-ce pas ?
;//Le directeur.//
:— Elle a un corps charmant, oui...
;//L'auteur.//
:— Ou alors, la mère Calvin... qui est libre en ce moment... Je sais bien qu’elle n’a plus l’âge du rôle et qu’elle a l’air maintenant d’un vieux chameau... mais c’est tout de même Marie Calvin... et il est possible que, bien maquillée, bien arrangée, elle puisse encore laire illusion... Qu’en pensez-vous ?
;//Le directeur. —//
:Quoi donc ?
;//L'auteur. —//
:Calvin...
;//Le directeur. —//
:Marie Calvin ? Ah !... J'ai couché avec elle en 82 !... C’était une superbe gaillarde... Maintenant c’est une ruine à ne pas visiter !
;//L'auteur.//
:— Evidemment. La petite Fillot serait cent fois mieux, bien //(Il va à la porte du fond.)// Régisseur ! Voulez-vous prier Mademoiselle Talmont de bien vouloir venir un instant ?
//Voix du régisseur.//
:— Mais, monsieur, c’est qu’on va commencer à répéter le trois.
;//L’auteur.//
:— Justement ! Qu’elle vienne tout de suite...
//Voix du régisseur.//
:— Bien, monsieur.
;//L’auteur. —//
:Oui, vous savez, plus j’y pense, plus je suis convaincu que la petite Fillot sera très bien. Je suis ravi de ce changement. Vous aussi, hein ?
;//Le directeur, distrait.//
:— Quoi donc ?
;//L'auteur.//
:— Moi, je suis enchanté.
;//Le directeur.//
:— Tant mieux, mon vieux. J’aime que mes auteurs soient contents.
//L'actrice, entrant.//
:— Vous m’avez fait demander?
;//L'auteur.//
:— Oui, entrez et asseyez-vous !
;//L’actrice.//
:— Qu’est-ce qu'il y a ?
;//L’auteur.//
:— Ma petite Fanny, vous êtes une artiste charmante...
;//L’actrice.//
:— Mais ?
;//L’auteur.//
:— Mais... nous avons pensé, mon ami Baracand et moi, qu’il fallait vous donner une grande preuve d’amitié en vous évitant de courir un danger inutile au début d’une carrière aussi brillante que la vôtre...
;//L’actrice.//
:— Quel danger? Je ne comprends pas ce que vous voulez dire...
;//L'auteur.//
:— Ma petite Fanny, je me suis trompé !... J’aurais dû écouter ce que Baracand m’a dit dès le premier jour. Vous possédez les dons les plus rares... vous êtes gaie, vive, souriante et distinguée... et vous être tout à fait exquise dans la première partie du rôle...
;//L’actrice.//
:— Oui, oh ! le trois n’est pas au point du tout. Je m’en suis rendu compte et j’ai l'intention de...
;//L’auteur.//
:— Laissez-moi parler. Vous réalisez ma pensée pendant tout le premier acte, et notamment vous avez une façon extraordinaire de dire : « Mon petit, pour épouser Georgette, il vous faudrait avoir plus de poil au menton ! » Oh ! là, vous êtes exquise !... Au deux, vous êtes tout bonnement parfaite...
;//L’actrice.//
:— Oui, en somme, c’est le trois qui cloche ?
;//L'auteur.//
:— S’il ne faisait que clocher, ma chère amie...
;//L’actrice.//
:— Ah ! je devine...
;//L’auteur. —//
:Quoi donc ?
;//L’actrice. —//
:Vous allez couper le trois ?
;//L’auteur.//
:— Mais je...
;//L’actrice.//
:— Oh ! ne faites pas ça... ne faites pas ça. N’écoutez pas les conseils qu’on vous donne ! Je vous le jure, moi, que c’est un acte admirable !
;//L’auteur.//
:— Admirable, certainement, et je n’ai pas l’intention de le couper...
;//L’actrice.//
:— Alors ?
;//L’auteur.//
:— Ce n’est pas l’acte qui ne va pas, c’est...
;//L’actrice.//
:— Garnier?...
;//L’auteur.//
:— Non...
;//L’actrice.//
:— Valabel ?
;//L’auteur.//
:— Non...
;//L’actrice.//
:— Alors ?...
;//L’auteur.//
:— C’est vous qui...
//L'actrice.//
:— Ah ! bon... mais, cher ami, il faut tout me dire... en tout cas, je vous remercie d’avoir eu la délicatesse de ne pas me faire d’observation devant les camarades. Alors, dites... dites... dites vite ce qui ne va pas... car avant tout, il faut qu’elle aille votre pièce, votre belle pièce ! Dites-moi ce que je donne mal... voulez-vous que je vous donne plus de sensibilité ou plus de profondeur... Qu'est-ce que vous voulez que je vous donne ?
;//L'auteur.//
:— Je voudrais que vous me donniez votre rôle !
;//L’actrice.//
:— Comment, mon rôle ?
;//L’auteur.//
:—- Oui, ne vous mettez pas en colère et comprenez-moi bien. J’y ai mis beaucoup de patience et vous, beaucoup de bonne volonté... mais il y a une impossibilité physique. Le troisième acte est beaucoup trop dur pour vous... et vous ne pouvez pas le jouer ! Et nous avons pensé, Baracand et moi, qu’il était inutile de s’obstiner davantage ! C’est arrivé à Frédérick Lemaître... et à Madeleine Brohan !... Quand un rôle ne va pas, eh bien, on le laisse à une autre... et plus tard on a sa revanche !... Remarquez bien, ma chère amie, que je ne vous reprends pas le rôle ! Je suis allé vous l’offrir à Dinard, cet été... je vous l'ai donné... ce rôle est à vous... et il est tellement à vous que vous pouvez en disposer ! Alors, hein ?... Rendez-le-moi !... Qu’est-ce que vous avez ?
;//L’actrice.//
:— Je cherche... je cherche d’où ça peut venir, tout ça... Ah ! bon ! Ça y est ! Madame Calvin veut le rôle, probablement !
;//L’auteur.//
:—- Madame Calvin ?
;//L’actrice.//
:— Parfaitement !... Elle rôde dans les coulisses depuis huit jours, je l’ai vue !... Elle n’a donc pas assez joué, celle-là, depuis quarante ans !
;//L'auteur.//
:— Ma chère amie, je vous jure que le nom de Madame Calvin n’a même pas été prononcé...
;//L’actrice.//
:— Alors, c’est une saleté de Mademoiselle Fillot ! Oui... oh ! mais je m’en doutais !... Mademoiselle Fillot n’est pas contente du rôle qu’elle joue... et elle veut le mien ! Mademoiselle Fillot, qui n’est fidèle ni à son amant riche ni à son amant de cœur, n’a probablement pas hésité à aller vous voir, ce matin, à votre réveil !
;//L'auteur.//
:— Ma chère amie, je vous prie...
;//L’actrice.//
:— Mademoiselle Fillot, qui ne peut pas dire deux lignes sans aller demander conseil à Leitner ou à Madame Kolb, Mademoiselle Fillot veut jouer mon rôle !
;//L’auteur.//
:— Je vous donne ma parole d’honneur que ce n’est pas Mademoiselle Fillot qui jouera votre rôle !
;//L’actrice.//
:— Alors, c’est Thérèse Duplessis ?
;//L’auteur.//
:— Mais non !
;//L’actrice.//
:— Mais alors, quoi... personne n’en veut donc de votre rôle !
;//L’auteur.//
:— Mademoiselle, ce que vous venez de dire m’autorise à employer un autre ton et je vous somme de me rendre immédiatement votre rôle !
;//L’actrice. —//
:Jamais, monsieur, jamais ! Ce rôle est à moi et je le garde ! Voilà un mois et demi que je répète avec une ponctualité et un acharnement... que je ne saurais trop recommander à mes camarades... Ils feraient mieux de suivre mon exemple plutôt que de dire du mal de vous dans les coins ! Ça non plus, vous ne vous en êtes pas rendu compte...
;//L’auteur.//
:— Je ne me rends compte que d'une chose, mademoiselle, c’est que vous ne pouvez pas jouer le troisième acte !
;//L’actrice.//
:— C’est peut-être parce qu’il est moins bon que les deux premiers !
;//L’auteur.//
:— Mademoiselle, je vous interdis déjuger ma pièce...
;//L’actrice.//
:— Et moi, je vous interdis de me juger avant la générale ! Il me laut le public, moi, pour être bien !... Je ne peux pas me donner devant le souffleur et les machinistes !... Tenez... écoutez... donnez-moi encore trois jours et j’arriverai à faire ce que vous voulez... oubliez les paroles blessantes que je viens de vous dire...
;//L’auteur.//
:— Trop tard, mademoiselle...
;//L’actrice.//
:— Ecoutez-moi... attendez... Voulez-vous que j’aille travailler, le matin, pendant deux jours avec Madame Kolb... Ce que vous me direz de faire, je le ferai ! Mais je veux garder ce rôle ! Je l’adore !... Je ne l’ai pas encore dans la bouche, mais je l’ai dans la peau !... Je suis en train de chercher mon cri à l’entrée du baron...
//I.'auteur. —//
:Mais, il n’y a pas de cri, mademoiselle... Il y a toute la scène avec le beau-père !
;//L’actrice.//
:— Ah ! qu’elle est belle cette scène-là !
;//L'auteur.//
:— Oui, c’est entendu... elle est belle, elle est admirable... seulement... que voulez-vous... il faut qu’elle soit jouée !
;//L’actrice.//
:— Elle le sera dans trois jours.
;//L’auteur. —//
:Mais non, mais non... Pourquoi attendre trois jours ! Dans trois jours il faudra recommencer la même discussion ! Je croyais pourtant m’être fait comprendre !
;//L’actrice.//
:— Vous n’allez pas recommencer à me demander...
//l 'auteur.//
:— Oh ! mademoiselle, ne m'obligez pas à vous dire la vérité...
//L'actrice.//
:— Quelle vérité ?
;//L'auteur.//
:— Donnez-moi votre rôle et restons-en là.
;//L’actrice.//
:— Si, je veux savoir la vérité.
;//L'auteur.//
:— Non, non, non !
;//L’actrice.//
:— Je vous rendrai votre rôle si vous me dites la vérité.
;//L'auteur.//
:— Eh ! bien, mademoiselle, vous êtes très mauvaise au dernier acte.
;//L’actrice.//
:— Ah ! je suis mauvaise !
;//L'auteur.//
:— Oui, mademoiselle, vous n’avez ni l’accent, ni le mouvement ; vous restez perpétuellement froide, élégante et distinguée. Eh bien, ça ne suffit pas ! Lorsqu’une femme du monde est trompée par son amant, sa bonne éducation s’efface et on n’a plus sous les yeux qu’une femme, qu’une femelle acharnée, violente, ordurière s’il le faut ! Eli bien, ça, mademoiselle, vous ne le donnerez jamais !
;//L’actrice.//
:— Jamais ?
;//L'auteur.//
:— Non, mademoiselle, jamais ! Il vous manque certaines qualités que le travail, que la meilleure volonté ne peuvent pas donner. On a ça dans le sang, ou on ne l’a pas !... Vous n’avez ni torcc, ni puissance, ni souffle ! Votre talent n’est fait que de...
;//L’actrice.//
:Mon talent, mon talent... j’en ai peut-être plus que vous du talent ! Moi aussi, je vais vous la dire, la vérité... L’exposition de votre pièce ne tient pas debout, le second acte est chipé au « Scandale » de liataille, le troisième acte est invraisemblable et le tout est écrit en charabia.
;//L’auteur.//
:— Espèce de petite cabotine, qui vous permettez...
;//L’actrice.//
:— Cabotine ?... 11 n’y en a pas un dans notre métier qui soit aussi cabot que vous !
;//L'auteur.//
:— Ah ! si vous n'étiez pas une femme !
//L'actrice.//
:— Ah ! si seulement vous étiez un homme ! On dirait qui’ vous faites faire vos pièces dans des asiles de gâteux...
;//L’auteur.//
:— Et vous, que vous prenez des leçons au Guignol des Champs-Elysées...
;//L’actrice.//
:— Goujat ! Voyou !...
;//L’auteur.//
:— Vipère !
;//L'actrice, hurlant, frappant sur les meubles, déchaînée.//
:— Pauvre... machin ! Mais dites-vous bien que si vous n’étiez pas l’ami d’Antoine, vous n’arriveriez pas à les placer, vos pièces... vos pièces faites de bric et de broc... avec les ordures des autres !... Et ce sont ces gens-là qui prétendent être des écrivains !... Des écrivains ?... Des barbouilleurs de papier !... Ça paye pour faire jouer ses pièces... et tout Paris le sait !... Et si on ne le sait pas, je le dirai, moi... je le crierai... je le hurlerai... afin que mon directeur, aux yeux de tous, ait l’air d’un tripoteur et non pas d’un crétin...
;//L’auteur, enthousiate.//
:— Bravo !... Eh bien, voilà... ça y est ! Vous venez de le trouvez votre cri... vous le tenez, votre accent... et voilà le mouvement de la grande scène du troisième acte ! Ça y est... sauvé !... Restez vite dans le même état, surtout... et venez répéter tout de suite... vous venez de faire enfin ce que je vous demande depuis quinze jours ! En scène, en scène ! //(Ils sortent.)//
;//Le directeur, seul, préparant un nouveau communiqué.//
:— « Les répétitions se continuent dans le calme et la bonne humeur... »
!!^^Anton Pavlovitch Tchekhov
^^ONCLE VANIA^^
//Scènes de la vie à la campagne en quatre actes//^^
!!!!!!PERSONNAGES de l'extrait :
* ELÈNA ANDRÉIEVNA, vingt-sept ans, femme de Sérébriakov Aleksandr Vladimirovitch, professeur en retraite.
* SOFIA ALEKSANDROVNA (Sonia), sa fille du premier lit.
* VOÏNITSKI IVAN PÉTROVITCH (oncle Vania), frère de sa première femme.
* ASTROV MIKHAÏL LVOVITCH, médecin.
//L’action se passe dans la propriété de Sérébriakov.//
''SONIA''. – Il pleut. Attendez jusqu’au matin.
''ASTROV''. – L’orage passe, nous n’en aurons qu’un petit bout. Je vais partir.
Et, s’il vous plaît, ne me faites plus appeler pour votre père.
Je lui dis qu’il a la goutte, et il me répond qu’il a un rhumatisme.
Je lui demande de rester couché, et il reste assis.
Aujourd’hui, il n’a pas même voulu me parler.
''SONIA''. – Il est trop gâté.
//(Elle cherche dans le buffet.)//
Voulez-vous manger quelque chose ?
''ASTROV''. – Je veux bien ; donnez.
''SONIA''. – J’aime à manger la nuit. Il y a, je crois, quelque chose dans le buffet…
Il a eu, dit-on, de grands succès auprès des femmes, et les dames l’ont gâté.
Tenez, prenez du fromage.
//Tous deux mangent debout, près du buffet.//
''ASTROV''. – Aujourd’hui, je n’ai rien mangé ; je n’ai fait que boire…
Votre père a un caractère difficile.
//(Il prend une bouteille dans le buffet.)// Vous permettez ? //(Il boit un verre.)//
Il n’y a personne ici et on peut parler franchement ?
Savez-vous, il me semble que je n’aurais pas pu vivre un mois dans votre maison ; j’y aurais étouffé…
Votre père qui est plongé tout entier dans sa goutte et ses livres ;
l’oncle Vania dans sa tristesse ;
votre grandmère et enfin votre belle-mère…
''SONIA''. – Et quoi, ma belle-mère ?
''ASTROV''. – Dans l’homme tout doit être beau, la figure et le vêtement, l’âme et les idées.
Elle est belle, il n’y a pas à dire ;
mais… elle mange, boit, dort, se promène ;
elle nous enchante tous par sa beauté… et c’est tout.
Elle ne connaît aucune obligation ;
elle laisse les autres travailler pour elle…
N’en est-il pas ainsi ?…
Et une vie oisive ne peut pas être pure.
//(Un silence.)//
Mais peut-être la jugé-je trop sévèrement…
Comme votre oncle Vania, je ne suis pas satisfait de la vie, et nous devenons, tous les deux, grincheux.
''SONIA''. – Vous êtes mécontent de la vie ?
''ASTROV''. – En général, j’aime la vie, mais notre vie russe, bourgeoise, de district, je ne peux la supporter.
Et je la méprise de toutes les forces de mon âme !
Pour ce qui est de ma vie personnelle, il n’y a, juste Dieu, en elle rien de bon, vraiment.
Voyez-vous, quand on marche par une nuit noire dans un bois, si l’on aperçoit une petite lumière au loin, on ne remarque plus ni fatigue, ni ténèbres, ni les branches qui cinglent le visage…
Je travaille, vous le savez, comme personne dans le district.
Le destin me poursuit sans cesse. Je souffre parfois insupportablement… et je n’ai pas de lumière devant moi…
Je n’attends plus rien ; je n’aime pas les hommes…
Il y a longtemps que je n’aime plus personne.
''SONIA''. – Personne ?
''ASTROV''. – Personne.
Je ne ressens un peu de tendresse que pour votre vieille bonne, par ancien souvenir…
Nos moujiks sont très monotones, arriérés. Ils vivent dans la saleté. Et avec les intellectuels, il est difficile de s’entendre ; ils fatiguent.
Toutes nos excellentes connaissances pensent et sentent de façon mesquine ;
nul ne voit plus loin que le bout de son nez ;
ce sont, à proprement parler, des gens stupides.
Et ceux qui sont plus intelligents, qui ont plus de portée, sont hystériques, rongés par l’analyse, dominés par leurs réflexes…
Ceux-ci gémissent, haïssent, calomnient maladivement, s’approchent de l’homme, de biais, le regardent de côté, et décident : « Oh ! c’est un névropathe ! » ou « c’est un phraseur ! ».
Et quand on ne sait quelle étiquette me coller au front, on dit de moi : « C’est un homme étrange ! »
J’aime les bois ; c’est étrange !
Je ne mange pas de viande ; c’est étrange aussi !
Il n’y a plus de rapports directs, purs et libres entre la nature et les hommes…
Parfaitement !
//Il veut boire.//
''SONIA'' Non, je vous en prie ;
je vous en supplie, ne buvez plus !
''ASTROV''. – Pourquoi ?
''SONIA''. – Cela ne vous va pas du tout !
Vous êtes élégant, vous avez une voix si douce…
Vous êtes même plus beau que personne que je connaisse ;
pourquoi voulez-vous ressembler aux hommes ordinaires qui boivent et jouent aux cartes ?
Oh !
ne faites pas cela, je vous en supplie !
Vous dites sans cesse que les hommes ne créent pas et ne font que détruire ce qui leur a été donné d’en haut ! pourquoi vous détruisez-vous vous-même ?
Il ne le faut pas,
je vous en supplie ;
je vous en conjure.
''ASTROV'', //lui tendant la main//. – Je ne boirai plus.
''SONIA''. – Donnez-m’en votre parole.
''ASTROV''. – Parole d’honneur.
''SONIA'',//lui serrant fortement la main//.- Merci.
''ASTROV''. – Fini !
Je suis dégrisé !
Voyez, je suis tout à fait normal et le resterai jusqu’à la fin de mes jours.
//(Il regarde la pendule.)//
Et donc, continuons. Je dis que mon temps est passé ;
il est tard pour moi…
J’ai vieilli, j’ai trop travaillé, je me suis banalisé.
Tous mes sentiments se sont émoussés, et il me semble que je ne pourrai plus m’attacher à un être.
Je n’aime personne et… n’aimerai plus.
Ce qui me touche encore, c’est la beauté.
Elle ne m’est pas indifférente.
Il me semble qu’Elèna Andréïevna pourrait, si elle voulait, me tourner la tête en un jour…
Mais cela n’est pas de l’amour…
Ce n’est pas un attachement…
//Il se couvre les yeux de ses mains et tressaille.//
''SONIA''. – Qu’avez-vous ?
''ASTROV''. – Rien… Pendant le grand carême, un malade est mort chez moi sous le chloroforme…
''SONIA''. – Il est temps d’oublier cela.
//(Une pause.)//
Dites-moi, Mikhaïl Lvovitch, si j’avais une amie ou une soeur plus jeune, et si vous appreniez qu’elle… enfin, supposons qu’elle vous aime…
que feriez-vous à cette nouvelle ?
''ASTROV'',//haussant les épaules//.- Je ne sais pas.
Probablement rien.
Je lui donnerais à comprendre que je ne peux pas l’aimer…
Et puis ma tête n’est pas occupée de cela… Quoi qu’il en soit, il faut partir.
Adieu, ma chérie ; sur ce thème-là, nous n’en finirions pas jusqu’au matin.
//(Il lui serre la main.)//
Je vais passer par le salon, si vous le permettez, parce que je crains que votre oncle ne me retienne.
//Il sort.//
''SONIA'',//seule//.- Il ne m’a rien dit…
Son âme et son coeur me sont toujours inconnus ;
mais pourquoi donc me sens-je si heureuse ?
//(Elle rit de bonheur.)//
Je lui ai dit : Vous êtes élégant, noble ;
vous avez une voix si douce…
Est-ce que cela n’a pas été à propos ?
Sa voix tremble, caresse…
Je la sens encore dans l’air.
Et quand je lui ai parlé d’une soeur plus jeune, il n’a pas compris.
//(Se tordant les mains.)// Oh ! comme il est atroce de n’être pas belle !
Et je sais que je ne le suis pas ; je le sais, je le sais…
Dimanche, en sortant de l’église, j’ai entendu une femme qui disait de moi : « Elle est bonne, généreuse, mais il est dommage qu’elle ne soit pas jolie !…
Pas jolie… »
//Entre Elèna Andréïevna.//
''ELÈNA ANDRÉÏEVNA'',//ouvrant la fenêtre//.- L’orage est passé.
Quel bon air !
//(Un silence.)//
Où est le docteur ?
''SONIA''. – Il est sorti.
//Un silence.//
''ELÈNA ANDRÉÏEVNA''. – Sophie !
''SONIA''. – Quoi ?
''ELÈNA ANDRÉIEVNA''. – Jusqu’à quand allez-vous me bouder ? Nous ne nous sommes fait aucun mal l’une à l’autre.
Pourquoi donc être ennemies ?
Cessez…
''SONIA''. – Je voulais moi aussi vous dire… //(Elle se presse contre elle.)//
C’est assez se bouder.
''ELÈNA ANDRÉÏEVNA''. – Voilà qui est bien. //Toutes deux sont émues.//
''SONIA''. – Je voulais depuis longtemps faire la paix, mais je n’osais pas…
//Elle pleure.//
''ELÈNA ANDRÉÏEVNA''. – Pourquoi pleures-tu ?
''SONIA''. – Ce n’est rien.
''ELÈNA ANDRÉÏEVNA''. – Allons, assez, assez !… //(Elle pleure.)//
Originale que je suis, moi aussi j’ai les larmes aux yeux !…
//(Une pause.)//
Tu es fâchée contre moi parce que j’ai l’air d’avoir épousé ton père par calcul…
Si tu crois aux serments, je te jure que je me suis mariée par amour ;
je me suis éprise de lui, comme d’un savant, d’un homme connu ;
ce n’était pas un amour véritable ;
c’était artificiel ;
mais il me semblait, alors, que c’était un véritable amour ; ce n’est pas ma faute.
Et toi, depuis notre mariage, tu n’as pas cessé de me supplicier de tes yeux intelligents et soupçonneux.
''SONIA''. – Allons, faisons la paix !
Oublions. ((...(
''ELÈNA ANDRÉÏEVNA''. – Il ne faut pas regarder comme tu faisais ; cela ne te va pas… Il faut croire tout le monde, sans cela on ne peut pas vivre…
//Une pause.//
''SONIA''. –))) Dis-le-moi, en conscience, comme à une amie… es-tu heureuse ?
''ELÈNA ANDRÉÏEVNA''. – Non.
''SONIA''. – Je le savais bien…
Encore une question.
Réponds-moi franchement : voudrais-tu avoir un mari jeune ?
''ELÈNA ANDRÉÏEVNA''. – Quelle petite fille tu es encore !
Certainement, je le voudrais.
//(Elle rit.)//
Allons, demande-moi encore quelque chose…
''SONIA''. – Le docteur te plaît ?
''ELÈNA ANDRÉÏEVNA''. – Oui, beaucoup.
''SONIA'',//riant//.- J’ai l’air bête, hein ?…
Il est parti et j’entends toujours sa voix et ses pas,
et, si je regarde par la fenêtre obscure, je vois, là-bas, son image…
Laisse-moi tout te dire…
Mais je ne peux pas parler haut ; j’ai honte.
Viens dans ma chambre ; là, nous causerons.
Je te semble bête ?
Avoue-le… Dis-moi quelque chose de lui…
''ELÈNA ANDRÉÏEVNA''. – Quoi donc ?
''SONIA''. – Il est intelligent… Il peut tout ; il sait tout… Il guérit les gens et plante des bois.
''ELÈNA ANDRÉÏEVNA''. – Il n’est pas question de bois et de médecine…
Comprends, ma chère ; c’est un talent.
Et un talent, sais-tu ce que c’est ? C’est la hardiesse, une tête saine, une large envolée…
Il plante un arbre et songe à ce qui en résultera dans mille ans.
Il entrevoit ce que sera, alors, le bonheur de l’humanité.
De tels gens sont rares ; il faut les aimer…
Il boit ; et il est quelquefois un peu grossier ; la belle affaire !
Un homme de talent, en Russie, ne peut pas être un damoiseau.
Songe quelle vie a ce docteur !
Sur les chemins, une boue à n’en pas sortir ; des espaces immenses ; des tourmentes de neige ; un peuple grossier, sauvage ; tout autour, la pauvreté, les maladies ;
et dans un tel cadre, il est difficile, pour celui qui travaille et lutte au jour le jour, de se tenir net, propre, et de rester sobre vers la quarantaine…
//(Elle l’embrasse.)// Tu as droit au bonheur…
Je te le souhaite de tout coeur…
//(Elle se lève.)//
Et moi je suis une figure ennuyeuse, épisodique…
En musique, dans la maison de mon mari, dans tous mes romans, bref, partout, j’ai été une figure épisodique…
À y bien réfléchir, Sonia, je suis très, très malheureuse !
//(Elle marche avec agitation.)//
Il n’est pas de bonheur pour moi dans ce monde. Non !
Pourquoi ris-tu ?
''SONIA'',//elle rit en se cachant la figure//.- Je suis si heureuse… si heureuse !
''ELÈNA ANDRÉÏEVNA''. – J’ai envie de me mettre au piano… j’aimerais à jouer quelque chose à présent.
''SONIA''. – Joue.
//Elle l’embrasse.//
''ELÈNA ANDRÉÏEVNA''. – Tout de suite…
Ton père ne dort pas ? Quand il est malade, la musique l’irrite.
Va lui demander ; si cela ne le dérange pas, je jouerai.
Va.
''SONIA''. – À l’instant.
//Elle sort. Le veilleur de nuit, dans le jardin, frappe sur sa planchette.//
''ELÈNA ANDRÉÏEVNA''. – Il y a longtemps que je n’ai pas joué ; je vais jouer et pleurer ;
je pleurerai comme une bête…
//(Au veilleur de nuit, par la fenêtre.)//
C’est toi qui frappes, Efim ?
LA VOIX DU VEILLEUR. – C’est moi.
''ELÈNA ANDRÉÏEVNA''. – Ne frappe pas ; monsieur est malade.
LA VOIX DU VEILLEUR. – Je m’en vais tout de suite. //(Il siffle ses chiens.)// Eh ! là-bas, Joutchka, Gamin ! Joutchka !
//Silence.//
''SONIA'',//revenant//.- On ne peut pas jouer.
!ACTE III
//Salon dans la maison de Sérébriakov. Trois portes, à droite, à gauche et au milieu. Après-midi.
Voïnitski et Sonia sont assis ; Elèna Andréïevna va et vient, perdue dans ses pensées.//
VOÏNITSKI. – Le herr professor a émis le désir que nous nous réunissions tous aujourd’hui dans ce salon, vers une heure.
//(Il regarde la pendule.)// Une heure moins le quart.
Il veut communiquer quelque chose à l’univers.
''ELÈNA ANDRÉÏEVNA''. – Une affaire, probablement.
''VOÏNITSKI''. – Il n’a aucune affaire. Il écrit des bêtises, grogne, est jaloux, et rien de plus.
''SONIA'',//d’un ton de reproche//.- Oncle !
''VOÏNITSKI''. – Bien… Pardon…
//(Il montre Elèna Andréïevna.)// Admirez-la.
Elle marche et se berce par paresse. C’est très gentil ! Très !
''ELÈNA ANDRÉÏEVNA''. – Vous bourdonnez toute la journée ; comment cela ne vous ennuie-t-il pas ?
//(Avec angoisse.)// Je meurs d’ennui ;
je ne sais que faire.
''SONIA''. – Les travaux manquent-ils ? Si tu voulais seulement.
''ELÈNA ANDRÉÏEVNA''. – Par exemple ?
''SONIA''. – Occupe-toi du domaine, instruis les gens, soigne-les.
Tiens, quand papa et toi n’étiez pas ici, nous allions nous-mêmes, l’oncle Vania et moi, vendre la farine au marché.
''ELÈNA ANDRÉÏEVNA''. – Je ne sais pas faire cela ; et ce n’est pas intéressant.
Ce n’est que dans les romans à idées que l’on soigne les moujiks ;
et comment, tout d’un coup, sans rime ni raison, irais-je le faire ?
''SONIA''. – Et moi, je ne comprends pas que l’on n’aille pas les instruire.
Prends ton temps ; tu t’habitueras, toi aussi.
//(Elle l’embrasse.)// Ne t’ennuie pas, ma chère âme !
Tu t’ennuies et ne trouves pas ton emploi.
Or l’ennui et l’oisiveté sont contagieux.
Regarde : oncle Vania ne fait rien et te suit comme une ombre ;
moi, j’ai quitté tous mes travaux et suis accourue vers toi pour causer ; je me suis laissée gagner à la paresse ; je ne peux plus travailler.
Le docteur Mikhaïl Lvovitch venait autrefois très rarement chez nous, à peine une fois par mois ; il était difficile de le décider ; à présent, il vient tous les jours.
Lui aussi a abandonné ses travaux et sa médecine ;
tu dois être une ensorceleuse.
''VOÏNITSKI''. – Pourquoi languir ?
//(Vivement.)// Allons, ma chère, beau luxe que vous êtes, soyez sensée ! Dans vos veines coule du sang d’ondine : soyez donc ondine.
Donnez-vous la liberté, au moins une fois dans votre vie !
Devenez, au plus vite, amoureuse jusqu’aux oreilles d’un ondin quelconque, et piquez une tête dans le torrent pour que herr professor et nous tous en levions les bras au ciel !
''ELÈNA ANDRÉÏEVNA'',//avec colère//.- Laissez-moi en paix ! Comme c’est cruel !…
//Elle veut sortir.//
''VOÏNITSKI'',//l’arrêtant//.- Allons, allons, ma joie, pardonnez-moi !… Mes excuses.
//(Il lui baise la main.)//
Faisons la paix.
''ELÈNA ANDRÉÏEVNA''. – Un ange n’y tiendrait pas, avouez-le.
''VOÏNITSKI''. – En signe de paix et d’entente, je vais vous apporter un bouquet de roses. Je l’ai fait pour vous, ce matin…
Des roses d’automne, charmantes et tristes.
//Il sort.//
''SONIA''. – Des roses d’automne, charmantes et tristes…
//Toutes les deux regardent par la fenêtre.//
''ELÈNA ANDRÉÏEVNA''. – Déjà septembre ! Comment passerons-nous l’hiver ici ? //(Une pause.)// Où est le docteur ?
''SONIA''. – Dans la chambre d’oncle Vania ; il écrit quelque chose. Je suis contente que mon oncle soit sorti ; j’ai besoin de causer avec toi.
''ELÈNA ANDRÉÏEVNA''. – De quoi donc ?
''SONIA''. – De quoi ?
//Elle met sa tête sur la poitrine d’Elèna Andréïevna.//
''ELÈNA ANDRÉÏEVNA''. – Allons, assez, assez !… //Elle lui lisse les cheveux.//
''SONIA''. – Je ne suis pas jolie.
''ELÈNA ANDRÉÏEVNA''. – Tu as de beaux cheveux.
''SONIA''. – Non ! //(Elle se retourne pour se regarder dans la glace.)//
Non ; quand une femme n’est pas jolie, on lui dit : « Vous avez de beaux yeux ; vous avez de beaux cheveux… »
Il y a déjà six ans que je l’aime ; je l’aime plus que ma mère.
Je l’entends à chaque minute ;
je garde l’impression de sa poignée de main, et je regarde la porte :
il me semble toujours qu’il va entrer.
Et tu vois, je viens toujours te parler de lui.
Il vient maintenant ici chaque jour ; mais il ne me regarde pas ; il ne me voit pas…
C’est si douloureux !
Je n’ai plus aucun espoir, aucun !
//(Désespérée.)// Oh ! mon Dieu, donne-moi de la force…
J’ai prié toute la nuit… Je m’approche souvent de lui ; je lui parle ; je le regarde dans les yeux…
Je n’ai plus d’orgueil ;
je n’ai plus la force de me diriger…
Je n’ai pas pu me retenir ; j’ai avoué à oncle Vania que j’aime…
Et tous les domestiques savent que je l’aime…
Tous !
''ELÈNA ANDRÉÏEVNA''. – Et lui ?
''SONIA''. – Il ne me remarque pas.
''ELÈNA ANDRÉÏEVNA'',//pensive//.- C’est un homme étrange… Sais-tu ?
Permets-moi de lui parler…
Prudemment,
par allusion…
//(Une pause.)//
Vraiment, faut-il rester indéfiniment dans l’ignorance ?…
Tu permets ?
//Sonia fait un geste d’acquiescement.//
''ELÈNA ANDRÉÏEVNA''. – C’est très bien. Il n’est pas difficile de savoir s’il aime ou s’il n’aime pas.
Ne te trouble pas, chérie ;
ne t’inquiète pas.
Je l’interrogerai prudemment, sans qu’il s’en aperçoive.
Il faut seulement savoir : oui ou non.
//(Une pause.)//
Si c’est non, il ne faut plus qu’il revienne ici ;
est-ce cela ?
//Sonia secoue la tête affirmativement.//
''ELÈNA ANDRÉÏEVNA''. – Mieux vaut ne pas se voir, ça ferait souffrir…
Nous n’allons pas laisser traîner cela.
Nous allons l’interroger à l’instant.
Il voulait me montrer je ne sais quelles cartes. Va lui dire que je veux le voir.
''SONIA'',//fortement agitée//.- Tu me diras toute la vérité ?
''ELÈNA ANDRÉÏEVNA''. – Mais sans doute.
La vérité, quelle qu’elle soit, est moins terrible que l’ignorance.
Fie-toi à moi, chérie.
''SONIA''. – Oui, oui…
Je vais lui dire que tu veux voir ses cartes…
//(Elle va sortir et s’arrête près de la porte.)//
Non, il vaut mieux ne pas savoir…
On garde tout de même un espoir…
''ELÈNA ANDRÉÏEVNA''. – Que dis-tu ?
''SONIA''. – Rien…
//Elle sort.//
''ELÈNA ANDRÉÏEVNA'',//seule//.- Il n’est rien de pis que de connaître le secret d’autrui et de n’y pouvoir rien.
//(Réfléchissant.)//
Il n’est pas amoureux d’elle, c’est clair.
Mais pourquoi ne l’épouserait-il pas ?
Elle n’est pas belle, mais pour un médecin de campagne, à son âge, ce serait une femme excellente.
Elle est intelligente, bonne, pure…
Mais ce n’est pas de cela qu’il retourne…
//(Une pause.)//
Je comprends cette pauvre fille…
Au milieu d’un ennui désespérant, lorsque, au lieu de gens, ne passent autour de nous que des taches grises ;
quand on entend des trivialités ;
quand on ne sait que boire, manger et dormir ;
il vient parfois, lui, beau, intéressant, entraînant, ne ressemblant pas aux autres, comme au milieu des ténèbres la lune claire…
Être sous le charme d’un tel homme, s’oublier…
Je crois que moi-même,
j’ai un peu subi l’attrait…
Oui,
sans lui, je m’ennuie ;
je souris quand je pense à lui…
Cet oncle Vania dit qu’il doit couler dans mes veines du sang d’ondine. « Donnez-vous la liberté au moins une fois dans votre vie ! »
Eh bien ?
Peut-être le faut-il ainsi.
Je m’envolerai, oiseau libre, de chez vous tous, loin de vos figures endormies, de vos conversations ;
j’oublierai que vous existez…
Mais je suis lâche, timide…
Ma conscience me tourmente…
Il vient chaque jour ici. Je devine pourquoi il vient, et je me sens déjà coupable.
Je suis prête à tomber à genoux devant Sonia, à m’excuser, à pleurer…
''ASTROV'',//il entre avec une carte roulée//.- Bonjour ! //(Il lui serre la main.)// Vous vouliez voir mes peintures ?
''ELÈNA ANDRÉÏEVNA''. – À franchement parler, mes idées sont ailleurs. Pardonnez-moi.
J’ai besoin de vous faire subir un petit interrogatoire et je suis émue.
Je ne sais par où commencer.
''ASTROV''. – Un interrogatoire ?
''ELÈNA ANDRÉÏEVNA''. – Oui, mais… assez innocent.
Asseyons-nous.
//(Ils s’asseyent.)//
Cela concerne une jeune personne.
Nous allons parler comme d’honnêtes gens, comme des amis, sans ambages.
Causons et oublions de quoi il était question…
Voulez-vous ?
''ASTROV''. – Oui.
''ELÈNA ANDRÉÏEVNA''. – Il s’agit de ma belle-fille, Sonia. Vous plaît-elle ?
''ASTROV''. – Oui, je l’estime.
''ELÈNA ANDRÉÏEVNA''. – Vous plairait-elle comme femme ?
''ASTROV'',//au bout d’un instant//.- Non.
''ELÈNA ANDRÉÏEVNA''. – Encore deux ou trois mots, et c’est fini. Vous n’avez rien remarqué ?
''ASTROV''. – Rien.
''ELÈNA ANDRÉÏEVNA'', //le prenant par la main…// – vous ne l’aimez pas, je le vois à vos yeux…
Elle souffre. Comprenez cela, et… cessez de venir ici.
''ASTROV'',//se levant//.- Mon heure est déjà passée… Et je n’ai pas la tête à ça… //(Haussant les épaules.)// Quand le pourrais-je ?
//Il est troublé.//
''ELÈNA ANDRÉÏEVNA''. – Quelle conversation désagréable !
Je suis lasse comme si j'avais traîné un poids énorme.
Allons, Dieu merci, c’est fini !
Oublions cela, comme si nous n’en avions pas parlé, et… partez.
Vous êtes un homme intelligent ; vous comprendrez…
//(Une pause.)//
J’en suis toute rouge.
''ASTROV''. – Si vous m’aviez parlé il y a deux mois, j’y aurais peut-être réfléchi, mais maintenant…
//(Il hausse les épaules.)//
Mais, si elle souffre, alors, certes !…
Cependant,
je ne comprends pas pourquoi vous aviez besoin de cet interrogatoire ?
//(Il la regarde dans les yeux et la menace du doigt.)//
Vous êtes rusée !
''ELÈNA ANDRÉÏEVNA''. – Que voulez-vous dire ?
''ASTROV'',//riant//.- Vous êtes rusée !
Supposons que Sonia souffre ; je l’admets volontiers ;
mais pourquoi cet interrogatoire ?
//(L’empêchant de parler ; vivement.)// Permettez, ne faites pas une figure étonnée ;
vous savez parfaitement pourquoi je viens ici chaque jour… Pourquoi et pour qui je viens, vous le savez parfaitement !
Cher petit fauve, ne me regardez pas comme cela ;
je suis un vieux moineau.
''ELÈNA ANDRÉÏEVNA'',//stupéfaite//.- Petit fauve ? Je ne comprends rien.
''ASTROV''. – Beau putois duveté… il vous faut des victimes !
Voilà un mois que je ne fais rien, que j’ai tout abandonné ; je vous cherche avidement – et cela vous plaît beaucoup, beaucoup…
Eh bien, quoi ?
Je suis vaincu ;
vous le saviez sans interrogatoire.
//(Croisant les bras, et courbant la tête.)//
Je me rends ; allez, dévorez-moi !
''ELÈNA ANDRÉÏEVNA''. – Vous êtes fou !
''ASTROV'',//riant entre ses dents//.- Vous êtes timide…
''ELÈNA ANDRÉÏEVNA''. – Je suis meilleure et moins tordue que vous ne pensez ! Je vous le jure !
//Elle veut sortir.//
''ASTROV'',//lui barrant la route//.- Je partirai aujourd’hui et ne reviendrai plus ici,
mais…
//(Il la prend par la main en regardant autour de lui.)//
Où nous reverrons-nous ?
Dites vite, où ?
//(Passionnément.)// Quelle femme merveilleuse, magnifique !…
Un baiser… Je veux baiser vos cheveux odorants…
''ELÈNA ANDRÉÏEVNA''. – Je vous jure…
''ASTROV'',//l’empêchant de parler//.- Pourquoi jurer ?
Il ne faut pas de mots inutiles…
Oh ! qu’elle est belle ! Quelles mains !
//Il les baise.//
''ELÈNA ANDRÉÏEVNA''. – Mais assez, à la fin !…
Allez-vous-en ! //(Elle retire ses mains.)//
Vous vous oubliez.
''ASTROV''. – Dites-moi où nous nous verrons demain ?
//(Il la prend à la taille.)// Tu le vois, c’est inévitable ;
il faut que nous nous retrouvions.
//Il l’embrasse. À ce moment, entre Voïnitski avec un bouquet de roses ; il s’arrête à la porte.//
''ELÈNA ANDRÉÏEVNA'',//sans voir Voïnitski//.- Miséricorde ! laissez-moi…
//(Elle penche la tête sur la poitrine d’Astrov.)// Non !
//Elle veut sortir.//
''ASTROV'',//la retenant par la taille//.- Viens demain au chalet forestier…
vers deux heures…
Oui ?
Oui ?
Tu viendras ?
''ELÈNA ANDRÉÏEVNA'',//ayant vu Voïnitski//.- Laissez-moi.
//(Très troublée, elle va à la fenêtre.)//
C’est affreux !
''VOÏNITSKI'',//il pose le bouquet sur une chaise. Agité, il essuie de son mouchoir sa figure et son cou//.- Oui… Ne vous dérangez pas.
''ASTROV'',//de mauvaise humeur//.- Aujourd’hui, très estimé Ivan Pétrovitch, le temps n’est pas mauvais.
Il faisait gris ce matin, comme s’il allait pleuvoir, mais maintenant il y a du soleil.
Parlons en conscience ; l’automne a été magnifique… Et les blés d’hiver sont assez beaux.
//(Roulant sa carte.)// Seulement voilà : les jours sont devenus courts…
//Il sort.//
''ELÈNA ANDRÉÏEVNA'',//elle s’approche vivement de Voïnitski//.- Faites tous vos efforts,
employez toute votre influence pour que mon mari et moi partions d’ici aujourd’hui même.
Vous entendez ?
Aujourd’hui même !
''VOÏNITSKI'',//s’essuyant la figure//.-
Ah !
bien… C’est bien…
J’ai tout vu, Hélène,
tout !…
''ELÈNA ANDRÉÏEVNA'',//nerveusement//.- Vous entendez ?
Je dois partir d’ici aujourd’hui même.
//Elle sort.//
. . .
''VOÏNITSKI'',//écrivant//.- « Le 2 février, vingt livres de beurre…
Le 16 février, même chose, vingt livres… Gruau de sarrasin…»
//Un silence. On entend les grelots.//
''SONIA'',//elle rentre, pose la bougie sur la table//.- Il est parti…
''VOÏNITSKI'', //après avoir compté au boulier, il inscrit// – Total… quinze, vingt-cinq…
//Sonia s’assied et écrit.//
''VOINITSKI'',//à Sonia, lui caressant les cheveux//.- Mon enfant, si tu savais comme je suis triste.
Oh ! si tu savais comme cela m’est pénible !…
''SONIA''. – Que faire ?
il faut vivre !
//(Une pause.)//
Nous vivrons, oncle Vania !
Nous vivrons une longue série de jours, de longues soirées.
Nous supporterons patiemment les épreuves que nous enverra le destin.
Nous travaillerons pour les autres, maintenant et dans notre vieillesse, sans connaître le repos.
Et quand notre heure viendra, nous mourrons soumis.
Et là-bas,
au-delà du tombeau,
nous dirons combien nous avons souffert, pleuré,
combien nous étions tristes.
Et Dieu aura pitié de nous.
Et tous deux, nous verrons, cher oncle, une vie lumineuse, belle, splendide.
Nous nous en réjouirons,
et nous rappellerons avec une humilité souriante nos malheurs d’à présent.
Et nous nous reposerons.
Je crois à cela, mon oncle ;
je le crois, ardemment, passionnément… //
(Elle se met à genoux devant lui, pose la tête sur ses mains, et d’une voix lasse.)//
Nous nous reposerons !
//(air de guitare)//
''SONIA''. – Nous nous reposerons !
Nous entendrons les anges.
Nous verrons tout le ciel en diamants ;
nous verrons tout le mal terrestre, toutes nos souffrances, noyés dans la miséricorde qui emplira tout l’univers ;
et notre vie deviendra calme, tendre, douce,
comme une caresse.
Je crois cela, oncle ; je crois…
//(Essuyant les yeux de son oncle avec son mouchoir.)//
Pauvre, pauvre oncle Vania, tu pleures…
//(Les larmes aux yeux.)// Tu n’as pas connu de joies dans ta vie,
mais patiente, oncle Vania,
patiente…
Nous nous reposerons…
//(Elle l’embrasse.)//
Nous nous reposerons !
//La guitare joue doucement.//
''SONIA''. – Nous nous reposerons !
!!!!!LE RIDEAU DESCEND LENTEMENT
66o: [[Christiane|https://giga.gg/l/576e58c417e6df124e8b4a07]] [[Jacques|https://giga.gg/l/576e5d90ffe5dff24d8b4647]] [[Christel|https://giga.gg/l/576e640a17e6df55598b46a8]]
66i: [[André|https://giga.gg/l/5764dec9f9e5dfa6618b460e]] [[Isaac|https://giga.gg/l/5764ec40fce5df4d6c8b45e1]] [[Christiane|https://giga.gg/l/5764ff4dfee5df8b598b463d]]
{{center{
[img(33%,)[http://fontdenimes.midiblogs.com/media/02/00/3223136608.jpg]]}}}
!Ophélie
{{center{
!!!!!Arthur RIMBAUD<br>//(1854-1891)//
I
Sur l'onde calme et noire où dorment les étoiles
La blanche Ophélia flotte comme un grand lys,
Flotte très lentement, couchée en ses longs voiles...
- On entend dans les bois lointains des hallalis.
Voici plus de mille ans que la triste Ophélie
Passe, fantôme blanc, sur le long fleuve noir.
Voici plus de mille ans que sa douce folie
Murmure sa romance à la brise du soir.
Le vent baise ses seins et déploie en corolle
Ses grands voiles bercés mollement par les eaux ;
Les saules frissonnants pleurent sur son épaule,
Sur son grand front rêveur s'inclinent les roseaux.
Les nénuphars froissés soupirent autour d'elle ;
Elle éveille parfois, dans un aune qui dort,
Quelque nid, d'où s'échappe un petit frisson d'aile :
- Un chant mystérieux tombe des astres d'or.
II
Ô pâle Ophélia ! belle comme la neige !
Oui tu mourus, enfant, par un fleuve emporté !
- C'est que les vents tombant des grands monts de Norwège
T'avaient parlé tout bas de l'âpre liberté ;
C'est qu'un souffle, tordant ta grande chevelure,
A ton esprit rêveur portait d'étranges bruits ;
Que ton coeur écoutait le chant de la Nature
Dans les plaintes de l'arbre et les soupirs des nuits ;
C'est que la voix des mers folles, immense râle,
Brisait ton sein d'enfant, trop humain et trop doux ;
C'est qu'un matin d'avril, un beau cavalier pâle,
Un pauvre fou, s'assit muet à tes genoux !
Ciel ! Amour ! Liberté ! Quel rêve, ô pauvre Folle !
Tu te fondais à lui comme une neige au feu :
Tes grandes visions étranglaient ta parole
- Et l'Infini terrible effara ton oeil bleu !
III
- Et le Poète dit qu'aux rayons des étoiles
Tu viens chercher, la nuit, les fleurs que tu cueillis ;
Et qu'il a vu sur l'eau, couchée en ses longs voiles,
La blanche Ophélia flotter, comme un grand lys.
}}}m
~~lundi 9 octobre 2017~~
{{homeTitle center{Organisation des ateliers<br> animés par Jacques}}}
{{menubox center{''Les horaires''
+++*[Lundis Port-Royal]
|widetable|k
|>|>|>| !Groupe "~Port-Royal" |
| 10:00 - 11:45 | '' Mise en route '' | Nouvelles, annonces, clés USB |// groupe // |
|~| '' Échauffement '' | Respiration, assouplissement, synchronisations |// groupe, binomes // |
|~|'' Vocalisation '' | Exercices de diction, d'expressions, travail de la voix |// groupe // |
|~| '' Improvisations '' | "matches" instantannés, retours vidéo |// équipes, permutations // |
|~| '' ou "représentation" '' | travail en commun sur la mise en place d'un fragment, vidéo |// les acteurs + le groupe // |
|~| '' Tous pour un '' | Approfondissement d'un échange de répliques |// "titulaires" + équipes // |
|~| '' Bilan de séance '' | "à retenir", propositions, rendez-vous, clés usb, congratulations |// groupe // |
===
+++*[Mardis Mouffetard]
|widetable|k
| 14:00 - 17:30 | '' Mise en route '' | Nouvelles, annonces |// // |
|~| '' Échauffement '' | Respiration, assouplissement, vocalisation, synchronisations |// groupe, binômes // |
|~| '' Jeu du comédien '' | Présentations d'un travail préparé, travail en commun sur la mise en place d'un fragment, improvisations + vidéo |// équipes, groupe // |
|~| Une heure de '' Figaro '' | lecture sur table, visionages, propositions de jeu |// permutations de rôles + le groupe // |
|~| '' Roue libre '' | travail de scènes, sketches ou poèmes à la demande |// libre // |
|~| '' Bilan de séance '' | "à retenir", propositions, rendez-vous, clés usb, congratulations |// groupe // |
===
+++*[Vendredis Mouffetard]
|widetable|k
| 14:30|>| ''Plaisir de Dire'' : travail de poèmes ou textes avec Jacques |// libre // |
| 15:30<br>17:30| '' Roue libre '' | travail de scènes, sketches ou poèmes à la demande |// libre // |
===
}}}
{{menubox center{''L'organisation''
+++*[La Troupe]
Deux lieux nous sont attribués par le CASVP 5ème.
Plutôt que deux ateliers distincts, les participants sont fédérés en une seule __troupe__, qui continue à s'appeler ''//SEPTUAS ++//'' tant que nous n'en décidons pas autrement.
Les emplois du temps de chacun font que la réunion de tous restera exceptionnelle (par exemple pour une représentation) : il y aura donc toujours deux ateliers qui ne regrouperont pas forcément les mêmes.
-----
===
+++*[Les ateliers]
Les comédiens (id : les participants aux ateliers) sont traités de la même manière qu'ils soient néophytes ou expérimentés, chacun aidant les autres à se perfectionner.
Par contre, le casting des pièces ou saynètes sera différencié suivant le niveau d'engagement possible à chacun :
Ceux qui, outre leur participation régulière à un atelier, peuvent investir davantage de temps pour apprendre des textes, répéter des scènes avec leurs partenaires, se verront confier les rôles "lourds".
-----
===
+++*[Les groupes]
Les groupes regroupent ceux-qui s'engagent à participer avec ponctualité (sauf exception) aux séances d'un même atelier : de 10-12:00 le lundi à ~Port-Royal, de 15-17:00 à Mouffetard.
* On peut appartenir à un ou aux deux groupes.
* Le travail est organisé pour les membres réguliers de ce groupe.
* Les autres peuvent librement se joindre aux séances, aux horaires de la séance (le travail ne s'interromp pas ou n'est pas modifié pour ceux qui arriveraient en cours de séance).
-----
===
+++*[Les rendez-vous d'équipes]
:Les équipes sont les partenaires qui ont à se réunir pour un travail commun (scène à préparer, répétition partielle, texte à aborder, entraînement personalisé...). Idéalement elles associent les protagonistes d'une scène et un observateur extérieur qui joue le rôle de coach.
Les équipes sont par nature provisoires, et on peut bien sûr à un moment donné appartenir à plusieurs équipes.
*Utilisation de l'espace Mouffetard pour les rendez-vous pris des uns avec les autres (lecture, recherche de personages, ..).
*Rendez-vous hors séances ou rendez-vous téléphoniques (pour des italiennes, ou concertations de jeu)
*Les participants spécifient l'apport qu'ils attendent de l'animateur ou du coach.
*En cas d'affluence, ces rendez-vous seront limités à 20 minutes chacun.
*Les réunions d'équipe sont ouvertes aux personnes que nous inviterions..
-----
===
}}}
{{menubox center{''La communication''
+++*[Le cahier papier]
Le cahier d'atelier est tenu en séance par Michèle.
Il recueille les réservations de rendez-vous d'équipes, les absences annoncées, les prises en charge de choses à faire, et les idées, remarques suggestions émises en séance à journaliser.
-----
===
+++*[Support internet]
Ce [[cahier internet|http://ateliertheatre.tiddlyspot.com/]] met à la disposition des participants connectés la base de donnée de l'atelier :
* le journal : planification, annonces, sujets en cours, résolutions
* la bibliothèque partagée : textes travaillés, textes proposés, auteurs.<br>{{small italic{Les textes proviennent de nos bibliothèques personnelles et sont la plupart sous copyright, et ne sauraient en aucun cas être mis dans le domaine public.}}}
*les vidéos disponibles pour vos clés USB
* l'index des ressources et des personnes
Ce cahier peut être téléchargé, et est formaté pour être lisible sur tablette ou smartphone (chaque édition remplace la précédente).
Jacques le met à jour chaque week-end
-----
===
+++*[Vidéo]
La vidéo est devenue un support essentiel de perfectionnement.
Il n'est pas toujours possible de mettre les vidéos en ligne dans un délai raisonnable, aussi ceux qui désireraient examiner leurs prestations sont invités à venir en séance avec une clé (ou disque) USB.
}}}
+++*[FICHE 1 : ORNIFLE dans la pièce]
|Pièce : [[Les transes de Mademoiselle Supo]]|
;Sa nécessité ;
:personnage principal, celui autour duquel gravitet (dépendent) les autres personnages.
;Pour quelle raison figure-il dans la pièce ?
:Il illustre un Dom Juan des années folles.
;Son histoire : imaginez ce qu'il peut avoir vécu avant que la pièce commence
Fortune, savoir-faire, réseaux et un peu de rouerie lui permettent insouciance et succès faciles.
;Son rapport aux autresé : sa relation avec ses protagonistes ;
" __''SUPPO''__ : La vieille fille née, maintenant qu'elle en a l'âge elle en incarne la plus parfaite manifestation. Il sait qu'il est son Dieu et qu'elle aurait aimé le gouverner jusque dans l'intimité. Seulement il aime trop la liberté, sans compter qu'ella n'est pas son type, et qu'elle a plutôt une nature possessive et jalouse. Gentiment sadique avec elle, il a trop tendance à jouer avec ses sentiments, la provoquer, l'attirer puis la planter ! Elle a un côté pratique ; elle le comble des compliments qui lui font du bien quand il en a besoin !
" __''Nénette''__ : en voilà une bonne nature, et une fille sans problème ! Discrète, dévouée, efficace, elle ne déteste pas la chose, et ils en ont tous les deux bien profité à une certaine époque où elle comblait bien volontiers ce que ne lui fournissaient pas suffisamment ses légitimes ! Ca laisse de bons souvenirs, et il bénéficie toujours de sa complicité dans ses aventures d'aujourd'hui !
" ………………………….. :
" ………………………….. :
;Sa personnalité : trois qualificatifs qui décrivent Ornifle (deux positifs, un éventuellement négatif)
:Séducteur - espiègle - égocentré
;Son projet : ce à quoi il aspire, son rêve (attente, espoir, crainte, fantasme…) :
:Il rève que sa notoriété fasse fondre les plus belles vemmes de Paris !
=== +++*[FICHE 2 : ORNIFLE à son entrée en scène]
|Scène : Le matin, dans son bureau, où il dicte à Mademoiselle Suppo |
;Quel est son but à cet instant ?
:Bâcler au plus vite le texte qu'il doit livrer pour se pomponner et se faire beau pour les photographes.
;Émotion
:Gaieté, excitation
;Nécessité : pourquoi Ornifle doit-il figurer dans cette scène ?
Pour montrer son caractère et la relation de dépendance à laquelle se soumet Mlle Suppo.
;Passé immédiat : ce qu'il vient de faire juste avant d'entrer
Excité comme un pou à la perspective des photographes du grand hebdo qui vont venir faire un reportage chez lui. Il fait beau, il est sorti en robe de chambre dans le jardin ensoleillé, et il a même cueilli des fleurs pour Mlle Suppo, se réjouissant à l'avance de son ravissement incrédule et ému !
;Sa tension : les obstacles qui le mobilisent
:Les débordements de Mlle Suppo (qu'il provoque !) risquent de lui faire persdre un temps précieux aujourd'hui !
;Relations : Comment vit-il à cet instant sa relation avec chacun des personnages avec qui il se trouve en interaction dans cette scène ?
Il fait ce qu'il veut de Mlle Suppo, et en use avec elle comme d'un bilboquet. Il s'amuse d'elle tout en ayant l'esprit ailleurs.
===
!PAREIL
Madame, Monsieur, n’importe où, n’importe quand, ou mieux encore à la même heure au même endroit.
;MONSIEUR
:Moi je crois pas...
;MADAME
: Moi pareil.
;MONSIEUR
:Toi pareil quoi ?
;MADAME
: Pareil comme toi.
;MONSIEUR
:Pareil comme moi quoi ?
;MADAME
: Je crois pas.
;MONSIEUR
:Tu crois pas quoi ?
;MADAME
: Peu importe, si t’y crois pas, j’y crois pas.
;MONSIEUR
://(après un temps)//.
:Si tu m’avais pas coupé ...
;MADAME
: Je t’ai coupé ?
;MONSIEUR
:Et tu recommences là !
://(Silence.)//
SI lu ne m’avais pas coupé, j’aurais dit ce à quoi je ne crois pas, et ton “moi pareil” aurait eu un sens !
;MADAME
: Quel sens ?
://(Silence. Madame reprend, conciliante.) //
:Excuse-moi, mais quand je dis que je crois à ce que tu crois pas, ça t’énerve.
;MONSIEUR
:Alors?
;MADAME
: Et quand je dis pareil comme toi, j’y crois pas, ça t’énerve aussi.
;MONSIEUR
:Alors?
;MADAME
: Alors, je crois que tu es nerveux.
;MONSIEUR
:Moi je crois pas.
//Un temps.//
;MADAME
: Là, je te laisse le temps de dire à quoi tu crois pas ou j’enchaîne ?
;MONSIEUR
:Je ne crois pas être nerveux !
;MADAME
: Moi je crois que si.
;MONSIEUR
:Je ne suis pas nerveux, ce sont les autres qui m’énervent !
;MADAME
: Quels autres ?
;MONSIEUR
:A ton avis ?
;MADAME
: Je t’énerve là ?
;MONSIEUR
:Et c’est rien de le dire !
;MADAME
: Et toi, tu crois pas que tu me fais chier avec tes “moi je crois pas” ?
;MONSIEUR
:Je te fais chier ?
;MADAME
: Et pas qu’un peu !
;MONSIEUR
:Ravi de l’apprendre.
;MADAME
: Et si tu veux tout savoir, ce que tu crois ou pas, il y a belle lurette que je m’en tamponne le coquillard !
;MONSIEUR
:Ne disposant pas d’un coquillard, je te suggère de t’abstenir de tenter de te le tamponner.
;MADAME
: Et pourquoi j’aurais pas de coquillard ?
;MONSIEUR
:Le coquillard est un attribut masculin, la coquillette, elle, est féminine. Tu peux te la tamponner à loisir.
//Silence.//
;MADAME
: C’est quoi au juste un coquillard ?
;MONSIEUR
:C’est masculin.
;MADAME
: Masculin ou pas, je me le tamponnerai si je veux, que ça te plaise ou non.
;MONSIEUR
:Ça, c’est très féminin.
;MADAME
: Quoi ? Qu’est-ce qui est féminin ?
;MONSIEUR
:Se tamponner un vocable dont on ignore le sens. MADAME (après un temps). Féminin c’est masculin.
;MONSIEUR
:Pardon?
;MADAME
: Féminin c’est masculin.
;MONSIEUR
:Féminin c’est féminin, masculin c’est masculin.
;MADAME
: Oui mais, manque de pot, les deux sont masculins.
;MONSIEUR
:Je ne te suis pas du tout, je m’excuse mais...
;MADAME
: Ne t’excuse pas, j’ai l’habitucle et, si tu veux tout savoir, que tu me suives ou non, je m’en bats les roubignoles !
;MONSIEUR
:Bon, là je pense qu’il n’y a plus qu’à tirer l’échelle.
;MADAME
: Pourquoi tu dis ça ?
;MONSIEUR
:Parce qu’on ne descendra pas plus bas ce soir. MADAME. Tu deviens pessimiste en vieillissant...
;MONSIEUR
:Merci.
;MADAME
: De rien.
;MONSIEUR
:Je vais me pager.
;MADAME
: Bonne nuit.
;MONSIEUR
: Tu vas encore regarder la télé jusqu’à plus d’heure ?
;MADAME
: Il n’y a que là que j’arrive à dormir.
;MONSIEUR
:Bonne nuit.
//Elle ouvre la télé.//
!!!!!Jean-Claude Grumberg - Moi je crois pas
!PAVILLON DES ORCHIDÉES
//WANG BINZHI (connu vers 400 de notre ère)//
Les fleurs fraîches
brillent dans la haie,
les poissons agiles
jouent dans l’eau claire.
Tout joyeux
je lance ma canne.
Je reviendrai content,
de toute façon,
avec ou sans poisson !
!PENSÉE DE FEMME
//XU GAN (171-218)//
Les nuages passent en bandes sans fin ; comment parmi eux trouver un messager?
Aucun ne s’approche, aucun ne s’arrête.
C’est en vain que j’espère et m’attriste.
Les autres partent et puis reviennent mais aucun signe de ton retour.
Depuis ton départ mon miroir de bronze vert a perdu son éclat, pourquoi le polirais-je ?
Mes pensées pour toi
sont comme les eaux du fleuve qui coulent sans trêve, sans jamais s’épuiser.
://Dès son premier numéro, le 13 mai 1938, //L’Os à moelle// publie en page 4 des « Petites Annonces » qui n’obtiendront jamais la moindre réponse. Et pourtant, elles seront lues et commentées par d’innombrables lecteurs. Jusqu’au numéro 108, daté du 31 mai 1940, dans les cours de récréation des lycées comme dans les bureaux, on va se précipiter chaque vendredi sur cette colonne du journal, même et surtout si l’on n’a absolument besoin de rien…//
!!!!!DEMANDES D’EMPLOI
* Pâtissier un peu tarte cherche bonne pâte pour gagner sa croûte.
* N’ayant aucune imagination, cherche situation scénariste dans grande firme cinématographique.
* Musulman cherche roue voilée pour le vélo de sa femme.
* Boîte aux lettres fatiguée et un peu paresseuse demande levées tardives.
* Idiot cherche village.
* Gardienne d’immeuble un peu paresseuse cherche loge au sixième pour avoir à descendre le courrier au lieu de le monter.
* Comprimé d’aspirine, dans la force de l’âge, cherche bonne migraine avec qui se mesurer.
* On demande un taxi pour 15 h 30, 24, avenue de Villiers, 75017 Paris.
* Monsieur, 42 ans, belle prestance, ingénieur en électronique pastorale, marié, trois enfants, très assoiffé, installé depuis trois quarts d’heure terrasse café boulevard ~Saint-Michel, demande à boire et plus vite que ça.
* Femme de ménage pieuse cherche emploi dans institution religieuse pour regarder ménage se faire tout seul par opération ~Saint-Esprit.
!!!!!OFFRES D’EMPLOI
* On demande homme-tronc pour fondation arbre généalogique.
* On demande homme fort pour traîner coupables devant les tribunaux.
* Recherche passoire monotrou pour bouillon gras cyclope.
* Maison haute couture ayant besoin coup de main pour travaux en sous-main recherche : petites mains, grandes mains, grosses pognes, main-d’œuvre, main à la pâte et mains courantes. Se présenter demain ou après-demain chez Balmain. Poil aux mains.
* On demande cheval sérieux connaissant bien Paris pour faire livraisons tout seul.
* On demande deux hommes de paille, un grand et un petit, pour tirage au sort.
* On demande avec impatience le 46.?22.?26.?69 qui n’est jamais libre ou qui répond qu’il est occupé.
* On attend toujours le taxi demandé pour 15 h 30, 24, avenue de Villiers, 75017 Paris.
* Lycéen cherche blanchisseuse habile pour l’aider à repasser ses leçons.
!!!!!DIVERS
* À vendre : jolie collection de pots-de-vin. S’adresser n’importe qui. Hôtel de Ville. Paris.
* Apprenez l’équitation par correspondance. Pour le galop, se référer à la brochure concernant le trot, mais en la lisant trois fois plus vite.
* Céderait bombe à retardement. Très très urgent !
* Perdu hier… une bonne occasion de me taire…
* Camembert bien fait cherche brie coulant pour aller ensemble en marche d’entraînement.
* Auteur dramatique échangerait pièce en quatre actes contre trois pièces et une cuisine.
* Caméléon domestique au bord de la dépression nerveuse échangerait d’urgence coussin écossais contre coussin teinte neutre.
* Kleptomane cherche place, même peu rétribuée, dans commerce de luxe ou magasin de nouveautés.
* Fantôme sujet au rhume de cerveau désire louer ou acheter maison hantée sans courant d'air.
* Tête de veau sérieuse et détachée cherche vinaigrette pas trop sûre pour association de bon goût.
* Laitue tendre cherche limace sentimentale. Chouchou, 44, r. N.-D.-de-Lesbos, Paris.
* Echelles spéciales pour plantes grimpantes (5 fr. 75 la grosse).
!PHEDRE I - 3
Mon mal vient de plus loin.
A peine au fils d'Egée Sous les lois de l'hymen je m'étais engagée,
Mon repos,
mon bonheur semblait s'être affermi,
Athènes me montra mon superbe ennemi.
Je le vis,
je rougis,
je pâlis à sa vue ;
Un trouble s'éleva dans mon âme éperdue ;
Mes yeux ne voyaient plus,
je ne pouvais parler ;
Je sentis tout mon corps et transir et brûler.
Je reconnus Vénus et ses feux redoutables,
D'un sang qu'elle poursuit
tourments inévitables.
Par des voeux assidus je crus les détourner :
Je lui bâtis un temple,
et pris soin de l'orner ;
De victimes moi-même à toute heure entourée,
Je cherchais dans leurs flancs ma raison égarée,
D'un incurable amour remèdes impuissants !
En vain sur les autels ma main brûlait l'encens :
Quand ma bouche implorait le nom de la Déesse,
J'adorais Hippolyte ;
et le voyant sans cesse,
Même au pied des autels que je faisais fumer,
J'offrais tout à ce Dieu que je n'osais nommer.
Je l'évitais partout.
O comble de misère !
Mes yeux le retrouvaient dans les traits de son père.
Contre moi-même enfin j'osai me révolter :
J'excitai mon courage à le persécuter.
Pour bannir l'ennemi dont j'étais idolâtre,
J'affectai les chagrins d'une injuste marâtre ;
Je pressai son exil,
et mes cris éternels L'arrachèrent du sein et des bras paternels.
Je respirais,
OEnone,
et depuis son absence,
Mes jours moins agités coulaient dans l'innocence.
Soumise à mon époux,
et cachant mes ennuis,
De son fatal hymen je cultivais les fruits.
Vaine précautions !
Cruelle destinée !
Par mon époux lui-même à Trézène amenée,
J'ai revu l'ennemi que j'avais éloigné :
Ma blessure trop vive a aussitôt saigné,
Ce n'est plus une ardeur dans mes veines cachée :
C'est Vénus tout entière à sa proie attachée.
J'ai conçu pour mon crime une juste terreur ;
J'ai pris la vie en haine,
et ma flamme en horreur.
Je voulais en mourant prendre soin de ma gloire;
Et dérober au jour une flamme si noire :
Je n'ai pu soutenir tes larmes,
tes combats ;
Je t'ai tout avoué ;
je ne m'en repens pas,
Pourvu que de ma mort respectant les approches,
Tu ne m'affliges plus par d'injustes reproches,
Et que tes vains secours cessent de rappeler
Un reste de chaleur tout prêt à s'exhaler.
{{center{
!!!!!!__PERSONNAGES__
//Phèdre
Sinusite (1re servante de Phèdre)
Petde Nonne (2e servante)
Hippolyte
Théramène
Le chœur antique//
}}}
;Le chœur antique //(gueulant)//
:Ô puissant Dieu des Grecs, je viens sous votre loi
:Faire entendre en ces lieux ma douce et faible voix.
:De Phèdre et d’Hippolyte au lourd passé de gloire
:Je veux ressusciter la tragique mémoire…
:Phèdre aimait son beau-fils, Hippolyte au cœur pur,
:Qui lui ne voulait pas de cet amour impur.
:Ce que vous entendrez ici n’est pas un mythe
:Mais le récit vécu de Phèdre et d’Hippolyte.
://(Le chœur antique sort et Hippolyte et Théramène paraissent.)//
;Théramène
:Tu me parais bien pâle et triste à regarder
:Qu’as-tu donc, Hippolyte ?
;Hippolyte
:Je suis bien emmerdé !
;Théramène
:C’est un sous-entendu mais je crois le comprendre.
:Va, dis-moi ton chagrin, je suis prêt à l’entendre.
;Hippolyte
:Le dessein en est pris, je pars, cher Théramène,
:Car Phèdre me poursuit de ses amours malsaines.
;Théramène
:Et Aricie alors ?
;Hippolyte
:Ah ! Ne m’en parle pas !
:Quand j’évoque la nuit ses innocents appas
:J’ai des perturbations dedans la tubulure
:Car cette Aricie-là je l’ai dans la fressure,
:Elle est partout en moi, j’en ai le cerveau las,
:J’ai l’Aricie ici et j’ai l’Aricie là !
;Théramène
:Elle a pris je le vois et tes sens et ta tête…
;Hippolyte
:Ah ! Je veux oublier le lieu de sa retraite !
;Théramène
:La retraite de qui ?
;Hippolyte
:La retrait’ d’Aricie
:Qu’elle sorte de moi ! Aricie la sortie !
://(On entend une trompette jouer : As-tu connu la putain de Nancy…)//
;Théramène
:Mais qui vois-je avancer en sa grâce hautaine ?
:N’est-ce pas de l’amour la plus pure vision ?
:C’est l’ardente sirène, la sirène des reines,
:C’est Phèdre au sein gonflé des plus folles passions !
;Phèdre //entrant avec ses servantes//
:Oui, c’est moi, me voici. Tiens, c’est toi, Théramène ?
:Que viens-tu faire ici ?
;Théramène
:Je venais, souveraine
:Vous redire à nouveau mon récit tant vécu…
;Phèdre
:Ton récit je l’connais, tu peux te l’foutre au cul !
:À l’écouter encor’ j’en aurais du malaise
:Il y a trop longtemps que Théramèn’ ta fraise !!!
://(Théramène, ulcéré, s’incline et sort. Phèdre voit Hippolyte.)//
;Phèdre
:Hippolyte ! Ah ! Grands dieux, je ne peux plus parler
:Et je sens tout mon corps se transir et brûler !
;Hippolyte
:Ô rage ! Ô désespoir ! Ô détestable race !
;Phèdre
:Par Jupiter je crois qu’il me trait’ de pétasse !
;Sinusite
:Laissez-le donc, maîtresse, il ne veut point de vous !
;Phèdre
:Et moi j’en veux que j’dis, et j’l’aurai jusqu’au bout !
://(À Hippolyte)//
:N’as-tu donc rien compris de mes tendres desseins ?
:T’as-t-y tâté mes cuiss’s, t’as-t-y tâté mes seins ?
:Ne sens-tu pas les feux dont ma chair est troublée.
;Hippolyte
:C’est Vénus tout entière à sa proie attachée !
;Phèdre
:Oui, pour te posséder je me sens prête à tout !
:Que veux-tu que j’te fasse ? Je suis à tes genoux…
:Que n’ai-je su plus tôt que tu étais sans flamme…
;Hippolyte
:Certes il eût mieux valu que vous l’sussiez, madame…
;Phèdre
:Mais je n’demand’ que ça !
;Hippolyte
:De grâc’ relevez-vous…
;Phèdre
:Voyons tu n’y pens’s pas, je n’peux pas fair’ ça d’bout
;Hippolyte
:N’insistez pas, madam’, rien ne peut m’ébranler.
;Phèdre
:Si t’aim’s pas ça non plus, j’ai plus qu’à m’débiner !
;Hippolyte
:C’est ça, partez, madame, allez vers qui vous aime.
;Phèdre
:Par les breloqu’s d’Hercul’ je resterai quand même !
:Ah ! Que ne suis-je assise à l’ombre des palmiers…
;Hippolyte
:Et pourquoi donc, madame ?
;Phèdre
:Parc’que là tu verrais
:Ce dont je suis capable et ce que je sais faire…
:Je connais de l’amour quatre cent vingt-huit manières !
;Hippolyte
:C’est beaucoup trop pour moi, madame, voyez-vous.
;Phèdre
:Dis, t’es pas un peu dingu’ ? Ça s’fait pas d’un seul coup !
:Oui je sais distiller les plus rares ivresses…
:C’est-y vrai, Sinusite et Pet-d’Nonne ?
;Les servantes //(un peu gênées)//
:Oui, c’est vrai, chèr’maîtresse…
;Hippolyte
:Je ne serais pour vous d’aucune utilité
:Je ne suis que faiblesse et que fragilité.
;Phèdre
:On n’te demande rien ! Je frai le nécessaire
:T’as pas à t’fatiguer, t’auras qu’à t’laisser faire.
;Hippolyte
:Le marbre auprès de moi est brûlant comme un feu…
;Phèdre
:J’suis pas feignant’ sous l’homme et j’travaill’rai pour deux !
;Hippolyte
:Vos propos licencieux qui blessent les dieux mêmes
:Point ne les veux entendre, c’est Aricie que j’aime.
;Phèdre
:Mais de quels vains espoirs t’es-tu donc abusé ?
:Aricie est pucelle et n’a jamais…
;Hippolyte
:Je sais !
:Mais c’est cela surtout qui me la rend aimable…
;Phèdre
:Oui mais pour c’qu’est d’la chose elle doit être minable !
:Allons, va, n’y pens’ plus et sois mon p’tit amant
:Tu connaîtras par moi tous les enchantements !
;Hippolyte
:De grâce apaisez-vous, je me sens mal à l’aise…
;Phèdre
:Viens, pour te ranimer j’te frai l’Péloponnèse !
;Hippolyte
:Qu’est-ce encor’ que cela ?
;Phèdre
:C’est un truc épatant !
:Ça s’fait les pieds au mur et l’nez dans du vin blanc
;Hippolyte
:De tant de perversion tout mon être s’affole.
;Phèdre
:Ben qu’est c’que tu dirais si j’te f’sais l’Acropole.
;Hippolyte
:Quelle horreur !
;Phèdre
:Comm’tu dis ! Mais c’est bougrement bon…
:Ça s’fait en descendant les march’s du Parthénon !
;Hippolyte
:Prenez garde, madame, et craignez mon courroux !
;Phèdre
:C’est ça, vas-y Polyte, bats-moi, fous-moi des coups !
;Hippolyte
:Vous frapper ? Moi, jamais, mon honneur est sans tache.
;Phèdre
:Mais y a pas d’déshonneur, moi j’aim’ ça l’amour vache…
:Viens, tu s’ras mon p’tit homme et j’te donn’rai des sous…
;Hippolyte
:Ah ! Que ne suis-je assis à l’ombre des bambous…
:Je ne veux rien de vous, mon cœur reste de roche !
;Phèdre //(câline)//
:Qu’est-c’que tu dirais d’un p’tit cadran solaire de poche ?
:J’te f’rai fair’ sur mesure un’ joli’ peau d’mouton
:Et pour les jours fériés des cothurn’s à boutons…
;Hippolyte
:Croyez-vous donc m’avoir en m’offrant des chaussures ?
:C’est croire que mon cœur du vôtre a la pointure !
;Phèdre
:En parlant de pointure, si j’en juge à ton nez
:Ell’ doit être un peu là si c’est proportionné !
;Hippolyte
:Vous devriez rougir de vos propos infâmes
:Vous me faites horreur, ô méprisable femme !
;Phèdre
:À la fin c’en est trop ! Mais n’as-tu donc rien là ?
;Hippolyte
:Madame je n’ai point de sentiments si bas.
;Phèdre
:Les feux qui me dévorent ne sont pas éphémères…
:Hippolyt’je voudrais que tu me rendiss’s mère.
;Hippolyte
:Ciel ! Qu’est-ce que j’entends ? Madame, oubliez-vous
:Que Thésée est mon père et qu’il est votre époux ?
;Phèdre
:C’qui fait que j’suis ta mèr’, c’est pour ça qu’tu t’tortilles ?
:Ben coram’ ça tout s’pass’ra honnêt’ment en famille.
;Hippolyte
:Mais si de cet impur et vil accouplement
:Il nous venait un fils, que serait cet enfant ?
;Phèdre
:Puisque je s’rais ta femme en mêm’temps que ta mère
:L’enfant serait ton fils en mêm’ temps que ton frère…
;Hippolyte
:Et si c’était un’ fill’ qu’engendrait votre sein ?
;Phèdre
:Ta fill’ serait ta sœur et ton frèr’mon cousin !
;Hippolyte
:Ah ! Que ne suis-je assis à l’ombre des pelouses…
;Phèdre
:Tu parl’s ! Àvec c’monde’là, qu’est-c’qu’on f’rait comm’ partouzes !
;Hippolyte
:Assez, je pars, adieu !
;Phèdre
:Ah ! Funèbres alarmes,
:Voilà donc tout l’effet que t’inspirent mes charmes
:J’attirerai sur toi la colère des dieux
:Afin qu’ils te la coupent !
;Hippolyte
:Quoi, la tête ?
;Phèdre
:Non, bien mieux !
;Hippolyte
:Vous êtes bien la fille de Pasiphaé !
;Phèdre
:Et toi va par les Grecs t’faire empasiphaer !
:Sinusite et ~Pet-de-Nonne, venez sacrées bougresses,
:Calmez mon désespoir, soutenez ma faiblesse…
;~Pet-de-Nonne
:Elle respire à peine, elle va s’étouffer…
;Phèdre
:Ben, c’est pas étonnant, j’ai c’t’Hippolyt’ dans l’nez !
:Je veux dans le trépas noyer tant d’infamie
:Qu’on me donn’ du poison pour abréger ma vie !
;Sinusite
:Duquel que vous voulez, d’I’ordinaire ou du bon ?
;Phèdre
:Du gros voyons, du roug’, celui qui fait des ronds.
:Qu’est-c’que vous avez donc à m’bigler d’vos prunelles
:Écartez-vous de moi !
://(À Hippolyte)//
:Toi, viens ici, flanelle.
:Exauce un vœu suprême sans trahir ta foi,
:Viens trinquer avec moi pour la dernière fois.
://(Les servantes apportent deux bols.)//
:À la tienne érotique sablonneux et casse pas le bol !
://(Elle boit)//
:Ô Dieu que ça me brûl’, mais c’est du vitriol !
;Hippolyte
://Il boit//
:Divinités du Styx, je succombe invaincu
:Le désespoir au cœur…
;Phèdre
:Et moi le feu au cul !
<html>
<div class="author" style="margin: 0px 0px 9px; padding: 0px 0px 8px; background: url("/extension/smiledesign/design/gallimard-internet/images/css/sepa02.jpg") left bottom no-repeat scroll rgb(255, 255, 255); display: block; font-size: 1.455em; text-transform: uppercase; color: rgb(51, 51, 51); font-family: Arial, Helvetica, sans-serif; font-style: normal; font-variant-ligatures: normal; font-variant-caps: normal; font-weight: 400; letter-spacing: normal; orphans: 2; text-align: left; text-indent: 0px; white-space: normal; widows: 2; word-spacing: 0px; -webkit-text-stroke-width: 0px; text-decoration-style: initial; text-decoration-color: initial;"><a href="http://www.gallimard.fr/Contributeurs/Yves-Bonnefoy" style="color: rgb(0, 0, 0); text-decoration: none;">YVES BONNEFOY</a></div><div class="title" style="margin: 0px 0px 5px; padding: 0px; font-family: Georgia, "Times New Roman", Times, serif; color: rgb(51, 51, 51); font-size: 13.76px; font-style: normal; font-variant-ligatures: normal; font-variant-caps: normal; font-weight: 400; letter-spacing: normal; orphans: 2; text-align: left; text-indent: 0px; text-transform: none; white-space: normal; widows: 2; word-spacing: 0px; -webkit-text-stroke-width: 0px; background-color: rgb(255, 255, 255); text-decoration-style: initial; text-decoration-color: initial;"><h1 style="margin: 0px; padding: 0px; font-size: 2.909em; font-weight: normal; font-family: Georgia, "Times New Roman", Times, serif; color: rgb(194, 0, 32); display: inline; line-height: 43.2301px;">Les Planches courbes</h1></div><div class="history" style="margin: 0px 0px 10px; padding: 0px; clear: both; position: relative; font-family: Arial, Helvetica, sans-serif; color: rgb(51, 51, 51); font-size: 13.76px; font-style: normal; font-variant-ligatures: normal; font-variant-caps: normal; font-weight: 400; letter-spacing: normal; orphans: 2; text-align: left; text-indent: 0px; text-transform: none; white-space: normal; widows: 2; word-spacing: 0px; -webkit-text-stroke-width: 0px; background-color: rgb(255, 255, 255); text-decoration-style: initial; text-decoration-color: initial;"></div><div class="edition" style="margin: 0px; padding: 0px; color: rgb(49, 54, 57); font-size: 1.091em; font-family: Arial, Helvetica, sans-serif; font-style: normal; font-variant-ligatures: normal; font-variant-caps: normal; font-weight: 400; letter-spacing: normal; orphans: 2; text-align: left; text-indent: 0px; text-transform: none; white-space: normal; widows: 2; word-spacing: 0px; -webkit-text-stroke-width: 0px; background-color: rgb(255, 255, 255); text-decoration-style: initial; text-decoration-color: initial;">Collection<span> </span><a href="http://www.gallimard.fr/Catalogue/MERCURE-DE-FRANCE/Poesie" style="color: rgb(51, 51, 51); text-decoration: none;">Poésie</a>, Mercure de France</div><div class="parution" style="margin: 0px; padding: 0px 0px 20px; font-family: Georgia, "Times New Roman", Times, serif; font-size: 1.273em; color: rgb(30, 30, 30); font-style: italic; text-transform: none; font-variant-ligatures: normal; font-variant-caps: normal; font-weight: 400; letter-spacing: normal; orphans: 2; text-align: left; text-indent: 0px; white-space: normal; widows: 2; word-spacing: 0px; -webkit-text-stroke-width: 0px; background-color: rgb(255, 255, 255); text-decoration-style: initial; text-decoration-color: initial;">Parution : 03-10-2001<br></div><div class="description expandable" style="margin: 0px 0px 55px; padding: 0px; color: rgb(52, 52, 52); font-size: 1.364em; font-family: Georgia, "Times New Roman", Times, serif; font-style: normal; font-variant-ligatures: normal; font-variant-caps: normal; font-weight: 400; letter-spacing: normal; orphans: 2; text-align: left; text-indent: 0px; text-transform: none; white-space: normal; widows: 2; word-spacing: 0px; -webkit-text-stroke-width: 0px; background-color: rgb(255, 255, 255); text-decoration-style: initial; text-decoration-color: initial;"><div style="margin: 0px; padding: 0px;">«La pluie d'été<br><br>Mais le plus cher mais non<br>Le moins cruel<br>De tous nos souvenirs, la pluie d'été<br>Soudaine, brève.<br><br>Nous allions, et c'était<br>Dans un autre monde,<br>Nos bouches s'enivraient<br>De l'odeur de l'herbe.<br><br>Terre,<br>L'étoffe de la pluie se plaquait sur toi.<br>C'était comme le sein<br>Qu'eût rêvé un peintre. »<br><br><i>Yves Bonnefoy</i></div></div>
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<!--}}}-->
Pardon pour cette fille
Que l'on a fait pleurer
Pardon pour ces regards
Que l'on quitte en riant,
Pardon pour ces visages
Qu'une larme a changé
Pardon pour ces maisons
Où quelqu'un nous attend
Et puis pour tous ces mots
Que l'on dit "mots d'amour",
Et que nous employons
En guise de monnaie
Et pour tous les serments
Qui meurent au petit jour
Pardon pour ces jamais,
Pardon pour ces toujours.
Pardon de ne plus voir
Les choses comme elles sont,
Pardon d'avoir voulu oublier nos vingt ans,
Pardon d'avoir laissé s'oublier nos leçons
Pardon de renoncer à nos renoncements
Et puis de renier les rêves d'autrefois
Et puis de se terrer au milieu de sa vie,
Et puis de préférer le salair' de Judas.
Pardon pour l'amitié, pardon pour les amis.
Pardon pour pour les hameaux
Qui ne chantent jamais,
Pardon pour les villages
Que l'on a oubliés,
Pardon pour les cités
Où nul ne se connaît,
Pardon pour les pays
Qui nous ont achetés
Et puis pour être ceux qui se foutent de tout
Et pour ne pas avoir
Chaque jour essayé,
Et puis pardon encore
Et puis pardon surtout
De ne jamais savoir
Qui doit nous pardonner
{{center{^^//<<storyViewer amour previous>><<storyViewer amour list>><<storyViewer amour next>>//^^
[img(25%,)[http://gitane.g.i.pic.centerblog.net/um7u53xu.jpg][http://gitane.centerblog.net/rub-poeme-10.html?ii=1]]
!Parfum exotique
!!!!!!//Charles BAUDELAIRE (1821-1867)//
Quand, les deux yeux fermés, en un soir chaud d'automne,
Je respire l'odeur de ton sein chaleureux,
Je vois se dérouler des rivages heureux
Qu'éblouissent les feux d'un soleil monotone ;
Une île paresseuse où la nature donne
Des arbres singuliers et des fruits savoureux ;
Des hommes dont le corps est mince et vigoureux,
Et des femmes dont l'oeil par sa franchise étonne.
Guidé par ton odeur vers de charmants climats,
Je vois un port rempli de voiles et de mâts
Encor tout fatigués par la vague marine,
Pendant que le parfum des verts tamariniers,
Qui circule dans l'air et m'enfle la narine,
Se mêle dans mon âme au chant des mariniers.
!!!!Paroles d'ELSA LEPOIVRE
-----
Antonin Artaud a défini l’acteur comme «// athlète affectif //».
*Il ne s’agit pas seulement de se livrer à une performance, mais de réactiver à chaque représentation les émotions et les énergies propres à chacun des personnages, à la manière dont on le regarde, l’interprète.
-----
Il faut à chaque fois
*aller puiser en soi, au plus profond : douleurs, pulsions, émotions intimes,
*pouvoir se servir de ses émotions pour les transformer et les offrir en partage.
-----
J’adore disparaître complètement dans les rôles.
*Je crois que j’aime l’autre – l’autre dans les autres, et l’autre en moi.
*Ce que j’aime, c’est aller à la rencontre de la femme (ou de l’homme, mais ça ne m’a encore jamais été demandé) qui m’est proposée. C’est me fondre, me perdre dans ce personnage.
-----
L’autre m’intéresse dans la vie. Un rôle m’enrichit toujours.
C’est comme si j’avais des parts manquantes et que les rôles remplissaient ces cases.
-----
J’aime bien le terme de “porosité”. Se laisser traverser, j’en ai besoin, ça me rassure.
-----
/%
|exercice|groupe concentration déplacement|
|niveau|160 Début|
%/
!Pas touche !
#Tous en cercle. Prendre la place de celui d'en face, en passant par le centre, mais sans se cogner.
#Marcher n'importe où, sans se toucher :
##d'abord lentement
##puis de plus en plus vite
##très vite
##puis de même en reculant, sans regarder derrière soi,
? toujours sans se toucher !
!!!!Mantras :
:*Ne faites pas ce que d'autres savent et peuvent quand il y en a que vous pouvez et qu'ils ne savent pas.
:*Traitez les gens comme s'ils étaient ce qu'ils devraient être et vous les aiderez à devenir ce qu'ils sont capables d'être.
:* Comme chacun ne le sait pas, réussir est un déséquilibre sans arrêt ratrappé.
:*Donner son meilleur est le meilleur moyen d'amener un mieux.
!!!!Pour entretenir la motivation et développer l'autonomie, le manager s'interdit de franchir la ligne rouge :
/***
|''Name:''|PasswordOptionPlugin|
|''Description:''|Extends TiddlyWiki options with non encrypted password option.|
|''Version:''|1.0.2|
|''Date:''|Apr 19, 2007|
|''Source:''|http://tiddlywiki.bidix.info/#PasswordOptionPlugin|
|''Author:''|BidiX (BidiX (at) bidix (dot) info)|
|''License:''|[[BSD open source license|http://tiddlywiki.bidix.info/#%5B%5BBSD%20open%20source%20license%5D%5D ]]|
|''~CoreVersion:''|2.2.0 (Beta 5)|
***/
//{{{
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date: new Date("Apr 19, 2007"),
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coreVersion: '2.2.0 (Beta 5)'
};
config.macros.option.passwordCheckboxLabel = "Save this password on this computer";
config.macros.option.passwordInputType = "password"; // password | text
setStylesheet(".pasOptionInput {width: 11em;}\n","passwordInputTypeStyle");
merge(config.macros.option.types, {
'pas': {
elementType: "input",
valueField: "value",
eventName: "onkeyup",
className: "pasOptionInput",
typeValue: config.macros.option.passwordInputType,
create: function(place,type,opt,className,desc) {
// password field
config.macros.option.genericCreate(place,'pas',opt,className,desc);
// checkbox linked with this password "save this password on this computer"
config.macros.option.genericCreate(place,'chk','chk'+opt,className,desc);
// text savePasswordCheckboxLabel
place.appendChild(document.createTextNode(config.macros.option.passwordCheckboxLabel));
},
onChange: config.macros.option.genericOnChange
}
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// is there an option linked with this chk ?
var opt = name.substr(3);
if (config.options[opt])
saveOptionCookie(opt);
return config.options[name] ? "true" : "false";
}
});
merge(config.optionHandlers, {
'pas': {
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return encodeCookie(config.options[name].toString());
} else {
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}
});
// need to reload options to load passwordOptions
loadOptionsCookie();
/*
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config.options['pasPassword'] = '';
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config.macros.option.passwordCheckboxLabel = "Save this password on this computer";
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'pas': {
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// is there an option linked with this chk ?
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!Patate<br>Marcel Achard
+++^90%^*[Patate]
La pièce est jouée pour la première fois le 25 janvier 1957, au Théâtre Saint-Georges, dans une mise en scène de Pierre Dux. Les critiques sont unanimement élogieux et les représentations se poursuivent pendant sept ans ! Cela peut paraître étrange, car l’intrigue* est loin d’être palpitante et le milieu* décrit ne suscite pas la sympathie. Mais la construction des trois actes est solide, les dialogues sont soignés, les personnages bien dessinés.
Rollo - dont le surnom est, depuis l’école, « Patate » - vient emprunter de l’argent à son vieux et riche camarade Carradinc en échange d’un brevet. Sa femme Edith l’accompagne. Plus tard, leur fille Alexa va passer. Rollo va découvrir que sa jeune fille est l’amante de Carradinc. Il tente de se venger enfin de tout. Carradine sera remis en place, sans grand drame, et Rollo ira mieux, grâce à Edith. Nous sommes au début de la pièce, chez Carradine, dans un salon au « luxe de bon aloi » où un valet narquois laisse poireauter depuis presque une heure deux visiteurs, Edith étonnée et Rollo exaspéré.
=== +++^90%^*[Commentaire]
Quelqu’un enfin vient s’occuper des visiteurs, VÉRONIQUE la jolie femme de Carradine, « très distinguée, merveilleusement habillée », qui rentre a la maison. Pour pimenter un peu les relations mondaines, Achard a imaginé un amour de jeunesse entre VÉRONIQUE et ROLLO qui fait l’objet de ce rapide récit croisé, comme une sorte d'interscène. Du coup, les rapports deviennent plus vifs //(« bourrade »)//, et plus vrais. Un curieux dialogue à trois s'instaure. ROLLO exhibe fièrement une photo qui ne le quitte jamais, prise à cette époque. 11 plastronne et renoue un instant avec l’esprit d adolescence en évoquant le compte des baisers échangés. VÉRONIQUE a cette émouvante réplique en revoyant son image : //« c’est comme celle d une fille que j’aurais eue, que j’aurais adorée et qui serait morte »//. Le choc de la rupture est évoqué en phrases brèves : //« j’étais dans le coma »//. Douleur secrète. Lauteur entrouvre un rideau et l’on voit le chemin parcouru. Ce qui ressort cruellement, dans la légèreté de la séquence, c’est l’écart qui s’est creusé entre le jeune homme d’autrefois : //« Nous l’appelions Léon l’indomptable »//, et le quémandeur lourd et maladroit d’aujourd’hui. Le temps a passé.
===
!!!Acte I - Véronique, Rollo, Edith
;VÉRONIQUE
://(avec une bourrade à Rollo)//. Je suis bien contente de revoir ma patate adorée.
;ROLLO
://(froid)//. Je ne suis pas ta patate à toi. On n’a pas de fièvre cérébrale pour une patate.
;VÉRONIQUE
://(à Edith)//. Il vous a raconté ?
;ÉDITH
://(très gênée)//. Vaguement.
;VÉRONIQUE.
:Il ne raconte pas ce genre de choses vaguement.
;ROLLO.
:J’ai plus de tact que tu ne crois.
;VÉRONIQUE.
:Nous allons voir ! //(A Edith)//, Je vais vous la raconter, ma fièvre cérébrale.
;ROIJ.O
://(plaintivement)//.Tu la racontes très mal !
;VÉRONIQUE
://(avec uneforce surprenante, à Edith)//. Figurez-vous que j’ai été folle de votre mari. Folle perdue !
;ROLLO.
:Tout ce début est excellent !
;VÉRONIQUE.
:Et j’avais cru que mon sentiment était partagé.
;ROLLO
://(avec une grande sincérité)//. Mais il l’était, idiote, il l’était !
;EDITH
://(malgréelle)//. Ne crie pas tant !
;VÉRONIQUE.
:J’avais quinze ans. Lui, un peu plus de seize. J’espère que vous n’en êtes pas jalouse.
;ÉDITH.
:Pas du tout.
;ROLLO
://(qui a tiré de son portefeuille une photo)//. Nous voilà à l’époque, tiens !
;VÉRONIQUE
://(vivement)//. Fais voir !
;ROLLO
://(explique complaisamment)//. C’est chez le photographe du Touquet. Ça, c’est du faux sable. Une fausse cabine. Le voilier est peint sur la toile. Mais c’est bien nous !
;VÉRONIQUE
://(après un silence)//. Toi, peut-être. Pas moi ! Cette photo, c’est comme cclle d’une fille que j’aurais eue, que j’aurais adorée et qui serait morte.
;ROLLO
://(pour rompre la gène)//. Non, mais crois-tu que j’étais joli ? Avec tous ces cheveux dans la figure et ce regard intrépide. A me voir, on te comprend. Ça devait être un vrai plaisir de m’aimer.
;VÉRONIQUE.
:J’ai prouvé que non.
;ÉDITH
://(riant, à Rollo)//. Tu es trop fat, c’est bien fait !
;VÉRONIQUE.
:Et tu portes cette photo, sur toi, toujours ?
;ROLLO.
:Ben,dis donc... tu penses... une petite comme celle-ci qui meurt presque pour vous, c’est un certificat.
;VÉRONIQUE
://(avec mépris)//. Vraiment ? //(Reprenant.)// Léon et moi...
;ROLLO.
:J’en ai fait des conquêtes, à cause de toi !
;VÉRONIQUE
://(il semble que ce soit avec humeur)//. Si tu m’interromps tout le temps, je ne pourrai pas raconter mon histoire.
;ROLLO
://(impartial)//. Une des plus jolies que je connaisse.
;VÉRONIQUE
://(à Edith)//. Nous nous étions embrassés une dizaine de fois.
;ROLLO
://(rectifiant)//. Plusieurs dizaines de fois. Cinquante-trois fois exactement. Tu racontes très mal.
;VÉRONIQUE.
:Cinquante-trois ?
;ROLLO.
:C’est facile à vérifier.Je les marquais sur mon carnet au fur et à mesure.Je n’ai compté - bien entendu - que les baisers sur les lèvres.
;Édith
://(agacée)//. Bien entendu.
;VERONIQUE.
:C’étaient mes premières vacances seule. J’avais cru que c’était arrivé.
;ROLLO.
:C'était arrivé, stupide !
;VÉRONIQUE.
:Un matin, nous avions rendez-vous pour une partie en mer, un vieux pêcheur et nous. Il faisait beau. Nous devions passer ensemble toute la journée. Monsieur n’est pas venu.
;ROLLO.
:Parce que tu avais dansé toute la soirée au casino sans moi !
;VERONIQUE.
:Monsieur est parti pour Paris. 11 y est resté dix jours caché chez un copain sans me donner de nouvelles. Quand il a daigné le faire, j’étais dans le coma.
;ROLLO.
:Je t’ai demandé pardon.
;VERONIQUE.
:On m’a guérie. De lui aussi. Je l’ai oublié. Complètement.Totalement. Quand il est venu me voir à la clinique, je ne l’ai pas reconnu.
;ROLLO
://(sur un ton plein de sous-entendus)//. Ab ! là là !
;VÉRONIQUE.
:Quoi ?
;ROLLO.
:J’en ai déjà trop dit.
;VERONIQUE
://(agacée)//.Tu te parles à toi-même, tu vas devenir fou.
;ROLLO
://(facétieux)//. Rien à craindre, je ne m’écoute pas !
;VÉRONIQUE.
:Je suis restée dix ans sans le revoir. C’est Noël qui me l’a amené à déjeuner, trois mois après notre mariage.
;Edith
://(profondément)//. Très jolie histoire. Et qui vous fait honneur.
;ROLLO.
:À moi aussi.
;ÉDITH.
:Tu avais de l’orgueil en ce temps-là.
;VERONIQUE.
:Nous l’appelions Léon l’indomptable.
;ROLLO
://(en dérision de soi-même)//. L’indomptable !
;ÉDITH
://(vivement)//. Il n’est pas encore dompté. //(Prenant la main de Rollo.)// Enfin, pas tout à fait.
;VÉRONIQUE.
:Vous êtes adorable. Et je vous en veux un peu. A cause de vous, il ne m aura pas regrettée.
;ÉDITH
://(durement, pour Rollo)//. Je vous jure que si !
!!!!!!Extrait tire de : Patate, Paris, t.avant -scène théâtre, n 178,1958. © Éditions de La Table Ronde, 1157
!Psychothérapie d'une pendule//
^^Roland Dubillard^^//
;UN
:Je suis une pendule.
;DEUX
:Je le vois bien.
:{{gray small{(temps)}}}
:Ca me semble normal, d'être une pendule, pour une pendule.
:De quoi vous plaignez-vous ?
;UN
:Je ne suis pas comme les autres.
:{{gray small{(temps)}}}
:Je suis peut-être une pendule comme les autres,
:{{gray small{(en perdition)}}} mais mes aiguilles tournent en sens inverse de celui des aiguilles d'une montre.
;DEUX
:{{gray small{(regard sévère)}}} C'est une impression que vous avez.
;UN
:Oui. Depuis longtemps. C'est pour cela que j'ai pensé que la psychanalyse me ferait du bien.
:{{gray small{(sourire)}}}
:On m'a dit que c'était un peu votre spécialité.
;DEUX
:{{gray small{(docte)}}} C'est une de mes deux spécialités, en effet. Je soigne surtout les schizophrènes, mais je soigne aussi les pendules.
:{{gray small{(S'installe dans sa posture de consultante)}}}
:Ainsi, vous avez "__l'impression__" que vos aiguilles tournent dans le mauvais sens.
;UN
:{{gray small{(inquiète)}}} Depuis longtemps, oui, mais maintenant c'est plus qu'une impression : je sais que c'est vrai.
:{{gray small{(tragique)}}} Depuis que je me suis regardée dans la glace. Tic tac tic tac tic tac…
;DEUX
:{{gray small{(sèchement)}}} Ne dites pas tic tac.
:{{gray small{(doucement)}}} Vous croyez que je ne vous crois pas, quand vous me dites que vous êtes une pendule ?
:{{gray small{(très gentiment)}}} Mais vous êtes une pendule.
:/Je vous vois, là, devant moi, et qu'est-ce que je vois ? -une __pendule__.
:{{gray small{(temps)}}} Ca vous arrive quelquefois, ça ? De vous demander : voyons, et si je n'étais pas une pendule, au fond ? ...
;UN
:{{gray small{(comme le hoquet)}}} Tic tac tic tac tic tac… Non, Ca, ça ne m'arrive jamais. Tic tac…
;DEUX
:{{gray small{(sévèrement)}}} Arrêtez-vous.
;UN
:{{gray small{(impuissance tragique)}}} Je ne m'arrête jamais.
;DEUX
:{{gray small{(très doucement)}}} Réfléchissez. Ca ne vous arrive pas, ça ?
:d'avoir la tentation de vous arrêter ?
:{{gray small{(temps)}}} Oh… pas longtemps : n'est-ce pas,
:{{gray small{(temps)}}} on ne remarquerait rien…
;UN
:Non, pas vraiment.
:{{gray small{(tristement)}}} Mais si je continue, je crois bien que ça m'arrivera,
:{{gray small{(au bord des larmes)}}} oui, comme ça, malgré moi…
;DEUX
:{{gray small{(très gentiment)}}} Pleurez, pleurez, ça vous soulagera.
:{{gray small{(temps : UN sèche ses larmes)}}}
:{{gray small{(professionnelle)}}} Y a-t-il d'autres pendules dans votre famille ?
;UN
:Bien sûr. Il y en a deux. Dans mon salon.
:{{gray small{(elle se trouble)}}} Enfin je dis "mon salon".
:{{gray small{(rationnelle, reprenat toute son assurance)}}} D'ailleurs, comment je le saurais, que mes aiguilles tournent dans le mauvais sens, si je n'avais pas d'autres pendules pour me comparer.
;DEUX
:C'est tout à fait juste, en effet.
:Bien.
:{{gray small{(professionnelle)}}} Et, en dehors des moments où vous vous regardez dans la glace, vous n'éprouvez pas ce sentiment de marcher à l'envers par rapport aux autres pendules.
:Ou si ?
;UN
:Non.
:{{gray small{(dramatique)}}} Mais je vois bien que les gens qui veulent savoir l'heure ne me regardent pas.
:Ils préfèrent regarder les autres pendules.
;DEUX
:Bien.
:{{gray small{(sourire)}}} Vous voyez que vous pouvez fort bien ne pas dire tic tac, quand ça vous plaît.
:{{gray small{(professionnelle)}}} -Est-ce que vous sonnez quelquefois ?
;UN
:{{gray small{(effrayée)}}} Non. Je n'ose pas. J'aurais trop honte.
:{{gray small{(temps)}}}
:{{gray small{(timidement)}}} -Peut-être que je ne m'en aperçois pas.
;DEUX
:{{gray small{(encourageante)}}} Et vos deux petites amies, dans le salon, elles ne sonnent pas non plus ?
;UN
:{{gray small{(temps d'hésitation)}}}
:Non…
:{{gray small{(timidement)}}} peut-être que je ne m'en aperçois pas.
:Peut-être que je suis une pendule sourde…
;DEUX
:Si vous étiez sourde…
:je ne ...
:je ne…
:{{gray small{(encourageante)}}} Dites-le…
;UN
:{{gray small{(sourire timide)}}} Vous ne m'entendriez pas…
;DEUX
:{{gray small{(temps)}}} Vous n'avez jamais très confiance en vous, hein ?
;UN
:Tic tac tic tac…
;DEUX
:Vous pouvez fumer, si vous voulez.
;UN
:Je ne fume pas.
;DEUX
:Les pendules fument, pourtant… Non ? … Voyons, dans votre enfance, vous a-t-on reproché d'avancer ; je veux dire : d'aller trop vite ? Dans le sens normal, n'est-ce pas, mais trop vite.
;UN
:Rappelle pas.
:Mais je me souviens d'avoir rêvé que c'était moi qui tournais, tandis que mes aiguilles restaient immobiles. Je tournais autour de leur axe, comme une roue, et alors, là, oui, j'avançais, mais pas dans le temps : dans l'espace, sur une route en pente.
:L'accélération, vous savez, la vitesse que je prenais sur cette pente dont je ne voyais pas le terme, -oh la la ! cette pente de plus en plus raide, une pente en vrille, en entonnoir, - oh la la! cette vitesse, quel vertige !
:Un vertige tellement intense que je me réveillais en sonnant de toutes mes forces.
:Ou plutôt en rêvant que j'avais sonné de toutes mes forces, comme un réveille-matin.
;DEUX
:A quoi vous fait penser ce gouffre qui vous entraîne, contre lequel vous voudriez bien résister, mais sans en avoir les forces… hein ? A quoi… Dites...
;UN
:Tic tac tic tac…
;DEUX
:Ne dites pas tic tac… A quoi ça vous fait penser ? Vous ne voyez pas ?.... Le Temps ! Le Temps irréversible ! Le temps qui tourne en s'enfonçant comme une vrille, et comment s'enfoncent les vrilles ? En tournant, et en tournant dans quel sens ? Le sens des aiguilles d'une montre ! -mais n'allons pas trop vite. Secouez-vous un peu. Dites tic tac. Eh bien, eh bien, vous voyez bien que vous vous arrêtez, quelquefois. Vous êtes arrêtée. Allons, allons, un petit effort... tic tac !...
;UN
:Tic tac…
;DEUX
:Voilà. Dites-moi, en venant me voir, vous espérez bien obtenir un résultat, n'est-ce pas ?
;UN
:Oui : que mes aiguilles tournent dans le bon sens…
;DEUX
:Soit. Et à votre avis, au cas où nous obtiendrons ce résultat quel sentiment cela vous causerait-il ?
;UN
:Un sentiment de soulagement. Car je me sens coupable d'indiquer l'heure qu'il ne faut pas, l'heure qu'il n'est plus…. Et depuis le temps que ça dure, c'est l'heure qu'il était il y a plus de deux siècles que j'indique en ce moment. Pensez : une pendule Louis XV... Ca ne me rajeunit pas.
:Bien sûr, je ne devrais pas me sentir responsable de cette perversion qui fait tourner mes aiguilles en direction du passé.
:Mais j'en ai honte comme si je le faisais exprès, je vous jure. Oui, je pense que je le fais exprès, par méchanceté, par un désir de vengeance à l'égard de je ne sais qui.
:Oh, il y a des fois, je voudrais m'arrêter pour de bon. Seulement, quand je m'arrête, je me sens abandonnée, bonne pour la ferraille. Ma vie n'a plus de raison d'être. Catatonique, en quelque sorte. Heureusement, il se trouve toujours une clef qui me remonte, qui me rend du ressort, avant que vienne la rouille
;DEUX
:N'éprouvez-vous pas le sentiment d'accomplir une fonction qui vous justifie ?
;UN
:Si, bien sûr, j'indique l'heure ; à l'envers, mais je l'indique. Et même, à minuit et à midi, je l'indique exactement. Midi, minuit, c'est le seul point commun que j'ai avec les autres pendules du salon.
;DEUX
:Ces pendules, dans le salon, est-ce comme vous-même que vous les regardez, c’est-à-dire dans la glace ?
;UN
:Non. Elles sont sur la cheminée, en face de moi. La glace, elles lui tournent le dos.
;DEUX
:Et vous ?
;UN
:Moi, je suis dans la glace, derrière les autres très loin, sur mon buffet Louis XV.
;DEUX
:Et vous voyez vos aiguilles tourner à l'inverse des leurs…
;UN
:Oui.
;DEUX
:Quelle heure est-il ?
;UN
:Tic tac tic tac… Midi moins vingt.
;DEUX
:Moi je n'ai qu'à regarder votre cadran pour y lire qu'il est midi vingt. Nous verrons ça la semaine prochaine. Non, non, vous me paierez quand vous voudrez.
;UN
:Il me semble que je vais déjà mieux. Tic tac tic tac…
;DEUX
:C'est ça : tic tac, je vous raccompagne.
;UN
:Au revoir, docteur, tic tac
;DEUX
:Tic tac tic tac.
:Ouf. Ce que j'en ai assez, de ces malades ! Ils m'énervent ! On dirait qu'il n'y a qu'eux qui comptent ! Et moi, alors ? Est-ce que je vais chez le spychiatre, moi ? Car, à la fin, moi aussi, je suis une pendule ! Et je ne demande rien à personne !
!!!!!!FIN
<<storyViewer 'CÉCILE OU L’ÉCOLE DES PÈRES'>>
!Cécile ou l'École des pères
!!!!//Jean Anhouil//
<<<
!!!!PERSONNAGES
MONSIEUR ORLAS
CÉCILE, sa fille
ARAMINTHE, gouvernante de Cécile
LE CHEVALIER
monsieur damiens, père d’Araminthe
VALETS, SPADASSINS
La pièce a été créée à la Comédie des Champs-Elysées en décembre 1957, dans une mise en scène de Jean Anouilh et Roland Piétri, et des décors de Jean-Denis Malclès.
© La Table Ronde, 1951.
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<<storyViewer 'CÉCILE OU L’ÉCOLE DES PÈRES'>>
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[img(25%,)[http://mamietitine.m.a.pic.centerblog.net/3b4cdacb6ef07dabe7480c13500ea49e.jpg][http-marieetfabinou-publicoton-fr.publicoton.fr/petite-brunette-607240]]
!Petite brunette
!!!!!!//Jacques Madeleine (1859- ? )//
Furtive , hésitante, à l'orée
De la forêt , chère adorée,
Dites-le-moi, que cherchez-vous ,
Petite brunette aux yeux doux ?
Est-ce le frisson du mystère
Tendre à mourir , et qu'il faut taire ?
Et n'avez-vous pas peur des loups ,
Petite brunette aux yeux doux ?
Au bruit de mes pas , votre bouche,
Se crispe , d'un grand air farouche,
Et votre oeil flambe de courroux .
Petite brunette aux yeux doux !
Ah ! quand tout aime et que tout chante,
Pourquoi faites-vous la méchante
Et pourquoi me repoussez-vous ;
Petite brunette aux yeux doux ?
Le Dieu charmant qui veut qu'on aime ,
Est dans les bois : il a mis même
Des fleurs sur les branches de houx .
Petite brunette aux yeux doux ?
Oyez cela ! dans les venelles,
De ces idylles éternelles
Les oiseaux piaillent , font les fous,
Petite brunette aux yeux doux ?
La forêt est toute en extase,
Une langueur tendre l'embrase ,
Elle soupire à tous les coups ,
Petite brunette aux yeux doux ?
Et si d'autres sous les ramures
Mangent des fraises ou des mûres,
Ils ne feront que comme nous ;
Petite brunette aux yeux doux !
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!!!SCÈNE V<br>Phèdre, Hippolyte, Oenone.
!!!!!PHÈDRE, à Oenone.
:Le voici. Vers mon coeur tout mon sang se retire.
:J'oublie, en le voyant, ce que je viens lui dire.
!!!!!OENONE.
:Souvenez-vous d'un fils qui n'espère qu'en vous.
!!!!!PHÈDRE.
:On dit qu'un prompt départ vous éloigne de nous,Seigneur.
:À vos douleurs je viens joindre mes larmes.
:Je vous viens pour un fils expliquer mes alarmes.
:Mon fils n'a plus de père, et le jour n'est pas loin
:Qui de ma mort encor doit le rendre témoin.
:Déjà mille ennemis attaquent son enfance,
:Vous seul pouvez contre eux embrasser sa défense.
:Mais un secret remords agite mes esprits :
:Je crains d'avoir fermé votre oreille à ses cris.
:Je tremble que sur lui votre juste colère
:Ne poursuive bientôt une odieuse mère.
!!!!!HIPPOLYTE.
:Madame, je n'ai point des sentiments si bas.
!!!!!PHÈDRE.
:Quand vous me haïriez je ne m'en plaindrais pas,
:Seigneur. Vous m'avez vue attachée à vous nuire :
:Dans le fond de mon coeur vous ne pouviez pas lire.
:À votre inimitié j'ai pris soin de m'offrir.
:Aux bords que j'habitais je n'ai pu vous souffrir.
:En public, en secret contre vous déclarée,
:J'ai voulu par des mers en être séparée.
:J'ai même défendu par une expresse loi
:Qu'on osât prononcer votre nom devant moi.
:Si pourtant à l'offense on mesure la peine,
:Si la haine peut seule attirer votre haine,
:Jamais femme ne fut plus digne de pitié,
:Et moins digne, Seigneur, de votre inimitié.
!!!!!HIPPOLYTE.
:Des droits de ses enfants une mère jalouse
:Pardonne rarement au fils d'une autre épouse.
:Madame, je le sais. Les soupçons importuns
:Sont d'un second hymen les fruits les plus communs.
:Toute autre aurait pour moi pris les mêmes ombrages,
:Et j'en aurais peut-être essuyé plus d'outrages.
!!!!!PHÈDRE.
:Ah, Seigneur ! que le ciel, j'ose ici l'attester,
:De cette loi commune a voulu m'excepter !
:Qu'un soin bien différent me trouble, et me dévore !
!!!!!HIPPOLYTE.
:Madame, il n'est pas temps de vous troubler encore.
:Peut-être votre époux voit encore le jour.
:Le ciel peut à nos pleurs accorder son retour.
:Neptune le protège, et ce dieu tutélaire
:Ne sera pas en vain imploré par mon père.
!!!!!PHÈDRE.
:On ne voit point deux fois le rivage des morts,
:Seigneur. Puisque Thésée a vu les sombres bords,
:En vain vous espérez qu'un dieu vous le renvoie,
:Et l'avare Achéron ne lâche point sa proie.
:Que dis-je ? Il n'est point mort, puisqu'il respire en vous.
:Toujours devant mes yeux je crois voir mon époux.
:Je le vois, je lui parle, et mon coeur... Je m'égare,
:Seigneur, ma folle ardeur malgré moi se déclare.
!!!!!HIPPOLYTE.
:Je vois de votre amour l'effet prodigieux.
:Tout mort qu'il est, Thésée est présent à vos yeux.
:Toujours de son amour votre âme est embrasée.
!!!!!PHÈDRE.
:Oui, Prince, je languis, je brûle pour Thésée.
:Je l'aime, non point tel que l'ont vu les Enfers,
:Volage adorateur de mille objets divers,
:Qui va du dieu des morts déshonorer la couche ;
:Mais fidèle, mais fier, et même un peu farouche,
:Charmant, jeune, traînant tous les coeurs après soi,
:Tel qu'on dépeint nos dieux, ou tel que je vous vois.
:Il avait votre port, vos yeux, votre langage.
:Cette noble pudeur colorait son visage,
:Lorsque de notre Crète il traversa les flots,
:Digne sujet des voeux des filles de Minos.
:Que faisiez-vous alors ? Pourquoi sans Hippolyte
:Des héros de la Grèce assembla-t-il l'élite ?
:Pourquoi trop jeune encor ne pûtes-vous alors
:Entrer dans le vaisseau qui le mit sur nos bords ?
:Par vous aurait péri le monstre de la Crète
:Malgré tous les détours de sa vaste retraite.
:Pour en développer l'embarras incertain
:Ma soeur du fil fatal eût armé votre main.
:Mais non, dans ce dessein je l'aurais devancée.
:L'amour m'en eût d'abord inspiré la pensée.
:C'est moi, Prince, c'est moi dont l'utile secours
:Vous eût du Labyrinthe enseigné les détours.
:Que de soins m'eût coûtés cette tête charmante !
:Un fil n'eût point assez rassuré votre amante.
:Compagne du péril qu'il vous fallait chercher,
:Moi-même devant vous j'aurais voulu marcher,
:Et Phèdre au Labyrinthe avec vous descendue,
:Se serait avec vous retrouvée, ou perdue.
!!!!!HIPPOLYTE.
:Dieux ! Qu'est-ce que j'entends ? Madame, oubliez-vous
:Que Thésée est mon père, et qu'il est votre époux ?
!!!!!PHÈDRE.
:Et sur quoi jugez-vous que j'en perds la mémoire,
:Prince ? Aurais-je perdu tout le soin de ma gloire ?
!!!!!HIPPOLYTE.
:Madame, pardonnez. J'avoue en rougissant,
:Que j'accusais à tort un discours innocent.
:Ma honte ne peut plus soutenir votre vue.Et je vais...
!!!!!PHÈDRE.
:Ah ! cruel, tu m'as trop entendue.
:Je t'en ai dit assez pour te tirer d'erreur.
:Hé bien, connais donc Phèdre et toute sa fureur.
:J'aime. Ne pense pas qu'au moment que je t'aime,
:Innocente à mes yeux je m'approuve moi-même,
:Ni que du fol amour qui trouble ma raison
:Ma lâche complaisance ait nourri le poison.
:Objet infortuné des vengeances célestes,
:Je m'abhorre encor plus que tu ne me détestes.
:Les dieux m'en sont témoins, ces dieux qui dans mon flanc
:Ont allumé le feu fatal à tout mon sang,
:Ces dieux qui se sont fait une gloire cruelle
:De séduire le coeur d'une faible mortelle.
:Toi-même en ton esprit rappelle le passé.
:C'est peu de t'avoir fui, cruel, je t'ai chassé.
:J'ai voulu te paraître odieuse, inhumaine.
:Pour mieux te résister, j'ai recherché ta haine.
:De quoi m'ont profité mes inutiles soins ?
:Tu me haïssais plus, je ne t'aimais pas moins.
:Tes malheurs te prêtaient encor de nouveaux charmes.
:J'ai langui, j'ai séché, dans les feux, dans les larmes.
:Il suffit de tes yeux pour t'en persuader,
:Si tes yeux un moment pouvaient me regarder.
:Que dis-je ? Cet aveu que je te viens de faire,
:Cet aveu si honteux, le crois-tu volontaire ?
:Tremblante pour un fils que je n'osais trahir,
:Je te venais prier de ne le point haïr.
:Faibles projets d'un coeur trop plein de ce qu'il aime !
:Hélas ! je ne t'ai pu parler que de toi-même.
:Venge-toi, punis-moi d'un odieux amour.
:Digne fils du héros qui t'a donné le jour,
:Délivre l'univers d'un monstre qui t'irrite.
:La veuve de Thésée ose aimer Hippolyte ?
:Crois-moi, ce monstre affreux ne doit point t'échapper.
:Voilà mon coeur. C'est là que ta main doit frapper.
:Impatient déjà d'expier son offense
:Au devant de ton bras je le sens qui s'avance.
:Frappe. Ou si tu le crois indigne de tes coups,
:Si ta haine m'envie un supplice si doux,
:Ou si d'un sang trop vil ta main serait trempée,
:Au défaut de ton bras prête moi ton épée.
:Donne.
!!!!!OENONE.
:Que faites-vous, Madame ? Justes dieux !
:Mais on vient. Évitez des témoins odieux,
:Venez, rentrez, fuyez une honte certaine.
<<list filter '[tag[PierreDac]]'>>
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!Plaisir d'amour
!!!!!!//Jean-Pierre Claris de FLORIAN (1755-1794)//
Plaisir d'amour ne dure qu'un moment,
Chagrin d'amour dure toute la vie.
J'ai tout quitté pour l'ingrate Sylvie,
Elle me quitte et prend un autre amant.
Plaisir d'amour ne dure qu'un moment,
Chagrin d'amour dure toute la vie.
Tant que cette eau coulera doucement
Vers ce ruisseau qui borde la prairie,
Je t'aimerai, me répétait Sylvie ;
L'eau coule encor, elle a changé pourtant !
Plaisir d'amour ne dure qu'un moment,
Chagrin d'amour dure toute la vie.
}}}
!Plantons le mai
{{center{
!!!!!!//Baïf//
|dit|[[Jean]] le 4/3/2016|
Couchés dessus l’herbage vert
D’ombrages frais encourtinés,
Ecoutons le ramage du rossignolet.
Là rien qu’amour ne nous dirons,
Là rien ne chanterons qu’amour.
Dedans ce peinturé préau
Les fleurs levant le chef en haut
Se présentent à faire chapeaux et bouquet ;
Plantons le mai en ce joli mois de mai.
Le ruisselet y bruit et fuit
Nous conviant au doux repos.
Les abeilles y vont voletant, fleuretant ;
Vois à quoi ce bois vert et droit
De noueuse accolade accolé nous semons.
La tourterelle bec à bec
Sans nulle crainte, nous présents,
Frétillante de l’aile, se rie en amour ;
Plantons le mai en ce joli mois de mai.
Les oisillons joints deux à deux
Font leur couvée au nid commun.
Et du jeu de l’amour ne troublons les ébats ;
La terre gaye épand le sein
Au doux germe qui lui vient
Du ciel amoureux qui sur elle se fond.
L’air rit serein, l’eau nette y rit,
Là donc d’amoureuse liesse rions ;
Plantons le mai en ce joli mois de mai.
}}}
/%
|exercice|groupe émotion attitude|
|niveau|170 Début|
%/
!!Poses expressives
//Tenir sans paroles au moins 10 secondes//
#Mélancolie
#Attente d'une triste nouvelle
#Attente d'une heureuse nouvelle
#Extase suave
#Souvenir d'un évènement terrible
#Souvenir de biens perdus
#Apparition non désirée
#Apparition heureuse
#Réveil après un doux sommeil
#Réveil après un sommeil effrayant
#Demi-sommeil et peur soudaine
/%
|exercice|groupe déplacement lignes|
|niveau|200 Moins facile|
%/
!Postures
//Exercice théatral sur les postures//
Cet exercice consiste à bloquer une ou plusieurs articulations du corps au cours d'une marche.
Nos attitudes se traduisent souvent par des tensions du corps : rigidité de certaines articulations.
En tentant de bloquer volontairement telle ou telle articulation, on retrouvez des postures observées chez vos voisins, ou proches.
;Objectifs
• Prise de conscience des blocages
• Capacité d'imitation
• Expression par le corps
;Déroulement
Le groupe est divisé en deux parts égales qui se placent face à face sur l'aire de travail. Les deux moitiés de groupe doivent être distantes d'environ 7 mètres.
!!!!Phase 1 : Frankenstein
Chacun doit tenter de faire 3 pas en imitant la démarche et la posture du monstre de Frankenstein.
* Les genoux sont bloqués en position droite (non pliés), ce sont les hanches qui doivent pivoter pour balancer les pieds vers l'avant.
* Les articulations des pieds sont bloquées dans leurs mouvements latéraux, ils ne peuvent que s'incliner de haut en bas mais ne peuvent pas bouger de gauche à droite.
* Les épaules, le cou et les bras sont bloqués.
Le meneur propose à chaque membre de faire au moins 3 tentatives, chacun revenant à sa position initiale entre chaque tentative.
Les deux groupes étant face à face, cela permet à chacun de s'inspirer des idées ou des réussites des autres participants.
!!!!Phase 2 : Le plongeur
Le but de cette exercice consiste à imiter un plongeur équipé de palmes lorsqu'il marche sur le sable. Les chevilles sont gérées de façon à maintenir en permanence les deux pieds à l'horizontal. Pour éviter que le bout de la palme ne frotte sur le sol, les genoux sont levés assez haut à chaque pas.
L'exercice est répété jusqu'à ce que l'un des participants retrouve une démarche évoquant de façon crédible ce type de marche. Les autres participants sont alors invités à s'inspirer de sa performance.
L'exercice prend fin lorsque les participants sont parvenus à gérer correctement leurs chevilles.
!!!!Phase 3 : La poule
Les participants placent leurs mains dans leur dos, au niveau du haut des fesses. Une main peut saisir l'autre afin de d'immobiliser entièrement les bras et les épaules.
La marche de la poule se fait en levant les genoux assez haut et en balançant la tête d'avant en arrière à chaque pas. La tête oscille en restant parfaitement verticale (le menton reste levé). Le dos est cambré, les hanches sont bloquées, ce sont les genoux qui assurent le mouvement.
Comme pour les exercices précédents, les participants observent ce que font les autres et s'inspirent de celui qui réussit le mieux l'exercice.
L'exercice prend fin lorsque le meneur estime que tous les participants sont parvenus à gérer correctement le mouvement.
!!!!Phase 4 : Festival de marches
Les participants forment un cercle de marche (les uns derrière les autres) en laissant au moins un mètre de distance entre chacun.
Chaque type de marche est pratiqué au minimum 30 secondes :
• ''Pieds sur les fesses'' : à chaque pas, le pied remonte vers l'arrière et vient frapper le bas de la fesse.
• ''Chevilles bloquées'' : les chevilles ne pouvant plus s'articuler, les participants marchent en déplaçant leur buste afin de garder l'équilibre.
• ''Le singe'' : les bras sont complètement relâchés et se balancent fortement d'avant en arrière, au rythme de la marche, les genoux restent légèrement pliés et tournés vers l'extérieur (les jambes sont donc arquées). Les épaules sont inclinées vers l'avant mais restent relâchées. Le dos est légèrement voûté, la tête un peu rentrée dans les épaules.
• ''La marche martiale'' : Comme pour le singe, les bras se balancent fortement d'avant en arrière, mais cette fois le dos est parfaitement droit, les épaules et la nuque totalement bloqués. Les genoux se lèvent très haut et marquent un légère pose en l'air avant que le pied ne se repose par terre. Les mains sont tenus à plat (tous les doigts se touchent) et fendent l'air d'avant en arrière.
Variante : Le bras gauche est tendu le long du corps tandis que le bras droit est plié à 90?, comme s'il tenait un bâton de parade ou un fusil.
• ''Le déménageur'' : les épaules restent en avant, mais elles sont fortement balancés d'avant en arrière (par une rotation du buste), au rythme de la marche. Les bras sont repliés à 90?. Les jambes sont légèrement arquées, le buste incliné vers l'avant. La nuque est raide, légèrement en arrière.
• ''Aldo sur la plage'' Aldo Maccione : c'est une caricature de la marche du déménageur : les épaules sont bloquées, le buste est penché en avant, les avant-bras légèrement remontés, les genoux restent toujours légèrement pliés et la marche se fait de façon latérale (comme un crabe) avec les jambes croisées. Le ventre est rentré, les muscles du torse contractés et les poings à demi-serrés. Les dents sont serrées.
•'' Travolta dans le film "Grease"'' : A chaque pas, on donne une impulsion brève mais très vive sur le pied en appui. Le talon ne se pose qu'une fraction de seconde au sol et on reste comme suspendu sur la pointe du pied en appui pendant que l'autre jambe avance. Les genoux remontent un peu plus que la normale. Le buste, les bras, les mains et le cou sont totalement relâchés, décontractés et bougent donc au rythme des secousses provoquées par l'impulsion du pied en appui. On peut éventuellement bloquer une main dans une poche (mais elle restera molle est détendue) et faire semblant de mâcher du chewing-gum pour accentuer la caricature.
• ''Le bossu'': l'une des épaules est baissée à l'extrême et tournée vers l'avant, avec le bras ballant, relâché. L'autre épaule est remontée et tendue vers l'arrière, avec le bras replié et la main pendante. Le buste est incliné vers l'avant. Les pieds et les genoux sont fortement tournés vers l'intérieur. La tête est inclinée sur le côté et vers l'avant, la bouche est tordue est légèrement entre-ouverte. La marche se fait à petit pas, l'un des pied traîne au sol, comme s'il était paralysé.
!Pour faire le portrait d'un oiseau
Peindre d'abord une cage
avec une porte ouverte
peindre ensuite
quelque chose de joli
quelque chose de simple
quelque chose de beau
quelque chose d'utile
pour l'oiseau
Placer ensuite la toile contre un arbre
dans un jardin
dans un bois
ou dans une forêt
se cacher derrière l'arbre
sans rien dire
sans bouger...
Parfois l'oiseau arrive vite
mais il peut aussi bien mettre de longues années
avant de se décider
Ne pas se décourager
attendre
attendre s'il le faut pendant des années
la vitesse ou la lenteur de l'arrivée
de l'oiseau n'ayant aucun rapport
avec la réussite du tableau
Quand l'oiseau arrive
s'il arrive
observer le plus profond silence
attendre que l'oiseau entre dans la cage
et quand il est entré
fermer doucement la porte avec le pinceau
puis
effacer un à un les barreaux
et ayant soin de ne toucher aucune des plumes
del'oiseau
faire ensuite le portrait de l'arbre
en choisissant la plus belle de ses branches
pour l'oiseau
peindre aussi le vert feuillage et la fraîcheur du vent
la poussière du soleil
et le bruit des bêtes de l'herbe dans la chaleur de l'été
et puis attendre que l'oiseau se décide à chanter
Si l'oiseau ne chante pas
c'est mauvais signe
mais s'il chante c'est bon signe
signe que vous pouvez signer
alors vous arrachez tout doucement
une des plumes de l'oiseau
et vous écrivez votre nom dans un coin du tableau.
<<gradient vert #fffbf2>>{{homeTitle center{Pour se contacter}}}
{{center{
+++*[Téléphones]
<<tiddler [[Téléphones]]>>
=== +++*[emails]
<<tiddler [[emails]]>>
=== +++*[Absences annoncées]
<<tiddler [[Absences]]>>
===
}}}
>>
!Pour toi mon amour
{{center{
[img[http://cmilbergue.wifeo.com/images/l/loi/L-oiseau-de-Prevert-maxi.jpg]]
Je suis allé au marché aux oiseaux
Et j’ai acheté des oiseaux
Pour toi
Mon amour
Je suis allé au marché aux fleurs
Et j’ai acheté des fleurs
Pour toi
Mon amour
Je suis allé au marché à la ferraille
Et j’ai acheté des chaînes
De lourdes chaînes
Pour toi
Mon amour
Et puis je suis allé au marché aux esclaves
Et je t’ai cherchée
Mais je ne t’ai pas trouvée
Mon amour
[img[http://www.mespetitsbonheurs.com/wp-content/uploads/2008/05/jacques-prevert-caricature.jpg]]
}}}
!Pour un oui ou pour un non
{{center{
!!!!Nathalie Sarraute
}}}
+++^90%^*[Pour un oui ou pour un non]
La pièce, enregistrée pour Radio-France, est diffusée le 13 décembre 1981. La création fançaise a lieu le 17 février 1986 au Théâtre du Rond-Point dans une mise en scène de Simone Benmussa. Cette sixième pièce de Nathalie Sarraute est à la fois brève et dense, drôle et acérée. Il s’agit d’un affrontement entre deux amis, que l’on observe comme une expérience. H. 1 demande une explication au refroidissement de leur relation à H. 2, qui ait par avouer que c’est une façon de dire : « C’est bien ça », alors qu’il se vantait d’un petit succès, qui a tout déclenché : « [I]ly avait entre “C’est bien”et“ça”un intervalle plus grand : “C’est biiien... ça. ..”Un accent mis sur “bien”... un étirement : “biiien...”et un suspens avant que “ça”arrive... » Nathalie Sarraute saisit les courants souterrains qui accompagnent les émotions et les échanges, ce quelle appelle les tropismes, oici la fin de la pièce et du combat...
=== +++^90%^*[Commentaire]
Ils n’en sont pas venus aux mains. Les armes sont les mots et ce qui se faufile entre eux le temps d’une respiration, d’une hésitation, d’un changement de ton : minuscules cataclysmes. 11.1 continue à pousser H. 2 dans ses retranchements, « je veux toujours comprendre... » mais H. 2 esquive et refuse d’entrer dans le jeu ou de rester dans le cercle. Il rejette l’aura du conte qui ferait de lui un artiste isolé dans une « petite cabane dans la forêt » et le statut de poète qui pourrait être « récupéré ». La tirade exacerbe l’opposition entre « fjje » et « [vjous » et multiplie les exemples de phrases condescendantes. H. 2 radicalise sa position en s’autodétruisant. « Rien à vous mettre sous la dent », pas même du plomb. Le constat cruel arrive. H. 1,1e positif, qui commence la plupart de ses phrases par « [o]ui », essaie une définition ; les points de suspension marquent l’effort d’expression. Lui qui est « [sjolidc » se trouve pris dans des « sables mouvants ». Et H. 2, le tourmenté, à son tour se plaint d’être enfermé par H. 1, « partout des compartiments, des cloisons, des étages... », au point d’en perdre la vie. La conclusion est presque farcesque ; pour se séparer il faut, ensemble, se soumettre à un procès digne de celui de Kafka, avec vocabulaire approprié, qui risque de les désigner à tout jamais comme ceux qui « peuvent rompre pour un oui ou pour un non ». Le bouclage final est quasi musical : « H. 1 : Oui. / H. 2 : Non ! »
=== +++^90%^*[Du texte à la scène Jacques LASSALLE]
Une chambrette aux murs blancs. Une fenêtre d'angle donne sur une cour intérieure. Je songeais à ces hôtels de la rive gauche d’après guerre pour intellectuels «précaires » : Arthur Adaniov, Emil Cioran, etc. En ce lieu-tanière chichement meublé, H. 2 remâche sa rancœur. H. 1 a accueilli son projet d’une tournée de conférences à l'étranger par un distrait : « C'est bien... (u ! » Il y a vu l'expression d'une insupportable condescendance. Depuis, il se terre. Cela se révèle lorsque H. 1, inquiet de son silence, vient aux nouvelles.
Je vois II. 2 comme un Job d'aujourd’hui. Revendiquant sa misère, il prend plaisir à gratter ses plaies, refuse tout compromis. Son ambition suprême est le rien. A H. 1, au contraire, tout a réussi. La pièce, écrite au début des années 1980, évoque par lui le temps des golden boys, du capitalisme triomphant. La chute du mur de Berlin est proche. H. 1 semble suradapté à l'économie de marché, tel un patron américain chez Vinaver. Tout au long, H. 1 a cherché à comprendre les raisons du comportement de H. 2. Le malentendu s'est creusé. La réconciliation est impossible.
Dernière scène : H. 1 et H. 2 sont exténués par la dispute à laquelle ils se livrent depuis plus d’une heure. Tour à tour, ils s'affrontent dans un fauteuil bas au centre du plateau. L’un s'y fclolonne, l’autre, autour de lui, se démène. Il.l (Jean-Damien Barbin) joue sec, métallisé \i’ii texte. H. 2 (Hugues Quester) le vibre, le ui/ive, le dilate. Ils ne font l’économie d’aucune i iulence verbale, voire physique, sur le mode illlernéde l’adagio et de l’accelerando. De loin en loin, on entend des accords du You Must llclieve in Spring (BillEvans).
Nathalie Sarraute a longtemps résisté à la tentation du théâtre. Elle s'en explique dans 1 ,e Gant retourné, paru quinze ans avant Pour un oui ou pour un non. Elle doutait de pouvoir imposer comme dialogue échangé sur u eue ce qui n’était dans ses romans qu'une sorte ih1 prédialogue cherchant ses mots et sa substance inus la surface des conversations ordinaires, dans l'entrechoc de tropismes et de pulsions informulables. Elle écrit ses premières pièces à la demande de la radio allemande. Celles-ci 111 mirent quasi exclusivement à des prédialogues captés à letat naissant, incertains, menacés, arrachés au silence, à la nuit, au temps non mesurable de nos grands fonds intérieurs. Ces pièces renoncent à tout usage traditionnel des not ions de personnages (seuls des H. et des F. numérotés) ; d'action (seule une suite de pulsions enfouies au plus profond de nos Amazonies intérieures) ; de lieu (rien qu’un espace* mental) ; de temps (l’heure que dure la représentation ou les dixièmes de seconde que dure une chaîne de tropismes ?). En vingt ans, le théâtre de
Nathalie Sarraute évolue. Déjà avec Elle est là, et plus encore avec Pour un oui ou pour un non (sa sixième et dernière pièce achevée), le plaisir, la maîtrise, la plénitude dujeu théâtral s’affirment ; dialogues et prédialogues, dehors et dedans, dessus et dessous nefont plus qu’un, dans l’avènement d’une parole imaginaire totalement réalisée, objectivée, matérialisée, incarnée. Il en va de même des personnages (désormais constitués, clairement individualisés, même si H. 1 et H. 2peuvent apparaître aussi comme les doubles éclatés d'un seul) et de l’action (enfin soumise à une vraie dramaturgie* des situations, dont le montage par séquence assure l’inéluctable progression). On regrette que cette évolution soit encore trop souvent refusée par les tenants d'un intégrisme sarrautien, arc-boutés à la seule profération d’une parole subconsciente, à la seule affirmation d'un théâtre de pur langage.
Fin de la dernière scène : H. 1 et H. 2 sont persuadés qu’il ne reste rien de leur amitié. Curieusement, le caractère irrémédiable de la séparation les rapproche. C’est sans compter avec l'opinion des autres, dont, comme eux, chacun de nous reste prisonnier. L’inavouable doit rester caché. Ils sont condamnés à l'amitié à perpétuité. On ne se sépare pas pour une intonation malheureuse, pour un oui ou pour un non. Victoire définitive du mensonge universel. Ultime ironie d'une implacable lucidité, formulée avec l’élégance d'une moqueuse légèreté.
===
!!!H. 1., H. 2
;H. 1.
:La vie ne vaut plus la peine d’être vécue - c’est ça. C’est exactement ce que je sens quand :ssaie de me mettre à ta place.
;H. 2.
:Qui t’oblige à t’y mettre ?
;H. 1.
:Je ne sais pas... je veux toujours comprendre...
;H. 2.
:C’est ce que je te disais : tu doutes toujours, tu crains qu’il n’y ait là-bas, dans une petite cabane dans la forêt...
;H. 1.
:Non, je veux savoir d’où ça te vient, ce détachement. Surnaturel. Et j’en reviens toujours à ça : il faut que tu te sentes soutenu...
;H. 2.
:Ah Verlaine de nouveau, hein ? les poètes... Eh bien non, je n’en suis pas un... Et si tu veux le savoir, je n'en serai pas un. Jamais. Tu n’auras pas cette chance.
;H. 1.
:Moi ? Cette chance ? Je crois que si tu te révélais comme un vrai poète... il me semble que la chance serait plutôt pour toi.
;H. 2.
:Allons, qu’est-ce que tu racontes ?Tu n’y penses pas... Vous avez même un mot tout prêt pour ça : récupéré. Je serais récupéré. Réintégré. Placé chez vous, là-bas. Plus de guillemets, bien sûr, mais à ma juste place et toujours sous surveillance. « C’est bien... ça » sera encore trop beau quand je viendrai tout pantelant vous présenter... attendre... guetter... « Ah oui ? Vous trouvez ? Oui ? C’est bien ?... Evidemment je ne peux prétendre... avec derrière moi, auprès de moi, tous ces grands... » Vous me tapoterez l’épaule... n’est-ce pas attendrissant ? Vous sourirez... « Ah mais qui sait ? Hein ? Qui peut prédire ?... 11 y a eu des cas... » Non N’y compte pas. Tu peux regarder partout : ouvre mes tiroirs, fouille dans mes placards, tu ne trouveras pas un feuillet... pas une esquisse... pas la plus légère tentative... Rien à voua mettre sous la dent.
;H. 1.
:Dommage. Ç’aurait pu être de l’or pur. Du diamant.
;H. 2.
:Ou même du plomb, n’est-ce pas ? pourvu qu’on voie ce que c’est, pourvu qu’on puisse le classer, le coter... Il faut absolument qu’on sache à quoi s en tenir. Comme ça on est tranquille. Il n’y a plus rien à craindre.
;H. 1.
:A craindre ? Tu reviens encore à ça... A craindre... Oui, peut-être... Peut-être que tu as raison, en fin de compte... c’est vrai qu’auprès de toi j’éprouve parfois comme de l’appréhension...
;H. 2.
:Ah, voilà...
;H. 1.
:Oui... il me semble que là où tu es tout est... je ne sais pas comment dire... inconsistant, fluctuant... des sables mouvants où l’on s’enfonce... je sens que je périls pied... tout autour de moi se met à vaciller, tout va se défaire... il faut que je sorte de là au plus vite... que je me retrouve chez moi où tout est stable. Solide.
;H. 2.
:Tu vois bien... Et moi... eh bien, puisque nous en sommes là... et moi, vois-tu, quand je suis chez toi, c’est comme de la claustrophobie... je suis dans un édifice fermé de tous côtés... partout des compartiments, des cloisons, des étages.. .j’ai envie de m’échapper... mais même quand j’en suis sorti, quand je suis revenu chez moi, j’ai du mal à... à...
;H. 1.
:Oui ? du mal à faire quoi ?
;H. 2.
:Du mal à reprendre vie... parfois encore le lendemain je me sens comme un peu inerte... et autour de moi aussi... il faut du temps pour que ça revienne, pour que je sente ça de nouveau, cette pulsation, un pouls qui se remet à battre... alors tu vois...
;H. 1.
:Oui. Je vois. //(Un silence.)// A quoi bon s’acharner ?
;H. 2.
:Ce serait tellement plus sain...
;H. 1.
:Pour chacun de nous... plus salutaire...
;H. 2.
:La meilleure solution...
;H. 1.
:Mais tu sais bien comment nous sommes. Même toi, tu n’as pas osé le prendre sur ml,
;H. 2.
:Non. J’ai besoin qu’on m’autorise.
;H. 1.
:Et moi donc, tu me connais... //(Un silence.)// Qu’cst-ce que tu crois... si on introduisait mu demande... à nous deux, cette fois... on pourrait peut-être mieux expliquer... on aurait peut-être plus de chances...
;H. 2.
:Non... à quoi bon ? Je peux tout te dire d’avance... Je vois leur air... « Eh bien, de quoi s'agit-il encore ? De quoi ? Qu’est-ce qu’ils racontent ? Quelles taupes ? Quelles pelouses ? Quels sables mouvants ? Quels camps ennemis ? Voyons un peu leurs dossiers... Rien... on a beau chercher... examiner les points d’ordinaire les plus chauds... rien d’autre nulle part que les signes d’une amitié parfaite... »
;H. 1.
:C’est vrai.
;H. 2.
:« Et ils demandent à rompre. Ils ne veulent plus se revoir de leur vie... quelle honte... »
;H. 1.
:Oui, aucun doute possible, aucune hésitation : déboutés tous les deux.
;H. 2.
:« Et même, qu’ils y prennent garde... qu’ils fassent très attention. On sait quelles peines encourent ceux qui ont l’outrecuidance de se permettre ainsi, sans raison... ils seront signalés... on ne s’en approchera qu’avec prudence, avec la plus extrême méfiance... Chacun un saura de quoi ils sont capables, de quoi ils peuvent se rendre coupables : ils peuvent rompre pour un oui ou pour un non. »
;H. 1.
:Pour un oui... ou pour un non ?
://Un silence.//
;H. 2.
:Oui ou non ?...
;H. 1.
:Ce n’est pourtant pas la même chose...
;H. 2.
:En effet : Oui. Ou non.
;H. 1.
:Oui.
;H. 2.
:Non !
!!!!!Extrait tiré de : Œuvres complètes, éd.J.-Y.Tadié, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1996. © Editions Gallimard
{{center{
!Poème à mon frère blanc
!!!!!Léopold Sédar Senghor
[img[http://blufiles.storage.live.com/y1pdw5R8KlxhtDJHEIzAeBZD5TmDBatprI3fRFuoqqv3Aaz2qsMoCc5mfmaNi3tkhTS]]
Cher frère blanc,
Quand je suis né, j’étais noir,
Quand j’ai grandi, j’étais noir,
Quand je suis au soleil, je suis noir,
Quand je suis malade, je suis noir,
Quand je mourrai, je serai noir.
Tandis que toi, homme blanc,
Quand tu es né, tu étais rose,
Quand tu as grandi, tu étais blanc,
Quand tu vas au soleil, tu es rouge,
Quand tu as froid, tu es bleu,
Quand tu as peur, tu es vert,
Quand tu es malade, tu es jaune,
Quand tu mourras, tu seras gris.
Alors, de nous deux,
Qui est l’homme de couleur ?
}}}
{{homeTitle center{
Poèmes humoristiques
}}}
!Vers anciens de la poésie chinoise
{{center{<<storyViewer amour >>
[img(40%,)[http://idata.over-blog.com/0/08/29/74/divers/nu_a_la_fenetre_2.jpg][http://nanou.over-blog.org/article-2282890.html]]
!Première soirée
!!!!!!//Arthur Rimbaud//
Elle était fort déshabillée
Et de grands arbres indiscrets
Aux vitres jetaient leur feuillée
Malinement, tout près, tout près.
Assise sur ma grande chaise,
Mi-nue, elle joignait les mains.
Sur le plancher frissonnaient d’aise
Ses petits pieds si fins, si fins.
– Je regardai, couleur de cire
Un petit rayon buissonnier
Papillonner dans son sourire
Et sur son sein, – mouche ou rosier.
– Je baisai ses fines chevilles.
Elle eut un doux rire brutal
Qui s’égrenait en claires trilles,
Un joli rire de cristal.
Les petits pieds sous la chemise
Se sauvèrent : « Veux-tu en finir ! »
– La première audace permise,
Le rire feignait de punir !
– Pauvrets palpitants sous ma lèvre,
Je baisai doucement ses yeux :
– Elle jeta sa tête mièvre
En arrière : « Oh ! c’est encor mieux !
Monsieur, j’ai deux mots à te dire… »
– Je lui jetai le reste au sein
Dans un baiser, qui la fit rire
D’un bon rire qui voulait bien…
– Elle était fort déshabillée
Et de grands arbres indiscrets
Aux vitres jetaient leur feuillée
Malinement, tout près, tout près.
}}}
/***
|Name:|PrettyDatesPlugin|
|Description:|Provides a new date format ('pppp') that displays times such as '2 days ago'|
|Version:|1.0a|
|Date:|27-Jun-2011|
|Source:|http://mptw.tiddlyspot.com/#PrettyDatesPlugin|
|Author:|Simon Baird <simon.baird@gmail.com>|
|License:|http://mptw.tiddlyspot.com/#TheBSDLicense|
!!Notes
* If you want to you can rename this plugin. :) Some suggestions: LastUpdatedPlugin, RelativeDatesPlugin, SmartDatesPlugin, SexyDatesPlugin.
* Inspired by http://ejohn.org/files/pretty.js
***/
//{{{
Date.prototype.prettyDate = function() {
var diff = (((new Date()).getTime() - this.getTime()) / 1000);
var day_diff = Math.floor(diff / 86400);
if (isNaN(day_diff)) return "";
else if (diff < 0) return "in the future";
else if (diff < 60) return "just now";
else if (diff < 120) return "1 minute ago";
else if (diff < 3600) return Math.floor(diff/60) + " minutes ago";
else if (diff < 7200) return "1 hour ago";
else if (diff < 86400) return Math.floor(diff/3600) + " hours ago";
else if (day_diff == 1) return "Yesterday";
else if (day_diff < 7) return day_diff + " days ago";
else if (day_diff < 14) return "a week ago";
else if (day_diff < 31) return Math.ceil(day_diff/7) + " weeks ago";
else if (day_diff < 62) return "a month ago";
else if (day_diff < 365) return "about " + Math.ceil(day_diff/31) + " months ago";
else if (day_diff < 730) return "a year ago";
else return Math.ceil(day_diff/365) + " years ago";
}
Date.prototype.formatString_orig_mptw = Date.prototype.formatString;
Date.prototype.formatString = function(template) {
return this.formatString_orig_mptw(template).replace(/pppp/,this.prettyDate());
}
// for MPTW. otherwise edit your ViewTemplate as required.
// config.mptwDateFormat = 'pppp (DD/MM/YY)';
config.mptwDateFormat = 'pppp';
//}}}
!Absences prévisionnelles annoncées
<html>
<iframe src="https://calendar.google.com/calendar/embed?src=1efu1c9h872ca802daff8jq40c%40group.calendar.google.com&ctz=Europe%2FParis" style="border: 0" width="600" height="1120" frameborder="0" scrolling="no"></iframe>
</html>
{{small{
<<forEachTiddler
where
'tiddler.tags.contains(["programmable"]) && tiddler.text.contains("Lauriston") '
sortBy
'store.getTiddlerSlice(tiddler.title,"temps")'
write
'"\n| ![["+tiddler.title+"]]| <<tiddler [["+tiddler.title+"::auteur]]$)) | <<tiddler [["+tiddler.title+"::distribution]]$)) | <<tiddler [["+tiddler.title+"::temps]]$)) |" '
begin
'"| !Textes des Septuas ++ programmables<br>au Club {{big{Lauriston}}} | !auteur | !distribution | !durée |h"'
>>
}}}
//Listes par durées croissantes des scènes//
!!!Textes représentables à la rentrée
+++!!!![Tous les textes actuellement jouables]
<<forEachTiddler
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'tiddler.tags.contains(["programmable"])'
sortBy
'store.getTiddlerSlice(tiddler.title,"temps")'
write
'"\n| ![["+tiddler.title+"]]| <<tiddler [["+tiddler.title+"::temps]]$)) |<<tiddler [["+tiddler.title+"::distribution]]$)) |<<tiddler [["+tiddler.title+"::prochaines]]$)) |" '
begin
'"| Textes | !durée | !distribution | !lieu programmé |h"'
>>
===
!!!Programmation prévue à ce jour
+++!!!![Le 18 septembre aux Épinettes]
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'tiddler.tags.contains(["programmable"]) && tiddler.text.contains("18/9/18_Épinettes")'
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'"\n| ![["+tiddler.title+"]] |<<tiddler [["+tiddler.title+"::temps]]$)) |<<tiddler [["+tiddler.title+"::distribution]]$)) |" '
begin
'"| Textes | !durée | !distribution |h"'
>>
===
+++!!!![Le 18 octobre à Lauriston]
*1h 25 minutes dans l'option ci-dessous :
<<forEachTiddler
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begin
'"| Textes | !durée | !distribution |h"'
>>
===
+++!!!![Le 19 novembre au Château des Rentiers]
*Restent 25 minutes à programmer
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'"\n| ![["+tiddler.title+"]] |<<tiddler [["+tiddler.title+"::temps]]$)) |<<tiddler [["+tiddler.title+"::distribution]]$)) |" '
begin
'"| Textes | !durée | !distribution |h"'
>>
===
+++!!!![Mairie du 5ème]
//^^dimanche de novembre ?^^//
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'tiddler.tags.contains(["programmable"]) && tiddler.text.contains("Mairie_5ème")'
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'store.getTiddlerSlice(tiddler.title,"temps")'
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'"\n| ![["+tiddler.title+"]] |<<tiddler [["+tiddler.title+"::temps]]$)) |<<tiddler [["+tiddler.title+"::distribution]]$)) |" '
begin
'"| Textes | !durée | !distribution |h"'
>>
===
+++!!!![Le 20 décembre à Mouffetard]
| Textes | !durée | !distribution |h
| ![[Figaro 2018]] | 90mn | La Comtesse //Michèle//<br>Suzanne //Claudine//<br>Chérubin //Éveline//<br>Le Comte //Gérard//<br>Figaro //Jacques//<br>Antonio //Yvonne//<br>Marceline //Denise//<br>Bartholo //Éveline//<br>Brid'Oison //?//<br>Huissier-DoubleMain //?// |
*Non distribués pour le moment : //Christel, Danielle, Livia, Muriel, Nicole, Yolande, Isaac...//
===
.
!!!!Toutes les scènes déjà représentées à $1
<<forEachTiddler
where 'tiddler.text.contains("$1;")'
sortBy 'tiddler.title'
>>
!Préparer une scène
Pour l'interprète, il s'agit d'inventer.
*Construire une méthodologie simple et structurée pour créer un personnage,
*Découvrir le lâcher prise nécessaire pour inventer et mémoriser à travers le corps,
*Développer le silence nécessaire à la création,
*Jouer sur le plateau à percevoir le monde comme son personnage.
Il faut d'autre part avoir bien défini l'objectif que poursuit le personnage à chaque moment où il entre en scène,
!!!!La décomposition des différents sentiments d’une scène
C'est un exercice nécessaire et bénéfique.
:*Le passage d’un sentiment à un autre comporte des changements internes chez l’exécutant qu’il faut lui faire éprouver en lui-même. Cette mosaïque, cette succession d’états est efficace pour lui faire prendre contact avec lui-même.
::Dès que ses premières pudeurs sont effacées, l’assurance que prend le comédien fait qu’il exécute dans une sorte de jaillissement où il perd la notion de lui-même. En se délivrant, en s’extériorisant violemment, il se fond dans le personnage.
:*Seul est important cet instant fugitif où il se ressent être ou n’être pas à l’unisson de ce qu’il cherche à être et à exprimer.
:*Il faut attirer l'attention du comédien sur ses propres sentiments, éveiller en lui la vision d’un personnage, et en même temps la conscience de sa propre sensibilité.
^^
http://www.cifap.com/formation/acteur-personnagehttp://www.cifap.com/formation/acteur-personnage
http://green-paradise.fr/2011/02/06/comment-apprendre-un-texte-de-thtre/http://green-paradise.fr/2011/02/06/comment-apprendre-un-texte-de-thtre/
http://theatroll.blogspot.fr/2007/06/incarnerjouer-un-personnage.htmlhttp://theatroll.blogspot.fr/2007/06/incarnerjouer-un-personnage.html
^^
!Prête aux baisers résurrecteurs
!!!!!//Paul Éluard//
[img[http://img.over-blog-kiwi.com/0/95/72/11/20150224/ob_ea02fd_picasso-pablo-1881-1973-l-etreinte.jpg]]
Pauvre je ne peux pas vivre dans l’ignorance
Il me faut voir entendre et abuser
T’entendre nue et te voir nue
Pour abuser de tes caresses
Par bonheur ou par malheur
Je connais ton secret pas coeur
Toutes les portes de ton empire
Celle des yeux celle des mains
Des seins et de ta bouche où chaque langue fond
Et la porte du temps ouverte entre tes jambes
La fleur des nuits d’été aux lèvres de la foudre
Au seuil du paysage où la fleur rit et pleure
Tout en gardant cette pâleur de perle morte
Tout en donnant ton coeur tout en ouvrant tes jambes
Tu es comme la mer tu berces les étoiles
Tu es le champ d’amour tu lies et tu sépares
Les amants et les fous
Tu es la faim le pain la soif l’ivresse haute
Et le dernier mariage entre rêve et vertu.
!!!!!!//(Corps mémorable, 1948)//
[img[http://danslessouliersdoceane.hautetfort.com/media/02/01/2431761154.jpg]]
!Psychothérapie d'une pendule//
^^Roland Dubillard^^//
;UN
:Je suis une pendule.
;DEUX
:Je le vois bien.
:{{green italic small{(temps)}}}
:Ca me semble normal, d'être une pendule, pour une pendule.
:De quoi vous plaignez-vous ?
;UN
:Je ne suis pas comme les autres.
:{{green italic small{(temps)}}}
:Je suis peut-être une pendule comme les autres,
:{{green italic small{(en perdition)}}} mais mes aiguilles tournent en sens inverse de celui des aiguilles d'une montre.
;DEUX
:{{green italic small{(regard sévère)}}} C'est une impression que vous avez.
;UN
:Oui. Depuis longtemps. C'est pour cela que j'ai pensé que la psychanalyse me ferait du bien.
:{{green italic small{(sourire)}}}
:On m'a dit que c'était un peu votre spécialité.
;DEUX
:{{green italic small{(docte)}}} C'est une de mes deux spécialités, en effet. Je soigne surtout les schizophrènes, mais je soigne aussi les pendules.
:{{green italic small{(S'installe dans sa posture de consultante)}}}
:Ainsi, vous avez "__l'impression__" que vos aiguilles tournent dans le mauvais sens.
;UN
:{{green italic small{(inquiète)}}} Depuis longtemps, oui, mais maintenant c'est plus qu'une impression : je sais que c'est vrai.
:{{green italic small{(tragique)}}} Depuis que je me suis regardée dans la glace. Tic tac tic tac tic tac…
;DEUX
:{{green italic small{(sèchement)}}} Ne dites pas tic tac.
:{{green italic small{(doucement)}}} Vous croyez que je ne vous crois pas, quand vous me dites que vous êtes une pendule ?
:{{green italic small{(très gentiment)}}} Mais vous êtes une pendule.
:/Je vous vois, là, devant moi, et qu'est-ce que je vois ? -une __pendule__.
:{{green italic small{(temps)}}} Ca vous arrive quelquefois, ça ? De vous demander : voyons, et si je n'étais pas une pendule, au fond ? ...
;UN
:{{green italic small{(comme le hoquet)}}} Tic tac tic tac tic tac… Non, Ca, ça ne m'arrive jamais. Tic tac…
;DEUX
:{{green italic small{(sévèrement)}}} Arrêtez-vous.
;UN
:{{green italic small{(impuissance tragique)}}} Je ne m'arrête jamais.
;DEUX
:{{green italic small{(très doucement)}}} Réfléchissez. Ca ne vous arrive pas, ça ?
:d'avoir la tentation de vous arrêter ?
:{{green italic small{(temps)}}} Oh… pas longtemps : n'est-ce pas,
:{{green italic small{(temps)}}} on ne remarquerait rien…
;UN
:Non, pas vraiment.
:{{green italic small{(tristement)}}} Mais si je continue, je crois bien que ça m'arrivera,
:{{green italic small{(au bord des larmes)}}} oui, comme ça, malgré moi…
;DEUX
:{{green italic small{(très gentiment)}}} Pleurez, pleurez, ça vous soulagera.
:{{green italic small{(temps : UN sèche ses larmes)}}}
:{{green italic small{(professionnelle)}}} Y a-t-il d'autres pendules dans votre famille ?
;UN
:Bien sûr. Il y en a deux. Dans mon salon.
:{{green italic small{(elle se trouble)}}} Enfin je dis "mon salon".
:{{green italic small{(rationnelle, reprenat toute son assurance)}}} D'ailleurs, comment je le saurais, que mes aiguilles tournent dans le mauvais sens, si je n'avais pas d'autres pendules pour me comparer.
;DEUX
:C'est tout à fait juste, en effet.
:Bien.
:{{green italic small{(professionnelle)}}} Et, en dehors des moments où vous vous regardez dans la glace, vous n'éprouvez pas ce sentiment de marcher à l'envers par rapport aux autres pendules.
:Ou si ?
;UN
:Non.
:{{green italic small{(dramatique)}}} Mais je vois bien que les gens qui veulent savoir l'heure ne me regardent pas.
:Ils préfèrent regarder les autres pendules.
;DEUX
:Bien.
:{{green italic small{(sourire)}}} Vous voyez que vous pouvez fort bien ne pas dire tic tac, quand ça vous plaît.
:{{green italic small{(professionnelle)}}} -Est-ce que vous sonnez quelquefois ?
;UN
:{{green italic small{(effrayée)}}} Non. Je n'ose pas. J'aurais trop honte.
:{{green italic small{(temps)}}}
:{{green italic small{(timidement)}}} -Peut-être que je ne m'en aperçois pas.
;DEUX
:{{green italic small{(encourageante)}}} Et vos deux petites amies, dans le salon, elles ne sonnent pas non plus ?
;UN
:{{green italic small{(temps d'hésitation)}}}
:Non…
:{{green italic small{(timidement)}}} peut-être que je ne m'en aperçois pas.
:Peut-être que je suis une pendule sourde…
;DEUX
:{{green italic small{(tendant la perche)}}}Si vous étiez sourde…
:je ne ...
:je ne…
:{{green italic small{(encourageante)}}} Dites-le…
;UN
:{{green italic small{(sourire timide)}}} Vous ne m'entendriez pas…
;DEUX
:{{green italic small{(temps)}}} Vous n'avez jamais très confiance en vous, hein ?
;UN
:Tic tac tic tac…
;DEUX
:Vous pouvez ((boire(//^^au lieu de :^^//
fumer))), si vous voulez.
;UN
:Je préfère ne pas boire.
;DEUX
:{{green italic small{(gentiment)}}} Les pendules boivent, pourtant…
:Non ? …
:{{green italic small{(professionnelle)}}} Voyons, dans votre enfance, vous a-t-on reproché d'avancer ;
:{{green italic small{(réaction de UN)}}} je veux dire : d'aller trop vite ?
:{{green italic small{(apaisante)}}} Dans le sens normal, n'est-ce pas, mais trop vite.
;UN
:{{green italic small{(un peu fermée)}}} Rappelle pas.
:{{green italic small{(temps)}}}
:{{green italic small{(illumination)}}} Mais je me souviens d'avoir rêvé que c'était moi qui tournais, tandis que mes aiguilles restaient immobiles.
:{{green italic small{(s'anime en revisualisant)}}} Je tournais autour de leur axe, comme une roue, et alors, là, oui, j'avançais, mais pas dans le temps : dans l'espace, sur une route en pente.
:{{green italic small{(de plus en plus vite et vertigineusement)}}} L'accélération, vous savez, la vitesse que je prenais sur cette pente dont je ne voyais pas le terme, -oh la la ! cette pente de plus en plus raide, une pente en vrille, en entonnoir,
:{{green italic small{(reprend son souffle)}}} - oh la la! cette vitesse, quel vertige !
:{{green italic small{(toute excitée)}}} Un vertige tellement intense que je me réveillais en sonnant de toutes mes forces.
:{{green italic small{(regardant DEUX)}}} Ou plutôt en rêvant que j'avais sonné de toutes mes forces, comme un réveille-matin.
;DEUX
:{{green italic small{(aidante)}}} A quoi vous fait penser ce gouffre qui vous entraîne,
:contre lequel vous voudriez bien résister, mais sans en avoir les forces…
:hein ?
:A quoi…
:Dites...
;UN
:{{green italic small{(dans son stress)}}} Tic tac tic tac…
;DEUX
:{{green italic small{(fermement)}}} Ne dites pas tic tac…
:{{green italic small{(avec insistance)}}} A quoi ça vous fait penser ?
:Vous ne voyez pas ?....
:{{green italic small{(temps)}}}
:{{green italic small{(avec force)}}} Le Temps !
:{{green italic small{(s'animant de plus en plus)}}} Le Temps irréversible !
:Le temps qui tourne en s'enfonçant comme une vrille,
:{{green italic small{(pointant UN, comme triomphalement)}}} et comment s'enfoncent les vrilles ?
:*En tournant,
:*et en tournant dans quel sens ?
::? Le sens des aiguilles d'une montre !
:{{green italic small{(reprenant un rythme normal)}}} -mais n'allons pas trop vite.
Secouez-vous un peu. Dites tic tac.
:{{green italic small{(temps)}}}
:{{green italic small{(félicitante)}}} Eh bien, eh bien, vous voyez bien que vous vous arrêtez, quelquefois.
:__Vous êtes arrêtée.__
:{{green italic small{(gentiment)}}} Allons, allons, un petit effort...
:tic tac !...
;UN
:{{green italic small{(se risque)}}} Tic tac…
;DEUX
:{{green italic small{(bravo)}}} Voilà.
:{{green italic small{(professionnelle)}}} Dites-moi, en venant me voir, vous espérez bien obtenir un résultat, n'est-ce pas ?
;UN
:{{green italic small{(sourire d'espoir)}}} Oui : que mes aiguilles tournent dans le bon sens…
;DEUX
:Soit.
:Et à votre avis, au cas où nous obtiendrons ce résultat quel sentiment cela vous causerait-il ?
;UN
:{{green italic small{(calmée, posément, surtout pour elle-même)}}} Un sentiment de soulagement. Car je me sens coupable d'indiquer l'heure qu'il ne faut pas, l'heure qu'il n'est plus…. Et depuis le temps que ça dure, c'est l'heure qu'il était il y a plus de deux siècles que j'indique en ce moment. Pensez : une pendule Louis XV... Ca ne me rajeunit pas.
:Bien sûr, je ne devrais pas me sentir responsable de cette perversion qui fait tourner mes aiguilles en direction du passé.
:{{green italic small{(directement à DEUX)}}} Mais j'en ai honte comme si je le faisais exprès, je vous jure.
:{{green italic small{(retour sur elle-même)}}} Oui, je pense que je le fais exprès, par méchanceté, par un désir de vengeance à l'égard de je ne sais qui.
:{{green italic small{(s'adressant à DEUX)}}} Oh, il y a des fois, je voudrais m'arrêter pour de bon. Seulement, quand je m'arrête, je me sens abandonnée, bonne pour la ferraille. Ma vie n'a plus de raison d'être.
:Catatonique, en quelque sorte.
:Heureusement, il se trouve toujours une clef qui me remonte, qui me rend du ressort, avant que vienne la rouille
;DEUX
:{{green italic small{(professionnelle)}}} N'éprouvez-vous pas le sentiment d'accomplir une fonction qui vous justifie ?
;UN
:Si, bien sûr, j'indique l'heure ; à l'envers, mais je l'indique.
:Et même, à minuit et à midi, je l'indique exactement.
:{{green italic small{(beau sourire)}}} Midi, minuit, c'est le seul point commun que j'ai avec les autres pendules du salon.
;DEUX
:Ces pendules, dans le salon, est-ce comme vous-même que vous les regardez, c’est-à-dire dans la glace ?
;UN
:{{green italic small{(réfléchissnt)}}} Non. Elles sont sur la cheminée, en face de moi. La glace, elles lui tournent le dos.
;DEUX
:Et vous ?
;UN
:Moi, je suis dans la glace, derrière les autres très loin, sur mon buffet Louis XV.
;DEUX
:Et vous voyez vos aiguilles tourner à l'inverse des leurs…
;UN
:Oui.
;DEUX
:Quelle heure est-il ?
;UN
:Tic tac tic tac…
:Midi moins vingt.
;DEUX
:{{green italic small{(compatissante)}}} Moi je n'ai qu'à regarder votre cadran pour y lire qu'il est midi vingt. Nous verrons ça la semaine prochaine. Non, non, vous me paierez quand vous voudrez.
;UN
:{{green italic small{(soulagée)}}} Il me semble que je vais déjà mieux.
{{green italic small{(libérée)}}} Tic tac tic tac…
;DEUX
:{{green italic small{(empathique)}}} C'est ça : tic tac,
:{{green italic small{(la condusant fermement vers la sortie)}}} je vous raccompagne.
;UN
:{{green italic small{(épardue)}}} Au revoir, docteur, tic tac
:{{green italic small{(elle sort)}}}
;DEUX
:{{green italic small{(méchamment)}}} Tic tac tic tac.
:{{green italic small{(un temps; au public)}}}
:Ouf. Ce que j'en ai assez, de ces malades !
:Ils m'énervent !
:On dirait qu'il n'y a qu'eux qui comptent !
:{{green italic small{(s'avançant à l'avant-scène)}}}
:Et moi, alors ?
:Est-ce que je vais chez le spychiatre, moi ?
:{{green italic small{(temps)}}}
:Car, à la fin, moi aussi, je suis une pendule ! Et je ne demande rien à personne !
!!!!!!FIN!Psychothérapie d'une pendule//
^^Roland Dubillard^^//
;UN
:Je suis une pendule.
;DEUX
:Je le vois bien.
:{{red small{(temps)}}}
:Ca me semble normal, d'être une pendule, pour une pendule.
:De quoi vous plaignez-vous ?
;UN
:Je ne suis pas comme les autres.
:{{gray small{(temps)}}}
:Je suis peut-être une pendule comme les autres,
:{{gray small{(en perdition)}}} mais mes aiguilles tournent en sens inverse de celui des aiguilles d'une montre.
;DEUX
:{{green small italic{(regard sévère)}}} C'est une impression que vous avez.
;UN
:Oui. Depuis longtemps. C'est pour cela que j'ai pensé que la psychanalyse me ferait du bien.
:{{gray small{(sourire)}}}
:On m'a dit que c'était un peu votre spécialité.
;DEUX
:{{gray small{(docte)}}} C'est une de mes deux spécialités, en effet. Je soigne surtout les schizophrènes, mais je soigne aussi les pendules.
:{{gray small{(S'installe dans sa posture de consultante)}}}
:Ainsi, vous avez "__l'impression__" que vos aiguilles tournent dans le mauvais sens.
;UN
:{{gray small{(inquiète)}}} Depuis longtemps, oui, mais maintenant c'est plus qu'une impression : je sais que c'est vrai.
:{{gray small{(tragique)}}} Depuis que je me suis regardée dans la glace. Tic tac tic tac tic tac…
;DEUX
:{{gray small{(sèchement)}}} Ne dites pas tic tac.
:{{gray small{(doucement)}}} Vous croyez que je ne vous crois pas, quand vous me dites que vous êtes une pendule ?
:{{gray small{(très gentiment)}}} Mais vous êtes une pendule.
:/Je vous vois, là, devant moi, et qu'est-ce que je vois ? -une __pendule__.
:{{gray small{(temps)}}} Ca vous arrive quelquefois, ça ? De vous demander : voyons, et si je n'étais pas une pendule, au fond ? ...
;UN
:{{gray small{(comme le hoquet)}}} Tic tac tic tac tic tac… Non, Ca, ça ne m'arrive jamais. Tic tac…
;DEUX
:{{gray small{(sévèrement)}}} Arrêtez-vous.
;UN
:{{gray small{(impuissance tragique)}}} Je ne m'arrête jamais.
;DEUX
:{{gray small{(très doucement)}}} Réfléchissez. Ca ne vous arrive pas, ça ?
:d'avoir la tentation de vous arrêter ?
:{{gray small{(temps)}}} Oh… pas longtemps : n'est-ce pas,
:{{gray small{(temps)}}} on ne remarquerait rien…
;UN
:Non, pas vraiment.
:{{gray small{(tristement)}}} Mais si je continue, je crois bien que ça m'arrivera,
:{{gray small{(au bord des larmes)}}} oui, comme ça, malgré moi…
;DEUX
:{{gray small{(très gentiment)}}} Pleurez, pleurez, ça vous soulagera.
:{{gray small{(temps : UN sèche ses larmes)}}}
:{{gray small{(professionnelle)}}} Y a-t-il d'autres pendules dans votre famille ?
;UN
:Bien sûr. Il y en a deux. Dans mon salon.
:{{gray small{(elle se trouble)}}} Enfin je dis "mon salon".
:{{gray small{(rationnelle, reprenat toute son assurance)}}} D'ailleurs, comment je le saurais, que mes aiguilles tournent dans le mauvais sens, si je n'avais pas d'autres pendules pour me comparer.
;DEUX
:C'est tout à fait juste, en effet.
:Bien.
:{{gray small{(professionnelle)}}} Et, en dehors des moments où vous vous regardez dans la glace, vous n'éprouvez pas ce sentiment de marcher à l'envers par rapport aux autres pendules.
:Ou si ?
;UN
:Non.
:{{gray small{(dramatique)}}} Mais je vois bien que les gens qui veulent savoir l'heure ne me regardent pas.
:Ils préfèrent regarder les autres pendules.
;DEUX
:Bien.
:{{gray small{(sourire)}}} Vous voyez que vous pouvez fort bien ne pas dire tic tac, quand ça vous plaît.
:{{gray small{(professionnelle)}}} -Est-ce que vous sonnez quelquefois ?
;UN
:{{gray small{(effrayée)}}} Non. Je n'ose pas. J'aurais trop honte.
:{{gray small{(temps)}}}
:{{gray small{(timidement)}}} -Peut-être que je ne m'en aperçois pas.
;DEUX
:{{gray small{(encourageante)}}} Et vos deux petites amies, dans le salon, elles ne sonnent pas non plus ?
;UN
:{{gray small{(temps d'hésitation)}}}
:Non…
:{{gray small{(timidement)}}} peut-être que je ne m'en aperçois pas.
:Peut-être que je suis une pendule sourde…
;DEUX
:{{gray small{(tendant la perche)}}}Si vous étiez sourde…
:je ne ...
:je ne…
:{{gray small{(encourageante)}}} Dites-le…
;UN
:{{gray small{(sourire timide)}}} Vous ne m'entendriez pas…
;DEUX
:{{gray small{(temps)}}} Vous n'avez jamais très confiance en vous, hein ?
;UN
:Tic tac tic tac…
;DEUX
:Vous pouvez ((boire(//^^au lieu de :^^//
fumer))), si vous voulez.
;UN
:Je préfère ne pas boire.
;DEUX
:{{gray small{(gentiment)}}} Les pendules boivent, pourtant…
:Non ? …
:{{gray small{(professionnelle)}}} Voyons, dans votre enfance, vous a-t-on reproché d'avancer ;
:{{gray small{(réaction de UN)}}} je veux dire : d'aller trop vite ?
:{{gray small{(apaisante)}}} Dans le sens normal, n'est-ce pas, mais trop vite.
;UN
:{{gray small{(un peu fermée)}}} Rappelle pas.
:{{gray small{(temps)}}}
:{{gray small{(illumination)}}} Mais je me souviens d'avoir rêvé que c'était moi qui tournais, tandis que mes aiguilles restaient immobiles.
:{{gray small{(s'anime en revisualisant)}}} Je tournais autour de leur axe, comme une roue, et alors, là, oui, j'avançais, mais pas dans le temps : dans l'espace, sur une route en pente.
:{{gray small{(de plus en plus vite et vertigineusement)}}} L'accélération, vous savez, la vitesse que je prenais sur cette pente dont je ne voyais pas le terme, -oh la la ! cette pente de plus en plus raide, une pente en vrille, en entonnoir,
:{{gray small{(reprend son souffle)}}} - oh la la! cette vitesse, quel vertige !
:{{gray small{(toute excitée)}}} Un vertige tellement intense que je me réveillais en sonnant de toutes mes forces.
:{{gray small{(regardant DEUX)}}} Ou plutôt en rêvant que j'avais sonné de toutes mes forces, comme un réveille-matin.
;DEUX
:{{gray small{(aidante)}}} A quoi vous fait penser ce gouffre qui vous entraîne,
:contre lequel vous voudriez bien résister, mais sans en avoir les forces…
:hein ?
:A quoi…
:Dites...
;UN
:{{gray small{(dans son stress)}}} Tic tac tic tac…
;DEUX
:{{gray small{(fermement)}}} Ne dites pas tic tac…
:{{gray small{(avec insistance)}}} A quoi ça vous fait penser ?
:Vous ne voyez pas ?....
:{{gray small{(temps)}}}
:{{gray small{(avec force)}}} Le Temps !
:{{gray small{(s'animant de plus en plus)}}} Le Temps irréversible !
:Le temps qui tourne en s'enfonçant comme une vrille,
:{{gray small{(pointant UN, comme triomphalement)}}} et comment s'enfoncent les vrilles ?
:*En tournant,
:*et en tournant dans quel sens ?
::? Le sens des aiguilles d'une montre !
:{{gray small{(reprenant un rythme normal)}}} -mais n'allons pas trop vite.
Secouez-vous un peu. Dites tic tac.
:{{gray small{(temps)}}}
:{{gray small{(félicitante)}}} Eh bien, eh bien, vous voyez bien que vous vous arrêtez, quelquefois.
:__Vous êtes arrêtée.__
:{{gray small{(gentiment)}}} Allons, allons, un petit effort...
:tic tac !...
;UN
:{{gray small{(se risque)}}} Tic tac…
;DEUX
:{{gray small{(bravo)}}} Voilà.
:{{gray small{(professionnelle)}}} Dites-moi, en venant me voir, vous espérez bien obtenir un résultat, n'est-ce pas ?
;UN
:{{gray small{(sourire d'espoir)}}} Oui : que mes aiguilles tournent dans le bon sens…
;DEUX
:Soit.
:Et à votre avis, au cas où nous obtiendrons ce résultat quel sentiment cela vous causerait-il ?
;UN
:{{gray small{(calmée, posément, surtout pour elle-même)}}} Un sentiment de soulagement. Car je me sens coupable d'indiquer l'heure qu'il ne faut pas, l'heure qu'il n'est plus…. Et depuis le temps que ça dure, c'est l'heure qu'il était il y a plus de deux siècles que j'indique en ce moment. Pensez : une pendule Louis XV... Ca ne me rajeunit pas.
:Bien sûr, je ne devrais pas me sentir responsable de cette perversion qui fait tourner mes aiguilles en direction du passé.
:{{gray small{(directement à DEUX)}}} Mais j'en ai honte comme si je le faisais exprès, je vous jure.
:{{gray small{(retour sur elle-même)}}} Oui, je pense que je le fais exprès, par méchanceté, par un désir de vengeance à l'égard de je ne sais qui.
:{{gray small{(s'adressant à DEUX)}}} Oh, il y a des fois, je voudrais m'arrêter pour de bon. Seulement, quand je m'arrête, je me sens abandonnée, bonne pour la ferraille. Ma vie n'a plus de raison d'être.
:Catatonique, en quelque sorte.
:Heureusement, il se trouve toujours une clef qui me remonte, qui me rend du ressort, avant que vienne la rouille
;DEUX
:{{gray small{(professionnelle)}}} N'éprouvez-vous pas le sentiment d'accomplir une fonction qui vous justifie ?
;UN
:Si, bien sûr, j'indique l'heure ; à l'envers, mais je l'indique.
:Et même, à minuit et à midi, je l'indique exactement.
:{{gray small{(beau sourire)}}} Midi, minuit, c'est le seul point commun que j'ai avec les autres pendules du salon.
;DEUX
:Ces pendules, dans le salon, est-ce comme vous-même que vous les regardez, c’est-à-dire dans la glace ?
;UN
:{{gray small{(réfléchissnt)}}} Non. Elles sont sur la cheminée, en face de moi. La glace, elles lui tournent le dos.
;DEUX
:Et vous ?
;UN
:Moi, je suis dans la glace, derrière les autres très loin, sur mon buffet Louis XV.
;DEUX
:Et vous voyez vos aiguilles tourner à l'inverse des leurs…
;UN
:Oui.
;DEUX
:Quelle heure est-il ?
;UN
:Tic tac tic tac…
:Midi moins vingt.
;DEUX
:{{gray small{(compatissante)}}} Moi je n'ai qu'à regarder votre cadran pour y lire qu'il est midi vingt. Nous verrons ça la semaine prochaine. Non, non, vous me paierez quand vous voudrez.
;UN
:{{gray small{(soulagée)}}} Il me semble que je vais déjà mieux.
{{gray small{(libérée)}}} Tic tac tic tac…
;DEUX
:{{gray small{(empathique)}}} C'est ça : tic tac,
:{{gray small{(la condusant fermement vers la sortie)}}} je vous raccompagne.
;UN
:{{gray small{(épardue)}}} Au revoir, docteur, tic tac
:{{gray small{(elle sort)}}}
;DEUX
:{{gray small{(méchamment)}}} Tic tac tic tac.
:{{gray small{(un temps; au public)}}}
:Ouf. Ce que j'en ai assez, de ces malades !
:Ils m'énervent !
:On dirait qu'il n'y a qu'eux qui comptent !
:{{gray small{(s'avançant à l'avant-scène)}}}
:Et moi, alors ?
:Est-ce que je vais chez le spychiatre, moi ?
:{{gray small{(temps)}}}
:Car, à la fin, moi aussi, je suis une pendule ! Et je ne demande rien à personne !
!!!!!!FIN
!QUAND ELLE ÉTAIT LÀ
//UBO//
Quand elle était là,
c’était comme si la maison
débordait de fleurs.
Aujourd’hui ne reste
qu’une chambre vide.
Les couvertures brodées,
enroulées sur son lit,
jamais personne
ne les a touchées.
Après trois ans,
elles exhalent encore
son parfum délicat.
Si loin de moi,
et pourtant toujours là,
toujours là,
mais jamais de retour...
Les feuilles mortes
descendent en tourbillons,
je pense à elle,
rosée blanche
sur la mousse verte...
|je|[[Éveline]]|
|vie|Règlement de compte|
|d|1:30|
!Qu'en avez-vous fait ?<br>^^//Marceline ~Desbordes-Valmore//^^
Qu'en avez-vous fait ?
Vous aviez mon coeur,
Moi, j'avais le vôtre :
Un coeur pour un coeur ;
Bonheur pour bonheur !
Le vôtre est rendu,
Je n'en ai plus d'autre,
Le vôtre est rendu,
Le mien est perdu !
La feuille et la fleur
Et le fruit lui-même,
La feuille et la fleur,
L'encens, la couleur :
Qu'en avez-vous fait,
Mon maître suprême ?
Qu'en avez-vous fait,
De ce doux bienfait ?
Comme un pauvre enfant
Quitté par sa mère,
Comme un pauvre enfant
Que rien ne défend,
Vous me laissez là,
Dans ma vie amère ;
Vous me laissez là,
Et Dieu voit cela !
Savez-vous qu'un jour
L'homme est seul au monde ?
Savez-vous qu'un jour
Il revoit l'amour ?
Vous appellerez,
Sans qu'on vous réponde ;
Vous appellerez,
Et vous songerez !...
Vous viendrez rêvant
Sonner à ma porte;
Ami comme avant,
Vous viendrez rêvant.
Et l'on vous dira :
" Personne !... elle est morte. "
On vous le dira ;
Mais qui vous plaindra ?
Quand on a que l'amour
A s'offrir en partage
A jour du grand voyage
Qu'est notre grand amour
Quand on a que l'amour
Mon amour toi et moi
Pour qu'éclatent de joie
Chaque heure et chaque jour
Quand on a que l'amour
Pour vivre nos promesses
Sans nulle autre richesse
Que d'y croire toujours
Quand on a que l'amour
Pour meubler de merveilles
Et couvrir de soleil
La laideur des faubourgs
Quand on a que l'amour
Pour unique raison
Pour unique chanson
Et unique secours
Quand on a que l'amour
Pour habiller matin
Pauvres et malandrins
De manteaux de velours
Quand on a que l'amour
A offrir en prière
Pour les maux de la terre
En simple troubadour
Quand on a que l'amour
A offrir à ceux là
Dont l'unique combat
Est de chercher le jour
Quand on a que l'amour
Pour tracer un chemin
Et forcer le destin
A chaque carrefour
Quand on a que l'amour
Pour parler aux canons
Et rien qu'une chanson
Pour convaincre un tambour
Alors sans avoir rien
Que la force d'aimer
Nous aurons dans nos mains
Amis le monde entier
{{center{^^//<<storyViewer amour previous>><<storyViewer amour list>><<storyViewer amour next>>//^^
!« Quand on ne cherche qu’à se plaire »
!!!!!!//Denis Sanguin de ~Saint-Pavin//
Quand d’un esprit doux et discret
Toujours l’un à l’autre on défère,
Quand on se cherche sans affaire
Et qu’ensemble on n’est pas distrait ;
Quand on n’eut jamais de secret
Dont on se soit fait un mystère,
Quand on ne cherche qu’à se plaire,
Quand on se quitte avec regret ;
Quand, prenant plaisir à s’écrire,
On dit plus qu’on ne pense dire,
Et souvent moins qu’on ne voudroit
Qu’appelez-vous cela, la belle ?
Entre nous deux cela s’appelle
S’aimer bien plus que l’on ne croit.
}}}
!Quand vous serez bien vieille//
^^Pierre de Ronsard^^//
{{center{
Quand vous serez bien vieille, au soir, à la chandelle,
Assise auprès du feu, dévidant et filant,
Direz, chantant mes vers, en vous émerveillant :
Ronsard me célébrait du temps que j’étais belle.
Lors, vous n’aurez servante oyant telle nouvelle,
Déjà sous le labeur à demi sommeillant,
Qui au bruit de mon nom ne s’aille réveillant,
Bénissant votre nom de louange immortelle.
Je serai sous la terre et fantôme sans os :
Par les ombres myrteux je prendrai mon repos :
Vous serez au foyer une vieille accroupie,
Regrettant mon amour et votre fier dédain.
Vivez, si m’en croyez, n’attendez à demain :
Cueillez dès aujourd’hui les roses de la vie.
!!!!!!Pierre de Ronsard, //Sonnets pour Hélène//, 1578
}}}
[[ACTE I, SCÈNE PREMIÈRE - PHILINTE, ALCESTE.]]
[[I-2 Le sonnet d'Oronte - ORONTE, ALCESTE, PHILINTE.]]
[[II 1 - ALCESTE, CÉLIMÈNE]]
[[III-2,3,4 Arsinoé et Célimène]]
/%
|exercice|volontaires impro sentiment espace|
|niveau|340 Début|
%/
!!!Quel plaisir de vous voir
<<<
*Une personne est assise sur scène sur le proscenium, côté cour, face public. Elle lit et ne doit pas intervenir verbalement durant le jeu.
*Une autre personne entre fond de scène côté jardin et va évoluer conformément au sentiment qu'elle éprouve vis-à-vis de la personne assise pendant __au moins une demi-minute__ avant de l'aborder et de lui dire :
::''"Quel plaisir de vous voir"''
:? Le maître de jeu ou le groupe proposeront les sentiments à jouer.
<<<
:? Mise en scène d'un sentiment, et utilisation de l'espace
/***
|Name:|QuickOpenTagPlugin|
|Description:|Changes tag links to make it easier to open tags as tiddlers|
|Version:|3.0.1a|
|Date:|27-Jun-2011|
|Source:|http://mptw.tiddlyspot.com/#QuickOpenTagPlugin|
|Author:|Simon Baird <simon.baird@gmail.com>|
|License:|http://mptw.tiddlyspot.com/#TheBSDLicense|
***/
//{{{
config.quickOpenTag = {
dropdownChar: (document.all ? "\u25bc" : "\u25be"), // the little one doesn't work in IE?
createTagButton: function(place,tag,excludeTiddler) {
// little hack so we can do this: <<tag PrettyTagName|RealTagName>>
var splitTag = tag.split("|");
var pretty = tag;
if (splitTag.length == 2) {
tag = splitTag[1];
pretty = splitTag[0];
}
var sp = createTiddlyElement(place,"span",null,"quickopentag");
createTiddlyText(createTiddlyLink(sp,tag,false),pretty);
var theTag = createTiddlyButton(sp,config.quickOpenTag.dropdownChar,
config.views.wikified.tag.tooltip.format([tag]),onClickTag);
theTag.setAttribute("tag",tag);
if (excludeTiddler)
theTag.setAttribute("tiddler",excludeTiddler);
return(theTag);
},
miniTagHandler: function(place,macroName,params,wikifier,paramString,tiddler) {
var tagged = store.getTaggedTiddlers(tiddler.title);
if (tagged.length > 0) {
var theTag = createTiddlyButton(place,config.quickOpenTag.dropdownChar,
config.views.wikified.tag.tooltip.format([tiddler.title]),onClickTag);
theTag.setAttribute("tag",tiddler.title);
theTag.className = "miniTag";
}
},
allTagsHandler: function(place,macroName,params) {
var tags = store.getTags(params[0]);
var filter = params[1]; // new feature
var ul = createTiddlyElement(place,"ul");
if(tags.length == 0)
createTiddlyElement(ul,"li",null,"listTitle",this.noTags);
for(var t=0; t<tags.length; t++) {
var title = tags[t][0];
if (!filter || (title.match(new RegExp('^'+filter)))) {
var info = getTiddlyLinkInfo(title);
var theListItem =createTiddlyElement(ul,"li");
var theLink = createTiddlyLink(theListItem,tags[t][0],true);
var theCount = " (" + tags[t][1] + ")";
theLink.appendChild(document.createTextNode(theCount));
var theDropDownBtn = createTiddlyButton(theListItem," " +
config.quickOpenTag.dropdownChar,this.tooltip.format([tags[t][0]]),onClickTag);
theDropDownBtn.setAttribute("tag",tags[t][0]);
}
}
},
// todo fix these up a bit
styles: [
"/*{{{*/",
"/* created by QuickOpenTagPlugin */",
".tagglyTagged .quickopentag, .tagged .quickopentag ",
" { margin-right:1.2em; border:1px solid #eee; padding:2px; padding-right:0px; padding-left:1px; }",
".quickopentag .tiddlyLink { padding:2px; padding-left:3px; }",
".quickopentag a.button { padding:1px; padding-left:2px; padding-right:2px;}",
"/* extra specificity to make it work right */",
"#displayArea .viewer .quickopentag a.button, ",
"#displayArea .viewer .quickopentag a.tiddyLink, ",
"#mainMenu .quickopentag a.tiddyLink, ",
"#mainMenu .quickopentag a.tiddyLink ",
" { border:0px solid black; }",
"#displayArea .viewer .quickopentag a.button, ",
"#mainMenu .quickopentag a.button ",
" { margin-left:0px; padding-left:2px; }",
"#displayArea .viewer .quickopentag a.tiddlyLink, ",
"#mainMenu .quickopentag a.tiddlyLink ",
" { margin-right:0px; padding-right:0px; padding-left:0px; margin-left:0px; }",
"a.miniTag {font-size:150%;} ",
"#mainMenu .quickopentag a.button ",
" /* looks better in right justified main menus */",
" { margin-left:0px; padding-left:2px; margin-right:0px; padding-right:0px; }",
"#topMenu .quickopentag { padding:0px; margin:0px; border:0px; }",
"#topMenu .quickopentag .tiddlyLink { padding-right:1px; margin-right:0px; }",
"#topMenu .quickopentag .button { padding-left:1px; margin-left:0px; border:0px; }",
"/*}}}*/",
""].join("\n"),
init: function() {
// we fully replace these builtins. can't hijack them easily
window.createTagButton = this.createTagButton;
config.macros.allTags.handler = this.allTagsHandler;
config.macros.miniTag = { handler: this.miniTagHandler };
config.shadowTiddlers["QuickOpenTagStyles"] = this.styles;
store.addNotification("QuickOpenTagStyles",refreshStyles);
}
}
config.quickOpenTag.init();
//}}}
!Quoi donc ?
!!!!!{{center{Esther Granek
//Ballades et réflexions à ma façon, 1978//}}}
Quoi donc te fait mal, ma fille,
Quoi donc te fait mal ?
>Me fait mal son absence
>Me fait mal sa présence
>Me fait mal son silence
>qui parle tant de fois.
Quoi donc te fait triste, ma fille,
Quoi donc te fait triste ?
>Me fait triste sa voix
>Me fait triste son rire
>et d’encore me redire
>qu’ils ne s’adressent à moi.
Quoi donc te fait laide, ma fille,
Quoi donc te fait laide ?
>Me fait laide mon ennui
>Me fait laide et meurtrie
>chaque jour qu’avec lui
>je ne partage pas.
Quoi donc te fait bête, ma fille,
Quoi donc te fait bête ?
>Me fait bête mon attente
>me fait bête et méchante
>quand les choses démentent
>qu’encore il reviendra.
Quoi donc te fait douce, ma fille,
Quoi donc te fait douce ?
>Me fait douce la nature
>Me fait douce l’azur
>Me fait douce et me dure
>lumière qui coule en moi.
Quoi donc te fait gaie, ma fille,
Quoi donc te fait gaie ?
>Me fait gaie le printemps
>Me fait gaie d’être là
>Me fait gaie comme le temps
>qui me guérit déjà.
!RETOUR DE L’ARMÉE
//(Sur l’air d’un chant ancien)//
A douze ans parti à la guerre, j’en reviens à quatre-vingts.
A un ancien du village :
« S’il vous plaît,
qui des miens
pourrais-je retrouver? »
« Là-bas, comme jadis,
il y a toujours ta vieille hutte. »
Dans l’ombre des cyprès
et des ifs
s’alignent les pierres
des tombes solitaires.
Des lapins bondissent des niches des chiens ;
des combles,
bruyamment, s’envolent
les faisans effrayés.
Au fond de la cour
pousse du riz sauvage et près du puits
quelques touffes de légumes.
J’écrase des graines
pour faire du riz blanc.
Je cueille des feuilles de chou
pour préparer une soupe.
{{center{[img(67%,)[http://1.bp.blogspot.com/-1_LNdMaNBDo/T-do2E0T6-I/AAAAAAAABtk/QrmH1nTM9is/s1600/%E5%8F%A4%E9%81%93%E8%A5%BF%E9%A3%8E%E7%98%A6%E9%A9%AC.jpg]]
!RETOUR À LA MAISON
//TAO YUANMING
(Cinquième poème)//
Déçu par le monde,
je rentre chez moi,
ma canne
pour seule compagne.
Le sentier zigzague
entre les broussailles.
Je patauge dans l’eau claire
du ruisseau mince
de la montagne,
lavant mes pieds
de leur poussière.
Je remplis ma cruche
de vin nouveau,
rôtis un poulet
et appelle les voisins.
Quand le soleil
touche l’horizon,
et que s’étend le clair-obscur,
en guise de bougies
nous allumons des bûches,
et nous devenons si joyeux q
ue la nuit passe trop vite !
Déjà le ciel pâlit
et l’aube point.
}}}
;[[Dernière VIDÉO|https://www.dropbox.com/s/hbg51feavvpr1c0/lu%209%20mai_RUMEURS%20-%20JM%20RIBES%20-%20Josiane%20Jacques%20Marie-Th%C3%A9r%C3%A8se%20Andr%C3%A9%20Annie.mp4?dl=0]]
!!!!!!PERSONNAGES
* L’Homme n° 1
* La Ménagère
* L’Homme n° 2
* Le Bourgeois
* Françoise
* Bacon
//Une rue. Un homme n° 1, imperméable et chapeau mou, marche d’un pas alerte, il a l’air pressé. Il croise une ménagère, les deux bras chargés de paniers à provisions. Un deuxième homme marche tranquillement dans la rue.//
;L’HOMME N° 1 (pressé)
:Pardon madame, vous avez l’heure s’il vous plaît ?
;LA MÉNAGÈRE (posant ses paniers par terre)
:Il est onze heures moins le quart.
//L’homme n° 1 la remercie d’un geste de la main et repart d’un pas alerte. La ménagère continue sa route dans le sens opposé, la démarche alourdie par ses paniers.//
;L’HOMME N° 2 (reste pantois devant cette scène et murmure)
:Ça alors !
//Un homme style bourgeois passe dans la rue.//
;LE BOURGEOIS (reconnaissant l’homme n° 2)
:Tiens Bernard ! Tu vas ?
;L’HOMME N° 2 (hagard)
:Ça va !
;LE BOURGEOIS
:T’as l’air tout chose !?
;L’HOMME N° 2
:Écoute, les gens sont incroyables ! Là, à l’instant, devant moi, un type, grand, fort, accoste une brave femme chargée de ses paniers à provisions et lui fait comme ça… “Vous avez l’heure siouplaît !”, hautain, sans même se découvrir.
;LE BOURGEOIS
:Sans même se découvrir !
;L’HOMME N° 2
:Attends, c’est pas fini : “Vous avez l’heure siouplaît !” Alors la dame gentiment lui sourit, pose ses deux paniers par terre, l’un se renverse à moitié, le type ne se baisse même pas pour l’aider, rien : “Onze heure moins le quart”, lui répond la dame ! Et le type repart en la bousculant, sans même lui dire merci, il s’en va…
;LEBOURGEOIS
:Elle n’a rien dit ?
;L’HOMME N° 2
:Non, elle a ramassé ses paniers à provisions puis elle est repartie vers sa chaumière, la démarche alourdie, silencieuse dans sa douleur.
;LE BOURGEOIS
:C’est insensé.
;L’HOMME N° 2
:Je suis bouleversé… bon ; à bientôt, bonjour à Max.
;LE BOURGEOIS
:Au revoir Bernard.
//(Une jeune femme passe dans la rue.)//
Tiens, Françoise.
;FRANÇOISE
:François ! ça c’est drôle.
;LE BOURGEOIS
:Dis donc, tu sais ce qui vient d’arriver.
;FRANÇOISE
:Quoi ?Où ?
;LE BOURGEOIS
:Ici à l’instant.
;FRANÇOISE
:Non.
;LE BOURGEOIS
:Alors, écoute, c’est incroyable : une petite vieille revient de faire son marché pour toute sa famille, toutes ses économies y ont été consacrées, elle marche lentement, courbée…
;FRANÇOISE
:L’œil triste…
;LE BOURGEOIS
:Comment le sais-tu ?
;FRANÇOISE
:Je la vois…
;LE BOURGEOIS
:Arrive un type serré dans son imperméable noir, il est brun, la peau mate, tu vois ce que je veux dire…
;FRANÇOISE
:Tu penses !
;LE BOURGEOIS
:Il la voit, en un bond il est sur elle, il la colle contre le mur et lui dit : “Vous avez l’heure !”
;FRANÇOISE
:S’il vous plaît ?
;LE BOURGEOIS
:Comment ?
;FRANÇOISE
:Vous avez l’heure, s’il vous plaît ?
;LE BOURGEOIS
:Même pas : Vous avez l’heure ! Glacial. Alors la femme terrorisée pose ses deux paniers par terre, l’un d’eux se renverse, le type a un rire…
;FRANÇOISE
:… cynique…
;LE BOURGEOIS
:Exact ! Elle regarde sa montre. “Onze heure moins le quart”, dit-elle en relevant la tête, le type avait déjà pris tout ce qu’il y avait dans son panier ! Elle essaie un geste, mais il lui donne un coup d’épaule et part en courant. La pauvre vieille titube puis s’étale de tout son long, se démettant une côte… elle arrive à peine à se relever, regarde son panier vide…
;FRANÇOISE
:… Deux larmes coulent de ses yeux…
;LE BOURGEOIS
:… bleus, et elle repart nourrir sa maisonnée avec ce qu’il lui reste dans un panier, en serrant les dents, sans gémir.
;FRANÇOISE
:Le salaud !
;LE BOURGEOIS (les larmes aux yeux)
:Adieu Françoise.
//Françoise, les larmes aux yeux, l’embrasse. Le bourgeois s’en va. Arrive un homme : monsieur Bacon, style sportif.//
;BACON
:Mais c’est la petite Françoise…
;FRANÇOISE
:… Tout s’en va, tout fout le camp…
;BACON
:Où ?
;FRANÇOISE
:La vie, l’amour, la mort…
;BACON
:Tu as reçu un choc ?
;FRANÇOISE
:Oui… tout pourrit…
;BACON
:Un seul ?
;FRANÇOISE
:Oui.
;BACON
:Où ?
;FRANÇOISE (montrant son ventre)
:Là.
;BACON (montrant sa tête). Pas là… ? (Elle fait un signe négatif.) Tiens ! Comment c’est arrivé ?
;FRANÇOISE
:Bêtement. Une brave femme, la soixantaine, passait là… comme ça, elle passait… là comme ça, elle passait… là comme ça… moi…
;BACON
:Tu passais aussi là, comme ça…
;FRANÇOISE
:C’est ça… elle traînait à bout de bras deux misérables cabas, cinquante kilos de pommes de terre, ou quelque chose comme ça… Parfois une tombait, alors elle s’arrêtait et ne la ramassait pas, tant ses forces étaient usées par les ans, le vent glacial lui giflait le visage et ses haillons usés par les ans ne protégeaient pas sa peau ridée, dans ses yeux noirs que des cernes accusaient…
;BACON
:Par les ans ?
;FRANÇOISE
:… brillait la petite lueur de vie indispensable pour traîner cinquante kilos de pommes de terre… (Elle saisit le bras de Bacon.) Tout à coup, une grosse limousine noire freine : Crrrric ! Un homme en descend, couvert de chevalières en croco et de chaussures en or… le teint basané…
;BACON
:Je vois.
;FRANÇOISE
:… Cravate framboise, il croise la villageoise. (Un temps.) Et la toise, tu suis…
;BACON
:Oui, Françoise.
;FRANÇOISE
:Après avoir allumé un havane, méprisant, il lui souffle la fumée dans la figure : “Merci”, lui dit la femme, ça la réchauffait… “T’as pas l’heure, mémère !” lui crache-t-il à la face… “Si monsieur”, lui répond la dame et elle sort de son cabas une petite montre-gousset qu’elle cachait dans les pommes de terre… “Il est onze heures moins le quart.” Le type éclate de rire, lui arrache ses deux cabas, les jette dans sa limousine, balance un coup de talon dans la tête de la vieille qui gicle sur le trottoir et repart dans sa grosse limousine, brrrrrmmmmm…
;BACON
:Dis donc ! Dis donc ! Dis donc !
;FRANÇOISE
:Y’avait du sang partout… la vieille femme soubresauta quelques instants, essayant d’attraper le dernier tubercule qui roulait sur la chaussée, puis se tut.
;BACON
:Et toi… qu’est-ce que t’as fait ?
;FRANÇOISE
:Moi… J’ai eu un choc… et j’ai vomi… une ambulance est arrivée, l’a emmenée et puis après je ne sais plus ce qui est arrivé…
;BACON
:Bah dis donc… dis donc… dis donc… viens, je vais te raccompagner.
;FRANÇOISE
:Non, laisse… Je préfère marcher quelque peu pour que le froid me redonne la force de vivre…
;BACON
:Tchao Françoise… (Il met les mains dans ses poches, relève son col, fait quelques pas, à ce moment, la ménagère du début passe avec ses paniers.) Dis donc ! Dis donc ! Dis donc !
;LA MÉNAGÈRE
:Tiens, monsieur Bacon.
;BACON
:Madame Tronche, bonjour ! Dis donc ! Ma pauvre madame Tronche.
;LA MÉNAGÈRE
:Que se passe-t-il ?
;BACON
:Terrifiant.
;LA MÉNAGÈRE
:Expliquez-vous que diable… je suis fort étonnée de vous voir dans cet état-là.
;BACON
:Un meurtre, madame Tronche, un meurtre.
;LA MÉNAGÈRE
:Dieu, que me chantez-vous là ?
;BACON
:Je ne vous chante rien madame Tronche, je vous dis simplement la terrifiante vérité !
;LA MÉNAGÈRE
:Parlez ami, parlez !
;BACON
:Une vieille, vieille, vieille négresse, tirant deux cents kilos de pommes de terre…
;LA MÉNAGÈRE
:Mais encore…
;BACON
:C’est déjà pas mal…
;LA MÉNAGÈRE
:Mais après ! si vous voulez…
;BACON
:Eh bien, la vieille négresse en haillons tirait ses deux cents kilos de patates pour nourrir sa nichée dans sa case.
;LA MÉNAGÈRE
:… Affamée… sa nichée !
;BACON
:Vu son âge, j’allais lui proposer de l’aider quand une énorme voiture noire…
;LA MÉNAGÈRE
:Noire !
;BACON
:… noire !… me coupa la route, freina, crrrriiiicc. (Deux fois plus prolongé que le crrriccc de Françoise.) Un homme en descendit, style, euh, euh brun, en descendit, un pardessus, un feutre, il s’approcha de la vieille qui revenait du marché, il se plante devant elle… (La ménagère grimace, prise par le suspense.) Il la regarde avec son côté… ananana (onomatopée arabe)… et lui dit…
;LA MÉNAGÈRE (de plus en plus convulsée par le suspense)
:… et lui dit…
;BACON
:Et lui dit, à cette pauvre vieille (avec l’accent arabe) : Pardon-madame-vous-auriez-pas-l’heure !
;LA MÉNAGÈRE
:Non !
;BACON
:Si ! La vieille se baisse pour chercher sa montre et paf !
;BACON
:Il la surine avec son schlass !
;LA MÉNAGÈRE
:Il la… avec son… ssss !
;BACON
:Il vole ses sacs et s’enfourne dans sa voiture qui démarre à double tour… vroummm, vroummmmmmm !
;LA MÉNAGÈRE (tremblante)
:Et puis…
;BACON (mélancolique et monotone)
:Et puis, et puis, et puis la suite ?… Cris de curieux, badauds qui s’évanouissent, sirène, ambulance, infirmiers, brancards, on me bouscule, la pluie qui se met à tomber, les parapluies s’ouvrent, les impers se ferment, mes mocassins trempés, j’ai les pieds gelés. Enfin, la suite, quoi…
;LA MÉNAGÈRE (regardant par terre, frémissant)
:Y’a encore du sang.
;BACON (rêveur, répète mécaniquement les phrases)
:“… pardon-madame-vous-auriez-pas-l’heure.. (Il hoche la tête.) C’est trop con !… Allez, au revoir madame Tronche… et puis la vie continue… c’est comme ça…
;LA MÉNAGÈRE (ramassant ses deux paniers)
:Au revoir monsieur Bacon.
//Elle fait quelques pas, un homme vient en sens inverse, il a le pas pressé, il s’arrête devant elle.//
;L’HOMME
:Pardon madame, vous n’auriez pas l’heure ?
//La ménagère plonge sa main dans son sac, en sort un revolver et tire sur l’homme qui s’écroule et meurt dans un long râle ; une fois qu’il ne bouge plus, la ménagère lui lance…//
;LA MÉNAGÈRE
:Métèque !
//Elle repart la tête haute, tenant fièrement ses paniers à provisions.//
!Raymonde VIDAL
!!!!//La Farandole//
|HommageJean|[[La marmite]] //de Plaute//|
|email|Rémi VIDAL La Farandole <bettdevis@hotmail.fr>|
|adresse| |
|TEL|06 68 78 43 04|
!Recueillement
!!!!!//Charles BAUDELAIRE (1821-1867)//
[img[http://www.poetes.com/baud/images/baudelaire1.jpg]]
Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille.
Tu réclamais le Soir ; il descend ; le voici :
Une atmosphère obscure enveloppe la ville,
Aux uns portant la paix, aux autres le souci.
Pendant que des mortels la multitude vile,
Sous le fouet du Plaisir, ce bourreau sans merci,
Va cueillir des remords dans la fête servile,
Ma douleur, donne-moi la main ; viens par ici,
Loin d'eux. Vois se pencher les défuntes Années,
Sur les balcons du ciel, en robes surannées ;
Surgir du fond des eaux le Regret souriant ;
Le Soleil moribond s'endormir sous une arche,
Et, comme un long linceul traînant à l'Orient,
Entends, ma chère, entends la douce Nuit qui marche.
/***
|Name:|RenameTagsPlugin|
|Description:|Allows you to easily rename or delete tags across multiple tiddlers|
|Version:|3.1|
|Date:|17-Jun-2013|
|Source:|http://mptw.tiddlyspot.com/#RenameTagsPlugin|
|Author:|Simon Baird <simon.baird@gmail.com>|
|License|http://mptw.tiddlyspot.com/#TheBSDLicense|
Rename a tag and you will be prompted to rename it in all its tagged tiddlers.
***/
//{{{
config.renameTags = {
prompts: {
rename: "Rename the tag '%0' to '%1' in %2 tidder%3?",
remove: "Remove the tag '%0' from %1 tidder%2?"
},
removeTag: function(tag,tiddlers) {
store.suspendNotifications();
for (var i=0;i<tiddlers.length;i++) {
store.setTiddlerTag(tiddlers[i].title,false,tag);
}
store.resumeNotifications();
store.notifyAll();
},
renameTag: function(oldTag,newTag,tiddlers) {
store.suspendNotifications();
for (var i=0;i<tiddlers.length;i++) {
var title = tiddlers[i].title;
store.setTiddlerTag(title, false, oldTag); // remove old
store.setTiddlerTag(title, true, newTag); // add new
store.getTiddler(title).modified = new Date(); // touch modified date
}
store.resumeNotifications();
store.notifyAll();
},
storeMethods: {
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saveTiddler: function(title,newTitle,newBody,modifier,modified,tags,fields,clearChangeCount,created,creator) {
if (title != newTitle) {
var tagged = this.getTaggedTiddlers(title);
if (tagged.length > 0) {
// then we are renaming a tag
if (confirm(config.renameTags.prompts.rename.format([title,newTitle,tagged.length,tagged.length>1?"s":""])))
config.renameTags.renameTag(title,newTitle,tagged);
if (!this.tiddlerExists(title) && newBody == "")
// dont create unwanted tiddler
return null;
}
}
return this.saveTiddler_orig_renameTags(title,newTitle,newBody,modifier,modified,tags,fields,clearChangeCount,created,creator);
},
removeTiddler_orig_renameTags: TiddlyWiki.prototype.removeTiddler,
removeTiddler: function(title) {
var tagged = this.getTaggedTiddlers(title);
if (tagged.length > 0)
if (confirm(config.renameTags.prompts.remove.format([title,tagged.length,tagged.length>1?"s":""])))
config.renameTags.removeTag(title,tagged);
return this.removeTiddler_orig_renameTags(title);
}
},
init: function() {
merge(TiddlyWiki.prototype,this.storeMethods);
}
}
config.renameTags.init();
//}}}
/%
|exercice|groupe émotion chaîne|
|niveau|260 Facile|
%/
!!!Renchérir l'émotion
Tous en cercle. (debout ou assis)
<<<
*L’un commence et vient se placer en face d’un autre.
*Il fait un geste exprimant une émotion légère (colère, joie, amour).
*Le suivant répond en amplifiant geste et émotion, et va se placer en face d’un autre.
<<<
Et ainsi de suite jusqu’à ce que l’émotion soit amplifiée au maximum.
!Rencontre
!!!!!{{center{Louise Harter}}}
+++^^*@[Diction]
|<<tiddler Rencontre##Diction>> |
===
{{center{
Depuis notre rencontre je ne suis plus la même
J'ai jeté aux orties l'énoncé des problèmes
Je ris je chante je danse à tue-tête
Dès que j'entends ta voix tout mon être est en fête
Depuis notre rencontre plus rien ne m'affecte
Le chemin du bonheur est ma ligne directe
Dans tes yeux je voyage sans billet sans bagage
Et je vois défiler les plus beaux paysages
Depuis notre rencontre je vois tout en gros plan
La petite coccinelle le bluet dans les champs
Prodigue la nature m'apporte à foison
Le chant du rossignol le vol du papillon
Depuis notre rencontre tout paraît grandiose
Dans le gris du brouillard je vois du bleu du rose
Les fruits sont plus juteux plus colorées les fleurs
Colombes et tourterelles roucoulent de bonheur
Depuis notre rencontre le monde m'appartient
J'attache de l'importance à mille petits riens
Quand on souffle léger sur mes lèvres se pose
C'est avec l'univers que je suis en osmose
Louise
}}}
/%
!!!!!!Diction
Depuis notre rencontre
je ne suis plus la même
J'ai jeté aux orties l'énoncé des problèmes
Je ris
je chante
je danse
à tue-tête
Dès que j'entends ta voix
tout mon être est en fête
Depuis notre rencontre
plus rien ne m'affecte
Le chemin du bonheur est ma ligne directe
Dans tes yeux
je voyage sans billet
sans bagage
Et je vois défiler les plus beaux paysages
Depuis notre rencontre
je vois tout en gros plan
La petite coccinelle
le bluet dans les champs
Prodigue
la nature m'apporte
à foison
Le chant du rossignol
le vol du papillon
Depuis notre rencontre
tout paraît grandiose
Dans le gris du brouillard
je vois
du bleu
du rose
Les fruits sont plus juteux
plus colorées les fleurs
Colombes et tourterelles roucoulent de bonheur
Depuis notre rencontre
le monde m'appartient
J'attache de l'importance à mille petits riens
Quand ton souffle léger
sur mes lèvres
se pose
C'est avec l'univers que je suis en osmose
Louise
!!!!!!Z
%/
/%
|exercice|groupe respiration impro|
|niveau|Facile|
%/
!!!Respiration
#Arriver haletant, s’asseoir, ranger quelques affaires, apaiser son souffle et dire « j’y suis »
#Assis en paix ; soudain le téléphone sonne . Une nouvelle déroutante, existante.
!!!!Penser le contraire de ce qu'on dit :
//Ex.: « je n’ai pas peur » mais mon halètement trahit la panique intérieure que je veux maîtriser//
#Je bous d’impatience…
#Cela fait deux heures que j’attend, deux heures de trop…
#Je me moque de ce que vous dites… ??
#Non merci je n’ai pas faim…
{{center{^^//<<storyViewer amour previous>><<storyViewer amour list>><<storyViewer amour next>>//^^
[img(40%,)[http://doudou.gheerbrant.com/wp-content/carduranlille.jpg][http://doudou.gheerbrant.com/?p=6908]]
!Reste. N'allume pas la lampe...
!!!!!!//Catulle MENDÈS (1841-1909)//
Reste. N'allume pas la lampe. Que nos yeux
S'emplissent pour longtemps de ténèbres, et laisse
Tes bruns cheveux verser la pesante mollesse
De leurs ondes sur nos baisers silencieux.
Nous sommes las autant l'un que l'autre. Les cieux
Pleins de soleil nous ont trompés. Le jour nous blesse.
Voluptueusement berçons notre faiblesse
Dans l'océan du soir morne et délicieux.
Lente extase, houleux sommeil exempt de songe,
Le flux funèbre roule et déroule et prolonge
Tes cheveux où mon front se pâme enseveli...
Ô calme soir, qui hais la vie et lui résistes,
Quel long fleuve de paix léthargique et d'oubli
Coule dans les cheveux profonds des brunes tristes.
}}}
{{center{
!Retrouvailles
}}}
!!!!!Martinez
{{blue2 small italic{Elle arrive, avec un grand sourire.}}}
;Elle
:{{blue2 small italic{(ravie)}}} Tu me reconnais?
;Lui
:{{blue2 small italic{(se retournant embarrassé)}}} Non.
;Elle
:{{blue2 small italic{(avec un air entendu)}}} C’était il y a quelques années, mais bon…
;Lui
:Ah, oui, peut-être…
;Elle
:{{blue2 small italic{(un peu offusquée)}}} Peut-être?
;Lui
:Si, si, ça me revient, oui… Comment ça va?
;Elle
:Ça va. Qu’est-ce que tu fous là?
;Lui
:Ben, rien. Et toi?
;Elle
:{{blue2 small italic{(inquiète)}}} J’ai changé à ce point là?
;Lui
:Non, pourquoi?
;Elle
:Tu n’avais pas tellement l’air de me reconnaître, tout à l’heure.
;Lui
:Excuse-moi, je ne m’attendais pas à te revoir, c’est tout.
;Elle
:En tout cas, toi, tu n’as pas changé, hein?
;Lui
:Merci…
;Elle
:Alors, qu’est-ce que tu deviens?
;Lui
:Bof, toujours pareil…
;Elle
:Toujours aussi bavard, hein?
{{blue2 small italic{Il ne sait pas quoi dire.}}}
;Elle
:Tu es revenu il y a longtemps?
;Lui
:D’où?
;Elle
:Ben, de là-bas!
;Lui
:Ah, euh… Oui. Enfin, non.
:{{blue2 small italic{Ils se sourient bêtement, gênés.}}}
;Elle
:{{blue2 small italic{(émue)}}} Ça m’a fait plaisir de te revoir.
;Lui
:{{blue2 small italic{(gêné)}}} Moi aussi…
;Elle
:(sur un ton entendu) Il faut que j’y aille, là, on m’attend.
:{{blue2 small italic{Après une hésitation.}}}
;Elle
:On s’embrasse?
;Lui
:Ok…
:{{blue2 small italic{Le prenant par surprise, elle lui roule un patin.}}}
;Elle
:{{blue2 small italic{(pathétique)}}} A une autre fois, peut-être.
;Lui
:{{blue2 small italic{(perturbé)}}} Peut-être, ouais…
;Elle
:Bon ben, salut Paul!
:{{blue2 small italic{Elle se détache de lui, les larmes aux yeux.}}}
;Lui
:Ouais, salut.
:{{blue2 small italic{Elle s’en va. Ils se font des petits signes. Il reste seul.}}}
;Lui
:{{blue2 small italic{(interloqué)}}} Paul?
[>img[sig-ath.jpg]]
!Rhinocéros
((»(
|Description:|Acte I - Béranger, Jean, puis le Rhinoceros (Eugène Ionesco )|
)))
!!!!Décor
|//Une place dans une petite ville de province. Au fond, une maison composée d'un rez-de-chaussée et d'un étage. Au rez-de-chaussée, la devanture d'une épicerie. On y entre par une porte vitrée qui surmonte deux ou trois marches. Au-dessus de la devanture est écrit en caractères très visibles le mot : « ÉPICERIE ». Au premier étage, deux fenêtres qui doivent être celles du logement des épiciers. L'épicerie se trouve donc dans le fond du plateau, mais assez sur la gauche, pas loin des coulisses. On aperçoit, au-dessus de la maison de l'épicerie, le clocher d'une église, dans le lointain. Entre l'épicerie et le côté droit, la perspective d'une petite rue. Sur la droite, légèrement en biais, la devanture d'un café. Au-dessus du café, un étage avec une fenêtre. Devant la terrasse de ce café : plusieurs tables et chaises s'avancent jusque près du milieu du plateau. Un arbre poussiéreux près des chaises de la terrasse. Ciel bleu, lumière crue, murs très blancs. C'est un dimanche, pas loin de midi, en été. Jean et Bérenger iront s'asseoir à une table de la terrasse.// |
://Avant le lever du rideau, on entend carillonner. Le carillon cessera quelques secondes après le lever du rideau. Lorsque le rideau se lève, une femme, portant sous un bras un panier à provisions vide, et sous l'autre un chat, traverse en silence la scène, de droite à gauche. À son passage, l'Épicière ouvre la porte de la boutique et la regarde passer.//
;L'ÉPICIÈRE
:Ah ! celle-là ! (//À son mari qui est dans la boutique//.) Ah ! celle-là, elle est fière. Elle ne veut plus acheter chez nous.
://L'Épicière disparaît, plateau vide quelques secondes.//
://Par la droite, apparaît Jean ; en même temps, par la gauche, apparaît Bérenger. Jean est très soigneusement vêtu : costume marron, cravate rouge, faux col amidonné, chapeau marron. Il est un peu rougeaud de figure. Il a des souliers jaunes, bien cirés ; Bérenger n'est pas rasé, il est tête nue, les cheveux mal peignés, les vêtements chiffonnés ; tout exprime chez lui la négligence, il a l'air fatigué, somnolent ; de temps à autre, il bâille.//
;JEAN, //venant de la droite//.
:Vous voilà tout de même, Bérenger.
;BÉRENGER, //venant de la gauche//.
:Bonjour, Jean.
;JEAN
:Toujours en retard, évidemment ! (//Il regarde sa montre-bracelet.//) Nous avions rendez-vous à onze heures trente. Il est bientôt midi.
;BÉRENGER
:Excusez-moi. Vous m'attendez depuis longtemps ?
;JEAN
:Non. J'arrive, vous voyez bien.
://Ils vont s'asseoir à une des tables de la terrasse du café.//
;BÉRENGER
:Alors, je me sens moins coupable, puisque… vous-même…
;JEAN
:Moi, c'est pas pareil, je n'aime pas attendre, je n'ai pas de temps à perdre. Comme vous ne venez jamais à l'heure, je viens exprès en retard, au moment où je suppose avoir la chance de vous trouver.
;BÉRENGER
:C'est juste… c'est juste, pourtant…
;JEAN
:Vous ne pouvez affirmer que vous venez à l'heure convenue !
;BÉRENGER
:Évidemment… je ne pourrais l'affirmer.
://Jean et Bérenger se sont assis.//
;JEAN
:Vous voyez bien.
;BÉRENGER
:Qu'est-ce que vous buvez ?
;JEAN
:Vous avez soif, vous, dès le matin ?
;BÉRENGER
:Il fait tellement chaud, tellement sec.
;JEAN
:Plus on boit, plus on a soif, dit la science populaire…
;BÉRENGER
:Il ferait moins sec, on aurait moins soif si on pouvait faire venir dans notre ciel des nuages scientifiques.
;JEAN, //examinant Bérenger//.
:Ça ne ferait pas votre affaire. Ce n'est pas d'eau que vous avez soif, mon cher Bérenger…
;BÉRENGER
:Que voulez-vous dire par là, mon cher Jean ?
;JEAN
:Vous me comprenez très bien. Je parle de l'aridité de votre gosier. C'est une terre insatiable.
;
;BÉRENGER
:Votre comparaison, il me semble…
;
;JEAN, //l'interrompant//.
:Vous êtes dans un triste état, mon ami.
;BÉRENGER
:Dans un triste état, vous trouvez ?
;JEAN
:Je ne suis pas aveugle. Vous tombez de fatigue, vous avez encore perdu la nuit, vous bâillez, vous êtes mort de sommeil…
;BÉRENGER
:J'ai un peu mal aux cheveux…
;JEAN
:Vous puez l'alcool !
;BÉRENGER
:J'ai un petit peu la gueule de bois, c'est vrai !
;JEAN
:Tous les dimanches matin, c'est pareil, sans compter les jours de la semaine.
;BÉRENGER
:Ah ! non, en semaine, c'est moins fréquent, à cause du bureau…
;JEAN
:Et votre cravate, où est-elle ? Vous l'avez perdue dans vos ébats !
;BÉRENGER, //mettant la main à son cou//.
:Tiens, c'est vrai, c'est drôle, qu'est-ce que j'ai bien pu en faire ?
;JEAN, //sortant une cravate de la poche de son veston.//
:Tenez, mettez celle-ci.
;BÉRENGER
:Oh, merci, vous êtes bien obligeant.
://Il noue la cravate à son cou.//
;JEAN, //pendant que Bérenger noue sa cravate<br/>au petit bonheur//.
:Vous êtes tout décoiffé ! (//Bérenger passe les doigts dans ses cheveux//.) Tenez, voici un peigne !
://Il sort un peigne de l'autre poche de son veston.//
;BÉRENGER, //prenant le peigne//.
:Merci.
://Il se peigne vaguement.//
;JEAN
:Vous ne vous êtes pas rasé ! Regardez la tête que vous avez.
://Il sort une petite glace de la poche intérieure de son veston, la tend à Bérenger qui s'y examine ; en se regardant dans la glace, il tire la langue.//
;BÉRENGER
:J'ai la langue bien chargée.
;JEAN, //reprenant la glace et la remettant<br/>dans sa poche//.
:Ce n'est pas étonnant !… (//Il reprend aussi le peigne que lui tend Bérenger et le remet dans sa poche//.) La cirrhose vous menace, mon ami.
;BÉRENGER, //inquiet//.
:Vous croyez ?…
;JEAN, //à Bérenger qui veut lui rendre la cravate//.
:Gardez la cravate, j'en ai en réserve.
;BÉRENGER, //admiratif.//
:Vous êtes soigneux, vous.
;JEAN, //continuant d'inspecter Bérenger//.
:Vos vêtements sont tout chiffonnés, c'est lamentable, votre chemise est d'une saleté repoussante, vos souliers… (//Bérenger essaye de cacher ses pieds sous la table//.) Vos souliers ne sont pas cirés… Quel désordre !… Vos épaules…
;BÉRENGER
:Qu'est-ce qu'elles ont, mes épaules ?…
;JEAN
:Tournez-vous. Allez, tournez-vous. Vous vous êtes appuyé contre un mur… //(Bérenger étend mollement sa main vers Jean.)// Non, je n'ai pas de brosse sur moi. Cela gonflerait les poches. (//Toujours mollement, Bérenger donne des tapes sur ses épaules pour en faire sortir la poussière blanche ; Jean écarte la tête//.) Oh ! là là… Où donc avez-vous pris cela ?
;BÉRENGER
:Je ne m'en souviens pas.
;JEAN
:C'est lamentable, lamentable ! J'ai honte d'être votre ami.
;BÉRENGER
:Vous êtes bien sévère…
;JEAN
:On le serait à moins !
;BÉRENGER
:Écoutez, Jean. Je n'ai guère de distractions, on s'ennuie dans cette ville, je ne suis pas fait pour le travail que j'ai… tous les jours, au bureau, pendant huit heures, trois semaines seulement de vacances en été ! Le samedi soir, je suis plutôt fatigué, alors, vous me comprenez, pour me détendre…
;JEAN
:Mon cher, tout le monde travaille et moi aussi, moi aussi comme tout le monde, je fais tous les jours mes huit heures de bureau, moi aussi, je n'ai que vingt et un jours de congé par an, et pourtant, pourtant vous me voyez. De la volonté, que diable !…
;BÉRENGER
:Oh ! de la volonté, tout le monde n'a pas la vôtre. Moi je ne m'y fais pas. Non, je ne m'y fais pas, à la vie.
;JEAN
:Tout le monde doit s'y faire. Seriez-vous une nature supérieure ?
;BÉRENGER
:Je ne prétends pas…
;JEAN, //interrompant//.
:Je vous vaux bien ; et même, sans fausse modestie, je vaux mieux que vous. L'homme supérieur est celui qui remplit son devoir.
;BÉRENGER
:Quel devoir ?
;JEAN
:Son devoir… son devoir d'employé par exemple…
;BÉRENGER
:Ah, oui, son devoir d'employé…
;JEAN
:Où donc ont eu lieu vos libations cette nuit ? Si vous vous en souvenez !
;BÉRENGER
:Nous avons fêté l'anniversaire d'Auguste, notre ami Auguste…
;JEAN
:Notre ami Auguste ? On ne m'a pas invité, moi, pour l'anniversaire de notre ami Auguste…
://À ce moment, on entend le bruit très éloigné, mais se rapprochant très vite, d'un souffle de fauve et de sa course précipitée, ainsi qu'un long barrissement.//
;BÉRENGER
:Je n'ai pas pu refuser. Cela n'aurait pas été gentil…
;JEAN
:Y suis-je allé, moi ?
;BÉRENGER
:C'est peut-être, justement, parce que vous n'avez pas été invité !…
;LA SERVEUSE, //sortant du café//.
:Bonjour, Messieurs, que désirez-vous boire ?
://Les bruits sont devenus très forts.//
;JEAN, //à Bérenger et criant presque<br/>pour se faire entendre, au-dessus des bruits<br/>qu'il ne perçoit pas consciemment//.
:Non, il est vrai, je n'étais pas invité. On ne m'a pas fait cet honneur… Toutefois, je puis vous assurer que même si j'avais été invité, je ne serais pas venu, car… (//Les bruits sont devenus énormes.//) Que se passe-t-il ? (//Les bruits du galop d'un animal puissant et lourd sont tout proches, très accélérés ; on entend son halètement.//) Mais qu'est-ce que c'est ?
;LA SERVEUSE
:Mais qu'est-ce que c'est ?
://Bérenger, toujours indolent, sans avoir l'air d'entendre quoi que ce soit, répond tranquillement à Jean au sujet de l'invitation ; il remue les lèvres ; on n'entend pas ce qu'il dit ; Jean se lève d'un bond, fait tomber sa chaise en se levant, regarde du côté de la coulisse gauche, en montrant du doigt, tandis que Bérenger, toujours un peu vaseux, reste assis.//
;JEAN
:Oh ! un rhinocéros ! (//Les bruits produits par l'animal s'éloigneront à la même vitesse, si bien que l'on peut déjà distinguer les paroles qui suivent ; toute cette scène doit être jouée très vite, répétant ://) Oh ! un rhinocéros !
;LA SERVEUSE
:Oh ! un rhinocéros !
:L'ÉPICIÈRE, //qui montre sa tête par la porte de<br/>l'épicerie//.
:Oh ! un rhinocéros ! (//À son mari, resté dans la boutique ://) Viens vite voir, un rhinocéros !
://Tous suivent du regard, à gauche, la course du fauve.//
;JEAN
:Il fonce droit devant lui, frôle les étalages !
;L'ÉPICIER, //dans sa boutique//.
:Où ça ?
;LA SERVEUSE, //mettant les mains sur les hanches//.
:Oh !
;L'ÉPICIÈRE, //à son mari qui est toujours dans sa boutique//.
:Viens voir !
://Juste à ce moment l'Épicier montre sa tête.//
;L'ÉPICIER, //montrant sa tête//.
:Oh ! un rhinocéros !
;LE LOGICIEN, //venant vite en scène par la gauche//.
:Un rhinocéros, à toute allure sur le trottoir d'en face !
://Toutes ces répliques, à partir de : « Oh ! un rhinocéros ! » dit par Jean, sont presque simultanées. On entend un « ah ! » poussé par une femme. Elle apparaît. Elle court jusqu'au milieu du plateau ; c'est la Ménagère avec son panier au bras ; une fois arrivée au milieu du plateau, elle laisse tomber son panier ; ses provisions se répandent sur la scène, une bouteille se brise, mais elle ne lâche pas le chat tenu sous l'autre bras.//
;LA MÉNAGÈRE
:Ah ! Oh !
://Le Vieux Monsieur élégant venant de la gauche, à la suite de la Ménagère, se précipite dans la boutique des épiciers, les bouscule, entre, tandis que le Logicien ira se plaquer contre le mur du fond, à gauche de l'entrée de l'épicerie. Jean et la Serveuse debout, Bérenger assis, toujours apathique, forment un autre groupe. En même temps, on a pu entendre en provenance de la gauche des « oh ! », des « ah ! », des pas de gens qui fuient. La poussière, soulevée par le fauve, se répand sur le plateau.//
;LE PATRON, //sortant sa tête par la fenêtre à l'étage au-dessus du café.//
:Que se passe-t-il ?
;LE VIEUX MONSIEUR, //disparaissant derrière les épiciers//.
:Pardon !
://Le Vieux Monsieur élégant a des guêtres blanches, un chapeau mou, une canne à pommeau d'ivoire ; le Logicien est plaqué contre le mur, il a une petite moustache grise, des lorgnons, il est coiffé d'un canotier.//
;L'ÉPICIÈRE, //bousculée et bousculant son mari, au Vieux Monsieur.//
:Attention, vous, avec votre canne !
;L'ÉPICIER
:Non, mais des fois, attention !
://On verra la tête du Vieux Monsieur derrière les épiciers.//
;LA SERVEUSE, //au Patron//.
:Un rhinocéros !
;LE PATRON, //de sa fenêtre, à la Serveuse//.
:Vous rêvez ! (//Voyant le rhinocéros//.) Oh ! ça alors !
;LA MÉNAGÈRE
:Ah ! (//Les « oh » et les « ah » des coulisses sont comme un arrière-fond sonore à son « ah » à elle ; la Ménagère, qui a laissé tomber son panier à provisions et la bouteille, n'a donc pas laissé tomber son chat qu'elle tient sous l'autre bras//.) Pauvre minet, il a eu peur !
;LE PATRON, //regardant toujours vers la gauche, suivant des yeux la course de l'animal, tandis que les bruits produits par celui-ci vont en décroissant : sabots, barrissements, etc. Bérenger, lui, écarte simplement un peu la tête, à cause de la poussière, un peu endormi, sans rien dire ; il fait simplement une grimace.//
:Ça alors !
;JEAN, //écartant lui aussi un peu la tête, mais avec vivacité//.
:Ça alors !
://Il éternue.//
;LA MÉNAGÈRE, //au milieu du plateau, mais elle s'est retournée vers la gauche ; les provisions sont répandues par terre autour d'elle.//
:Ça alors !
://Elle éternue.//
;LE VIEUX MONSIEUR, L'ÉPICIÈRE, L'ÉPICIER, //au fond, réouvrant la porte vitrée de d'épicerie, que le Vieux Monsieur avait refermée derrière lui.//
:Ça alors !
;JEAN
:Ça alors ! (//À Bérenger//.) Vous avez vu ?
://Les bruits produits par le rhinocéros, son barrissement se sont bien éloignés ; les gens suivent encore du regard l'animal, debout, sauf Bérenger, toujours apathique et assis.//
;TOUS, //sauf Bérenger//.
:Ça alors !
;BÉRENGER, //à Jean//.
:Il me semble, oui, c'était un rhinocéros ! Ça en fait de la poussière !
://Il sort son mouchoir, se mouche.//
;LA MÉNAGÈRE
:Ça alors ! Ce que j'ai eu peur !
;L'ÉPICIER, //à la Ménagère//.
:Votre panier… vos provisions…
;LE VIEUX MONSIEUR, //s'approchant de la Dame<br/>et se baissant pour ramasser les provisions éparpillées<br/>sur le plancher. Il la salue galamment, enlevant son chapeau.//
;LE PATRON
:Tout de même, on n'a pas idée…
;LA SERVEUSE
:Par exemple !…
;LE VIEUX MONSIEUR, //à la Dame//.
:Voulez-vous me permettre de vous aider à ramasser vos provisions ?
;LA DAME, //au Vieux Monsieur//.
:Merci, Monsieur. Couvrez-vous, je vous prie. Oh ! ce que j'ai eu peur.
;LE LOGICIEN
:La peur est irrationnelle. La raison doit la vaincre.
;LA SERVEUSE
:On ne le voit déjà plus.
;LE VIEUX MONSIEUR//, à la Ménagère, montrant le Logicien//.
:Mon ami est logicien.
;JEAN, //à Bérenger//.
:Qu'est-ce que vous en dites ?
;LA SERVEUSE
:Ça va vite ces animaux-là !
;LA MÉNAGÈRE, //au Logicien//.
:Enchantée, Monsieur.
;L'ÉPICIÈRE, //à l'Épicier//.
:C'est bien fait pour elle. Elle ne l'a pas acheté chez nous.
;JEAN, //au Patron et à la Serveuse//.
:Qu'est-ce que vous en dites ?
;LA MÉNAGÈRE
:Je n'ai quand même pas lâché mon chat.
;LE PATRON, //haussant les épaules, à la fenêtre//.
:On voit pas ça souvent !
;LA MÉNAGÈRE, //au Logicien, tandis que le Vieux Monsieur ramasse les provisions.//
:Voulez-vous le garder un instant ?
;LA SERVEUSE, //à Jean//.
:J'en avais jamais vu !
;LE LOGICIEN, //à la Ménagère, prenant le chat dans ses bras//.
:Il n'est pas méchant ?
;LE PATRON, //à Jean//.
:C'est comme une comète !
;LA MÉNAGÈRE, //au Logicien//.
:Il est gentil comme tout. (//Aux autres//.) Mon vin, au prix où il est !
;L'ÉPICIER, //à la Ménagère//.
:J'en ai, c'est pas ça qui manque !
;JEAN, //à Bérenger//.
:Dites, qu'est-ce que vous en dites ?
;L'ÉPICIER, //à la Ménagère//.
:Et du bon !
;LE PATRON, //à la Serveuse//.
:Ne perdez pas votre temps ! Occupez-vous de ces Messieurs !
://Il montre Bérenger et Jean, il rentre sa tête.//
;BÉRENGER, //à Jean//.
:De quoi parlez-vous ?
;L'ÉPICIÈRE, //à l'Épicier//.
:Va donc lui porter une autre bouteille !
;JEAN, //à Bérenger//.
:Du rhinocéros, voyons, du rhinocéros !
;L'ÉPICIER, //à la Ménagère//.
:J'ai du bon vin, dans des bouteilles incassables !
://Il disparaît dans la boutique.//
;LE LOGICIEN, //caressant le chat dans ses bras//.
:Minet ! minet ! minet !
;LA SERVEUSE, //à Bérenger et à Jean//.
:Que voulez-vous boire ?
;BÉRENGER, //à la Serveuse//.
:Deux pastis !
;LA SERVEUSE
:Bien, Monsieur.
://Elle se dirige vers l'entrée du café.//
;LA MÉNAGÈRE, //ramassant ses provisions, aidée par le Vieux Monsieur.//
:Vous êtes bien aimable, Monsieur.
;LA SERVEUSE
:Alors, deux pastis !
://Elle entre dans le café.//
;LE VIEUX MONSIEUR, //à la Ménagère//.
:C'est la moindre des choses, chère Madame.
://L'Épicière entre dans sa boutique.//
;LE LOGICIEN, //au Monsieur, à la Ménagère, qui sont en train de ramasser les provisions.//
:Remettez-les méthodiquement.
;JEAN, //à Bérenger//.
:Alors, qu'est-ce que vous en dites ?
;BÉRENGER, //à Jean, ne sachant quoi dire//.
:Ben… rien… Ça fait de la poussière…
;L'ÉPICIER, //sortant de la boutique avec une bouteille de vin, à la Ménagère//.
:J'ai aussi des poireaux.
;LE LOGICIEN, //toujours caressant le chat dans ses bras//.
:Minet ! minet ! minet !
;L'ÉPICIER, //à la Ménagère//.
:C'est cent francs le litre.
;LA MÉNAGÈRE, //donnant l'argent à l'Épicier, puis s'adressant au Vieux Monsieur qui a réussi à tout remettre dans le panier//.
:Vous êtes bien aimable. Ah ! la politesse française ! C'est pas comme les jeunes d'aujourd'hui !
;L'ÉPICIER, //prenant l'argent de la Ménagère//.
:Il faudra venir acheter chez nous. Vous n'aurez pas à traverser la rue. Vous ne risquerez plus les mauvaises rencontres !
://Il rentre dans sa boutique.//
;JEAN, //qui s'est rassis et pense toujours au rhinocéros//.
:C'est tout de même extraordinaire !
;LE VIEUX MONSIEUR, //il soulève son chapeau, baise la main de la Ménagère//.
:Très heureux de vous connaître !
;LA MÉNAGÈRE, //au Logicien//.
:Merci, Monsieur, d'avoir tenu mon chat.
://Le Logicien rend le chat à la Ménagère. La Serveuse réapparaît avec les consommations.//
;LA SERVEUSE
:Voici vos pastis, Messieurs !
;JEAN, //à Bérenger//.
:Incorrigible !
;LE VIEUX MONSIEUR, //à la Ménagère//.
:Puis-je vous faire un bout de conduite ?
;BÉRENGER, //à Jean, montrant la Serveuse qui rentre<br/>de nouveau dans la boutique//.
:J'avais demandé de l'eau minérale. Elle s'est trompée.
://Jean hausse les épaules, méprisant et incrédule.//
;LA MÉNAGÈRE, //au Vieux Monsieur//.
:Mon mari m'attend, cher Monsieur. Merci. Ce sera pour une autre fois !
;LE VIEUX MONSIEUR, //à la Ménagère//.
:Je l'espère de tout mon cœur, chère Madame.
;LA MÉNAGÈRE, //au Vieux Monsieur//.
:Moi aussi !
://Yeux doux, puis elle sort par la gauche.//
;BÉRENGER
:Il n'y a plus de poussière…
://Jean hausse de nouveau les épaules.//
;LE VIEUX MONSIEUR, //au Logicien, suivant du regard<br/>la Ménagère//.
:Délicieuse !…
;JEAN, //à Bérenger//.
:Un rhinocéros ! Je n'en reviens pas !
://Le Vieux Monsieur et le Logicien se dirigent vers la droite, doucement, par où ils vont sortir. Ils devisent tranquillement.//
;LE VIEUX MONSIEUR, //au Logicien, après avoir jeté un dernier coup d'œil en direction de la Ménagère//.
:Charmante, n'est-ce pas ?
;LE LOGICIEN, //au Vieux Monsieur//.
:Je vais vous expliquer le syllogisme.
;LE VIEUX MONSIEUR
:Ah ! oui, le syllogisme !
;JEAN, //à Bérenger//.
:Je n'en reviens pas ! C'est inadmissible.
://Bérenger bâille.//
;LE LOGICIEN, //au Vieux Monsieur//.
:Le syllogisme comprend la proposition principale, la secondaire et la conclusion.
;LE VIEUX MONSIEUR
:Quelle conclusion ?
://Le Logicien et le Vieux Monsieur sortent.//
;JEAN
:Non, je n'en reviens pas.
;BÉRENGER, //à Jean//.
:Ça se voit que vous n'en revenez pas. C'était un rhinocéros, eh bien, oui, c'était un rhinocéros !… Il est loin… il est loin…
;JEAN
:Mais voyons, voyons… C'est inouï ! Un rhinocéros en liberté dans la ville, cela ne vous surprend pas ? On ne devrait pas le permettre ! (//Bérenger bâille//.) Mettez donc la main devant votre bouche !…
;BÉRENGER
:Ouais… ouais… On ne devrait pas le permettre. C'est dangereux. Je n'y avais pas pensé. Ne vous en faites pas, nous sommes hors d'atteinte.
;JEAN
:Nous devrions protester auprès des autorités municipales ! À quoi sont-elles bonnes les autorités municipales ?
;BÉRENGER, //bâillant, puis mettant vivement la main<br/>à sa bouche//.
:Oh ! pardon… Peut-être que le rhinocéros s'est-il échappé du jardin zoologique !
;JEAN
:Vous rêvez debout !
;BÉRENGER
:Je suis assis.
;JEAN
:Assis ou debout, c'est la même chose.
;BÉRENGER
:Il y a tout de même une différence.
;JEAN
:Il ne s'agit pas de cela.
;BÉRENGER
:C'est vous qui venez de dire que c'est la même chose, d'être assis ou debout…
;JEAN
:Vous avez mal compris. Assis ou debout, c'est la même chose, quand on rêve !…
;BÉRENGER
:Eh oui, je rêve… La vie est un rêve.
;JEAN, //continuant//.
:… Vous rêvez quand vous dites que le rhinocéros s'est échappé du jardin zoologique…
;BÉRENGER
:J'ai dit : peut-être…
;JEAN, //continuant.//
:… car il n'y a plus de jardin zoologique dans notre ville depuis que les animaux ont été décimés par la peste… il y a fort longtemps…
;BÉRENGER, //même indifférence//.
:Alors, peut-être vient-il du cirque ?
;JEAN
:De quel cirque parlez-vous ?
;BÉRENGER
:Je ne sais pas… un cirque ambulant.
;JEAN
:Vous savez bien que la mairie a interdit aux nomades de séjourner sur le territoire de la commune… Il n'en passe plus depuis notre enfance.
;BÉRENGER, //s'empêchant de bâiller et n'y arrivant pas//.
:Dans ce cas, peut-être était-il depuis lors resté caché dans les bois marécageux des alentours ?
;JEAN, //levant les bras au ciel//.
:Les bois marécageux des alentours ! Les bois marécageux des alentours ! Mon pauvre ami, vous êtes tout à fait dans les brumes épaisses de l'alcool.
;BÉRENGER, //naïf//
:Ça c'est vrai… elles montent de l'estomac…
;JEAN
:Elles vous enveloppent le cerveau. Où connaissez-vous des bois marécageux dans les alentours ?… Notre province est surnommée « La petite Castille » tellement elle est désertique !
;BÉRENGER, //excédé et assez fatigué//.
:Que sais-je alors ? Peut-être s'est-il abrité sous un caillou ?… Peut-être a-t-il fait son nid sur une branche desséchée ?…
;JEAN
:Si vous vous croyez spirituel, vous vous trompez, sachez-le ! Vous êtes ennuyeux avec… avec vo paradoxes ! Je vous tiens pour incapable de parler sérieusement !
;BÉRENGER
:Aujourd'hui, aujourd'hui seulement… À cause de… parce que je…
://Il montre sa tête d'un geste vague.//
;JEAN
:Aujourd'hui, autant que d'habitude !
;BÉRENGER
:Pas autant, tout de même.
;JEAN
:Vos mots d'esprit ne valent rien !
;BÉRENGER
:Je ne prétends nullement…
;JEAN//, l'interrompant//.
:Je déteste qu'on se paie ma tête !
;BÉRENGER, //la main sur le cœur//.
:Je ne me permettrais jamais, mon cher Jean…
;JEAN, //l'interrompant//.
:Mon cher Bérenger, vous vous le permettez…
;BÉRENGER
:Non, ça non, je ne me le permets pas.
;JEAN
:Si, vous venez de vous le permettre !
;BÉRENGER
:Comment pouvez-vous penser… ?
;JEAN, //l'interrompant.//
:Je pense ce qui est !
;BÉRENGER
:Je vous assure…
;JEAN, //l'interrompant//.
:… Que vous vous payez ma tête !
;BÉRENGER
:Vraiment, vous êtes têtu.
;JEAN
:Vous me traitez de bourrique, par-dessus le marché. Vous voyez bien, vous m'insultez.
;BÉRENGER
:Cela ne peut pas me venir à l'esprit.
;JEAN
:Vous n'avez pas d'esprit !
;BÉRENGER
:Raison de plus pour que cela ne me vienne pas à l'esprit.
;JEAN
:Il y a des choses qui viennent à l'esprit même de ceux qui n'en ont pas.
;BÉRENGER
:Cela est impossible.
;JEAN
:Pourquoi cela est-il impossible ?
;BÉRENGER
:Parce que c'est impossible.
;JEAN
:Expliquez-moi pourquoi cela est impossible, puisque vous prétendez être en mesure de tout expliquer…
;BÉRENGER
:Je n'ai jamais prétendu une chose pareille.
;JEAN
:Alors, pourquoi vous en donnez-vous l'air ! Et, encore une fois, pourquoi m'insultez-vous ?
;BÉRENGER
:Je ne vous insulte pas. Au contraire. Vous savez à quel point je vous estime.
;JEAN
:Si vous m'estimez, pourquoi me contredisez-vous en prétendant qu'il n'est pas dangereux de laisser courir un rhinocéros en plein centre de la ville, surtout un dimanche matin, quand les rues sont pleines d'enfants… et aussi d'adultes…
;BÉRENGER
:Beaucoup sont à la messe. Ceux-là ne risquent rien…
;JEAN, //l'interrompant//.
:Permettez… à l'heure du marché, encore.
;BÉRENGER
:Je n'ai jamais affirmé qu'il n'était pas dangereux de laisser courir un rhinocéros dans la ville. J'ai dit tout simplement que je n'avais pas réfléchi à ce danger. Je ne me suis pas posé la question.
;JEAN
:Vous ne réfléchissez jamais à rien !
;BÉRENGER
:Bon, d'accord. Un rhinocéros en liberté, ça n'est pas bien.
;JEAN
:Cela ne devrait pas exister.
;BÉRENGER
:C'est entendu. Cela ne devrait pas exister. C'est même une chose insensée. Bien. Pourtant, ce n'est pas une raison de vous quereller avec moi pour ce fauve. Quelle histoire me cherchez-vous à cause d'un quelconque périssodactyle qui vient de passer tout à fait par hasard, devant nous ? Un quadrupède stupide qui ne mérite même pas qu'on en parle ! Et féroce en plus… Et qui a disparu aussi, qui n'existe plus. On ne va pas se préoccuper d'un animal qui n'existe pas. Parlons d'autre chose, mon cher Jean, parlons d'autre chose, les sujets de conversation ne manquent pas… (//Il bâille, il prend son verre//.) À votre santé !
://À ce moment, le Logicien et le Vieux Monsieur entrent de nouveau, par la droite ; ils iront s'installer, tout en parlant, à une des tables de la terrasse du café, assez loin de Bérenger et de Jean, en arrière et à droite de ceux-ci.//
;JEAN
:Laissez ce verre sur la table. Ne le buvez pas.
://Jean boit une grande gorgée de son pastis et pose le verre à moitié vide sur la table. Bérenger continue de tenir son verre dans la main, sans le poser, sans oser le boire non plus.//
;BÉRENGER
:Je ne vais tout de même pas le laisser au Patron !
://Il fait mine de vouloir boire.//
;
;JEAN
:Laissez-le, je vous dis.
;BÉRENGER
:Bon. (//Il veut remettre le verre sur la table. À ce moment passe Daisy, jeune dactylo blonde, qui traverse le plateau, de droite à gauche. En apercevant Daisy, Bérenger se lève brusquement et, en se levant, il fait un geste maladroit ; le verre tombe et mouille le pantalon de Jean//.) Oh ! Daisy.
;JEAN
:Attention ! Que vous êtes maladroit.
;BÉRENGER
:C'est Daisy… excusez-moi… (//Il va se cacher, pour ne pas être vu par Daisy//.) Je ne veux pas qu'elle me voie… dans l'état où je suis.
;JEAN
:Vous êtes impardonnable, absolument impardonnable ! (//Il regarde vers Daisy qui disparaît.//) Cette jeune fille vous effraye ?
;BÉRENGER
:Taisez-vous, taisez-vous.
;JEAN
:Elle n'a pas l'air méchant, pourtant !
;BÉRENGER, //revenant vers Jean une fois que Daisy a disparu//.
:Excusez-moi, encore une fois, pour…
;JEAN
:Voilà ce que c'est de boire, vous n'êtes plus maître de vos mouvements, vous n'avez plus de force dans les mains, vous êtes ahuri, esquinté. Vous creusez votre propre tombe, mon cher ami. Vous vous perdez.
;BÉRENGER
:Je n'aime pas tellement l'alcool. Et pourtant si je ne bois pas, ça ne va pas. C'est comme si j'avais peur, alors je bois pour ne plus avoir peur.
;JEAN
:Peur de quoi ?
;BÉRENGER
:Je ne sais pas trop. Des angoisses difficiles à définir. Je me sens mal à l'aise dans l'existence, parmi les gens, alors je prends un verre. Cela me calme, cela me détend, j'oublie.
;JEAN
:Vous vous oubliez !
;BÉRENGER
:Je suis fatigué, depuis des années fatigué. J'ai du mal à porter le poids de mon propre corps…
;JEAN
:C'est de la neurasthénie alcoolique, la mélancolie du buveur de vin…
;BÉRENGER, //continuant//.
:Je sens à chaque instant mon corps, comme s'il était de plomb, ou comme si je portais un autre homme sur le dos. Je ne me suis pas habitué à moi-même. Je ne sais pas si je suis moi. Dès que je bois un peu, le fardeau disparaît, et je me reconnais, je deviens moi.
;JEAN
:Des élucubrations ! Bérenger, regardez-moi. Je pèse plus que vous. Pourtant, je me sens léger, léger, léger !
://Il bouge ses bras comme s'il allait s'envoler. Le Vieux Monsieur et le Logicien qui sont de nouveau entrés sur le plateau ont fait quelques pas sur la scène en devisant. Juste à ce moment, ils passent à côté de Jean et de Bérenger. Un bras de Jean heurte très fort le Vieux Monsieur qui bascule dans les bras du Logicien.//
;LE LOGICIEN, //continuant la discussion//.
:Un exemple de syllogisme… (//Il est heurté//.) Oh !…
;LE VIEUX MONSIEUR, //à Jean//.
:Attention. (//Au Logicien//.) Pardon.
;JEAN, //au Vieux Monsieur//.
:Pardon.
;LE LOGICIEN, //au Vieux Monsieur//.
:Il n'y a pas de mal.
;LE VIEUX MONSIEUR, //à Jean//.
:Il n'y a pas de mal.
://Le Vieux Monsieur et le Logicien vont s'asseoir à l'une des tables de la terrasse, un peu à droite et derrière Jean et Bérenger.//
;BÉRENGER, //à Jean//.
:Vous avez de la force.
;JEAN
:Oui, j'ai de la force, j'ai de la force pour plusieurs raisons. D'abord, j'ai de la force parce que j'ai de la force, ensuite j'ai de la force parce que j'ai de la force morale. J'ai aussi de la force parce que je ne suis pas alcoolisé. Je ne veux pas vous vexer, mon cher ami, mais je dois vous dire que c'est l'alcool qui pèse en réalité.
;LE LOGICIEN, //au Vieux Monsieur//.
:Voici donc un syllogisme exemplaire. Le chat a quatre pattes. Isidore et Fricot ont chacun quatre pattes. Donc Isidore et Fricot sont chats.
;LE VIEUX MONSIEUR, //au Logicien//.
:Mon chien aussi a quatre pattes.
;LE LOGICIEN, //au Vieux Monsieur//.
:Alors, c'est un chat.
;BÉRENGER, //à Jean//.
:Moi, j'ai à peine la force de vivre. Je n'en ai plus envie peut-être.
;LE VIEUX MONSIEUR, //au Logicien après avoir longuement réfléchi.//
:Donc, logiquement, mon chien serait un chat.
;LE LOGICIEN, //au Vieux Monsieur//.
:Logiquement, oui. Mais le contraire est aussi vrai.
;BÉRENGER, //à Jean//.
:La solitude me pèse. La société aussi.
;JEAN, //à Bérenger//.
:Vous vous contredisez. Est-ce la solitude qui pèse, ou est-ce la multitude ? Vous vous prenez pour un penseur et vous n'avez aucune logique.
;LE VIEUX MONSIEUR, //au Logicien//.
:C'est très beau, la logique.
;LE LOGICIEN, //au Vieux Monsieur//.
:À condition de ne pas en abuser.
;BÉRENGER, //à Jean//.
:C'est une chose anormale de vivre.
;JEAN
:Au contraire. Rien de plus naturel. La preuve : tout le monde vit.
;BÉRENGER
:Les morts sont plus nombreux que les vivants. Leur nombre augmente. Les vivants sont rares.
;JEAN
:Les morts, ça n'existe pas, c'est le cas de le dire !… Ah ! ah !… (//Gros rire//.) Ceux-là aussi vous pèsent ? Comment peuvent peser des choses qui n'existent pas ?
;BÉRENGER
:Je me demande moi-même si j'existe !
;JEAN, //à Bérenger//.
:Vous n'existez pas, mon cher, parce que vous ne pensez pas ! Pensez, et vous serez.
;LE LOGICIEN, //au Vieux Monsieur//.
:Autre syllogisme : tous les chats sont mortels. Socrate est mortel. Donc Socrate est un chat.
;LE VIEUX MONSIEUR
:Et il a quatre pattes. C'est vrai, j'ai un chat qui s'appelle Socrate.
;LE LOGICIEN
:Vous voyez…
;JEAN, //à Bérenger//.
:Vous êtes un farceur, dans le fond. Un menteur. Vous dites que la vie ne vous intéresse pas. Quelqu'un, cependant, vous intéresse !
;BÉRENGER
:Qui ?
;JEAN
:Votre petite camarade de bureau, qui vient de passer. Vous en êtes amoureux !
;LE VIEUX MONSIEUR//, au Logicien//.
:Socrate était donc un chat !
;LE LOGICIEN, //au Vieux Monsieur//.
:La logique vient de nous le révéler.
;JEAN, //à Bérenger//.
:Vous ne vouliez pas qu'elle vous voie dans le triste état où vous vous trouviez. (//Geste de Bérenger//.) Cela prouve que tout ne vous est pas indifférent. Mais comment voulez-vous que Daisy soit séduite par un ivrogne ?
;LE LOGICIEN, //au Vieux Monsieur//.
:Revenons à nos chats.
;LE VIEUX MONSIEUR, //au Logicien//.
:Je vous écoute.
;BÉRENGER, //à Jean//.
:De toute façon, je crois qu'elle a déjà quelqu'un en vue.
;JEAN, //à Bérenger//.
:Qui donc ?
;BÉRENGER
:Dudard. Un collègue du bureau : licencié en droit, juriste, grand avenir dans la maison, de l'avenir dans le cœur de Daisy ; je ne peux pas rivaliser avec lui.
;LE LOGICIEN, //au Vieux Monsieur//.
:Le chat Isidore a quatre pattes.
;LE VIEUX MONSIEUR
:Comment le savez-vous ?
;LE LOGICIEN
:C'est donné par hypothèse.
;BÉRENGER, //à Jean//.
:Il est bien vu par le chef. Moi, je n'ai pas d'avenir, pas fait d'études, je n'ai aucune chance.
;LE VIEUX MONSIEUR, //au Logicien//.
:Ah ! par hypothèse !
;JEAN, //à Bérenger//.
:Et vous renoncez, comme cela…
;BÉRENGER, //à Jean//.
:Que pourrais-je faire ?
;LE LOGICIEN, //au Vieux Monsieur//.
:Fricot aussi a quatre pattes. Combien de pattes auront Fricot et Isidore ?
;LE VIEUX MONSIEUR//, au Logicien//.
:Ensemble ou séparément ?
;JEAN, //à Bérenger//.
:La vie est une lutte, c'est lâche de ne pas combattre !
;LE LOGICIEN, //au Vieux Monsieur//.
:Ensemble, ou séparément, c'est selon.
;BÉRENGER, //à Jean//.
:Que voulez-vous, je suis désarmé.
;JEAN
:Armez-vous, mon cher, armez-vous.
;LE VIEUX MONSIEUR, //au Logicien, après avoir péniblement réfléchi.//
:Huit, huit pattes.
;LE LOGICIEN
:La logique mène au calcul mental.
;LE VIEUX MONSIEUR
:Elle a beaucoup de facettes !
;BÉRENGER//, à Jean//.
:Où trouver les armes ?
;LE LOGICIEN, //au Vieux Monsieur//.
:La logique n'a pas de limites !
;JEAN
:En vous-même. Par votre volonté.
;BÉRENGER, //à Jean//.
:Quelles armes ?
;LE LOGICIEN, //au Vieux Monsieur//.
:Vous allez voir…
;JEAN, //à Bérenger//.
:Les armes de la patience, de la culture, les armes de l'intelligence. (//Bérenger bâille//.) Devenez un esprit vif et brillant. Mettez-vous à la page.
;BÉRENGER, //à Jean//.
:Comment se mettre à la page ?
;LE LOGICIEN, //au Vieux Monsieur//.
:J'enlève deux pattes à ces chats. Combien leur en restera-t-il à chacun ?
;LE VIEUX MONSIEUR
:C'est compliqué.
;BÉRENGER, //à Jean//.
:C'est compliqué.
;LE LOGICIEN, //au Vieux Monsieur//.
:C'est simple au contraire.
;LE VIEUX MONSIEUR, //au Logicien//.
:C'est facile pour vous, peut-être, pas pour moi.
;BÉRENGER//, à Jean//.
:C'est facile pour vous, peut-être, pas pour moi.
;LE LOGICIEN, //au Vieux Monsieur//.
:Faites un effort de pensée, voyons. Appliquez-vous.
;JEAN//, à Bérenger//.
:Faites un effort de pensée, voyons. Appliquez-vous.
;LE VIEUX MONSIEUR, //au Logicien//.
:Je ne vois pas.
;BÉRENGER, //à Jean//.
:Je ne vois vraiment pas.
;LE LOGICIEN, //au Vieux Monsieur//.
:On doit tout vous dire.
;JEAN, //à Bérenger//.
:On doit tout vous dire.
;LE LOGICIEN, //au Vieux Monsieur//.
:Prenez une feuille de papier, calculez. On enlève six pattes aux deux chats, combien de pattes restera-t-il à chaque chat ?
;LE VIEUX MONSIEUR
:Attendez…
://Il calcule sur une feuille de papier qu'il tire de sa poche.//
;
;JEAN
:Voilà ce qu'il faut faire : vous vous habillez correctement, vous vous rasez tous les jours, vous mettez une chemise propre.
;BÉRENGER, //à Jean//.
:C'est cher, le blanchissage…
;JEAN, //à Bérenger//.
:Économisez sur l'alcool. Ceci, pour l'extérieur : chapeau, cravate comme celle-ci, costume élégant, chaussures bien cirées.
://En parlant des éléments vestimentaires, Jean montre avec fatuité son propre chapeau, sa propre cravate, ses propres souliers.//
;LE VIEUX MONSIEUR, //au Logicien//.
:Il y a plusieurs solutions possibles.
;LE LOGICIEN, //au Vieux Monsieur//.
:Dites.
;BÉRENGER, //à Jean//.
:Ensuite, que faire ? Dites…
;LE LOGICIEN, //au Vieux Monsieur//.
:Je vous écoute.
;BÉRENGER, //à Jean//.
:Je vous écoute.
;JEAN, //à Bérenger//.
:Vous êtes timide, mais vous avez des dons.
;BÉRENGER, //à Jean//.
:Moi, j'ai des dons ?
;JEAN
:Mettez-les en valeur. Il faut être dans le coup. Soyez au courant des événements littéraires et culturels de notre époque.
;LE VIEUX MONSIEUR, //au Logicien//.
:Une première possibilité : un chat peut avoir quatre pattes, l'autre deux.
;BÉRENGER, //à Jean//.
:J'ai si peu de temps libre.
;LE LOGICIEN
:Vous avez des dons, il suffisait de les mettre en valeur.
;JEAN
:Le peu de temps libre que vous avez, mettez-le donc à profit. Ne vous laissez pas aller à la dérive.
;LE VIEUX MONSIEUR
:Je n'ai guère eu le temps. J'ai été fonctionnaire.
;LE LOGICIEN, //au Vieux Monsieur//.
:On trouve toujours le temps de s'instruire.
;JEAN, //à Bérenger//.
:On a toujours le temps.
;BÉRENGER, //à Jean//.
:C'est trop tard.
;LE VIEUX MONSIEUR, //au Logicien//.
:C'est un peu tard, pour moi.
;JEAN, //à Bérenger//.
:Il n'est jamais trop tard.
;LE LOGICIEN, //au Vieux Monsieur//.
:Il n'est jamais trop tard.
;JEAN, //à Bérenger//.
:Vous avez huit heures de travail, comme moi, comme tout le monde, mais le dimanche, mais le soir, mais les trois semaines de vacances en été ? Cela suffit, avec de la méthode.
;LE LOGICIEN, //au Vieux Monsieur//.
:Alors, les autres solutions ? Avec méthode, avec méthode…
://Le Monsieur se met à calculer de nouveau.//
;JEAN, //à Bérenger//.
:Tenez, au lieu de boire et d'être malade, ne vaut-il pas mieux être frais et dispos, même au bureau ? Et vous pouvez passer vos moments disponibles d'une façon intelligente.
;BÉRENGER, //à Jean//.
:C'est-à-dire ?…
;JEAN, //à Bérenger//.
:Visitez les musées, lisez des revues littéraires, allez entendre des conférences. Cela vous sortira de vos angoisses, cela vous formera l'esprit. En quatre semaines, vous êtes un homme cultivé.
;BÉRENGER, //à Jean//.
:Vous avez raison !
;LE VIEUX MONSIEUR, //au Logicien//.
:Il peut y avoir un chat à cinq pattes…
;JEAN, //à Bérenger//.
:Vous le dites vous-même.
;LE VIEUX MONSIEUR, //au Logicien//.
:Et un autre chat à une patte. Mais alors seront-ils toujours des chats ?
;LE LOGICIEN, //au Vieux Monsieur//.
:Pourquoi pas ?
;JEAN, //à Bérenger//.
:Au lieu de dépenser tout votre argent disponible en spiritueux, n'est-il pas préférable d'acheter des billets de théâtre pour voir un spectacle intéressant ? Connaissez-vous le théâtre d'avant-garde, dont on parle tant ? Avez-vous vu les pièces de Ionesco ?
;BÉRENGER, //à Jean//.
:Non, hélas ! J'en ai entendu parler seulement.
;LE VIEUX MONSIEUR, //au Logicien//.
:En enlevant les deux pattes sur huit, des deux chats…
;JEAN, //à Bérenger//.
:Il en passe une, en ce moment. Profitez-en.
;LE VIEUX MONSIEUR
:Nous pouvons avoir un chat à six pattes…
;BÉRENGER
:Ce sera une excellente initiation à la vie artistique de notre temps.
;LE VIEUX MONSIEUR, //au Logicien//.
:Et un chat, sans pattes du tout.
;BÉRENGER
:Vous avez raison, vous avez raison. Je vais me mettre à la page, comme vous dites.
;LE LOGICIEN, //au Vieux Monsieur//.
:Dans ce cas, il y aurait un chat privilégié.
;BÉRENGER, //à Jean//.
:Je vous le promets.
;JEAN
:Promettez-le-vous à vous-même, surtout.
;LE VIEUX MONSIEUR
:Et un chat aliéné de toutes ses pattes, déclassé ?
;BÉRENGER
:Je me le promets solennellement. Je tiendrai parole à moi-même.
;LE LOGICIEN
:Cela ne serait pas juste. Donc ce ne serait pas logique.
;BÉRENGER, //à Jean//.
:Au lieu de boire, je décide de cultiver mon esprit. Je me sens déjà mieux. J'ai déjà la tête plus claire.
;JEAN
:Vous voyez bien !
;LE VIEUX MONSIEUR, //au Logicien//.
:Pas logique ?
;BÉRENGER
:Dès cet après-midi, j'irai au musée municipal. Pour ce soir, j'achète deux places au théâtre. M'accompagnez-vous ?
;LE LOGICIEN, //au Vieux Monsieur//.
:Car la justice, c'est la logique.
;JEAN, //à Bérenger//.
:Il faudra persévérer. Il faut que vos bonnes intentions durent.
;LE VIEUX MONSIEUR, //au Logicien//.
:Je saisis. La justice…
;BÉRENGER, //à Jean//.
:Je vous le promets, je me le promets. M'accompagnez-vous au musée cet après-midi ?
;JEAN, //à Bérenger//.
:Cet après-midi, je fais la sieste, c'est dans mon programme.
;LE VIEUX MONSIEUR, //au Logicien//.
:La justice, c'est encore une facette de la logique.
;BÉRENGER, //à Jean//.
:Mais vous voulez bien venir avec moi ce soir au théâtre ?
;JEAN
:Non, pas ce soir.
;LE LOGICIEN, //au Vieux Monsieur//.
:Votre esprit s'éclaire !
;JEAN, //à Bérenger//.
:Je souhaite que vous persévériez dans vos bonnes intentions. Mais, ce soir, je dois rencontrer des amis à la brasserie.
;BÉRENGER
:À la brasserie ?
;LE VIEUX MONSIEUR, //au Logicien//.
:D'ailleurs, un chat sans pattes du tout…
;JEAN, //à Bérenger//.
:J'ai promis d'y aller. Je tiens mes promesses.
;LE VIEUX MONSIEUR, //au Logicien//.
:… ne pourrait plus courir assez vite pour attraper les souris.
;BÉRENGER, //à Jean//.
:Ah ! mon cher, c'est à votre tour de donner le mauvais exemple ! Vous allez vous enivrer.
;LE LOGICIEN, //au Vieux Monsieur//.
:Vous faites déjà des progrès en logique !
://On commence de nouveau à entendre, se rapprochant toujours très vite, un galop rapide, un barrissement, les bruits précipités des sabots d'un rhinocéros, son souffle bruyant, mais cette fois, en sens inverse, du fond de la scène vers le devant, toujours en coulisse, à gauche.//
;JEAN, //furieux,// //à Bérenger//.
:Mon cher ami, une fois n'est pas coutume. Aucun rapport avec vous. Car vous… vous… ce n'est pas la même chose…
;BÉRENGER, //à Jean//.
:Pourquoi ne serait-ce pas la même chose ?
;JEAN, //criant pour dominer le bruit venant de la boutique//.
:Je ne suis pas un ivrogne, moi !
;LE LOGICIEN, //au Vieux Monsieur//.
:Même sans pattes, le chat doit attraper les souris. C'est dans sa nature.
;BÉRENGER, //criant très fort//.
:Je ne veux pas dire que vous êtes un ivrogne. Mais pourquoi le serais-je, moi, plus que vous, dans un cas semblable ?
;LE VIEUX MONSIEUR//, criant// //au Logicien//.
:Qu'est-ce qui est dans la nature du chat ?
;JEAN, //à Bérenger// //; même jeu//.
:Parce que tout est affaire de mesure. Contrairement à vous, je suis un homme mesuré.
;LE LOGICIEN, //au Vieux Monsieur, mains en cornet à l'oreille//.
:Qu'est-ce que vous dites ?
://Grands bruits couvrant les paroles des quatre personnages.//
;
;BÉRENGER, //mains en cornet à l'oreille,// //à Jean//.
:Tandis que moi, quoi, qu'est-ce que vous dites ?
;JEAN, //hurlant//.
:Je dis que…
;LE VIEUX MONSIEUR, //hurlant//.
:Je dis que…
;JEAN, //prenant conscience des bruits qui sont très proches//.
:Mais que se passe-t-il ?
;LE LOGICIEN
:Mais qu'est-ce que c'est ?
;JEAN //se lève, fait tomber sa chaise en se levant, regarde vers la coulisse gauche d'où proviennent les bruits d'un rhinocéros passant en sens inverse//.
:Oh ! un rhinocéros !
;LE LOGICIEN //se lève, fait tomber sa chaise//.
:Oh ! un rhinocéros !
;LE VIEUX MONSIEUR, //même jeu//.
:Oh ! un rhinocéros !
;BÉRENGER, //toujours assis, mais plus réveillé cette fois.//
:Rhinocéros ! En sens inverse.
;LA SERVEUSE, //sortant avec un plateau et des verres//.
:Qu'est-ce que c'est ? Oh ! un rhinocéros !
://Elle laisse tomber le plateau ; les verres se brisent.//
;LE PATRON, //sortant de la boutique//.
:Qu'est-ce que c'est ?
;LA SERVEUSE, //au Patron//.
:Un rhinocéros !
;LE LOGIGIEN
:Un rhinocéros, à toute allure sur le trottoir d'en face !
;L'ÉPICIER, //sortant de la boutique//.
:Oh ! un rhinocéros !
;JEAN
:Oh ! un rhinocéros !
;L'ÉPICIÈRE, //sortant la tête par la fenêtre, au-dessus<br/>de la boutique//.
:Oh ! un rhinocéros !
;LE PATRON, //à la Serveuse//.
:Ce n'est pas une raison pour casser les verres.
;JEAN
:Il fonce droit devant lui, frôle les étalages.
;DAISY, //venant de la gauche//.
:Oh ! un rhinocéros !
;BÉRENGER, //apercevant Daisy//.
:Oh ! Daisy !
://On entend des pas précipités de gens qui fuient, des oh ! des ah ! comme tout à l'heure.//
;LA SERVEUSE
:Ça alors !
;LE PATRON, //à la Serveuse//.
:Vous me la payerez, la casse !
://Bérenger essaie de se dissimuler, pour ne pas être vu par Daisy. Le Vieux Monsieur, le Logicien, l'Épicière, l'Épicier se dirigent vers le milieu du plateau et disent ://
;ENSEMBLE
:Ça alors !
;JEAN et BÉRENGER
:Ça alors !
://On entend un miaulement déchirant, puis le cri, tout aussi déchirant, d'une femme.//
;TOUS
:Oh !
://Presque au même instant, et tandis que les bruits s'éloignent rapidement, apparaît la Ménagère de tout à l'heure, sans son panier, mais tenant dans ses bras un chat tué et ensanglanté.//
;LA MÉNAGÈRE, se lamentant.
:Il a écrasé mon chat, il a écrasé mon chat !
;LA SERVEUSE
:Il a écrasé son chat !
://L'Épicier, l'Épicière, à la fenêtre, le Vieux Monsieur, Daisy, le Logicien entourent la Ménagère, ils disent ://
;ENSEMBLE
:Si c'est pas malheureux, pauvre petite bête !
;LE VIEUX MONSIEUR
:Pauvre petite bête !
;DAISY et LA SERVEUSE
:Pauvre petite bête !
;L'ÉPICIER, L'ÉPICIÈRE//, à la fenêtre//,
;LE VIEUX MONSIEUR, LE LOGIGIEN
:Pauvre petite bête !
;LE PATRON, //à la Serveuse, montrant les verres brisés,<br/>les chaises renversées//.
:Que faites-vous donc ? Ramassez-moi cela !
://À leur tour, Jean et Bérenger se précipitent, entourent la Ménagère qui se lamente toujours, le chat mort dans ses bras.//
;LA SERVEUSE, //se dirigeant vers la terrasse du café pour ramasser les débris de verres et les chaises renversées, tout en regardant en arrière, vers la Ménagère//.
:Oh ! pauvre petite bête !
;LE PATRON, //indiquant du doigt, à la Serveuse, les chaises et les verres brisés.//
:Là, là !
;LE VIEUX MONSIEUR, //à l'Épicier//.
:Qu'est-ce que vous en dites ?
;BÉRENGER, //à la Ménagère//.
:Ne pleurez pas, Madame, vous nous fendez le cœur !
;DAISY, //à Bérenger//.
:Monsieur Bérenger… Vous étiez là ? Vous avez vu ?
;BÉRENGER, //à Daisy//.
:Bonjour, mademoiselle Daisy, je n'ai pas eu le temps de me raser, excusez-moi de…
;LE PATRON, //contrôlant le ramassage des débris puis jetant un coup d'œil vers la Ménagère//.
:Pauvre petite bête !
;LA SERVEUSE //ramassant les débris, le dos tourné<br/>à la Ménagère.//
:Pauvre petite bête !
://Évidemment, toutes ces répliques doivent être dites très rapidement, presque simultanément.//
;L'ÉPICIÈRE, //à la fenêtre//.
:Ça, c'est trop fort !
;JEAN
:Ça, c'est trop fort !
;LA MÉNAGÈRE, //se lamentant et berçant le chat mort<br/>dans ses bras//.
:Mon pauvre Mitsou, mon pauvre Mitsou !
;LE VIEUX MONSIEUR, //à la Ménagère//.
:J'aurais aimé vous revoir en d'autres circonstances !
;LE LOGIGIEN, //à la Ménagère//.
:Que voulez-vous, Madame, tous les chats sont mortels ! Il faut se résigner.
;LA MÉNAGÈRE, //se lamentant//.
:Mon chat, mon chat, mon chat !
;LE PATRON, //à la Serveuse//, //qui a le tablier plein de brisures de verre.//
:Allez, portez cela à la poubelle ! (//Il a relevé les chaises//.) Vous me devez mille francs !
;LA SERVEUSE, //rentrant dans la boutique,// //au Patron//.
:Vous ne pensez qu'à vos sous.
;L'ÉPICIÈRE, //à la Ménagère//, //de la fenêtre//.
:Calmez-vous, Madame.
;LE VIEUX MONSIEUR, //à la Ménagère//.
:Calmez-vous, chère Madame.
;L'ÉPICIÈRE, //de la fenêtre//.
:Ça fait de la peine, quand même !
;LA MÉNAGÈRE
:Mon chat ! mon chat ! mon chat !
;DAISY
:Ah ! oui, ça fait de la peine quand même.
;LE VIEUX MONSIEUR, //soutenant la Ménagère et se dirigeant avec elle à une table de la terrasse ; il est suivi de tous les autres.//
:Asseyez-vous là, Madame.
;JEAN, //au Vieux Monsieur//.
:Qu'est-ce que vous en dites ?
;L'ÉPICIER, //au Logicien//.
:Qu'est-ce que vous en dites ?
;L'ÉPICIÈRE, //à Daisy//, //de la fenêtre//.
:Qu'est-ce que vous en dites ?
;LE PATRON, //à la Serveuse// //qui réapparaît, tandis qu'on fait asseoir, à une des tables de la terrasse, la Ménagère en larmes, berçant toujours le chat mort.//
:Un verre d'eau pour Madame.
;LE VIEUX MONSIEUR, //à la Dame//.
:Asseyez-vous, chère Madame !
;JEAN
:Pauvre femme !
;L'ÉPICIÈRE, //de la fenêtre//.
:Pauvre bête !
;BÉRENGER, //à la Serveuse//.
:Apportez-lui un cognac plutôt.
;LE PATRON, //à la Serveuse//.
:Un cognac ! (//Montrant Bérenger//.) C'est Monsieur qui paye !
://La Serveuse entre dans la boutique en disant ://
;LA SERVEUSE
:Entendu, un cognac !
;LA MÉNAGÈRE//, sanglotant//.
:Je n'en veux pas, je n'en veux pas !
;L'ÉPICIER
:Il est déjà passé tout à l'heure devant la boutique.
;JEAN, //à l'Épicier//.
:Ça n'était pas le même !
;L'ÉPICIER, //à Jean//
:Pourtant…
;L'ÉPICIÈRE
:Oh ! si, c'était le même.
;DAISY
:C'est la deuxième fois qu'il en passe ?
;LE PATRON
:Je crois que c'était le même.
;JEAN
:Non, ce n'était pas le même rhinocéros. Celui de tout à l'heure avait deux cornes sur le nez, c'était un rhinocéros d'Asie ; celui-ci n'en avait qu'une, c'était un rhinocéros d'Afrique !
://La Serveuse sort avec un verre de cognac, le porte à la Dame.//
;LE VIEUX MONSIEUR
:Voilà du cognac pour vous remonter.
;LA MÉNAGÈRE, //en larmes//.
:Noon…
;BÉRENGER, //soudain énervé,// //à Jean//.
:Vous dites des sottises !… Comment avez-vous pu distinguer les cornes ! Le fauve est passé à une telle vitesse, à peine avons-nous pu l'apercevoir…
;DAISY, //à la Ménagère//.
:Mais si, ça vous fera du bien !
;LE VIEUX MONSIEUR, //à Bérenger//.
:En effet, il allait vite.
;LE PATRON, //à la Ménagère//.
:Goûtez-y, il est bon.
;BÉRENGER, //à Jean//.
:Vous n'avez pas eu le temps de compter ses cornes…
;L'ÉPICIÈRE, //à la Serveuse, de sa fenêtre//.
:Faites-la boire.
;BÉRENGER, //à Jean//.
:En plus, il était enveloppé d'un nuage de poussière…
;DAISY, //à la Ménagère//.
:Buvez, Madame.
;LE VIEUX MONSIEUR, //à la même//.
:Un petit coup, ma chère petite Dame… courage…
://La Serveuse fait boire la Ménagère, en portant le verre à ses lèvres ; celle-ci fait mine de refuser, et boit quand même.//
;LA SERVEUSE
:Voilà !
;L'ÉPICIÈRE, //de sa fenêtre, et// DAISY
:Voilà !
;JEAN, //à Bérenger//.
:Moi, je ne suis pas dans le brouillard. Je calcule vite, j'ai l'esprit clair !
;LE VIEUX MONSIEUR, //à la Ménagère//.
:Ça va mieux ?
;BÉRENGER, //à Jean//.
:Il fonçait tête baissée, voyons.
;LE PATRON//, à la Ménagère//.
:N'est-ce pas qu'il est bon !
;JEAN, //à Bérenger//.
:Justement, on voyait mieux.
;LA MÉNAGÈRE, //après avoir bu//
:Mon chat !
;BÉRENGER//, irrité,// //à Jean//.
:Sottises ! Sottises !
;L'ÉPICIÈRE, //de sa fenêtre,// //à la Ménagère//.
:J'ai un autre chat, pour vous.
;JEAN, //à Bérenger.//
:Moi ? Vous osez prétendre que je dis des sottises ?
;LA MÉNAGÈRE, //à l'Épicière//.
:Je n'en veux pas d'autre !
://Elle sanglote, en berçant son chat.//
;BÉRENGER, //à Jean//.
:Oui, parfaitement, des sottises.
;LE PATRON, //à la Ménagère//.
:Faites-vous une raison !
;JEAN, //à Bérenger//.
:Je ne dis jamais de sottises, moi !
;LE VIEUX MONSIEUR, //à la Ménagère//.
:Soyez philosophe !
;BÉRENGER, //à Jean//.
:Et vous n'êtes qu'un prétentieux ! (//Élevant la voix ://) Un pédant…
;LE PATRON, //à Jean// //et// //à Bérenger//.
:Messieurs, Messieurs !
;BÉRENGER, //à Jean//, //continuant.//
:… Un pédant, qui n'est pas sûr de ses connaissances, car, d'abord, c'est le rhinocéros d'Asie qui a une corne sur le nez, le rhinocéros d'Afrique, lui, en a deux…
://Les autres personnages délaissent la Ménagère et vont entourer Jean et Bérenger qui discutent très fort.//
;JEAN, //à Bérenger//.
:Vous vous trompez, c'est le contraire !
;LA MÉNAGÈRE//, seule//.
:Il était si mignon !
;BÉRENGER
:Voulez-vous parier ?
;LA SERVEUSE
:Ils veulent parier !
;DAISY, //à Bérenger//.
:Ne vous énervez pas, monsieur Bérenger.
;JEAN, //à Bérenger//.
:Je ne parie pas avec vous. Les deux cornes, c'est vous qui les avez ! Espèce d'Asiatique !
;LA SERVEUSE
:Oh !
;L'ÉPICIÈRE, //de la fenêtre,// //à l'Épicier//.
:Ils vont se battre.
;L'ÉPICIER, //à l'Épicière//.
:Penses-tu, c'est un pari !
;LE PATRON, //à Jean// //et// //à Bérenger//.
:Pas de scandale ici.
;LE VIEUX MONSIEUR
:Voyons… Quelle espèce de rhinocéros n'a qu'une corne sur le nez ? (//À l'Épicier//.) Vous qui êtes commerçant, vous devez savoir !
;L'ÉPICIÈRE, //de la fenêtre,// //à l'Épicier//.
:Tu devrais savoir !
;BÉRENGER, //à Jean//.
:Je n'ai pas de corne. Je n'en porterai jamais !
;L'ÉPICIER, //au Vieux Monsieur//.
:Les commerçants ne peuvent pas tout savoir !
;JEAN, //à Bérenger//.
:Si !
;BÉRENGER, //à Jean//.
:Je ne suis pas asiatique non plus. D'autre part, les Asiatiques sont des hommes comme tout le monde…
;LA SERVEUSE
:Oui, les Asiatiques sont des hommes comme vous et moi…
;LE VIEUX MONSIEUR, //au Patron//.
:C'est juste !
;LE PATRON, //à la Serveuse//.
:On ne vous demande pas votre avis !
;DAISY, //au Patron//.
:Elle a raison. Ce sont des hommes comme nous.
://La Ménagère continue de se lamenter, pendant toute cette discussion.//
;LA MÉNAGÈRE
:Il était si doux, il était comme nous.
;JEAN, //hors de lui//.
:Ils sont jaunes !
://Le Logicien, à l'écart, entre la Ménagère et le groupe qui s'est formé autour de Jean et de Bérenger, suit la controverse attentivement, sans y participer.//
;JEAN
:Adieu, Messieurs ! (//À Bérenger//.) Vous, je ne vous salue pas !
;LA MÉNAGÈRE, //même jeu//.
:Il nous aimait tellement !
://Elle sanglote.//
;
;DAISY
:Voyons, monsieur Bérenger, voyons, monsieur Jean…
;LE VIEUX MONSIEUR
:J'ai eu des amis asiatiques. Peut-être n'étaient-ils pas de vrais Asiatiques…
;LE PATRON
:J'en ai connu des vrais.
;LA SERVEUSE, //à l'Épicière//.
:J'ai eu un ami asiatique.
;LA MÉNAGÈRE, //même jeu//.
:Je l'ai eu tout petit !
;JEAN, //toujours hors de lui//.
:Ils sont jaunes ! jaunes ! très jaunes !
;BÉRENGER//, à Jean//.
:En tout cas, vous, vous êtes écarlate !
;L'ÉPICIÈRE, //de la fenêtre, et// LA SERVEUSE
:Oh !
;LE PATRON
:Ça tourne mal !
;LA MÉNAGÈRE, //même jeu//.
:Il était si propre ! Il faisait dans sa sciure !
;JEAN, //à Bérenger//.
:Puisque c'est comme ça, vous ne me verrez plus ! Je perds mon temps avec un imbécile de votre espèce.
;LA MÉNAGÈRE, //même jeu//.
:Il se faisait comprendre !
://Jean sort vers la droite, très vite, furieux. Il se retourne toutefois avant de sortir pour de bon.//
;LE VIEUX MONSIEUR, //à l'Épicier//.
:Il y a aussi des Asiatiques blancs, noirs, bleus, d'autres comme nous.
;JEAN, //à Bérenger//
:Ivrogne !
://Tous le regardent consternés.//
;BÉRENGER, //en direction de Jean//.
:Je ne vous permets pas !
;TOUS, //en direction de Jean//.
:Oh !
;LA MÉNAGÈRE, //même jeu//.
:Il ne lui manquait que la parole. Même pas !
;DAISY, //à Bérenger//.
:Vous n'auriez pas dû le mettre en colère.
;BÉRENGER, //à Daisy//.
:Ce n'est pas ma faute…
;LE PATRON, //à la Serveuse//.
:Allez chercher un petit cercueil, pour cette pauvre bête…
;LE VIEUX MONSIEUR, //à Bérenger//.
:Je pense que vous avez raison. Le rhinocéros d'Asie a deux cornes, le rhinocéros d'Afrique en a une…
;L'ÉPICIER
:Monsieur soutenait le contraire.
;DAISY, //à Bérenger.//
:Vous avez tort tous les deux !
;LE VIEUX MONSIEUR, //à Bérenger//.
:Vous avez tout de même eu raison.
;LA SERVEUSE, //à la Ménagère//.
:Venez, Madame, on va le mettre en boîte.
;LA MÉNAGÈRE, //sanglotant éperdument//.
:Jamais ! jamais !
;L'ÉPICIER
:Je m'excuse ; moi, je pense que c'est monsieur Jean qui avait raison.
;DAISY//, se tournant vers la Ménagère//.
:Soyez raisonnable, Madame !
://Daisy et la Serveuse entraînent la Ménagère, avec son chat mort, vers l'entrée du café.//
;LE VIEUX MONSIEUR, //à Daisy// //et à la Serveuse//.
:Voulez-vous que je vous accompagne ?
;L'ÉPICIER
:Le rhinocéros d'Asie a une corne, le rhinocéros d'Afrique, deux. Et vice versa.
;DAISY, //au Vieux Monsieur//.
:Ce n'est pas la peine.
://Daisy et la Serveuse entrent dans le café, entraînant la Ménagère toujours inconsolée.//
;L'ÉPICIÈRE, //à l'Épicier//, //de sa fenêtre//.
:Oh ! toi, toujours des idées pas comme tout le monde !
;BÉRENGER, //à part, tandis que les autres continuent de discuter au sujet des cornes du rhinocéros.//
:Daisy a raison, je n'aurais pas dû le contredire.
;LE PATRON, //à l'Épicière//.
:Votre mari a raison, le rhinocéros d'Asie a deux cornes, celui d'Afrique doit en avoir deux, et vice versa.
;BÉRENGER, //à part//.
:Il ne supporte pas la contradiction. La moindre objection le fait écumer.
;LE VIEUX MONSIEUR, //au Patron//.
:Vous faites erreur, mon ami.
;LE PATRON, //au Vieux Monsieur//.
:Je vous demande bien pardon !…
;BÉRENGER, //à part//.
:La colère est son seul défaut.
;L'ÉPICIÈRE, //de sa fenêtre, au Vieux Monsieur, au Patron et à l'Épicier.//
:Peut-être sont-ils tous les deux pareils.
;BÉRENGER, //à part//.
:Dans le fond, il a un cœur d'or, il m'a rendu d'innombrables services.
;LE PATRON, //à l'Épicière//.
:L'autre ne peut qu'en avoir une, si l'un en a deux.
;LE VIEUX MONSIEUR
:Peut-être c'est l'un qui en a une, c'est l'autre qui en a deux.
;BÉRENGER, //à part//.
:Je regrette de ne pas avoir été plus conciliant. Mais pourquoi s'entête-t-il ? Je ne voulais pas le pousser à bout. (//Aux autres//.) Il soutient toujours des énormités ! Il veut toujours épater tout le monde par son savoir. Il n'admet jamais qu'il pourrait se tromper.
;LE VIEUX MONSIEUR, //à Bérenger//.
:Avez-vous des preuves ?
;BÉRENGER
:À quel sujet ?
;LE VIEUX MONSIEUR
:Votre affirmation de tout à l'heure qui a provoqué votre fâcheuse controverse avec votre ami.
;L'ÉPICIER, //à Bérenger//.
:Oui, avez-vous des preuves ?
;LE VIEUX MONSIEUR, //à Bérenger//.
:Comment savez-vous que l'un des deux rhinocéros a deux cornes et l'autre une ? Et lequel ?
;L'ÉPICIÈRE
:Il ne le sait pas plus que nous.
;BÉRENGER
:D'abord, on ne sait pas s'il y en a eu deux. Je crois même qu'il n'y a eu qu'un rhinocéros.
;LE PATRON
:Admettons qu'il y en ait eu deux. Qui est unicorne, le rhinocéros d'Asie ?
;LE VIEUX MONSIEUR
:Non. C'est le rhinocéros d'Afrique qui est bicornu. Je le crois.
;LE PATRON
:Qui est bicornu ?
;L'ÉPICIER
:Ce n'est pas celui d'Afrique.
;L'ÉPICIÈRE
:Il n'est pas facile de se mettre d'accord.
;LE VIEUX MONSIEUR
:Il faut tout de même élucider ce problème.
;LE LOGICIEN, //sortant de sa réserve//.
:Messieurs, excusez-moi d'intervenir. Là n'est pas la question. Permettez-moi de me présenter…
;LA MÉNAGÈRE, //en larmes//.
:C'est un Logicien !
;LE PATRON
:Oh ! il est Logicien !
;LE VIEUX MONSIEUR, //présentant le Logicien// //à Bérenger//.
:Mon ami, le Logicien !
;BÉRENGER
:Enchanté, Monsieur.
;LE LOGIGIEN, //continuant.//
:… Logicien professionnel : voici ma carte d'identité.
://Il montre sa carte.//
;BÉRENGER
:Très honoré, Monsieur.
;L'ÉPICIER
:Nous sommes très honorés.
;LE PATRON
:Voulez-vous nous dire alors, monsieur le Logicien, si le rhinocéros africain est unicornu…
;LE VIEUX MONSIEUR
:Ou bicornu…
;L'ÉPICIÈRE
:Et si le rhinocéros asiatique est bicornu.
;L'ÉPICIER
:Ou bien unicornu.
;LE LOGICIEN
:Justement, là n'est pas la question. C'est ce que je me dois de préciser.
;L'ÉPICIER
:C'est pourtant ce qu'on aurait voulu savoir.
;LE LOGIGIEN
:Laissez-moi parler, Messieurs.
;LE VIEUX MONSIEUR
:Laissons-le parler.
;L'ÉPICIER, //à l'Épicière//, //de la fenêtre//.
:Laissez-le donc parler.
;LE PATRON
:On vous écoute, Monsieur.
;LE LOGICIEN, //à Bérenger//.
:C'est à vous, surtout, que je m'adresse. Aux autres personnes présentes aussi.
;L'ÉPICIER
:À nous aussi…
;LE LOGIGIEN
:Voyez-vous, le débat portait tout d'abord sur un problème dont vous vous êtes malgré vous écarté. Vous vous demandiez, au départ, si le rhinocéros qui vient de passer est bien celui de tout à l'heure, ou si c'en est un autre. C'est à cela qu'il faut répondre.
;BÉRENGER
:De quelle façon ?
;LE LOGIGIEN
:Voici : vous pouvez avoir vu deux fois un même rhinocéros portant une seule corne…
;L'ÉPICIER//, répétant, comme pour mieux comprendre//.
:Deux fois le même rhinocéros.
;LE PATRON, //même jeu//.
:Portant une seule corne…
;LE LOGIGIEN, //continuant//.
:… Comme vous pouvez avoir vu deux fois un même rhinocéros à deux cornes.
;LE VIEUX MONSIEUR, //répétant//.
:Un seul rhinocéros à deux cornes, deux fois…
;LE LOGICIEN
:C'est cela. Vous pouvez encore avoir vu un premier rhinocéros à une corne, puis un autre, ayant également une seule corne.
;L'ÉPICIÈRE, //de la fenêtre//.
:Ha, ha…
;LE LOGIGIEN
:Et aussi un premier rhinocéros à deux cornes, puis un second rhinocéros à deux cornes.
;LE PATRON
:C'est exact.
;LE LOGICIEN
:Maintenant : si vous aviez vu…
;L'ÉPICIER
:Si nous avions vu…
;LE VIEUX MONSIEUR
:Oui, si nous avions vu…
;LE LOGIGIEN
:Si vous aviez vu la première fois un rhinocéros à deux cornes…
;LE PATRON
:À deux cornes…
;LE LOGIGIEN
:… La seconde fois un rhinocéros à une corne…
;L'ÉPICIER
:À une corne.
;LE LOGIGIEN
:… Cela ne serait pas concluant non plus.
;LE VIEUX MONSIEUR
:Tout cela ne serait pas concluant.
;LE PATRON
:Pourquoi ?
;L'ÉPICIÈRE
:Ah ! là, là… J'y comprends rien.
;L'ÉPICIER
:Ouais ! ouais !
://L'Épicière, haussant les épaules, disparaît de sa fenêtre.//
;LE LOGIGIEN
:En effet, il se peut que depuis tout à l'heure le rhinocéros ait perdu une de ses cornes, et que celui de tout de suite soit celui de tout à l'heure.
;BÉRENGER
:Je comprends, mais…
;LE VIEUX MONSIEUR, //interrompant Bérenger//.
:N'interrompez pas.
;LE LOGICIEN
:Il se peut aussi que deux rhinocéros à deux cornes aient perdu tous les deux une de leurs cornes.
;LE VIEUX MONSIEUR
:C'est possible.
;LE PATRON
:Oui, c'est possible.
;L'ÉPICIER
:Pourquoi pas !
;BÉRENGER
:Oui, toutefois…
;LE VIEUX MONSIEUR, //à Bérenger//.
:N'interrompez pas.
;LE LOGICIEN
:Si vous pouviez prouver avoir vu la première fois un rhinocéros à une corne, qu'il fût asiatique ou africain…
;LE VIEUX MONSIEUR
:Asiatique ou africain…
;LE LOGICIEN
:… La seconde fois, un rhinocéros à deux cornes…
;LE VIEUX MONSIEUR
:À deux cornes !
;LE LOGICIEN
:… qu'il fût, peu importe, africain ou asiatique…
;L'ÉPICIER
:Africain ou asiatique…
;LE LOGICIEN, //continuant la démonstration//.
:… À ce moment-là, nous pourrions conclure que nous avons affaire à deux rhinocéros différents, car il est peu probable qu'une deuxième corne puisse pousser en quelques minutes, de façon visible, sur le nez d'un rhinocéros…
;LE VIEUX MONSIEUR
:C'est peu probable.
;LE LOGIGIEN, //enchanté de son raisonnement//.
:… Cela ferait d'un rhinocéros asiatique ou africain…
;LE VIEUX MONSIEUR
:Asiatique ou africain.
;LE LOGICIEN
:… Un rhinocéros africain ou asiatique.
;LE PATRON
:Africain ou asiatique.
;L'ÉPICIER
:Ouais, ouais.
;LE LOGICIEN
:… Or, cela n'est pas possible en bonne logique, une même créature ne pouvant être née en deux lieux à la fois…
;LE VIEUX MONSIEUR
:Ni même successivement.
;LE LOGICIEN, //au Vieux Monsieur//.
:C'est ce qui est à démontrer.
;BÉRENGER, //au Logicien//.
:Cela me semble clair, mais cela ne résout pas la question.
;LE LOGICIEN, //à Bérenger, en souriant d'un air compétent.//
:Évidemment, cher Monsieur, seulement, de cette façon, le problème est posé de façon correcte.
;LE VIEUX MONSIEUR
:C'est tout à fait logique.
;LE LOGIGIEN, //soulevant son chapeau//.
:Au revoir, Messieurs.
://Il se retourne et sortira par la gauche, suivi du Vieux Monsieur.//
;LE VIEUX MONSIEUR
:Au revoir, Messieurs.
://Il soulève son chapeau et sort à la suite du Logicien.//
;L'ÉPICIER
:C'est peut-être logique…
://À ce moment, du café, la Ménagère, en grand deuil, sort, tenant une boite, elle est suivie par Daisy et la Serveuse, comme pour un enterrement. Le cortège se dirige vers la sortie à droite.//
;L'ÉPICIER, //continuant//.
:… C'est peut-être logique, cependant pouvons-nous admettre que nos chats soient écrasés sous nos yeux par des rhinocéros à une corne, ou à deux cornes, qu'ils soient asiatiques, ou qu'ils soient africains ?
://Il montre, d'un geste théâtral, le cortège qui est en train de sortir.//
;LE PATRON
:Il a raison, c'est juste ! Nous ne pouvons pas permettre que nos chats soient écrasés par des rhinocéros, ou par n'importe quoi !
;L'ÉPICIER
:Nous ne pouvons pas le permettre !
;L'ÉPICIÈRE //sortant sa tête, par la porte de la boutique,<br/>à l'Épicier//.
:Alors, rentre ! Les clients vont venir !
;L'ÉPICIER, //se dirigeant vers la boutique//.
:Non, nous ne pouvons pas le permettre !
;BÉRENGER
:Je n'aurais pas dû me quereller avec Jean ! (//Au Patron//.) Apportez-moi un verre de cognac ! un grand !
;LE PATRON
:Je vous l'apporte !
://Il va chercher le verre de cognac dans le café.//
;BÉRENGER//, seul//.
:Je n'aurais pas dû, je n'aurais pas dû me mettre en colère ! (//Le Patron sort, un grand verre de cognac à la main//.) J'ai le cœur trop gros pour aller au musée. Je cultiverai mon esprit une autre fois.
://Il prend le verre de cognac, le boit.//
;RIDEAU
!Rose-aimée^^
//Québecois//^^
!Rose-aimée
Ne riez pas, c’est sérieux.
Maurice fait de moi une sorte de madone juchée sur un piédestal.
Je ne suis plus une femme, mais une muse, une colombe, une fée, du genre de la Dame Blanche des chutes Montmorency.
Je ne veux pas rester pour lui un pur esprit qui devra surnager au courant du mariage.
La vie de ménage, pour moi, est terrifiante à envisager…
Si j’allais me fatiguer de son amour !
Si j’allais me sentir encombrée de ses attentions et de ses prévoyances !
L’engrenage des mêmes gestes, de la même routine, du même train-train, avec le même homme, me terrorise.
La monotonie des couples installés, cousine, me terrorise.
/%
|exercice|2 lignes concentration observation mouvement|
|niveau|320 Facile|
%/
;//Se concentrer sur les mouvement//
!Rédaction d'une lettre
Le groupe est partagé en deux lignes face à face.
<<<
*Une ligne reçoit la consigne de mimer méticuleusement tous les détails de la rédaction d’une lettre, (chercher et prendre le papier et le stylo, écrire, relire, signer, détacher le papier du bloc,, le plier et mettre dans l’enveloppe, etc.) __sans penser au contenu__.
*L’autre rangée est chargée d’observer ceux qui écrivent (chacun en observe 2 ou 3 en face de lui) en se demandant à qui et quoi ils sont en train d’écrire, quelle est l’attitude, les sentiments, etc.
*On donne cette consigne à l'insu de la première rangée, de manière à ce qu’ils ne sachent pas ce qu’on va observer d’eux.
*On explique ensuite à tous ceux qui ont mimé ce qui se dégageait d’eux.
<<<
Cet exercice sert à montrer à chacun l’image qu’il donne naturellement.
L’exercice ne peut pas être répété si on connaît déjà les règles.
!!!!Variantes :
;Les jambes lourdes
<<<
*On est assis.
*On imagine qu’une jambe est extrêmement lourde, bien qu’on puisse la bouger un peu.
*Puis c’est l’autre,
*puis les deux en même temps.
*On essaie alors de se mettre debout, puis de se réasseoir.
<<<
;Les mains qui vieillissent
:Tous assis, on regarde et on bouge nos mains,
<<<
*on les imagine plus vieilles de 15 ans.
*A partir de là, mimer le geste
**de sortir de la monnaie de la poche,
**de la trier,
**de sélectionner celle qu’on cherchait
**et de remettre le reste dans la poche.
<<<
? Sans s’en rendre compte, tout le corps se met à jouer le vieux de manière authentique.
!Résumé des scènes du //Mariage de Figaro// de Beaumarchais
!!!!!!//[[Source|https://commentairecompose.fr/le-mariage-de-figaro-resume/]]//
! ACTE I
+++[1]
La veille de leurs noces, Figaro et sa fiancée Suzanne se préparent au mariage.
Le Comte leur a offert une belle chambre du château mais Suzanne refuse d’y loger. Elle insinue que le Comte lui fait la cour et a choisi cette chambre pour pouvoir la retrouver plus facilement. Figaro est hors de lui et compte bien se venger de son maître.
Voir le commentaire de l’acte I scène 1 du Mariage de Figaro.
=== +++[2]
Figaro, seul, rumine la tromperie du Comte et de Bazile, le maître de musique, qui a joué le rôle d’intermédiaire.
Le valet comprend mieux toutes les missions à l’étranger confiées par son maître, qui ne cherchait qu’à l’éloigner pour se retrouver seul avec Suzanne.
=== +++[3]
Entrent Marceline, et Bartholo, le médecin de Séville. Figaro provoque le médecin, puis sort.
=== +++[4]
Marceline rappelle à Bartholo leur ancienne liaison dont est né un enfant.
Elle lui demande de l’aider à empêcher le mariage de Figaro et Suzanne pour qu’elle-même puisse se marier avec Figaro. Le médecin y voit l’opportunité de se venger du valet.
=== +++[5]
Suzanne intervient. La multiplication des politesses et révérences que s’échangent les rivales révèle la tension de leur rapport et la jalousie de Marceline.
=== +++[6]
Suzanne, seule, exprime sa colère envers Marceline.
=== +++[7]
Chérubin, le jeune page, annonce à Suzanne que le Comte le renvoie après l’avoir surpris chez Fanchette.
Tout en courtisant Suzanne, il lui dérobe un ruban appartenant à la Comtesse, dont il est amoureux.
Suzanne essaie de le récupérer, courant après le page qui tourne autour d’un fauteuil. Chérubin incarne le Désir. C’est ensuite lui qui poursuit Suzanne, cherchant à l’embrasser. Puis, apercevant le Comte, il se cache derrière le fauteuil.
=== +++[8]
Le Comte fait la cour à Suzanne, qui lui rappelle qu’il avait aboli le droit de cuissage (coutume du Moyen-âge permettant à un Seigneur de posséder l’épouse d’un serf la nuit de leurs noces).
Entendant Basile, le Comte veut se cacher derrière le fauteuil. Suzanne s’interpose et Chérubin passe de l’autre côté du fauteuil. Suzanne le couvre avec une robe.
=== +++[9]
Basile cherche le Comte. Il dit avoir vu Chérubin entrer et l’accuse de courtiser Suzanne et la Comtesse.
Le Comte se lève pour demander des explications puis raconte comment il a surpris Chérubin dans la chambre de Fanchette, derrière un rideau, imitant le geste en soulevant la robe qui couvre Chérubin dans le fauteuil.
Celui-ci est découvert pour la seconde fois. Le Comte, en colère, accuse Suzanne de tromper Figaro et menace de rompre leurs noces.
=== +++[10]
Figaro, appuyé par la Comtesse, vient demander au Comte d’honorer son abolition du droit de cuissage en remettant à Suzanne lors du mariage la toque virginalepour prouver la pureté de ses intentions envers la jeune femme.
Pris au dépourvu, le Comte fait mine d’accepter mais repousse la cérémonie et ordonne qu’on aille chercher Marceline.
Pendant ce temps, la Comtesse plaide la cause de Chérubin, qui sous-entend qu’il pourrait révéler ce qu’il a entendu quand il était caché.
Le Comte, coincé, prétend le pardonner et lui offre un poste d’officier pour l’éloigner. Chérubin fait ses adieux à la Comtesse, émue.
=== +++[11]
Figaro met au point une ruse pour que Chérubin puisse assister au mariage.
Le mariage de Figaro!
===
! ACTE II
+++[1]
Suzanne rapporte à la Comtesse la visite du Comte et la scène du ruban avec Chérubin, qui laisse la Comtesserêveuse. Elle promet à Suzanne qu’elle épousera Figaro.
=== +++[2]
Figaro partage son plan avec les deux femmes, qui consiste à attiser la jalousie du Comte en lui faisant croire qu’on courtise sa femme, et à organiser un rendez-vous entre le Comte et Suzanne en déguisant Chérubin avec les habits de la jeune servante.
=== +++[3]
Suzanne et sa maîtresse attendent Chérubin. La Comtesse est soudain préoccupée par son apparence et rêvasse.
=== +++[4]
Chérubin est nerveux face à la Comtesse. Suzanne lui demande de chanter la romance et l’accompagne à la guitare.
=== +++[5]
Seul avec la Comtesse, Chérubin lui montre son brevet d’officier sur lequel il manque le cachet.
=== +++[6]
Suzanne coiffe Chérubin et l’arrange pour qu’il ressemble à une fille. On découvre qu’il porte le ruban volé à la Comtesse.
=== +++[7]
Chérubin se met à genoux devant la Comtesse. Celle-ci observe son ruban et prétend qu’elle y tenait beaucoup.
=== +++[8]
La scène est interrompue par le retour de Suzanne, que la Comtesse renvoie immédiatement chercher des habits.
=== +++[9]
Chérubin, toujours à genoux, essaie timidement de faire comprendre ses sentiments à la Comtesse. Le Comte frappe à la porte.
=== +++[10]
Le Comte est soupçonneux. Chérubin court se cacher dans le cabinet de toilette.
=== +++[11]
La Comtesse enferme Chérubin et ouvre la porte à son mari.
=== +++[12]
Le Comte aurait reçu un billet l’informant de la visite d’un galant homme auprès de sa femme.
On entend du bruit provenant du cabinet où est enfermé Chérubin. La Comtesse, troublée, prétend que c’est Suzanne et tente de faire diversion en évoquant les intentions de son mari envers la servante.
=== +++[13]
Suzanne surprend la conversation et se cache dans le fond.
La Comtesse fait croire au Comte que Suzanne est nue dans le cabinet. Le Comte s’adresse à Suzanne à travers la porte. La Comtesse lui défend de répondre.
Le Comte, jaloux, veut forcer l’ouverture du cabinet. Il demande à sa femme de l’accompagner chercher de quoi ouvrir.
=== +++[14]
Suzanne en profite pour aller voir Chérubin. Celui-ci l’embrasse avant de sauter par la fenêtre.
=== +++[15]
Suzanne prend la place du page et s’enferme dans le cabinet.
=== +++[16]
Retour de la Comtesse et du Comte muni d’une pince. La Comtesse, se croyant perdue, avoue au Comte que c’est Chérubin qui se trouve derrière la porte. Le Comte, furieux, ouvre et découvre Suzanne.
=== +++[17]
Le Comte rentre dans le cabinet en pensant y trouver quelqu’un d’autre.
=== +++[18]
Suzanne prévient sa maîtresse que Chérubin est sauf et qu’il a pris la fuite.
=== +++[19]
La Comtesse retourne la situation en accusant le Comte de l’avoir trop délaissée. Elle veut quitter le château. Le Comte la supplie et la Comtesse avoue que le billet était une manœuvre de Figaro. Elle pardonne son mari.
=== +++[20]
Figaro arrive à bout de souffle et fait mine de s’inquiéter de la santé de la Comtesse. On l’informe de la « plaisanterie » à laquelle il aurait participé en écrivant le billet au Comte.
La Comtesse détourne la conversation sur la noce de Figaro et Suzanne, que le Comte retarde à nouveau.
=== +++[21]
Antonio, jardinier du château et oncle de Suzanne, prévient le Comte qu’un jeune homme est tombé dans ses plantations.
Suzanne alerte Figaro, qui prétend que c’est lui qui a sauté.
Antonio lui rend le papier qui s’est échappé de sa veste. Le Comte l’intercepte : il s’agit du brevet d’officier de Chérubin.
Le Comte demande à Figaro de deviner de quoi il s’agit. Celui-ci fait diversion en dressant l’inventaire de ses papiers.
La Comtesse s’aperçoit qu’il s’agit du brevet. Elle en informe discrètement Suzanne, qui le répète à Figaro. Celui-ci dit alors qu’il doit s’agir du brevet que Chérubin lui aurait remis pour y rajouter une chose et qu’il faut vite courir pour lui rendre.
La Comtesse rappelle à Suzanne le cachet manquant qui le répète à Figaro qui répond au Comte. Celui-ci, furieux, prend conscience qu’on le dupe.
=== +++[22]
Marceline intervient pour annuler le mariage. Figaro lui aurait signé un billet d’obligation de mariage en échange d’argent.
Bazile souhaite également faire valoir ses droits sur Marceline.
Le Comte organise une audience au tribunal pour régler l’affaire.
=== +++[23]
Figaro et les autres valets s’éloignent en chantant et dansant, accompagnés par Bazile à la guitare.
=== +++[24]
La Comtesse s’inquiète du sort de Chérubin et propose d’aller elle-même le retrouver. Elle ordonne à Suzanne de ne pas avertir Figaro.
=== +++[25]
La Comtesse rêve à son projet et s’empare amoureusement du ruban dérobé par le page.
=== +++[26]
Retour de Suzanne. La Comtesse dissimule vite le ruban dans son corsage.
===
! ACTE III
+++[1], 2 et 3
Le Comte règle une affaire avec Pédrille dans la salle d’audience. Le valet tient dans ses mains un paquet.
Le Comte s’assure que personne n’a vu Pédrille, qui part à Séville s’informer de l’arrivée de Chérubin.
=== +++[4] et 5
Le Comte se demande si Figaro est au courant de son amour pour Suzanne.
Il propose à Figaro une mission à Londres pour essayer de savoir si Suzanne a parlé. Le valet se montrant enthousiaste, le Comte en déduit qu’il ne sait rien.
Mais le valet se trahit et le Comte comprend que Suzanne l’a dénoncé. (Voir l’analyse de l’acte 3 scène 5 du mariage de Figaro)
=== +++[6]
Un laquais annonce Brid’oison, qui doit juger l’affaire. Le Comte ordonne qu’on le fasse attendre.
=== +++[7]
Le Comte fait croire à Figaro qu’il avait besoin de lui pour préparer la salle d’audience, à laquelle il ne manque rien.
=== +++[8] et 9
Le Comte rumine sa colère envers Figaro et Suzanne lorsque celle-ci paraît, essoufflée, prétendant emprunter au Comte son flacon d’éther pour soulager les vapeurs de la Comtesse.
Suzanne fait croire au Comte qu’elle est prête à succomber à ses avances et assure qu’elle n’a rien dit à Figaro.
Le Comte lui donne rendez-vous au jardin à la tombée de la nuit et s’enfuit. Suzanne court informer sa maîtresse.
=== +++[10]
Suzanne croise Figaro et lui dit qu’il a gagné son procès.
=== +++[11]
Le Comte a tout entendu et veut se venger.
=== +++[12]
Marceline explique son affaire à Brid’oison, qui ne comprend rien.
=== +++[13]
Marceline montre Figaro au juge et l’informe que c’est contre lui qu’elle plaide. Figaro rappelle à Brid’oison qu’il l’a servi à Séville il y a moins d’un an.
=== +++[14]
Entrent l’huissier et le Comte, qui demande qu’on fasse entrer l’audience.
=== +++[15]
Après quelques affaires secondaires expédiées par le Comte, impatient, on passe à l’affaire de Marceline contre Figaro.
On bute sur l’indétermination entre « et » et « ou » sur le billet dans la phrase : « laquelle somme je lui rendrai et/ou l’épouserai ».
On ordonne que Figaro rembourse Marceline ou bien l’épouse.
=== +++[16]
En évoquant la naissance de Figaro, on découvre grâce à une marque sur son bras que Figaro est le fils que Marceline a eu avec Bartholo.
Leur mariage est donc impossible. Bartholo rejette Marceline et leur fils. Marceline et Figaro s’embrassent.
Lire le commentaire littéraire de l’acte III scène 16
=== +++[17]
Suzanne veut rembourser Marceline avec la dot du mariage. Le Comte sort, hors de lui.
=== +++[18]
Voyant Figaro dans les bras de Marceline, Suzanne se croit trahie.
Figaro la retient. Marceline annonce à Suzanne qu’elle est la mère de Figaro. Les deux femmes s’embrassent. Marceline rend le billet à Figaro en guise de dot.
Antonio brise le bonheur de leurs retrouvailles en interdisant le mariage de sa nièce avec Figaro car celui-ci n’a pas de père.
=== +++[19]
Bartholo se laisse attendrir par Suzanne et Marceline. Ils vont rejoindre le Comte pour avoir son dernier mot sur l’affaire.
=== +++[20]
Brid’oison, seul, se plaint de l’impolitesse de Bartholo.
===
! ACTE IV
+++[1]
Figaro et Suzanne reparlent du rendez-vous prévu avec le Comte. Figaro lui demande de ne pas y aller.
=== +++[2]
La Comtesse les interrompt et congédie Figaro.
=== +++[3]
Suzanne annonce à la Comtesse qu’elle a promis à Figaro qu’elle n’irait pas au rendez-vous. La Comtesse se sent trahie puis propose à Suzanne d’aller retrouver le Comte à sa place.
Elle dicte un billet à Suzanne pour donner le lieu précis du rendez-vous au Comte.
Cherchant une épingle pour le cacheter, la Comtesse fait tomber le ruban volé par Chérubin. Suzanne le ramasse mais la Comtesse le lui reprend.
=== +++[4]
Fanchette entre avec des filles du bourg venues présenter des fleurs à la Comtesse. Celle-ci cache vite le ruban. Chérubin, déguisé en jeune fille, attire l’attention de la Comtesse, qui ne l’a pas reconnu et le baise au front. Le page rougit.
=== +++[5]
Antonio dénonce Chérubin, démasqué. Le Comte demande des explications à sa femme. Rosine avoue que c’est Chérubin qui était caché dans sa chambre.
Alors que le Comte menace le page, Fanchette intervient et lui demande de la laisser se marier avec Chérubin, rappelant naïvement au Comte qu’il vient régulièrement l’embrasser en lui promettant ce qu’elle voudra en échange. La situation se retourne contre le Comte, lui aussi démasqué.
=== +++[6]
Le Comte et Antonio avouent à Figaro qu’ils savent que c’est Chérubin qui a sauté du cabinet. Figaro prétend qu’ils ont tous les deux sauté. Le Comte se demande quelle comédie on lui joue. On entend un prélude de fanfare.
=== +++[7]
Le Comte congédie Chérubin et lui ordonne de ne pas se montrer à la noce. Chérubin s’enfuit en rétorquant qu’il a du bonheur au front, faisant référence au baiser de la Comtesse.
=== +++[8]
Le Comte demande ce que Chérubin a voulu dire. Rosine, gênée, prétend qu’il devait parler du chapeau d’officier et veut sortir. Son époux la retient. Ils assistent aux noces.
=== +++[9]
Pendant la cérémonie, Suzanne remet discrètement le billet au Comte, qui se pique avec l’épingle. Il la jette, lit le billet et le baise, sous les yeux de Figaro qui raconte tout à Suzanne et à Marceline.
Le Comte ramasse l’épingle pour renvoyer sa réponse quand la cérémonie est interrompue par Bazile, suivi par un troupeau de villageois. La Comtesse en profite pour se retirer avec Suzanne afin d’échanger leurs habits pour le rendez-vous.
=== +++[10]
Bazile demande au Comte la permission d’épouser Marceline qui lui aurait promis sa main si au bout de quatre ans elle n’était pas mariée, en échange de quoi celui-ci adopterait son fils perdu si on le retrouvait. Bazile s’enfuit lorsqu’on lui annonce que le fils perdu et désormais retrouvé n’est autre que Figaro.
=== +++[11]
Le Comte se lève pour le rendez-vous, annonçant qu’il signera les deux contrats de mariage à son retour.
=== +++[12]
Grippe-Soleil dit à Figaro qu’il va préparer le feu d’artifice qui aura lieu sous les marronniers (lieu du rendez-vous). Entendant cela, le Comte ordonne que le feu d’artifice ait lieu sur la terrasse.
=== +++[13]
Figaro revendique auprès de sa mère la fidélité de Suzanne lorsqu’il aperçoit Fanchette qui semble chercher quelque chose.
=== +++[14]
Fanchette cherche Suzanne pour lui remettre une épingle. Figaro a compris qu’il s’agissait de l’épingle du billet remis au Comte pendant la noce et retient sa colère pour faire parler Fanchette. Naïve, elle répète ce que lui a dit le Comte et révèle le lieu du rendez-vous.
=== +++[15]
Figaro, en colère, croit que Suzanne le trompe, il veut rompre leur mariage. Marceline le raisonne.
Figaro accorde à sa mère qu’il vaut mieux vérifier avant d’accuser et part épier le rendez-vous.
=== +++[16]
Marceline soutient Suzanne, tirant un trait définitif sur leur rivalité.
===
! ACTE V
+++[1]
Fanchette est seule dans le jardin avec deux biscuits et une orange pour Chérubin. Apercevant Figaro, elle s’enfuit en poussant un cri.
=== +++[2]
Figaro a reconnu Fanchette. Vêtu d’un large manteau et d’un grand chapeau rabattu, Figaro arrête les invités pour leur dire que la fête sera célébrée sous les marronniers.
Bazile devine la situation et invite les autres à partir. Figaro leur demande de revenir quand il les appellera.
=== +++[3]
Figaro, seul, se lance dans un long monologue, convaincu que Suzanne le trompe avec le Comte.
Il s’en prend à l’un puis à l’autre, tour à tour s’asseyant, se levant et se rasseyant. Il évoque sa naissance et sa destinée picaresque (qui met en scène des aventuriers, des bandits) et retrace son parcours. Entendant des pas, il se cache.
Voir l’analyse de la scène 3 de l’acte 5 du Mariage de Figaro
=== +++[4]
Entrent la Comtesse avec les habits de Suzanne et celle-ci avec ceux de sa maîtresse, ainsi que Marceline, qui a informé Suzanne de la présence de Figaro. Marceline se cache dans le pavillon où est entrée Fanchette (V, 1).
=== +++[5]
Suzanne et la Comtesse parlent fort. Suzanne dit qu’elle a froid et se retire du côté opposé à Figaro.
=== +++[6]
La Comtesse croise Chérubin. Croyant que c’est Suzanne, il s’approche et lui prend la main, tandis que le Comte arrive au loin. Il les voit. Le page veut un baiser avant de partir. Le Comte s’interpose et reçoit le baiser. Chérubin s’enfuit.
=== +++[7]
Figaro s’approche et reçoit le soufflet que le Comte croit avoir donné à Chérubin.
Rosine imite la voix de Suzanne et cherche à savoir ce qui plaît à son mari chez Suzanne. Le Comte l’entraîne vers l’un des pavillons. Entendant Figaro, il s’enfuit et se perd dans l’obscurité tandis que la Comtesse entre dans le pavillon.
=== +++[8]
Figaro, dans l’obscurité, s’emporte contre Suzanne.
Celle-ci, prenant la voix de la Comtesse, demande qui est là. Mais Suzanne se trahit et Figaro reconnaît sa femme. Il fait mine de séduire la Comtesse.
Il reçoit les soufflets de sa femme puis avoue qu’il avait reconnu sa voix. Suzanne explique à Figaro le plan de la Comtesse.
=== +++[9]
Suzanne et Figaro décident de jouer au Comte un dernier tour.
Le Comte prend Suzanne pour la Comtesse et Figaro, qui a déguisé sa voix, se fait passer pour le mystérieux galant du billet.
Suzanne entre dans le pavillon où se trouvent Fanchette, Chérubin et Marceline, demandant à Figaro (avec la voix de la Comtesse) de vérifier que personne ne les a suivis. Le Comte, jaloux, crie vengeance.
=== +++[10] et 11
Le Comte empoigne Figaro et appelle.
Pédrille arrive. Le Comte continue d’appeler.
=== +++[12]
Les invités, qui attendaient l’appel de Figaro (V, 2), accourent.
Le Comte demande à Pédrille de forcer la porte du pavillon et aux autres d’encercler Figaro. La colère du Comte s’accroît face au calme de Figaro, qui lui fait croire que c’est la Comtesse qui est entrée dans le pavillon (V, 9). Le Comte y entre.
=== +++[13]
Brid’oison, qui a perdu le fil de l’intrigue, demande sottement qui a pris la femme de l’autre.
=== +++[14]
Dans le pavillon obscur, le Comte s’empare de quelqu’un qu’il prend pour la Comtesse. Figaro reconnaît Chérubin, qui répond timidement au Comte qu’il se cachait comme il le lui avait ordonné. Le Comte demande à Antonio d’aller chercher la Comtesse dans le pavillon.
=== +++[15]
Le Comte attend de prouver que Chérubin était avec la Comtesse.
=== +++[16]
Antonio ressort avec Fanchette. Bartholo se dévoue et entre à son tour.
=== +++[17]
Croyant avoir trouvé la Comtesse, Bartholo sort avec Marceline.
=== +++[18]
Suzanne sort à son tour, un éventail dissimulant son visage. Croyant que c’est sa femme, le Comte l’attrape brutalement par le bras. Figaro, Marceline et les autres se mettent à genoux pour empêcher le Comte de s’en prendre à elle.
=== +++[19]
Contre toute attente, la Comtesse sort de l’autre pavillon et se met à genoux elle aussi. Le Comte reconnaît sa femme et comprend tout. Il lui demande pardon. La Comtesse accepte et se relève, imitée par les autres.
Elle jette son fameux ruban en guise de jarretière de la mariée et Chérubin s’en empare. La Comtesse est distraite par ce geste.
Figaro se réjouit de l’heureux dénouement. La pièce se termine en chanson et en danse.
!Réunion de lancement de la saison 2018
+++!!!!!*[Les questions qui étaient posées]
><<tiddler 'Tour de table du 10 octobre'>>
===
+++*[Eveline]
!!!!Eveline
+ plaisir. Aime jouer.
- Je n'aime pas quand les gens ne savent pas à l'heure texte pour répéter la même chose.
-> J'aime jouer des rôles différents. La sanction du public.
- Le temps consacré à la poésie en pièce trop sur le théâtre ( 1h30 ça va, 2h c'est beaucoup ).
- Déçue quand on promet et qu'on ne fait pas.
=== +++*[Anaïs]
!!!!Anaïs
+ J'ai découvert l'atelier poésie en juin 2016. Ma curiosité a fait place à un étonnement, davantage pour les participants que pour les textes.
-> Personnellement, je choisis des textes contemporain courts.
+ J'apprécie l'éclectisme des textes choisis.
+ J'apprécie dans ce groupe la discrétion dont chacun fait preuve vis-à-vis de l'histoire des autres.
> Je suis disponible pour faire le souffleur lors des représentations.
-> Il me faut apprivoiser ma réserve.
> Avoir des rendez-vous téléphonique pour répéter des textes et une excellente idée.
> Je serai heureuse que chaque membre de la troupe accepte que je prenneune photo portrait en costume d'elle ou de lui.
=== +++*[Christel]
!!!!Christel
+ Plaisir de jouer avec des amis des textes que j'aime, même si c'est à contre-emploi.
+ C'est un peu une thérapie.
- Je n'ai pas encore trouvé les textes que je voudrais, qui correspondent à mon emploi. Par exemple une scène dramatique, Elvire, dans Don Juan.
> Pas de personne qui n'ait rien à faire le mardi. Le vendredi prévoir le programme à l'avance.
=== +++*[Isaac]
!!!!Isaac
+ Il y a ici une atmosphère chaleureuse, ça me fait du bien. Pour moi aussi c'est un peu une thérapie.
-> Je m'intéresse aux jeu des autres (par exemple les progrès de Philinte), et je regrette que ce ne soit pas le cas de tous.
> Chacun doit faire des remarques.
- Nous n'avons pas le public pour la tragédie.
> Je suis prêt à donner des explications sur le texte de Philinte (notamment).
- Les incidents vidéo lors des représentations qui nous empêchent de voir nos prestations sont inadmissibles.
> Il faut que la responsabilité de la vidéo soit dévolue à quelqu'un.
- On perd beaucoup de temps à des répétitions qui n'en finissent pas.
> Les comédiens devraient avoir travaillé leur scène avant la répétition.
- Je persiste à penser (au risque de déplaire à Jacques) que le mariage de Figaro n'est pas une si belle pièce. On devrait se limiter à n'en jouer que quelques scènes.
=== +++*[Mady]
!!!!Mady
+ Je viens pour progresser et être dans une bonne ambiance.
> Attente 2018 : une stratégie pour tous les personnages.
- Je regrette qu'on n'ait pas d'exposé sur tous les personnages.
-> Disponible pour des roles de toute sorte, même s'il ne correspondent pas ma personnalité.
=== +++*[Gérard]
!!!!Gérard
+ Nous sommes des personnes toutes motivées, avec le désir de bien faire.
-> Avoir des temps de présence en scène relativement équilibrés ( Le Comte, et Philinte, ça me va).
> Des exercicces en plus des filages.
=== +++*[Michèle]
!!!!Michèle
-> Mon plaisir ici c'est __l'aventure__ : avec des partenaires, avec des personnages, avec un groupe qui se consolide et s'élargit
+ Mon meilleur moment : les répétitions au téléphone avec Mady, on s'est déchaînées, on s'est dit "si on rit autant, le public lui aussi va s'amuser !!"
Deux regrets :
- M'être plantée en représentation sur un texte que je savais bien,et ne plus savoir où j'en suis ni ce que je dois dire maintenant.
- Voir quelqu'un sortir de scène malheureux parce qu'il n'a pas été compris ou qu'il n'a pas compris.
> Je veux comprendre comment, pourquoi, mon personnage et mon partenaire fonctionnent.
> 2018 : Antigone, Le mariage de Figaro. Une vraie scène. Travail minutieux de poésie sur les femmes : “Des voix de femmes”.
=== +++*[Jacques]
!!!!Jacques
-> Au sujet du mariage de Figaro : Il est important de confronter la troupe à un travail et à la mise en place d'une pièce entière, qui offre des rôles à la mesure de chacun, multiplie les interactions de tous avec tous, et qui au-delà du texte, exige rythme, vivacité, et coordination des mouvements.
> Je vais vous transmettre une fiche de préparation des rôles, une pour la pièce, une pour chaque entrée en scène du personnage.
> Je recommande vivement des rendez-vous téléphonique entre binômes pour faire des italiennes et préparer le jeu des répétitions en séance ( appuyant en cela l'initiative de Mady déjà mise en pratique pour Coup de Soleil)
> Notre première priorité de progrès me semble être de développer l'interactivité entre les protagonistes d'une scène. Le personnage qui n'est pas en train de parler doit être aussi vivant que celui qui parle.
> Je propose qu'on inclue chaque mardi une séquence “travail du comédien” pour élargir chacun notre palette de jeu (environ un quart d'heure)
> Je propose qu'on ne fasse pas en séance de filage d'un texte qui n'aie pas fait l'objet d'une italienne correcte au préalable. Sinon, on fera un travail sur table avec le groupe pour le bénéfice des comédiens d'un fragment du texte qui aurait du être filé.
> Après un filage, chacun sera invité à donner son avis : un compliment et une recommandation.
> On se servira du retour vidéo pour illustrer un passage qui mériterait une amélioration.
> Tous ceux qui ont un dispositif USB (clé ou disque externe) ou Bluetooth peuvent copier à la pause ou en fin de séance les vidéos prises.
> En séance, la responsabilité vidéo pourrait être dévolu tour à tour à ceux qui le veulent bien, de manière à toujours avoir une compétence disponible lors des représentations. De mon côté, je développerai la sécurité et la simplicité des outils vidéos que je mets à disposition.
> Je souhaite qu'avant de se séparer, on puisse faire un rapide bilan de la séance, pour perfectionnement et pour action.
> Programmation des séances : sauf contrainte particulière, je tiens à ce que tous soient présents pour la durée de la séance pour profiter du travail des uns et des autres et progresser ensemble.
> Le programme à venir sera affiché au plus tard la veille sur le Cahier http://ateliertheatre.tiddlyspot.com/ et envoyé par mail. Vous pouvez toujours m'appeler (phone ou sms) moi 06 83 81 10 98 (ou Michèle 06 08 78 96 98).
> Poésie : thèmes publics proposés
- Voix de femmes : textes où la femme dit "JE" (auteurs féminins ou masculins)
- Grands monologues
- Vieilles chansons françaises
> Le spectacle 6 pourra encore être proposé aux Rentiers début 2018 (si Valérie répond).
===
+++!!!*[Plaisir de participer]
''@@+@@'' C'est un peu une thérapie. (C)
''@@+@@'' Il y a ici une atmosphère chaleureuse, ça me fait du bien. Pour moi aussi c'est un peu une thérapie. (I)
''@@+@@'' J'ai découvert l'atelier poésie en juin 2016. Ma curiosité a fait place à un étonnement, davantage pour les participants que pour les textes. (A)
''@@+@@'' J'apprécie dans ce groupe la discrétion dont chacun fait preuve vis-à-vis de l'histoire des autres. (A)
''@@+@@'' J'apprécie l'éclectisme des textes choisis. (A)
''@@+@@'' Je viens pour progresser et être dans une bonne ambiance. (Ma)
''@@+@@'' Mon meilleur moment : les répétitions au téléphone avec Mady, on s'est déchaînées, on s'est dit "si on rit autant, le public lui aussi va s'amuser !!" (Mi)
''@@+@@'' Nous sommes des personnes toutes motivées, avec le désir de bien faire. (G)
''@@+@@'' Plaisir de jouer avec des amis des textes que j'aime, même si c'est à contre-emploi. (C)
''@@+@@'' plaisir. Aime jouer. (E)
===
+++!!!*[Regrets éprouvés]
''@@-@@'' Déçue quand on promet et qu'on ne fait pas. (E)
''@@-@@'' Je n'ai pas encore trouvé les textes que je voudrais, qui correspondent à mon emploi. Par exemple une scène dramatique, Elvire, dans Don Juan. (C)
''@@-@@'' Je n'aime pas quand les gens ne savent pas à l'heure texte pour répéter la même chose. (E)
''@@-@@'' Je persiste à penser (au risque de déplaire à Jacques) que le mariage de Figaro n'est pas une si belle pièce. On devrait se limiter à n'en jouer que quelques scènes. (I)
''@@-@@'' Je regrette qu'on n'ait pas d'exposé sur tous les personnages. (Ma)
''@@-@@'' Le temps consacré à la poésie en pièce trop sur le théâtre ( 1h30 ça va, 2h c'est beaucoup ). (E)
''@@-@@'' Les incidents vidéo lors des représentations qui nous empêchent de voir nos prestations sont inadmissibles. (I)
''@@-@@'' M'être plantée en représentation sur un texte que je savais bien,et ne plus savoir où j'en suis ni ce que je dois dire maintenant. (Mi)
''@@-@@'' Nous n'avons pas le public pour la tragédie. (I)
''@@-@@'' On perd beaucoup de temps à des répétitions qui n'en finissent pas. (I)
''@@-@@'' Voir quelqu'un sortir de scène malheureux parce qu'il n'a pas été compris ou qu'il n'a pas compris. (Mi)
===
+++!!!*[Souhaits personnels]
''@@->@@'' Au sujet du mariage de Figaro : Il est important de confronter la troupe à un travail et à la mise en place d'une pièce entière, qui offre des rôles à la mesure de chacun, multiplie les interactions de tous avec tous, et qui au-delà du texte, exige rythme, vivacité, et coordination des mouvements. (J)
''@@->@@'' Avoir des temps de présence en scène relativement équilibrés ( Le Comte, et Philinte, ça me va). (G)
''@@->@@'' Disponible pour des roles de toute sorte, même s'il ne correspondent pas ma personnalité. (Ma)
''@@->@@'' Il me faut apprivoiser ma réserve. (A)
''@@->@@'' J'aime jouer des rôles différents. La sanction du public. (E)
''@@->@@'' Je m'intéresse aux jeu des autres (par exemple les progrès de Philinte), et je regrette que ce ne soit pas le cas de tous. (I)
''@@->@@'' Mon plaisir ici c'est __l'aventure__ : avec des partenaires, avec des personnages, avec un groupe qui se consolide et s'élargit (Mi)
''@@->@@'' Personnellement, je choisis des textes contemporain courts. (A)
===
+++!*[Résolutions]
{{menubox big bold BGPrimaryPale{
#''@@>@@'' Après un filage, chacun sera invité à donner son avis : un compliment et une recommandation. (J)<br>
#''@@>@@'' Attente 2018 : une stratégie pour tous les personnages. (Ma)<br>
#''@@>@@'' Avoir des rendez-vous téléphonique pour répéter des textes et une excellente idée. (A)<br>
#''@@>@@'' Chacun doit faire des remarques. (I)<br>
#''@@>@@'' En séance, la responsabilité vidéo pourrait être dévolu tour à tour à ceux qui le veulent bien, de manière à toujours avoir une compétence disponible lors des représentations. De mon côté, je développerai la sécurité et la simplicité des outils vidéos que je mets à disposition. (J)<br>
#''@@>@@'' Il faut que la responsabilité de la vidéo soit dévolue à quelqu'un. (I)<br>
#''@@>@@'' Je propose qu'on inclue chaque mardi une séquence “travail du comédien” pour élargir chacun notre palette de jeu (environ un quart d'heure) (G, J)<br>
#''@@>@@'' Je propose qu'on ne fasse pas en séance de filage d'un texte qui n'aie pas fait l'objet d'une italienne correcte au préalable. Sinon, on fera un travail sur table avec le groupe pour le bénéfice des comédiens d'un fragment du texte qui aurait du être filé. (J)<br>
#''@@>@@'' Je recommande vivement des rendez-vous téléphonique entre binômes pour faire des italiennes et préparer le jeu des répétitions en séance ( appuyant en cela l'initiative de Mady déjà mise en pratique pour Coup de Soleil) (J)<br>
#''@@>@@'' Je serai heureuse que chaque membre de la troupe accepte que je prenneune photo portrait en costume d'elle ou de lui. (A)<br>
#''@@>@@'' Je souhaite qu'avant de se séparer, on puisse faire un rapide bilan de la séance, pour perfectionnement et pour action. (J)<br>
#''@@>@@'' Je suis disponible pour faire le souffleur lors des représentations. (A)<br>
#''@@>@@'' Je suis prêt à donner des explications sur le texte de Philinte (notamment). (I)<br>
#''@@>@@'' Je vais vous transmettre une fiche de préparation des rôles, une pour la pièce, une pour chaque entrée en scène du personnage. (J)<br>
#''@@>@@'' Je veux comprendre comment, pourquoi, mon personnage et mon partenaire fonctionnent. (Mi)<br>
#''@@>@@'' Le programme à venir sera affiché au plus tard la veille sur le Cahier http://ateliertheatre.tiddlyspot.com/ et envoyé par mail. Vous pouvez toujours m'appeler (phone ou sms) moi 06 83 81 10 98 (ou Michèle 06 08 78 96 98). (J)<br>
#''@@>@@'' Le spectacle 6 pourra encore être proposé aux Rentiers début 2018 (si Valérie répond). (J)<br>
#''@@>@@'' Les comédiens devraient avoir travaillé leur scène avant la répétition. (I)<br>
#''@@>@@'' Notre première priorité de progrès me semble être de développer l'interactivité entre les protagonistes d'une scène. Le personnage qui n'est pas en train de parler doit être aussi vivant que celui qui parle. (J)<br>
#''@@>@@'' On se servira du retour vidéo pour illustrer un passage qui mériterait une amélioration. (J)<br>
#''@@>@@'' Pas de personne qui n'ait rien à faire le mardi. Le vendredi prévoir le programme à l'avance. (C)<br>
#''@@>@@'' Poésie : thèmes publics proposés (J)<br>
#''@@>@@'' Programmation des séances : sauf contrainte particulière, je tiens à ce que tous soient présents pour la durée de la séance pour profiter du travail des uns et des autres et progresser ensemble. (J)<br>
#''@@>@@'' Tous ceux qui ont un dispositif USB (clé ou disque externe) ou Bluetooth peuvent copier à la pause ou en fin de séance les vidéos prises. (J)<br>
#''@@>@@'' 2018 : Antigone, Le mariage de Figaro. Une vraie scène. Travail minutieux de poésie sur les femmes : “Des voix de femmes”. (Mi)<br>
}}}
===
!Rêvé pour l'hiver
|dit|[[Claudine]] le 4/3/2016|
{{center{
!!!!!!//Arthur RIMBAUD (1854-1891)//
L'hiver, nous irons dans un petit wagon rose
Avec des coussins bleus.
Nous serons bien. Un nid de baisers fous repose
Dans chaque coin moelleux.
Tu fermeras l'oeil, pour ne point voir, par la glace,
Grimacer les ombres des soirs,
Ces monstruosités hargneuses, populace
De démons noirs et de loups noirs.
Puis tu te sentiras la joue égratignée...
Un petit baiser, comme une folle araignée,
Te courra par le cou...
Et tu me diras : " Cherche ! " en inclinant la tête,
- Et nous prendrons du temps à trouver cette bête
- Qui voyage beaucoup...
}}}
!Rôles
{{groupbox small italic center{
Pour faciliter l'apprentissage des rôles et l'organisation des rendez-vous de répétition,
vous trouverez içi les scènes regroupées par personnage,
et - pour les plus longs rôles - deux à deux ou trois à trois.
}}}
<<tiddler ListTaggedTiddlers with: "rôles">>
!Texte complet et scènes de chaque personnage de Figaro 2018
| ''?'' [[Versions imprimables des rôles (pdf)|https://drive.google.com/drive/folders/1LG5Rdh9CZ_-06hIwpfxNGhytUJTrtJWh?usp=sharing]]|
<<<
!!!!Texte
Pour chaque rôle ci-dessous vous trouverez en continu le texte complet des scènes où le personnage apparait.
Ce texte reflète toujours les dernières modifications apportées en répétition (par exemple fragment de l'original éventuellement masqués).
* Si vous le lisez en ligne il sera toujours à jour.
* Si vous l'avez imprimé (après un copier/coller dans votre traitement de texte), il vous faudra apporter vous-même les mises à jour éventuellement intervenues depuis l'impression.
!!!!Scènes
La liste des scènes vous permet d'accéder directement au texte d'une scène où figure le personnage.
Attention : le bouton @@ ? @@ à la fin de chaque scène permet de passer à la scène suivante dans la pièce, scène où ne figure plus nécessairement votre personnage.
<<<
!!!!!!//Cliquez sur le personnage de votre choix pour obtenir tous ses textes et ses scènes ://
!SAINT-ÉLOI
!!!!THÉÂTRE^^
Jeudi 24 mai au Club ~Saint-Éloi à 15h^^
|borderless|k
|''[[L’en vie]]''<br> |//J-C Grumberg//<br> |Monsieur, Madame, la télé et leurs envies<br> |
|''[[Knock – La Dame En Noir]]''<br> |//Jules Romains//<br> |Comment Knock plume la fermière radine<br> |
|>|''[[Knock – La Dame En Violet]]''<br> |Comment Knock plume la riche rentière<br> |
|''[[L’OURS - Tchékov]]''<br> |//Tchékov//<br> |Une petite veuve et un artilleur dans une dispute explosive<br> |
|''[[Assurance-Vie]]''<br> |//André Lhomme//<br> |Comment une femme peut être tuante<br> |
!SENTIMENTAL BOURREAU
Il était une fois
Un beau petit bourreau
Pas plus grand que trois noix
Et pas beaucoup plus gros
Des hautes et basses ~OEuvres
Etait exécuteur
Et pour les basses ~OEuvres
Etait à la hauteur
N'avait jamais de trêve
Et jamais de repos
Et en place de grève
Il faisait son boulot
Pourtant couper des têtes,
Disait-il, ça m'embête
C'est un truc idiot
Ça salit mon billot
Pour nourrir ma vieille mère
Je saigne Paul ou Pierre
D'un geste un peu brutal
Mais sans penser à mal
Sentimental bourreau
Aïe, aïe, aïe,... aïe, aïe, aïe,...
Un soir de sa fenêtre
La femme du fossoyeur
Héla l'homme des têtes
Et lui ouvrit son cœur
Depuis longtemps sevrée
De transports amoureux
A vous veux me livrer
O bourreau vigoureux!
Je vous lance une corde
Du haut de mon balcon
Grimpez-y c'est un ordre
Allons exécution!
A partager sa couche
La belle l'invita
En quelques coups de hache
Il la lui débita
L'époux au bruit du bris
Survint un peu inquiet
Il partagea l'mari
Pour garder sa moitié
Comme la dame inquiète
Suggérait : " Taillons-nous ".
Il lui coupa la tête
Et se trancha le cou
Prince prenez grand soin
De la doulce Isabeau
Qu'elle n'ait oncques besoin
D'un petit bourreau beau. ...
!SERVIR SUR LA FRONTIÈRE
//DU FU
(Sixième de dix poèmes)//
Si tu tends un arc,
prends celui qui est le plus grand.
Si tu choisis une flèche, retiens celle
qui est la plus longue.
Si tu veux vaincre l’ennemi,
vise tout d’abord
sa monture.
Si tu veux capturer des rebelles,
empare-toi de leur chef.
Dans la tuerie aussi
il faut des limites,
de même que chaque pays
a des frontières.
S’il suffit de repousser
des assaillants,
pourquoi continuer
à faire couler le sang ?
! Spectacle 7
>76 Rue Lauriston, 75116 Paris
|Jeudi 23 novembre|Mouffetard|
|Jeudi 14 décembre|~Saint-Éloi|
|--Jeudi 22 mars--|--Lauriston--|
|Jeudi 29 mars|Ave Maria|
{{center{
!SUR LA LISIERE D'UN BOIS
!!!!!//COMÉDIE de Victor Hugo//
}}}
!!!!//LEO, LEA, UN(E) SATYRE.//
;LEO
:Ô charme tout-puissant de la pudeur farouche !
:Ma bouche ne doit pas même effleurer ta bouche ;
:Ta robe est le rideau du temple, et je ne veux
:D'aucun souffle approchant trop près de tes cheveux ;
:Tiens ton voile baissé, Léa. Je te respecte.
:Ne crains rien de moi.
;UN SATYRE, //dans le bois.//
:Phrase absolument suspecte.
;LEO
:Cache ta beauté, viens, et si je m'échappais
:Jusqu'à regarder, fais le voile plus épais.
:Tout ce que ton fichu couvre, je le devine ;
:Mais, va, je n'oserais toucher ta chair divine,
:Comme on n'ose toucher l'aile d'un papillon.
:Tu laisses dans mon ombre un lumineux sillon ;
:Tu semblés une rose ouverte dans des flammes ;
:Envolons-nous ; mêlons les ailes de nos âmes ;
:Soyons un couple honnête et céleste, et si pur
:Qu'on ne nous puisse plus distinguer de l'azur.
:Restons dans l'idéal. Je t'adore.
;LEA
:Je t'aime.
;LEO
:Non. Pas même un baiser ! Rêvons.
;UN SATYRE
:C'est un système.
:Mais cela ne va pas très loin.
;LEO
:Soyons heureux,
:Restons chastes ; c'est là l'amour profond.
;LE SATYRE
:Et creux.
;LEO
:Aimer, c'est oublier la terre; c'est refaire
:L'éden rose au-dessus de cette sombre sphère.
:Oh! l'amour est un ange.
;LE SATYRE
:Et c'est un chenapan.
;LEA
:Commençons par prier.
//(Levant les yeux au ciel.)//
:Dieu! toi qu'on nomme...
;LE SATYRE
:Pan.
;LEA
:On frappe.
;LEO
:C'est l'écho.
;LEA
//levant les yeux au ciel.//
:Dieu des hauteurs sacrées,
:Toi qui rayonnes, toi qui bénis...
;LE SATYRE
:Toi qui crées.
;LEA
:Sois avec nous.
;LE SATYRE
:Il est toujours dans quelque coin,
:Soyez tranquilles.
;LEO
:Dieu ! Je te prends à témoin.
:Je la respecte.
;LE SATYRE
:Encore ! Ah ! la pauvre Petite !
;LEO, les yeux, au ciel.
:Amour et Pureté !
;LE SATYRE
:Bérénice avec Tite.
;LEO
:Dieu fit ton âme ainsi que l'abeille son miel ;
:Avec toutes les fleurs. Oh ! la mer et le ciel
:S'unissent pour former Cythérée Aphrodite ;
:Tout l'univers, pensif et doux, la prémédite ;
:Et pour faire un chef-d'œuvre aussi complet que toi,
:Il faut à Dieu, dans l'ombre où tremble notre foi,
:L'Éternité.
;LE SATYRE
:Le temps de fumer un cigare.
;LEO
:Restons purs. Fleurs, oiseaux, soyez nos guides.
;LE SATYRE
:Gare!
;LEA
:Je t'aime.
;LEO
:Les oiseaux ont des chants infinis,
:Des langueurs, des soupirs, de longs essors...
;LE SATYRE
:Des nids.
;LEO
:Sois comme l'hirondelle.
;LE SATYRE
:Une bohémienne.
;LEO
:Tu serais dans la chambre à côté de la mienne,
:La nuit, seule en ton lit, eh bien, il suffirait
:Pour m'empêcher d'entrer dans ton réduit discret
:Que j'eusse, ma Léa, présente à la pensée
:Ta candeur d'un regard trop amoureux froissée,
:Ta grâce, ta beauté fraîche comme le jour...
;LE SATYRE
:Et que la porte fût fermée à double tour.
;LEO
:La femme contient Dieu. Tout nous vient de toi, femme !
:Nous t'empruntons l'amour, nous t'empruntons la flamme,
:Nous te prenons le vrai, le juste...
;LE SATYRE
:Et le menton.
;LEO
:Ton nom est Rhée, Aglaure, Hébé, Pallas...
;LE SATYRE
:Goton.
;LEO
:Comme en avril la rose éclôt dans les ravines,
:Toutes les vérités célestes et divines
:Fleurissent dans nos cœurs, sitôt que nous aimons.
:Le haut des cœurs est blanc comme le haut des monts ;
:L'amour est ici-bas la grande cime humaine.
:Chaque pas fait vers Dieu vers la femme nous mène.
:Rien de mauvais peut-il nous venir d'elle ? Non.
:La femme, sous la forme auguste de Junon,
:Dans cette vérité qu'on appelle la fable,
:Verse au zénith un flot de lueur ineffable ;
:Le ciel est étoile par ses seins immortels.
:Oh ! dans le voisinage innocent des autels,
:Le feu charnel s'épure, et l'on devient deux anges.
:Sous les cloîtres croulants, pleins de clartés étranges,
:L'ombre aime à voir un couple errer, tendre et charmant.
:Les amours ont toujours hanté pieusement
:Les colonnes du temple.
;LE SATYRE
:Et les piliers des halles.
;LEA
:Amour!
;LEO
:Sublimité des choses idéales !
;LEA
:Oh! que de profondeurs splendides nous voyons!
;LEO
:La vie autour de nous se disperse en rayons.
;LEA
:Quand une aube s'achève, une aube recommence.
;LEO
:Tout au-dessus de l'homme est bleu. Le ciel immense
:N'est que flamme et lumière.
;LE SATYRE
:Excepté quand il pleut.
;LEO
:Vivons ! du pur amour serrons le chaste nœud.
:Oh ! quel travail charmant ! Garder ton innocence !
:L'adorer! N'être plus qu'un esprit, qui t'encense!
:Sonder tes yeux profonds ! Épier tes désirs !
:T'inventer une suite aimable de plaisirs!
:Baiser tes pieds, subir tous tes caprices, être
:Ton esclave fidèle et doux, ton chien, ton prêtre !
:Vouloir ce que tu veux ! Se creuser le cerveau
:Pour t'offrir à chaque heure un délire nouveau !
:T'ouvrir des paradis inconnus ! Faire éclore
:Sur ton front le sourire et dans ton cœur l'aurore !
:Ne jamais oublier un instant le devoir
:De chercher ce qui peut te charmer, t'émouvoir,
:Te plaire! et tous les jours recommencer!
;LE SATYRE
:Va, pioche.
;LEO
:Viens!
;LEA
:Où?
;LEO
:Dans ce bois.
;LEA
:Mais...
;LE SATYRE
:Fin de l'idylle : un mioche.
:
!!!!!!FIN
[>img[jacques.turbe@gmail.com|images/signature theatre-57.jpg]]
!SUR LE PLATEAU DU MARCHAND DE FLEURS
!!!!!!{{center{LI QUINGZHAO
(1084 - 1151)
(Sur l'air : fleur du magnolia)
Les Fleurs du Cannelier}}}
{{center{
;[[Dernière VIDÉO|https://www.dropbox.com/s/yf248chmhb94dee/ve%206%20mai_SUR%20LE%20PLATEAU%20DU%20MARCHAND%20DE%20FLEURS%20-%20LI%20QUING%20ZHAO%20-%20Mich%C3%A8le.mp4?dl=0]]
Sur le plateau
Du marchand de fleurs,
Je prends un rameau de printemps
Aux boutons à peine éclos,
Voilés de rosée,
Reflétant encore
La lueur de l'aurore.
Mais, je crains
Que tu ne penses
Que mon visage
N'a pas autant d'éclat,
Et dans ma haute chevelure,
En oblique,
Je plante une fleur :
Que d'un regard,
Tu puisses nous comparer.
}}}
| ^^Vidéo du 1er avril à télécharger<br>(jusqu'au 17/4/2016)^^|![[Sables mouvants_Geneviève|http://weezo.net/ateliertheatre/wqw]]|
!SABLES MOUVANTS
{{center{
!!!!!!//Jacques PRÉVERT (1900 - 1977)//
[img[http://alinecoton.fr/wp-content/uploads/2013/10/carnet-de-voyage-300x199.jpg]]
Démons et merveilles
Vents et marées
Au loin déjà la mer s’est retirée
Et toi
Comme une algue doucement caressée par le vent
Dans les sables du lit tu remues en rêvant
Démons et merveilles
Vents et marées
Au loin déjà la mer s’est retirée
Mais dans tes yeux entrouverts
Deux petites vagues sont restées
Démons et merveilles
Vents et marées
Deux petites vagues pour me noyer.
[img(60%,)[http://img.over-blog.com/500x375/0/19/69/68/Ilustrime-artikujsh/323313482.jpg]]
}}}
!!!!!!//Extrait de "Paroles"//
{{small blue italic{Proposé par Geneviève}}}
!La Comédienne
//(Elle reste immobile devant sa glace, puis, presque machinalement, elle apporte de légères modifications à son maquillage. Un instant après, Leclerc paraît)//
;Leclerc
:Qu'est-ce que vous cherchez ?
;La Comédienne
:Regardez dans la glace... Quel est l'œil le mieux fait ?
;Leclerc
:Heu... celui-là... à gauche
;La Comédienne
:Eh bien, voilà trente ans que je cherche ça
;Leclerc
:Vous aimez ça, vous regarder dans la glace, hein ?
;La Comédienne
:Ce n'est pas moi que je regarde... ce sont les autres !
;Leclerc
:Quels autres ?
;La Comédienne
:Ceux que je joue...
;Leclerc
:Oui, mais comme celui-là, vous ne le jouerez plus...
;La Comédienne
:Justement, je lui dis « adieu » ! Oh ! Et puis, je suis si bien, à cette heure-ci ... Vous ne savez toujours pas qui m'a envoyé ces roses ?
;Leclerc
:Pour moi, c'est un homme...
;La Comédienne
:Espérons-le...
;Leclerc
:Écoutez... et répondez-moi franchement... Ne croyez-vous pas que si on avait eu un peu de patience, pendant huit jours... les recettes auraient remonté ?
;La Comédienne
:Qu'est-ce qui vous le fait croire ?
;Leclerc
:Ce que font les autres théâtres... J'ai la feuille des auteurs sur moi...
;La Comédienne
:Est-ce qu'ils ont tous baissé hier soir ?
;Leclerc
:Non...
;La Comédienne
:Alors
;Leclerc
:Attendez... vous allez voir... les Variétés ont fait neuf mille.
;La Comédienne
:C'est superbe !... Combien avons-nous fait, nous, hier soir ?
;Leclerc
:Nous ?... Deux mille quatre cents
;La Comédienne
:Ce n'est pas fameux...
;Leclerc
:Non...
;La Comédienne
:Mais ?
;Leclerc
:Les Variétés ont un four
;La Comédienne
:Ils font neuf mille tout de même 1
;Leclerc
:Oui... parce que le public ne sait pas que c'est un four. Dès qu'il le saura, ils baisseront... et nous remonterons 1
;La Comédienne
:Mon pauvre ami.. faites donc une autre pièce !
;Leclerc
:Mon raisonnement ne vous paraît pas...
;La Comédienne
:Ce n'est pas un raisonnement !... Déchirez cette feuille... ne vous occupez pas de ce que font les autres... ne vous mettez pas en colère, ne ragez pas... et tout à l'heure, en rentrant chez vous, prenez une belle feuille de papier blanc et écrivez seulement les douze premières répliques de votre prochaine pièce... vous-verrez comme cela vous fera du bien
;Leclerc
:Ma prochaine pièce... elle est finie et elle est reçue !
;La Comédienne
:Je ne vous parle pas de celle-là... celle-là n'est pas la prochaine puisqu'elle est finie... la prochaine, c'est celle qui n'est pas encore commencée !
;Leclerc
:Pour celle-là, j'ai un point de départ qui n'est pas mal, je crois... et, d'ailleurs, je voulais vous en parler avant de faire la pièce... parce que, si l'idée vous convenait... je la développerais du côté de la femme.. et cela ferait un rôle magnifique pour vous...
;La Comédienne
:Nous verrons ça...
;Leclerc
:Est-ce que, en principe... vous accepteriez...
;La Comédienne
:Mon ami, je suis comédienne et, en principe, je ne refuse jamais de jouer la comédie... Seulement, je dois vous avouer que, en fait, je crois que je vais devenir assez difficile !
;Leclerc
:Ah ! ah !
;La Comédienne
:Oui.
;Leclerc
:Dans quel sens ?
;La Comédienne
:Heu...
;Leclerc
:Longueur de rôle ?...
;La Comédienne
:Non...
;Leclerc
:Caractère du personnage 7
;La Comédienne
:Non...
;Leclerc
:Question d'âge 7
;La Comédienne
:Non... vous faites fausse route. Le sentiment que j'éprouve est très particulier...
;Leclerc
:Quel est-il ?
;La Comédienne
:Il est... difficile à exprimer...
;Leclerc
:Cependant, j'aimerais à le connaître si je dois travailler pour vous...
;La Comédienne
:Ah ! Mon ami ce n'est pas pour moi que vous travailleriez si je vous le fais connaître !
;Leclerc
:Vous m'intriguez !... Et pour qui travaillerais-je donc ?
;La Comédienne
:Pour le public !
;Leclerc
:Je ne comprends pas !
;La Comédienne
:J'en suis sûre... Mon ami je suis effrayée quand je pense au temps que j'ai perdu depuis trente ans !... Et je suis navrée quand je songe à ce que j'aurais pu faire si j'en avais eu la possibilité !... J'ai été le porte-parole d'une quarantaine d'auteurs dramatiques... j'ai consacré toute ma vie à mon métier, j'ai fait rire, j'ai fait pleurer... parfois. j'ai même enthousiasmé des salles... j'ai reçu des lettres de félicitations et des lettres d'amour, mais jamais un spectateur n'est venu me dire : « Madame , vous m'avez persuadé hier soir en jouant votre rôle, j'ai fait aujourd'hui réellement ce que vous aviez fait semblant de faire hier, et je m'en trouve fort bien ! »
;Leclerc
:Ah !
;La Comédienne
:Oui, mon ami, voilà où j'en suis !... J'en suis à me demander si nous avons le droit, vous auteurs, nous comédiens, de retenir chaque soir pendant trois heures l'attention de douze cents personnes... sans en profiter davantage et plus utilement !... Ça pourrait être tellement beau, le Théâtre, mon ami... ça pourrait tellement être plus beau que tout !... Vous ne vous en rendez peut-être pas compte... parce que, voyez-vous, je crois qu'il faut être sur scène pour bien comprendre ce qui se passe... ce qui pourrait se passer !... Ah ! Si les auteurs jouaient leurs pièces, ils comprendraient !... Il faut les avoir vus de face, tous les soirs, pendant des années, ces douze cents visages attentifs... pour que cela devienne cette espèce d'obsession que c'est devenu pour moi !... Sous prétexte de se distraire et de se délasser, savez-vous ce qu'ils vous apportent tous les soirs, ces gens-là ? Ils vous apportent, sans l'avoir jamais formulé, le désir permanent qu'ils ont d'améliorer leur existence !... Eh bien, il ne faudrait pas se contenter de leur faire oublier leurs ennuis de la journée... il faudrait pouvoir les préparer gaiement à supporter, à éviter les ennuis du lendemain... sans qu'ils s'en aperçoivent !
;Leclerc
:C'est très curieux ce que vous me dites là ! t
;La Comédienne
:Vous savez combien j'avais aimé à la lecture les deux premiers actes de votre pièce... le dernier, n'en parlons pas... Mais ce que vous ne pouvez pas deviner, c'est à quel point j'ai souffert en la jouant, votre pièce ! J'ai souffert du temps que nous perdions, vous et moi !... Vous avez exposé un sujet, vous l'avez développé... vous avez peint des caractères... vous avez raconté une histoire... et la situation que vous aviez volontairement nouée au début, vous l'avez dénouée, comme vous avez pu, à la fin. Et puis, après ? qu'en reste-t-il ?... Rien !
;Leclerc
:Il en est de même pour la plupart des pièces...
;La Comédienne
:Mais oui... et c'est navrant ! Vous avez eu l'occasion de pouvoir parler à douze cents personnes tous les soirs...
;Leclerc
:Je les ai intéressées...
;La Comédienne
:Oui, mais vous ne leur avez rendu aucun service. Vous avez atteint votre but, mais, permettez-moi de vous le dire, votre but n'était pas très élevé !
;Leclerc
:Comment voulez-vous rendre service au public ?
;La Comédienne
:Comment ?
;Leclerc
:En lui dépeignant les misères de la vie ?
;La Comédienne
:Pas du tout, justement...
;Leclerc
:Alors, comment ?
;La Comédienne
:En lui faisant aimer les belles choses qu'il méprise parce qu'il les ignore !... Il ne suffit pas de lui montrer ce qui est laid, il faut aussi lui montrer ce qui est beau ! Le Bonheur, l'Amour, la Gloire, la Santé, la Peinture... tout ce qui est beau et tout ce qui lui est accessible... pas Jeanne d'Arc, bien entendu, ça c'est trop... Et il ne faut le faire pleurer que lorsque c'est indispensable !
;Leclerc
:Mais je ne vous connaissais pas ces sentiments philanthropiques...
;La Comédienne
:Moi non plus !... Voilà où l'amour du théâtre peut conduire une femme égoïste
;Leclerc
:Vous avez donc vraiment l'amour du théâtre ?
;La Comédienne
:Oui, mon ami... et ceux qui ne l'ont pas sont indignes d'en être... Il ne faut pas être amoureux du théâtre... il faut l'adorer. Ce n'est pas un métier, le théâtre, c'est une passion !... Savez-vous ce que c'est que le public ?
;Leclerc
:... ?
;La Comédienne
:C'est votre pays ! Y aviez-vous jamais pensé ?... Et est-ce que ce n'est pas quelque chose de pouvoir se dire : « J'amuse mon pays... je le fais rire ... je l'émeus... je le distrais », et ce ne serait pas beau de pouvoir se dire un jour : « Je lui ai fait du bien!»
;Leclerc
:Ah ! Si...
;La Comédienne
:Eh bien, essayez donc !
;Leclerc
:Alors, si je vous apportais une chose finie, est-ce que vous... J'ai une idée que je crois extrêmement... Accepteriez-vous de la jouer dans la première quinzaine de...
;La Comédienne
:Mais, mon ami, faites donc la pièce !
;Leclerc
:Bon, bon, je vais la faire.
{{small blue italic{Proposé par Geneviève}}}
!Sacha Guitry - Une lettre bien tapée
;Personnages
* LE VOYAGEUR
* LA DACTYLO
;Décor
<<<
{{blue2 small italic{Le salon d'un appartement dans un hôtel à Orléans. Il n'y a personne en scène au lever du rideau, au bout de quelques instants paraît le voyageur. C'est un homme qui porte un costume de voyage, et qui porte son âge. Chapeau de feutre, gabardine pliée en quatre sur le bras, valise qu'il dépose en entrant, puis c'est la gabardine le chapeau dont il se débarrasse vite.
Dès l'abord on voit bien qu'il est un homme sérieux, qui ne voyagent pas pour son plaisir et qui a tout de suite une chose importante, car déjà le voilà qui s'assied un petit bureau sur lequel se trouve un appareil téléphonique.
Il décroche le récepteur, hésite, et le raccroche. Il prend une feuille de papier à lettres, 30 sa plume dans l'encre, hésite, repose la plume, et de nouveaux décrochent le récepteur du téléphone.}}}
<<<
;LUI
Allô ! La réception, s'il vous plaît. Allô, la réception ? Dites-moi, monsieur... N'auriez-vous pas une sténodactylo que vous puissiez me prêter pendant quelques minutes ? Je suis le 122. Quand vous êtes aimable Monsieur, merci. Qu'elle vienne avec sa machine, naturellement. C'est cela même. Non, 10 minutes.... Pas davantage. Merci. {{blue italic{(Il raccroche le récepteur, allume une cigarette, et de long en large fait quelque pas. On frappe.)}}}
;LUI
Entrez. {{blue italic{(La dactylo entre alors. Elle est séduisante, et elle le sait.)}}}
;ELLE
Bonjour, Monsieur. {{blue italic{(Sans en dire davantage, elle va vers le bureau, enlève tout ce qui peut la gêner, et installe la machine à écrire portable qu'elle apporte. Tous ces préparatifs ne vont pas sans beaucoup de petites manières. Sûre qu'il la regarde, elle ne le regarde pas.)}}}
;LUI
La fumée ne vous incommode pas, Mademoiselle ?
;ELLE
Du tout, du tout, Monsieur. Je ne fume pas moi-même, par ce que, pour écrire, c'est incommode. {{blue italic{(Elle s'était assise, mais le siège est trop bas. Elle se relève et cherche autour d'elle. Elle choisit le coussin d'un fauteuil dans lequel le voyageur allait précisément s'asseoir. Ce coussin, elle va le poser sur sa chaise – et elle s'installe. Elle est très très bien, maintenant !)}}}
;ELLE
:Je suis à vos ordres, Monsieur.
;LUI
:Vous ne vous servez pas de papier ?
;ELLE
:Pour quel usage, Monsieur ?
;LUI
:Pour écrire.
;ELLE
:Ah ! ah ! ah ! J'avais oublié le papier. Le principal en somme. En un seul exemplaire ?
;LUI
: S'iI vous plaît. {{blue italic{(Elle est prête à présent et elle attend.)}}}
;LUI {{blue italic{ (dictant)}}}
:Mon cher Edmond...
;ELLE
:Tiens !
;LUI
:Quoi donc ?
;ELLE
:C'est le prénom de mon père.
;LUI
:Ah ! Oui, et comment va-t-il ?
;ELLE
:Mon père ? Il va très bien, Monsieur, merci. {{blue italic{(Répétant.)}}} Mon cher Edmond... ?
;LUI
:Je suis arrivé à Orléans vers trois heures et –virgule – tout de suite – virgule – je suis allé voir le notaire.
;ELLE
:Un point.
;LUI
:Parfaitement. {{blue italic{(Dictant.)}}} Et je ne veux pas tarder à t'apprendre que la chose est bien plus compliquée que nous ne le pensions.
;ELLE
:Ah ! Ah ?
;LUI
:Hein ?
;ELLE
:Non, non, rien, Monsieur. {{blue italic{(Répétant.)}}} Plus compliquée que vous ne le pensiez.
;LUI
: Comment « que vous ne le pensiez » ?
;ELLE
:« Que nous ne le pensions », pardon.
;LUI {{blue italic{(dictant)}}}
:Je pouvais te le téléphoner.
;ELLE
:Ça, le fait est.
;LUI
:Mais à la réflexion, j'ai préféré t'écrire afin que tu puisses montrer ma lettre à Bergeron.
;ELLE
:A qui ?
;LUI
:A mon associé.
;ELLE
:Oui, mais c'est son nom qui m'a échappé.
;LUI
:Ah ! Pardon : Bergeron. {{blue italic{(Dictant.)}}} Il verra ainsi... que je suis allé moi-même... à Orléans. Tout ce que je puis te dire aujourd'hui, c'est que le dernier testament qu'elle a fait... n'est pas écrit de sa main. {{blue italic{Parlant.}}} A la ligne. {{blue italic{(Dictant.)}}} Confidentiel... {{blue italic{(Elle écoute en tendant bien l'oreille.)}}}
;ELLE
:Comptez sur moi.
;LUI
:Ce n'était pas à vous que je le disais, c'était à...
;ELLE
:... Edmond ! Ah ! Bon, bon, bon.
;LUI
: Écrivez-le . confidentiel. {{blue italic{(Dictant.)}}} La personne en question... est peut-être encore où tu penses...
;ELLE
:Oui... ?
;LUI
: {{blue italic{(dictant)}}} Mais sois convaincu que si Gaston obligeait Suzanne à rendre à Germaine ce que tu sais..
;ELLE
:Hm...?
;LUI. {{blue italic{(dictant)}}}
:Nous aurions en mains... tous les éléments de ce que tu supposes.
;ELLE
:Vous croyez qu'il va comprendre ?
;LUI
:Comment, s'il va... mais je pense bien.
;ELLE
:Je permets de vous dire ça, parce que, moi, je ne peux pas arriver à...
;LUI
:C'est possible... mais lui il comprendra_
;ELLE
:Je vous demande pardon de m'y être intéressée.
;LUI
:Je vous en prie. {{blue italic{(Dictant.)}}} Maître Radin m'a dit qu'il se rendrait demain, en personne, au château de Saint-Mêle... un point. Mais Saint-Mêle est à 300 kilomètres d'ici...
;ELLE
:Trois cent quarante... au moins.
;LUI, dictant.
:Des personnes bien informées prétendent même qu'il y a au moins 340 kilomètres. Dans ces conditions je n'aurais donc pas la réponse avant quarante-huit heures...
;ELLE
:J'ai mis quarante-sept heures... je me suis trompée. Je peux laisser quarante-sept ?
;LUI
: Mais voyons' {{blue italic{(Dictant.)}}} Je te la ferai connaître aussitôt. {{blue italic{(Un temps. Il se lève et fait quelques pas.)}}}
;LUI
: {{blue italic{(dictant)}}} Que vais-je faire jusqu'à mercredi ? Je n'en sais rien encore. Deux jours, c'est bien long, et pourtant- cela pourrait passer si vite. Certes il ne me déplairait pas d'aller jusqu'à Amboise que j'ignore. Il parait que le château est une splendeur...
;ELLE
: Oh"....
;LUI
: {{blue italic{(dictant)}}} Ben, oui... seulement voilà, faire seul ce petit voyage, quand il serait si doux de le faire à deux ! Rester à Orléans et attendre la réponse de Radin. Si encore je connaissais quelqu'un içi !
:Et quand je dis quelqu'un, Edmond, tu vois ce que je dire ?
:Ah, si j'étais homme à me contenter de n'importe quelle créature rencontrée au hasard ? Ah ! Mais non ! Je la voudrais charmante et fine. Et puis pas grande, pas trop grande avec des yeux très beaux ! Je lui vois des cheveux châtains, et des mains délicates, avec des ongles rouges ! Existe-t-elle ?
;ELLE
: ...
;LUI
: Peut-être.
:Mais, si je la rencontre, oserai-je lui demander vingt-quatre heures de sa vie ? Crois-tu, mon cher Edmond, qu'elle voudra consentir à me faire visiter ce beau château d'Amboise ? Et si elle y consent, crois-tu, pour l'en remercier qu'il me serait possible de lui offrir le petit manteau de vison que j'ai vu tout à l'heure dans la vitrine d'un magasin qui se trouve sur la place de la Cathédrale, à gauche, en arrivant par la rue Gambetta ; le crois-tu, cher Edmond ?
;ELLE
:Je vous demande pardon... Est-ce que je puis me permettre de donner un petit coup de téléphone ?
;LUI
: Mais... je vous en prie, Mademoiselle.
;ELLE
:Allô ?... Le portier s'il vous plaît. Le portier ? Donnez-moi tout de suite le Commissaire, je vous en prie. Allô !... Allô ! Allô ? C'est toi, papa ? Dis donc... figure-toi que le patron m'envoie pendant vingt-quatre heures à Amboise. Je ne peux malheureusement pas refuser. Bien sûr. Alors, sois gentil, dis à maman qu'elle me prépare mon petit sac de voyage. Oh non, ce n'est pas la peine, je vais avoir ce qu'il faut comme manteau. Merci, papa, excuse-moi. {{blue italic{(Elle raccroche.)}}} Oui, papa est commissaire de la police. {{blue italic{(Elle reprend sa lettre.)}}} Alors, nous en étions à... ce petit magasin qui se trouve sur la place de la Cathédrale, à gauche, en arrivant par la rue Gambetta .
:On s'arrête là, hein ?
;LUI
: Oui.
;ELLE
:Et comme formule de politesse Vous l'embrassez ?
;LUI
: Oh ! je veux bien.
;ELLE
:Moi aussi. {{blue italic{(Il l'embrasse.)}}}
{{center{
!!!RIDEAU
}}}
!Sandwich au poulet//
^^Matéi Visniec^^//
>Catherine. Billy. Une chaise pliante à la main et un parapluie blanc sous le bras, Catherine fait son apparition, suivie à quelques pas par Billy. Catherine est enceinte. Elle se met à examiner le lieu. Billy, qui a une allure a'e garde du corps, est furibond.
;Billy
:Pourquoi tu me fais ça 7
;Catherine
:Quoi ?
;Billy
:Pourquoi tu me fais ça, bordel de merde ?
;Catherine
:Fous~moi la paix.
;Billy
:Tu te fous de ma gueule.
;Catherine
:Arrête.
;Billy
:Tu te fous de ma gueule, et moi, je n'aime pas ça.
;Catherine
:Fous-moi la paix. Va-t-en.
;Billy
:Pourquoi t`es montée jusqu'ici 7
;Catherine
:Pour attendre la Vierge.
;Billy
:Pour attendre la Vierge...
;Catherine
:Oui, pour attendre la Vierge.
;Billy
:Et tu ne pouvais pas 1'attendre comme tout le monde, en bas ? Tu ne pouvais pas attendre ta Vierge chérie comme tout le monde, en bas 7
;Catherine
:Non.
;Billy
:C'est pour me casser les pieds, n'est-ce pas 7
;Catherine
:Non.
;Billy
:Alors pourquoi t`es montée jusqu'ici '.7
;Catherine
:On voit mieux d'ici.
;Billy
:On voit mieux d'ici...
;Catherine
:Oui, on voit mieux d'ici. L'année passée elle est apparue sur ce rocher-là.
;Billy
:Sur ce rocher-là. _. Et tu crois qu`elle est abonnée à ce rocher-là et que cette année elle va encore descendre sur ce rocher-là. ._
;Catherine
:Si tu ne me fous pas la paix je vais appeler Monsieur Delpy.
;Billy
:Tu vas appeler Monsieur Delpy...
;Catherine
:Oui, je vais appeler Monsieur Delpy.
;Billy
:Est-ce que Monsieur Delpy t'a donné l'autorisation de venir voir la Vierge ?
;Catherine
:C'était pas son affaire.
;Billy
:C'était pas son affaire...
;Catherine
:Non. ×
;Billy
:C'etait pas son affaire... Que tu prennes, dans TON ÉTAT, le volant pour faire quatre cents bornes dans le désert, c'était pas s0N AFFA/RE. ..
;Catherine
:Mais bien sûr que non.
;Billy
:Mais bien sûr que non... Tu prends le volant, dans ton état, avec SON ENFANT dans ton putain de ventre, et c'est pas son affaire.
;Catherine
:Je suis venue voir la Vierge.
;Billy
:Est-ce qu'il t`a donné la permission de voir la Vierge ? Catherine 2 Bon, maintenant tu me laisses tranquille. Je suis là, je vais attendre la Vierge. Va-t-en.
//(Pause. Catherine déplie la chaise pliante et s'ass0it)//
Billy ?
;Billy
:Oui ?
;Catherine
:Est-ce que tu as de l'eau ?
;Billy
:Si j'ai de l'eau ?
;Catherine
:Oui.
;Billy
:Tu me demandes si j'ai de l'eau ?
;Catherine
:Oui. Est-ce que tu as de l'eau ?
;Billy
:Est-ce que j'étais censé avoir de l'eau ? Catherine 1 Je ne sais pas, moi. Je te le demande. Peut-être que Monsieur Delpy t'a dit d'avoir toujours une bouteille d`eau sur toi.
;Billy
:Non, Monsieur Delpy ne m'a jamais dit d`avoir toujours une bouteille d'eau sur moi.
;Catherine
:De toute façon, j`ai soif.
;Billy
:Ah bon ! T'es partie pour une virée de quatre cents bornes dans le désert et tu n'as pas pris d'eau, c'est ça “?
;Catherine
:Oui.
;Billy
:Et tu pensais que la Vierge allait t'en donner.
;Catherine
:Oui.
;Billy
:Bon, alors attends que la Vierge apparaisse et demande-lui de l'eau.
//(Pause. Billy s'allume une cigarette )//
;Catherine
:Billy, j`ai soif.
//(Billy sort une bouteille d'eau et la tend à Catherine. Elle boit)//
Merci, Billy.
;Billy
:Je ne veux pas que tu me dises "Merci Billy".
;Catherine
:Merci, quand même, Billy.
//(Elle ouvre le parapluie pour se protéger du soleil)//
L'année passée la Vierge est apparue juste ici. Il n'y a que trois personnes qui l'ont vraiment vue. Trois femmes.
;Billy
:Tu veux dire trois putes.
;Catherine
:Je veux dire trois femmes. Les putes sont des femmes, Billy.
;Billy
:Les putes ne sont pas des femmes. Les putes sont des putes.
;Catherine
:T'es un chou, Billy. Ça fait longtemps que tu travailles pour Monsieur Delpy ?
;Billy
:Quoi ?
;Catherine
:Je te demande si ça fait longtemps que tu travailles pour Monsieur Delpy.
;Billy
:Tu me demandes si ça fait longtemps que je travaille pour Monsieur Delpy. ..
;Catherine
:Oui.
;Billy
:Cest pas ton affaire.
;Catherine
:Viens sous mon parasol, Billy. Je vais te protéger du soleil.
;Billy
:Je ne veux pas que tu me protèges du soleil.
;Catherine
:Bon, alors va te faire foutre. Va m'acheter un sandwich.
;Billy
:Je ne veux pas aller t'acheter un sandwich. Je ne suis pas censé t'acheter des sandwiches, te nourrir, te donner à boire et t'essuyer la bouche. Et je ne suis pas non plus censé écouter tes conneries.
;Catherine
:Je suis quand même une femme enceinte, Billy.
;Billy
:Non, tu n'es pas une femme enceinte.
;Catherine
:Mais si, je suis une femme enceinte.
;Billy
:Non, t'es une pute enceinte.
;Catherine
:T`es un con, Billy. T'es un gros con et tu ne comprends rien. Tu sais que je suis vierge, Billy ?
;Billy
:Quoi ?!
;Catherine
:Je te dis que je suis vierge.
;Billy
:Tu dis que tu es vierge. ..
;Catherine
:Je suis vierge.
;Billy
:Tu portes l'enfant de Monsieur Delpy dans ton ventre et tu dis que tu es vierge.
;Catherine
:Oui, je porte l'enfant de Monsieur Delpy dans mon ventre mais Monsieur Delpy ne m'a jamais touchée.
;Billy
:Il ne t`a jamais touchée...
;Catherine
:Non.
;Billy
:Alors comment est-il entré, ce petit morceau de viande, dans ton ventre 7
;Catherine
:Billy, tu sais ce que c'est une mère PORTEUSE?
;Billy
:Oui, je sais ce que c`est une mère porteuse.
;Catherine
:Non, tu ne sais pas.
;Billy
:De toute façon, je m`en fous.
;Catherine
:Alors pourquoi tu ne me lâches pas d'une semelle ?
;Billy
:Parce que Monsieur Delpy ne veut pas que tu te casses le cou, voilà.
;Catherine
:Il te paye combien Monsieur Delpy ?
;Billy
:Et toi, ils te payent combien, les Delpy pour que tu leur portes leur héritier machin dans ton ventre ?
;Catherine
:Quarante mille dollars.
;Billy
:Quoi ? I
;Catherine
:Quarante mille dollars.
;Billy
:Quarante mille dollars ! Pour seulement neuf mois de travail ?
;Catherine
:Bah oui !
;Billy
:Et tu oses dire que tu n'es pas une pute.
;Catherine
:Je te jure sur la tête de la Vierge, Billy. Personne ne m`a jamais touchée. D'ailleurs, c'est pour ça que j'ai demandé ce prix-là. Parce que je suis vierge.
;Billy
:Parce que tu es vierge. ._
;Catherine
:Oui, Billy. Les Delpy voulaient que leur mère porteuse soit une vierge. Et ça coûte plus cher que les mères porteuses ordinaires. Tu piges ?
;Billy
:Et comment est-il entré là, alors, si tu jures sur la tête de la Vierge que tu es vierge 7 C'est le Saint-Esprit qui t'a fourré ce fœtus dans le ventre ?
;Catherine
:C'est par INSÉMINATION ART/FICIELLE, espèce de petit con.
;Billy
:Par insémination artificielle...
;Catherine
:Oui, c'est ça. Et l'année prochaine je vais ouvrir un resto.
Billy 1 Insémination artificielle mon cul.
;Catherine
:Mais t'es vraiment un attardé mental, Billy. Tu n'as jamais entendu parler de procréation IN VITRO ?
;Billy
:Non je n'ai jamais entendu parler de procréation /N v1TRO... Moi, je ne connais que la procréation par la voie banale.
;Catherine
:Va m'acheter un sandwich, espèce d'attardé.
//(Il va acheter le sandwich. Elle s'e'vente et boit de l'eait. Dans le lointain, la foule chante des chansons religieuses. Billy revient avec un sandwich et le tend à Catherine)//
;Catherine
:Il est à quoi ?
;Billy
:Quoi ?!
;Catherine
:Le sandwich, il est à quoi ?
;Billy
:Au poulet.
;Catherine
:Je ne supporte pas le poulet. Ça me donne la nausée.
;Billy
:Bon, alors va t`acheter ce que tu veux et fous-moi la paix.
;Catherine
:Qu'est-ce qu'il y avait d'autre ?
;Billy
:Il n'y avait que des sandwiches au poulet. C'est tout.
;Catherine
:Sois pas con, Billy. Tu sais bien que tu me plais.
;Billy
:Je te plais...
;Catherine
:Oui, tu me plais. Tu me plais même beaucoup. Billy 2 Non, je ne savais pas que je te plaisais.
;Catherine
:Bon, maintenant tu le sais. Qu'est-ce qu'il y avait d'autre, comme sandwich 7
;Billy
:Jambon et fromage.
;Catherine
:Alors je veux fromage.
;Billy
:Et je ne crois pas que tu n'aies jamais couché avec aucun mec.
;Catherine
:Mais je t'ai déjà expliqué, Billy. Ça c'est passé IN VITRO. Chez un médecin. Monsieur Delpy, je ne l'ai même pas croisé. Ni lui, ni Madame. Ils n'ont pas voulu me connaître Cest leur droit, d'ailleurs. Tout est prévu dans le contrat de l'agence. Ils ont envoyé leur semence chez un toubib, et puis celui-ci m'a fourré tout ça là-dedans, pour que je la couve. .. Maintenant tu piges ce que ça veut dire, nv v1TRO ? Allez, va m'acheter un sandwich au fromage. L'année prochaine je vais pouvoir ouvrir un resto.
//(Billy sort. Comme les gens qui chantent s'appr0chent, Catherine se met à chanter; elle aussi)//
{{center{
!Sara la baigneuse
!!!!!!//Victor Hugo//
Sara, belle d’indolence,
Se balance
Dans un hamac, au-dessus
Du bassin d’une fontaine
Toute pleine
D’eau puisée à l’Ilyssus;
Et la frêle escarpolette
Se reflète
Dans le transparent miroir,
Avec la baigneuse blanche
Qui se penche,
Qui se penche pour se voir.
Chaque fois que la nacelle,
Qui chancelle,
Passe à fleur d’eau dans son vol,
On voit sur l’eau qui s’agite
Sortir vite
Son beau pied et son beau col.
Elle bat d’un pied timide
L’onde humide
Où tremble un mouvant tableau,
Fait rougir son pied d’albâtre,
Et, folâtre,
Rit de la fraîcheur de l’eau.
Reste ici caché : demeure !
Dans une heure,
D’un œil ardent tu verras
Sortir du bain l’ingénue,
Toute nue,
Croisant ses mains sur ses bras.
Car c’est un astre qui brille
Qu’une fille
Qui sort d’un bain au flot clair,
Cherche s’il ne vient personne,
Et frissonne,
Toute mouillée au grand air.
Elle est là, sous la feuillée,
Éveillée
Au moindre bruit de malheur;
Et rouge, pour une mouche
Qui la touche,
Comme une grenade en fleur.
On voit tout ce que dérobe
Voile ou robe;
Dans ses yeux d’azur en feu,
Son regard que rien ne voile
Est l’étoile
Qui brille au fond d’un ciel bleu.
L’eau sur son corps qu’elle essuie
Roule en pluie,
Comme sur un peuplier;
Comme si, gouttes à gouttes,
Tombaient toutes
Les perles de son collier.
Mais Sara la nonchalante
Est bien lente
A finir ses doux ébats;
Toujours elle se balance
En silence,
Et va murmurant tout bas
« Oh ! si j’étais capitane,
Ou sultane,
Je prendrais des bains ambrés,
Dans un bain de marbre jaune,
Près d’un trône,
Entre deux griffons dorés !
« J ‘aurais le hamac de soie
Qui se ploie
Sous le corps prêt à pâmer;
J’aurais la molle ottomane
Dont émane un parfum qui fait aimer.
« Je pourrais folâtrer nue,
Sous la nue,
Dans le ruisseau du jardin,
Sans craindre de voir dans l’ombre
Du bois sombre
Deux yeux s’allumer soudain.
« Il faudrait risquer sa tête
Inquiète,
Et tout braver pour me voir,
Le sabre nu de l’heiduque,
Et l’eunuque
Aux dents blanches, au front noir !
« Puis, je pourrais, sans qu’on presse
Ma paresse,
Laisser avec mes habits
Traîner sur les larges dalles
Mes sandales
De drap brodé de rubis. »
Ainsi se parle en princesse,
Et sans cesse
Se balance avec amour,
La jeune fille rieuse,
Oublieuse
Des promptes ailes du jour.
L’eau, du pied de la baigneuse
Peu soigneuse,
Rejaillit sur le gazon,
Sur sa chemise plissée,
Balancée
Aux branches d’un vert buisson.
Et cependant des campagnes
Ses compagnes
Prennent toutes le chemin.
Voici leur troupe frivole
Qui s’envole
En se tenant par la main.
Chacune, en chantant comme elle,
Passe, et mêle
Ce reproche à sa chanson :
Oh ! la paresseuse fille
Qui s’habille
Si tard un jour de moisson !
}}}
!Savannah Bay (1982)
{{center{
!!!!Marguerite Duras
}}}
+++^90%^*[Savannah Bay]
Romancière, cinéaste, auteur dramatique, Marguerite Duras écrit Savannab Bay pour Madeleine Renaud, cette comédienne quelle admire profondément et quelle considère comme la mémoire même du théâtre, laquelle ne fait qu’un, dans l’esprit de Duras, avec la mémoire du monde. La pièce a été créée, dans une mise en scène de l’auteur, au Théâtre du Rond-Point, Compagnie Renaud-Barrault, le 27 septembre 1983. Bulle Ogier jouait, aux côtés du personnage de Madeleine (Renaud), le rôle de la Jeune Femme. Dans l’évolution de l’écriture dramatique de Duras ainsi que dans ses didascalies* et dans la théâtralité de plus en plus ouverte et hiératique dont témoigne Savannab Bay, on reconnaîtra peut-être l’influence de son travail commun, notamment pour L’Amante anglaise, avec le metteur en scène Claude Régy.
Dans cette scène, qui ouvre la pièce, l’importance des pauses, des silences, donne bien la mesure d’un théâtre où l’écoute prend presque l’avantage sur la parole.
=== +++^90%^*[Commentaire]
Mémoire et oubli, intimité et distance, douceur et douleur se conjuguent très étroitement dans la relation qu’entretient Madeleine avec la Jeune Femme et, à travers cette dernière, avec le monde et avec son propre passé. Trônant au centre du plateau - « au centre du inonde » -, là où la lumière est la plus intense, Madeleine reçoit l’hommage de la Jeune l'cmme, cette dernière étant à la fois, comme nous spectateurs, infiniment proche et infiniment lointaine de la comédienne en majesté. La Jeune Femme porte sur la scène notre condition de spectateur, nous qui tantôt nous projetons dans la vie des personnages, tantôt nous en éloignons avec horreur. Dans cette pièce dont Duras confiait quelle était une pièce « sans personnage », la Jeune Femme peut néanmoins donner (et avoir) par moments l'impression d’être la fille de Madeleine - et, du même coup, la mère de l’« enfant morte ». A d’autres moments, elle ne fait figure que d’officiante d’une cérémonie des adieux en l'Iionneur de l’immense actrice qui ne peut mourir ou qui n’en finit pas de mourir. Face à cette dramaturgie* au conditionnel, où ne sont jamais esquissés, en matière de faits, d’événements, que des possibles aussitôt effacés, nous nous trouvons confrontés à un mystère : celui des pouvoirs du théâtre. Du théâtre de l’amour et de l’amour du théâtre. L’amour, confiait I )uras à Gilles Costaz, ne peut être « connu, vu, que de loin, du dehors. Dès qu’il commence, il perd la faculté de se dire, il s’obscurcit et se ferme sur lui-même ». Comme une vieille i hanson d’Edith Piaf, Les Mots d'amour, depuis toujours connue et oubliée.
=== +++^90%^*[Du texte à la scène : Jean-Claude ÂMYL]
Lorsque Gisèle Casadesus et Martine Pascal la mère et la fille — m'ont demandé de les réunir dans Savannah Bay, Je leur ai proposé de revenir à la version originelle du texte, Madeleine Renaud et Bulle Ogier ayant joué un texte remanié, écourté à la création, au Rond-Point, en 1983.
Nous avons donc fait la vraie création d'une œuvre qui, à travers la rencontre d'unefemme et de sa petite-fille, brasse des thèmes chers à l'auteur : la mémoire — mémoire dévastée de l’âge, mémoire en souffrance de la comédienne interpellée : P ai-je vécu, ou Vai-je joué ? ; la douleur, qui vient occulter, interdire parfois, l'exercice de la mémoire ; la quête désespérée de l'origine, de cette fille disparue, cette mère sur laquelle « la mer s'est refermée » ; le deuil obligé, enfin, d’une quête à laquelle rien, jamais, ne vient répondre.
La plus grande difficulté dans Savannah Bay tient à ce qu'on yjoue deuxfois la même pièce : les mêmes scènes s’y reproduisent avec de subtils glissements de situations, de langage ! Rien n’y est sûr, rien de définitif, sinon une «pierre blanche», socle, butée, sur laquelle onfait semblant de s'accorder.
Duras crée toujours quelque chose de l'ordre de la langue, en tant que celle-ci est d'une insondable profondeur. Il n’y a pas de limite aux mots. Quelque chose des mots ne s'épuise pas au travers de leur reconnaissance triviale. Elle ne joue pas sur la luxuriance des expressions, elle trouve les mots les plus simples, les plus justes, en tant qu’ils sont comme tels porteurs des plus grandes expériences.
La force de son écriture réside aussi dans le temps que la parole met à se libérer, sorte de « langue de la rétention ». L'interprétation est codée, induite par ce qui précède le texte d’espace* ainsi créé (pause, temps, silence) est lieu de l’imaginaire. Le silence est sens, le texte conséquence, il advient de ce qui le précède. Je me souviens de cette question posée par une spectatrice à l'issue d'une représentation de Véra Baxter que j’avais mise en scène au Théâtre de Poche-Montparnasse. « Madame, qu arrive-t-il après ? -Je ne raconte pas une histoire, je les raconte toutes », avait répondu Marguerite Duras.
Il n'y a pas de « petite musique durassienne », comme l’écrivent mécaniquement certaine commentateurs. Il y a une tragédie. Tragédie durassienne, par bien des aspects racinienne, I par opposition à la tragédie shakespearienne : I chez, l'un, on meurt dans le bruit et la fureur, chez l'autre, en silence, ou alors sur une sonate de Schubert. Rien d'ostentatoire.
Dans Savannah Bay, le décor* est dans le texte : I la mer bleue, irreprésentable, il fait gris, grands marécages, on allume les lampes comme d’autres les projecteurs, on crie vers les étangs. Il est dan s « [c]es petits chefs-lieux de la Chine du Sud.
Ou à Pékin. Calcutta. Versailles. Dix-neuf cent vingt. Ou à Vienne. Ou à Paris. Ou ailleurs encore » : tous les décors* dans lesquels Duras a écrit. Nul univers historisé, géographique, mais un lieu où la passion humaine trouve toujours à être dite, la tragédie à être vécue. On n’est plus sur la « pierre blanche », mais sur la scène blanche où l'on va représenter, ritualiser l'angoisse, la douleur, pour les exorciser. Le mythe est ici lieu de l'universel Jouer Duras, c’est jouer la question et non lu réponse. Se plier à la discipline des didascalies*, au tempo créateur d'harmonie, à une durée ] qui ne souffre aucune transgression. Il n’y a pas de musicalité, sinon celle de l'intelligence et de ] la sensibilité dans cette respiration qui n'appartient qu'à elle, Duras. « nefaut pas tout dire, tout éclairer », disait-elle. L'époque j veut que la forme l'emporte sur le fond, l'afféterie sur le sens. Peut-être est-ce possible avec certains auteurs, quoiqu'il soit permis d’en I douter, mais chez. Duras, ce serait une obscénité.
===
!!!Scène 1
{{center{Madeleine, Jeune Femme}}}
//D’abord on entend trèsfort la chanson Les Mots d’amour chantée par Edith Piaf. Au bout du quatrième couplet, Madeleine apparaît dans la pénombre. Elle vient du décor. Peu après elle, la Jeune Femme entre à son tour. Elle rejoint Madeleine. Dans la pénombre elles sont arrêtées et écoutent le chant. Le chant diminue. Elles parlent.//
MADELEINE. Qu’est-ce que c’est ?
JEUNE FEMME. Un disque pour vous. (La Jeune Femme et Madeleine écoutent la chanteuse.) Vous reconnaissez cette chanson ?
MADELEINE. (hésitation). C’est-à-dire... un peu... oui. (Le disque continue. Madeleine suit le chant avec toujours la même intensité.) Qui chante ?
JEUNE FEMME. Une chanteuse qui est morte.
MADELEINE. Ah.
JEUNE FEMME. Il y a une quinzaine d’années.
MADELEINE. (écoute). On dirait quelle est là.
JEUNE FEMME. (temps). Elle est là. (Temps.) À la Magra vous avez dû chanter ça... Pendant plusieurs étés.
MADELEINE. Ah, peut-être... peut-être.
JEUNE FEMME. (affirme). Oui.
MMADELEINE. (écoute). Elle a beaucoup de talent.
JEUNE FEMME. Oui. (Temps.) Le disque était dans la maison depuis toujours. Et puis il a clé cassé.
MADELEINE. (à peine dit). Ah oui... (Silence. Le disque a baissé d’intensité. Elle montre la direction de la musique.) Celle-là qui chante, je l’ai connue ?
JEUNE FEMME. Le nom ne vous dirait rien.
MADELEINE. Non.
JEUNE FEMME. (temps). Vous reconnaissez la voix ?
MADELEINE. Pas la voix... quelque chose dans la voix, la force peut-être... C’est une voix qui a beaucoup de force...
JEUNE FEMME. C’est votre force. C’est votre voix.
MADELEINE. (n'écoutepas). Elle s’est tuée, cette femme-là.
JEUNE FEMME. (hésitation). Oui. (Temps.) Vous le saviez.
MADELEINE. (temps). Non. Je l’ai dit au hasard. (Temps.) C’est peut-être ce quelle chante qui porte à le croire. (Silence. Le disque se termine.) Pendant des mois il m’est arrivé à moi aussi de mourir chaque soir au théâtre. Des mois durant, chaque soir. (Temps.) C’était à l’époque d’une très grande douleur.
Si/ence. ’¦
JEUNE FEMME. Je vais chanter cette chanson et vous, vous répéterez les paroles. (Madeleine fait une légère moue.) Vous ne voulez pas ?
MADELEINE. Si... Si.. .Je veux bien. (Silence. Elle regarde la Jeune Femme. Brusquement, elle s'étonne.) Qui êtes-vous ? (Temps.) Vous êtes une petite fille... ? (Silence. Madeleine se lève. Peur.) Je ne me souviens jamais exactement...
//La Jeune Femme se place devant Madeleine.//
JEUNE FEMME. Regardez-moi. Je viens tous les jours vous voir.
MADELEINE. Ah oui oui... On joue aux cartes... ? On raconte des histoires... ?
JEUNE FEMME. C’est ça... on prend le thé... des tas de choses...
MADELEINE. (temps). Oui... un jour... c’est vous qui me faites compter... C’est ça... des chiffres.
JEUNE FEMME. Oui.
MADELEINE. Des chiffres considérables, énormes...
JEUNE FEMME. C’est ça.
MADELEINE. Je vous reconnais. (Temps long.) Vous êtes la fille de cette enfant morte. De ma fille morte. (Temps long.) Vous êtes la fille de Savannah. (Silence. Elle ferme les yeux et caresse le vide.) Oui... Oui... C’est ça. (Elle Fiche la tète qu'elle caressait, ses mains retombent, désespérées.)
Je voudrais qu’on me laisse. ¦
//La Jeune Femme va s’asseoir devant Madeleine. Elle commence à chanter la chanson de façon ralentie, en prononçant les paroles de façon très intelligible.//
JEUNE FEMME. Regardez-moi.
(Temps. Chanté.)
C’estfou c'quej’peux t’aimer
C'que j'peux t'aimer desfois
Desfois j’voudrais crier...
MADELEINE. (regarde la Jeune Femme comme une élève le ferait et répète lentement, sans ponctuation précise, comme sous dictée). j
C’est fou ce que je peux t’aimer
Ce que je peux t’aimer des fois
(Temps.)
Des fois je voudrais crier
!!!!!!Extrait de : Savannah Bay, Paris, Les Éditions de Minuit, 1983. © 1982, by Les Éditions de Minuit
/***
|Name:|SaveCloseTiddlerPlugin|
|Description:|Provides two extra toolbar commands, saveCloseTiddler and cancelCloseTiddler|
|Version:|3.0a|
|Date:|27-Jun-2011|
|Source:|http://mptw.tiddlyspot.com/#SaveCloseTiddlerPlugin|
|Author:|Simon Baird <simon.baird@gmail.com>|
|License:|http://mptw.tiddlyspot.com/#TheBSDLicense|
To use these add them to the commands in ToolbarCommands under EditToolbar,
or in the MptwTheme tiddler under EditTemplate.
***/
//{{{
merge(config.commands,{
saveCloseTiddler: {
text: 'done/close',
tooltip: 'Save changes to this tiddler and close it',
handler: function(ev,src,title) {
var closeTitle = title;
var newTitle = story.saveTiddler(title,ev.shiftKey);
if (newTitle)
closeTitle = newTitle;
return config.commands.closeTiddler.handler(ev,src,closeTitle);
}
},
cancelCloseTiddler: {
text: 'cancel/close',
tooltip: 'Undo changes to this tiddler and close it',
handler: function(ev,src,title) {
// the same as closeTiddler now actually
return config.commands.closeTiddler.handler(ev,src,title);
}
}
});
//}}}
<<tiddler "UN" with: "Antonio">>
-----
+++*[Présent sans répliques]
<<forEachTiddler
where
'tiddler.title.contains("ANTONIO") && !tiddler.text.contains(";Antonio")'
sortBy 'tiddler.title'
>>
===
;Scènes de Figaro en répétition
Représentation projetée : ''13 décembre 2018'' :
De la chanson de Malbrough (II-iv) à la reconnaissance de Marceline et Figaro
!{{enormous{ACTE DEUXIÈME}}}
!!!!Scène IV CHÉRUBIN, l’air honteux ; SUZANNE, LA COMTESSE
<<tiddler lmf204>>
!!!!Scène V CHÉRUBIN ; LA COMTESSE
<<tiddler lmf205>>
!!!!Scène VI CHÉRUBIN, LA COMTESSE, SUZANNE
<<tiddler lmf206>>
!!!!Scène VII CHÉRUBIN, à genoux ; LA COMTESSE
<<tiddler lmf207>>
!!!!Scène VIII CHÉRUBIN, à genoux ; LA COMTESSE, assise ; SUZANNE
<<tiddler lmf208>>
!!!!Scène IX CHÉRUBIN, à genoux ; LA COMTESSE
<<tiddler lmf209>>
!!!!Scène X CHÉRUBIN, LA COMTESSE ; LE COMTE, en dehors
<<tiddler lmf210>>
!!!!Scène XI LA COMTESSE, seule
<<tiddler lmf211>>
!!!!Scène XII LE COMTE, LA COMTESSE
<<tiddler lmf212>>
!!!!Scène XIII LE COMTE, LA COMTESSE ; SUZANNE
<<tiddler lmf213>>
!!!!Scène XIV SUZANNE, CHÉRUBIN
<<tiddler lmf214>>
!!!!Scène XV SUZANNE, seule
<<tiddler lmf215>>
!!!!Scène XVI LE COMTE, LA COMTESSE
<<tiddler lmf216>>
!!!!Scène XVII LA COMTESSE, LE COMTE, SUZANNE
<<tiddler lmf217>>
!!!!Scène XVIII LA COMTESSE, assise ; SUZANNE
<<tiddler lmf218>>
!!!!Scène XIX LA COMTESSE, SUZANNE, LE COMTE
<<tiddler lmf219>>
!!!!Scène XX SUZANNE, FIGARO, LA COMTESSE, LE COMTE.
<<tiddler lmf220>>
!!!!Scène XXI FIGARO, SUZANNE, LA COMTESSE, LE COMTE, ANTONIO.
<<tiddler lmf221>>
!!!!Scène XXII BASILE, BARTHOLO, MARCELINE, FIGARO, LE COMTE, ~GRIPE-SOLEIL, LA COMTESSE, SUZANNE, ANTONIO ; valets du Comte, ses vassaux.
<<tiddler lmf222>>
!!!!Scène XXIII Les acteurs précédents, excepté Le COMTE.
<<tiddler lmf223>>
!!!!Scène XXIV SUZANNE, LA COMTESSE.
<<tiddler lmf224>>
!!!!Scène XXV LA COMTESSE, seule.
<<tiddler lmf225>>
!!!!Scène XXVI LA COMTESSE, SUZANNE.
<<tiddler lmf226>>
!{{enormous{ACTE TROISIÈME}}}
//Le théâtre représente une salle du château appelée salle du trône, et servant de salle d’audience, ayant sur le côté une impériale en dais, et, dessous, le portrait du Roi.//
!!!!Scène I, II, III LE COMTE ; PÉDRILLE
<<tiddler lmf301-2-3>>
!!!!Scène IV LE COMTE, seul, marche en rêvant.
<<tiddler lmf304>>
!!!!Scène V LE COMTE, FIGARO.
<<tiddler lmf305>>
!!!!Scène VI - VII Le COMTE, un laquais, FIGARO.
<<tiddler lmf306-7>>
!!!!Scène VIII LE COMTE, seul.
<<tiddler lmf308>>
!!!!Scène IX SUZANNE, LE COMTE.
<<tiddler lmf309>>
!!!!Scène X SUZANNE, FIGARO.
<<tiddler lmf310>>
!!!!Scène XI LE COMTE rentre seul.
<<tiddler lmf311>>
!!!!Scène XII BARTHOLO, MARCELINE, BRID’OISON.
<<tiddler lmf312>>
!!!!Scène XIII BARTHOLO, MARCELINE, BRID’OISON ; FIGARO
<<tiddler lmf313>>
!!!!Scène XIV BARTHOLO, MARCELINE, LE COMTE, BRID’OISON, FIGARO, UN HUISSIER.
<<tiddler lmf314>>
!!!!Scène XV Les acteurs précédents, ANTONIO, les valets du château, les paysans et paysannes en habits de fête, LE COMTE BRI,D’OISON, le greffier, MARCELINE, BARTHOLO, FIGARO
<<tiddler lmf315>>
!!!!Scène XVI LE COMTE, MARCELINE, BARTHOLO, FIGARO, BRID’OISON.
<<tiddler lmf316>>
<<foldHeadings closed>>
[[ACTE I, SCÈNE PREMIÈRE - PHILINTE, ALCESTE.]]
[[I-2 Le sonnet d'Oronte - ORONTE, ALCESTE, PHILINTE.]]
[[II 1 - ALCESTE, CÉLIMÈNE]]
[[III-2,3,4 Arsinoé et Célimène]]
[[III-5 Arsinoé et Alceste]]
[[Misanthrope - I 1 - PHILINTE, ALCESTE.]]
[[Misanthrope - I 2 Le sonnet d'Oronte - ORONTE, ALCESTE, PHILINTE.]]
[[Misanthrope - II 1 - ALCESTE, CÉLIMÈNE]]
[[Misanthrope - II Scène des portraits adaptée aux Marquises]]
[[Misanthrope - III-2,3,4 Arsinoé et Célimène]]
[[Misanthrope - III-5 Arsinoé et Alceste]]
[[Misanthrope - V Terminaison de Célimène et Alceste]]
/%
/%
|exercice|groupe détente|
|niveau|Début|
%/
!Se déconnecter
Éprouver l’ici et maintenant par la pleine conscience :
Les yeux fermés, c’est mieux.
*Prenez 3 grandes respirations, puis respirez normalement, sans rien forcer.
*Ressentez votre respiration, en étant conscient du moment d’inspiration et de celui d’expiration.
Effectuez une revue de l’intégralité de votre corps, de la tête aux pieds.
Prenez conscience de chacune de vos zones de tensions dans le corps. Ne cherchez pas à les modifier, ou les détendre, prenez simplement conscience des zones où une tension existe.
A partir de là repérez les zones de tension dans votre esprit : quelles sont vos craintes ? Nommez les simplement sans chercher à les résoudre, les expliquer.
Accueillez-les avec tendresse. En souriant. Ces craintes sont là, elles existent, elles ne sont pas pour autant la réalité. Vous avez un sourire bienveillant à votre égard.
Puis revenez à votre respiration, aux bruits que vous entendez, aux sensations sur la peau, pendant quelques minutes, avant de rouvrir les yeux. Cet exercice dure une dizaine de minutes et est très efficace pour déconnecter de ses soucis On peut commencer une séance par ce petit travail sur soi.
{{center{^^//<<storyViewer amour previous>><<storyViewer amour list>><<storyViewer amour next>>//^^
[img[http://www.lix.polytechnique.fr/~amturing/Sito_agosto_2003/amoureux.JPG][http://elvane.skynetblogs.be]]
!Se voir le plus possible...
!!!!!!//Alfred de MUSSET (1810-1857)//
Se voir le plus possible et s'aimer seulement,
Sans ruse et sans détours, sans honte ni mensonge,
Sans qu'un désir nous trompe, ou qu'un remords nous ronge,
Vivre à deux et donner son coeur à tout moment ;
Respecter sa pensée aussi loin qu'on y plonge,
Faire de son amour un jour au lieu d'un songe,
Et dans cette clarté respirer librement -
Ainsi respirait Laure et chantait son amant.
Vous dont chaque pas touche à la grâce suprême,
Cest vous, la tête en fleurs, qu'on croirait sans souci,
C'est vous qui me disiez qu'il faut aimer ainsi.
Et c'est moi, vieil enfant du doute et du blasphème,
Qui vous écoute, et pense, et vous réponds ceci :
Oui, l'on vit autrement, mais c'est ainsi qu'on aime.
}}}
/***
|Name:|SelectThemePlugin|
|Description:|Lets you easily switch theme and palette|
|Version:|1.0.1a|
|Date:|27-Jun-2011|
|Source:|http://mptw.tiddlyspot.com/#SelectThemePlugin|
|Author:|Simon Baird <simon.baird@gmail.com>|
|License:|http://mptw.tiddlyspot.com/#TheBSDLicense|
!Notes
* Borrows largely from ThemeSwitcherPlugin by Martin Budden http://www.martinswiki.com/#ThemeSwitcherPlugin
* Theme is cookie based. But set a default by setting config.options.txtTheme in MptwConfigPlugin (for example)
* Palette is not cookie based. It actually overwrites your ColorPalette tiddler when you select a palette, so beware.
!Usage
* {{{<<selectTheme>>}}} makes a dropdown selector
* {{{<<selectPalette>>}}} makes a dropdown selector
* {{{<<applyTheme>>}}} applies the current tiddler as a theme
* {{{<<applyPalette>>}}} applies the current tiddler as a palette
* {{{<<applyTheme TiddlerName>>}}} applies TiddlerName as a theme
* {{{<<applyPalette TiddlerName>>}}} applies TiddlerName as a palette
***/
//{{{
config.macros.selectTheme = {
label: {
selectTheme:"select theme",
selectPalette:"select palette"
},
prompt: {
selectTheme:"Select the current theme",
selectPalette:"Select the current palette"
},
tags: {
selectTheme:'systemTheme',
selectPalette:'systemPalette'
}
};
config.macros.selectTheme.handler = function(place,macroName)
{
var btn = createTiddlyButton(place,this.label[macroName],this.prompt[macroName],this.onClick);
// want to handle palettes and themes with same code. use mode attribute to distinguish
btn.setAttribute('mode',macroName);
};
config.macros.selectTheme.onClick = function(ev)
{
var e = ev ? ev : window.event;
var popup = Popup.create(this);
var mode = this.getAttribute('mode');
var tiddlers = store.getTaggedTiddlers(config.macros.selectTheme.tags[mode]);
// for default
if (mode == "selectPalette") {
var btn = createTiddlyButton(createTiddlyElement(popup,'li'),"(default)","default color palette",config.macros.selectTheme.onClickTheme);
btn.setAttribute('theme',"(default)");
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for(var i=0; i<tiddlers.length; i++) {
var t = tiddlers[i].title;
var name = store.getTiddlerSlice(t,'Name');
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btn.setAttribute('mode',mode);
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Popup.show();
return stopEvent(e);
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config.macros.selectTheme.onClickTheme = function(ev)
{
var mode = this.getAttribute('mode');
var theme = this.getAttribute('theme');
if (mode == 'selectTheme')
story.switchTheme(theme);
else // selectPalette
config.macros.selectTheme.updatePalette(theme);
return false;
};
config.macros.selectTheme.updatePalette = function(title)
{
if (title != "") {
store.deleteTiddler("ColorPalette");
if (title != "(default)")
store.saveTiddler("ColorPalette","ColorPalette",store.getTiddlerText(title),
config.options.txtUserName,undefined,"");
refreshAll();
if(config.options.chkAutoSave)
saveChanges(true);
}
};
config.macros.applyTheme = {
label: "apply",
prompt: "apply this theme or palette" // i'm lazy
};
config.macros.applyTheme.handler = function(place,macroName,params,wikifier,paramString,tiddler) {
var useTiddler = params[0] ? params[0] : tiddler.title;
var btn = createTiddlyButton(place,this.label,this.prompt,config.macros.selectTheme.onClickTheme);
btn.setAttribute('theme',useTiddler);
btn.setAttribute('mode',macroName=="applyTheme"?"selectTheme":"selectPalette"); // a bit untidy here
}
config.macros.selectPalette = config.macros.selectTheme;
config.macros.applyPalette = config.macros.applyTheme;
config.macros.refreshAll = { handler: function(place,macroName,params,wikifier,paramString,tiddler) {
createTiddlyButton(place,"refresh","refresh layout and styles",function() { refreshAll(); });
}};
//}}}
669: [[Dominique|https://giga.gg/l/575daff3dae5dfd5948b4586]]
/%
|auteur|Arthur RIMBAUD|
|Description|Par les soirs bleus d'été, j'irai dans les sentiers ...|
%/
!Sensation
{{center{
!!!!!Arthur RIMBAUD<br>(1854-1891)
^^[[Ma lecture|https://giga.gg/l/5752a24718e6dfa50e8b4d48]]^^
Par les soirs bleus d'été, j'irai dans les sentiers,
Picoté par les blés, fouler l'herbe menue :
Rêveur, j'en sentirai la fraîcheur à mes pieds.
Je laisserai le vent baigner ma tête nue.
Je ne parlerai pas, je ne penserai rien :
Mais l'amour infini me montera dans l'âme,
Et j'irai loin, bien loin, comme un bohémien,
Par la Nature, - heureux comme avec une femme.
}}}
!!!!!!//Jules Supervielle//
Serai-je un jour celui qui lui-même mena
Ses scrupules mûrir aux tropicales plages ?
Je sais une tristesse à l’odeur d’ananas
Qui vaut mieux qu’un bonheur ignorant les voyages.
L’Amérique a donné son murmure à mon cœur
Encore surveillé par l’enfance aux entraves
Prudentes, je ne puis adorer une ardeur
Sans y mêler l’amour de mangues et goyaves.
N’était la France où sont les sources et les fleurs
J’aurais vécu là-bas le plus clair de ma vie
Où sous un ciel toujours vif et navigateur
Je caressais les joncs de mes Patagonies.
Je ne voudrais plus voir le soleil de profil
Mais le chef couronné de plumes radieuses,
La distance m’entraîne en son mouvant exil
Et rien n’embrase tant que ses caresses creuses.
!Sexy Sur Mon Vélo Lyrics^^
//Merlot//^^
| !? [[sur Youtube|eNF1esAHFLw]] |
chui en marcel sur mon vélo et chui trop sexy
chui meilleur que Bernard Hinault, j'dépasse les taxis
dans Paris j'fais du rodéo, les filles disent "oh c'est merlot"
chui trop sexy sur mon vélo, je sors à Paris!
Aujourd'hui c'est samedi je suis de sorti
je rends visite à l'un de mes amis
entre barbesse et château d'eau
j'ai enfilé mes shimano
les transports, c'est la galère
le RER, c'est devenu trop cher
le métro, il fait trop chaud
moi je prends le grand air
sur les grands boulevards comme sur une autoroute
cavalier solitaire je trace ma route
je sais j'ai fière allure assis sur les deux roues
de ma monture toute de fer et de caoutchouc
j'déboule sur l'avenue d'Italie
tranquillement il faut que j'appuie
je slalome entre un gourbi
une camionnette un scooteur et une Austin mini
tu sais le bitume c'est un peu la guerre
je suis le patron dans la fourmilière
pas le temps d'attendre que ça passe au vert
j'passe au rouge, il faut que j'bouge
ah celui-là il croit qu'il va m'avoir
et bah regarde comment j'ai pris le trottoir
clic clac entre trottinette patinette poussette
derrière moi j'entends "hey connard"
chui en marcel sur mon vélo "et chui trop sexy"
chui meilleur que Bernard Hinault, "j'dépasse les taxis"
dans Paris j'fais du rodéo, les filles disent "oh c'est merlot"
chui trop sexy sur mon vélo, je sors à Paris!
les transports, c'est galère
le RER, c'est trop cher
le métro, c'est trop chaud
moi je prends le grand air
je pousse à fond les moteurs
je roule à 200 mille à l'heure
j'ai mis le turbo, j'ai pas peur
chui aérodynamique dans mon débardeur
appelle moi danger sur la voie publique
la terreur des chauffeurs de bus et des flics
c'est moi qui fait monter les statistiques
de la délinquance en bicyclette
Tu vois moi j'ai pas peur des grosses caisses
je sais dompter les Mercedes
il est pas né celui qui va me mettre à quatre pattes
j'en ai gagné des duels contre des quatre-quatre
j'laisse sur place les Porsche les Ferrari
j'fais des queues de poisson aux Lamborghini
j'mets à l'amande toutes les allemandes
j'les rends malades, j'pars en balade
oup ! pardon
chui en marcel sur mon vélo et chui trop sexy, c'est vrai
chui meilleur que Bernard Hinault, j'dé-j'dé-j'dé-j'dépasse les taxis
dans Paris j'fais du rodéo, les filles disent "oh c'est merlot"
chui trop sexy sur mon vélo, je sors à Paris!
chui en marcel sur mon vélo et chui trop sexy
chui meilleur que Bernard Hinault, j'dépasse les taxis
dans Paris j'fais du rodéo, les filles disent "oh c'est merlot"
chui trop sexy sur mon vélo, ouais c'est vrais, c'est vrais (je sors dans paris)
je suis sure que vous voulez savoir
quel est le fin mot de l'histoire
comment tout ceci s'est terminé
où ma course folle m'a emmené
Je suis finalement arrivé en eau
dans le quartier des châteaux d'eau
mais comme mon pote était pas là
pour rentrer chez moi j'ai pris le métro
(Merci à Ronan pour cettes paroles)
!!!!1er novembre 2005 :
"Si je pouvais représenter mon amour pour toi
Je dessinerais cela :
Un soleil, pour te montrer la puissance de mes sentiments
L'univers, pour te dire que mon cœur est si grand
Une étoile filante : l'amour c'est avant tout l'espoir
Une licorne, car le plus important c'est d'y croire
Une montagne, pour toi j'irai toujours plus haut
Ce dessin, crois-moi, ce serait le plus beau."
{{center{^^//<<storyViewer amour previous>><<storyViewer amour list>><<storyViewer amour next>>//^^
!Si j’ai parlé
!!!!!!//Henri de REGNIER (1864-1936)//
Si j'ai parlé
De mon amour, c'est à l'eau lente
Qui m'écoute quand je me penche
Sur elle ; si j'ai parlé
De mon amour, c'est au vent
Qui rit et chuchote entre les branches ;
Si j'ai parlé de mon amour, c'est à l'oiseau
Qui passe et chante
Avec le vent ;
Si j'ai parlé
C'est à l'écho
Si j'ai aimé de grand amour,
Triste ou joyeux,
Ce sont tes yeux ;
Si j'ai aimé de grand amour,
Ce fut ta bouche grave et douce,
Ce fut ta bouche
Si j'ai aimé de grand amour,
Ce furent ta chair tiède et tes mains fraîches,
Et c'est ton ombre que je cherche.
}}}
!Chanson
{{center{
Si vous n’avez rien à me dire,
Pourquoi venir auprès de moi?
Pourquoi me faire ce sourire
Qui tournerait la tête au roi?
Si vous n’avez rien à me dire,
Pourquoi venir auprès de moi?
Si vous n’avez rien à m’apprendre,
Pourquoi me pressez-vous la main?
Sur le rêve angélique et tendre,
Auquel vous songez en chemin,
Si vous n’avez rien à m’apprendre,
Pourquoi me pressez-vous la main?
Si vous voulez que je m’en aille,
Pourquoi passez-vous par ici?
Lorsque je vous vois, je tressaille:
C’est ma joie et mon souci.
Si vous voulez que je m’en aille,
Pourquoi passez-vous par ici?
}}}
<<search>><<closeAll>> <<permaview>>
<<tabs txtMainTab "Chrono" "Affichage chronologique" TabTimeline "Alpha" "Liste alphabétique des éléments" TabAll>>
!Sidonie
{{center{[img[https://i.ytimg.com/vi/7GXQigz7GiQ/hqdefault.jpg]]
Sidonie a plus d'un amant
C'est une chose bien connue
Qu'elle avoue elle fièrement
Sidonie a plus d'un amant
Parce que pour elle être nue
Est son plus charmant vêtement
C'est une chose bien connue
Sidonie a plus d'un amant
Elle en prend à ses cheveux blonds
Comme à sa toile l'araignée
Prend les mouches et les frelons
Elle en prend à ses cheveux blonds
Vers sa prunelle ensoleillée
Ils volent pauvres papillons
Comme à sa toile l'araignée
Elle en prend à ses cheveux blonds
Elle les mène par le nez
Comme fait dit-on le crotale
Des oiseaux qu'il a fascinés
Elle les mène par le nez
Quand dans une moue elle étale
Sa langue à leurs yeux étonnés
Comme fait dit-on le crotale
Elle les mène par le nez
Elle en attrape avec les dents
Quand le rire entrouvre sa bouche
Et dévore les imprudents
Elle en attrape avec les dents
Sa bouche quand elle se couche
Reste rose et ses dents dedans
Quand le rire entrouvre sa bouche
Elle en attrape avec les dents
Sidonie a plus d'un amant
Qu'on le lui reproche ou l'en loue
Elle s'en moque également
Sidonie a plus d'un amant
Aussi jusqu'à ce qu'on la cloue
Au sapin de l'enterrement
Qu'on le lui reproche ou l'en loue
Sidonie aura plus d'un amant
[img[http://www.staragora.com/images/album/300x300/e/5/5eec6d3b3f19816e5dd04e822394648952dd4c75cc9b7.jpg]] }}}
{{center{^^//<<storyViewer amour previous>><<storyViewer amour list>><<storyViewer amour next>>//^^
[img(25%,)[https://arbrealettres.files.wordpress.com/2014/07/emil-nolde-young-couple-1935hd-1280x768.jpg][https://arbrealettres.wordpress.com/tag/assoupi/]]
!Silence
!!!!!!//[[Baronne de Baye (1859-1928)|www.poetesses.fr/baye-baronne-de-1854]]//
Nous nous taisions : c'était l'heure troublante et chaude
Où le soleil frémit sur les rideaux croisés,
L'heure lourde où l'amour, dans l'air assoupi, rôde...
Une rose effeuillait ses parfums apaisés.
Vous ne me disiez rien de vos tristes pensées,
Je ne vous disais rien de mes amers chagrins,
Mais le temps s'écoulait entre nos mains pressées,
Comme un collier de deuil dont on compte les grains.
Nous nous taisions, penchés sur le silence tendre ;
Une caresse errait en cette obscurité,
Et je sentais mon âme éperdument se tendre
Vers votre âme tremblante, éprise de clarté !
L'arôme de la fleur passait, tel un sourire ;
La chambre s'emplissait d'espoir et de regret :
Nous pensions les mots doux que nous n'osions pas dire
Nous nous taisions, gardant chacun notre secret...
silence ! c'était l'heure troublante et chaude
Où le soleil frémit sur les rideaux croisés,
L'heure lourde où l'amour, dans l'air assoupi, rôde...
Une rose effeuillait ses parfums apaisés.
!!!!!!//L'âme brûlante//
}}}
[[textes réunis pour les Ateliers Théâtre et Plaisir de Dire|Index]]<br><<tiddler ToggleRightSidebar with: " ► ">><<search>><br>
/%
|exercice|volontaires duos impros|
|niveau|360 Moins facile|
%/
!!!Situations à jouer à deux
<<<
Les partenaires ont une minute pour se concerter.
Les gromelots sont permis
<<<
#Deux voyous dans un parc.
#une fille et un garçon se rencontrent.
#un enfant malheureux.
#le passant et le clochard qui fait les poubelles.
#le maître et un élève
!!!!Les contraires
#le riche, le pauvre,
#le chef, le soumis,
#le plus âgé, le plus jeune,
#le perdant, le gagnant.
!!!! Impro sauvage
#Deux joueurs improvisent devant les autres
# Lorsqu'un troisième voit l'opportunité de démarrer une autre impro, il claque dans les mains.
# Les deux joueurs se figent, le troisième remplace le premier entré.
# Il démarre une impro à partir de la posture du deuxième.
| //Excellent exercice pour s'oublier, prendre l'initiative, aller vite// |
!Sonia - Je suis laide
;Sonia //(seule)//
Il ne m’a rien dit…
Son âme et son coeur me sont encore fermés, mais pourquoi alors est-ce que je me sens tellement heureuse ?
//(elle rit de bonheur)//
Je lui ai dit : Vous êtes séduisant, généreux, votre voix est douce…
Est-ce déplacé ? Sa voix vibre et caresse…
la voilà, je la sens dans l’air…
Et quand je lui ai parlé d’une jeune soeur, il n’a pas compris…
Oh, comme il est atroce d’être laide !
Comme c’est atroce !
Et je sais que je suis laide, je le sais, je le sais…
L’autre dimanche, comme nous sortions de l’église, j’ai entendu qu’on parlait de moi,
une femme disait :
« //Elle est bonne, généreuse, comme c’est dommage qu’elle ne soit pas jolie //»…
Je suis laide !…
;En Juillet à Paris
!L'EURO DE L'IMPRO
+++^75%^*@[Match d’improvisation théâtrale]
La rencontre du foot et du théatre à travers des matchs inter-clubs de foot d'improvisation théâtrale.
A l’occasion de l’Euro 2016, le ministère de la Culture et de la Communication et la Fondation Culture & Diversité se sont associés pour lancer l’Euro de l’Impro, parrainé par Jamel Debbouze et valorisé par le programme "Tous Prêts" lancé par le Ministère de la Ville, de la Jeunesse et des Sports.
Dans le cadre d'un dialogue entre sport et culture, le match d’improvisation théâtrale est un véritable match de théâtre. Deux équipes composées de 6 joueurs : 3 hommes, 3 femmes et leurs coachs, s’affrontent sur des thèmes tirés au sort par un arbitre, le public qui est invité à voter à l’issue de chaque improvisation détermine le score du match.
Ces rencontres d’improvisation théâtrale sont organisées comme un véritable tournoi entre des membres des clubs de football des 10 villes hôtes : Bordeaux, Lens, Lille, Lyon, Marseille, Nice, Paris, Saint-Denis, Saint-Etienne, Toulouse. Ceux-ci se produiront lors de spectacles en public, du 9 juin au 11 juillet 2016. La finale du tournoi aura lieu à Paris, au moment de la finale de l’EURO 2016. Il regroupera une soixantaine de jeunes de toute la France pendant cinq jours.
===
A Paris, le match d'exhibition aura lieu dimanche 19 juin à 14h au Carreau du Temple. Retrouvez toutes les informations [[ICI|http://quefaire.paris.fr/fiche/148443_l_euro_de_l_impro_]]
;PROGRAMME DU TOURNOI FINAL DU 8 AU 10 JUILLET 2016
* 1ère poule de qualifications : le vendredi 8 juillet à 20h30 au Théâtre Le Comedia. (Spectacle en entrée libre sur inscription)
* 2ème poule de qualifications : le samedi 9 juillet à 20h30 au Théâtre Le Comedia. (Spectacle en entrée libre sur inscription)
* FINALE DU TOURNOI EURO DE L’IMPRO : le dimanche 10 juillet à 14h au Théâtre Le Comedia. (Spectacle en entrée libre sur inscription)
LE COMEDIA
4, BOULEVARD DE STRASBOURG
75010 PARIS
<<<
Ligne 4,8: Strasbourg - Saint-Denis (116m)
Ligne 4: Château d'Eau (257m)
3 bd strasbourg - 75010 paris (60m)
62 rue meslay - 75003 paris (148m)
Gratuit Sur inscription
<<<
!CINESCOPE NÉERLANDAIS
?[[Le cinéma des Pays-Bas dans les cinés parisiens |http://quefaire.paris.fr/fiche/149339_cinescope_neerlandais_le_cinema_des_pays_bas_dans_les_cines_parisiens_]]
Cinq films de bonne humeur qui vous permettront de partir à la rencontre de nos amis du nord.
août
!MONSIEUR DE POURCEUGNAC
;[[Fiche|http://quefaire.paris.fr/fiche/151179_monsieur_de_pourceugnac]]
THÉÂTRE DES BOUFFES DU NORD
37 BIS BOULEVARD DE LA CHAPELLE
75010 PARIS
Les mardis, mercredis, jeudis et vendredis 20h30
Les samedis 15h30 et 20h30
Payant De 13€ à 38€
+++^75%^*@[La pièce]
Clément Hervieu-Léger et William Christie portent à la scène cette pièce, facétieuse comédie ballet de molière et Lully. Molière nous rapelle que le théâtre est un monde où toutes les transgressions sont permises, un monde où les fous sont les rois, où les fous sont les sages.
Le 6 octobre 1669, la troupe de Molière crée, au château de Chambord, une nouvelle comédie-ballet, sur une musique de Lully, pour le « divertissement du Roi ».
Monsieur de Pourceaugnacnarre les aventures de ce gentilhomme limougeaud monté à Paris pour épouser la jeune Julie mais que Sbrigani et Nérine, gens d’intrigue payés par l’amant de la belle, vont s’ingénier à perdre. La pièce connaît un grand succès. Elle ne sera pourtant que rarement montée par la suite. Certains ont ainsi voulu voir dans la comédie-ballet l’éphémère triomphe d’un genre mineur. C’est là bien mal considérer l’ambition du projet de Molière. En mêlant inextricablement l’art dramatique, la musique et la danse, Molière rêve d’un spectacle total qui révélerait, aux yeux de tous, la puissance du théâtre. Dans Monsieur de Pourceaugnac, peut-être davantage que dans toute autre pièce, il nous rappelle que le théâtre est un monde où toutes les transgressions sont permises, un monde où les fous sont les rois, où les fous sont les sages.
===
!L'IMPRO SHOW DES ENFANTS GÂTÉS AU CAFÉ DE PARIS
+++^75%^*@[Personne ne sait ce qui va se passer, c’est au public de décider !]
Les Enfants Gâtés envahissent un nouveau lieu... Et quel lieu ! Le temple de l'impro, le mythique Café de Paris. Pour l'occasion, les sales mômes de l'impro invitent tous leurs amis improvisateurs à partager la scène et leur sens de l'humour avec eux !
Aux armes comédiens, formez votre imagination ! Les Enfants Gâtés libèrent l'humour des Parisiens, dans un spectacle 100% improvisé qui va vous aérer le cerveau.
===
<<<
Au Café de Paris – 158, rue Oberkampf – 01 43 57 34 67 – Paris 11ème (Métro L2 Ménilmontant).
Entrée gratuite – Sortie au chapeau pour les artistes – Possibilité de dîner sur place avant et pendant le spectacle.
Réservation très vivement conseillée sur BilletReduc.com ou Contact@EnfantsGates.com
[[Plus d’informations|http://www.EnfantsGates.com]]
Le vendredi 8 juillet 2016:
Du vendredi 16 octobre 2015 au vendredi 8 juillet 2016
<<<
!J'AI DÉCAPITÉ LE JARDIN
;lundi 4 juillet de 19h à 20h
[[Danse butô par le groupe Tacuabé|http://quefaire.paris.fr/fiche/149710_j_ai_decapite_le_jardin]] inspiré par l'oeuvre de Marina Tsvetaïeva.
Dans le cadre du kiosque et l’écrin du jardin, Tacuabé, groupe composé de 6 danseurs amateurs à la pratique confirmée, proposera une performance dansée dans l’univers de la poétesse russe Marina Tsvetaïeva , une exploration créative des thèmes traversés par sa poésie : la solitude, l’errance, l’exil, la passion, la faim, dans une chair à vif . « Comme c’est bien de vivre dans le feu ».
Tacuabé est un groupe de recherche et de création en danse butoh, guidé par Lorna Lawrie.
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PARC MONTSOURIS
2 RUE GAZAN
75014 PARIS
!LE BALLET À PARIS: LES SECRETS DE LA DANSE AVEC WAYNE BYARS
;[[Pénétrez l'univers secret du ballet|http://quefaire.paris.fr/fiche/95196_le_ballet_a_paris_les_secrets_de_la_danse_avec_wayne_byars]]
Vous aurez le privilège d'observer de près Wayne Byars enseigner la danse classique aux professionnels à deux pas de l'Opéra Bastille.
+++^75%^*@[Wayne Byars ]
Les amateurs de Ballet, vivront dans cette sortie Parisienne insolite, une expérience artistique unique.
Wayne Byars illumine la salle par sa présence de Grand Danseur et Professeur.
Son cours est unique et les professionnels du ballet, notamment les danseurs de L'opéra de Paris,viennent travailler leur placement avec Wayne Byars.
Vous admirez comment Wayne Byars amène les danseurs à une prise de conscience du mouvement juste. Cette expérience n'est pas une démonstration mais une invitation à voir les danseurs de tous horizons travailler avec un grand Maître bienveillant avec tous.
Après le cours pour poursuivez votre expérience par une petite conversation privée avec Wayne Byars qui se fera un plaisir de répondre à vos questions.
Après avoir suivi les cours de New-Yorkais David Howard, professeur de Sylvie Guillem et dansé dans différentes compagnies, Wayne a décidé de transmettre son savoir en 1983. La pédagogie de ses cours permet à tous de pratiquer la danse classique et d’en retirer tous les bienfaits physiques et émotionnels.
Le placement du corps est pensé par rapport à une morphologie et préserve la santé du corps.
===
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STUDIO HARMONIC
5, PASSAGE DES TAILLANDIERS
75011 PARIS
Du lundi 6 octobre 2014 au vendredi 29 juillet 2016
Tous les lundis, mardis, mercredis, jeudis, vendredis
de 14h00 à 15h30
A partir de 12 ans
Du lundi 6 octobre 2014 au vendredi 29 juillet 2016
Tous les lundis, mardis, mercredis, jeudis, vendredis
de 11h00 à 12h30
A partir de 12 ans
Ligne 8: Ledru-Rollin (347m)
Ligne 1,5,8: Bastille (421m)
37 rue de la roquette - 75011 paris (164m)
29 rue keller - 75011 paris (190m)
Payant
Réservez cette sortie insolite Paris 20 €
Sur réservation
<<<
<<foldHeadings closed>>
/%
|exercice|groupe émotion vérité parlé|
|niveau|Moins facile|
%/
!!!La mémoire affective (le souvenir d’enfance)
On marche au hasard, on s’arrête, on ferme les yeux.
*L’animateur dit de visualiser un souvenir d’enfance ou de jeunesse, en précisant que celui-ci ne sera pas dévoilé au groupe.
*Qui est là, comment on était habillé, quelle heure il était, quel temps il faisait.
*Puis on ouvre les yeux et imagine que la scène correspond au lieu du souvenir,
**on peut si on le souhaite se déplacer pour occuper le même point et la même position.*
*On referme les yeux et se concentre de nouveau sur le souvenir.
*L’animateur demande alors à tour de rôle de décrire le lieu précis du souvenir (sans pour autant dévoiler le souvenir).
*Arrêt sur image : physionomie
:? Les récits sont assurés, et sonnent vrai.
|je|[[Denise]]|
|vie|D'habitude c'est pour un homme|
|d|1:40|
!Spleen : J'ai plus de souvenirs que si j'avais mille ans
J'ai plus de souvenirs que si j'avais mille ans.
Un gros meuble à tiroirs encombré de bilans,
De vers, de billets doux, de procès, de romances,
Avec de lourds cheveux roulés dans des quittances,
Cache moins de secrets que mon triste cerveau.
C'est une pyramide, un immense caveau,
Qui contient plus de morts que la fosse commune.
- Je suis un cimetière abhorré de la lune,
Où comme des remords se traînent de longs vers
Qui s'acharnent toujours sur mes morts les plus chers.
Je suis un vieux boudoir plein de roses fanées,
Où gît tout un fouillis de modes surannées,
Où les pastels plaintifs et les pâles Boucher,
Seuls, respirent l'odeur d'un flacon débouché.
Rien n'égale en longueur les boiteuses journées,
Quand sous les lourds flocons des neigeuses années
L'ennui, fruit de la morne incuriosité,
Prend les proportions de l'immortalité.
- Désormais tu n'es plus, ô matière vivante !
Qu'un granit entouré d'une vague épouvante,
Assoupi dans le fond d'un Saharah brumeux ;
Un vieux sphinx ignoré du monde insoucieux,
Oublié sur la carte, et dont l'humeur farouche
Ne chante qu'aux rayons du soleil qui se couche.
{{center{^^//<<storyViewer amour previous>><<storyViewer amour list>><<storyViewer amour next>>//^^
!Stances à la Marquise
!!!!!Pierre Corneille
Marquise, si mon visage
A quelques traits un peu vieux,
Souvenez-vous qu’à mon âge
Vous ne vaudrez guère mieux.
Le temps aux plus belles choses
Se plaît à faire un affront :
Et saura faner vos roses
Comme il a ridé mon front.
Le même cours des planètes
Règle nos jours et nos nuits :
On m’a vu ce que vous êtes ;
Vous serez ce que je suis.
Cependant j’ai quelques charmes
Qui sont assez éclatants
Pour n’avoir pas trop d’alarmes
De ces ravages du temps.
Vous en avez qu’on adore ;
Mais ceux que vous méprisez
Pourraient bien durer encore
Quand ceux-là seront usés.
Ils pourront sauver la gloire
Des yeux qui me semblent doux,
Et dans mille ans faire croire
Ce qui me plaira de vous.
Chez cette race nouvelle,
Où j’aurai quelque crédit,
Vous ne passerez pour belle
Qu’autant que je l’aurai dit.
Pensez-y, belle Marquise :
Quoi qu’un grison fasse effroi,
Il vaut bien qu’on le courtise
Quand il est fait comme moi.
}}}
/***
|Name|[[StoryViewerPlugin]]|
|Source|http://www.TiddlyTools.com/#StoryViewerPlugin|
|Documentation|http://www.TiddlyTools.com/#StoryViewerPluginInfo|
|Version|1.4.0|
|Author|Eric Shulman|
|License|http://www.TiddlyTools.com/#LegalStatements|
|~CoreVersion|2.1|
|Type|plugin|
|Description|view a set of tiddlers using a droplist, "first/previous/next/last" links, or timed slideshow|
The {{{<<storyViewer>>}}} macro allows you to quickly ''display //and// navigate between a set of tiddlers'', using a droplist of titles and/or individual "first/previous/next/last" buttons/text links. It also provides a "slideshow" feature that permits you to ''present one tiddler at a time with a countdown timer to automatically advance to the next tiddler'' after a specified number of seconds.
!!!!!Documentation
Syntax for the {{{<<storyViewer>>}}} :
{{{<<storyViewer storyname action buttonoption>>}}}
where:
''storyname''
is a tiddler containing a saved story. If you omit the storyname parameter, the plugin will attempt to identify a suitable story by locating the current tiddler title within a saved story tiddler. The story view controls are not displayed unless the current tiddler title is explicitly found in at least one saved story. Note: You can also use any tag value as a storyname. Instead of reading the tiddler list from the contents of the storyname tiddler, the story view will be composed of all tiddlers tagged with the specified tag value.
''__action__'' is one of the following keywords:
;list
:displays a droplist of tiddlers for the specified story, along with previous/next pushbuttons on either side of the list. When using the list action, you may also specify an optional parameter to indicate which buttons will appear when using the droplist display:
;allbuttons
:displays buttons for first/last as well as previous/next.
;nobuttons
:displays the droplist without any buttons
;onlybuttons
:hides the droplist and shows just the buttons
;first, previous, here, next, or last
:displays an individual link to the indicated tiddler within the story. The next/previous links are automatically calculated relative to the current tiddler, while here displays the current tiddler name as a link that refreshes (re-renders) the tiddler when clicked.
;links
:displays the complete set of links (first, previous, next and last) with just one convenient macro invocation, allowing you to quickly and easily embed story navigation links into any tiddler content.
!!!!!Code
***/
//{{{
version.extensions.StoryViewerPlugin= {major: 1, minor: 4, revision: 0, date: new Date(2011,3,11)};
config.macros.storyViewer = {
tag: "story",
storynotfoundmsg: "'%0' is an empty/unrecognized story",
firstcmd: "first",
firstbutton: "??",
firstmsg: "//Début//: '%0'",
nextcmd: "next",
nextbutton: "?",
nextmsg: "? '%0'",
previouscmd: "previous",
previousbutton: "?",
prevmsg: "? '%0'",
lastcmd: "last",
lastbutton: "??",
lastmsg: "? '%0'",
refreshmsg: "redisplay '%0'",
refreshmsg: "",
autostart: false,
handler: function(place,macroName,params,wikifier,paramString,tiddler) {
var parsed=paramString.parseParams('anon',null,true,false,false);
var here=story.findContainingTiddler(place);
if (here) var tid=here.getAttribute("tiddler");
var storyname="";
var p=params.shift();
var keywords=['first','previous','here','next','last','list','links','timer','sort'];
if (!p || keywords.indexOf(p.split(':')[0])!=-1) {
// find story from current tiddler name
if (!tid) return; // not in a tiddler... do nothing!
var stories=store.getTaggedTiddlers(this.tag);
if (!stories) return;
for (var s=0; s<stories.length; s++) {
if (!stories[s].linksUpdated) stories[s].changed();
var tids=stories[s].links.slice(0);
if (tids.contains(tid)) { storyname=stories[s].title; break; }
}
if (!storyname.length) return; // current tiddler is not part of a saved story
}
else { storyname=p; p=params.shift(); } // user-specified story name
var sortby=getParam(parsed,'sort','title');
var tids=this.getStory(storyname,sortby); // get tiddler list
var target=null;
switch (p?p.split(':')[0]:'') {
case 'first':
target=tids[0];
break;
case 'previous':
var i=tids.indexOf(tid);
if (i!=-1) var target=tids[Math.max(i-1,0)];
break;
case 'here':
if (tid) target=tid;
break;
case 'next':
var i=tids.indexOf(tid);
if (i!=-1) var target=tids[Math.min(i+1,tids.length-1)];
break;
case 'last':
target=tids[tids.length-1];
break;
case 'links':
this.renderAllLinks(place,storyname);
break;
case 'timer':
var delay=parseInt(getParam(parsed,'timer',15))*1000; // msecs between slides
var autostart=params[0]=='autostart'; if (autostart) params.shift();
var action=params[0]; // null/close/fold
this.renderTimer(place,tids,tid,delay,autostart,action);
break;
case 'list':
default:
var prompt=getParam(parsed,'prompt',storyname+'...');
var nobuttons=params.contains("nobuttons");
var allbuttons=params.contains("allbuttons");
var onlybuttons=params.contains("onlybuttons");
this.renderList(place,tids,tid,storyname,prompt,nobuttons,allbuttons,onlybuttons);
break;
}
var label=getParam(parsed,'label',params[0]||target);
if (target) this.renderLink(place,tid,target,label);
},
getStory: function(storyname,sortby) { // READ TIDDLER LIST
var tids=[];
var fn=store.getMatchingTiddlers||store.getTaggedTiddlers;
var tagged=store.sortTiddlers(fn.apply(store,[storyname]),sortby||'title');
if (tagged.length) // if storyname is a tag, get tagged tiddlers rather than links
for (var t=0; t<tagged.length; t++) tids.push(tagged[t].title);
else {
var t=store.getTiddler(storyname);
if (t && !t.linksUpdated) t.changed();
var tids=t?t.links.slice(0):[];
}
return tids;
},
renderLink: function(place,tid,target,label) {
// override default labelling with specified text (if any)
if (tid==target) { // self-referential links turn into 'refresh links'
var btn=createTiddlyButton(place,null,this.refreshmsg.format([tid]), function() {
var here=story.findContainingTiddler(place).getAttribute("tiddler");
story.refreshTiddler(here,null,true);
});
wikify(label,btn);
}
else // create link
wikify(label,createTiddlyLink(place,target,false));
},
renderAllLinks: function(place,storyname) {
var out="{{floatleft{";
out+="<<storyViewer [["+storyname+"]] first first>> ";
out+="<<storyViewer [["+storyname+"]] previous previous>> ";
out+="}}}";
out+="{{floatright{";
out+=" <<storyViewer [["+storyname+"]] next next>>";
out+=" <<storyViewer [["+storyname+"]] last last>>";
out+="}}}";
out+="{{center{<<storyViewer [["+storyname+"]] here>>}}}";
wikify(out,place);
},
renderList: function(place,tids,tid,storyname,prompt,nobuttons,allbuttons,onlybuttons) {
var h="";
h+='<form style="display:inline">';
if ((!nobuttons||onlybuttons) && allbuttons) {
h+='<input type="button" value="'+this.firstbutton+'" ';
h+=' style="padding:0" title="'+(tids[0]?this.firstmsg.format([tids[0]]):'')+'"';
h+=' onclick="if (this.form.list.length<2) return; ';
h+=' this.form.list.selectedIndex=1; this.form.list.onchange();">';
}
if (!nobuttons||onlybuttons) {
h+='<input type="button" value="'+this.previousbutton+'" style="padding:0 0.3em"';
h+=' onclick="if (this.form.list.length<2) return; ';
h+=' var i=this.form.list.selectedIndex-1; if (i<1) i=1; ';
h+=' this.form.list.selectedIndex=i; this.form.list.onchange();"';
h+=' onmouseover="if (this.form.list.length<2) return; ';
h+=' var i=this.form.list.selectedIndex-1; if (i<1) i=1; ';
h+=' var v=this.form.list.options[i].value; if (!v.length) return; ';
h+=' this.title=config.macros.storyViewer.prevmsg.format([v]);">';
}
h+='<select size="1" name="list"';
if (onlybuttons) h+=' style="display:none;"';
h+=' onchange="if (this.value) story.displayTiddler(this,this.value);">';
h+='<option value="">'+prompt+'</option>';
for (i=0; i<tids.length; i++) {
h+='<option '+
(tids[i]==tid?'selected ':'')+
'value="'+tids[i]+'">\xa0\xa0'+tids[i]+'</option>';
}
h+='</select>';
if (!nobuttons||onlybuttons) {
h+='<input type="button" value="'+this.nextbutton+'" style="padding:0 0.3em"';
h+=' onclick="var i=this.form.list.selectedIndex+1; ';
h+=' if (i>this.form.list.options.length-1) i=this.form.list.options.length-1; ';
h+=' this.form.list.selectedIndex=i; this.form.list.onchange();"';
h+=' onmouseover="var i=this.form.list.selectedIndex+1; ';
h+=' if (i>this.form.list.options.length-1) i=this.form.list.options.length-1; ';
h+=' var v=this.form.list.options[i].value; if (!v.length) return;';
h+=' this.title=config.macros.storyViewer.nextmsg.format([v]);">';
}
if ((!nobuttons||onlybuttons) && allbuttons) {
h+='<input type="button" value="'+this.lastbutton+'" ';
h+=' style="padding:0" title="'+(tids[tids.length-1]?this.lastmsg.format([tids[tids.length-1]]):'')+'"';
h+=' onclick="this.form.list.selectedIndex=this.form.list.options.length-1; this.form.list.onchange();">';
}
h+='</form>';
createTiddlyElement(place,"span").innerHTML=h;
},
renderTimer: function(place,tids,tid,delay,autostart,action) {
var now=new Date().getTime(); // msec
var target=createTiddlyElement(null,'input',now+Math.random()); // unique ID
target.setAttribute('type','button'); target.style.padding='0';
place.appendChild(target);
target.tid =tids[Math.min(tids.indexOf(tid)+1,tids.length-1)]||''; // next tiddler
target.action =action;
target.formatTimer =this.formatTimer;
target.start =this.startTimer;
target.stop =this.stopTimer;
target.onmouseover =this.pauseTimer;
target.onmouseout =this.resumeTimer;
target.tick =this.timerTick;
target.onclick =this.timerClick;
target.next =this.timerNext;
target.start(delay,autostart);
},
formatTimer: function(t) {
return '0:'+String.zeroPad(Math.floor(t/1000),2);
},
startTimer: function(delay,start) {
var co=config.options; // abbrev
start=config.macros.storyViewer.started=start||config.macros.storyViewer.started;
var now=new Date().getTime(); // msec
this.started=start;
this.delay=delay;
this.paused=start?0:delay;
this.stopTime=now+delay; // msec
this.title='CLICK='+(start?'reset':'start')+" slideshow timer... next: '"+this.tid+"'";
this.style.cursor='pointer';
this.value=this.formatTimer(delay);
if (start) {
var code="var e=document.getElementById('"+this.id+"'); if(e)e.tick()";
this.timer=setTimeout(code,500);
}
return false;
},
stopTimer: function() {
this.timer=clearTimeout(this.timer);
this.started=config.macros.storyViewer.started=false;
this.paused=0;
this.title="CLICK=start slideshow timer... next: '"+this.tid+"'";
this.value=this.formatTimer(this.delay);
return false;
},
pauseTimer: function() {
if (!this.started) return;
var now=new Date().getTime(); // msec
this.paused=Math.max(this.stopTime-now,0);
this.stopTime=now+this.paused;
return false;
},
resumeTimer: function() {
if (!this.started || !this.paused) return;
var now=new Date().getTime(); // msec
this.stopTime=now+this.paused;
this.paused=0;
return false;
},
timerTick: function() {
var now=new Date().getTime(); // msec
if (!this.started)
this.stopTime=now+this.delay;
else if (this.paused) {
this.stopTime=now+this.paused;
this.title="[PAUSED] MOUSEOUT=resume, CLICK=reset... next: '"+this.tid+"'";
}
var remaining=this.stopTime-now;
if (remaining>0) {
if (this.started && !this.paused) this.value=this.formatTimer(remaining);
var code="var e=document.getElementById('"+this.id+"'); if(e)e.tick()";
this.timer=setTimeout(code,500);
} else {
this.stop();
this.next();
}
return false;
},
timerClick: function() {
return this.started?this.stop():this.start(this.delay,true);
},
timerNext: function() { // OPEN NEXT TIDDLER
var here=story.findContainingTiddler(this);
config.macros.storyViewer.started=true; // next slide autostarts to continue slideshow
if (this.tid) story.displayTiddler(here,this.tid);
config.macros.storyViewer.started=false;
if (!here) return false;
var t=here.getAttribute('tiddler');
if (this.action=='close') story.closeTiddler(t);
if (this.action=='fold' && config.commands.collapseTiddler) // see CollapseTiddlerPlugin
config.commands.collapseTiddler.handler(null,here,t);
return false;
}
}
//}}}
//{{{
config.paramifiers.story = {
onstart: function(v) {
var t=store.getTiddler(v); if (t) t.changed();
var list=t?t.links:store.getTiddlerText(v,"").parseParams("open",null,false);
story.displayTiddlers(null,list);
}
};
//}}}
/*{{{*/
/* last updated 12-02-2017 */
/*}}}*/
/*{{{*/
@media print {#mainMenu {display: none ! important;}}
@media print {#topMenu {display: none ! important;}}
@media print {#sidebar {display: none ! important;}}
@media print {#messageArea {display: none ! important;}}
@media print {.toolbar {display: none ! important;}}
@media print {.header {display: none ! important;}}
@media print {.tiddler {page-break-after:always; }}
@media print {.tiddler .subtitle {display: none ! important;}}
@media print {.tiddler .toolbar {display; none ! important; }}
@media print {.tiddler .border {display; none ! important; }}
@media print {.tiddler .tagging {display; none ! important; }}
@media print {.tiddler .tagging {display; none ! important; }}
@media print {.tiddler .title { color: #117; }}
@media print {.tiddler { border: 0px; display; none ! important; }}
@media print {.tiddler {margin: 0em 0em 0em 0em;}}
@media print {#displayArea {margin: 0em 0em 0em 0em;}}
@media print {#displayArea {padding: 0em 0em 0em 0em;}}
@media print {.tiddler .title {display: none ! important;}}
@media print {.messageArea .breadCrumbs {display: none ! important;}}
@media print {.breadCrumbs {display: none ! important;}}
@media print {#backstageButton {display: none ! important;}}
@media print {body { background: #fff;}}
@media print {.viewer .hr{display: none ! important;}}
@media print {.viewer .prered{display: none ! important;}}
@media print {.pure-table td, .pure-table th{ padding-top: 0.3em; padding-right: 0.5em; padding-bottom: 0.3em; padding-left: 0.5em; }}
@media print {
.button { display: none !important; }
.tiddlyLink {
color: black; /* or use [[ColorPalette::Foreground]] instead of black */
font-weight: normal;
}
}
/*}}}*/
/***
|Name|StyleSheetShortcuts|
|Source|http://www.TiddlyTools.com/#StyleSheetShortcuts|
|Version||
|Author|Eric Shulman - ELS Design Studios|
|License|http://www.TiddlyTools.com/#LegalStatements <br>and [[Creative Commons Attribution-ShareAlike 2.5 License|http://creativecommons.org/licenses/by-sa/2.5/]]|
|~CoreVersion|2.1|
|Type|CSS|
|Requires||
|Overrides||
|Description|'convenience' classes for common formatting, alignment, boxes, tables, etc.|
These 'style tweaks' can be easily included in other stylesheet tiddler so they can share a baseline look-and-feel that can then be customized to create a wide variety of 'flavors'.
***/
/*{{{*/
/* nestedsliders */
.floatingPanel { position:absolute; z-index:1002; padding:0.5em; margin:0em; background-color:#004; color:#fff; border:1px solid #008; text-align:left; }
.floatingPanel .tiddlyLink {
color: [[ColorPalette::TertiaryPale]];
}
.floatingPanel .menubox .button, .floatingPanel .menubox .tiddlyLinkExisting, .floatingPanel .menubox .tiddlyLinkNonExisting
{ color:#eef !important; }
.floatingPanel h1,.floatingPanel h2,.floatingPanel h3,.floatingPanel h4,.floatingPanel h5,.floatingPanel h6 {
color:#ffd;
}
/* text alignments */
.left
{ display:block;text-align:left; }
.center
{ display:block;text-align:center; }
.right
{ display:block;text-align:right; }
.justify
{ display:block;text-align:justify; }
.indent
{ display:block;margin:0;padding:0;border:0;margin-left:2em; }
.indentgray
{margin-left:3em; color:#cccccc; display:block;}
.floatleft
{ float:left; }
.floatright
{ float:right; }
.valignTop, .valignTop table, .valignTop tbody, .valignTop th, .valignTop tr, .valignTop td
{ vertical-align:top; }
.valignBottom, .valignBottom table, .valignBottom tbody, .valignBottom th, .valignBottom tr, .valignBottom td
{ vertical-align:bottom; }
.clear
{ clear:both; }
.wrap
{ white-space:normal; }
.nowrap
{ white-space:nowrap; }
.hidden
{ display:none; }
.show
{ display:inline !important; }
.span
{ display:span; }
.block
{ display:block; }
.relative
{ position:relative; }
.absolute
{ position:absolute; }
/* font sizes */
.enormous
{ font-size:32pt;line-height:150% }
.huge
{ font-size:24pt;line-height:120% }
.big
{ font-size:14pt;line-height:120% }
.medium
{ font-size:12pt;line-height:120% }
.normal
{ font-size:9pt;line-height:120% }
.small
{ font-size:8pt;line-height:120% }
.fine
{ font-size:7pt;line-height:120% }
.tiny
{ font-size:6pt;line-height:120% }
.larger
{ font-size:120%; }
.smaller
{ font-size:80%; }
/* font styles */
.bold
{ font-weight:bold; }
.italic
{ font-style:italic; }
.underline
{ text-decoration:underline; }
/* plain list items (no bullets or indent) */
.nobullets li { list-style-type: none; margin-left:-2em; }
/* multi-column tiddler content (not supported in Internet Explorer) */
.twocolumns { display:block;
-moz-column-count:2; -moz-column-gap:1em; -moz-column-width:50%; /* FireFox */
-webkit-column-count:2; -webkit-column-gap:1em; -webkit-column-width:50%; /* Safari */
column-count:2; column-gap:1em; column-width:50%; /* Opera */
}
.threecolumns { display:block;
-moz-column-count:3; -moz-column-gap:1em; -moz-column-width:33%; /* FireFox */
-webkit-column-count:3; -webkit-column-gap:1em; -webkit-column-width:33%; /* Safari */
column-count:3; column-gap:1em; column-width:33%; /* Opera */
}
.fourcolumns { display:block;
-moz-column-count:4; -moz-column-gap:1em; -moz-column-width:25%; /* FireFox */
-webkit-column-count:4; -webkit-column-gap:1em; -webkit-column-width:25%; /* Safari */
column-count:4; column-gap:1em; column-width:25%; /* Opera */
}
/* show/hide browser-specific content for InternetExplorer vs. non-IE ("moz") browsers */
*[class="ieOnly"]
{ display:none; } /* hide in moz (uses CSS selector) */
* html .mozOnly, *:first-child+html .mozOnly
{ display: none; } /* hide in IE (uses IE6/IE7 CSS hacks) */
/* borderless tables */
.borderless, .borderless table, .borderless td, .borderless tr, .borderless th, .borderless tbody
{ border:0 !important; margin:0 !important; padding:0 !important; }
.widetable, .widetable table
{ width:95%; }
/* images */
.ileft{float:left;padding:5px}
.iright{float:right;padding:5px}
.icenter{float:center;}
.i50{width:50%;}
/* thumbnail images (fixed-sized scaled images) */
.thumbnail img { height:5em !important; }
/* stretchable images (auto-size to fit tiddler) */
.stretch img { width:95%; }
/* grouped content */
.outline
{ display:block; padding:1em; -moz-border-radius:1em; border:1px solid; }
.menubox
{ display:block; padding:1em; -moz-border-radius:1em; border:1px solid; background:#fff; color:#004; }
.menubox .button, .menubox .tiddlyLinkExisting, .menubox .tiddlyLinkNonExisting
{ color:#004 !important; }
.groupbox
{ display:block; width:74%; margin-left: 13%; padding:2em; -moz-border-radius:1em; border:1px solid; background:#ffe; color:#000; z-index: 1002; }
.groupbox a, .groupbox .button, .groupbox .tiddlyLinkExisting, .groupbox .tiddlyLinkNonExisting
{ color:#009 !important; }
.groupbox code
{ color:#333 !important; }
.borderleft
{ margin:0;padding:0;border:0;margin-left:1em; border-left:1px dotted; padding-left:.5em; }
.borderright
{ margin:0;padding:0;border:0;margin-right:1em; border-right:1px dotted; padding-right:.5em; }
.borderbottom
{ margin:0;padding:1px 0;border:0;border-bottom:1px dotted; margin-bottom:1px; padding-bottom:1px; }
.bordertop
{ margin:0;padding:0;border:0;border-top:1px dotted; margin-top:1px; padding-top:1px; }
/* compact form */
.smallform
{ white-space:nowrap;background:#ffe; }
.smallform input, .smallform textarea, .smallform button, .smallform checkbox, .smallform radio, .smallform select
{ font-size:8pt; }
/* stretchable edit fields and textareas (auto-size to fit tiddler) */
.stretch input { width:99%; }
.stretch textarea { width:99%; }
/* compact input fields (limited to a few characters for entering percentages and other small values) */
.onechar input { width:1em; }
.twochar input { width:2em; }
.threechar input { width:3em; }
.fourchar input { width:4em; }
.fivechar input { width:5em; }
/* text colors */
.big {font-size: 16pt;}
.blue2 { color:#228 !important }
.blue {color:#0e34a2;font-weight:bold;}
.bluebkg {background-color: #ccccee;}
.bluey {font-weight: bold; color:[[ColorPalette::SecondaryPale]] font-size: 1.3em;}
.bpn h1{background:#cccccc;}
.brown {color:#776633;}
.dkblue {color:#001155; background:#dddddd; padding:10px; width:100%;z-index: 100;}
.dkgray {color:#777777;}
.dkgrn {color:#339933;}
.gray { color:#888 !important }
.greek {font-family: Gentium;}
.green { color:#070 !important }
.green {color:green;font-weight:bold;}
.orange {color:#ee4400;}
.purple {color:#990099;}
.qqq {color: #777777; font-style: italic; font-size: 12pt;}
.red { color:#733 !important }
.red {color: red; font-weight: bold;}
.small {font-size: .75em;}
.squote {color: #777777; text-align: left; display:block; font-style: italic;}
.teenygray {color:#888888;font-size:0.8em;}
.white {color: white;}
.yellow{ color:#FC0 !important }
.floatrightblue {float: right; vertical-align:top; width: 200px; position: relative;}
/* [[ColorPalette]] background colors */
.BGBackground { background-color:[[ColorPalette::Background]]; }
.BGForeground { background-color:[[ColorPalette::Foreground]]; }
.BGPrimaryPale { background-color:[[ColorPalette::PrimaryPale]]; }
.BGPrimaryLight { background-color:[[ColorPalette::PrimaryLight]]; }
.BGPrimaryMid { background-color:[[ColorPalette::PrimaryMid]]; }
.BGPrimaryDark { background-color:[[ColorPalette::PrimaryDark]]; }
.BGSecondaryPale { background-color:[[ColorPalette::SecondaryPale]]; }
.BGSecondaryLight { background-color:[[ColorPalette::SecondaryLight]]; }
.BGSecondaryMid { background-color:[[ColorPalette::SecondaryMid]]; }
.BGSecondaryDark { background-color:[[ColorPalette::SecondaryDark]]; }
.BGTertiaryPale { background-color:[[ColorPalette::TertiaryPale]]; }
.BGTertiaryLight { background-color:[[ColorPalette::TertiaryLight]]; }
.BGTertiaryMid { background-color:[[ColorPalette::TertiaryMid]]; }
.BGTertiaryDark { background-color:[[ColorPalette::TertiaryDark]]; }
.BGError { background-color:[[ColorPalette::Error]]; }
/* rollover highlighting */
.mouseover
{color:[[ColorPalette::TertiaryLight]] !important;}
.mouseover a
{color:[[ColorPalette::TertiaryLight]] !important;}
.selected .mouseover
{color:[[ColorPalette::Foreground]] !important;}
.selected .mouseover .button, .selected .mouseover a
{color:[[ColorPalette::PrimaryDark]] !important;}
/* rollover zoom text */
.zoomover
{ font-size:80% !important; }
.selected .zoomover
{ font-size:100% !important; }
/*}}}*/
!Suis-je, suis-je, suis-je belle ?//
Eustache Deschamps (1340 –1404)//
^^traduction / adaptation Jean Bescond^^
{{center{[img(40%,)[Plaisir de Dire le 15/02/2018 au Club Mouffetard|http://image.ibb.co/mvYLtS/Snapshot_120.png][https://photos.app.goo.gl/thSIRpwnaRXuxx3h2]]
Suis-je, suis-je, suis-je belle ?
Il me semble, à mon avis,
Que j'ai beau front et visage doux
Et les lèvres rouges ;
Dites-moi si je suis belle.
J'ai les yeux vifs, les sourcils fins,
Les cheveux blonds, le nez régulier,
Rond le menton et blanche la gorge ;
Suis-je, suis-je, suis-je belle ?
J'ai la poitrine ferme et fière,
Longs les bras, les doigts fins,
Et la taille fine aussi ;
Dites-moi si je suis belle.
J'ai une jolie courbe des reins,
Le dos cambré, et le fessier
avantageux,
Cuisses et jambes bien faites ;
Suis-je, suis-je, suis-je belle ?
J'ai les pieds mignons et petits,
Faciles à chausser, avec de beaux
habits,
Je suis gaie et insouciante ;
Dites-moi si je suis belle.
J'ai des manteaux fourrés de gris,
J'ai des chapeaux, de belles tenues
Et plusieurs broches d'argent ;
Suis-je, suis-je, suis-je belle ?
J'ai des draps de soie et tabis,
J'ai des draps d'or ou blancs ou bruns,
J'ai mainte bonne chose ;
Dites-moi si je suis belle.
Je n’ai que quinze ans, je vous le dis ;
Mon trésor est vraiment joli,
Je le garderai sous clé ;
Suis-je, suis-je, suis-je belle ?
Il devra être hardi
Celui qui sera mon ami,
Qui aura une telle jeune fille ;
Dites-moi si je suis belle.
Et par Dieu je lui promets
Que je lui serai très fidèle,
Toute ma vie si je peux ;
Suis-je, suis-je, suis-je belle ?
S’il est courtois et généreux,
Vaillant, habile et bien éduqué,
Il me gagnera à sa cause ;
Dites-moi si je suis belle.
C'est le paradis sur terre
Que d'avoir pour toujours une dame,
Aussi fraîche, et aussi jeune ;java
Suis-je, suis-je, suis-je belle ?
Ne soyez pas peureux,
Pensez à ce que j’ai dit ;
Ici finit ma chansonnette ;
Suis-je, suis-je, suis-je belle ?
}}}
<<top>>
!Sur le Tour de France^^
Antoine Blondin^^
Les coureurs de l'heure présente n'ont plus d'arrière-pays. Vous chercheriez en vain dans leur moustache un relent de gros rouge.
!
Le Tour de France est une épreuve de surface qui plonge ses racines dans les grandes profondeurs.
!
Vous apprenez à mettre des noms sur des visages, et ce sont des suiveurs... des visages sur des numéros de dossards, et ce sont des coureurs...
Soumis au fameux questionnaire de Marcel Proust, lorsqu'on me demanda ; "Quelle est votre occupation préférée ?", je répondis : "Suivre le Tour de France", au discret étonnement du Landerneau littéraire. En leur temps respectifs, Proust avait dit : "Aimer" et , un peu plus tard, François Mauriac : "Rêver".
!
Depuis 1966, des opérations de contrôle se sont donné pour but de la démasquer [la face cachée de la lutte, le dopage]. Elles sont particulièrement draconniennes sur le Tour de France et furent si maladroitement menées, à l'origine, qu'elles provoquèrent une grève des coureurs sur la route de Bayonne. Qu'on imagine, au sortir cossu de Bordeaux, dans un ourlet d'ombre, une bonne centaine de champions descendus de vélo et se mettant à marcher, traînant leurs montures par les oreilles. Jockeys vers le pesage, étudiant confus de leur propre chahut, pélerins encombrés sur le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle, rien ne peut rendre compte de cette marche pénible sous le soleil, sinon la pérégrination frémissante qui conduisait, à la même époque, les Noirs américains vers Memphis ou Jackson... "La Marche de la Peur"? Sans doute n'en étions nous pas encore là, mais il était certain que pour l'instant les coulises primaient l'exploit. La revendication était simple, elle tenait dans l'aspiration de l'individu à disposer de soi-même. Quand quatre individus vêtus d'imperméables, frappent à votre chambre pour vous réclaméer vos urines et vos papiers, voire pour fouiller votre valise, nous ne sommes plus sur le Tour de France, nous somes dans une rafle à Pigalle. Soulignons que ces procédés se sont beaucoup améliorés dans le sens du tact et de la rigueur scientifique.
!
{{center{[img(33%,)[http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/5/5a/Eventail_temari.svg]]}}}
!Sur un Eventail
!!!!!{{center{Paul ARÈNE
(1843-1896)
//(pour Jeanne Charcot)//}}}
{{center{
Si les ondines et les fées
Maintenant ainsi qu’autrefois
Sur une coquille de noix
Naviguaient, de corail coiffées,
Et si j’étais, - car nous aimons
Suivre parfois d’étranges rêves, -
Un des minuscules démons
Rois de la mer bleue et des grèves,
Je ne voudrais d’autre travail
Que d’agiter cet éventail
Pour faire une brise légère
Qui pousserait tout doucement
Le bateau vers un port charmant
Et vous seriez la passagère.
}}}
{{center{[img(33%,)[http://www.quizz.biz/uploads/quizz/861357/2_yt4uF.jpg]]}}}
!Sur un chapelet de roses du Bembe
!!!!!{{center{Joachim DU BELLAY
(1522-1560)}}}
{{center{
Tu m'as fait un chapeau de roses
Qui semblent tes deux lèvres closes,
Et de lis fraîchement cueillis
Qui semblent tes beaux doigts polis,
Les liant d'un fil d'or ensemble,
Qui à tes blonds cheveux ressemble.
Mais si, jeune, tu entendais
L'ouvrage qu'ont tissu tes doigts,
Tu ferais, peut être, plus sage
A prévoir, ton futur dommage.
Ces roses plus ne rougiront,
Et ces lis plus ne blanchiront
La fleur des ans, qui peu séjourne,
S'en fuit, et jamais ne retourne,
Et le fil te montre combien
La vie est un fragile bien.
Pourquoi donc m'es tu si rebelle ?
Mais pourquoi t'es tu si cruelle ?
Si tu n'as point pitié de moi,
Aie au moins pitié de toi.
}}}
!Suzanne
+++[Tout le texte du rôle]
<<forEachTiddler
where
' tiddler.tags.contains ("Suzanne")'
sortBy 'tiddler.title'
write
'"----\n<<tiddler [["+tiddler.title+"]]$))\n"'
>>
===
//Toutes ses scèn
/%
|exercice|groupe (ou demi-groupe) observation cercle ou 2 lignes|
|niveau|Plutôt difficile|
%/
!Synchronisation des partenaires
? Attention aux intentions du partenaire
#2 partenaires à chaque extrémité de la scène.
#Sans signal d’aucun, ils doivent se lever ensemble,
#aller à la rencontre l’un de l’autre,
#s’arrêter en face l’un de l'autre,
#se regarder et
#décider sans se consulter si on se sépare sur le champ ou si on se serre la main.
>Cet exercice développe l'attention aux micro-mouvements du partenaire et pour ce faire, on ne doit pas négliger l'étape de départ où il faut être ensemble sans se consulter. D'autre part l'acteur doit rapidement lutter contre une perversion ludique de l'exercice où l'emporteraient la ruse et l'artifice, ce qui est travaillé ici c'est l'action juste au moment imposé.
>Cet exercice peut être fait par tout le monde en même temps, disposé en cercle.
{{homeTitle center{Liste de scènes et de monologues du théâtre classique}}}
!!!Scènes à deux personnages pour femmes
:Le Misanthrope, de Molière. Acte III, scène 4. Célimène et Arsinoé
:Antigone, de Sophocle. Prologue. Antigone et Ismène
:La seconde surprise de l'amour, de Marivaux. Acte I, scène 1. Lisette et la Marquise
:Le Prince travesti, de Marivaux. Acte II, scène 5. La Princesse et Hortense
:Phèdre, de Jean Racine. Acte III, scène 1. Phèdre et Œnone
:Cinna, de Corneille. Acte I, scène 2. Emilie et Fulvie3
:La mort de Pompée, de Corneille, Acte V, scène 2. Cléopâtre et Cornéiie
:Bajazet, de Jean Racine. Acte I, scène 3. Roxane et Atalide
:Alexandre le Grand, de Jean Racine. Acte III, scène 1. Axiane et Cléofile
:La force du sang, de Alexandre Hardy. Estéfanie et Léocadie
:Les femmes savantes, de Molière. Acte I, scène 1. Armande et Henriette
:La Comtesse d'Escarbagnas, de Molière. Scène 2. La Comtesse et Julie
:Dépit amoureux, de Molière. Acte II, scène 1. Ascagne et Frosine
:Dom Garcie de Navarre, de Molière. Acte I, scène 1. Done Elvire et Elise
:La veuve (ou Le traite trahi), de Corneille. Acte I, scène 3. Crysante et Doris
!!!Scènes à deux personnages pour hommes
:L'Ours, de Tchekov. Scène 7. Smirnov et Louka
:Le philosophe sans le savoir, de Michel Jean Sedaine. Vanderk fils et Vanderk père.
:L'ïle des Esclaves, de Marivaux. Acte I, scène 1. Iphicrate et Arlequin.
:Les rustres, de Carto Goldoni. Acte II, scène 5. Lunardo et Simon
:Saül le Furieux, de Jean de La Taille. Acte II. Premier Ecuyer et Saül
:Les Esprits, de Pierre de Larivey. Séverin et Frontin
:La Locandiera, de Carto Goldoni. Acte III, scène 12. Le Marquis et le Comte
:Le Barbier de Séville, de Beaumarchais, Acte II, scène 8. Bartholo et Don Bazile
:Les caprices de Marianne, de Alfred de Musset. Acte I, scène 1. Octave et Cœlio
:La Vieille et les deux Servantes - Le Satyre et le Passant
:Les fourberies de Scapin, de Molière. Acte II, scène 7. Scapin et Géronte
:Le Bourgeois gentilhomme, de Molière. Acte II, scène 4. Maitre de philosophie et M. Jourdain
:Britannicus, de Jean Racine. Acte II, scène 2. Néron et Narcisse
:Horace, de Corneille. Acte II, scène 2. Horace et Curiace
:Don Juan, de Molière. Acte III, scène 5. Sganarelle et Don Juan
:Don Juan, de Molière. Acte III, scène 1. Sganarelle et Don Juan
:Le Misanthrope, de Molière. Acte I, scène 1. Alceste et Philinte
:Othello, de Shakespeare. Acte III, scène 3. Othello et Iago
!!!Scènes à deux personnages pour un homme et une femme
:Hippolyte, de Robeil Garnier. Phèdre et Hippolyte
:Astrate, de Philippe Quinault. Elise et Astrate
:Hernani, de Victor Hugo. Acte III, scène 1. Don Ruy Gomez et Doha Sol
:Andromaque, de Jean Racine. Acte IV, scène 5. Pyrrhus et Hermione
:Le Malade imaginaire, de Molière. Acte I, scène 5. Toinette et Argan
:Le jeu de l'amour et du hasard, de Marivaux. Acte III, scène 8. Dorante et Silvia
:Mesure pour mesure, de Shakespeare. Acte II, scène 4. Isabelle et Angelo
:Mesure pour mesure, de Shakespeare. Acte III, scène 1. Claudio et Isabelle
:La nuit vénitienne, de Alfred de Musset. Scène 2. Le Prince et Laurette
:Richard III, de Shakespeare, Acte III, scène 1. Glocoster et Lady Anne
:On ne badine pas avec l'amour, de Alfred de Musset. Acte II, scène 5. Camille et Perdican
!!!Des textes moins conventionnels pour les comédiens
:Les liaisons dangereuses, de Choderlos de Laclos. Lettre 20. La Marquise de Merteuil
:Corinne ou l'Italie, de Madame de Staël. XIV, 4. Corinne
:Lettres, de Madame de Sévigné. Lettre 101 du 23 février 1680. Une épistolière
:Poésies posthumes, de Marcetine Desbordes-Vaimore. Les Séparés
:Fables, de Jean de la Fontaine. Le Loup et l'Agneau - L'Ivrogne et sa Femme - L'Huître et les Plaideurs - Le Loup et le Chien maigre
:Discours parlementaire. Proposition de décret lue devant l’Assemblée nationale, le 20 avril 1792. Lecture par Salvador Leremboure3
<<foldHeadings closed>>
{{groupbox small center{
Anthologie du Guide du Comédien
© Editions du Puits Fleuri, 2012
Editeur : Emile Guchet
ISBN 978-2-86739-467-6
}}}
!TA KATIE T'A QUITTÉ
!!!!!!//Paroles et musique : Boby Lapointe //
Ce soir au bar
De la gare
Igor hagard est noir
Il n'arrêt' guer' de boir'
Car sa Katia, sa jolie Katia vient de le quitter
Sa Katie l'a quitté
Il a fait chou blanc
Ce grand duc avec ses trucs, ses astuces,
Ses ruses de Russe blanc
"Ma tactique était toc" dit Igor qui s'endort,
Ivre mort au comptoir
Du bar.
Un Russe blanc qu'est noir
Quel bizarre hasard se marr'nt
Les fêtards paillards du bar.
Car encore Igor y dort
Mais près d'son oreille
Merveille un réveil vermeil
Lui prodigue des conseils
Pendant son sommeil :
Tic tac tic tac
Ta Katic t'a quitté
Tic tac tic tac
Ta Katie t'a quitté
Tic tac tic tac
T'es cocu, qu'attends tu ?
Cuites-toi, t'es cocu
T'as qu'à, ta qu'à t'cuiter
Et quitter ton quartier
Ta Katie t'a quitté
Ta tactique était toc
Ta tactique était toc
Ta Katie t'a quitté.
Otes ta toque et troques
Ton tricot tout crotté
Et ta croute au couteau
Qu'on t'a tant attaqué
Contre un tacot coté
Quatre écus tout compté
Et quittes ton quartier
Ta Katie t'a quitté
Ta Katie t'a quitté.
Tout à côté, des catins décaties taquinaient
Un coker coquin,
Et d'étiques coquettes, tout en tricotant,
Caquettaient et
Discutaient et critiquaient
Un conte toqué, qui comptait en tiquant,
Tout un tas de tickets
De quai
Quand tout à coup... Tic Tac tic... Brrrrrrr...
"Oh mâtin quel réveil
Mâtin quel réveille-matin"
S'écrie le Russe blanc de peur
"Pour une sonnerie
C'est une belle sonnerie !
!TAQUINERIE
//ZHANG XIAN (990-1072)//
Pivoines perlées de rosée,
une jolie fille en cueille une
et se pavane dans la cour.
En souriant elle demande
à son amoureux :
« Laquelle de nous deux
est la plus belle ? »
« Bien sûr que c’est elle »,
dit-il pour la taquiner.
Prise d’une rage enfantine, e
lle froisse la fleur
et la lui jette au visage...
![[Textes de la Compagnie Affable|https://compagnieaffable.com/textes-scenes-de-theatre/]]
<html>
<b>Pour hommes</b><br /><br /><ul>
<li><b><a href="https://compagnieaffable.wordpress.com/2015/05/23/dom-juan-acte-i-scene-2-dom-juan-sganarelle/"><i>Dom Juan</i> : Dom Juan – Sganarelle (Acte I, scène 2)</a></b><br /></li>
<li><b><a href="https://compagnieaffable.wordpress.com/2015/05/23/dom-juan-acte-v-scene-2/"><i>Dom Juan</i> : Dom Juan – Sganarelle (Acte V, scène 2)</a></b><br /></li>
<li><b><a href="https://compagnieaffable.wordpress.com/2015/08/19/le-bourgeois-gentilhomme-cleonte-covielle-acte-iii-scene-9/"><i>Le Bourgeois Gentilhomme</i> : Cléonte – Covielle (Acte III, scène 9)</a></b><br /></li>
<li><b><a href="https://compagnieaffable.wordpress.com/2015/08/19/le-misanthrope-alceste-philinte-acte-i-scene-1/"><i>Le Misanthrope</i> : Alceste – Philinte (Acte I, scène 1)</a></b><br /></li>
<li><i>Le Misanthrope</i> : le sonnet d’Oronte (Acte I, scène 2)<br /></li>
<li><i>Andromaque</i> : Pyrrhus – Oreste; Oreste – Pylade<br /></li>
<li><i>Le Menteur</i> de Corneille : Dorante – Géronte<br /></li>
<li><i>La Double Inconstance</i> de Marivaux : Arlequin – Trivelin<br /></li>
<li><b><a href="https://compagnieaffable.wordpress.com/2015/10/05/marivaux-lile-des-esclaves-iphicrate-arlequin-scene-1/"><i>L’Île des Esclaves</i> de Marivaux : Iphicrate – Arlequin (Scène 1)</a></b><br /></li>
<li><i>Ruy Blas</i> : Ruy Blas – Don Salluste<br /></li>
<li><b><a href="https://compagnieaffable.wordpress.com/2015/08/01/louis-xiii-bellegarde-dans-marion-de-lorme-dhugo/"><i>Marion de Lorme</i> d’Hugo : Louis XIII – Bellegarde</a></b><br /></li>
<li><i>Les Caprices de Marianne</i> : Coelio – Octave<br /></li></ul>
<br /><b>Pour femmes</b><br /><br /><ul>
<li><b><a href="https://compagnieaffable.wordpress.com/2017/03/22/oncle-vania-de-tchekhov-sonia-et-elena/"><i>Oncle Vania</i> de Tchekhov : Sonia et Elena</a></b><br /></li>
<li><i>Les Femmes Savantes</i> : Henriette – Armande<br /></li>
<li><i>Le Misanthrope</i> : Célimène – Arsinoé<br /></li>
<li><i>Le Jeu de l’amour et du hasard</i> : Silvia – Lisette (Acte I, scène 1)<br /></li>
<li><i>La Double Inconstance</i> : Lisette – Flaminia (Acte I, scène 3)<br /></li>
<li><i>L’Ecole des Mères</i> : Angélique – Lisette (Acte I, scène 6)<br /></li>
<li><b><a href="https://compagnieaffable.wordpress.com/2016/05/31/antigone-de-jean-anouilh-antigone-la-nourrice/"><i>Antigone</i> de Jean Anouilh : Antigone – La Nourrice</a></b><br /></li></ul>
<br /><b>Scènes mixtes</b><br /><br /><ul>
<li><b><a href="https://compagnieaffable.wordpress.com/2017/05/15/les-femmes-savantes-clitandre-trissotin-acte-iv-scene-3/"><i>Les Femmes savantes</i> : Clitandre – Trissotin (Acte IV, scène 3)</a></b><br /></li>
<li><b><a href="https://compagnieaffable.wordpress.com/2015/10/20/romeo-et-juliette-la-scene-des-adieux/"><i>Roméo et Juliette</i> : la scène des adieux</a></b><br /></li>
<li><b><a href="https://compagnieaffable.wordpress.com/2015/08/12/le-medecin-malgre-lui-sganarelle-martine-acte-i-scene-1/"><i>Le Médecin malgré lui</i> : Sganarelle-Martine (Acte I, scène 1)</a></b><br /></li>
<li><i>Dom Juan</i> : Dom Juan – Done Elvire – Sganarelle (Acte I, scène 3)<br /></li>
<li><i>Les Femmes Savantes</i> : Bélise – Clitandre<br /></li>
<li><i>Le Menteur</i> de Corneille : Alcippe – Clarice<br /></li>
<li><b><a href="https://compagnieaffable.wordpress.com/2015/07/31/berenice-titus-acte-iv-scene-5/">Bérénice-Titus : « Ah ! Cruel ! » (Acte IV, scène 5)</a></b><br /></li>
<li><b><a href="https://compagnieaffable.wordpress.com/2015/09/15/le-jeu-de-lamour-et-du-hasard-silvia-dorante-acte-i-scene-7/"><i>Le Jeu de l’amour et du hasard</i> : Silvia – Dorante (Acte I, scène 7)</a></b><br /></li>
<li><i>Le Jeu de l’amour et du hasard</i> : Lisette – Arlequin (Acte III, scène 6)<br /></li>
<li><i>La Double Inconstance</i> : Silvia – Trivelin (Acte I, scène 1)<br /></li>
<li><i>La Double Inconstance</i> : Lisette – Arlequin (Acte I, scène 6)<br /></li>
<li><i>Les Fausses Confidences</i> : Araminte – Dorante (Acte II, scène 13)<br /></li>
<li><i>La Dispute</i> : Eglé – Azor (Acte I, scène 4)<br /></li>
<li><i>Le Barbier de Séville</i> : Rosine – Figaro (Acte II, scène 2)<br /></li>
<li><i>Les Caprices de Marianne</i> : Les scènes d’Octave et Marianne<br /></li>
<li><b><a href="https://compagnieaffable.wordpress.com/2015/06/13/le-prince-de-hombourg-le-prince-lelectrice-acte-iii-scene-5/"><i>Le Prince de Hombourg</i> de Kleist : Le Prince – L’Électrice</a></b><br /></li>
<li><b><a href="https://compagnieaffable.wordpress.com/2015/08/25/la-peur-des-coups-de-courteline-saynete-pour-elle-et-lui/"><i>La Peur des Coups</i> de Courteline : ELLE – LUI</a></b><br /></li>
<li><i>Les Deux Timides</i> d’Eugène Labiche : Jules – Cécile<br /></li>
<li><i>Richard III</i> de Shakespeare : Richard – Lady Anne<br /></li>
<li><i>Jules César</i> de Shakespeare : Brutus – Portia (Scène IV)<br /></li>
<li><b><a href="https://compagnieaffable.wordpress.com/2016/02/10/la-dame-de-la-mer-ellida-wangel/"><i>La Dame de la mer</i> d’Ibsen : Ellida – Wangel</a></b><br /></li>
<li><b><a href="https://compagnieaffable.wordpress.com/2016/08/20/on-passe-dans-huit-jours-de-guitry-lauteur-et-lactrice/"><i>On passe dans huit jours</i> de Sacha Guitry : L’Auteur et L’Actrice</a></b><br /></li>
<li><i>La Ménagerie de verre</i> de Tennessee Williams : scène finale (<b>en anglais</b> : <b><a href="https://compagnieaffable.wordpress%20.com/2016/08/15/the-glass-menagerie-final-scene/">ici</a></b>)<br /></li>
<li><b><a href="https://compagnieaffable.wordpress.com/2017/07/25/dorian-gray-largue-sibyl-vane/"><i>Dorian Gray</i> largue Sibyl Vane</a></b><br /></li>
<li><b><a href="https://compagnieaffable.wordpress.com/2017/08/07/la-lecon-deugene-ionesco-le-professeur-et-leleve/"><i>La Leçon</i> d’Eugène Ionesco : Le Professeur et l’Elève</a></b><br /></li></ul>
<br /><b>LISTE DE SCÈNES MOINS « CLASSIQUES » A PLUSIEURS</b><br /><br /><b>Pour hommes</b><br /><br /><ul>
<li><b><a href="https://compagnieaffable.wordpress.com/2017/08/25/uranus-de-claude-berri-la-tirade-monstrueuse-de-monglat-michel-galabru/"><i>Uranus</i> de Claude Berri : la tirade monstrueuse de Monglat (Michel Galabru)</a></b><br /></li>
<li><b><a href="https://compagnieaffable.wordpress.com/2017/08/15/au-dela-de-cette-limite-votre-ticket-nest-plus-valable-de-romain-gary-jacques-et-jim/"><i>Au-delà de cette limite votre ticket n’est plus valable</i> de Romain Gary : Jacques et Jim</a></b><br /></li>
<li><b><a href="https://compagnieaffable.wordpress.com/2017/04/13/le-visiteur-deric-emmanuel-schmitt-freud-et-linconnu/"><i>Le Visiteur</i> d’Eric-Emmanuel Schmitt : Freud et l’Inconnu</a></b><br /></li>
<li><b><a href="https://compagnieaffable.wordpress.com/2015/10/21/buffet-froid-de-bertrand-blier-depardieu-serrault-1ere-scene-du-film/"><i>Buffet Froid</i> de Bertrand Blier : Depardieu – Serrault (1ère scène du film)</a></b><br /></li>
<li><b><a href="https://compagnieaffable.wordpress.com/2016/02/06/uranus-leopold-le-poete-gerard-depardieu/"><i>Uranus</i> de Claude Berri : Léopold Le Poète (Gérard Depardieu)</a></b><br /></li>
<li><b><a href="https://compagnieaffable.wordpress.com/2016/08/16/les-disparus-de-saint-agil-de-christian-jaque/"><i>Les Disparus de Saint-Agil</i> de Christian-Jaque : Lemel – César</a></b><br /></li>
<li><b><a href="https://compagnieaffable.wordpress.com/2017/03/31/le-bruit-des-glacons-de-blier-charles-et-son-cancer-dujardin-et-dupontel/"><i>Le Bruit des glaçons</i> de Blier : Charles et son cancer (Dujardin et Dupontel)</a></b><br /></li>
<li><b><a href="https://compagnieaffable.wordpress.com/2016/08/14/la-femme-infidele-charles-et-victor/"><i>La Femme infidèle</i> de Claude Chabrol : Charles et Victor</a></b><br /></li>
<li><b><a href="https://compagnieaffable.wordpress.com/2016/05/02/la-vie-devant-soi-de-romain-gary-emile-ajar-momo-et-le-docteur-katz/"><i>La Vie devant soi</i> de Romain Gary : Momo et le Docteur Katz</a></b><br /></li>
<li><b><a href="https://compagnieaffable.wordpress.com/2017/08/31/le-client-dasghar-farhadi-emad-et-lui/"><i>Le Client</i> d’Asghar Farhadi : Emad et « Lui »</a></b><br /></li>
<li><b><a href="https://compagnieaffable.wordpress.com/2017/09/01/langoisse-du-roi-salomon-de-romain-gary-jean-et-chuck/"><i>L’angoisse du roi Salomon</i> de Romain Gary : Jean et Chuck</a></b><br /></li>
<li><b><a href="https://compagnieaffable.wordpress.com/2017/09/03/langoisse-du-roi-salomon-de-romain-gary-jean-et-chuck-2/">L’angoisse du roi Salomon de Romain Gary : Jean et Chuck (2)</a></b><br /></li>
<li><b><a href="https://compagnieaffable.wordpress.com/2017/09/02/coffee-and-cigarettes-de-jim-jarmusch-no-problem/"><i>Coffee and Cigarettes</i> de Jim Jarmusch : « No Problem »</a></b><br /></li>
<li><b><a href="https://compagnieaffable.wordpress.com/2017/09/03/pour-un-oui-ou-pour-un-non-de-nathalie-sarraute-h1-et-h2/"><i>Pour un oui ou pour un non</i> de Nathalie Sarraute : H1 et H2</a></b><br /></li>
<li><i>Colombe</i> d’Anouilh : Armand – Julien<br /></li>
<li><i>Becket ou l’honneur de Dieu</i> d’Anouilh : Le Roi – Becket (en anglais : ici)<br /></li>
<li><i>Eurydice</i> d’Anouilh : Orphée – M. Henri<br /></li>
<li><i>Jacques et son maître</i> de Milan Kundera<br /></li>
<li><b><a href="https://compagnieaffable.wordpress.com/2015/06/17/littoral-de-wajdi-mouawad-wilfrid-le-thanatologue/"><i>Littoral</i> de Wajdi Mouawad : Wilfrid – Le Thanatologue</a></b><br /></li>
<li><i>Paris-Texas</i> de Wim Wenders : la scène finale du peepshow (<b>en anglais</b> : <b><a href="https://compagnieaffable.wordpress.com/2015/07/29/la-scene-finale-du-peepshow-dans-paris-texas-de-wim-wenders-1984/">ici</a></b>)<br /></li>
<li><i>Harold et Maude</i> : la scène chez le psychiatre (<b>en anglais</b> : <b><a href="https://compagnieaffable.wordpress.com/2015/10/05/harold-and-maude-psychiatrist-scene/">ici</a></b>)<br /></li>
<li><b><a href="https://compagnieaffable.com/2017/10/22/true-romance-cliff-et-coccotti-dennis-hopper-et-christopher-walken/"><i>True Romance</i> : Cliff et Coccotti (Dennis Hopper et Christopher Walken)</a></b><br /></li>
<li><b><a href="https://compagnieaffable.com/2017/10/23/hunger-de-steve-mcqueen-bobby-et-father-dom-michael-fassbender-et-liam-cunningham/">Hunger de Steve McQueen : Bobby et Father Dom (Michael Fassbender et Liam Cunningham)</a></b> (<b>en anglais</b>)<br /></li>
<li><b><a href="https://compagnieaffable.wordpress.com/2015/10/19/goodfellas-de-scorsese-la-scene-du-funny-how-avec-joe-pesci/"><i>Goodfellas</i> de Martin Scorsese : scène du « Funny how? » avec Joe Pesci (<b>en anglais</b>)</a></b><br /></li></ul>
<br /><b>Pour femmes</b><br /><br /><ul>
<li><b><a href="https://compagnieaffable.com/2017/09/14/lastronome-de-didier-von-cauwelaert-mure-et-agnes/"><i>L’Astronome</i> de Didier Von Cauwelaert : Mûre et Agnès</a></b><br /></li>
<li><b><a href="https://compagnieaffable.wordpress.com/2017/03/31/coco-de-koltes-tirades-sur-le-rouge-a-levres/"><i>Coco</i> de Koltès : tirades sur le rouge à lèvres</a></b><br /></li>
<li><b><a href="https://compagnieaffable.wordpress.com/2015/06/13/nawal-annonce-a-wahab-quelle-est-enceinte-incendies-de-wajdi-mouawad/"><i>Incendies</i> de Wajdi Mouawad : Nawal-Wahab</a></b><br /></li>
<li><b><a href="https://compagnieaffable.wordpress.com/2017/03/26/la-reunification-des-deux-corees-de-pommerat-divorce/"><i>La Réunification des deux Corées</i> de Pommerat : “divorce”</a></b><br /></li>
<li><b><a href="https://compagnieaffable.wordpress.com/2016/05/31/antigone-de-jean-anouilh-antigone-la-nourrice/"><i>Antigone</i> de Jean Anouilh : Antigone – La Nourrice</a></b><br /></li>
<li><b><a href="https://compagnieaffable.wordpress.com/2016/08/14/la-femme-da-cote-mathilde-et-le-psychiatre/"><i>La Femme d’à côté</i> de François Truffaut : Mathilde – Le Psychiatre</a></b><br /></li>
<li><b><a href="https://compagnieaffable.wordpress.com/2017/09/02/coffee-and-cigarettes-de-jim-jarmusch-cate-et-shelly-cate-blanchett/"><i>Coffee and Cigarettes</i> de Jim Jarmusch : Cate et Shelly (Cate Blanchett)</a></b><br /></li></ul>
<br /><b>Scènes mixtes</b><br /><br /><ul>
<li><b><a href="https://compagnieaffable.wordpress.com/2017/06/07/chroniques-2-de-xavier-durringer-scene-de-rupture/"><i>Chroniques 2</i> de Xavier Durringer : scène de rupture</a></b><br /></li>
<li><b><a href="https://compagnieaffable.com/2017/10/10/un-elephant-ca-trompe-enormement-lucien-fait-du-rentre-dedans-a-marthe-la-mere-dune-copine/"><i>Un éléphant ça trompe énormément</i> : Lucien fait du rentre-dedans à Marthe, la mère d’une copine</a></b><br /></li>
<li><b><a href="https://compagnieaffable.wordpress.com/2017/09/05/fenetre-sur-cour-dalfred-hitchcock-jeff-et-lisa-1/"><i>Fenêtre sur cour</i> d’Alfred Hitchcock : Jeff et Lisa (1)</a></b><br /></li>
<li><b><a href="https://compagnieaffable.wordpress.com/2017/09/05/fenetre-sur-cour-dalfred-hitchcock-jeff-et-lisa-2/"><i>Fenêtre sur cour</i> d’Alfred Hitchcock : Jeff et Lisa (2)</a></b><br /></li>
<li><b><a href="https://compagnieaffable.wordpress.com/2016/08/20/on-passe-dans-huit-jours-de-guitry-lauteur-et-lactrice/"><i>On passe dans huit jours</i> de Sacha Guitry : L’Auteur – L’Actrice</a></b><br /></li>
<li><b><a href="https://compagnieaffable.wordpress.com/2017/05/31/le-rendez-vous-de-senlis-de-jean-anouilh-la-scene-de-linventaire/"><i>Le Rendez-vous de Senlis</i> de Jean Anouilh : la scène de l’inventaire</a></b><br /></li>
<li><b><a href="https://compagnieaffable.wordpress.com/2017/05/02/les-demoiselles-de-rochefort-guillaume-et-delphine/"><i>Les Demoiselles de Rochefort</i> : Guillaume et Delphine</a></b><br /></li>
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<li><b><a href="https://compagnieaffable.wordpress.com/2016/10/30/pompier-remi-de-vos/"><i>Pompier</i> – Rémi de Vos</a></b><br /></li>
<li><b><a href="https://compagnieaffable.wordpress.com/2016/08/14/les-temps-qui-changent-antoine-et-cecile/"><i>Les Temps qui changent</i> d’André Téchiné : Antoine – Cécile (Depardieu – Deneuve)</a></b><br /></li>
<li><b><a href="https://compagnieaffable.wordpress.com/2016/03/15/la-femme-de-mon-pote-viviane-et-micky/"><i>La Femme de mon pote</i> de Bertrand Blier : Viviane et Micky</a></b><br /></li>
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<li><b><a href="https://compagnieaffable.wordpress.com/2017/07/25/le-bureau-des-legendes-marina-reza/"><i>Le Bureau des Légendes</i> : Marina – Reza</a></b><br /></li>
<li><b><a href="https://compagnieaffable.wordpress.com/2017/08/30/topaze-de-louis-gasnier-topaze-et-suzy/"><i>Topaze</i> de Louis Gasnier : Topaze et Suzy</a></b><br /></li>
<li><b><a href="https://compagnieaffable.wordpress.com/2017/08/30/les-femmes-aussi-ont-perdu-la-guerre-de-curzio-malaparte-enrica-et-le-requisitionnaire/"><i>Les femmes aussi ont perdu la guerre</i> de Curzio Malaparte : Enrica et le Réquisitionnaire</a></b><br /></li>
<li><b><a href="https://compagnieaffable.wordpress.com/2017/09/02/harry-dans-tous-ses-etats-de-woody-allen-joan-apprend-quharry-la-trompee/"><i>Harry dans tous ses états</i> de Woody Allen : Joan apprend qu’Harry l’a trompée</a></b><br /></li>
<li><b><a href="https://compagnieaffable.com/2017/09/05/harry-dans-tous-ses-etats-de-woody-allen-harry-essaie-de-convaincre-fay-de-ne-pas-se-marier/"><i>Harry dans tous ses états</i> de Woody Allen : Harry essaie de convaincre Fay de ne pas se marier</a></b><br /></li>
<li><i>Her</i> de Spike Jonze : Samantha – Theodore (<b>en anglais</b> : <b><a href="https://compagnieaffable.wordpress.com/2015/10/11/spike-jonzes-her-os-set-up-scene/">ici</a></b>)<br /></li>
<li><b><a href="http://lewebpedagogique.com/curiem/files/2008/05/seq2s-1-le-mouchard-de-bbrecht.pdf"><i>Grand-peur et misère du IIIème Reich</i> : Le Père et la Mère dans « Le Mouchard »</a></b><br /></li>
<li><i>The Age of Innocence</i> de Martin Scorsese : Ellen – Archer (<b>en anglais</b> : <b><a href="https://compagnieaffable.wordpress.com/2015/10/20/the-age-of-innocence-de-scorsese-ellen-archer/">ici</a></b>)</li></ul></html>
!TOUT L'UN OU TOUT L'AUTRE
!!!!!{{center{Pierre ÉTAIX
Source : http://poetik-links.forumt.biz/t263-tout-l-un-ou-tout-l-autre}}}
A - Aimez vous les uns les autres?
B - Les uns ou les autres?
A - Les uns et les autres
B - Ce n'est pas si simple. Je peux très bien aimer les uns, sans pour autant aimer les autres.
A – Alors, vous n'aimez pas les autres?
B - Je ne dis pas cela. Les uns peuvent être aimables et pas les autres.
A – Bien sûr. Pourtant, n’auriez-vous pas un faible pour les uns plutôt que pour les autres ?
B - Certainement pas. Je m'entends très bien avec les autres.
J'écoute toujours ce que disent les autres.
Je ne suis ni plus bête, ni plus malin qu'un autre.
Je en fais ni moins bien, ni mieux qu'un autre.
Je suis comme un autre.
A - Donc d'après vous, les uns ne valent pas mieux que les autres ?
B – Probablement. Mais il faut savoir quand même savoir que les uns peuvent être disponibles pour les autres, attentifs aux autres et parfois même un exemple pour les autres.
A - Alors là, c'est clair ! Vous préférez nettement les uns aux autres.
B - Pas du tout. Vous ne m'entendrez jamais dire du mal des autres.
Il faut simplement savoir que les uns étant différents des autres, il est sage de ne pas trop compter sur les autres et surtout de ne rien attendre des autres.
A – Cependant, vous ne pouvez nier que nous avons tous besoin des autres.
B – Pardon, nous avons besoin les uns des autres, ce n'est pas tout à fait la même chose.
A – Soit. Mais l'un dans l'autre, si 'ose dire, parler des uns et des autres, c'est globalement parler des autres.
B - Je ne suis pas d'accord. Sartre a dit : "l'enfer, c'est les autres". Il n'a pas dit : l 'enfer, c 'est les uns.
A – Non, cela ne se dit pas. Mais il voulait dire : l'enfer, c'est les uns pour les autres.
B - Jamais de la vie ! En plaçant les uns avant les autres, vous trahissez la pensée de Sartre.
Et, vous devez savoir que personne ne peut se mettre à la place de l'autre.
A – Certes, mais les uns peuvent très bien prendre la place des autres.
B - Et allez donc, vous semblez avoir un sacré penchant pour les autres, vous ?
A - Vous ne m'avez pas compris. Je ne cherche nullement à dresser les uns contre les autres.
J'affirme que, si les uns prennent parfois la place des autres, c'est parce que souvent j'ai entendu dire: « pardonnez moi, je vous avais pris pour un autre ». Ca ne vous est jamais arrivé ?
B – Non. Et je vous prie, moi, de ne pas me prendre pour un autre. Ce serait extrêmement désobligeant de votre part.
A - Pourquoi ne pas l'avouer ? Vous méprisez l'autre. C'est évident : les autres ne vous intéressent pas.
B - J'ai pour principe, en effet, de ne pas m'occuper de ce que font les autres, de ne jamais me mêler des affaires des autres.
De là à insinuer que j'ai l'air de prendre les autres pour des cons…
A - Je me garderais bien de vous prêter d'aussi grossières intentions.
J'ai trop de respect pour l'autre.
B - Quel autre?
A – Vous. Ne vous déplaise, l'autre, c'est vous.
B - Ah non ! Ce n'est pas moi… C'est l'autre!
A - Que vous l'acceptiez ou non, pour moi, vous êtes l'autre.
B - Je vous retourne le compliment. Vous en êtes un autre, Monsieur !
A - C'est précisément ce que je tente de vous faire entendre depuis une heure.
Les autres : c'est ni l'un, ni l'autre.
C'est : les uns et les autres.
On ne peut rien faire les uns sans les autres.
On ne pourra jamais se passer des autres.
Nous devons marcher l'un vers l'autre,
Les uns avec les autres,
L'un à côté de l'autre,
L'un près de l'autre.
B - L'un devant l'autre !
A - Si vous voulez, mais aussi l'un derrière l'autre. Nous devons nous unir les uns aux autres, car nous dépendons les uns des autres.
B – Oui, alors pourquoi prendre aux uns pour donner aux autres ?
Ce n'est pas juste.
A - Rien n'est juste. Ne dit on pas : la maladie, c'est toujours pour les autres, ou encore: les accidents n'arrivent qu'aux autres. C'est grave çà
B - Pour une fois, c'est moins grave pour les uns que pour les autres et, j'en suis bien aise, puisque le malheur des uns fait le bonheur des autres. Pensez-vous que cela ne soit pas grâce ça ?
A – Mais le bonheur des uns fait aussi parfois le malheur des autres.
B – Parfois… mais c'est beaucoup plus rare. L'expression : vivre l'un pour l'autre se passe de commentaire.
A - Vivre l'un par l'autre, se passe aussi de commentaire. Enfin, convenez-en, l'un ne fait qu'un avec l'autre, ou si vous préférez, les uns et les autres ne font qu'un, choisir entre l'un ou l'autre est un non sens. Qui voit l'un, voit l'autre, c'est évident. Alors, je vous pose de nouveau la question : AIMEZ-VOUS LES UNS LES AUTRES ?
B - Si je vous réponds : les uns, cela ne vous plaira pas. Si je dis: les autres, vous n'allez pas me croire. Pourtant je voudrais bien vous faire plaisir, parce qu'au fond, je vous aime bien, vous savez.
PIERRE ETAIX
!TRAGÉDIE CLASSIQUE
;UN
:Au Gala de l’Union ?
;DEUX
:Non.
;UN
:Au Théâtre Français ?
;DEUX
:Non.
;UN
:Au Palais de Chaillot ?
;DEUX
:Non, au Théâtre Français.
;UN
:Au Théâtre Français, ou au Palais de Chaillot ?
;DEUX
:Je ne sais pas. Au Théâtre Français ou au Palais de Chaillot, peut-être ailleurs. En tout cas, c’était rudement bien joué. Une tragédie, c’était.
;UN
:De Racine ?
;DEUX
:Non.
;UN
:De Corneille ?
;DEUX
:Non, de Racine.
;UN
:De Racine, ou de Corneille ?
;DEUX
:De Racine ou de Corneille, je ne sais plus. En tout cas, c’était rudement beau. Beau, et émouvant, surtout. On était ému !
;UN
:Vous étiez avec votre femme ?
;DEUX
:Non.
;UN
:Vous étiez seul ?
;DEUX
:Non, j’étais avec ma femme.
;UN
:Vous étiez seul, ou avec votre femme ?
;DEUX
:Je ne sais plus, tellement c’était beau, tellement on était ému. Ma femme, surtout, était émue. D’ailleurs, je dis ça, c’est des suppositions: ma femme, je ne l’ai pas revue depuis. Elle a dû rester au théâtre, tellement elle était émue, sur son strapontin. Moi, je peux dire que je suis sorti du théâtre, puisque je suis ici, n’est-ce pas ? Mais comment ça s’est fait, je ne peux pas vous le dire. J’ai dû suivre la foule, en somnambule. Je ne me suis réveillé que le lendemain, chez Paulette. C’était tellement beau !
;UN
:Si beau que ça ?
;DEUX
:Le début, surtout, on était sous le charme I c’était !... Parce que, après, vous savez, les vers ! On est tellement sous le charme, quand ils sont beaux, que, au bout d’un moment, on a tendance à s’assoupir.
;UN
:Vous ne pourriez pas essayer de me réciter quelques vers du début, peut-être que je reconnaîtrais.
;DEUX
:Si ! Si ! Sûrement... Seulement voilà...
//Il cherche.//
;UN
:Vous n’avez pas de mémoire ?
;DEUX
:Moi ? Quand je suis ému, j’ai une mémoire d’outre-tombe. Suffît que je sois ému. Seulement ma mémoire, elle a beau être hallucinante, attendez voir... Je ne sais pas ce que j’en ai fait.
;UN
:Vous avez votre mémoire sur vous ?
;DEUX
:Oui, dans un bout de papier journal. Pourvu que je ne l’aie pas perdue... Ah ! tenez ! la voilà ! Me rappelais pas la poche où...
;UN
:Elle est toute petite...
;DEUX
:Oui. C’est une mémoire qui me vient de mon grand-père. Il paraît quelle a appartenu à un cheval.
;UN
:Mince.
;DEUX
:Tenez, vous allez voir comment elle va vous le restituer sur le bout du doigt, ce début de tragédie. Rien que d’y penser, ça me fait mal aux nerfs.
;UN
:Comment ça marche ?
;DEUX
:Faut appuyer dessus. Allez, calez-vous dans votre fauteuil et écoutez-moi ça.
;UN
:Vous appuyez ?
;DEUX
:Oui, avec mon pied... Voilà.
//Trois coups.//
:Z’entendez ? Les trois coups. Alors le rideau s’ouvre, ça représente quelque chose d’abstrait, dans les blanc et noir, avec une touche de rouge, et les voilà qui entrent :crac, crac, ça c’est leurs chaussures qui font ça. Tenez-vous bien, ils vont se mettre à causer :« Quoi ? »
;UN (BUTANE)
:Quoi :« quoi »? Ah... //(Iljoue :)//
:Quoi, seigneur, je vous vois ! A peine sur sa tour
:Le guerrier, de sa trompe a rallumé le jour,
:Et déjà !...
;DEUX (ÉNÉE) :
:Ma présence a de quoi te surprendre,
:Butane, je le sais. Depuis que de mon gendre
:Ces murs trop glorieux protègent le sommeil,
:Il n’est plus de repos pour mon antique orteil.
:O murs ! de mon enfance, hélas ! dépositaires !
:Et qui serez bientôt mes pierres funéraires,
:Vous seuls pouvez savoir ce que pèsent mes pas !
:C’est de vous qu’en marchant j’espère mon trépas,
:Et mon seul réconfort est que, plus d’une année,
:Vos ruines survivront à la ruine d’Énée !
;UN (BUTANE) :
:Votre ruine, seigneur ? Aujourd’hui que vos ans
:N’ont pas encore atteint leur énième printemps ?
;DEUX (ÉNÉE) :
:Je suis jeune, il est vrai ! Mais pour avoir des billes,
:A qui se sert du feu, qu’importe les torpilles ?
;UN (BUTANE) :
:Le feu, pour un monarque, a des attraits nouveaux
:Qui n’ont pas, des canons, fait resplendir les veaux.
:Et j’en sais plus d’un seul qui, par cette campagne,
:Aspirerait sans honte aux honneurs de l’Espagne.
:Et s’il vous faut sans feinte avouer mes pensers...
;DEUX (ÉNÉE) :
:Na na na, na na na, Butane, je le sais !
:Chacun par son nana, de mon excès de gloire,
:A pu sans en rougir m’en imputer l’histoire.
:Et mes larmes, na na, témoigneraient assez,
:Que leurs crimes jamais ne seront effacés.
;UN (BUTANE) :
:Quoi ! Vous na na na na, seigneur, en vos alarmes,
:Le na na na des pleurs et le nana des larmes ?
;DEUX (ÉNÉE) :
:Nana, Butane ! Hélas ! Et renana nana.
:Des jours de ma nana, na na me souvenir ?
:Nanana nanana nanana nanana.
:Nana, nananana, nanana nanana.
:Na na nananana, nanana nanana.
:Na, nanananana nanana nanana.
:Nananana na na nanana nanana !
:Nanana nanana ! Nanana nanana :
:Nanana nanana nanana nanana.
:Nana...
;DEUX
://cesse de jouer//
:Oui, là, bien sûr, ça devient un peu vague. C’est à ce moment-là que j ’ai commencé à m’assoupir, alors, forcément ma mémoire aussi.
;UN
:Quand même, je n’aurais pas cru que vous eussiez une mémoire aussi bonne.
;DEUX
:Ah ! quand c’est beau, ça reste.
;UN
:C’est beau ça
:nanana nanana nanana nanana...
;DEUX
:Oui, hein ?
;UN
:Tout de suite on reconnaît Racine.
;DEUX
:Ou Corneille.
;UN
:Ou Corneille, oui. Nana nananana nanana nanana.
;DEUX
:Nanana nanana nananana nana...
;UN
:Y a qu’en France, qu’on fait des trucs comme ça.
;DEUX
:Pensez, les Anglais peuvent s’aligner, avec leur Shakespeare
:nanana nanana...
;UN
:Nana nanananère... Ce qui est beau, surtout, c’est la mémoire.
!!!!!Roland Dubillard - Les diablogues et autres inventions à deux voix
!~TRENTE-SEPT CENTIMÈTRES
//Monsieur puis Madame, à table, au salon, au lit ou mieux ailleurs. Long silence, puis...//
;MONSIEUR
:Moi je crois pas qu’il en avait une de trente-sept centimètres !
;MADAME
: Qui?
;MONSIEUR
:Machin.
;MADAME
: Quel machin ?
;MONSIEUR
:Truc.
;MADAME
: Je vois pas.
;MONSIEUR
:Machin Truc, ton copain.
;MADAME
: Ah, lui ?
;MONSIEUR
:Oui.
;MADAME
: Trente-sept centimètres tu dis ?
;MONSIEUR
:Pas moi, toi.
;MADAME
: Moi quoi ?
;MONSIEUR
:Toi qui le dis !
;MADAME
: Et qu’est-ce que j’en sais moi ? Ça fait des siècles que je l'ai pas vu...
;MONSIEUR
:Qu’est-ce que ça change ?
;MADAME
: Trente-sept ?
;MONSIEUR
:A vue de nez.
;MONSIEUR
:T’as précisé : trente-sept centimètres à vue de nez, oui.
;MADAME
: Qu’est-ce que tu me chantes là ?
;MONSIEUR
:Tu as même ajouté qu’il l’exhibait à tout bout de champ.
;MADAME
: Qui?
;MONSIEUR
:Machin.
;MADAME
: Il exhibait quoi ?
;MONSIEUR
:Solange !
//Silence.//
;MADAME
: Et il l’exhibait où ?
;MONSIEUR
:A la piscine I suppose.
;MADAME
: Ah d’accord.
;MONSIEUR
:Ça te revient ?
;MADAME
: Pas du tout, mais c’est là effectivement où j’aurais pu l’entrapercevoir.
//Silence.//
;MONSIEUR
:Tu sais ce que ça fait trente-sept centimètres ?
;MADAME.
:Pas loin de quarante.
;MONSIEUR
:A peu près ça...
;MADAME
: Ah quand même !
;MONSIEUR
:Ça t’a pas frappée ?
;MADAME
: Manquerait plus que ça !
;MONSIEUR
:C’est une image.
;MADAME
: J’ai dû y aller deux trois fois à cette piscine, et encore... avec ma sœur.
;MONSIEUR
:Ta sœur l’aurait aperçue aussi ?
;MONSIEUR
:Avec des yeux non ? Et même des lunettes.
;MADAME
: Elle les enlevait pour nager.
;MONSIEUR
:Elle gardait ses yeux non ?
;MADAME
: Pardon, je peux savoir pourquoi tu m’en parles ce soir ?
;MONSIEUR
:Figure-toi que ça m’a turlupiné.
;MADAME
: Ça te turlupine ?
;MONSIEUR
:Non, ça M’A turlupiné.
;MADAME
: Qu’est-ce qui t’a turlupiné ?
;MONSIEUR
:Tes trente-sept centimètres.
;MADAME
: MES trente-sept centimètres ?
;MONSIEUR
:Voilà.
;MADAME
: Et je suis censée t’avoir dit ça où et quand ? MONSIEUR. A l’hôtel.
;MADAME
: Quel hôtel ?
;MONSIEUR
:L’hôtel du premier soir.
;MADAME
: L’hôtel du premier soir de la première nuit ? MONSIEUR. Voilà.
;MADAME
: ET pourquoi ?
;MONSIEUR
:Ah ça, ce serait plutôt à toi de me le dire.
//Bref silence.//
;MADAME
: Le premier soir de la première nuit, ça va chercher dans les vingt ans bien tassés non ?
;MONSIEUR
:Trente.
;MADAME
: Trente ans ?
;MONSIEUR
:Voilà.
;MADAME
: J’ai pas vu le temps passer.
;MONSIEUR
:Les jours sont de plus en plus longs et les années de plus en plus courtes.
;MADAME
: Ça t’a turlupiné alors pendant trente ans ?
;MONSIEUR
:Non. Ça m’a, comment dire, perturbé un temps. MADAME. Attends, attends, je t’ai dit ça juste avant ?
;MONSIEUR
:Non, juste après.
;MADAME
: Donc c’est pas les trente-sept centimètres de Machin Truc qui t’ont coupé tes moyens ?
;MONSIEUR
:Après si.
;MADAME
: Après OK, mais avant ?
;MONSIEUR
:Avant non.
Silence.
;MADAME
: Tu sais quoi ?
;MONSIEUR
:Non, pas encore.
;MADAME
: C’était peut-être une rumeur.
;MONSIEUR
:Une rumeur ?
;MADAME
: Un bruit qui courait.
;MONSIEUR
:Un bobard ?
;MADAME
: Voilà.
;MONSIEUR
:Et comme plus c’est gros, plus ça marche ... MADAME. Ah ne crois pas ça !
;MONSIEUR
:Ne crois pas quoi ?
;MADAME
: Plus c’est gros, plus ça marche.
;MONSIEUR
:Je dis que plus le bobard est gros, plus il a des chances de...
;MADAME
: Ah oui oui oui oui oui, dans ce sens-là alors oui. MONSIEUR. Tu comprends vite mais faut t’expliquer longtemps.
;MADAME
: La taille n’a rien à voir.
;MONSIEUR
:Vraiment ?
;MADAME
: Trente-sept ou sept même combat.
;MONSIEUR
:Sept?
;MADAME
: Je disais pas ça pour toi.
;MONSIEUR
:Pour qui alors ?
;MADAME
: Personne, personne en particulier.
;MONSIEUR
:Tu parles à personne en particulier même quand je suis seul avec toi ?
;MADAME
: Je dis juste que trente-sept centimètres ou moins, ça ne lait pas de différence sur le plan de... du... Au contraire.
;MONSIEUR
:Au contraire ?
;MADAME
: Là comme ailleurs la vérité est dans la moyenne.
;MONSIEUR
:Sur quelles données statistiques bases-tu tes affirmations ?
;MADAME
: Pas besoin de statistiques, tout le monde sait ça. MONSIEUR. Sauf moi.
;MADAME
: Parce que tu n’es pas femme.
;MONSIEUR
:Manquerait plus que ça !
;MADAME
: Manquerait plus que quoi ?
;MONSIEUR
:Rien.
;MADAME
: Vas-y vas-y, accouche !
;MONSIEUR
: Laisse tomber.
;MADAME
: Ah non, pour une fois que tu te décides à parler de tes I )f( >1 dèmes !
;MONSIEUR
: Mes problèmes ! Quels problèmes ?
;MADAME
: Excuse-moi, mais si après trente ans tu me ressors tes ii'ente-septcentimètres ...
;MONSIEUR
:MES trente-sept centimètres !
;MADAME
: Je voulais dire les hypothétiques trente-sept centimètres de Machin Truc.
;MONSIEUR
:Puisqu’on en cause, trente-sept centimètres c’était au repos ou ?
;MADAME
: Ou quoi ?
;MONSIEUR
:Ah ne te fais pas plus bête que tu parais hein, s’il te plaît !
;MADAME
: Si tu le prends comme ça, mon bonhomme !
;MONSIEUR.
:T’as raison, parlons d’autre chose, va.
;MADAME
: De quoi ? De la profondeur des cons ?
;MONSIEUR
:Je regrette d’avoir abordé ce sujet.
;MADAME
: Ne regrette surtout pas.
;MONSIEUR
:Après vingt ans, je ne pensais pas appuyer là où ça fait mal, pardon.
;MADAME
: Là où ça fait mal à moi ?!
;MONSIEUR
:Je constate hélas qu’on ne peut jamais aborder la chose sans ciue tu y mêles tes affects immatures...
;MADAME
: Immatures ! Mes affects ! Moi ! Et toi alors ? Ça te turlupine, après trente ans ! Non mais ! Immature !
;MONSIEUR
:Moi, comme tu peux le constater, j’aborde aujourd’hui ces trente-sept centimètres avec détachement et une forme de sérénité même.
;MADAME
: T’avais qu’à écrire au courrier du cœur.
;MONSIEUR
:Quel rapport ?
;MADAME
: Ou consulter un sexologue.
;MONSIEUR
:Pardon, mais c’était à toi d’en consulter un si tu t’estimais insatisfaite.
;MONSIEUR
:Sept centimètres !
;MADAME
: Bon, neuf et demi, ne mégotons pas.
;MONSIEUR
:Merci.
;MADAME
: Pas de quoi, gardez la monnaie.
;MONSIEUR
:Bon, qu’est-ce qu’il y a ce soir à la télé ?
//Long silence pendant lequel ils consultent les programmes puis... //
;MADAME.
:Trente-sept, t’es sûr ?
;MONSIEUR
:Comment ça sûr ?
;MADAME
: J’aurais pu dire vingt-sept, et toi comprendre trente-sept.
;MONSIEUR
:Laisse tomber, ça va comme ça hein.
;MADAME
: Parce que trente-sept, moi je suis comme toi ... MONSIEUR. C’est-à-dire ?
;MADAME
: J’y crois pas.
;MONSIEUR
: Ah, nous y voilà !
;MADAME
: Vingt-sept ça fait quoi ?
;MONSIEUR
: Comme ça.
;MADAME
: A vue de nez ?
;MONSIEUR
: A vue de nez.
;MADAME
: Là je dis pas non.
;MONSIEUR
: Tu dis pas non à quoi ?
;MADAME
: Aux vingt-sept, et je dirais même plutôt dix-sept.
//Long silence.//
;MONSIEUR
: Si c’était dix-sept ou vingt-sept, et pas trente-sept, pourquoi tu m’aurais dit trente-sept et pas dix-sept ou vingt-sept ?
;MONSIEUR
:Quel rapport ?
;MADAME
: J’avais encore l’accent, trente-sept, vingt-sept, dix-sept, c’est égal.
;MONSIEUR
:C’est pas égal du tout.
;MADAME
: T’as raison, dix-sept ça reste humain.
;MONSIEUR
:Je ne te le fais pas dire.
;MADAME
: Oh, excuse-moi chéri...
;MONSIEUR
:Laisse !
;MADAME
: Tu t’es turlupiné pour rien.
;MONSIEUR
:Laisse, ç’aurait pas été ça, ç’aurait été autre chose. MADAME. Pourquoi dis-tu ça ?
;MONSIEUR
:Je suis né pour...
;MADAME
: Tu es né pour quoi chéri ?
;MONSIEUR
:Me turlupiner.
;MADAME
: Boudiou !
//Elle ouvre la télé.//
!!!!!~Jean-Claude Grumberg - Moi je crois pas
/***
|Name|StyleSheetShortcuts|
|Source|http://www.TiddlyTools.com/#StyleSheetShortcuts|
|Version||
|Author|Eric Shulman - ELS Design Studios|
|License|http://www.TiddlyTools.com/#LegalStatements <br>and [[Creative Commons Attribution-ShareAlike 2.5 License|http://creativecommons.org/licenses/by-sa/2.5/]]|
|~CoreVersion|2.1|
|Type|CSS|
|Requires||
|Overrides||
|Description|'convenience' classes for common formatting, alignment, boxes, tables, etc.|
These 'style tweaks' can be easily included in other stylesheet tiddler so they can share a baseline look-and-feel that can then be customized to create a wide variety of 'flavors'.
!!!!nestedsliders
***/
/*{{{*/
/* nestedsliders */
.floatingPanel { position:absolute; z-index:1002; padding:0.5em; margin:0em; background-color:#004; color:#fff; border:1px solid #008; text-align:left; }
.floatingPanel .tiddlyLink {
color: [[ColorPalette::TertiaryPale]];
}
.floatingPanel .menubox .button, .floatingPanel .menubox .tiddlyLinkExisting, .floatingPanel .menubox .tiddlyLinkNonExisting
{ color:#eef !important; }
.floatingPanel h1,.floatingPanel h2,.floatingPanel h3,.floatingPanel h4,.floatingPanel h5,.floatingPanel h6 {
color:#ffd;
}
/*}}}*/
/***
!!!!text alignments
***/
/*{{{*/
/* text alignments */
.left
{ display:block;text-align:left; }
.center
{ display:block;text-align:center; }
.right
{ display:block;text-align:right; }
.justify
{ display:block;text-align:justify; }
.indent
{ display:block;margin:0;padding:0;border:0;margin-left:2em; }
.indentgray
{margin-left:3em; color:#cccccc; display:block;}
.floatleft
{ float:left; }
.floatright
{ float:right; }
.valignTop, .valignTop table, .valignTop tbody, .valignTop th, .valignTop tr, .valignTop td
{ vertical-align:top; }
.valignBottom, .valignBottom table, .valignBottom tbody, .valignBottom th, .valignBottom tr, .valignBottom td
{ vertical-align:bottom; }
.clear
{ clear:both; }
.wrap
{ white-space:normal; }
.nowrap
{ white-space:nowrap; }
.hidden
{ display:none; }
.show
{ display:inline !important; }
.span
{ display:span; }
.block
{ display:block; }
.relative
{ position:relative; }
.absolute
{ position:absolute; }
/*}}}*/
/***
!!!!font sizes
***/
/*{{{*/
/* font sizes */
.enormous
{ font-size:32pt;line-height:150% }
.huge
{ font-size:24pt;line-height:120% }
.big
{ font-size:14pt;line-height:120% }
.medium
{ font-size:12pt;line-height:120% }
.normal
{ font-size:9pt;line-height:120% }
.small
{ font-size:8pt;line-height:120% }
.fine
{ font-size:7pt;line-height:120% }
.tiny
{ font-size:6pt;line-height:120% }
.larger
{ font-size:120%; }
.smaller
{ font-size:80%; }
/*}}}*/
/***
!!!!font styles
***/
/*{{{*/
/* font styles */
.bold
{ font-weight:bold; }
.italic
{ font-style:italic; }
.underline
{ text-decoration:underline; }
/*}}}*/
/***
!!!!plain list items
***/
/*{{{*/
/* plain list items (no bullets or indent) */
.nobullets li { list-style-type: none; margin-left:-2em; }
/*}}}*/
/***
!!!!multi-column
***/
/*{{{*/
/* multi-column tiddler content (not supported in Internet Explorer) */
.twocolumns { display:block;
-moz-column-count:2; -moz-column-gap:1em; -moz-column-width:50%; /* FireFox */
-webkit-column-count:2; -webkit-column-gap:1em; -webkit-column-width:50%; /* Safari */
column-count:2; column-gap:1em; column-width:50%; /* Opera */
}
.threecolumns { display:block;
-moz-column-count:3; -moz-column-gap:1em; -moz-column-width:33%; /* FireFox */
-webkit-column-count:3; -webkit-column-gap:1em; -webkit-column-width:33%; /* Safari */
column-count:3; column-gap:1em; column-width:33%; /* Opera */
}
.fourcolumns { display:block;
-moz-column-count:4; -moz-column-gap:1em; -moz-column-width:25%; /* FireFox */
-webkit-column-count:4; -webkit-column-gap:1em; -webkit-column-width:25%; /* Safari */
column-count:4; column-gap:1em; column-width:25%; /* Opera */
}
/* show/hide browser-specific content for InternetExplorer vs. non-IE ("moz") browsers */
*[class="ieOnly"]
{ display:none; } /* hide in moz (uses CSS selector) */
* html .mozOnly, *:first-child+html .mozOnly
{ display: none; } /* hide in IE (uses IE6/IE7 CSS hacks) */
/*}}}*/
/***
!!!!borderless tables
***/
/*{{{*/
/* borderless tables */
.borderless, .borderless table, .borderless td, .borderless tr, .borderless th, .borderless tbody
{ border:0 !important; margin:0 !important; padding:0 !important; }
.widetable, .widetable table
{ width:95%; }
/*}}}*/
/***
!!!!images
***/
/*{{{*/
/* images */
.ileft{float:left;padding:5px}
.iright{float:right;padding:5px}
.icenter{float:center;}
.i50{width:50%;}
/* thumbnail images (fixed-sized scaled images) */
.thumbnail img { height:5em !important; }
/* stretchable images (auto-size to fit tiddler) */
.stretch img { width:95%; }
/*}}}*/
/***
!!!!grouped
***/
/*{{{*/
/* grouped content */
.outline
{ display:block; padding:1em; -moz-border-radius:1em; border:1px solid; }
.menubox
{ display:block; padding:1em; -moz-border-radius:1em; border:1px solid; background:#fff; color:#004; }
.menubox .button, .menubox .tiddlyLinkExisting, .menubox .tiddlyLinkNonExisting
{ color:#004 !important; }
.groupbox
{ display:block; width:74%; margin-left: 13%; padding:2em; -moz-border-radius:1em; border:1px solid; background:#ffe; color:#000; z-index: 1002; }
.groupbox a, .groupbox .button, .groupbox .tiddlyLinkExisting, .groupbox .tiddlyLinkNonExisting
{ color:#009 !important; }
.groupbox code
{ color:#333 !important; }
.borderleft
{ margin:0;padding:0;border:0;margin-left:1em; border-left:1px dotted; padding-left:.5em; }
.borderright
{ margin:0;padding:0;border:0;margin-right:1em; border-right:1px dotted; padding-right:.5em; }
.borderbottom
{ margin:0;padding:1px 0;border:0;border-bottom:1px dotted; margin-bottom:1px; padding-bottom:1px; }
.bordertop
{ margin:0;padding:0;border:0;border-top:1px dotted; margin-top:1px; padding-top:1px; }
/*}}}*/
/***
!!!!forms
***/
/*{{{*/
/* compact form */
.smallform
{ white-space:nowrap;background:#ffe; }
.smallform input, .smallform textarea, .smallform button, .smallform checkbox, .smallform radio, .smallform select
{ font-size:8pt; }
/* stretchable edit fields and textareas (auto-size to fit tiddler) */
.stretch input { width:99%; }
.stretch textarea { width:99%; }
/* compact input fields (limited to a few characters for entering percentages and other small values) */
.onechar input { width:1em; }
.twochar input { width:2em; }
.threechar input { width:3em; }
.fourchar input { width:4em; }
.fivechar input { width:5em; }
/*}}}*/
/***
!!!!text colors
***/
/*{{{*/
/* text colors */
.big {font-size: 16pt;}
.blue2 { color:#228; font-size: 0.8em;}
.blue {color:#0e34a2;}
.bluebkg {background-color: #444488;}
.bluey {font-weight: bold; color:[[ColorPalette::SecondaryPale]];}
.bpn h1{background:#cccccc;}
.brown {color:#776633;}
.dkblue {color:#001155; background:#dddddd; padding:10px; width:100%;z-index: 100;}
.dkgray {color:#777777;}
.dkgrn {color:#339933;}
.gray { color:#888 !important }
.greek {font-family: Gentium;}
.green { color:#070 !important }
.green {color:green;font-weight:bold;}
.orange {color:#ee4400;}
.purple {color:#990099;}
.qqq {color: #777777; font-style: italic; font-size: 12pt;}
.red { color:#a44 !important }
.redbkg {background-color: #fdd;}
.small {font-size: .75em;}
.squote {color: #777777; text-align: left; display:block; font-style: italic;}
.teenygray {color:#888888;font-size:0.8em;}
.white {color:#fff;}
.yellow{ color:#FC0 !important }
.floatrightblue {float: right; vertical-align:top; width: 200px; position: relative;}
/*}}}*/
/***
!!!!background colors
***/
/*{{{*/
/* [[ColorPalette]] background colors */
.BGBackground { background-color:[[ColorPalette::Background]]; }
.BGForeground { background-color:[[ColorPalette::Foreground]]; }
.BGPrimaryPale { background-color:[[ColorPalette::PrimaryPale]]; }
.BGPrimaryLight { background-color:[[ColorPalette::PrimaryLight]]; }
.BGPrimaryMid { background-color:[[ColorPalette::PrimaryMid]]; }
.BGPrimaryDark { background-color:[[ColorPalette::PrimaryDark]]; }
.BGSecondaryPale { background-color:[[ColorPalette::SecondaryPale]]; }
.BGSecondaryLight { background-color:[[ColorPalette::SecondaryLight]]; }
.BGSecondaryMid { background-color:[[ColorPalette::SecondaryMid]]; }
.BGSecondaryDark { background-color:[[ColorPalette::SecondaryDark]]; }
.BGTertiaryPale { background-color:[[ColorPalette::TertiaryPale]]; }
.BGTertiaryLight { background-color:[[ColorPalette::TertiaryLight]]; }
.BGTertiaryMid { background-color:[[ColorPalette::TertiaryMid]]; }
.BGTertiaryDark { background-color:[[ColorPalette::TertiaryDark]]; }
.BGError { background-color:[[ColorPalette::Error]]; }
/*}}}*/
/***
!!!!rollover highlighting
***/
/*{{{*/
/* rollover*/
.mouseover
{color:[[ColorPalette::TertiaryLight]] !important;}
.mouseover a
{color:[[ColorPalette::TertiaryLight]] !important;}
.selected .mouseover
{color:[[ColorPalette::Foreground]] !important;}
.selected .mouseover .button, .selected .mouseover a
{color:[[ColorPalette::PrimaryDark]] !important;}
/* rollover zoom text */
.zoomover
{ font-size:80% !important; }
.selected .zoomover
{ font-size:100% !important; }
/*}}}*/
/***
/%
!!!!!!end
%/
<<foldHeadings closed>>
***/
|>|>| !TABLEAUX DE LA SCÈNE DES MARQUISES |h
|A | !SORTIE D'ALCESTE |Alceste descend par //escalier Cour//, et passe devant la scène depuis //Cour Bas// jusqu'à //Jardin Bas//.<br>Il croise (et toise) le cortège des Marquises, auxquelles il rend, a minima, leurs saluts. |
|B | !LE CORTÈGE DES MARQUISES |Les Marquises, qui pipelettaient déjà entre elles, en attente à //Jardin Bas//, défilent devant la scène - dans l'esprit de leur caractère - vers l'//escalier Cour//, en se faisant des grâces. C'est à qui passera la première (Claudine, Denise), ou la dernière (Brigitte, Nicole).<br>Dans le même temps, sur //scène haute//, Basquaise dispose les sièges selon les indications de Célimène (appuyée par Éliante).<br> |
|C | !L'INSTALLATION DES MARQUISES |Elles montent l'escalier, saluent élégamment Célimène, et prennent place. Claudine, sans se poser de questions s'assied sur le siège central. <br>Brigitte et Nicole entrent : à qui saluera la première Célimène, à qui aura le siège qu'elles croient devoir leur revenir. Brigitte gagne, en indiquant suavement mais fermement à Claudine de rejoindre un siège mieux en rapport avec le statut auquel elle peut prétendre.<br>Eliante se met un peu à l'écart en observant de manière plutôt amusée, mais bienveillante, les manèges des unes et des autres.<br>Philinte arrive à son tour, adresse un salut léger à toutes pour signifier qu'on ne s'interrompe pas pour lui, et va rejoindre Éliante. |
|D | !LE RITUEL DES PORTRAITS |Brigitte obtient le silence et l'attention, et, d'un regard à Célimène s'assure que celle-ci l'invite à prendre d'abord la parole.<br>Toutes, pour chaque intervention, miment d'abord le travers dont elles vont se moquer, ou la souffrance qu'elles affectent de ressentir, avant d'en prononcer les mots.<br>Chaque fois que le texte permet de faire un effet, elles l'annoncent par leur diction (ou par une suspension) et par leur posture, et mettent exagérément en valeur leur bon mot. Elles s'arrêtent pour jouir de la gratification qu'elles en espèrent de la part de l'assistance.<br>Suivant les cas et les caractères, cette gratification peut aller de la réprobation (au rire intempestif de Basquaise), à l'adulation ostensiblement manifestée (à Célimène), en passant par la remontrance navrée (à Claudine), le silence absent, le sourire contraint, l'applaudissement plus ou moins esquissé ou au contraire exagéré.<br>Éliante et Philinte, tout au contraire, qui représentent le raisonnable, s'expriment toujours avec simplicité, en observateurs sans illusions, mais toujouirs facilitateurs bienveillants. |
|E | !L'ARRIVÉE D'ARSINOÉ |//(Bruit de carosse qui arrive dans la cour)//<br>Les Marquises, curieuses, vont à la fenêtre auprès de Célimène //(Jardin Haut, face public)//.<br>Basquaise sort (//porte Jardin fond de scène//).<br>Éliante et Philinte entendent, à distance, le début du portrait acéré que Célimène fait d'Arsinoé, ils se concertent rapidement du regard et se retirent par l'escalier Cour,<br>Lorsqu'Arsinoé entre (//par le même escalier//), les Marquises se regroupent prestement en fond de scène. On sent qu'elles sont très friandes de voir l'afrrontement qui ne va pas manquer d'avoir lieu.<br>Mais Célimène, quand elle dit « //Ah ! mon Dieu ! que je suis contente de vous voir !// », leur fait signe de les laisser seules. Elles descendent à regret, et traversent la scène bas jusqu'à Jardin Bas, en disposition de pipelettage ! |
/***
|Name|TagCloudPlugin|
|Source|http://www.TiddlyTools.com/#TagCloudPlugin|
|Version|1.3.0|
|Author|Eric Shulman|
|Original Author|Clint Checketts|
|License|unknown|
|~CoreVersion|2.1|
|Type|plugin|
|Requires||
|Overrides||
|Description|present a 'cloud' of tags using proportional font display|
!Usage
<<<
{{{<<tagCloud>>}}}
> show all tags in the document
{{{<<tagCloud tag tag tag...>>}}}
> show all tags except those listed as parameters
{{{<<tagCloud +TiddlerName>>}}}
> show all tags listed within {{{TiddlerName}}} (using a space-separated, bracketed list)
{{{<<tagCloud =tagvalue>>}}}
> show only tags that are themselves tagged with the indicated tag value (i.e., ~TagglyTagging usage)
<<<
!Examples
<<<
{{{<<tagCloud>>}}} - //show all tags//
<<tagCloud>>
----
{{{<<tagCloud +FavoriteTags>>}}} - //show tags listed in// [[FavoriteTags]]
<<tagCloud +FavoriteTags>>
----
{{{<<tagCloud =package>>}}} - //show tags tagged with 'package'//
<<tagCloud =package>>
<<<
!Revisions
<<<
2008.11.15 [1.3.0] ELS: added {{{+TiddlerName}}} parameter to include only tags that are listed in the indicated tiddler
2008.09.05 [1.2.0] ELS: added '=tagname' parameter to include only tags that are themselves tagged with the specified value (i.e., ~TagglyTagging usage)
2008.07.03 [1.1.0] ELS: added 'segments' property to macro object. Extensive code cleanup
<<<
!Code
***/
//{{{
version.extensions.TagCloudPlugin= {major: 1, minor: 3 , revision: 0, date: new Date(2008,11,15)};
//Created by Clint Checketts, contributions by Jonny Leroy and Eric Shulman
config.shadowTiddlers.TagCloud="<<tagCloud>>";
setStylesheet("\
.tagCloud span{height: 3.5em;margin: 3px;}\
.tagCloud1{font-size: 180%;}\
.tagCloud2{font-size: 180%;}\
.tagCloud3{font-size: 180%;}\
.tagCloud4{font-size: 180%;}\
.tagCloud5{font-size: 180%;}\
.tagCloud6{font-size: 180%;}\
",
"tagCloudsStyles");
config.macros.tagCloud = {
noTags: "No tag cloud created because there are no tags.",
tooltip: "%1 tiddlers tagged with '%0'",
segments: 5,
handler: function(place,macroName,params) {
var inc=[]; var ex=[];
if (params.length) {
if (params[0].substr(0,1)=="+") { // get tag list from tiddler
var inc=store.getTiddlerText(params[0].substr(1),'').readBracketedList();
} else if (params[0].substr(0,1)=="=") { // get tag list using tagged tags
var tagged=store.getTaggedTiddlers(params[0].substr(1));
for (var t=0; t<tagged.length; t++) inc.push(tagged[t].title);
} else ex=params; // exclude params
}
var tags=store.getTags(); // get all tags
for (var t=0; t<tags.length; t++) { // include/exclude specific tags
if (inc.length && !inc.contains(tags[t][0])) tags[t][0]="";
if (ex.length && ex.contains(tags[t][0])) tags[t][0]="";
}
// get maximum number of tags to calculate tagCloud segment sizes
var mostTags=0;
for (var t=0; t<tags.length; t++) if (tags[t][0].length > 0)
if (tags[t][1]>mostTags) mostTags=tags[t][1];
var tagSegment=mostTags/config.macros.tagCloud.segments;
// output
var tagCloudWrapper = createTiddlyElement(place,"div",null,"tagCloud",null);
if(!tags.length)
createTiddlyElement(tagCloudWrapper,"span",null,null,this.noTags);
else for (var t=0; t<tags.length; t++) if (tags[t][0].length > 0){
tagCloudWrapper.appendChild(document.createTextNode(" "));
var theTag = createTiddlyButton(tagCloudWrapper,
tags[t][0],this.tooltip.format(tags[t]),onClickTag,
"tagCloudtag tagCloud" + (Math.round(tags[t][1]/tagSegment)+1));
theTag.setAttribute("tag",tags[t][0]);
}
}
};
//}}}
{{{
// Create a button for a tag with a popup listing all the tiddlers that it tags
//# title and tooltip arguments are optional
createTagButton = function(place,tag,excludeTiddler,title,tooltip)
{
if (tag == "Menu")
var onClick = onClickMenuTag;
else
var onClick = onClickTag;
var btn = createTiddlyButton(place,title||tag,(tooltip||config.views.wikified.tag.tooltip).format([tag]), onClick);
btn.setAttribute("tag",tag);
if(excludeTiddler)
btn.setAttribute("tiddler",excludeTiddler);
return btn;
}
// Event handler for clicking on a tiddler tag
function onClickMenuTag(ev)
{
var e = ev || window.event;
var popup = Popup.create(this);
var tag = this.getAttribute("tag");
var title = this.getAttribute("tiddler");
if(popup && tag) {
var tagged = store.getTaggedTiddlers(tag);
var titles = [];
var li,r;
for(r=0;r<tagged.length;r++) {
if(tagged[r].title != title)
titles.push(tagged[r].title);
}
var lingo = config.views.wikified.tag;
if(titles.length > 0) {
for(r=0; r<titles.length; r++) {
//function(place,title,params,label,prompt,accessKey,newFocus,isJournal)
if (titles[r] == "<<newTiddler>>")
config.macros.newTiddler.createNewTiddlerButton(createTiddlyElement(popup,"li"),"New Tiddler ","","New Tiddler", "create a new tiddler");
else
createTiddlyLink(createTiddlyElement(popup,"li"),titles[r],true);
}
} else {
createTiddlyText(createTiddlyElement(popup,"li",null,"disabled"),lingo.popupNone.format([tag]));
}
}
Popup.show();
e.cancelBubble = true;
if(e.stopPropagation) e.stopPropagation();
return false;
}
}}}
/***
|Name:|TagglyTaggingPlugin|
|Description:|tagglyTagging macro is a replacement for the builtin tagging macro in your ViewTemplate|
|Version:|3.3.2a|
|Date:|27-Jun-2011|
|Source:|http://mptw.tiddlyspot.com/#TagglyTaggingPlugin|
|Author:|Simon Baird <simon.baird@gmail.com>|
|License:|http://mptw.tiddlyspot.com/#TheBSDLicense|
!Notes
See http://mptw.tiddlyspot.com/#TagglyTagging
***/
//{{{
merge(String.prototype,{
parseTagExpr: function(debug) {
if (this.trim() == "")
return "(true)";
var anyLogicOp = /(!|&&|\|\||\(|\))/g;
var singleLogicOp = /^(!|&&|\|\||\(|\))$/;
var spaced = this.
// because square brackets in templates are no good
// this means you can use [(With Spaces)] instead of [[With Spaces]]
replace(/\[\(/g," [[").
replace(/\)\]/g,"]] ").
// space things out so we can use readBracketedList. tricky eh?
replace(anyLogicOp," $1 ");
var expr = "";
var tokens = spaced.readBracketedList(false); // false means don't uniq the list. nice one JR!
for (var i=0;i<tokens.length;i++)
if (tokens[i].match(singleLogicOp))
expr += tokens[i];
else
expr += "tiddler.tags.contains('%0')".format([tokens[i].replace(/'/,"\\'")]); // fix single quote bug. still have round bracket bug i think
if (debug)
alert(expr);
return '('+expr+')';
}
});
merge(TiddlyWiki.prototype,{
getTiddlersByTagExpr: function(tagExpr,sortField) {
var result = [];
var expr = tagExpr.parseTagExpr();
store.forEachTiddler(function(title,tiddler) {
if (eval(expr))
result.push(tiddler);
});
if(!sortField)
sortField = "title";
result.sort(function(a,b) {return a[sortField] < b[sortField] ? -1 : (a[sortField] == b[sortField] ? 0 : +1);});
return result;
}
});
config.taggly = {
// for translations
lingo: {
labels: {
asc: "\u2191", // down arrow
desc: "\u2193", // up arrow
title: "title",
modified: "modified",
created: "created",
show: "+",
hide: "-",
normal: "normal",
group: "group",
commas: "commas",
sitemap: "sitemap",
numCols: "cols\u00b1", // plus minus sign
label: "Tagged as '%0':",
exprLabel: "Matching tag expression '%0':",
excerpts: "excerpts",
descr: "descr",
slices: "slices",
contents: "contents",
sliders: "sliders",
noexcerpts: "title only",
noneFound: "(none)"
},
tooltips: {
title: "Click to sort by title",
modified: "Click to sort by modified date",
created: "Click to sort by created date",
show: "Click to show tagging list",
hide: "Click to hide tagging list",
normal: "Click to show a normal ungrouped list",
group: "Click to show list grouped by tag",
sitemap: "Click to show a sitemap style list",
commas: "Click to show a comma separated list",
numCols: "Click to change number of columns",
excerpts: "Click to show excerpts",
descr: "Click to show the description slice",
slices: "Click to show all slices",
contents: "Click to show entire tiddler contents",
sliders: "Click to show tiddler contents in sliders",
noexcerpts: "Click to show entire title only"
},
tooDeepMessage: "* //sitemap too deep...//"
},
config: {
showTaggingCounts: true,
listOpts: {
// the first one will be the default
sortBy: ["title","modified","created"],
sortOrder: ["asc","desc"],
hideState: ["show","hide"],
listMode: ["normal","group","sitemap","commas"],
numCols: ["1","2","3","4","5","6"],
excerpts: ["noexcerpts","excerpts","descr","slices","contents","sliders"]
},
valuePrefix: "taggly.",
excludeTags: ["excludeLists","excludeTagging"],
excerptSize: 50,
excerptMarker: "/%"+"%/",
siteMapDepthLimit: 25
},
getTagglyOpt: function(title,opt) {
var val = store.getValue(title,this.config.valuePrefix+opt);
return val ? val : this.config.listOpts[opt][0];
},
setTagglyOpt: function(title,opt,value) {
// create it silently if it doesn't exist
if (!store.tiddlerExists(title)) {
store.saveTiddler(title,title,config.views.editor.defaultText.format([title]),config.options.txtUserName,new Date(),"");
// <<tagglyTagging expr:"...">> creates a tiddler to store its display settings
// Make those tiddlers less noticeable by tagging as excludeSearch and excludeLists
// Because we don't want to hide real tags, check that they aren't actually tags before doing so
// Also tag them as tagglyExpression for manageability
// (contributed by RA)
if (!store.getTaggedTiddlers(title).length) {
store.setTiddlerTag(title,true,"excludeSearch");
store.setTiddlerTag(title,true,"excludeLists");
store.setTiddlerTag(title,true,"tagglyExpression");
}
}
// if value is default then remove it to save space
return store.setValue(title, this.config.valuePrefix+opt, value == this.config.listOpts[opt][0] ? null : value);
},
getNextValue: function(title,opt) {
var current = this.getTagglyOpt(title,opt);
var pos = this.config.listOpts[opt].indexOf(current);
// supposed to automagically don't let cols cycle up past the number of items
// currently broken in some situations, eg when using an expression
// lets fix it later when we rewrite for jquery
// the columns thing should be jquery table manipulation probably
var limit = (opt == "numCols" ? store.getTaggedTiddlers(title).length : this.config.listOpts[opt].length);
var newPos = (pos + 1) % limit;
return this.config.listOpts[opt][newPos];
},
toggleTagglyOpt: function(title,opt) {
var newVal = this.getNextValue(title,opt);
this.setTagglyOpt(title,opt,newVal);
},
createListControl: function(place,title,type) {
var lingo = config.taggly.lingo;
var label;
var tooltip;
var onclick;
if ((type == "title" || type == "modified" || type == "created")) {
// "special" controls. a little tricky. derived from sortOrder and sortBy
label = lingo.labels[type];
tooltip = lingo.tooltips[type];
if (this.getTagglyOpt(title,"sortBy") == type) {
label += lingo.labels[this.getTagglyOpt(title,"sortOrder")];
onclick = function() {
config.taggly.toggleTagglyOpt(title,"sortOrder");
return false;
}
}
else {
onclick = function() {
config.taggly.setTagglyOpt(title,"sortBy",type);
config.taggly.setTagglyOpt(title,"sortOrder",config.taggly.config.listOpts.sortOrder[0]);
return false;
}
}
}
else {
// "regular" controls, nice and simple
label = lingo.labels[type == "numCols" ? type : this.getNextValue(title,type)];
tooltip = lingo.tooltips[type == "numCols" ? type : this.getNextValue(title,type)];
onclick = function() {
config.taggly.toggleTagglyOpt(title,type);
return false;
}
}
// hide button because commas don't have columns
if (!(this.getTagglyOpt(title,"listMode") == "commas" && type == "numCols"))
createTiddlyButton(place,label,tooltip,onclick,type == "hideState" ? "hidebutton" : "button");
},
makeColumns: function(orig,numCols) {
var listSize = orig.length;
var colSize = listSize/numCols;
var remainder = listSize % numCols;
var upperColsize = colSize;
var lowerColsize = colSize;
if (colSize != Math.floor(colSize)) {
// it's not an exact fit so..
upperColsize = Math.floor(colSize) + 1;
lowerColsize = Math.floor(colSize);
}
var output = [];
var c = 0;
for (var j=0;j<numCols;j++) {
var singleCol = [];
var thisSize = j < remainder ? upperColsize : lowerColsize;
for (var i=0;i<thisSize;i++)
singleCol.push(orig[c++]);
output.push(singleCol);
}
return output;
},
drawTable: function(place,columns,theClass) {
var newTable = createTiddlyElement(place,"table",null,theClass);
var newTbody = createTiddlyElement(newTable,"tbody");
var newTr = createTiddlyElement(newTbody,"tr");
for (var j=0;j<columns.length;j++) {
var colOutput = "";
for (var i=0;i<columns[j].length;i++)
colOutput += columns[j][i];
var newTd = createTiddlyElement(newTr,"td",null,"tagglyTagging"); // todo should not need this class
wikify(colOutput,newTd);
}
return newTable;
},
createTagglyList: function(place,title,isTagExpr) {
switch(this.getTagglyOpt(title,"listMode")) {
case "group": return this.createTagglyListGrouped(place,title,isTagExpr); break;
case "normal": return this.createTagglyListNormal(place,title,false,isTagExpr); break;
case "commas": return this.createTagglyListNormal(place,title,true,isTagExpr); break;
case "sitemap":return this.createTagglyListSiteMap(place,title,isTagExpr); break;
}
},
getTaggingCount: function(title,isTagExpr) {
// thanks to Doug Edmunds
if (this.config.showTaggingCounts) {
var tagCount = config.taggly.getTiddlers(title,'title',isTagExpr).length;
if (tagCount > 0)
return " ("+tagCount+")";
}
return "";
},
getTiddlers: function(titleOrExpr,sortBy,isTagExpr) {
return isTagExpr ? store.getTiddlersByTagExpr(titleOrExpr,sortBy) : store.getTaggedTiddlers(titleOrExpr,sortBy);
},
getExcerpt: function(inTiddlerTitle,title,indent) {
if (!indent)
indent = 1;
var displayMode = this.getTagglyOpt(inTiddlerTitle,"excerpts");
var t = store.getTiddler(title);
if (t && displayMode == "excerpts") {
var text = t.text.replace(/\n/," ");
var marker = text.indexOf(this.config.excerptMarker);
if (marker != -1) {
return " {{excerpt{<nowiki>" + text.substr(0,marker) + "</nowiki>}}}";
}
else if (text.length < this.config.excerptSize) {
return " {{excerpt{<nowiki>" + t.text + "</nowiki>}}}";
}
else {
return " {{excerpt{<nowiki>" + t.text.substr(0,this.config.excerptSize) + "..." + "</nowiki>}}}";
}
}
else if (t && displayMode == "contents") {
return "\n{{contents indent"+indent+"{\n" + t.text + "\n}}}";
}
else if (t && displayMode == "sliders") {
return "<slider slide>\n{{contents{\n" + t.text + "\n}}}\n</slider>";
}
else if (t && displayMode == "descr") {
var descr = store.getTiddlerSlice(title,'Description');
return descr ? " {{excerpt{" + descr + "}}}" : "";
}
else if (t && displayMode == "slices") {
var result = "";
var slices = store.calcAllSlices(title);
for (var s in slices)
result += "|%0|<nowiki>%1</nowiki>|\n".format([s,slices[s]]);
return result ? "\n{{excerpt excerptIndent{\n" + result + "}}}" : "";
}
return "";
},
notHidden: function(t,inTiddler) {
if (typeof t == "string")
t = store.getTiddler(t);
return (!t || !t.tags.containsAny(this.config.excludeTags) ||
(inTiddler && this.config.excludeTags.contains(inTiddler)));
},
// this is for normal and commas mode
createTagglyListNormal: function(place,title,useCommas,isTagExpr) {
var list = config.taggly.getTiddlers(title,this.getTagglyOpt(title,"sortBy"),isTagExpr);
if (this.getTagglyOpt(title,"sortOrder") == "desc")
list = list.reverse();
var output = [];
var first = true;
for (var i=0;i<list.length;i++) {
if (this.notHidden(list[i],title)) {
var countString = this.getTaggingCount(list[i].title);
var excerpt = this.getExcerpt(title,list[i].title);
if (useCommas)
output.push((first ? "" : ", ") + "[[" + list[i].title + "]]" + countString + excerpt);
else
output.push("*[[" + list[i].title + "]]" + countString + excerpt + "\n");
first = false;
}
}
return this.drawTable(place,
this.makeColumns(output,useCommas ? 1 : parseInt(this.getTagglyOpt(title,"numCols"))),
useCommas ? "commas" : "normal");
},
// this is for the "grouped" mode
createTagglyListGrouped: function(place,title,isTagExpr) {
var sortBy = this.getTagglyOpt(title,"sortBy");
var sortOrder = this.getTagglyOpt(title,"sortOrder");
var list = config.taggly.getTiddlers(title,sortBy,isTagExpr);
if (sortOrder == "desc")
list = list.reverse();
var leftOvers = []
for (var i=0;i<list.length;i++)
leftOvers.push(list[i].title);
var allTagsHolder = {};
for (var i=0;i<list.length;i++) {
for (var j=0;j<list[i].tags.length;j++) {
if (list[i].tags[j] != title) { // not this tiddler
if (this.notHidden(list[i].tags[j],title)) {
if (!allTagsHolder[list[i].tags[j]])
allTagsHolder[list[i].tags[j]] = "";
if (this.notHidden(list[i],title)) {
allTagsHolder[list[i].tags[j]] += "**[["+list[i].title+"]]"
+ this.getTaggingCount(list[i].title) + this.getExcerpt(title,list[i].title) + "\n";
leftOvers.setItem(list[i].title,-1); // remove from leftovers. at the end it will contain the leftovers
}
}
}
}
}
var allTags = [];
for (var t in allTagsHolder)
allTags.push(t);
var sortHelper = function(a,b) {
if (a == b) return 0;
if (a < b) return -1;
return 1;
};
allTags.sort(function(a,b) {
var tidA = store.getTiddler(a);
var tidB = store.getTiddler(b);
if (sortBy == "title") return sortHelper(a,b);
else if (!tidA && !tidB) return 0;
else if (!tidA) return -1;
else if (!tidB) return +1;
else return sortHelper(tidA[sortBy],tidB[sortBy]);
});
var leftOverOutput = "";
for (var i=0;i<leftOvers.length;i++)
if (this.notHidden(leftOvers[i],title))
leftOverOutput += "*[["+leftOvers[i]+"]]" + this.getTaggingCount(leftOvers[i]) + this.getExcerpt(title,leftOvers[i]) + "\n";
var output = [];
if (sortOrder == "desc")
allTags.reverse();
else if (leftOverOutput != "")
// leftovers first...
output.push(leftOverOutput);
for (var i=0;i<allTags.length;i++)
if (allTagsHolder[allTags[i]] != "")
output.push("*[["+allTags[i]+"]]" + this.getTaggingCount(allTags[i]) + this.getExcerpt(title,allTags[i]) + "\n" + allTagsHolder[allTags[i]]);
if (sortOrder == "desc" && leftOverOutput != "")
// leftovers last...
output.push(leftOverOutput);
return this.drawTable(place,
this.makeColumns(output,parseInt(this.getTagglyOpt(title,"numCols"))),
"grouped");
},
// used to build site map
treeTraverse: function(title,depth,sortBy,sortOrder,isTagExpr) {
var list = config.taggly.getTiddlers(title,sortBy,isTagExpr);
if (sortOrder == "desc")
list.reverse();
var indent = "";
for (var j=0;j<depth;j++)
indent += "*"
var childOutput = "";
if (depth > this.config.siteMapDepthLimit)
childOutput += indent + this.lingo.tooDeepMessage + "\n";
else
for (var i=0;i<list.length;i++)
if (list[i].title != title)
if (this.notHidden(list[i].title,this.config.inTiddler))
childOutput += this.treeTraverse(list[i].title,depth+1,sortBy,sortOrder,false);
if (depth == 0)
return childOutput;
else
return indent + "[["+title+"]]" + this.getTaggingCount(title) + this.getExcerpt(this.config.inTiddler,title,depth) + "\n" + childOutput;
},
// this if for the site map mode
createTagglyListSiteMap: function(place,title,isTagExpr) {
this.config.inTiddler = title; // nasty. should pass it in to traverse probably
var output = this.treeTraverse(title,0,this.getTagglyOpt(title,"sortBy"),this.getTagglyOpt(title,"sortOrder"),isTagExpr);
return this.drawTable(place,
this.makeColumns(output.split(/(?=^\*\[)/m),parseInt(this.getTagglyOpt(title,"numCols"))), // regexp magic
"sitemap"
);
},
macros: {
tagglyTagging: {
handler: function (place,macroName,params,wikifier,paramString,tiddler) {
var parsedParams = paramString.parseParams("tag",null,true);
var refreshContainer = createTiddlyElement(place,"div");
// do some refresh magic to make it keep the list fresh - thanks Saq
refreshContainer.setAttribute("refresh","macro");
refreshContainer.setAttribute("macroName",macroName);
var tag = getParam(parsedParams,"tag");
var expr = getParam(parsedParams,"expr");
if (expr) {
refreshContainer.setAttribute("isTagExpr","true");
refreshContainer.setAttribute("title",expr);
refreshContainer.setAttribute("showEmpty","true");
}
else {
refreshContainer.setAttribute("isTagExpr","false");
if (tag) {
refreshContainer.setAttribute("title",tag);
refreshContainer.setAttribute("showEmpty","true");
}
else {
refreshContainer.setAttribute("title",tiddler.title);
refreshContainer.setAttribute("showEmpty","false");
}
}
this.refresh(refreshContainer);
},
refresh: function(place) {
var title = place.getAttribute("title");
var isTagExpr = place.getAttribute("isTagExpr") == "true";
var showEmpty = place.getAttribute("showEmpty") == "true";
jQuery(place).empty()
jQuery(place).addClass("tagglyTagging");
var countFound = config.taggly.getTiddlers(title,'title',isTagExpr).length
if (countFound > 0 || showEmpty) {
var lingo = config.taggly.lingo;
config.taggly.createListControl(place,title,"hideState");
if (config.taggly.getTagglyOpt(title,"hideState") == "show") {
createTiddlyElement(place,"span",null,"tagglyLabel",
isTagExpr ? lingo.labels.exprLabel.format([title]) : lingo.labels.label.format([title]));
config.taggly.createListControl(place,title,"title");
config.taggly.createListControl(place,title,"modified");
config.taggly.createListControl(place,title,"created");
config.taggly.createListControl(place,title,"listMode");
config.taggly.createListControl(place,title,"excerpts");
config.taggly.createListControl(place,title,"numCols");
config.taggly.createTagglyList(place,title,isTagExpr);
if (countFound == 0 && showEmpty)
createTiddlyElement(place,"div",null,"tagglyNoneFound",lingo.labels.noneFound);
}
}
}
}
},
// todo fix these up a bit
styles: [
"/*{{{*/",
"/* created by TagglyTaggingPlugin */",
".tagglyTagging { padding-top:0.5em; }",
".tagglyTagging li.listTitle { display:none; }",
".tagglyTagging ul {",
" margin-top:0px; padding-top:0.5em; padding-left:2em;",
" margin-bottom:0px; padding-bottom:0px;",
"}",
".tagglyTagging { vertical-align: top; margin:0px; padding:0px; }",
".tagglyTagging table { margin:0px; padding:0px; }",
".tagglyTagging .button { visibility:hidden; margin-left:3px; margin-right:3px; }",
".tagglyTagging .button, .tagglyTagging .hidebutton {",
" color:[[ColorPalette::TertiaryLight]]; font-size:90%;",
" border:0px; padding-left:0.3em;padding-right:0.3em;",
"}",
".tagglyTagging .button:hover, .hidebutton:hover, ",
".tagglyTagging .button:active, .hidebutton:active {",
" border:0px; background:[[ColorPalette::TertiaryPale]]; color:[[ColorPalette::TertiaryDark]];",
"}",
".selected .tagglyTagging .button { visibility:visible; }",
".tagglyTagging .hidebutton { color:[[ColorPalette::Background]]; }",
".selected .tagglyTagging .hidebutton { color:[[ColorPalette::TertiaryLight]] }",
".tagglyLabel { color:[[ColorPalette::TertiaryMid]]; font-size:90%; }",
".tagglyTagging ul {padding-top:0px; padding-bottom:0.5em; margin-left:1em; }",
".tagglyTagging ul ul {list-style-type:disc; margin-left:-1em;}",
".tagglyTagging ul ul li {margin-left:0.5em; }",
".editLabel { font-size:90%; padding-top:0.5em; }",
".tagglyTagging .commas { padding-left:1.8em; }",
"/* not technically tagglytagging but will put them here anyway */",
".tagglyTagged li.listTitle { display:none; }",
".tagglyTagged li { display: inline; font-size:90%; }",
".tagglyTagged ul { margin:0px; padding:0px; }",
".excerpt { color:[[ColorPalette::TertiaryDark]]; }",
".excerptIndent { margin-left:4em; }",
"div.tagglyTagging table,",
"div.tagglyTagging table tr,",
"td.tagglyTagging",
" {border-style:none!important; }",
".tagglyTagging .contents { border-bottom:2px solid [[ColorPalette::TertiaryPale]]; padding:0 1em 1em 0.5em;",
" margin-bottom:0.5em; }",
".tagglyTagging .indent1 { margin-left:3em; }",
".tagglyTagging .indent2 { margin-left:4em; }",
".tagglyTagging .indent3 { margin-left:5em; }",
".tagglyTagging .indent4 { margin-left:6em; }",
".tagglyTagging .indent5 { margin-left:7em; }",
".tagglyTagging .indent6 { margin-left:8em; }",
".tagglyTagging .indent7 { margin-left:9em; }",
".tagglyTagging .indent8 { margin-left:10em; }",
".tagglyTagging .indent9 { margin-left:11em; }",
".tagglyTagging .indent10 { margin-left:12em; }",
".tagglyNoneFound { margin-left:2em; color:[[ColorPalette::TertiaryMid]]; font-size:90%; font-style:italic; }",
"/*}}}*/",
""].join("\n"),
init: function() {
merge(config.macros,this.macros);
config.shadowTiddlers["TagglyTaggingStyles"] = this.styles;
store.addNotification("TagglyTaggingStyles",refreshStyles);
}
};
config.taggly.init();
//}}}
/***
InlineSlidersPlugin
By Saq Imtiaz
http://tw.lewcid.org/sandbox/#InlineSlidersPlugin
// syntax adjusted to not clash with NestedSlidersPlugin
// added + syntax to start open instead of closed
***/
//{{{
config.formatters.unshift( {
name: "inlinesliders",
// match: "\\+\\+\\+\\+|\\<slider",
match: "\\<slider",
// lookaheadRegExp: /(?:\+\+\+\+|<slider) (.*?)(?:>?)\n((?:.|\n)*?)\n(?:====|<\/slider>)/mg,
lookaheadRegExp: /(?:<slider)(\+?) (.*?)(?:>)\n((?:.|\n)*?)\n(?:<\/slider>)/mg,
handler: function(w) {
this.lookaheadRegExp.lastIndex = w.matchStart;
var lookaheadMatch = this.lookaheadRegExp.exec(w.source)
if(lookaheadMatch && lookaheadMatch.index == w.matchStart ) {
var btn = createTiddlyButton(w.output,lookaheadMatch[2] + " "+"\u00BB",lookaheadMatch[2],this.onClickSlider,"button sliderButton");
var panel = createTiddlyElement(w.output,"div",null,"sliderPanel");
panel.style.display = (lookaheadMatch[1] == '+' ? "block" : "none");
wikify(lookaheadMatch[3],panel);
w.nextMatch = lookaheadMatch.index + lookaheadMatch[0].length;
}
},
onClickSlider : function(e) {
if(!e) var e = window.event;
var n = this.nextSibling;
n.style.display = (n.style.display=="none") ? "block" : "none";
return false;
}
});
//}}}
!Tante Bise^^
//Extrait de L'huluberlu - acte 1 //
Jean Anouilh^^
>//Tante Bise est seule. On s’aperçoit alors qu’elle est en larmes, son mouchoir trempé roulé en boule à la main... Elle marche nerveusement dans la pièce, se pressant les mains et s’écroule finalement en gémissant.//
;Tante Bise
:Jamais ! Jamais je n’oserai l’avouer. À mon âge !...
://Elle s’abîme dans un fauteuil. Le Général, rentrant, la trouve dans cet état.//
;Le Général
:Allons bon ! Qu’est-ce qu’il y a encore ?
;Tante Bise se redresse
:Ludovic ! Il n’y a qu'à toi que je peux me confier. ,..
;Le Général grommelle
:Je le crains, hélas ! Qu'est-ce qu'il y a? . . . . ,
;Tante Bise
:Ludovic, je crois que je suis aimée.
;Le Général sourcille
:On aura tout vu !
;Tante Bise, hoquetant
:Par un homme.
;Le Général
:C’est courant.
;Tante Bise
:Un homme indigne.
;Le Général
:C'est également courant. Mais c est peut-être tout simplement un inconscient ? _
;Tante Bise secoue la tête
:Non ! Je suis irrémédiablement compromise. .....
;Le Général
:N’exagérons rien. On n'est jamais irrémédiablement compromis en France. Je connais cet homme?
;Tante Bise
:Il ne s’agit pas de la France, Ludovic. La réputation d’une femme est infiniment plus fragile que celle d’un homme politique. Apprends-le.
;Le Général
:Tu as du crédit, que diable ! Voila quarante et quelques années que la tienne eft inattaquable... et inattaquée !
;Tante Bise
:Ce temps virginel est passé.
;Le Général
:Nom d'une pipe ! Qu'est-ce que tu me chantes ?
;Tante Bise, dans un souffle
:J'ai cédé.
;Le Général a d'abord le souffle coupé, puis éclate de rire.
:Eh bien, mais ela me parait une bonne nouvelle ! Il ajoute, rèveur Mais qui a pu ?
;Tante Bise
:Tu vois, Ludovic ! Tu le cries toi-meme, indigné. Qui a pu ?
;Le Général
:Mais, mais non ! Pas indigné, je t'assure. Curieux, tout simplement.
;Tante Bise, sombre
:C’est un de tes amis, Ludovic. tu es mon grand frère, mon seul défenseur. J’entends que tu convoques cet homme et que tu le sommes de réparer. Ton honneur est en jeu.
;Le Général grommelle
:Mon honneur... Mon honneur C’eft vite dit. Avoue que tu le places dans de curieux endroits, mon honneur.
;Tante Bise, dressée comme une furie
:Ludovic ! Tu es un grossier personnage ! Qu’as-tu osé croire ?
;Le Général, embarrassé.
:Je ne sais pas, moi... Tu roules ton mouchoir en boule. Tu sanglotes, tu me dis qu’on t’a compromise, que tu as cédé... Avertis si ce sont des métaphores et traduis-moi cela en bon français.
;Tante Bise
:Christian Lebelluc, cet être séduisant et indigne, a abusé de moi. Voilà. C’est français ?
;Le Général est d'abord interloqué, puis son oeil s’allume, guoguenard
:Lebelluc ? Non ?
;Tante Bise
:Ton ami !
;Le Général
:N’exagérons rien. C’est une bonne fourchette. Je dîne avec lui une fois par semaine. Mais on peut être une bonne fourchette et... Qu’entends-tu au juste par abuser ?
;Tante Bise:pincée
:Epargne-moi les précisions, Ludovic !
;Le Général
:Cela serait trop facile. Tu penses bien que je ne vais pas me fourrer dans une histoire impossible sans précisions. Qu’entends-tu, dans ta maigre cervelle, par abuser ?
;Tante Bise
:Tu m’as demandé de te parler français. « Abuser » est un mot français, il me semble ?
://Elle le toise, digne et brisée.//
:C'est bien. Tu l’auras voulu. Je dirai tout.
://Elle commence ://
:Christian Lebelluc me regardait depuis des années...
;Le Général
:Quand il te rencontrait, comme tout le monde...
;Tante Bise
:Pas comme tout le monde ! Il y avait quelque chose dans son œil. ' ^
;Le Général
:Tu as rêvé ! Un peu de lumière, un reflet.
:Les peintres et les photographes te le diront. Les états d’âme,c'est une question d’éclairage... C’est comme cela qu’on fait du cinéma. Tu prends un imbécile qui ne pense à rien ; tu lui fourres un projecteur dans l’œil en gros plan et cela te donne Pascal méditant le roseau pensant.
;Tante Bise secoue la tête
: Il n’y a pas de projecteur, Ludovic, qui fasse naître le reflet de la concupiscence.
;Le Général
:Voire ! La concupiscence est plus rare que ne se l’imaginent les vieilles filles.
;Tante Bise
:D’ailleurs, tant qu’il ne s’est agi que d'um reflet dans son regard — dont il n’était peut-être pas maître — je n ai rien dit. Il y a quelques jours, il est passé aux gestes. Brusquement, un soir, dans une porte, sous le prétexte trop commode de me faire passer devant lui, il m a effleuré la taille.
;Le Général a un geste impatient
:Passons !
;Tante Bise
:Je suis passée. Mais quand je lui ai tendu sa tasse de thé un mêlant plus tard au salon, j’ai vu son regard briller d'envie
;Le Général
:Il adore le thé. Il avait peut-être soif.
;Tante Bise
:Non. Il ne l'a même pas bu.
;Le Général
:Il déteste le thé, alors. Il aurait préféré du whisky.
://Le Général secoue la tête, un sourire amer aux lèvres //
;Tante Bise
:Non, Ludovic. Un tel regard ne peut tromper une femme. C'était de moi qu'il avait soif.
;Le Général
:Cela me parait invraisemblable. Mais admettons. Tu lui as donné à boire ?
;Tante Bise reste un instant tremblante d’une indignation lourde de silence outragé, puis elle clame
:Je me tuerai, Ludovic !
://Et elle sort en courant.//
;Le Général court après ellejusqu’au seuil, lui criant
:Ne te tues pas sans préciser, nom d’un chien ! Tu lui as donné a boire ?
://Elle ne répond pas, courant sans doute comme une folle dans le jardin. //
;Le Général la regarde courir un instant, puis revient grommelant, goguenard :
:Quelle potion d’ailleurs ! Pauvre Lebelluc ! Le voilà dans de jolis draps.
!!!!!!Rideau
{{center{[img(20%,)[http://scontent.cdninstagram.com/t51.2885-15/s480x480/e15/11191373_473934226097495_150614947_n.jpg]]}}}
!Te manquer
!!!!!{{center{Johnny Hallyday : paroles de sa chanson
Écrite par Jeanne Cherhal, composée par Yodélice}}}
{{center{
Je partirai un soir, quant tu m’aimeras encore
Je partirai d’ici pour raviver le feu.
Pour tracer de mémoire, les contours de ton corps
Je partirai aussi pour le plaisir du jeu.
Te manquer, te manquer, je voudrais te manquer.
Je garderai pour toi le plus doux des silences
Je resterai des jours, intraçable et muet.
Je ferai de ma voix l’écho de mon absence,
Et de tout cet amour, un sentiment parfait
Te manquer, te manquer, je voudrais te manquer.
J’inventerai loin de toi, un exil volontaire,
Brisant ma solitude avec des choses de rien.
Quelques verres ou le bois d’un arbre centenaire
Que la chaleur du sud aura mis sous mes mains.
Te manquer, te manquer, je voudrais te manquer.
Je serai l’étranger passant sous ta fenêtre
Je serai l’inconnu au détour d’un sentier.
Je serai le danger que tu courras peut-être
Je serai devenu ton désir tout entier.
Oui, te manquer, te manquer, je voudrais te manquer.
Alors je rentrerai lorsque je serai sûr,
De t’avoir tant manqué que tu n’en pourras plus.
Tu m’ouvriras les mains et en moi je te jure
Que tu retrouveras tout ce qui t’avait plu.
Je redirai les mots qui te faisaient sourire
Je te regarderai comme pour la première fois.
Je danserai de nouveau, dans l’éclat de ton rire
Mais je redeviendrai un mystère quelques fois
Te manquer, te manquer, je voudrais te manquer
}}}
!Textes travaillés ou représentés
>//Proposition d'autres textes :// <<tag Bibliothèque>>
!!!Textes intégraux à télécharger
//Textes libres de droits, c-à-d dont l'auteur est mort il y a plus de 70 ans.//
{{small{
>Si vous avez un peu de temps, n'hésitez pas à charger un ouvrage. Repérez les pièces à pas trop de personnages, et si vous trouvez des scènes qui vous plaisent et que nous pourrions isoler et jouer, signalez-les moi : je pourrai les ajouter aux <<tag 'textes à choisir'>>
}}}
;[[COLLECTION THEATRE|http://theatregratuit.com/]]
:Beaucoup de textes, mais listés dans le plus grand désordre : utiliser la fonction recherche dans page de votre navigateur internet.
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:Classépar auteurs
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!Plus de 200 thèmes
(( 1(^Trop déçue ce soir))) (( 2(^Parking))) (( 3(^Ma copine est chiante))) (( 4(^Le jazz))) (( 5(^Magazines féminins))) (( 6(^Ambulance))) (( 7(^La fin des éléphants))) (( 8(^Visite au musée))) (( 9(^Au cirque Pinder))) (( 10(^Le cul de ma belle-mère))) (( 11(^La faim dans le monde))) (( 12(^Vous avez gagné au loto))) (( 13(^Élections présidentielles))) (( 14(^L’amabilité sous Attila))) (( 15(^Paléotectonique sismique))) (( 16(^Le rhododendron))) (( 17(^La mort, le cancer))) (( 18(^Plus c’est grand, mieux c’est))) (( 19(^Chasse pêche et nature))) (( 20(^Le tourisme sexuel))) (( 21(^Pour quelques allumettes de plus))) (( 22(^L'accueil et la billetterie s'effectuent en face))) (( 23(^Espace temps))) (( 24(^Spoutnik contre Lapin rose))) (( 25(^Qu'est-ce qui peut bien donner la migraine ?))) (( 26(^Gâteau d'anniversaire))) (( 27(^Ségo et Nico sont dans un bateau))) (( 28(^Quand les moules auront des dents))) (( 29(^Gardez les pieds à plat))) (( 30(^Bad boy))) (( 31(^Les mouettes))) (( 32(^La gloire et la femme))) (( 33(^Les bancs publics))) (( 34(^Le Roi Dagobert))) (( 35(^Le carré VIP))) (( 36(^Les présidentielles))) (( 37(^Nouvelle vague))) (( 38(^Patate chaude))) (( 39(^Les gnous et les hommes))) (( 40(^L'apocalypse))) (( 41(^Les carottes sont cuites))) (( 42(^La vie des autres))) (( 43(^La non-demande en mariage))) (( 44(^Masseur-kiné ou ma soeur qui naît !))) (( 45(^La Gay Pride))) (( 46(^Les passes dangereuses))) (( 47(^Deux canettes dans un container à verre))) (( 48(^Le Pen faisant une déclaration d'impro à Ségolène Royale))) (( 49(^Un homme quitte sa femme pour aller chez sa maîtresse))) (( 50(^Serveur désagréable))) (( 51(^La nuit du vampire))) (( 52(^Fille gendre))) (( 53(^Entraînement de musique en basket))) (( 54(^Le photographe est aveugle))) (( 55(^Une ado perdue dans sa vie))) (( 56(^Sorcière jaune et Danny son garde du corps + Les nains de jardin))) (( 57(^Le paradis des éléphants))) (( 58(^Glace à la pistache))) (( 59(^Devenir poète))) (( 60(^Coup de boule))) (( 61(^On va s'installer, il a peur qu'elle le mange))) (( 62(^L'importance d'être constant))) (( 63(^La drague à travers les âges))) (( 64(^La déception du retour))) (( 65(^Catharsis))) (( 66(^La guerre du Viêt Nam avec WiFi))) (( 67(^La naissance de Sarko))) (( 68(^Déréglement hormonal))) (( 69(^Conversation entre enfants de 3(^ans))) (( 70(^Notre-Dame de Paris))) (( 71(^Le service militaire))) (( 72(^Flux, réseau et territoire))) (( 73(^La gueule de bois))) (( 74(^Quand j'étais môme))) (( 75(^Y'a pas plus con qu'un fonctionnaire français + la jouissance féminine = Y'a pas plus con que la jouissance féminine des fonctionnaires français))) (( 76(^"The photo"))) (( 77(^Ketzacoal à plumes))) (( 78(^Le flan))) (( 79(^La Californie au temps des Égyptiens))) (( 80(^Débroussaillage à la campagne))) (( 81(^Les vacances entre collègues de bureau))) (( 82(^Le string))) (( 83(^Ce qui se passe dans une salle de répétition))) (( 84(^Maïté))) (( 85(^Voyage de noces sur la banquise))) (( 86(^Le lapin))) (( 87(^Cause décès))) (( 88(^La roue de la fortune))) (( 89(^Le loukoum))) (( 90(^Mon premier jour de travail))) (( 91(^Élection))) (( 92(^Il est où le divin enfant ?))) (( 93(^Travaux infinis))) (( 94(^Bon sang je t'aime))) (( 95(^Serre-tête))) (( 96(^Le rideau rouge))) (( 97(^Pour !))) (( 98(^De l'ordre, il faut de l'ordre...))) (( 99(^Un philosophe au réveil))) ((100(^Surtout ne pensez pas que c'est contre vous !))) ((101(^Le monde des tortues))) ((102(^Usurpateurs))) ((103(^Le septième lama))) ((104(^Dois-je demander une augmentation à mon patron ?))) ((105(^320(^m2(^? + Roquette = 320(^m2(^de Roquette ?))) ((106(^Epidémie de grippe aviaire à la Star'Ac))) ((107(^Le rappeur et son scooter))) ((108(^Les Amazones sont en colère))) ((109(^Mon ventre))) ((110(^Le Porc est boucher))) ((111(^Qui vole un bœuf, vole un œuf))) ((112(^Jeux Olympiques au Cap d'Agde))) ((113(^Les Indiens d'Amérique))) ((114(^France 24, la chaine télé de Jacques Chirac))) ((115(^Change de chaussettes))) ((116(^Fabienne est une chasseuse de têtes))) ((117(^Marie-Gab arrête la corrida))) ((118(^Les vacances))) ((119(^Le moi et le surmoi))) ((120(^Expériences paniquantes))) ((121(^Cabernet Sauvignon, la boisson du pèlerin))) ((122(^Acnélingus))) ((123(^Ha ha ha brûle en enfer Blanche-Neige !))) ((124(^Un cadeau pourri à Noël))) ((125(^Ceci n'est pas un cadeau))) ((126(^Les dangers du bain à bulles))) ((127(^Le chant des bas de laine))) ((128(^Seul, perdu dans la jungle))) ((129(^Rastacool))) ((130(^La nuit finit toujours par s'échapper))) ((131(^La vie sans la mer))) ((132(^La machine à remonter le couscous))) ((133(^Euromillions))) ((134(^La secte))) ((135(^Toilettes))) ((136(^Plaisirs d'amour))) ((137(^Timidité))) ((138(^Sucette à l'anis))) ((139(^Air France))) ((140(^Coming out))) ((141(^Gardien de zoo c'est peinard, c'est pas souvent que les pingouins se barrent))) ((142(^L'odeur de la purée mousseline))) ((143(^Un peu à la bourre mais ça passe))) ((144(^Le cri du fonctionnaire et ses larmes))) ((145(^Surprise, on m'offre un chien pour mon mariage !))) ((146(^Dilemne du prisonnier))) ((147(^Elle a gagné le 1er round))) ((148(^Dans la peau de l'autre sexe en se réveillant))) ((149(^Le pouilleux déshabilleur))) ((150(^Voyage en voiture BX en bord de mer))) ((151(^Le tournevis de l'amour))) ((152(^Casseroles en farandole))) ((153(^Ma mère couche avec mon meilleur ami))) ((154(^Une chute de cheval, cela fait mal))) ((155(^Chouquette d'or))) ((156(^Fous d'artifice))) ((157(^Bouchon))) ((158(^Doigt coupé))) ((159(^Sapin de Noël))) ((160(^Éjaculateur précoce))) ((161(^Les salles de sport))) ((162(^La fécondation in-vitro))) ((163(^J'en ai marre))) ((164(^Massage thaï))) ((165(^Entretien d'embauche + Hip hop))) ((166(^Les voies de bus))) ((167(^Ça fait 2(^ans et 1(^mois que je t'aime))) ((168(^Les rues enregistrées dans les br?us@t{ug=rus [illisible]))) ((169(^Le marquis envoûtant))) ((170(^Pour ou contre les régulateurs de vitesses sur les vélos))) ((171(^Couverture et plomberie))) ((172(^Le métier de consultant + Schizophrène = Le métier du consultant schizophrène))) ((173(^Smart et baba au rhum))) ((174(^Au théâtre avec les collègues))) ((175(^Bonne nuit les pengouinous))) ((176(^L'amour mathématique))) ((177(^Los pueblos))) ((178(^Bar des artistes))) ((179(^Les syndicats))) ((180(^Coup de foudre garanti))) ((181(^Mon dernier rendez-vous chez l'orthophoniste))) ((182(^Je suis l'assassin du petit Grégory))) ((183(^Le blues du businessman))) ((184(^Vanille, chocolat, café, nougat, passion))) ((185(^Je veux une crevette))) ((186(^Action ou vérité))) ((187(^Boulimie))) ((188(^Fin de vie d'une brosse à dents))) ((189(^Trucs et astuces))) ((190(^Mariages))) ((191(^Placement libre))) ((192(^150(^k€))) ((193(^Dîner dans hôtel immangeable))) ((194(^Un Corse zélé))) ((195(^Tu veux ma photo ?))) ((196(^I'm singing in the rain (une imposée en rappant) ))) ((197(^Métaphysique))) ((198(^Pas de jambon))) ((199(^Où sont les trois baratineurs ? + Je suis à la bourre))) ((200(^16(^octobre 2006(^: avec Antoine T., Fabien D., Jean-Paul, Sarah et Xavier))) ((201(^Ma soeur se marie))) ((202(^La charcuterie auvergnate))) ((203(^Chez Dédé))) ((204(^Le prout-prout de Versailles))) ((205(^La ceinture de Van Halen))) ((206(^Sex et Rock'n'roll))) ((207(^Le slip oublié entre les coussins du canapé))) ((208(^La pêche aux moules))) ((209(^Prothèse dentaire, bridge))) ((210(^La gastro au boulot))) ((211(^Ta femme elle est moche + Mahomet et Jésus à l'ANPE))) ((212(^Carnaby Queen))) ((213(^Le four infernal))) ((214(^Le nom de l'arthrose))) ((215(^Les invasions de Babar))) ((216(^La jouissance des contrastes au coeur de la salle de l'épée Tition))) ((217(^La guerre des futons))) ((218(^Le retard systématique))) ((219(^La Guinée Bissao))) ((220(^Arrête de mentir !))) ((221(^La manipulation + Histoire avec un P comme dans wagon = Histoire manipulée d'un P dans un wagon))) ((222(^Si j'étais président))) ((223(^Vamos a Chiclayo))) ((224(^L'angoisse))) ((225(^La belle Hélène))) ((226(^Le salon de l'auto au Moyen-Âge))) ((227(^La ruée vers Laure))) ((228(^Attention, l'armée nous observe))) ((229(^La Star Academy))) ((230(^Je suis enceinte ))) ((231(^Je vais le quitter ))) ((232(^Il ne rentre pas ce soir ))) ((233(^Je vais partir deux ans autour du monde ))) ((234(^Nous allons nous marier ))) ((235(^IL n’y a plus de sel ))) ((236(^Une bombe vient d’exploser ))) ((237(^Un ami m’a trahi ))) ((238(^La porte est fermée à clef ))) ((239(^Il manque une chaise ))) ((240(^Il faut que j’aille aux toilettes ))) ((241(^Il est trop tard ))) ((242(^Je brûle d’amour pour vous ))) ((243(^C’est à qui le tour ))) ((244(^Je n’ai pas de cadeau ))) ((245(^La télé ne marche plus))) ((246(^Réunion de famille ))) ((247(^Club de vacances))) ((248(^tous réunis à un séminaire )))
!Dialogue amoureux
!!!!{{center{Jadorowski
//Théâtre sans fin//}}}
;FEMME.
:J’ai des réponses ! J’ai des réponses ! Mais personne n’a de question !
;HOMME.
:Moi, j’ai une question !
;FEMME.
:Enfin !
;HOMME.
:Quelle est la seule réponse qui n’a pas de question ?
;FEMME.
:Ça, c’est la seule question qui n’a pas de réponse !
;HOMME.
:Alors dites-moi, quelle est la réponse qui répond à toutes les questions ?
;FEMME.
:Je vous le dirai si vous, vous me dites quelle est la question qui est bonne pour toutes les réponses.
;HOMME.
://(Réfléchissant.)// Hmm... Comment est-ce que vos réponses pourraient ne plus être des questions ?
;FEMME.
:Il faudrait pour cela que vos questions ne soient plus que des questions, et rien d’autre.
;HOMME.
:Alors, au fond, toute question est une réponse.
;FEMME.
:Et toute réponse, au fond, est une question. Voilà, c’est ça !
>//Ils s’enlacent passionnément.//
;HOMME.
:J’ai des réponses ! J’ai des réponses !
;FEMME.
:J’ai des questions ! J’ai des questions !
>//Noir.//
>//FEMME ((se trouve encore(est))) très belle.//
;FEMME.
:Je veux que l’on m’aime pour moi, pas pour mon apparence. Je ne suis pas que ce corps, comprenez-le une bonne fois pour toutes! Vous aimez quoi, ((mon derrière(mes fesses?))) Je me ((le(s))) coupe! Vous aimez ((ma poitrine(mes seins))) ? Je me ((la(les coupe))) ! Vous aimez mes jambes ? Je me les coupe ! Mes bras ? Je me les coupe ! Je ne suis pas mes cheveux ! Assez !... Je ne suis pas ma peau ! Assez !... Je ne suis pas mes yeux ! Assez !... Adieu ((ma féminité, ma sensualité(mon ventre, mes ovaires, mon vagin, les lèvres de mon sexe))) ! Adieu la chair, adieu les os !
>//Soupir.//
;FEMME.
:Mais... qui suis-je maintenant? Où suis-je? Oh, j’ai tout perdu ! Je ne suis plus rien ! Je vous en supplie, aimez-moi, afin que je sois à nouveau et que je retrouve un corps !
>//Noir.//
>//FEMME s’avance, traînant un fusil dont le canon fait deux mètres cinquante de long et dont la crosse porte une série de traits à la craie.//
;FEMME.
:Adieu, monde cruel !
>//Elle appuie le bout du canon sur sa tempe et allonge le bras pour tenter d’atteindre la gâchette.
Après plusieurs tentatives infructueuses ://
;FEMME.
://(Avec exaspération.)// À l’aide ! N’y a-t-il pas un homme qui puisse venir m’aider ?
>//HOMME s’avance.//
;HOMME.
:Vous m’avez appelé, madame ?
;FEMME.
:Oui. J’ai besoin de votre aide. Rendez-moi le service d’appuyer sur la gâchette.
;HOMME.
:Vous plaisantez ? Si je réponds à votre requête, je vous fais sauter la cervelle.
;FEMME.
:Oui, c’est bien ce que je veux. Si vous avez l’intention de m’aider, allez-y, faites-le. Ce n’est qu’un petit geste de l’index.
;HOMME.
:Parce que vous croyez que c’est facile d’éliminer une personne, comme ça, sans raison? Qui pourrait assumer sans broncher pareille responsabilité ?
;FEMME.
:Moi, je le pourrais.
;HOMME.
:Ah oui ?
;FEMME.
:Vous voulez que je vous le prouve ?
;HOMME.
://(Riant.)// Bien sûr !
;FEMME.
:Tenez.
>//Elle retourne le fusil et le tend vers HOMME.//
>//Il pose le bout du canon sur sa tempe en souriant.//
>//FEMME pose le doigt sur la gâchette.//
;HOMME.
:Alors, qu’est-ce que vous ressentez ?
;FEMME.
:Rien.
;HOMME.
:Sérieusement, vous vous croyez réellement capable d’appuyer sur la gâchette ?
;FEMME.
:Oui, bien sûr.
;HOMME.
:Allons donc ! Essayez, pour voir.
<<<
//FEMME presse la gâchette. Coup de feu.
HOMME tombe mort.
FEMME, à l’aide d’une craie, dessine un trait de plus sur la crosse.//
<<<
;FEMME.
:Mort aux cons !
>//Noir.//
/***
|Name|TiddlerTweakerPlugin|
|Source|http://www.TiddlyTools.com/#TiddlerTweakerPlugin|
|Version|2.4.2|
|Author|Eric Shulman|
|License|http://www.TiddlyTools.com/#LegalStatements|
|~CoreVersion|2.1|
|Type|plugin|
|Requires||
|Overrides||
|Description|select multiple tiddlers and modify author, created, modified and/or tag values|
~TiddlerTweaker is a tool for TiddlyWiki authors. It allows you to select multiple tiddlers from a listbox, either by direct interaction or automatically matching specific criteria. You can then modify the creator, author, created, modified and/or tag values of those tiddlers using a compact set of form fields. The values you enter into the fields simultantously overwrite the existing values in all tiddlers you have selected.
!!!!!Usage
<<<
{{{<<tiddlerTweaker>>}}}
{{smallform{<<tiddlerTweaker>>}}}
By default, any tags you enter into the TiddlerTweaker will //replace// the existing tags in all the tiddlers you have selected. However, you can also use TiddlerTweaker to quickly filter specified tags from the selected tiddlers, while leaving any other tags assigned to those tiddlers unchanged:
>Any tag preceded by a "+" (plus) or "-" (minus), will be added or removed from the existing tags //instead of replacing the entire tag definition// of each tiddler (e.g., enter "-excludeLists" to remove that tag from all selected tiddlers. When using this syntax, care should be taken to ensure that //every// tag is preceded by "+" or "-", to avoid inadvertently overwriting any other existing tags on the selected tiddlers. (note: the "+" or "-" prefix on each tag value is NOT part of the tag value, and is only used by TiddlerTweaker to control how that tag value is processed)
Important Notes:
* Inasmuch as TiddlerTweaker is a 'power user' tool that can perform 'batch' functions (operating on many tiddlers at once), you should always have a recent backup of your document (or "save changes" just *before* tweaking the tiddlers), just in case you "shoot yourself in the foot".
* The date and author information on any tiddlers you tweak will ONLY be updated if the corresponding TiddlyTweaker checkboxes have been selected. As a general rule, after using TiddlerTweaker, always ''//remember to save your document//'' when you are done, even though the tiddler timeline tab may not show any recently modified tiddlers.
* Selecting and updating all tiddlers in a document can take a while. Your browser may warn about an "unresponsive script". Usually, if you allow it to continue, it should complete the processing... eventually. Nonetheless, be sure to save your work before you begin tweaking lots of tiddlers, just in case something does get 'stuck'.
<<<
!!!!!Revisions
<<<
2009.06.26 [2.4.2] only add brackets around tags containing spaces
2009.06.22 [2.4.1] in setFields(), add brackets around all tags shown tweaker edit field
2009.03.30 [2.4.0] added 'sort by modifier'
2009.01.22 [2.3.0] added support for text pattern find/replace
2008.10.27 [2.2.3] in setTiddlers(), fixed Safari bug by replacing static Array.concat(...) with new Array().concat(...)
2008.09.07 [2.2.2] added removeCookie() function for compatibility with [[CookieManagerPlugin]]
2008.05.12 [2.2.1] replace built-in backstage "tweak" task with tiddler tweaker control panel (moved from BackstageTweaks)
2008.01.13 [2.2.0] added "auto-selection" links: all, changed, tags, title, text
2007.12.26 [2.1.0] added support for managing 'creator' custom field (see [[CoreTweaks]])
2007.11.01 [2.0.3] added config.options.txtTweakerSortBy for cookie-based persistence of list display order preference setting.
2007.09.28 [2.0.2] in settiddlers() and deltiddlers(), added suspend/resume notification handling (improves performance when operating on multiple tiddlers)
2007.08.03 [2.0.1] added shadow definition for [[TiddlerTweaker]] tiddler for use as parameter references with {{{<<tiddler>>, <<slider>> or <<tabs>>}}} macros.
2007.08.03 [2.0.0] converted from inline script
2006.01.01 [1.0.0] initial release
<<<
!!!!!Code
***/
//{{{
version.extensions.TiddlerTweakerPlugin= {major: 2, minor: 4, revision: 1, date: new Date(2009,6,22)};
// shadow tiddler
config.shadowTiddlers.TiddlerTweaker="<<tiddlerTweaker>>";
/// backstage task
if (config.tasks) { // for TW2.2b3 or above
config.tasks.tweak.tooltip="review/modify tiddler internals: dates, authors, tags, etc.";
config.tasks.tweak.content="{{smallform small groupbox{<<tiddlerTweaker>>}}}";
}
if (config.options.txtTweakerSortBy==undefined) config.options.txtTweakerSortBy="modified";
// if removeCookie() function is not defined by TW core, define it here.
if (window.removeCookie===undefined) {
window.removeCookie=function(name) {
document.cookie = name+'=; expires=Thu, 01-Jan-1970 00:00:01 UTC; path=/;';
}
}
config.macros.tiddlerTweaker = {
html: '<form style="display:inline"><!--\
--><table style="padding:0;margin:0;border:0;width:100%"><tr valign="top" style="padding:0;margin:0;border:0"><!--\
--><td style="text-align:center;white-space:nowrap;width:99%;padding:0;margin:0;border:0"><!--\
--><font size=-2><div style="text-align:left;"><span style="float:right"><!--\
--> <a href="javascript:;" \
title="select all tiddlers"\
onclick="\
var f=this; while (f&&f.nodeName.toLowerCase()!=\'form\')f=f.parentNode;\
for (var t=0; t<f.list.options.length; t++)\
if (f.list.options[t].value.length) f.list.options[t].selected=true;\
config.macros.tiddlerTweaker.selecttiddlers(f.list);\
return false">all</a><!--\
--> <a href="javascript:;" \
title="select tiddlers that are new/changed since the last file save"\
onclick="\
var lastmod=new Date(document.lastModified);\
var f=this; while (f&&f.nodeName.toLowerCase()!=\'form\')f=f.parentNode;\
for (var t=0; t<f.list.options.length; t++) {\
var tid=store.getTiddler(f.list.options[t].value);\
f.list.options[t].selected=tid&&tid.modified>lastmod;\
}\
config.macros.tiddlerTweaker.selecttiddlers(f.list);\
return false">changed</a><!--\
--> <a href="javascript:;" \
title="select tiddlers with at least one matching tag"\
onclick="\
var t=prompt(\'Enter space-separated tags (match ONE)\');\
if (!t||!t.length) return false;\
var tags=t.readBracketedList();\
var f=this; while (f&&f.nodeName.toLowerCase()!=\'form\')f=f.parentNode;\
for (var t=0; t<f.list.options.length; t++) {\
f.list.options[t].selected=false;\
var tid=store.getTiddler(f.list.options[t].value);\
if (tid&&tid.tags.containsAny(tags)) f.list.options[t].selected=true;\
}\
config.macros.tiddlerTweaker.selecttiddlers(f.list);\
return false">tags</a><!--\
--> <a href="javascript:;" \
title="select tiddlers whose titles include matching text"\
onclick="\
var txt=prompt(\'Enter a title (or portion of a title) to match\');\
if (!txt||!txt.length) return false;\
var f=this; while (f&&f.nodeName.toLowerCase()!=\'form\')f=f.parentNode;\
for (var t=0; t<f.list.options.length; t++) {\
f.list.options[t].selected=f.list.options[t].value.indexOf(txt)!=-1;\
}\
config.macros.tiddlerTweaker.selecttiddlers(f.list);\
return false">titles</a><!--\
--> <a href="javascript:;" \
title="select tiddlers containing matching text"\
onclick="\
var txt=prompt(\'Enter tiddler text (content) to match\');\
if (!txt||!txt.length) return false;\
var f=this; while (f&&f.nodeName.toLowerCase()!=\'form\')f=f.parentNode;\
for (var t=0; t<f.list.options.length; t++) {\
var tt=store.getTiddlerText(f.list.options[t].value,\'\');\
f.list.options[t].selected=(tt.indexOf(txt)!=-1);\
}\
config.macros.tiddlerTweaker.selecttiddlers(f.list);\
return false">text</a> <!--\
--></span><span>select tiddlers</span><!--\
--></div><!--\
--></font><select multiple name=list size="11" style="width:99.99%" \
title="use click, shift-click and/or ctrl-click to select multiple tiddler titles" \
onclick="config.macros.tiddlerTweaker.selecttiddlers(this)" \
onchange="config.macros.tiddlerTweaker.setfields(this)"><!--\
--></select><br><!--\
-->show<input type=text size=1 value="11" \
onchange="this.form.list.size=this.value; this.form.list.multiple=(this.value>1);"><!--\
-->by<!--\
--><select name=sortby size=1 \
onchange="config.macros.tiddlerTweaker.init(this.form,this.value)"><!--\
--><option value="title">title</option><!--\
--><option value="size">size</option><!--\
--><option value="modified">modified</option><!--\
--><option value="created">created</option><!--\
--><option value="modifier">modifier</option><!--\
--></select><!--\
--><input type="button" value="refresh" \
onclick="config.macros.tiddlerTweaker.init(this.form,this.form.sortby.value)"<!--\
--> <input type="button" name="stats" disabled value="totals..." \
onclick="config.macros.tiddlerTweaker.stats(this)"><!--\
--></td><td style="white-space:nowrap;padding:0;margin:0;border:0;width:1%"><!--\
--><div style="text-align:left"><font size=-2> modify values</font></div><!--\
--><table border=0 style="width:100%;padding:0;margin:0;border:0;"><tr style="padding:0;border:0;"><!--\
--><td style="padding:1px;border:0;white-space:nowrap"><!--\
--><input type=checkbox name=settitle unchecked \
title="allow changes to tiddler title (rename tiddler)" \
onclick="this.form.title.disabled=!this.checked">title<!--\
--></td><td style="padding:1px;border:0;white-space:nowrap"><!--\
--><input type=text name=title size=35 style="width:98%" disabled><!--\
--></td></tr><tr style="padding:0;border:0;"><td style="padding:1px;border:0;white-space:nowrap"><!--\
--><input type=checkbox name=setcreator unchecked \
title="allow changes to tiddler creator" \
onclick="this.form.creator.disabled=!this.checked">created by<!--\
--></td><td style="padding:1px;border:0;white-space:nowrap"><!--\
--><input type=text name=creator size=35 style="width:98%" disabled><!--\
--></td></tr><tr style="padding:0;border:0;"><td style="padding:1px;border:0;white-space:nowrap"><!--\
--><input type=checkbox name=setwho unchecked \
title="allow changes to tiddler author" \
onclick="this.form.who.disabled=!this.checked">modified by<!--\
--></td><td style="padding:1px;border:0;white-space:nowrap"><!--\
--><input type=text name=who size=35 style="width:98%" disabled><!--\
--></td></tr><tr style="padding:0;border:0;"><td style="padding:1px;border:0;white-space:nowrap"><!--\
--><input type=checkbox name=setcdate unchecked \
title="allow changes to created date" \
onclick="var f=this.form; f.cm.disabled=f.cd.disabled=f.cy.disabled=f.ch.disabled=f.cn.disabled=!this.checked"><!--\
-->created on<!--\
--></td><td style="padding:1px;border:0;white-space:nowrap"><!--\
--><input type=text name=cm size=2 style="width:2em;padding:0;text-align:center" disabled><!--\
--> / <input type=text name=cd size=2 style="width:2em;padding:0;text-align:center" disabled><!--\
--> / <input type=text name=cy size=4 style="width:3em;padding:0;text-align:center" disabled><!--\
--> at <input type=text name=ch size=2 style="width:2em;padding:0;text-align:center" disabled><!--\
--> : <input type=text name=cn size=2 style="width:2em;padding:0;text-align:center" disabled><!--\
--></td></tr><tr style="padding:0;border:0;"><td style="padding:1px;border:0;white-space:nowrap"><!--\
--><input type=checkbox name=setmdate unchecked \
title="allow changes to modified date" \
onclick="var f=this.form; f.mm.disabled=f.md.disabled=f.my.disabled=f.mh.disabled=f.mn.disabled=!this.checked"><!--\
-->modified on<!--\
--></td><td style="padding:1px;border:0;white-space:nowrap"><!--\
--><input type=text name=mm size=2 style="width:2em;padding:0;text-align:center" disabled><!--\
--> / <input type=text name=md size=2 style="width:2em;padding:0;text-align:center" disabled><!--\
--> / <input type=text name=my size=4 style="width:3em;padding:0;text-align:center" disabled><!--\
--> at <input type=text name=mh size=2 style="width:2em;padding:0;text-align:center" disabled><!--\
--> : <input type=text name=mn size=2 style="width:2em;padding:0;text-align:center" disabled><!--\
--></td></tr><tr style="padding:0;border:0;"><td style="padding:1px;border:0;white-space:nowrap"><!--\
--><input type=checkbox name=replacetext unchecked\
title="find/replace matching text" \
onclick="this.form.pattern.disabled=this.form.replacement.disabled=!this.checked">replace text<!--\
--></td><td style="padding:1px;border:0;white-space:nowrap"><!--\
--><input type=text name=pattern size=15 value="" style="width:40%" disabled \
title="enter TEXT PATTERN (regular expression)"> with <!--\
--><input type=text name=replacement size=15 value="" style="width:40%" disabled \
title="enter REPLACEMENT TEXT"><!--\
--></td></tr><tr style="padding:0;border:0;"><td style="padding:1px;border:0;white-space:nowrap"><!--\
--><input type=checkbox name=settags checked \
title="allow changes to tiddler tags" \
onclick="this.form.tags.disabled=!this.checked">tags<!--\
--></td><td style="padding:1px;border:0;white-space:nowrap"><!--\
--><input type=text name=tags size=35 value="" style="width:98%" \
title="enter new tags or use \'+tag\' and \'-tag\' to add/remove tags from existing tags"><!--\
--></td></tr></table><!--\
--><div style="text-align:center"><!--\
--><nobr><input type=button name=display disabled style="width:32%" value="display tiddlers" \
onclick="config.macros.tiddlerTweaker.displaytiddlers(this)"><!--\
--> <input type=button name=del disabled style="width:32%" value="delete tiddlers" \
onclick="config.macros.tiddlerTweaker.deltiddlers(this)"><!--\
--> <input type=button name=set disabled style="width:32%" value="update tiddlers" \
onclick="config.macros.tiddlerTweaker.settiddlers(this)"></nobr><!--\
--></div><!--\
--></td></tr></table><!--\
--></form><span style="display:none"><!--content replaced by tiddler "stats"--></span>\
',
handler: function(place,macroName,params,wikifier,paramString,tiddler) {
var span=createTiddlyElement(place,"span");
span.innerHTML=this.html;
this.init(span.firstChild,config.options.txtTweakerSortBy);
},
init: function(f,sortby) { // initialize form controls
if (!f) return; // form might not be rendered yet...
while (f.list.options[0]) f.list.options[0]=null; // empty current list content
var tids=store.getTiddlers(sortby);
if (sortby=='size') // descending order
tids.sort(function(a,b) {return a.text.length > b.text.length ? -1 : (a.text.length == b.text.length ? 0 : +1);});
var who='';
for (i=0; i<tids.length; i++) { var t=tids[i];
var label=t.title; var value=t.title;
switch (sortby) {
case 'modified':
case 'created':
var t=tids[tids.length-i-1]; // reverse order
var when=t[sortby].formatString('YY.0MM.0DD 0hh:0mm ');
label=when+t.title;
value=t.title;
break;
case 'size':
label='['+t.text.length+'] '+label;
break;
case 'modifier':
case 'creator':
if (who!=t[sortby]) {
who=t[sortby];
f.list.options[f.list.length]=new Option('by '+who+':','',false,false);
}
label='\xa0\xa0\xa0'+label; // indent
break;
}
f.list.options[f.list.length]=new Option(label,value,false,false);
}
f.title.value=f.who.value=f.creator.value=f.tags.value="";
f.cm.value=f.cd.value=f.cy.value=f.ch.value=f.cn.value="";
f.mm.value=f.md.value=f.my.value=f.mh.value=f.mn.value="";
f.stats.disabled=f.set.disabled=f.del.disabled=f.display.disabled=true;
f.settitle.disabled=false;
config.options.txtTweakerSortBy=sortby; // remember current setting
f.sortby.value=sortby; // sync droplist selection with current setting
if (sortby!="modified") // non-default preference... save cookie
saveOptionCookie("txtTweakerSortBy");
else removeCookie("txtTweakerSortBy"); // default preference... clear cookie
},
selecttiddlers: function(here) { // enable/disable tweaker fields based on number of items selected
// count how many tiddlers are selected
var f=here.form; var list=f.list;
var c=0; for (i=0;i<list.length;i++) if (list.options[i].selected) c++;
if (c>1) f.title.disabled=true;
if (c>1) f.settitle.checked=false;
f.set.disabled=(c==0);
f.del.disabled=(c==0);
f.display.disabled=(c==0);
f.settitle.disabled=(c>1);
f.stats.disabled=(c==0);
var msg=(c==0)?'select tiddlers':(c+' tiddler'+(c!=1?'s':'')+' selected');
here.previousSibling.firstChild.firstChild.nextSibling.innerHTML=msg;
if (c) clearMessage(); else displayMessage("no tiddlers selected");
},
setfields: function(here) { // set tweaker edit fields from first selected tiddler
var f=here.form;
if (!here.value.length) {
f.title.value=f.who.value=f.creator.value=f.tags.value="";
f.cm.value=f.cd.value=f.cy.value=f.ch.value=f.cn.value="";
f.mm.value=f.md.value=f.my.value=f.mh.value=f.mn.value="";
return;
}
var tid=store.getTiddler(here.value); if (!tid) return;
f.title.value=tid.title;
f.who.value=tid.modifier;
f.creator.value=tid.fields['creator']||''; // custom field - might not exist
f.tags.value=tid.tags.map(function(t){return String.encodeTiddlyLink(t)}).join(' ');
var c=tid.created; var m=tid.modified;
f.cm.value=c.getMonth()+1;
f.cd.value=c.getDate();
f.cy.value=c.getFullYear();
f.ch.value=c.getHours();
f.cn.value=c.getMinutes();
f.mm.value=m.getMonth()+1;
f.md.value=m.getDate();
f.my.value=m.getFullYear();
f.mh.value=m.getHours();
f.mn.value=m.getMinutes();
},
settiddlers: function(here) {
var f=here.form; var list=f.list;
var tids=[];
for (i=0;i<list.length;i++) if (list.options[i].selected) tids.push(list.options[i].value);
if (!tids.length) { alert("please select at least one tiddler"); return; }
var cdate=new Date(f.cy.value,f.cm.value-1,f.cd.value,f.ch.value,f.cn.value);
var mdate=new Date(f.my.value,f.mm.value-1,f.md.value,f.mh.value,f.mn.value);
if (tids.length>1 && !confirm("Are you sure you want to update these tiddlers:\n\n"+tids.join(', '))) return;
store.suspendNotifications();
for (t=0;t<tids.length;t++) {
var tid=store.getTiddler(tids[t]); if (!tid) continue;
var title=!f.settitle.checked?tid.title:f.title.value;
var who=!f.setwho.checked?tid.modifier:f.who.value;
var text=tid.text;
if (f.replacetext.checked) text=text.replace(new RegExp(f.pattern.value,'mg'),f.replacement.value);
var tags=tid.tags;
if (f.settags.checked) {
var intags=f.tags.value.readBracketedList();
var addtags=[]; var deltags=[]; var reptags=[];
for (i=0;i<intags.length;i++) {
if (intags[i].substr(0,1)=='+')
addtags.push(intags[i].substr(1));
else if (intags[i].substr(0,1)=='-')
deltags.push(intags[i].substr(1));
else
reptags.push(intags[i]);
}
if (reptags.length)
tags=reptags;
if (addtags.length)
tags=new Array().concat(tags,addtags);
if (deltags.length)
for (i=0;i<deltags.length;i++)
{ var pos=tags.indexOf(deltags[i]); if (pos!=-1) tags.splice(pos,1); }
}
if (!f.setcdate.checked) cdate=tid.created;
if (!f.setmdate.checked) mdate=tid.modified;
store.saveTiddler(tid.title,title,text,who,mdate,tags,tid.fields);
if (f.setcreator.checked) store.setValue(tid.title,'creator',f.creator.value); // set creator
if (f.setcdate.checked) tid.assign(null,null,null,null,null,cdate); // set create date
}
store.resumeNotifications();
this.init(f,f.sortby.value);
},
displaytiddlers: function(here) {
var f=here.form; var list=f.list;
var tids=[];
for (i=0; i<list.length;i++) if (list.options[i].selected) tids.push(list.options[i].value);
if (!tids.length) { alert("please select at least one tiddler"); return; }
story.displayTiddlers(story.findContainingTiddler(f),tids)
},
deltiddlers: function(here) {
var f=here.form; var list=f.list;
var tids=[];
for (i=0;i<list.length;i++) if (list.options[i].selected) tids.push(list.options[i].value);
if (!tids.length) { alert("please select at least one tiddler"); return; }
if (!confirm("Are you sure you want to delete these tiddlers:\n\n"+tids.join(', '))) return;
store.suspendNotifications();
for (t=0;t<tids.length;t++) {
var tid=store.getTiddler(tids[t]); if (!tid) continue;
if (tid.tags.contains("systemConfig"))
if (!confirm("'"+tid.title+"' is tagged with 'systemConfig'.\n\nRemoving this tiddler may cause unexpected results. Are you sure?"))
continue;
store.removeTiddler(tid.title);
story.closeTiddler(tid.title);
}
store.resumeNotifications();
this.init(f,f.sortby.value);
},
stats: function(here) {
var f=here.form; var list=f.list; var tids=[]; var out=''; var tot=0;
var target=f.nextSibling;
for (i=0;i<list.length;i++) if (list.options[i].selected) tids.push(list.options[i].value);
if (!tids.length) { alert("please select at least one tiddler"); return; }
for (t=0;t<tids.length;t++) {
var tid=store.getTiddler(tids[t]); if (!tid) continue;
out+='[['+tid.title+']] '+tid.text.length+'\n'; tot+=tid.text.length;
}
var avg=tot/tids.length;
out=tot+' bytes in '+tids.length+' selected tiddlers ('+avg+' bytes/tiddler)\n<<<\n'+out+'<<<\n';
removeChildren(target);
target.innerHTML="<hr><font size=-2><a href='javascript:;' style='float:right' "
+"onclick='this.parentNode.parentNode.style.display=\"none\"'>close</a></font>";
wikify(out,target);
target.style.display="block";
}
};
//}}}
<<search>>
-----
<<tiddlerTweaker>>
-----
<<exportTiddlers inline>>
!!!!!Sidebar options
<<search>><<closeAll>><<permaview>><<newTiddler>><<newJournal "DDD DD MMM YYYY" "journal">><<saveChanges>><<slider chkSliderOptionsPanel OptionsPanel "options »" "Modifie les options supplémentaires de ce fichier">>
<<importTiddlers>>
-----
!^^Rostand Edmond
^^Tirade de Cyrano
;CYRANO
Ah ! non ! c’est un peu court, jeune homme !
On pouvait dire…
Oh ! Dieu !… bien des choses en somme…
En variant le ton, - par exemple, tenez
Agressif :
« Moi, monsieur, si j’avais un tel nez, il faudrait sur-le-champ que je me l’amputasse ! »
Descriptif :
« C’est un roc !… c’est un pic !… c’est un cap ! Que dis-je, c’est un cap ?… C’est une péninsule ! »
Tendre :
« Faites-lui faire un petit parasol de peur que sa couleur au soleil ne se fane ! »
Cavalier :
« Quoi, l’ami, ce croc est à la mode ? Pour pendre son chapeau, c’est vraiment très commode ! »
Dramatique :
« C’est la Mer Rouge quand il saigne ! »
Admiratif :
« Pour un parfumeur, quelle enseigne ! »
Naïf :
« Ce monument, quand le visite-t-on ? »
Militaire :
« Pointez contre cavalerie ! »
- Voilà ce qu’à peu près, mon cher, vous m’auriez dit
Si vous aviez un peu de lettres et d’esprit
Mais d’esprit, ô le plus lamentable des êtres,
Vous n’en eûtes jamais un atome, et de lettres
Vous n’avez que les trois qui forment le mot : sot !
Je me les sers moi-même, avec assez de verve,
Mais je ne permets pas qu’un autre me les serve.
/%
|Name|ToggleRightSidebar|
|Source|http://www.TiddlyTools.com/#ToggleRightSidebar|
|Version|2.0.0|
|Author|Eric Shulman - ELS Design Studios|
|License|http://www.TiddlyTools.com/#LegalStatements <br>and [[Creative Commons Attribution-ShareAlike 2.5 License|http://creativecommons.org/licenses/by-sa/2.5/]]|
|~CoreVersion|2.1|
|Type|script|
|Requires|InlineJavascriptPlugin|
|Overrides||
|Description|show/hide right sidebar (MainMenu)|
Usage: <<tiddler ToggleRightSidebar with: "label">>
Config settings:
config.options.chkShowRightSidebar (true)
config.options.txtToggleRightSideBarLabelShow (?)
config.options.txtToggleRightSideBarLabelHide (?)
%/<script label="$1" title="show/hide right sidebar content">
var co=config.options;
if (co.chkShowRightSidebar=='undefined') co.chkShowRightSidebar=true;
co.chkShowRightSidebar=!co.chkShowRightSidebar;
var sb=document.getElementById('sidebar'); if (!sb) return;
sb.style.display=co.chkShowRightSidebar?'block':'none';
document.getElementById('displayArea').style.marginRight=co.chkShowRightSidebar?'':'1em';
saveOptionCookie('chkShowRightSidebar');
var labelShow=co.txtToggleRightSideBarLabelShow||(config.browser.isSafari?'◀':'◄');
var labelHide=co.txtToggleRightSideBarLabelHide||'►';
if (typeof(place)!='undefined' && '$1'=='$'+'1') {
place.innerHTML=co.chkShowRightSidebar?labelHide:labelShow;
place.title=(co.chkShowRightSidebar?'hide':'show')+' right sidebar';
}
var sm=document.getElementById('storyMenu'); if (sm) config.refreshers.content(sm);
</script><script>
var co=config.options;
if (co.chkShowRightSidebar=='undefined') co.chkShowRightSidebar=true;
var sb=document.getElementById('sidebar'); if (!sb) return;
sb.style.display=co.chkShowRightSidebar?'block':'none';
document.getElementById('displayArea').style.marginRight=co.chkShowRightSidebar?'':'1em';
if ('$1'=='$'+'1') {
var labelShow=co.txtToggleRightSideBarLabelShow||(config.browser.isSafari?'◀':'◄');
var labelHide=co.txtToggleRightSideBarLabelHide||'►';
place.lastChild.innerHTML=co.chkShowRightSidebar?labelHide:labelShow;
place.lastChild.title=(co.chkShowRightSidebar?'hide':'show')+' right sidebar';
}
</script>
/***
|Name:|ToggleTagPlugin|
|Description:|Makes a checkbox which toggles a tag in a tiddler|
|Version:|3.1.0a|
|Date:|27-Jun-2011|
|Source:|http://mptw.tiddlyspot.com/#ToggleTagPlugin|
|Author:|Simon Baird <simon.baird@gmail.com>|
|License:|http://mptw.tiddlyspot.com/#TheBSDLicense|
!!Usage
{{{<<toggleTag }}}//{{{TagName TiddlerName LabelText}}}//{{{>>}}}
* TagName - the tag to be toggled, default value "checked"
* TiddlerName - the tiddler to toggle the tag in, default value the current tiddler
* LabelText - the text (gets wikified) to put next to the check box, default value is '{{{[[TagName]]}}}' or '{{{[[TagName]] [[TiddlerName]]}}}'
(If a parameter is '.' then the default will be used)
* TouchMod flag - if non empty then touch the tiddlers mod date. Note, can set config.toggleTagAlwaysTouchModDate to always touch mod date
!!Examples
|Code|Description|Example|h
|{{{<<toggleTag>>}}}|Toggles the default tag (checked) in this tiddler|<<toggleTag>>|
|{{{<<toggleTag TagName>>}}}|Toggles the TagName tag in this tiddler|<<toggleTag TagName>>|
|{{{<<toggleTag TagName TiddlerName>>}}}|Toggles the TagName tag in the TiddlerName tiddler|<<toggleTag TagName TiddlerName>>|
|{{{<<toggleTag TagName TiddlerName 'click me'>>}}}|Same but with custom label|<<toggleTag TagName TiddlerName 'click me'>>|
|{{{<<toggleTag . . 'click me'>>}}}|dot means use default value|<<toggleTag . . 'click me'>>|
!!Notes
* If TiddlerName doesn't exist it will be silently created
* Set label to '-' to specify no label
* See also http://mgtd-alpha.tiddlyspot.com/#ToggleTag2
!!Known issues
* Doesn't smoothly handle the case where you toggle a tag in a tiddler that is current open for editing
* Should convert to use named params
***/
//{{{
if (config.toggleTagAlwaysTouchModDate == undefined) config.toggleTagAlwaysTouchModDate = false;
merge(config.macros,{
toggleTag: {
createIfRequired: true,
shortLabel: "[[%0]]",
longLabel: "[[%0]] [[%1]]",
handler: function(place,macroName,params,wikifier,paramString,tiddler) {
var tiddlerTitle = tiddler ? tiddler.title : '';
var tag = (params[0] && params[0] != '.') ? params[0] : "checked";
var title = (params[1] && params[1] != '.') ? params[1] : tiddlerTitle;
var defaultLabel = (title == tiddlerTitle ? this.shortLabel : this.longLabel);
var label = (params[2] && params[2] != '.') ? params[2] : defaultLabel;
var touchMod = (params[3] && params[3] != '.') ? params[3] : "";
label = (label == '-' ? '' : label); // dash means no label
var theTiddler = (title == tiddlerTitle ? tiddler : store.getTiddler(title));
var cb = createTiddlyCheckbox(place, label.format([tag,title]), theTiddler && theTiddler.isTagged(tag), function(e) {
if (!store.tiddlerExists(title)) {
if (config.macros.toggleTag.createIfRequired) {
var content = store.getTiddlerText(title); // just in case it's a shadow
store.saveTiddler(title,title,content?content:"",config.options.txtUserName,new Date(),null);
}
else
return false;
}
if ((touchMod != "" || config.toggleTagAlwaysTouchModDate) && theTiddler)
theTiddler.modified = new Date();
store.setTiddlerTag(title,this.checked,tag);
return true;
});
}
}
});
//}}}
!Toi
{{center{
!!!!Esther Granek
Toi c’est un mot
Toi c’est une voix
Toi c’est tes yeux et c’est ma joie
Toi c’est si beau
Toi c’est pour moi
Toi c’est bien là et je n’y crois
Toi c’est soleil
Toi c’est printemps
Toi c’est merveille de chaque instant
Toi c’est présent
Toi c’est bonheur
Toi c’est arc-en-ciel dans mon coeur
Toi c’est distant…
Toi c’est changeant…
Toi c’est rêvant et esquivant…
Toi c’est pensant…
Toi c’est taisant…
Toi c’est tristesse qui me prend…
Toi c’est fini.
Fini ? Pourquoi ?
Toi c’est le vide dans mes bras…
Toi c’est mon soleil qui s’en va…
Et moi, je reste, pleurant tout bas.
!!!!!Esther Granek, //Ballades et réflexions à ma façon, 1978//
|~ViewToolbar|closeTiddler closeOthers permalink jump > +editTiddler fields syncing references |
|~EditToolbar|+saveTiddler -cancelTiddler deleteTiddler|
!Pour illustrer le Tour de France
!^^Tour de France
^^Hommage au vélo//
jeudi 12 juillet//
Pour compléter l'animation de Natacha sur le Tour de France le __jeudi 12 juillet__, nous dirons des textes sur le Tour, le vélo, ou plus généralement le sport.
{{center big{Voici en ligne un document qui réunit des pages que Michèle et moi avons glanées :
''[[Hommage au vélo|https://drive.google.com/open?id=10Ca2QY0s2tW7curG9Fz4uQ2r6HQaabZm]]''
^^(si vous le téléchargez, une table des matières permet de se déplacer directement d'un texte à l'autre)^^
}}}
J'ai fait de nombreuses coupures, et essayé de mettre à plusieurs voix celles qui s'y prêtaient.
Nous testerons et répartirons les pages qui nous plaisent entre ceux qui sont présents à l'atelier ''Plaisir de Dire''.
Pour tous, si vous comptez participer jeudi 12 juillet, signalez-moi celles des pages auxquelles vous aimeriez prêter votre voix,
(ou d'autres pages que vous avez trouvées) :)
!!!!!!Jacques
!Notre tour de table,
Mardi nous nous concerterons sur les évolutions possibles de l'atelier. J'espère que vous pourrez venir y participer. Pour alimenter notre discussion, merci de préparer vos réponses aux cinq questions suivantes.
''@@1.@@'' //^^Pour chacune de ces quatre questions, caractérisez en une courte phrase votre sentiment :^^//
+++[Votre plaisir de participer]
>Pourquoi je participe à cet atelier, et ce qui m'amène à continuer ?
===
:+++[Votre plus grande satisfaction]
>Grand ou petit, quel a été pour moi le meilleur moment de la saison passée ?
===
:+++[Votre principal regret]
>Importante ou ponctuelle, une chose qui m'a été désagréable la saison passée ?
===
+++[Votre attente 2018]
>Ce qui me manque et que j'aimerais aussi trouver (ou ne plus trouver) à l'atelier
===
''@@2.@@'' //^^Autant de réponses qu'il vous en vient, pas d'autocensure :^^//
:+++[Toutes vos propositions pour la saison qui vient]
En vrac, et en toute liberté :
{{menubox BGTertiaryPale{
*ma candidature à tel ou tels rôle ou fonction ?
*des suggestions de fonctionnement ou d'organisation ?
*des suggestions de textes, scènes, ou sketches ?
*une responsabilité que je pourrais prendre en charge ?
*des suggestions de lieux ou de moyens accessibles ?
...}}}
===
{{homeTitle center{
!Tragédie
!!!!!!//~Jean-Michel Ribes //
}}}{{small{
|Gérard Geneviève Marion|
}}}
PERSONNAGES :
:Louise
:~Jean-Claude
:Simone
{{blue2 italic{Ils sont chics. Costumes de gala. Louise, tendue, marche vite. ~Jean-Claude, visage fermé, traîne derrière elle. Escaliers, couloirs, ils cherchent un nom sur une porte.}}}
;LOUISE.
:"//Bravo//", tu lui dis juste "//bravo//", c'est tout.
;~JEAN-CLAUDE.
:{{blue2 italic{(Soupirs.)}}}
;LOUISE.
:Je ne te demande pas de te répandre en compliments, je te demande de lui dire juste un petit bravo...
;~JEAN-CLAUDE.
:{{blue2 italic{(Soupirs.)}}}
;LOUISE.
:Attention, qui sonne quand même, pas appuyé d'accord, mais qu'elle ne soit pas obligée de te faire répéter...
;~JEAN-CLAUDE.
:Je ne peux pas.
;LOUISE.
:Tu ne peux pas dire "//bravo//" ?
;~JEAN-CLAUDE.
:Non.
;LOUISE.
:Même un petit bravo ?
;~JEAN-CLAUDE.
:Non.
;LOUISE.
:C'est quoi ? C'est le mot qui te gêne ?
;~JEAN-CLAUDE.
:Non, c'est ce qu'il veut dire.
;LOUISE.
:Oh ! ce qu'il veut dire, ce qu'il veut dire, si tu le dis comme "//bonjour//", déjà il veut beaucoup moins dire ce qu'il veut dire.
;~JEAN-CLAUDE.
:Ça veut quand même un peu dire "//félicitations//", non ?
;LOUISE.
:Oui mais pas plus. Vraiment pas plus.
;~JEAN-CLAUDE.
:J'ai haï cette soirée, tu es consciente de ça, Louise ?! J'ai tout détesté, les costumes, les décors, la pièce et Elle, surtout Elle !
;LOUISE.
:Justement, comme ça tu n'es pas obligé de lui dire que tu n'as pas aimé, tu lui dis juste "//bravo//", un petit bravo et c'est fini, on n'en parle plus, tu es débarrassé et moi j'enchaîne... Tiens, sa loge est là !
;~JEAN-CLAUDE.
:Je n'y arriverai pas.
;LOUISE.
:~JEAN-CLAUDE, tu as vu où elle nous a placés, au sixième rang d'orchestre, au milieu de tous les gens connus, elle n'était pas obligée, on n'est pas célèbres, on est même le contraire, elle a fait ça pour nous faire plaisir.
;~JEAN-CLAUDE.
:Je n'ai éprouvé aucun plaisir.
;LOUISE.
:C'est bien pour ça que je ne te demande pas de lui dire "//merci//", là d'accord, "//merci//" ça pourrait avoir un petit côté hypocrite surtout si tu t'es beaucoup ennuyé, mais "//bravo//", franchement ! "//Bravo//" c'est rien, un sourire, même pas, un demi-sourire, une lèvre qui se retrousse à peine...
;~JEAN-CLAUDE.
:Je te dis que je n'y arriverai pas !
;LOUISE.
:Alors, dis-le deux fois.
;~JEAN-CLAUDE.
:Deux fois ?!
;LOUISE.
:Oui, "//bravo, bravo//". Deux fois ça glisse tout seul, on ne se rend presque pas compte qu'on l'a dit, ça file, on n'a même pas le temps de penser à ce que ça veut dire.
C'est un peu comme "//oh pardon !//".
:Quand tu dis "//oh pardon !//" tu n'as pas l'impression de demander vraiment un pardon, de réclamer une absolution pour ta faute, non c'est une petite phrase qui t'échappe, et pourtant le type sur qui tu viens de renverser ta bière et qui a envie de t'égorger, en t'entendant dire "//oh pardon !//" s'apaise aussitôt, comprenant que ce n'est pas un goujat qui lui a taché sa veste, mais un homme bien élevé, et il le devient à son tour en te répondant "//je vous en prie//".
:Phrase dont lui non plus ne saisit pas le sens, sinon, l'idée de se courber mains jointes devant toi en priant lui ôterait toute envie de la prononcer. Et pourtant, il l'a dite !
:Et vous vous séparez, sans insultes ni guerre, presque amis, prouvant que dix mille ans de civilisation n'ont pas été vains, puisqu'ils ont réussi à remplacer chez l'homme le réflexe de l'égorgement par celui de la courtoisie,
...
et c'est pour ça, ~Jean-Claude, que j'aimerais que tu dises un petit bravo à Simone,
juste pour qu'elle ne pense pas que mon mari a échappé à la civilisation
...
:Est-ce que tu comprends ?
;~JEAN-CLAUDE.
:Qu'est-ce qui te prend à parler comme ça, sans t'arrêter ?
:On vient d'entendre ta soeur pendant presque trois heures et demie, parler, parler, parler, j'ai cru mourir, et toi maintenant tu t'y mets !?
:C'est une histoire de fou ? C'est contagieux ou quoi ?
:Si tu dois continuer, dis-le-moi tout de suite, parce que je te préviens, avec toi ce ne sera pas comme avec Simone, je sors, je fous le camp de ce théâtre et je ne reviens pas, tu m'entends, Louise, je ne reviens plus jamais...
:je suis à bout...
;LOUISE.
:Tout ça parce que je te demande d'être poli avec ta belle-sœur !
;~JEAN-CLAUDE.
:Parce qu'elle l'a été elle, sur scène ?! parce que c'est de l'art, c'est poli ?... parce que c'est classique, c'est poli ? parce que ça rime, c'est poli ? C'est ça ?
;LOUISE.
:Tu n'es quand même pas en train de m'expliquer que Racine est mal élevé ?!?
;~JEAN-CLAUDE.
:Ta sœur m'a torturé, Louise, tu m'entends, torturé pendant toute la soirée.
;LOUISE.
:Tu es au courant, j'espère, qu'au Japon la grandeur suprême pour le samouraï blessé à mort est de dire "//bravo//" à son adversaire.
;~JEAN-CLAUDE.
:C'est un mauvais exemple. Je hais le Japon.
;LOUISE.
:Dommage, un peu d'~Extrême-Orient aurait pu t'aider.
;~JEAN-CLAUDE.
:M'aider à quoi ?
;LOUISE.
:A mieux comprendre, à mieux TE comprendre, en oubliant deux petites minutes ta tête d'Occidental buté.
;~JEAN-CLAUDE.
:Louise, ne va pas trop loin, je t'ai prévenue, je suis à bout !
;LOUISE.
:Parce que figure-toi, quand le samouraï blessé à mort dit "//bravo//" à son adversaire, ce n'est pas pour le féliciter, c'est pour l'humilier.
((<sup>(;~JEAN-CLAUDE.
:Ah bon !
;LOUISE.
:Bien sûr. C'est la vengeance suprême. Ton sabre a meurtri mon corps, mais mon âme est intacte, et elle te dit "//bravo//". Voilà la victoire, la vraie ! "//Bravo//"... Car en vérité en disant bravo à son adversaire c'est à lui-même qu'il se dit bravo, bravo d'avoir dit bravo à son bourreau... Maintenant si tu refuses de' te dire bravo en disant bravo à Simone, c'est ton affaire...)))
;~JEAN-CLAUDE.
:Un homme qui ((s'est retenu de hurler pendant toute la (n'a pas hurlé pendant cette))) représentation ne peut pas se dire bravo, Louise ! Quand je pense que j'ai supporté ce supplice sans broncher, comme un lâche, sans rien dire, pendant très exactement deux cent vingt-trois minutes et dix-sept secondes !
;LOUISE.
:Ah oui ! ça j'ai vu, tu l'as regardée ta montre !
;~JEAN-CLAUDE.
:Tout le temps ! A un moment j'ai même cru qu'elle s'était arrêtée, pendant sa longue tirade avec le barbu, le mari, ça n'avançait plus. Je me suis dit, la garce elle nous tient, huit cents personnes devant elle, coincées dans leur fauteuil, elle nous a bloqué les aiguilles pour que ça dure plus longtemps !... Je ne sais pas comment j'ai tenu, je ne sais pas...
;LOUISE.
:Oui, enfin n'exagère pas, tu n'es pas mort.
;~JEAN-CLAUDE.
:Non, c'est vrai... et tu sais pourquoi, Louise ? parce que je me suis mis à répéter sans arrêt un mot, un seul mot, un mot magique : entracte ! ENTRACTE !... Mais il n'est jamais venu, jamais ! Cinq actes sans une seconde d'interruption, Louise, tu appelles ça la civilisation ?
;LOUISE.
:Quinze ans d'attente, ~Jean-Claude, quinze ans que Simone attend d'entrer à la ~Comédie-Française !
:Ça y est, c'est fait, elle est engagée ! Et miracle, on lui offre le rôle dont elle rêve depuis toujours ! Ce soir pour la première fois de sa vie elle vient de jouer Phèdre dans le plus prestigieux théâtre d'Europe,
:et toi, son beau-frère, tu refuses de lui dire "//bravo//", juste un petit bravo !
:Qu'est-ce que tu es devenu ? un animal ?
;~JEAN-CLAUDE.
:Elle vient de jouer Phèdre pour la première fois de sa vie !? Tu te moques ou quoi ?
:Et le jour de notre mariage, tu as oublié peut-être-?
:Elle en a déclamé un morceau en plein milieu du repas, comme ça, sans prévenir personne, même qu'après les enfants ont pleuré et qu'aucun invité n'a voulu danser et que mon père a gueulé sur le tien !
:Elle nous a foutu une ambiance de merde avec sa vocation et ses alexandrins !
;LOUISE.
:C'est maman qui lui avait demandé, pour nous faire une surprise.
;~JEAN-CLAUDE.
:La surprise ça a failli être que je quitte la table, Louise, la table du plus beau jour de notre vie !
:Il fallait que je t'aime pour rester immobile, vingt minutes, le couteau planté dans le gigot, pendant que l'autre hystérique beuglait sa poésie en se caressant les seins !
:Et vingt ans après elle remet ça,
:l'intégrale en plus,
:et tu voudrais que je lui dise "//bravo//" à cette grosse vache !
;LOUISE.
:~Jean-Claude !!
;~JEAN-CLAUDE.
:Quoi ~Jean-Claude !
Elle a pris vingt kilos, Simone, vrai ou faux ?!
;LOUISE.
:C'est humain, c'est l'angoisse d'attendre ce rôle, quinze ans d'angoisse, forcément elle a compensé par la nourriture... mais franchement ce n'est pas ça qui compte.
;~JEAN-CLAUDE.
:Quand on est habillée en toge, ça compte quand même un peu !
;LOUISE {{blue2 italic{(toise ~Jean-Claude et calmement lui demande)}}}.
:Pourquoi tu es venu, ~Jean-Claude ?
;~JEAN-CLAUDE.
:Pardon?
;LOUISE.
:Pourquoi tu m'as accompagnée à cette générale ?
;~JEAN-CLAUDE.
:Tu plaisantes ?
;LOUISE.
:Pas le moins du monde, tu connais la silhouette de Simone, tu savais qu'elle allait jouer Phèdre, pourquoi tu es venu ?
;~JEAN-CLAUDE {{blue2 italic{(hurle)}}}.
:Parce que ça fait trois mois que tu me bassines jour et nuit avec la première de ta sœur qu'il ne faut manquer sous aucun prétexte, la soirée du 24 février a été soulignée en rouge sur tous les calendriers, tous les agendas, c'est devenu une fête familiale...
:Chez nous, cette année, on aura eu Pâques, Noël et Phèdre !
:Et à ce propos, je te signale que ni ton père, ni ta mère, ni ton frère ne sont là ce soir !
;LOUISE.
:Elle n'avait que deux places pour la première !
;~JEAN-CLAUDE.
:Et pourquoi c'est tombé sur nous ?! POURQUOI !!!
;LOUISE.
:Et "//o//"?
;~JEAN-CLAUDE.
:Hein ?
;LOUISE.
:O ? Est-ce que tu peux lui dire juste "//o//" ? Elle sort de sa loge, c'est toi qu'elle regardera le premier j'en suis sûre, tu la serres aussitôt dans tes bras et tu lui dis "//o//", tu n'as même pas besoin de le dire fort, tu lui susurres dans l'oreille : "//o//" !
;~JEAN-CLAUDE.
:O... ?
;LOUISE.
:Oui, je pense que dans "//bravo//" ce qui compte surtout c'est le "//o//", les autres lettres sont pour ainsi dire inutiles... Tu as entendu pendant les rappels à la fin de la pièce, les gens applaudissaient en criant bravo {{blue2 italic{(elle les imite)}}}, vo ! vo ! vo !... C'était surtout le "//o//" qui résonnait, vo ! vo ! avec, pour être honnête, un petit rien de v, vo !... Voilà, "//vo ! vo//", ce serait parfait.
;~JEAN-CLAUDE.
:Tu me demandes de dire "//vo//" à ta sœur ?
;LOUISE.
:S'il te plaît.
{{blue italic{Un temps.}}}
;~JEAN-CLAUDE.
:Vo ?
;LOUISE.
:Oui.
:{{blue italic{Un temps.}}}
;~JEAN-CLAUDE.
:Louise, est-ce que le moment n'est pas venu de faire le point sur notre couple ?
;LOUISE.
:J'en étais sûre !
:La fuite, la tangente, l'esquive, une fois de plus tu cherches à échapper à ce que je te demande, jamais le moindre effort pour me comprendre, pour me satisfaire !
;~JEAN-CLAUDE.
:Parce que toi tu en fais des efforts ?
;LOUISE.
:Beaucoup, ~Jean-Claude, beaucoup !
;~JEAN-CLAUDE.
:Je rêve !
;LOUISE.
:Je te signale par exemple que je t'ai proposé d'enlever ((les trois quarts(75 %)) du mot "//bravo//" !
;~JEAN-CLAUDE.
:Après m'avoir fourgué quatre heures et demie de ta sœur !
;LOUISE.
:Trois heures et demie !
;~JEAN-CLAUDE.
:Et l'heure qu'on est en train de passer à piétiner devant sa loge, ça compte pour du beurre !?
;LOUISE.
:Elle se lave ! Tu ne vas quand même pas compter de la même façon Simone dans Phèdre et Simone sous sa douche !!
;~JEAN-CLAUDE.
:C'est toi que je compte en ce moment, Louise !
:Toi qui m'épuises autant qu'elle sur scène !
:qui t'additionnes à ta sœur, j'ai la double ration !
:Je réalise que dans un théâtre vous êtes les mêmes, aussi assommantes l'une que l'autre !
;LOUISE {{blue italic{(haineuse)}}}.
:Détrompe-toi, ~Jean-Claude, je suis très loin d'être comme Simone, très loin !
:Parce que moi, dis-toi bien que si un jeune homme aux cheveux bouclés, les mollets sanglés par des lanières de cuir, traversait un jour ma vie, je pars avec lui illico !
{{blue small italic{(elle attend qu'il réagisse)}}}
:illico !
{{blue small italic{(elle attend qu'il réagisse)}}}
:sans hésiter, sans me retourner, je file avec Hippolyte...
{{blue small italic{(elle attend qu'il réagisse)}}}
: à Skiathos, à Skopélos, à Mykonos... où il voudra,
{{blue small italic{(elle attend qu'il réagisse)}}}
:et je te plante là, toi et ton cerveau de cœlacanthe !
:{{blue2 italic{(~Jean-Claude, impassible, ne répond pas. Il reste muet, fixant le mur. Décontenancée, Louise fait un pas vers lui.)}}}
:Tu ne dis rien ?
;~JEAN-CLAUDE.
:Non.
;LOUISE.
:Ça ne te fait rien ?
;~JEAN-CLAUDE.
:Quoi?
;LOUISE.
:Ce que je t'ai dit.
;~JEAN-CLAUDE.
:Non.
;LOUISE.
:Que je parte avec Hippolyte, ça ne te fait rien ?
;~JEAN-CLAUDE.
:Non.
;LOUISE.
:Même dans une île grecque ?
;~JEAN-CLAUDE.
:Non. {{blue2 italic{(Un temps.)}}} "//Cerveau de cœlacanthe//", c'était dans Phèdre ?
;LOUISE.
:Non.
;~JEAN-CLAUDE.
:On aurait dit.
;LOUISE.
:C'est normal, ça vient du grec koilos, "//creux//", et akaniha, "//épine//"... C'est un gros poisson... c'est notre ancêtre... avant le singe...
;~JEAN-CLAUDE.
:Ah quand même...
;LOUISE.
:Pardonne-moi je ne pensais pas ce que je disais... Tu ne m'aimes plus ?... (~Jean-Claude ne répond pas.) Et tu me le dis à la Comédie- Française...
;~JEAN-CLAUDE.
:J'ai l'impression que ni toi ni moi on gardera un bon souvenir de cet endroit.
:{{blue2 italic{Il s'éloigne. Louise sursaute.}}}
;LOUISE.
:Où tu vas ?
;~JEAN-CLAUDE.
:Dehors, boire une bière.
;LOUISE.
:Tu reviendras ?
;~JEAN-CLAUDE.
:Je ne pense pas.
;LOUISE.
:Fais attention de ne pas la renverser sur ton voisin...
;~JEAN-CLAUDE.
:J'essaierai...
:{{blue2 italic{Il se dirige vers la sortie.}}}
;LOUISE {{blue2 italic{(bouleversée, crie.)}}}
:~JEAN-CLAUDE !
:{{blue2 italic~Jean-Claude disparaît sans répondre. Louise éclate en sanglots, elle s'appuie contre le muret, détruite, se laisse glisser jusqu'à terre.}}}
:{{blue2 italic{La porte de la loge s'ouvre. Simone apparaît radieuse dans un peignoir de soie.}}}
;SIMONE.
:Ah ma chérie, tu es là ! Alors ça t'a plu ? {{blue2 italic{(Les pleurs de Louise redoublent.)}}} Oh, ma pauvre chérie, tu es toute bouleversée.
:LOUISE . C'est parce que... c'est parce que...
;SIMONE.
:Parce que c'est une pièce qui parle très fort aux femmes, je sais.
;LOUISE.
:Non c'est parce que... parce que...
;SIMONE.
:Parce que c'est bouleversant de voir sa sœur applaudie pendant vingt minutes...
;LOUISE.
:~Jean-Claude m'a quittééée...
;SIMONE.
:Ton mari ?
;LOUISE.
:Ouiiii...
;SIMONE.
:Quand, il t'a quittée ?
;LOUISE.
:Là, maintenant, il est partiii...
;SIMONE.
:Avant la fin de la pièce !?
;LOUISE.
:Nooon...
;SIMONE.
:Ah tu m'as fait peur !...
;LOUISE.
:~Jean-Clauuudee...
;SIMONE {{blue2 italic{(réalisant soudain)}}}.
:C'est incroyable, ma chérie !... Jean- Claude te quitte le soir de ma première de Phèdre et tu te souviens ce que je vous ai joué le jour de votre mariage ?!
;LOUISE.
:Bien sûr que je m'en souviens, pauvre connasse ! {{blue2 italic{(Elle recule vers la sortie.)}}} Salope ! Ordure ! Putain ! Merdeuse !
:{{blue2 italic{Elle disparaît au bout du couloir. Simone reste un instant interdite puis se met à courir derrière sa soeur en criant.}}}
;SIMONE.
:Chérie, ma chérie, qu'est-ce qu'il se passe ! Qu'est-ce que j'ai dit de mal ? Louise...
:Et moi tu ne me dis rien... ?
:Tu ne me dis pas "//bravo//" ?...
:Louise...
:même pas un petit bravo ?
{{right italic small{Paris, janvier 2001.}}}
/%
|exercice|groupe déplacement Musique:Ave Maria de Schubert|
|niveau|Facile|
%/
!Travailler sur les ralentis.
*Démarrer debout, les pieds légèrement écartés.
*La tête relâchée, les bras le long du corps, épaules détendues.
*Après quelques mesures, les yeux ouverts, déplacez vous dans l’espace, au ralenti.
*Retenez vos mouvements. Allez jusqu’au bout de ceux-ci, en les tenant.
**Une tension dans le corps est indispensable. Cet exercice oblige même à cultiver le paradoxe : la tension dans la détente. Ne sont en tension que les parties en mouvement, le reste du corps doit être absolument détendu. Laissez-vous guider par la musique, remplir par elle et ne prêter attention qu’à votre corps (ralenti et tenue du mouvement), sans réfléchir aux gestes que vous allez faire.
Podalydès rappelle la consigne que Hamlet donne aux comédiens qu'il recrute :
<<<
« //Trippingly on the tongue// ».
::Vif et léger sur la langue...
<<<
[[ACTE I, SCÈNE PREMIÈRE - PHILINTE, ALCESTE.]]
[[I-2 Le sonnet d'Oronte - ORONTE, ALCESTE, PHILINTE.]]
[[III-2,3,4 Arsinoé et Célimène]]
/***
Description: Contains the stuff you need to use Tiddlyspot
Note, you also need UploadPlugin, PasswordOptionPlugin and LoadRemoteFileThroughProxy
from http://tiddlywiki.bidix.info for a complete working Tiddlyspot site.
***/
//{{{
// edit this if you are migrating sites or retrofitting an existing TW
config.tiddlyspotSiteId = 'grenier';
// make it so you can by default see edit controls via http
config.options.chkHttpReadOnly = false;
window.readOnly = false; // make sure of it (for tw 2.2)
window.showBackstage = true; // show backstage too
// disable autosave in d3
if (window.location.protocol != "file:")
config.options.chkGTDLazyAutoSave = false;
// tweak shadow tiddlers to add upload button, password entry box etc
with (config.shadowTiddlers) {
SiteUrl = 'http://'+config.tiddlyspotSiteId+'.tiddlyspot.com';
SideBarOptions = SideBarOptions.replace(/(<<saveChanges>>)/,"$1<<tiddler TspotSidebar>>");
OptionsPanel = OptionsPanel.replace(/^/,"<<tiddler TspotOptions>>");
DefaultTiddlers = DefaultTiddlers.replace(/^/,"[[WelcomeToTiddlyspot]] ");
MainMenu = MainMenu.replace(/^/,"[[WelcomeToTiddlyspot]] ");
}
// create some shadow tiddler content
merge(config.shadowTiddlers,{
'TspotControls':[
"| tiddlyspot password:|<<option pasUploadPassword>>|",
"| site management:|<<upload http://" + config.tiddlyspotSiteId + ".tiddlyspot.com/store.cgi index.html . . " + config.tiddlyspotSiteId + ">>//(requires tiddlyspot password)//<br>[[control panel|http://" + config.tiddlyspotSiteId + ".tiddlyspot.com/controlpanel]], [[download (go offline)|http://" + config.tiddlyspotSiteId + ".tiddlyspot.com/download]]|",
"| links:|[[tiddlyspot.com|http://tiddlyspot.com/]], [[FAQs|http://faq.tiddlyspot.com/]], [[blog|http://tiddlyspot.blogspot.com/]], email [[support|mailto:support@tiddlyspot.com]] & [[feedback|mailto:feedback@tiddlyspot.com]], [[donate|http://tiddlyspot.com/?page=donate]]|"
].join("\n"),
'TspotOptions':[
"tiddlyspot password:",
"<<option pasUploadPassword>>",
""
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'TspotSidebar':[
"<<upload http://" + config.tiddlyspotSiteId + ".tiddlyspot.com/store.cgi index.html . . " + config.tiddlyspotSiteId + ">><html><a href='http://" + config.tiddlyspotSiteId + ".tiddlyspot.com/download' class='button'>download</a></html>"
].join("\n"),
'WelcomeToTiddlyspot':[
"This document is a ~TiddlyWiki from tiddlyspot.com. A ~TiddlyWiki is an electronic notebook that is great for managing todo lists, personal information, and all sorts of things.",
"",
"@@font-weight:bold;font-size:1.3em;color:#444; //What now?// @@ Before you can save any changes, you need to enter your password in the form below. Then configure privacy and other site settings at your [[control panel|http://" + config.tiddlyspotSiteId + ".tiddlyspot.com/controlpanel]] (your control panel username is //" + config.tiddlyspotSiteId + "//).",
"<<tiddler TspotControls>>",
"See also GettingStarted.",
"",
"@@font-weight:bold;font-size:1.3em;color:#444; //Working online// @@ You can edit this ~TiddlyWiki right now, and save your changes using the \"save to web\" button in the column on the right.",
"",
"@@font-weight:bold;font-size:1.3em;color:#444; //Working offline// @@ A fully functioning copy of this ~TiddlyWiki can be saved onto your hard drive or USB stick. You can make changes and save them locally without being connected to the Internet. When you're ready to sync up again, just click \"upload\" and your ~TiddlyWiki will be saved back to tiddlyspot.com.",
"",
"@@font-weight:bold;font-size:1.3em;color:#444; //Help!// @@ Find out more about ~TiddlyWiki at [[TiddlyWiki.com|http://tiddlywiki.com]]. Also visit [[TiddlyWiki.org|http://tiddlywiki.org]] for documentation on learning and using ~TiddlyWiki. New users are especially welcome on the [[TiddlyWiki mailing list|http://groups.google.com/group/TiddlyWiki]], which is an excellent place to ask questions and get help. If you have a tiddlyspot related problem email [[tiddlyspot support|mailto:support@tiddlyspot.com]].",
"",
"@@font-weight:bold;font-size:1.3em;color:#444; //Enjoy :)// @@ We hope you like using your tiddlyspot.com site. Please email [[feedback@tiddlyspot.com|mailto:feedback@tiddlyspot.com]] with any comments or suggestions."
].join("\n")
});
//}}}
/%
|exercice|3 ou 4 volontaires gestes observation jeu chaîne|
|niveau|400 Plutôt difficile|
%/
!!!Téléphone sans paroles
#Faire sortir les volontaires autres que le premier hors de vue et de portée phonique.
#Premier volontaire (ou animateur) :
#*Prépare la mise en scène (d'environ une minute) d'une situation, et raconte l'histoire qu'il va jouer au public.
#Pour chaque volontaire en attente :
##On fait rentrer le volontaire suivant.
##Le volontaire précédent joue devant lui l'histoire sans l'expliquer et sans parole devant le volontaire suivant.
#Le dernier volontaire explique à la fin ce qu'il a compris et vient de jouer.
+++^^*[Toutes les répliques de $1]
<<forEachTiddler
where 'tiddler.text.contains(";$1")'
sortBy 'tiddler.title'
>>
===
!UN BIZARRE ACCIDENT^^
Alphonse Allais^^
Nous sommes stupéfaits des progrès énormes accomplis par la pratique du vélocipède ces trnte dernières années.
Avant les regrettables événements de 70-71, le vélocipède existait bien, mais sous la forme de rares spécimens. (Vous êtes trop jeunes pour vous rappeler cela.)
Il n’avait pas, d’ailleurs, revêtu la forme que nous lui connaissons actuellement, et même il prêtait au sourire de la grande majorité des Français d’alors.
Quelques rares originaux et qui ne craignaient point d’affronter les ricanements de leurs contemporains faisaient, seuls, usage de bicycles (comme on désignait les dites machines) et s’attiraient des piétons la spirituelle appellation d’imbéciles à roulettes !
Comme c’est loin, tout ça !
Aujourd’hui, en dépit de quelques grincheux, le cyclisme semble être entré définitivement en nos mœurs.
Dans les bourgades les plus reculées, on rencontre de nombreux vélocipédistes dont certains appartiennent parfois à d’humbles conditions, car, ainsi que la démocratie, la bicyclette coule à pleins bords.
Ah ! dame ! la bécane procure quelquefois de petits ennuis. Cette médaille a un côté pile, ou plutôt pelle, pas toujours drôle, sans compter le passage du sportsman sous la roue de pesants camions, ou le piquage de tête dans les gouffres embusqués au coin d’insidieux tournants.
Ou des accidents plus étranges encore, témoin celui que voici :
Dimanche dernier, un groupe joyeux d’environ vingt vélocipédistes de l’A. T. C. H. O. U. M. (Association des Terrassiers Cyclistes du Havre et des Organistes Unis de Montivilliers) remontait, en peloton compact, le chemin creux qui, partant de la route de Cabourg à Étretat, aboutit au plateau de Notre-Dame de Grâce, près Honfleur.
Tout à coup, pareillement au crépitus d’un canon à tir rapide, une série de détonations déchira l’air.
Les vingt pneux des camarades venaient d’éclater.
(Accident ? Malveillance ? C’est ce que l’enquête ouverte par l’A.T.C.H.O.U.M. établira.)
Nos gaillards eurent bientôt fait de réparer le désastre, mais au moment où, d’un énergique et simultané travail, ils regonflaient leurs pneumatiques, voici qu’ils tombèrent tous sur le sol, en proie à des mouvements spasmodiques, et comme asphyxiés, les pauvres !
L’explication du phénomène est bien simple : les vingt-cinq pompes de ces messieurs, absorbant l’air ambiant pour l’enfourner au sein des caoutchoucs, avaient fait le vide dans le chemin creux et les cyclistes subissaient les affres du petit oiseau que, dans les laboratoires, on met sous la cloche de la machine pneumatique.
L’accident, par bonheur, n’eut pas de suite, une forte brise ayant ramené de l’air dans ces parages ; mais tous les affiliés de l’A.T.C.H.O.U.M. ont bien juré que cette mésaventure leur servirait de leçon.
{{center{
!UN QUART D'HEURE AVANT SA MORT...
!!!!!!//comédie de Paul Ferrier//
}}}
!!!!!!Personnages :
* Alcide de PONTJARDIN, 30 ans
* MERLERANT, 50 ans
* BROUNDERBY, 45 ans
//Le théâtre représente une chambre entièrement démeublée. une malle vide. ce qu'il faut pour écrire. dans la malle, un vieux pistolet du dix-neuvième siècle.//
!!!!SCÈNE PREMIÈRE //PONTJARDIN, seul.//
;PONTJARDIN
://(relisant une lettre qu'il vient d'écrire, à genoux devant sa malle)// : « Monsieur le commissaire de police, vous voudrez bien excuser le petit dérangement que je vais vous occasionner. Je m’en console cependant par la pensée que ça n’est pas pour lire votre journal, dans votre bureau, les pieds sur vos chenets, que vous recevez des appointements... dont j’ignore le chiffre. Le petit dérangement, d’ailleurs, vous sera allégé par cette circonstance, agréable, que, quand vous me retrouverez, vous serez tout de suite fixé sur les causes de mon décès, ce qui vous épargnera des recherches -souvent infructueuses- sur la question de savoir s’il y a eu suicide ou homicide. N’accusez personne de ma mort : c’est moi qui me la donne, n’ayant plus rien à m’offrir ici-bas. Il est midi moins un quart ; à midi ce sera fini. Le dernier des Pontjardin sera parti pour un monde, qui n’aura pas de peine à être meilleur que celui où je suis encore, monsieur le commissaire de police, votre respectueux administré, vicomte Alcide de Pontjardin » //(pliant la lettre, la mettant sous enveloppe, il écrit)// « À monsieur le commissaire du... de mon arrondissement. » Je n’ai jamais connu son numéro, à mon arrondissement, et ça n’est pas ça, du reste qui m’a manqué... //(il se lève)// Ce qui m’a manqué, c’est vingt-cinq mille livres de rentes ! vingt-cinq ! pas plus !... Il y a des gens qui demanderaient davantage... moi, j’en aurais fait assez : je me serais contenté de vingt-cinq mille francs par an !... J’avais même un budget tout fait... qui m’a servi depuis 1876... et encore a-t-il traversé l’Exposition !... Parce que je n’ai pas toujours été pauvre comme aujourd’hui. J’ai eu une toute petite fortune : soixante-quinze mille francs, nets et liquides, qui m’ont suffi pour trois ans ! J’ai pu même traîner un mois encore... un mois de supplément... sur le prix de vente de mon mobilier ! Et... c’est toujours comme ça quand on dérange ses petites combinaisons, j’ai mal fait mon compte... C’était hier : j’ai eu Paille-de-riz à déjeuner... une écuyère de l’Hippodrome... Elle m’a demandé du raisin... du gibier... du Johannisberg et toutes sortes de friandises hors de prix. Comme c’était la dernière fois, je n’ai pas pu lui refuser... et alors, le soir, il me restait huit francs vingt-cinq... Je voulais dîner au Grand-Hôtel... je ne pouvais guère descendre plus bas, n’est-ce pas, comme prix fixe ! Alors, le prix du dîner mis à part, il me restait un joli petit franc... pas beaucoup pour ce que je voulais en faire ! Je sais bien que j’avais une ressource suprême : ne pas dîner et... m’en aller avant ! -mais je n’étais pas pressé de m’en aller... Ah ! non ! je ne suis pas pressé du tout, à preuve que j’ai dîné, bien dîné- que j’ai passé une bonne nuit, et que j’attends, seulement, midi -l’heure habituelle de mon déjeuner. Alors, me direz-vous, si un ami venait, qui vous invitât à déjeuner, vous remettriez votre... opération ?... Eh ! bien, non ! non !... On m’offrirait de me prêter... je ne dis pas cent sous, mais une somme... une vraie... je refuserais ! parce que... je ne suis pas pressé, non, mais quand on a arrangé ses petites combinaisons, il vaut mieux ne pas revenir dessus ! C’est arrangé maintenant ; j’attends midi - D’abord, qu’est-ce que je ferais d’une vraie somme ? Ce serait... mille francs, je suppose ?... Il faudrait se livrer à des calculs... combien ça fait-il de jours, mille francs, sur le pied de vingt-cinq mille francs par an ?... Il faudrait diviser l’année en jours, diviser trois cent soixante-cinq par vingt-cinq... Ah ! non ! merci !... -Ça serait plus ? deux mille ? trois mille ? -Non ! je me suis arrangé pour partir aujourd’hui, à midi, je partirai ! Ah ! si cependant ! si ! vous pourriez me rendre un service... Si quelqu’un de vous avait, sur lui, un bon pistolet... de poche... ou d’arçon... ou de tir, peu importe, qui se chargerait par la culasse... ou autrement, ça m’est indifférent... il aurait six ou sept coups, même;.. Je m’engagerais à le rendre !... Il y a des gens -pas délicats- qui empruntent les choses, et qui ne les rendent pas ! je rendrais le pistolet !... j’ajouterais un post-scriptum à ma lettre... ma lettre à mon commissaire : "Prière de rendre la chose à M. X, qui a eu l’extrême obligeance..." Mais vous n’avez pas de pistolet, sur vous, ni de revolver ? non ? Je n’insiste pas... je ferai avec celui-ci ! //(il tire son pistolet de la malle)// Pas très engageant, hein ?... Dame, l’enfance de l’art ! de l’ar... quebuserie ! Mais vingt sous aussi ! Quand on n’a que vingt sous à mettre à l’acquisition d’un pistolet... heureux encore d’avoir rencontré cet ancêtre... à rouet... dans un lot de vieilles ferrailles, chez un Fouchtra, qui opère, quai de la Mégisserie !... Après ça, la batterie joue ! //(il la fait jouer)// Rassurez-vous, il n’a pas sa mèche ! Quand il aura sa mèche, il fonctionnera supérieurement... La voilà, sa mèche ! //(il la tire de sa poche)// J’ai raclé une bougie de l’étoile ! - Et puis il a du style... j’ignore lequel, ne m’étant jamais occupé de... panoplies ! mais sûrement c'est du pur... du pur quoi ? ça vous est égal... et à moi donc !... Alors quand midi sonnera, je m’appliquerai cette... couleuvrine sur l’estomac, côté du cœur, je dirai un nom : Adélaïde... Adélaïde !... Eh ! bien, quoi ?... Ça ne vous apprendrait qu’un nom de baptême ! Et puis je ne vois pas pourquoi je vous ferais des cachotteries, au point où j’en suis !... nous avons encore cinq minutes à passer ensemble... c’est tout ce qu’il faut pour vous raconter mon petit roman !... Quand je dis un roman, à peine est-ce une nouvelle... et encore pas bien intéressante pour d’autres que pour moi, car je ne sais pas qui ça intéresserait, d’apprendre que j’aime mademoiselle Adélaïde Merlerant, fille unique d’un... cotonnier, qui a fait, dans la bonneterie, une fortune gigantesque... amour partagé, si j’en crois certaines œillades dont mademoiselle Adélaïde me fit l’aumône, durant une saison que nous avons passée à Vichy, dans le même hôtel, au mois de juillet dernier, et loin de son père... dont je ne connais que les prétentions, qui sont telles, que je n’ai jamais pensé même à lui demander la main de son opulente héritière... Tout cela n’intéresserait personne ! seulement, quand je dirai le nom d’Adélaïde, en m’appliquant la chose sur l’estomac, ceux qui sont initiés comprendront... Eh ! mais, voici bientôt le moment... le temps d’ajuster la mèche... //(il commence à ajuster la mèche. On frappe à la porte)// Un indiscret ! cachons ces préparatifs funèbres !
//Il cache son pistolet derrière son dos.//
!!!!SCÈNE 2 //PONTJARDIN, MERLERANT.//
;MERLERANT //(entrant discrètement)//
:Pardon, monsieur, je vous dérange.
;PONTJARDIN
:Un peu, oui.
;MERLERANT
:Je vous prie d’agréer mes excuses.
;PONTJARDIN
:Je les agrée.
;MERLERANT
:Mais je désirerais vous entretenir un instant.
;PONTJARDIN
:Un instant très bref ?
;MERLERANT
:Deux minutes.
;PONTJARDIN
:Nous les avons.
;MERLERANT
:Peut-être est-ce l’heure de votre déjeuner ?
;PONTJARDIN
:Justement ! midi, midi précis !
;MERLERANT
:C’est aussi mon heure.
;PONTJARDIN
:Alors vous serez en retard.
;MERLERANT
:Oui... quoique je demeure très près d’ici... Mais il est telles circonstance où l’on reste sourd aux sollicitations de la bête ! - Vous n’êtes pas collectionneur, monsieur ?
;PONTJARDIN
:Non, monsieur.
;MERLERANT
:Oh ! monsieur ! mon compliment !
;PONTJARDIN
:Vous l’êtes... Je le devine à ce cri du cœur !
;MERLERANT
:Je le suis ! c’est une manie...
;PONTJARDIN
:...Ruineuse.
;MERLERANT
:Peuh ! Ruineuse serait son moindre défaut, pour un collectionneur, qui jouit, comme moi, d’une fortune considérable.
;PONTJARDIN //(avec élan)//
:Vingt-cinq mille livres de rentes, peut-être ?
;MERLERANT
:Plusieurs fois, monsieur, plusieurs fois, et qu’est-ce que c’est que vingt-cinq milles de rentes ?
;PONTJARDIN
:Mais c’est... c’eût été le maximum de mon ambition ! Je trouve même que ce n’est pas le comble du tact, que de venir faire étalage de votre fortune, devant un concitoyen aussi... succinctement meublé !
;MERLERANT
:Oh ! monsieur !... ma confusion... mes excuses... Je vous ai fâché ?
;PONTJARDIN
:Non ! Je suis à une heure de l’existence où l’on voit de haut !
;MERLERANT
:Allons, tant mieux !
;PONTJARDIN
:Mais comme cette heure est... comptée, je vous prierai d’abréger.
;MERLERANT
:J’abrège. - Vous n’êtes pas collectionneur...
;PONTJARDIN
:Ça recommence ?
;MERLERANT
:Non ! Je continue : et c’est heureux pour moi, parce qu’ainsi je crois que nous pourrons nous entendre.
;PONTJARDIN //(regardant autour de lui)//
:Est-ce que j’aurais à mon insu quelque chose qui vous fit envie ?
;MERLERANT
:Précisément.
;PONTJARDIN
:Vous collectionnez des malles ?
;MERLERANT
:Non. J’aurais pu... mais ça ne s’est pas trouvé !
;PONTJARDIN
:J’y suis. //(montrant son pistolet)// Des pistolets !
;MERLERANT
:Vous y êtes !
;PONTJARDIN
:Je me disais aussi. Je n’ai qu’une malle... vide, et un pistolet... chargé !
;MERLERANT
:Il est chargé ?
;PONTJARDIN
:Oui.
;MERLERANT //(rayonnant)//
:Une charge du temps.
;PONTJARDIN
:Ah ! non ! pas du temps !... Je n’aurais pas eu confiance.
;MERLERANT //(désappointé)//
:Tant pis ! Mais vous êtes pressé... Je le suis aussi, c’est une affaire qui peut se bâcler :tenez-vous beaucoup à ce pistolet ?
;PONTJARDIN
:Si j’y tiens ?... plus qu’à ma vie ; ça ne veut pas dire autant que vous croyez, mais...
;MERLERANT
:Mais vous le donneriez pour cent francs.
;PONTJARDIN
:Ça ?
;MERLERANT
:Ça, oui !... le chiffre vous surprend... il n’y a qu’un collectionneur pour offrir cinq louis d’un pistolet...
;PONTJARDIN
:...Aussi dégradé.
;MERLERANT
:...Plus dégradé que je ne croyais.
//Il va pour le prendre.//
;PONTJARDIN
:Touchez pas, il est chargé !
;MERLERANT
:Oui, mais il n’y a pas la mèche.
;PONTJARDIN
:Je l’ai là, la mèche.
;MERLERANT //(rayonnant)//
:Une mèche du temps ?
;PONTJARDIN
:Ah non, pas du temps, j’ai raclé une bougie de l’étoile.
;MERLERANT
:Tant pis !... //(il examine le pistolet)// Mais, mon cher monsieur, voilà un pistolet qui ne partira pas.
;PONTJARDIN
:Vous dites ?
;MERLERANT
:Les dents de la roue sont usées par le frottement, et la percussion manquera de vigueur... Essayez plutôt !
//Il vise en l’air.//
;PONTJARDIN
:Doucement, pas de prodigalité !... N’usez pas ma poudre aux moineaux !
;MERLERANT
:Puisqu’il ne partirait pas.
;PONTJARDIN
:Vous me le jureriez ?
;MERLERANT
:Sur la tête de ma femme.
;PONTJARDIN
:J’aimerais mieux autre chose...
;MERLERANT
:...De plus sacré ?... sur la tête de ma fille !
;PONTJARDIN //(s'affaissant sur sa malle)//
:Eh ! bien, me voilà bien ! je suis bien !
;MERLERANT
:Qu’est-ce qui vous prend ?
;PONTJARDIN
:Volé !... Je suis volé !... Le Fouchtra m’a refait.
;MERLERANT
:Combien donc est-ce qu’il vous l’a vendu, ce Marcailhou de malheur ?
;PONTJARDIN
:Vingt sous !
;MERLERANT
:Vingt sous ?
;PONTJARDIN
:Ça n’est pas exorbitant si vous voulez... mais que ferai-je aussi d’un pistolet qui ne part pas ?
;MERLERANT
:Vous avez besoin d’un pistolet ?
;PONTJARDIN
:...Qui parte, oui ! - Mais j’y songe... vous qui les collectionnez... si vous aviez un, par hasard, dans votre poche?...
;MERLERANT
:De quel siècle ?
;PONTJARDIN
:Oh ! du dix-neuvième siècle ! J’aimerais mieux. La fabrication a fait des progrès !
;MERLERANT
:J’aime mieux aussi.
;PONTJARDIN
:Vous auriez l’objet ?
;MERLERANT
:Pas sur moi... mais chez moi... à quatre pas d’ici... dans ma collection ! J’ai un double !
;PONTJARDIN
:Qui part ?
;MERLERANT
:À double détente !... un joli petit pistolet d’amateur.
;PONTJARDIN
:Oh ! Il ne serait pas joli, joli, pourvu qu’il parte !
;MERLERANT
:Il partira !... Le temps d’aller chez moi... de le charger... de l’amorcer... vous ne perdrez pas au change !... //(à part, en sortant)// Ni moi non plus !
!!!!SCÈNE 3 //PONTJARDIN, puis BROUNDERBY.//
;PONTJARDIN //(seul)//
:Eh ! bien, voilà ce que j'appellerai un heureux hasard ; sans ce collectionneur inattendu, je me demande comment j’aurais fait pour me détruire ?... Il me restait la ressource des ponts ; mais c’est bizarre, j’ai de la répugnance pour ces sortes de décès. D’abord les quais sont couverts, le jour, d’une multitude d’indiscrets, qui se font un malin plaisir de vous déranger. Il y a toujours des oisifs pour plonger après vous et vous ramener sur la berge... où un agent de l’autorité, mû d’ailleurs par les meilleures intentions, abuse de votre état de faiblesse pour vous arracher le serment que vous ne recommencerez plus ! Ça fait des histoires... des complications... des rassemblements ! J’aime mieux le double du monsieur, le joli petit pistolet d’amateur. - Tiens ! j’aurais dû lui demander d’où il savait que celui-ci fût en ma possession ? C’est vrai qu’un quart d’heure avant notre mort, nous devenons indifférents à toutes ces petites curiosités mesquines !... L’intérêt pour moi c’est que mon pistolet avait une valeur pour les collectionneurs... ce qui prouve que les collectionneurs ont du bon quelquefois...
//Il considère son pistolet sans voir entrer Brounderby.//
;BROUNDERBY //(accent anglais, flegme britannique)//
:Combien ?
;PONTJARDIN
:Quoi ?
;BROUNDERBY
:Le pistolet.
;PONTJARDIN //(à lui-même)//
:Un second amateur !... Voilà des coïncidences qu’on ne rencontre que dans la vie réelle !
;BROUNDERBY
:Combien ?
;PONTJARDIN
:Il est vendu.
;BROUNDERBY
:Ça m’est égal
:je rachèterai.
;PONTJARDIN //(au public)//
:À la bonne heure. Celui-ci ne s’égare pas dans des réflexions aussi inutiles que... déplacées ! Parlez-moi des Anglais pour faire les affaires !
;BROUNDERBY
:Combien ?
;PONTJARDIN //(élevant la voix)//
:Il est vendu.
;BROUNDERBY
:Ça m’est égal
:je rachèterai.
;PONTJARDIN
:Encore ! Soyons plus explicite
:je l’ai cédé à un amateur dont j’attends le retour.
;BROUNDERBY
:Combien ?
;PONTJARDIN
:Combien je l’ai cédé ?
;BROUNDERBY
:Yes.
;PONTJARDIN
:Vous voudriez m’offrir un bénéfice.
;BROUNDERBY
:Yes.
;PONTJARDIN
:Oh ! bien, je n’y tiens pas, je ne suis pas brocanteur, j’avais besoin d’un pistolet...
;BROUNDERBY
:Comment ?
;PONTJARDIN
:N’importe comment, pourvu qu’il partit.
;BROUNDERBY
:Je dis
:de quel siècle ?
;PONTJARDIN
:Du dix-neuvième siècle !... La fabrication a fait des progrès.
;BROUNDERBY
:C’est facile.
;PONTJARDIN
:Vous en auriez un sur vous ?
;BROUNDERBY
:Non, je le regrette.
;PONTJARDIN
:Moi aussi, parce que je vous aurais donné la préférence ; mon acheteur ne revient pas et je vous aurais donné la préférence.
;BROUNDERBY
:Voulez-vous un revolver ?
;PONTJARDIN
:Un revolver m’irait assez. Il y a plusieurs coups !
;BROUNDERBY
:Sept !... Je vais prendre un cab, et vous le chercher.
;PONTJARDIN
:Chez vous ?
;BROUNDERBY
:Au Grand-Hôtel. C’est dix minutes.
;PONTJARDIN
:Dans dix minutes, l'autre sera de retour avec son pistolet.
;BROUNDERBY
:Pas un revolver.
;PONTJARDIN
:Non ! mais un pistolet joli, joli...
;BROUNDERBY
:Je vous offre mieux.
;PONTJARDIN
:Sept coups.
;BROUNDERBY
:Et une arme de prix... montée en vermeil.
;PONTJARDIN
:En vermeil, ça me tenterait, mais dix minutes...
;BROUNDERBY
:vous êtes donc bien pressé ?
;PONTJARDIN
:Mon Dieu, oui. Je peux vous dire çà à vous ; vous êtes Anglais, et vous pratiquez le respect... illimité de la liberté individuelle...
;BROUNDERBY
:Vous voulez vous tuer.
;PONTJARDIN
:Vous l’avez dit. Je suis las des amertumes de cette vie, et je prends mon ticket pour l’autre.
;BROUNDERBY
:Pourquoi vous ne vous servez pas de ce pistolet ?
;PONTJARDIN
:Pourquoi ?... L’amateur m’a dit qu’il ne partirait pas.
;BROUNDERBY //(examinant le pistolet)//
:Il partirait.
;PONTJARDIN
:Comment ? La dentition de la roue ?...
;BROUNDERBY
:Excellente.
;PONTJARDIN
:Vous êtes connaisseur ?
;BROUNDERBY
:Yes.
;PONTJARDIN
:Mais alors, le collectionneur...
;BROUNDERBY
:Le rival...
;PONTJARDIN
:Indélicat ! il m'assurait qu’il ne partirait pas pour me décider à l’échange !... C’est un profond scélérat, et je vous donne la préférence.
;BROUNDERBY
:Very well.
;PONTJARDIN
:Ce pistolet est à vous !
;BROUNDERBY
:Combien ?
;PONTJARDIN
:Mais rien du tout, c’est un présent ! Je vous demanderai seulement la permission de m’en servir une dernière fois !
;BROUNDERBY
:All right.
;PONTJARDIN
:Même j’y songe... pour que vous soyez en règle après... après moi...
;BROUNDERBY
:Un petit papier.
;PONTJARDIN
:Mon testament
://(il écrit)// « Je soussigné, sain de corps et d'esprit, lègue à... monsieur ?... »
;BROUNDERBY
:Brounderby, de la maison Tussaud and Co.
;PONTJARDIN
:Brounderby de la maison Tussaud... de Londres... la fameuse maison Tussaud ?...
;BROUNDERBY
:Le musée historique des figures de cire.
;PONTJARDIN
:Je sais
://(il écrit)// « Brounderby, le pistolet ci-joint... » je signe et je date ! vous voilà tranquille.
;BROUNDERBY
:Thank you.
;PONTJARDIN
:Et maintenant, le temps d’ajuster la mèche...
;BROUNDERBY
:J’attendrai.
;PONTJARDIN //(très aimable, lui montrant la malle)//
:Mais prenez donc la peine de vous asseoir, mon cher monsieur Brounderby.
;BROUNDERBY //(s’asseyant)//
:Thank you.
;PONTJARDIN //(ajustant la mèche)//
:Je n’abuserai pas de votre patience.
;BROUNDERBY
:À propos !... Une politesse en vaut une autre...
;PONTJARDIN
:Vous êtes bien bon, mais voyez-vous en ce moment...
;BROUNDERBY
:Si. La maison fait les affaires loyalement. Vous n’avez pas d’héritier !
;PONTJARDIN
:Je n’en ai pas. Je ne laisse ni un héritier, ni un radis.
;BROUNDERBY
:Oh ! alors, votre convoi...
;PONTJARDIN
:Le convoi du pauvre.
;BROUNDERBY
:Very well ! enchanté ! vous me permettrez d’en faire les frais.
;PONTJARDIN
:Quoi ? Vraiment ? Généreux insulaire...
;BROUNDERBY //(prenant un carnet dans sa poche)//
:Quelle classe ?
;PONTJARDIN //(revenant à lui, avec son pistolet armé)//
:Vous me comblez !... Je m’en rapporte à votre générosité !
//Il se vise la poitrine.//
;BROUNDERBY
:Vous tirez là ?
;PONTJARDIN
:Au cœur ! pour ne pas me défigurer !... ne regardez pas !
;BROUNDERBY
:Oh ! ça ne fait rien.
;PONTJARDIN
:Mais... le spectacle...
;BROUNDERBY
:Précisément !... je n’ai jamais vu... ça m’intéressera !
;PONTJARDIN
:Alors regardez !
;BROUNDERBY //(il se lève)//
:Voulez-vous asseoir, vous serez mieux.
;PONTJARDIN //(s’asseyant sur la malle)//
:Merci ! y êtes-vous ?
;BROUNDERBY //(regardant attentivement)//
:Yes.
!!!!SCÈNE 4
:Les mêmes, MERLERANT.
;MERLERANT //(accourant)//
:Arrêtez !
;PONTJARDIN
:Ah vous voilà, vous ?
;MERLERANT
:J’arrive à temps. Qu’alliez-vous faire ?
;PONTJARDIN
:Vous ne prétendez pas m’empêcher ?...
;MERLERANT
:Au contraire. Je prétends. //(à Brounderby)// Et vous, monsieur, vous restez impassible ?...
;BROUNDERBY
:Moi, j’ai l’habitude de ne pas me mêler de ce qui ne me regarde pas.
;PONTJARDIN
:Une leçon de tact que monsieur vous donne !
;MERLERANT
:Mais, jeune homme...
;PONTJARDIN
:Mais, homme d'âge je ne vous connais pas !... ou plutôt, je vous connais... et je vous méprise, car vous avez essayé de me mettre dedans !
;MERLERANT
:Moi ! //(tirant un petit pistolet de sa poche)// Je vous apportais un si joli petit pistolet !... un amour de petit pistolet !...
;BROUNDERBY //(l’examinant)//
:Ça... fabrication de Saint-Etienne, ça vaut trente francs !
;MERLERANT
:Eh ! bien ?
;PONTJARDIN
:Eh ! bien, monsieur, lui, m’offre un convoi de... quelle classe ?
;BROUNDERBY
:La quatrième vous suffit.
;PONTJARDIN
:Va pour la quatrième !... c’est un prix ça !
;MERLERANT //(inquiet)//
:Monsieur est donc amateur ?
;PONTJARDIN
:Monsieur est amateur !... et de plus monsieur est discret... monsieur me laisse faire.
;MERLERANT
:Mais c’est abominable ! et vous voudriez que j’assistasse de sang-froid...
;PONTJARDIN
:Qui voudrait que vous assistassiez ? Est-ce que je vous ai invité ?
;MERLERANT
:Non !... c’est le hasard !... un hasard providentiel... car je suis là, et je ne souffrirai pas que mon prochain... sous mes yeux... d’un coup de pistolet...
;BROUNDERBY
:Quelle singulière nation ! Qu’est-ce que ça vous fait, puisque vous ne connaissez pas monsieur ?
;PONTJARDIN
:Oui ! vous ne me connaissez pas ! et puis je vais vous coller !
;MERLERANT
:Comment ?
;PONTJARDIN
:Vous allez voir. Qui est-ce qui a dit que mon pistolet ne partirait pas ?
;MERLERANT
:C’est moi !
;PONTJARDIN
:Eh ! bien, de deux choses l’une : ou il partira, et vous n’étiez qu’un misérable imposteur...
;MERLERANT
:Il ne partira pas.
;PONTJARDIN
:Alors que craignez-vous, homme trop charitable.
;MERLERANT
:Ce que je crains ? Je ne sais pas ce que je crains, vrai, car il ne partira pas.
;BROUNDERBY
:Il partira.
;MERLERANT
:Je vous dis que non.
;BROUNDERBY
:Je vous dis que si.
;MERLERANT
:Je n’y connais !
;BROUNDERBY
:Voulez-vous parier ?
;MERLERANT //(indigné)//
:Oh !
;BROUNDERBY
:Cinquante livres qu’il partira.
;PONTJARDIN //(se visant)//
:Nous allons bien voir !
;MERLERANT //(l’arrêtant)//
:Arrêtez !
;PONTJARDIN
:Oh ! mais laissez-moi tranquille !
;BROUNDERBY //(prenant Merlerant par le bras)//
:Yes, laissez monsieur tranquille !
;PONTJARDIN
:C’est ça, mon cher Brounderby, tenez-le !
;BROUNDERBY
:Je le tiens, allez !
;MERLERANT
:N’allez pas, ou je crie !
;BROUNDERBY
:Ça ne fait rien, vous serez mort avant qu’on n’arrive.
;MERLERANT //(se débattant)//
:Lâchez-moi, vous !
;BROUNDERBY //(à Pontjardin)//
:Feu, vous !... //(Pontjardin se vise)// Attendez !... c’est pour savoir si le pari tient ?
;MERLERANT
:Un pari sauvage ?... Non !
;BROUNDERBY
:Alors, feu !
;MERLERANT //(criant)//
:Au secours !
;PONTJARDIN //(il tire, le pistolet rate)//
:Raté !
;MERLERANT //(avec joie)//
:Raté !
;BROUNDERBY //(le lâchant)//
:Raté ! //(à Merlerant)// Vous avez eu tort de ne pas parier.
;PONTJARDIN
:Raté ! //(à Merlerant)// Vous ne vous voulez pas échanger nos pistolets ?
;MERLERANT
:Non !
;PONTJARDIN
:En ce cas, mon cher Brounderby, j’attendrai dix minutes, j’attendrai votre revolver...
;BROUNDERBY
:...Monté en vermeil !... Je vais sauter dans un cab...
;MERLERANT //(l’arrêtant)//
:Un moment !
;BROUNDERBY
:Ah ! bien, non, les affaires sont les affaires... monsieur m’a promis son pistolet... j’ai promis mon revolver à monsieur... je vais sauter dans mon cab...
;MERLERANT
:Pardon, pardon, je suis le premier en date !
;PONTJARDIN
:Vous êtes le premier, mais vous faites des manières !... je m’exécute bien, moi !
;MERLERANT
:Et c’est ce que je ne veux pas, sapristi ! que vous vous exécutiez. Voyons, finissons-en !... Voulez-vous dix louis de votre pistolet ?
;BROUNDERBY //(riant d’un air de défi)//
:Oh ! oh !
;MERLERANT
:Vingt ?
;BROUNDERBY //(même jeu)//
:Oh ! oh !
;MERLERANT
:Vingt-cinq ?
;BROUNDERBY
:Oh ! oh !
;MERLERANT
:Cinquante ?
;PONTJARDIN
:Eh ! bien, non, je ne veux pas d’argent ; je veux un pistolet !
;BROUNDERBY
:Je vais sauter dans mon cab...
;MERLERANT
:Attendez donc, j’irais jusqu’à cent louis !
;BROUNDERBY
:Des enchères ?
;MERLERANT
:Des enchères ! je suis entêté comme un mulet !
;BROUNDERBY
:Moi aussi.
;MERLERANT
:J’ai des millions !
;BROUNDERBY
:Moi aussi.
;MERLERANT
:C’est une rivalité de collections !
;BROUNDERBY
:Un steeple-chase d’amateurs !
;MERLERANT
:Et un antagonisme de nationalités !
;BROUNDERBY
:J’aurai ce pistolet.
;MERLERANT
:C’est ce que nous verrons.
;PONTJARDIN //(s’interposant)//
:Messieurs, messieurs...
;BROUNDERBY //(le repoussant)//
:Vous, restez tranquille !
;MERLERANT //(même jeu)//
:Et allez vous asseoir ! J’ai dit deux mille francs !
;BROUNDERBY
:Trois mille !
;MERLERANT
:Quatre !
;BROUNDERBY
:Cinq !
;MERLERANT
:Dix !
;PONTJARDIN
:Messieurs !
;BROUNDERBY
:Rien !... -Quinze !
;MERLERANT
:Vingt !
;BROUNDERBY
:Trente !
;MERLERANT
:Quarante !
;BROUNDERBY
:Cinquante !
;PONTJARDIN
:Mais, saperlipopette, voulez-vous m’écouter ? je ne veux pas d’argent.
;BROUNDERBY
:Vous ne voulez pas cinquante mille francs...
;MERLERANT
:...D’un vieux pistolet...
;BROUNDERBY
:...Qui ne part pas ?...
;PONTJARDIN
:Un vieux pistolet, possible, mais qui a une valeur...
;MERLERANT
:...Pour un amateur comme moi !
;BROUNDERBY
:...Ou pour un musée comme le nôtre.
;MERLERANT
:Cinquante mille francs, c’est une somme...
;PONTJARDIN
:...Pour un bourgeois... un petit bourgeois, qui placerait sa petite somme... en petites rentes !... Mais moi j’ai mes idées sur la fortune... j’ai eu un budget... et je ne veux pas changer ça à mes combinaisons.
;MERLERANT
:Eh ! bien, dites votre prix ?
;PONTJARDIN
:Vous ne me le donneriez pas.
;BROUNDERBY
:Dites tout de même !
;MERLERANT
:Soixante mille francs ?
;BROUNDERBY
:Soixante-dix ?
;MERLERANT
:Quatre-vingt ?
;BROUNDERBY
:Cent ?
;PONTJARDIN
:Ouf ! vous allez me donner des tentations... ! Et comme c’est désagréable !... Quand on est résolu... quand on n’a pas déjeuné... quand on a écrit au commissaire de police...
;MERLERANT
:Vous avez écrit ?
;PONTJARDIN
:Oui, mais ma lettre a fait comme mon pistolet, elle n’est pas partie !... et je meurs de faim... ce qui n’est pas la forme de suicide que j’avais choisie... et vous commencez à m’ennuyer tous les deux... avec vos offres affriolantes qui me plongent dans des perplexités bêtes, car, après tout, cent mille francs...
;BROUNDERBY
:C’est mon prix !
;MERLERANT
:Cent cinq !
;BROUNDERBY
:Cent dix !
;MERLERANT
:Cent quinze !
;BROUNDERBY
:Cent vingt !
;MERLERANT
:Cent vingt-cinq !
;BROUNDERBY
:Cent cinquante !
;MERLERANT
:Deux cent !
;PONTJARDIN
:Assez, assez, je demande à réfléchir... deux cent mille francs, un pistolet hors d’usage... Mais qu’est-ce qu’il a donc, mon pistolet, pour valoir deux cent mille francs ?...
;MERLERANT
:Pour un amateur comme moi !
;BROUNDERBY
:Ou pour un musée comme le nôtre !
;PONTJARDIN
:Il a du style ?
;MERLERANT
:Le plus pur.
;PONTJARDIN
:Il est du... ?
;BROUNDERBY
:XIXe siècle.
;PONTJARDIN
:Et après ?
;MERLERANT
:Après ? tenez ! jouons cartes sur table ! Regardez la date sur la batterie !
;PONTJARDIN //(regardant)//
:1560.
;BROUNDERBY
:Le nom de l’arquebusier.
;PONTJARDIN //(même jeu)//
:Philippe-Hardy-Angoulême.
;MERLERANT
:L’écusson sur la contre-batterie !
;PONTJARDIN
:Trois poutres debout, sur champ d’outre-mer.
;BROUNDERBY
:Les initiales sur la gâche.
;PONTJARDIN
:J.P.M.
;MERLERANT
:Tout ça ne vous explique pas ?
;PONTJARDIN
:J.P.M. ?... Paris, Lyon, Méditerranée !
;BROUNDERBY
:Non.
;MERLERANT
:Rappelez-vous !... 1563 ? le siège d’Orléans ?...
;PONTJARDIN
:Jeanne d’Arc ?
;MERLERANT //(haussant les épaules)//
:En 1563 !
;BROUNDERBY
:Si vous connaissiez le musée Tussaud et compagnie, vous auriez vu un groupe de cavaliers, dont l’un, monté sur un cheval blanc, et entouré de ligueurs chancelle sous un coup de pistolet que lui tire un huguenot, monté sur un cheval alezan.
;PONTJARDIN
:J’y suis !... c’est le pistolet authentique...
;MERLERANT
:...Avec lequel Jean Poltrot de Méré, gentilhomme de l’Angoumois, assassina, en 1563, le duc de Guise assiégeant Orléans !
;PONTJARDIN
:Et vous êtes certain ?
;BROUNDERBY
:1560.
;MERLERANT
:Philippe-Hardy !
;BROUNDERBY
:Angoulême.
;MERLERANT
:Trois poutres... poltre... Poltrot.
;BROUNDERBY
:...Sur champ d’outre-mer... mer... Méré.
;MERLERANT
:J.P.M. Jean Poltrot de Méré !
;PONTJARDIN
:Oh ! l’histoire ! est-ce beau, l’histoire !
;BROUNDERBY
:Deux cent mille francs.
;MERLERANT
:Pardon, c’est mon prix !
;BROUNDERBY
:Eh ! bien, deux cent cinquante !
;PONTJARDIN
:Sapristi, nous brûlons !
;MERLERANT
:Trois cent !
;PONTJARDIN
:Monsieur brûle !
;MERLERANT
:Une observation ! à prix égal, je solliciterai la préférence !
;BROUNDERBY
:Pourquoi ça ?
;MERLERANT
:Comme français ! j’en appelle au patriotisme de monsieur !
;PONTJARDIN
:L’observation me touche !
;MERLERANT
:De plus... car j’espère que nos relations n’en resteraient pas là, s’il plaisait à monsieur de revoir quelquefois son pistolet...
;BROUNDERBY
:...Monsieur, chez nous, aurait l’occasion de voir London.
;MERLERANT
:Chez moi, monsieur n’aurait que quelques pas à faire... voici ma carte.
//Il lui remet sa carte.//
;PONTJARDIN
:L’observation me touche encore ! //(il regarde la carte)// Oh ! oh ! oh !
;MERLERANT
:Quoi ?
;BROUNDERBY
:Cette émotion ?
;MERLERANT
:Cette joie ?
;PONTJARDIN //(lisant)//
:"Stanislas Merlerant !" Vous êtes Merlerant ?
;MERLERANT
:Stanislas.
;PONTJARDIN
:Vous avez une fille ?
;MERLERANT
:Adélaïde.
;PONTJARDIN
:Dix-huit à vingt ans ?
;MERLERANT
:Dix-neuf.
;PONTJARDIN
:Elle était à Vichy, l’été dernier ?
;MERLERANT
:Avec sa tante.
;BROUNDERBY
:Tout ça nous détourne !...
;PONTJARDIN
:Au contraire, tout ça nous ramène. //(à Merlerant)// Vous avez dit trois cent mille francs !
;MERLERANT
:C’est salé !
;PONTJARDIN //(à Brounderby)//
:Et vous ?
;BROUNDERBY
:Trois cent cinquante !
;MERLERANT
:Trois cent soixante-quinze !
;BROUNDERBY
:Quatre cent mille !
;PONTJARDIN
:Une minute ! //(à Merlerant)// Quelle dot donnez-vous à votre fille ?
;MERLERANT
:Cinq cent mille.
;PONTJARDIN
:La valeur de mon pistolet !
;MERLERANT //(désignant Brounderby)//
:Monsieur n’irait pas jusque-là ?
;BROUNDERBY
:J’attends vos enchères !
;PONTJARDIN
:Eh ! bien, monsieur Merlerant, je me nomme le vicomte Alcide de Pontjardin, j’aime mademoiselle Adélaïde, et je ne m’illusionne pas en avançant que je ne lui suis pas indifférent ! Accordez-moi sa main, et mon pistolet est à vous !
;MERLERANT
:Mais...
;BROUNDERBY
:Il hésite !... Monsieur le vicomte...
;PONTJARDIN
:Vous avez une fille aussi ?
;BROUNDERBY
:J’ai une nièce ! Voulez-vous ma nièce, et cinq cent mille francs ?
;MERLERANT
:Je demande la préférence !
;PONTJARDIN
:Vous l’avez !
;MERLERANT
:Mais vous croyez que ma fille consentira ?
;PONTJARDIN
:Puisque nous nous aimons !
;MERLERANT
:Et vous renoncerez à vos projets de suicide ?
;PONTJARDIN
:Puisque vous me faites vingt-cinq mille francs de rente.
;MERLERANT
:C’est vrai !... //(regardant à sa montre)// Midi et quart, venez vous déjeuner avec nous, mon gendre ?
;PONTJARDIN
:J’allais vous l’offrir, beau-père !
//Il lui prend le bras.//
;MERLERANT
:Mais dites donc, après tout, je fais une bonne affaire !
;PONTJARDIN
:Dame ! pour le même prix, vous avez un gendre...
;MERLERANT
:...Et un pistolet !
;PONTJARDIN //(à Brounderby)//
:Vous, mon cher Brounderby, sans rancune ?...
;BROUNDERBY
:Oh ! non. //(à part, tirant de sa poche le papier de la scène troisième)// Je garde le testament... il mourra... tôt ou tard !
;FIN
!^^Marcel Dubé
^^UN SIMPLE SOLDAT
;Bertha ~~//(Fille)//~~
Si c’est une chance qui s’offre à toi, ma p’tite fille, manque-la pas !
Ton Bonheur c’est toi qui le fais.
Moi, si ma vie était à recommencer, j’y penserais deux fois…
Ma vie...
Je suis encore bonne d’appeler ça une vie. J’aurais pas du me remarier.
Je l’ai fait parce que j’avais pas envie d’être obligée à laver des planchers d’un bord pis de l’autre de la ville.
Je l’ai fait pour être capable de vous faire vivre, Armand pis toi.
J’ai accroché le premier veuf qui m’est tombé sous la main. Il m’a rien donné. A part fleurette, rien…
Pour les enfants, 'sont toujours là.
Tu vieillis pus t’engraisse, les enfants t’insultent dans la rue, mais t’as pas les moyens de te défendre…
Même si tu voulais te défendre, tu sais à l’avance que c’est inutile. T’es pas plus qu’un chien, tu vis comme un chien pis tu meurs comme un chien.
Je te le dis, Marguerite, lasse-toi pas prendre comme moi.
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===
!UNE COUPE À LA MAIN
//TAO YUANMING//
Ma maison est tout près de la route,
et pourtant le grincement des chars
et le piaffement des chevaux
n’y pénètrent guère.
Comment est-ce possible ?
Si le cœur est ailleurs,
tout lieu est une retraite.
Je cueille des chrysanthèmes
à la haie de l’est, je me laisse captiver
par le jeu des ombres
et des lumières.
Au crépuscule
sur la montagne du Sud,
les oiseaux, deux par deux,
aile contre aile,
reviennent vers leur nid...
Je sais que dans toutes ces choses
est le vrai sens de la vie,
mais où trouver les mots
pour le dire ?
{{center{
<html><iframe frameborder="0" scrolling="no" src="http://weezo.net/embedded.php?userName=ateliertheatre&type=publishVideo&v=V4.3.0&w=320&h=180&autoplay=0&videoDurationExt=494&uri=/video/dlToken.d3fgxxahuj7ci0mmppon/file.63m_Rentiers_-_UNE_LETTRE_BIEN_TAP%C9E_Sacha_Guitry_-_Genevi%E8ve_Jacques.mp4" frameborder="0" scrolling="no" style="width:320px;height:180px;background:black"></iframe></html>
^^[[WEEZO|http://weezo.net/ateliertheatre]]^^}}}
!Sacha Guitry - Une lettre bien tapée
;Personnages
* LE VOYAGEUR
* LA DACTYLO/%
|Description:|Sacha Guitry - Personnages : LE VOYAGEUR, LA DACTYLO|
%/
;Décor
<<<
{{blue2 small italic{Le salon d'un appartement dans un hôtel à Orléans. Il n'y a personne en scène au lever du rideau, au bout de quelques instants paraît le voyageur. C'est un homme qui porte un costume de voyage, et qui porte son âge. Chapeau de feutre, gabardine pliée en quatre sur le bras, valise qu'il dépose en entrant, puis c'est la gabardine le chapeau dont il se débarrasse vite.
Dès l'abord on voit bien qu'il est un homme sérieux, qui ne voyagent pas pour son plaisir et qui a tout de suite une chose importante, car déjà le voilà qui s'assied un petit bureau sur lequel se trouve un appareil téléphonique.
Il décroche le récepteur, hésite, et le raccroche. Il prend une feuille de papier à lettres, 30 sa plume dans l'encre, hésite, repose la plume, et de nouveaux décrochent le récepteur du téléphone.}}}
<<<
;LUI
Allô ! La réception, s'il vous plaît. Allô, la réception ? Dites-moi, monsieur... N'auriez-vous pas une sténodactylo que vous puissiez me prêter pendant quelques minutes ? Je suis le 122. Quand vous êtes aimable Monsieur, merci. Qu'elle vienne avec sa machine, naturellement. C'est cela même. Non, 10 minutes.... Pas davantage. Merci. {{blue italic{(Il raccroche le récepteur, allume une cigarette, et de long en large fait quelque pas. On frappe.)}}}
;LUI
Entrez. {{blue italic{(La dactylo entre alors. Elle est séduisante, et elle le sait.)}}}
;ELLE
Bonjour, Monsieur. {{blue italic{(Sans en dire davantage, elle va vers le bureau, enlève tout ce qui peut la gêner, et installe la machine à écrire portable qu'elle apporte. Tous ces préparatifs ne vont pas sans beaucoup de petites manières. Sûre qu'il la regarde, elle ne le regarde pas.)}}}
;LUI
La fumée ne vous incommode pas, Mademoiselle ?
;ELLE
Du tout, du tout, Monsieur. Je ne fume pas moi-même, par ce que, pour écrire, c'est incommode. {{blue italic{(Elle s'était assise, mais le siège est trop bas. Elle se relève et cherche autour d'elle. Elle choisit le coussin d'un fauteuil dans lequel le voyageur allait précisément s'asseoir. Ce coussin, elle va le poser sur sa chaise – et elle s'installe. Elle est très très bien, maintenant !)}}}
;ELLE
:Je suis à vos ordres, Monsieur.
;LUI
:Vous ne vous servez pas de papier ?
;ELLE
:Pour quel usage, Monsieur ?
;LUI
:Pour écrire.
;ELLE
:Ah ! ah ! ah ! J'avais oublié le papier. Le principal en somme. En un seul exemplaire ?
;LUI
: S'iI vous plaît. {{blue italic{(Elle est prête à présent et elle attend.)}}}
;LUI {{blue italic{ (dictant)}}}
:Mon cher Edmond...
;ELLE
:Tiens !
;LUI
:Quoi donc ?
;ELLE
:C'est le prénom de mon père.
;LUI
:Ah ! Oui, et comment va-t-il ?
;ELLE
:Mon père ? Il va très bien, Monsieur, merci. {{blue italic{(Répétant.)}}} Mon cher Edmond... ?
;LUI
:Je suis arrivé à Orléans vers trois heures et –virgule – tout de suite – virgule – je suis allé voir le notaire.
;ELLE
:Un point.
;LUI
:Parfaitement. {{blue italic{(Dictant.)}}} Et je ne veux pas tarder à t'apprendre que la chose est bien plus compliquée que nous ne le pensions.
;ELLE
:Ah ! Ah ?
;LUI
:Hein ?
;ELLE
:Non, non, rien, Monsieur. {{blue italic{(Répétant.)}}} Plus compliquée que vous ne le pensiez.
;LUI
: Comment « que vous ne le pensiez » ?
;ELLE
:« Que nous ne le pensions », pardon.
;LUI {{blue italic{(dictant)}}}
:Je pouvais te le téléphoner.
;ELLE
:Ça, le fait est.
;LUI
:Mais à la réflexion, j'ai préféré t'écrire afin que tu puisses montrer ma lettre à Bergeron.
;ELLE
:A qui ?
;LUI
:A mon associé.
;ELLE
:Oui, mais c'est son nom qui m'a échappé.
;LUI
:Ah ! Pardon : Bergeron. {{blue italic{(Dictant.)}}} Il verra ainsi... que je suis allé moi-même... à Orléans. Tout ce que je puis te dire aujourd'hui, c'est que le dernier testament qu'elle a fait... n'est pas écrit de sa main. {{blue italic{Parlant.}}} A la ligne. {{blue italic{(Dictant.)}}} Confidentiel... {{blue italic{(Elle écoute en tendant bien l'oreille.)}}}
;ELLE
:Comptez sur moi.
;LUI
:Ce n'était pas à vous que je le disais, c'était à...
;ELLE
:... Edmond ! Ah ! Bon, bon, bon.
;LUI
: Écrivez-le . confidentiel. {{blue italic{(Dictant.)}}} La personne en question... est peut-être encore où tu penses...
;ELLE
:Oui... ?
;LUI
: {{blue italic{(dictant)}}} Mais sois convaincu que si Gaston obligeait Suzanne à rendre à Germaine ce que tu sais..
;ELLE
:Hm...?
;LUI. {{blue italic{(dictant)}}}
:Nous aurions en mains... tous les éléments de ce que tu supposes.
;ELLE
:Vous croyez qu'il va comprendre ?
;LUI
:Comment, s'il va... mais je pense bien.
;ELLE
:Je permets de vous dire ça, parce que, moi, je ne peux pas arriver à...
;LUI
:C'est possible... mais lui il comprendra_
;ELLE
:Je vous demande pardon de m'y être intéressée.
;LUI
:Je vous en prie. {{blue italic{(Dictant.)}}} Maître Radin m'a dit qu'il se rendrait demain, en personne, au château de Saint-Mêle... un point. Mais Saint-Mêle est à 300 kilomètres d'ici...
;ELLE
:Trois cent quarante... au moins.
;LUI, dictant.
:Des personnes bien informées prétendent même qu'il y a au moins 340 kilomètres. Dans ces conditions je n'aurais donc pas la réponse avant quarante-huit heures...
;ELLE
:J'ai mis quarante-sept heures... je me suis trompée. Je peux laisser quarante-sept ?
;LUI
: Mais voyons' {{blue italic{(Dictant.)}}} Je te la ferai connaître aussitôt. {{blue italic{(Un temps. Il se lève et fait quelques pas.)}}}
;LUI
: {{blue italic{(dictant)}}} Que vais-je faire jusqu'à mercredi ? Je n'en sais rien encore. Deux jours, c'est bien long, et pourtant- cela pourrait passer si vite. Certes il ne me déplairait pas d'aller jusqu'à Amboise que j'ignore. Il parait que le château est une splendeur...
;ELLE
: Oh"....
;LUI
: {{blue italic{(dictant)}}} Ben, oui... seulement voilà, faire seul ce petit voyage, quand il serait si doux de le faire à deux ! Rester à Orléans et attendre la réponse de Radin. Si encore je connaissais quelqu'un içi !
:Et quand je dis quelqu'un, Edmond, tu vois ce que je dire ?
:Ah, si j'étais homme à me contenter de n'importe quelle créature rencontrée au hasard ? Ah ! Mais non ! Je la voudrais charmante et fine. Et puis pas grande, pas trop grande avec des yeux très beaux ! Je lui vois des cheveux châtains, et des mains délicates, avec des ongles rouges ! Existe-t-elle ?
;ELLE
: ...
;LUI
: Peut-être.
:Mais, si je la rencontre, oserai-je lui demander vingt-quatre heures de sa vie ? Crois-tu, mon cher Edmond, qu'elle voudra consentir à me faire visiter ce beau château d'Amboise ? Et si elle y consent, crois-tu, pour l'en remercier qu'il me serait possible de lui offrir le petit manteau de vison que j'ai vu tout à l'heure dans la vitrine d'un magasin qui se trouve sur la place de la Cathédrale, à gauche, en arrivant par la rue Gambetta ; le crois-tu, cher Edmond ?
;ELLE
:Je vous demande pardon... Est-ce que je puis me permettre de donner un petit coup de téléphone ?
;LUI
: Mais... je vous en prie, Mademoiselle.
;ELLE
:Allô ?... Le portier s'il vous plaît. Le portier ? Donnez-moi tout de suite le Commissaire, je vous en prie. Allô !... Allô ! Allô ? C'est toi, papa ? Dis donc... figure-toi que le patron m'envoie pendant vingt-quatre heures à Amboise. Je ne peux malheureusement pas refuser. Bien sûr. Alors, sois gentil, dis à maman qu'elle me prépare mon petit sac de voyage. Oh non, ce n'est pas la peine, je vais avoir ce qu'il faut comme manteau. Merci, papa, excuse-moi. {{blue italic{(Elle raccroche.)}}} Oui, papa est commissaire de la police. {{blue italic{(Elle reprend sa lettre.)}}} Alors, nous en étions à... ce petit magasin qui se trouve sur la place de la Cathédrale, à gauche, en arrivant par la rue Gambetta .
:On s'arrête là, hein ?
;LUI
: Oui.
;ELLE
:Et comme formule de politesse Vous l'embrassez ?
;LUI
: Oh ! je veux bien.
;ELLE
:Moi aussi. {{blue italic{(Il l'embrasse.)}}}
{{center{
!!!RIDEAU
}}}
!Ultima verba//
Victor HUGO (1802-1885)//
...
Oui, tant qu'il sera là, qu'on cède ou qu'on persiste,
O France !
France aimée et qu'on pleure toujours,
Je ne reverrai pas
ta terre douce et triste,
Tombeau de mes aïeux et nid de mes amours !
Je ne reverrai pas
ta rive qui nous tente,
France !
hors le devoir, hélas ! j'oublierai tout.
Parmi les éprouvés je planterai ma tente :
Je resterai proscrit,
voulant rester debout.
J'accepte l'âpre exil,
n'eût-il ni fin ni terme,
Sans chercher à savoir et sans considérer Si quelqu'un a plié qu'on aurait cru plus ferme,
Et si plusieurs s'en vont qui devraient demeurer.
Si l'on n'est plus que mille, eh bien, j'en suis !
Si même
Ils ne sont plus que cent,
je brave encor Sylla ;
S'il en demeure dix,
je serai le dixième ;
Et s'il n'en reste qu'un,
je serai celui-là !
/%
|auteur|Molière|
|temps|60 mn|
|prochaines|10/1/19_Mairie|
|anciennes|2017_Mouffetard;2018_Éloi;_Malraux; Rentiers; JdArc; ~AveMaria |
|distribution|_Michèle _Éveline _Gérard _ Isaac _Jacques _Livia _NicoleL _Brigitte _Nicole _Claudine _Yvonne _Denise|
%/{{menubox BGSecondaryPale center{
!Un amour de Célimène
Montage de six grandes scènes cultes du ''//Misanthrope//'' de Molière, qui renouvelle notamment l'image de Célimène et d'Alceste.
-
Ce spectacle d'un peu plus d'une heure réunit 10 comédiens des Septuas ++,
la troupe des ateliers Théâtre Mouffetard et ~Port-Royal du CASVP 5e.
}}}
><<tiddler 'Scènes extraites du Misanthrope'>>
Un enfant,
Ça vous décroche un rêve
Ça le porte à ses lèvres
Et ça part en chantant
Un enfant,
Avec un peu de chance
Ça entend le silence
Et ça pleure des diamants
Et ça rit à n´en savoir que faire
Et ça pleure en nous voyant pleurer
Ça s´endort de l´or sous les paupières
Et ça dort pour mieux nous faire rêver
Un enfant,
Ça écoute le merle
Qui dépose ses perles
Sur la portée du vent
Un enfant,
C´est le dernier poète
D´un monde qui s´entête
A vouloir devenir grand
Et ça demande si les nuages ont des ailes
Et ça s´inquiète d´une neige tombée
Et ça s’endort, de l’or sous les paupières
Et ça se doute qu´il n´y a plus de fées
Mais un enfant
Et nous fuyons l´enfance
Un enfant
Et nous voilà passants
Un enfant
Et nous voilà patience
Un enfant
Et nous voilà passés
/%
|Representations|Mouffetard 7A, Malraux 7C, ~Saint-Éloi7C, Rentiers 81,~JeannedArc 83|
%/
!Un amour de Célimène
!!!!!!{{center{//Montage de cinq scènes extraites
du Misanthrope de Molière//}}}
<<foldHeadings opened>>
!!!!PHILINTE ALCESTE
<<tiddler 'Misanthrope - I 1 - PHILINTE, ALCESTE.##texte%/'>>
!!!!ORONTE ALCESTE PHILINTE
<<tiddler "Misanthrope - I 2 Le sonnet d'Oronte - ORONTE, ALCESTE, PHILINTE.##texte%/">>
!!!!ALCESTE CÉLIMÈNE
<<tiddler 'Misanthrope - II 1 - ALCESTE, CÉLIMÈNE##texte%/'>>
!!!!ARSINOÉ CÉLIMÈNE (ORONTE //au début//)
<<tiddler 'Misanthrope - III-2,3,4 Arsinoé et Célimène##texte%/'>>
!!!!ARSINOÉ ALCESTE
<<tiddler 'Misanthrope - III-5 Arsinoé et Alceste##texte%/'>>
!!!!Final : ALCESTE, CÉLIMÈNE, PHILINTE, ORONTE, ARSINOÉ
<<tiddler 'Misanthrope - V Terminaison de Célimène et Alceste##texte%/'>>
<<foldHeadings closed>>
/%
|exercice|groupe posture chaîne|
|niveau|180 Facile|
%/
!!!Un sentiment pour la posture
#Les yeux fermés
#La bouche ouverte
#La main gauche incontrôlable
#Les jambes serrées
#Les mains jointes
#Ne tenant pas en place
#Guettant quelque chose
#En marchant
#Hiératique
#Complètement mou
#Endormi
#Déséquilibré
{{center{
!UNE NOCE
!!!!!!//Anton Pavlovitch Tchekhov<br> SCÈNE DE MŒURS EN UN ACTE<br>^^1889<br> Traduction de Denis Roche^^//
}}}
!!!!!!Personnages ://
* JIGALOV
* EVDOKIME ZAKHAROVITCH, ((expéditionnaire-assesseur en retraite(^Exactement registrateur de collège, le plus petit fonctionnaire de la Table des rangs (14e classe). (N. d. T.) ))).
* NASTASSIA TIMOFÉÏEVNA, sa femme.
* DACHENKA (DARIA EVDOKIMOVNA), leur fille.
* APLOMBOV ÉPAMINONDE MAKSIMOVITCH, son fiancé.
* ~RÉVOUNOV-KARAOULOV FIODOR IAKOVLEVITCH, lieutenant de vaisseau en retraite.
* NIOUNINE ANDREÏ ANDRÉÏEVITCH, agent d’une compagnie d’assurances.
* ZMÉIOUKINA ANNA MARTYNOVNA, sage-femme ; trente ans ; robe ponceau vif.
* IATE
* IVAN MIKHAÏLOVITCH, télégraphiste.
* DYMBA
* KHARLAMPI SPIRIDONOVITCH, confiseur grec.
* MOZGOVOÏ
* DMITRI STEPANOVITCH, matelot de la flotte volontaire.
* GARÇONS D’HONNEUR, MESSIEURS, GARÇONS DE RESTAURANT, etc.//
//L’action se passe dans une des salles du traiteur Andronov.
Salle brillamment éclairée. Grande table mise pour le souper. Autour de la table s’affairent des garçons en habit. Derrière la scène, la musique joue la dernière figure d’un quadrille.//
!!!!MME ZMÉIOUKINA, IATE et UN GARÇON D’HONNEUR
//Ce dernier traverse la scène.//
; MME ZMÉIOUKINA.
:Non, non, non !
; IATE
//la suivant. – //Pitié ! Pitié !
; MME ZMÉIOUKINA.
:Non, non, non !
; LE GARÇON D’HONNEUR
:, se hâtant derrière eux. – Monsieur, madame, c’est impossible. Où allez-vous ? Et le grand rond ? Le grand rond, s’il vous plaît ?
!!!!//Il sort. Entrent Nastassia Timoféïevna et Aplombov.//
; NASTASSIA TIMOFÉÏEVNA
:Au lieu de me harceler avec tous vos discours, vous feriez mieux d’aller danser.
; APLOMBOV
:Je ne suis pas une espèce de ((Spinoza(^Par confusion avec un célèbre Espinosa (1825-1903), danseur dans le genre « grotesque » au Bolchoï de Moscou (1869-1872).)))/ pour décrire des huit avec mes pieds. Je suis un homme posé et qui a du caractère. Je ne trouve aucun plaisir aux distractions puériles. Mais il ne s’agit pas de danses… Excusez-moi, maman, mais beaucoup de choses m’échappent dans vos façons de faire ! Vous aviez promis par exemple de me donner, avec votre fille, outre les objets de nécessité ménagère, deux valeurs à lots ; et où sont-elles ?
; NASTASSIA TIMOFÉÏEVNA
:J’ai un peu mal à la tête… C’est sans doute le temps qui va changer… Il y aura du dégel !
; APLOMBOV
:N’essayez pas de me donner le change. Aujourd’hui, j’ai appris que vous aviez mis vos valeurs en gage… Pardonnez-moi, maman, mais seuls les flibustiers en agissent ainsi. Je ne dis pas cela par disposition égoïste : je n’ai pas besoin de vos valeurs, mais c’est par principe ! Je ne laisserai personne me frustrer. Je fais le bonheur de votre fille, mais si vous ne me remettez pas les titres aujourd’hui même, je mangerai votre fille toute crue. Je suis un homme à sentiments généreux.
; NASTASSIA TIMOFÉÏEVNA
//examinant la table et comptant les couverts. –// Un, deux, trois, quatre, cinq…
; UN GARÇON.
:Le chef de cuisine fait demander quelles glaces vous ordonnez de servir : au madère ou sans rien ?
; APLOMBOV
:Au rhum. Et dis au patron qu’il n’y a pas assez de vin ! Dis-lui qu’il envoie encore du haut-sauternes. //(À Nastassia Timoféïevna.)// Vous avez également promis, et ce fut une de nos conditions, qu’il y aurait aujourd’hui au souper un général. Où est-il, le général ? Je vous le demande ?
; NASTASSIA TIMOFÉÏEVNA
:Ce n’est pas ma faute, mon petit.
; APLOMBOV
:Et celle de qui donc ?
; NASTASSIA TIMOFÉÏEVNA
:Celle d’Andreï Andréïevitch. Il est venu hier et a promis d’amener un véritable général. //(Soupirant.)// Il n’en a sans doute trouvé nulle part. Sans cela, il l’aurait amené… Aurions-nous regardé à cela ?… Pour notre enfant, nous ne regretterions rien. On veut un général, va pour un général !…
; APLOMBOV
:Bien, passons… Nul n’ignore, et vous entre autres, qu’avant que je demande Dachenka en mariage le télégraphiste Iate la courtisait. Pourquoi donc l’avez-vous invité ? Ne saviez-vous pas que cela me serait désagréable ?
; NASTASSIA TIMOFÉÏEVNA
:Ah !… quel est déjà ton nom ?… Épaminonde Maksimovitch, il n’y a pas encore un jour que tu es marié et tu nous as déjà fatiguées de tes discours, Dachenka et moi. Que sera-ce dans un an ? Tu es geignard ! Ah ! que tu es geignard !
; APLOMBOV
:Aha ! vous n’aimez pas à entendre la vérité ? Oui ? Alors agissez noblement. Je ne vous demande qu’une chose, d’être loyale.
* D’une porte à l’autre passent à travers la salle les couples dansant le « grand rond ». Le premier couple est formé de Dachenka et du garçon d’honneur ; le dernier, de Mme Zméioukina et de Iate. Ces deux personnages s’arrêtent et restent dans la salle. Jigalov et Dymba entrent et s’approchent de la table.
; LE GARÇON D’HONNEUR
:, ordonnant. – Promenade ! Messieurs, la promenade ! //(Puis derrière la scène.)// Promenade !
//Les couples s’éloignent.//
; IATE
//à Mme Zméioukina. – //Prenez-moi en pitié ! Prenez-moi en pitié, ensorcelante Anna Martynovna !
; MME ZMÉIOUKINA.
:Ah ! quel homme vous êtes !… Je vous ai déjà dit que je n’étais pas en voix aujourd’hui…
; IATE
:Je vous en supplie, chantez ! Rien qu’une note ! Prenez-moi en pitié ! Rien qu’une note !
; MME ZMÉIOUKINA.
:Vous m’ennuyez…
* Elle s’assied et s’évente.
; IATE
:Non, vous êtes vraiment impitoyable ! Une créature aussi cruelle, passez-moi l’expression, avec une si merveilleuse, une si merveilleuse voix ! Avec une pareille voix, permettez-moi de vous l’exprimer, il ne faut pas rester sage-femme, mais chanter dans les grands concerts. Par exemple, cette fioriture-là, comme vous la chantez divinement !… Tenez, cela…
://Il fredonne.//
:((Je vous aimais, l’amour en vain(^Citation d’un célèbre poème de Pouchkine de 1829, qui a fourni les paroles de nombreuses romances (de A. Alabiev, P. Boulakhov, A. Varlamov, A. Gourilev, etc.).)))…
:C’est merveilleux !
; MME ZMÉIOUKINA
://fredonnant.//
:Je vous aimais, l’amour peut-être encore…
:Est-ce cela ?
; IATE
:Cela même ! Merveilleux !
; MME ZMÉIOUKINA.
:Non, je ne suis pas en voix aujourd’hui… Tenez, éventez-moi donc… Quelle chaleur ! //(À Aplombov.)// Épaminonde Maksimovitch, pourquoi être mélancolique ? Est-ce permis à un jeune marié ? Comment n’avez-vous pas honte, vilain ?… Voyons ; à quoi songez-vous ?
; APLOMBOV
:Le mariage est un acte sérieux ! C’est une chose à examiner sous toutes les faces et en détail.
; MME ZMÉIOUKINA.
:Quels vilains sceptiques êtes-vous tous ! J’étouffe auprès de vous… Donnez-moi de l’atmosphère ! Vous entendez ?… Donnez-moi de l’atmosphère !
//Elle fredonne.//
; IATE
:Merveilleux ! Merveilleux !
; MME ZMÉIOUKINA.
:Éventez-moi, éventez-moi ! Sans cela je sens que mon cœur va éclater. Pourquoi ai-je si chaud, dites-le-moi ?
; IATE
:Parce que vous suez, madame…
; MME ZMÉIOUKINA.
:Fi ! que vous êtes vulgaire ! Je vous défends de parler ainsi !
; IATE
:Pardon !… Évidemment vous êtes habituée, passez-moi l’expression, à fréquenter l’aristocratie et…
; MME ZMÉIOUKINA.
:Ah ! laissez-moi en paix !… Donnez-moi de la poésie, des transports !… Éventez, éventez !…
; JIGALOV
//à Dymba.// – On redouble, hein ? //(Lui versant à boire.)// On peut boire à toute minute ; l’essentiel, Kharlampi Spiridonovitch, est de ne pas oublier son affaire… Bois, mais ouvre l’œil !… Quand c’est le moment de boire, pourquoi ne pas boire ? On le peut… À votre santé… //(Ils boivent.)// Y a-t-il des tigres chez vous, en Grèce ?
; DYMBA
//accent grec. – //Il y en a.
; JIGALOV
:Et des lions ?
; DYMBA
:Il y a aussi des lions. C’est en Ruzzie qu’il n’y a rien. En Grèze, il y a de tout. Là-bas, z’ai mon père, mon oncle, et mes frères, et ici ze n’ai rien.
; JIGALOV
:Hum… Et il y a des cachalots, en Grèce ?
; DYMBA
:Il y a tout.
; NASTASSIA TIMOFÉÏEVNA
à son mari. – Pourquoi boire et manger pour rien ? Il serait temps que tout le monde se mette à table. Ne touche pas les homards avec ta fourchette. C’est pour le général. Peut-être viendra-t-il encore…
; JIGALOV
:Et il y a aussi des homards en Grèce ?
; DYMBA
:Il y en a. Là-bas, il y a tout.
; JIGALOV
:Hum… Et y a-t-il des expéditionnaires-assesseurs ?
; MME ZMÉIOUKINA.
:J’imagine quelle atmosphère il y a en Grèce !
; JIGALOV
:Et il doit y avoir aussi beaucoup de tricherie. Les Grecs, parbleu, c’est comme les Arméniens et les Tsiganes. Un Grec vous vend une éponge ou un poisson rouge, et il essaie de vous chaparder tout ce qu’il peut… On redouble ?
; NASTASSIA TIMOFÉÏEVNA
:Pourquoi redoubler pour rien ? Il serait temps que tout le monde se mette à table. Il est près de minuit…
; JIGALOV
:Se mettre à table, on le peut. Messieurs et dames, à table ! Nous vous en prions instamment. //(Il crie.)// Jeunes gens, le souper !
; NASTASSIA TIMOFÉÏEVNA
:Chers invités, nous vous prions instamment de prendre place.
; MME ZMÉIOUKINA
://se mettant à table. – //Donnez-moi de la poésie.
Déclamant.
:Et lui, le rebelle, il cherche la tempête
:((Comme si la tempête était le repos(^Vers de Lermontov.)))…
*:Donnez-moi une tempête !
; IATE
://à part. – //Une femme étonnante ! J’en suis amoureux ! Amoureux fou !
!!!!//Entrent Dachenka, Mozgovoï, les garçons d’honneur, les jeunes gens, les demoiselles, etc. Tous se mettent bruyamment à table. Pause d’une minute. La musique joue quelques mesures.//
; MOZGOVOÏ
://se levant. – //Messieurs et mesdames, je dois vous déclarer ce qui suit… Nous avons préparé beaucoup de toasts et de discours ; aussi n’attendons pas davantage et commençons tout de suite. Messieurs et mesdames, je porte un toast aux jeunes mariés !
//La musique joue quelques mesures. Hourras. On trinque.//
; MOZGOVOÏ
:((C’est amer(^Exclamation consacrée dans les noces pour faire s'embrasser les jeunes mariés. )) !
; TOUS
:C’est amer ! amer !
//Dachenka et Aplombov s’embrassent.//
; IATE
:Une merveille ! Une merveille ! Je dois vous dire, messieurs, et avec pleine justice, que cette salle et tout ce local sont magnifiques ! Charmant, parfait ! Mais, pour que la fête soit complète, savez-vous ce qui manque ?… Il manque la lumière électrique, passez-moi l’expression ! Dans tous les pays du monde, il y a maintenant la lumière électrique ; seule la Russie est en retard.
; JIGALOV
://pénétré. – //La lumière électrique… hum… à mon sens la lumière électrique, ce n’est qu’une tricherie… On vous colle un petit charbon et on croit vous éblouir. Non, l’ami, si tu nous donnes de la lumière, ne nous donne pas un charbon, mais quelque chose de plus substantiel : quelque chose d’extraordinaire, que l’on puisse saisir. Donne-moi du feu, tu comprends ? Du feu naturel, et pas du feu inventé.
; IATE
:Si vous voyiez de quoi se compose une batterie électrique, vous ne raisonneriez pas ainsi.
; JIGALOV
:Mais je ne veux pas le voir. C’est de la tricherie. On abuse le peuple… On lui tire ses derniers sucs… On les connaît, ces gens-là !… Et vous, monsieur le jeune homme, au lieu de défendre la tricherie, vous feriez mieux de boire et de verser à boire aux autres. Ma parole !
; APLOMBOV
:Beau-père, je suis tout à fait de votre avis. Pourquoi entamer des conversations savantes ? Je n’en suis pas ennemi, et je cause volontiers moi-même de toute sorte d’inventions scientifiques ; mais chaque chose a son temps ! //(À Dachenka.)// Est-ce ton avis, chérie ?
;DACHENKA
:Il veut montrer ce qu’il sait, et cause de choses incompréhensibles…
; NASTASSIA TIMOFÉÏEVNA
:Nous avons, Dieu merci, passé notre vie sans instruction, et nous marions notre troisième fille à un brave homme ; et si, selon vous, nous ne sommes pas assez instruits, pourquoi venez-vous chez nous ? Allez trouver vos savants !
; IATE
:Nastassia Timoféïevna, j’ai toujours tenu en estime votre famille et si j’ai parlé de lumière électrique, ce n’est pas par fierté que je l’ai fait. Je suis même prêt à boire à votre santé. J’ai toujours, de tout mon sentiment, souhaité un bon mari à ((Daria Evdokimovna(^Forme cérémonieuse et polie de Dachenka. Dachenka est un diminutif familier. ))). De notre temps, Nastassia Timoféïevna, il était difficile d’épouser un brave homme. Aujourd’hui, chacun cherche à faire un mariage d’intérêt, pour la dot…
; APLOMBOV
:Est-ce une allusion ?
; IATE
://effrayé. –// Pas la moindre !… Je ne parle pas des personnes présentes… J’ai dit ça… en général… N’allez pas croire !… Tous savent que vous vous mariez par amour… La dot est insignifiante.
; NASTASSIA TIMOFÉÏEVNA
:Insignifiante ! Pas du tout ! Parle, mon cher monsieur, mais ne divague pas ! Outre mille roubles en espèces, nous donnons trois rotondes, le lit et tout le mobilier ; va trouver ailleurs une pareille dot !
; IATE
:Je ne dis pas le contraire… Le mobilier, effectivement, est beau… et les rotondes, certainement, aussi… Ce que j’ai dit, c’est parce qu’il s’est fâché de ce que j’avais fait soi-disant une allusion…
; NASTASSIA TIMOFÉÏEVNA
:Vous n’avez qu’à ne pas en faire ! Nous vous estimons à cause de vos parents et vous avons invité à la noce ; et vous allez dire des choses étranges !… Si vous saviez qu’Épaminonde Maksimovitch faisait un mariage d’intérêt, pourquoi ne l’avez-vous pas dit plus tôt ? //(Les larmes aux yeux.)// Moi qui ai nourri, abreuvé, élevé ma fille… qui l’ai gardée mieux qu’un diamant d’émeraude…
; APLOMBOV
:Et vous allez le croire !… Je vous en fais mon sincère remerciement ! Je vous en suis fort obligé !… //(À Iate.)// Et vous, monsieur Iate, bien que vous soyez de mes connaissances, je ne vous permettrai pas de vous conduire ainsi dans une maison où vous êtes invité ! Prenez la peine de partir !
; IATE
:Que voulez-vous dire ?
; APLOMBOV
:Je souhaite que vous soyez un aussi honnête homme que moi ! Bref, prenez la peine de partir !
//La musique joue quelques mesures.//
;LES JEUNES GENS
://à Aplombov. – //Mais laisse-le donc ! Assez, voyons ! Cela en vaut-il la peine ? Assieds-toi ! Laisse ça !
; IATE
:Je ne dis rien… je… je ne comprends même pas… Soit ! Je pars !… Seulement, rendez-moi d’abord les cinq roubles que vous m’avez empruntés l’an dernier pour un gilet de piqué, passez-moi l’expression… Je bois encore ce verre, et… je pars… Seulement, rendez-moi d’abord ce que vous me devez.
; LES JEUNES GENS. –
:Allons, assez, assez ! En voilà assez !… Vaut-il la peine de se fâcher pour des bêtises ?
; LES GARÇONS D’HONNEUR
://d’une voix forte. – //À la santé des parents de la mariée, Evdokime Zakharovitch et Nastassia Timoféïevna !
!!!!//La musique joue quelques mesures. Hourras.//
; JIGALOV
://touché, saluant de tous côtés. –// Je vous remercie, chers invités ! Je vous suis très reconnaissant de ne nous avoir pas oubliés, d’être venus, de ne nous avoir pas dédaignés… Et ne pensez pas que je sois un vieux malin ou qu’il y ait de la tricherie de ma part ; je vous dis cela uniquement par sentiments, par simplicité de cœur ! Pour les braves gens, je ne regrette rien ! Humbles remerciements !
//On s’embrasse.//
;DACHENKA
://à sa mère. – //Maman, pourquoi pleurez-vous ? Je suis si heureuse !
; APLOMBOV
:Maman est émotionnée par la séparation prochaine. Je lui conseille plutôt de se rappeler notre conversation d’il y a quelques instants.
; IATE
:Ne pleurez pas, Nastassia Timoféïevna. Songez à ce que sont les larmes humaines ! C’est de la neurasthénie pusillanime ; rien de plus !
; JIGALOV
:Et y a-t-il des oronges en Grèce ?
; DYMBA
:Il y en a. Il y a tout.
; JIGALOV
:Et des mousserons, je suis sûr qu’il n’y en a pas ? Hein ?
; DYMBA
:Il y a des mouzzerons. Il y a tout.
; MOZGOVOÏ
:Kharlampi Spiridonovitch, c’est à votre tour de faire un speech ! Messieurs, qu’il fasse un speech !
;TOUS
://à Dymba. – //Un speech ! Un speech ! C’est à votre tour !
; DYMBA
:Pourquoi ?… Ze ne comprends pas, ce que… Qu’est-ce que z’est ?
; MME ZMÉIOUKINA.
:Non, non, n’essayez pas de vous dérober ! C’est à votre tour ! Levez-vous !
; DYMBA
://il se lève, décontenancé. //– Ze peux dire cela… Laquelle Ruzzie et laquelle Grèzze ! Maintenant lesquels gens en Ruzzie et lesquels gens en Grèzze !… Et lesquels vont sur mer, en carâvia… en ruzze, ça veut dire bateau… et lesquels vont sur terre, en beaucoup de sémins de fer… Ze comprends bien… Nous sommes grecs, vous ruzzes, et ze n’ai besoin de rien… Ze peux dire ceci : laquelle est la Ruzzie et laquelle est la Grèzze !
!!!!//Entre Niounine.//
; NIOUNINE
:Attendez, messieurs et dames, ne mangez pas ! Attendez !… Nastassia Timoféïevna, deux mots. //(Il la mène à l’écart, haletant.)// Écoutez… Le général va venir à l’instant. Je l’ai enfin trouvé… Je suis complètement fourbu… C’est un vrai général, sérieux, vieux, qui a peut-être quatre-vingts ans, ou même quatre-vingt-dix ans…
; NASTASSIA TIMOFÉÏEVNA
:Quand donc viendra-t-il ?
; NIOUNINE
:À la minute. Vous m’en serez reconnaissante toute votre vie ! Ce n’est pas un général, c’est du nanan ; un général Boulanger, quoi ! Pas un général d’une vague infanterie, mais un général de la flotte. Il a le grade de capitaine de vaisseau, mais, dans la marine, cela équivaut à général de brigade, ou, dans le civil, à conseiller d’État actuel. Absolument pareil ; même plus élevé.
; NASTASSIA TIMOFÉÏEVNA
:Tu ne me trompes pas, mon petit ((Andriouchenka(^Diminutif de forme populaire (mon petit André). ))) ?
; NIOUNINE
:Allons donc ! Suis-je un filou ? Soyez tranquille.
; NASTASSIA TIMOFÉÏEVNA
soupirant. – Nous ne voudrions pas dépenser de l’argent pour rien, Andriouchenka !…
; NIOUNINE
:Soyez tranquille. Ce n’est pas un général, mais un véritable tableau ! ////(Élevant la voix.)//// Je lui ai dit : « Vous m’avez complètement oublié, Excellence ! Ce n’est pas bien, Excellence, d’oublier ses vieilles connaissances ! Nastassia Timoféïevna, lui dis-je, est très fâchée contre vous. » //(Il va s’asseoir à table.)// Et lui me répond : « Permettez, mon ami ; comment irais-je à cette noce quand je ne connais pas le marié ?<br>– Laissez cela, Excellence, lui dis-je. Quelles cérémonies faites-vous ? Le marié, lui dis-je, est un homme remarquable, le cœur sur la main. Il est priseur au mont-de-piété, mais ne croyez pas, Excellence, que ce soit un rustre ou un chevalier d’industrie ! Dans les monts-de-piété, il y a maintenant, lui dis-je, des dames nobles qui travaillent. » Il m’a frappé sur l’épaule ; nous avons fumé ensemble chacun un havane, et le voilà qui va venir… Attendez, messieurs et dames ; ne commencez pas à manger…
; APLOMBOV
:Et quand viendra-t-il ?
; NIOUNINE
:À l’instant même. Quand je sortais de chez lui, il prenait ses caoutchoucs. Attendez, messieurs et dames, ne mangez pas.
; APLOMBOV
:Alors il faut faire jouer une marche…
; NIOUNINE
:Eh ! les musiciens ? une marche !
!!!!//La musique joue une marche.//
;UN GARÇON
://annonçant. – //Monsieur ~RÉVOUNOV-KARAOULOV.
!!!!//Jigalov, Nastassia Timoféïevna et Niounine s’empressent à sa rencontre. ~RÉVOUNOV-KARAOULOV entre.//
; NASTASSIA TIMOFÉÏEVNA
saluant. – Soyez le bienvenu, Excellence ! Il nous est très agréable de…
;RÉVOUNOV.
:Très heureux !
; JIGALOV
:Nous sommes, Excellence, des gens de petite condition, humbles, des gens simples, mais ne pensez pas que de notre part il y ait la moindre tricherie. Nous mettons au premier rang les gens bien et ne regrettons rien. Soyez le bienvenu !
; RÉVOUNOV
:Très heureux.
; NIOUNINE
:Permettez-moi, Excellence, de vous présenter le nouveau marié, Épaminonde Maksimovitch Aplombov, avec sa nouvelle… je veux dire avec sa femme, nouvellement mariée… Puis Ivan Mikhaïlovitch Iate, employé au télégraphe. Puis un étranger, grec de nation et, de son métier, confiseur, Kharlampi Spiridonovitch Dymba… Ensuite Ossip Loukitch Babelmandebski… Et cætera. Tous les autres, ce n’est que du fretin. Prenez la peine de vous asseoir, Excellence !
; RÉVOUNOV
:Très !… Pardon, messieurs et mesdames, j’ai deux mots à dire à Andriouchenka. //(il s’écarte avec Niounine.)// Je suis, mon ami, un peu confus… Pourquoi m’appelles-tu Excellence ? Je ne suis pas général. Capitaine de vaisseau, c’est même moins que colonel.
;NIOUNINE
://il lui parle à l’oreille comme à un sourd. – //Je le sais, mais, Fiodor Iakovlevitch, ayez la bonté de me laisser vous appeler Excellence ! La famille de la mariée est patriarcale. Elle estime les supérieurs et aime qu’on tienne compte des rangs…
; RÉVOUNOV
:Ah ! s’il en est ainsi, alors évidemment… //(Il vient à table.)// Très touché !
; NASTASSIA TIMOFÉÏEVNA
:Asseyez-vous, Excellence ! Ayez la bonté de prendre quelque chose, Excellence. Seulement veuillez nous excuser, vous êtes, chez vous, habitué à ce qui est délicat, tandis que, chez nous, c’est simple.
;RÉVOUNOV
://qui a mal entendu. –// Quoi, madame ? Hum ?… Oui, madame. //(Un silence.)// Oui, madame… Autrefois, les gens vivaient toujours simplement et étaient satisfaits. Bien que je sois officier supérieur, je vis simplement… Aujourd’hui Andrioucha vient chez nous et m’invite à votre noce. « Comment, dis-je, y aller quand je ne les connais pas ? C’est gênant ! » Et il répond : « Ce sont des gens simples, de vie patriarcale. Ils accueillent avec plaisir toute personne… » Alors, évidemment, s’il en est ainsi… pourquoi pas ?… Très heureux. Je m’ennuie seul chez moi, et si ma présence à cette noce peut faire plaisir à quelqu’un, alors, dis-je, soit !
; JIGALOV
:Alors, vous venez de bon cœur, Excellence ? Cela me touche ! Je suis un homme simple, sans aucune tricherie, et j’estime les gens qui sont de même. Daignez prendre quelque chose, Excellence !
; APLOMBOV
:Vous êtes retraité depuis longtemps, Excellence ?
; RÉVOUNOV
:Hein ? Oui, oui… c’est cela… C’est vrai. Oui, monsieur… Mais pardon, qu’est-ce que c’est que ça ? Le hareng est amer… le pain aussi est amer… Impossible de manger !
; TOUS
:C’est amer ! amer !
//Aplombov et Dachenka s’embrassent.//
* RÉVOUNOV
://riant. – //Hé ! hé ! hé !… À votre santé. //(Un silence.)// Oui, monsieur… autrefois, tout était simple et tous étaient satisfaits… J’aime la simplicité… Je suis vieux, par ma foi ! j’ai pris ma retraite en 1865… J’ai soixante-douze ans… Oui… Sans doute, autrefois les choses n’allaient pas sans que l’on aimât, à l’occasion, à faire de l’apparat ; mais… //(Apercevant Mozgovoï.)// Vous êtes… matelot, il me semble ?
; MOZGOVOÏ
:Oui, commandant.
; RÉVOUNOV
:Aha !… oui… oui… Le métier de marin a toujours été dur. Il y a de quoi s’y casser la tête et se perdre. Le moindre mot, semble-t-il sans importance, y a son sens particulier. Ainsi, gabiers aux écoutes de misaine et de grand-voile, qu’est-ce que ça veut dire ? Eh bien, le matelot comprend ! Hé ! Hé !… C’est aussi sorcier que les mathématiques !
; NIOUNINE
:À la santé de son Excellence Fiodor Iakovlevitch ~RÉVOUNOV-KARAOULOV !
!!!!//La musique joue quelques mesures. Hourras.//
; IATE
:Vous avez daigné exposer à l’instant, Excellence, les difficultés du métier de marin. Mais celui de télégraphiste est-il plus aisé ? Maintenant, Excellence, nul ne peut entrer dans les télégraphes s’il ne sait lire et écrire le français et l’allemand. Mais le plus difficile, c’est la transmission des télégrammes. C’est horriblement difficile. Daignez écouter.
//Il frappe sur la table avec une fourchette, imitant les intermittences télégraphiques.//
; RÉVOUNOV
:Qu’est-ce que cela veut dire ?
; IATE
:Cela veut dire : « J’estime votre Excellence pour ses vertus. » Croyez-vous que cela soit facile ?… Et, tenez, encore cela.
//Il frappe.//
; RÉVOUNOV
:Un peu plus fort… je n’entends pas…
; IATE
:Cela veut dire : madame, comme je suis heureux de vous tenir dans mes bras.
; RÉVOUNOV
:De quelle dame parlez-vous ?… Oui… //(À Mozgovoï.)// Tenez, et si, par vent arrière, on veut… on veut mettre le perroquet et le cacatois !… Alors, vous commandez : Les gabiers aux manœuvres du grand perroquet et du grand cacatois ! Et lorsque des vergues on laisse aller les voiles, il faut embraquer les écoutes, les drisses et les bras de perroquet et de cacatois…
; LE GARÇON D’HONNEUR
:. – Messieurs et mesdames…
; RÉVOUNOV
://l’interrompant. – //Oui, mon bon… Et ce qu’il y en a de ces commandements… Oui !… Embraquez les écoutes de perroquet et de cacatois ! Larguez les drisses ! Bon ! Qu’est-ce que cela signifie et de quoi s’agit-il ? C’est très simple ! Il faut, savez-vous, raidir les écoutes de perroquet et de cacatois, et laisser aller les drisses… toutes à la fois ! C’est ainsi que l’on règle les écoutes et les drisses de perroquet et de cacatois. En même temps, on choque, à la demande, les bras des vergues, et quand les écoutes sont raides et que toutes les manœuvres sont en place, on embraque les bras de perroquet et de cacatois, et les vergues s’orientent dans le vent…
; NIOUNINE
://à Révounov. – //Fiodor Iakovlevitch, la maîtresse de maison vous prie de parler d’autre chose ; les invités ne comprennent pas et c’est ennuyeux…
; RÉVOUNOV
:Quoi ? Qui est-ce qui s’ennuie ?… //(À Mozgovoï)// Jeune homme, et si le bateau fait du plus près, tribord amures, toutes voiles dehors, et qu’il faille virer pour faire du vent arrière, que faut-il commander ? Voici ce qu’il faut commander : Faites siffler : tout le monde sur le pont. Pare à virer lof pour lof !… Hé ! Hé !…
; NIOUNINE
:Fiodor Iakovlevitch, assez ! Daignez manger.
; RÉVOUNOV
:Quand tout le monde est monté sur le pont, on commande : À vos postes ! Pare à virer ! Ah ! alors quelle vie ! On commande et on regarde les matelots courir comme l’éclair à leurs postes. Ils brassent les perroquets et tirent sur les bras… On ne peut se tenir de crier : bravo, les gars !
//Il s’enroue et tousse.//
; LE GARÇON D’HONNEUR
://se hâtant de profiter du silence. –// En ce jour pour ainsi dire d’aujourd’hui, où nous sommes tous rassemblés pour fêter notre aimé…
; RÉVOUNOV
://interrompant. –// Oui, monsieur ! Et c’est qu’il faut se rappeler tout cela ! Par exemple : Pare à larguer l’écoute de misaine ! Pare à larguer l’écoute de grand-voile !
; LE GARÇON D’HONNEUR
://offensé. –// Pourquoi m’interrompt-il ? Comme ça on ne portera pas un seul toast !
; NASTASSIA TIMOFÉÏEVNA
:Nous sommes des gens sans instruction, Excellence ; nous ne comprenons pas ce que vous dites. Racontez-nous plutôt quelque chose qui soit…
;RÉVOUNOV
://qui n’a pas bien entendu.// – J’ai déjà mangé, je vous remercie… Vous dites de l’oie ? Merci… Oui, il est agréable de se rappeler le passé… Oui, c’est agréable, jeune homme ! On navigue sans souci et… //(La voix tremblante.)// Et rappelez-vous cet enchantement quand on vire vent devant ! Quel marin ne s’enflammerait au souvenir de cette manœuvre ! Dès qu’a été lancé le commandement : faites siffler : tout le monde sur le pont. Pare à virer ! c’est comme si une étincelle électrique touchait chacun. Du commandant au dernier gabier, tout le monde tressaille…
; MME ZMÉIOUKINA.
:C’est ennuyeux ! Ennuyeux !
!!!!//Murmure général.//
; RÉVOUNOV
://qui n’a pas entendu. – //Merci, j’ai mangé. //(S’excitant.)// Tout est paré et les yeux sont braqués sur le commandant… Il commande : Raidissez la misaine et la grand-voile. À bâbord, brassez le perroquet de fougue. À tribord, contre-brassez ! Tout s’exécute à la minute… À bâbord, larguez l’écoute de misaine et de grand mât. À tribord, pare à virer le gouvernail. //(Il se lève.)// Le navire vient dans le lit du vent et enfin les voiles commencent à fasier. Le commandant crie : Aux bras, attention ! aux bras, attention ! Et il a les yeux attachés sur le grand hunier. Et quand cette voile fasie à son tour, c’est-à-dire quand il est temps de virer, on entend retentir un commandement de tonnerre : Larguez le grand hunier, larguez les bras !… Alors, tout vole, tout craque, c’est une confusion générale. Tout s’exécute sans accroc. Le virement de bord a réussi.
; NASTASSIA TIMOFÉÏEVNA
://fâchée. – //Vous êtes général et vous faites du scandale… Vous devriez en avoir honte, à votre âge !
; RÉVOUNOV
:Du potage ?… Non, je n’en prends pas… Je vous remercie.
; NASTASSIA TIMOFÉÏEVNA
élevant la voix. – Je dis : vous devriez avoir honte à votre âge !… Un général qui fait de l’esclandre !
; NIOUNINE
://confus. – //Messieurs, voyons… est-ce que ça vaut la peine ? Vraiment…
; RÉVOUNOV
:D’abord, je ne suis pas général, mais capitaine de vaisseau, ce qui, d’après le tableau des rangs, équivaut à lieutenant-colonel.
; NASTASSIA TIMOFÉÏEVNA
:Si vous n’êtes pas général, pourquoi avez-vous pris l’argent ? Nous ne vous avons pas payé pour faire de l’esclandre !
; RÉVOUNOV
://abasourdi. //– Quel argent ?
; NASTASSIA TIMOFÉÏEVNA
:On le sait, quel argent ! Andreï Andréïevitch vous a sans doute remis vingt-cinq roubles ?… //(À Niounine.)// Et pour toi, Andriouchenka, c’est une honte ! Je ne t’ai pas demandé de louer un homme pareil !
; NIOUNINE
:Allons, bon !… Laissez ça ! Est-ce que ça vaut la peine ?
; RÉVOUNOV
:Qui est-ce qu’on a loué, payé ?… Qu’est-ce que c’est que ça ?
; APLOMBOV
:Tout de même, permettez !… Vous avez bien reçu vingt-cinq roubles d’Andreï Andréïevitch ?
; RÉVOUNOV
:Quels vingt-cinq roubles ? //(Comprenant.)// Ah ! c’est donc ça !… Je comprends tout maintenant… Quelle horreur !… Quelle horreur !
; APLOMBOV
:Voyons, avez-vous reçu l’argent ?
; RÉVOUNOV
:Mais pas du tout ! Laissez-moi en paix ! //(Il se lève de table.)// Quelle horreur ! Quelle bassesse ! Outrager ainsi un homme âgé, un marin, un officier qui a fait plus de vingt-cinq ans de service !… Si seulement c’était une société convenable, je pourrais provoquer quelqu’un en duel, mais ici, que faire ? //(Éperdu.)// Où est la porte ? De quel côté aller ? Garçon, fais-moi sortir. Garçon ! //(Il s’en va.)// Quelle bassesse ! Quelle horreur !
!!!!//Il sort.//
; NASTASSIA TIMOFÉÏEVNA
:Andriouchenka, où sont les vingt-cinq roubles ?
; NIOUNINE
:Vaut-il la peine de parler de pareilles bêtises ?… La belle affaire !… Ici, tout le monde est à la joie et vous allez chercher on ne sait quelle misère !… //(Il crie.)// À la santé des mariés ! Musique, une marche ! //(La musique entame une marche.)// À la santé des mariés !
; MME ZMÉIOUKINA.
:J’étouffe. Donnez-moi de l’atmosphère !… J’étouffe à côté de vous !
; IATE
://enthousiasmé. //– Merveilleuse ! Merveilleuse !
!!!!//Bruit.//
; LE GARÇON D’HONNEUR
://essayant de dominer le bruit.// – Messieurs et mesdames, en ce jour, en quelque sorte d’aujourd’hui…
!!!!RIDEAU
[>img[jacques.turbe@gmail.com|images/signature theatre-57.jpg]]
{{groupbox center{''Guy de Maupassant
U N E R É P É T I T I O N''
Comédie en un acte et en vers
^^//Représentée pour la première fois le 6 mai 1904 au théâtre de Rouen.//^^}}}
!!!Scène I
<<tiddler 'Une répétition - sc.1'>>
!!!Scène II
<<tiddler 'Une répétition - sc.2'>>
!Scène III
<<tiddler 'Une répétition - sc.3'>>
!Scène IV
<<tiddler 'Une répétition - sc.4'>>
<<foldHeadings opened>>
66o: [[Marie-Thérèse 1|https://giga.gg/l/576efabcdce5dff17c8b45fe]] [[Marie-Thérèse 2|https://giga.gg/l/576efdcd17e6df90548b50d6]]
{{center{[img(33%,)[http://i.skyrock.net/0615/7130615/pics/118913506_small.jpg]]}}}
!Une allée du Luxembourg
!!!!!{{center{Gérard de NERVAL
(1808-1855)}}}
{{center{^^[[Ma lecture|https://giga.gg/l/57702a3fd8e5df95858b45c7]]^^
Elle a passé, la jeune fille
Vive et preste comme un oiseau
À la main une fleur qui brille,
À la bouche un refrain nouveau.
C'est peut-être la seule au monde
Dont le coeur au mien répondrait,
Qui venant dans ma nuit profonde
D'un seul regard l'éclaircirait !
Mais non, - ma jeunesse est finie ...
Adieu, doux rayon qui m'as lui, -
Parfum, jeune fille, harmonie...
Le bonheur passait, - il a fui !
}}}
!Une beauté de quinze ans enfantine//
^^Pierre de Ronsard^^//
{{center{
Une beauté de quinze ans enfantine,
Un or frisé de maint crêpe anelet,
Un front de rose, un teint damoiselet,
Un ris qui l’âme aux Astres achemine ;
Une vertu de telles beautés digne,
Un col de neige, une gorge de lait,
Un coeur jà mûr en un sein verdelet,
En Dame humaine une beauté divine ;
Un oeil puissant de faire jours les nuits,
Une main douce à forcer les ennuis,
Qui tient ma vie en ses doigts enfermée
Avec un chant découpé doucement
Ore d’un ris, or’ d’un gémissement,
De tels sorciers ma raison fut charmée.
!!!!!!Pierre de Ronsard
}}}
{{center{<<storyViewer amour >>
!Une conquête<br>//^^Fable^^//
!!!!!!//Guy de Maupassant<br>^^(Des vers)^^//
Un jeune homme marchait le long du boulevard
Et sans songer à rien, il allait seul et vite,
N’effleurant même pas de son vague regard
Ces filles dont le rire en passant vous invite.
Mais un parfum si doux le frappa tout à coup
Qu’il releva les yeux. Une femme divine
Passait. A parler franc, il ne vit que son cou ;
Il était souple et rond sur une taille fine.
Il la suivit – pourquoi ? – Pour rien ; ainsi qu’on suit
Un joli pied cambré qui trottine et qui fuit,
Un bout de jupon blanc qui passe et se trémousse.
On suit ; c’est un instinct d’amour qui nous y pousse.
Il cherchait son histoire en regardant ses bas.
Élégante ? Beaucoup le sont. – La destinée
L’avait-elle fait naître en haut ou bien en bas ?
Pauvre mais déshonnête, ou sage et fortunée ?
Mais, comme elle entendait un pas suivre le sien,
Elle se retourna. C’était une merveille.
Il sentit en son coeur naître comme un lien
Et voulut lui parler, sachant bien que l’oreille
Est le chemin de l’âme. Ils furent séparés
Par un attroupement au détour d’une rue.
Lorsqu’il eut bien maudit les badauds désoeuvrés
Et qu’il chercha sa dame, elle était disparue.
Il ressentit d’abord un véritable ennui,
Puis, comme une âme en peine, erra de place en place,
Se rafraîchit le front aux fontaines Wallace,
Et rentra se coucher fort avant dans la nuit.
Vous direz qu’il avait l’âme trop ingénue ;
Si l’on ne rêvait point, que ferait-on souvent ?
Mais n’est-il pas charmant, lorsque gémit le vent,
De rêver, près du feu, d’une belle inconnue ?
De ce moment si court, huit jours il fut heureux.
Autour de lui dansait l’essaim brillant des songes
Qui sans cesse éveillait en son coeur amoureux
Les pensers les plus doux et les plus doux mensonges.
Ses rêves étaient sots à dormir tout debout ;
Il bâtissait sans fin de grandes aventures.
Lorsque l’âme est naïve et qu’un sang jeune bout,
Notre espoir se nourrit aux folles impostures.
+++*[...]
<<<
Il la suivait alors aux pays étrangers ;
Ensemble ils visitaient les plaines de l’Hellade
Et comme un chevalier d’une ancienne ballade
Il l’arrachait toujours à d’étranges dangers.
Parfois au flanc des monts, au bord d’un précipice,
Ils allaient échangeant de doux propos d’amour ;
Souvent même il savait saisir l’instant propice
Pour ravir un baiser qu’on lui rendait toujours.
Puis, les mains dans les mains, et penchés aux portières
D’une chaise de poste emportée au galop,
Ils restaient là songeurs durant des nuits entières,
Car la lune brillait et se mirait dans l’eau.
Tantôt il la voyait, rêveuse châtelaine,
Aux balustres sculptés des gothiques balcons ;
Tantôt folle et légère et suivant par la plaine
Le lévrier rapide ou le vol des faucons.
Page, il avait l’esprit de se faire aimer d’elle ;
La dame au vieux baron était vite infidèle.
Il la suivait partout, et dans les grands bois sourds
Avec sa châtelaine il s’égarait toujours.
<<<
===
Pendant huit jours entiers il rêva de la sorte,
A ses meilleurs amis il défendait sa porte ;
Ne recevait personne, et quelquefois, le soir,
Sur un vieux banc désert, seul, il allait s’asseoir.
Un matin, il était encore de bonne heure,
Il s’éveillait, bâillant et se frottant les yeux ;
Une troupe d’amis envahit sa demeure
Parlant tous à la fois, avec des cris joyeux.
Le plan du jour était d’aller à la campagne,
D’essayer un canot et d’errer dans les bois,
De scandaliser fort les honnêtes bourgeois,
Et de dîner sur l’herbe avec glace et champagne.
Il répondit d’abord, plein d’un parfait dédain,
Que leur fête pour lui n’était guère attrayante ;
Mais quand il vit partir la cohorte bruyante,
Et qu’il se trouva seul, il réfléchit soudain
Qu’on est bien pour songer sur les berges fleuries,.
Et que l’eau qui s’écoule et fuit en murmurant
Soulève mollement les tristes rêveries
Comme des rameaux morts qu’emporte le courant ;
Et que c’est une ivresse entraînante et profonde
De courir au hasard et boire à pleins poumons
Le grand air libre et pur qui va des prés aux monts,
L’âpre senteur des foins et la fraîcheur de l’onde ;
Que la rive murmure et fait un bruit charmant,
Qu’aux chansons des rameurs les peines sont bercées,
Et que l’esprit s’égare et flotte doucement,
Comme au courant du fleuve, au courant des pensées.
Alors il appela son groom, sauta du lit,
S’habilla, déjeuna, se rendit à la gare,
Partit tranquillement en fumant un cigare,
Et retrouva bientôt tout son monde à Marly.
Des larmes de la nuit la plaine était humide ;
Une brume légère au loin flottait encor ;
Les gais oiseaux chantaient ; et le beau soleil d’or
Jetait mainte étincelle à l’eau fraîche et limpide.
Lorsque la sève monte et que le bois verdit,
Que de tous les côtés la grande vie éclate,
Quand au soleil levant tout chante et resplendit,
Le corps est plein de joie et l’âme se dilate.
Il est vrai qu’il avait noblement déjeuné,
Quelques vapeurs de vin lui montaient à la tête ;
L’air des champs pour finir lui mit le coeur en fête,
Quand au courant du fleuve il se vit entraîné.
Le canot lentement allait à la dérive ;
Un vent léger faisait murmurer les roseaux,
Peuple frêle et chantant qui grandit sur la rive
Et qui puise son âme au sein calme des eaux.
Vint le tour des rameurs, et, suivant la coutume,
Leur chant rythmé frappa l’écho des environs ;
Et, conduits par la voix, dans l’eau blanche d’écume
De moment en moment tombaient les avirons.
Enfin, comme on songeait à gagner la cuisine,
D’autres canots soudain passèrent auprès d’eux ;
Un rire aigu partit d’une barque voisine
Et s’en vint droit au coeur frapper mon amoureux.
Elle ! dans une barque ! Étendue à l’arrière,
Elle tenait la barre et passait en chantant !
Il resta consterné, pâle et le coeur battant,
Pendant que sa Beauté fuyait sur la rivière.
Il était triste encore à l’heure du dîner !
On s’arrêta devant une petite auberge,
Dans un jardin charmant par des vignes borné,
Ombragé de tilleuls, et qui longeait la berge.
Mais d’autres canotiers étaient déjà venus`
Ils lançaient des jurons d’une voix formidable,
Et, faisant un grand bruit, ils préparaient la table
Qu’ils soulevaient parfois de leurs bras forts et nus.
Elle était avec eux et buvait une absinthe !
Il demeura muet. La drôlesse sourit,
L’appela. – Lui restait stupide. – Elle reprit :
« Çà, tu me prenais donc, nigaud, pour une Sainte ? »
Or il s’approcha d’elle en tremblant ; il dîna
A ses côtés, et même au dessert s’étonna
De l’avoir pu rêver d’une haute famille,
Car elle était charmante, et gaie, et bonne fille.
Elle disait : « Mon singe », et « mon rat », et « mon chat »,
Lui donnait à manger au bout de sa fourchette.
Ils partirent, le soir, tous les deux en cachette,
Et l’on ne sut jamais dans quel lit il coucha !
Poète au coeur naïf il cherchait une perle ;
Trouvant un bijou faux, il le prit et fit bien.
J’approuve le bon sens de cet adage ancien :
« Quand on n’a pas de grive, il faut manger un merle. »
}}}
!Une demande en mariage
!!!!!{{center{Anton Tchékhov
//Farce en un acte
^^Traduite du russe par Denis Roche, revue par Anne Coldefy-Faucard et Jean Bonamour^^//}}}
!!!Personnages
<<<
//Tchouboukov Stepan Stepanovitch, propriétaire.
Natalia Stepanovna, sa fille, vingt-cinq ans.
Lomov Ivan Vassilievitch, voisin de Tchouboukov, propriétaire foncier
Bien portant, en bonne chair, s’écoutant beaucoup.
L’action se passe dans la propriété de Tchouboukov.//
<<<
!!!Scène première
//Un salon dans la maison de Tchouboukov. Tchouboukov, Lomov, ce dernier en habit et
gants blancs.//
;Tchouboukov, venant à la rencontre de Lomov
:Mon mignon, que vois-je ? Ivan Vassilievitch ! Tout à fait heureux ! //(Il lui serre la main.)// En voilà vraiment une surprise, mon vieux !... Comment allez-vous ?
;Lomov
:Je vous remercie. Et vous, comment vous portez-vous ?
;Tchouboukov
:Nous allons tout doucement, mon ange, grâce à vos prières, et ainsi de suite. Asseyez-vous, je vous en prie de la façon la plus instante... C’est mal, vraiment, d’oublier ses voisins. Mon mignon, mais pourquoi venez-vous si officiellement ? En habit ? Gants blancs et ainsi de suite. Vous allez quelque part, mon bijou ?
;Lomov
:Non, je ne viens que chez vous, estimable Stepan Stepanovitch...
;Tchouboukov
:Alors pourquoi en habit, mon charmant ? Tout comme au jour de l’an, pour les visites !
;Lomov
:Voilà ce qu’il y a. //(Il le prend sous le bras.) //Je viens chez vous, estimable Stepan Stepanovitch, pour vous importuner d’une demande. J’ai eu l’honneur plus d’une fois de faire appel à votre aide, et toujours vous... comment dire... mais excusez-moi, je suis agité... je vais boire un verre d’eau, estimable Stepan Stepanovitch.
//Il boit de l ’eau//.
;Tchouboukov, à part
:Il vient m’emprunterde l’argent ! Je n’en donnerai pas ! //(A Lomov.)// De quoi s’agit-il, mon beau ?
;Lomov
:Voyez-vous, Ouvajaï Stepanovitch... pardon... Stepan Ouvajaïévitch... je suis à vrai dire extrêmement agité, comme vous devez le voir1. Bref, vous seul pouvez m’aider, bien qu’assurément je ne l’aie mérité en rien et... et que je n’aie pas le droit de compter sur votre aide...
;Tchouboukov
:Ah ! n’allez pas chercher si loin, mon vieux. Parlez !... Alors ?
;Lomov
:Tout de suite. Une minute... Il y a que je suis venu demander la main de votre fille, Natalia Stepanovna.
;Tchouboukov, joyeusement..
:Maman ! Ivan Vassilievitch ! Répétez ; je n’ai pas bien entendu !
;Lomov
:J’ai l’honneur de demander...
;Tchouboukov, l'interrompant
:Mon mignon... Je suis si content et ainsi de suite. Comme je vous le dis, et ainsi de suite. //(Il l’étreint et le baise.)// Je désirais cela depuis longtemps. C’était mon constant désir. //(Il laisse couler une larme.)// Et je vous ai toujours aimé, mon ange, comme mon propre fils. Que Dieu vous donne à tous les deux amour, accord, et ainsi de suite. Je l’ai beaucoup désiré... Qu’ai-je à rester planté, comme une bûche ? Je suis démonté par la joie, tout à fait démonté. Oh ! je suis de tout cœur !... Je vais appeler Natalia, et autres choses semblables.
;Lomov, ému
:Estimable Stepan Stepanovitch, pensez-vous que je puisse espérer son consentement ?
;Tchouboukov
:Un si beau garçon, dans la force du mot, et... elle ne consentirait pas ! Je parie qu’elle est amoureuse comme une chatte, etainsi de suite. A l’instant ! 2
>Lomov est si agité qu’il vient de se tromper comme on l’a remarqué, et de façon amusante, sur le nom de Stepan Stepanovitch. (N. d. T.)
//Il sort.//
!!!Scène II
//Lomov, seul.//
;Lomov
:J’en ai froid... Je suis tout tremblant comme avant un examen. Le principal est qu’il faut se décider. Si l’on pense longtemps, si l’on hésite, si l’on en parle trop, si l’on attend l’idéal, ou le véritable amour, l’on ne se marie jamais... Brr ! j’en ai froid ! Natalia Stepanovna est une excellente maîtresse de maison, pas laide, instruite... que me faut-il de plus ? Pourtant je suis si agité que les oreilles me bourdonnent... //( Il boit de l’eau.)// Je ne peux pas ne pas me marier... D’abord j’ai déjà trente-cinq ans, âge, comme on dit, critique. Deuxièmement, j’ai besoin d’une vie normale, régulière... J’ai une maladie de cœur ; j’ai de continuels battements de cœur ; je suis irascible et je m’agite toujours... Voici que mes lèvres tremblent, et je sens un tiraillement à ma paupière droite... Mais ce qu’il y a de plus terribleen moi, c’est le sommeil. A peine me couché-je et commencé-je à m’endormir, que tout à coup, quelque chose, tic ! se déplace dans le côté gauche, et cela me répond droit dans l’épaule et dans la tête... Je saute comme un fou, je marche un peu ; je me couche de nouveau ; mais à peine recommencé-je à m’endormir que, dans le côté gauche, cela reprend : tic... ! Et ainsi une vingtaine de fois.
!!!Scène III
//Natalia Stepanovna, Lomov.//
;Natalia Stepanovna, entrant
:Ah ! tiens ! C’est vous ! Et papa qui me dit : va, il y a un marchand qui veut de la marchandise. Bonjour, Ivan Vassilievitch !
;Lomov.
:Bonjour, estimée Natalia Stepanovna !
;Natalia Stepanovna
:Pardon, j’ai mon tablier et ne suis pas en toilette. Nous trions des petits pois pour les faire sécher. Pourquoi, depuis si longtemps, n’êtes-vous pas venu à la maison ? Asseyez-vous... //(Ils s’asseyent.) //Voulez-vous déjeuner ?
;Lomov
:Non, merci, j’ai déjà mangé.
;Natalia Stepanovna
:Fumez... Voici des allumettes... Le temps est magnifique, et hier il tombait une si forte pluie que les ouvriers n’ont rien fait de la journée. Combien avez-vous fauché de meules ? Figurez-vous que je me suis piquée au jeu et ai fait faucher toute la prairie ; à présent, je n’en suis pas fière ; j’ai peur que le foin ne pourrisse. Il aurait mieux valu attendre. Mais qu’est-ce là ? Vous êtes, il me semble, en habit ? En voilà une nouveauté ! Allez-vous au bal ? Par parenthèse, vous avez embelli... Vraiment, pourquoi êtes-vous si élégant ?
;Lomov, s’agitant
:Voyez-vous, estimée Natalia Stepanovna... il se fait que j’ai résolu de vous prier de m’écouter... Assurément, vous serez étonnée et, même, vous vous fâcherez, mais je...//(A part.) //J’ai terriblement froid !
;Natalia Stepanovna
:Qu’y a-t-il ? (Un temps.) Allons ?
;Lomov
:Je tâcherai d’être bref. Vous savez, estimée Natalia Stepanovna, que depuis longtemps, depuis mon enfance, j’ai l’honneur de connaître votre famille. Feu ma tante et son époux, dont, vous le savez, j’ai hérité une terre, avaient toujours eu une profonde estime pour votre père et pour feu votre mère. Les familles Lomov et Tchouboukov furent toujours dans les relations les plus amicales, on peut, en quelque sorte, dire des relations de parenté ! Et, comme vous daignez le savoir, ma terre touche étroitement la vôtre. Si vous daignez vous le rappeler, mes Petits-Prés-aux-Bœufs jouxtent votre bois de bouleaux.
;Natalia Stepanovna
:Pardon, si je vous interromps ; vous dites « mes Petits-Prés-aux-Bœufs »... Est-ce qu’ils sont à vous ?
;Lomov
:A moi, mademoiselle...
;Natalia Stepanovna
:Ah ! en voilà une bonne ! Les Petits-Prés-aux-Bœufs sont à nous, et pas à vous !
;Lomov
:Non, ils sont à moi, estimée Natalia Stepanovna.
;Natalia Stepanovna
:Voilà pour moi une nouveauté ! Comment sont-ils donc à vous ?
;Lomov
:Comment ?... Je parle des Petits-Prés-aux-Bœufs qui s’enfoncent en coin entre votre bois de bouleaux et le Marais brûlé.
;Natalia Stepanovna
:Mais oui, oui... Ils sont à nous.
;Lomov
:Non, vous faites erreur, estimée Natalia Stepanovna, ils sont à moi.
;Natalia Stepanovna
:Que dites-vous, Ivan Vassilievitch ? Y a-t-il longtemps qu’ils sont devenus vôtres ?
;Lomov
:Comment, longtemps ? D’aussi loin qu’il me souvienne, ils ont toujours été à nous.
;Natalia Stepanovna
:Pour cela non, excusez-moi !
;Lomov
:Cela ressort d’un acte, estimée Natalia Stepanovna. Les Petits-Prés-aux-Bœufs furent, il est vrai, en litige dans le temps ; mais maintenant, il est connu de tous qu’ils sont à moi ; il n’y a pas à discuter là-dessus. Daignez écouter. La grand-mère de ma tante donna ces Petits-Prés-aux-Bœufs à jouir gratis et sans terme aux paysans du grand-père de votre père parce qu’ils avaient cuit des briques pour elle. Les paysans du grand-père de votre père jouirent gratis pendant quarante ans de ces Petits-Prés, et s’accoutumèrent à les considérer comme leurs ; mais au moment de l’Émancipation...
;Natalia Stepanovna
:Ce n’est pas du tout comme vous le racontez ! Mon grand-père et mon arrière-grand-père comptaient que leur terre s’étendait jusqu’au Marais brûlé ; autrement dit, les Petits-Prés-aux-Bœufs étaient à nous. Il n’y a pas à discuter là-dessus ; je ne le comprends pas. C’est même déplaisant !
;Lomov
:Je vous montrerai les actes, Natalia Stepanovna.
;Natalia Stepanovna
:Non, vous plaisantez, tout bonnement ; ou vous voulez me taquiner !... Quelle surprise ! Nous possédons cette terre depuis près de trois cents ans, et, tout à coup, on nous déclare qu’elle ne nous appartient pas ! Ivan Vassilievitch, excusez-moi, mais je n’en crois pas mes oreilles... Je ne tiens pas à ces Petits-Prés... Ils mesurent en tout cinq arpents, et ils valent quelque trois cents roubles ; mais l’injustice me révolte. Dites ce que bon vous semblera, mais je ne puis supporter l’injustice.
;Lomov
:Excusez-moi, je vous en supplie ! Les paysans du grand-père de votre père, comme j’ai déjà eu l’honneur de vous le dire, firent des briques pour la grand-mère de ma tante. La grand-mère de ma tante, voulant leur être agréable...
;Natalia Stepanovna
:Grand-père, grand-mère, tante... je n’y comprends rien... Les Petits-Prés sont à nous, voilà tout.
;Lomov
:Ils sont à moi, mademoiselle.
;Natalia Stepanovna
:à nous ! Quand vous essaieriez de le prouver pendant deux jours, quand vous mettriez quinze habits, ils sont à nous, à nous, à nous !... Je ne convoite pas votre bien, mais je ne veux pas perdre le mien... Prenez-le comme vous voudrez !
;Lomov
:Je n’ai pas besoin des Petits-Prés, Natalia Stepanovna, mais c’est par principe ; si vous les voulez, permettez-moi de vous les offrir.
;Natalia Stepanovna
:Je peux, moi-même, vous les offrir : ils sont à moi ! Tout cela est au moins étrange, Ivan Vassilievitch ! Jusqu’à présent, nous vous comptions pour un bon voisin, un ami. Nous vous avions prêté l’année passée notre machine, et, à cause de cela, nous avons eu à battre notre blé jusqu’en novembre ; et vous vous conduisez avec nous comme avec des bohémiens. Vous me faites présent de ma propre terre. Excusez, ce n’est pas agir en voisin ; selon moi, c’est même de l’impudence...
;Lomov
:Selon vous, je suis donc un usurpateur ? Mademoiselle, je ne me suis jamais approprié les terres d’autrui et je ne permettrai à personne de m’en accuser. //(Il va rapidement vers la carafe et boit de l’eau.)// Les Petits-Prés-aux-Bœufs sont à moi !
;Natalia Stepanovna
:Ce n’est pas la vérité, ils sont à nous !;Lomov
:A moi !
;Natalia Stepanovna
:Ce n’est pas vrai ! Et je vous le prouverai ! Je vais envoyer dès aujourd’hui mes faucheurs sur ces prés !
;Lomov
:Quoi ?
;Natalia Stepanovna
:Aujourd’hui même, mes faucheurs y seront !
;Lomov
:Je les chasserai en leur flanquant...
;Natalia Stepanovna
:Vous n’oserez pas !
;Lomov, portant la main à son cœur
:Les Petits-Prés-aux-Bœufs sont à moi ! Comprenez-vous ? A moi !
;Natalia Stepanovna
:Ne criez pas, je vous prie ! vous pouvez crier et vous érailler la voix de colère, chez vous, mais, ici, je vous prie de ne pas dépasser les bornes !
;Lomov
:N’était, mademoiselle, cet effroyable, ce douloureux battement de cœur, si mes artères ne battaient pas dans mes tempes, je vous parlerais autrement. //(Il crie.)// Les Petits-Prés-aux-Bœufs sont à moi !Natalia Stepanovna
:A nous !
;Lomov
:A moi !Natalia Stepanovna
:A nous !
;Lomov
:A moi !
!!!Scène IV
//Les mêmes et Tchouboukov.//
;Tchouboukov, entrant
:Qu’y a-t-il ? Pourquoi criez-vous ?
;Natalia Stepanovna
:Papa, explique, s’il te plaît, à ce monsieur à qui appartiennent les Petits-Prés-aux-Bœufs : à nous ou à lui ?
;Tchouboukov, à Lomov
:Mon poussin, les Petits-Prés sont à nous.
;Lomov
:Mais, de grâce, Stepan Stepanovitch, comment sont-ils à vous ? Soyez, vous, au moins, un homme raisonnable ! La grand-mère de ma tante a donné à jouir gratis et pour un temps les Prés aux paysans de votre grand-père ; les paysans en jouirent pendant quarante ans et s’accoutumèrent à eux comme à leur propre terre, mais au moment de l’Émancipation...
;Tchouboukov
:Permettez, mon bijou. Vous oubliez que, précisément, les paysans ne payaient rien à notre grand-mère, et autres choses pareilles, parce que les Petits-Prés étaient en litige à ce moment-là, et ainsi de suite. Mais aujourd’hui, chaque chien sait à n’en pas douter qu’ils sont à nous. Vous n’avez donc pas vu le plan ?
;Lomov
:Je vous prouverai qu’ils sont à moi !
;Tchouboukov
:Vous ne le prouverez pas, mon chéri.
;Lomov
:Si, je le prouverai !
;Tchouboukov
:Pourquoi crier ainsi, mon bon ? En criant, vous ne prouverez précisément rien. Je ne veux rien du vôtre, mais je ne veux rien abandonner du mien. Pourquoi ferais-je des cadeaux ? Si vous en êtes là, mon aimé, et que vous avez l’intention de me disputer les Prés et ainsi de suite, je les donnerai plutôt aux paysans qu’à vous ! Et voilà !
;Lomov
:Je ne comprends pas quel droit vous auriez de faire cadeau de la propriété d’autrui ?
;Tchouboukov
:Souffrez que je sache si j’en ai le droit ou non. Et précisément, jeune homme, je ne suis pas habitué à ce qu’on me parle sur un ton pareil, et ainsi de suite. Je suis, jeune homme, deux fois plus âgé que vous et vous prie de causer avec moi sans agitation et autres choses semblables.
;Lomov.
:Non, vous me prenez tout bonnement pour un imbécile, et vous vous moquez de moi ! Vous appelez ma terre, votre terre, et vous voulez encore que je sois de sang-froid et que je parle avec vous humainement ! Les bons voisins n’en agissent pas ainsi, Stepan Stepanovitch ! Vous n’êtes pas un voisin, mais un usurpateur !
;Tchouboukov
:Quoi ? Qu’avez-vous dit ?
;Natalia Stepanovna
:Papa, envoie tout de suite des faucheurs sur les Petits-Prés !
;Tchouboukov, à Lomov
:Qu’avez-vous dit, monsieur ?
;Natalia Stepanovna
:Les Petits-Prés-aux-Bœufs sont à nous, et je ne céderai pas ; je ne les céderai pas, non !
;Lomov
:Nous verrons cela ! Je vous démontrerai en justice qu’ils sont à moi !
;Tchouboukov
:En justice ? Vous pouvez saisir le tribunal, et autres choses pareilles ! Vous le pouvez ! Je vous connais ; vous cherchez précisément un prétexte pour plaider, et ainsi de suite... Nature de chicaneur ! Toute votre race était chicaneuse ! Toute !
;Lomov
:Je vous prie de ne pas insulter ma famille ! Dans la famille des Lomov, tous étaient honnêtes et il n’y en est pas un seul qui soit passé en jugement pour dilapidation, comme votre oncle.
;Tchouboukov
:Dans la famille des Lomov, tous étaient fous !
;Natalia Stepanovna
:Tous, tous, tous !
;Tchouboukov
:Votre grand-père buvait à en perdre la raison et votre plus jeune tante, Nastassia Mikhaïlovna, pour ne pas la nommer, s’est enfuie avec un architecte, et ainsi de suite.
;Lomov
:Et votre mère était contrefaite. //( Il porte la main à son cœur.)// Un élancement dans le côté... cela me bat dans la tête... Mes petits pères !... De l’eau !
;Tchouboukov
:Votre père était un joueur et un goinfre.
;Natalia Stepanovna
:Et votre tante une cancanière comme il y en a peu.
;Lomov
:Je ne sens plus ma jambe gauche... Vous êtes un intrigant !... Oh ! mon cœur !... Et ce n’est un secret pour personne qu’avant les élections, vous avez tri... Je vois mille chandelles !... Où est mon chapeau ?
;Natalia Stepanovna
:C’est bas ! C’est malhonnête ! C’est malpropre !
;Tchouboukov
:Et vous-même, précisément, vous êtes hypocrite et chipoteur. Oui, monsieur !
;Lomov
:Ah ! voilà mon chapeau... Mon cœur... Où aller ? Où est la porte ? Oh... Il me semble que je vais mourir... Ma jambe flageole.
//Il va vers la porte.//
;Tchouboukov, derrière lui
:Et ne remettez jamais plus les pieds dans ma maison !
;Natalia Stepanovna
:Allez en justice ! Nous verrons !
//Lomov sort en chancelant.//
!!!Scène V
//Tchouboukov, Natalia Stepanovna.//
;Tchouboukov
:Qu’il aille au diable !
//Il marche avec agitation.//
;Natalia Stepanovna
:Quel misérable ! Et croyez après cela aux bons voisins !
;Tchouboukov.
:Coquin ! Epouvantail à moineaux !
;Natalia Stepanovna
:Ce monstre ! Il s’est approprié une terre et ose encore déblatérer.
;Tchouboukov
:Et ce farfadet-là, avec un aveuglement sans pareil, osait encore faire une demande, et ainsi de suite. Hein ! une demande !
;Natalia Stepanovna
:Quelle demande ?
;Tchouboukov
:Comment donc ! Il venait te faire une demande en mariage !
;Natalia Stepanovna
:Une... demande ?... Pourquoi ne m’as-tu pas dit cela plus tôt ?
;Tchouboukov
:Et il s’était mis en habit pour cela ! Espèce de saucisse ! Morille !Natalia Stepanovna
:A moi ? Une demande en mariage ?... Ah ! //(Elle tombe dans un fauteuil et gémit.)// Faites-le revenir ! Revenir ! Ah ! revenir !
;Tchouboukov
:Qui faire revenir ?
;Natalia Stepanovna
:Vite ! vite ! Je me trouve mal ! Faites-le revenir !
//Elle a une crise de nerfs.//
;Tchouboukov
:Quoi ? Qu’est-ce qui te prend ? //(Il se saisit la tête.)// Je suis un malheureux. Je me tuerai ! Je me pendrai ! On me martyrise !
;Natalia Stepanovna
:Je meurs ! Faites-le revenir !
;Tchouboukov
:Si ce n’est pas malheureux ! //(Il crache de dépit.)// Tout de suite, ne braille pas !
//Il sort.//
;Natalia Stepanovna, seule, elle gémit.
:Qu’avons-nous fait ? Qu’il revienne ! Qu’il revienne donc...
//Tchouboukov, rentrant en courant//
:Il revient tout de suite, et ainsi de suite. Que le diable l’emporte ! Ouf ! Parle-lui toi-même ; moi, précisément, je n’y tiens pas.
;Natalia Stepanovna, gémissant
:Faites-le revenir !
;Tchouboukov, criant
:Il vient, on te dit ! Ah ! quel malheur, mon Dieu, d’être père d’une grande fille ! Je me couperai le cou ; j’y serai contraint ! On l’a insulté, bafoué, chassé, et c’est toi qui as tout fait... toi !
;Natalia Stepanovna
:Non, c’est toi !
;Tchouboukov
:C’est encore ma faute, précisément ! //(Lomov apparaît à la porte.)//... Bon ! parle-lui toi-même.
//Il sort.//
!!!Scène VI
//Natalia Stepanovna et Lomov.//
;Lomov, il entre très déprimé
:J’ai un battement de cœur terrible... J’ai perdu l’usage de ma jambe... J’ai des élancements dans le côté...
;Natalia Stepanovna
:Excusez-nous, nous nous sommes emportés, Ivan Vassilievitch... Il m’en souvient maintenant : les Petits-Prés-aux-Bœufs sont vraiment à vous.
;Lomov
:Mon cœur bat terriblement... Mes Petits-Prés... Les deux yeux me papillotent...
;Natalia Stepanovna
:Les Petits-Prés sont à vous, à vous... Asseyez-vous. //(Ils s’asseyent.)// Nous avions tort...
;Lomov
:C’est par principe... Je ne tiens pas à la terre ; c’est le principe...
;Natalia Stepanovna.
:Précisément, le principe... Tenez, parlons d’autre chose.
;Lomov
:D’autant plus que j’ai des preuves. La grand-mère de ma tante avait donné aux paysans du grand-père de votre père...
;Natalia Stepanovna
:Assez parlé de cela,assez... //(A part.)// Je ne sais par où commencer...//(A Lomov.)// Irez-vous bientôt à la chasse ?
;Lomov
:Des coqs de bruyère, estimée Natalia Stepanovna ? Je crois commencer dès que les blés seront coupés. Ah ! avez-vous entendu dire cela ? figurez-vous quel malheur j’ai eu !... Mon Ougadaï, que vous daignez connaître, boite.
;Natalia Stepanovna
:Quel dommage ! Et pourquoi donc ?
;Lomov
:Je ne sais... Il s’est sans doute foulé la patte ou les autres chiens l’ont mordu... //(il soupire.)// Mon meilleur chien, sans parler de ce qu’il a coûté. Je l’ai payé cent vingt-cinq roubles à Mironov.
;Natalia Stepanovna
:Vous l’avez payé trop cher, Ivan Vassilievitch !
;Lomov
:Selon moi, c’est très bon marché. Un chien magnifique !
;Natalia Stepanovna
:Papa a donné pour son Otkataï quatre-vingt-cinq roubles, et Otkataï est bien meilleur que votre Ougadaï !
;Lomov
:Otkataï, meilleur qu’Ougadaï ? Croyez-vous !... //(Il rit.)// Otkataï meilleur qu’Ougadaï !
;Natalia Stepanovna
:Evidemment, meilleur ! Otkataï est jeune, c’est vrai ; ce n’est pas encore un chien fait ; mais pour les formes et les allures, il n’y a pas mieux, même chez Voltchaniétski.
;Lomov
:Permettez, Natalia Stepanovna, mais vous oubliez qu’il a la mâchoire courte, et un chien qui a la mâchoire courte a toujours peu de prise.
;Natalia Stepanovna
:J’entends cela pour la première fois ! La mâchoire courte !
;Lomov
:Je vous assure qu’il a la mâchoire inférieure plus courte que l’autre.
;Natalia Stepanovna
:Vous l’avez mesurée ?
;Lomov
:Je l’ai mesurée... Pour courre une bête, il est bon ; mais pour la prendre, je doute qu’il le puisse...
;Natalia Stepanovna
:Tout d’abord notre Otkataï est à poils longs ; il est fils de Zapriagaï et de Stameska ; quant à votre jaune-pie, on ne peut en définir la race ;... puis il est vieux et laid comme une rosse...
;Lomov
:Vieux ! mais je n’accepterais pas cinq de vos Otkataï à sa place !... Cela se peut-il ?... Ougadaï est un chien, et Otkataï... il est même risible d’en parler. Des chiens comme votre Otkataï, chaque piqueur en a, en veux-tu, en voilà ; vingt-cinq roubles, il serait bien payé.
;Natalia Stepanovna
:Vous êtes, Ivan Vassilievitch, possédé aujourd’hui du démon de la contradiction. D’abord vous imaginez que les Petits-Prés sont à vous, puis qu’Ougadaï est meilleur qu’Otkataï. Je n’aime pas que les gens disent ce qu’ils ne pensent pas... Vous savez parfaitement qu’Otkataï vaut cent fois mieux que votre... imbécile d’Ougadaï. Pourquoi, alors, dire le contraire ?
;Lomov
:Je vois, Natalia Stepanovna, que vous me prenez pour un aveugle, ou un imbécile. Mais comprenez bien que votre Otkataï a la mâchoire courte.
;Natalia Stepanovna
:Ce n’est pas vrai !
;Lomov
:Il a la mâchoire courte !
;Natalia Stepanovna, criant
:Ce n’est pas vrai !
;Lomov
:Pourquoi criez-vous, mademoiselle ?
;Natalia Stepanovna
:Pourquoi dites-vous des absurdités ? C’est révoltant ! Il est temps de donner un coup de fusil à Ougadaï, et vous le comparez à Otkataï.
;Lomov
:Excusez, je ne puis continuer cette dispute. J’ai un battement de cœur...
;Natalia Stepanovna
:J’ai remarqué que les chasseurs qui discutent le plus sont ceux qui s’y entendent le moins.
;Lomov
:Mademoiselle, je vous prie de vous taire... Mon cœur éclate... //(Il crie.)// Taisez-vous !
;Natalia Stepanovna
:Je ne me tairai pas tant que vous ne conviendrez pas qu’Otkataï est cent fois meilleur que votre Ougadaï !
;Lomov
:Cent fois pire ! Qu’il crève, votre Otkataï !... Mes tempes... mon œil... mon épaule...
;Natalia Stepanovna
:Votre bête de chien n’a pas besoin de crever ; il est déjà fourbu sans cela.
;Lomov, pleurant
:Taisez-vous ! J’ai une rupture d’anévrisme !
;Natalia Stepanovna
:Je ne me tairai pas !
!!!Scène VII
//Les mêmes et Tchouboukov.//
;Tchouboukov
:Qu’est-ce qu’il y a encore ?
;Natalia Stepanovna
:Papa, dis sincèrement, en toute conscience, quel chien est meilleur, notre Otkataï ou son Ougadaï ?
;Lomov
:Stepan Stepanovitch, je vous en supplie, ne dites que cela : votre Otkataï a-t-il la mâchoire courte ou non ? Oui ou non ?
;Tchouboukov
:Et si même cela était ? Quelle importance ! Il n’y a pas de meilleur chien dans tout le district.
;Lomov
:Mais, voyons, mon Ougadaï est mieux, en toute conscience !
;Tchouboukov
:Ne vous agitez pas, mon bijou... Permettez !... Votre Ougadaï a précisément ses qualités... Il est de pure race, les pattes solides, rond des côtes, et ainsi de suite. Mais ce chien-là, si vous voulez le savoir, a deux défauts capitaux : il est vieux et il a le museau court.
;Lomov
:Excusez, j’ai des battements de cœur... Venons-en aux faits ! Veuillez vous rappeler que dans les Herbes de Maroussine, mon ougadaï allait oreille à oreille avec les Razmakhaï du comte, et votre Otkataï était à une verste en arrière.
;Tchouboukov
:Il était resté en arrière parce que le piqueur du comte l’avait frappé avec son fouet.
;Lomov
:Et pour cause ! Tous les chiens couraient le renard, et Otkataï s’était mis à rouler un mouton.
;Tchouboukov
:Ce n’est pas vrai, monsieur ! Mon poussin, je suis vif ; aussi, précisément, je vous prie de cesser cette dispute. Il l’a frappé parce que chacun est jaloux du chien d’autrui. Oui ! Chacun est jaloux ! Et vous-même, messire,êtes-vous sans péché ? A peine, précisément, remarquez-vous qu’un chien est meilleur que votre Ougadaï, vous commencez à dire ceci, cela, et autres choses pareilles... Voyez, je me souviens de tout !
;Lomov
:Et moi aussi, je me souviens !
;Tchouboukov, l'imitant
:« Et moi aussi, je me souviens ! » Et de quoi vous souvenez-vous ?
;Lomov
:J’ai des palpitations... Ma jambe refuse le service... Je ne peux pas.
;Natalia Stepanovna, l'imitant
:« J’ai des palpitations... » Quel chasseur faites-vous ! Vous n’avez qu’à rester couché sur le poêle de la cuisine à écraser les blattes, et non pas à courre le renard. « Des palpitations ! »
;Tchouboukov
:C’est vrai, quel chasseur êtes-vous ? Avec vos palpitations, précisément, il faut rester à la maison, et non pas vous trimballer sur une selle ! Si encore vous chassiez, mais vous n’allez à la chasse que pour discuter et empêcher les chiens des autres, et ainsi de suite !... Je suis emporté ; laissons ce discours... Vous n’êtes précisément pas du tout un chasseur !
;Lomov
:Et vous... l’êtes-vous ? Vous n’allez à la chasse que pour vous faire bien voir du comte et intriguer... Ah ! mon cœur... Vous êtes un intrigant !
;Tchouboukov
:Quoi ? je suis un intrigant ! //(il crie.)// Taisez-vous !
;Lomov
:Un intrigant !
;Tchouboukov
:Gamin ! Morveux !
;Lomov
:Vieux rat ! Jésuite !
;Tchouboukov
:Tais-toi ou je te tue avec un mauvais fusil comme un perdreau ! Freluquet !
;Lomov
:Chacun sait que... oh ! mon cœur... votre femme vous battait... Ma jambe... Mes tempes... Je vois mille chandelles... Je défaille, je tombe !
;Tchouboukov
:Et toi, tu es sous la pantoufle de ta gouvernante !
;Lomov
:Voilà, voilà, voilà... Mon cœur s’est rompu !... Mon épaule s’est détachée... Où est mon épaule ? Je meurs. //(Il tombe dans un fauteuil.)// Un docteur !
//Il s’évanouit.//
;Tchouboukov.
:Béjaune ! Nourrisson ! Gringalet ! Je me trouve mal ! //(Il boit de l’eau.)// Je me trouve mal !
;Natalia Stepanovna
:Quel chasseur êtes-vous ? Vous ne savez pas même vous tenir àcheval ! //(À son père.)// Papa, qu’a-t-il ? Papa, regarde, papa ! //(Elle jette des cris.)// Ivan Vassilievitch ! Il est mort !
;Tchouboukov
:Je me trouve mal !... J’ai la respiration coupée... De l’air !
;Natalia Stepanovna
:Est-il mort ? //(Elle tire Lomov par la manche.)// Ivan Vassilievitch ! Ivan Vassilievitch ! Qu’avons-nous fait ? Il est mort !
//(Elle tombe dans un fauteuil.)// Un docteur... Un docteur !
//Crise de nerfs.//
;Tchouboukov
:Oh !... Qu’y a-t-il ? Que veux-tu ?
;Natalia Stepanovna, gémissant
:Il est mort !... Il est mort !
;Tchouboukov
:Qui est mort ? //(Ayant regardé Lomov.)// Il est vraiment mort ! Seigneur, Seigneur ! De l’eau ! Un docteur ! //(Il approche un verre de la bouche de Lomov.)// Buvez... Non, il ne boit pas... C’est donc qu’il est mort, et autres choses pareilles ! Je suis le plus malheureux des hommes ! Pourquoi ne me logé-je pas une balle dans le front ? Pourquoi, jusqu’à ce jour, ne me suis-je pas coupé la gorge ? Qu’est-ce que j’attends ? Donnez-moi un couteau ; donnez-moi un pistolet ! //(Lomov remue.)// Il ressuscite, je crois... Buvez de l’eau !... C’est cela...
;Lomov
:Je vois mille chandelles... du brouillard... Où suis-je ?
;Tchouboukov
:Mariez-vous au plus vite... et allez au diable ! Elle consent !... //(Il joint la main de Lomov et celle de sa fille)// Elle consent, et autres choses pareilles. Je vous bénis, et ainsi de suite. Mais laissez-moi en paix !
;Lomov, se levant
:Quoi ? qui ?
;Tchouboukov. - Elle consent ! Allons,
embrassez-vous, et... allez au diable !
;Natalia Stepanovna, elle gémit
:Il est vivant ?... Oui, oui, je consens...
;Tchouboukov
:Embrassez-vous !
;Lomov
:Hein ? qui ? //(Il embrasse Natalia Stepanovna.)// Très agréable... Permettez, qu’y a-t-il ? Ah ! je me rappelle... Mon cœur... Mille chandelles... Je suis heureux, Natalia Stepanovna... //(Il lui baise la main.)// Je ne sens plus ma jambe !...
;Natalia Stepanovna
:Je... je suis heureuse aussi.
;Tchouboukov
:Je me sens un poids de moins... Ouf !
;Natalia Stepanovna
:Mais... cependant, convenez, au moins maintenant, qu’Ougadaï est moins bien qu’Otkataï ?
;Lomov
:Il est meilleur !
;Natalia Stepanovna
:Pire !
;Tchouboukov
:Voilà le bonheur conjugal qui commence ! Du champagne !
;Lomov
:Meilleur !
;Natalia Stepanovna
:Pire ! pire ! pire !
;Tchouboukov, tâchant de crier plus fort
:Du champagne ! Du champagne !
!!!RIDEAU
{{center medium{
!Une femme scandaleuse
}}}
;LA PREMIÈRE.
:Il est déjà tard, il faut se sauver.
;L'AUTRE.
:Oui, oui, tout le monde s'en va. //(A Georges en faisant semblant d'être scandalisée :)// Vous tenez de drôles de discours, vous!
;LE PREMIER.
:Sauvons-nous, sauvons-nous aussi.
//Ils rentrent dans le salon pour saluer la maîtresse de maison et prendre congé. Dans le salon il n'y a plus là, présents, que quelques invités qui sont en train de prendre congé de la comtesse Livia. Celle-ci s'avance, tout d'un coup très troublée, en tenant Georges par la main. Elle est suivie du vieil ami de la maison que nous avons vu au début et d'un second vieil ami.//
;LIVIA, //à Georges.//
:Non, non, mon cher ami, ne partez pas, ne partez pas! Vous êtes l'ami le plus intime de mon fils, et je suis toute sens dessus dessous. Dites-moi, dites-moi si ce que mes vieux amis viennent de me conter est exact...
;LE PREMIER VIEIL AMI.
:Mais ce ne sont que des suppositions, comtesse, des suppositions.
;GEORGES.
:Au sujet de François? Que lui est-il arrivé?
;LIVIA, //surprise//.
:Comment, vous ne savez pas?
;GEORGES.
:Mais je ne sais rien. Ce n'est rien de grave, j'espère, je l'aurais su?
;LE SECOND VIEIL AMI,
://fermant à demi les yeux, comme pour atténuer la gravité de ce qu'il va dire. //
:Le scandale d'hier au soir.
;LIVIA.
:Chez les Chabert! Quand il a pris la défense de cette... j'ai oublié son nom ! de cette créature !
;GEORGES,
:Quel scandale? Quelle créature?
;LE PREMIER VIEIL AMI.
:Mais, la Morelleï
;GEORGES.
:Ah! Il s'agit de Julie Morelle?
;LIVIA.
:Vous la connaissez donc?
;GEORGES.
:Mais tout le monde la connaît, chère comtesse.
;LIVIA.
:François aussi ? Alors, c'est vrai, il la connaît?
;GEORGES.
:Il la connaît sans doute, mais il n'y a là aucun scandale.
;LIVIA,
://au premier vieil ami// Vous me disiez que non!
;GEORGES.
:Il la connaît comme tout le monde. Mais qu'est-il arrivé?
;LE PREMIER VIEIL AMI.
:Pardon! Je disais qu'il n'avait peut-être jamais eu l'occasion de causer avec.
;LE SECOND VIEIL AMI.
:Il la connaît de réputation ou de vue.
;LIVIA.
:Et il la défendait! Il la défendait jusqu'à en venir aux mains pour elle.
;GEORGES.
:Mais avec qui ?
;LE SECOND VIEIL AMI.
:Avec Francesco Savio.
;LIVIA,
:C'est incroyable! En arriver à ce point-là dans une maison aussi bien, et pour une femme comme celle-là!
;GEORGES.
:Il a dû s'enflammer en discutant.
;LE PREMIER VIEIL AMI.
:Voilà! La chaleur de la discussion, certainement.
;LE SECOND VIEÎL AML
:C'est assez fréquent.
;LIVIA.
:Je vous en supplie, ne cherchez pas à me tromper. //(A Georges :)// Vous, mon cher ami, dites- moi, dites-moi : vous êtes au courant de tout ce que fait François?
;GEORGES,
:Mais soyez tranquille, madame...
;LIVIA.
:Non, vous avez l'obligation, la stricte obligation, si vous êtes vraiment l'ami de mon fils, de me dire franchement tout ce que vous savez. _
;GEORGES.
:Mais je ne sais rien! Et vous allez voir que ce n'est rien du tout, quelques paroles en l'air...
;LE PREMIER VIEIL AMI.
:Ah! non, ce n'étaient pas quelques paroles en l'air.
;LE SECOND VIEIL AMI.
:Tout le monde en est resté saisi. Cela, c'est indéniable.
;GEORGES.
:Mais saisi par quoi, au nom du Ciel!
;LIVIA.
:Par son plaidoyer scandaleux pour cette femme! Cela ne vous paraît pas suffisant?
;GEORGES.
:Mais savez-vous, madame, que depuis une vingtaine de jours, on ne cesse de discuter du cas de Julie Morelle; on en dit de toutes les couleurs, dans les salons, dans les cafés, jusque dans les rédactions de journaux. Vous devez vous-même avoir lu ce qu'en disent les journaux?
;LIVIA.
:Mais oui! Qu'un homme s'est tué pour elle.
;LE PREMIER VIEIL AMI.
:Giorgio Salvi, oui, et après ?
;LE SECOND VIEIL AMI.
:C'était un "jeune" qui donnait de grandes espérances.
;GEORGES.
:Mais ce n'est pas le premier qui se soit tué pour elle.
;LIVIA.
:Comment, un autre avant?
;LE PREMIER VIEIL AMI.
:J'ai lu cela dans un journal.
;LE SECOND VIEIL AMI.
:Un autre s'était déjà tué pour elle?
;GEORGES.
:Oui, un Russe, il y a quelques années, à Capri.
;LIVIA,
://se cachant le visage entre les mains.// Mon Dieu! Mon Dieu!
;GEORGES.
:N'ayez pas peur, François ne sera pas le troisième. On peut regretter la fin déplorable d'un artiste comme Giorgio Salvi, mais quand on . sait comment les choses se sont passées, on peut être tenté aussi de défendre cette femme.
;LIVIA.
:Vous la défendez!
;GEORGES.
:Moi?... Pourquoi pas?
;LE SECOND VIEIL AMI.
:Malgré l'indignation de la ville entière?
;GEORGES.
:Mais oui, je vous assure qu'il n'est pas impossible de la défendre.
;LIVIA.
:François! Comment est-ce possible, lui qui est toujours si sérieux.
;LE PREMIER VIEIL AMI.
:Si réservé.
;LE SECOND VIEIL AMI.
:Si froid.
;GEORGES,
:Sans doute, la contradiction a dû le pousser à exagérer, il s'est laissé aller.
;LIVIA.
:Non, non, vous ne me le ferez pas croire, Vous ne me le ferez pas croire ! C'est une actrice, cette Julie Morelle ?
;GEORGES.
:C'est une folle, madame.
;LE PREMIER VIEIL AMI,
:Mais pourtant, elle a joué, elle a été actrice.
;GEORGES,
:Elle s'est fait chasser, à cause de toutes ses extravagances, de tous les théâtres où elle avait été engagée. Et maintenant, elle ne trouve plus d'engagement. Julie Morelle doit être un pseudonyme. Qui sait quel est son nom véritable, qui elle est, et d'où elle vient?
;LIVIA.
:Elle est belle?
;GEORGES.
:Très belle.
;LIVIA.
:Ah! Elles sont toutes comme cela, ces maudites créatures! François doit l'avoir connue au théâtre.
;GEORGES.
:Je crois. Mais il a parlé avec elle deux ou trois fois dans sa loge, peut-être même pas. Et au fond, ce n'est pas une femme aussi terrible qu'on se le figure, madame, soyez tranquille.
;LIVIA.
:Comment! Avec deux hommes qui se sont suicidés pour elle !
;GEORGES.
:Moi, je ne me serais pas tué.
;LIVIA.
:Mais elle a dû faire perdre la tête à ces deux hommes.
;GEORGES.
:Moi, je ne l'aurais pas perdue.
;LIVIA.
:Mais ce n'est pas pour vous que je suis inquiète! C'est pour François!
;GEORGES.
:Ne soyez pas inquiète, madame, et croyez que si cette malheureuse a fait du mal aux autres, elle s'est toujours fait beaucoup plus de mal encore à elle-même. C'est une de ces femmes qui ne s'appartiennent pas, qui ne sauront jamais où trouver un refuge, une halte. Certains jours, on dirait une pauvre enfant qui a peur et qui crie au secours.
;LIVIA,
://très impressionnée, le saisissant par le bras.// Diego, c'est François qui vous a dit cela ?
;GEORGES. — Mais non, madame.
;LIVIA,
://le pressant. // Dites la vérité, Diego! François aime cette femme?
;GEORGES.
:Mais je vous assure que non.
;LIVIA.
:Si, si! Il l'aime certainement, il l'aime! Les paroles que vous avez prononcées sont des paroles d'amoureux.
;GEORGES. — Mais c'est moi qui les ai prononcées, ce n'est pas François!
;LIVIA. — Non, non, c'est François qui vous les a dites, personne ne me l'enlèvera de l'esprit.
;GEORGES ,
://pressé par elle//. Oh ! Mon Dieu.. . //(Improvisant comme sous le coup d'une brusque inspiration, d'une voix claire, légère, inviteuse :)// Oh ! Madame , pensez à quelque chose, tenez... à une charrette anglaise sur une route, à la campagne, par une belle journée de soleil.
;LIVIA,-
://stupéfaite// Une charrette anglaise, quel rapport?
;GEORGES
://avec colère, ému, sérieusement.// Madame, savez-vous ce qui m'est arrivé, à moi qui vous parle, une nuit où je veillais ma mère en train de mourir? Il y avait là un insecte à six pattes, aux ailes lisses, qui était tombé dans un verre d'eau posé sur la table de nuit. Et ma mère a rendu son dernier soupir sans que je m'en aperçoive, tant j'étais absorbé à admirer la confiance que cet insecte conservait pour se tirer de là, d'un saut, en l'agilité de ses deux pattes de derrière, les plus longues, les plus musclées. Il nageait désespérément, obstiné à croire que ses deux pattes pouvaient prendre appui sur une surface liquide, et qu'il y avait au bout de ces pattes quelque chose qui l'empêchait de bondir. Après chaque effort inutile, il les frottait vivement contre celles de devant, comme pour les nettoyer, et il faisait un nouvel essai. Pendant plus d'une demi-heure, je ne le quittai pas des yeux. Je le vis mourir, et je ne vis pas mourir ma mère. Avez-vous compris? Alors, n'insistez pas.
;LIVIA,
://confondue, comme égarée, après avoir regardé les deux vieux messieurs confondus et abasourdis eux aussi.// Je vous demande pardon, mais je ne vois pas quel rapport...
;GEORGES.
:Cela vous semble absurde, mais demain vous rirez, c'est moi qui vous l'affirme, de toutes ces alarmes pour votre fils, en repensant à cette charrette anglaise que j'ai fait trotter devant vous pour vous distraire. Mais songez que moi, je ne peux pas rire comme vous, en repensant à cet insecte qui provoqua ma distraction pendant que je veillais ma mère en train de mourir.
//Un silence. Livîa et les deux vieux amis après cette brusque diversion, recommencent à se regarder plus que jamais stupéfaits, sans réussir, quelle que soit la bonne volonté qu'ils y mettent, à faire entrer cette charrette et cet insecte dans la trame de la conversation.//
{{small{
|borderless|k
|COMME CI (OU COMME ÇA)<br>de Pirandello|<<list filter "[tag[COMME CI (OU COMME ÇA)]]">> |
}}}
{{small blue italic{Proposé par Geneviève}}}
!Sacha Guitry - Une lettre bien tapée
;Personnages
* LE VOYAGEUR
* LA DACTYLO/%
|Description:|Sacha Guitry - Personnages : LE VOYAGEUR, LA DACTYLO|
%/
;Décor
<<<
{{blue2 small italic{Le salon d'un appartement dans un hôtel à Orléans. Il n'y a personne en scène au lever du rideau, au bout de quelques instants paraît le voyageur. C'est un homme qui porte un costume de voyage, et qui porte son âge. Chapeau de feutre, gabardine pliée en quatre sur le bras, valise qu'il dépose en entrant, puis c'est la gabardine le chapeau dont il se débarrasse vite.
Dès l'abord on voit bien qu'il est un homme sérieux, qui ne voyagent pas pour son plaisir et qui a tout de suite une chose importante, car déjà le voilà qui s'assied un petit bureau sur lequel se trouve un appareil téléphonique.
Il décroche le récepteur, hésite, et le raccroche. Il prend une feuille de papier à lettres, 30 sa plume dans l'encre, hésite, repose la plume, et de nouveaux décrochent le récepteur du téléphone.}}}
<<<
;LUI
Allô ! La réception, s'il vous plaît. Allô, la réception ? Dites-moi, monsieur... N'auriez-vous pas une sténodactylo que vous puissiez me prêter pendant quelques minutes ? Je suis le 122. Quand vous êtes aimable Monsieur, merci. Qu'elle vienne avec sa machine, naturellement. C'est cela même. Non, 10 minutes.... Pas davantage. Merci. {{blue italic{(Il raccroche le récepteur, allume une cigarette, et de long en large fait quelque pas. On frappe.)}}}
;LUI
Entrez. {{blue italic{(La dactylo entre alors. Elle est séduisante, et elle le sait.)}}}
;ELLE
Bonjour, Monsieur. {{blue italic{(Sans en dire davantage, elle va vers le bureau, enlève tout ce qui peut la gêner, et installe la machine à écrire portable qu'elle apporte. Tous ces préparatifs ne vont pas sans beaucoup de petites manières. Sûre qu'il la regarde, elle ne le regarde pas.)}}}
;LUI
La fumée ne vous incommode pas, Mademoiselle ?
;ELLE
Du tout, du tout, Monsieur. Je ne fume pas moi-même, par ce que, pour écrire, c'est incommode. {{blue italic{(Elle s'était assise, mais le siège est trop bas. Elle se relève et cherche autour d'elle. Elle choisit le coussin d'un fauteuil dans lequel le voyageur allait précisément s'asseoir. Ce coussin, elle va le poser sur sa chaise – et elle s'installe. Elle est très très bien, maintenant !)}}}
;ELLE
:Je suis à vos ordres, Monsieur.
;LUI
:Vous ne vous servez pas de papier ?
;ELLE
:Pour quel usage, Monsieur ?
;LUI
:Pour écrire.
;ELLE
:Ah ! ah ! ah ! J'avais oublié le papier. Le principal en somme. En un seul exemplaire ?
;LUI
: S'iI vous plaît. {{blue italic{(Elle est prête à présent et elle attend.)}}}
;LUI {{blue italic{ (dictant)}}}
:Mon cher Edmond...
;ELLE
:Tiens !
;LUI
:Quoi donc ?
;ELLE
:C'est le prénom de mon père.
;LUI
:Ah ! Oui, et comment va-t-il ?
;ELLE
:Mon père ? Il va très bien, Monsieur, merci. {{blue italic{(Répétant.)}}} Mon cher Edmond... ?
;LUI
:Je suis arrivé à Orléans vers trois heures et –virgule – tout de suite – virgule – je suis allé voir le notaire.
;ELLE
:Un point.
;LUI
:Parfaitement. {{blue italic{(Dictant.)}}} Et je ne veux pas tarder à t'apprendre que la chose est bien plus compliquée que nous ne le pensions.
;ELLE
:Ah ! Ah ?
;LUI
:Hein ?
;ELLE
:Non, non, rien, Monsieur. {{blue italic{(Répétant.)}}} Plus compliquée que vous ne le pensiez.
;LUI
: Comment « que vous ne le pensiez » ?
;ELLE
:« Que nous ne le pensions », pardon.
;LUI {{blue italic{(dictant)}}}
:Je pouvais te le téléphoner.
;ELLE
:Ça, le fait est.
;LUI
:Mais à la réflexion, j'ai préféré t'écrire afin que tu puisses montrer ma lettre à Bergeron.
;ELLE
:A qui ?
;LUI
:A mon associé.
;ELLE
:Oui, mais c'est son nom qui m'a échappé.
;LUI
:Ah ! Pardon : Bergeron. {{blue italic{(Dictant.)}}} Il verra ainsi... que je suis allé moi-même... à Orléans. Tout ce que je puis te dire aujourd'hui, c'est que le dernier testament qu'elle a fait... n'est pas écrit de sa main. {{blue italic{Parlant.}}} A la ligne. {{blue italic{(Dictant.)}}} Confidentiel... {{blue italic{(Elle écoute en tendant bien l'oreille.)}}}
;ELLE
:Comptez sur moi.
;LUI
:Ce n'était pas à vous que je le disais, c'était à...
;ELLE
:... Edmond ! Ah ! Bon, bon, bon.
;LUI
: Écrivez-le . confidentiel. {{blue italic{(Dictant.)}}} La personne en question... est peut-être encore où tu penses...
;ELLE
:Oui... ?
;LUI
: {{blue italic{(dictant)}}} Mais sois convaincu que si Gaston obligeait Suzanne à rendre à Germaine ce que tu sais..
;ELLE
:Hm...?
;LUI. {{blue italic{(dictant)}}}
:Nous aurions en mains... tous les éléments de ce que tu supposes.
;ELLE
:Vous croyez qu'il va comprendre ?
;LUI
:Comment, s'il va... mais je pense bien.
;ELLE
:Je permets de vous dire ça, parce que, moi, je ne peux pas arriver à...
;LUI
:C'est possible... mais lui il comprendra_
;ELLE
:Je vous demande pardon de m'y être intéressée.
;LUI
:Je vous en prie. {{blue italic{(Dictant.)}}} Maître Radin m'a dit qu'il se rendrait demain, en personne, au château de Saint-Mêle... un point. Mais Saint-Mêle est à 300 kilomètres d'ici...
;ELLE
:Trois cent quarante... au moins.
;LUI, dictant.
:Des personnes bien informées prétendent même qu'il y a au moins 340 kilomètres. Dans ces conditions je n'aurais donc pas la réponse avant quarante-huit heures...
;ELLE
:J'ai mis quarante-sept heures... je me suis trompée. Je peux laisser quarante-sept ?
;LUI
: Mais voyons' {{blue italic{(Dictant.)}}} Je te la ferai connaître aussitôt. {{blue italic{(Un temps. Il se lève et fait quelques pas.)}}}
;LUI
: {{blue italic{(dictant)}}} Que vais-je faire jusqu'à mercredi ? Je n'en sais rien encore. Deux jours, c'est bien long, et pourtant- cela pourrait passer si vite. Certes il ne me déplairait pas d'aller jusqu'à Amboise que j'ignore. Il parait que le château est une splendeur...
;ELLE
: Oh"....
;LUI
: {{blue italic{(dictant)}}} Ben, oui... seulement voilà, faire seul ce petit voyage, quand il serait si doux de le faire à deux ! Rester à Orléans et attendre la réponse de Radin. Si encore je connaissais quelqu'un içi !
:Et quand je dis quelqu'un, Edmond, tu vois ce que je dire ?
:Ah, si j'étais homme à me contenter de n'importe quelle créature rencontrée au hasard ? Ah ! Mais non ! Je la voudrais charmante et fine. Et puis pas grande, pas trop grande avec des yeux très beaux ! Je lui vois des cheveux châtains, et des mains délicates, avec des ongles rouges ! Existe-t-elle ?
;ELLE
: ...
;LUI
: Peut-être.
:Mais, si je la rencontre, oserai-je lui demander vingt-quatre heures de sa vie ? Crois-tu, mon cher Edmond, qu'elle voudra consentir à me faire visiter ce beau château d'Amboise ? Et si elle y consent, crois-tu, pour l'en remercier qu'il me serait possible de lui offrir le petit manteau de vison que j'ai vu tout à l'heure dans la vitrine d'un magasin qui se trouve sur la place de la Cathédrale, à gauche, en arrivant par la rue Gambetta ; le crois-tu, cher Edmond ?
;ELLE
:Je vous demande pardon... Est-ce que je puis me permettre de donner un petit coup de téléphone ?
;LUI
: Mais... je vous en prie, Mademoiselle.
;ELLE
:Allô ?... Le portier s'il vous plaît. Le portier ? Donnez-moi tout de suite le Commissaire, je vous en prie. Allô !... Allô ! Allô ? C'est toi, papa ? Dis donc... figure-toi que le patron m'envoie pendant vingt-quatre heures à Amboise. Je ne peux malheureusement pas refuser. Bien sûr. Alors, sois gentil, dis à maman qu'elle me prépare mon petit sac de voyage. Oh non, ce n'est pas la peine, je vais avoir ce qu'il faut comme manteau. Merci, papa, excuse-moi. {{blue italic{(Elle raccroche.)}}} Oui, papa est commissaire de la police. {{blue italic{(Elle reprend sa lettre.)}}} Alors, nous en étions à... ce petit magasin qui se trouve sur la place de la Cathédrale, à gauche, en arrivant par la rue Gambetta .
:On s'arrête là, hein ?
;LUI
: Oui.
;ELLE
:Et comme formule de politesse Vous l'embrassez ?
;LUI
: Oh ! je veux bien.
;ELLE
:Moi aussi. {{blue italic{(Il l'embrasse.)}}}
{{center{
!!!RIDEAU
}}}
{{groupbox center{''Guy de Maupassant
U N E R É P É T I T I O N''
Comédie en un acte et en vers
^^//Représentée pour la première fois le 6 mai 1904 au théâtre de Rouen.//^^}}}
:{{small blue center{Un salon. Portes au fond et à droite.<br>Madame Destournelles, habillée en bergère Watteau, arrange sa coiffure devant la glace.}}}
;M. DESTOURNELLES
:{{small blue italic{en redingote, prêt à sortir, entre par la porte de droite, et s'arrête stupéfait en apercevant sa femme.}}}
:Madame, qu'est-ce donc que cette mascarade ?
:Je comprend ! vous allez jouer quelque charade !
;Mme DESTOURNELLES
:Vous l'avez dit, monsieur.
;M. DESTOURNELLES
:Le costume est charmant.
:Vous êtes adorable en cet accoutrement.
;Mme DESTOURNELLES
:Fi donc ! des compliments ?... Mais je suis votre femme,
:A quoi bon ?
;M. DESTOURNELLES
:La réplique est cruelle, madame.
:Je dis la vérité simple, c'est mon devoir
:Et d'homme et de mari.
;Mme DESTOURNELLES
:Merci.
;M. DESTOURNELLES
:Peut-on savoir
:A quel sujet ma femme est devenue actrice,
:Et poète peut-être, ou collaboratrice
:De quelque auteur fameux ? J'ignorais jusqu'ici
:Que l'art vous eût jamais causé quelque souci.
:Pardon. Et la charade ?
;Mme DESTOURNELLES
:Est une comédie.
;M. DESTOURNELLES
:Bravo ! vous chaussez donc le socque de Thalie ?
:Alors, si ce n'est point être trop indiscret,
:Pourrais-je, en vous priant, connaître le sujet ?
;Mme DESTOURNELLES
:Une églogue.
;M. DESTOURNELLES
:Parfait ! c'est une bucolique !
:Et, l'avez-vous choisie avec ou sans musique ?
;Mme DESTOURNELLES
:Sans musique.
;M. DESTOURNELLES
:Tant pis !
;Mme DESTOURNELLES
:Et pourquoi, s'il vous plaît ?
;M. DESTOURNELLES
:A mon avis du moins, c'eût été plus complet
:Je suis très pastoral. Je trouve que sur l'herbe
:Un petit air de flûte est d'un effet superbe.
:Et puis tout vrai berger, étendu sous l'ormeau,
:Ne doit chanter l'amour qu'avec un chalumeau.
:C'est l'accompagnement forcé de toute idylle :
:L'usage en est resté depuis le doux Virgile.
;Mme DESTOURNELLES
:{{small blue italic{ironique}}}
:Je ne vous savais point si pétillant d'esprit.
:J'avais, jusqu'à ce jour, méconnu mon mari.
:A présent je voudrais vous faire prendre un rôle ;
:En marquis Pompadour vous seriez vraiment... drôle.
;M. DESTOURNELLES
:{{small blue italic{un peu blessé}}}
:Madame, c'est très vrai. Qui pourrait faire bien
:Une chose à laquelle on n'entend juste rien ?
;Mme DESTOURNELLES
:Vous en voulez beaucoup à cette comédie ?
;M. DESTOURNELLES
:Certes ; je n'aime pas les bergers d'Arcadie !
:Et puis je veux laisser à chacun son métier.
:Tout le monde, il est vrai, pourrait être portier ;
:Mais acteur... oh non pas ! Cela c'est autre chose.
:Vous ignorez comment on rit, on marche, on cause
:Quand on a, par hasard, un public devant soi.
:Votre grand naturel est de mauvais aloi.
;Mme DESTOURNELLES
:{{small blue italic{nerveuse}}}
:Je sais depuis longtemps cette vieille rengaine.
;M. DESTOURNELLES, pédantesquement
:Le vrai dans un salon est du faux sur la scène,
:Et le vrai sur la scène est faux dans un salon !
:L'actrice, dans le monde, a souvent mauvais ton,
:Je vous l'accorde, mais, quand vous prenez sa place,
:Votre plus doux sourire a l'air d'une grimace.
;Mme DESTOURNELLES
:{{small blue italic{sèchement}}}
:Et vos charmants conseils ont l'air impertinent.
:Est-ce fini ?
;M. DESTOURNELLES
:Non. Pas encore. Maintenant,
:Vos pièces de salon, fausses et précieuses,
:Me prennent sur les nerfs, et me sont odieuses.
:Voilà mon sentiment. Quant au petit monsieur
:Frisé, la bouche en cœur, et roide comme un pieu,
:Débitant gauchement ses fades sucreries,
:Autant fait par le ciel pour ces galanteries
:Qu'un âne pour chanter une chanson d'amour ;
:Commerçant le matin, et le soir troubadour,
:Qui, calculant le prix ou des draps ou des toiles,
:Répète vaguement des couplets aux étoiles,
:Et quitte son comptoir d'un petit air léger
:Pour prendre la houlette et devenir berger,
:C'est un sot le matin, et le soir c'est un cuistre
:Dont le rire est stupide et la grâce sinistre !
:Encore, eussiez-vous pris quelque morceau plaisant
:Qui, sans prétention, pourrait être amusant !
:Mais choisir une églogue !... Et quelle mise en scène ?
:C'est dans ces prés fleuris où serpente la Seine.
:Ce salon représente un champ, frais et coquet.
:Pour plus de vraisemblance on y pose un bouquet
:A droite est une dame habillée en bergère ;
:Elle écoute, effeuillant un rameau de fougère,
:Un monsieur costumé ; c'est un petit marquis ;
:Il porte lourdement un habit rose exquis,
:S'incline, et dans la main il tient une houlette
:Qu'il présente à la dame avec un air fort bête.
:- Trois tabourets épars simulent des brebis -
:Tout est faux, le décor, les gens et les habits,
:Est-ce vrai ?... Ce dindon, enfin, qui fait la roue,
:Doit vous baiser la main, quand ce n'est point la joue,
:Et par cette faveur son orgueil attisé
:A d'autres libertés se croit autorisé.
:Puis ces longs tête-à-tête où l'on feint la tendresse ;
:Où l'honnête femme a des rôles de maîtresse...
:Il hésite et cherche ce qu'il doit dire.
:Sont d'un mauvais exemple aux gens de la maison.
;Mme DESTOURNELLES
:{{small blue italic{très blessée}}}
:Vraiment ! Je n'aurais pas prévu cette raison !
:Mais comme je veux être une femme soumise,
:Que je ne veux pas voir ma vertu compromise
:Aux yeux de Rosalie ou de votre cocher,
:Je renonce à jouer.
;M. DESTOURNELLES
:{{small blue italic{haussant les épaules}}}
:Bon ! Pourquoi vous fâcher ?
;Mme DESTOURNELLES
:{{small blue italic{la voix tremblante, exaspérée}}}
:Rien que ce tête-à-tête à présent m'épouvante !
:Personne encor sur moi n'a rien dit, je m'en vante !
:Songez : si le concierge apprend par un valet
:Qu'un jeune homme à pieds fut vu ; qu'il me parlait
:D'amour, et qu'il avait la perruque poudrée,
:La nouvelle en ira par toute la contrée.
:Le facteur, en donnant ses lettres chaque jour,
:Distribuera ce bruit aux portes d'alentour :
:Il ira grossissant de la loge aux mansardes.
:Et tous, du balayeur de la rue aux poissardes
:Qui roulent leur voiture avec les : « //ce qu'on dit// »
:Me toiseront, des pieds au front, d'un air hardi !
;M. DESTOURNELLES
:{{small blue italic{embarrassé, humble}}}
:Voyons, si j'ai tenu quelque propos maussade,
:Ce n'était, après tout, qu'une simple boutade.
;Mme DESTOURNELLES
:{{small blue italic{suffoquant, les larmes aux yeux}}}
:Je sais que nous devons tout supporter, soupçons,
:Injures, mots blessants de toutes les façons !
:Nous devons obéir à la moindre parole,
:Etre humbles et toujours douces ; c'est notre rôle,
:Je le sais ; mais enfin ma douceur est à bout.
:Nos maîtres... nos maris, qui se permettent... tout,
:Rôdent autour de nous ainsi que des gendarmes,
:Nous accusent sans cesse, espionnent...
;M. DESTOURNELLES
:{{small blue italic{caressant}}}
:Pas de larmes,
:Je t'en prie ; et faisons la paix. Pardon, C'est vrai,
:Je fus brutal et sot... je l'avoue, et suis prêt
:A tout ce qu'il faudra pour que tu me pardonnes.
:Tiens, je baise tes mains. Comme elles sont mignonnes !
:J'y veux mettre ce soir deux gros bracelets d'or ;
:Mais tu joûras. M'as-tu pardonné ?
;Mme DESTOURNELLES
:{{small blue italic{très digne}}}
:Pas encor.
;M. DESTOURNELLES
:Non ? mais bientôt.
;Mme DESTOURNELLES
:{{small blue italic{de même}}}
:Qui sait ?
;Scène 2 LES MÊMES, RENÉ LAPIERRE, en marquis Louis XV.
;UN DOMESTIQUE,
:{{small blue italic{annonçant}}}
:Monsieur René Lapierre.
;RENÉ
:{{small blue italic{entrant}}}
:En marquis Louis Quinze.
;M. DESTOURNELLES
:Ah ! votre partenaire ;
:Au revoir.
:{{small blue italic{Saluant M. Lapierre}}}
:Beau marquis.
;RENÉ
:Monsieur, pour vous servir.
;M. DESTOURNELLES
:Le costume est charmant et vous sied à ravir.
:{{small blue italic{Il sort. René baise la main de madame Destournelles.}}}
sc.3 - MADAME DESTOURNELLES, RENÉ
;Mme DESTOURNELLES
:{{small blue italic{ nerveuse, la voix sèche}}}
:Au moins, avez-vous bien retenu votre rôle ?
;RENÉ
:Je n'en oublirai point une seule parole.
;Mme DESTOURNELLES
:Alors nous commençons puisque vous êtes prêt :
:Je suis seule d'abord. Le marquis apparaît.
:Sans me voir il arrive au milieu de la scène ;
:Pendant quelques instants il rêve et se promène ;
:Et puis il m'aperçoit. Nous y sommes ?
;RENÉ
: J'y suis.
::{{small blue italic{Elle s'assied sur une chaise basse. Il s'approche d'elle avec des grâces prétentieuses.}}}
;Mme DESTOURNELLES
:Soyez plus libre et plus naturel.
;RENÉ
:{{small blue italic{s'arrêtant}}}
: Je ne puis ;
:J'en suis fort empêché, car mon habit me gêne.
::{{small blue italic{ Son épée se prend entre ses jambes.}}}
;Mme DESTOURNELLES
:{{small blue italic{ sèchement}}}
:Votre rapière va s'échapper de sa gaîne.
:Vous paraissez épais et lourd. Recommençons.
::{{small blue italic{ Il fait le même manège que tout à l'heure, mais d'une façon encore plus maniérée.}}}
:Vous n'avez pas besoin de toutes ces façons,
:Monsieur.
;RENÉ
:{{small blue italic{vexé}}}
: Je voudrais bien vous voir prendre ma place,
:Madame. Comment donc voulez-vous que je fasse ?
;Mme DESTOURNELLES
:{{small blue italic{ impatiente}}}
:Comme si vous étiez un marquis naturel ;
:Un vrai marquis. Quittez cet air trop solennel,
:Et marchez simplement comme un monsieur qui passe.
:Relevez quelque peu votre épée, avec grâce ;
:Une main sur la hanche ; et puis promenez-vous,
:Sans avoir tant de plomb fondu dans les genoux.
:Vous êtes empesé comme un dessin de mode.
;RENÉ
:Si je ne portais point cet habit incommode...
;Mme DESTOURNELLES
:Vous me faites l'effet d'un marquis croque-mort,
:Soyez donc gracieux.
::{{small blue italic{ Il recommence}}}
;RENÉ
: Est-ce bien ?
;Mme DESTOURNELLES
: Pas encor.
:Que l'homme est emprunté ! Dire que toute femme,
:J'entends femme du monde, est actrice dans l'âme.
:La femme de théâtre est gauche, et ne sait pas
:Sourire, se lever, s'asseoir, ou faire un pas
:Sans paraître tragique. Un rien les embarrasse.
:Cela ne s'apprend point, c'est affaire de race.
:On peut acquérir l'art, mais non le naturel.
:Par l'étude on devient ce que fut la Rachel
:Qui demeura toujours roide ou prétentieuse,
:Souvent fort dramatique, et jamais gracieuse.
:Moi, j'ai joué deux fois, et j'eus un succès fou.
:J'avais une toilette exquise, un vrai bijou.
:On m'applaudit, c'était comme une frénésie ;
:J'ai cru que je ferais mourir de jalousie
:Madame de Lancy qui jouait avec moi.
:Je disais quelques vers : je ne sais plus trop quoi ;
:Quelque chose de drôle et qui fit beaucoup rire.
:Mais, la deuxième fois, je n'avais rien à dire ;
:Je faisais une bonne apportant un plateau
:Où devait se trouver un verre rempli d'eau.
:J'apportai le plateau ; mais j'oubliai le verre.
:L'acteur me regarda d'une façon sévère ;
:Le public se tordait ; alors je m'aperçus
:Que j'avais le plateau voulu, mais rien dessus.
:Ma foi, je n'y tins pas, j'ai ri comme une folle.
:Le monsieur n'a pas pu reprendre la parole
:Tant on était joyeux. On a ri tout le temps !...
:Se tournant vers René qui la regarde fixement en l'écoutant
:Mais que faites-vous donc, monsieur, je vous attends ?
;RENÉ
:Madame, j'écoutais.
;Mme DESTOURNELLES
: C'est moi qui vous écoute.
:Vous n'avez pas de temps à perdre. Allons, en route
:Eh bien ?
;RENÉ
:{{small blue italic{après une longue hésitation}}}
: Je ne sais plus du tout le premier vers.
;Mme DESTOURNELLES
:{{small blue italic{ furieuse}}}
:Monsieur, vous commencez à m'agacer les nerfs.
;RENÉ
:Quand j'aurai le premier, tous viendront à la suite.
;Mme DESTOURNELLES
:Certes, ils viendront. A moins qu'ils ne prennent la fuite.
;RENÉ
:{{small blue italic{se frappant le front}}}
:Comme on oublie ! Allons, soufflez-moi, rien qu'un peu.
;Mme DESTOURNELLES
:Ah ! puissé-je, en soufflant, rallumer votre feu.
::{{small blue italic{ Elle souffle}}}
:Je te vis, charmante bergère,
;RENÉ
:{{small blue italic{il récite avec embarras}}}
:Je te vis, charmante bergère,
:Assise, un jour, sur la fougère ;
:Oui, là-bas, je te vis un jour ;
:Et tout mon cœur brûla d'amour ;
:Non point de flamme passagère
:Qui s'éteint, trompeuse et légère.
:C'est d'un indestructible amour
:Que je brûlai, douce bergère,
:Quand je te vis sur la fougère...
:C'est bien ?
;Mme DESTOURNELLES
: « //C'est bien// » n'est pas au rôle, assurément.
:Et puis ce serait bien... si c'était autrement.
;RENÉ
:Pourquoi cela ?
;Mme DESTOURNELLES
: Pourquoi ? vous êtes détestable
:Comme un petit garçon qui récite une fable.
:Votre voix, votre corps, vos gestes sont en bois.
:Avez-vous aimé ?
;RENÉ
:{{small blue italic{très étonné}}}
: Moi ?
;Mme DESTOURNELLES
:Vous.
;RENÉ
:Certes... quelquefois.
;Mme DESTOURNELLES
:Eh bien, racontez-moi cela.
;RENÉ
: Quoi ?
;Mme DESTOURNELLES
: Vos conquêtes ;
:Car je ne vous vois pas faisant tourner les têtes.
;RENÉ
:Je ne dirai point si j'ai réussi...
;Mme DESTOURNELLES
: Toujours ?
:Non. Vous ne devez pas être heureux en amours.
:Eh bien ! nous allons voir ce que vous savez faire.
:Supposons qu'une femme, habile en l'art de plaire,
:Se trouve en tête-à-tête avec vous. Son... esprit
:Dès longtemps attira votre cœur et le prit.
:- Supposons que je sois cette femme charmante -
:Vous voulez exprimer l'amour qui vous tourmente ;
:Nous sommes tous deux seuls. Allez.
::{{small blue italic{ Elle attend. Il reste debout devant elle dans une pose embarrassée.}}}
: Eh bien, c'est tout ?
:On peut sans péril écouter jusqu'au bout.
:Alors changeons de rôle, et soyez la bergère.
:Je vais improviser. Asseyez-vous, ma chère.
:{{small blue italic{ Elle prend le chapeau du marquis ; s'en coiffe ; fléchit un genou devant lui, et, avec une moquerie dans la voix.}}}
:Je cours après le bonheur ;
:Plus je cours, plus il va vite.
:Mais ce bonheur qui m'évite,
:Dis, n'est-il pas dans ton cœur ?
:Je cherche la douce fièvre ;
:Mais elle me fuit toujours.
:Cette fièvre des amours,
:N'est-elle pas sur ta lèvre ?
:Pour les trouver j'ai dessein
:De baiser, ô ma farouche,
:Et ton âme sur ta bouche,
:Et ton doux cœur sur ton sein.
:Elle le regarde en riant, puis, se relevant.
:Il l'embrasse. Êtes-vous une bergère en Sèvres ?
:Troublez-vous. Qu'un soupir s'échappe de vos lèvres.
:Baissez les yeux, tremblez, pâlissez, rougissez.
:{{small blue italic{ Changeant de ton. D'une voix brève}}}
:Çà, nous ne ferons rien. Cher monsieur, c'est assez.
;RENÉ
:{{small blue italic{brusquement}}}
:Je suis mauvais, la faute en est à mon costume ;
: Si j'étais en habit tout simple, je présume
: Que je saurais sans peine exprimer mon amour.
: A l'époque fleurie où régnait Pompadour,
: presque autant que la tête on poudrait la pensée ;
: Et la phrase ambiguë, avec soin cadencée,
: Semblait une chanson aux lèvres des amants.
: Ils avaient en l'esprit encor plus d'ornements
: Que de rubans de soie à leur fraîche toilette.
: L'amant était léger, l'amante était follette.
: Ils ne se permettaient que de petits baisers
: Pour ne point faire tort à leurs cheveux frisés ;
: Et gardaient tant de grâce et de délicatesse
: Qu'un mot un peu brutal eût rompu leur tendresse.
: Mais aujourd'hui, qu'on a décousu pour toujours
: La pompe des habits et celle des discours,
:Nous ne comprenons plus ces futiles manières ;
:Et pour se faire aimer il faut d'autres prières,
:Plus simples mais aussi plus ardentes.
;Mme DESTOURNELLES
: Il faut,
:Cher monsieur, pour jouer un rôle sans défaut,
:Se mettre, avec l'habit, la peau du personnage ;
:Sentir avec son cœur, penser selon son âge,
:Aimer comme il aimait.
;RENÉ
: Mais moi, si j'aime aussi.
;Mme DESTOURNELLES
:Vous n'aimez pas.
;RENÉ
: Pardon, j'aime.
;Mme DESTOURNELLES
: Mais non.
;RENÉ
: Mais si.
;Mme DESTOURNELLES
:Alors vous avez dû lui dire : « //Je vous aime.// »
:Rappelez-vous le ton, et puis faites de même.
;RENÉ
:Non. Je n'ai point osé lui dire.
;Mme DESTOURNELLES
: C'est discret.
:Vous avez donc pensé qu'elle devinerait ?
;RENÉ
:Non.
;Mme DESTOURNELLES
: Mais qu'espérez-vous alors ?
;RENÉ
: Moi ? rien. Je n'ose.
;Mme DESTOURNELLES
:C'est faux. L'homme toujours espère quelque chose.
;RENÉ
:Je ne veux qu'un sourire, un mot, un bon regard.
;Mme DESTOURNELLES
:C'est trop peu.
;RENÉ
: Rien de plus. A moins que le hasard,
:Un jour, plaide ma cause.
;Mme DESTOURNELLES
: Oh ! le hasard ne plaide,
:N'oubliez point ceci, que pour celui qui l'aide.
;RENÉ
:Je souffre horriblement de n'oser point parler.
:Son œil, quand il me fixe, a l'air de m'étrangler ;
:J'ai peur d'elle.
;Mme DESTOURNELLES
: Mon Dieu ! que les hommes sont... bêtes.
:Savez-vous point encore, ignorant que vous êtes,
:Que ces compliments-là ne nous blessent jamais.
:Vous verriez, si j'étais un homme, et si j'aimais.
:{{small blue italic{René saisit ses mains et les baise avec passion. Elle les retire vivement, très étonnée, un peu fâchée}}}
:Je n'autorise pas ces manières trop lestes ;
:La parole suffit, monsieur, gardez vos gestes.
;RENÉ
:{{small blue italic{tombant à ses genoux}}}
:Certes, j'étais timide et grotesque. Pourquoi ?
:Je craignais que mon cœur éclatât malgré moi !
:Et qu'au lieu des fadeurs de ces propos frivoles,
:Ce cœur qui débordait ne dit d'autres paroles.
:Elle s'éloigne de lui, il la poursuit en tenant sa robe
:Ah ! vous l'avez permis, madame, il est trop tard.
:Vous n'avez donc pas vu briller dans mon regard,
:Quand il était sur vous, des éclairs de folie ;
: Ni trouvé sur ma face égarée et pâlie
: Ces sillons qu'ont creusés les tortures des nuits ?
: Vous n'avez donc pas vu que souvent je vous fuis ;
: Qu'un frisson me saisit quand votre main m'effleure ;
: Et que si j'ai perdu la tête, tout à l'heure,
: C'est qu'en me regardant vos lèvres ont souri,
: Que votre œil m'a touché, marqué, brûlé, meurtri ?
: Ainsi qu'un malheureux, monté sur une cime,
: Se sent pris tout à coup des fièvres de l'abîme,
: Et se jette éperdu dedans, la tête en feu ;
:Ainsi, quand je regarde au fond de votre bleu,
:Le vertige me prend d'un amour sans limite !
:Il saisit sa main et la pose sur son cœur
:Tenez, sentez-vous pas comme mon cœur palpite ?
;Mme DESTOURNELLES
:{{small blue italic{ effarée}}}
:C'est trop. On vous croirait la cervelle égarée ;
:Et la diction même a l'air exagérée.
:{{small blue italic{La porte du fond s'ouvre sans bruit, et M. Destournelles apparaît, tenant à chaque main un écrin à bracelet. Il s'arrête et écoute sans être vu.}}}
;RENÉ
:Oui, c'est vrai, mon esprit s'égare, je suis fou !
:Quand on lâche un cheval, la bride sur le cou,
:Il s'emporte, et voilà ce qu'a fait ma pensée ;
:Jusqu'ici je l'avais tenue et terrassée,
:Mais elle a, près de vous, des élans trop puissants.
:Je ne puis exprimer les ardeurs que je sens !
:Oui, je vous aime, et j'ai la lèvre torturée
:Du besoin de toucher votre bouche adorée ;
:Et mes bras, malgré moi, s'ouvrent pour vous saisir,
:Tant me pousse vers vous un immense désir.
;Mme DESTOURNELLES
:{{small blue italic{ lui échappant}}}
:Je me fâche. Cessez cette plaisanterie.
;RENÉ
:{{small blue italic{se traînant à ses pieds}}}
:Je vous aime, je vous aime.
;Mme DESTOURNELLES
:{{small blue italic{ effrayée}}}
: Assez, ou je crie.
;RENÉ
:{{small blue italic{avec accablement}}}
:Pardon.
;Mme DESTOURNELLES
:{{small blue italic{ avec hauteur}}}
: Relevez-vous, monsieur, je vais sonner.
;RENÉ
:{{small blue italic{désespéré}}}
:Mon Dieu ! vous ne pourrez jamais me pardonner.
sc.4 - LES MÊMES, M. DESTOURNELLES
;M. DESTOURNELLES
:{{small blue italic{applaudissant}}}
:Bravo ! bravo ! Très bien ! vous jouez à merveille !
:Je ne vous croyais pas une chaleur pareille.
:Mes compliments, monsieur, c'est très bien. Et j'avais
:La sotte intention de vous trouver mauvais !
:Oh ! mille fois pardon, vous êtes admirable ;
:Et vous avez surtout cet art incomparable
:D'être si naturel, si juste, si vivant,
:Que ce morceau d'amour est vraiment émouvant.
:Tout est parfait : la voix, l'expression, le geste !
:Le difficile est fait maintenant, et le reste
:Viendra tout seul. Pourtant, il faut savoir comment
:Vous vous en tirerez juste au dernier moment ;
:Car cela va toujours très bien quand on répète ;
:Mais aux jours de Première on perd un peu la tête.
;Mme DESTOURNELLES
:{{small blue italic{ avec un sourire imperceptible, et prenant les bracelets des mains de son mari}}}
:Mon ami, demeurez tranquille sur ce point,
:Car si monsieur la perd... je ne la perdrai point.
| !date | !user | !location | !storeUrl | !uploadDir | !toFilename | !backupdir | !origin |
| 28/07/2019 16:42:37 | JacquesTurbé | [[grenier.html|file:///C:/TiddlyDesktop-win64-v0.0.8/wiki/grenier.html]] | [[store.cgi|http://grenier.tiddlyspot.com/store.cgi]] | . | [[index.html | http://grenier.tiddlyspot.com/index.html]] | . | failed |
| 28/07/2019 17:02:32 | JacquesTurbé | [[grenier.html|file:///C:/TiddlyDesktop-win64-v0.0.8/wiki/grenier.html]] | [[store.cgi|http://grenier.tiddlyspot.com/store.cgi]] | . | [[index.html | http://grenier.tiddlyspot.com/index.html]] | . | ok |
| 28/07/2019 19:15:21 | JacquesTurbé | [[grenier.html|file:///C:/TiddlyDesktop-win64-v0.0.8/wiki/grenier.html]] | [[store.cgi|http://grenier.tiddlyspot.com/store.cgi]] | . | [[index.html | http://grenier.tiddlyspot.com/index.html]] | . |
| 01/11/2019 18:24:13 | JacquesTurbé | [[/|http://grenier.tiddlyspot.com/]] | [[store.cgi|http://grenier.tiddlyspot.com/store.cgi]] | . | [[index.html | http://grenier.tiddlyspot.com/index.html]] | . | failed |
| 01/11/2019 18:29:31 | JacquesTurbé | [[/|http://grenier.tiddlyspot.com/]] | [[store.cgi|http://grenier.tiddlyspot.com/store.cgi]] | . | [[index.html | http://grenier.tiddlyspot.com/index.html]] | . |
| 06/12/2019 01:11:45 | JacquesTurbé | [[/|http://grenier.tiddlyspot.com/]] | [[store.cgi|http://grenier.tiddlyspot.com/store.cgi]] | . | [[index.html | http://grenier.tiddlyspot.com/index.html]] | . | failed |
| 06/12/2019 01:12:38 | JacquesTurbé | [[/|http://grenier.tiddlyspot.com/]] | [[store.cgi|http://grenier.tiddlyspot.com/store.cgi]] | . | [[index.html | http://grenier.tiddlyspot.com/index.html]] | . | ok |
| 06/12/2019 01:49:13 | JacquesTurbé | [[/|http://grenier.tiddlyspot.com/]] | [[store.cgi|http://grenier.tiddlyspot.com/store.cgi]] | . | [[index.html | http://grenier.tiddlyspot.com/index.html]] | . |
/***
|''Name:''|UploadPlugin|
|''Description:''|Save to web a TiddlyWiki|
|''Version:''|4.1.4|
|''Date:''|2008-08-11|
|''Source:''|http://tiddlywiki.bidix.info/#UploadPlugin|
|''Documentation:''|http://tiddlywiki.bidix.info/#UploadPluginDoc|
|''Author:''|BidiX (BidiX (at) bidix (dot) info)|
|''License:''|[[BSD open source license|http://tiddlywiki.bidix.info/#%5B%5BBSD%20open%20source%20license%5D%5D ]]|
|''~CoreVersion:''|2.2.0|
|''Requires:''|PasswordOptionPlugin|
***/
//{{{
version.extensions.UploadPlugin = {
major: 4, minor: 1, revision: 4,
date: new Date("2008-08-11"),
source: 'http://tiddlywiki.bidix.info/#UploadPlugin',
author: 'BidiX (BidiX (at) bidix (dot) info',
coreVersion: '2.2.0'
};
//
// Environment
//
if (!window.bidix) window.bidix = {}; // bidix namespace
bidix.debugMode = false; // true to activate both in Plugin and UploadService
//
// Upload Macro
//
config.macros.upload = {
// default values
defaultBackupDir: '', //no backup
defaultStoreScript: "store.php",
defaultToFilename: "index.html",
defaultUploadDir: ".",
authenticateUser: true // UploadService Authenticate User
};
config.macros.upload.label = {
promptOption: "Save and Upload this TiddlyWiki with UploadOptions",
promptParamMacro: "Save and Upload this TiddlyWiki in %0",
saveLabel: "save to web",
saveToDisk: "save to disk",
uploadLabel: "upload"
};
config.macros.upload.messages = {
noStoreUrl: "No store URL in parmeters or options",
usernameOrPasswordMissing: "Username or password missing"
};
config.macros.upload.handler = function(place,macroName,params) {
if (readOnly)
return;
var label;
if (document.location.toString().substr(0,4) == "http")
label = this.label.saveLabel;
else
label = this.label.uploadLabel;
var prompt;
if (params[0]) {
prompt = this.label.promptParamMacro.toString().format([this.destFile(params[0],
(params[1] ? params[1]:bidix.basename(window.location.toString())), params[3])]);
} else {
prompt = this.label.promptOption;
}
createTiddlyButton(place, label, prompt, function() {config.macros.upload.action(params);}, null, null, this.accessKey);
};
config.macros.upload.action = function(params)
{
// for missing macro parameter set value from options
if (!params) params = {};
var storeUrl = params[0] ? params[0] : config.options.txtUploadStoreUrl;
var toFilename = params[1] ? params[1] : config.options.txtUploadFilename;
var backupDir = params[2] ? params[2] : config.options.txtUploadBackupDir;
var uploadDir = params[3] ? params[3] : config.options.txtUploadDir;
var username = params[4] ? params[4] : config.options.txtUploadUserName;
var password = config.options.pasUploadPassword; // for security reason no password as macro parameter
// for still missing parameter set default value
if ((!storeUrl) && (document.location.toString().substr(0,4) == "http"))
storeUrl = bidix.dirname(document.location.toString())+'/'+config.macros.upload.defaultStoreScript;
if (storeUrl.substr(0,4) != "http")
storeUrl = bidix.dirname(document.location.toString()) +'/'+ storeUrl;
if (!toFilename)
toFilename = bidix.basename(window.location.toString());
if (!toFilename)
toFilename = config.macros.upload.defaultToFilename;
if (!uploadDir)
uploadDir = config.macros.upload.defaultUploadDir;
if (!backupDir)
backupDir = config.macros.upload.defaultBackupDir;
// report error if still missing
if (!storeUrl) {
alert(config.macros.upload.messages.noStoreUrl);
clearMessage();
return false;
}
if (config.macros.upload.authenticateUser && (!username || !password)) {
alert(config.macros.upload.messages.usernameOrPasswordMissing);
clearMessage();
return false;
}
bidix.upload.uploadChanges(false,null,storeUrl, toFilename, uploadDir, backupDir, username, password);
return false;
};
config.macros.upload.destFile = function(storeUrl, toFilename, uploadDir)
{
if (!storeUrl)
return null;
var dest = bidix.dirname(storeUrl);
if (uploadDir && uploadDir != '.')
dest = dest + '/' + uploadDir;
dest = dest + '/' + toFilename;
return dest;
};
//
// uploadOptions Macro
//
config.macros.uploadOptions = {
handler: function(place,macroName,params) {
var wizard = new Wizard();
wizard.createWizard(place,this.wizardTitle);
wizard.addStep(this.step1Title,this.step1Html);
var markList = wizard.getElement("markList");
var listWrapper = document.createElement("div");
markList.parentNode.insertBefore(listWrapper,markList);
wizard.setValue("listWrapper",listWrapper);
this.refreshOptions(listWrapper,false);
var uploadCaption;
if (document.location.toString().substr(0,4) == "http")
uploadCaption = config.macros.upload.label.saveLabel;
else
uploadCaption = config.macros.upload.label.uploadLabel;
wizard.setButtons([
{caption: uploadCaption, tooltip: config.macros.upload.label.promptOption,
onClick: config.macros.upload.action},
{caption: this.cancelButton, tooltip: this.cancelButtonPrompt, onClick: this.onCancel}
]);
},
options: [
"txtUploadUserName",
"pasUploadPassword",
"txtUploadStoreUrl",
"txtUploadDir",
"txtUploadFilename",
"txtUploadBackupDir",
"chkUploadLog",
"txtUploadLogMaxLine"
],
refreshOptions: function(listWrapper) {
var opts = [];
for(i=0; i<this.options.length; i++) {
var opt = {};
opts.push();
opt.option = "";
n = this.options[i];
opt.name = n;
opt.lowlight = !config.optionsDesc[n];
opt.description = opt.lowlight ? this.unknownDescription : config.optionsDesc[n];
opts.push(opt);
}
var listview = ListView.create(listWrapper,opts,this.listViewTemplate);
for(n=0; n<opts.length; n++) {
var type = opts[n].name.substr(0,3);
var h = config.macros.option.types[type];
if (h && h.create) {
h.create(opts[n].colElements['option'],type,opts[n].name,opts[n].name,"no");
}
}
},
onCancel: function(e)
{
backstage.switchTab(null);
return false;
},
wizardTitle: "Upload with options",
step1Title: "These options are saved in cookies in your browser",
step1Html: "<input type='hidden' name='markList'></input><br>",
cancelButton: "Cancel",
cancelButtonPrompt: "Cancel prompt",
listViewTemplate: {
columns: [
{name: 'Description', field: 'description', title: "Description", type: 'WikiText'},
{name: 'Option', field: 'option', title: "Option", type: 'String'},
{name: 'Name', field: 'name', title: "Name", type: 'String'}
],
rowClasses: [
{className: 'lowlight', field: 'lowlight'}
]}
};
//
// upload functions
//
if (!bidix.upload) bidix.upload = {};
if (!bidix.upload.messages) bidix.upload.messages = {
//from saving
invalidFileError: "The original file '%0' does not appear to be a valid TiddlyWiki",
backupSaved: "Backup saved",
backupFailed: "Failed to upload backup file",
rssSaved: "RSS feed uploaded",
rssFailed: "Failed to upload RSS feed file",
emptySaved: "Empty template uploaded",
emptyFailed: "Failed to upload empty template file",
mainSaved: "Main TiddlyWiki file uploaded",
mainFailed: "Failed to upload main TiddlyWiki file. Your changes have not been saved",
//specific upload
loadOriginalHttpPostError: "Can't get original file",
aboutToSaveOnHttpPost: 'About to upload on %0 ...',
storePhpNotFound: "The store script '%0' was not found."
};
bidix.upload.uploadChanges = function(onlyIfDirty,tiddlers,storeUrl,toFilename,uploadDir,backupDir,username,password)
{
var callback = function(status,uploadParams,original,url,xhr) {
if (!status) {
displayMessage(bidix.upload.messages.loadOriginalHttpPostError);
return;
}
if (bidix.debugMode)
alert(original.substr(0,500)+"\n...");
// Locate the storeArea div's
var posDiv = locateStoreArea(original);
if((posDiv[0] == -1) || (posDiv[1] == -1)) {
alert(config.messages.invalidFileError.format([localPath]));
return;
}
bidix.upload.uploadRss(uploadParams,original,posDiv);
};
if(onlyIfDirty && !store.isDirty())
return;
clearMessage();
// save on localdisk ?
if (document.location.toString().substr(0,4) == "file") {
var path = document.location.toString();
var localPath = getLocalPath(path);
saveChanges();
}
// get original
var uploadParams = new Array(storeUrl,toFilename,uploadDir,backupDir,username,password);
var originalPath = document.location.toString();
// If url is a directory : add index.html
if (originalPath.charAt(originalPath.length-1) == "/")
originalPath = originalPath + "index.html";
var dest = config.macros.upload.destFile(storeUrl,toFilename,uploadDir);
var log = new bidix.UploadLog();
log.startUpload(storeUrl, dest, uploadDir, backupDir);
displayMessage(bidix.upload.messages.aboutToSaveOnHttpPost.format([dest]));
if (bidix.debugMode)
alert("about to execute Http - GET on "+originalPath);
var r = doHttp("GET",originalPath,null,null,username,password,callback,uploadParams,null);
if (typeof r == "string")
displayMessage(r);
return r;
};
bidix.upload.uploadRss = function(uploadParams,original,posDiv)
{
var callback = function(status,params,responseText,url,xhr) {
if(status) {
var destfile = responseText.substring(responseText.indexOf("destfile:")+9,responseText.indexOf("\n", responseText.indexOf("destfile:")));
displayMessage(bidix.upload.messages.rssSaved,bidix.dirname(url)+'/'+destfile);
bidix.upload.uploadMain(params[0],params[1],params[2]);
} else {
displayMessage(bidix.upload.messages.rssFailed);
}
};
// do uploadRss
if(config.options.chkGenerateAnRssFeed) {
var rssPath = uploadParams[1].substr(0,uploadParams[1].lastIndexOf(".")) + ".xml";
var rssUploadParams = new Array(uploadParams[0],rssPath,uploadParams[2],'',uploadParams[4],uploadParams[5]);
var rssString = generateRss();
// no UnicodeToUTF8 conversion needed when location is "file" !!!
if (document.location.toString().substr(0,4) != "file")
rssString = convertUnicodeToUTF8(rssString);
bidix.upload.httpUpload(rssUploadParams,rssString,callback,Array(uploadParams,original,posDiv));
} else {
bidix.upload.uploadMain(uploadParams,original,posDiv);
}
};
bidix.upload.uploadMain = function(uploadParams,original,posDiv)
{
var callback = function(status,params,responseText,url,xhr) {
var log = new bidix.UploadLog();
if(status) {
// if backupDir specified
if ((params[3]) && (responseText.indexOf("backupfile:") > -1)) {
var backupfile = responseText.substring(responseText.indexOf("backupfile:")+11,responseText.indexOf("\n", responseText.indexOf("backupfile:")));
displayMessage(bidix.upload.messages.backupSaved,bidix.dirname(url)+'/'+backupfile);
}
var destfile = responseText.substring(responseText.indexOf("destfile:")+9,responseText.indexOf("\n", responseText.indexOf("destfile:")));
displayMessage(bidix.upload.messages.mainSaved,bidix.dirname(url)+'/'+destfile);
store.setDirty(false);
log.endUpload("ok");
} else {
alert(bidix.upload.messages.mainFailed);
displayMessage(bidix.upload.messages.mainFailed);
log.endUpload("failed");
}
};
// do uploadMain
var revised = bidix.upload.updateOriginal(original,posDiv);
bidix.upload.httpUpload(uploadParams,revised,callback,uploadParams);
};
bidix.upload.httpUpload = function(uploadParams,data,callback,params)
{
var localCallback = function(status,params,responseText,url,xhr) {
url = (url.indexOf("nocache=") < 0 ? url : url.substring(0,url.indexOf("nocache=")-1));
if (xhr.status == 404)
alert(bidix.upload.messages.storePhpNotFound.format([url]));
if ((bidix.debugMode) || (responseText.indexOf("Debug mode") >= 0 )) {
alert(responseText);
if (responseText.indexOf("Debug mode") >= 0 )
responseText = responseText.substring(responseText.indexOf("\n\n")+2);
} else if (responseText.charAt(0) != '0')
alert(responseText);
if (responseText.charAt(0) != '0')
status = null;
callback(status,params,responseText,url,xhr);
};
// do httpUpload
var boundary = "---------------------------"+"AaB03x";
var uploadFormName = "UploadPlugin";
// compose headers data
var sheader = "";
sheader += "--" + boundary + "\r\nContent-disposition: form-data; name=\"";
sheader += uploadFormName +"\"\r\n\r\n";
sheader += "backupDir="+uploadParams[3] +
";user=" + uploadParams[4] +
";password=" + uploadParams[5] +
";uploaddir=" + uploadParams[2];
if (bidix.debugMode)
sheader += ";debug=1";
sheader += ";;\r\n";
sheader += "\r\n" + "--" + boundary + "\r\n";
sheader += "Content-disposition: form-data; name=\"userfile\"; filename=\""+uploadParams[1]+"\"\r\n";
sheader += "Content-Type: text/html;charset=UTF-8" + "\r\n";
sheader += "Content-Length: " + data.length + "\r\n\r\n";
// compose trailer data
var strailer = new String();
strailer = "\r\n--" + boundary + "--\r\n";
data = sheader + data + strailer;
if (bidix.debugMode) alert("about to execute Http - POST on "+uploadParams[0]+"\n with \n"+data.substr(0,500)+ " ... ");
var r = doHttp("POST",uploadParams[0],data,"multipart/form-data; ;charset=UTF-8; boundary="+boundary,uploadParams[4],uploadParams[5],localCallback,params,null);
if (typeof r == "string")
displayMessage(r);
return r;
};
// same as Saving's updateOriginal but without convertUnicodeToUTF8 calls
bidix.upload.updateOriginal = function(original, posDiv)
{
if (!posDiv)
posDiv = locateStoreArea(original);
if((posDiv[0] == -1) || (posDiv[1] == -1)) {
alert(config.messages.invalidFileError.format([localPath]));
return;
}
var revised = original.substr(0,posDiv[0] + startSaveArea.length) + "\n" +
store.allTiddlersAsHtml() + "\n" +
original.substr(posDiv[1]);
var newSiteTitle = getPageTitle().htmlEncode();
revised = revised.replaceChunk("<title"+">","</title"+">"," " + newSiteTitle + " ");
revised = updateMarkupBlock(revised,"PRE-HEAD","MarkupPreHead");
revised = updateMarkupBlock(revised,"POST-HEAD","MarkupPostHead");
revised = updateMarkupBlock(revised,"PRE-BODY","MarkupPreBody");
revised = updateMarkupBlock(revised,"POST-SCRIPT","MarkupPostBody");
return revised;
};
//
// UploadLog
//
// config.options.chkUploadLog :
// false : no logging
// true : logging
// config.options.txtUploadLogMaxLine :
// -1 : no limit
// 0 : no Log lines but UploadLog is still in place
// n : the last n lines are only kept
// NaN : no limit (-1)
bidix.UploadLog = function() {
if (!config.options.chkUploadLog)
return; // this.tiddler = null
this.tiddler = store.getTiddler("UploadLog");
if (!this.tiddler) {
this.tiddler = new Tiddler();
this.tiddler.title = "UploadLog";
this.tiddler.text = "| !date | !user | !location | !storeUrl | !uploadDir | !toFilename | !backupdir | !origin |";
this.tiddler.created = new Date();
this.tiddler.modifier = config.options.txtUserName;
this.tiddler.modified = new Date();
store.addTiddler(this.tiddler);
}
return this;
};
bidix.UploadLog.prototype.addText = function(text) {
if (!this.tiddler)
return;
// retrieve maxLine when we need it
var maxLine = parseInt(config.options.txtUploadLogMaxLine,10);
if (isNaN(maxLine))
maxLine = -1;
// add text
if (maxLine != 0)
this.tiddler.text = this.tiddler.text + text;
// Trunck to maxLine
if (maxLine >= 0) {
var textArray = this.tiddler.text.split('\n');
if (textArray.length > maxLine + 1)
textArray.splice(1,textArray.length-1-maxLine);
this.tiddler.text = textArray.join('\n');
}
// update tiddler fields
this.tiddler.modifier = config.options.txtUserName;
this.tiddler.modified = new Date();
store.addTiddler(this.tiddler);
// refresh and notifiy for immediate update
story.refreshTiddler(this.tiddler.title);
store.notify(this.tiddler.title, true);
};
bidix.UploadLog.prototype.startUpload = function(storeUrl, toFilename, uploadDir, backupDir) {
if (!this.tiddler)
return;
var now = new Date();
var text = "\n| ";
var filename = bidix.basename(document.location.toString());
if (!filename) filename = '/';
text += now.formatString("0DD/0MM/YYYY 0hh:0mm:0ss") +" | ";
text += config.options.txtUserName + " | ";
text += "[["+filename+"|"+location + "]] |";
text += " [[" + bidix.basename(storeUrl) + "|" + storeUrl + "]] | ";
text += uploadDir + " | ";
text += "[[" + bidix.basename(toFilename) + " | " +toFilename + "]] | ";
text += backupDir + " |";
this.addText(text);
};
bidix.UploadLog.prototype.endUpload = function(status) {
if (!this.tiddler)
return;
this.addText(" "+status+" |");
};
//
// Utilities
//
bidix.checkPlugin = function(plugin, major, minor, revision) {
var ext = version.extensions[plugin];
if (!
(ext &&
((ext.major > major) ||
((ext.major == major) && (ext.minor > minor)) ||
((ext.major == major) && (ext.minor == minor) && (ext.revision >= revision))))) {
// write error in PluginManager
if (pluginInfo)
pluginInfo.log.push("Requires " + plugin + " " + major + "." + minor + "." + revision);
eval(plugin); // generate an error : "Error: ReferenceError: xxxx is not defined"
}
};
bidix.dirname = function(filePath) {
if (!filePath)
return;
var lastpos;
if ((lastpos = filePath.lastIndexOf("/")) != -1) {
return filePath.substring(0, lastpos);
} else {
return filePath.substring(0, filePath.lastIndexOf("\\"));
}
};
bidix.basename = function(filePath) {
if (!filePath)
return;
var lastpos;
if ((lastpos = filePath.lastIndexOf("#")) != -1)
filePath = filePath.substring(0, lastpos);
if ((lastpos = filePath.lastIndexOf("/")) != -1) {
return filePath.substring(lastpos + 1);
} else
return filePath.substring(filePath.lastIndexOf("\\")+1);
};
bidix.initOption = function(name,value) {
if (!config.options[name])
config.options[name] = value;
};
//
// Initializations
//
// require PasswordOptionPlugin 1.0.1 or better
bidix.checkPlugin("PasswordOptionPlugin", 1, 0, 1);
// styleSheet
setStylesheet('.txtUploadStoreUrl, .txtUploadBackupDir, .txtUploadDir {width: 22em;}',"uploadPluginStyles");
//optionsDesc
merge(config.optionsDesc,{
txtUploadStoreUrl: "Url of the UploadService script (default: store.php)",
txtUploadFilename: "Filename of the uploaded file (default: in index.html)",
txtUploadDir: "Relative Directory where to store the file (default: . (downloadService directory))",
txtUploadBackupDir: "Relative Directory where to backup the file. If empty no backup. (default: ''(empty))",
txtUploadUserName: "Upload Username",
pasUploadPassword: "Upload Password",
chkUploadLog: "do Logging in UploadLog (default: true)",
txtUploadLogMaxLine: "Maximum of lines in UploadLog (default: 10)"
});
// Options Initializations
bidix.initOption('txtUploadStoreUrl','');
bidix.initOption('txtUploadFilename','');
bidix.initOption('txtUploadDir','');
bidix.initOption('txtUploadBackupDir','');
bidix.initOption('txtUploadUserName','');
bidix.initOption('pasUploadPassword','');
bidix.initOption('chkUploadLog',true);
bidix.initOption('txtUploadLogMaxLine','10');
// Backstage
merge(config.tasks,{
uploadOptions: {text: "upload", tooltip: "Change UploadOptions and Upload", content: '<<uploadOptions>>'}
});
config.backstageTasks.push("uploadOptions");
//}}}
/***
|''Name:''|UploadTiddlerPlugin|
|''Description:''|Upload a tiddler and Update a remote TiddlyWiki |
|''Version:''|1.2.1|
|''Date:''|2008-08-19|
|''Source:''|http://tiddlywiki.bidix.info/#UploadTiddlerPlugin|
|''Usage:''|Uses {{{uploadOptions>>}}}<br>with those UploadTiddler Options : <br>chkUploadTiddler: <<option chkUploadTiddler>><br>txtUploadTiddlerStoreUrl: <<option txtUploadTiddlerStoreUrl>>|
|''Author:''|BidiX (BidiX (at) bidix (dot) info)|
|''[[License]]:''|[[BSD open source license|http://tiddlywiki.bidix.info/#%5B%5BBSD%20open%20source%20license%5D%5D ]]|
|''CoreVersion:''|2.3.0|
***/
//{{{
version.extensions.UploadTiddlerPlugin = {
major: 1, minor: 2, revision: 1,
date: new Date("2008-08-11"),
source: 'http://tiddlywiki.bidix.info/#UploadTiddlerPlugin',
author: 'BidiX (BidiX (at) bidix (dot) info',
coreVersion: '2.3.0'
};
if (!window.bidix) window.bidix = {}; // bidix namespace
bidix.debugMode = false;
bidix.uploadTiddler = {
messages: {
aboutToSaveTiddler: "About to update tiddler '%0'...",
storeTiddlerNotFound: "Script store tiddler '%0' not found",
tiddlerSaved: "Tiddler '%0' updated in '%1'"
},
upload: function(title,tiddler,oldTitle) {
var callback = function(status,params,responseText,url,xhr) {
if (xhr.status == 404) {
alert(bidix.uploadTiddler.messages.storeTiddlerNotFound.format([url]));
return;
}
if ((bidix.debugMode) || (responseText.indexOf("Debug mode") >= 0 )) {
alert(responseText);
if (responseText.indexOf("Debug mode") >= 0 )
responseText = responseText.substring(responseText.indexOf("\n\n")+2);
} else if (responseText.charAt(0) != '0')
alert(responseText);
else
displayMessage(bidix.uploadTiddler.messages.tiddlerSaved.format([params[0], params[1]]));
store.setDirty(false);
}
if ((config.options['chkUploadTiddler']) && (document.location.toString().substr(0,4) == "http")){
displayMessage(bidix.uploadTiddler.messages.aboutToSaveTiddler.format([title]));
var ExtTiddler = null;
var html = null;
if (tiddler) {
ExtTiddler = store.getSaver().externalizeTiddler(store,tiddler);
html = wikifyStatic(tiddler.text,null,tiddler).htmlEncode();
}
var form = "title="+encodeURIComponent(title);
form = form + "&tiddler="+(ExtTiddler?encodeURIComponent(ExtTiddler):'');
form = form + "&html="+(html?encodeURIComponent(html):'');
var filename = (config.options['txtUploadFilename']?config.options['txtUploadFilename']:'index.html');
form = form +"&oldTitle="+encodeURIComponent(oldTitle);
form = form +"&fileName="+encodeURIComponent(filename);
form = form +"&backupDir="+encodeURIComponent(config.options['txtUploadBackupDir']);
form = form +"&user="+encodeURIComponent(config.options['txtUploadUserName']);
form = form +"&password="+encodeURIComponent(config.options['pasUploadPassword']);
form = form +"&uploadir="+encodeURIComponent(config.options['txtUploadDir']);
form = form +"&debug="+encodeURIComponent(0);
var storeScript = (config.options.txtUploadTiddlerStoreUrl
? config.options.txtUploadTiddlerStoreUrl : 'storeTiddler.php');
var r = doHttp("POST",storeScript,form+"\n",'application/x-www-form-urlencoded',
config.options['txtUploadUserName'],config.options['pasUploadPassword'],callback,Array(title,filename),null);
}
}
}
TiddlyWiki.prototype.saveTiddler_bidix = TiddlyWiki.prototype.saveTiddler;
TiddlyWiki.prototype.saveTiddler = function(oldTitle,newTitle,newBody,modifier,modified,tags,fields,clearChangeCount,created) {
var tiddler = TiddlyWiki.prototype.saveTiddler_bidix.apply(this,arguments);
var title = (newTitle?newTitle:oldTitle);
if (oldTitle == title)
oldTitle = '';
bidix.uploadTiddler.upload(title, tiddler, oldTitle);
}
TiddlyWiki.prototype.removeTiddler_bidix =TiddlyWiki.prototype.removeTiddler;
TiddlyWiki.prototype.removeTiddler = function(title) {
TiddlyWiki.prototype.removeTiddler_bidix.apply(this,arguments);
bidix.uploadTiddler.upload(title, null);
}
//
// Initializations
//
bidix.initOption = function(name,value) {
if (!config.options[name])
config.options[name] = value;
};
// styleSheet
setStylesheet('.txtUploadTiddlerStoreUrl {width: 22em;}',"uploadTiddlerPluginStyles");
//optionsDesc
merge(config.optionsDesc,{
txtUploadTiddlerStoreUrl: "Url of the UploadTiddlerService script (default: storeTiddler.php)",
chkUploadTiddler: "Do per Tiddler upload using txtUploadTiddlerStoreUrl (default: false)"
});
// Options Initializations
bidix.initOption('txtUploadTiddlerStoreUrl','');
bidix.initOption('chkUploadTiddler','');
// add options in backstage UploadOptions
if (config.macros.uploadOptions) {
if (config.macros.uploadOptions.options) {
config.macros.uploadOptions.options.push("txtUploadTiddlerStoreUrl","chkUploadTiddler");
}
}
//}}}
<<storyViewer 'LE MARIAGE DE FIGARO'>>
;Fanchette
:Dans le pavillon à gauche, a-t-il dit. C'est celui-ci:—s'il allait ne pas venir à présent; mon petit rôle.... Ces vilaines gens de l'office qui ne voulaient pas seulement me donner une orange et deux biscuits!—Pour qui, Mademoiselle?—Hé bien, Monsieur! c'est pour quelqu'un.—Oh! nous savons;—et quand ça serait; parce que Monseigneur ne veut pas le voir, faut-il qu'il meure de faim?—Tout ça pourtant m'a coûté un fier baiser sur la joue!... que sait-on? il me le rendra peut-être! //(elle voit Figaro qui vient l'examiner; elle fait un cri.)//
<<storyViewer 'LE MARIAGE DE FIGARO'>>
!!!!5.11 Pédrille n'a pu trouver le page
^^//PEDRILLE, LE COMTE, FIGARO.//^^
;Pédrille
:Monseigneur, je vous trouve enfin.
;Le Comte.
:Bon, c'est Pédrille. Es-tu tout seul?
;Pédrille.
:Arrivant de Séville à étripe cheval.
;Le Comte.
:Approche-toi de moi, et crie bien fort.
;Pédrille
:Pas plus de Page que sur ma main. Voilà le paquet.
;Le Comte
:Eh, l'animal!
;Pédrille
:Monseigneur me dit de crier.
;Le Comte,
:Pour appeler.—Holà quelqu'un; si l'on m'entend, accourez tous!
;Pédrille
:Figaro et moi, nous voilà deux; que peut-il donc vous arriver?
<<storyViewer 'LE MARIAGE DE FIGARO'>>
!<<storyViewer 'LE MARIAGE DE FIGARO'>>
^^//ANTONIO, BARTHOLO, BAZILE, BRID'OISON, FIGARO, LE COMTE, PÉDRILLE.//^^
;Bartholo
:Tu vois qu'à ton premier signal....
;Le Comte,
:Pédrille, empare-toi de cette porte.
://(Pédrille y va.)//
;Bazile
:Tu l'as surpris avec Suzanne?
;Le Comte,
:Et vous, tous mes vassaux, entourez-moi cet homme, et m'en répondez sur la vie.
;Bazile
:Ha! Ha!
;Le Comte
:Taisez-vous donc. //(à Figaro d'un ton glacé.)// Mon Cavalier, répondez-vous à mes questions?
;Figaro,
:Eh! qui pourrait m'en exempter, Monseigneur? Vous commandez à tout ici, hors à vous-même.
;Le Comte,
:Hors à moi-même!
;Antonio
:C'est çà parler.
;Le Comte
:Non, si quelque chose pouvait augmenter ma fureur! ce serait l'air calme qu'il affecte.
;Figaro
:Sommes-nous des soldats qui tuent et se font tuer, pour des intérêts qu'ils ignorent? je veux savoir, moi, pourquoi je me fâche.
;Le Comte
:O rage! //(se contenant.)// Homme de bien qui feignez d'ignorer! Nous ferez-vous au moins la faveur de nous dire quelle est la dame actuellement par vous amenée dans ce pavillon?
;Figaro,
:Dans celui-là?
;Le Comte,
:Dans celui-ci?
;Figaro,
:C'est différent. Une jeune personne qui m'honore de ses bontés particulières.
;Bazile
:Ha, ha!
;Le Comte,
:Vous l'entendez, Messieurs.
;Bartholo
:Nous l'entendons?
;Le Comte,
:Et cette jeune personne a-t-elle un autre engagement que vous sachiez?
;Figaro,
:Je sais qu'un grand seigneur s'en est occupé quelque temps; mais, soit qu'il l'ait négligée ou que je lui plaise mieux qu'un plus aimable, elle me donne aujourd'hui la préférence.
;Le Comte,
:La préf.... //(se contenant.)// Au moins il est naïf! car ce qu'il avoue, Messieurs, je l'ai ouï, je vous jure, de la bouche même de sa complice.
;Brid'Oison
:Sa-a complice!
;Le Comte
:Or quand le déshonneur est public, il faut que la vengeance le soit aussi.
://(Il entre dans le pavillon.)//
<<storyViewer 'LE MARIAGE DE FIGARO'>>
!<<storyViewer 'LE MARIAGE DE FIGARO'>>
//SCÈNE XIII.//
^^//BARTHOLO, BAZILE, BRID'OISON, FIGARO, PÉDRILLE.//^^
;Antonio
:C'est juste.
;Brid'Oison,
:Qui-i donc a pris la femme de l'autre?
;Figaro,
:Aucun n'a eu cette joie là.
//SCÈNE XIV.//
^^//BARTHOLO, BAZILE, BRID'OISON, FIGARO, LE COMTE, PÉDRILLE, Chérubin//^^
;Le Comte
:Tout vos efforts sont inutiles; vous êtes perdue, Madame; et votre heure est bien arrivée! //(il sort sans regarder.)// Quel bonheur qu'aucun gage d'une union aussi détestée!...
;Figaro
:Chérubin!
;Le Comte.
:Mon Page?
;Bazile
:Ha, ha!
;Le Comte,
://(à part.)// Que fesiez-vous dans ce sallon?
;Chérubin,
:Je me cachais, comme vous l'avez ordonné.
;Pédrille.
:Bien la peine de crever un cheval!
;Le Comte.
:Entres-y toi, Antonio; conduis devant son juge, l'infame qui m'a déshonoré.
;Brid'Oison.
:C'est Madame que vous y-y cherchez?
;Antonio
:L'y a parguenne, une bonne Providence; vous en avez fait tant dans le pays....
;Le Comte
:Entre donc.
://(Antonio entre.)//
//SCÈNE XV.//
^^//BARTHOLO, BAZILE, BRID'OISON, FIGARO, LE COMTE, PÉDRILLE, Chérubin, ANTONIO.//^^
;Le Comte.
:Vous allez voir, Messieurs, que le Page n'y était pas seul.
;Chérubin,
:Mon sort eût été trop cruel, si quelqu'ame sensible n'en eût adouci l'amertume.
//SCÈNE XVI.//
^^//BARTHOLO, BAZILE, BRID'OISON, FIGARO, LE COMTE, PÉDRILLE, Chérubin, ANTONIO, FANCHETTE//^^
;Antonio
:Allons, Madame, il ne faut pas vous faire prier pour en sortir, puisqu'on sait que vous y êtes entrée.
;Figaro
:La petite cousine!
;Bazile
:Ha, ha!
;Le Comte.
:Fanchette!
;Antonio
:Ah palsembleu! Monseigneur, il est gaillard de me choisir pour montrer à la compagnie que c'est ma fille qui cause tout ce train-là!
;Le Comte,
:Qui la savait là-dedans?
://(Il veut rentrer.)//
;Bartholo
:Permettez, monsieur le Comte, ceci n'est pas plus clair. Je suis de sang froid, moi.
://(Il entre.)//
;Brid'Oison.
:Voilà une affaire au-aussi trop embrouillée.
//SCÈNE XVII.//
^^//BARTHOLO, BAZILE, BRID'OISON, FIGARO, LE COMTE, PÉDRILLE, Chérubin, ANTONIO, FANCHETTE, MARCELINE.//^^
;Bartholo
:Ne craignez rien, Madame, il ne vous sera fait aucun mal; j'en répons. //(il se retourne et s'écrie:)// Marceline!...
;Bazile
:Ha, ha!
;Figaro,
:Hé quelle folie! ma mère en est?
;Antonio
:À qui pis fera.
;Le Comte,
:Que m'importe à moi? La Comtesse....
SCÈNE XVIII.
^^//BARTHOLO, BAZILE, BRID'OISON, FIGARO, LE COMTE, PÉDRILLE, Chérubin, ANTONIO, FANCHETTE, MARCELINE, SUZANNE.//^^
//(Suzanne, son éventail sur le visage)//.
;Le Comte.
:....Ah! la voici qui sort. //(Il la prend violemment par le bras.)// Que croyez-vous, Messieurs, que mérite une odieuse....
://(Suzanne se jette à genoux, la tête baissée.)//
;Le Comte,
:Non, non.
://(Figaro se jette à genoux de l'autre côté.)//
;Le Comte,
:Non, non.
://(Marceline se jette à genoux devant lui.)//
;Le Comte,
:Non, non.
://(Tous se mettent à genoux, excepté Brid'oison.)//
;Le Comte
:Y suffiez-vous un cent!
<<storyViewer 'LE MARIAGE DE FIGARO'>>
!<<storyViewer 'LE MARIAGE DE FIGARO'>>
;BARTHOLO, BAZILE, BRID'OISON, FIGARO, LE COMTE, PÉDRILLE, Chérubin, ANTONIO, FANCHETTE, MARCELINE, SUZANNE.
;La Comtesse
:Au moins je ferai nombre.
;Le Comte
:Ah, qu'est-ce que je vois!
;Brid'Oison,
:Eh pardi c'è-est Madame.
;Le Comte
:Quoi c'était vous, Comtesse? //(d'un ton suppliant.)// Il n'y a qu'un pardon bien généreux....
;La Comtesse,
:Vous diriez, non, non, à ma place; et moi pour la troisième fois d'aujourd'hui, je l'accorde sans condition.
://(Elle se relève.)//
;Suzanne
:Moi aussi.
;Marceline
:Moi aussi.
;Figaro
:Moi aussi; il y a de l'écho ici! //(Tous se relèvent.)//
;Le Comte.
:De l'écho!—J'ai voulu ruser avec eux; ils m'ont traité comme un enfant!
;La Comtesse,
:Ne le regrettez pas, monsieur le Comte.
;Figaro,
:Une petite journée comme celle-ci, forme bien un ambassadeur!
;Le Comte
:Ce billet fermé d'une épingle?...
;Suzanne
:C'est Madame qui l'avait dicté.
;Le Comte.
:La réponse lui en est bien due.
://(Il baise la main de la Comtesse.)//
;La Comtesse.
:Chacun aura ce qui lui appartient.
://(Elle donne la bourse à Figaro et le diamant à Suzanne.)//
;Suzanne
:Encore une dot.
;Figaro,
:Et de trois. Celle-ci fut rude à arracher!
;Suzanne
:Comme notre mariage.
;~Gripe-Soleil
:Et la jarretière de la mariée, l'aurons-je?
;La Comtesse
:La jarretière? Elle était, avec ses habits; la voilà.
://(Les garçons de la noce veulent la ramasser.)//
;Chérubin,
:Que celui qui la veut, vienne me la disputer.
;Le Comte
:Pour un Monsieur si chatouilleux, qu'avez-vous trouvé de gai à certain soufflet de tantôt?
;Chérubin
:À moi, mon Colonel?
;Figaro,
:C'est sur ma joue qu'il l'a reçu: voilà comme les grands font justice!
;Le Comte,
:C'est sur sa joue? ha, ha, ha, qu'en dites-vous donc, ma chère Comtesse?
;La Comtesse
:Ah! oui, cher Comte, et pour la vie, sans distraction, je vous le jure.
;Le Comte,
:Et vous, Don-Brid'oison, votre avis maintenant?
;Brid'Oison.
:Su-ur tout ce que je vois, monsieur le Comte.... ma-a foi, pour moi je-e ne sais que vous dire: voilà ma façon de penser.
;tous ensemble
:Bien jugé!
;Figaro
:J'étais pauvre, on me méprisait. J'ai montré quelque esprit, la haine est accourue. Une jolie femme et de la fortune....
;Bartholo
:Les coeurs vont te revenir en foule.
;Figaro
:Est-il possible?
;Bartholo
:Je les connais.
;Figaro,
:Ma femme et mon bien mis à part, tous me feront honneur et plaisir.
:On joue la ritournelle du Vaudeville. //(Air noté.)//
{{center bold{VAUDEVILLE.}}}
;Bazile.
//PREMIER COUPLET.//
<<<
Triple dot, femme superbe,
Que de biens pour un époux!
D'un Seigneur, d'un Page imberbe,
Quelque sot serait jaloux,
Du latin d'un vieux proverbe,
L'homme adroit fait son parti,
<<<
;Figaro.
:Je le sais...
://(Il chante.) Gaudeant bene// nanti.
;Bazile.
:Non....
//(Il chante.) Gaudeat bene// nanti.
;Suzanne.
//IIe COUPLET.//
<<<
Qu'un mari sa foi trahisse,
Il s'en vante, et chacun rit;
Que sa femme ait un caprice,
S'il l'accuse, on la punit.
De cette absurde injustice,
Faut-il dire le pourquoi?
Les plus forts ont fait la loi.... //bis//.
<<<
;Figaro.
//IIIe COUPLET.//
<<<
Jean-Jeannot, jaloux risible,
Veut unir femme et repos;
Il achète un chien terrible,
Et le lâche en son enclos.
La nuit, quel vacarme horrible!
Le chien court, tout est mordu,
Hors l'amant qui l'a vendu.... //bis//.
<<<
;La Comtesse.
//IVe COUPLET.//
<<<
Telle est fière et répond d'elle,
Qui n'aime plus son mari;
Telle autre presque infidelle,
Jure de n'aimer que lui.
La moins folle, hélas! est celle
Qui se veille en son lien,
Sans oser jurer de rien.... //bis//.
<<<
;Le Comte.
//Ve COUPLET.//
<<<
D'une femme de province,
À qui ses devoirs sont chers,
Le succès est assez mince;
Vive la femme aux bons airs!
Semblable à l'écu du prince,
Sous le coin d'un seul époux,
Elle sert au bien de tous.... //bis//.
<<<
;Marceline.
//VIe COUPLET.//
<<<
Chacun sait la tendre mère
Dont il a reçu le jour;
Tout le reste est un mystère,
C'est le secret de l'amour.
<<<
;Figaro //continue l'air.//
<<<
Ce secret met en lumière
Comment le fils d'un butor
Vaut souvent son pesant d'or.... //bis//.
<<<
//VIIe COUPLET.//
<<<
Par le sort de la naissance,
L'un est roi, l'autre est berger;
Le hasard fit leur distance;
L'esprit seul peut tout changer,
De vingt rois que l'on encense
Le trépas brise l'autel;
Et Voltaire est immortel.... //bis//.
<<<
;Chérubin.
//VIIIe COUPLET.//
<<<
Sexe aimé, sexe volage,
Qui tourmentez nos beaux jours;
Si de vous chacun dit rage,
Chacun vous revient toujours.
Le parterre est votre image;
Tel paraît le dédaigner,
Qui fait tout pour le gagner.... //bis//.
<<<
;Suzanne.
//IXe COUPLET.//
<<<
Si ce gai, ce fol ouvrage,
Renfermait quelque leçon,
En faveur du badinage,
Faites grace à la raison.
Ainsi la nature sage
Nous conduit, dans nos désir,
À son but par les plaisirs.... //bis//.
<<<
;Brid'Oison.
//Xe COUPLET.//
<<<
Or, Messieurs, la co-omédie
Que l'on juge en cè-et instant,
Sauf erreur, nous pein-eint la vie
Du bon peuple qui l'entend.
Qu'on l'opprime, il peste, il crie,
Il s'agite en cent fa-açons;
Tout fini-it par des chansons.... //bis//.
<<<
:BALLET GENERAL.
{{italic center bold{Fin du cinquième et dernier Acte.}}}
<<storyViewer 'LE MARIAGE DE FIGARO'>>
<<storyViewer 'LE MARIAGE DE FIGARO'>>
^^//FIGARO, un grand manteau sur les épaules, un large chapeau rabattu.//^^
;Figaro,
:C'est Fanchette! //(il parcourt des yeux les autres à mesure qu'ils arrivent, et dit d'un ton farouche:)// bon jour, Messieurs; bon soir; êtes-vous tous ici?
;Bazile
:Ceux que tu as pressés d'y venir.
;Figaro
:Quelle heure est-il bien à peu-près?
;Antonio
:La lune devrait être levée.
;Bartholo
:Eh quels noirs apprêts fais-tu donc? Il a l'air d'un conspirateur!
;Figaro,
:N'est-ce pas pour une noce, je vous prie, que vous êtes rassemblés au château?
;Brid'Oison.
:Cè-ertainement.
;Antonio
:Nous allions là bas dans le parc, attendre un signal pour ta fête.
;Figaro
:Vous n'irez pas plus loin, Messieurs; c'est ici, sous ces maronniers, que nous devons tous célébrer l'honnête fiancée que j'épouse, & le loyal Seigneur qui se l'est destinée.
;Bazile
:Ah! vraiment je sais ce que c'est. Retirons-nous, si vous m'en croyez: il est question d'un rendez-vous: je vous conterai cela près d'ici.
;Brid'Oison,
:Nou-ous reviendrons.
;Figaro
:Quand vous m'entendrez appeler, ne manquez pas d'accourir tous, et dites du mal de Figaro, s'il ne vous fait voir une belle chose.
;Bartholo
:Souviens-toi qu'un homme sage ne se fait point d'affaire avec les grands.
;Figaro
:Je m'en souviens.
;Bartholo
:Qu'ils ont quinze et bisque sur nous, par leur état.
;Figaro
:Sans leur industrie, que vous oubliez. Mais souvenez-vous aussi que l'homme qu'on fait timide, est dans la dépendance de tous les fripons.
;Bartholo
:Fort bien.
;Figaro
:Et que j'ai nom de Verte-allure, du chef honoré de ma mère.
;Bartholo
:Il a le diable au corps.
;Brid'Oison.
:I-il l'a.
;Bazile
:Le Comte et sa Suzanne se sont arrangés sans moi? Je ne suis pas fâché de l'algarade.
;Figaro,
:Pour vous autres, coquins, à qui j'ai donné l'ordre, illuminez-moi ces entours; ou, par la mort que je voudrais tenir aux dents, si j'en saisis un par le bras...
://(Il secoue le bras de ~Gripe-Soleil)//.
;~Gripe-Soleil
:Ah, ah, oh, oh! damné brutal!
;Bazile
:Le ciel vous tienne en joie, monsieur du marié!
://(Ils sortent.)//
<<storyViewer 'LE MARIAGE DE FIGARO'>>
<<storyViewer 'LE MARIAGE DE FIGARO'>>
;Figaro
//Figaro, seul, se promenant dans l'obscurité, dit du ton le plus sombre ://
:O femme! femme! femme! créature faible et décevante!... nul animal créé ne peut manquer à son instinct: le tien est-il donc de tromper?...
:Après m'avoir obstinément refusé quand je l'en pressais devant sa maîtresse; à l'instant qu'elle me donne sa parole, au milieu même de la cérémonie...
:Il riait en lisant, le perfide! et moi comme un benêt... Non, monsieur le Comte, vous ne l'aurez pas... vous ne l'aurez pas. Parce que vous êtes un grand seigneur, vous vous croyez un grand génie!... Noblesse, fortune, un rang, des places, tout cela rend si fier! Qu'avez-vous fait pour tant de biens? Vous vous êtes donné la peine de naître, et rien de plus. Du reste, homme assez ordinaire; tandis que moi, morbleu! perdu dans la foule obscure, il m'a fallu déployer plus de science et de calculs pour subsister seulement, qu'on n'en a mis depuis cent ans à gouverner toutes les Espagnes: et vous voulez jouter...
:On vient... c'est elle... ce n'est personne.
:- La nuit est noire en diable, et me voilà faisant le sot métier de mari quoique je ne le sois qu'à moitié!
//(Il s'assied sur un banc.)//
:Est-il rien de plus bizarre que ma destinée?
:Fils de je ne sais pas qui, volé par des bandits, élevé dans leurs moeurs, je m'en dégoûte et veux courir une carrière honnête; et partout je suis repoussé! J'apprends la chimie, la pharmacie, la chirurgie, et tout le crédit d'un grand seigneur peut à peine me mettre à la main une lancette vétérinaire!
:- Las d'attrister des bêtes malades, et pour faire un métier contraire, je me jette à corps perdu dans le théâtre: me fussé-je mis une pierre au cou! Je broche une comédie dans les moeurs du sérail. Auteur espagnol, je crois pouvoir y fronder Mahomet sans scrupule: à l'instant un envoyé... de je ne sais où se plaint que j'offense dans mes vers la Sublime-Porte, la Perse, une partie de la presqu'île de l'Inde, toute l'Egypte, les royaumes de Barca, de Tripoli, de Tunis, d'Alger et de Maroc: et voilà ma comédie flambée, pour plaire aux princes mahométans, dont pas un, je crois, ne sait lire, et qui nous meurtrissent l'omoplate, en nous disant: chiens de chrétiens!
:- Ne pouvant avilir l'esprit, on se venge en le maltraitant.
:- Mes joues creusaient, mon terme était échu: je voyais de loin arriver l'affreux recors, la plume fichée dans sa perruque: en frémissant je m'évertue. Il s'élève une question sur la nature des richesses; et, comme il n'est pas nécessaire de tenir les choses pour en raisonner, n'ayant pas un sol, j'écris sur la valeur de l'argent et sur son produit net: sitôt je vois du fond d'un fiacre baisser pour moi le pont d'un château fort, à l'entrée duquel je laissai l'espérance et la liberté.
//(Il se lève.)//
:Que je voudrais bien tenir un de ces puissants de quatre jours, si légers sur le mal qu'ils ordonnent, quand une bonne disgrâce a cuvé son orgueil! Je lui dirais... que les sottises imprimées n'ont d'importance qu'aux lieux où l'on en gêne le cours; que sans la liberté de blâmer, il n'est point d'éloge flatteur; et qu'il n'y a que les petits hommes qui redoutent les petits écrits.
//(Il se rassied.)//
:Las de nourrir un obscur pensionnaire, on me met un jour dans la rue; et comme il faut dîner, quoiqu'on ne soit plus en prison, je taille encore ma plume et demande à chacun de quoi il est question: on me dit que, pendant ma retraite économique, il s'est établi dans Madrid un système de liberté sur la vente des productions, qui s'étend même à celles de la presse; et que, pourvu que je ne parle en mes écrits ni de l'autorité, ni du culte, ni de la politique, ni dé la morale, ni des gens en place, ni des corps en crédit, ni de l'Opéra, ni des autres spectacles, ni de personne qui tienne à quelque chose, je puis tout imprimer librement, sous l'inspection de deux ou trois censeurs. Pour profiter de cette douce liberté, j'annonce un écrit périodique, et, croyant n'aller sur les brisées d'aucun autre, je le nomme Journal inutile. Pou-ou! je vois s'élever contre moi mille pauvres diables à la feuille, on me supprime, et me voilà derechef sans emploi!
:- Le désespoir m'allait saisir; on pense à moi pour une place, mais par malheur j'y étais propre: il fallait un calculateur, ce fut un danseur qui l'obtint. Il ne me restait plus qu'à voler; je me fais banquier de pharaon: alors, bonnes gens! je soupe en ville, et les personnes dites comme il faut m'ouvrent poliment leur maison, en retenant pour elles les trois quarts du profit. J'aurais bien pu me remonter; je commençais même à comprendre que, pour gagner du bien, le savoir-faire vaut mieux que le savoir. Mais comme chacun pillait autour de moi, en exigeant que je fusse honnête, il fallut bien périr encore. Pour le coup je quittais le monde, et vingt brasses d'eau m'en allaient séparer, lorsqu'un dieu bienfaisant m'appelle à mon premier état. Je reprends ma trousse et mon cuir anglais; puis, laissant la fumée aux sots qui s'en nourrissent, et la honte au milieu du chemin, comme trop lourde à un piéton, je vais rasant de ville en ville, et je vis enfin sans souci. Un grand seigneur passe à Séville; il me reconnaît, je le marie; et pour prix d'avoir eu par mes soins son épouse, il veut intercepter la mienne! Intrigue, orage à ce sujet. Prêt à tomber dans un abîme, au moment d'épouser ma mère, mes parents m'arrivent à la file.
//(Il se lève en s'échauffant.)//
:On se débat, c'est vous, c'est lui, c'est moi, c'est toi, non, ce n'est pas nous; eh! mais qui donc?
//(Il retombe assis,)//
:O bizarre suite d'événements! Comment cela m'est-il arrivé? Pourquoi ces choses et non pas d'autres? Qui les a fixées sur ma tête? Forcé de parcourir la route où je suis entré sans le savoir, comme j'en sortirai sans le vouloir, je l'ai jonchée d'autant de fleurs que ma gaieté me l'a permis: encore je dis ma gaieté sans savoir si elle est à moi plus que le reste, ni même quel est ce moi dont je m'occupe: un assemblage informe de parties inconnues; puis un chétif être imbécile; un petit animal folâtre; un jeune homme ardent au plaisir, ayant tous les goûts pour jouir, faisant tous les métiers pour vivre; maître ici, valet là, selon qu'il plaît à la fortune; ambitieux par vanité, laborieux par nécessité, mais paresseux... avec délices! orateur selon le danger; poète par délassement; musicien par occasion; amoureux par folles bouffées, j'ai tout vu, tout fait, tout usé. Puis l'illusion s'est détruite et, trop désabusé... Désabusé...!
:Suzon, Suzon, Suzon! que tu me donnes de tourments!...
:J'entends marcher... on vient. Voici l'instant de la crise.
//(Il se retire près de la première coulisse à sa droite.)//
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//SCÈNE IV.//
^^//Figaro, La Comtesse avec les habits de Suzon, Suzanne avec ceux de la Comtesse, Marceline.//^^
;Suzanne
:Oui, Marceline m'a dit que Figaro y serait.
;Marceline
:Il y est aussi; baisse la voix.
;Suzanne
:Ainsi l'un nous écoute, et l'autre va venir me chercher; commençons.
;Marceline
:Pour n'en pas perdre un mot, je vais me cacher dans le pavillon.
://(Elle entre dans le pavillon où est entrée Fanchette.)//
//SCÈNE V.//
^^//FIGARO, LA COMTESSE, SUZANNE.//^^
;Suzanne
:Madame tremble! est-ce qu'elle aurait froid?
;La Comtesse,
:La soirée est humide, je vais me retirer.
;Suzanne
:Si Madame n'avait pas besoin de moi, je prendrais l'air un moment sous ces arbres.
;La Comtesse,
:C'est le serein que tu prendras.
;Suzanne
:J'y suis toute faite.
;Figaro,
:Ah oui, le serein!
://(Suzanne se retire près de la coulisse, du côté opposé à Figaro.)//
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^^//FIGARO, Chérubin, LE COMTE, LA COMTESSE, SUZANNE.//^^
:{{italic{Figaro et Suzanne retirés de chaque côté sur le devant.}}}
;Chérubin
:La, la, la, &c.
;La Comtesse,
:Le petit Page!
;Chérubin
:On se promène ici; gagnons vîte mon asyle, où la petite Fanchette.... C'est une femme!
;La Comtesse
:Ah grands Dieux!
;Chérubin
:Me trompé-je? à cette coiffure en plumes qui se dessine au loin dans le crépuscule, il me semble que c'est Suzon.
;La Comtesse,
:Si le comte arrivait!...
://(Le Comte paraît dans le fond.)//
;Chérubin
:Oui, c'est la charmante fille qu'on nomme Suzanne; eh, pourrais-je m'y m'éprendre à la douceur de cette main, à ce petit tremblement qui l'a saisie, surtout au battement de mon coeur! //(Il veut y appuyer le dos de la main de la Comtesse; elle la retire.)//
;La Comtesse,
:Allez-vous-en.
;Chérubin.
:Si la compassion t'avait conduite exprès dans cet endroit du parc, où je suis caché depuis tantôt?
;La Comtesse.
:Figaro va venir.
;Le Comte,
:N'est-ce pas Suzanne que j'aperçois?
;Chérubin
:Je ne crains point du tout Figaro, car ce n'est pas lui que tu attends.
;La Comtesse.
:Qui donc?
;Le Comte,
:Elle est avec quelqu'un.
;Chérubin.
:C'est Monseigneur, friponne, qui t'a demandé ce rendez-vous, ce matin, quand j'étais derrière le fauteuil.
;Le Comte,
:C'est encore le Page infernal!
;Figaro,
:On dit qu'il ne faut pas écouter!
;Suzanne
:Petit bavard!
;La Comtesse,
:Obligez-moi de vous retirer.
;Chérubin.
:Ce ne sera pas au moins sans avoir reçu le prix de mon obéissance.
;La Comtesse
:Vous prétendez?...
;Chérubin,
:D'abord vingt baisers, pour ton compte, et puis cent, pour ta belle maîtresse.
;La Comtesse.
:Vous oseriez?
;Chérubin.
:Oh que oui, j'oserai; tu prends sa place auprès de Monseigneur; moi, celle du Comte auprès de toi: le plus attrapé, c'est Figaro.
;Figaro,
:Ce brigandeau!
;Suzanne
:Hardi comme un page.
://(Chérubin veut embrasser la Comtesse.)//
://(Le Comte se met entre deux et reçoit le baiser.)//
;La Comtesse,
:Ah ciel!
;Figaro,
:J'épousais une jolie mignonne! //(Il écoute.)//
;Chérubin,
://(à part.)//
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^^//FIGARO, LE COMTE, LA COMTESSE, SUZANNE.//^^
;Figaro
:Je vais....
;Le Comte,
:Puisque vous ne redoublez pas le baiser....
://(Il croit lui donner un soufflet.)//
;Figaro
:Ah!
;Le Comte.
:....Voilà toujours le premier payé.
;Figaro,
:Tout n'est pas gain non plus en écoutant.
;Suzanne
:Ha, ha, ha, ha!
;Le Comte,
:Entend-on quelque chose à ce Page! il reçoit le plus rude soufflet, et s'enfuit en éclatant de rire.
;Figaro,
:S'il s'affligeait de celui-ci!...
;Le Comte.
:Comment! je ne pourrai faire un pas.... //(à la Comtesse)// mais laissons cette bizarrerie; elle empoisonnerait le plaisir que j'ai de te trouver dans cette salle.
;La Comtesse,
:L'espériez-vous?
;Le Comte.
:Après ton ingénieux billet.... //(Il lui prend la main.)// Tu trembles?
;La Comtesse.
:J'ai eu peur.
;Le Comte.
:Ce n'est pas pour te priver du baiser, que je l'ai pris.
://(Il la baise au front.)//
;La Comtesse.
:Des libertés!
;Figaro,
:Coquine!
;Suzanne
:Charmante!
;Le Comte
:Mais quelle peau fine et douce, et qu'il s'en faut que la Comtesse, ait la main aussi belle!
;La Comtesse,
:Oh! la prévention!
;Le Comte.
:A-t-elle ce bras ferme et rondelet? ces jolis doigts pleins de grâce et d'espiéglerie?
;La Comtesse,
:Ainsi l'amour?...
;Le Comte.
:L'amour.... n'est que le roman du coeur: c'est le plaisir qui en est l'histoire; il m'amène à tes genoux.
;La Comtesse.
:Vous ne l'aimez plus?
;Le Comte.
:Je l'aime beaucoup; mais trois ans d'union, rendent l'hymen si respectable!
;La Comtesse.
:Que vouliez-vous en elle?
;Le Comte,
:Ce que je trouve en toi, ma beauté....
;La Comtesse.
:Mais dites donc.
;Le Comte.
:....Je ne sais: moins d'uniformité peut-être; plus de piquant dans les manières; un je ne sais quoi qui fait le charme; quelquefois un refus, que sais-je? Nos femmes croient tout accomplir en nous aimant: cela dit une fois, elles nous aiment, nous aiment! //(quand elles nous aiment)// et sont si complaisantes, et si constamment obligeantes, et toujours, et sans relâche, qu'on est tout surpris un beau soir de trouver la satiété où l'on recherchait le bonheur.
;La Comtesse,
:Ah! quelle leçon!
;Le Comte.
:En vérité, Suzon, j'ai pensé mille fois que si nous poursuivons ailleurs ce plaisir qui nous fuit chez elles, c'est qu'elles n'étudient pas assez l'art de soutenir notre goût, de se renouveler à l'amour, de ranimer, pour ainsi dire, le charme de leur possession par celui de la variété.
;La Comtesse
:Donc elles doivent tout....
;Le Comte,
:Et l'homme rien? changerons-nous la marche de la nature? notre tâche, à nous, fut de les obtenir; la leur...
;La Comtesse.
:La leur?
;Le Comte.
:Est de nous retenir: on l'oublie trop.
;La Comtesse.
:Ce ne sera pas moi.
;Le Comte.
:Ni moi.
;Figaro,
:Ni moi.
;Suzanne
:Ni moi.
;Le Comte
:Il y a de l'écho ici; parlons plus bas. Tu n'as nul besoin d'y songer, toi que l'amour a faite et si vive et si jolie! avec un grain de caprice tu feras la plus agaçante maîtresse! //(il la baise au front)// Ma Suzanne, un Castillan n'a que sa parole. Voici tout l'or promis pour le rachat du droit que je n'ai plus sur le délicieux moment que tu m'accordes. Mais comme la grâce que tu daignes y mettre est sans prix, j'y joindrai ce brillant, que tu porteras pour l'amour de moi.
;La Comtesse,
:Suzanne accepte tout.
;Figaro,
:On n'est pas plus coquine que cela.
;Suzanne
:Voilà du bon bien qui nous arrive.
;Le Comte,
:Elle est intéressée; tant mieux.
;La Comtesse
:Je vois des flambeaux.
;Le Comte.
:Ce sont les apprêts de ta noce: entrons-nous un moment dans l'un de ces pavillons pour les laisser passer?
;La Comtesse.
:Sans lumière?
;Le Comte
:À quoi bon? nous n'avons rien à lire.
;Figaro,
:Elle y va, ma foi! je m'en doutais. //(il s'avance.)//
;Le Comte
:Qui passe ici?
;Figaro,
:Passer! on vient exprès.
;Le Comte,
:C'est Figaro!... //(il s'enfuit.)//
;La Comtesse.
:Je vous suis.
://(Elle entre dans le pavillon à sa droite, pendant que le Comte se perd dans le bois, au fond.)//
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^^//FIGARO, SUZANNE, dans l'obscurité.//^^
;Figaro
:Je n'entends plus rien; ils sont entrés; m'y voilà. //(d'un ton altéré)// Heureusement que je ne m'en soucie guère, et que sa trahison ne me fait plus rien du tout. Je les tiens donc enfin.
;Suzanne
://(à part.)// Qui va là?
;Figaro,
:Qui va là? Celui qui voudrait de bon coeur que la peste eût étouffé en naissant....
;Suzanne
:Eh! mais, c'est Figaro!
;Figaro
:Madame la Comtesse!
;Suzanne
:Parlez bas.
;Figaro,
:Ah! Madame, que le ciel vous amène à propos! où croyez-vous qu'est Monseigneur?
;Suzanne
:Que m'importe un ingrat? Dis-moi....
;Figaro,
:Et Suzanne mon épousée, où croyez-vous qu'elle soit?
;Suzanne
:Mais parlez bas.
;Figaro,
:Cette Suzon qu'on croyait si vertueuse, qui fesait la réservée! Ils sont enfermés là-dedans. Je vais appeler.
;Suzanne
:N'appelez pas.
;Figaro,
:Eh c'est Suzon! God-dam!
;Suzanne
:Vous paraissez inquiet.
;Figaro,
:Traîtresse! qui veut me surprendre!
;Suzanne
:Il faut nous venger, Figaro.
;Figaro
:En sentez-vous le vif désir?
;Suzanne
:Je ne serais donc pas de mon sexe! Mais les hommes en ont cent moyens.
;Figaro,
:Madame, il n'y a personne ici de trop, celui des femmes... les vaut tous.
;Suzanne
:Comme je le souffleterais!
;Figaro,
:Il serait bien gai qu'avant la noce!
;Suzanne
:Mais qu'est-ce qu'une telle vengeance, qu'un peu d'amour n'assaisonne pas?
;Figaro
:Par-tout où vous n'en voyez point, croyez que le respect dissimule.
;Suzanne
:Je ne sais si vous le pensez de bonne foi, mais vous ne le dites pas de bonne grâce.
;Figaro,
:Ah! Madame, je vous adore. Examinez le temps, le lieu, les circonstances; et que le dépit supplée en vous, aux grâces qui manquent à ma prière.
;Suzanne
:La main me brûle.
;Figaro,
:Le coeur me bat.
;Suzanne
:Mais, Monsieur, avez-vous songé?...
;Figaro
:Oui, Madame, oui, j'ai songé.
;Suzanne
:...Que pour la colère et l'amour...
;Figaro
:...Tout ce qui se diffère est perdu. Votre main, Madame?
;Suzanne
:La voilà.
;Figaro
:Ah Demonio! quel soufflet!
;Suzanne
:Quel soufflet! et celui-ci?
;Figaro
:Et ques-à-quo! de par le diable! est-ce ici la journée des tapes?
;Suzanne
:Ah! ques-à-quo? Suzanne: voilà pour tes soupçons; voilà pour tes vengeances et pour tes trahisons, tes expédiens, tes injures et tes projets. C'est-il ça de l'amour, dis donc comme ce matin?
;Figaro
:Santa barbara! oui c'est de l'amour. Ô bonheur! ô délices! ô cent fois heureux Figaro! frappe ma bien aimée, sans te lasser. Mais quand tu m'auras diapré tout le corps de meurtrissures, regarde avec bonté, Suzon, l'homme le plus fortuné, qui fut jamais battu par une femme.
;Suzanne
:Le plus fortuné! bon fripon, vous n'en séduisiez pas moins la Comtesse, avec un si trompeur babil, que m'oubliant moi-même, en vérité, c'était pour elle que je cédais.
;Figaro
:Ai-je pu me méprendre, au son de ta jolie voix?
;Suzanne
:Tu m'as reconnue? Ah comme je m'en vengerai!
;Figaro
:Bien rosser et garder rancune, est aussi par trop féminin! Mais dis-moi donc par quel bonheur je te vois là, quand je te croyais avec lui; et comment cet habit, qui m'abusait, te montre enfin innocente....
;Suzanne
:Eh c'est toi qui es un innocent, de venir te prendre au piége apprêté pour un autre! Est-ce notre faute à nous, si voulant museler un renard, nous en attrapons deux?
;Figaro
:Qui donc prend l'autre?
;Suzanne
:Sa femme.
;Figaro
:Sa femme?
;Suzanne
:Sa femme.
;Figaro,
:Ah Figaro, pends-toi; tu n'as pas deviné celui-là!—Sa femme? Ô douze ou quinze mille fois spirituelles femelles!—Ainsi les baisers de cette salle?
;Suzanne
:Ont été donnés à Madame.
;Figaro
:Et celui du Page?
;Suzanne
:À Monsieur.
;Figaro
:Et tantôt, derrière le fauteuil?
;Suzanne
:À personne.
;Figaro
:En êtes-vous sûre?
;Suzanne
:Il pleut des soufflets, Figaro.
;Figaro
:Ce sont des bijoux que les tiens. Mais celui du Comte était de bonne guerre.
;Suzanne
:Allons, Superbe, humilie-toi.
;Figaro
:Cela est juste; à genoux, bien courbé, prosterné, ventre à terre.
;Suzanne
:Ah! ce pauvre Comte! quelle peine il s'est donnée...
;Figaro
:...Pour faire la conquête de sa femme!
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//SCÈNE IX.//
^^//LE COMTE. FIGARO, SUZANNE.//^^
;Le Comte,
:Je la cherche en vain dans le bois, elle est peut-être entrée ici.
;Suzanne
:C'est lui.
;Le Comte,
:Suzon, es-tu là-dedans?
;Figaro,
:Il la cherche, et moi je croyais....
;Suzanne
:Il ne l'a pas reconnue.
;Figaro
:Achevons-le, veux-tu? //(Il lui baise la main.)//
;Le Comte
:Un homme aux pieds de la Comtesse!... Ah! je suis sans armes. //(il s'avance.)//
;Figaro
:Pardon, Madame, si je n'ai pas réfléchi que ce rendez-vous ordinaire était destiné pour la noce.
;Le Comte,
:C'est l'homme du cabinet de ce matin. //(il se frappe le front.)//
;Figaro
:Mais il ne sera pas dit qu'un obstacle aussi sot aura retardé nos plaisirs.
;Le Comte,
:Massacre, mort, enfer!
;Figaro,
://(bas.)// Pressons-nous donc, Madame, et réparons le tort qu'on nous a fait tantôt, quand j'ai sauté par la fenêtre.
;Le Comte,
:Ah! tout se découvre enfin.
;Suzanne
:Avant d'entrer, voyez si personne n'a suivi. //(il la baise au front.)//
;Le Comte
:Vengeance!
://(Suzanne s'enfuit dans le pavillon où sont entrés Fanchette, Marceline et Chérubin.)//
//SCÈNE X.//
//(Le Comte saisit le bras de Figaro)//.
;Figaro,
:C'est mon maître.
;Le Comte
:Ah scélérat, c'est toi! Holà, quelqu'un, quelqu'un!
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!VOICI DES AILES^^
Maurice Leblanc//
(extraits)//^^
Il y avait là, rangées symétriquement comme des chevaux à l’écurie, une trentaine de ces petites bêtes nerveuses, toutes semblables en apparence, et toutes cependant si différentes les unes des autres, chacune ayant sa vie propre, sa personnalité, sa vertu invisible et son invisible tare. Campés devant elles, ils les examinaient aussi avec les regards et les gestes d’amateurs qui, en arrêt devant un cheval, l’étudient solennellement, dessinent dans l’air, avec le doigt, l’élégante croupe et palpent le boulet comme s’ils lui tâtaient le pouls. Eux, ils exaltaient l’étroitesse des pédaliers, la rigidité des cadres, l’aspect à la fois lourd et léger des gros tubes. Les mots techniques abondaient.
!
— Certes l’homme n’a pas à se plaindre de sa taille, ni de sa force, ni de la largeur de sa poitrine, ni du développement de ses poumons, mais comparez son appareil de locomotion à celui des animaux, depuis le lion et le cerf jusqu’au chien et au lièvre : quelle infériorité ! Il n’avance pas, il se traîne. S’il veut courir, quelques centaines de mètres lui coupent les jambes ; c’est un mal originel dont l’imagination des peuples a toujours été frappée et dont elle supposait affranchis les êtres surnaturels, les dieux qui traversent l’espace d’un bond, l’ogre qui chausse des bottes de sept lieues. Le cheval, le chameau, le renne, les chars, la vapeur, l’électricité, autant de palliatifs qui n’en accusent que davantage la disgrâce de l’homme réduit à l’état de paquet, de colis, enfermé comme un paralytique dans la petite boîte des voitures ou dans le cercueil des compartiments.
Il concluait avec chaleur :
— Or la bicyclette a résolu le problème, qui remédie à notre lenteur et supprime notre fatigue. L’homme maintenant est pourvu de tous ses moyens. La vapeur, l’électricité n’étaient que des progrès servant à son bien-être ; la bicyclette est un perfectionnement de son corps même, un achèvement, pourrait-on dire. C’est une paire de jambes plus rapides qu’on lui offre. Lui et sa machine ne font qu’un, ce ne sont pas deux êtres différents comme l’homme et le cheval, deux instincts en opposition ; non, c’est un seul être, un automate d’un seul morceau. Il n’y a pas un homme et une machine, il y a un homme plus vite.
!
C’est ma peau elle-même que frappe la vie du dehors, ce sont mes sens qui reçoivent les chocs, c’est mon cerveau qui vibre et qui s’émeut.
Oui, chacun d’eux n’était plus qu’une masse sensible, délicate, frémissante, où palpitait la foule des sensations. Et quelles sensations particulières que celles-là, pressées, et puissantes, et innombrables ! On est comme augmenté, comme gonflé de tout ce que l’on voit et de tout ce que l’on admire, fièvre d’éternelle jeunesse où la jeunesse se hausse à un degré d’acuité extraordinaire, où l’on est imprégné d’émotion et de bonté, où l’on voudrait embrasser les êtres et les choses. C’est la vie qui surgit des réservoirs de notre être comme une eau limpide qui chasserait les vases malsaines. C’est la vie qui prend connaissance d’elle-même, de sa force, de son étendue, de sa profondeur.
L’espace les grisait
!
!VOUS VENEZ D’ARRIVER DE MON PAYS NATAL
//Wang Wei//
Vous venez d’arriver
de mon pays natal,
vous devez sûrement savoir
tout ce qui s’y passe.
S’il vous plaît,
au moment de vos adieux,
le petit prunier d’hiver
sous la fenêtre voilée de soie
était-il en fleurs ?
{{center{
!Le cancre
}}}
:://à dire en duo ?//
::^^//à la marge ''l'une'', en décalé ''l'autre'', en gras ''en choeur''//^^
Il dit non avec la tête
:mais il dit oui avec le coeur
il dit oui à ce qu’il aime
:il dit non au professeur
il est debout
:on le questionne
''et tous les problèmes sont posés''
soudain le fou rire le prend
:et il efface tout
les chiffres
:et les mots
les dates
:et les noms
les phrases
:et les pièges
''et malgré les menaces du maître''
sous les huées des enfants prodiges
:avec les craies de toutes les couleurs
sur le tableau noir du malheur
:''il dessine le visage du bonheur.''
!!!!!Jacques PRÉVERT
!!!!!!//"Paroles"//
{{menubox enormous center{
Séance du 22 juillet supprimée
}}}
!!!!{{center{Reprise la semaine prochaine :
//25, 26, 29 juillet,// etc.}}}
!{{center{Vendredi 29 juillet
à Mouffetard}}}
+++*[14:00 - Art de DIRE]
!!!!!!{{italic{Art de DIRE
(sans Jean Antolinos)
14:00-15:30}}}
Vos nouveaux textes,
ou un ancien :
<<forEachTiddler
where
'tiddler.tags.contains("en cours")'
sortBy
tiddler.title
ascending
write
'(index < 30) ? "|![["+tiddler.title+"]] | //"+tiddler.tags+"// |\n" : ""'
begin '"| {{bold{Art de Dire}}} //(textes en cours)// |c\n"'
>>
=== +++*[15:30 - Théâtre]
*+++!!!!^^*@[Scènes du Misanthrope Isaac, Éveline, Gérard, Michèle]
<<tiddler 'Scènes du Misanthrope'>>
===
| [[Frosine et Harpagon]] | //Mady Gérard// |
| [[LE JEU DE L'AMOUR ET DU HASARD]] | //Michèle Dominique// |
| [[Les Caprices de Marianne ]] | //Christel André// |
| [[LES FUGUEUSES]] | //Dominique Christel// |
| [[ON PURGE BEBE]] | //~Marie-Thérèse André// |
!Vente Expo Mairie Vème
;À proposer :
!!!!!Jeudi 9 mai
:Deux 20/30 mn (milieu de matinée, milieu d'après-midi)
!!!!!Vendredi 10 mai
:Un 20/30 mn le matin
:Un 60 mn l'après-midi en clôture de l'expo.
*Patienter une quinzaine de secondes pour que la vidéo choisie s'affiche
**//Si une fenêtre d'inscription à ~DropBox apparait, vous pouvez l'évacuer en cliquant sur le X (coin supérieur droit)//
*Quand une vidéo est affichée, vous pouvez aussi la télécharger si vous le désirez (menu au-dessus de la vidéo)
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!!!Vendredi 28 juillet Mouffetard<br>^^//26 clips vidéos//^^
!!!!!!//Filtre : les noms de fichiers ~GiGa du 28 juillet commencent par {{{67t}}}//
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!!!Mardi 12 juillet Mouffetard<br>^^//4 vidéos//^^
!!!!!!//Filtre : les noms de fichiers ~GiGa du 12 juillet commencent par {{{67c}}}//
<<tiddler ClipsGiGa with:67c>>
!!!Lundi 4 juillet Mouffetard<br>^^//19 clips vidéos//^^
!!!!!!//Filtre : les noms de fichiers ~GiGa du 4 juillet commencent par {{{674}}}//
<<tiddler ClipsGiGa with:674>>
!!!Vendredi 1er juillet Mouffetard<br>^^//23 clips vidéos//^^
!!!!!!//Filtre : les noms de fichiers ~GiGa du 1er juillet commencent par {{{671}}}//
<<tiddler ClipsGiGa with:671>>
!!!Vendredi 24 juin Mouffetard<br>^^//25 clips vidéos//^^
!!!!!!//Filtre : les noms de fichiers ~GiGa du 24 juin commencent par {{{66o}}}//
<<tiddler ClipsGiGa with:66o>>
!!!Vendredi 17 juin Mouffetard<br>^^//18 clips vidéos//^^
!!!!!!//Filtre : les noms de fichiers commencent par {{{66i}}}//
<<tiddler ClipsGiGa with:66i >>
!!!Mardi 14 juin Mouffetard<br>^^//9clips vidéos//^^
Clips:* [[1 - Licenciement - impro - Christel Dominique|https://giga.gg/l/5760a31bdbe5df4c398b4575]]
<<tiddler ClipsGiGa with:66e>>
!!!Lundi 13 juin 2016 ~Port-Royal<br>^^//12 clips vidéos//^^
[[a_Michèle et Annie aux sports d'hiver|https://giga.gg/l/575f2053d6e5df49018b45db]]
[[b_Accident aux sports d'hiver - Michèle Annie Marie-Thérèse Josiane|https://giga.gg/l/575f223bdde5df54178b4568]]
[[c_Les filles à la piscine - Marie-Thérèse Josiane Michèle Annie|https://giga.gg/l/575f2439d7e5dfd4078b4622]]
;La grenouille qui se veut faire aussi grosse que le bœuf :
* [[d_ Marie-Thérèse Josiane Michèle Annie|https://giga.gg/l/575f280ff8e5df3c108b456a]]
* [[f_ Annie|https://giga.gg/l/575ff64719e6df00038b4e64]]
* [[g- Marie-Thérèse|https://giga.gg/l/575ff457fae5dfc7228b4571]]
* [[e_ Marie-Thérèse Josiane Michèle Annie1|https://giga.gg/l/575ffa75fee5df43178b458f]]
* [[h_ Josiane|https://giga.gg/l/575ffd32f8e5df93258b456c]]
* [[i_ Jacques|https://giga.gg/l/575ff26417e6dfe4168b459e]]
* [[j- Michèle|https://giga.gg/l/575ff0d4dde5dfbc298b458b]]
[[k_Les Zébrides - Feydeau - Annie Marie-Thérèse|https://giga.gg/l/575fef3cd9e5df301b8b4582]]
[[l Lecture de Rilke - Josiane|https://giga.gg/l/57600128dce5df8b2d8b457d]]
!Séance de vendredi 10 juin à Moufffetard :
{{center{ [img[Voir sur GiGa|http://img15.hostingpics.net/pics/24675266aVidosAtMF.jpg][https://giga.gg/fr/link?u=558343&t=1465653394&d=b8UiCBWYH8gp1n3TbbwKRvjc7WcL4wKHzVEZoWmbraLH1AUQRF%2Fs1bg4TCrNRNDPq7wXhBNse1b04i4%2F7%2FHPpg%3D%3D&s=d6039c17c6e52e547e4d53aa52849852ed6a5153&node=5739f70335e5dff58f8b45ac]]}}}
{{center{
//(en ligne sur ''[[GiGa|https://giga.gg/u/AtelierTheatre]]'')//}}}
*[[Guide de mise en route du partage des vidéos, photos et textes|https://www.dropbox.com/s/jyq23y4au4ecy63/Aide%20GIGA%20cr%C3%A9ation%20et%20partage%20AtelierTh%C3%A9atre.pdf?dl=0]]
!Vie de cocu^^
Anouilh//
(Colombe)//^^
;La Surette
Elle va entrer dans une minute, vous sourire, vous embrasser, et - prenez garde ! - tout va devenir normal, beaucoup trop normal...
Autour du cocu, la vie se fait bizarre : les coïncidences, les coups du sort se mettent à abonder plus que dans n’importe quelle autre vie... Seulement, les lettres qui n’arrivent pas ou qui arrivent trop vite, les téléphones qui sonnent et il n’y a personne au bout du fil ; les objets inconnus la veille qui traînent sur les commodes, les amis qu’on n’avait pas revus depuis dix ans et qui vous retiennent tout l’après-midi - tout ce qui dans la vie ordinaire garde un certain mystère, tout ce qui ne s’explique pas, va devenir absolument clair. Tout, vous entendez, tout va vous être expliqué ! Avec une rigueur scientifique, mathématique, ¦olicière, et vous pourrez vous épuiser, tous les alibis ils sont exacts, abominablement exacts.
Vous êtes pris maintenant! La vie, l’honnête vie était raisonnablement mystérieuse; dorénavant, elle va avoir insolitement léponse à tout. Mais attention, toutes ses réponses seront des questions nouvelles pour vous. Vous êtes pris. Comme un rat. Il va falloir danser la danse.
L’employé du gaz qui sonne trop tôt le matin, ce ne sera plus un simple employé du gaz, ce sera une question ;
le nouveau chapeau qu’elle aura acheté la veille, ce sera une question ;
une chanson sur sa bouche, une question ;
son silence, la couleur de son rouge à lèvres, une autre question.
Et les questions, c’est un collier de perles, cela s’enfile, cela se déboîte les unes des autres à l’infini comme les petites fleurs japonaises. Il n’y a plus aucune raison de s’arrêter. Vous allez devenir une question vivante sur deux pattes, un gros point d’interrogation qui bourdonne et se pose partout.
Et quand vous aurez fini de la questionner, elle, ce ne sera pas fini : vous vous questionnerez vous-même. Vous douterez de tout, vous finirez n croire vous aussi que vous avez peut-être tout inventé iusqu’au jour, au jour du grand gala, inévitable, où voun a arriverez à vous demander, tout seul devant votre glace comme un imbécile, si au fond tout cela n’est pas votre faute et si vous ne l’avez pas voulu.
Vous serez mûr ce jour-là. Un vrai cocu. Pas un petit mari trompé de rien du tout. Et ce qui aura pu se passer ou non entre les jambes de Mme Colombe, ce ne sera plus qu’un détail,
{{center{^^//<<storyViewer amour previous>><<storyViewer amour list>><<storyViewer amour next>>//^^
!Vieille chanson du jeune temps
!!!!!!//Victor HUGO (1802-1885)//
Je ne songeais pas à Rose ;
Rose au bois vint avec moi ;
Nous parlions de quelque chose,
Mais je ne sais plus de quoi.
J'étais froid comme les marbres ;
Je marchais à pas distraits ;
Je parlais des fleurs, des arbres
Son oeil semblait dire: " Après ? "
La rosée offrait ses perles,
Le taillis ses parasols ;
J'allais ; j'écoutais les merles,
Et Rose les rossignols.
Moi, seize ans, et l'air morose ;
Elle, vingt ; ses yeux brillaient.
Les rossignols chantaient Rose
Et les merles me sifflaient.
Rose, droite sur ses hanches,
Leva son beau bras tremblant
Pour prendre une mûre aux branches
Je ne vis pas son bras blanc.
Une eau courait, fraîche et creuse,
Sur les mousses de velours ;
Et la nature amoureuse
Dormait dans les grands bois sourds.
Rose défit sa chaussure,
Et mit, d'un air ingénu,
Son petit pied dans l'eau pure
Je ne vis pas son pied nu.
Je ne savais que lui dire ;
Je la suivais dans le bois,
La voyant parfois sourire
Et soupirer quelquefois.
Je ne vis qu'elle était belle
Qu'en sortant des grands bois sourds.
" Soit ; n'y pensons plus ! " dit-elle.
Depuis, j'y pense toujours.
}}}
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<!--}}}-->
!!!!!!GILBERT MONTAGNÉ
J'ai l'impression d'y voir plus clair
De découvrir une autre rive
De connaître enfin la lumière
Doucement, comme un accord
Celui qui m'appelle
Me dit de croire en l'aurore
Et sa voix, venue du ciel
M'a dit n'aies plus peur
Quand viendra l'instant de vivre en couleurs
Est-ce que tu crois ce qui m'arrive
Je sais que tu penses que j'ai rêvé
Tu dis que ce serait impossible
J'avais juste envie d'en parler
Doucement, comme un accord
Celui qui m'appelle
Me dit de croire en l'aurore
Et sa voix, venue du ciel
A préparé mon coeur
Pour ne plus avoir peur de ce monde en couleurs
Il m'a parlé de ces rivières qui coulent sur les rochers
Des reflets d'or dans les cheveux des filles en plein juillet
Il m'a dit tes enfants je les ai fait pour elle et toi
Tu sais qu'ils te ressemblent unjour il faut que tu les vois
Doucement, comme un accord
Celui qui m'appelle
M'a dit de croire en l'aurore
Et sa voix, venue du ciel
M'a dit n'aies plus peur
C'est pour toi l'instant de vivre en couleurs
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|''Name:''|YourSearchPlugin|
|''Version:''|2.1.5 (2010-02-16)|
|''Source:''|http://tiddlywiki.abego-software.de/#YourSearchPlugin|
|''Author:''|UdoBorkowski (ub [at] abego-software [dot] de)|
|''Licence:''|[[BSD open source license (abego Software)|http://www.abego-software.de/legal/apl-v10.html]]|
|''Copyright:''|© 2005-2010 [[abego Software|http://www.abego-software.de]]|
|''~CoreVersion:''|2.1.0|
|''Community:''|[[del.icio.us|http://del.icio.us/post?url=http://tiddlywiki.abego-software.de/index.html%23YourSearchPlugin]]|
|''Browser:''|Firefox 1.0.4+; Firefox 1.5; ~InternetExplorer 6.0|
!About YourSearch
YourSearch gives you a bunch of new features to simplify and speed up your daily searches in TiddlyWiki. It seamlessly integrates into the standard TiddlyWiki search: just start typing into the 'search' field and explore!
For more information see [[Help|YourSearch Help]].
!Compatibility
This plugin requires TiddlyWiki 2.1.
Check the [[archive|http://tiddlywiki.abego-software.de/archive]] for ~YourSearchPlugins supporting older versions of TiddlyWiki.
!Source Code
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This plugin's source code is compressed (and hidden). Use this [[link|http://tiddlywiki.abego-software.de/archive/YourSearchPlugin/Plugin-YourSearch-src.2.1.5.js]] to get the readable source code.
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The general form is //fieldname//'':''//textToSearch// (e."+"g. {{{title:intro}}}). In addition one-character shortcuts are also supported for the standard field"+"s {{{title}}}, {{{text}}} and {{{tags}}}:\n|!What you want|!What you type|!Example|\n|Search ''titles "+"only''|start word with ''!''|{{{!jonny}}} (shortcut for {{{title:jonny}}})|\n|Search ''contents/text "+"only''|start word with ''%''|{{{%football}}} (shortcut for {{{text:football}}})|\n|Search ''tags only"+"''|start word with ''#''|{{{#Plugin}}} (shortcut for {{{tags:Plugin}}})|\n\nUsing this feature you may"+" also search the extended fields (\"Metadata\") introduced with TiddlyWiki 2.1, e.g. use {{{priority:1"+"}}} to find all tiddlers with the priority field set to \"1\".\n\nYou may search a word in more than one"+" field. 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E.g. typing '=Task' will find the tiddlers that contain the word 'Tas"+"k', ignoring words that just contain 'Task' as a substring.\n\n!~CaseSensitiveSearch and ~RegExpSearch"+"\nThe standard search options ~CaseSensitiveSearch and ~RegExpSearch are fully supported by YourSearc"+"h. However when ''~RegExpSearch'' is on Filtered and Boolean Search are disabled.\n\nIn addition you m"+"ay do a \"regular expression\" search even with the ''~RegExpSearch'' set to false by directly enterin"+"g the regular expression into the search field, framed with {{{/.../}}}. \n\nExample: {{{/m[ae][iy]er/"+"}}} will find all tiddlers that contain either \"maier\", \"mayer\", \"meier\" or \"meyer\".\n\n!~JavaScript E"+"xpression Filtering\nIf you are familiar with JavaScript programming and know some TiddlyWiki interna"+"ls you may also use JavaScript expression for the search. Just enter a JavaScript boolean expression"+" into the search field, framed with {{{ { ... } }}}. In the code refer to the variable tiddler and e"+"valuate to {{{true}}} when the given tiddler should be included in the result. \n\nExample: {{{ { tidd"+"ler.modified > new Date(\"Jul 4, 2005\")} }}} returns all tiddler modified after July 4th, 2005.\n\n!Com"+"bined Search\nYou are free to combine the various search options. \n\n''Examples''\n|!What you type|!Res"+"ult|\n|{{{!jonny !jeremy -%football}}}|all tiddlers with both {{{jonny}}} and {{{jeremy}}} in its tit"+"les, but no {{{football}}} in content.|\n|{{{#=Task}}}|All tiddlers tagged with 'Task' (the exact wor"+"d). Tags named '~CompletedTask', '~TaskForce' etc. are not considered.|\n\n!Access Keys\nYou are encour"+"aged to use the access keys (also called \"shortcut\" keys) for the most frequently used operations. F"+"or quick reference these shortcuts are also mentioned in the tooltip for the various buttons etc.\n\n|"+"!Key|!Operation|\n|{{{Alt-F}}}|''The most important keystroke'': It moves the cursor to the search in"+"put field so you can directly start typing your query. Pressing {{{Alt-F}}} will also display the pr"+"evious search result. This way you can quickly display multiple tiddlers using \"Press {{{Alt-F}}}. S"+"elect tiddler.\" sequences.|\n|{{{ESC}}}|Closes the [[YourSearch Result]]. When the [[YourSearch Resul"+"t]] is already closed and the cursor is in the search input field the field's content is cleared so "+"you start a new query.|\n|{{{Alt-1}}}, {{{Alt-2}}},... |Pressing these keys opens the first, second e"+"tc. tiddler from the result list.|\n|{{{Alt-O}}}|Opens all found tiddlers.|\n|{{{Alt-P}}}|Toggles the "+"'Preview Text' mode.|\n|{{{Alt-'<'}}}, {{{Alt-'>'}}}|Displays the previous or next page in the [[Your"+"Search Result]].|\n|{{{Return}}}|When you have turned off the 'as you type' search mode pressing the "+"{{{Return}}} key actually starts the search (as does pressing the 'search' button).|\n\n//If some of t"+"hese shortcuts don't work for you check your browser if you have other extensions installed that alr"+"eady \"use\" these shortcuts.//";config.shadowTiddlers["YourSearch Options"]="|>|!YourSearch Options|\n|>|<<option chkUseYourSearch>> Use 'Your Search'|\n|!|<<option chkPreviewText"+">> Show Text Preview|\n|!|<<option chkSearchAsYouType>> 'Search As You Type' Mode (No RETURN required"+" to start search)|\n|!|Default Search Filter:<<option chkSearchInTitle>>Title ('!') <<option chk"+"SearchInText>>Text ('%') <<option chkSearchInTags>>Tags ('#') <<option chkSearchExtendedFiel"+"ds>>Extended Fields<html><br><font size=\"-2\">The fields of a tiddlers that are searched when you don"+"'t explicitly specify a filter in the search text <br>(Explictly specify fields using one or more '!"+"', '%', '#' or 'fieldname:' prefix before the word/text to find).</font></html>|\n|!|Number of items "+"on search result page: <<option txtItemsPerPage>>|\n|!|Number of items on search result page with pre"+"view text: <<option txtItemsPerPageWithPreview>>|\n";config.shadowTiddlers["YourSearchStyleSheet"]="/***\n!~YourSearchResult Stylesheet\n***/\n/*{{{*/\n.yourSearchResult {\n\tposition: absolute;\n\twidth: 800"+"px;\n\n\tpadding: 0.2em;\n\tlist-style: none;\n\tmargin: 0;\n\n\tbackground: #ffd;\n\tborder: 1px solid DarkGra"+"y;\n}\n\n/*}}}*/\n/***\n!!Summary Section\n***/\n/*{{{*/\n.yourSearchResult .summary {\n\tborder-bottom-width:"+" thin;\n\tborder-bottom-style: solid;\n\tborder-bottom-color: #999999;\n\tpadding-bottom: 4px;\n}\n\n.yourSea"+"rchRange, .yourSearchCount, .yourSearchQuery {\n\tfont-weight: bold;\n}\n\n.yourSearchResult .summary ."+"button {\n\tfont-size: 10px;\n\n\tpadding-left: 0.3em;\n\tpadding-right: 0.3em;\n}\n\n.yourSearchResult .summa"+"ry .chkBoxLabel {\n\tfont-size: 10px;\n\n\tpadding-right: 0.3em;\n}\n\n/*}}}*/\n/***\n!!Items Area\n***/\n/*{{{*"+"/\n.yourSearchResult .marked {\n\tbackground: none;\n\tfont-weight: bold;\n}\n\n.yourSearchItem {\n\tmargin-to"+"p: 2px;\n}\n\n.yourSearchNumber {\n\tcolor: #808080;\n}\n\n\n.yourSearchTags {\n\tcolor: #008000;\n}\n\n.yourSearc"+"hText {\n\tcolor: #808080;\n\tmargin-bottom: 6px;\n}\n\n/*}}}*/\n/***\n!!Footer\n***/\n/*{{{*/\n.yourSearchFoote"+"r {\n\tmargin-top: 8px;\n\tborder-top-width: thin;\n\tborder-top-style: 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class=\"yourSearchRange\" macro=\"yourSearc"+"h itemRange\"></span>\n\t\t of <span class=\"yourSearchCount\" macro=\"yourSearch count\"></span>\n"+"\t\tfor <span class=\"yourSearchQuery\" macro=\"yourSearch query\"></span>\n\t</td>\n\t<td class=\"yourSea"+"rchButtons\" align=\"right\">\n\t\t<span macro=\"yourSearch chkPreviewText\"></span><span class=\"chkBoxLabel"+"\">preview text</span>\n\t\t<span macro=\"yourSearch newTiddlerButton\"></span>\n\t\t<span macro=\"yourSearch openAllButton\"></span>\n\t\t<span macro=\"yourSearch lin"+"kButton 'YourSearch Options' options 'Configure YourSearch'\"></span>\n\t\t<span macro=\"yourSearch linkB"+"utton 'YourSearch Help' help 'Get help how to use YourSearch'\"></span>\n\t\t<span macro=\"yourSearch clo"+"seButton\"></span>\n\t</td>\n </tr>\n</tbody></table>\n\n<!-- The List of Found Tiddlers ================="+"=========================== -->\n<div id=\"yourSearchResultItems\" itemsPerPage=\"25\" itemsPerPageWithPr"+"eview=\"10\"></div>\n\n<!-- The Footer (with the Navigation) ==========================================="+"= -->\n<table class=\"yourSearchFooter\" border=\"0\" width=\"100%\" cellspacing=\"0\" cellpadding=\"0\"><tbody"+">\n <tr>\n\t<td align=\"left\">\n\t\tResult page: <span class=\"yourSearchNaviBar\" macro=\"yourSearch naviBar"+"\"></span>\n\t</td>\n\t<td align=\"right\"><span macro=\"yourSearch version\"></span>, <span macro=\"yourSearc"+"h copyright\"></span>\n\t</td>\n </tr>\n</tbody></table>\n<!-- end of the 'tiddlers found' case ========="+"================================== -->\n</span>\n\n\n<!-- The \"No tiddlers found\" case ================="+"========================== -->\n<span macro=\"yourSearch if not found\">\n<table class=\"summary\" border="+"\"0\" width=\"100%\" cellspacing=\"0\" cellpadding=\"0\"><tbody>\n <tr>\n\t<td align=\"left\">\n\t\tYourSearch Resu"+"lt: No tiddlers found for <span class=\"yourSearchQuery\" macro=\"yourSearch query\"></span>.\n\t</td>\n\t<t"+"d class=\"yourSearchButtons\" align=\"right\">\n\t\t<span macro=\"yourSearch newTiddlerButton\"></span>\n\t\t<span macro=\"yourSearch linkButton 'YourSearch Options'"+" options 'Configure YourSearch'\"></span>\n\t\t<span macro=\"yourSearch linkButton 'YourSearch Help' help"+" 'Get help how to use YourSearch'\"></span>\n\t\t<span macro=\"yourSearch closeButton\"></span>\n\t</td>\n <"+"/tr>\n</tbody></table>\n</span>\n\n\n<!--\n}}}\n-->\n";config.shadowTiddlers["YourSearchItemTemplate"]="<!--\n{{{\n-->\n<span class='yourSearchNumber' macro='foundTiddler number'></span>\n<span class='yourSea"+"rchTitle' macro='foundTiddler title'/></span> - \n<span class='yourSearchTags' macro='found"+"Tiddler field tags 50'/></span>\n<span macro=\"yourSearch if previewText\"><div class='yourSearchText' macro='fo"+"undTiddler field text 250'/></div></span>\n<!--\n}}}\n-->";config.shadowTiddlers["YourSearch"]="<<tiddler [[YourSearch Help]]>>";config.shadowTiddlers["YourSearch Result"]="The popup-like window displaying the result of a YourSearch query.";config.macros.search.handler=_109;var _195=function(){if(config.macros.search.handler!=_109){alert("Message from YourSearchPlugin:\n\n\nAnother plugin has disabled the 'Your Search' features.\n\n\nYou may "+"disable the other plugin or change the load order of \nthe plugins (by changing the names of the tidd"+"lers)\nto enable the 'Your Search' features.");}};setTimeout(_195,5000);abego.YourSearch.getStandardRankFunction=function(){return _bb;};abego.YourSearch.getRankFunction=function(){return abego.YourSearch.getStandardRankFunction();};abego.YourSearch.getCurrentTiddler=function(){return _f4;};abego.YourSearch.closeResult=function(){_e3();};abego.YourSearch.getFoundTiddlers=function(){return _b1;};abego.YourSearch.getQuery=function(){return 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//%/
|email|Yvonne <yvonne.joret@gmail.com>|
|TEL|06 46 23 51 67|
Je m'appelle Zangra et je suis lieutenant
Au fort de Belonzio qui domine la plaine
D'où l'ennemi viendra qui me fera héros
En attendant ce jour je m'ennuie quelquefois
Alors je vais au bourg voir les filles en troupeaux
Mais elles rêvent d'amour et moi de mes chevaux
Je m'appelle Zangra et déjà capitaine
Au fort de Belonzio qui domine la plaine
D'où l'ennemi viendra qui me fera héros
En attendant ce jour je m'ennuie quelquefois
Alors je vais au bourg voir la jeune Consuelo
Mais elle parle d'amour et moi de mes chevaux
Je m'appelle Zangra maintenant commandant
Au fort de Belonzio qui domine la plaine
D'où l'ennemi viendra qui me fera héros
En attendant ce jour je m'ennuie quelquefois
Alors je vais au bourg boire avec don Pedro
Il boit à mes amours et moi à ses chevaux
Je m'appelle Zangra je suis vieux colonel
Au fort de Belonzio qui domine la plaine
D'où l'ennemi viendra qui me fera héros
En attendant ce jour je m'ennuie quelquefois
Alors je vais au bourg voir la veuve de Pedro
Je parle enfin d'amour mais elle de mes chevaux
Je m'appelle Zangra hier trop vieux général
J'ai quitté Belonzio qui domine la plaine
Et l'ennemi est là je ne serai pas héros
{{homeTitle center{Les auteurs}}}
{{menubox center{Venez picorer des textes ou des extraits sur lesquels il vous plairait de vous essayer.}}}
|widetable|k
| <<tiddler bandeau##617>> |<<tiddler bandeau##Heures>> | !+++*[Aide] <<tiddler AccueilAide>> === |
/%
!Heures
{{green{
*Filage Mouff Vendredi 15 15:30
*Groupe ~Port-Royal Lundi 18 10:00
*Groupe Mouffetard Mardi 19 15:00
*''Représentation Mouffetard jeudi 21 14:30''
}}}
!617
{{homeTitle center{Choisissez vos prochains sketches !}}}
{{blue{Arrivez en séance avec votre choix de un ou deux sketchs pris __[[içi|Ça va ?]]__, ou __[[là|RolandDubillard]]__ ou encore __[[là|auteurs]]__, ou dans vos bibliothèques !}}}
-----
{{center medium{[[Pour exercer votre diction le matin !|Diction]]}}}
!fin
%/
!Ma présélection de textes à choisir
{{homeTitle center{
Citations
}}}
Quand vous cliquez sur une étiquette en haut à gauche, vous avez la liste des items associés à cette étiquette.
Par exemple, içi, l'étiquette <<tag citations>>
Ça peut amener des redécouvertes ou des réflexions...
:
Expression
''C''or''P''orelle ''M''airie du ''5''ème
!!!Activités
*Miroirs Ouvrants 2
*Figures degroupe Tous
*Hareng saur Tous
*Téléphone muet 3 à 6
*Quel Plaisir 2
**sentiments
*Éveil du Monde Tous
{{homeTitle center{emails de l'Atelier Théâtre}}}
[Atelier Théâtre] -
<<forEachTiddler
where
'tiddler.tags.contains(["invités"]) &&
tiddler.text.contains("|email|")'
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'tiddler.title'
write
'"\n|<<tiddler [["+tiddler.title+"::email]]$)) |" '
>>
!Les femmes savantes
!!!!!!{{center{comédie
par j.-b. P. Molière. }}}
!!!!Acte i, scène première
//la scène est à paris.//
!!!!!!//armande, henriette.//
;ARMANDE
:Quoi, le beau nom de fille est un titre,
:ma sœur !
:dont vous voulez quitter la charmante douceur ?
:Et de vous marier vous osez faire fête ?
:Ce vulgaire dessein vous peut monter en tête ?
;HENRIETTE
:Oui, ma sœur.
;ARMANDE
:Ah
:ce "oui" se peut-il supporter ?
:Et sans un mal de cœur saurait-on l’écouter ?
;HENRIETTE
:Qu’a donc le mariage en soi qui vous oblige, ma sœur...
;ARMANDE
:Ah mon dieu,
:fi.
;HENRIETTE
:Comment ?
;ARMANDE
:Ah fi, vous dis-je.
:Ne concevez-vous point ce que, dès qu’on l’entend, un tel mot à l’esprit offre de dégoûtant ?
:De quelle étrange image on est par lui blessée ?
:Sur quelle sale vue il traîne la pensée ?
:N’en frissonnez-vous point ?
:Et pouvez-vous, ma sœur, aux suites de ce mot résoudre votre cœur ?
;HENRIETTE
:Les suites de ce mot, quand je les envisage, me font voir un mari, des enfants, un ménage;
:et je ne vois rien là, si j’en puis raisonner, qui blesse la pensée, et fasse frissonner.
;ARMANDE
:De tels attachements, ô ciel ! Sont pour vous plaire ?
;HENRIETTE
:Et qu’est-ce qu’à mon âge on a de mieux à faire, que d’attacher à soi, par le titre d’époux, un homme qui vous aime, et soit aimé de vous;
:et de cette union de tendresse suivie, se faire les douceurs d’une innocente vie ?
:Ce nœud bien assorti n’a-t-il pas des appas ?
;ARMANDE
:Mon dieu, que votre esprit est d’un étage bas !
:Que vous jouez au monde un petit personnage, de vous claquemurer aux choses du ménage, et de n’entrevoir point de plaisirs plus touchants, qu’un idole d’époux, et des marmots d’enfants !
:Laissez aux gens grossiers, aux personnes vulgaires, les bas amusements de ces sortes d’affaires.
:À de plus hauts objets élevez vos désirs, songez à prendre un goût des plus nobles plaisirs, et traitant de mépris les sens et la matière, à l’esprit comme nous donnez-vous toute entière :
:
:vous avez notre mère en exemple à vos yeux, que du nom de savante on honore en tous lieux,
:tâchez ainsi que moi de vous montrer sa fille,
:aspirez aux clartés qui sont dans la famille,
:et vous rendez sensible aux charmantes douceurs que l’amour de l’étude épanche dans les cœurs : loin d’être aux lois d’un homme en esclave asservie;
:
:mariez-vous, ma sœur, à la philosophie,
:qui nous monte au-dessus de tout le genre humain, et donne à la raison l’empire souverain, soumettant à ses lois la partie animale dont l’appétit grossier aux bêtes nous ravale.
:Ce sont là les beaux feux, les doux attachements, qui doivent de la vie occuper les moments;
:et les soins où je vois tant de femmes sensibles, me paraissent aux yeux des pauvretés horribles.
;HENRIETTE
:Le ciel, dont nous voyons que l’ordre est tout-puissant, pour différents emplois nous fabrique en naissant;
:et tout esprit n’est pas composé d’une étoffe qui se trouve taillée à faire un philosophe.
:Si le vôtre est né propre aux élévations où montent des savants les spéculations, le mien est fait, ma sœur, pour aller terre à terre, et dans les petits soins son faible se resserre.
:Ne troublons point du ciel les justes règlements, et de nos deux instincts suivons les mouvements;
:habitez par l’essor d’un grand et beau génie, les hautes régions de la philosophie, tandis que mon esprit se tenant ici-bas, goûtera de l’hymen les terrestres appas.
:Ainsi dans nos desseins l’une à l’autre contraire, nous saurons toutes deux imiter notre mère;
:vous, du côté de l’âme et des nobles désirs,
:moi, du côté des sens et des grossiers plaisirs;
:vous, aux productions d’esprit et de lumière,
:moi, dans celles, ma sœur, qui sont de la matière.
;ARMANDE
:Quand sur une personne on prétend se régler, c’est par les beaux côtés qu’il lui faut ressembler;
:et ce n’est point du tout la prendre pour modèle, ma sœur, que de tousser et de cracher comme elle.
;HENRIETTE
:Mais vous ne seriez pas ce dont vous vous vantez, si ma mère n’eût eu que de ces beaux côtés;
:et bien vous prend, ma sœur, que son noble génie n’ait pas vaqué toujours à la philosophie.
:De grâce souffrez-moi par un peu de bonté des bassesses à qui vous devez la clarté;
:et ne supprimez point, voulant qu’on vous seconde, quelque petit savant qui veut venir au monde.
;ARMANDE
:Je vois que votre esprit ne peut être guéri du fol entêtement de vous faire un mari : mais sachons, s’il vous plaît, qui vous songez à prendre ?
:Votre visée au moins n’est pas mise à Clitandre.
;HENRIETTE
:Et par quelle raison n’y serait-elle pas ?
:Manque-t-il de mérite ?
:Est-ce un choix qui soit bas ?
;ARMANDE
:Non, mais c’est un dessein qui serait malhonnête, que de vouloir d’un autre enlever la conquête;
:et ce n’est pas un fait dans le monde ignoré, que Clitandre ait pour moi hautement soupiré.
;HENRIETTE
:Oui, mais tous ces soupirs chez vous sont choses vaines, et vous ne tombez point aux bassesses humaines;
:votre esprit à l’hymen renonce pour toujours, et la philosophie a toutes vos amours : ainsi n’ayant au cœur nul dessein pour clitandre, que vous importe-t-il qu’on y puisse prétendre ?
;ARMANDE
:Cet empire que tient la raison sur les sens, ne fait pas renoncer aux douceurs des encens;
:et l’on peut pour époux refuser un mérite que pour adorateur on veut bien à sa suite.
;HENRIETTE
:Je n’ai pas empêché qu’à vos perfections il n’ait continué ses adorations;
:et je n’ai fait que prendre, au refus de votre âme, ce qu’est venu m’offrir l’hommage de sa flamme.
;ARMANDE
:Mais à l’offre des vœux d’un amant dépité, trouvez-vous, je vous prie, entière sûreté ?
:Croyez-vous pour vos yeux sa passion bien forte, et qu’en son cœur pour moi toute flamme soit morte ?
;HENRIETTE
:Il me le dit, ma sœur, et pour moi je le croi.
;ARMANDE
:Ne soyez pas, ma sœur, d’une si bonne foi, et croyez, quand il dit qu’il me quitte et vous aime, qu’il n’y songe pas bien, et se trompe lui-même.
;HENRIETTE
:Je ne sais ;
:mais enfin, si c’est votre plaisir, il nous est bien aisé de nous en éclaircir.
:Je l’aperçois qui vient, et sur cette matière il pourra nous donner une pleine lumière.
!!!!Scène ii !
!!!!!//Clitandre, Armande, Henriette.//
;HENRIETTE
:Pour me tirer d’un doute où me jette ma sœur, entre elle et moi, clitandre, expliquez votre cœur, découvrez-en le fond, et nous daignez apprendre qui de nous à vos vœux est en droit de prétendre.
;ARMANDE
:Non, non, je ne veux point à votre passion imposer la rigueur d’une explication;
:je ménage les gens, et sais comme embarrasse le contraignant effort de ces aveux en face.
;CLITANDRE
:Non, madame, mon cœur qui dissimule peu, ne sent nulle contrainte à faire un libre aveu;
:dans aucun embarras un tel pas ne me jette, et j’avouerai tout haut d’une âme franche et nette, que les tendres liens où je suis arrêté, mon amour et mes vœux, sont tout de ce côté.
:Qu’à nulle émotion cet aveu ne vous porte;
:vous avez bien voulu les choses de la sorte, vos attraits m’avaient pris, et mes tendres soupirs vous ont assez prouvé l’ardeur de mes désirs : mon cœur vous consacrait une flamme immortelle, mais vos yeux n’ont pas cru leur conquête assez belle;
:j’ai souffert sous leur joug cent mépris différents, ils régnaient sur mon âme en superbes tyrans, et je me suis cherché, lassé de tant de peines, des vainqueurs plus humains, et de moins rudes chaînes : je les ai rencontrés, madame, dans ces yeux, et leurs traits à jamais me seront précieux;
:d’un regard pitoyable ils ont séché mes larmes, et n’ont pas dédaigné le rebut de vos charmes;
:de si rares bontés m’ont si bien su toucher, qu’il n’est rien qui me puisse à mes fers arracher;
:et j’ose maintenant vous conjurer, madame, de ne vouloir tenter nul effort sur ma flamme, de ne point essayer à rappeler un cœur résolu de mourir dans cette douce ardeur.
:
Tous les éléments classés par ordre alphabétique]]
[[1.0 ACTE I]] [[1.01 « un ancien droit du seigneur » FIGARO, SUZANNE]] [[1.02 Figaro nommé Courrier des Dépêches à l'ambassade de Londres. - FIGARO]] [[1.03 Bartholo allié à Marceline contre Figaro. - MARCELINE, BARTHOLO, FIGARO.]] [[1.04 Bartholo et Marceline eurent une liaison dont naquit un fils. - MARCELINE, BARTHOLO.]] [[1.05 Détestation de Suzanne et Marceline. - MARCELINE, BARTHOLO, SUZANNE]] [[1.06 Suzanne en colère contre Marceline - SUZANNE.]] [[1.07 Suzanne et Chérubin : La bataille du ruban - SUZANNE, CHÉRUBIN.]] [[1.08 Cache-cache autour du Fauteuil - SUZANNE, LE COMTE, CHÉRUBIN, BAZILE]] [[1.09 Bazile accuse Chérubin, renvoi du page - CHÉRUBIN, SUZANNE, LE COMTE, BAZILE]] [[1.10 La toque virginale de Suzanne. - CHÉRUBIN, SUZANNE, FIGARO, LA COMTESSE, LE COMTE, FANCHETTE, BAZILE, valets, paysannes, paysans.]] [[1.11 Faux départ de Chérubin - CHÉRUBIN, FIGARO, BAZILE.]] [[2.0 ACTE II]] [[2.01 Confidences de Suzanne sur les intentions du Comte - SUZANNE, LA COMTESSE]] [[2.02 Le faux billet imaginé par Figaro - FIGARO, SUZANNE, LA COMTESSE]] [[2.03 Coquetterie de la Comtesse - SUZANNE, LA COMTESSE]] [[2.04 La romance de Chérubin, son travestissement en femme - SUZANNE, LA COMTESSE, CHÉRUBIN.]] [[2.05 Pas de cachet sur le brevet d'officier de Chérubin. - CHÉRUBIN, LA COMTESSE.]] [[2.06,7,8,9 Le ruban au bras du page - CHÉRUBIN, LA COMTESSE, SUZANNE.]] [[2.10, 11 Le page caché dans le cabinet de toilette - CHÉRUBIN, LA COMTESSE, LE COMTE]] [[2.12 Le Comte veut ouvrir le cabinet - LE COMTE, LA COMTESSE.]] [[2.13 Le Comte ferme toutes les portes à clé. - LE COMTE, LA COMTESSE, SUZANNE]] [[2.14, 15 Suzanne se substitue au page qui saute par la fenêtre - SUZANNE, CHÉRUBIN.]] [[2.16, 17 La porte forcée libère Suzanne - LE COMTE, LA COMTESSE puis SUZANNE.]] [[2.18 La camériste informe sa maîtresse - LA COMTESSE, SUZANNE.]] [[2.19 Le Comte est désorienté. - LA COMTESSE, SUZANNE, LE COMTE.]] [[2.20 Figaro interrogé - SUZANNE, FIGARO, LA COMTESSE, LE COMTE]] [[2.21 Antonio le jardinier et ses giroflées écrasées - FIGARO, SUZANNE, LA COMTESSE, LE COMTE, ANTONIO.]] [[2.22, 23 Marceline réclame justice et le Comte convoque le tribunal - FIGARO, LE COMTE, MARCELINE, ANTONIO, BAZILE, GRIPE-SOLEIL]] [[2.24, 25, 26 La Comtesse ira au rendez-vous galant du Comte à la place de sa camériste - SUZANNE, LA COMTESSE.]] [[3.0 ACTE III.]] [[3.01,2,3 Pédrille ira à Séville chercher Chérubin - LE COMTE, PEDRILLE]] [[3.04 Monologue du Comte sur les caprices du désir - LE COMTE]] [[3.05 L'esquive du « God-dam » - LE COMTE, FIGARO./]] [[3.06,7,8 Le juge Brid'oison est annoncé - LE COMTE, UN LAQUAIS, FIGARO.]] [[3.09 Suzanne endort les soupçons du Comte - SUZANNE, LE COMTE.]] [[3.10,11 Suzanne croit triompher. Le Comte désabusé. - SUZANNE, FIGARO.]] [[3.12 Marceline porte plainte - BARTHOLO, MARCELINE, BRID'OISON.]] [[3.13 Figaro vient saluer Brid'oison - BARTHOLO, MARCELINE, BRID'OISON, FIGARO.]] [[3.14,15 Début du procès SCÈNE XIV. - BARTHOLO, MARCELINE, LE COMTE, BRID'OISON, FIGARO, UN HUISSIER, ANTONIO, LES VALETS, LES PAYSANS ET PAYSANNES]] [[3.16 Figaro retrouve ses parents - LE COMTE, MARCELINE, BARTHOLO, FIGARO, BRID'OISON.]] [[3.17 Suzanne a l'argent nécessaire - BARTHOLO, FIGARO, MARCELINE, BRID'OISON, SUZANNE, ANTONIO, LE COMTE.]] [[3.18,19,20 Figaro présente ses parents à Suzanne - BARTHOLO, ANTONIO, SUZANNE, FIGARO, MARCELINE, BRID'OISON.]] [[4.0 ACTE IV.]] [[4.01 Figaro ne veut pas que Suzanne aille au rendez-vous du Comte - FIGARO, SUZANNE.]] [[4.02,3 La Comtesse retient Suzanne. Rendez-vous est fixé au Comte - FIGARO, SUZANNE, LA COMTESSE.]] [[4.04 Arrivée de Chérubin déguisé parmi les jeunes filles - UNE JEUNE BERGÈRE, CHÉRUBIN en fille, LA COMTESSE, SUZANNE.]] [[4.05 Chérubin est démasqué - LES JEUNES FILLES, CHÉRUBIN, FANCHETTE, ANTONIO, LE COMTE, LA COMTESSE, SUZANNE.]] [[4.06,7 Mensonges de Figaro; le Comte chasse Chérubin - LES JEUNES FILLES, CHÉRUBIN, ANTONIO, FIGARO, LE COMTE, LA COMTESSE, SUZANNE]] [[4.08,9 Figaro surprend le Comte piqué par le billet galant , LE COMTE, LA COMTESSE.]] [[4.10 Figaro et Bazile se disputent - BAZILE, GRIPE-SOLEIL, LES JEUNES FILLES, CHÉRUBIN, ANTONIO, FIGARO, LE COMTE]] [[4.11,12 Les deux mariages vont être célébrés - GRIPE-SOLEIL, LES JEUNES FILLES, CHÉRUBIN, ANTONIO, FIGARO, LE COMTE]] [[4.13 Figaro au-dessus de la jalousie FIGARO, MARCELINE.]] [[4.14 Une épingle pour Suzanne... FIGARO, FANCHETTE, MARCELINE.]] [[4.15 Jalousie de Figaro - FIGARO, MARCELINE.]] [[4.16 Solidarité féminine - MARCELINE]] [[5.0 ACTE V]] [[5.01 Fanchette venue apporter des vivres à Chérubin - FANCHETTE]] [[5.02 Fuite des témoins convoqués par Figaro - FIGARO, BAZILE, ANTONIO, BARTHOLO, BRID'OISON, BAZILE.]] [[5.03 Figaro médite sur sa bizarre destinée - FIGARO]] [[5.04,5 Marceline prévient Suzanne qui prévient la Comtesse. - FIGARO, LA COMTESSE, SUZANNE, MARCELINE]] [[5.06 Chérubin prend la Comtesse pour Suzanne. - FIGARO, CHÉRUBIN, LE COMTE, LA COMTESSE, SUZANNE.]] [[5.07 Le Comte prend sa femme pour Suzanne - FIGARO, LE COMTE, LA COMTESSE, SUZANNE.]] [[5.08 Figaro feint de prendre Suzanne pour la Comtesse - FIGARO, SUZANNE]] [[5.09,10 Le Comte surprend Figaro aux pieds de celle qu'il croit être sa femme - LE COMTE. FIGARO, SUZANNE]] [[5.11 Pédrille n'a pu trouver le page - PEDRILLE, LE COMTE, FIGARO.]] [[5.12 Le Comte veut qu'on se saisisse de Figaro - ANTONIO, BARTHOLO, BAZILE, BRID'OISON, FIGARO, LE COMTE, PÉDRILLE.]] [[5.13,14,15,16,17,18 Sorties du pavillon - BARTHOLO, BAZILE, BRID'OISON, FIGARO, LE COMTE, PÉDRILLE, CHÉRUBIN, ANTONIO, FANCHETTE, MARCELINE, SUZANNE.]] [[5.19 La Comtesse sort enfin de l'autre pavillon et pardonne - BARTHOLO, BAZILE, BRID'OISON, FIGARO, LE COMTE, PÉDRILLE, CHÉRUBIN, ANTONIO, FANCHETTE, MARCELINE, SUZANNE.]]
//// iTW specific tweaks :
//// This settings always overwrite core defaults or previous cookies,
//// but they can be changed temporarily using [[Options]] or AdvancedOptions
//// Edit this to fix your default values for this iTW.
//{{{
// UserName :
config.options.txtUserName = "JacquesTurbé";
// save policy
config.options.chkAutosave = true;
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// Always editable
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////iTW presentation tweaks
//{{{
// some label tweaks
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// some shadow initializations
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SiteTitle: "iTW",
SiteSubtitle: "TiddlyWiki fode poche",
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});
//}}}
{{groupbox small{On pourrait facilement jouer selon les procédés de la commedia dell'arte ce premier intermède choral, tant sont connus et ressassés les jugements qu'on porte indistinctement sur toutes les pièces de cet auteur : " cérébrales", " paradoxales ", " obscures ", " absurdes ", " invraisemblables. " Toutefois, on a indiqué ici les répliques les plus importantes des acteurs momentanés de cet intermède, sans tenir compte de celles qui pourront être improvisées pour rendre plus vivante l'agitation confuse des couloirs.
Tout d'abord, brèves exclamations, questions, réponses de spectateurs indifférents qui sortent les premiers, tandis qu'on entend de l'intérieur la rumeur sourde du parterre.}}}
DEUX SPECTATEURS QUI SORTENT EN HÂTE.
:"Je monte le rejoindre là-haut.
;- C'est la loge n° 8. Mais n'oublie pas de le lui dire.
//Ils sortent par la gauche.//
:
:Sois tranquille, laisse-moi faire.
;UN SPECTATEUR QUI ARRIVE DE GAUCHE. -
:Tu as trouvé de la place?
;CELUI QUI SORT
:Comme tu vois
:Au revoir, au revoir.
;Il sort. D'autres spectateurs arrivent par la gauche où l'on entend un grand bruit de voix. D'autres débouchent de l'entrée des fauteuils d'orchestre, d'autres sortent sur le seuil des baignoires.
;N'IMPORTE QUI
:Quelle salle, hein?
;UN AUTRE
:Une salle magnifique, magnifique!
;UN TROISIÈME,
:Est-ce que tu as vu si elle était là? .
;UN QUATRIÈME
:Non, non, je ne crois pas.
;//Echanges de saluts ici et là : " Bonsoir. Bonsoir. " Phrases diverses. Quelques présentations. Le vendeur de programmes crie sa marchandise. Le vendeur de bonbons également. Quelques spectateurs achètent programmes et bonbons. Les spectateurs sympathiques à l'au~ teur, le visage en feu et les peux brillants se cherchent et s'assemblent pour_ échanger leur première impression, pour ensuite s'égailler çà et là en s'approchant de tel ou tel groupe pour défendre la pièce et l'auteur avec pétulance et ironie, des critiques des adversaires irréconciliables qui, de leur côté\ se sont groupes.//
;LES SPECTATEURS SYMPATHISANTS.
:Ah! Nous voilà réunis.
;- Nous sommes tous là! Bon! _
;- Mais ce premier acte a très bien marché, il me semble.
;- Très bien! Très bien!
;- Ah! On respire.
;- Que dites-vous de cette dernière scène avec la femme?
;- Avec la femme, excellente!
;- Et ta scène des deux qui changent d'avis ?
;- Mais c'est l'acte entier qui est excellent!
;LE CHŒUR DES OPPOSANTS EN MÊME TEMPS.
:Toujours les mêmes rébus. Il fera chaud le jour où on le comprendra!
;- Il se moque du monde. Oh! Il finira par aller trop loin, il se cassera le nez!
;- Moi, d'abord, je n'ai rien compris !
;- Des énigmes et des charades!
;- Oh ! Si le théâtre doit devenir un casse-tête chinois, moi, j'y renonce!
;UN DES OPPOSANTS AU GROUPE DES SYMPATHISANTS.
:Et vous, naturellement, vous avez tout compris, n'est-ce pas?
;UN AUTRE DES OPPOSANTS.
:Eh! Ils sont si intelligents !
;UN DES SYMPATHISANTS.
:C'est à moi que vous parlez ?
;LE PREMIER DES OPPOSANTS.
:Non, pas à vous, c'est à monsieur que je parle.
;Il en montre un autre.
;LE MONTRÉ DU DOIGT, s'avançant.
:C'est à moi? C'est à moi que tu parles?
;LE PREMIER DES OPPOSANTS.
:A toi, oui, à toi ! Tu es tout juste capable de comprendre la Tour de Mesle, et encore! .
;LE MONTRÉ DU DOIGT.
:Tandis que toi, du premier coup d'œil, tu juges cet art impossible? Il ne vaut rien, n'est-ce pas? A jeter dehors comme une vieille guenille!
;LES VOIX D'UN GROUPE VOISIN.
:Mais, voyons, il n'y a rien à comprendre. Vous avez bien entendu, personne ne sait rien.
:- On écoute : de quoi s'agit-il ? On ne t'a pas plutôt dit une chose qu'on te dit le contraire.
:- C'est une plaisanterie, une mauvaise plaisanterie !
:- Et toutes ces conversations du début! Pour aboutir à quoi?
:- A rien.
;L'ISOLÉ, //allant vers un autre groupe.//
:C'est se moquer du monde, c'est une mauvaise plaisanterie ! En somme, où est la pièce? Quel est le sujet? Personne n'en sait rien.
;LES VOIX D'UN AUTRE GROUPE.
:Ça n'est pas ennuyeux, évidemment, non. Mais c'est toujours la même chose.
:- Tout de même pas ! . '
:- C'est sa façon de comprendre, de concevoir les choses !
:- Il l'a exprimée une fois, deux fois, dix fois, cela suffit!
:- Pour sûr que cela suffit! On en a par-dessus la tête!
:- Comment! Mais vous avez applaudi? Toi, toi, parfaitement, je t'ai vu!
:- Tout de même une conception globale de la vie comme celle-ci présente mille aspects.
:- Une conception de la vie ? Mais cet acte, que contient-il? Quelle est sa consistance?
:- Précisément, son but est de démontrer qu'il n'y a qu'inconsistance.
;L'ISOLÉ, allant vers un autre groupe.
:Voilà ! C'est exactement cela : cet acte cherche l'inconsistance! G'est exprès, comprenez-vous, c'est exprès!
;Voix D'UN TROISIÈME GROUPE, autour des critiques dramatiques.
:C'est de la folie, mais où allons-nous!
:- Vous qui êtes critique de profession, éclairez
:nous un peu.
;LB PREMIER CRITIQUE.
:L'acte est inégal. Il y a des inutilités, il y a des longueurs.
;QUELQU'UN DU GROUPE VOISIN.
:Tout ce déve-loppement sur la conscience, par exemple...
;LE SECOND CRITIQUE,
:II faut attendre; ce n'est que le premier acte.
;TROISIÈME CRITIQUE.
:Parlons franc, voyons : cette suppression des caractères des personnages, cette façon de mener l'action au hasard, sans queue ni tête, cela vous paraît admissible? Reprendre le drame, par exemple, comme au hasard d'une discussion?
;LE QUATRIÈME CRITIQUE.
:Mais la discussion porte précisément sur le drame, c'est le drame même.
;LE SECOND CRITIQUE.
:Et à la fin de l'acte, le drame apparaît tout de même en chair et en os à l'arrivée de la femme.
;LE TROISIÈME CRITIQUE,
:Moi, ce qui m'înté
:
;resse, ce que je voudrais voir, c'est le drame. Et rien d'autre.
;UN DES SYMPATHISANTS.
:Le personnage de la femme est fort bien posé._
;UN DES OPPOSANTS.
:Dis plutôt que madame X... l'a admirablement joué.
;Ici, le nom de l'actrice qui a joué le rôle de la Morello.
;L'ISOLÉ, revenant au premier groupe. -
:Le drame vit, c'est indéniable ! Il vit dans cette femme. D'ailleurs, tout le monde le dit!
;UN DU PREMIER GROUPE, lui répondant, indigné.
:Mais fiche-nous la paix! C'est un écheveau indé
:brouillable! Ce n'est que contradiction!
;UN AUTRE.
:Toujours la même casuistique. On en est excédé!
;UN TROISIÈME.
:Des chausse-trapes dialectiques, de l'acrobatie cérébrale, et rien d'autre!
;L'ISOLÉ, s'éloignant pour s'approcher du second groupe.
;
:Ah! Oui, à la fin, toujours la même casuistique, c'est indéniable. D'ailleurs, tout le monde le dit...
;LE QUATRIÈME CRITIQUE, au troisième.
:Des caractères! Tu me fais rire! Des caractères où en trouve-t-on dans la vie? Où en trouve-t-on?
;LE TROISIÈME CRITIQUE. -
:Le mot existe, la chose existe aussi !
;LE QUATRIÈME CRITIQUE.
:Pardon! Le mot seul existe, et il s'agit précisément d'en montrer l'incons
:sistance.
;LE CINQUIÈME CRITIQUE.
:Moi, je me demande si le théâtre qui, sauf erreur, est un art...
;UN DES OPPOSANTS.
:Parfait! Le théâtre c'est de la poésie, de la poésie!
;LE CINQUIÈME CRITIQUE, -
:...Oui, je me demande si le théâtre doit être changé en une controverse, admirable, sans doute, en une suite de raisonnements qui s'opposent entre eux. Je me le demande!
;UN DES SYMPATHISANTS,
:Mais c'est ici, il me semble, qu'on raisonne; sur la scène je ne me suis pas aperçu qu'on raisonnât.
;UN DES OPPOSANTS. Il y a ici un auteur illustre. Qy'il parle 1 Qu'il donne son avis!
;LE VIEIL AUTEUR RATÉ.
:Ah! Pour moi... Vous voulez votre Pirandello, gardez-le! Ce que j'en pense, moi, vous le savez!
;DES VOIX.
:Non, non! Parlez! parlez!
;LE VIEIL AUTEUR RATÉ.
:Mais ce sont des inquiétudes intellectuelles de rien du tout, mes chers amis, de petits problèmes philosophiques... comment dire... à quatre pour un sou!
;LE QUATRIÈME CRITIQUE,
:Ah! ça non!
;LE VIEIL AUTEUR RATÉ, se drapant dans son man~ teau.
:Il y manque un tourment profond de l'esprit, un tourment pénétré de forces spontanées et vraiment persuasives. _ ^
;LE QUATRIÈME CRITIQUE.-Ah! oui, oui, nous les connaissons, nous les connaissons, ces forces spon-tanées et persuasives!
;L'ECRIVAIN QUI DÉDAIGNE D'ÉCRIRE.
:Ce qui, selon moi, est le plus insupportable, c'est le manque de style, voilà!
;LE SECOND CRITIQUE.
:Mais non! J'ai même l'impression que cette fois-ci, il y a dans l'acte un peu plus de style que d'habitude.
;L'ECRIVAIN QUI DÉDAIGNE D'ÉCRIRE, _
:Mais il n'y a aucune véritable distinction artistique. Allons! avouez-le... N'importe qui peut écrire comme cela!
;LE QUATRIÈME CRITIQUE,
:Pour moi, je ne veux pas juger déjà. J'aperçois des éclairs, des lueurs. J'ai un peu l'impression d'un... de l'éclat d'un miroir... comment dire, d'un miroir qui serait devenu foui...
;De gauche arrive à ce moment an bruit ? violent, comme d'rne dispute. On crie ; " Oui! oui! Au fou! au fou! C'est un truc! c'est un truc! Au fou! Au fou!" Des spectateurs accourent en criant: " Çhi'est-ce qu'îly a? Qji'arrive-t-il?"
;LE SPECTATEUR IRRITÉ,
:Mais enfin, à chaque première de Pirandello, est-ce que ça va être le même vacarme?
;LE SPECTATEUR PACIFIQUE.
:Espérons qu'ils ne se battront pas.
;UN DES SYMPATHISANTS.
:C'est tout de même curieux; quand vous venez écouter les pièces des autres auteurs, vous restez dans votre fauteuil, tout disposés à accueillir l'illusion que la scène va créer devant vous..., si elle réussit à la créer... Et quand vous venez écouter une pièce de Pirandello, vous vous cramponnez des deux mains aux bras de votre fauteuil, comme ça, vous avancez la tête, prêts à combattre, pour repousser à tout prix ce que l'auteur va vous dire. Vous entendez un mot quelconque, le mot " chaise", par exemple, et aussitôt vous dites : " Il vient de dire " chaise", mais je ne m'y laisserai pas prendre. Qui sait ce qu'il a prétendu mettre sous ce mot-là?"
;UN DES OPPOSANTS.
:Oh! N'importe quoi ou tout. Il est capable de tout y mettre, sauf un peu de poésie.
;D'AUTRES OPPOSANTS.
:Très bien! Très bien! Et ce que nous voulons, nous, c'est de la poésie, c'est de la poésie!
;UN AUTRE DES SYMPATHISANTS.
:Eh bien! allez la chercher sous les petites chaises des autres, la poésie !
;LES OPPOSANTS.
:Mais ce nihilisme spasmodique, nous en avons par-dessus la tête!
;
:Et cette frénésie d'anéantissement!
;o-Nier n'est pas construire!
;. LE PREMIER DES SYMPATHISANTS.
:Qui est-ce qui nie? C'est vous qui niez?
;UN DES OPPOSANTS.
:Nous? Nous n'avons jamais dit, nous, que la réalité n'existait pas!
;LE PREMIER DES SYMPATHISANTS.
:Et qui est-ce qui la nie, votre réalité, si vous réussissez à la créer vous-mêmes ?
;UN SECOND.
:C'est vous qui la refusez aux autres en disant qu'il n'y en a qu'une seule.
;LE PREMIER.
:Celle qui aujourd'hui, vous apparaît.
;LE SECOND.
:En oubliant qu'hier elle vous appa-raissait différemment.
;LE PREMIER.
:C'est parce que vous la recevez des autres, la réalité, comme une convention quel
;conque. Ce ne sont que des mots vides, pour vous : une montagne, un arbre, une route, autant de réalités à vos yeux et si quelqu'un découvre qu'il y avait dessous une illusion, cela vous semble une fraude, un mensonge imbécile. Ici, l'on enseigne que chacun doit lui-même se construire le terrain sous ses pieds, minute par minute, à chaque pas qu'il veut faire, en faisant crouler ce qui ne lui appartient pas, parce que cela n'avait pas été construit par lui. Tandis que vous, vous ne construisez rien, et vous vivez en parasites, oui, en parasites, tout en regrettant la vieille poésie perdue!
;Le baron Nuti arrive de gauche, pâle, bon* lever si, frémissant, en compagnie de deux autres spectateurs qui cherchent à le retenir.
;LE BARON NUTI.
:Mais il me semble, cher monsieur, qu'on enseigne ici autre chose! A piétiner les morts et à calomnier les vivants!
;UN DE SES DEUX COMPAGNONS, le prenant par U bras pour l'entraîner.
:Mais non! Viens donc, viens donc!
;L'AUTRE COMPAGNON, en même temps,
:Allons! Allons! Je t'en prie, n'insiste pas.
;LE BARON NUTI, se laisse entraîner vers la gauche non sans répéter.
:Piétiner les morts et calomnier les vivants !
;LA VOIX DES CURIEUX, parmi la surprise générale.
:Qui est-ce ? Qui est-ce ? Quelle tête ! Il était pâle comme un mort! C'est un fou! Qui est-ce?
;LE SPECTATEUR MONDAIN.
:C'est le baron Nuti ! Le baron Nuti!
;LES CURIEUX.
:Nuti?
:Connais pas?
:Que voulait-il?
;LE SPECTATEUR MONDAIN.
:Mais comment ! Personne n'a encore compris que cette pièce est une pièce à clef!
;UN DES CRITIQUES.
:A clef? Comment à clef?
;LE SPECTATEUR MONDAIN.
:Mais oui, c'est l'histoire de la Moreno telle quelle; il l'a prise d'un bloc, dans la vie.
;DES VOIX.
:De la Moreno? Qui est la Moreno?
:- Mais voyons! La Moreno, cette actrice qui a été si longtemps en Allemagne!
:- Mais à Turin tout le monde sait qui c'est.
; Ah ! Oui ! celle pour qui s'est suicidé le sculpteur La Vêla, il y a quelques mois! _
:- Tiens! tiens! tiens! Mais alors, Pirandello?...
:- Gomment! Pirandello se met à écrire mainte" nant des pièces à clef?
:- Eh! Il semble, vous voyez!
:- Et ce n'est pas la première fois ?
;o
:Mais voyons ! Il est parfaitement légitime de prendre dans la vie le sujet d'une œuvre d'art.
:- Oui, mais quand en le faisant, comme ce mon-sieur vient de le dire, on ne piétine pas les morts et on ne calomnie pas les vivants!
:- Mais ce Nuti, qui est-ce?
;LE SPECTATEUR MONDAIN.-Eh bien, c'est l'homme à cause de qui La Vêla s'est tué. Celui qui devait devenir son beau-frère.
;UN AUTRE DES CRITIQUES.
:Alors, il était vraiment parti avec la Moreno à la veille des noces de la Moreno avec La Vêla?
;UN DES OPPOSANTS.
:Mais alors, le fait est par-faitement identique! Ah! ça, c'est tout de même énorme!
;UN AUTRE.
:Et les acteurs du drame véritable, du drame de la vie se trouvent ce soir au théâtre?
;UN TROISIÈME, faisant allusion à Nuti, et indiquant la gauche par où il est sorti.
:En tout cas, il y en a au moins un qui vient de se faire voir.
;LE SPECTATEUR MONDAIN.
:Et la Moreno y est aussi. Elle est dans l'avant-scène de gauche. Et elle s'est reconnue tout de suite dans la pièce. On la retient! On la retient, elle est comme une folle! Elle a déchiré trois mouchoirs avec ses dents; elle va crier, elle ne pourra se contenir, cela va finir par un scandale!
;Voix.
:Elle n'a pas tort!
:
:e voir ainsi portée à la scène, vraiment!
:- Et ce Nuti aussi. Ah ! Il m'a fait peur.
:- Il avait l'air exaspéré.
:- Ça va mal finir, oh! ça va mal finir.
;COMME CI (OU COMMÈ ÇA) 263
;On entend, les sonneries électriques qui annoncent ta reprise de la représentation. Mouvement général Vers l'intérieur de la salle, avec des commentaires à voix basses sur la nouvelle qui se répand peu à peu. Trois des spectateurs sympathiques restent un peu en arrière et assistent, dans le corridor, déjà évacueà l'irruption par ta gauche de la Moreno qui vient de descendre de son avant-scène et qui est retenue par trois amis qui voudraient la mener hors du théâtre pour r empêcher de faire un scandale. Lés employés du théâtre, d'abord impressionnés, leur font ensuite signe de se taire pour ne pas troubler la représentation qui a déjà recommencé. Les trois spectateurs sympa-thisants se.tiennent à l'écart, écoutant, stupéfaits et consternés
:à la fois,
;LA MORENO.-Non! Non! Laissez-moi! Laissez
:moi y aller!
;UN DES AMIS.
:Mais c'est une folie que vous voulez faire!
;LA MORENO.
:Si, j'irai, j'irai dans les coulisses,
;L'AUTRE.
:Mais pour faire quoi? Vous êtes folle!
;LA MORENO.
:Laissez-moi !
;LE TROISIÈME.
:Allons-nous en, cela vaudra mieux.
;LES DEUX AUTRES.
:Oui, oui, sortons! sortons! Laissez-vous persuader.
;LA MORENO.
:Non, non! Laissez-moi! Je dois punir cette infamie.
;LE PREMIER.
:Mais comment voulez-vous faire, devant tout le public? _
;LA MORENO.
:Laissez-moi, vous dis-je, je veux aller dans les coulisses.
;LE SECOND.
:Ah non! Alors nous ne vous laisserons pas commettre cette folie! _ _
;LA MORENO.
:Laissez-moi faire, je veux aller dans les coulisses!
;LE TROISIÈME. -Mais les acteurs sont déjà en scène.
;LE PREMIER.
:Le deuxième acte est commencé,
;LA MORENO.
:Il est commencé? Alors je veux entendre! je veux entendre! je veux entendre!
;El elle se dirige vers la gauche.
;LES AMIS.
:Mais non! Allons-nous en, faites ce que nous vous disons, allons! Partons! Partons!
;LA MORENO, les traînant derrière elle.
:Non! Re-montons, remontons tout de suite! Je veux entendre.
;UN DES AMIS, pendant qu'ils disparaissent à gauche.
:Mais pourquoi voulez-vous continuer à vous déchirer ainsi ?
;UN DES EMPLOYÉS, aux trois spectateurs sympathisants.
:- Mais ils sont fous !
;LE PREMIER DES SYMPATHISANTS, aux deux autres.
:- Vous avez compris ?
;LE SECOND.
:C'est la Moreno.
;LE TROISIÈME.
:Mais dites un peu, attention! Pirandello est dans les coulisses.
;LE PREMIER.
:Je vais le prévenir qu'il se sauve, ça va mal finir, ce soir, c'est certain.
;Rideau,
{{small{
|borderless|k
|COMME CI (OU COMME ÇA)<br>de Pirandello|<<list filter "[tag[COMME CI (OU COMME ÇA)]]">> |
}}}
!Notes sur le jeu du comédien
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MARCELINE, BARTHOLO, SUZANNE.
;Suzanne, un bonnet de femme avec un large ruban dans la main, une robe de femme sur le bras.
L’épouser, l’épouser ! Qui donc ? mon Figaro ?
;Marceline, aigrement.
Pourquoi non ? Vous l’épousez bien !
;Bartholo, riant.
Le bon argument de femme en colère ! Nous parlions, belle Suzon, du bonheur qu’il aura de vous posséder.
;Marceline.
Sans compter monseigneur, dont on ne parle pas.
;Suzanne, une révérence.
Votre servante, madame ; il y a toujours quelque chose d’amer dans vos propos.
;Marceline, une révérence.
Bien la vôtre, madame. Où donc est l’amertume ? n’est-il pas juste qu’un libéral seigneur partage un peu la joie qu’il procure à ses gens ?
;Suzanne.
Qu’il procure ?
;Marceline.
Oui, madame.
;Suzanne.
Heureusement la jalousie de madame est aussi connue que ses droits sur Figaro sont légers.
;Marceline.
On eût pu les rendre plus forts en les cimentant à la façon de madame.
;Suzanne.
Oh ! cette façon, madame, est celle des dames savantes.
;Marceline.
Et l’enfant ne l’est pas du tout ! Innocente comme un vieux juge !
;Bartholo, attirant Marceline.
Adieu, jolie fiancée de notre Figaro.
;Marceline, une révérence.
L’accordée secrète de monseigneur.
;Suzanne, une révérence.
Qui vous estime beaucoup, madame.
;Marceline, une révérence.
Me fera-t-elle aussi l’honneur de me chérir un peu, madame ?
;Suzanne, une révérence.
À cet égard, madame n’a rien à désirer.
;Marceline, une révérence.
C’est une si jolie personne que madame !
;Suzanne, une révérence.
Eh ! mais assez pour désoler madame.
;Marceline, une révérence.
Surtout bien respectable !
;Suzanne, une révérence.
C’est aux duègnes à l’être.
;Marceline, outrée.
Aux duègnes ! aux duègnes !
;Bartholo, l’arrêtant.
Marceline !
;Marceline.
Allons ! docteur, car je n’y tiendrais pas. Bonjour, madame.
//(Une révérence.)//
FIGARO, SUZANNE.
;Figaro.
Dix-neuf pieds sur vingt-six.
;Suzanne.
Tiens, Figaro, voilà mon petit chapeau : le trouves-tu mieux ainsi ?
;Figaro lui prend les mains.
Sans comparaison, ma charmante. Oh ! que ce joli bouquet virginal, élevé sur la tête d’une belle fille, est doux, le matin des noces, à l’œil amoureux d’un époux !…
;Suzanne se retire.
Que mesures-tu donc là, mon fils ?
;Figaro.
Je regarde, ma petite Suzanne, si ce beau lit que monseigneur nous donne aura bonne grâce ici.
;Suzanne.
Dans cette chambre ?
;Figaro.
Il nous la cède.
;Suzanne.
Et moi je n’en veux point.
;Figaro.
Pourquoi ?
;Suzanne.
Je n’en veux point.
;Figaro.
Mais encore ?
;Suzanne.
Elle me déplaît.
;Figaro.
On dit une raison.
;Suzanne.
Si je n’en veux pas dire ?
;Figaro.
Oh ! quand elles sont sûres de nous !
;Suzanne.
Prouver que j’ai raison serait accorder que je puis avoir tort. Es-tu mon serviteur, ou non ?
;Figaro.
Tu prends de l’humeur contre la chambre du château la plus commode, et qui tient le milieu des deux appartements. La nuit, si madame est incommodée, elle sonnera de son côté : zeste, en deux pas tu es chez elle. Monseigneur veut-il quelque chose ? il n’a qu’à tinter du sien : crac, en trois sauts me voilà rendu.
;Suzanne.
Fort bien ! Mais quand il aura tinté, le matin, pour te donner quelque bonne et longue commission : zeste, en deux pas il est à ma porte, et crac, en trois sauts…
;Figaro.
Qu’entendez-vous par ces paroles ?
| //À ce moment Basile passe la tête et écoute// |
;Suzanne.
Il faudrait m’écouter tranquillement.
;Figaro.
Eh ! qu’est-ce qu’il y a, bon Dieu ?
;Suzanne.
Il y a, mon ami, que, las de courtiser les beautés des environs, monsieur le comte Almaviva veut rentrer au château, mais non pas chez sa femme : c’est sur la tienne, entends-tu ? qu’il a jeté ses vues, auxquelles il espère que ce logement ne nuira pas. Et c’est ce que le loyal Basile, honnête agent de ses plaisirs, et mon noble maître à chanter, me répète chaque jour en me donnant leçon.
| //Basile déguerpit prestement, mais Figaro l'a aperçu.// |
;Figaro.
Basile ! ô mon mignon, si jamais volée de bois vert, appliquée sur une échine, a dûment redressé la moelle épinière à quelqu’un…
;Suzanne.
Tu croyais, bon garçon, que cette dot qu’on me donne était pour les beaux yeux de ton mérite ?
;Figaro.
J’avais assez fait pour l’espérer.
;Suzanne.
Que les gens d’esprit sont bêtes !
;Figaro.
On le dit.
;Suzanne.
Mais c’est qu’on ne veut pas le croire !
;Figaro.
On a tort.
;Suzanne.
Apprends qu’il la destine à obtenir de moi, secrètement, certain quart d’heure, seul à seule, qu’un ancien droit du seigneur… Tu sais s’il était triste !
;Figaro.
Je le sais tellement, que si monsieur le comte, en se mariant, n’eût pas aboli ce droit honteux, jamais je ne t’eusse épousée dans ses domaines.
;Suzanne.
Eh bien ! s’il l’a détruit, il s’en repent ; et c’est de la fiancée qu’il veut le racheter en secret aujourd’hui.
;Figaro, //se frottant la tête//.
Ma tête s’amollit de surprise, et mon front fertilisé…
;Suzanne.
Ne le frotte donc pas !
;Figaro.
Quel danger ?
;Suzanne, //riant//.
S’il y venait un petit bouton, des gens superstitieux…
;Figaro.
Tu ris, friponne ! Ah ! s’il y avait moyen d’attraper ce grand trompeur, de le faire donner dans un bon piège, et d’empocher son or !
;Suzanne.
De l’intrigue et de l’argent : te voilà dans ta sphère.
;Figaro.
Ce n’est pas la honte qui me retient.
;Suzanne.
La crainte ?
;Figaro.
Ce n’est rien d’entreprendre une chose dangereuse, mais d’échapper au péril en la menant à bien : car d’entrer chez quelqu’un la nuit, de lui souffler sa femme, et d’y recevoir cent coups de fouet pour la peine, il n’est rien plus aisé ; mille sots coquins l’ont fait. Mais…
//(On sonne de l’intérieur.)//
;Suzanne.
Voilà madame éveillée ; elle m’a bien recommandé d’être la première à lui parler le matin de mes noces.
;Figaro.
Y a-t-il encore quelque chose là-dessous ?
;Suzanne.
Le berger dit que cela porte bonheur aux épouses délaissées. Adieu, mon petit fi, fi, Figaro ; rêve à notre affaire.
;Figaro.
Pour m’ouvrir l’esprit, donne un petit baiser.
;Suzanne.
À mon amant aujourd’hui ? Je t’en souhaite ! Et qu’en dirait demain mon mari ?
//(Figaro l’embrasse.)//
;Suzanne.
Eh bien ! eh bien !
;Figaro.
C’est que tu n’as pas d’idée de mon amour.
;Suzanne, se défripant.
Quand cesserez-vous, importun, de m’en parler du matin au soir ?
;Figaro, mystérieusement.
Quand je pourrai te le prouver du soir jusqu’au matin.
//(On sonne une seconde fois.)//
;Suzanne, de loin, les doigts unis sur sa bouche.
Voilà votre baiser, monsieur ; je n’ai plus rien à vous.
;Figaro court après elle.
Oh ! mais ce n’est pas ainsi que vous l’avez reçu.
{{right small italic red{[[Plan|Figaro 2017]]}}}
;FIGARO, seul.
La charmante fille ! toujours riante, verdissante, pleine de gaieté, d’esprit, d’amour et de délices ! mais sage !… //(Il marche vivement en se frottant les mains.)//
Ah ! monseigneur ! mon cher monseigneur ! vous voulez m’en donner… à garder ! Je cherchais aussi pourquoi, m’ayant nommé concierge, il m’emmène à son ambassade, et m’établit courrier de dépêches. J’entends, monsieur le comte ; trois promotions à la fois : vous, compagnon ministre ; moi, casse-cou politique ; et Suzon, dame du lieu, l’ambassadrice de poche ; et puis fouette, courrier ! Pendant que je galoperais d’un côté, vous feriez faire de l’autre à ma belle un joli chemin ! Me crottant, m’échinant pour la gloire de votre famille ; vous, daignant concourir à l’accroissement de la mienne ! Quelle douce réciprocité !
| //Basile passe la tête et écoute// |
Mais, monseigneur, il y a de l’abus. Faire à Londres, en même temps, les affaires de votre maître et celles de votre valet ! représenter à la fois le roi et moi dans une cour étrangère, c’est trop de moitié, c’est trop.
| //Basile disparait précipitamment// |
— Pour toi, Basile, fripon mon cadet, je veux t’apprendre à clocher devant les boiteux ; je veux…
Non, dissimulons avec eux pour les enferrer l’un par l’autre.
Attention sur la journée, monsieur Figaro ! D’abord, avancer l’heure de votre petite fête, pour épouser plus sûrement ; écarter une Marceline qui de vous est friande en diable ; empocher l’or et les présents ; donner le change aux petites passions de monsieur le comte ; étriller rondement monsieur du Basile, et…
MARCELINE, BARTHOLO, FIGARO.
;Figaro s’interrompt.
;Figaro
....Héééé, voilà le gros Docteur @@à bas de sa mule@@, la fête sera complète. //((fort(criant par la fenêtre)))// Hé bon jour, cher Docteur de mon coeur. Est-ce ma noce avec Suzon qui vous attire au château?
;Bartholo @@//(voix off)//@@
Ah, mon cher monsieur, point du tout.
;Figaro
Cela serait bien généreux!
;Bartholo
Certainement, et par trop sot.
;Figaro
Moi qui eus le malheur de troubler ((votre noce avec Rosine, qui n'était pas encore la Comtesse(au lieu de « //la vôtre!// »,
allusion trop rapide pour
le spectateur d'aujourd'hui))).
;Bartholo
Avez-vous autre chose à nous dire?
;Figaro
On n'aura pas pris soin de votre mule!
;Bartholo
Bavard enragé! laissez-nous.
;Figaro
Vous vous fâchez, Docteur? ((...(les gens de votre état sont bien durs! pas plus de pitié des pauvres animaux.... en vérité.... que si c'était des hommes!))) Adieu. Marceline: avez-vous toujours envie de plaider contre moi?
://Pour n'aimer pas, faut-il qu'on se haïsse?//
Je m'en rapporte au Docteur.
;Bartholo
Qu'est-ce que c'est?
;Figaro
Elle vous le contera de reste. //(il sort.)//
//(Il sort.)//
| //[[Variante sans Bartholo|lmf104b]]// |h
MARCELINE, BARTHOLO.
;Bartholo le regarde aller.
Ce drôle est toujours le même ! Et, à moins qu’on ne l’écorche vif, je prédis qu’il mourra dans la peau du plus fier insolent…
;Marceline le retourne.
Enfin, vous voilà donc, éternel docteur, toujours si grave et compassé, qu’on pourrait mourir en attendant vos secours, comme on s’est marié jadis malgré vos précautions.
;Bartholo.
Toujours amère et provoquante ! Eh bien ! qui rend donc ma présence au château si nécessaire ? Monsieur le comte a-t-il eu quelque accident ?
;Marceline.
Non, docteur.
;Bartholo.
La Rosine, sa trompeuse comtesse, est-elle incommodée, Dieu merci ?
;Marceline.
Elle languit.
;Bartholo.
Et de quoi ?
;Marceline.
Son mari la néglige.
;Bartholo, avec joie.
Ah ! le digne époux qui me venge !
;Marceline.
On ne sait comment définir le comte : il est jaloux et libertin.
;Bartholo.
Libertin par ennui, jaloux par vanité : cela va sans dire.
;Marceline.
Aujourd’hui, par exemple, il marie notre Suzanne à son Figaro, qu’il comble en faveur de cette union…
;Bartholo.
Que Son Excellence a rendue nécessaire ?
;Marceline.
Pas tout à fait ; mais dont Son Excellence voudrait égayer en secret l’événement avec l’épousée…
;Bartholo.
De monsieur Figaro ? C’est un marché qu’on peut conclure avec lui.
;Marceline.
Basile assure que non.
;Bartholo.
Cet autre maraud loge ici ? C’est une caverne ! Et qu’y fait-il ?
;Marceline.
Tout le mal dont il est capable. Mais le pis que j’y trouve est cette ennuyeuse passion qu’il a pour moi depuis si longtemps.
;Bartholo.
Je me serais débarrassé vingt fois de sa poursuite.
;Marceline.
De quelle manière ?
;Bartholo.
En l’épousant.
;Marceline.
Railleur fade et cruel, que ne vous débarrassez-vous de la mienne à ce prix ? Ne le devez-vous pas ? Où est le souvenir de vos engagements ? Qu’est devenu celui de notre petit Emmanuel, ce fruit d’un amour oublié, qui devait nous conduire à des noces ?
;Bartholo, ôtant son chapeau.
Est-ce pour écouter ces sornettes que vous m’avez fait venir de Séville ? Et cet accès d’hymen qui vous reprend si vif…
;Marceline.
Eh bien ! n’en parlons plus. Mais si rien n’a pu vous porter à la justice de m’épouser, aidez-moi donc du moins à en épouser un autre.
;Bartholo.
Ah ! volontiers : parlons. Mais quel mortel abandonné du ciel et des femmes …?
;Marceline.
Eh ! qui pourrait-ce être, docteur, sinon le beau, le gai, l’aimable Figaro ?
;Bartholo.
Ce fripon-là ?
;Marceline.
Jamais fâché, toujours en belle humeur ; donnant le présent à la joie, et s’inquiétant de l’avenir tout aussi peu que du passé ; sémillant, généreux ; généreux…
;Bartholo.
Comme un voleur.
;Marceline.
Comme un seigneur ; charmant enfin : mais c’est le plus grand monstre !
;Bartholo.
Et sa Suzanne ?
;Marceline.
Elle ne l’aurait pas, la rusée, si vous vouliez m’aider, mon petit docteur, à faire valoir un engagement que j’ai de lui.
;Bartholo.
Le jour de son mariage ?
;Marceline.
On en rompt de plus avancés ; et si je ne craignais d’éventer un petit secret des femmes !…
;Bartholo.
En ont-elles pour le médecin du corps ?
;Marceline.
Ah ! vous savez que je n’en ai pas pour vous. Mon sexe est ardent, mais timide : un certain charme a beau nous attirer vers le plaisir, la femme la plus aventurée sent en elle une voix qui lui dit : Sois belle si tu peux, sage si tu veux ; mais sois considérée, il le faut. Or, puisqu’il faut être au moins considérée, que toute femme en sent l’importance, effrayons d’abord la Suzanne sur la divulgation des offres qu’on lui fait.
;Bartholo.
Où cela mènera-t-il ?
;Marceline.
Que, la honte la prenant au collet, elle continuera de refuser le comte, lequel, pour se venger, appuiera l’opposition que j’ai faite à son mariage ; alors le mien devient certain.
;Bartholo.
Elle a raison. Parbleu ! c’est un bon tour que de faire épouser ma vieille gouvernante au coquin qui fit enlever ma jeune maîtresse.
;Marceline, vite.
Et qui croit ajouter à ses plaisirs en trompant mes espérances.
;Bartholo, vite.
Et qui m’a volé dans le temps cent écus que j’ai sur le cœur.
;Marceline.
Ah ! quelle volupté !…
;Bartholo.
De punir un scélérat.
;Marceline.
De l’épouser, docteur, de l’épouser !
| //[[ -> Scène originale avec Bartholo|lmf104]]// |h
!!!!ACTE I Scène 4 (variante sans Bartholo)
;MARCELINE //(étonnée de se trouver seule)//
:Je voudrais qu'on m'aide à épouser le beau, le gai, l’aimable Figaro.
:Jamais fâché, toujours en belle humeur ; donnant le présent à la joie, et s’inquiétant de l’avenir tout aussi peu que du passé ; sémillant, généreux ; généreux comme un seigneur ; charmant enfin.
:Mais c’est le plus grand monstre ! il croit ajouter à ses plaisirs en épousant Suzanne !
:Elle n’aurait pas, la rusée, si je réussissais à faire valoir un engagement que j’ai de lui. Il ne pourrait plus tromper mes espérances.
:Agissons avec adresse. Effrayons d’abord la Suzanne sur la divulgation des offres qu’on lui fait. La honte la prenant au collet, elle continuera de refuser le comte, lequel, pour se venger, appuiera l’opposition que j’ai faite à son mariage ; alors le mien devient certain.
:Ah! le bon tour !… Ah ! quelle volupté de l’épouser, de l’épouser !…
//[[-> Scène 5|lmf105]]//
;SUZANNE, seule.
Allez, madame ! allez, pédante ! Je crains aussi peu vos efforts que je méprise vos outrages.
— Voyez cette vieille sibylle ! parce qu’elle a fait quelques études et tourmenté la jeunesse de madame, elle veut tout dominer au château !
//(Elle jette la robe qu’elle tient, sur une chaise.)//
Je ne sais plus ce que je venais prendre.
SUZANNE, CHÉRUBIN.
;Chérubin, accourant.
Ah ! Suzon, depuis deux heures j’épie le moment de te trouver seule. Hélas ! tu te maries, et moi je vais partir.
;Suzanne.
Comment mon mariage éloigne-t-il du château le premier page de monseigneur ?
;Chérubin, piteusement.
Suzanne, il me renvoie.
;Suzanne le contrefait.
Chérubin, quelque sottise !
;Chérubin.
Il m’a trouvé hier au soir chez ta cousine Fanchette, à qui je faisais répéter son petit rôle d’innocente, pour la fête de ce soir : il s’est mis dans une fureur en me voyant ! — Sortez ! m’a-t-il dit, petit… Je n’ose pas prononcer devant une femme le gros mot qu’il a dit : sortez, et demain vous ne coucherez pas au château. Si madame, si ma belle marraine ne parvient pas à l’apaiser, c’est fait, Suzon, je suis à jamais privé du bonheur de te voir.
;Suzanne.
De me voir, moi ? c’est mon tour ? Ce n’est donc plus pour ma maîtresse que vous soupirez en secret ?
;Chérubin.
Ah ! Suzon, qu’elle est noble et belle ! mais qu’elle est imposante !
;Suzanne.
C’est-à-dire que je ne le suis pas, et qu’on peut oser avec moi…
;Chérubin.
Tu sais trop bien, méchante, que je n’ose pas oser. Mais que tu es heureuse ! à tous moments la voir, lui parler, l’habiller le matin et la déshabiller le soir, épingle à épingle… Ah ! Suzon, je donnerais… Qu’est-ce que tu tiens donc là ?
;Suzanne, raillant.
Hélas ! l’heureux bonnet et le fortuné ruban qui renferment la nuit les cheveux de cette belle marraine…
;Chérubin, vivement.
Son ruban de nuit ! donne-le-moi, mon cœur.
;Suzanne, le retirant.
Eh ! que non pas ! — Son cœur ! Comme il est familier donc ! si ce n’était pas un morveux sans conséquence. //(Chérubin arrache le ruban.)// Ah ! le ruban !
;Chérubin tourne autour du grand fauteuil.
Tu diras qu’il est égaré, gâté, qu’il est perdu. Tu diras tout ce que tu voudras.
;Suzanne tourne après lui.
Oh ! dans trois ou quatre ans, je prédis que vous serez le plus grand petit vaurien !… Rendez-vous le ruban ?
//(Elle veut le reprendre.)//
;Chérubin tire une romance de sa poche.
Laisse, ah ! laisse-le-moi, Suzon ; je te donnerai ma romance ; et, pendant que le souvenir de ta belle maîtresse attristera tous mes moments, le tien y versera le seul rayon de joie qui puisse encore amuser mon cœur.
;Suzanne arrache la romance.
Amuser votre cœur, petit scélérat ! vous croyez parler à votre Fanchette. On vous surprend chez elle, et vous soupirez pour madame ; et vous m’en contez à moi, par-dessus le marché !
;Chérubin, exalté.
Cela est vrai, d’honneur ! je ne sais plus ce que je suis, mais depuis quelque temps je sens ma poitrine agitée ; mon cœur palpite au seul aspect d’une femme ; les mots amour et volupté le font tressaillir et le troublent. Enfin le besoin de dire à quelqu’un Je vous aime est devenu pour moi si pressant, que je le dis tout seul, en courant dans le parc, à ta maîtresse, à toi, aux arbres, aux nuages, au vent qui les emporte avec mes paroles perdues. — Hier je rencontrai Marceline…
;Suzanne, riant.
Ah ! ah ! ah ! ah !
;Chérubin.
Pourquoi non ? elle est femme ! elle est fille ! Une fille, une femme ! ah ! que ces noms sont doux ! qu’ils sont intéressants !
;Suzanne.
Il devient fou !
;Chérubin.
Fanchette est douce, elle m’écoute au moins : tu ne l’es pas, toi !
;Suzanne.
C’est bien dommage ; écoutez donc monsieur !
//(Elle veut arracher le ruban.)//
;Chérubin tourne en fuyant.
Ah ! ouiche ! on ne l’aura, vois-tu, qu’avec ma vie. Mais si tu n’es pas contente du prix, j’y joindrai mille baisers.
//(Il lui donne chasse à son tour.)//
;Suzanne tourne en fuyant.
Mille soufflets, si vous approchez ! Je vais m’en plaindre à ma maîtresse ; et, loin de supplier pour vous, je dirai moi-même à monseigneur : C’est bien fait, monseigneur, chassez-nous ce petit voleur ; renvoyez à ses parents un petit mauvais sujet qui se donne les airs d’aimer madame, et qui veut toujours m’embrasser par contre-coup.
;Chérubin voit le comte entrer ; il se jette derrière le fauteuil avec effroi.
Je suis perdu.
;Suzanne.
Quelle frayeur !
SUZANNE, Le COMTE, CHÉRUBIN caché.
;Suzanne aperçoit le Comte.
Ah !…
//(Elle s’approche du fauteuil pour masquer Chérubin.)//
;Le Comte s’avance.
Tu es émue, Suzon ! tu parlais seule, et ton petit cœur paraît dans une agitation… bien pardonnable, au reste, un jour comme celui-ci.
;Suzanne, troublée.
Monseigneur, que me voulez-vous ? Si l’on vous trouvait avec moi…
;Le Comte.
Je serais désolé qu’on m’y surprît ; mais tu sais tout l’intérêt que je prends à toi. Basile ne t’a pas laissé ignorer mon amour. Je n’ai qu’un instant pour t’expliquer mes vues ; écoute.
//(Il s’assied dans le fauteuil.)//
;Suzanne, vivement.
Je n’écoute rien.
;Le Comte lui prend la main.
Un seul mot. Tu sais que le roi m’a nommé son ambassadeur à Londres. J’emmène avec moi Figaro, je lui donne un excellent poste ; et comme le devoir d’une femme est de suivre son mari…
;Suzanne.
Ah ! si j’osais parler !
;Le Comte la rapproche de lui.
Parle, parle, ma chère ; use aujourd’hui d’un droit que tu prends sur moi pour la vie.
;Suzanne, effrayée.
Je n’en veux point, monseigneur, je n’en veux point. Quittez-moi, je vous prie.
;Le Comte.
Mais dis auparavant.
;Suzanne, en colère.
Je ne sais plus ce que je disais.
;Le Comte.
Sur le devoir des femmes.
;Suzanne.
Eh bien ! lorsque monseigneur enleva la sienne de chez le docteur, et qu’il l’épousa par amour ; lorsqu’il abolit pour elle un certain affreux droit du seigneur…
;Le Comte, gaiement.
Qui faisait bien de la peine aux filles ! Ah ! Suzette, ce droit charmant ! si tu venais en jaser sur la brune, au jardin, je mettrais un tel prix à cette légère faveur…
;Basile parle en dehors.
Il n’est pas chez lui, monseigneur.
;Le Comte se lève.
Quelle est cette voix ?
;Suzanne.
Que je suis malheureuse !
;Le Comte.
Sors, pour qu’on n’entre pas.
;Suzanne, troublée.
Que je vous laisse ici ?
;Basile crie en dehors.
Monseigneur était chez madame, il en est sorti ; je vais voir.
;Le Comte.
Et pas un lieu pour se cacher ! Ah ! derrière ce fauteuil… assez mal ; mais renvoie-le bien vite.
//(Suzanne lui barre le chemin ; il la pousse doucement, elle recule, et se met ainsi entre lui et le petit page ; mais pendant que le comte s’abaisse et prend sa place, Chérubin tourne, et se jette effrayé sur le fauteuil, à genoux, et s’y blottit. Suzanne prend la robe qu’elle apportait, en couvre le page, et se met devant le fauteuil.)//
Le COMTE et CHÉRUBIN cachés, SUZANNE, BAZILE.
;Basile.
N’auriez-vous pas vu monseigneur, mademoiselle ?
;Suzanne, brusquement.
Hé ! pourquoi l’aurais-je vu ? Laissez-moi.
;Basile s’approche.
Si vous étiez plus raisonnable, il n’y aurait rien d’étonnant à ma question. C’est Figaro qui le cherche.
;Suzanne.
Il cherche donc l’homme qui lui veut le plus de mal après vous ?
;Le Comte, à part.
Voyons un peu comme il me sert.
;Basile.
Désirer du bien à une femme, est-ce vouloir du mal à son mari ?
;Suzanne.
Non, dans vos affreux principes, agent de corruption !
;Basile.
Que vous demande-t-on ici que vous n’alliez prodiguer à un autre ? Grâce à la douce cérémonie, ce qu’on vous défendait hier, on vous le prescrira demain.
;Suzanne.
Indigne !
;Basile.
De toutes les choses sérieuses, le mariage étant la plus bouffonne, j’avais pensé…
;Suzanne, outrée.
Des horreurs. Qui vous permet d’entrer ici ?
;Basile.
Là, là, mauvaise ! Dieu vous apaise ! il n’en sera que ce que vous voulez. Mais ne croyez pas non plus que je regarde monsieur Figaro comme l’obstacle qui nuit à monseigneur ; et, sans le petit page…
;Suzanne, timidement.
Don Chérubin ?
;Basile la contrefait.
Cherubino di amore, qui tourne autour de vous sans cesse, et qui ce matin encore rôdait ici pour y entrer, quand je vous ai quittée. Dites que cela n’est pas vrai ?
;Suzanne.
Quelle imposture ! Allez-vous-en, méchant homme !
;Basile.
On est un méchant homme parce qu’on y voit clair. N’est-ce pas pour vous aussi cette romance dont il fait mystère ?
;Suzanne, en colère.
Ah ! oui, pour moi !
;Basile.
À moins qu’il ne l’ait composée pour madame ! En effet, quand il sert à table, on dit qu’il la regarde avec des yeux !… Mais, peste, qu’il ne s’y joue pas ; monseigneur est brutal sur l’article.
;Suzanne, outrée.
Et vous bien scélérat, d’aller semant de pareils bruits pour perdre un malheureux enfant tombé dans la disgrâce de son maître.
;Basile.
L’ai-je inventé ? Je le dis, parce que tout le monde en parle.
;Le Comte se lève.
Comment, tout le monde en parle !
;Suzanne.
Ah ! ciel !
;Basile.
Ha, ha !
;Le Comte.
Courez, Basile, et qu’on le chasse.
;Basile.
Ah ! que je suis fâché d’être entré !
;Suzanne, troublée.
Mon Dieu ! mon Dieu !
;Le Comte, à Basile.
Elle est saisie. Asseyons-la dans ce fauteuil.
;Suzanne le repousse vivement.
Je ne veux pas m’asseoir. Entrer ainsi librement, c’est indigne !
;Le Comte.
Nous sommes deux avec toi, ma chère. Il n’y a plus le moindre danger !
;Basile.
Moi je suis désolé de m’être égayé sur le page, puisque vous l’entendiez ; je n’en usais ainsi que pour pénétrer ses sentiments, car au fond…
;Le Comte.
Cinquante pistoles, un cheval, et qu’on le renvoie à ses parents.
;Basile.
Monseigneur, pour un badinage ?
;Le Comte.
Un petit libertin que j’ai surpris encore hier avec la fille du jardinier.
;Basile.
Avec Fanchette ?
;Le Comte.
Et dans sa chambre.
;Suzanne, outrée.
Où monseigneur avait sans doute affaire aussi ?
;Le Comte, gaiement.
J’en aime assez la remarque.
;Basile.
Elle est d’un bon augure.
;Le Comte, gaiement.
Mais non ; j’allais chercher ton oncle Antonio, mon ivrogne de jardinier, pour lui donner des ordres. Je frappe, on est longtemps à m’ouvrir ; ta cousine a l’air empêtré, je prends un soupçon, je lui parle, et, tout en causant, j’examine. Il y avait derrière la porte une espèce de rideau, de porte-manteau, de je ne sais pas quoi, qui couvrait des hardes ; sans faire semblant de rien, je vais doucement, doucement lever ce rideau //(pour imiter le geste il lève la robe du fauteuil)//, et je vois… //(Il aperçoit le page.)// Ah !…
;Basile.
Ha, ha !
;Le Comte.
Ce tour-ci vaut l’autre.
;Basile.
Encore mieux.
;Le Comte, à Suzanne.
À merveille, mademoiselle : à peine fiancée, vous faites de ces apprêts ? C’était pour recevoir mon page que vous désiriez d’être seule ? Et vous, monsieur, qui ne changez point de conduite, il vous manquait de vous adresser, sans respect pour votre marraine, à sa première camériste, à la femme de votre ami ! Mais je ne souffrirai pas que Figaro, qu’un homme que j’estime et que j’aime, soit victime d’une pareille tromperie. Était-il avec vous, Basile ?
;Suzanne, outrée.
Il n’y a tromperie ni victime ; il était là lorsque vous me parliez.
;Le Comte, emporté.
Puisses-tu mentir en le disant ! son plus cruel ennemi n’oserait lui souhaiter ce malheur.
;Suzanne.
Il me priait d’engager madame à vous demander sa grâce. Votre arrivée l’a si fort troublé, qu’il s’est masqué de ce fauteuil.
;Le Comte, en colère.
Ruse d’enfer ! je m’y suis assis en entrant.
;Chérubin.
Hélas, monseigneur, j’étais tremblant derrière.
;Le Comte.
Autre fourberie ! je viens de m’y placer moi-même.
;Chérubin.
Pardon, mais c’est alors que je me suis blotti dedans.
;Le Comte, plus outré.
C’est donc une couleuvre que ce petit… serpent-là ! il nous écoutait !
;Chérubin.
Au contraire, monseigneur, j’ai fait ce que j’ai pu pour ne rien entendre.
;Le Comte.
Ô perfidie ! //(À Suzanne.)// Tu n’épouseras pas Figaro.
;Basile.
Contenez-vous, on vient.
;Le Comte, tirant Chérubin du fauteuil et le mettant sur ses pieds.
Il resterait là devant toute la terre !
CHÉRUBIN, SUZANNE, FIGARO, LA COMTESSE, LE COMTE, FANCHETTE, BASILE.
;//(Beaucoup de valets, paysannes, paysans vêtus de blanc.)//
;Figaro, tenant une toque de femme, garnie de plumes blanches et de rubans blancs, parle à la comtesse.
Il n’y a que vous, madame, qui puissiez nous obtenir cette faveur.
;La Comtesse.
Vous les voyez, monsieur le comte, ils me supposent un crédit que je n’ai point ; mais comme leur demande n’est pas déraisonnable…
;Le Comte, embarrassé.
Il faudrait qu’elle le fût beaucoup…
;Figaro, bas à Suzanne.
Soutiens bien mes efforts.
;Suzanne, bas à Figaro.
Qui ne mèneront à rien.
;Figaro, bas.
Va toujours.
;Le Comte, à Figaro.
Que voulez-vous ?
;Figaro.
Monseigneur, vos vassaux, touchés de l’abolition d’un certain droit fâcheux que votre amour pour madame…
;Le Comte.
Hé bien, ce droit n’existe plus : que veux-tu dire ?
;Figaro, malignement.
Qu’il est bien temps que la vertu d’un si bon maître éclate ! Elle m’est d’un tel avantage aujourd’hui, que je désire être le premier à la célébrer à mes noces.
;Le Comte, plus embarrassé.
Tu te moques, ami ! l’abolition d’un droit honteux n’est que l’acquit d’une dette envers l’honnêteté. Un Espagnol peut vouloir conquérir la beauté par des soins ; mais en exiger le premier, le plus doux emploi, comme une servile redevance : ah ! c’est la tyrannie d’un Vandale, et non le droit avoué d’un noble Castillan.
;Figaro, tenant Suzanne par la main.
Permettez donc que cette jeune créature, de qui votre sagesse a préservé l’honneur, reçoive de votre main publiquement la toque virginale, ornée de plumes et de rubans blancs, symbole de la pureté de vos intentions : adoptez-en la cérémonie pour tous les mariages, et qu’un quatrain chanté en chœur rappelle à jamais le souvenir…
;Le Comte, embarrassé.
Si je ne savais pas qu’amoureux, poëte et musicien, sont trois titres d’indulgence pour toutes les folies…
;Figaro.
Joignez-vous à moi, mes amis !
;Tous ensemble
Monseigneur ! monseigneur !
;Suzanne, au Comte.
Pourquoi fuir un éloge que vous méritez si bien ?
;Le Comte, à part.
La perfide !
;Figaro.
Regardez-la donc, monseigneur ; jamais plus jolie fiancée ne montrera mieux la grandeur de votre sacrifice.
;Suzanne.
Laisse là ma figure, et ne vantons que sa vertu.
;Le Comte, à part.
C’est un jeu que tout ceci.
;La Comtesse.
Je me joins à eux, monsieur le comte ; et cette cérémonie me sera toujours chère, puisqu’elle doit son motif à l’amour charmant que vous aviez pour moi.
;Le Comte.
Que j’ai toujours, madame ; et c’est à ce titre que je me rends.
;Tous ensemble
Vivat !
;Le Comte, à part.
Je suis pris. //(Haut.)// Pour que la cérémonie eût un peu plus d’éclat, je voudrais seulement qu’on la remît à tantôt. //(À part.)// Faisons vite chercher Marceline.
;Figaro, à Chérubin.
Eh bien ! espiègle, vous n’applaudissez pas ?
;Suzanne.
Il est au désespoir ; monseigneur le renvoie.
;La Comtesse.
Ah ! monsieur, je demande sa grâce.
;Le Comte.
Il ne la mérite point.
;La Comtesse.
Hélas ! il est si jeune !
;Le Comte.
Pas tant que vous le croyez.
;Chérubin, tremblant.
Pardonner généreusement n’est pas le droit du seigneur auquel vous avez renoncé en épousant madame.
;La Comtesse.
Il n’a renoncé qu’à celui qui vous affligeait tous.
;Suzanne.
Si monseigneur avait cédé le droit de pardonner, ce serait sûrement le premier qu’il voudrait racheter en secret.
;Le Comte, embarrassé.
Sans doute.
;La Comtesse.
Et pourquoi le racheter ?
;Chérubin, au comte.
Je fus léger dans ma conduite, il est vrai, monseigneur ; mais jamais la moindre indiscrétion dans mes paroles…
;Le Comte, embarrassé.
Eh bien ! c’est assez…
;Figaro.
Qu’entend-il ?
;Le Comte, vivement.
C’est assez, c’est assez ; tout le monde exige son pardon, je l’accorde, et j’irai plus loin : je lui donne une compagnie dans ma légion.
;Tous ensemble.
Vivat !
;Le Comte.
Mais c’est à condition qu’il partira sur-le-champ, pour joindre en Catalogne.
;Figaro.
Ah ! monseigneur, demain.
;Le Comte insiste.
Je le veux.
;Chérubin.
J’obéis.
;Le Comte.
Saluez votre marraine, et demandez sa protection.
//(Chérubin met un genou en terre devant la comtesse, et ne peut parler.)//
;La Comtesse, émue.
Puisqu’on ne peut vous garder seulement aujourd’hui, partez, jeune homme. Un nouvel état vous appelle ; allez le remplir dignement. Honorez votre bienfaiteur. Souvenez-vous de cette maison, où votre jeunesse a trouvé tant d’indulgence. Soyez soumis, honnête et brave ; nous prendrons part à vos succès.
//(Chérubin se relève, et retourne à sa place.)//
;Le Comte.
Vous êtes bien émue, madame !
;La Comtesse.
Je ne m’en défends pas. Qui sait le sort d’un enfant jeté dans une carrière aussi dangereuse ! Il est allié de mes parents ; et, de plus, il est mon filleul.
;Le Comte, à part.
Je vois que Basile avait raison. //(Haut.)// Jeune homme, embrassez Suzanne… pour la dernière fois.
;Figaro.
Pourquoi cela, monseigneur ? Il viendra passer ses hivers. Baise-moi donc aussi, capitaine ! //(Il l’embrasse.)// Adieu, mon petit Chérubin. Tu vas mener un train de vie bien différent, mon enfant : dame ! tu ne rôderas plus tout le jour au quartier des femmes ; plus d’échaudés, de goûtés à la crème ; plus de main-chaude ou de colin-maillard. De bons soldats, morbleu ! basanés, mal vêtus ; un grand fusil bien lourd ; tourne à droite, tourne à gauche, en avant, marche à la gloire ; et ne va pas broncher en chemin, à moins qu’un bon coup de feu…
;Suzanne.
Fi donc, l’horreur !
;La Comtesse.
Quel pronostic ?
;Le Comte.
Où donc est Marceline ? Il est bien singulier qu’elle ne soit pas des vôtres !
;Fanchette
Monseigneur, elle a pris le chemin du bourg, par le petit sentier de la ferme.
;Le Comte.
Et elle en reviendra…
;Basile.
Quand il plaira à Dieu.
;Figaro.
S’il lui plaisait qu’il ne lui plût jamais !…
;Fanchette
Monsieur le docteur lui donnait le bras.
;Le Comte, vivement.
Le docteur est ici ?
;Basile.
Elle s’en est d’abord emparée…
;Le Comte, à part.
Il ne pouvait venir plus à propos.
;Fanchette
Elle avait l’air bien échauffée ; elle parlait tout haut en marchant, puis elle s’arrêtait, et faisait comme ça de grands bras… ; et monsieur le docteur lui faisait comme ça de la main, en l’apaisant. Elle paraissait si courroucée ! elle nommait mon cousin Figaro.
;Le Comte lui prend le menton.
Cousin… futur.
;Fanchette, montrant Chérubin.
Monseigneur, nous avez-vous pardonné d’hier ?
;Le Comte interrompt.
Bonjour, bonjour, petite.
;Figaro.
C’est son chien d’amour qui la berce ; elle aurait troublé notre fête.
;Le Comte, à part.
Elle la troublera, je t’en réponds. //(Haut.)// Allons, madame, entrons. Basile, vous passerez chez moi.
;Suzanne, à Figaro.
Tu me rejoindras, mon fils ?
;Figaro, bas à Suzanne.
Est-il bien enfilé ?
;Suzanne, bas.
Charmant garçon !
//(Ils sortent tous.)//
CHÉRUBIN, FIGARO, BASILE.
;//(Pendant qu’on sort, Figaro les arrête tous deux et les ramène.)//
;Figaro.
Ah çà, vous autres, la cérémonie adoptée, ma fête de ce soir en est la suite ; il faut bravement nous recorder : ne faisons point comme ces acteurs qui ne jouent jamais si mal que le jour où la critique est le plus éveillée. Nous n’avons point de lendemain qui nous excuse, nous. Sachons bien nos rôles aujourd’hui.
;Basile, malignement.
Le mien est plus difficile que tu ne crois.
;Figaro, faisant, sans qu’il le voie, le geste de le rosser.
Tu es loin aussi de savoir tout le succès qu’il te vaudra.
;Chérubin.
Mon ami, tu oublies que je pars.
;Figaro.
Et toi, tu voudrais bien rester !
;Chérubin.
Ah ! si je le voudrais !
;Figaro.
Il faut ruser. Point de murmure à ton départ. Le manteau de voyage à l’épaule ; arrange ouvertement ta trousse, et qu’on voie ton cheval à la grille ; un temps de galop jusqu’à la ferme ; reviens à pied par les derrières ; monseigneur te croira parti ; tiens-toi seulement hors de sa vue ; je me charge de l’apaiser après la fête.
;Chérubin.
Mais Fanchette qui ne sait pas son rôle !
;Basile.
Que diable lui apprenez-vous donc, depuis huit jours que vous ne la quittez pas ?
;Figaro.
Tu n’a rien à faire aujourd’hui, donne-lui par grâce une leçon.
;Basile.
Prenez garde, jeune homme, prenez garde ! le père n’est pas satisfait ; la fille a été souffletée ; elle n’étudie pas avec vous. Chérubin ! Chérubin ! vous lui causerez des chagrins ! Tant va la cruche à l’eau…
;Figaro.
Ah ! voilà notre imbécile avec ses vieux proverbes ! Eh bien, pédant ! que dit la sagesse des nations ? Tant va la cruche à l’eau, qu’à la fin…
;Basile.
Elle s’emplit.
;Figaro, en s’en allant.
Pas si bête, pourtant, pas si bête !
SUZANNE ; LA COMTESSE entre par la porte à droite.
;La Comtesse se jette dans un bergère.
Ferme la porte, Suzanne, et conte-moi tout dans le plus grand détail.
;Suzanne.
Je n’ai rien caché à madame.
;La Comtesse.
Quoi ! Suzon, ((le Comte( ^^au lieu de :^^
il))) voulait te séduire ?
;Suzanne.
Oh ! que non ! monseigneur n’y met pas tant de façon avec sa servante : il voulait m’acheter.
;La Comtesse.
Et le petit page était présent ?
;Suzanne.
C’est-à-dire caché derrière le grand fauteuil. Il venait me prier de vous demander sa grâce.
;La Comtesse.
((Sa grâce ? Pourquoi donc ?(//^^Passage rajouté pour expliquer
- dans la réplique suivante
de Suzanne - pourquoi Chérubin
est chassé par le Comte^^//)))
;Suzanne.
((Le Comte l'a trouvé hier au soir chez ma cousine Fanchette ! Il s’est mis dans une fureur en le voyant ! —« Sortez ! petit… Sortez, et demain vous ne coucherez pas au château! »(//Repris de Acte I scène 7.//)))
;La Comtesse.
Hé ! pourquoi ne pas s’adresser à moi-même ? Est-ce que je l’aurais refusé, Suzon ?
;Suzanne.
C’est ce que j’ai dit : mais ses regrets de partir, et surtout de quitter madame ! Ah ! Suzon, qu’elle est noble et belle ! mais qu’elle est imposante !
;La Comtesse.
Est-ce que j’ai cet air-là, Suzon ? Moi qui l’ai toujours protégé.
;Suzanne.
Puis il a vu votre ruban de nuit que je tenais ; il s’est jeté dessus…
;La Comtesse, souriant.
Mon ruban ?… Quelle enfance !
;Suzanne.
J’ai voulu le lui ôter ; madame, c’était un lion ; ses yeux brillaient… Tu ne l’auras qu’avec ma vie, disait-il en forçant sa petite voix douce et grêle.
;La Comtesse, rêvant.
Eh bien, Suzon ?
;Suzanne.
Eh bien, madame, est-ce qu’on peut faire finir ce petit démon-là ? Ma marraine par-ci ; je voudrais bien par l’autre : et parce qu’il n’oserait seulement baiser la robe de madame, il voudrait toujours m’embrasser, moi.
;La Comtesse, rêvant.
Laissons… laissons ces folies… Enfin, ma pauvre Suzanne, mon époux a fini par te dire…
;Suzanne.
Que si je ne voulais pas l’entendre, il allait ((favoriser les vues de Marceline sur mon Figaro( ^^au lieu de :^^
protéger Marceline))).
;La Comtesse se lève et se promène, en se servant fortement de l’éventail.
Il ne m’aime plus du tout.
;Suzanne.
Pourquoi tant de jalousie ?
;La Comtesse.
Comme tous les maris, ma chère ! uniquement par orgueil. Ah ! je l’ai trop aimé ; je l’ai lassé de mes tendresses et fatigué de mon amour : voilà mon seul tort avec lui ; mais je n’entends pas que cet honnête aveu te nuise, et tu épouseras Figaro. Lui seul peut nous y aider : viendra-t-il ?
;Suzanne.
Dès qu’il verra partir la chasse.
;La Comtesse, se servant de l’éventail.
Ouvre un peu la croisée sur le jardin. Il fait une chaleur ici !…
;Suzanne.
C’est que madame parle et marche avec action.
//(Elle va ouvrir la croisée du fond.)//
;La Comtesse, rêvant longtemps.
Sans cette constance à me fuir… Les hommes sont bien coupables !
;Suzanne crie, de la fenêtre.
Ah ! voilà monseigneur qui traverse à cheval le grand potager, suivi de Pédrille, avec deux, trois, quatre lévriers.
;La Comtesse.
Nous avons du temps devant nous. //(Elle s’assied.)// On frappe, Suzon !
;Suzanne court ouvrir en chantant.
Ah ! c’est mon Figaro ! ah ! c’est mon Figaro ! {{outline floatright{[[?|lmf202]]}}}
FIGARO, SUZANNE, LA COMTESSE, assise.
;Suzanne.
Mon cher ami, viens donc ! Madame est dans une impatience !…
;Figaro.
Et toi, ma petite Suzanne ? — Madame n’en doit prendre aucune. Au fait, de quoi s’agit-il ? d’une misère. Monsieur le comte trouve notre jeune femme aimable, il voudrait en faire sa maîtresse ; et c’est bien naturel.
;Suzanne.
Naturel ?
;Figaro.
Puis il m’a nommé courrier de dépêches, et Suzon conseiller d’ambassade. Il n’y a pas là d’étourderie.
;Suzanne.
Tu finiras ?
;Figaro.
Et parce que ma Suzanne, ma fiancée, n’accepte pas le diplôme, il va favoriser les vues de Marceline : quoi de plus simple encore ? Se venger de ceux qui nuisent à nos projets en renversant les leurs, c’est ce que chacun fait, c’est ce que nous allons faire nous-mêmes. Eh bien, voilà tout, pourtant.
;La Comtesse.
Pouvez-vous, Figaro, traiter si légèrement un dessein qui nous coûte à tous le bonheur ?
;Figaro.
Qui dit cela, madame ?
;Suzanne.
Au lieu de t’affliger de nos chagrins…
;Figaro.
N’est-ce pas assez que je m’en occupe ? Or, pour agir aussi méthodiquement que lui, tempérons d’abord son ardeur de nos possessions, en l’inquiétant sur les siennes.
;La Comtesse.
C’est bien dit ; mais comment ?
;Figaro.
C’est déjà fait, madame ; un faux avis donné sur vous…
;La Comtesse.
Sur moi ? la tête vous tourne !
;Figaro.
Oh ! c’est à lui qu’elle doit tourner.
;La Comtesse.
Un homme aussi jaloux !…
;Figaro.
Tant mieux ! pour tirer parti des gens de ce caractère, il ne faut qu’un peu leur fouetter le sang : c’est ce que les femmes entendent si bien ! Puis, les tient-on fâchés tout rouge, avec un brin d’intrigue on les mène où l’on veut, par le nez, dans le Guadalquivir. Je vous ai fait rendre à Basile un billet inconnu, lequel avertit monseigneur qu’un galant doit chercher à vous voir aujourd’hui pendant le bal.
;La Comtesse.
Et vous vous jouez ainsi de la vérité sur le compte d’une femme d’honneur !…
;Figaro.
Il y en a peu, madame, avec qui je l’eusse osé, crainte de rencontrer juste.
;La Comtesse.
Il faudra que je l’en remercie !
;Figaro.
Mais dites-moi s’il n’est pas charmant de lui avoir taillé ses morceaux de la journée, de façon qu’il passe à rôder, à jurer après sa dame, le temps qu’il destinait à se complaire avec la nôtre ! Il est déjà tout dérouté : galopera-t-il celle-ci ? surveillera-t-il celle-là ? Dans son trouble d’esprit, tenez, tenez, le voilà qui court la plaine, et force un lièvre qui n’en peut mais. L’heure du mariage arrive en poste ; il n’aura pas pris de parti contre, et jamais il n’osera s’y opposer devant madame.
;Suzanne.
Non ; mais Marceline, le bel esprit, osera le faire, elle.
;Figaro.
Brrrr. Cela m’inquiète bien, ma foi ! Tu feras dire à monseigneur que tu te rendras sur la brune au jardin.
;Suzanne.
Tu comptes sur celui-là ?
;Figaro.
Oh ! dame, écoutez donc ; les gens qui ne veulent rien faire de rien n’avancent rien, et ne sont bons à rien. Voilà mon mot.
;Suzanne.
Il est joli !
;La Comtesse.
Comme son idée : vous consentiriez qu’elle s’y rendît ?
;Figaro.
Point du tout. Je fais endosser un habit de Suzanne à quelqu’un : surpris par nous au rendez-vous, le comte pourra-t-il s’en dédire ?
;Suzanne.
À qui mes habits ?
;Figaro.
Chérubin.
;La Comtesse.
Il est parti.
;Figaro.
Non pas pour moi ; veut-on me laisser faire ?
;Suzanne.
On peut s’en fier à lui pour mener une intrigue.
;Figaro.
Deux, trois, quatre à la fois ; bien embrouillées, qui se croisent. J’étais né pour être courtisan.
;Suzanne.
On dit que c’est un métier si difficile !
;Figaro.
Recevoir, prendre, et demander : voilà le secret en trois mots.
;La Comtesse.
Il a tant d’assurance qu’il finit par m’en inspirer.
;Figaro.
C’est mon dessein.
;Suzanne.
Tu disais donc…
;Figaro.
Que, pendant l’absence de monseigneur, je vais vous envoyer le Chérubin : coiffez-le, habillez-le ; je le renferme et l’endoctrine ; et puis dansez, monseigneur.
//(Il sort.)//
SUZANNE ; LA COMTESSE, assise.
;La Comtesse, tenant sa boîte à mouches.
Mon Dieu, Suzon, comme je suis faite !… ce jeune homme qui va venir !…
;Suzanne.
Madame ne veut donc pas qu’il en réchappe ?
;La Comtesse rêve devant sa petite glace.
Moi ?… tu verras comme je vais le gronder.
;Suzanne.
Faisons-lui chanter sa romance.
//(Elle la met sur la Comtesse.)//
;La Comtesse.
Mais c’est qu’en vérité mes cheveux sont dans un désordre…
;Suzanne, riant.
Je n’ai qu’à reprendre ces deux boucles, madame le grondera bien mieux.
;La Comtesse, revenant à elle.
Qu’est-ce que vous dites donc, mademoiselle ?
2.04
;Suzanne.
Entrez, monsieur l’officier ; on est visible.
;Chérubin //avance en tremblant.//
Ah ! que ce nom m’afflige, madame ! il m’apprend qu’il faut quitter des lieux… une marraine si… bonne !…
;Suzanne.
Et si belle !
;Chérubin, avec un soupir.
Ah ! oui.
;Suzanne le contrefait.
Ah ! oui. Le bon jeune homme ! avec ses longues paupières hypocrites ! Allons, bel oiseau bleu, chantez la romance à madame.
;La Comtesse, la déplie.
De qui… dit-on qu’elle est ?
;Suzanne.
Voyez la rougeur du coupable : en a-t-il un pied sur les joues !
;Chérubin.
Est-ce qu’il est défendu… de chérir…
;Suzanne lui met le poing sous le nez.
Je dirai tout, vaurien !
;La Comtesse.
Là… chante-t-il ?
;Chérubin.
Oh ! madame, je suis si tremblant !…
;Suzanne, en riant.
Et gnian, gnian, gnian, gnian, gnian, gnian, gnian ; dès que madame le veut, modeste auteur ! (( . . . (Je vais l’accompagner.
;La Comtesse.
Prends ma guitare.)))
//(La Comtesse, assise, tient le papier pour suivre. Suzanne est derrière son fauteuil, et prélude en regardant la musique par-dessus sa maîtresse. Le petit page est devant elle, les yeux baissés. Ce tableau est juste la belle estampe d’après Vanloo, appelée LA CONVERSATION ESPAGNOLE.)//
;ROMANCE
//((Ne chanter que trois couplets...(...sauf si on fait participer lepublic !)))//
<<<
;Air : Marlbroug s’en va-t-en guerre.
;Premier couplet.
Mon coursier hors d’haleine,
//(Que mon cœur, mon cœur a de peine !)//
J’errais de plaine en plaine,
Au gré du destrier.
Au gré du destrier
;Deuxième couplet.
Sans varlet, n’écuyer ;Là près d’une fontaine,
//(Que mon cœur, mon cœur a de peine !)//
Songeant à ma marraine,
Sentais mes pleurs couler.
Sentais mes pleurs couler,
;Troisième couplet.
Prêt à me désoler :
Je gravais sur un frêne,
//(Que mon cœur, mon cœur a de peine !)//
Sa lettre sans la mienne.
Le roi vint à passer.
;Quatrième couplet.
Le roi vint à passer,
Ses barons, son clergier.
Beau page, dit la reine,
//(Que mon cœur, mon cœur a de peine !)//
Qui vous met à la gêne ?
Qui vous fait tant plorer ?
Qui vous fait tant plorer ?
;Cinquième couplet.
Nous faut le déclarer. —
Madame et souveraine,
//(Que mon cœur, mon cœur a de peine !)//
J’avais une marraine,
Que toujours adorai.
Que toujours adorai
;Sixième couplet.
Je sens que j’en mourrai. —
Beau page, dit la reine,
//(Que mon cœur, mon cœur a de peine !)//
N’est-il qu’une marraine ?
Je vous en servirai.
Je vous en servirai
;Septième couplet.
Mon page vous ferai
Puis à ma jeune Hélène,
//(Que mon cœur, mon cœur a de peine !)//
Fille d’un capitaine,
Un jour vous marierai.
Un jour vous marierai.
!!!!Huitième_couplet
Nenni, n’en faut parler :
Je veux, traînant ma chaîne,
//(Que mon cœur, mon cœur a de peine !)//
Mourir de cette peine,
Mais non m’en consoler.
Mais non m’en consoler.
<<<
;La Comtesse.
Il y a de la naïveté… du sentiment même.
;Suzanne va poser la guitare sur un fauteuil.
Oh ! pour du sentiment, c’est un jeune homme qui… Ah çà, monsieur l’officier, vous a-t-on dit que, pour égayer la soirée, nous voulons savoir d’avance si un de mes habits vous ira passablement ?
;La Comtesse.
J’ai peur que non.
;Suzanne se mesure avec lui.
Il est de ma grandeur. Ôtons d’abord le manteau.
//(Elle le détache.)//
;La Comtesse.
Et si quelqu’un entrait ?
;Suzanne.
Est-ce que nous faisons du mal donc ? Je vais fermer la porte. //(elle court)// Mais c’est la coiffure que je veux voir.
;La Comtesse.
Sur ma toilette, une baigneuse à moi.
//(Suzanne entre dans le cabinet dont la porte est au bord du théâtre.)// {{outline floatright{[[?|lmf205]]}}}
2.05
CHÉRUBIN ; LA COMTESSE, assise.
;La Comtesse.
Jusqu’à l’instant du bal, le comte ignorera que vous soyez au château. Nous lui dirons après que le temps d’expédier votre brevet nous a fait naître l’idée…
;Chérubin le lui montre.
Hélas ! madame, le voici ; Basile me l’a remis de sa part.
;La Comtesse.
Déjà ? l’on a craint d’y perdre une minute. //(Elle lit.)// Ils se sont tant pressés, qu’ils ont oublié d’y mettre son cachet.
//(Elle le lui rend.)// {{outline floatright{[[?|lmf206]]}}}
2.06
CHÉRUBIN, LA COMTESSE, SUZANNE.
;Suzanne entre avec un grand bonnet.
Le cachet, à quoi ?
;La Comtesse.
À son brevet.
;Suzanne.
Déjà ?
;La Comtesse.
C’est ce que je disais. Est-ce là ma baigneuse ?
;Suzanne s’assied près de la comtesse.
Et la plus belle de toutes.
//(Elle chante avec des épingles dans sa bouche.)//
Tournez-vous donc envers ici,
Jean de Lyra, mon bel ami.
//(Chérubin se met à genoux. Elle le coiffe.)//
Madame, il est charmant !
;La Comtesse.
Arrange son collet d’un air un peu plus féminin.
;Suzanne l’arrange.
Là… mais voyez donc ce morveux, comme il est joli en fille ! J’en suis jalouse, moi ! //(Elle lui prend le menton.)// Voulez-vous bien n’être pas joli comme ça ?
;La Comtesse.
Qu’elle est folle ! Il faut relever la manche, afin que l’amadis prenne mieux… //(Elle le retrousse.)// Qu’est-ce qu’il a donc au bras ? Un ruban ?
;Suzanne.
Et un ruban à vous. Je suis bien aise madame l’ait vu. Je lui avais dit que je le dirais, déjà ! Oh ! si monseigneur n’était pas venu, j’aurais bien repris le ruban, car je suis presque aussi forte que lui.
;La Comtesse.
Il y a du sang !
//(Elle détache le ruban.)//
;Chérubin, honteux.
Ce matin, comptant partir, j’arrangeais la gourmette de mon cheval ; il a donné de la tête, et la bossette m’a effleuré le bras.
;La Comtesse.
On n’a jamais mis un ruban…
;Suzanne.
Et surtout un ruban volé. — Voyons donc ce que la bossette… la courbette… la cornette du cheval… Je n’entends rien à tous ces noms-là. — Ah ! qu’il a le bras blanc ! c’est comme une femme ! plus blanc que le mien ! Regardez donc, madame !
//(Elle les compare.)//
;La Comtesse, d’un ton glacé.
Occupez-vous plutôt de m’avoir du taffetas gommé dans ma toilette.
//(Suzanne lui pousse la tête en riant ; il tombe sur les deux mains. Elle entre dans le cabinet au bord du théâtre.)// {{outline floatright{[[?|lmf207]]}}}
2.07
CHÉRUBIN, à genoux ; LA COMTESSE, assise.
;La Comtesse reste un moment sans parler, les yeux sur son ruban. Chérubin la dévore de ses regards.
Pour mon ruban, monsieur… comme c’est celui dont la couleur m’agrée le plus… j’étais fort en colère de l’avoir perdu. {{outline floatright{[[?|lmf208]]}}}
2.08
CHÉRUBIN, à genoux ; LA COMTESSE, assise ; SUZANNE.
;Suzanne, revenant.
Et la ligature à son bras ?
//(Elle remet à la comtesse du taffetas gommé et des ciseaux.)//
;La Comtesse.
En allant lui chercher tes hardes, prends le ruban d’un autre bonnet. //(Suzanne sort par la porte du fond, en emportant le manteau du page.)// {{outline floatright{[[?|lmf209]]}}}
2.09
CHÉRUBIN, à genoux ; LA COMTESSE, assise.
;Chérubin, les yeux baissés.
Celui qui m’est ôté m’aurait guéri en moins de rien.
;La Comtesse.
Par quelle vertu ? //(Lui montrant le taffetas.)// Ceci vaut mieux.
;Chérubin, hésitant.
Quand un ruban… a serré la tête… ou touché la peau d’une personne…
;La Comtesse, coupant la phrase.
… Étrangère, il devient bon pour les blessures ? J’ignorais cette propriété. Pour l’éprouver, je garde celui-ci qui vous a serré le bras. À la première égratignure… de mes femmes, j’en ferai l’essai.
;Chérubin, pénétré.
Vous le gardez, et moi je pars !
;La Comtesse.
Non pour toujours.
;Chérubin.
Je suis si malheureux !
;La Comtesse, émue.
Il pleure à présent ! C’est ce vilain Figaro avec son pronostic !
;Chérubin, exalté.
Ah ! je voudrais toucher au terme qu’il m’a prédit ! Sûr de mourir à l’instant, peut-être ma bouche oserait…
;La Comtesse l’interrompt, et lui essuie les yeux avec son mouchoir.
Taisez-vous, taisez-vous, enfant. Il n’y a pas un brin de raison dans tout ce que vous dites. //(On frappe à la porte, elle élève la voix.)// Qui frappe ainsi chez moi ? {{outline floatright{[[?|lmf210]]}}}
2.10
CHÉRUBIN, LA COMTESSE ; LE COMTE, en dehors.
;Le Comte, en dehors.
Pourquoi donc enfermée ?
;La Comtesse, troublée, se lève.
C’est mon époux ! grands dieux !… //(À Chérubin, qui s’est levé aussi.)// Vous sans manteau, le col et les bras nus ! seul avec moi ! cet air de désordre, un billet reçu, sa jalousie !…
;Le Comte, en dehors.
Vous n’ouvrez pas ?
;La Comtesse.
C’est que… je suis seule.
;Le Comte, en dehors.
Seule ! avec qui parlez-vous donc ?
;La Comtesse, cherchant.
… Avec vous sans doute.
;Chérubin, à part.
Après les scènes d’hier et de ce matin, il me tuerait sur la place !
//(Il court au cabinet de toilette, y entre, et tire la porte sur lui.)// {{outline floatright{[[?|lmf211]]}}}
2.11
;LA COMTESSE, seule, en ôte la clef, et court ouvrir au Comte.
Ah ! quelle faute ! quelle faute ! {{outline floatright{[[?|lmf212]]}}}
2.12
LE COMTE, LA COMTESSE.
;Le Comte, d’un ton un peu sévère.
Vous n’êtes pas dans l’usage de vous enfermer !
;La Comtesse, troublée.
Je… je chiffonnais… Oui, je chiffonnais avec Suzanne ; elle est passée un moment chez elle.
;Le Comte l’examine.
Vous avez l’air et le ton bien altérés !
;La Comtesse.
Cela n’est pas étonnant… pas étonnant du tout… je vous assure… nous parlions de vous… Elle est passée, comme je vous dis…
;Le Comte.
Vous parliez de moi !… Je suis ramené par l’inquiétude : en montant à cheval, un billet qu’on m’a remis, mais auquel je n’ajoute aucune foi, m’a… pourtant agité.
;La Comtesse.
Comment, monsieur ?… quel billet ?
;Le Comte.
Il faut avouer, madame, que vous ou moi sommes entourés d’êtres… bien méchants ! On me donne avis que, dans la journée, quelqu’un que je crois absent doit chercher à vous entretenir.
;La Comtesse.
Quel que soit cet audacieux, il faudra qu’il pénètre ici : car mon projet est de ne pas quitter ma chambre de tout le jour.
;Le Comte.
Ce soir, pour la noce de Suzanne ?
;La Comtesse.
Pour rien au monde ; je suis très incommodée.
;Le Comte.
Heureusement le docteur est ici. //(Le page fait tomber une chaise dans le cabinet.)// Quel bruit entends-je ?
;La Comtesse, plus troublée.
Du bruit ?
;Le Comte.
On a fait tomber un meuble.
;La Comtesse.
Je… je n’ai rien entendu, pour moi.
;Le Comte.
Il faut que vous soyez furieusement préoccupée !
;La Comtesse.
Préoccupée ! de quoi ?
;Le Comte.
Il y a quelqu’un dans ce cabinet, madame.
;La Comtesse.
Hé… qui voulez-vous qu’il y ait, monsieur ?
;Le Comte.
C’est moi qui vous le demande ; j’arrive.
;La Comtesse.
Hé ! mais… Suzanne apparemment qui range.
;Le Comte.
Vous avez dit qu’elle était passée chez elle !
;La Comtesse.
Passée… ou entrée là ; je ne sais lequel.
;Le Comte.
Si c’est Suzanne, d’où vient le trouble où je vous vois ?
;La Comtesse.
Du trouble pour ma camériste ?
;Le Comte.
Pour votre camériste, je ne sais ; mais pour du trouble, assurément.
;La Comtesse.
Assurément, monsieur, cette fille vous trouble et vous occupe beaucoup plus que moi.
;Le Comte, en colère.
Elle m’occupe à tel point, madame, que je veux la voir à l’instant.
;La Comtesse.
Je crois, en effet, que vous le voulez souvent ; mais voilà bien les soupçons les moins fondés… {{outline floatright{[[?|lmf213]]}}}
2.13
LE COMTE, LA COMTESSE ; SUZANNE entre avec des hardes et pousse la porte du fond.
;Le Comte.
Ils en seront plus aisés à détruire. //(Il crie en regardant du côté du cabinet.)// Sortez, Suzon ; je vous l’ordonne !
//(Suzanne s’arrête auprès de l’alcôve dans le fond.)//
;La Comtesse.
Elle est presque nue, monsieur ; vient-on troubler ainsi des femmes dans leur retraite ? Elle essayait des hardes que je lui donne en la mariant ; elle s’est enfuie, quand elle vous a entendu.
;Le Comte.
Si elle craint tant de se montrer, au moins elle peut parler. //(Il se tourne vers la porte du cabinet.)// Répondez-moi, Suzanne ; êtes-vous dans ce cabinet ?
//(Suzanne, restée au fond, se jette dans l’alcôve et s’y cache.)//
;La Comtesse, vivement, tournée vers le cabinet.
Suzon, je vous défends de répondre. //(Au Comte.)// On n’a jamais poussé si loin la tyrannie !
;Le Comte s’avance vers le cabinet.
Oh ! bien, puisqu’elle ne parle pas, vêtue ou non, je la verrai.
;La Comtesse se met au-devant.
Partout ailleurs je ne puis l’empêcher ; mais j’espère aussi que chez moi…
;Le Comte.
Et moi j’espère savoir dans un moment quelle est cette Suzanne mystérieuse. Vous demander la clef serait, je le vois, inutile ; mais il est un moyen sûr de jeter en dedans cette légère porte. Holà, quelqu’un !
;La Comtesse.
Attirer vos gens, et faire un scandale public d’un soupçon qui nous rendrait la fable du château ?
;Le Comte.
Fort bien, madame. En effet, j’y suffirai ; je vais à l’instant prendre chez moi ce qu’il faut… //(Il marche pour sortir, et revient.)// Mais, pour que tout reste au même état, voudrez-vous bien m’accompagner sans scandale et sans bruit, puisqu’il vous déplaît tant ?… Une chose aussi simple, apparemment, ne me sera pas refusée !
;La Comtesse, troublée.
Eh ! monsieur, qui songe à vous contrarier ?
;Le Comte.
Ah ! j’oubliais la porte qui va chez vos femmes ; il faut que je la ferme aussi, pour que vous soyez pleinement justifiée.
//(Il va fermer la porte du fond et en ôte la clef.)//
;La Comtesse, à part.
Ô ciel ! étourderie funeste !
;Le Comte, revenant à elle.
Maintenant que cette chambre est close, acceptez mon bras, je vous prie ; //(il élève la voix)// et quant à la Suzanne du cabinet, il faudra qu’elle ait la bonté de m’attendre ; et le moindre mal qui puisse lui arriver à mon retour…
;La Comtesse.
En vérité, monsieur, voilà bien la plus odieuse aventure…
//(Le Comte l’emmène et ferme la porte à la clef.)// {{outline floatright{[[?|lmf214]]}}}
2.14
SUZANNE, CHÉRUBIN.
;Suzanne, sort de l’alcôve, accourt au cabinet et parle à travers la serrure.
Ouvrez, Chérubin, ouvrez vite, c’est Suzanne ; ouvrez, et sortez.
;Chérubin sort.
Ah ! Suzon, quelle horrible scène !
;Suzanne.
Sortez, vous n’avez pas une minute !
;Chérubin, effrayé.
Et par où sortir ?
;Suzanne.
Je n’en sais rien, mais sortez.
;Chérubin.
S’il n’y a pas d’issue ?
;Suzanne.
Après la rencontre de tantôt, il vous écraserait, et nous serions perdues. — Courez conter à Figaro…
;Chérubin.
La fenêtre du jardin n’est peut-être pas bien haute.
//(Il court y regarder.)//
;Suzanne, avec effroi.
Un grand étage ! impossible ! Ah ! ma pauvre maîtresse ! Et mon mariage ? ô ciel !
;Chérubin, revient.
Elle donne sur la melonnière : quitte à gâter une couche ou deux.
;Suzanne, le retient et s’écrie.
Il va se tuer !
;Chérubin, exalté.
Dans un gouffre allumé, Suzon ! oui, je m’y jetterais plutôt que de lui nuire… Et ce baiser va me porter bonheur.
//(Il l’embrasse et court sauter par la fenêtre.)// {{outline floatright{[[?|lmf215]]}}}
;Le Comte,
//Parlant dans le pavillon, et attirant quelqu’un qu’on ne voit pas encore.//
Tous vos efforts sont inutiles ; vous êtes perdue, madame, et votre heure est bien arrivée !
//(Il sort sans regarder.)//
Quel bonheur qu’aucun gage d’une union aussi détestée…
;Figaro, s’écrie.
Chérubin !
;Le Comte.
Mon page ?
;Basile.
Ha ! ha !
;Le Comte, hors de lui, //(À part.)//
Et toujours le page endiablé ! //(À Chérubin.)// Que faisiez-vous dans ce salon ?
;Chérubin, timidement.
Je me cachais, comme vous me l’avez ordonné.
;Pédrille.
Bien la peine de crever un cheval !
;Le Comte.
Entres-y, toi, Antonio ; conduis devant son juge l’infâme qui m’a déshonoré.
;Brid’oison.
C’est madame que vous y-y cherchez ?
;Antonio.
L’y a, parguenne, une bonne Providence ! vous en avez tant fait dans le pays…
;Le Comte, furieux.
Entre donc !
//(Antonio entre.)//
{{center red medium{__Scène XV Les précédents, excepté ANTONIO.__}}}
;Le Comte.
Vous allez voir, messieurs, que le page n’y était pas seul.
;Chérubin, timidement.
Mon sort eût été trop cruel, si quelque âme sensible n’en eût adouci l’amertume.
2.15
SUZANNE, seule ; un cri de frayeur.
:Ah !…
://(Elle tombe assise un moment. Elle va péniblement regarder à la fenêtre et revient.)//
:Il est déjà bien loin. Ô le petit garnement ! aussi leste que joli ! Si celui-là manque de femmes… Prenons sa place au plus tôt.
://(En entrant dans le cabinet.)//
:Vous pouvez à présent, monsieur le comte, rompre la cloison, si cela vous amuse ; au diantre qui répond un mot !
://(Elle s’y enferme.)// {{outline floatright{[[?|lmf216]]}}}
2.16
LE COMTE, LA COMTESSE rentrent dans la chambre.
;Le Comte, une pince à la main, qu’il jette sur le fauteuil.
Tout est bien comme je l’ai laissé. Madame, en m’exposant à briser cette porte, réfléchissez aux suites : encore une fois, voulez-vous l’ouvrir ?
;La Comtesse.
Eh ! monsieur, quelle horrible humeur peut altérer ainsi les égards entre deux époux ? Si l’amour vous dominait au point de vous inspirer ces fureurs, malgré leur déraison, je les excuserais ; j’oublierais peut-être, en faveur du motif, ce qu’elles ont d’offensant pour moi. Mais la seule vanité peut-elle jeter dans cet excès un galant homme ?
;Le Comte.
Amour ou vanité, vous ouvrirez la porte, ou je vais à l’instant…
;La Comtesse, au-devant.
Arrêtez, monsieur, je vous prie ! Me croyez-vous capable de manquer à ce que je me dois ?
;Le Comte.
Tout ce qu’il vous plaira, madame ; mais je verrai qui est dans ce cabinet.
;La Comtesse, effrayée.
Eh bien, monsieur, vous le verrez. Écoutez-moi… tranquillement.
;Le Comte.
Ce n’est donc pas Suzanne ?
;La Comtesse, timidement.
Au moins n’est-ce pas non plus une personne… dont vous deviez rien redouter… Nous disposions une plaisanterie… bien innocente, en vérité, pour ce soir… ; et je vous jure…
;Le Comte.
Et vous me jurez…
;La Comtesse.
Que nous n’avions pas plus dessein de vous offenser l’un que l’autre.
;Le Comte, vite.
L’un que l’autre ? C’est un homme.
;La Comtesse.
Un enfant, monsieur.
;Le Comte.
Hé, qui donc ?
;La Comtesse.
À peine osé-je le nommer !
;Le Comte, furieux.
Je le tuerai.
;La Comtesse.
Grands dieux !
;Le Comte.
Parlez donc !
;La Comtesse.
Ce jeune… Chérubin…
;Le Comte.
Chérubin ! l’insolent ! Voilà mes soupçons et le billet expliqués.
;La Comtesse, joignant les mains.
Ah ! monsieur ! gardez de penser…
;Le Comte, frappant du pied.
//(À part.)// Je trouverai partout ce maudit page ! //(Haut.)// Allons, madame, ouvrez ; je sais tout maintenant. Vous n’auriez pas été si émue, en le congédiant ce matin, il serait parti quand je l’ai ordonné, vous n’auriez pas mis tant de fausseté dans votre conte de Suzanne, il ne se serait pas si soigneusement caché, s’il n’y avait rien de criminel.
;La Comtesse.
Il a craint de vous irriter en se montrant.
;Le Comte, hors de lui, et criant vers le cabinet.
Sors donc, petit malheureux !
;La Comtesse le prend à bras-le-corps, en l’éloignant.
Ah ! monsieur, monsieur, votre colère me fait trembler pour lui. N’en croyez pas un injuste soupçon, de grâce ! et que le désordre où vous l’allez trouver…
;Le Comte.
Du désordre !
;La Comtesse.
Hélas ! oui : prêt à s’habiller en femme, une coiffure à moi sur la tête, en veste et sans manteau, le col ouvert, les bras nus ; il allait essayer…
;Le Comte.
Et vous vouliez garder votre chambre ! Indigne épouse ! ah ! vous la garderez… longtemps ; mais il faut avant que j’en chasse un insolent, de manière à ne plus le rencontrer nulle part.
;La Comtesse se jette à genoux, les bras élevés.
Monsieur le comte, épargnez un enfant ; je ne me consolerais pas d’avoir causé…
;Le Comte.
Vos frayeurs aggravent son crime.
;La Comtesse.
Il n’est pas coupable, il partait : c’est moi qui l’ai fait appeler.
;Le Comte, furieux.
Levez-vous. Ôtez-vous… Tu es bien audacieuse d’oser me parler pour un autre !
;La Comtesse.
Eh bien ! je m’ôterai, monsieur, je me lèverai ; je vous remettrai même la clef du cabinet : mais, au nom de votre amour…
;Le Comte.
De mon amour, perfide !
;La Comtesse se lève, et lui présente la clef.
Promettez-moi que vous laisserez aller cet enfant sans lui faire aucun mal ; et puisse, après, tout votre courroux tomber sur moi, si je ne vous convaincs pas…
;Le Comte, prenant la clef.
Je n’écoute plus rien.
;La Comtesse se jette sur une bergère, un mouchoir sur les yeux.
Ô ciel ! il va périr !
;Le Comte ouvre la porte, et recule.
C’est Suzanne ! {{outline floatright{[[?|lmf217]]}}}
2.17
LA COMTESSE, LE COMTE, SUZANNE.
;Suzanne sort en riant.
Je le tuerai, je le tuerai ! Tuez-le donc, ce méchant page.
;Le Comte, à part.
Ah ! quelle école ! //(Regardant la comtesse, qui est restée stupéfaite.)// Et vous aussi, vous jouez l’étonnement ?… Mais peut-être elle n’y est pas seule.
//(Il entre.)// {{outline floatright{[[?|lmf218]]}}}
2.18
LA COMTESSE, assise ; SUZANNE.
;Suzanne, accourt à sa maîtresse.
Remettez-vous, madame ; il est bien loin ; il a fait un saut…
;La Comtesse.
Ah ! Suzon, je suis morte ! {{outline floatright{[[?|lmf219]]}}}
2.19 - LA COMTESSE, assise, SUZANNE, LE COMTE.
;Le Comte sort du cabinet d’un air confus. Après un court silence :
Il n’y a personne, et pour le coup j’ai tort. — Madame… vous jouez fort bien la comédie.
;Suzanne, gaiement.
Et moi, monseigneur ?
//(La comtesse, son mouchoir sur la bouche pour se remettre, ne parle pas.)//
;Le Comte s’approche.
Quoi ! madame, vous plaisantiez ?
;La Comtesse, se remettant un peu.
Eh pourquoi non, monsieur ?
;Le Comte.
Quel affreux badinage ! et par quel motif, je vous prie… ?
;La Comtesse.
Vos folies méritent-elles de la pitié ?
;Le Comte.
Nommer folies ce qui touche à l’honneur !
;La Comtesse, assurant son ton par degrés.
Me suis-je unie à vous pour être éternellement dévouée à l’abandon et à la jalousie, que vous seul osez concilier ?
;Le Comte.
Ah ! madame, c’est sans ménagement.
;Suzanne.
Madame n’avait qu’à vous laisser appeler les gens !
;Le Comte.
Tu as raison, et c’est à moi de m’humilier… Pardon, je suis d’une confusion !…
;Suzanne.
Avouez, monseigneur, que vous la méritez un peu.
;Le Comte.
Pourquoi donc ne sortais-tu pas lorsque je t’appelais, mauvaise !
;Suzanne.
Je me rhabillais de mon mieux, à grand renfort d’épingles ; et madame, qui me le défendait, avait bien ses raisons pour le faire.
;Le Comte.
Au lieu de rappeler mes torts, aide-moi plutôt à l’apaiser.
;La Comtesse.
Non, monsieur ; un pareil outrage ne se couvre point. Je vais me retirer aux Ursulines, et je vois trop qu’il en est temps.
;Le Comte.
Le pourriez-vous sans quelques regrets ?
;Suzanne.
Je suis sûre, moi, que le jour du départ serait la veille des larmes.
;La Comtesse.
Et quand cela serait, Suzon ? J’aime mieux le regretter que d’avoir la bassesse de lui pardonner ; il m’a trop offensée.
;Le Comte.
Rosine !…
;La Comtesse.
e ne la suis plus, cette Rosine que vous avez tant poursuivie ! je suis la pauvre comtesse Almaviva, la triste femme délaissée, que vous n’aimez plus.
;Suzanne.
Madame !
;Le Comte, suppliant.
Par pitié !
;La Comtesse.
Vous n’en aviez aucune pour moi.
;Le Comte.
Mais aussi ce billet… Il m’a tourné le sang !
;La Comtesse.
Je n’avais pas consenti qu’on l’écrivît.
;Le Comte.
Vous le saviez ?
;La Comtesse.
C’est cet étourdi de Figaro…
;Le Comte.
Il en était ?
;La Comtesse.
… Qui l’a remis à Basile.
;Le Comte.
Qui m’a dit le tenir d’un paysan. Ô perfide chanteur, lame à deux tranchants ! c’est toi qui payeras pour tout le monde.
;La Comtesse.
Vous demandez pour vous un pardon que vous refusez aux autres : voilà bien les hommes ! Ah ! si jamais je consentais à pardonner en faveur de l’erreur où vous a jeté ce billet, j’exigerais que l’amnistie fût générale.
;Le Comte.
Eh bien ! de tout mon cœur, comtesse. Mais comment réparer une faute aussi humiliante ?
;La Comtesse se lève.
Elle l’était pour tous deux.
;Le Comte.
Ah ! dites pour moi seul. — Mais je suis encore à concevoir comment les femmes prennent si vite et si juste l’air et le ton des circonstances. Vous rougissiez, vous pleuriez, votre visage était défait… D’honneur, il l’est encore.
;La Comtesse, s’efforçant de sourire.
Je rougissais… du ressentiment de vos soupçons. Mais les hommes sont-ils assez délicats pour distinguer l’indignation d’une âme honnête outragée, d’avec la confusion qui naît d’une accusation méritée ?
;Le Comte, souriant.
Et ce page en désordre, en veste, et presque nu…
;La Comtesse, montrant Suzanne.
Vous le voyez devant vous. N’aimez-vous pas mieux l’avoir trouvé que l’autre ? En général vous ne haïssez pas de rencontrer celui-ci.
;Le Comte, riant plus fort.
Et ces prières, ces larmes feintes…
;La Comtesse.
Vous me faites rire, et j’en ai peu d’envie.
;Le Comte.
Nous croyons valoir quelque chose en politique, et nous ne sommes que des enfants. C’est vous, c’est vous, madame, que le roi devrait envoyer en ambassade à Londres ! Il faut que votre sexe ait fait une étude bien réfléchie de l’art de se composer, pour réussir à ce point !
;La Comtesse.
C’est toujours vous qui nous y forcez.
;Suzanne.
Laissez-nous prisonniers sur parole, et vous verrez si nous sommes gens d’honneur.
;La Comtesse.
Brisons là, monsieur le Comte. J’ai peut-être été trop loin ; mais mon indulgence, en un cas aussi grave, doit au moins m’obtenir la vôtre.
;Le Comte.
Mais vous répéterez que vous me pardonnez ?
;La Comtesse.
Est-ce que je l’ai dit, Suzon ?
;Suzanne.
Je ne l’ai pas entendu, madame.
;Le Comte.
Eh bien ! que ce mot vous échappe.
;La Comtesse.
Le méritez-vous donc, ingrat ?
;Le Comte.
Oui, par mon repentir.
;Suzanne.
Soupçonner un homme dans le cabinet de madame !
;Le Comte.
Elle m’en a si sévèrement puni !
;Suzanne.
Ne pas s’en fier à elle, quand elle dit que c’est sa camériste !
;Le Comte.
Rosine, êtes-vous donc implacable ?
;La Comtesse.
Ah ! Suzon, que je suis faible ! quel exemple je te donne ! //(Tendant la main au comte.)// On ne croira plus à la colère des femmes.
;Suzanne.
Bon ! madame, avec eux ne faut-il pas toujours en venir là ?
//(Le Comte baise ardemment la main de sa femme.)// {{outline floatright{[[?|lmf220]]}}}
2.20
;Figaro, arrivant tout essoufflé.
On disait madame incommodée. Je suis vite accouru… Je vois avec joie qu’il n’en est rien.
;Le Comte, sèchement.
Vous êtes fort attentif.
;Figaro.
Et c’est mon devoir. Mais puisqu’il n’en est rien, monseigneur, tous vos jeunes vassaux des deux sexes sont en bas avec les violons et les cornemuses, attendant, pour m’accompagner, l’instant où vous permettrez que je mène ma fiancée…
;Le Comte.
Et qui surveillera la comtesse au château ?
;Figaro.
La veiller ! elle n’est pas malade.
;Le Comte.
Non ; mais cet homme absent qui doit l’entretenir ?
;Figaro.
Quel homme absent ?
;Le Comte.
L’homme du billet que vous avez remis à Basile.
;Figaro.
Qui dit cela ?
;Le Comte.
Quand je ne le saurais pas d’ailleurs, fripon, ta physionomie, qui t’accuse, me prouverait déjà que tu mens.
;Figaro.
S’il est ainsi, ce n’est pas moi qui mens, c’est ma physionomie.
;Suzanne.
Va, mon pauvre Figaro, n’use pas ton éloquence en défaites ; nous avons tout dit.
;Figaro.
Et quoi dit ? Vous me traitez comme un Basile !
;Suzanne.
Que tu avais écrit le billet de tantôt pour faire accroire à monseigneur, quand il entrerait, que le petit page était dans ce cabinet, où je me suis enfermée.
;Le Comte.
Qu’as-tu à répondre ?
;La Comtesse.
Il n’y a plus rien à cacher, Figaro ; le badinage est consommé.
;Figaro, cherchant à deviner.
Le badinage… est consommé ?
;Le Comte.
Oui, consommé. Que dis-tu là-dessus ?
;Figaro.
Moi ! je dis… que je voudrais bien qu’on en pût dire autant de mon mariage ; et si vous l’ordonnez…
;Le Comte.
Tu conviens donc enfin du billet ?
;Figaro.
Puisque madame le veut, que Suzanne le veut, que vous le voulez vous-même, il faut bien que je le veuille aussi : mais à votre place, en vérité, monseigneur, je ne croirais pas un mot de tout ce que nous vous disons.
;Le Comte.
Toujours mentir contre l’évidence ! À la fin, cela m’irrite.
;La Comtesse, en riant.
Eh ! ce pauvre garçon ! pourquoi voulez-vous, monsieur, qu’il dise une fois la vérité ?
;Figaro, bas à Suzanne.
Je l’avertis de son danger ; c’est tout ce qu’un honnête homme peut faire.
;Suzanne, bas.
As-tu vu le petit page ?
;Figaro, bas.
Encore tout froissé.
;Suzanne, bas.
Ah ! pécaïre !
;La Comtesse.
Allons, monsieur le comte, ils brûlent de s’unir : leur impatience est naturelle ; entrons pour la cérémonie.
;Le Comte, à part.
Et Marceline, Marceline… //(Haut.)// Je voudrais être… au moins vêtu.
;La Comtesse.
Pour nos gens ! Est-ce que je le suis ? {{outline floatright{[[?|lmf221]]}}}
2.21
;Antonio, demi-gris, tenant un pot de giroflées écrasées.
Monseigneur ! monseigneur !
;Le Comte.
Que me veux-tu, Antonio ?
;Antonio.
Faites donc une fois griller les croisées qui donnent sur mes couches ! On jette toutes sortes de choses par ces fenêtres ; et tout à l’heure encore on vient d’en jeter un homme.
;Le Comte.
Par ces fenêtres ?
;Antonio.
Regardez comme on arrange mes giroflées !
;Suzanne, bas à Figaro.
Alerte, Figaro, alerte !
;Figaro.
Monseigneur, il est gris dès le matin.
;Antonio.
Vous n’y êtes pas. C’est un petit reste d’hier. Voilà comme on fait des jugements… ténébreux.
;Le Comte, avec feu.
Cet homme ! cet homme ! où est-il ?
;Antonio.
Où il est ?
;Le Comte.
Oui.
;Antonio.
C’est ce que je dis. Il faut me le trouver, déjà. Je suis votre domestique ; il n’y a que moi qui prends soin de votre jardin ; il y tombe un homme, et vous sentez… que ma réputation en est effleurée.
;Suzanne, bas à Figaro.
Détourne, détourne.
;Figaro.
Tu boiras donc toujours ?
;Antonio.
Eh ! si je ne buvais pas, je deviendrais enragé.
;La Comtesse.
Mais en prendre ainsi sans besoin…
;Antonio.
Boire sans soif et faire l’amour en tout temps, madame, il n’y a que ça qui nous distingue des autres bêtes.
;Le Comte, vivement.
Réponds-moi donc, ou je vais te chasser.
;Antonio.
Est-ce que je m’en irais ?
;Le Comte.
Comment donc ?
;Antonio, se touchant le front.
Si vous n’avez pas assez de ça pour garder un bon domestique, je ne suis pas assez bête, moi, pour renvoyer un si bon maître.
;Le Comte le secoue avec colère.
On a, dis-tu, jeté un homme par cette fenêtre ?
;Antonio.
Oui, mon Excellence ; tout à l’heure, en veste blanche, et qui s’est enfui, jarni, courant…
;Le Comte, impatienté.
Après ?
;Antonio.
J’ai bien voulu courir après ; mais je me suis donné contre la grille une si fière gourde à la main, que je ne peux plus remuer ni pied ni patte de ce doigt-là.
//(Levant le doigt.)//
;Le Comte.
Au moins tu reconnaîtrais l’homme ?
;Antonio.
Oh ! que oui-dà !… si je l’avais vu, pourtant !
;Suzanne, bas à Figaro.
Il ne l’a pas vu.
;Figaro.
Voilà bien du train pour un pot de fleurs ! combien te faut-il, pleurard, avec ta giroflée ? Il est inutile de chercher, monseigneur ; c’est moi qui ai sauté.
;Le Comte.
Comment, c’est vous !
;Antonio.
Combien te faut-il, pleurard ? Votre corps a donc bien grandi depuis ce temps-là ? car je vous ai trouvé beaucoup plus moindre et plus fluet.
;Figaro.
Certainement ; quand on saute, on se pelotonne…
;Antonio.
M’est avis que c’était plutôt… qui dirait, le gringalet de page.
;Le Comte.
Chérubin, tu veux dire ?
;Figaro.
Oui, revenu tout exprès avec son cheval de la porte de Séville, où peut-être il est déjà.
;Antonio.
Oh ! non, je ne dis pas ça, je ne dis pas ça ; je n’ai pas vu sauter de cheval, car je le dirais de même.
;Le Comte.
Quelle patience !
;Figaro.
J’étais dans la chambre des femmes, en veste blanche : il fait un chaud !… J’attendais là ma Suzannette, quand j’ai ouï tout à coup la voix de monseigneur, et le grand bruit qui se faisait : je ne sais quelle crainte m’a saisi à l’occasion de ce billet ; et, s’il faut avouer ma bêtise, j’ai sauté sans réflexion sur les couches, où je me suis même un peu foulé le pied droit.
//(Il frotte son pied.)//
;Antonio.
Puisque c’est vous, il est juste de vous rendre ce brimborion de papier qui a coulé de votre vest, en tombant.
;Le Comte se jette dessus.
Donne-le-moi.
//(Il ouvre le papier et le referme.)//
;Figaro, à part.
Je suis pris.
;Le Comte, à Figaro.
La frayeur ne vous aura pas fait oublier ce que contient ce papier, ni comment il se trouvait dans votre poche ?
;Figaro, embarrassé, fouille dans ses poches et en tire des papiers.
Non sûrement… Mais c’est que j’en ai tant ! Il faut répondre à tout… //(Il regarde un des papiers.)// Ceci ? ah ! c’est une lettre de Marceline, en quatre pages ; elle est belle !… Ne serait-ce pas la requête de ce pauvre braconnier en prison ?… Non, la voici… J’avais l’état des meubles du petit château dans l’autre poche…
//(Le Comte rouvre le papier qu’il tient.)//
;La Comtesse, bas à Suzanne.
Ah ! dieux ! Suzon, c’est le brevet d’officier.
;Suzanne, bas à Figaro.
Tout est perdu, c’est le brevet.
;Le Comte, replie le papier.
Eh bien ! l’homme aux expédients, vous ne devinez pas ?
;Antonio, s’approchant de Figaro.
Monseigneur dit si vous ne devinez pas ?
;Figaro le repousse.
Fi donc ! vilain, qui me parle dans le nez !
;Le Comte.
Vous ne vous rappelez pas ce que ce peut être ?
;Figaro.
A, a, a, ah ! povero ! ce sera le brevet de ce malheureux enfant, qu’il m’avait remis, et que j’ai oublié de lui rendre. O o, o, oh ! étourdi que je suis ! que fera-t-il sans son brevet ? Il faut courir…
;Le Comte.
Pourquoi vous l’aurait-il remis ?
;Figaro, embarrassé.
Il… désirait qu’on y fît quelque chose.
;Le Comte regarde son papier.
Il n’y manque rien.
;La Comtesse, bas à Suzanne.
Le cachet.
;Suzanne, bas à Figaro.
Le cachet manque.
;Le Comte, à Figaro.
Vous ne répondez pas ?
;Figaro.
C’est… qu’en effet, il y manque peu de chose. Il dit que c’est l’usage…
;Le Comte.
L’usage ! l’usage ! l’usage de quoi ?
;Figaro.
D’y apposer le sceau de vos armes. Peut-être aussi que cela ne valait pas la peine.
;Le Comte rouvre le papier et le chiffonne de colère.
Allons, il est écrit que je ne saurai rien. //(À part.)// C’est ce Figaro qui les mène, et je ne m’en vengerais pas ! //(Il veut sortir avec dépit.)//
;Figaro, l’arrêtant.
Vous sortez sans ordonner mon mariage ? {{outline floatright{[[?|lmf222]]}}}
222
;Marceline, au comte.
Ne l’ordonnez pas, monseigneur ! Avant de lui faire grâce, vous nous devez justice. Il a des engagements avec moi.
;Le Comte, à part.
Voilà ma vengeance arrivée.
;Figaro.
Des engagements ! de quelle nature ? Expliquez-vous.
;Marceline.
Oui, je m’expliquerai, malhonnête !
//(La comtesse s’assied sur une bergère. Suzanne est derrière elle.)//
;Le Comte.
De quoi s’agit-il, Marceline ?
;Marceline.
D’une obligation de mariage.
;Figaro.
Un billet, voilà tout, pour de l’argent prêté.
;Marceline, au comte.
Sous condition de m’épouser. Vous êtes un grand seigneur, le premier juge de la province…
;Le Comte.
Présentez-vous au tribunal, j’y rendrai justice à tout le monde.
+++[ . . . ]@@
;Basile, montrant Marceline.
En ce cas, votre grandeur permet que je fasse aussi valoir mes droits sur Marceline ?
;Le Comte, à part.
Ah ! voilà mon fripon du billet.
;Figaro.
Autre fou de la même espèce !
;Le Comte, en colère, à Basile.
Vos droits ! vos droits ! Il vous convient bien de parler devant moi, maître sot !
;Antonio, frappant dans sa main.
Il ne l’a, ma foi, pas manqué du premier coup : c’est son nom.
;Le Comte.
Marceline, on suspendra tout jusqu’à l’examen de vos titres, qui se fera publiquement dans la grande salle d’audience. Honnête Basile, agent fidèle et sûr, allez au bourg chercher les gens du siège.
;Basile.
Pour son affaire ?
;Le Comte.
Et vous m’amènerez le paysan du billet.
;Basile.
Est-ce que je le connais ?
;Le Comte.
Vous résistez !
;Basile.
Je ne suis pas entré au château pour en faire les commissions.
;Le Comte.
Quoi donc ?
;Basile.
Homme à talent sur l’orgue du village, je montre le clavecin à madame, à chanter à ses femmes, la mandoline aux pages ; et mon emploi surtout est d’amuser votre compagnie avec ma guitare, quand il vous plaît me l’ordonner.
;Grippe-Soleil s’avance.
J’irai bien, monsigneu, si cela vous plaira.
;Le Comte.
Quel est ton nom et ton emploi ?
;Grippe-Soleil
Je suis Grippe-Soleil, mon bon signeu ; le petit patouriau des chèvres, commandé pour le feu d’artifice. C’est fête aujourd’hui dans le troupiau ; et je sais ous-ce-qu’est toute l’enragée boutique à procès du pays.
;Le Comte.
Ton zèle me plaît ; vas-y ; mais vous //(à Basile)//, accompagnez monsieur en jouant de la guitare, et chantant pour l’amuser en chemin. Il est de ma compagnie.
;Grippe-Soleil, joyeux.
Oh ! moi, je suis de la…
//(Suzanne l’apaise de la main, en lui montrant la comtesse.)//
;Basile, surpris.
Que j’accompagne Grippe-Soleil en jouant ?…
;Le Comte.
C’est votre emploi. Partez ou je vous chasse. //(Il sort.)//@@
=== {{outline floatright{[[?|lmf224]]}}}
2.23
+++[ . . . ]@@
;Basile, à lui-même.
Ah ! je n’irai pas lutter contre le pot de fer, moi qui ne suis…
;Figaro.
Qu’une cruche.
;Basile, à part.
Au lieu d’aider à leur mariage, je m’en vais assurer le mien avec Marceline. //(À Figaro.)// Ne conclus rien, crois-moi, que je ne sois de retour.
//(Il va prendre la guitare sur le fauteuil du fond.)//
@@ ===
;Figaro le suit.
+++[ . . . ]@@Conclure ! oh ! va, ne crains rien ; quand même tu ne reviendrais jamais… Tu n’as pas l’air en train de chanter : veux-tu que je commence ?…=== Allons, gai, haut la-mi-la, pour ma fiancée.
//(Il se met en marche à reculons, danse en chantant la séguidille suivante. Basile accompagne, et tout le monde le suit.)//
;SÉGUIDILLE
Air noté.
<<<
Je préfère à la richesse
La sagesse
De ma Suzon,
Zon, zon, zon,
Zon, zon, zon,
Zon, zon, zon,
Zon, zon, zon.
Aussi sa gentillesse
Est maîtresse
De ma raison,
Zon, zon, zon,
Zon, zon, zon,
Zon, zon, zon,
Zon, zon, zon. @@
<<<
//(Le bruit s’éloigne ; on n’entend pas le reste.)// {{outline floatright{[[?|lmf224]]}}}
2.24
;La Comtesse, dans sa bergère.
Vous voyez, Suzanne, la jolie scène que votre étourdi m’a value avec son billet.
;Suzanne.
Ah ! madame, quand je suis rentrée du cabinet, si vous aviez vu votre visage ! il s’est terni tout à coup ; mais ce n’a été qu’un nuage, et par degrés vous êtes devenue rouge, rouge, rouge !
;La Comtesse.
Il a donc sauté par la fenêtre ?
;Suzanne.
Sans hésiter, le charmant enfant ! Léger… comme une abeille !
;La Comtesse.
Ah ! ce fatal jardinier ! Tout cela m’a remuée au point… que je ne pouvais rassembler deux idées.
;Suzanne.
Ah ! madame, au contraire ; et c’est là que j’ai vu combien l’usage du grand monde donne d’aisance aux dames comme il faut, pour mentir sans qu’il y paraisse.
;La Comtesse.
Crois-tu que le comte en soit la dupe ? Et s’il trouvait cet enfant au château !
;Suzanne.
Je vais recommander de le cacher si bien…
+++[ . . . ]@@
;La Comtesse.
Il faut qu’il parte. Après ce qui vient d’arriver, vous croyez bien que je ne suis pas tentée de l’envoyer au jardin à votre place.
;Suzanne.
Il est certain que je n’irai pas non plus. Voilà donc mon mariage encore une fois…
;La Comtesse, se lève.
Attends… Au lieu d’un autre, ou de toi, si j’y allais moi-même ?
;Suzanne.
Vous, madame ?
;La Comtesse.
Il n’y aurait personne d’exposé… Le comte alors ne pourrait nier… Avoir puni sa jalousie, et lui prouver son infidélité ! cela serait… Allons : le bonheur d’un premier hasard m’enhardit à tenter le second. Fais-lui savoir promptement que tu te rendras au jardin. Mais surtout que personne…
;Suzanne.
Ah ! Figaro.
;La Comtesse.
Non, non. Il voudrait mettre ici du sien… Mon masque de velours, et ma canne ; que j’aille y rêver sur la terrasse. @@ ===
//(Suzanne entre dans le cabinet de toilette.)// {{outline floatright{[[?|lmf225]]}}}
2.25
;LA COMTESSE
+++[ . . . ]@@Il est assez effronté, mon petit projet ! @@ ===//(Elle se retourne.)// Ah ! le ruban ! Mon joli ruban, je t’oubliais ! //(Elle le prend sur sa bergère et le roule.)// Tu ne me quitteras plus… tu me rappelleras la scène où ce malheureux enfant… +++[ . . . ]@@Ah ! monsieur le comte, qu’avez-vous fait ?… Et moi, que fais-je en ce moment ? @@ === {{outline floatright{[[?|lmf304]]}}}
+++[ . . . ] //(La Comtesse met furtivement le ruban dans son sein.)//
;Suzanne.
Voici la canne et votre loup.
;La Comtesse.
Souviens-toi que je t’ai défendu d’en dire un mot à Figaro.
;Suzanne, avec joie.
Madame, il est charmant, votre projet ! Je viens d’y réfléchir. Il rapproche tout, termine tout, embrasse tout ; et, quelque chose qui arrive, mon mariage est maintenant certain. //(Elle baise la main de sa maîtresse. Elles sortent.)//
===
<<<
//Pendant l’entracte, des valets arrangent la salle d’audience. On apporte les deux banquettes à dossier des avocats, que l’on place aux deux côtés du théâtre, de façon que le passage soit libre par-derrière. On pose une estrade à deux marches dans le milieu du théâtre, vers le fond, sur laquelle on place le fauteuil du comte. On met la table du greffier et son tabouret de côté sur le devant, et des sièges pour Brid’oison et d’autres juges, des deux côtés de l’estrade du comte.//
<<<
;//PÉDRILLEen veste, botté, tenant un paquet cacheté.//
;Le Comte, //vite//.
M’as-tu bien entendu ?
;Pédrille.
Excellence, oui.
//(Il sort.)//
{{center red medium{__Scène II LE COMTE, //seul, criant//.__}}}
;LE COMTE.
Pédrille ?
{{center red medium{__Scène III //PÉDRILLE revient.//__}}}
;Pédrille.
Excellence ?
;Le Comte.
On ne t’a pas vu ?
;Pédrille.
Âme qui vive.
;Le Comte.
Prenez le cheval barbe.
;Pédrille.
Il est à la grille du potager, tout sellé.
;Le Comte.
Ferme, d’un trait, jusqu’à Séville.
;Pédrille.
Il n’y a que trois lieues, elles sont bonnes.
;Le Comte.
En descendant, sachez si le page est arrivé.
;Pédrille.
Dans l’hôtel ?
;Le Comte.
Oui ; surtout depuis quel temps.
;Pédrille.
J’entends.
;Le Comte.
Remets-lui son brevet, et reviens vite.
;Pédrille.
Et s’il n’y était pas ?
;Le Comte.
Revenez plus vite, et m’en rendez compte. Allez.
3.04
;LE COMTE
+++[ . . . ]@@J’ai fait une gaucherie en éloignant Basile !… La colère n’est bonne à rien.@@
===
:— Ce billet +++[ . . . ]@@remis par lui,@@ ===qui m’avertit d’une entreprise sur la comtesse ; la camériste enfermée quand j’arrive ; la maîtresse affectée d’une terreur fausse ou vraie ; un homme qui saute par la fenêtre, et l’autre après qui avoue… ou qui prétend que c’est lui…
:Le fil m’échappe. Il y a là-dedans une obscurité…
:Des libertés chez mes vassaux, qu’importe à gens de cette étoffe ? Mais la comtesse ! si quelque insolent attentait…
:Où m’égaré-je ? En vérité, quand la tête se monte, l’imagination la mieux réglée devient folle comme un rêve !
:— Elle s’amusait ; ces ris étouffés, cette joie mal éteinte !
:— Elle se respecte ; et mon honneur… où diable on l’a placé ! De l’autre part, où suis-je ? Cette friponne de Suzanne a-t-elle trahi mon secret ?… Comme il n’est pas encore le sien !… :Qui donc m’enchaîne à cette fantaisie ? j’ai voulu vingt fois y renoncer
:… Étrange effet de l’irrésolution ! si je la voulais sans débat, je la désirerais mille fois moins. — Ce Figaro se fait bien attendre ! il faut le sonder adroitement //(Figaro paraît dans le fond, il s’arrête)//, et tâcher, dans la conversation que je vais avoir avec lui, de démêler d’une manière détournée s’il est instruit ou non de mon amour pour Suzanne. {{outline floatright{[[?|lmf305]]}}}
3.05
;Figaro, à part.
Nous y voilà.
;Le Comte.
… S’il en sait par elle un seul mot…
;Figaro, à part.
Je m’en suis douté.
;Le Comte.
… Je lui fais épouser ((cette vieille Marceline( ^^//au lieu de// :^^
la vieille.)))
+++[ . . . ]@@
;Figaro, //à part.//
Les amours de monsieur Basile ? @@
;Le Comte.
===
… Et voyons ce que nous ferons de ((la jeune Suzanne( ^^//au lieu de// :^^
la jeune)))
;Figaro, à part.
Ah ! ma femme, s’il vous plaît.
;Le Comte se retourne.
Hein ? quoi ? qu’est-ce que c’est ?
;Figaro s’avance.
Moi, qui me rends à vos ordres.
;Le Comte.
Et pourquoi ces mots ?…
;Figaro.
Je n’ai rien dit.
;Le Comte répète.
« Ma femme, s’il vous plaît »?
;Figaro.
C’est… la fin d’une réponse que je faisais : Allez le dire à ma femme, s’il vous plaît.
;Le Comte se promène.
Sa femme !… Je voudrais bien savoir quelle affaire peut arrêter monsieur, quand je le fais appeler ?
;Figaro, feignant d’assurer son habillement.
Je m’étais sali sur ces couches en tombant ; je me changeais.
;Le Comte.
Faut-il une heure ?
;Figaro.
Il faut le temps.
;Le Comte.
Les domestiques ici… sont plus longs à s’habiller que les maîtres !
;Figaro.
C’est qu’ils n’ont point de valets pour les y aider.
;Le Comte.
…Je n’ai pas trop compris ce qui vous avait forcé tantôt de courir un danger inutile, en vous jetant…
;Figaro.
Un danger ! on dirait que je me suis engouffré tout vivant…
;Le Comte.
Essayez de me donner le change en feignant de le prendre, insidieux valet ! Vous entendez fort bien que ce n’est pas le danger qui m’inquiète, mais le motif.
;Figaro.
Sur un faux avis, vous arrivez furieux, renversant tout, comme le torrent de la Morena ; vous cherchez un homme, il vous le faut, ou vous allez briser les portes, enfoncer les cloisons ! Je me trouve là par hasard : qui sait, dans votre emportement si…
;Le Comte, interrompant.
Vous pouviez fuir par l’escalier.
;Figaro.
Et vous, me prendre au corridor.
;Le Comte, en colère.
Au corridor ! //(À part.)// Je m’emporte, et nuis à ce que je veux savoir.
;Figaro, à part.
Voyons-le venir, et jouons serré.
;Le Comte, radouci.
Ce n’est pas ce que je voulais dire ; laissons cela. J’avais… oui, j’avais quelque envie de t’emmener à Londres, courrier de dépêches… mais, toutes réflexions faites…
;Figaro.
Monseigneur a changé d’avis ?
;Le Comte.
Premièrement, tu ne sais pas l’anglais.
;Figaro.
Je sais God-dam.
;Le Comte.
Je n’entends pas.
;Figaro.
Je dis que je sais God-dam.
;Le Comte.
Eh bien ?
;Figaro.
Diable ! c’est une belle langue que l’anglais, il en faut peu pour aller loin. Avec God-dam, en Angleterre, on ne manque de rien nulle part. Voulez-vous tâter d’un bon poulet gras ? entrez dans une taverne, et faites seulement ce geste au garçon. //(Il tourne la broche.)// God-dam ! on vous apporte un pied de bœuf salé, sans pain. C’est admirable ! Aimez-vous à boire un coup d’excellent bourgogne ou de clairet ? rien que celui-ci. //(Il débouche une bouteille.)// God-dam ! on vous sert un pot de bière, en bel étain, la mousse aux bords. Quelle satisfaction ! Rencontrez-vous une de ces jolies personnes qui vont trottant menu, les yeux baissés, coudes en arrière, et tortillant un peu des hanches ? mettez mignardement tous les doigts unis sur la bouche. Ah ! God-dam ! elle vous sangle un soufflet de crocheteur : preuve qu’elle entend. Les Anglais, à la vérité, ajoutent par-ci, par-là, quelques autres mots en conversant ; mais il est bien aisé de voir que God-dam est le fond de la langue ; et si monseigneur n’a pas d’autre motif de me laisser en Espagne…
;Le Comte, à part.
Il veut venir à Londres ; elle n’a pas parlé.
;Figaro, à part.
Il croit que je ne sais rien ; travaillons-le un peu dans son genre.
;Le Comte.
Quel motif avait la comtesse pour me jouer un pareil tour ?
;Figaro.
Ma foi, monseigneur, vous le savez mieux que moi.
;Le Comte.
Je la préviens sur tout, et la comble de présents.
;Figaro.
Vous lui donnez, mais vous êtes infidèle. Sait-on gré du superflu à qui nous prive du nécessaire ?
;Le Comte.
… Autrefois tu me disais tout.
;Figaro.
Et maintenant je ne vous cache rien.
;Le Comte.
Combien la comtesse t’a-t-elle donné pour cette belle association ?
;Figaro.
Combien me donnâtes-vous ((à Séville pour la tirer des mains d'un rival ?( ^^//au lieu de ://^^
pour la tirer des mains du docteur ?))) Tenez, monseigneur, n’humilions pas l’homme qui nous sert bien, crainte d’en faire un mauvais valet.
;Le Comte.
Pourquoi faut-il qu’il y ait toujours du louche en ce que tu fais ?
;Figaro.
C’est qu’on en voit partout quand on cherche des torts.
;Le Comte.
Une réputation détestable !
;Figaro.
Et si je vaux mieux qu’elle ? Y a-t-il beaucoup de seigneurs qui puissent en dire autant ?
;Le Comte.
Cent fois je t’ai vu marcher à la fortune, et jamais aller droit.
;Figaro.
Comment voulez-vous ? La foule est là : chacun veut courir, on se presse, on pousse, on coudoie, on renverse ; arrive qui peut, le reste est écrasé. Aussi c’est fait ; pour moi, j’y renonce.
;Le Comte.
À la fortune ? //(À part.)// Voici du neuf.
;Figaro.
//(À part.)// À mon tour maintenant. //(Haut.)// Votre Excellence m’a gratifié de la conciergerie du château ; c’est un fort joli sort : à la vérité, je ne serai pas le courrier étrenné des nouvelles intéressantes ; mais, en revanche, heureux avec ma femme au fond de l’Andalousie…
;Le Comte.
Qui t’empêcherait de l’emmener à Londres ?
;Figaro.
Il faudrait la quitter si souvent, que j’aurais bientôt du mariage par-dessus la tête.
;Le Comte.
Avec du caractère et de l’esprit, tu pourrais un jour t’avancer dans les bureaux.
;Figaro.
De l’esprit pour s’avancer ? Monseigneur se rit du mien. Médiocre et rampant, et l’on arrive à tout.
;Le Comte.
…Il ne faudrait qu’étudier un peu sous moi la politique.
;Figaro.
Je la sais.
;Le Comte.
Comme l’anglais : le fond de la langue !
;Figaro.
Oui, s’il y avait ici de quoi se vanter. Mais feindre d’ignorer ce qu’on sait, de savoir tout ce qu’on ignore ; d’entendre ce qu’on ne comprend pas, de ne point ouïr ce qu’on entend ; surtout de pouvoir au delà de ses forces ; avoir souvent pour grand secret de cacher qu’il n’y en a point ; s’enfermer pour tailler des plumes, et paraître profond quand on n’est, comme on dit, que vide et creux ; jouer bien ou mal un personnage ; répandre des espions et pensionner des traîtres ; amollir des cachets, intercepter des lettres, et tâcher d’ennoblir la pauvreté des moyens par l’importance des objets : voilà toute la politique, ou je meure !
;Le Comte.
Eh ! c’est l’intrigue que tu définis !
;Figaro.
La politique, l’intrigue, volontiers ; mais, comme je les crois un peu germaines, en fasse qui voudra ! J’aime mieux ma mie, oh gai ! comme dit la chanson du bon roi.
;Le Comte, à part.
Il veut rester. J’entends… Suzanne m’a trahi.
;Figaro, à part.
Je l’enfile, et le paye en sa monnaie.
;Le Comte.
Ainsi tu espères gagner ton procès contre Marceline ?
;Figaro.
Me feriez-vous un crime de refuser une vieille fille, quand Votre Excellence se permet de nous souffler toutes les jeunes ?
;Le Comte, raillant.
Au tribunal le magistrat s’oublie, et ne voit plus que l’ordonnance.
;Figaro.
Indulgente aux grands, dure aux petits…
;Le Comte.
Crois-tu donc que je plaisante ?
;Figaro.
Eh ! qui le sait, monseigneur ? //Tempo è galant’uomo//, dit l’Italien ; il dit toujours la vérité : c’est lui qui m’apprendra qui me veut du mal ou du bien.
;Le Comte, à part.
Je vois qu’on lui a tout dit. Il épousera la duègne.
;Figaro, à part.
Il a joué au fin avec moi, qu’a-t-il appris ? {{outline floatright{[[?|lmf306-7]]}}}
3.06
;((L'huissier( ^^//au lieu de ://^^
Le laquais))), annonçant.
Dom Gusman Brid’oison.
;Le Comte.
Brid’oison ?
;Figaro.
Eh ! sans doute. C’est le juge ordinaire, le lieutenant du siège, votre prud’homme.
;Le Comte.
Qu’il attende.
//( ((L'huissier( ^^au lieu de :^^
Le laquais))) sort.)//
+++[ . . .]
3.07
{{center red medium{__Scène VII LE COMTE, FIGARO.__}}}
;Figaro, reste un moment à regarder le comte, qui rêve.
… Est-ce là ce que monseigneur voulait ?
;Le Comte, revenant à lui.
Moi ?… je disais d’arranger ce salon pour l’audience publique.
===
;Figaro.
Hé ! qu’est-ce qu’il manque ? Des sièges : pour les prud'hommes, les avocats. (il désigne le public). ((Devant on mettra le beau monde( ^^//au lieu de ://^^
le grand fauteuil pour vous, de bonnes chaises aux prud’hommes, le tabouret du greffier, deux banquettes aux avocats, le plancher pour le beau monde))) et la canaille derrière. Je vais renvoyer les frotteurs.
//(Il sort.)// {{outline floatright{[[?|lmf308]]}}}
3.08
;LE COMTE
:Le maraud m’embarrassait ! en disputant, il prend son avantage, il vous serre, vous enveloppe…
:Ah ! friponne et fripon, vous vous entendez pour me jouer : Soyez amis, soyez amants, soyez ce qu’il vous plaira, j’y consens ; mais parbleu, pour époux… {{outline floatright{[[?|lmf309]]}}}
3.09
;Suzanne, essoufflée.
Monseigneur… pardon, monseigneur.
;Le Comte, avec humeur.
Qu’est-ce qu’il y a, mademoiselle ?
;Suzanne.
Vous êtes en colère ?
;Le Comte.
Vous voulez quelque chose apparemment ?
;Suzanne, timidement.
C’est que ma maîtresse a ses vapeurs. J’accourais vous prier de nous prêter votre flacon d’éther. Je l’aurais rapporté dans l’instant.
;Le Comte le lui donne.
Non, non, gardez-le pour vous-même. Il ne tardera pas à vous être utile.
;Suzanne.
Est-ce que les femmes de mon état ont des vapeurs, donc ? C’est un mal de condition, qu’on ne prend que dans les boudoirs.
;Le Comte.
Une fiancée bien éprise, et qui perd son futur…
;Suzanne.
En payant Marceline avec la dot que vous m’avez promise…
;Le Comte.
Que je vous ai promise, moi ?
;Suzanne, baissant les yeux.
Monseigneur, j’avais cru l’entendre.
;Le Comte.
Oui, si vous consentiez à m’entendre vous-même.
;Suzanne, les yeux baissés.
Et n’est-ce pas mon devoir d’écouter Son Excellence ?
;Le Comte.
Pourquoi donc, cruelle fille, ne me l’avoir pas dit plus tôt ?
;Suzanne.
Est-il jamais trop tard pour dire la vérité ?
;Le Comte.
Tu te rendrais sur la brune au jardin ?
;Suzanne.
Est-ce que je ne m’y promène pas tous les soirs ?
;Le Comte.
Tu m’as traité ce matin si durement !
+++[ . . . ]@@
;Suzanne.
Ce matin ? — Et le page derrière le fauteuil ?
;Le Comte.
Elle a raison, je l’oubliais… Mais pourquoi ce refus obstiné quand Basile, de ma part ?…
;Suzanne.
Quelle nécessité qu’un Basile…
;Le Comte.
Elle a toujours raison.@@ === Cependant il y a un certain Figaro à qui je crains bien que vous n’ayez tout dit.
;Suzanne.
Dame ! oui, je lui dis tout… hors ce qu’il faut lui taire.
;Le Comte, en riant.
Ah ! charmante ! Et tu me le promets ? Si tu manquais à ta parole, entendons-nous, mon cœur : point de rendez-vous, point de dot, point de mariage.
;Suzanne, faisant la révérence.
Mais aussi point de mariage, point de droit du seigneur, monseigneur.
;Le Comte.
Où prend-elle ce qu’elle dit ? D’honneur, j’en raffolerai ! Mais ta maîtresse attend le flacon…
;Suzanne, riant et rendant le flacon.
Aurais-je pu vous parler sans un prétexte ?
;Le Comte veut l’embrasser.
Délicieuse créature !
;Suzanne s’échappe.
Voilà du monde.
;Le Comte, à part.
Elle est à moi.
//(Il s’enfuit.)//
;Suzanne.
Allons vite rendre compte à madame. {{outline floatright{[[?|lmf310]]}}}
3.10
;Figaro.
Suzanne, Suzanne ! où cours-tu donc si vite en quittant monseigneur ?
;Suzanne.
Plaide à présent, si tu le veux ; tu viens de gagner ton procès.
//(Elle s’enfuit.)//
;Figaro la suit.
Ah ! mais, dis donc… {{outline floatright{[[?|lmf311]]}}}
;LE COMTE
Tu viens de gagner ton procès ! — Je donnais là dans un bon piège ! Ô mes chers insolents ! je vous punirai de façon… Un bon arrêt, bien juste… +++[ . . . ]@@Mais s’il allait payer la duègne… Avec quoi ?… S’il payait… Eeeeh ! n’ai-je pas le fier Antonio, dont le noble orgueil dédaigne en Figaro un inconnu pour sa nièce ? En caressant cette manie… Pourquoi non ?@@=== dans le vaste champ de l’intrigue il faut savoir tout cultiver+++[ . . . ]@@, jusqu’à la vanité d’un sot. //(Il appelle.)// Anto…@@===
//(Il voit entrer Marceline, etc. Il sort.)// {{outline floatright{[[?|lmf312]]}}}
3.12
;Marceline, à Brid’oison.
Monsieur, écoutez mon affaire.
;Brid’oison, en robe, et bégayant un peu.
Eh bien ! pa-arlons-en verbalement.
;Bartholo.
C’est une promesse de mariage.
;Marceline.
Accompagnée d’un prêt d’argent.
;Brid’oison.
J’en…entends, et cætera, le reste.
;Marceline.
Non, monsieur, point d’et cætera.
;Brid’oison.
J’en-entends : vous avez la somme ?
;Marceline.
Non, monsieur ; c’est moi qui l’ai prêtée.
;Brid’oison.
J’en-entends bien, vou-ous redemandez l’argent ?
;Marceline.
Non, monsieur ; je demande qu’il m’épouse.
;Brid’oison.
Eh ! mais, j’en-entends fort bien ; et lui veu-eut-il vous épouser ?
;Marceline.
Non, monsieur ; voilà tout le procès !
;Brid’oison.
Croyez-vous que je ne l’en-entende pas, le procès ?
;Marceline.
Non, monsieur. //(À Bartholo.)// Où sommes-nous ? //(À Brid’oison)//. Quoi ! c’est vous qui nous jugerez ?
;Brid’oison.
Est-ce que j’ai a-acheté ma charge pour autre chose ?
;Marceline, en soupirant.
C’est un grand abus que de les vendre !
;Brid’oison.
Oui ; l’on-on ferait mieux de nous les donner pour rien. Contre qui plai-aidez-vous ? {{outline floatright{[[?|lmf313]]}}}
3.13
;//FIGARO rentre en se frottant les mains.//
;Marceline, montrant Figaro.
Monsieur, contre ce malhonnête homme.
;Figaro, très gaiement, à Marceline.
Je vous gêne peut-être. — Monseigneur revient dans l’instant, monsieur le conseiller.
;Brid’oison.
J’ai vu ce ga-arçon-là quelque part.
;Figaro.
((Peut-être lorsque je faisais barbier, à Séville( ^^//au lieu de ://^^
Chez madame votre femme, à Séville, pour la servir))), monsieur le conseiller.
;Brid’oison.
+++[ . . . ]@@Dan-ans quel temps ?
;Figaro.
Un peu moins d’un an avant la naissance de monsieur votre fils le cadet, qui est un bien joli enfant, je m’en vante.
;Brid’oison.
Oui, c’est le plus jo-oli de tous.@@ === On dit que tu-u fais ici des tiennes ?
;Figaro.
Monsieur est bien bon. Ce n’est là qu’une misère.
;Brid’oison.
Une promesse de mariage ! A-ah ! le pauvre benêt !
;Figaro.
Monsieur…
;Brid’oison.
A-t-il vu mon-on secrétaire, ce bon garçon ?
;Figaro.
+++[ . . . ]@@
N’est-ce pas Double-Main, le greffier ?
;Brid’oison.
Oui ; c’è-est qu’il mange à deux râteliers.
;Figaro.
Manger ! je suis garant qu’il dévore. @@ === Oh ! que oui ! je l’ai vu pour l’extrait et pour le supplément d’extrait ; comme cela se pratique, au reste.
;Brid’oison.
On-on doit remplir les formes.
;Figaro.
Assurément, monsieur ; si le fond des procès appartient aux plaideurs, on sait bien que la forme est le patrimoine des tribunaux.
;Brid’oison.
Ce garçon-là n’è-est pas si niais que je l’avais cru d’abord. Eh bien ! l’ami, puisque tu en sais tant, nou-ous aurons soin de ton affaire.
;Figaro.
Monsieur, je m’en rapporte à votre équité, quoique vous soyez de notre justice.
;Brid’oison.
Hein ?… Oui, je suis de la-a justice. Mais si tu dois, et que tu-u ne payes pas ?…
;Figaro.
Alors monsieur voit bien que c’est comme si je ne devais pas.
;Brid’oison.
San-ans doute. — Hé ! mais qu’est-ce donc qu’il dit ? {{outline floatright{[[?|lmf314]]}}}
3.14
;L’huissier, précédant le Comte, crie.
Monseigneur, messieurs.
;Le Comte.
En robe ici, seigneur Brid’oison ! Ce n’est qu’une affaire domestique : l’habit de ville était trop bon.
;Brid’oison.
C’è-est vous qui l’êtes, monsieur le comte. Mais je ne vais jamais san-ans elle, parce que la forme, voyez-vous, la forme ! Tel rit d’un juge en habit court, qui-i tremble au seul aspect d’un procureur en robe. La forme, la-a forme !
;Le Comte, à l’huissier.
Faites entrer l’audience.
;L’huissier va ouvrir en glapissant.
L’audience ! {{outline floatright{[[?|lmf315]]}}}
3.15
<<<
LE COMTE s’assied sur le grand fauteuil ; BRID’OISON, sur une chaise à côté ; le greffier, sur le tabouret derrière sa table ; les juges, les avocats, sur les banquettes ; MARCELINE, à côté de BARTHOLO ; FIGARO, sur l’autre banquette ; les paysans et les valets, debout derrière.
<<<
;Brid’oison, à ~Double-Main.
~Double-Main, a-appelez les causes.
;@@Huissier-@@~Double-Main lit un papier.
+++[ . . . ]@@
« Noble, très noble, infiniment noble, Don Pedro George, hidalgo, baron de Los Altos, y Montes Fieros, y Otros Montes ; contre Alonzo Calderon, jeune auteur dramatique. Il est question d’une comédie mort-née, que chacun désavoue et rejette sur l’autre. »
;Le Comte.
Ils ont raison tous deux. Hors de cour. S’ils font ensemble un autre ouvrage, pour qu’il marque un peu dans le grand monde, ordonné que le noble y mettra son nom, le poète son talent.
;@@Huissier-@@~Double-Main lit un autre papier.
« André Petrutchio, laboureur ; contre le receveur de la province. » Il s’agit d’un forcement arbitraire.
;Le Comte.
L’affaire n’est pas de mon ressort. Je servirai mieux mes vassaux en les protégeant près du Roi. Passez.
;@@Huissier-@@~Double-Main en prend un troisième.
@@
===
//(Bartholo et Figaro se lèvent.)//
« Barbe-Agar-Raab-Magdelaine-Nicole-Marceline de Verte-Allure, fille majeure //(Marceline se lève et salue)// ; contre Figaro… » Nom de baptême en blanc.
;Figaro.
Anonyme.
;Brid’oison.
A-anonyme ! Què-el patron est-ce là ?
;Figaro.
C’est le mien.
;@@Huissier-@@~Double-Main écrit.
Contre anonyme Figaro. Qualités ?
;Figaro.
Gentilhomme.
;Le Comte.
Vous êtes gentilhomme ?
//(Le greffier écrit.)//
;Figaro.
Si le ciel l’eût voulu, je serais fils d’un prince.
;Le Comte, au greffier.
Allez.
;L’Huissier, glapissant.
Silence, messieurs !
//(Il lit)//.
«… Pour cause d’opposition faite au mariage dudit Figaro, par ladite de Verte-Allure. Le docteur Bartholo plaidant pour la demanderesse, et ledit Figaro pour lui-même, si la cour le permet, contre le vœu de l’usage et la jurisprudence du siège. »
;Figaro.
L’usage, maître ~Double-Main, est souvent un abus. Le client un peu instruit sait toujours mieux sa cause que certains avocats, qui, suant à froid, criant à tue-tête, et connaissant tout, hors le fait, s’embarrassent aussi peu de ruiner le plaideur que d’ennuyer l’auditoire et d’endormir messieurs ; plus boursouflés après, que s’ils eussent composé l’Oratio pro Murena. Moi, je dirai le fait en peu de mots. Messieurs…
;@@Huissier-@@~Double-Main.
En voilà beaucoup d’inutiles, car vous n’êtes pas demandeur, et n’avez que la défense. Avancez, docteur, et lisez la promesse.
;Figaro.
Oui, promesse !
;Bartholo, mettant ses lunettes.
Elle est précise.
;Brid’oison.
I-il faut la voir.
;@@Huissier-@@~Double-Main.
Silence donc, messieurs !
;L’Huissier, glapissant.
Silence !
;Bartholo, lit.
« Je soussigné reconnais avoir reçu de damoiselle, etc… Marceline de Verte-Allure, dans le château d’Aguas-Frescas, la somme de deux mille piastres fortes cordonnées ; laquelle somme je lui rendrai à sa réquisition, dans ce château ; et je l’épouserai, par forme de reconnaissance, etc. » Signé : Figaro, tout court. Mes conclusions sont au payement du billet et à l’exécution de la promesse, avec dépens. //(Il plaide.)// Messieurs… jamais cause plus intéressante ne fut soumise au jugement de la cour ; et, depuis Alexandre le Grand, qui promit mariage à la belle Thalestris…
;Le Comte, interrompant.
Avant d’aller plus loin, avocat, convient-on de la validité du titre ?
;Brid’oison, à Figaro.
Qu’oppo… qu’oppo-osez-vous à cette lecture ?
;Figaro.
Qu’il y a, messieurs, malice, erreur ou distraction dans la manière dont on a lu la pièce, car il n’est pas dit dans l’écrit : laquelle somme je lui rendrai, ET je l’épouserai, mais : laquelle somme je lui rendrai, OU je l’épouserai ; ce qui est bien différent.
;Le Comte.
Y a-t-il __et__ dans l’acte ; ou bien __ou__ ?
;Bartholo.
Il y a __et__.
;Figaro.
Il y a __ou__.
;Brid’oison.
~Dou-ouble-Main, lisez vous-même.
;@@Huissier-@@~Double-Main, prenant le papier.
Et c’est le plus sûr, car souvent les parties déguisent en lisant. //(Il lit.)// E. e. e. e. Damoiselle e. e. e. de Verte-Allure e. e. e. Ha ! laquelle somme je lui rendrai à sa réquisition, dans ce château… ET… OU… ET… OU… Le mot est si mal écrit… il y a un pâté.
;Brid’oison.
Un pâ-âté ? je sais ce que c’est.
;Bartholo, plaidant.
Je soutiens, moi, que c’est la conjonction copulative ET qui lie les membres corrélatifs de la phrase : Je payerai la demoiselle, ET je l’épouserai.
;Figaro, plaidant.
Je soutiens, moi, que c’est la conjonction alternative OU qui sépare lesdits membres : Je payerai la donzelle, OU je l’épouserai. À pédant, pédant et demi. Qu’il s’avise de parler latin, j’y suis Grec ; je l’extermine.
;Le Comte.
Comment juger pareille question ?
;Bartholo.
Pour la trancher, messieurs, et ne plus chicaner sur un mot, nous passons qu’il y ait OU.
;Figaro.
J’en demande acte.
;Bartholo.
Et nous y adhérons. Un si mauvais refuge ne sauvera pas le coupable. Examinons le titre en ce sens. //(Il lit.)// Laquelle somme je lui rendrai dans ce château où je l’épouserai. C’est ainsi qu’on dirait, messieurs : Vous vous ferez saigner dans ce lit où vous resterez chaudement : c’est dans lequel. Il prendra deux gros de rhubarbe où vous mêlerez un peu de tamarin : dans lesquels on mêlera. Ainsi château où je l’épouserai, messieurs, c’est château dans lequel.
;Figaro.
Point du tout : la phrase est dans le sens de celle-ci : ou la maladie vous tuera, ou ce sera le médecin : ou bien le médecin ; c’est incontestable. Autre exemple : ou vous n’écrirez rien qui plaise, ou les sots vous dénigreront : ou bien les sots ; le sens est clair ; car, audit cas, sots ou méchants sont le substantif qui gouverne. Maître Bartholo croit-il donc que j’aie oublié ma syntaxe ? Ainsi, je la payerai dans ce château, virgule, ou je l’épouserai…
;Bartholo, vite.
Sans virgule.
;Figaro, vite.
Elle y est. C’est, virgule, messieurs, ou bien je l’épouserai.
;Bartholo, regardant le papier, vite.
Sans virgule, messieurs.
;Figaro, vite.
Elle y était, messieurs. D’ailleurs, l’homme qui épouse est-il tenu de rembourser ?
;Bartholo, vite.
Oui ; nous nous marions séparés de biens.
;Figaro, vite.
Et nous de corps, dès que mariage n’est pas quittance.
//(Les juges se lèvent et opinent tout bas.)//
;Bartholo.
Plaisant acquittement !
;@@Huissier-@@~Double-Main.
Silence, messieurs !
((...(;L’Huissier, glapissant.)))
Silence !
;Bartholo.
Un pareil fripon appelle cela payer ses dettes.
;Figaro.
Est-ce votre cause, avocat, que vous plaidez ?
;Bartholo.
Je défends cette demoiselle.
;Figaro.
Continuez à déraisonner, mais cessez d’injurier. Lorsque, craignant l’emportement des plaideurs, les tribunaux ont toléré qu’on appelât des tiers, ils n’ont pas entendu que ces défenseurs modérés deviendraient impunément des insolents privilégiés. C’est dégrader le plus noble institut.
//(Les juges continuent d’opiner bas.)//
;Antonio, à Marceline, montrant les juges.
Qu’ont-ils tant à balbucifier ?
;Marceline.
On a corrompu le grand juge, il corrompt l’autre, et je perds mon procès.
;Bartholo, bas, d’un ton sombre.
J’en ai peur.
;Figaro, gaiement.
Courage, Marceline !
;@@Huissier-@@~Double-Main se lève ; à Marceline.
Ah ! c’est trop fort ! je vous dénonce ; et, pour l’honneur du tribunal, je demande qu’avant faire droit sur l’autre affaire, il soit prononcé sur celle-ci.
;Le Comte s’assied.
Non, greffier, je ne prononcerai point sur mon injure personnelle ; un juge espagnol n’aura point à rougir d’un excès digne au plus des tribunaux asiatiques : c’est assez des autres abus ! +++[ . . . ]J’en vais corriger un second, en vous motivant mon arrêt : tout juge qui s’y refuse est un grand ennemi des lois. Que peut requérir la demanderesse ? mariage à défaut de payement : les deux ensemble impliqueraient.===
;@@Huissier-@@~Double-Main.
Silence, messieurs !
((...(;L’Huissier, glapissant.)))
Silence !
;Le Comte.
Que nous répond le défendeur ? qu’il veut garder sa personne ; à lui permis.
;Figaro, avec joie.
J’ai gagné !
;Le Comte.
Mais comme le texte dit : laquelle somme je payerai à sa première réquisition, ou bien j’épouserai, etc. ; la cour condamne le défendeur à payer deux mille piastres fortes à la demanderesse, ou bien à l’épouser dans le jour.
//(Il se lève.)//
;Figaro, stupéfait.
J’ai perdu. {{outline floatright{[[?|lmf316]]}}}
+++[ . . . ]@@
;Antonio, avec joie.
Superbe arrêt !
;Figaro.
En quoi superbe ?
;Antonio.
En ce que tu n’es plus mon neveu. Grand merci, monseigneur !
;L’Huissier, glapissant.
Passez, messieurs.
//(Le peuple sort.)//
;Antonio.
Je m’en vas tout conter à ma nièce
//(Il sort.)/@@/===
3.16
//LE COMTE va de côté et d’autre ; Marceline s’assied.//
;Marceline.
Ah ! je respire.
;Figaro.
Et moi, j’étouffe.
;Le Comte, à part.
Au moins je suis vengé, cela soulage.
;Figaro, à part.
((...(Et ce Basile qui devait s’opposer au mariage de Marceline, voyez comme il revient !))) — //(Au Comte qui sort.)// Monseigneur, vous nous quittez ?
;Le Comte.
Tout est jugé.
;Figaro, à Brid’oison.
C’est ce gros enflé de conseiller…
;Brid’oison.
Moi, gros-os enflé !
;Figaro.
Sans doute. Et je ne l’épouserai pas : je suis gentilhomme une fois.
//(Le Comte s’arrête.)//
;Bartholo.
Vous l’épouserez.
;Figaro.
Sans l’aveu de mes nobles parents ?
;Bartholo.
Nommez-les, montrez-les.
;Figaro.
Qu’on me donne un peu de temps ; je suis bien près de les revoir : il y a quinze ans que je les cherche.
;Bartholo.
Le fat ! c’est quelque enfant trouvé !
;Figaro.
Enfant perdu, docteur ; ou plutôt enfant volé.
;Le Comte, revient.
Volé, perdu, la preuve ? Il crierait qu’on lui fait injure !
;Figaro.
Monseigneur, quand les langes à dentelles, tapis brodés et joyaux d’or trouvés sur moi par les brigands n’indiqueraient pas ma haute naissance, la précaution qu’on avait prise de me faire des marques distinctives témoignerait assez combien j’étais un fils précieux : et cet hiéroglyphe à mon bras…
//(Il veut se dépouiller le bras droit.)//
;Marceline, se levant vivement.
Une spatule à ton bras droit ?
;Figaro.
D’où savez-vous que je dois l’avoir ?
;Marceline.
Dieux ! c’est lui !
;Figaro.
Oui, c’est moi.
;Bartholo, à Marceline.
Et qui ? lui !
;Marceline, vivement.
C’est Emmanuel.
;Bartholo, à Figaro.
Tu fus enlevé par des Bohémiens ?
;Figaro, exalté.
Tout près d’un château. Bon docteur, si vous me rendez à ma noble famille, mettez un prix à ce service ; des monceaux d’or n’arrêteront pas mes illustres parents.
;Bartholo, montrant Marceline.
Voilà ta mère.
;Figaro.
… Nourrice ?
;Bartholo.
Ta propre mère.
;Le Comte.
Sa mère !
;Figaro.
Expliquez-vous.
;Marceline, montrant Bartholo.
Voilà ton père.
;Figaro, désolé.
O o oh ! aïe de moi !
;Marceline.
Est-ce que la nature ne te l’a pas dit mille fois ?
;Figaro.
Jamais.
;Le Comte, à part.
Sa mère !
;Brid’oison.
C’est clair, i-il ne l’épousera pas.
;Bartholo.
Ni moi non plus.
;Marceline.
Ni vous ! Et votre fils ? Vous m’aviez juré…
;Bartholo.
J’étais fou. Si pareils souvenirs engageaient, on serait tenu d’épouser tout le monde.
;Brid’oison.
E-et si l’on y regardait de si près, pè-ersonne n’épouserait personne.
;Bartholo.
Des fautes si connues ! une jeunesse déplorable !
;Marceline, s’échauffant par degrés.
Oui, déplorable, et plus qu’on ne croit ! Je n’entends pas nier mes fautes, ce jour les a trop bien prouvées ! mais qu’il est dur de les expier après trente ans d’une vie modeste ! J’étais née, moi, pour être sage, et je le suis devenue sitôt qu’on m’a permis d’user de ma raison. Mais dans l’âge des illusions, de l’inexpérience et des besoins, où les séducteurs nous assiègent, pendant que la misère nous poignarde, que peut opposer une enfant à tant d’ennemis rassemblés ? Tel nous juge ici sévèrement, qui, peut-être, en sa vie a perdu dix infortunées !
;Figaro.
Les plus coupables sont les moins généreux ; c’est la règle.
;Marceline, vivement.
Hommes plus qu’ingrats, qui flétrissez par le mépris les jouets de vos passions, vos victimes ! c’est vous qu’il faut punir des erreurs de notre jeunesse ; vous et vos magistrats, si vains du droit de nous juger, et qui nous laissent enlever, par leur coupable négligence, tout honnête moyen de subsister. Est-il un seul état pour les malheureuses filles ? Elles avaient un droit naturel à toute la parure des femmes : on y laisse former mille ouvriers de l’autre sexe.
;Figaro, en colère.
Ils font broder jusqu’aux soldats !
;Marceline, exaltée.
Dans les rangs même plus élevés, les femmes n’obtiennent de vous qu’une considération dérisoire ; leurrées de respects apparents, dans une servitude réelle ; traitées en mineures pour nos biens, punies en majeures pour nos fautes ! Ah ! sous tous les aspects, votre conduite avec nous fait horreur ou pitié !
;Figaro.
Elle a raison !
;Le Comte, à part.
Que trop raison !
;Brid’oison.
Elle a, mon-on Dieu, raison.
;Marceline.
Mais que nous font, mon fils, les refus d’un homme injuste ? Ne regarde pas d’où tu viens, vois où tu vas ; cela seul importe à chacun. Dans quelques mois ta fiancée ne dépendra plus que d’elle-même ; elle t’acceptera, j’en réponds. Vis entre une épouse, une mère tendre qui te chériront à qui mieux mieux. Sois indulgent pour elles, heureux pour toi, mon fils ; gai, libre et bon pour tout le monde ; il ne manquera rien à ta mère.
;Figaro.
Tu parles d’or, maman, et je me tiens à ton avis. Qu’on est sot, en effet ! Il y a des mille et mille ans que le monde roule, et, dans cet océan de durée où j’ai par hasard attrapé quelques chétifs trente ans qui ne reviendront plus, j’irais me tourmenter pour savoir à qui je les dois ! Tant pis pour qui s’en inquiète. ((. . .(Passer ainsi la vie à chamailler, c’est peser sur le collier sans relâche, comme les malheureux chevaux de la remonte des fleuves, qui ne reposent pas, même quand ils s’arrêtent, et qui tirent toujours, quoiqu’ils cessent de marcher. Nous attendrons.)))
;Le Comte, à part.
Sot événement qui me dérange !
;Brid’oison, à Figaro.
Et la noblesse, et le château ? Vous impo-osez à la justice ?
;Figaro.
Elle allait me faire faire une belle sottise, la justice ! après que j’ai manqué, pour ces maudits cent écus, d’assommer vingt fois monsieur, qui se trouve aujourd’hui mon père ! Mais puisque le ciel sauve ma vertu de ces dangers, mon père, agréez mes excuses… Et vous, ma mère, embrassez-moi… le plus maternellement que vous pourrez.
//(Marceline lui saute au cou.)// {{outline floatright{[[?|lmf317]]}}}
3.17
;Suzanne, accourant, une bourse à la main.
Monseigneur, arrêtez ! qu’on ne les marie pas : je viens payer madame avec la dot que ma maîtresse me donne.
;Le Comte, à part.
((Rosine ! Au diable !( ( ^^//au lieu de ://^^
Au diable la maîtresse !))) Il semble que tout conspire…
//(Il sort.)// {{outline floatright{[[?|lmf318]]}}}
3.18
+++[ . . . ]@@
;Antonio, voyant Figaro embrasser sa mère, dit à Suzanne.
Ah ! oui, payer ! Tiens, tiens.@@ ===
;Suzanne, se retourne.
J’en vois assez : sortons, mon oncle.
;Figaro, l’arrêtant.
Non, s’il vous plaît. Que vois-tu donc ?
;Suzanne.
Ma bêtise et ta lâcheté.
;Figaro.
Pas plus de l’une que de l’autre.
;Suzanne, en colère.
Et que tu l’épouses à gré, puisque tu la caresses.
;Figaro, gaiement.
Je la caresse, mais je ne l’épouse pas.
//(Suzanne veut sortir, Figaro la retient.)//
;Suzanne, lui donne un soufflet.
Vous êtes bien insolent d’oser me retenir !
;Figaro, à la compagnie.
C’est-il ça de l’amour ! Avant de nous quitter, je t’en supplie, envisage bien cette chère femme-là.
;Suzanne.
Je la regarde.
;Figaro.
Et tu la trouves ?…
;Suzanne.
Affreuse.
;Figaro.
Et vive la jalousie ! elle ne vous marchande pas.
;Marceline, les bras ouverts.
Embrasse ta mère, ma jolie Suzannette. Le méchant qui te tourmente est mon fils.
;Suzanne, court à elle.
Vous sa mère !
//(Elles restent dans les bras l’une de l’autre.)//
;Antonio.
C’est donc de tout à l’heure ?
;Figaro.
… Que je le sais.
;Marceline, exaltée.
Non, mon cœur entraîné vers lui ne se trompait que de motif ; c’était le sang qui me parlait.
;Figaro.
Et moi le bon sens, ma mère, qui me servait d’instinct quand je vous refusais ; car j’étais loin de vous haïr, témoin l’argent…
;Marceline lui remet un papier.
Il est à toi : reprends ton billet, c’est ta dot.
;Suzanne lui jette la bourse.
Prends encore celle-ci.
;Figaro.
Grand merci.
;Marceline, exaltée.
Fille assez malheureuse, j’allais devenir la plus misérable des femmes, et je suis la plus fortunée des mères ! Embrassez-moi, mes deux enfants ; j’unis dans vous toutes mes tendresses. Heureuse autant que je puis l’être, ah ! mes enfants, combien je vais aimer !
;Figaro, attendri, avec vivacité.
Arrête donc, chère mère ! arrête donc ! voudrais-tu voir se fondre en eau mes yeux noyés des premières larmes que je connaisse ? Elles sont de joie, au moins. Mais quelle stupidité ! j’ai manqué d’en être honteux : je les sentais couler entre mes doigts : regarde ; //(Il montre ses doigts écartés)// et je les retenais bêtement ! Va te promener, la honte ! je veux rire et pleurer en même temps ; on ne sent pas deux fois ce que j’éprouve.
//(Il embrasse sa mère d’un côté, Suzanne de l’autre.)//
;Marceline.
Ô mon ami !
;Suzanne.
Mon cher ami !
;Brid’oison, s’essuyant les yeux d’un mouchoir.
Et bien ! moi, je suis donc bê-ête aussi !
;Figaro, exalté.
Chagrin, c’est maintenant que je puis te défier ! Atteins-moi, si tu l’oses, entre ces deux femmes chéries. !
;Bartholo.
((Puisse ma main( ^^//au lieu de ://^^
Ma main ! puisse-t-elle))) se dessécher et tomber, si jamais je la donne à la mère d’un tel drôle ! {{outline floatright{[[?|lmf319]]}}}
+++[ . . .]@@
;Antonio, à Figaro.
Pas tant de cajoleries, s’il vous plaît. En fait de mariage dans les familles, celui des parents va devant, savez ! Les vôtres se baillent-ils la main ?
;Bartholo.
Ma main ! puisse-t-elle se dessécher et tomber, si jamais je la donne à la mère d’un tel drôle !
;Antonio, à Bartholo.
Vous n’êtes donc qu’un père marâtre ? //(À Figaro.)// En ce cas, not’galant, plus de parole.
;Suzanne.
Ah ! mon oncle…
;Antonio.
Irai-je donner l’enfant de not’sœur à sti qui n’est l’enfant de personne ?
;Brid’oison.
Est-ce que cela-a se peut, imbécile ? on-on est toujours l’enfant de quelqu’un.
;Antonio.
Tarare !… Il ne l’aura jamais.
//(Il sort.)// ===
3.19
;Bartholo, à Figaro.
Et cherche à présent qui t’adopte.
//(Il veut sortir.)//
;Marceline, courant prendre Bartholo à bras-le-corps, le ramène.
Arrêtez, docteur, ne sortez pas !
;Figaro, à part.
Non, tous les sots d’Andalousie sont, je crois, déchaînés contre mon pauvre mariage !
;Suzanne, à Bartholo.
Bon petit papa, c’est votre fils.
+++[ . . . ]@@
;Marceline, à Bartholo.
De l’esprit, des talents, de la figure.
;Figaro, à Bartholo.
Et qui ne vous a pas coûté une obole.
;Bartholo.
Et les cent écus qu’il m’a pris ?@@ ===
;Marceline, le caressant.
Nous aurons tant soin de vous, papa !
;Suzanne, le caressant.
Nous vous aimerons tant, petit papa !
;Bartholo, attendri.
Papa ! bon papa ! petit papa ! voilà que je suis plus bête encore que monsieur, moi. //(Montrant Brid’oison.)// Je me laisse aller comme un enfant. //(Marceline et Suzanne l’embrassent.)// Oh ! non, je n’ai pas dit oui. //(Il se retourne.)// Qu’est donc devenu monseigneur ?
;Figaro.
Courons le joindre ; arrachons-lui son dernier mot. S’il machinait quelque autre intrigue, il faudrait tout recommencer.
;Tous ensemble.
Courons, courons.
//(Ils entraînent Bartholo dehors.)// {{outline floatright{[[?|lmf320]]}}}
3.20
;BRID’OISON
Plus bê-ête encore que monsieur ! On peut se dire à soi-même ces-es sortes de choses-là, mais… I-ils ne sont pas polis du tout dan-ans cet endroit-ci.
//(Il sort.)// {{outline floatright{[[?|lmf401]]}}}
;Figaro, la tenant à bras-le-corps.
Eh bien ! amour, es-tu contente ? Elle a converti son docteur, cette fine langue dorée de ma mère ! Malgré sa répugnance, il l’épouse, et ton bourru d’oncle est bridé ; il n’y a que monseigneur qui rage, car enfin notre hymen va devenir le prix du leur. Ris donc un peu de ce bon résultat.
;Suzanne.
As-tu rien vu de plus étrange ?
;Figaro.
Ou plutôt d’aussi gai. Nous ne voulions qu’une dot arrachée à l’Excellence ; en voilà deux dans nos mains, qui ne sortent pas des siennes. Une rivale acharnée te poursuivait ; j’étais tourmenté par une furie ! tout cela s’est changé, pour nous, dans la plus bonne des mères. Hier, j’étais comme seul au monde, et voilà que j’ai tous mes parents ; pas si magnifiques, il est vrai, que je me les étais galonnés, mais assez bien pour nous, qui n’avons pas la vanité des riches.
;Suzanne.
Aucune des choses que tu avais disposées, que nous attendions, mon ami, n’est pourtant arrivée !
;Figaro.
Le hasard a mieux fait que nous tous, ma petite. Ainsi va le monde ; on travaille, on projette, on arrange d’un côté ; la fortune accomplit de l’autre : et, depuis l’affamé conquérant qui voudrait avaler la terre, jusqu’au paisible aveugle qui se laisse mener par son chien, tous sont le jouet de ses caprices ; encore l’aveugle au chien est-il souvent mieux conduit, moins trompé dans ses vues, que l’autre aveugle avec son entourage. — Pour cet aimable aveugle qu’on nomme Amour…
//(Il la reprend tendrement à bras-le-corps.)//
;Suzanne.
Ah ! c’est le seul qui m’intéresse !
;Figaro.
Permets donc que, prenant l’emploi de la Folie, je sois le bon chien qui le mène à ta jolie mignonne porte ; et nous voilà logés pour la vie.
;Suzanne, riant.
L’Amour et toi ?
;Figaro.
Moi et l’Amour.
+++[ . . . ]
;Suzanne.
Et vous ne chercherez pas d’autre gîte ?
;Figaro.
Si tu m’y prends, je veux bien que mille millions de galants…
;Suzanne.
Tu vas exagérer : dis ta bonne vérité.
;Figaro.
Ma vérité la plus vraie !
;Suzanne.
Fi donc, vilain ! en a-t-on plusieurs ?
;Figaro.
Oh ! que oui. Depuis qu’on a remarqué qu’avec le temps vieilles folies deviennent sagesse, et qu’anciens petits mensonges assez mal plantés ont produit de grosses, grosses vérités, on en a de mille espèces. Et celles qu’on sait, sans oser les divulguer : car toute vérité n’est pas bonne à dire ; et celles qu’on vante, sans y ajouter foi : car toute vérité n’est pas bonne à croire ; et les serments passionnés, les menaces des mères, les protestations des buveurs, les promesses des gens en place, le dernier mot de nos marchands : cela ne finit pas. Il n’y a que mon amour pour Suzon qui soit une vérité de bon aloi.
;Suzanne.
J’aime ta joie, parce qu’elle est folle ; elle annonce que tu es heureux. Parlons du rendez-vous du comte.
;Figaro.
Ou plutôt n’en parlons jamais ; il a failli me coûter Suzanne.
;Suzanne.
Tu ne veux donc plus qu’il ait lieu ?
;Figaro.
Si vous m’aimez, Suzon, votre parole d’honneur sur ce point : qu’il s’y morfonde, et c’est sa punition.
;Suzanne.
Il m’en a plus coûté de l’accorder que je n’ai de peine à le rompre : il n’en sera plus question.
;Figaro.
Ta bonne vérité ?
;Suzanne.
Je ne suis pas comme vous autres savants, moi ; je n’en ai qu’une.
;Figaro.
Et tu m’aimeras un peu ?
;Suzanne.
Beaucoup.
;Figaro.
Ce n’est guère.
;Suzanne.
Et comment ?
;Figaro.
===
En fait d’amour, vois-tu, trop n’est pas même assez. +++[ . . . ]
;Suzanne.
Je n’entends pas toutes ces finesses, mais je n’aimerai que mon mari.
;Figaro.
Tiens parole, et tu feras une belle exception à l’usage.===
//(Il veut l’embrasser.)// {{outline floatright{[[?|lmf402]]}}}
4.02
;La Comtesse.
Ah ! j’avais raison de le dire : en quelque endroit qu’ils soient, croyez qu’ils sont ensemble. Allons donc, Figaro, c’est voler l’avenir, le mariage et vous-même, que d’usurper un tête-à-tête. On vous attend, on s’impatiente.
;Figaro.
Il est vrai, madame, je m’oublie. Je vais leur montrer mon excuse.
+++[ . . . ]
//(Il veut emmener Suzanne.)//
;La Comtesse la retient.
Elle vous suit.===
{{outline red bold center{S a l u t s}}}
;La Comtesse.
As-tu ce qu’il nous faut pour troquer de vêtement ?
;Suzanne.
Il ne faut rien, madame ; le rendez-vous ne tiendra pas.
;La Comtesse.
Ah ! vous changez d’avis ?
;Suzanne.
C’est Figaro.
;La Comtesse.
Vous me trompez.
;Suzanne.
Bonté divine !
;La Comtesse.
Figaro n’est pas homme à laisser échapper une dot.
;Suzanne.
Madame ! eh ! que croyez-vous donc ?
;La Comtesse.
Qu’enfin, d’accord avec le comte, il vous fâche à présent de m’avoir confié ses projets. Je vous sais par cœur. Laissez-moi.
//(Elle veut sortir.)//
;Suzanne se jette à genoux.
Au nom du ciel, espoir de tous ! Vous ne savez pas, madame, le mal que vous faites à Suzanne ! Après vos bontés continuelles et la dot que vous me donnez !…
;La Comtesse la relève.
Hé ! mais… je ne sais ce que je dis ! En me cédant ta place au jardin, tu n’y vas pas, mon cœur ; tu tiens parole à ton mari, tu m’aides à ramener le mien.
;Suzanne.
Comme vous m’avez affligée !
;La Comtesse.
C’est que je ne suis qu’une étourdie. //(Elle la baise au front.)// Où est ton rendez-vous ?
;Suzanne lui baise la main.
Le mot de jardin m’a seul frappée.
;La Comtesse, montrant la table.
Prends cette plume, et fixons un endroit.
;Suzanne.
Lui écrire !
;La Comtesse.
Il le faut.
;Suzanne.
Madame ! au moins c’est vous…
;La Comtesse.
Je mets tout sur mon compte. //(Suzanne s’assied, la Comtesse dicte.)//
« Chanson nouvelle, sur l’air… Qu’il fera beau ce soir sous les grands marronniers… Qu’il fera beau ce soir… »
;Suzanne, écrit.
Sous les grands marronniers… Après ?
;La Comtesse.
Crains-tu qu’il ne t’entende pas ?
;Suzanne, relit.
C’est juste. //(Elle plie le billet.)// Avec quoi cacheter ?
;La Comtesse.
Une épingle, dépêche ! elle servira de réponse. Écris sur le revers : Renvoyez-moi le cachet.
;Suzanne, écrit en riant.
Ah ! le cachet !… Celui-ci, madame, est plus gai que celui du brevet.
;La Comtesse, avec un souvenir douloureux.
Ah !
;Suzanne cherche sur elle.
Je n’ai pas d’épingle à présent !
;La Comtesse détache sa lévite.
Prends celle-ci. //(Le ruban du page tombe de son sein à terre.)// Ah ! mon ruban !
;Suzanne le ramasse.
C’est celui du petit voleur ! Vous avez eu la cruauté…
;La Comtesse.
Fallait-il le laisser à son bras ? c’eût été joli ! Donnez donc !
;Suzanne.
Madame ne le portera plus, taché du sang de ce jeune homme.
;La Comtesse le reprend.
Excellent pour Fanchette… Le premier bouquet qu’elle m’apportera…
;Fanchette.
Madame, ce sont les filles du bourg qui viennent vous présenter des fleurs.
;La Comtesse, serrant vite son ruban.
Elles sont charmantes. Je me reproche, mes belles petites, de ne pas vous connaître toutes. //(Montrant Chérubin.)// Quelle est cette aimable enfant qui a l’air si modeste ?
;Une Bergère.
C’est une cousine à moi, madame, qui n’est ici que pour la noce.
;La Comtesse.
Elle est jolie. Ne pouvant porter vingt bouquets, faisons honneur à l’étrangère. //(Elle prend le bouquet de Chérubin, et le baise au front.)// Elle en rougit ! //(À Suzanne.)// Ne trouves-tu pas, Suzon… qu’elle ressemble à quelqu’un ?
;Suzanne.
À s’y méprendre, en vérité.
;Chérubin, à part, les mains sur son cœur.
Ah ! ce baiser-là m’a été bien loin !
;Antonio.
Moi je vous dis, monseigneur, qu’il y est ; elles l’ont habillé chez ma fille ; toutes ses hardes y sont encore, et voilà son chapeau d’ordonnance que j’ai retiré du paquet. //(Il s’avance, et, regardant toutes les filles, il reconnaît Chérubin, lui enlève son bonnet de femme, ce qui fait retomber ses longs cheveux en cadenette. Il lui met sur la tête le chapeau d’ordonnance et dit :)// Eh parguenne, v’là notre officier !
;La Comtesse recule.
Ah ciel !
;Suzanne.
Ce friponneau !
;Antonio.
Quand je disais là-haut que c’était lui !…
;Le Comte, en colère.
Eh bien, madame ?
;La Comtesse.
Eh bien, monsieur ! vous me voyez plus surprise que vous, et pour le moins aussi fâchée.
;Le Comte.
Oui ; mais tantôt, ce matin ?
;La Comtesse.
Je serais coupable, en effet, si je dissimulais encore. Il était descendu chez moi. Nous entamions le badinage que ces enfants viennent d’achever ; vous nous avez surprises l’habillant : votre premier mouvement est si vif ! il s’est sauvé, je me suis troublée ; l’effroi général a fait le reste.
;Le Comte, avec dépit, à Chérubin.
Pourquoi n’êtes-vous pas parti ?
;Chérubin, ôtant son chapeau brusquement.
Monseigneur…
;Le Comte.
Je punirai ta désobéissance.
;Fanchette, étourdiment.
Ah, monseigneur, entendez-moi ! Toutes les fois que vous venez m’embrasser, vous savez bien que vous dites toujours : Si tu veux m’aimer, petite Fanchette, je te donnerai ce que tu voudras.
;Le Comte, rougissant.
Moi ! j’ai dit cela ?
;Fanchette.
Oui, monseigneur. Au lieu de punir Chérubin, donnez-le-moi en mariage, et je vous aimerai à la folie.
;Le Comte, à part.
Être ensorcelé par un page !
;La Comtesse.
Eh bien, monsieur, à votre tour ! L’aveu de cette enfant, aussi naïf que le mien, atteste enfin deux vérités : que c’est toujours sans le vouloir si je vous cause des inquiétudes, pendant que vous épuisez tout pour augmenter et justifier les miennes.
;Antonio.
Vous aussi, monseigneur ? Dame ! je vous la redresserai comme feu sa mère, qui est morte… Ce n’est pas pour la conséquence ; mais c’est que madame sait bien que les petites filles, quand elles sont grandes…
;Le Comte, déconcerté, à part.
Il y a un mauvais génie qui tourne tout ici contre moi !
;Figaro.
Monseigneur, si vous retenez nos filles, on ne pourra commencer ni la fête, ni la danse.
;Le Comte.
Vous, danser ! vous n’y pensez pas. Après votre chute de ce matin, qui vous a foulé le pied droit !
;Figaro, remuant la jambe.
Je souffre encore un peu ; ce n’est rien. //(Aux jeunes filles.)// Allons, mes belles, allons !
;Le Comte le retourne.
Vous avez été fort heureux que ces couches ne fussent que du terreau bien doux !
;Figaro.
Très heureux, sans doute ; autrement…
;Antonio le retourne.
Puis il s’est pelotonné en tombant jusqu’en bas.
;Figaro.
Un plus adroit, n’est-ce pas, serait resté en l’air ! //(Aux jeunes filles.)// Venez-vous, mesdemoiselles ?
;Antonio le retourne.
Et, pendant ce temps, le petit page galopait sur son cheval à Séville ?
;Figaro.
Galopait, ou marchait au pas…
;Le Comte le retourne.
Et vous aviez son brevet dans la poche ?
;Figaro, un peu étonné.
Assurément ; mais quelle enquête ? //(Aux jeunes filles,)// Allons donc, jeunes filles !
;Antonio, attirant Chérubin par le bras.
En voici une qui prétend que mon neveu futur n’est qu’un menteur.
;Figaro, surpris.
Chérubin !… //(À part.)// Peste du petit fat !
;Antonio.
Y es-tu maintenant ?
;Figaro, cherchant.
J’y suis… j’y suis… Hé ! qu’est-ce qu’il chante ?
;Le Comte, sèchement.
Il ne chante pas ; il dit que c’est lui qui a sauté sur les giroflées.
;Figaro, rêvant.
Ah ! s’il le dit… cela se peut. Je ne dispute pas de ce que j’ignore.
;Le Comte.
Ainsi, vous et lui ?…
;Figaro.
Pourquoi non ? la rage de sauter peut gagner : voyez les moutons de Panurge ! Et quand vous êtes en colère, il n’y a personne qui n’aime mieux risquer…
;Le Comte.
Comment, deux à la fois !…
;Figaro.
On aurait sauté deux douzaines. Et qu’est-ce que cela fait, monseigneur, dès qu’il n’y a personne de blessé ? //(Aux jeunes filles.)// Ah çà, voulez-vous venir, ou non ?
;Le Comte, outré.
Jouons-nous une comédie ?
//(On entend un prélude de fanfare.)//
;Figaro.
Voilà le signal de la marche. À vos postes, les belles, à vos postes. Allons, Suzanne, donne-moi le bras.
//(Tous s’enfuient ; Chérubin reste seul, la tête baissée.)//
;Le Comte, regardant aller Figaro.
En voit-on de plus audacieux ? //(Au page.)// Pour vous, monsieur le sournois, qui faites le honteux, allez vous rhabiller bien vite, et que je ne vous rencontre nulle part de la soirée.
;La Comtesse.
Il va bien s’ennuyer !
;Chérubin, étourdiment.
M’ennuyer ! j’emporte à mon front du bonheur pour plus de cent années de prison.
//(Il met son chapeau et s’enfuit.)//
;//(La Comtesse s’évente fortement sans parler.)//
;Le Comte.
Qu’a-t-il au front de si heureux ?
;La Comtesse, avec embarras.
Son… premier chapeau d’officier, sans doute ; aux enfants tout sert de hochet.
//(Elle veut sortir.)//
;Le Comte.
Vous ne nous restez pas, comtesse ?
;La Comtesse.
Vous savez que je ne me porte pas bien.
;Le Comte.
Un instant pour votre protégée, ou je vous croirais en colère.
;La Comtesse.
Voici les deux noces, asseyons-nous donc pour les recevoir.
;Le Comte, à part.
La noce ! Il faut souffrir ce qu’on ne peut empêcher.
//(Le Comte et la Comtesse s’asseyent vers un des côtés de la galerie.)//
;//(L’on joue les Folies d’Espagne d’un mouvement de marche.)//
//(Symphonie notée.)//
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{{center{''MARCHE''}}}
Les garde-chasse, fusil sur l’épaule.
L’alguazil, les prud’hommes, Brid’oison,
Les paysans et paysannes en habits de fête.
Deux jeunes filles portant la toque virginale à plumes blanches.
Deux autres, le voile blanc.
Deux autres, les gants et le bouquet de côté.
Antonio donne la main à Suzanne, comme étant celui qui la marie à Figaro.
D’autres jeunes filles portent une autre toque, un autre voile, un autre bouquet blanc, semblables aux premiers, pour Marceline.
Figaro donne la main à Marceline, comme celui qui doit la remettre au Docteur, lequel ferme la marche, un gros bouquet au côté. Les jeunes filles, en passant devant le comte, remettent à ses valets tous les ajustements destinés à Suzanne et à Marceline.
Les paysans et paysannes s’étant rangés sur deux colonnes à chaque côté du salon, on danse une reprise du fandango avec des castagnettes ; puis on joue la ritournelle du duo, pendant laquelle Antonio conduit Suzanne au comte ; elle se met à genoux devant lui.
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//(Pendant que le Comte lui pose la toque, le voile, et lui donne le bouquet, deux jeunes filles chantent le duo suivant :)//
:Jeune épouse, chantez les bienfaits et la gloire
:D’un maître qui renonce aux droits qu’il eut sur vous
:Préférant au plaisir la plus noble victoire,
:Il vous rend chaste et pure aux mains de votre époux.
<<<
Suzanne est à genoux, et, pendant les derniers vers du duo, elle tire le comte par son manteau, et lui montre le billet qu’elle tient ; puis elle porte la main qu’elle a du côté des spectateurs à sa tête, où le comte a l’air d’ajuster sa toque ; elle lui donne le billet.
Le comte le met furtivement dans son sein ; on achève de chanter le duo ; la fiancée se relève, et lui fait une grande révérence.
Figaro vient la recevoir des mains du comte, et se retire avec elle à l’autre côté du salon, près de Marceline.
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//(On danse une autre reprise du fandango pendant ce temps.)//
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Le comte, pressé de lire ce qu’il a reçu, s’avance au bord du théâtre et tire le papier de son sein ; mais, en le sortant, il fait le geste d’un homme qui s’est cruellement piqué le doigt ; il le secoue, le presse, le suce, et, regardant le papier cacheté d’une épingle, il dit :
<<<
;Le Comte.
//(Pendant qu’il parle, ainsi que Figaro, l’orchestre joue pianissimo.)//
Diantre soit des femmes, qui fourrent des épingles partout !
//(Il la jette à terre, puis il lit le billet et le baise.)//
;Figaro, qui a tout vu, dit à sa mère et à Suzanne :
C’est un billet doux, qu’une fillette aura glissé dans sa main en passant. Il était cacheté d’une épingle, qui l’a outrageusement piqué.
//(La danse reprend. Le comte, qui a lu le billet, le retourne ; il y voit l’invitation de renvoyer le cachet pour réponse. Il cherche à terre, et retrouve enfin l’épingle qu’il attache à sa manche.)//
;Figaro, à Suzanne et à Marceline.
D’un objet aimé tout est cher. Le voilà qui ramasse l’épingle. Ah ! c’est une drôle de tête !
//(Pendant ce temps, Suzanne a des signes d’intelligence avec la comtesse. La danse finit ; la ritournelle du duo recommence.)//
//(Figaro conduit Marceline au comte, ainsi qu’on a conduit Suzanne ; à l’instant où le comte prend la toque, et où l’on va chanter le duo, on est interrompu par les cris suivants :)//
;L’Huissier, criant à la porte.
Arrêtez donc, messieurs, vous ne pouvez entrer tous… Ici les gardes ! les gardes !
//(Les gardes vont vite à cette porte.)//
;Le Comte, se levant.
Qu’est-ce qu’il y a ?
;L’Huissier.
Monseigneur, c’est monsieur Basile entouré d’un village entier, parce qu’il chante en marchant.
;Le Comte.
Qu’il entre seul.
;La Comtesse.
Ordonnez-moi de me retirer.
;Le Comte.
Je n’oublie pas votre complaisance.
;La Comtesse.
Suzanne !… Elle reviendra. //(À part, à Suzanne.)// Allons changer d’habits.
//(Elle sort avec Suzanne.)//
;Marceline.
Il n’arrive jamais que pour nuire.
;Figaro.
Ah ! je m’en vais vous le faire déchanter.
;BASILE entre en chantant sur l’air du vaudeville de la fin.
:Cœurs sensibles, cœurs fidèles,
:Qui blâmez l’amour léger,
:Cessez vos plaintes cruelles :
:Est-ce un crime de changer ?
:Si l’Amour porte des ailes,
:N’est-ce pas pour voltiger ?
:N’est-ce pas pour voltiger ?
:N’est-ce pas pour voltiger ?
;Figaro s’avance à lui.
Oui, c’est pour cela justement qu’il a des ailes au dos. Notre ami, qu’entendez-vous par cette musique ?
;Basile, montrant ~GRIPPE-SOLEIL.
Qu’après avoir prouvé mon obéissance à monseigneur, en amusant monsieur, qui est de sa compagnie, je pourrai à mon tour réclamer sa justice.
;~GRIPPE-SOLEIL.
Bah ! monsigneu, il ne m’a pas amusé du tout avec leux guenilles d’ariettes…
;Le Comte.
Enfin que demandez-vous, Basile ?
;Basile.
Ce qui m’appartient, monseigneur : la main de Marceline ; et je viens m’opposer…
;Figaro s’approche.
Y a-t-il longtemps que monsieur n’a vu la figure d’un fou ?
;Basile.
Monsieur, en ce moment même.
;Figaro.
Puisque mes yeux vous servent si bien de miroir, étudiez-y l’effet de ma prédiction. Si vous faites mine seulement d’approximer madame…
;Bartholo, en riant.
Eh pourquoi ? Laisse-le parler.
;Brid’oison, s’avance entre eux deux.
Fau-aut-il que deux amis…
;Figaro.
Nous, amis !
;Basile.
Quelle erreur !
;Figaro, vite.
Parce qu’il fait de plats airs de chapelle ?
;Basile, vite.
Et lui, des vers comme un journal ?
;Figaro, vite.
Un musicien de guinguette !
;Basile, vite.
Un postillon de gazette !
;Figaro, vite.
Cuistre d’oratorio !
;Basile, vite.
Jockey diplomatique !
;Le Comte, assis.
Insolents tous les deux !
;Basile.
Il me manque en toute occasion.
;Figaro.
C’est bien dit ; si cela se pouvait !
;Basile.
Disant partout que je ne suis qu’un sot.
;Figaro.
Vous me prenez donc pour un écho ?
;Basile.
Tandis qu’il n’est pas un chanteur que mon talent n’ait fait briller.
;Figaro.
Brailler.
;Basile.
Il le répète !
;Figaro.
Et pourquoi non, si cela est vrai ? Es-tu un prince, pour qu’on te flagorne ? Souffre la vérité, coquin, puisque tu n’as pas de quoi gratifier un menteur : ou si tu la crains de notre part, pourquoi viens-tu troubler nos noces ?
;Basile, à Marceline.
M’avez-vous promis, oui ou non, si, dans quatre ans, vous n’étiez pas pourvue, de me donner la préférence ?
;Marceline.
À quelle condition l’ai-je promis ?
;Basile.
Que si vous retrouviez un certain fils perdu, je l’adopterais par complaisance.
;Tous ensemble.
Il est trouvé.
;Basile.
Qu’à cela ne tienne !
;Tous ensemble, montrant Figaro.
Et le voici.
;Basile, reculant de frayeur.
J’ai vu le diable !
;Brid’oison, à Basile.
Et vou-ous renoncez à sa chère mère !
;Basile.
.
Qu’y aurait-il de plus fâcheux que d’être cru le père d’un garnement ?
;Figaro.
D’en être cru le fils ; tu te moques de moi !
;Basile, montrant Figaro.
Dès que monsieur est de quelque chose ici, je déclare, moi, que je n’y suis plus de rien. //(Il sort.)//
;Bartholo, riant.
Ah ! ah ! ah ! ah !
;Figaro, sautant de joie.
Donc à la fin j’aurai ma femme !
;Le Comte, à part.
Moi, ma maîtresse !
//(Il se lève.)//
;Brid’oison, à Marceline.
Et tou-out le monde est satisfait.
;Le Comte.
Qu’on dresse les deux contrats ; j’y signerai.
;Tous ensemble
Vivat !
//(Ils sortent.)//
;Le Comte.
J’ai besoin d’une heure de retraite.
//(Il veut sortir avec les autres.)//
;~GRIPPE-SOLEIL, à Figaro.
Et moi je vais aider à ranger le feu d’artifice sous les grands marronniers, comme on l’a dit.
;Le Comte revient en courant.
Quel sot a donné un tel ordre ?
;Figaro.
Où est le mal ?
;Le Comte, vivement.
Et la comtesse qui est incommodée, d’où le verra-t-elle, l’artifice ? C’est sur la terrasse qu’il le faut, vis-à-vis de son appartement.
;Figaro.
Tu l’entends, ~Grippe-Soleil ? la terrasse.
;Le Comte.
Sous les grands marronniers ! belle idée ! //(En s’en allant, à part.)// Ils allaient incendier mon rendez-vous !
;Figaro.
Quel excès d’attention pour sa femme !
//(Il veut sortir.)//
;Marceline l’arrête.
Deux mots, mon fils. Je veux m’acquitter avec toi : un sentiment mal dirigé m’avait rendue injuste envers ta charmante femme ; je la supposais d’accord avec le comte, quoique j’eusse appris de Basile qu’elle l’avait toujours rebuté.
;Figaro.
Vous connaissiez mal votre fils de le croire ébranlé par ces impulsions féminines. Je puis défier la plus rusée de m’en faire accroire.
;Marceline.
Il est toujours heureux de le penser, mon fils ; la jalousie…
;Figaro.
… N’est qu’un sot enfant de l’orgueil, ou c’est la maladie d’un fou. Oh ! j’ai là-dessus, ma mère, une philosophie… imperturbable ; et si Suzanne doit me tromper un jour, je le lui pardonne d’avance ; elle aura longtemps travaillé…
//(Il se retourne et aperçoit Fanchette qui cherche de côté et d’autre.)//
;Figaro.
Eeeh !… ma petite cousine qui nous écoutes.
;Fanchette.
Oh ! pour ça, non : on dit que c’est malhonnête.
;Figaro.
Il est vrai ; mais comme cela est utile, on fait aller souvent l’un pour l’autre.
;Fanchette.
Je regardais si quelqu’un était là.
;Figaro.
Déjà dissimulée, friponne ! vous savez bien qu’il n’y peut être.
;Fanchette.
Et qui donc ?
;Figaro.
Chérubin.
;Fanchette.
Ce n’est pas lui que je cherche, car je sais fort bien où il est ; c’est ma cousine Suzanne.
;Figaro.
Et que lui veut ma petite cousine ?
;Fanchette.
À vous, petit cousin, je le dirai. — C’est… ce n’est qu’une épingle que je veux lui remettre.
;Figaro, vivement.
Une épingle ! une épingle !… et de quelle part, coquine ? À votre âge, vous faites déjà un mét… //(Il se reprend, et dit d’un ton doux.)// Vous faites déjà très bien tout ce que vous entreprenez, Fanchette ; et ma jolie cousine est si obligeante…
;Fanchette.
À qui donc en a-t-il de se fâcher ? Je m’en vais.
;Figaro, l’arrêtant.
Non, non, je badine ; tiens, ta petite épingle est celle que monseigneur t’a dit de remettre à Suzanne, et qui servait à cacheter un petit papier qu’il tenait. Tu vois que je suis au fait.
;Fanchette.
Pourquoi donc le demander, quand vous le savez si bien ?
;Figaro, cherchant.
C’est qu’il est assez gai de savoir comment monseigneur s’y est pris pour t’en donner la commission.
;Fanchette, naïvement.
Pas autrement que vous le dites : Tiens, petite Fanchette, rends cette épingle à ta belle cousine, et dis-lui seulement que c’est le cachet des grands marronniers.
;Figaro.
Des grands…
;Fanchette.
Marronniers. Il est vrai qu’il a ajouté : Prends garde que personne ne te voie !
;Figaro.
Il faut obéir, ma cousine : heureusement personne ne vous a vue. Faites donc joliment votre commission, et n’en dites pas plus à Suzanne que monseigneur n’a ordonné.
;Fanchette.
Et pourquoi lui en dirais-je ? Il me prend pour un enfant, mon cousin.
//(Elle sort en sautant.)//
;Figaro.
Eh bien, ma mère ?
;Marceline.
Eh bien, mon fils ?
;Figaro, comme étouffé.
Pour celui-ci !… Il y a réellement des choses…
;Marceline.
Il y a des choses ! Hé ! qu’est-ce qu’il y a ?
;Figaro, les mains sur sa poitrine.
Ce que je viens d’entendre, ma mère, je l’ai là comme un plomb.
;Marceline
Ce cœur plein d’assurance n’était donc qu’un ballon gonflé ? une épingle a tout fait partir !
;Figaro, furieux.
Mais cette épingle, ma mère, est celle qu’il a ramassée !…
;Marceline, rappelant ce qu’il a dit.
La jalousie ! Oh ! j’ai là-dessus, ma mère, une philosophie… imperturbable ; et si Suzanne m’attrape un jour, je le lui pardonne…
;Figaro, vivement.
Oh, ma mère, on parle comme on sent : mettez le plus glacé des juges à plaider dans sa propre cause, et voyez-le expliquer la loi ! — Je ne m’étonne plus s’il avait tant d’humeur sur ce feu ! — Pour la mignonne aux fines épingles, elle n’en est pas où elle le croit, ma mère, avec ses marronniers ! Si mon mariage est assez fait pour légitimer ma colère, en revanche il ne l’est pas assez pour que je n’en puisse épouser une autre, et l’abandonner…
;Marceline.
Bien conclu ! Abîmons tout sur un soupçon. Qui t’a prouvé, dis-moi, que c’est toi qu’elle joue, et non le comte ? L’as-tu étudiée de nouveau, pour la condamner sans appel ? Sais-tu si elle se rendra sous les arbres ? à quelle intention elle y va ? ce qu’elle y dira, ce qu’elle y fera ? Je te croyais plus fort en jugement !
;Figaro, lui baisant la main avec respect.
Elle a raison, ma mère : elle a raison, raison, toujours raison ! Mais accordons, maman, quelque chose à la nature : on en vaut mieux après. Examinons en effet avant d’accuser et d’agir. Je sais où est le rendez-vous. Adieu, ma mère.
//(Il sort.)//
{{center red medium{__Scène XVI MARCELINE__}}}
;MARCELINE, seule.
Adieu. Et moi aussi, je le sais. Après l’avoir arrêté, veillons sur les voies de Suzanne, ou plutôt avertissons-la ; elle est si jolie créature ! Ah ! quand l’intérêt personnel ne nous arme point les unes contre les autres, nous sommes toutes portées à soutenir notre pauvre sexe opprimé contre ce fier, ce terrible… //(en riant)// et pourtant un peu nigaud de sexe masculin.
//(Elle sort.)//
;FANCHETTE, //seule, tenant d’une main deux biscuits et une orange, et de l’autre une lanterne de papier, allumée.//
Dans le pavillon à gauche, a-t-il dit. C’est celui-ci. S’il allait ne pas venir à présent ! mon petit rôle… Ces vilaines gens de l’office qui ne voulaient pas seulement me donner une orange et deux biscuits ! — Pour qui, mademoiselle ? — Eh bien, monsieur, c’est pour quelqu’un. — Oh ! nous savons. — Et quand ça serait ? Parce que monseigneur ne veut pas le voir, faut-il qu’il meure de faim ? — Tout ça pourtant m’a coûté un fier baiser sur la joue !… Que sait-on ? il me le rendra peut-être. //(Elle voit Figaro qui vient l’examiner ; elle fait un cri.)// Ah !…
//(Elle s’enfuit, et elle entre dans le pavillon à sa gauche.)//
//FIGARO, un grand manteau sur les épaules, un large chapeau rabattu //
;Figaro, d’abord seul.
C’est Fanchette ! //(Il parcourt des yeux les autres à mesure qu’ils arrivent, et dit d’un ton farouche :)// Bonjour, messieurs, bonsoir ; êtes-vous tous ici ?
;Basile.
Ceux que tu as pressés d’y venir.
;Figaro.
Quelle heure est-il bien à peu près ?
;Antonio regarde en l’air.
La lune devrait être levée.
;Bartholo.
Eh ! quels noirs apprêts fais-tu donc ? Il a l’air d’un conspirateur !
;Figaro, s’agitant.
N’est-ce pas pour une noce, je vous prie, que vous êtes rassemblés au château ?
;Brid’oison.
Cè-ertainement.
;Antonio.
Nous allions là-bas, dans le parc, attendre un signal pour ta fête.
;Figaro.
Vous n’irez pas plus loin, messieurs ; c’est ici, sous ces marronniers, que nous devons tous célébrer l’honnête fiancée que j’épouse, et le loyal seigneur qui se l’est destinée.
;Basile, se rappelant la journée.
Ah ! vraiment, je sais ce que c’est. Retirons-nous, si vous m’en croyez : il est question d’un rendez-vous ; je vous conterai cela près d’ici.
;Brid’oison, à Figaro.
Nou-ous reviendrons.
;Figaro.
Quand vous m’entendrez appeler, ne manquez pas d’accourir tous, et dites du mal de Figaro, s’il ne vous fait voir une belle chose.
;Bartholo.
Souviens-toi qu’un homme sage ne se fait point d’affaires avec les grands.
;Figaro.
Je m’en souviens.
;Bartholo.
Qu’ils ont quinze et bisque sur nous par leur état.
;Figaro.
Sans leur industrie, que vous oubliez. Mais souvenez-vous aussi que l’homme qu’on sait timide est dans la dépendance de tous les fripons.
;Bartholo.
Fort bien.
;Figaro.
Et que j’ai nom de Verte-Allure, du chef honoré de ma mère.
;Bartholo.
Il a le diable au corps.
;Brid’oison.
I-il l’a
;Basile, à part.
Le comte et sa Suzanne se sont arrangés sans moi ? Je ne suis pas fâché de l’algarade.
;Figaro, aux valets.
Pour vous autres, coquins, à qui j’ai donné l’ordre, illuminez-moi ces entours ; ou, par la mort que je voudrais tenir aux dents, si j’en saisis un par le bras…
//(Il secoue le bras de ~GRIPPE-SOLEIL.)//
;~GRIPPE-SOLEIL, s’en va en criant et pleurant.
A, a, o, oh ! Damné brutal !
;Basile, en s’en allant.
Le ciel vous tienne en joie, monsieur du marié !
//(Ils sortent.)//
;FIGARO, seul, se promenant dans l’obscurité, dit du ton le plus sombre.
Ô femme ! femme ! femme ! créature faible et décevante !… nul animal créé ne peut manquer à son instinct : le tien est-il donc de tromper ?… Après m’avoir obstinément refusé quand je l’en pressais devant sa maîtresse ; à l’instant qu’elle me donne sa parole ; au milieu même de la cérémonie… Il riait en lisant, le perfide ! et moi, comme un benêt… Non, monsieur le comte, vous ne l’aurez pas… vous ne l’aurez pas. Parce que vous êtes un grand seigneur, vous vous croyez un grand génie !… noblesse, fortune, un rang, des places, tout cela rend si fier ! Qu’avez-vous fait pour tant de biens ? vous vous êtes donné la peine de naître, et rien de plus : du reste, homme assez ordinaire ! tandis que moi, morbleu, perdu dans la foule obscure, il m’a fallu déployer plus de science et de calculs pour subsister seulement, qu’on n’en a mis depuis cent ans à gouverner toutes les Espagnes ; et vous voulez jouter !… On vient… c’est elle… ce n’est personne.
— La nuit est noire en diable, et me voilà faisant le sot métier de mari, quoique je ne le sois qu’à moitié !
//(Il s’assied sur un banc.)//
Est-il rien de plus bizarre que ma destinée ! Fils de je ne sais pas qui ; volé par des bandits ; élevé dans leurs mœurs, je m’en dégoûte et veux courir une carrière honnête ; et partout je suis repoussé ! J’apprends la chimie, la pharmacie, la chirurgie ; et tout le crédit d’un grand seigneur peut à peine me mettre à la main une lancette vétérinaire ! — Las d’attrister des bêtes malades, et pour faire un métier contraire, je me jette à corps perdu dans le théâtre : me fussé-je mis une pierre au cou ! Je broche une comédie dans les mœurs du sérail : auteur espagnol, je crois pouvoir y fronder Mahomet sans scrupule : à l’instant un envoyé… de je ne sais où se plaint que j’offense dans mes vers la Sublime Porte, la Perse, une partie de la presqu’île de l’Inde, toute l’Égypte, les royaumes de Barca, de Tripoli, de Tunis, d’Alger et de Maroc ; et voilà ma comédie flambée, pour plaire aux princes mahométans, dont pas un, je crois, ne sait lire, et qui nous meurtrissent l’omoplate, en nous disant : Chiens de chrétiens ! — Ne pouvant avilir l’esprit, on se venge en le maltraitant. — Mes joues creusaient, mon terme était échu : je voyais de loin arriver l’affreux recors, la plume fichée dans sa perruque ; en frémissant je m’évertue. Il s’élève une question sur la nature des richesses ; et comme il n’est pas nécessaire de tenir les choses pour en raisonner, n’ayant pas un sou, j’écris sur la valeur de l’argent, et sur son produit net : aussitôt je vois, du fond d’un fiacre, baisser pour moi le pont d’un château-fort, à l’entrée duquel je laissai l’espérance et la liberté.
//(Il se lève.)//
Que je voudrais bien tenir un de ces puissants de quatre jours, si légers sur le mal qu’ils ordonnent, quand une bonne disgrâce a cuvé son orgueil ! Je lui dirais… que les sottises imprimées n’ont d’importance qu’aux lieux où l’on en gêne le cours ; que, sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur ; et qu’il n’y a que les petits hommes qui redoutent les petits écrits.
//(Il se rassied.)//
Las de nourrir un obscur pensionnaire, on me met un jour dans la rue ; et comme il faut dîner, quoiqu’on ne soit plus en prison, je taille encore ma plume, et demande à chacun de quoi il est question : on me dit que, pendant ma retraite économique, il s’est établi dans Madrid un système de liberté sur la vente des productions, qui s’étend même à celles de la presse ; et que, pourvu que je ne parle en mes écrits ni de l’autorité, ni du culte, ni de la politique, ni de la morale, ni des gens en place, ni des corps en crédit, ni de l’Opéra, ni des autres spectacles, ni de personne qui tienne à quelque chose, je puis tout imprimer librement, sous l’inspection de deux ou trois censeurs. Pour profiter de cette douce liberté, j’annonce un écrit périodique, et, croyant n’aller sur les brisées d’aucun autre, je le nomme Journal inutile. Pou-ou ! je vois s’élever contre moi mille pauvres diables à la feuille : on me supprime, et me voilà derechef sans emploi !
— Le désespoir m’allait saisir ; on pense à moi pour une place, mais par malheur j’y étais propre : il fallait un calculateur, ce fut un danseur qui l’obtint. Il ne me restait plus qu’à voler ; je me fais banquier de pharaon : alors, bonnes gens ! je soupe en ville, et les personnes dites comme il faut m’ouvrent poliment leur maison, en retenant pour elles les trois quarts du profit. J’aurais bien pu me remonter ; je commençais même à comprendre que, pour gagner du bien, le savoir-faire vaut mieux que le savoir. Mais comme chacun pillait autour de moi, en exigeant que je fusse honnête, il fallut bien périr encore. Pour le coup je quittais le monde, et vingt brasses d’eau m’en allaient séparer lorsqu’un dieu bienfaisant m’appelle à mon premier état. Je reprends ma trousse et mon cuir anglais ; puis, laissant la fumée aux sots qui s’en nourrissent, et la honte au milieu du chemin, comme trop lourde à un piéton, je vais rasant de ville en ville, et je vis enfin sans souci. Un grand seigneur passe à Séville ; il me reconnaît, je le marie ; et pour prix d’avoir eu par mes soins son épouse, il veut intercepter la mienne ! Intrigue, orage à ce sujet. Prêt à tomber dans un abîme, au moment d’épouser ma mère, mes parents m’arrivent à la file.
//(Il se lève en s’échauffant.)//
On se débat : C’est vous, c’est lui, c’est moi, c’est toi ; non, ce n’est pas nous : eh ! mais, qui donc ?
//(Il retombe assis.)//
Ô bizarre suite d’événements ! Comment cela m’est-il arrivé ? Pourquoi ces choses et non pas d’autres ? Qui les a fixées sur ma tête ? Forcé de parcourir la route où je suis entré sans le savoir, comme j’en sortirai sans le vouloir, je l’ai jonchée d’autant de fleurs que ma gaieté me l’a permis ; encore je dis ma gaieté, sans savoir si elle est à moi plus que le reste, ni même quel est ce moi dont je m’occupe : un assemblage informe de parties inconnues ; puis un chétif être imbécile, un petit animal folâtre, un jeune homme ardent au plaisir, ayant tous les goûts pour jouir, faisant tous les métiers pour vivre, maître ici, valet là, selon qu’il plaît à la fortune ; ambitieux par vanité, laborieux par nécessité, mais paresseux… avec délices ! orateur selon le danger, poète par délassement ; musicien par occasion, amoureux par folles bouffées, j’ai tout vu, tout fait, tout usé. Puis l’illusion s’est détruite, et, trop désabusé… Désabusé… ! Suzon, Suzon, Suzon ! que tu me donnes de tourments !… J’entends marcher… on vient. Voici l’instant de la crise.
//(Il se retire près de la première coulisse à sa droite.)//
;Suzanne, bas à la Comtesse.
Oui, Marceline m’a dit que Figaro y serait.
;Marceline.
Il y est aussi ; baisse la voix.
;Suzanne.
Ainsi l’un nous écoute, et l’autre va venir me chercher ; commençons.
;Marceline.
Pour n’en pas perdre un mot, je vais me cacher dans le pavillon.
//(Elle entre dans le pavillon où est entrée Fanchette.)//
;Suzanne, haut.
Madame tremble ! est-ce qu’elle aurait froid ?
;La Comtesse, haut.
La soirée est humide, je vais me retirer.
;Suzanne, haut.
Si madame n’avait pas besoin de moi, je prendrais l’air un moment, sous ces arbres.
;La Comtesse, haut.
C’est le serein que tu prendras.
;Suzanne, haut.
J’y suis toute faite.
;Figaro, à part.
Ah oui, le serein !
//(Suzanne se retire près de la coulisse, du côté opposé à Figaro.)//
;//(Figaro et Suzanne, retirés de chaque côté sur le devant.)//
://Chérubin, en habit d’officier, arrive en chantant gaiement la reprise de l’air de la romance.//
;Chérubin
:La, la, la, etc.
:J’avais une marraine,
:Que toujours adorai.
;La Comtesse, à part.
Le petit page !
;Chérubin s’arrête.
On se promène ici ; gagnons vite mon asile, où la petite Fanchette… C’est une femme !
;La Comtesse écoute.
Ah, grands dieux !
;Chérubin, se baisse en regardant de loin.
Me trompé-je ? à cette coiffure en plumes qui se dessine au loin dans le crépuscule, il me semble que c’est Suzon.
;La Comtesse, à part.
Si le comte arrivait !…
//(Le Comte paraît dans le fond.)//
;Chérubin, s’approche et prend la main de la comtesse, qui se défend.
Oui, c’est la charmante fille qu’on nomme Suzanne ! Eh ! pourrais-je m’y méprendre à la douceur de cette main, à ce petit tremblement qui l’a saisie, surtout au battement de mon cœur !
//(Il veut y appuyer le dos de la main de la Comtesse ; elle la retire.)//
;La Comtesse, bas.
Allez-vous-en.
;Chérubin.
Si la compassion t’avait conduite exprès dans cet endroit du parc, où je suis caché depuis tantôt !
;La Comtesse.
Figaro va venir.
;Le Comte, s’avançant, dit à part.
N’est-ce pas Suzanne que j’aperçois ?
;Chérubin, à la Comtesse.
Je ne crains point du tout Figaro, car ce n’est pas lui que tu attends.
;La Comtesse.
Qui donc ?
;Le Comte, à part.
Elle est avec quelqu’un.
;Chérubin.
C’est monseigneur, friponne, qui t’a demandé ce rendez-vous ce matin, quand j’étais derrière le fauteuil.
;Le Comte, à part, avec fureur.
C’est encore le page infernal !
;Figaro, à part.
On dit qu’il ne faut pas écouter !
;Suzanne, à part.
Petit bavard !
;La Comtesse, au page.
Obligez-moi de vous retirer.
;Chérubin.
Ce ne sera pas au moins sans avoir reçu le prix de mon obéissance.
;La Comtesse, effrayée.
Vous prétendez ?…
;Chérubin, avec feu.
D’abord vingt baisers pour ton compte, et puis cent pour ta belle maîtresse.
;La Comtesse.
Vous oseriez ?
;Chérubin.
Oh ! que oui, j’oserai ! Tu prends sa place auprès de monseigneur, moi celle du comte auprès de toi : le plus attrapé, c’est Figaro.
;Figaro, à part.
Ce brigandeau !
;Suzanne, à part.
Hardi comme un page.
//(Chérubin veut embrasser la comtesse ; le comte se met entre deux et reçoit le baiser.)//
;La Comtesse, se retirant.
Ah ! ciel !
;Figaro, à part, entendant le baiser.
J’épousais une jolie mignonne !
//(Il écoute.)//
;Chérubin, tâtant les habits du Comte
//(À part.)// C’est monseigneur !
//(Il s’enfuit dans le pavillon où sont entrées Fanchette et Marceline.)//
;Figaro, s’approche.
Je vais…
;Le Comte, croyant parler au page.
Puisque vous ne redoublez pas le baiser…
//(Il croit lui donner un soufflet.)//
;Figaro, qui est à portée, le reçoit.
Ah !
;Le Comte.
… Voilà toujours le premier payé.
;Figaro, à part, s’éloigne en se frottant la joue.
Tout n’est pas gain non plus en écoutant.
;Suzanne, riant tout haut, de l’autre côté.
Ah ! ah ! ah ! ah !
;Le Comte, à la Comtesse, qu’il prend pour Suzanne.
Entend-on quelque chose à ce page ! Il reçoit le plus rude soufflet, et s’enfuit en éclatant de rire.
;Figaro, à part.
S’il s’affligeait de celui-ci !…
;Le Comte.
Comment ! je ne pourrai faire un pas… //(À la Comtesse.)// Mais laissons cette bizarrerie ; elle empoisonnerait le plaisir que j’ai de te trouver dans cette salle.
;La Comtesse, imitant le parler de Suzanne.
L’espériez-vous ?
;Le Comte.
Après ton ingénieux billet ! //(Il lui prend la main.)// Tu trembles ?
;La Comtesse.
J’ai eu peur.
;Le Comte.
Ce n’est pas pour te priver du baiser que je l’ai pris.
//(Il la baise au front.)//
;La Comtesse.
Des libertés !
;Figaro, à part.
Coquine !
;Suzanne, à part.
Charmante !
;Le Comte prend la main de sa femme.
Mais quelle peau fine et douce, et qu’il s’en faut que la comtesse ait la main aussi belle !
;La Comtesse, à part.
Oh ! la prévention !
;Le Comte.
A-t-elle ce bras ferme et rondelet ? ces jolis doigts pleins de grâce et d’espièglerie ?
;La Comtesse, de la voix de Suzanne.
Ainsi l’amour…
;Le Comte.
L’amour… n’est que le roman du cœur ; c’est le plaisir qui en est l’histoire : il m’amène à tes genoux.
;La Comtesse.
Vous ne l’aimez plus ?
;Le Comte.
Je l’aime beaucoup ; mais trois ans d’union rendent l’hymen si respectable !
;La Comtesse.
Que vouliez-vous en elle ?
;Le Comte, la caressant.
Ce que je trouve en toi, ma beauté…
;La Comtesse.
Mais dites donc.
;Le Comte.
Je ne sais : moins d’uniformité peut-être, plus de piquant dans les manières, un je ne sais quoi qui fait le charme ; quelquefois un refus, que sais-je ? Nos femmes croient tout accomplir en nous aimant : cela dit une fois, elles nous aiment, nous aiment //(quand elles nous aiment !)//, et sont si complaisantes, et si constamment obligeantes, et toujours, et sans relâche, qu’on est tout surpris un beau soir de trouver la satiété où l’on recherchait le bonheur.
;La Comtesse, à part.
Ah ! quelle leçon !
;Le Comte.
En vérité, Suzon, j’ai pensé mille fois que si nous poursuivons ailleurs ce plaisir qui nous fuit chez elles, c’est qu’elles n’étudient pas assez l’art de soutenir notre goût, de se renouveler à l’amour, de ranimer, pour ainsi dire, le charme de leur possession par celui de la variété.
;La Comtesse, piquée.
Donc elles doivent tout ?…
;Le Comte, riant.
Et l’homme rien. Changerons-nous la marche de la nature ? Notre tâche, à nous, fut de les obtenir, la leur…
;La Comtesse.
La leur ?…
;Le Comte.
Est de nous retenir : on l’oublie trop.
;La Comtesse.
Ce ne sera pas moi.
;Le Comte.
Ni moi.
;Figaro, à part.
Ni moi.
;Suzanne, à part.
Ni moi.
;Le Comte, prend la main de sa femme.
Il y a de l’écho ici, parlons plus bas. Tu n’as nul besoin d’y songer, toi que l’amour a faite et si vive et si jolie ! Avec un grain de caprice, tu seras la plus agaçante maîtresse ! //(Il la baise au front.)// Ma Suzanne, un Castillan n’a que sa parole. Voici tout l’or promis pour le rachat du droit que je n’ai plus sur le délicieux moment que tu m’accordes. Mais comme la grâce que tu daignes y mettre est sans prix, j’y joindrai ce brillant, que tu porteras pour l’amour de moi.
;La Comtesse fait une révérence.
Suzanne accepte tout.
;Figaro, à part.
On n’est pas plus coquine que cela.
;Suzanne, à part.
Voilà du bon bien qui nous arrive.
;Le Comte, à part.
Elle est intéressée ; tant mieux !
;La Comtesse regarde au fond.
Je vois des flambeaux.
;Le Comte.
Ce sont les apprêts de ta noce. Entrons-nous un moment dans l’un de ces pavillons, pour les laisser passer ?
;La Comtesse.
Sans lumière ?
;Le Comte, l’entraîne doucement.
À quoi bon ? Nous n’avons rien à lire.
;Figaro, à part.
Elle y va, ma foi ! Je m’en doutais.
//(Il s’avance.)//
;Le Comte grossit sa voix en se retournant.
Qui passe ici ?
;Figaro, en colère.
Passer ! on vient exprès.
;Le Comte, bas à la Comtesse.
C’est Figaro !…
//(Il s’enfuit.)//
;La Comtesse.
Je vous suis.
//(Elle entre dans le pavillon à sa droite, pendant que le Comte se perd dans le bois au fond.)//
;Figaro, cherche à voir où vont le comte et la comtesse, qu’il prend pour Suzanne.
Je n’entends plus rien ; ils sont entrés ; m’y voila. //(D’un ton altéré.)// Vous autres, époux maladroits, qui tenez des espions à gages et tournez des mois entiers autour d’un soupçon, sans l’asseoir, que ne m’imitez-vous ? Dès le premier jour, je suis ma femme, et je l’écoute ; en un tour de main on est au fait : c’est charmant ; plus de doutes, on sait à quoi s’en tenir. //(Marchant vivement.)// Heureusement que je ne m’en soucie guère, et que sa trahison ne me fait plus rien du tout. Je les tiens donc enfin !
;Suzanne, qui s’est avancée doucement dans l’obscurité.
//(À part.)// Tu vas payer tes beaux soupçons. //(Du ton de voix de la comtesse.)// Qui va là ?
;Figaro, extravagant.
Qui va là ? Celui qui voudrait de bon cœur que la peste eût étouffé en naissant…
;Suzanne, du ton de la Comtesse.
Eh ! mais, c’est Figaro !
;Figaro, regarde et dit vivement.
Madame la comtesse !
;Suzanne.
Parlez bas.
;Figaro, vite.
Ah ! madame, que le ciel vous amène à propos ! Où croyez-vous qu’est monseigneur ?
;Suzanne.
Que m’importe un ingrat ? Dis-moi…
;Figaro, plus vite.
Et Suzanne, mon épousée, où croyez-vous qu’elle soit ?
;Suzanne.
Mais parlez bas !
;Figaro, très vite.
Cette Suzon qu’on croyait si vertueuse, qui faisait de la réservée ! Ils sont enfermés là-dedans. Je vais appeler.
;Suzanne, lui fermant la bouche avec sa main, oublie de déguiser sa voix.
N’appelez pas !
;Figaro, à part.
Eh, c’est Suzon ! God-dam !
;Suzanne, du ton de la comtesse.
Vous paraissez inquiet.
;Figaro, à part.
Traîtresse, qui veut me surprendre !
;Suzanne.
Il faut nous venger, Figaro.
;Figaro.
En sentez-vous le vif désir ?
;Suzanne.
Je ne serais donc pas de mon sexe ! Mais les hommes en ont cent moyens.
;Figaro, confidemment.
Madame, il n’y a personne ici de trop. Celui des femmes… les vaut tous.
;Suzanne, à part.
Comme je le souffletterais !
;Figaro, à part.
Il serait bien gai qu’avant la noce…
;Suzanne.
Mais qu’est-ce qu’une telle vengeance, qu’un peu d’amour n’assaisonne pas ?
;Figaro.
Partout où vous n’en voyez point, croyez que le respect dissimule.
;Suzanne, piquée.
Je ne sais si vous le pensez de bonne foi, mais vous ne le dites pas de bonne grâce.
;Figaro, avec une chaleur comique, à genoux.
Ah ! madame, je vous adore. Examinez le temps, le lieu, les circonstances, et que le dépit supplée en vous aux grâces qui manquent à ma prière.
;Suzanne, à part.
La main me brûle !
;Figaro, à part.
Le cœur me bat.
;Suzanne.
Mais, monsieur, avez-vous songé ?…
;Figaro.
Oui, madame, oui, j’ai songé.
;Suzanne.
… Que pour la colère et l’amour…
;Figaro.
… Tout ce qui se diffère est perdu. Votre main, madame !
;Suzanne, de sa voix naturelle et lui donnant un soufflet.
La voilà.
;Figaro.
Ah ! demonio, quel soufflet !
;Suzanne lui en donne un second.
Quel soufflet ! Et celui-ci ?
;Figaro.
Et ques-à-quo ? de par le diable, est-ce ici la journée des tapes ?
;Suzanne le bat à chaque phrase.
Ah ! ques-à-quo, Suzanne ? et voilà pour tes soupçons ; voilà pour tes vengeances et pour tes trahisons, tes expédients, tes injures et tes projets. C’est-il ça de l’amour ? Dis donc comme ce matin ?
;Figaro rit en se relevant.
Santa Barbara ! oui, c’est de l’amour. Ô bonheur ! ô délices ! ô cent fois heureux Figaro ! Frappe, ma bien-aimée, sans te lasser. Mais quand tu m’auras diapré tout le corps de meurtrissures, regarde avec bonté, Suzon, l’homme le plus fortuné qui fut jamais battu par une femme.
;Suzanne.
Le plus fortuné ! Bon fripon, vous n’en séduisiez pas moins la Comtesse, avec un si trompeur babil, que, m’oubliant moi-même, en vérité, c’était pour elle que je cédais.
;Figaro.
Ai-je pu me méprendre au son de ta jolie voix ?
;Suzanne, en riant.
Tu m’as reconnue ? Ah ! comme je m’en vengerai !
;Figaro.
Bien rosser et garder rancune est aussi par trop féminin ! Mais dis-moi donc par quel bonheur je te vois là, quand je te croyais avec lui ; et comment cet habit qui m’abusait te montre enfin innocente…
;Suzanne.
Eh ! c’est toi qui es un innocent, de venir te prendre au piège apprêté pour un autre ! Est-ce notre faute, à nous, si voulant museler un renard, nous en attrapons deux ?
;Figaro.
Qui donc prend l’autre ?
;Suzanne.
Sa femme.
;Figaro.
Sa femme ?
;Suzanne.
Sa femme.
;Figaro, follement.
Ah ! Figaro ! pends-toi ; tu n’as pas deviné celui-là. — Sa femme ? Ô douze ou quinze mille fois spirituelles femelles ! — Ainsi les baisers de cette salle ?
;Suzanne.
Ont été donnés à madame.
;Figaro.
Et celui du page ?
;Suzanne, riant.
À monsieur.
;Figaro.
Et tantôt, derrière le fauteuil ?
;Suzanne.
À personne.
;Figaro.
En êtes-vous sûre ?
;Suzanne, riant.
Il pleut des soufflets, Figaro.
;Figaro lui baise les mains.
Ce sont des bijoux que les tiens. Mais celui du comte était de bonne guerre.
;Suzanne.
Allons, superbe, humilie-toi !
;Figaro fait tout ce qu’il annonce.
Cela est juste : à genoux, bien courbé, prosterné, ventre à terre.
;Suzanne, en riant.
Ah ! ce pauvre comte ! quelle peine il s’est donnée…
;Figaro se relève sur ses genoux.
… Pour faire la conquête de sa femme !
://Le Comte entre par le fond du théâtre, et va droit au pavillon à sa droite//
;Le Comte, à lui-même.
Je la cherche en vain dans le bois, elle est peut-être entrée ici.
;Suzanne, à Figaro, parlant bas.
C’est lui.
;Le Comte, ouvrant le pavillon.
Suzon, es-tu là dedans ?
;Figaro, bas.
Il la cherche, et moi je croyais…
;Suzanne, bas.
Il ne l’a pas reconnue.
;Figaro.
Achevons-le, veux-tu ?
//(Il lui baise la main.)//
;Le Comte se retourne.
Un homme aux pieds de la comtesse !… Ah ! je suis sans armes.
//(Il s’avance.)//
;Figaro se relève tout à fait en déguisant sa voix.
Pardon, madame, si je n’ai pas réfléchi que ce rendez-vous ordinaire était destiné pour la noce.
;Le Comte, à part.
C’est l’homme du cabinet de ce matin.
//(Il se frappe le front.)//
;Figaro, continue.
Mais il ne sera pas dit qu’un obstacle aussi sot aura retardé nos plaisirs.
;Le Comte, à part.
Massacre ! mort ! enfer !
;Figaro, la conduisant au cabinet.
//(Bas.)// Il jure. //(Haut.)// Pressons-nous donc, madame, et réparons le tort qu’on nous a fait tantôt, quand j’ai sauté par la fenêtre.
;Le Comte, à part.
Ah ! tout se découvre enfin.
;Suzanne, près du pavillon à sa gauche.
Avant d’entrer, voyez si personne n’a suivi.
//(Il la baise au front.)//
;Le Comte s’écrie.
Vengeance !
//(Suzanne s’enfuit dans le pavillon où sont entrés Fanchette, Marceline et Chérubin.)//
{{center red medium{__Scène X LE COMTE, FIGARO.__}}}
://(Le Comte saisit le bras de Figaro.)//
;Figaro, jouant la frayeur excessive.
C’est mon maître !
;Le Comte le reconnaît.
Ah ! scélérat, c’est toi ! Holà quelqu’un ? quelqu’un ?
;Pédrille, botté.
Monseigneur, je vous trouve enfin.
;Le Comte.
Bon, c’est Pédrille. Es-tu tout seul ?
;Pédrille.
Arrivant de Séville, à étripe-cheval.
;Le Comte.
Approche-toi de moi, et crie bien fort !
;Pédrille, criant à tue-tête.
Pas plus de page que sur ma main. Voilà le paquet.
;Le Comte le repousse.
Eh ! l’animal !
;Pédrille.
Monseigneur me dit de crier.
;Le Comte, tenant toujours Figaro.
Pour appeler. — Holà quelqu’un ! Si l’on m’entend, accourez tous !
;Pédrille.
Figaro et moi, nous voilà deux ; que peut-il donc vous arriver ?
://toute la noce accourt avec des flambeaux.//
;Bartholo, à Figaro.
Tu vois qu’à ton premier signal…
;Le Comte, montrant le pavillon à sa gauche.
Pédrille, empare-toi de cette porte.
//(Pédrille y va.)//
;Basile, bas à Figaro.
Tu l’as surpris avec Suzanne
;Le Comte, montrant Figaro.
Et vous tous, mes vassaux, entourez-moi cet homme, et m’en répondez sur la vie.
;Basile.
Ha ! Ha !
;Le Comte, furieux.
Taisez-vous donc ! //(À Figaro, d’un ton glacé.)// Mon cavalier, répondez-vous à mes questions ?
;Figaro, froidement.
Eh ! qui pourrait m’en exempter, monseigneur ? Vous commandez à tout ici, hors à vous-même.
;Le Comte, se contenant.
Hors à moi-même !
;Antonio.
C’est ça parler !
;Le Comte reprend sa colère.
Non, si quelque chose pouvait augmenter ma fureur, ce serait l’air calme qu’il affecte.
;Figaro.
Sommes-nous des soldats qui tuent et se font tuer pour des intérêts qu’ils ignorent ? Je veux savoir, moi, pourquoi je me fâche.
;Le Comte, hors de lui.
Ô rage ! //(Se contenant.)// Homme de bien qui feignez d’ignorer, nous ferez-vous au moins la faveur de nous dire quelle est la dame actuellement par vous amenée dans ce pavillon ?
;Figaro, montrant l’autre avec malice.
Dans celui-là ?
;Le Comte, vite.
Dans celui-ci.
;Figaro, froidement.
C’est différent. Une jeune personne qui m’honore de ses bontés particulières.
;Basile, étonné.
Ha ! Ha !
;Le Comte vite.
Vous l’entendez, messieurs.
;Bartholo, étonné.
Nous l’entendons.
;Le Comte, à Figaro.
Et cette jeune personne a-t-elle un autre engagement, que vous sachiez ?
;Figaro, froidement.
Je sais qu’un grand seigneur s’en est occupé quelque temps, mais soit qu’il l’ait négligée ou que je lui plaise mieux qu’un plus aimable, elle me donne aujourd’hui la préférence.
;Le Comte, vivement.
La préf… //(Se contenant.)// Au moins il est naïf : car ce qu’il avoue, messieurs, je l’ai ouï, je vous jure, de la bouche même de sa complice.
;Brid’oison, stupéfait.
Sa-a complice !
;Le Comte, avec fureur.
Or, quand le déshonneur est public, il faut que la vengeance le soit aussi.
//(Il entre dans le pavillon.)//
{{center red medium{__Scène XIII Tous les précédents, hors LE COMTE.__}}}
;Antonio.
C’est juste.
;Brid’oison, à Figaro.
Qui-i donc a pris la femme de l’autre ?
;Figaro, en riant.
Aucun n’a eu cette joie-là.
;Le Comte,
//Parlant dans le pavillon, et attirant quelqu’un qu’on ne voit pas encore.//
Tous vos efforts sont inutiles ; vous êtes perdue, madame, et votre heure est bien arrivée !
//(Il sort sans regarder.)//
Quel bonheur qu’aucun gage d’une union aussi détestée…
;Figaro, s’écrie.
Chérubin !
;Le Comte.
Mon page ?
;Basile.
Ha ! ha !
;Le Comte, hors de lui, //(À part.)//
Et toujours le page endiablé ! //(À Chérubin.)// Que faisiez-vous dans ce salon ?
;Chérubin, timidement.
Je me cachais, comme vous me l’avez ordonné.
;Pédrille.
Bien la peine de crever un cheval !
;Le Comte.
Entres-y, toi, Antonio ; conduis devant son juge l’infâme qui m’a déshonoré.
;Brid’oison.
C’est madame que vous y-y cherchez ?
;Antonio.
L’y a, parguenne, une bonne Providence ! vous en avez tant fait dans le pays…
;Le Comte, furieux.
Entre donc !
//(Antonio entre.)//
{{center red medium{__Scène XV Les précédents, excepté ANTONIO.__}}}
;Le Comte.
Vous allez voir, messieurs, que le page n’y était pas seul.
;Chérubin, timidement.
Mon sort eût été trop cruel, si quelque âme sensible n’en eût adouci l’amertume.
;Antonio, attirant par le bras quelqu’un qu’on ne voit pas encore.
Allons, madame, il ne faut pas vous faire prier pour en sortir, puisqu’on sait que vous y êtes entrée.
;Figaro s’écrie.
La petite cousine !
;Basile.
Ha ! ha !
;Le Comte.
Fanchette !
;Antonio se retourne et s’écrie.
Ah ! palsambleu, monseigneur, il est gaillard de me choisir pour montrer à la compagnie que c’est ma fille qui cause tout ce train-là !
;Le Comte, outré.
Qui la savait là dedans ?
//(Il veut rentrer.)//
;Bartholo, au-devant.
Permettez, monsieur le comte, ceci n’est pas plus clair. Je suis de sang-froid, moi…
//(Il entre.)//
;Brid’oison.
Voilà une affaire au-aussi trop embrouillée.
;Bartholo, parlant en dedans, et sortant.
Ne craignez rien, madame, il ne vous sera fait aucun mal. J’en réponds. //(Il se retourne et s’écrie :)// Marceline !…
;Basile.
Ha ! Ha !
;Figaro, riant.
Hé ! quelle folie ! ma mère en est ?
;Antonio.
À qui pis fera.
;Le Comte, outré.
Que m’importe à moi ? La comtesse…
://Suzanne, son éventail sur le visage.//
;Le Comte.
… Ah ! la voici qui sort. //(Il la prend violemment par le bras.)// Que croyez-vous, messieurs, que mérite une odieuse…
//(Suzanne se jette à genoux la tête baissée.)//
;Le Comte.
Non, non !
//(Figaro se jette à genoux de l’autre côté.)//
;Le Comte, plus fort.
Non, non !
//(Marceline se jette à genoux devant lui.)//
;Le Comte, plus fort.
Non, non !
//(Tous se mettent à genoux, excepté Brid’oison.)//
;Le Comte, hors de lui.
Y fussiez-vous un cent !
//La Comtesse sort de l’autre pavillon.//
;La Comtesse, se jette à genoux.
Au moins je ferai nombre.
;Le Comte, regardant la Comtesse et Suzanne.
Ah ! qu’est-ce que je vois ?
;Brid’oison, riant.
Eh ! pardi, c’è-est madame.
;Le Comte veut relever la comtesse.
Quoi ! c’était vous, comtesse ? //(D’un ton suppliant.)// Il n’y a qu’un pardon bien généreux…
;La Comtesse, en riant.
Vous diriez Non, non, à ma place ; et moi, pour la troisième fois d’aujourd’hui, je l’accorde sans condition.
//(Elle se relève.)//
;Suzanne se relève.
Moi aussi.
;Marceline se relève.
Moi aussi.
;Figaro se relève.
Moi aussi. Il y a de l’écho ici !
//(Tous se relèvent.)//
;Le Comte.
De l’écho ! — J’ai voulu ruser avec eux ; ils m’ont traité comme un enfant !
;La Comtesse, en riant.
Ne le regrettez pas, monsieur le comte.
;Figaro, s’essuyant les genoux avec son chapeau.
Une petite journée comme celle-ci forme bien un ambassadeur !
;Le Comte, à Suzanne.
Ce billet fermé d’une épingle ?…
;Suzanne.
C’est madame qui l’avait dicté.
;Le Comte.
La réponse lui en est bien due.
//(Il baise la main de la comtesse.)//
;La Comtesse.
Chacun aura ce qui lui appartient.
//(Elle donne la bourse à Figaro, et le diamant à Suzanne.)//
;Suzanne, à Figaro.
Encore une dot !
;Figaro, frappant la bourse dans sa main.
Et de trois. Celle-ci fut rude à arracher !
;Suzanne.
Comme notre mariage.
;~GRIPPE-SOLEIL.
Et la jarretière de la mariée, l’aurons-je ?
;La Comtesse arrache le ruban qu’elle a tant gardé dans son sein et le jette à terre.
La jarretière ? Elle était avec ses habits : la voilà.
//(Les garçons de la noce veulent la ramasser.)//
;Chérubin, plus alerte, court la prendre, et dit :
Que celui qui la veut vienne me la disputer !
;Le Comte, en riant, au page.
Pour un monsieur si chatouilleux, qu’avez-vous trouvé de gai à certain soufflet de tantôt ?
;Chérubin, recule en tirant à moitié son épée.
À moi, mon colonel ?
;Figaro, avec une colère comique.
C’est sur ma joue qu’il l’a reçu : voilà comme les grands font justice !
;Le Comte, riant.
C’est sur sa joue ? Ah ! ah ! ah ! qu’en dites-vous donc, ma chère comtesse ?
;La Comtesse, absorbée, revient à elle et dit avec sensibilité :
Ah ! oui, cher comte, et pour la vie, sans distraction, je vous le jure.
;Le Comte, frappant sur l’épaule du juge.
Et vous, don Brid’oison, votre avis maintenant ?
;Brid’oison.
Su-ur tout ce que je vois, monsieur Le comte ?… Ma-a foi, pour moi, je-e ne sais que vous dire : voilà ma façon de penser.
;Tous ensemble.
Bien jugé !
;Figaro.
J’étais pauvre, on me méprisait. J’ai montré quelque esprit, la haine est accourue. Une jolie femme et de la fortune…
;Bartholo, en riant.
Les cœurs vont te revenir en foule.
;Figaro.
Est-il possible ?
;Bartholo.
Je les connais.
;Figaro, saluant les spectateurs.
Ma femme et mon bien mis à part, tous me feront honneur et plaisir.
//(On joue la ritournelle du vaudeville.)//
;Basile.
://Premier couplet.//
{{center{Triple dot, femme superbe,
Que de biens pour un époux !
D’un seigneur, d’un page imberbe,
Quelque sot serait jaloux.
Du latin d’un vieux proverbe
L’homme adroit fait son parti.}}}
;Figaro.
Je le sais…
//(Il chante.)//
{{center{Gaudeant bene nati !}}}
;Basile.
Non…
//(Il chante.)//
{{center{Gaudeant bene nanti !}}}
;Suzanne.
://Deuxième couplet.//
{{center{Qu’un mari sa foi trahisse,
Il s’en vante, et chacun rit ;
Que sa femme ait un caprice,
S’il l’accuse, on la punit.
De cette absurde injustice
Faut-il dire le pourquoi ?
Les plus forts ont fait la loi. //(Bis.)//}}}
;Figaro.
://Troisième couplet.//
{{center{Jean Jeannot, jaloux risible,
Veut unir femme et repos ;
Il achète un chien terrible,
Et le lâche en son enclos.
La nuit, quel vacarme horrible !
Le chien court, tout est mordu,
ors l’amant qui l’a vendu. //(Bis.)//}}}
;La Comtesse.
://Quatrième couplet.//
{{center{Telle est fière et répond d’elle,
Qui n’aime plus son mari ;
Telle autre, presque infidèle,
Jure de n’aimer que lui.
La moins folle, hélas ! est celle
Qui se veille en son lien,
Sans oser jurer de rien. //(Bis.)//}}}
;Le Comte.
://Cinquième couplet.//
{{center{D’une femme de province,
À qui ses devoirs sont chers,
Le succès est assez mince ;
Vive la femme aux bons airs !
Semblable à l’écu du prince,
Sous le coin d’un seul époux,
Elle sert au bien de tous. //(Bis)//}}}
;Marceline.
://Sixième couplet.//
{{center{Chacun sait la tendre mère
Dont il a reçu le jour ;
Tout le reste est un mystère,
C’est le secret de l’amour.}}}
;Figaro, continue l’air.
{{center{Ce secret met en lumière
Comment le fils d’un butor
Vaut souvent son pesant d’or. //(Bis.)//}}}
://Septième couplet.//
{{center{Par le sort de la naissance,
L’un est roi, l’autre est berger ;
Le hasard fit leur distance ;
L’esprit seul peut tout changer.
De vingt rois que l’on encense,
Le trépas brise l’autel ;
Et Voltaire est immortel. //(Bis.)//}}}
;Chérubin.
://Huitième couplet.//
{{center{Sexe aimé, sexe volage,
Qui tourmentez nos beaux jours,
Si de vous chacun dit rage,
Chacun vous revient toujours.
Le parterre est votre image :
Tel paraît le dédaigner,
Qui fait tout pour le gagner. //(Bis.)//}}}
;Suzanne.
://Neuvième couplet.//
{{center{Si ce gai, ce fol ouvrage,
Renfermait quelque leçon,
En faveur du badinage
Faites grâce à la raison.
Ainsi la nature sage
Nous conduit, dans nos désirs,
À son but par les plaisirs. //(Bis.)//}}}
;Brid’oison.
://Dixième couplet.//
{{center{Or, messieurs, la co-omédie,
Que l’on juge en cè-et instant,
Sauf erreur, nous pein-eint la vie
Du bon peuple qui l’entend.
Qu’on l’opprime, il peste, il crie,
Il s’agite en cent fa-açons ;
Tout fini-it par des chansons. //(Bis.)//
}}}
//(Ballet général.)//
;Atelier Théâtre à ~Port-Royal
*10h00 Exercices et impros
**//diction, attitudes, interprétations//
*11h00 Filage [[Un Amour de Célimène]] //(selon les présents)//
;Atelier Théâtre à ~Port-Royal
*10h00 Exercices et impros
**//diction, attitudes, interprétations//
*11h00 Filage [[Un Amour de Célimène]] //(selon les présents)//
;Atelier Théâtre à ~Port-Royal
*10h00 Exercices et impros
**//diction, attitudes, interprétations//
*11h00 Filage [[Un Amour de Célimène]] //(selon les présents)//
;Atelier Théâtre à ~Port-Royal
*10h00 Exercices et impros
**//diction, attitudes, interprétations//
*11h00 Filage [[Un Amour de Célimène]] //(selon les présents)//
;Atelier Théâtre à Mouffetard
*14h00 Répétitions de scènes en cours
*16h20 Filage de la scène des Marquises
<<tiddler '?Théâtre de la Mairie du 17ème?'>>
;Atelier Théâtre à Mouffetard
*14h00 Répétitions de scènes en cours
*16h20 Filage de la scène des Marquises
;Atelier Théâtre à Mouffetard
*14h00 Répétitions de scènes en cours
*16h20 Filage de la scène des Marquises
<<tiddler '?Théâtre aux Épinettes?'>>
;Atelier Théâtre à Mouffetard
*14h00
| Couturière [[Un Amour de Célimène]] |
;Atelier Théâtre à Mouffetard
*14h00 Répétitions de scènes en cours
*16h20 Filage de la scène des Marquises
L'animatrice du Club des Ternes s'adresse à nous pour remplacer une animation défaillante le 12/12.
? Réservez l'après-midi du 12 déc :
{{groupbox center{
Centre Action Sociale Ville de Paris CASVP
28 Rue Bayen, 75017 Paris
ratp : M2 Ternes — 92 : ~Ternes-MacMahon)
01 43 80 23 68}}}
!Choix de monologues ou tirades célèbres
*Choisissez une tirade que vous aimez, ici ou dans votre bibliothèque,
et que vous auriez plaisir à partager.
*Entraînez-vous à la lire à haute voix de manière à bien mettre en relief le sens, le mouvement, ainsi que le sentiment qui anime le locuteur.
*Cherchez les quelques effets par lesquels vous capterez et maintiendrez l'attention de votre auditoire, l'intéresserez, mais surtout le toucherez.
Et venez, dans une séance d'atelier, nous faire profiter du résultat !
;spectacle5 Créé le jeudi 10 novembre 2016à Mouffetard
2017:
*Jeudi 12 janvier spectacle 5 Saint-Éloi
*Jeudi 26 janvier spectacle 5 Malraux
*Jeudi 23 février spectacle 5 Château des Rentiers
+++^75%^*@[Ébauche spectacle6]
*//Jeudi 4 mai Mouffetard//
<<tiddler spectacle6>>
===
!SPECTACLE 6
|Jeudi 4 mai 2017|Mouffetard |
|Jeudi 28 septembre 2017|~Saint-Éloi|
|Jeudi 5 novembre 2017|Malraux|
|Jeudi 18 janvier 2018|Rentiers|h
|Jeudi 8 mars 2018|Jeanne d'Arc|h
@@//Durée théorique (d'après filages vidéos) : ''1h24''//@@
{{menubox{<<gradient horiz #cdf>>
;10' [[LES FEMMES SAVANTES]] Mady Christel
:? //Intercaler un sketch//
;11' [[Coup de soleil]] Mady Michèle
;[[Un amour de Célimène]]
:17' [[Misanthrope - I 1 - PHILINTE, ALCESTE.]] Jacques Gérard
:15' [[Misanthrope - I 2 Le sonnet d'Oronte - ORONTE, ALCESTE, PHILINTE.]] Jacques Gérard Isaac
: 7' [[Misanthrope - II 1 - ALCESTE, CÉLIMÈNE]] Jacques Michèle
:15' [[Misanthrope - III-2,3,4 Arsinoé et Célimène]] Michèle Éveline
: 5' [[Misanthrope - III-5 Arsinoé et Alceste]] Jacques Éveline
: 4' [[Misanthrope - V Terminaison de Célimène et Alceste]]
/%}}}
!!!!!!Reporté :
*[[Le temps des cerises]] Livia Muriel
*[[Ponctuation Graneck]] - Michèle Anaïs
!!!!!! SPECTACLE 7 - juin ou septembre
Figaro actes 2 et 3
. . .
%/
<<search>>
----
<<newTiddler>> <<saveChanges>>
-----
<<tag adjoindre>> <<tag iTW>> <<tag systemConfig>> <<tag excludeLists>> <<tag systemList>> <<tag aide>>
|<<tag gestion>>|h
* ColorPalette
* DefaultTiddlers
* PageTemplate
* ViewTemplate
* EditTemplate
* GettingStarted
* MainMenu
* SideBarOptions
* OptionsPanel
* SideBarTabs
* SiteTitle & SiteSubtitle
* StyleSheet
* StyleSheetLayout
* StyleSheetShortcuts
* [[systemConfig]]
* [[Tables]]
* [[TopMenu]]
* TagCloud
<<ListeTEXTEStagged with: "Huissier">>
!Configuration
<<search>>
Configuration du site : [[control panel|http://grenier.tiddlyspot.com/controlpanel]] (nom : //grenier//).
<<tiddler TspotControls>>
----
<<newTiddler>> <<saveChanges>>
-----
<<tag iTW>> <<tag systemConfig>> <<tag excludeLists>> <<tag systemList>>
* ViewTemplate HoverMenu YourSearchPlugin
* [[bandeau]] MàJ
* SideBarTabs
* ColorPalette
* DefaultTiddlers
* EditTemplate
* GettingStarted
* MainMenu
* SideBarOptions
*OptionsPanel AdvancedOptions
* SiteTitle & SiteSubtitle
* StyleSheetLayout
* StyleSheetShortcuts
* [[systemConfig]]
* [[Tables]]
* [[TopMenu]]
* TagCloud
;Mouffetard
14h00 ''Plaisir de Dire''
15h30 ''Théâtre'' : répétitions de scènes
16h20 Filage de la scène des Marquises
;Mouffetard
14h00 ''Plaisir de Dire''
15h30 ''Théâtre'' : répétitions de scènes
16h20 Filage de la scène des Marquises
;Mouffetard
14h00 ''Plaisir de Dire''
15h30 ''Théâtre'' : répétitions de scènes
16h20 Filage de la scène des Marquises
;Mouffetard
14h00 ''Plaisir de Dire''
15h30 ''Théâtre'' : répétitions de scènes
16h20 Filage de la scène des Marquises
;Mouffetard
14h00 ''Théâtre'' : répétition ''générale'' de [[Un Amour de Célimène]]
16h20 Scène des Marquises //(à effectif complet)//
!Vidéos de vendredi 23 septembre à télécharger
>^^//Compter de l'ordre de 20 minutes par giga à télécharger//^^
''ve23sept_poesies.zip : http://dl.free.fr/ovNkQmYzS'' //(0,5 giga)//
//Contenu :
*h_Recueillement - Baudelaire - CHRISTEL.mp4
*i_Femme et Chatte - Verlaine - ~Marie-France.mp4
*j_Les chats -Baudelaire - Éveline.mp4
*k_Le chat -Baudelaire - Éveline.mp4
*l_Lavieantérieure - Baudelaire - Muriel.mp4
*m_Beauté - Baudelaire - Muriel.mp4
*n_Elle avait pris ce pli - Hugo - Dominique.mp4
*o_Elle avait pris ce pli - Hugo - Jacques.mp4
*p_Il pleure dans mon coeur- Verlaine - Maddy.mp4
*q_Chanson d'automne - Verlaine - Gérard.mp4
*r_Chanson d'automne - Verlaine - Isaac.mp4
*s_Le Chat - Baudelaire - Éveline.mp4
''ve23sept_theatre.zip : http://dl.free.fr/oD58sKE9l'' //(1,1 giga)//
//Contenu :
*t_Les Fugueuses - Geneviève Dominique.mp4
*u_Mariane et Octave - Musset - Christel Isaac.mp4
*w_Harpagon Frosine - Maddy Gérard.mp4
*x_Figaro 2.1 - Michèle ~Marie-France.mp4
Si un fichier n'est pas téléchargé au moins 1 fois sur une periode de 30 jours, il sera retiré.
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|''Name:''|AnnotationsPlugin|
|''Description:''|Inline annotations for tiddler text.|
|''Author:''|Saq Imtiaz ( lewcid@gmail.com )|
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|''License:''|[[Creative Commons Attribution-ShareAlike 3.0 License|http://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0/]]|
|''~CoreVersion:''|2.2.3|
!!Usage:
*{{{((text to annotate(annotation goes here)}}}
* To include the text being annotated, in the popup as a title, put {{{^}}} as the first letter of the annotation text.
** {{{((text to annotate(^annotation goes here)}}}
!!Examples:
Mouse over, the text below:
* ((banana(the best fruit in the world)))
* ((banana(^ the best fruit in the world)))
***/
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setStylesheet(".anno{position:absolute;border:2px solid #000;background-color:#FFFECA; color:#004;padding:0.5em;max-width: 75%;width:expression(document.body.clientWidth > (255/12) *parseInt(document.body.currentStyle.fontSize)?'15em':'auto' );}\n"+".anno h1, .anno h2{margin-top:0;color:#000;}\n"+".annosub{background:#ffd;}\n"+".annosubover{z-index: 1100; background-color:#DFDFFF;cursor:help;}\n","AnnotationStyles");
// %/
/***
|''Name:''|FrenchTranslationPlugin-TW240 |
|''Description:''|Translation of TiddlyWiki 2.4.0 into French |
|''Author:''|ocalTW ( FrenchTranslationPlugin (at) ocalTW (dot) com ) |
|''Source:''|http://www.tiddlywiki.fr#FrenchTranslationPlugin-TW240 |
|''CodeRepository:''|http://svn.tiddlywiki.org/Trunk/association/locales/core/fr/locale.fr.js (to be posted) |
|''Version:''|''2.4.0'' |
|''Date:''|May 10, 2008 |
|''History:''|Translations of v2.1.3 by Jacques Turbé, v2.2 by BidiX, v2.3 by ocalTW |
|''Comments:''|Please make comments at http://groups.google.co.uk/group/TiddlyWikiDev |
|''License:''|[[Creative Commons Attribution-ShareAlike 3.0 License|http://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0/]] |
***/
//{{{
//Notes fr (commentplugin) :
config.options.chkAutoSave=true
//--
//-- Translateable strings
//--
// Strings in "double quotes" should be translated; strings in 'single quotes' should be left alone
if (config.options.txtUserName == 'YourName') // do not translate this line, but do translate the next line
merge(config.options,{txtUserName: "JacquesTurbé"});
merge(config.tasks,{
save: {text: "sauvegarder", tooltip: "Sauvegarde vos modifications dans ce fichier", action: saveChanges},
sync: {text: "synchroniser", tooltip: "Synchronise les modifications avec d'autres fichiers ou d'autres serveurs TiddlyWiki", content: '<<sync>>'},
importTask: {text: "importer", tooltip: "Importe des éléments et des extensions depuis d'autres fichiers ou d'autres serveurs TiddlyWiki", content: '<<importTiddlers>>'},
tweak: {text: "réglages", tooltip: "Adapte l'apparence et le comportement de ce fichier", content: '<<options>>'},
upgrade: {text: "mise à jour", tooltip: "Met à jour le code du noyau TiddlyWiki", content: '<<upgrade>>'},
plugins: {text: "extensions", tooltip: "Gère les extensions déjà installées", content: '<<plugins>>'}
});
// Options that can be set in the options panel and/or cookies
merge(config.optionsDesc,{
txtUserName: "Nom d'utilisateur qui signe les modifications",
chkRegExpSearch: "Activer les expressions régulières pour les recherches",
chkCaseSensitiveSearch: "La recherche est sensible à la casse des mots",
chkIncrementalSearch: "Recherche incremental en mode pas-à-pas",
chkAnimate: "Activer les animations",
chkSaveBackups: "Générer un fichier backup lors de l'enregistrement des modifications",
chkAutoSave: "Enregistrer automatiquement les modifications",
chkGenerateAnRssFeed: "Générer un flux RSS lors de l'enregistrement des modifications",
chkSaveEmptyTemplate: "Générer un fichier de démarrage initial 'empty.html' lors de l'enregistrement des modifications",
chkOpenInNewWindow: "Ouvrir un lien externe dans une nouvelle fenêtre",
chkToggleLinks: "Fermer les éléments lorsque l'on clique sur des liens qu'ils contiennent",
chkHttpReadOnly: "Masquer les caractéristiques d'édition lorsqu'il est accédé par HTTP",
chkForceMinorUpdate: "Ne modifier ni le nom de l'utilisateur ni la date lors de l'édition des éléments",
chkConfirmDelete: "Demander une confirmation lors d'une suppression d'un élément",
chkInsertTabs: "Utiliser la touche 'tab' pour insérer une tabulation au lieu de changer de champs",
txtBackupFolder: "Nom du dossier dans lequel seront conservés les backups",
txtMaxEditRows: "Nombre maximum de lignes dans les zones d'édition",
txtFileSystemCharSet: "Jeux de caractères à utiliser lors de l'enregistrement des modifications (uniquement pour Firefox/Mozilla)"});
merge(config.messages,{
customConfigError: "Problèmes rencontrés lors du chargement d'extensions. Consulter le 'PluginManager' (menu 'extensions') pour les détails",
pluginError: "Erreur : %0",
pluginDisabled: "L'extension a été désactivée par positionnement du mot-clé 'systemConfigDisable'",
pluginForced: "L'exécution a été forcée à cause du mot-clé 'systemConfigForce'",
pluginVersionError: "L'extension a été désactivée car elle nécessite une version plus récente de TiddlyWiki",
nothingSelected: "Aucune sélection faite. Il vous faut d'abord sélectionner au moins un item",
savedSnapshotError: "Ce bloc-notes TiddlyWiki ne semble pas conforme. Reportez-vous à http://www.tiddlywiki.com/#DownloadSoftware ",
subtitleUnknown: "(inconnu)",
undefinedTiddlerToolTip: "L'élément '%0' n'est pas encore créé.",
shadowedTiddlerToolTip: "L'élément '%0' n'est pas encore créé, mais a un contenu par défaut.",
tiddlerLinkTooltip: "%0 - %1, %2",
externalLinkTooltip: "Lien externe vers %0",
noTags: "Il n'y a pas d'éléments indexés.",
notFileUrlError: "Vous devez sauvegarder ce fichier dans un fichier avant de pouvoir enregistrer vos modifications",
cantSaveError: "Sauvegarde impossible : \n- soit votre navigateur ne permet pas de sauvegarder les sauvegardes (FireFox, Internet Explorer, Safari et Opera fonctionnent s'ils sont configurés corectement),\n- soit le chemin d'accès à votre fichier contient des caractères invalides\n- soit ce fichier a été déplacé ou renommé", //jtFR
invalidFileError: "Le fichier '%0' choisi ne semble pas être un TiddlyWiki valide",
backupSaved: "Copie de sauvegarde effectuée",
backupFailed: "Echec de l'enregistrement de la copie de sauvegarde",
rssSaved: "Flux RSS sauvegardé",
rssFailed: "Echec de l'enregistrement du flux RSS",
emptySaved: "Fichier de démarrage initial 'empty.html' enregistré",
emptyFailed: "Echec de l'enregistrement du fichier de démarrage initial 'empty.html'",
mainSaved: "Document TiddlyWiki enregistré",
mainFailed: "Echec de l'enregistrement de ce document TiddlyWiki. Vos modifications n'ont pas été enregistrées",
macroError: "Erreur dans la macro <<\%0>>",
macroErrorDetails: "Erreur d'exécution de la macro <<\%0>>:\n%1",
missingMacro: "Macro non trouvée",
overwriteWarning: "Il y a déjà un élément nommé '%0'. Confirmez pour le remplacer",
unsavedChangesWarning: "ATTENTION! Les dernières modifications ne sont pas enregistrées.\n\nOK pour les enregistrer\nANNULER pour les abandonner", //jtFR
confirmExit: "--------------------------------\n\nCertaines modifications n'ont pas été enregistrées dans le fichier.\n\n Si vous quittez maintenant vous les perdrez définitievement.\n\n--------------------------------",
saveInstructions: "Sauvegarder",
unsupportedTWFormat: "Format de TiddlyWiki non supporté '%0'",
tiddlerSaveError: "Erreur lors de l'enregistrement de l'élément '%0'",
tiddlerLoadError: "Erreur lors du chargement de l'élément '%0'",
wrongSaveFormat: "Impossible d'enregistrer avec le format '%0'. Le format standard est utilisé pour sauvegarder.",
invalidFieldName: "Nom de champ invalide %0",
fieldCannotBeChanged: "Le champ '%0' ne peut être changé",
loadingMissingTiddler: "Tentative de récupération de l'élément '%0' à partir du serveur '%1' server à :\n\n'%2' dans l'espace de travail '%3'",
upgradeDone: "ZZ La mise à jour en version %0 est maintenant terminée\n\nCliquez 'OK' pour recharger le TiddlyWiki que vous venez de mettre à jour"});
merge(config.messages.messageClose,{
text: "fermer",
tooltip: "fermer cette zone de messages"});
//jtFR
config.messages.backstage = {
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tooltip: "Afficher les éléments rattach?s ? '%0'",
openAllText: ">>>",
openAllTooltip: "Ouvrir tous les éléments marqués par cet index",
popupNone: "Aucun autre élément indexé par '%0'"});
merge(config.views.wikified,{
defaultText: "/%note%/",
defaultModifier: "(manquant)",
shadowModifier: "(élément masqué installé par défaut)",
dateFormat: "DD MMM YYYY", // Utilisé pour changer le format de la date (ici : "YYYY MMM DD"), ne pas changer les lettres D (jour), M (mois) ou Y (année)
createdPrompt: "créé le"});
merge(config.views.editor,{
tagPrompt: "Mettre un espace entre chaque mot-clé, si nécessaire [[entre doubles crochets]], ou associer un mot-clé existant",
defaultText: ""});
merge(config.views.editor.tagChooser,{
text: "mot-clé",
tooltip: "Sélectionner les mot-clés existants à associer à cet élément",
popupNone: "Aucun mot-clé n'a encore été défini",
tagTooltip: "Associer le mot-clé '%0'"});
merge(config.messages,{
sizeTemplates:
[
{unit: 1024*1024*1024, template: "%0\u00a0GB"},
{unit: 1024*1024, template: "%0\u00a0MB"},
{unit: 1024, template: "%0\u00a0KB"},
{unit: 1, template: "%0\u00a0B"}
]});
//jtFR
merge(config.macros.search,{
label: "?",
prompt: "Rechercher dans ce fichier",
accessKey: "?",
successMsg: "%0 éléments répondent au critère %1",
failureMsg: "Aucun élément ne répond au critère %0"});
merge(config.macros.tagging,{
label: "",
labelNotTag: "pas de mot-clé",
tooltip: "Afficher les éléments indexés par '%0'"});
merge(config.macros.timeline,{
dateFormat: "DD MMM YYYY"}); // Utilisé pour changer le format de la date (ici : "YYYY MMM DD"), ne pas changer les lettres D (jour), M (mois) ou Y (année)
merge(config.macros.allTags,{
tooltip: "Afficher les éléments indexés par '%0'",
noTags: "Aucun élément indexé"});
config.macros.list.all.prompt = "Tous les éléments classés par ordre alphabétique";
config.macros.list.missing.prompt = "Eléments référencés par un lien mais qui ne sont pas non créés";
config.macros.list.orphans.prompt = "Eléments orphelins qui ne pas référencés par un lien dans d'autres éléments";
config.macros.list.shadowed.prompt = "Eléments masqués avec toujours leur contenu initial du modèle de référence TiddlyWiki";
config.macros.list.touched.prompt = "Eléments ayant été modifiés localement";
merge(config.macros.closeAll,{
label: "tout fermer",
prompt: "Fermer tous les éléments affichés (sauf ceux en cours d'édition)"});
merge(config.macros.permaview,{
label: "permalien",
prompt: "Lien vers l'URL qui référence la page avec tous les éléments actuellement affichés"});
merge(config.macros.saveChanges,{
label: "sauvegarde",
prompt: "Sauvegarde tous les éléments modifiés du bloc-notes TiddlyWiki",
accessKey: "S"});
merge(config.macros.newTiddler,{
label: "[+]",
prompt: "Crée un nouvel élément",
title: "",
accessKey: "T"});
merge(config.macros.newJournal,{
label: "nouveau journal",
prompt: "Crée un nouvel élément avec la date courante",
accessKey: "J"});
merge(config.macros.options,{
wizardTitle: "Réglage des options avancées",
step1Title: "Ces options sont enregistrées dans des cookies de votre navigateur",
step1Html: "<input type='hidden' name='markList'></input><br><input type='checkbox' checked='false' name='chkUnknown'>Afficher les options inconnues</input>",
unknownDescription: "//(inconnu)//",
listViewTemplate: {
columns: [
{name: 'Option', field: 'option', title: "Option", type: 'String'},
{name: 'Description', field: 'description', title: "Description", type: 'WikiText'},
{name: 'Name', field: 'name', title: "Nom", type: 'String'}
],
rowClasses: [
{className: 'lowlight', field: 'lowlight'}
]}
});
merge(config.macros.plugins,{
wizardTitle: "Gestionnaire des extensions",
step1Title: "Extensions actuellement chargées",
step1Html: "<input type='hidden' name='markList'></input>", // DO NOT TRANSLATE
skippedText: "(Cette extension n'a pas été éxecutée car elle a été ajoutée après le démarrage la session)",
noPluginText: "Aucune extension n'est installée",
confirmDeleteText: "Etes vous sûr(e) de vouloir supprimer ces extensions :\n\n%0",
removeLabel: "Supprimer l'index 'systemConfig'",
removePrompt: "Supprime l'index 'systemConfig'",
deleteLabel: "supprimer",
deletePrompt: "Suppression définitive de ces éléments",
listViewTemplate: {
columns: [
{name: 'Selected', field: 'Selected', rowName: 'title', type: 'Selector'},
{name: 'Tiddler', field: 'tiddler', title: "Elément", type: 'Tiddler'},
{name: 'Size', field: 'size', tiddlerLink: 'size', title: "Taille", type: 'Size'},
{name: 'Forced', field: 'forced', title: "Exécution forcée", tag: 'systemConfigForce', type: 'TagCheckbox'},
{name: 'Disabled', field: 'disabled', title: "Désactivé", tag: 'systemConfigDisable', type: 'TagCheckbox'},
{name: 'Executed', field: 'executed', title: "Chargé", type: 'Boolean', trueText: "Yes", falseText: "No"},
{name: 'Startup Time', field: 'startupTime', title: "Durée de lancement", type: 'String'},
{name: 'Error', field: 'error', title: "Etat", type: 'Boolean', trueText: "Error", falseText: "OK"},
{name: 'Log', field: 'log', title: "Log", type: 'StringList'}
],
rowClasses: [
{className: 'error', field: 'error'},
{className: 'warning', field: 'warning'}
]}
});
merge(config.macros.toolbar,{
moreLabel: "../..",
morePrompt: "Affichage de commandes supplémentaires"
});
merge(config.macros.refreshDisplay,{
label: "réafficher",
prompt: "Réaffichage du contenu complet du bloc-notes TiddlyWiki"
});
merge(config.macros.importTiddlers,{
readOnlyWarning: "Il n'est pas possible d'importer dans un bloc-notes TiddlyWiki qui n'est qu'en lecture seule. Essayez de l'ouvrir en local à partir d'une URL 'file://'",
wizardTitle: "Importer des éléments depuis un autre fichier ou un serveur",
step1Title: "Etape 1 : localiser le serveur ou le ficher du bloc-notes TiddlyWiki à importer",
step1Html: "Spécifier le type du serveur : <select name='selTypes'><option value=''>Choisir ...</option></select><br>Indiquer l'URL ou le chemin : <input type='text' size=50 name='txtPath'><br>... ou rechercher un fichier en local : <input type='file' size=50 name='txtBrowse'><br><hr>... ou selectionner une source pré-définie : <select name='selFeeds'><option value=''>Choisir ...</option></select>",
openLabel: "ouvrir",
openPrompt: "Ouvre la connexion vers ce fichier ou ce serveur",
openError: "Il y a des erreurs lors de l'accès au fichier contenant le bloc-notes TiddlyWiki",
statusOpenHost: "Hôte en cours d'ouverture",
statusGetWorkspaceList: "Obtenir la liste des espaces de travail disponibles",
step2Title: "Etape 2 : choisir l'espace de travail",
step2Html: "Entrer le nom d'un espace de travail : <input type='text' size=50 name='txtWorkspace'><br>... ou selectionner un espace de travail : <select name='selWorkspace'><option value=''>Choisir ...</option></select>",
cancelLabel: "annuler",
cancelPrompt: "Annule cette importation",
statusOpenWorkspace: "Ouverture de l'espace de travail",
statusGetTiddlerList: "Obtenir la liste des éléments disponibles",
errorGettingTiddlerList: "Erreur lors de la récupération de la liste des éléments, cliquer sur 'Annuler' pour recommencer l'opération",
step3Title: "Etape 3: Choisir les éléments à importer",
step3Html: "<input type='hidden' name='markList'></input><br><input type='checkbox' checked='true' name='chkSync'>Conserver ces éléments liés à ce serveur pour pouvoir synchroniser avec les changements ultérieurs</input><br><input type='checkbox' name='chkSave'>Enregistrer les détails de ce serveur dans un élément 'systemServer' nommé :</input> <input type='text' size=25 name='txtSaveTiddler'>",
importLabel: "importer",
importPrompt: "Importe ces éléments",
confirmOverwriteText: "Etes-vous sûr de vouloir remplacer ces éléments :\n\n%0",
step4Title: "Etape 4 : Importe %0 élément(s)",
step4Html: "<input type='hidden' name='markReport'></input>", // DO NOT TRANSLATE
doneLabel: "fait",
donePrompt: "Ferme cet assistant",
statusDoingImport: "Importe ces éléments",
statusDoneImport: "Tous les éléments ont été importés",
systemServerNamePattern: "%2 sur %1",
systemServerNamePatternNoWorkspace: "%1",
confirmOverwriteSaveTiddler: "Cet élément '%0' existe déjà. Cliquer sur 'OK' pour le remplacer avec les caractéristiques de ce serveur ou 'Annule' pour les conserver en l'état",
serverSaveTemplate: "|''Type :''|%0|\n|''URL :''|%1|\n|''Espace de travail :''|%2|\n\nCet élément avait été automatiquement créé pour enregistrer les détails de ce serveur",
serverSaveModifier: "(Système)",
listViewTemplate: {
columns: [
{name: 'Selected', field: 'Selected', rowName: 'title', type: 'Selector'},
{name: 'Tiddler', field: 'tiddler', title: "Elément", type: 'Tiddler'},
{name: 'Size', field: 'size', tiddlerLink: 'size', title: "Taille", type: 'Size'},
{name: 'Tags', field: 'tags', title: "Index", type: 'Tags'}
],
rowClasses: [
]}
});
merge(config.macros.upgrade,{
wizardTitle: "Mettre à jour le code du noyau TiddlyWiki",
step1Title: "Mettre à jour ou réparer ce fichier avant de lancer le processus de mise à jour",
step1Html: "Vous allez démarrer la mise à jour du code du noyau TiddlyWiki (depuis <a href='%0' class='externalLink' target='_blank'>%1</a>). Le contenu de votre document sera préservé lors de cette mise à jour.<br><br>Il est important de savoir que des mises à jour du code du noyau ont par le passé, déjà eu pour effet de provoquer des effets de bords et des problèmes de compatibilités avec d'autres extensions (plugins). Si vous rencontrez des problèmes lors de cette mise à jour, consultez le site <a href='http://www.tiddlywiki.org/wiki/CoreUpgrades' class='externalLink' target='_blank'>http://www.tiddlywiki.org/wiki/CoreUpgrades</a>",
errorCantUpgrade: "Impossible d'effectuer la mise à jour de fichier. Vous ne pouvez effectuer des mises à jour que si le fichier est accessible en écriture en local", //jtFR
errorNotSaved: "Vous devez effectuer une sauvegarde de vos modifications avant de lancer le processus de mise à jour",
step2Title: "Confirmer les détails du processus de mise à jour",
step2Html_downgrade: "Vous êtes sur le point de faire un retour arrière vers TiddlyWiki version %0 depuis la version %1.<br><br>Faire un tel retour arrière vers une version précédente du code du noyau n'est pas recommandé.",
step2Html_restore: "Il semble que ce fichier soit déjà à jour avec la dernière version TiddlyWiki(%0) du noyau.<br><br>Vous pouvez poursuivre la mise à jour pour retaurer un code ni modifié, ni corrompu", //jtFR
step2Html_upgrade: "Vous êtes sur le point de faire la mise à jour vers TiddlyWiki version %0 depuis la version %1",
upgradeLabel: "mettre à jour",
upgradePrompt: "Préparation du processus de mise à jour",
statusPreparingBackup: "Préparation de la sauvegarde",
statusSavingBackup: "Mise en sécurité du fichier de sauvegarde",
errorSavingBackup: "Un problème a été rencontré lors de la mise en sécurité du fichier de sauvegarde",
statusLoadingCore: "Chargement du code du noyau",
errorLoadingCore: "Erreur lors du chargement du code du noyau",
errorCoreFormat: "Erreur avec le nouveau code du noyau",
statusSavingCore: "Sauvegarde du nouveau code du noyau",
statusReloadingCore: "Rechargement du nouveau code du noyau",
startLabel: "lancer",
startPrompt: "Lancer le processus de mise à jour",
cancelLabel: "annuler",
cancelPrompt: "Annuler le processus de mise à jour",
step3Title: "Mise à jour annulée",
step3Html: "Vous avez annulé le processus de mise à jour"
});
merge(config.macros.sync,{
listViewTemplate: {
columns: [
{name: 'Selected', field: 'selected', rowName: 'title', type: 'Selector'},
{name: 'Tiddler', field: 'tiddler', title: "Elément", type: 'Tiddler'},
{name: 'Server Type', field: 'serverType', title: "Type de serveur", type: 'String'},
{name: 'Server Host', field: 'serverHost', title: "Hôte serveur", type: 'String'},
{name: 'Server Workspace', field: 'serverWorkspace', title: "Espace de travail du serveur", type: 'String'},
{name: 'Status', field: 'status', title: "Etat de la synchronisation", type: 'String'},
{name: 'Server URL', field: 'serverUrl', title: "URL du serveur", text: "View", type: 'Link'}
],
rowClasses: [
],
buttons: [
{caption: "Synchronise ces éléments", name: 'sync'}
]},
wizardTitle: "Synchronisation avec des serveurs externes et des fichiers",
step1Title: "Choisir les éléments à synchroniser",
step1Html: "<input type='hidden' name='markList'></input>", // DO NOT TRANSLATE
syncLabel: "synchroniser",
syncPrompt: "Synchronise ces éléments",
hasChanged: "Modifié pendant la déconnection",
hasNotChanged: "Non modifié pendant la déconnexion",
syncStatusList: {
none: {text: "...", color: "transparent"},
changedServer: {text: "Modifié sur le serveur", color: '#80ff80'},
changedLocally: {text: "Modifié pendant la déconnexion", color: '#80ff80'},
changedBoth: {text: "Changé pendant la déconnexion et sur le serveur", color: '#ff8080'},
notFound: {text: "Non trouvé sur le serveur", color: '#ffff80'},
putToServer: {text: "Modifications enregistrées sur le serveur", color: '#ff80ff'},
gotFromServer: {text: "Récupéré les modifications depuis le serveur", color: '#80ffff'}
}
});
merge(config.macros.annotations,{
});
merge(config.commands.closeTiddler,{
text: "fermer",
tooltip: "Fermeture de cet élément"});
merge(config.commands.closeOthers,{
text: "isoler",
tooltip: "Fermeture de tous les autres éléments"});
merge(config.commands.editTiddler,{
text: "",
tooltip: "Edition de cet élément",
readOnlyText: "",
readOnlyTooltip: "Affichage de la source de cet élément"});
merge(config.commands.saveTiddler,{
text: "valider",
tooltip: "Validation des modifications effectuées sur cet élément"});
merge(config.commands.cancelTiddler,{
text: "annuler",
tooltip: "Abandon des modifications effectuées sur cet élément",
warning: "Confirmez-vous l'abandon de vos modifications de l'élément '%0'?",
readOnlyText: "retour",
readOnlyTooltip: "Retour à l'affichage normal de cet élément"});
merge(config.commands.deleteTiddler,{
text: "supprimer",
tooltip: "Suppression de cet élément",
warning: "Confirmez-vous la suppression de '%0'?"});
merge(config.commands.permalink,{
text: "permalien",
tooltip: "Création d'un permalien pour cet élément"});
merge(config.commands.references,{
text: "références",
tooltip: "Affichage des éléments qui font référence à l'élément courant",
popupNone: "Pas de référent(s)"});
merge(config.commands.jump,{
text: "atteindre",
tooltip: "Possibilité d'accès direct à l'un des éléments déjà ouverts dans le bloc-notes TiddlyWiki courant"});
merge(config.commands.syncing,{
text: "synchronisation",
tooltip: "Contrôle de la synchronisation de cet élément avec un serveur ou un fichier externe",
currentlySyncing: "<div>Actuellement en cours de synchronisation avec <span class='popupHighlight'>'%0'</span> vers :</"+"div><div>host: <span class='popupHighlight'>%1</span></"+"div><div>workspace: <span class='popupHighlight'>%2</span></"+"div>", // Note escaping of closing <div> tag
notCurrentlySyncing: "Pas de synchronisation en cours",
captionUnSync: "Arrête la synchronisation de cet élément",
chooseServer: "Synchronise cet élément avec un autre serveur :",
currServerMarker: "\u25cf ",
notCurrServerMarker: " "});
merge(config.commands.fields,{
text: "champs",
tooltip: "Affichage des champs supplémentaires de cet élément",
emptyText: "Il n'y a pas de champs supplémentaires pour cet élément",
listViewTemplate: {
columns: [
{name: 'Field', field: 'field', title: "Champ", type: 'String'},
{name: 'Value', field: 'value', title: "Valeur", type: 'String'}
],
rowClasses: [
],
buttons: [
]}});
merge(config.shadowTiddlers,{
DefaultTiddlers: "GettingStarted",
MainMenu: "GettingStarted",
TranslatedGettingStarted: "Pour utiliser ce //bloc-notes// TiddlyWiki, commencez par modifier les //éléments// suivants (''//tiddlers//'' dans le jargon TiddlyWiki) :\n* __SiteTitle__ et __SiteSubtitle__ : Le titre et le sous-titre de ce //bloc-notes// TiddlyWiki. Après modification, ils apparaîtront aussi dans la barre de titre du navigateur)\n* __MainMenu__: Le menu principal (généralement à gauche)\n* __DefaultTiddlers__ : La liste les noms des //éléments// que vous voulez voir s'afficher à l'ouverture de ce //bloc-notes// TiddlyWiki. \n* Entrez également le ''nom d'utilisateur'' avec lequel seront signés vos ajouts ou vos modifications dans les //éléments// :\n** <<option txtUserName>>",
SiteTitle: "Mon TiddlyWiki",
SiteSubtitle: "organiseur personnel web interactif et autoporteur",
SiteUrl: "http://www.tiddlywiki.com/",
OptionsPanel: "Les options de configuration de ce fichier sont sauvegardées dans des cookies de votre navigateur.\n\nNom d'utilisateur avec lequel seront signés vos ajouts ou vos modifications dans les éléments (par exemple Jeremy_Ruston).\n\n<<option txtUserName>>\n<<option chkSaveBackups>> Backup de chaque version\n<<option chkAutoSave>> Backup à chaque modification\n<<option chkRegExpSearch>> Expression régulières dans les recherches\n<<option chkCaseSensitiveSearch>> Respecter la casse dans les recherches\n<<option chkAnimate>> Animations à l'ouverture des éléments\n\n----\nVoir aussi [[Options Avancées|AdvancedOptions]]",
SideBarOptions: '<<search>><<closeAll>><<permaview>><<newTiddler>><<newJournal "DDD DD MMM YYYY" "journal">><<saveChanges>><<slider chkSliderOptionsPanel OptionsPanel "options »" "Modifie les options supplémentaires de ce fichier">>',
SideBarTabs: '<<tabs txtMainTab "Chrono" "Affichage chronologique" TabTimeline "Alpha" "Liste alphabétique des éléments" TabAll "Index" "Liste des index utilisés" TabTags "Autres" "Autres listes" TabMore>>',
TabMore: '<<tabs txtMoreTab "Manquants" "Eléments manquants" TabMoreMissing "Orphelins" "Eléments orphelins" TabMoreOrphans "Masqués" "Eléments masqués" TabMoreShadowed>>'});
merge(config.annotations,{
AdvancedOptions: "Cet élément masqué permet d'accéder à différentes options avancées",
ColorPalette: "Les valeurs de cet élément masqué détermine la palette des couleurs utilisées pour l'interface utilisateur de TiddlyWiki",
DefaultTiddlers: "Les éléments enumérés dans cet élément seront automatiquement affichés au démarrage de TiddlyWiki",
EditTemplate: "Le gabarit HTML dans cet élément masqué détermine la manière dont les éléments sont présentés lorsqu'ils sont édités",
GettingStarted: "Cet élément fournit quelques instructions basiques pour utiliser un bloc-notes TiddlyWiki",
ImportTiddlers: "Cet élément par défaut fournit l'accès à l'interface d'importation d'éléments",
MainMenu: "Le contenu de cet élément défini le menu de la colonne de gauche de cette feuille HTML",
MarkupPreHead: "Le contenu de cet élément est inséré au début de la section <head> du fichier HTML de ce fichier",
MarkupPostHead: "Le contenu de cet élément est inséré à la fin de la section <head> du fichier HTML de ce fichier",
MarkupPreBody: "Le contenu de cet élément est inséré au début de la section <body> du fichier HTML de ce fichier",
MarkupPostBody: "Le contenu de cet élément est inséré à la fin de la section <body> du fichier HTML de ce fichier, immédiatement avant le bloc 'script'",
OptionsPanel: "Le contenu de cet élément par défaut est utilisé par le panneau déroulant des options dans la colonne de droite de cette feuille HTML",
PageTemplate: "Le gabarit HTML de cet élément masqué détermine la mise en page générale de ce fichier",
PluginManager: "Cet élément masqué permet d'accéder au gestionnaire d'extensions",
SideBarOptions: "Le contenu de cet élément par défaut est utilisé par le panneau des options dans la barre de droite de la feuille HTML",
SideBarTabs: "Le contenu de cet élément par défaut est utilisé par le panneau des onglets dans la barre de droite de la feuille HTML",
SiteSubtitle: "Cet élément est utilisé comme deuxième partie du titre de la page",
SiteTitle: "Cet élément est utilisé comme première partie du titre de la page",
SiteUrl: "Cet élément par défaut doit contenir l'URL complet du site utilisé pour la publication",
StyleSheetColours: "Cet élément par défaut contient des définitions CSS concernant les couleurs des composants de page",
StyleSheet: "Cet éléments par défaut contient des définitions CSS personnalisées",
StyleSheetLayout: "Cet éléments par défaut contient des définitions CSS concernant la mise en page de composants",
StyleSheetLocale: "Cet élément par défaut contient des définitions CSS concernant la traduction ",
StyleSheetPrint: "Cet élément par défaut contient des définitions CSS pour l'impression",
TabAll: "Le contenu de cet élément par défaut est utilisé par le panneau de l'onglet 'Alpha' dans la colonne de droite de cette feuille HTML",
TabMore: "Cet élément par défaut contient le contenu de l'onglet 'Suite' dans la barre de droite de l'écran",
TabMoreMissing: "Cet élément par défaut contient le contenu de l'onglet 'Manquants' dans la colonne de droite de cette feuille HTML",
TabMoreOrphans: "Cet élément par défaut contient le contenu de l'onglet 'Orphelins' dans la colonne de droite de cette feuille HTML",
TabMoreShadowed: "Cet élément par défaut contient le contenu de l'onglet 'Défaut' dans la colonne de droite de cette feuille HTML",
TabTags: "Cet élément par défaut contient le contenu de l'onglet 'Index' dans la colonne de droite de cette feuille HTML",
TabTimeline: "Cet élément par défaut contient le contenu de l'onglet 'Chrono' dans la colonne de droite de cette feuille HTML",
ViewTemplate: "Le gabarit HTML dans cet élément par défaut determine comment sont présentés les éléments"
});
//}}}
/***
|Name|StyleSheetShortcuts|
|Source|http://www.TiddlyTools.com/#StyleSheetShortcuts|
|Version||
|Author|Eric Shulman - ELS Design Studios|
|License|http://www.TiddlyTools.com/#LegalStatements <br>and [[Creative Commons Attribution-ShareAlike 2.5 License|http://creativecommons.org/licenses/by-sa/2.5/]]|
|~CoreVersion|2.1|
|Type|CSS|
|Requires||
|Overrides||
|Description|'convenience' classes for common formatting, alignment, boxes, tables, etc.|
These 'style tweaks' can be easily included in other stylesheet tiddler so they can share a baseline look-and-feel that can then be customized to create a wide variety of 'flavors'.
***/
/*{{{*/
/* nestedsliders */
.floatingPanel { position:absolute; z-index:1002; padding:0.5em; margin:0em; background-color:#004; color:#fff; border:1px solid #008; text-align:left; }
.floatingPanel .tiddlyLink {
color: [[ColorPalette::TertiaryPale]];
}
.floatingPanel .menubox .button, .floatingPanel .menubox .tiddlyLinkExisting, .floatingPanel .menubox .tiddlyLinkNonExisting
{ color:#eef !important; }
.floatingPanel h1,.floatingPanel h2,.floatingPanel h3,.floatingPanel h4,.floatingPanel h5,.floatingPanel h6 {
color:#ffd;
}
/* text alignments */
.left
{ display:block;text-align:left; }
.center
{ display:block;text-align:center; }
.right
{ display:block;text-align:right; }
.justify
{ display:block;text-align:justify; }
.indent
{ display:block;margin:0;padding:0;border:0;margin-left:2em; }
.indentgray
{margin-left:3em; color:#cccccc; display:block;}
.floatleft
{ float:left; }
.floatright
{ float:right; }
.valignTop, .valignTop table, .valignTop tbody, .valignTop th, .valignTop tr, .valignTop td
{ vertical-align:top; }
.valignBottom, .valignBottom table, .valignBottom tbody, .valignBottom th, .valignBottom tr, .valignBottom td
{ vertical-align:bottom; }
.clear
{ clear:both; }
.wrap
{ white-space:normal; }
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{ white-space:nowrap; }
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{ display:none; }
.show
{ display:inline !important; }
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{ display:span; }
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{ display:block; }
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{ position:relative; }
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{ position:absolute; }
/* font sizes */
.enormous
{ font-size:32pt;line-height:150% }
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/* font styles */
.bold
{ font-weight:bold; }
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{ font-style:italic; }
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{ text-decoration:underline; }
/* plain list items (no bullets or indent) */
.nobullets li { list-style-type: none; margin-left:-2em; }
/* multi-column tiddler content (not supported in Internet Explorer) */
.twocolumns { display:block;
-moz-column-count:2; -moz-column-gap:1em; -moz-column-width:50%; /* FireFox */
-webkit-column-count:2; -webkit-column-gap:1em; -webkit-column-width:50%; /* Safari */
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.threecolumns { display:block;
-moz-column-count:3; -moz-column-gap:1em; -moz-column-width:33%; /* FireFox */
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.fourcolumns { display:block;
-moz-column-count:4; -moz-column-gap:1em; -moz-column-width:25%; /* FireFox */
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}
/* show/hide browser-specific content for InternetExplorer vs. non-IE ("moz") browsers */
*[class="ieOnly"]
{ display:none; } /* hide in moz (uses CSS selector) */
* html .mozOnly, *:first-child+html .mozOnly
{ display: none; } /* hide in IE (uses IE6/IE7 CSS hacks) */
/* borderless tables */
.borderless, .borderless table, .borderless td, .borderless tr, .borderless th, .borderless tbody
{ border:0 !important; margin:0 !important; padding:0 !important; }
.widetable, .widetable table
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/* images */
.ileft{float:left;padding:5px}
.iright{float:right;padding:5px}
.icenter{float:center;}
.i50{width:50%;}
/* thumbnail images (fixed-sized scaled images) */
.thumbnail img { height:5em !important; }
/* stretchable images (auto-size to fit tiddler) */
.stretch img { width:95%; }
/* grouped content */
.outline
{ display:block; padding:1em; -moz-border-radius:1em; border:1px solid; }
.menubox
{ display:block; padding:1em; -moz-border-radius:1em; border:1px solid; background:#fff; color:#004; }
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.groupbox
{ display:block; width:74%; margin-left: 13%; padding:2em; -moz-border-radius:1em; border:1px solid; background:#ffe; color:#000; z-index: 1002; }
.groupbox a, .groupbox .button, .groupbox .tiddlyLinkExisting, .groupbox .tiddlyLinkNonExisting
{ color:#009 !important; }
.groupbox code
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>//Pointer le disponible (ou alternative) avec Catherine et Isabelle
puis pour le reste avec les comédiens.//
!!!!LE MAGICIEN
*''Table'' ( //petite//)
*''Tissu'' pouvant couvrir la table jusque par terre
*'' Carton'' ou dispositif susceptible de masquer le texte de Michel
* Alternatives :
| //soit// | //soit// |
|'' 2 caisses en carton'' susceptibles de couvrir partiellement le corps d'une femme allongée |'' Une civière et une couverture'' pouvant couvrir un corps |
!!!!BAVARDAGES COTÉ JARDIN
*''Drap ou couverture'' (porté par deux personnes) susceptible de masquer l'entrée en scène des deux comédiennes
!!!!BRAVO !
* Alternatives :
| //soit// | //soit// |
|''Paravent'' supposé masquer l'entrée d'un petit escalier |'' dégagement latéral'' côté cour vers le distributeur de boisson. |
!!!!LE HOT DOG
*''Chariot'' de vente ambulante, avec éventuellement un ustensile pouvant passer pour un cuiseur de hot-dogs
!!!!ESPÈCES MENACÉES
*'' Table mise avec 4 couverts'' avec un vase à fleurs.
*'' 4 chaises'' (sans accoudoirs)
*'' Une banquette'' (ou trois autres chaise accolées)
!!!!L'HOMME EN COLÈRE
*'' Pupitre de conférencier'' (ou petite table)
!!!!LE NEZ
*'' Petite table''
*''Une chaise''
*'' Du linge à plier''
*'' Une causeuse'' (ou un fauteuil)
*'' Un pouf'' (ou un tabouret)
!!!!LE NOIR TE VA SI BIEN
*'' Une longue table'' (ou deux tables bout-à-bout)
*'' Deux chaise sans accoudoirs''
*'' Deux couverts mis''
*'' Un meuble bas'' de désserte (ou une petite table)
*'' 3 soupières'' identiques
!La Bicyclette^^
//par Yves Montand//
Paroles de la chanson^^
| !? [[Sur YouTube|https://youtu.be/eoHjQs6C4UY]] |
Quand on partait de bon matin
Quand on partait sur les chemins
A bicyclette
Nous étions quelques bons copains
Y avait Fernand y avait Firmin
Y avait Francis et Sébastien
Et puis Paulette
On était tous amoureux d'elle
On se sentait pousser des ailes
A bicyclette
Sur les petits chemins de terre
On a souvent vécu l'enfer
Pour ne pas mettre pied à terre
Devant Paulette
Faut dire qu'elle y mettait du cœur
C'était la fille du facteur
A bicyclette
Et depuis qu'elle avait huit ans
Elle avait fait en le suivant
Tous les chemins environnants
A bicyclette
Quand on approchait la rivière
On déposait dans les fougères
Nos bicyclettes
Puis on se roulait dans les champs
Faisant naître un bouquet changeant
De sauterelles, de papillons
Et de rainettes
Quand le soleil à l'horizon
Profilait sur tous les buissons
Nos silhouettes
On revenait fourbus contents
Le cœur un peu vague pourtant
De n'être pas seul un instant
Avec Paulette
Prendre furtivement sa main
Oublier un peu les copains
La bicyclette
On se disait c'est pour demain
J'oserai, j'oserai demain
Quand on ira sur les chemins
A bicyclette
!À MENG HAORAN
//LI BO//
J’aime le maître Meng.
Le monde entier se prosterne
devant son génie.
Dans l’éclat de sa jeunesse,
il a renoncé au chapeau
et au char du mandarin.
Maintenant, vieillard
aux cheveux gris,
il médite au milieu des pins
et des nuages blancs.
Devant sa cruche,
à la lueur de la lune,
souvent il atteint
la sagesse des dieux.
Amoureux des fleurs,
il a refusé de servir l’empereur.
Comment regarder
un sommet si proche du ciel ?
On ne peut que s’incliner
et respirer d’en bas
son pur parfum !
{{center{
!À Madame G. (Rondeau)
}}}
Dans dix ans d'ici seulement,
Vous serez un peu moins cruelle.
C'est long, à parler franchement.
L'amour viendra probablement
Donner à l'horloge un coup d'aile.
Votre beauté nous ensorcelle,
Prenez-y garde cependant :
On apprend plus d'une nouvelle
En dix ans.
Quand ce temps viendra, d'un amant
Je serai le parfait modèle,
Trop bête pour être inconstant,
Et trop laid pour être infidèle.
Mais vous serez encor trop belle
Dans dix ans.
!!!!!Alfred de Musset
!!!!!!//Poésies nouvelles//
{{center{
!À Philis
}}}
Et la mer et l'amour ont l'amer pour partage,
Et la mer est amère, et l'amour est amer,
L'on s'abîme en l'amour aussi bien qu'en la mer,
Car la mer et l'amour ne sont point sans orage.
Celui qui craint les eaux, qu'il demeure au rivage,
Celui qui craint les maux qu'on souffre pour aimer,
Qu'il ne se laisse pas à l'amour enflammer,
Et tous deux ils seront sans hasard de naufrage.
La mère de l'amour eut la mer pour berceau,
Le feu sort de l'amour, sa mère sort de l'eau,
Mais l'eau contre ce feu ne peut fournir des armes.
Si l'eau pouvait éteindre un brasier amoureux,
Ton amour qui me brûle est si fort douloureux,
Que j'eusse éteint son feu de la mer de mes larmes.
!!!!!Pierre de Marbeuf
{{center{
!À deux beaux yeux
}}}
Vous avez un regard singulier et charmant ;
Comme la lune au fond du lac qui la reflète,
Votre prunelle, où brille une humide paillette,
Au coin de vos doux yeux roule languissamment ;
Ils semblent avoir pris ses feux au diamant ;
Ils sont de plus belle eau qu'une perle parfaite,
Et vos grands cils émus, de leur aile inquiète,
Ne voilent qu'à demi leur vif rayonnement.
Mille petits amours, à leur miroir de flamme,
Se viennent regarder et s'y trouvent plus beaux,
Et les désirs y vont rallumer leurs flambeaux.
Ils sont si transparents, qu'ils laissent voir votre âme,
Comme une fleur céleste au calice idéal
Que l'on apercevrait à travers un cristal.
!!!!!Théophile Gautier (1811-1872)
!!!!!!//La comédie de la mort (1838).//
!Choisir un poème à dire le 9 juin
<<<
# Chanson d'après-midi - //BAUDELAIRE //
# Green - //Verlaine//
# Les Ingénus - //Verlaine//
# Compagne savoureuse et bonne - //Verlaine//
# Vieille chanson du jeune temps - //Victor HUGO//
# « Elle était déchaussée, elle était décoiffée » - //Victor Hugo//
# La Fille - //La Fontaine//
# La Jeune Veuve - //La Fontaine//
# Le mot et la chose - //~Gabriel-Charles de Lattaignant//
<<<
* //Un autre à essayer plutôt ?//
{{homeTitle center{
27 dialogues “ÇA VA ?”
{{tiny italic{~JEAN-CLAUDE GRUMBERG}}}
}}}
!!!!1 J’ai envie de me foutre en l’air
;UN
:Ça va ?
;DEUX
::Non
;UN
:Qu’est-ce qui va pas ?
;DEUX
::J’ai envie de me foutre en l’air.
;UN
:Encore !
;DEUX
::Pourquoi “encore” ?
;UN
:Y a un an...
;DEUX
::Y a un an ?
;UN
:Ou deux...
;DEUX
::Deux ou un ?
;UN
:On s’est croisés...
;DEUX
::Toi et moi ?
;UN
:Voilà.
;DEUX
::Où ça ?
;UN
:Ici, pas loin...
;DEUX
::Tu pourrais préciser ? Ça m’aiderait.
;UN
:Au coin, devant la brasserie...
;DEUX
::Ça m’étonnerait.
;UN
:Devant la charcuterie alors.
;DEUX
::Y a un an tout roulait pour moi.
;UN
:Pourtant tu m’as dit...
;DEUX
::— “J’ai envie de me foutre en l’air” ?
;UN
:— Exactement.
;DEUX
::— Y a un an ?
;UN
:— Deux peut-être.
;DEUX
::— Un ou deux ?
;UN
:— Attends, c’était juste avant Noël...
;DEUX
::— Avant Noël ?
;UN
:— Ou Pâques, une fête avec vacances scolaires.
;DEUX
::— La Toussaint ?
;UN
:— Peut-être.
;DEUX
::— Pardon, mais c’est des types comme toi qui...
;UN
:— Des types comme moi qui ?
;DEUX
::— Laisse...
;UN
:— Non non non, va va va va, ça m’intéresse.
;DEUX
::— Des types comme toi qui poussent des types comme moi à...
;UN
:— Attends attends, c’est pas clair. Des types comme moi qui ?
;DEUX
::— Toi ça va ?
;UN
:— Ouais, moi tu sais...
;DEUX
::— Non je sais pas, ça va ou ça va pas ?
;UN
:— Aujourd’hui ?
;DEUX
::— Aujourd’hui puisqu’on est aujourd’hui et que demain, paraît-il, sera un autre jour.
;UN
:— Bonne remarque, très bonne remarque.
;DEUX
::— Alors ?
;UN
:— Alors quoi ?
;DEUX
::— Ça va ?
;UN
:— Eh bien écoute, aujourd’hui donc, je te croise et tu sais combien j’apprécie nos...
;DEUX
::— Nos ?
;UN
:— Nos trop rares joutes oratoires...
;DEUX
::— T’appelles ça comme ça ?
;UN
:— Tellement vivifiantes...
;DEUX
::— Ouais.
;UN
:— Pour moi en tout cas, pour moi. Tu sais quoi ?
;DEUX
::— Non mais je m’en fous.
;UN
:— Je vais noter dans mon agenda à la date d’aujourd’hui qu’on s’est croisés ce jour entre la charcuterie et la brasserie, comme ça si par bonheur on se recroise l’an prochain et que...
;DEUX
::— L’an prochain t’auras changé de carnet.
;UN
:— C’est juste, c’est juste.
;DEUX
::— Ecoute, note quand même sur ton agenda puis range-le chez toi dans un tiroir de commode, comme ça si on se recroise...
;UN
:— Pourquoi dis-tu si ?
;DEUX
::— Pardon ?
;UN
:— Pourquoi dis-tu si ? C’est dur à dire.
;DEUX
::— Quoi ?
;UN
:— Pourquoi dis-tu si.
;DEUX
::— C’est dur à dire ?
;UN
:— Je trouve, non ?
;DEUX
::— Non. Pourquoi dis-ti su ? Bon bon, on parlait de quoi ?
;UN
:— Je sais plus.
;DEUX
::— En tout cas hein, tant qu’on a la santé...
;UN
:— C’est ça.
;DEUX
::— Ciao.
;UN
:— Ciao. Bonjour chez toi.
;DEUX
::— J’ai plus de chez-moi.
;UN
:— Pourquoi dis-tu ça ?
;DEUX
::— Les spectres n’ont pas de chez-eux.
;UN
:— C’est juste, c’est juste.
!!!!2 Solidaire ?
— Ça va ?
— J’ai des vertiges.
— L’oreille interne que dalle.
— Et la courante.
— Transitoire, oublie.
— Quand même, c’est chiant.
— Tes yeux ?
— Celui qui voit plus pleure tout le temps.
— L’autre ?
— L’autre aussi.
— Pourquoi ?
— Par solidarité m’a dit l’ophtalmo.
— C’est beau.
— Quoi ?
— Un œil solidaire.
— Je m’en passerais bien.
— Dis pas ça, on n’est jamais trop solidaire.
— Quand même, y a des limites.
— On sent un tel repli sur soi.
— C’est pas faux...
— Un tel égoïsme foncier...
— Ça c’est sûr.
— Ça se sent même dans l’air qu’on respire.
— Tu trouves ?
— L’air est saturé des miasmes infects du libéralisme.
— Peut-être bien.
— Tu veux un kleenex ?
— Je pleure, là ?
— Tu pleures de l’œil droit.
— Ah, je sens même plus quand il pleure ce con !
— Si l’homme ne redevient pas solidaire, l’homme est mort.
— Merci.
— Voilà. On massacre des forêts entières pour que Y Homo sapiens sapiens éponge ses humeurs fétides dans la douceur virginale d’un papier crépon.
— Et chez toi ?
— Chez moi ?
— Ça va ?
— Ça va.
— Ta femme ?
— Lourdée.
— Non ?!!!
— Faisait chier.
— Et tes gosses ?
— Avec.
— Pardon ?
— Lourdés avec. Faisaient chier itou.
— Et comment tu tiens le coup ?
— Je m’éclate.
— Quand même...
— Je m’É-CLA-TE !
— Super alors.
— Viens en boîte avec moi.
— Quand ?
— Ce soir.
— Je peux pas.
— Demain soir ?
— Les vertiges, la courante, l’œil...
— “L’œil était dans la tombe et regardait Caïn.”
— Pardon, pourquoi tu me dis ça ?
— Si tu t’éclates jamais t’auras la courante et la tourne qui tête à perpète.
— Tu crois ?
— Toujours conjugo ?
— Oui.
— Cherche pas alors.
— Cherche pas quoi ?
— Le problème des mecs maridas c’est qu’ils peuvent jamais jacter relax.
— Je jacte pas relax là ?
— Moi je te demande poliment si ça va et toi tu m’agresses.
— Je t’agresse ?
— Baisse d’un ton tu veux.
— Mais qu’est-ce que tu me chantes ? Ça y est, vertige, putain.
— Dégage !
— J’ai la tête qui...
— Je supporte plus qu’on me fasse chier.
— Mais qui te fait chier merde ?
— Va chialer dans ta cour, va rejoindre ta rombière ! Les mecs comme toi me font gerber.
— Si je me sentais pas si mal je te jure que je te foutrais volontiers un pain dans la...
— Moi je me sens super, super-bien. Alors ?
— Non non, pas dans le bide ! Pas dans le bide ! Gloup. Merde t’es con !
— Ciao glandu.
— Pour les médocs je fais comment ? J’ai plus d’ordonnance.
— Prends rendez-vous au cabinet. Porte-toi bien !
— Merci docteur.
!!!!3 Au bout du rouleau
— Ça va ?
— Tu te fous de ma gueule ?
— Ben qu’est-ce qui va pas ?
— Qu’est-ce qui va ?
— Tu vois un psy ?
— J’suis trop nerveux.
— Justement...
— J’suis à fleur de peau.
— Va voir un psy.
_ Tu me vois raconter ma vie à un type que je connais pas et que je dois casquer en liquide.
— Si ça t’aide...
— Même assis je peux pas rester.
— Justement, allongé...
— Non non non non.
— Bon, n’y va pas.
— J’suis au bout du rouleau j’te dis.
— Tu prends des médocs ?
— C’est pas à moi d’en prendre.
— Ta femme ?
— Elle en prend, merci.
— Ça lui fait du bien ?
— Demande-lui.
— Et tes gosses ?
— Chez le psy trois fois par semaine recta.
— Ah super, super.
— Ça me fait neuf séances à casquer cash.
— Si ça leur fait du bien...
— Ça me rend dingue.
— A part ça ?
— Depuis Noël on bouffe bio.
— C’est plus sain.
— T’as vu les prix ?
— La santé n’a pas de prix.
— Ça c’est juste le genre de connerie qui me rend dingue !
— Dis t’aurais pas un problème ?
— Un problème, moi ?
— Avec le pognon ?
— Avec le pognon ?
— C’est ça.
— Pourquoi tu me dis ça ?
— J’sais pas, comme ça.
— Un problème avec le pognon, moi ?
— Penses-y.
— J’te dois quelque chose ?
— Non, non.
— J'peux pas accepter.
— C’est de bon cœur.
— Attends, toi, tu veux me demander quoi au juste ?
Juste si ça va.
— C’est tout ?
C’est tout.
— Bon, ça va, et toi ?
— On fait aller.
— Ciao.
— Bye.
!!!!4 J’ai failli la glisser pas plus tard qu’hier
— Ça va ?
— Ça va.
— Tu m’envoies paître, là ?
— Moi ?
— J’suis con peut-être mais je sais reconnaître quand on m’envoie paître.
— Vraiment t’es pas bien.
— C’est moi qui suis pas bien ?
— Bon bon, ben puisque tu veux tout savoir, je vais très mal.
— Ah !
— J’ai failli la glisser pas plus tard qu’hier.
— Putain, ça va mieux.
— Ce matin, le toubib, au vu de mes résultats d’analyse, m’a dit que j’en avais plus que pour trois mois, six maxi.
— Tu peux pas savoir ce que ça me soulage, j’en chiale, ah ça m’aurait vraiment fait chier tu sais...
— Quoi ?
— Qu’on se quitte fâchés. Enfin, que TU me quittes...
— Y a pas de raison.
— Si... je... j’aurais pu dire, ou faire un truc qui...
— Mais non, mais non.
— Dans ton état, remarque, j’aurais compris.
— Quel état ?
— Ben...
— Ah oui oui oui oui oui oui.
— J’t’admire tu sais...
— Y a pas de quoi.
— Moi à peine j’ai un rhume... je...
— On se fait à tout, tu verras...
— Tu me remontes le moral vachement.
— Salut bonhomme.
— Salut.
— Je peux passer te voir un de ces soirs ?
— Avec joie, mais tarde pas trop.
— Tu peux pas savoir ce que ça me fait du bien de savoir qu’on est...
— Et moi donc.
— Ciao.
— Ciao. Et merde si je te revois pas !
— Merci.
— Non non non ! Faut pas dire merci !
— Pourquoi ?
— Ça porte malheur.
— Merde.
!!!!5 Comme un p’tit vieux
— Ça va ?
— Comme un p’tit vieux.
— A qui le dis-tu !
— Toi tu les fais pas.
— Mais je les sens.
— Moi c’est les jambes.
— Moi c’est partout.
— Je rote tout le temps.
— Je chie un jour sur cinq.
— Moi cinq fois par jour.
— Ah c’est mieux quand même.
— Mais j’fais plus rien d’autre !
— Et qu’est-ce que t’as d’autre à foutre ?
— J’sais pas, j’aimerais avoir un peu de temps libre.
— Pour quoi faire ?
— Pour regarder un film entier à la télé.
— Installe ta télé dans tes chiottes.
— Y a pas assez de recul.
— Fous des chiottes dans ton salon.
— Ma salle à manger ?
— Voilà.
— Pas bête.
— Comment faisait Louis XIV ?
— Il avait pas la télé.
— Une chaise percée, et en public ! Dis...
— Oui ?
— On s’est connus où ?
— Ah j’sais plus.
— A la ligue ?
— Ah non, moi j’étais mao.
— Sur les barricades alors ?
— A Cuba ?
— Ça fait chier non ?
— Un peu.
— Beaucoup.
— Passionnément.
— A la folie.
— Pas du tout.
— Ciao amigo.
— Salut camarade.
!!!!6 J'bande mou
— Ça va ?
— Ben non.
Qu’est-ce qui t’arrive encore ?
— J'bande mou.
— Mou mou ?
— Pas dur.
Attention, tu bandes mou, ou tu bandes plus dur ?
Je bande dur dans ma tête, mais mou dans...
— Tu prends des trucs ?
— Quel genre ?
— Pilules, suppos.
— Pour quoi faire ?
— Pour rebander dur !
— Je suis allergique.
— A quoi ?
— Des tas de trucs.
— Aux pilules pour bander ?
— Jamais essayé.
— Pourquoi ?
— J’ai le traczir.
— De quoi ?
— Ben de l’allergie tiens !
— Bon... Essaie celles pour arrêter.
— Ça fait quinze ans que je fume plus.
— Pour arrêter de bander.
— Mais puisque je bande déjà mou...
— Dans ta tête tu bandes dur tu me dis ?
— Ouais alors ?
— Alors c’est pour ça que tu bandes mou.
— T’es sûr ?
— Prends des omégas-3. Des 3 et des 6.
— Y a pas des 6 et des 9 ?
— Parles-en à ton toubib.
— Ma généraliste ?
— Non non, va voir un spécialiste.
— De quoi ?
— Ta prostate ?
— Qu’est-ce qu’elle a ma prostate ?
— Tu te lèves la nuit ?
— Ça m’arrive.
— Pour pisser ?
— Quand je me lève, je pisse, oui.
— Est-ce que tu te lèves la nuit pour pisser ?
— Je pisse dès que je me lève, j’te dis.
— La nuit ?
— Quand je dors pas, oui.
— Sinon tu pisses quand ?
— Ben toute la journée.
— Non, le matin quand tu te lèves, t’es pressé de pisser ?
— Oui, sauf si j’me suis réveillé la nuit j’te dis.
— T’as changé de partenaire ?
— Pour quoi faire ?
— Pour voir si tu rebandes dur.
— J’ai divorcé trois fois.
— Deux fois.
— Trois fois.
— Annette, mon ex, et... ?
— Tu m’embrouilles, là.
— Annette c’était ta première femme ?
— Ouais.
— Après t’as épousé ma seconde femme, Clara ?
— Oui, en seconde main.
— Ça fait deux.
— J’ai divorcé de Clara.
— J’ai su ça, merci, mais ça fait toujours que deux, pas trois.
— Et Sandra ?
— Sandra ?
— Ma troisième femme.
— Je la connais pas celle-là.
— Dès qu’elle a vu que je bandais mou elle m’a largué.
— Elle a demandé le divorce pour ça ?
— On n’était pas mariés.
— Donc t’as divorcé deux fois.
— Mais j’ai été largué trois fois.
— Tu veux que je te dise ?
— Dis.
— C’est dans ta tête.
— C’est ce que je te dis depuis le début.
— T’aimes pas perdre toi, hein !
— Moi ? C’est plutôt toi !
— Moi ? Quand Clara m’a quitté pour se mettre avec toi...
— C’est de l’histoire ancienne...
— Ça m’a fait ni chaud ni froid.
— A moi aussi.
— Bien sûr à toi aussi ducon !
— Je veux dire quand Clara m’a quitté moi, pour... ni une ni deux je me suis foutu avec Sandra, voilà.
— Ça, tu me l’avais jamais dit.
— On se voyait plus.
— Pourquoi ?
— On était fâchés.
— Pourquoi ?
— J’sais plus.
— A part ça ?
— A part quoi ?
— Ça va sinon ?
— Euh... et toi ?
— Moi ? Attends, j’ai trois pensions alimentaires, huit gniards d’âge scolaire, deux concubines et le rmi.
— Merde !
— J’débande plus.
— Chacun sa croix...
— Tu l’as dit bouffi.
— Quand même c’est dur...
— Quoi ?
— Bander mou.
!!!!7 Comment ça va mal ?
Comment ça va mal ?
Bien merci et toile à matelas ?
Pas mal non plus poil au bras.
Bonjour chez toi si y a personne.
Et ta sœur ?
Elle bat le beurre.
Quand elle battra la...
Ouais ouais, à demain...
!!!!8 Plus de parents
— Ça va ?
— Ça va.
— Ton père ?
— A l’hosto.
— Merde ! Ta mère ?
— A l’hosto.
— Merde !
— Oh, on s’y fait tu sais.
— Et il est où c’t’hosto ?
— Laisse tomber.
— Non non ça m’intéresse.
— Ils sont pas dans le même.
— Merde !
— Y en a un c’est le cœur et l’autre l’a... l’a... ah... l’alzheimer.
— Merde !
— Et toi ?
— Moi ça va.
— Tes parents ?
— Ensemble.
— Où ça ?
— Père-Lachaise.
— Ouais, tout a une fin quoi.
— C’est c’que mon père me disait.
— Ton père avait raison.
— Tu l’as vu ?
— Quoi ?
— Mon père avait raison.
— Ton père PJ’l’ai pas vu depuis euh... ça fait une paye. Attends, j’habitais encore rue des Petits-Hôtels...
— A l’hôtel ?
— Non non, rue des Petits-Hôtels.
— Bon ben, c’est ça, porte-toi bien.
— On fait ce qu’on peut.
— On s’habitue à tout, tu verras.
— Bonjour chez...
— J’ai plus personne.
— Allez haut les cœurs ! Ciao.
— Ciao.
!!!!9 Ma femme était allemande
— Ça va ?
— Au p’tit poil.
— Ah bon ?
— Ma femme m’a quitté.
— T’étais marié ?
— Tout comme.
— Pourquoi tu me parles allemand, là ?
— Ma femme était allemande.
— Ah ? Ça se voyait pas.
— Merci.
— Et toi ?
— Le train-train.
— Gutt. Alors tchoa !
— Pardon ?
— Tchao !
— Tchao ?
— Oh j’te parle français là, t’es sourd ou quoi ?
— Non non ça va, ça va.
— Au p’tit poil j’te dis, ma femme m’a quitté.
— T’as le temps de boire un coup ?
— Non non, faut que je file.
— Où tu cours comme ça ?
— Draguer.
— Tu dragues, là ?
— Yaya.
— Je peux draguer avec toi ?
— Nein.
— Pourquoi ?
— Question de feeling.
— De quoi ?
— T’es lourd aujourd’hui.
— Excuse je...
— Aufviderzen...
— Bye.
— Tanke.
— Bite.
!!!!10 Je l’ai appris ce matin
— Ça va-t-y ?
— Non.
— Quoi qu’y n’y a qui va pas cou-quignou ?
— Je suis...
— Non ?
— Si.
— Depuis quand ?
— Ce matin.
— Comment ça ce matin ?
— Je l’ai appris ce matin.
— Attends attends, t’étais bien anti, toi P
— Anti, non non, quand même pas...
— Mais tu pouvais pas les saquer ?
— Je peux pas les saquer, mais de là à être anti, non.
— Attends comment c’est possible ça ?
— Quoi ?
— Que tu sois...
— Ben, tu vois...
— Non justement j’vois pas. Comment ça t’est arrivé ?
— Mon père, ma mère... est-ce que je sais moi ?
— Et eux ?
— Eux pareil.
— Comment ça pareil ?
— Ben leur père, leur mère...
— D’après toi c’est congénital ?
— Faut croire.
— Merde ! Et personne t’a rien dit ?
— Personne jusqu’à ce matin.
— Merde !
— Ils m’ont craché ça au petit-déj.
— Alors ?
— Ben j’ai pas pu finir ma tartine.
— On peut vraiment pas leur faire confiance.
— A qui ?
— Ben...
— Non ça c’est...
— En plus si on les reconnaît pas...
— A qui le dis-tu !
— Si ça se trouve, on l’est tous sans le savoir.
— Parle pas de malheur !
— Qu’est-ce que tu comptes faire ?
— Qu’est-ce que tu veux que je fasse...
— Attends attends, tu vas pas nous faire une connerie en prime, non ?
— J’pense pas.
— Remarque, ça n’en ferait jamais qu’un de moins...
!!!!11 Ch’ai mal aux dents
— Ça va ?
— Cha va.
— Dis donc c’est pas très amical, ça ?
— Quoi ?
— Cha va et j’me cavale comme un pet sur une toile cirée.
— Ch’peux pas parler, ch’ai mal aux dents.
— Tu peux pas dire “et toi” ?
— Pourquoi ch’dirais étoile ?
— Pas “étoile”, “et toi” !
— Ch’entends pas bien, ch’ai mal aux dents ch’te dis !
— “Merci et toi” !
— Ch’ai un abchès.
— Qui t’empêche d’être poli ?
— Ch’ai rendez-vous.
— Chez qui ?
— Chez qui tu vas quand t’as mal aux dents ?
— Ch’ai chaînais mal aux dents, je me broche !
— Bon cha va, cha va.
— Cha va pas mal merchi et toi ?
— Ch’me chauve avant que mon abchès crève.
— Pour une fois qu’on se croise sans nos bonnes femmes...
— Ch’ai mal aux dents ! Merde !
— Si j’t’ai fait quelque chose crache le morceau, profitons-en pour vider l'abcès.
— Tu me fais chier !
— Ah voilà voilà, le cri du cœur...
— Ch’ai mal !
— Aux dents, je sais.
— Ch’me chauve !
— Ça arrive à tout le monde.
— Quoi ?
— Perdre ses tifs, on n’en fait pas un fromage...
— Aïe aïe aïe aïe aïe...
— N’en fais pas trop, on a compris.
— Ch’ai mal aux dents !
!!!!12 À part la santé et le moral tout baigne
{{big bold{— Ça va ?}}}
::— Ça va et toi ?
— Moi à part la santé et le moral tout baigne.
::— Moi c’est le boulot.
— Moi aussi.
::— Toi aussi t’as perdu ton boulot ?
— Non, moi j’ai trop de boulot.
::— T’as trop de boulot ?
— J’vis plus.
::— Tu vis plus ?
— Tu sais quoi y a des jours...
::— Des jours ouais ?
— Où j’ai envie de tout plaquer.
::— Comment ça tout plaquer ?
— J’ai envie de tout laisser tomber.
::— Pour faire quoi ?
— T’as raison... t’as raison...
::— J’ai raison ?
— Ah ça m’a fait du bien de prendre le temps de faire le point avec toi ! Tatatatatatatatatatatatatatatatata...
::— 'Allô ?
— oui, oui !
::— Non, c'est pas vrai ! Tu me dégoutes !
— Quoi donc, qu'est-ce que tu as ?
::— Trop de boulot!...
!!!!13 Bof
— Ça va ?
— Bof...
— Ta femme ?
— Bof...
— Ton fils ?
— Bof...
— Tout roule alors ?
— Bof... Et toi ?
— Bof...
— Bon ben...
— C’est ça...
— Ouais.
— A demain.
— Toi aussi.
!!!!14 C’était à toi de le dire
— Salut.
— Oh oh !
— Quoi oh oh ?
— Ça va pas ça !
— Qu’est-ce qui va pas ?
— Tu me dis “salut”.
— J’te dis “salut” parce que tu m’as pas dit “ça va”.
— C’était pas à moi de dire “ça va”.
— A qui alors ?
— J’aurais même pas eu le temps de dire “ça va” si ça avait été à moi de te dire “ça va”, t’as dit “salut” d’entrée.
— Si t’avais dit “ça va”, j’aurais pas eu à dire “salut”.
— Pourquoi t’as pas dit “ça va” alors ?
— Parce que c’était à toi de le dire.
— Tu me dis “salut” à la place de “ça va” et après tu...
— J’ai dit “salut” pour meubler.
— Quoi ?
— Ton trou.
— Mon trou ?
— T’as eu un trou voilà, alors moi j’ai dit “salut” pour meubler ton trou.
— Un trou moi !
— Ça arrive.
— Pas à moi.
— La preuve.
— Quelle preuve ?
— T’as pas dit “ça va”.
— Parce que c’était à toi de dire “ca va” !
— D’où ton trou.
— Bon ça va.
— Tu reprends où là ?
— A l’entrée.
— ok. Alors j’entre et tu dis “ça va” d’entrée.
— Non non non non, ça va pas ça.
Attends, je... je... je suis perdu, là.
— C’est à toi de me dire “ça va”.
— Non non ça va pas ça.
Qu’est-ce qui ne va pas ?
Attends, tu reprends, là ?
— Non non, tant qu’on n’a pas.
— Quoi P
— Fait le point.
Pas la peine, ça va, j’ai compris.
— ok, c’est toi qui dis “ça va”.
Tu vas pas toi. Tu me dis “salut”.
J’ai dit “salut” pour meubler, merde !
— On reprend où, là ? Je suis perdu.
— Reprenons tout. Ça va ?
— Je suis pas en place.
— Non, je te demande si ça va toi.
— Moi ça va.
— Alors au départ, une, deux...
— Salut !
— Non merde !
— Quoi ?
— Tu dois me dire “ça va” !
— T’as pas dit qu’on reprenait ?
— On reprend le texte oui.
— Ben c’est ça mon texte à moi.
— Fais voir ? “Salut.” Oh... oh oh... ça va pas ça... ça va pas...
!!!!15 Majorité et opposition
— Ça va ?
— Ça va.
— Tu reviens de vacances ?
— Non pourquoi ?
— Comme ça.
— Tu me trouves bronzé ?
— Pas spécialement.
— T’es bizarre tu sais.
— Bizarre ?
— Je trouve, oui.
— Merci.
— De quoi ?
— On dit trois mots et tu me balances “t’es bizarre”.
— Bon, bon, ben, t’es pas bizarre si tu préfères.
— Je préfère que tu fermes ta gueule à mon sujet.
— Comme on est encore en démocratie...
— Pourquoi dis-tu encore ?
— Tu sais très bien ce que je veux dire, en conséquence je dis encore...
— Ça t’a pas rendu cool de te retrouver dans l’opposition !
— Ni toi au gouvernement !
— J’assume mes responsabilités.
— Permets-moi de te dire au nom de notre ancienne camaraderie de luttes et de combats communs que je trouve ton attitude et tes propos bizarres, et crois-moi je ne suis pas le seul à le dire.
— Dans vos rangs ?
— Dans nos rangs comme tu dis, mais également sur les bancs de ta majorité !
— Vous n’arriverez pas à nous diviser avec d’aussi grosses ficelles.
— Il est vrai que vous n’avez pas besoin de nous pour vous diviser.
— Et vous ? Toujours aussi unis ?
— Persiflage malvenu venant d’un renégat.
— On en vient toujours à l’insulte pour éviter de répondre aux questions qui fâchent.
— Nous sommes en phase de reconstruction, de concertation et de mpture démocratique.
— Vous ne répondez toujours pas à la question.
— Ne m’interrompez pas !
— Je vous interromprai si je veux !
— Nous, au moins, nous ne sommes pas aux affaires !
— Oui, vous préférez traiter les vôtres en coulisse.
— Retirez immédiatement ces paroles !
— Désolé, je connais la musique pour l'avoir jouée moi-même.
— Cela ne vous fait guère honneur !
— Ce n’est certes pas à vous de juger de mon honneur !
— Je vous ferai rentrer ces paroles dans la gorge !
— Qu’importe puisqu’on est encore en démocratie comme vous avez dû le concéder vous-même !
— Ce n’est pas grâce à vous en tout cas ! Quelle heure est-il ?
— Cinq heures.
— Ah pardon, je dois filer.
— T’as quoi à c’t’heure ?
— Séance.
— A la Chambre ?
— Non. uv.
— Ah ! c’est ça qui te donne ce teint de pêche !
— C’est pour mon psoriasis.
— Ouais, le psoriasis a bon dos ! Cho-chotte va.
!!!!16 On touche le fond
— Comment ça va mal aujourd’hui ?
— Super bien mal, et toi ?
— Ça pourrait pas être pire.
— Ça peut toujours être pire.
— T’es vachement optimiste toi !
— Faut faire confiance...
— A l’avenir?
— Oui, parce que question passé c’est râpé.
— Entre le passé et l’avenir on se sent vachement coincé, non ?
— Faut pas regarder derrière soi.
— T’en as de bonnes. Et pour faire un créneau ?
— Guide-toi au bruit.
— Tu sais, y a des jours je retirerais volontiers tout le pognon de mon compte épargne...
— Pour en faire quoi ?
— Le perdre au casino.
— Si moi je touche le gros lot...
— Toi, tel que je te connais, tu dois avoir un joli paquet d’oseille sur ton compte épargne...
— J’ai pas de compte épargne.
— Me dis pas que t’as tout placé en actions !
— J’ai pas d’actions.
— Des obligations ?
— J’ai pas d’obligations.
— Ça va vraiment bien mal alors ?
— Pas plus que d’habitude.
— Tu sais quoi ? Si je touche le fond, on ira tous les deux jouer au casino.
— J’ai pas de ronds j’te dis !
— Je jouerai pour nous deux, histoire de perdre plus vite mes éconocroques.
— Arrête !
— Quoi arrête ?
— Tu vas finir par me faire douter de la noirceur de l’âme humaine.
— Non non, t’inquiète, c’est au cas où je toucherais le fond-fond.
— Petit patapon.
— C’est ça ducon.
— Allez bye, Crésus.
— Salut fauchman.
— Ceux qui sont sans fonds te saluent !
— Ceux qui sont blindés de flouze te pissent à la raie !
!!!!17 L'oeuil et l'oreille
— Ça va ?
— A part l’œil que je viens de perdre.
— Formidable !
— Vous trouvez ?
— Ah, on se mane toujours avec vous. Ça change un peu hein, les gens sont d’un sinistre !
— Ouais merci. Donc à part cet œil, je...
— Un brin plus fort !
— Pardon ?
— J’entends moins bien d’une oreille.
— Je disais qu’à part mon œil...
— Dites-moi la dernière fois ça n’allait pas fort ?
— J’étais en train de perdre mon...
— Je préfère vous voir comme ça vous savez.
— C’est quelle oreille ?
— Moi aussi au réveil.
— C’est ça, et ta sœur ?
— De ce côté-là ça va, avec quand même une petite sieste l’après-midi.
— J’y manquerai pas.
— Comme ça, le soir, bon pied bon œil.
— Fous-toi de ma gueule, t’as la bonne place !
— Ce sera toujours avec plaisir.
!!!!18 À chacun sa croix
— Ça va ?
— Non.
— Pourquoi ?
— Je suis trop beau.
— Ah, chacun sa croix.
— Y a des jours je me crèverais un œil.
— Ouais, y a des jours comme ça.
— Ça t’arrive aussi ?
— Pas plus tard qu’hier.
— Hier?
— En me rasant.
— Pourtant toi...
— Hier, j’te jure, j’en aurais eu trois, je m’en crevais un.
— Ah ouais ?
— A part ça toi ?
— Comme tu vois.
— Je vois, je vois. T’as bonne mine.
— Je perds mes tifs.
— Tant qu’on a la santé...
— C’est ça, vieux.
— Au revoir.
— Plaisir.
— (les deux) Ce type est un vrai dingue...
!!!!19 Tu lis pas les journaux ?
— Ça va ?
— Pas mal et toi ?
— T’as pas honte ?
— De quoi ?
— Tu peux dire “pas mal et toi ?” avec tout ce qui se passe ?
— Qu’est-ce qui se passe ?
— Non mais ça va pas chez toi ?
— Ben si justement, ça va pas mal j’te dis.
— Mais où vis-tu ? Où vis-tu ?!
— 32, rue des Petits-Hôtels, Paris 10e.
— Pourquoi tu me donnes ton adresse ?
— Parce que tu me la demandes.
— La pollution, les guerres, le racisme...
— La faim, n’oublie pas la faim.
— La faim, le chômage, le réchauffement...
— La fonte des glaces.
— On sera neuf milliards dans trente ans, neuf milliards de soiffards qui manqueront d’eau douce et qui crèveront la
gueule ouverte sous un cagnard d’enfer les pieds dans la boue ! Et toi tu me dis “pas mal merci” !
— Oui, pour l’instant, pour moi ça va pas mal.
— Tu me débectes tu sais.
— Excuse-moi mais...
— Ta gueule ! Des mecs comme toi méritent pas de vivre !
— Désolé, mais...
— Douze balles dans la peau fusillé dans le dos !
— Sympa...
— Tu lis pas les journaux, tu regardes pas la télé ?
— Si si, mais... te bile donc pas.
— Que je me bile pas ?
— On sera qualifiés au goal-average.
— Comment ça ?
— J’ai refait le décompte, on sera deuxièmes de notre poule.
— Sans avoir gagné un match ?
— On n’en a pas perdu.
— Faut que tu m’expliques : comment, sans gagner un match, on pourrait être qualifiés ?
— C’est mathématique.
— Je crains que tu ne prennes tes désirs pour...
— C’est mathématique.
— Explique.
— Deux-deux, trois-trois, zéro-zéro.
— Oui ?
— Les Bulgares deux-un, un-quatre, zéro-zéro, tu me suis ? Le Danemark quatre-un mais zéro-cinq, trois-trois, tu me suis ?
— Je te suis toujours, où on va ?
— Au café.
— OK.
— Le Guatemala...
— Le Guatemala est dans notre poule ?
— Non !
— J’comprends rien.
— T’es pas bon en maths ?
— Moyen moyen.
— Moi c’est l’histoire-géo.
!!!!20 La ligne jaune
— Ça va ?
— Pas des masses, figure-toi que...
— Stop attention, je te signale que tu t’apprêtes à franchir la ligne jaune.
— Quelle ligne jaune ?
— Je te dis en passant “ça va”, et toi, au lieu de me dire “pas mal et toi ?”, tu t’arrêtes et tu t’apprêtes à me raconter ta vie.
— Je m’apprête à répondre à ta question oui.
— Je ne t’ai pas posé de question, je t’ai dit “ça va”, comme j’aurais pu te dire “bonjour”.
— Tu m’aurais dit “bonjour” je t’aurais dit que ce jour hélas ne pouvait être bon pour moi rapport à...
— Incroyable, incroyable ! Je n’en crois pas mes oreilles !
— Attends attends, je t’ai pas encore dit le principal ! J’ai...
— Je ne veux pas le savoir ! Je ne veux pas le... ! Je ne veux pas, tu m’entends !
— Pourquoi tu me demandes si ça va alors ?
— Je ne te demande rien.
— Excuse-moi j’ai cru entendre...
— “Ça va” est une formule, une formule de politesse, mise au point après des siècles de civilisation judéo-chrétienne, l’Islam y a recours également. Formule qui permet à deux êtres équilibrés, sains et civilisés de se croiser sans avoir à entrer dans les détails sordides et personnels de la vie intime de chacun.
— Chez moi c’est pas sordide, c’est médical.
— Arrête, arrête ! Tu crois que j’ai pas assez d’ennuis ? Mon boulot, ma santé, ma famille, mes enfants...
— Tes enfants aussi ?
— Et comment ! Et comment ! Tu connais le proverbe : petits enfants petits soucis, grands enfants... T’as pas d’enfants toi ?
— Hélas non.
— Hélas non ! Mais t’es malade ! Malade ! Hélas non ! Tu connais pas ta chance ! Hélas non ! Fais-toi soigner !
— Justement c’est de ça que...
— Arrête, arrête, je ne veux pas le savoir, compris, compris, je ne veux pas le savoir ! Je sors moi-même de l’hosto où j’ai subi un examen tout ce qu’il y a de plus désagréable, à l’intestin. Et tu sais quoi, ces cons de toubibs m’ont trouvé une tumeur, une tumeur !
— Maligne ?
— Ils savent pas encore, ils savent pas encore ! Ils sauront dans trois semaines. Et moi je dois attendre et déféquer dans des bocaux en attendant !
— Ben la mienne est...
— Arrête ! Arrête ! Mais où t’as été élevé pour jeter tes malheurs privés comme ça à la tête de gens que tu connais à peine ?
— On se connaît à peine ?
— Je sais, je sais, on a été à l’école ensemble...
— Et au lycée...
— Et au lycée, mais ça fait plus de trente ans mon p’tit vieux, plus de trente ans !
— On a fait notre service civil obligatoire ensemble aussi.
— ok d’accord.
— Deux ans dans la même case, plus quarante en été moins cinquante en hiver !
— Ça m’était sorti de la tête.
— Et en plus on travaille depuis vingt-cinq ans dans la même boîte.
— Pas au même étage.
— Pas au même étage, c’est vrai.
— Quoi qu’il en soit, rien ne t’autorise à te jeter sur moi en pleine rue pour me déverser tes malheurs sur la tête.
— Je voulais juste répondre à ta question.
— Quelle question ?
— Ça va.
— Pas mal, et toi ?
— Moi ça va pas, je suis dans la merde question santé.
— Tu me rends dingue, tu me rends dingue tu sais, je regrette amèrement de t’avoir lancé “ça va” en passant.
— Ouais, aujourd’hui t’es mal tombé parce qu’aujourd’hui...
— Tu veux absolument abolir des siècles de civilisation ? C’est l’âge de pierre que tu veux restaurer ? C’est ça que tu veux ? L’âge de pierre ?
— Pas du tout.
— On t’a déjà dit que t’étais un extrémiste ?
— Jamais.
— Eh bien moi je te le dis.
— Un extrémiste ?
— Doublé d’un terroriste. En plus tu vas finir par nous faire pointer en retard.
— Moi je pointe pas je peux plus travailler rapport à mon...
— Tais-toi tais-toi tais-toi ou je te tue !
— Tu sais franchement, au point où j’en suis, ça me ferait ni chaud ni froid.
— Juste une chose, dis-moi franchement, à part ta santé, ça va ?
— Ça va.
— Eh bien tu vois quand tu veux... Salut.
— Salut, bonjour chez toi.
— N’abuse pas de ta condition de célibataire tu veux, sinon moi aussi je vais finir par te raconter ma vie, et crois-moi elle est pas jolie jolie !
— Qu’est-ce qui t’arrive ?
— Ta gueule ! Fous le camp ! Provocateur ! Pervers ! Fumier ! Célibataire !
!!!!21 Ils attendent
— Ça va ?
— Ça va.
— Qu’est-ce que tu fous ?
— J’attends.
— N’attends plus.
— Pourquoi ?
— Il viendra pas.
— Comment tu sais ?
— J’ai vu la pièce hier.
— Ça t’a plu ?
— Pas des masses.
— Pourquoi ?
— Deux types attendent un type et le type qu’ils attendent ne vient pas.
— Alors ?
— C’est décevant.
— Qu’est-ce qui se passe au juste ?
— Deux types se radinent, bizarres tu vois, y a même un gosse, mais le type qu’ils attendent vraiment ne vient pas.
— Et ça finit comment ?
— Comme ça commence.
— Et ça commence comment ?
— Ils attendent.
— Dès le début ?
— Du début à la fin j’te dis.
— Compris, j’me rentre.
— J’me rentre aussi.
— Non, toi t’attends.
— J’attends ?
— Ben si jamais il vient...
— Puisque je te dis qu’il vient pas !
— On sait jamais.
— J’ai vu la pièce pas plus tard qu’hier !
— Faisons un roulement.
— Pour quoi faire ?
— Si jamais il vient qu’il y ait l’un de nous deux pour le recevoir.
— Et si jamais il vient et que t’es pas là, je lui dis quoi moi ?
— Que je reviens.
— Et s’il repart ?
— Tu me dis qu’il ne viendra pas !
— Ah ben pourquoi attendre alors ?
— On ne sait jamais.
— Me laisse pas seul.
— Je reviens.
— Mais s’il vient en attendant ?
— Il viendra pas.
— Pourquoi l’attendre alors ?
— On ne sait jamais, suffit d’une fois.
— J’aimerais pas qu’il vienne pendant que t’es pas là...
— Il viendra pas, te bile donc pas !
— C’est plus fort que moi...
— Quoi ?
— Je me bile.
— Je reviens.
— Quand t’es pas là j’ai l’impression que tu reviendras pas.
— Je reviens j’te dis !
— Et s’il arrive ?
— Il viendra pas !
— Pourquoi l’attendre alors ?
— On ne sait jamais !
!!!!22 Réclamer ça à un type comme toi si proche
— Ça va ?
— On se connaît ?
— Tu me reconnais pas ?
— Non.
— J’ai changé à ce point ?
— A vrai dire je...
— Remarque, avec ce que j’ai pris dans la gueule...
— Ah bon, vous avez...
— Tu me dis vous ? Il me dit vous !
— Pardon ?
— Tous les copains m’ont tourné le dos.
— Ah oui ?
— Tu les vois encore toi ?
— Qui ?
— Ben les vieux de la vieille !
— C’est-à-dire...
— J’en ai bavé, crois-moi. T’as perdu ta langue ?
— C’est-à-dire...
— Je vois, y a un bruit qu’a couru et vous m’avez tous mis en quarantaine. Sympa les gars, sympa.
— Mais pas du tout.
— Si c’est ça, dis-le-moi, hein. Moi j’ai toujours été franc.
— Moi aussi, moi aussi.
— Toi par contre ouais, on voit que ça va, hein ? Ça va pour toi.
— Ben ça va, ça va... sauf quand ça va pas.
— T’as deux secondes à me consacrer ou tu dois te tirer comme les autres ?
— C’est-à-dire...
— Ça sera pas long tu me connais, je vais toujours droit au but.
— J’ai un rendez-vous et je... je crains d’être en retard.
— T’as un portable ? Préviens-le.
— Euh, il n’a pas de portable lui-même.
— Un plouc comme moi alors, un va-tout-nu. Ecoute, j’te l’aurais jamais rappelé, mais puisqu’on se croise comme ça à l’improviste...
— Oui oui ?
— Je t’ai prêté du pognon.
— Comment ça ?
— Je te l’aurais jamais réclamé hein, deux fois rien. On était dans une queue au ciné et t’avais pas de monnaie, alors j’ai pris ton billet, tu te souviens ?
— Pas du tout.
— Oh dis donc, primo tu me reconnais pas, secundo t’oublies que je t’ai prêté du pognon au ciné, tertio je suis sûr que tu te souviens pas de mon nom.
— Exactement.
— Tu consultes de temps en temps ? Fais gaffe hein, Alzheimer te guette.
— Vous pensez vraiment ?
— Mais non, j’déconne. Alors voilà, comme aujourd’hui je suis, comment dire, dans la dèche, si tu me remboursais la place de ciné, ça me ferait chaud au coeur.
— Pardon ?
— J’ai la gorge qui se serre parce que jamais j’aurais cru que j’en serais là, un jour, à te réclamer le prix d’un ciné, réclamer ça à un type comme toi si proche... ah putain ça fait mal. Mais voilà j’ai eu des hauts et des bas, surtout des bas, et là je suis dans un bas bas...
— Pardon, c’était quel film ?
— Putain t’es t’es t’es t’es... t’es vachement méfiant hein ! Chantons sous la pluie, Singing in the Rain... T’as pas oublié ça, Chantons sous la pluie ? Gene Kelly et...
— Non non non non, mais Chantons sous la pluie je l’ai vu avec ma mère un dimanche après-midi au Palais-Roche-chouart.
— T’as raison, t’as raison, c’était pas Chantons sous la pluie, c’était un montage des grands films musicaux de la Para-mount et il y avait un extrait de Chantons sous la pluie, tu te souviens ?
— Un montage ?
— Ouais. T’es devenu comme les autres, dis donc.
— Comment ça ?
— Vraiment j’aurais jamais pensé ça de toi. T’es devenu rat comme les autres.
— Je ne suis pas rat du tout.
— Une place de ciné, merde ! Et aujourd’hui c’est pas pour le ciné crois-moi, c’est juste pour croûter. Ah tu m’écœures tu sais !
— Mais mais mais mais, je ne vous permets pas de...
— Après ce qu’on a vécu ! Les doigts de la main ! Les doigts de la main on était !
— Je suis désolé mais je...
— Ouais ouais, tu ne te souviens pas, ça t’arrange hein. Moi quand j’avais des ronds je comptais jamais, les copains avaient pas de blé, je raquais. C’est pour ça que j’en suis là ! C’est des mecs comme toi, rats et tout, qui m’ont ratiboisé ! C’était deux balles le ciné à l’époque, deux balles à l’époque c’était ! Tiens : neuf euros, le prix d’une place de ciné aujourd’hui. Neuf euros. T’as pas oublié qu’on est passés des francs aux euros ?
— Non, bien sûr.
— Bon j’arrondis. Tu me balances un billet de dix euros dans la gueule et j’oublie que tu m’as oublié. Dix euros. C’est pas la mer à boire.
— Bon ben...
— OK merci. A part ça, tu m’as pas répondu ?
— A quoi ?
— Ça va ?
— Euh euh, pas mal et toi ?
— Moi, avec tout ce que j’ai pris dans la gueule, tu me demandes si ça va ?!
— Ben je je... je vous demande mais si ça... si vous ne voulez pas répondre je comprendrai, je comprendrai.
— Je reconnais ta pudeur. Je vois que t’as pas trop changé toi.
— Merci.
— Pas de quoi, c’est sincère. Et ton rancard ?
— Mon rancard ?
— Tu vois, t’oublies tout. Tu m’inquiètes tu sais. Va consulter, va consulter, tarde plus. Ciao.
— Ciao.
!!!!23 Ça presse
— Ça va ?
— Ça va.
— Où tu cours comme ça ?
— Pisser.
— Ça presse ?
— Ça presse.
— Ben, pisse là.
— Ça va pas non !
— Si, moi ça va, et toi ?
— Ça pourrait être pire.
— Quoi par exemple ?
— Devine...
!!!!24 Salut fils
— Ça va ?
— Tiens c’est toi P
— C’est moi.
— Ça va ?
— Ta mère ?
— Ça va.
— Ta sœur ?
— Ça va.
— Bon ben.
— Et chez toi ?
— Ça va, ça va,
— Alors salut p’pa.
— Salut fils.
— Bonjour chez toi.
— De même.
— J’manquerai pas.
!!!!25 Ni chaud ni froid
— Ça va ?
— Ça va.
— T’as froid ?
— J’ai pas froid.
— T’as l’air d’avoir froid ?
— J’ai pas froid.
— Ça sert à rien de se couvrir quand on a froid.
— J’ai pas froid.
— Faut manger quand on a froid.
— J’ai pas froid.
— Si t’es trop couvert, au moindre changement d’air...
— Pas trop couvert.
— On peut pas dire qu’il fasse chaud.
— J’ai pas chaud.
— Eté comme hiver moi j’porte ça.
— Ça vous va bien.
— Là n’est pas la question.
— Excuse je prie vous.
— Ni chaud ni froid moi jamais.
— Moi non plus.
— Toi non plus quoi ?
— Comme vous.
— T’as pas froid ?
— Pas froid.
— T’as pas chaud ?
— Pas chaud.
— C’est parce que t’es pas trop couvert.
— Trop couvert.
— Trop couvert tu sues.
— Sue pas.
— Et au moindre couille en l’air...
— Couille en l’air.
— Surtout quand t’as chaud.
— Pas chaud.
— Sûr ?
— Affirmatif.
— Ni chaud ni froid ?
— Affirmatif.
— Faut-il se découvrir quand on a chaud ? Prends ton temps.
— Négatif.
— C’est des p’tits gars comme lui qu’il nous faut.
— A vos ordres.
— Fixe repos ! On se tient droit même au repos !
— Affirmatif.
— Seize sur vingt. Prometteur.
!!!!26 Peut mieux faire
— Ça va ?
— Peut mieux faire.
— Les affaires ?
— Peut peu, fait moins.
— La santé ?
— Sans un sérieux coup de collier au troisième trimestre, risque l’exclusion définitive en fin d’année.
— Définitive...
— C’est la vie. Et toi ?
— Pas assidu, manque de concentration, retards fréquents, parle avec sa voisine...
— In love ?
— Pas du tout.
— 1’fyou are two, you are not alone.
— L’anglais pour moi c’est du grec.
— Pour moi le grec c’est de l’hébreu.
— Kalispera.
— Shalom.
!!!!27 Ne pas être un personnage
— Ça va ?
— Non, j’en ai marre.
— T’en as marre de quoi ?
— De ne pas être un personnage.
— Tu n’es pas un personnage ?
— Toi non plus.
— On n’est pas des personnages ?
— Non.
— On est quoi alors ?
— Des silhouettes.
— Oh oh, on cause quand même !
— Ouais ouais, on se croise et on se raconte des conneries au passage.
— Parle pour toi.
— On est taillés dans la même doublure.
— La faute à qui ?
— A l’auteur tiens.
— C’est qui c’t’engeance ?
— Le type qui nous écrit.
— Qui nous écrit quoi ?
— Des conneries j’te dis.
— Lui, c’est un personnage ?
— Penses-tu, il nous écrit point à la ligne. Il nous crée comme il dit.
— Et lui qui l’a... ?
— Son père, sa mère.
— Nous on n’a ni père ni mère ?
— On a lui.
— Ouais, c’est pas...
— Tu vois...
— Pourquoi on n’a droit qu’à lui ?
— Ça...
— On n’a pas de pot quoi.
— Il nous écrit sans finesse, sans contraste, sans profondeur, sans perspective.
— Plats.
— Voilà plats.
— Plats plats plats ?
— Voilà, blablabla.
— J’ai dit plaplapla pas blablabla.
— T’as rien dit du tout.
— Si, j’ai dit plaplapla j’te ferais dire !
— C’est lui qui te fait dire.
— Bon, qu’est-ce qu’on fait ?
— On se tire.
— Pour aller où ?
— Nulle part.
— On est où là ?
— Nulle part.
— Comment s’en sortir ?
— Exigeons qu’il fasse de nous des personnages.
— Quel genre ?
— Alceste.
— C’est qui ?
— Un chouette personnage limite caractériel.
— Et c’est notre auteur qui... ?
— T’es dingue !
— C’est qui alors ?
— Un autre auteur.
— Demandons à cet auteur qu’il nous écrive, lui !
— Il est mort.
— C’est triste.
— Qu’est-ce qu’est triste ?
— Mourir c’est triste.
— Tu vois, ça, c’est typique.
— Quoi ?
— “Mourir c’est triste” : platitude ra-plaplate typique !
— Qu’est-ce qu’on fait alors ?
— Grève sur le tas.
— C’est-à-dire ?
— On reste là et on dit rien.
— C’est dur.
— Essaie au moins.
— J’essaie, mais c’est dur.
— Si on gueulait plutôt ?
— ok, gueulons, mais quoi ?
— Des slogans.
— Quel genre ?
— On veut des caractères !
— ok, à deux, on gueule.
— Ça tombe bien on est deux.
— Ta gueule !
— La tienne avant la mienne !
— Tais-toi ! Tais-toi ! Tais-toi !
— Unité ! Unité ! Unité !
— Arrête ! Arrête ! Arrête !
— C’est pas nous qui causons, c’est...
— T’as raison, pardon.
— On demande aussi des situations en prime ?
— D’abord les caractères, après on refera grève pour obtenir des situations.
— Des décors ?
— Gueulons déjà pour les...
— On veut des caractères !
— J’étais pas prêt.
— Un...
— Deux...
— (Ensemble.) On veut des caractères ! ,
— L’écho reprend : Erre.
— C’est quoi ça ?
— L’écho.
— C’est de toi ça ?
— J’sais pas.
— C’est pas son style de plat. Ça t’est venu comme ça ?
— Comme le reste.
— On le refait ? Une...
— Deux...
— (Ensemble. ) On veut des caractères !
— Alors ?
— Quoi ?
— Tu ne fais plus l’écho ?
— Non.
— Pourquoi ?
— J’trouve ça nul.
— Moi ça m’a plu.
— Prends-le.
— Quoi ?
— L’écho.
— Merci, c’est vachement...
— On reprend ?
— J’te revaudrai ça.
— Une...
— Deux...
— (Ensemble.) On veut des caractères !
— L’écho répond... non, t’as raison,
c’est trop con.
— Tu vois...
— Ah c’que j’en ai marre si tu savais...
— Je sais.
— Eh toi, là-haut !
— A qui tu causes ?
— A notre créateur.
— Regarde plutôt vers les égouts.
— Il habite au troisième.
— Tiens ?
— Eh toi, là-haut !
— Tu veux que j’te fasse l’auteur ?
— Chouette idée. Vas-y.
— J’y suis.
— Eh toi, là-haut !
— L’écho répond : Oh !
— Non, pitié, pitié, c’est trop !
— T’aimais ça tout à l’heure ?
— Fais l’auteur, pas l’écho.
— J’ose pas.
— Pourquoi ?
— J’ai peur de ne pas être assez plat.
— Peut-être.
— L’écho répond : Etre...
— Bon, ça va, ça va, y a des limites, je vais me pieuter.
— Où tu dors ?
— Avec toi.
— Avec moi ?
— Rien de sexuel, rassure-toi, c’est pas son truc.
— On dort où au juste ?
— Dans les pages d’un carnet Claire-fontaine.
— L’écho répond : Haine !
— Tu me lasses tu sais.
— Ça va pas alors ?
— J’en ai marre j’te dis.
— Dodo alors.
— C’est ça dodo. Non non non non, non, t’as vu ça ?
— Quoi ?
— Il nous fait jacter comme des marmots !
— On en a marre !
— On veut Hugo !
— Qui c’est Hugo ?
— T'occupe, gueulons : On veut Hugo !
— L’écho répond : Rideau !
— Non non, c’est nul comme ça.
— Adresse-toi au troisième étage.
— Vite, glisse-toi, que je referme son putain de carnet.
— On est bien ?
— L’avantage d’être si plats c’est qu’on se glisse à l’aise entre les pages.
— Ça va alors ?
— Ça va, et toi ?
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{{groupbox small italic{
COMBIEN DE “ÇA VA” ~FAUDRAIT-IL POUR QUE ÇA AILLE VRAIMENT ?
Ouvrage publié sous la direction de Claire David
© ACTES SUD, 2008 ISBN 978-2-7427-7520-0
}}}
!ÉVENTAIL
//DAME BAN (autour 20 av. notre ère)//
Avec la soie fine de Qin brillante comme givre et pure comme neige, j’ai fait un éventail voltigeant, joyeux,
arrondi comme la lune.
Va chez lui de ma part, glisse-toi dans sa manche, que ta brise légère
lui apporte la fraîcheur.
Et plus tard,
au retour de l’automne, quand le vent chassera les chaleurs de l’été, il te jettera quelque part au fond d’un tiroir, symbole malheureux de l’amour inconstant.
//^^Ce dialogue peut être mis et joué au féminin^^//
;VIVIEN
:Mon cher Paul, je vous écris de…
;PAUL
:Vous pouvez parler plus distinctement.
;VIVIEN
:Pardon ?
;PAUL
:Vous n’articulez pas.
;VIVIEN
:Je n’ai aucune raison d’articuler, j’écris.
;PAUL
:Oui mais vous écrivez tout haut.
;VIVIEN
:Et alors ?
;PAUL
:Et alors je vous entends.
;VIVIEN
:Éloignez-vous.
;PAUL
:Pourquoi puisque c’est à moi que vous écrivez ?
;VIVIEN
:Si je vous écris Paul c’est pour que vous me lisiez pas pour que vous m’entendiez.
://Un temps.//
;PAUL
:Vivien, je peux savoir pourquoi vous m’écrivez au mois de mars ?
;VIVIEN
:Je vous l’explique dans ma lettre.
;PAUL
:Vous ne l’avez pas encore écrite.
;VIVIEN
:Non mais je sais ce qu’elle contient.
;PAUL
:Si vous le savez pourquoi vous ne me le dites pas ?
;VIVIEN
:Parce que ce n’est pas la même chose.
;PAUL
:Quoi ?
;VIVIEN
:Dire et écrire.
;PAUL
:Ah bon !
;VIVIEN
:Rien à voir.
;PAUL
:Quand vous écrivez vous n’employez pas les mêmes mots, les mêmes verbes, les mêmes accents que ceux que vous utilisez pour parler comme en ce moment… ?
;VIVIEN
:Si mais ils n’ont pas… comment dire… le même poids, la même densité et peut-être pas la même signification.
://Un temps.//
;PAUL
:Vous m’écrivez en anglais ?
;VIVIEN
:Non, mais je vous écris avec la main alors que je vous parle avec la langue.
;PAUL
:Oui ça je vous remercie.
;VIVIEN
:Et comme vous avez dû le remarquer la langue est un morceau de chair très court, très innervé et donc très vif, qui remue dans tous les sens ce qui a pour conséquence qu’elle ne dit pas toujours précisément ce qu’on souhaiterait qu’elle dise. De plus le fait qu’elle soit placée dans la boîte crânienne, c’est-à-dire très proche du cerveau, ne donne pas le temps à la pensée de se refroidir.
;PAUL
:Je vois. Je dois donc m’attendre de votre part à des propos glacés.
;VIVIEN
:Maîtrisés disons.
;PAUL
:Maîtrisés !
;VIVIEN
:Oui, par la main qui va recevoir l’idée apaisée et fortifiée par le long cheminement qu’elle vient d’effectuer de la tête au poignet ne demandant qu’à s’exprimer avec clarté dans les pleins et déliés de ma plume.
;PAUL
:Permettez-moi de douter.
;VIVIEN
:Douter ? Douter de quoi ?
;PAUL
:Que tout ce que vous venez de dire ait du sens. Pardonnez-moi mais comme vous vous êtes expliqué avec votre petit morceau de chair si peu fiable, je doute, oui, que votre discours soit maîtrisé.
;VIVIEN
:Ne vous inquiétez pas, il l’est.
;PAUL
:Tiens donc et pourquoi ?
;VIVIEN
:Parce que je l’avais écrit avant. Vous pensez bien je ne me serais pas risqué…
;Un temps.
;PAUL
:Et ça ?
;VIVIEN
:Quoi ?
;PAUL
:Cette carte postale que vous m’avez envoyée de votre lieu de vacances l’été dernier.
;VIVIEN
:Eh bien ?
;PAUL
:Lisez-la.
;VIVIEN
://(lisant).// “Mon cher Paul. Ici il fait beau. Je me baigne. J’espère que vous allez bien. Amitiés. Vivien.”
;PAUL
:Vous n’avez pas l’impression que votre pensée se soit un tantinet gourée d’itinéraire ?
;VIVIEN
:C’est-à-dire ?
;PAUL
:Qu’elle ait raté le bras et se soit dirigée vers la jambe et que vous ayez fini par écrire avec vos pieds !
;VIVIEN
:Paul, je vous en prie !
;PAUL
:Enfin Vivien, ne me dites pas que ces trois lignes insipides sont le fruit d’une réflexion ferme et que vous n’auriez pas pu faire mieux en parlant tout simplement !
;VIVIEN
:Je ne crois pas.
;PAUL
:Ne vous fichez pas de moi.
;VIVIEN
:Je vous assure, je me souviens quand je vous ai écrit ce mot, j’étais sur la plage écrasé de chaleur, incapable de prononcer la moindre parole.
;PAUL
:Vous n’auriez pas été capable de dire “Bonjour Paul, la mer est belle, je nage… !!”
;VIVIEN
:Je ne pense pas. Et puis si je vous l’avais dit c’est que vous auriez été là et vous auriez donc constaté par vous-même qu’il faisait beau et que je me baignais… alors à quoi bon le dire.
://Un temps.//
;PAUL
:Exact.
;VIVIEN
:Cela dit je suis touché que vous conserviez les cartes postales que je vous envoie.
;PAUL
:C’est pour l’image. J’aime les dunes.
;VIVIEN
:Je l’ignorais.
;PAUL
:Celle du lézard ou celle du vieux avec la cornemuse je ne les ai pas gardées.
;VIVIEN
:C’est bon à savoir pour la prochaine fois.
;PAUL
:Je suppose que vous ne passez pas toutes vos vacances près des dunes ?
;VIVIEN
:Non bien sûr, mais où qu’on soit si on cherche bien on en trouve toujours une ou pour le moins un monticule sableux, surtout quand on sait que ça fait plaisir… “Mon cher Paul, je vous écris de…” Pardonnez-moi je continue parce que le dernier courrier est à dix-neuf heures et j’aimerais autant vous la poster aujourd’hui.
;PAUL
:Vous n’allez pas me la donner ?
;VIVIEN
:Non.
;PAUL
:Quand vous l’aurez terminée vous n’allez pas me la donner ?
;VIVIEN
:Non.
;PAUL
:Vous n’oubliez pas, j’espère, que je suis assis en face de vous Vivien ?
;VIVIEN
:Comment pourrais-je l’oublier Paul ! Vous êtes assis en face de moi depuis quinze ans et trois mois, huit heures par jour, dans le même bureau, avec pour seule interruption quotidienne une halte d’une heure à la cafétéria où la plupart du temps vous parvenez à placer votre plateau en face du mien.
;PAUL
:Oui, mais je ne choisis jamais comme vous ni chou-fleur, ni cabillaud, ni fromage à pâte molle.
;VIVIEN
:C’est vrai et au mois d’août vous ne partez pas non plus en congés avec moi, mais le reste de l’année nous pissons très souvent ensemble.
;PAUL
:Jamais face à face.
;VIVIEN
:Exact, de profil. Vous avez toujours la délicate attention de choisir un urinoir parallèle au mien.
;PAUL
:Tout cela pour le plus grand bonheur du personnel et surtout de la direction. Vous le savez bien Vivien.
;VIVIEN
:Que vous me suiviez chaque fois que je vais aux toilettes les rend heureux ?
;PAUL
:Non, que les deux experts-comptables de l’entreprise s’entendent si bien les rassure. Les bons amis faisant les bons comptes. Et c’est au nom de notre relation harmonieuse que je vous demande de…
;VIVIEN
:Non ! Je ne vous donnerai pas ma lettre ! Une lettre qui n’est pas portée par un facteur à l’aube, dont l’enveloppe n’est pas déchirée avec une légère palpitation cardiaque n’est pas une lettre, c’est un pli, un fax ou bien pire un e-mail ! une suite de mots sans âme destinés à la seule communication.
;PAUL
:Vous savez ce que je pense Vivien ?
;VIVIEN
:Non.
;PAUL
:Je pense que vous vous apprêtez à m’écrire une lettre d’amour.
;VIVIEN
:Moi ?
;PAUL
:Oui vous. Je ne vois pas d’autre explication à vos cachotteries. Vous n’osez pas me dire que vous m’aimez alors vous me l’écrivez.
;VIVIEN
:Paul vous ne…
;PAUL
:Pour ma part je n’y vois aucun inconvénient, il y a longtemps que je l’avais remarqué.
;VIVIEN
:Que je vous aimais ?
;PAUL
:Oui.
;VIVIEN
:D’amour ?
;PAUL
:Bien sûr. Je me suis toujours dit un jour ou l’autre ça va sortir. On y est.
;VIVIEN
:Mais… quand vous en êtes-vous… ?
;PAUL
:Oh de nombreuses fois, mais je dois dire là où ça a été le plus flagrant c’est lors du dernier bilan.
;VIVIEN
:Ah bon ?
;PAUL
:Oui, quand vous avez pris ma main, que vous l’avez posée sur la souris de mon ordinateur et que nous avons cliqué ensemble…
;VIVIEN
:J’ai fait ça ?
;PAUL
:Oui, et très tendrement Vivien, très très tendrement.
;VIVIEN
:Ah…
;PAUL
:Vous voulez que je vous embrasse ?
;VIVIEN
:Sur la joue ?
;PAUL
:Non sur la bouche.
;VIVIEN
:C’est-à-dire…
;PAUL
:C’est-à-dire quoi ?
;VIVIEN
:C’est-à-dire… ça vous ferait plaisir ?
;PAUL
:Ça n’est pas impossible…
;VIVIEN
:Mais pas avec la langue Paul.
;PAUL
:Je ne vais quand même pas vous embrasser avec la main !
;VIVIEN
:Pour la première fois je préférerais.
;PAUL
:Vous voulez que j’écrive c’est ça ?! Que j’écrive : “Je vous embrasse !”
;VIVIEN
:Oui je préférerais que votre premier désir pour moi soit maîtrisé.
;PAUL
:Il faut vraiment que je vous aime… donnez-moi un stylo bille.
;VIVIEN
:Un bleu, ça vous ira ?
;PAUL
:Parfait, allons-y…
;VIVIEN
:Paul.
;PAUL
:Oui ?
;VIVIEN
:J’aimerais autant que vous ne m’écriviez pas sur le papier à en-tête de la société.
;PAUL
:Vous êtes bien compliqué.
;VIVIEN
:Comprenez-moi, si vous m’écrivez sincèrement “Vivien, je vous embrasse…” j’aimerais autant que ce ne soit pas sous “Marco Frères, pièces détachées et matériel agricole”…
;PAUL
:Bon, alors du papier blanc.
;VIVIEN
:Merci Paul, merci beaucoup.
;PAUL
:De rien.
//(Ils se mettent tous les deux à écrire. Quand ils ont terminé ils plient leur lettre et la placent dans une enveloppe qu’ils cachettent d’un coup de langue.)//
;Voilà.
;VIVIEN
:Vous passez près d’une poste Paul pour attraper votre RER ? Je me trompe ?
;PAUL
:Non.
;VIVIEN
:Ça ne vous ennuie pas de poster la mienne.
;PAUL
:Pas du tout de toute façon je dois y passer pour la mienne.
;VIVIEN
:Merci… Bien je me sauve.
;PAUL
:Moi aussi, j’y vais.
;VIVIEN
:À demain Paul.
;PAUL
:À demain Vivien.
{{homeTitle center{
Était-ce un rève ?
}}}{{center{
!!!!!Sacha Guitry
}}}
{{small{
|borderless|k
|Ce texte est un scan non corrigé, hormis le découpage en répliques. <br>Il y a des mots illisibles qui doivent être devinés. |
}}}
+++^^*[Personnages]
* La femme
* Le valet de chambre (ou La femme de chambre)
* L'amant
* Le mari
===
!!!ACTE PREMIER
//La scène est vide au lever du rideau.//
//Le salon est dans I ’ombre et, par une fenêtre, ne vient qu 'une clarté bien pâle. On sonne. Une porte s’ouvre. On entend des voix, puis une parle du salon s’ouvre et le valet de chambre s’efface devant un homme il< trente-cinq ans qui entre. C’est un homme élégant et bien de sa personne. C’est l’amant.//
;//le valet de chambre.//
: — Non, Monsieur. Monsieur ne rentre jamais avant six heures.
;//L'amant.//
: — Et il est ?
;//Le valet de chambre.//
: — A son bureau.
;//L'amant.//
: — Non, je dis : Il est... comme heure ?
;//Le valet de chambre.//
: — Cinq heures et demie...
;//L'amant.//
: — Vais-je aller faire une course... ou bien vais-je l’attendre Ici ?
;//Le valet de chambre.//
: — Monsieur fera comme il voudra... moi, je...
;//L'amant.//
: — D’ailleurs, je ne vous questionnais pas... je me le demandais à moi-même. Est-ce que Madame est là ?
;//Le valet de chambre.//
: — Non, Monsieur... mais Madame ne tardera lllière à rentrer maintenant.
;//L'amant.//
: — Bon. Est-ce que vous avez « Le Temps » ?
;//le valet de chambre.//
: — Oh ! moi, Monsieur... je n’ai rien de spécial à lire en ce moment...
;//L'amant.//
: — Non, « Le Temps », le journal « Le Temps »...
;//le valet de chambre.//
: — Oh! oui, pardon, Monsieur. Est-ce que Monsieur veut celui d’hier ou celui de demain ?
;//L'amant.//
: — Comment, d’hier ou de demain ? Je veux celui d'aujourd'hui.
;//le valet de chambre.//
: — Ah ! c’est impossible, Monsieur... il n’y en a |nmais du jour même...
;//L'amant.//
:— Qu’est-ce que vous me racontez ?
;//Le valet de chambre.//
: — Celui d’hier, celui qu’on a apporté hier soir, |c l’ai à la cuisine... mais celui-ci, tenez...
;//(Il le prend dans l’antichambre.)//
: Celui-ci, c’est celui de demain. Nous sommes mercredi et il i a marqué jeudi, c’est donc celui de demain. Donc, du jour même il n’y en a jamais.
;//L'amant.//
: Vous avez trouvé ça tout seul ?
;//le valet de chambre.//
: — Non, c’est Monsieur qui me l’a expliqué.
;//L’amant.//
: — Ah ! bon, tout s’explique.
;//le valet de chambre.//
: — Monsieur le veut quand même ?
;//L’amant.//
: — Oui, ça m’amuse de savoir les nouvelles avant tout le monde.
;//le valet de chambre.//
: — Monsieur est comme ça aussi, il ne peut jamais attendre le lendemain pour l’ouvrir. Je vais aller allumer à Monsicui une petite lampe pour que Monsieur puisse lire.
;//(Il fait ce qu il dit.)//
;//L’amant.//
: — Merci.
;//le valet de chambre.//
: — Monsieur voit assez clair comme ça ?
;//L'amant.//
: Oui, oui, c’est parfait, merci.
;//le valet de chambre.//
: — Et Monsieur n’a pas froid ?
;//L'amant.//
: Non, non, du tout, merci. Mais comme vous êtes paternel avec moi !
;//le valet de chambre.//
: — C'est que, Monsieur, mon fils aurait votre agi
;//L’amant.//
: — Vous l’avez perdu ?
;//le valet de chambre.//
: — Non, non, Monsieur.
;//L’amant.//
: — Alors, il a mon âge ?
;//le valet de chambre. —//
: Non, non, je n’ai jamais eu d’enfants. Seulement je pense que si j’avais eu un enfant, il pourrait avoir votre âge. A tout à l’heure, Monsieur.
://(Le valet de chambre sort. L’amant s’est mis dans un fauteuil auprès de la lampe allumée et il a déplié « Le Temps — mais 'sitôt que le domestique est sorti il se lève et va vers une petite table sur laquelle se trouve entre autres objets une photographe encadrée. Il glisse sa main sous cette photographie et retire un œillet rose à demi fané. Surpris, contrarié, il dit :)//
;//L’amant.//
: — Tiens... cela m’étonne !
;//(Il remet l’œillet sous le cadre de la photographie.)//
: D’ailleurs, quand ces dames cesseront-elles de;m’étonner !... Quel malheur que je ne sache pas écrire !... Si je connais sais un romancier, je lui raconterais ma vie et il en ferait un livu extraordinaire. La plupart des livres d’amour sont faux... ou du moins, on peut dire que tout ce qui concerne l’amant et la femme est geneiali ment faux dans les livres d’amour. Les sentiments du mari son! d’ordinaire beaucoup mieux étudiés... et c’est facile à comprendre quand on regarde les photographies des hommes de lettres. Ils sont presque tous laids — ou alors ils sont un peu ridicules, tellement ils sont contents de ne pas être laids. En tout cas, ils n ont pas des u n d’amants. Ou bien ils ont tout simplement des têtes de cocus... ou
:ils n’ont pas des têtes assez simples, assez ordinaires même pour plant vraiment aux femmes... car c’est une grave erreur de croire que plus on esl beau, plus on plaît aux femmes. Combien en ai-je vu de femmes qui trompaient des hommes beaux avec des hommes laids !... Pour avoir des femmes, ah ! c’est bien moins compliqué qu’on ne pense... Pour plane aux femmes, il faut tout simplement s’en occuper... seulement alors il ne faut plus s’occuper que de ça !... Et puis, j’ai remarqué aussi une chose : c est que plus on a des femmes, plus on en a. Ça vient par Sériés, les femmes. Il y a des mois où on n’en a pas une... et puis, le mois suivant, il y en a tout à coup une qui déclenche le mouvement et on en a cinq ou six de suite. D’abord, on peut dire que la plupart des lemmes tombent pour que ça n’en soit pas une autre qui tombe à leur place. Je parle des femmes honnêtes en ce moment... car les autres ne in intéressent pas. Il faut se spécialiser. Moi, ma spécialité, ce sont les lemmes honnêtes. L’amusant, le passionnant, c’est d’être le premier limant d;une femme mariée ! L’intensité que prend l’existence pendant les huit jours qui précèdent la chute d’une femme honnête !... Ça, c’est quelque chose d’incomparable ! Il y a des risques, évidemment..’, et si on est tombé sur une femme qui fait ça pour se venger de l’inconduite de son mari, ça, alors, c’est odieux... Elle vous prend en horreur aussitôt upiès ce qu elle appelle sa faute, et pendant quinze jours vous êtes menace d un aveu loyal au mari... sale affaire !
;//(On sonne deux fois.) //
:Ah !
;//(Il écouté. On entend une voix de femme.)//
C’est elle !... Au travail
;//Elle//
: — Bonjour !
;//Lui.//
: — Bonjour, madame.
;//Elle//
: — Est-ce moi que vous attendez ?
;//Lui.//
: — Non, mais ça ne fait rien, vous pouvez entrer tout de même. Oui, je vous attendais, et avec quelle impatience !
;//Elle//
: — Qu’est-ce qu’il y a donc, mon Dieu ?
;//Lui.//
:— Il y a que je suis un homme honteux, navré d’avoir été si maladroit, si bête...
;//Elle//
: — Quand avez-vous été si maladroit, si bête ?
;//Lui.//
: Hiei soir, ici même, après le dîner, et je viens m’en excuser.
;//Elle//
: — Je n’ai pas souvenir de...
;//Lui.//
: — Allons donc ! Vous ne m’avez pas vu prendre un œillet dans ri: vase ?
;//Elle//
: - Si.
;//Lui.//
: Vous ne m’avez pas vu l’embrasser ?
;//Elle//
: — Il me semble... Oui.
;//Lui.//
: Vous ne m avez pas vu le glisser sous ce portrait de vous ?
;//Elle//
: — Peut-être, en effet...
;//lui.//
: — Eh bien, je suis venu voir aujourd’hui s’il y était encore.
;//Elle//
: — Et il y est toujours !
;//Lui.//
: — Oui.
;//Elle. //
: Ça ne m’étonne pas, vous savez. On ne trouve plus de domesli ques, maintenant. Le ménage, c’est bien simple ; ils le bâclent en cinq minutes. Cette expérience que vous faisiez hier, mais je l’ai faite vingt fois déjà. Ils donnent un coup de plumeau sur les choses qui se voient, mais ils ne soulèvent aucun objet.
;//Lui.//
: — Avez-vous fini de vous moquer de moi ? Ce n’est pas généreux, ce que vous faites là. Je suis déjà si vexé, n’en profitez pas trop. C'est tellement stupide, ces choses-là, quand ça rate. Tout ce que jp puis me permettre de vous demander... et ce dont je vous supplie, c’est de ne pas lui en parler, c’est de ne pas lui en dire un mot.
;//Elle//
: — A qui ?
;//Lui.//
: —- A elle.
;//Elle//
: — Comment, à elle ?
;//Lui.//
: — Oui, à votre sœur.
;//Elle//
_ A ma sœur ? Pourquoi voulez-vous que j’en parle à ma sœur ?
;//Lui.//
: — Parce que peut-être m’a-t-elle vu mettre cet œillet derrière ce cadre. Elle m’a vu le prendre dans ce vase, et elle m’a vu l’embrassci De cela, je suis sûr... Mais, à ce moment précis, quelqu’un lui a parlé, elle a tourné la tête un peu et si vous m’avez vu, vous, le mettre derrière ce cadre, peut-être, elle ne m’a-t-elle pas vu le faire. Je préfère vivn dans ce doute, il vaut mieux que vous ne soyez pas au courant, vous vis-à-vis d’elle, de cette imprudence que je commettais... imprudence réelle et folle, car je puis vous certifier que rien dans l’attitude de votl« sœur ne m’autorisait à me déclarer de cette façon-là.
;//Elle//
: — J’en suis persuadée.
;//Lui.//
: — Cependant, comme je ne tiens pas à passer pour un fou a vos yeux, je dois vous dire que, pendant le dîner, à deux reprises, la persil, tance de son regard sur moi pouvait me laisser... très vaguement supposer que le sentiment qu’elle m’inspire ne lui était pas odieux.
;//Elle//
: — Vous savez qu’Henriette est myope.
;//Lui.//
: — Oui, mais enfin...
;//Elle//
: _ Non, non, elle est très myope... Elle ne voit pas clair... enfin elle ne voit pas bien. Elle en souffre assez, la pauvre fille ! Et ça lui arrive souvent de fixer son regard comme ça... sans rien voir. Elit devrait y faire attention car souvent ça lui donne un air abruti... hypno tisé... et c’est doublement dommage, car c’est une femme parfaitement honnête et parfaitement intelligente. Elle devrait se servir d’un face ,i main ou porter carrément des lunettes. Qu’est-ce que vous voulez ! Quand on est infirme, on est infirme ! En avoir honte, c’est idiot. D autant plu qu'on peut être très myope et plaire quand même... la preuve ! Elle a un profil ravissant, n’est-ce pas ?
;//Lui.//
: — Oui.
;//Elle//
: — On dirait une médaille, vraiment. Le menton, chez elle, est exquis, surtout. Elle a tant de douceur dans le bas du visage... Et puis, elle est si gracieuse, si gentille. Ah ! c’est un cœur d’or, Henriette !... et quelle pudeur ! Croirait-on qu’elle est enceinte en ce moment ?
;//Lui.//
: — Ah ? Elle est... ?
;//Elle//
: — Elle ne me l’a pas dit encore, mais... je la connais.
;//Lui.//
: — Tiens.
;//Elle//
: — Pourvu que celui-là elle l’ait, mon Dieu !... Le premier n’a pus vécu. Ah ! pauvre petite, quelle horreur !... et cette opération... quel souvenir affreux... quelle boucherie !... Qu’est-cc qui vous plaît le plus un elle ? Sa distinction... ? Son intelligence... ? Sa grâce... ?
;//Lui.//
: Ne me le demandez pas !
;//Elle//
: — Pourquoi ?
;//Lui.//
: Parce que... je serais capable de vous le dire !
;//Elle//
: — Dites-le... C’est ma sœur et je ne suis pas indiscrète en cher-i h,ml à savoir ce qui, en elle, est plus particulièrement charmant aux veux d’un homme, quand cet homme surtout a compris qu’il faisait l'Hisse route en cherchant à lui plaire. Dites-moi ce qui vous plaît en elle.
;//Lui.//
: Vous ne le savez pas ?
;//Elle//
: — Non.
;//Lui.//
: Vous ne le devinez pas ?
;//Elle//
: Non, vraiment.
;//(Sonnerie de téléphone. Elle y va.)//
: Allô !... i Mu oui... tiens ?... Qu’est-ce qu’il a eu ?... 11 ne s’est pas évanoui ? M ?... Oh !... Mais cent fois je le lui ai dit déjà. Bien sûr que je I (illends... Merci, mon cher Bourdier.
;//(Elle raccroche.)//
;//Lui.//
: Rien de grave ?
;//Elle//
: — Non, grâce à Dieu. C’est le secrétaire de mon mari qui me U leplione du bureau pour m’avertir que Charles vient d’avoir une petite lulblesse, un petit évanouissement et qu’il rentre tout de suite.
;//Lui.//
: II travaille trop, votre mari.
;//Elle//
Beaucoup trop. Il travaille douze heures par jour. C’est ridicule. A cette époque-ci, il devrait tous les ans aller passer un mois iliiir. le Midi. Le médecin le lui a dit vingt fois... Pensez donc... Il s’est couché à quatre heures du matin et levé à huit heures ! Il avait une mine à déjeuner... Oh !
;//Lui.//
II y a de quoi. Il est bouffi de mauvaise graisse. Il ne fait jamais un pas. C’est un homme qui se tue. D’ailleurs, c’est bien simple, il n’y i ni terre que des gens qui travaillent trop ou des gens qui ne fichent rien Ça compense peut-être, mais enfin... J’espere que cette mdisposl tion de votre mari n’aura aucune suite fâcheuse. C est un si brave homme... si intelligent... et cependant pas assez intelligent, vous h voyez pour comprendre que non seulement il compromet sa sanie, > n travaillant de la sorte... mais que, en plus, il compromet peut-etre un peu son bonheur... car, enfin, sans me permettre de me meler de choses qui ne me regardent pas, cela ne doit pas être amusant tous les jours, pour une femme de votre âge, d’avoir un mari constamment soucieux, préoccupé de ses affaires. Quand un couple déjà n’est pas extrememcnl bien assorti... il me semble que le plus âgé des deux doit faire conslum ment des petites concessions, de façon à se faire, je ne dis pas «pardonner»... mais, du moins, excuser... heu... certaines dispropoi tions... enfin, chacun a ses idées sur la vie, n'est-ce pas ?... Au revou à bientôt... peut-être...
;//Elle//
: _ Vous n’avez pas répondu à la question que je vous posais totil
:à l’heure.
;//Lui.//
: Je pensais que vous l’aviez oubliée.
;//Elle//
: — Non, je veux savoir... dites-moi ce qui vous plaît tant en elle
;//Lui.//
: _ Vous avez tort de me le demander.
;//Elle//
: — Pourquoi ?
;//Lui.//
: — Parce que... Méfiez-vous...
;//Elle//
: — De quoi ?... Allez, dites...
;//Lui.//
: Tant pis... C’est vous qui l’aurez voulu, et je vais vous le dm Ce qui me plaît en elle, ce qui m’affole en elle, c’est sa ressemblance avec vous, avec vous que j’adore depuis six mois sans oser vous le dire parce que je vous sais la plus honnête des femmes. Ne dites rien, |» pars et vous ne me reverrez jamais. Mais il faut que vous le sachie/ Hier soir, pendant tout ce repas, je regardais ses mains, ses yeux, sim front parce que je n’osais pas regarder les vôtres... En passant au sa on j’ai frôlé son corps en m’imaginant que c’était votre corps que je IrOlui et j’ai frémi de plaisir. Je vous cherche en elle et bien que vous soyez certainement — hélas ! pour elle — différentes, je perçois dans sa vol» certaines inflexions de la vôtre... et quant à votre regard, s i n a pu» Il fixité du sien, je le retrouve du moins dans ses yeux. Ah . laisse/ nim l’aimer, laissez-moi vous aimer en elle... et même soyez complice .1" mon amour... parlez-lui bien de moi, laissez-moi l'approcher... Elle ne saura jamais que c'est vous que j'aime en elle. Soyez sa confidente et vous saurez par elle toutes mes pensées, tous mes désirs...
;//Elle//
: _ Taisez-vous, taisez-vous... c’est monstrueux ce que vous dites-là.
;//Lui.//
: —- Vous n’aimez donc pas ce qui est monstrueux ?
;//Elle//
: — Mais non, mais non...
;//Lui.//
:. _ Alors, que ce soit vous... Laissez-moi vous aimer ! Je miH l’homme en amour le moins exigeant du monde. Je vous demande deux i luises, c est tout Chaque fois que vous me tendrez la main, laissez votic main dans la mienne trois secondes de plus qu’il ne faut... et e nique fois que vous trouverez une fleur sous ce portrait de vous déposez un baiser sur elle... mes lèvres sauront bien y retrouver les vôtres... Fermez les yeux... Il est fané déjà... Faites-le revivre, cherchez mes levres... cherchez bien... là... là...
://(Il la baise sur la bouche à travers lu fleur. Le mari entre et les voit.)//
://C'est un homme de quarante ans, en assez mauvaise santé II est Meme et comme terrassé par ce qu'il vient de voir. Il reste assez longtemps sans bouger et sans prononcer un mot, sur le pas de la porte grande ouverte. L'amant a reculé d’un pas. Il est resté immobile. Le mari fait à l'amant un geste très simple vers la porte et le laisse passer devant lui en baissant les yeux pour ne pas trop le voir. L'amant sort et referme la porte. Alors, elle se retourne et veut parler, mais son mari lui coupe la parole//
;//Le mari.//
: - Fais ta malle et va-t’en.
;//(Elle veut parler. Il répète.)//
: - Fais ta malle et va-t’en.
;//(Elle veut parler.)//
: Non... Rien... rien... fais ta malle
://Elle traverse le salon et disparaît par une porte à gauche. Le mari seul est comme un homme qui ne tient plus sur ses jambes, fait deux pas chancelants et se laisse tomber dans le premier fauteuil qu’il trouve. Il pose sa tete sur son bras replié et Von ne sait s’il pleure ou Mer. s il va se trouver mal, tant sa respiration est courte et violente.//
:RIDEAU
!!!ACTE II
://Même décor.//
://le mari se trouve dans la même position qu’à la fin du premier acte Un temps. Sa tete tout a coup se soulève et il reste un instant les yeux grands ouverts, comme quelqu’un qui ne comprend pas quelque chose. Il regarde aurour de lui, pui regarde l'heure à sa montre//
;//Le mari.//
:- Sept heures... Elle est sûrement rentrée.
;//(Il appelle :) //
:Renée, Renee !...
;//(La femme entre.)//
;//La femme.//
: — Tu m’as appelée ?
;//Le mari.//
: - Oui. Viens vite m’embrasser.
;//(Elle va, surprise, dans ses bras. Le mari, continuant de parler. )//
: Oh ! mon amour ! Que je viens de faire un sale rêve ! Tu savais que j étais là ?
;//La femme.//
: — Mais oui.
;//Le mari. //
: Bourdier t’a téléphoné du bureau que j’ai eu un petit évanouissement là-bas ?
;//La femme.//
: — Oui.
;//Le mari//
: — Je lui avais dit, en quittant le bureau, de te téléphoner poui que tu ne sois pas effrayée de me voir arriver avec un visage délai! mais figure-toi qu’en entrant, je me suis jeté dans ce fauteuil et eu’ nouveau j’ai tourné de l’œil ! Je n’ai même pas eu la iorce d aller jusqu’à ma chambre et je n’ai pas eu non plus la force d appeler.
;//La femme.//
: — Oh... Mais qui t'avait ouvert la porte ?
;//Le mari.//
: — Personne. Je n’ai pas sonné. J’ai ouvert avec ma clé, lu étais probablement dans ton boudoir et tu ne m’as pas entendu rentra Et, quand tu es venue, je dormais ?...
;//La femme.//
: — Oui.
;//Le mari.//
: — Car j’ai dormi presque une heure... hein ?
;//La femme.//
: — Presque, oui.
;//Le mari. —//
: Ça m’a fait du bien... Mais j’aurais tout de même mieux fait de ne pas dormir.
;//La femme.//
: — Pourquoi ?
;//Le mari. —//
: Parce que... Oh ! quelle horreur !...
;//La femme.//
: — Mais quoi ?
;//Le mari. —//
: Rien. Je suis crevé, je n’en peux plus.
;//La femme.//
: — Depuis des semaines, je te supplie de t’arrêter un peu.
;//Le mari.//
: — Tu avais raison. Je suis allé trop loin. Maintenant, il faut que je m’arrête sûrement. Veux-tu qu’on aille dans le Midi tous le. deux, pendant un mois ?
;//La femme.//
: — Comment, si je le veux ? Mais il le faut. Nous partironii demain.
;//Le mari.//
: — Demain, ça...
;//La femme.//
: — Si, si, si... demain.
;//Le mari, câlin.//
: — Du moment que c’est un ordre...
;//La femme.//
: — Un ordre formel.
;//Une voix de femme, par la porte de gauche entrouverte.//
: — Je ne peux pas mettre toutes les robes de Madame dans une seule malle.
;//La femme.//
: — Eh bien... celles que vous ne pourrez pas mettre dans ma malle, vous les mettrez dans la malle de Monsieur, voilà tout.
://(La femme de chambre referme la porte.)//
;//Le mari.//
: Comment, elle fait déjà les malles ?
;//l a femme.//
: — Après le coup de téléphone de Bourdier, si tu crois que j'ai eu une autre idée... Et quand je t’ai vu dormir là, tout pâle si tu crois que j’ai hésité !...
;//Le mari.//
: Mon aimée !... Oh !...
;//Id femme.//
: — Quoi ?
;//le mari. —//
: Rien. Ça ne t’ennuie pas de quitter Paris ?
;//la femme.//
: — Pourquoi veux-tu que cela m’ennuie ?
;//Le mari.//
: Ne crains-tu pas peut-être un peu la solitude là-bas ?
;//I a femme.//
: — Tu sais bien que j'adore le Midi.
;//Le mari.//
: —- Oui, c’est vrai.
;//l a femme//
: — Et puis, pour moi-même aussi, j’ai très envie de quitter I mis pendant un mois... de changer d’air.
;//Le mari, changeant tout à coup de ton.//
: — Oh ! mon aimée Ne me trompe pas...
;//la femme.//
: — Te tromper ?... Mais pourquoi me dis-tu cela ?
;//Le mari.//
: — Parce que... Si tu savais comme c’est horrible. En dormant. In. tout a 1 heure, j ai fait le rêve le plus abominable qui soit.
;//la femme.//
: On fait souvent des rêves abominables quand on n’est pus en bonne santé.
;//Le mari.//
: Oui. Oh ! mais... je sais bien... et souvent, comme tout le monde, j ai eu des cauchemars extraordinaires... J’ai été écrasé par une maison... J’ai été brûlé vif un jour, je m’en souviens... Et même une iinil, j ai lêvé que tu rentrais à la maison avec douze nègres, et tu me (Ilsms . « Je te présente mes amants... » et tu avais, pour dire cela, un sou rire d’une innocence inconcevable... Mais ce que tout à l’heure j’ai ii'vc dépasse tout ce que l’on peut imaginer.
;//la femme.//
: — Pourquoi?
;//le mari.//
:— Ah ! parce que... Parce que c’était d’une vraisemblance et o une précision épouvantables... Rien, tu comprends, rien ne faisait que c'était un rève. Cela se passait içi, les meubles étaient bien à leur place. Tu avais cette robe que tu avais à déjeuner ce matin... Et puis ... Et puis ... : Tout... tout, enfin ' Ah ' ne me trompe jamais, c’est trop triste, c’est trop laid !... Veux-tu être gentlle ? Fais-moi donner quelque chose à boire... du thé.
;//la femme.//
: — Oui, tout de suite.
://(Elle va à la porte de gauche donner un ordre Alors, il regarde à terre, voit l’œillet, le ramasse rapidement, leregarde, y pense et le jette dans la cheminée. Elle revient vers lui. Il est debout et il la prend dans ses bras.)//
;//le mari.//
: Non, jamais... Dis... Tâche de ne jamais me tromper si tu peux...
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:Mais, jamais, je te jure.
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:—Enfin... Tâche..., si tu peux...
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!^^Shakespeare
^^Hamlet - « //Être ou ne pas être// »
;Hamlet
Être ou ne pas être, telle est la question.
Y a-t-il pour l’âme plus de noblesse à endurer les coups et les revers d’une injurieuse fortune, ou s’armer contre elle pour mettre frein à une marée de douleurs ?
Mourir : Dormir; c’est tout.
Calmer enfin, dit-on, dans le sommeil les affreux battements de mon coeur.
Quelle conclusion des maux héréditaires serait plus dévotement souhaitée ?
Mourir, dormir; dormir… rêver peut-être.
C’est là le hic !
Car, échappés des liens charnels, si, dans ce sommeil du trépas, il nous vient des songes… halte-là !
Cette considération prolonge la calamité de la vie.
Car, sinon, qui supporterait du sort les soufflets et les avanies, les torts de l’oppresseur, les outrages de l’orgueilleux, les affres de l’amour dédaigné, les remises de la justice, l’insolence des gens officiels, les rebuffades que les méritants rencontrent auprès des indignes,
:alors qu’un petit coup de pointe viendrait à bout de tout cela !
!!!Ô TOI, CALEÇON DE BAIN !
:Ô toi, caleçon de bain ! Toi qui cache aux regards
:Tant de choses et de trucs et de machins blafards.
:Ô toi, gardien sacré des pudeurs vacancières !
:Avec toi on voit rien, ni devant, ni derrière.
!Ô beaux yeux bruns, ô regards détournés
/%
|Description:|Dit par Jean, 62jAtMF_Jean_LouiseLabbé.mp4|
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Ô beaux yeux bruns, ô regards détournés
Ô chauds soupirs, ô larmes épandues,
Ô noires nuits vainement attendues
Ô jours luisants vainement retournés !
Ô tristes plaints, ô désirs obstinés,
Ô temps perdu, ô peines dépendues,
Ô mille morts en mille rets tendues,
Ô pires maux contre moi destinés !
Ô ris, ô front, cheveux, bras, mains et doigts !
Ô luth plaintif, viole, archet et voix !
Tant de flambeaux pour ardre une femelle !
De toi me plains, que tant de feux portant,
En tant d'endroits d'iceux mon coeur tâtant,
N'en est sur toi volé quelque étincelle.}}}